Parsan Stefan 2D

Exercice de dissertation

Rêveries, J.J. Rousseau

Sujet : Pensez-vous que Les Rêveries de Rousseau constituent le livre d'un écrivain enfin apaisé ?

Introduction :
Considéré comme le précurseur du romantisme, Jean-Jacques Rousseau est l’un des plus célèbres écrivains et philosophes du Siècle
des Lumières. Les Rêveries du promeneur solitaire, recueil qui juxtapose dix textes appelés ‘’promenades’’, constituent l’ultime
entreprise du penseur de Genève . Cet ‘’informe journal’’ que l’auteur présente comme ‘’l’appendice de ses Confessions’’ est écrit par
lui, sur lui et pour lui-même, sans projet de publication. Ainsi, entre 1776 et 1778 Rousseau compose ses promenades en entreprenant
une nouvelle recherche ontologique dans le but de faire le bilan de sa vie , de découvrir sa véritable nature , en se détachant du
tourment causé par le complot universel dont il prétend être le martyre. Publiée à titre posthume en 1782, cette œuvre qui conjugue à la
fois autobiographie et philosophie serait restée inachevée. Est-il alors possible de considérer les Rêveries comme le livre d’un écrivain
enfin apaisé ? La recherche du calme , de la paix intérieure et du bonheur constitue le moteur du projet d’écriture de l’œuvre : dans
quelle mesure les Rêveries illustrent-elles le retour au calme et l’émancipation du complot soi-disant ourdi contre Rousseau?
Si l’écrivain prétend être libéré de toute souffrance à la fin de sa vie, un sentiment que son âme demeure malgré tout troublée se
dégage du livre.

I) La apaisement putatif et revendiqué

A) Une résignation à la solitude

Rousseau —> Prétend être victime d’un complot : ‘j’aurais aimé les hommes en dépit d’eux-mêmes’. Se présente
comme un homme bon et juste , ‘le plus sociable’ victime de ‘l’animosité’ des hommes , ‘proscrit par un accord
unanime’ : souffrance injustement imposée par les autres. Recours à l’argumentation , à la réthorique : (Ex :
Promenades 1 et 8) : Rousseau décide d’évoluer , d’une solitude subie à une solitude choisie et assumée: passage du
terme ‘seul’ à ‘solitaire’. Explique qu’en ayant été dépouillé de tout par les hommes, ils sont devenus ‘nuls’ pour lui :
Impossibilité de l’affecter , de le blesser . Incapacité de s’élancer vers le public , de revivre en société : efforts durant
de nombreuses années reconnus comme vains (Quarante premières années de sa vie) —> Acceptation de son
destin : forme de résignation qui , selon lui met fin à ‘’quinze années de souffrance’’, création d’un bouclier, d’une
protection contre la haine et l’hostilité d’autrui : accès au bonheur réside désormais dans la solitude , le repli.

B) Une relation fusionnelle avec la nature : source d’extase

Rousseau —> Incapacité de renouer avec la société : repli dans la solitude , condamné à vagabonder à errer. La
nature —> correspond parfaitement a son caractère solitaire : activités caractéristiques du solitaire : herboriser , se
promener . Sentiment de ne faire qu’un avec la nature : 2nde Promenade : après l’accident , à son réveil son sang qui
‘ruisselait’ et qui ‘remplissait de soi’ son milieu : béatitude malgré son état physique.
5ème Promenade , séjour à l’île St-Pierre , au lac de Bienne : herborisations , contemplations , sentiment d’extase et
de bien-être , insularité correspondant pleinement à son caractère solitaire.
Passages évoquant la nature caractérisés par une légèreté d’écriture , une musicalité omniprésente , termes à
connotation méliorative : écriture de la nature correspond à l’écriture du bonheur. —> Contraste avec les
promenades argumentatives.
(7ème promenade) Rousseau —> expression du désir de consacrer son existence à la réalisation d’herbiers et à la
botanique : argumentation en faveur de la botanique contre les autres sciences comme l’astrologie, l’étude des
animaux…
Évasion à travers la nature , sentiment d’isolement , de repli , d’être ‘seul sur la terre’
 C) Le projet d’écriture des Rêveries

