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L'Homme

L'Anthropologie de la maladie
Marc Augé

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Augé Marc. L'Anthropologie de la maladie. In: L'Homme, 1986, tome 26 n°97-98. L'anthropologie : état des lieux. pp. 81-90;

doi : https://doi.org/10.3406/hom.1986.368675

https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1986_num_26_97_368675

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M AR C A U GE

L’Anthropologie de la maladie

Marc AUGE, L’Anthropologie de la maladie. — L’étude des systèmes d'inter-


prétation de la maladie devrait éclairer le débat toujours réouvert depuis Lévy-
Bruhl sur la rationalité des croyances « primitives ». Si l’anthropologie dite
médicale ne remplit pas ce rôle, la faute en est à son penchant pour les
schémas diffusionnistes et le recours aux typologies. Or les représentations de
la maladie, parce qu’elles procèdent toutes d’un certain sens de l’observation et
de l’expérience du corps, devraient aider à comprendre comment les systèmes
nosologiques les plus divers peuvent s’appréhender comme des combinaisons
singulières d’éléments universels.

Si je préfère parler d' « anthropologie de la maladie » plutôt que d’«


anthropologie médicale » (expression américaine la plus usuelle) c'est
pour deux ordres de raisons.
En premier lieu je pense qu'il n’y a qu'une anthropologie qui se donne
des objets empiriques distincts (la maladie, la religion, la parenté, etc.) sans
se diviser pour autant en sous-disciplines. Il n'est pas sûr que l’ensemble de
ces « objets empiriques distincts », de ces objets d'observation, ne
constituent pas dans le regard de l'anthropologue, au terme de son effort de
construction, un objet unique d'analyse. Quelle est alors la nature de cette
unicité ? C'est toute la question, et l'anthropologie de la maladie peut nous
aider à y répondre.
En second lieu le terme « medical anthropoiogy », dans l’usage qu'en
font les chercheurs américains, a surtout un intérêt en quelque sorte
administratif et stratégique : il s'agit de rassembler sous une même éti-
quette (pour faire masse, ce qui peut avoir de l’intérêt quand on veut obtenir
des crédits) des recherches aux finalités intellectuelles différentes qui n'ont
en commun que leur objet empirique d’occasion, à condition de définir
celui-ci de façon assez lâche : l’épidémiologie, l'étude des soins délivrés en
institution (« health care delivery Systems »), les recherches sur les

L’Homme 97-98, janvrjuin 1986, X X V I (1-2), pp. 81-90.

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problèmes de santé et T ethnomédecine sont ainsi présentées comme les


