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NTIC et Environnement : Enjeux, Risques et Opportunités

Article  in  Futuribles · January 2002

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3 authors, including:

Sylvie Faucheux Olivier Petit


INSEEC U Université d'Artois
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CENTRE D’ECONOMIE ET D’ETHIQUE POUR L’ENVIRONNEMENT ET LE D EVELOPPEMENT

CAHIERS DU C3ED

NTIC et Environnement :
Enjeux, Risques et Opportunités

Sylvie Faucheux, Christelle Hue et Olivier Petit

Cahier n°01-03
Octobre 2001

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines


47 bd Vauban, 78047 GUYANCOURT Cedex France
Tel : 01 39 25 53 75 Fax : 01 39 25 53 00
Email : Secretariat@c3ed.uvsq.fr
Internet : http://www.c3ed.uvsq.fr
NTIC et environnement :
Enjeux, risques et opportunités1

Sylvie Faucheux , Christelle Hue et Olivier Petit

Sylvie Faucheux, Professeur de sciences économiques, directrice du C3ED ; Christelle Hue, Ingénieur de
recherche en sciences économiques au C3ED ; Olivier Petit, ATER à l’Université d’Angers et doctorant
au C3ED, Centre d'Economie et d'Ethique pour l'Environnement et le Développement (C3ED), Université
de Versailles – Saint Quentin en Yvelines, 47 boulevard Vauban, 78047 Guyancourt cedex, Tel : 33 (0)1
39 25 53 75 ; Fax : 33 (0)1 39 25 53 00 ; E-Mail : Sylvie.Faucheux@c3ed.uvsq.fr

1
Ce cahier s’appuie en partie sur la recherche : « Analyse et prise en compte de la mondialisation des ressources et de la
globalisation des rejets dans une stratégie de recherche technologique », réalisée par le C3ED, S. Faucheux, C. Hue, P. Méral,
I. Nicolaï, O. Petit, 2000, pour le Ministère de l’Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie, Direction de la
Technologie.

Cahier du C3ED 2
Résumé :

Comment assurer que l’économie puisse se développer sans une détérioration environnementale
proportionnelle et en recevant une acceptabilité sociale ? Beaucoup considèrent qu’une partie de
la réponse à cette question est liée à la propagation des nouvelles technologies de l’information
et de la communication (NTIC). C’est cette problématique que nous analysons dans ce cahier.

Dans la première section, nous discutons l’hypothèse selon laquelle les NTIC sont susceptibles
de favoriser le processus de dématérialisation par le changement structurel de l’économie. La
seconde section analyse la façon dont les NTIC sont à la base d’innovations technologiques
favorables à l’environnement. Dans la troisième section nous expliquons, comment et dans
quelles conditions, les NTIC peuvent aider à gérer l’usage conflictuel des ressources naturelles
dans le cadre d’une gouvernance concertative.

Abstract :

How can we be certain that the economy will develop without proportional environmental
deterioration and, at the same time, be acceptable to the public? Many people think that the
reply to this question is linked, at least partly, to the spread of the new information and
communication technologies (NICTs). We will analyse this central problematic in this paper.

In the first section, we will discuss the hypothesis according to which the NICTs are likely to
encourage the process of dematerialization by structural changes in the economy. In the
second section, we will analyze the way in which the NICTs are the basis of environmentally-
friendly technological innovations. In the third section we will explain how and in what
conditions the NICTs can be used to assist in managing the use of natural resources in a
situation of conflict within a concertative governance framework.

Mots-clés : NTIC, environnement, innovation technologique, gouvernance, prospective.

Keywords : NICTs, environment, technological innovation, governance, foresight.

Cahier du C3ED 3
Introduction
Comment assurer que l’économie puisse se développer sans une détérioration environnementale
proportionnelle et en recevant une acceptabilité sociale ?

Beaucoup considèrent qu’une partie de la réponse à cette question est liée à la propagation des
nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) pour deux raisons principales.

♦ Premièrement, les entreprises offrant de telles technologies sont désormais des moteurs essentiels
de la croissance économique, et leur valeur ajoutée réside dans la manipulation d’idées et non
d’énergie et de matières.