Rêveries caractérisées par un vagabondage de l’esprit de Rousseau : revendication d’une certaine liberté dans
l’écriture d’un ‘Informe journal’
(6 ème promenade) évocation du principe de nécessité d’être libre pour être heureux , loin de la contrainte : jeu
entre poésie/musicalité de l’œuvre (ex Promenade 2,5) et argumentation (ex Promenade 1,4,8) .
Animation d’un espoir de reconsidération par les générations futures grâce à l’œuvre.
Écriture pour soi , pour connaître sa vraie nature : travail sur son âme (référence à la 3ème Promenade) : Rousseau
souhaite emporter quelque chose après sa mort et travailler , améliorer son âme par la rêverie.
Écriture du souvenir : Travail de souvenir , écriture et relecture pour prolonger son existence : Rousseau revit,
‘dédouble son existence’ en relisant ses promenades. Souvenir de moments de béatitude , d’extase (ex : Sa
renaissance après l’accident du chien de Ménilmontant : 2ème promenade , séjour sur l’île St-Pierre/ Lac de Bienne :
herborisations , contemplations de la nature 5ème promenade , 10ème promenade : souvenir de la relation amoureuse
avec Mme De Warens). Pour Rousseau , le souvenir est une source de bonheur inépuisable.
Forme d’immortalité de l’âme de l’auteur par les Rêveries.
Recherche de la réconciliation avec soi-même et de la paix intérieure avant la mort.
Les Rêveries : achèvement sur un épisode heureux : écriture de l’embellissement , plus poétique et romantique :
rupture avec les autres promenades : aucune justification (incertitude au sujet de l’achèvement de l’œuvre)

II) Mais souffrance qui tend à persister : une sérénité qui demeure fragile

A) Une proximité avec la société

Rousseau : résigné à mener une vie de solitaire dans le repli , à se circonscrire du monde des hommes : mais
-limites à cette solitude : impossibilité de se replier totalement : (présence humaine même sur l’Ile St-Pierre)
Rousseau finit sa vie à Lille (grande ville : obligation du contact humain). Refait naître le sentiment de la persécution ,
bonheur troublé par la présence d’autrui dans son milieu, malgré lui : (Explication dans la 8 ème promenade).
Sentiment de persécution s’étend au-delà du contact physique avec l’Homme—> ravivé même sans contact visuel
(Ex : rumeurs à la cour et dans Paris sur la mort de Rousseau suite à l’accident du chien de Ménilmontant) ,
sentiment d’être visé par certaines déclarations : 9 ème promenade —> évocation de d’Alambert : préconise de
lourdes sanctions contre l’abandon des enfants : (Rousseau avait abandonné ses enfants , aux ‘’Enfants-Trouvés)
impression d’être directement visé , attaqué , à nouveau persécuté
Plupart des passages qui décrivent moments de bonheur , de bien-être , d’extase (Ex : 2 ème et 5 ème promenade) :
Évocation d’un bonheur intense mais fragile car le monde des hommes n’est jamais loin : idée de fragilité du bonheur
Passages plus poétiques , romantiques toujours accompagnés d’un retour à la réalité et de la reprise d’une voix plus
argumentative , réthorique —> Impression que le malheur et les tourments de Rousseau n’auraient pas totalement
disparu mais plutôt été masqués et rejaillissent par moments
Rousseau : entreprend une écriture du souvenir heureux. Mais dans la réminiscence , on retrouve des souvenirs et
des moments plus malheureux

B) Une persécution qui perdure , devient intemporelle

Endossement du poids de la persécution de son vivant : poids intensifié par une crainte de persistance , de manière
posthume —>

‘Les particuliers meurent , mais les corps collectifs de meurent point.Les mêmes passions s’y perpétuent et leur haine
ardente , immortelle comme le démon qui l’inspire a toujours la même activité’ .

Persécuteurs de Rousseau : assureraient la continuité de leur ‘animosité’ —> transmissions aux générations futures.
Évocation de philosophes et de penseurs rivaux de son époque (Diderot , d’Alembert) —> Piliers du complot universel car
ils transmettent le savoir , la pensée à travers les époques : marque l’intemporalité de sa persécution. Allusion à un
chancelant espoir d’une reconsidération par les générations futures : montre que Rousseau n’est pas tout-à-fait apaisé
mais continue à être troublé dans son calme son bonheur intérieur.
C) Une écriture ambiguë

Expression du regret qui contraste avec les moments heureux : (Ex : Regret de ne pas avoir entrepris la composition
des Rêveries plut tôt , d’être trop âgé et d’avoir plus perdu une partie de son esprit , d’avoir ‘aimé les hommes en
dépit d’eux-mêmes’ , regret de sa séparation avec Mme De Warens : écriture élégiaque : Xème promenade) —> peut
suggérer un certain tourment qui persiste , continue à troubler l’âme de Rousseau

Une écriture plus didactique que démonstrative , plus théorique que pratique : Rousseau énonce des définitions
personnelles de règles , manières de se comporter , d’appréhender le monde et la société : il crée lui-même des
maximes (Ex : Promenade 4 dédiée à la notion de vérité et de mensonge) : mais peu de développement de ses
agissements personnels bien que certains soient citées : pourrait envoyer à son autre œuvre Rousseau , juge de Jean-
Jacques
—> rejette une impression que l’auteur , en rédigeant son œuvre ,cherche à se convaincre et à se conforter dans sa
solitude assumée ,d’avoir bien agi d’avoir fait les meilleurs choix , et que les autres hommes étaient en tort. : fait
naître une incertitude chez le lecteur quand à l’apaisement de l’auteur.