quatre grandes parties de l'anthropologie médicale elle-même conçue
comme une subdivision spécifique de l'anthropologie en général (Genest
1978 ; Colson & Salby 1974 ; Fabrega 1971).
Au lieu de penser à bâtir une discipline ou une sous-discipline nouvelle
il me paraît important de voir sur quels points l'étude anthropologique de la
maladie peut affiner ou renouveler la problématique anthropologique. Elle
le peut, à mon sens, pour deux raisons essentielles : il 11'y a pas de société
où la maladie n’ait une dimension sociale et, de ce point de vue, la maladie,
qui est aussi la plus intime et la plus individuelle des réalités, nous fournit
un exemple concret de liaison intellectuelle entre perception individuelle et
symbolique sociale ; quant à la perception de la maladie et de sa guérison
elle ne peut se satisfaire ni d'un recours arbitraire à l’imagination ni d'une
simple cohérence intellectuelle ou d’un effet de représentation : elle est
ancrée dans la réalité du corps souffrant. Il y a donc lieu d’espérer que
l’étude des systèmes d’interprétation de la maladie puisse éclairer le débat
toujours réouvert depuis Lévy-Brulil sur la rationalité des croyances dites
primitives et sur l’interprétation qui peut être donnée de celle-ci : «
intellectualiste » et « littérale » ou « symboliste », ou encore radicalement «
relativiste » (Skorupski 1976).
Si l’anthropologie dite médicale n’a pas jusqu’à présent, à mon sens,
aidé à la réalisation de ce programme c’est vraisemblablement à cause de sa
relative faiblesse théorique, imputable à ce que j’appellerais volontiers
l’illusion disciplinaire : si nouvelle discipline il y a (en l’occurrence «
anthropologie médicale ») les vieux débats peuvent repartir à zéro et Lévy-
Bruhl retrouver une nouvelle jeunesse. Grossièrement résumée, la situation
est à peu près la suivante : d’un côté (et plus précisément en Angleterre) les
théoriciens en philosophie des sciences sociales s’interrogent par exemple
sur la manière de comprendre les « religious world-views » d’une culture
donnée, ceux qui s’inspirent de Wittgenstein allant jusqu’à douter de la
possibilité de toute traduction d’un « language game » ou d’une « form of
life » dans l’autre. De l’autre côté (majoritairement aux États-Unis) les
spécialistes de l’anthropologie médicale, plus ou moins inspirés par l’idéo-
logie du « grand partage », la « we/they division » dont Jack Goody
constatait encore en 1977 la prégnance, privilégient les schémas diffusion-
nistes et les typologies tranchées. Ils évacuent du même coup tout problème
proprement théorique.
George M. Foster (1976) me paraît un exemple particulièrement net à
cet égard. On peut dire que pour lui toute dimension sociale est étiologique
et toute étiologie sociale magique ; c’est le sens de la distinction qu’il établit
entre « personalistic medical Systems » (i.e. ceux où la maladie est
attribuée à l’intervention délibérée d’un agent humain ou non humain) et
les « naturalisée medical Systems » (ceux où la maladie serait attribuée à
l’action de forces ou d’éléments naturels). Alors que les systèmes du second
type caractériseraient la tradition nosologique de la Chine, de l’Inde, de la
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Grèce et de Rome, ceux du premier type seraient particulièrement attestés