♦ Deuxièmement, ces technologies sont en train de reformuler l’équation de productivité nationale


permettant de nettes augmentations de l’efficacité avec laquelle les matières et l’énergie sont
utilisées (Kelly, 1999). Selon cette optique, le développement des NTIC serait le catalyseur de la
« dématérialisation » 2 .

Dans ce contexte, la problématique de ce papier se noue autour des quatre questions suivantes :

(i) Quel est le potentiel des NTIC à mettre en œuvre des politiques d’environnement ?

(ii) Comment les effets positifs de ces technologies sur l’environnement peuvent-ils être
maximisés et organisés dans cette perspective ?

(iii) Comment les effets potentiellement négatifs de ces technologies sur l’environnement peuvent-
ils être identifiés et minimisés ?

(iv) Quels sont les champs stratégiques porteurs en termes de compétitivité à l’interface des NTIC
et de l’environnement ?

Dans la première section, nous discutons l’hypothèse selon laquelle les NTIC sont susceptibles de
favoriser le processus de dématérialisation par le changement structurel de l’économie. La seconde
section analyse la façon dont les NTIC sont à la base d’innovations technologiques favorables à
l’environnement. Dans la troisième section nous expliquons, comment et dans quelles conditions, les
NTIC peuvent aider à gérer l’usage conflictuel des ressources naturelles dans le cadre d’une
gouvernance concertative.

2
La plupart des problèmes environnementaux ont comme source un flux matériel et/ou énergétique issu d’une ressource
naturelle. A titre d’illustration, la production et la consommation d’énergie fossile sont responsables de la plus grande
fraction des émissions, elles-mêmes, responsables de la pollution atmosphérique urbaine et de l’essentiel des gaz à effet de
serre. La dématérialisation vise la réduction de ces flux afin de limiter l’impact négatif sur l’environnement, tout en limitant
l’usage des ressources naturelles. (Haake, 2000).

Cahier du C3ED 4
1. Vers une substitution du capital immatériel au capital
matériel ?

Le développement des NTIC repose sur un fort contenu en connaissance et sur la conversion d’atomes
en bits. Ce sont les sources de la « nouvelle économie » ou encore de ce que l’on qualifie
d’ « économie de la connaissance ». Autrement dit, il repose sur le « capital immatériel ». En ce sens,
la mise en œuvre des politiques environnementales serait favorisée au fur et à mesure que le capital
immatériel prendrait le primat sur le capital matériel classique. L’argument de dématérialisation
structurelle due au développement des NTIC est avancé dans nombre d’études américaines (Romm et
al., 1999). Il fait pourtant l’objet de vifs débats. Ces derniers sont analysés dans cette section en
traitant respectivement des domaines pour lesquels il existe un consensus sur l’influence positive des
NTIC sur la dématérialisation de l’économie et de ceux sujets à controverses.

1.1. La faible matérialité des NTIC et de leur usage : des domaines


faisant l’objet d’un certain consensus

Le remplacement des technologies traditionnelles par des TIC permet des réductions de la quantité de
ressources physiques consommée pour la fabrication des biens. Les produits deviennent ainsi plus
légers et plus petits en substituant, par exemple, des composants électroniques aux composants
mécaniques. Le logiciel s’inscrit dans cette perspective. Le Forrester Research prévoit que bientôt la
moitié de tous les logiciels distribués par Microsoft, Netscape, et Oracle seront présents sur Internet
(Erwin et al, 1999). International Data Corporation projette qu'en 2003, 33 milliards de dollars de
logiciels seront vendus sur Internet.

La musique offre également un exemple représentatif de la manière dont les NTIC peuvent
promouvoir la dématérialisation. Selon Cohen (1999), « dans la prochaine décennie, les disques
compacts connaîtront probablement un sort comparable à celui des disques vinyles. Ils seront peu à
peu remplacés par de la musique stockée et transmise électroniquement sur le Web ». De nombreux
programmes ont été développés pour encoder digitalement la musique, le format le plus connu étant le
format MP3 (abréviation pour l’acronyme du logiciel MPEG-1, Layer 3). Il est possible, pour
quiconque ayant accès à une connexion Internet rapide, de charger, gratuitement et en quelques
minutes, des fichiers MP3, le logiciel pour les jouer, et le programme nécessaire pour convertir la
musique des CD en format MP3.