en Afrique. Murdock (1980) organisera pour sa part de façon plus
minutieuse et documentée mais selon les mêmes principes sa présentation
des théories de la maladie en distinguant cinq types de causalité « naturelle
» et treize types de causalité « surnaturelle ». Aucun d’eux ne prête
attention au fait que dans les systèmes africains, où la cause du mal est
souvent en effet identifiée à l’action d’un agent extérieur, la maladie elle-
même est présentée comme une rupture d’équilibre (entre instances
psychiques, entre humeurs du corps ou qualités comme le chaud et le froid)
exactement comme dans les systèmes jugés par eux « naturalisée ».
Meilleur connaisseur des faits amérindiens, Foster (1953) ne s'était déjà
pourtant intéressé, il est vrai, qu’à l’influence qu’aurait exercée sur eux la
diffusion par l’Espagne du modèle indo-européen relayé par les Arabes.
Michael H. Logan (1977) s’empresse de la même façon de recourir au
schéma difïusionniste pour refuser aux civilisations indiennes l’originalité
et la propriété de leur recours à la médecine des humeurs et à la théorie du
chaud et du froid, malgré la démonstration faite par Redfield dès 1941 de
l’antériorité du système d’opposition chaud/froid à la venue des
conquérants espagnols.
Toutes ces approximations ou simplifications me paraissent relever
d’une conception dualiste ethnocentrée selon laquelle il y aurait dans les
systèmes indigènes étudiés par l’ethnologie un secteur virtuellement
empirico-rationnel et un secteur irréductiblement magique. Turner (1968)
lui-même suggérait que les Ndembu utilisaient certains médicaments parce
qu’ils étaient « objectivement efficaces » (ne pensaient-ils pas guérir
lorsqu’ils utilisaient les autres ?) et tout un débat portant sur les propor-
tions respectives du rationnel et de l'irrationnel dans les médecines
primitives n’a cessé de renaître en anthropologie depuis l’article consacré à
ce sujet par Ackerknecht en 1946. Ce débat introduit en fait (de façon
parfois voilée) une discussion à plusieurs volets. On peut privilégier le point
de vue de la vérité et considérer que certains systèmes sont inférieurs à
d’autres en ce qu’ils ne maîtrisent traditionnellement qu’une part infime du
savoir thérapeutique. On peut encore, dans une perspective combinant
l’intellectualisme et un certain relativisme, estimer que le passage à la magie
ou à la religion correspond à un élargissement du contexte causal, comme
dans la science moderne la théorie fournit un contexte causal plus large que
celui du sens commun (Horton 1967). On peut enfin douter que la coupure
nature/surnature soit une donnée explicite des systèmes nosologiques
étudiés par l’anthropologue et estimer
que celui-ci la projette sur une réalité qu'il traduit mal et dont il ignore le
caractère unitaire. La question se pose donc de savoir si l'on privilégie du
même coup une conception résolument relativiste du sens. J’essaierai
d’entrer dans cette discussion en évoquant complémentairement la question
de l’homogénéité des systèmes de sens et de savoir, la question de la
rationalité et celle de l’efficacité.
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Commençons par les rapports entre sens et savoir. Toutes les sociétés
ont eu besoin de sens, et Claude Lévi-Strauss (1950) a rappelé justement
dans son « Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss » que, dès que sont
apparus conscience et langage, il a fallu que l’univers signifiât. Cette
nécessité immédiate du sens est évidemment incompatible avec la consti-
tution lente et progressive du savoir ; mais c’est la même raison humaine
qui est à l’œuvre dans l’observation de la nature, l’élaboration des tech-
niques, l’interprétation des aléas du corps individuel ou l’organisation des
rapports sociaux. Il n’est donc pas contradictoire que des acquisitions «
primitives » dont la rationalité et l’efficacité sont reconnues par les
spécialistes de la culture scientifique occidentale (notamment dans le
domaine de la domestication de la nature) s’insèrent dans un ensemble de
représentations dont ces mêmes spécialistes peuvent contester la vérité
même s’ils lui reconnaissent une cohérence formelle. Cette coupure (entre
l'empirico-rationnel et le symbolique pur) naît de l'observation scientifique
occidentale ; mais elle n’est pas le fait des cultures païennes ; celles- ci ne
distinguent pas un domaine qui serait accessible au savoir et un domaine
qui ne serait accessible qu’à la foi. On peut dire au contraire simultanément
à leur propos que les acquis de l’expérience s’insèrent dans la logique
symbolique et que la logique symbolique ne contredit jamais l’expérience et
même se fonde partiellement sur elle. Or ce double caractère n’est jamais si
apparent qu’à propos des problèmes que toutes les sociétés ont à résoudre
et à conceptualiser, indépendamment de leurs acquis scientifiques : le
rapport de soi à soi (qui inclut le rapport au corps), le rapport aux autres
(qui l’inclut aussi) et, plus largement, le rapport à l’ordre social et au
pouvoir. Ces trois rapports indissociables et complémentaires sont
irréductibles à toute définition exclusivement scientifique. C’est sans doute
la raison pour laquelle ils peuvent se formuler en termes homologues dans
des sociétés très différentes.
Si l’on en revient à l’ensemble des représentations nosologiques à
l’œuvre, par exemple, dans une société lignagère africaine on se rend
aisément compte d’une part que les raisonnements généraux en termes de «
vision du monde » simplifient à l’excès une réalité complexe, d’autre part
que la nature diverse des types d’expérience à l’origine des différents
paradigmes constitutifs de la nosologie et des différents énoncés qui en
procèdent oblige à nuancer sensiblement l'analyse de leur homogénéité tout
en permettant de mieux les comprendre en termes de rationalité et
d'efficacité.
Nicole Sindzingre (1983) a bien montré comment en milieu senufo la
logique du diagnostic et celle de la thérapie, sans être jamais contradic-
toires, ne s’impliquaient pas nécessairement ; cette dualité s’exprime, au
niveau institutionnel, dans le fait que certains spécialistes du diagnostic ne
soignent pas, ou que certains thérapeutes ne s’occupent pas de diagnostic,
et que le recours à certains thérapeutes spécialisés présuppose un
diagnostic qui peut être le fait du malade lui-même ou de son entourage;
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J'ai essayé pour ma part de distinguer deux procédures thérapeutiques


types chez les populations guin ou mina du Sud Togo, l’une qui, passant
par; la divination (fa), aboutit à l’identification d’un vodü considéré comme
le responsable de la maladie puis à un traitement par les plantes relevant de
ee vodü, l’autre qui, passant par l’analyse du symptôme, aboutit à un
traitement par les plantes puis à des sacrifices au vodü dont ces plantes
relèvent. Le principe, de cohérence est alors dans la mise en rapport
systématique du panthéon et de la pharmacopée, qui laisse elle- même
percevoir des recouvrements et un certain « jeu » dans les options
intellectuelles possibles. Ce modèle de cohérence virtuelle se distingue du
type idéal d’une cohérence fermée pour lequel le symptôme renvoie à un
désordre social dont l’élimination rétablit la santé individuelle. Il est
également possible de mettre en évidence (j’essaie de le faire chez certains
guérisseurs ivoiriens du sud de la Côte d’ivoire) les séries paradigmatiques
que constituent le classement des maladies (chez tous les guérisseurs
existent des nomenclatures descriptives), l’inventaire des plantes (le milieu
végétal ambiant est toujours très bien connu), la liste des remèdes qui les
associent sous diverses formes et enfin la description des perturbations
sociales dangereuses (état de tension, malédiction, agression en sorcellerie,
attaques des ancêtres, etc.). Ces séries sont bien évidemment mises en
rapport dans les processus de diagnostic et de thérapie. Mais il faut
remarquer que ce rapport ne définit pas un ensemble de correspondances
mécaniques terme à terme ; si la liste des plantes et des préparations est
précise et les prescriptions claires a priori (à tel mal tel remède), certaines
préparations sont dites d’intérêt général et indiquées pour toute une série
de maux ; si la liste des symptômes semble le produit d’observations
récurrentes précises, il reste que plusieurs symptômes sont présentés
comme ayant a priori plusieurs causes possibles et que d’autres sont
difficiles à reconnaître ; enfin certains états psychologiques (l'état de
tension et le sentiment de la rancune, par exemple) ou certains comporte-
ments (la transgression d’interdits) sont censés créer un état de vulnéra-
bilité à toutes sortes d'influences et d’agressions. Gomme en outre aucune
explication n’est a priori exclusive d’une autre, on voit qu’à l'homogénéité
très relative de chaque série et, a fortiori, de l’ensemble qu’elles constituent
correspondent des possibilités d'interprétation multiples, nullement
mécanistes et dépendant des circonstances, des rapports de force et de
l’identité sociale des partenaires en présence.
Non complètement homogène, l'ensemble des représentations de la
maladie et de la thérapie n’est pas non plus autonome, non seulement du
fait de ses prolongements sociaux, que je viens de mentionner, mais égale-
ment du fait de sa dimension expérimentale et des théories du corps et de la
personne auquel il s’intégre lui-même. Les travaux de Françoise Héritier
(1978) ont montré que les représentations de la stérilité, par exemple,
mettaient en jeu un système d’oppositions binaires (chaud et froid, sec et
humide, masculin et féminin, etc.) qui prend tout son sens lorsqu’on le voit
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à l’œuvre à différents niveaux d'interprétation de la réalité (le corps humain