Cahier du C3ED 5
La fabrication traditionnelle de films nécessite des produits chimiques de développement et de papier
photographique constituant une source importante d’émissions toxiques telles que le chlorure de
méthylène, le méthanol, l’acétone, le toluène, l’acier chromé, le sélénium et le méthyléthylcétone
(EPA, 1994). Or, les appareils photos digitaux enregistrent et stockent les images électroniquement,
sous format informatique tels que JPEG ou GIF, plutôt que chimiquement sur papier. Dans ces
conditions, on peut penser avec Cohen (1999) que « la photographie digitale évite les principaux
impacts environnementaux liés à la fabrication des films et au développement des photos ».

Approximativement 470 000 tonnes d’annuaires téléphoniques sont jetés chaque année. En 2000 seuls
10% étaient recyclés. Les principales fonctions de l’annuaire téléphonique, à savoir le stockage et la
récupération des données, sont remplies plus efficacement en ligne que sur papier. De plus, les
versions électroniques peuvent être continuellement actualisées. Les annuaires téléphoniques en ligne
offrent des capacités de recherches variées et ne nécessitent ni encre, ni papier, ni véhicule de
livraison. Progressivement, Internet remplace une grande variété de matériaux imprimés : magazines
et journaux, livres et revues, dictionnaires et encyclopédies. De nombreux produits autonomes ont été
conçus afin que ces textes électroniques puissent être transportables et lus de façon confortable. Dans
un futur proche, le chargement de toute une liste de livres dans un appareil de la taille d’un livre de
poche semble envisageable. Certains auteurs proposent aussi de publier des livres sur demande. Les
consommateurs pourront lire électroniquement tout ou une partie d’un texte et ensuite acheter le livre
à un éditeur imprimant à la demande. Cela réduirait les déchets générés par des achats superflus, ainsi
que les déchets des surplus et le besoin d’espaces de stockage. Selon une étude, datant de 1998 sur
Amazon.com réalisée par J.L. Kellogg Graduate School of Management of Northwestern University,
le ratio de la consommation d'énergie des locaux commerciaux par livre vendu par des magasins
traditionnels versus des magasins en ligne est évalué de 16 à 1.

De plus en plus d’opérations bancaires quotidiennes peuvent être réalisées via Internet, réduisant ainsi
le volume des frais de papier envoyé aux clients et les impacts environnementaux associés à la
production, à l’impression et au transport de papier. Selon la firme Find/SVP, 16 millions de ménages
américains ont d’ores et déjà leur banque en ligne. Si cette tendance se poursuit, le besoin de structure
physique pour héberger les banques diminuera, permettant aux institutions bancaires de réduire ou
d’éliminer si possible leurs agences et donc l’occupation des sols.

Les entreprises investissent beaucoup dans la conception de l'emballage, qui outre la protection du
produit, a pour fonction d'attirer l'attention et d'aiguiser l'appétit des consommateurs. Or, les coûts
environnementaux de l'emballage sont énormes. Aux Etats-Unis l'emballage représente un tiers des
déchets solides municipaux générés par les consommateurs. Même si toute cette matière était recyclée,
l'énergie et le travail nécessaires à la collecte, au tri et au traitement constitueraient une dépense
municipale énorme. De plus, certains emballages contiennent des encres et colorants toxiques rendant

Cahier du C3ED 6
le recyclage coûteux, voire impossible. Pour les entreprises proposant des services de commerce
électronique, la réduction de la quantité de matières utilisées pour emballer les produits peut s'avérer
un sérieux avantage.