mais aussi bien le corps de la terre, la météorologie, la règle sociale et
l'ordre politique). Ainsi l’interprétation de la maladie perd en spécificité ce
qu’elle gagne en cohérence. Et cette cohérence n’est pas si purement
formelle qu’elle ne repose en partie sur une représentation précise du corps,
comme nous le montrent les travaux consacrés aux Dogon (Calame-Griaule
1965) ou aux Ewe (Pazzi 1976), et du psychisme, comme l'illustrent
notamment les travaux consacrés aux peuples akan (Debrunner 1959 ; Augé
1975).
Quant à ces représentations elles-mêmes, aux théories concernant la
nature et la transmission des fluides qui font la matière et la force du corps
et du psychisme, il faut remarquer d’une part qu'elles témoignent toujours
d’un sens certain de l’observation, d'autre part que leur armature biologique
fournit les éléments d’un langage à vocation universelle : c'est le corps qui
permet d'expérimenter les vertus contraires du sec et de l’humide, du chaud
et du froid, d’apprécier la couleur et la consistance différentes du sang et de
la lymphe, du sperme et du lait, les transformations subies au cours du
transit intestinal par les aliments ingérés, d’opposer le sang des hommes à
celui des femmes, etc.
Universalité des éléments, singularité culturelle de leur association :
ainsi se mettent en place des nosologies qui s’évoquent les unes les autres et
qui ont chacune leur cohérence logique particulière. Ackerknecht avait
raison d’inviter ses collègues à ne pas confondre pour autant logique,
rationalité et efficacité. Cohérentes et logiques, ces nosologies le sont
assurément, au point, du fait de leurs articulations souples, de pouvoir tout
expliquer ; mais, si elles sont en quelque mesure fondées en nature, s’il n’est
donc pas exclu que quelque initiative individuelle leur incorpore un jour ou
l’autre un nouvel élément d'observation, elles ne laissent guère de place à
l’expérimentation : elles sont le moyen, non l'objet de l’interprétation. Et si
elles sont éventuellement accueillantes aux nouveaux remèdes (notamment
à ceux des Blancs) c’est sur le mode cumulatif, à la façon dont les panthéons
païens sont toujours prêts à s'agrandir.
Il reste néanmoins que si l’on prend en considération les recherches les
plus récentes en neurobiologie et en endocrinologie (Bibeau 1983) on
comprend pourquoi, tant dans l’explication de certaines maladies et de là
mort que dans l’action curative, les conceptions traditionnelles, dans leur
langage propre, ont pu formuler des vérités ou obtenir des résultats. On doit
admettre du même coup que des thérapeutes puissent avoir le sentiment
que leurs techniques sont vérifiées par l’expérience, même si ce sentiment
est renforcé par le fait qu’ils ne tiennent généralement pas compte de leurs
échecs.

La nosologie — en tout cas telle qu’elle se présente dans les systèmes


lignagers africains — est donc simultanément une rhétorique et une
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sémantique, une syntaxe et une pratique. Il n’est pas possible d’y distinguer
un niveau qui serait celui de la langue d'un niveau qui serait celui des
discours utilisant ou actualisant cette langue (Terray 1978). Tout au plus
peut-on la réduire, en déconstruisant ses énoncés, à la matérialité des
éléments qui la constituent, la matérialité même du corps. Celle-ci garantit
en quelque sorte la possibilité de mettre sans arbitraire en perspective les
systèmes nosologiques les plus divers dans le monde. De ce point de vue les
analogies sont plus frappantes que les différences. Mais en même temps,
dans chaque culture particulière, cette matérialité est déjà prise dans l’ordre
symbolique du social qui donne à chaque corps sa place et son statut.
L'anthropologie de la maladie éclaire ainsi d'un jour particulier les deux
thèmes de la réflexion anthropologique qui font peut-être tout son objet : la
prétention de toute pratique culturelle à se fonder en nature (qui définit
l’idéologie) et le langage universel de toute pratique singulière, à partir
duquel peut aussi bien se formuler le rapport individu/société que
s’esquisser la comparaison entre sociétés.
École des hautes Études en
Sciences sociales, Paris
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