Une autre source non négligeable de dématérialisation offerte par les NTIC réside dans l’accélération
qu’elles peuvent offrir dans la substitution des services aux produits (Kuntze, 1998 ; Williams, 1998).
Il s'agit de remplacer la vente des produits par la vente des fonctions d’un produit. Autrement dit, cela
ne concerne pas la vente de droits de propriété, mais la vente de droits d’utilisation et de résultats
fournis par un produit. Pour de nombreux biens, les consommateurs ne sont pas consommateurs au
sens littéral. Ils ne consomment pas des réfrigérateurs ou des ordinateurs, mais ils extraient plutôt la
valeur fonctionnelle du service de réfrigération et du traitement de l’information qu’offrent de tels
biens. Le remplacement d’un bien par un service est souvent accompagné d’une baisse de la
consommation de matière et d’énergie d’une part et de gains économiques d’autre part. En d’autres
termes, cette substitution peut être à l'origine d’un double dividende. Le partage des produits (le
« sharing » en anglais) augmente l’intensité de l’utilisation et peut donc se révéler intéressant pour
l’automobile, les produits ménagers (machine à laver, lave vaisselle, etc...) ou les outils de bricolage.
Les alternatives à la vente d’un produit comme la location et le crédit-bail sont en plein essor. Un
exemple est la location de téléphones. Le crédit-bail de textiles s’avère aussi une stratégie qui devient
la norme pour les uniformes et les vêtements professionnels, le linge d’hôtel, les textiles d’hôpitaux
(même dans les salles d’opération stériles) et les serviettes de toilette. Ces formes d’innovations sont
souvent plus difficiles à réaliser que les innovations technologiques standards dans la mesure où elles
impliquent un système d’organisation particulièrement performant (par exemple dans les opérations de
« partage ») et une plus grande écoute de l’offre aux besoins personnalisés des consommateurs. Or, les
NTIC ont, dans les deux cas, un rôle primordial à jouer. Dans le premier, les technologies de
l’information et de la communication sont de plus en plus aptes à gérer des systèmes organisationnels
complexes, notamment pour être « just in time » et « just enough ». Dans le second cas, elles
permettent à chaque consommateur potentiel de services de formaliser ses besoins d’usage et d’offrir
un service personnalisé pour obéir également au concept de « just for you ». Une étude de l’IPTS de la
Commission Européenne estimait qu’en 1998 le marché total pour les services de ce type dans l’Union
Européenne s’élevait à 700-800 milliards d’euros (IPTS, 1999). Toutefois ce marché est encore
apparemment plus faible qu’au Japon, où depuis 1991, une politique très incitative de remplacement
des produits par les services a été menée en favorisant une R&D financée conjointement par le
gouvernement et l’industrie. Quant aux Etats-Unis, ils font aujourd’hui figure de leader dans ce
domaine et commencent à pénétrer le marché européen dont le potentiel est élevé. Le développement
aux Etats-Unis a été favorisé à la fois par la recherche publique de base et par de grands groupes
multinationaux tels que General Electric Medical Systems qui a démarré une phase pilote de ce type
en 1989, ou plus récemment par IBM, annonçant son Global Asset Recovery Program en 1998, ou

Cahier du C3ED 7
encore par Dupont. Les études de prospective dans ce domaine considèrent que ce marché devrait
connaître un véritable décollage à partir de 2010 (Stahel, 1998).

1.2. Des impacts largement controversés

Les exercices de prospective technologique américains affichent un optimisme plus grand que les
travaux européens sur la faible consommation d'énergie et de matière par les NTIC et leur usage. Or, il
existe un biais dans l’analyse de la « dématérialisation » de l’économie américaine. En effet, les Etats-
Unis n’ont pas développé de grands programmes d’économie d’énergie dans les années 1970,
contrairement à l’Europe et au Japon. Dans ces conditions, ce pays bénéficie aujourd’hui d’un
potentiel d’économie d’énergie considérable qu’il commence à explorer depuis les accords de Kyoto
sur le changement climatique. L’amélioration de l’indicateur d’intensité énergétique, dont il est
souvent question dans les études américaines, ne traduit pas nécessairement le passage vers une
nouvelle économie fondée sur les NTIC moins consommatrices d’énergie et de matière. Il reflète
davantage la mise en œuvre de programmes d’économie d’énergie traditionnelle. Il faut donc être
vigilant et éviter une analyse trop hâtive.

La croissance des équipements de l'information et de la communication a été si rapide que leur


production et leur utilisation deviennent elles-mêmes des sources importantes de pollution. En mai
1999, le magazine Forbes publiait un article affirmant qu'Internet était désormais un consommateur
important d'énergie. L’argument avancé est la grande quantité d'électricité nécessaire au
fonctionnement des ordinateurs et des autres équipements utiles à l'économie d'Internet. Même si
certains considèrent que les chiffres figurant dans l’article du magazine Forbes sont disproportionnés,
il est cependant indéniable que les TIC deviennent progressivement une source essentielle de la
croissance de la demande d'électricité dans les immeubles commerciaux. De plus, la fabrication des
semi-conducteurs nécessite encore de nombreux solvants et produits chimiques pouvant contaminer
l'environnement, bien que l'industrie ait déjà réalisé d'importants efforts en éliminant, par exemple, les
hydrofluorocarbones (HFCs) et les perfluorolcarbones (PFCs) qui sont de puissants gaz à effet de serre
et parmi les responsables de la diminution de la couche d’ozone 3 .

Pendant des décennies, nombre de travaux prédisaient qu'avec l'ordinateur personnel surviendrait l'ère
du « bureau sans papier ». Or, les livraisons américaines de papier de bureau ont en réalité augmenté
de 33% entre 1986 et 1997 et de plus de 50% de 1980 à 1998 (Watson, 1999), évolution à peu près
proportionnelle à celle du PIB. Cela est d’autant plus regrettable que la fabrication de papier est l'une
des industries les plus consommatrices en énergie et en matière.

3
EPA, http://www.epa.gov/outreach/ghginfo/topic8.htm

Cahier du C3ED 8
Certains avancent l’idée du découplage de la croissance de l’économie et de celle des transports à
travers l’usage de l’Internet et de l’Intranet. Sur cet aspect, des arguments en faveur et en défaveur de
la dématérialisation sont avancés. Nous en donnons ci-dessous quelques-uns. D’un côté, Internet
permet d'envisager une réduction de l'intensité énergétique et matérielle dans les transports : (i) en
remplaçant des navettes par des télénavettes ; (ii) en substituant des téléachats aux achats ; (iii) en
favorisant les téléconférences au détriment des déplacements en avion ; (iv) en permettant la
transmission digitale ou l'e-matérialisation d'une variété de biens transportés aujourd'hui par camion,
train ou avion, y compris les matériaux autrefois imprimés, logiciels, films, etc… ; (v) en augmentant
l'utilisation de la capacité du système global de transport ; (vi) en rendant disponibles des informations
et en facilitant les transactions ; (vii) en développant le télétravail et la téléprésence en général. D'un
autre côté, Internet peut entraîner une augmentation de l'intensité énergétique et matérielle: (i) en
élevant le nombre de livraisons des produits par des moyens inefficients y compris la livraison par
avion et /ou camion ; (ii) en accroissant les achats en général, la globalisation favorisée par Internet
rendant plus facile l'achat d'objets à très grande distance ; (iii) en démultipliant les voyages d'agrément
et d'affaires, les individus du monde entier cherchant à se rencontrer physiquement après avoir fait
connaissance sur Internet.

Les impacts directs d’Internet sur les transports s’avèrent donc difficiles à prévoir du fait de l'existence
de nombreux facteurs de complexité. Il se pourrait, par exemple, que la plupart des économies
d’énergie dans les transports dues à l'achat par Internet soient occultées par l'apport supplémentaire
d'énergie nécessaire pour la livraison des biens à domicile. En fait, à moins que les logistiques de
transport ne soient soigneusement programmées, l'accroissement de la consommation de carburant par
véhicule assurant la livraison à domicile pourrait excéder les économies de carburant liées à la
diminution des trajets au centre commercial. De même, le marketing sur le web pourrait, en fait,
encourager une consommation plus excessive qu’économe. Enfin, sans même parler des impacts
socio-culturels, les conséquences environnementales du télétravail demeurent encore incertaines. Si
Internet accroît le pourcentage de personnes travaillant à domicile, en particulier à plein temps, même
si cela a un effet bénéfique sur les transports et constitue un premier élément de réponse aux
problèmes complexes de l’encombrement des villes, l'augmentation de la consommation d'énergie
résidentielle peut se révéler telle qu'elle compenserait la diminution de la consommation d'énergie
commerciale.

Pour les biens matériels, le commerce électronique du professionnel au consommateur peut remplacer
les magasins de vente au détail par des sites Web et des entrepôts. De même, le commerce
électronique du professionnel au professionnel devrait réduire significativement les stocks. La chaîne
de production, constituée des entreprises impliquées dans la distribution des biens des usines de

Cahier du C3ED 9
production jusqu’aux magasins, comprend un nombre important de liens. Aux Etats-Unis,
approximativement 245 000 de ces entreprises intermédiaires (des grossistes aux courtiers et agents
commerciaux) opèrent au niveau national (Cort, 1999). Les entreprises capables de prévoir
précisément la demande du consommateur au niveau de la vente au détail peuvent réduire les stocks
excédentaires en reprogrammant les articles qu'elles vendent avec la quantité exacte au juste moment
et au bon endroit (« just in time »). A titre d’illustration, Toyota a annoncé en août 1999 qu'elle
recourait à une nouvelle génération de système « just-in-time » lui permettant de produire une voiture
en 5 jours après réception de la commande d'un client en Amérique du Nord (Simison, 1999). Toyota
utilise un système informatique avancé pour créer une « ligne de production virtuelle » avec deux
semaines d'avance par rapport à la production actuelle. Real Tanugay, vice-président de la production
chez Toyota, a déclaré que ce système réduisait les stocks de l'entreprise de 28% et les besoins de
stockage dans l'usine de 37%, libérant ainsi de l'espace pour la fabrication. En 2000, plusieurs
nouveaux sites pharmaceutiques ont été créés, sur le mode « just in time », pour faire concurrence aux
grandes chaînes comme Walgreens, CVS et Rite Aid. Parmi eux, Soma.com vend des médicaments
sous ordonnance, vitamines, produits de santé et produits de beauté, 24 heures sur 24, 7 jours par
semaine, avec livraison le lendemain. Des pharmaciens sont disponibles à tout moment pour conseiller
les patients par e-mail ou à un numéro vert. La pharmacie offre aussi au client des rappels de
prescription par e-mail et des informations médicales personnalisées. En théorie, de tels systèmes
peuvent réduire l'espace nécessaire pour stocker les produits avant la vente, minimisant ainsi les
impacts environnementaux de l'entreposage : l'utilisation d'espaces ouverts par des entrepôts ; les
matières utilisées pour les construire ; et l'énergie nécessaire pour chauffer, refroidir et éclairer
(Koomey et al, 1999). Par exemple, Home Depot a virtuellement éliminé le besoin d'entreposage
intermédiaire. 85 % de sa marchandise est déplacée directement des producteurs vers ses magasins de
vente au détail (Stein and Sweat, 1998).

Néanmoins, si les producteurs vendent davantage de leurs produits directement via Internet, ils
peuvent avoir besoin de plus d'espace d'entreposage, ce qui contrebalance les réductions dans
l’utilisation de l’espace par le détaillant (Urban Land, 1997). De même, si les producteurs comptent
sur la production et la distribution « just-in-time », ils pourraient utiliser moins d’espace d’entreposage
mais leurs produits auraient toujours besoin d’être stockés dans des installations de distribution
exploitées par FedEX, UPS, ou d'autres services de livraison (Urban land, 1997). Le commerce
électronique peut donc affecter le nombre, le type et la localisation des bâtiments consommant plus de
30% de l'énergie totale des Etats-Unis et 60% de l'électricité (Wilson et al, 1998). Le plus immédiat de
ces effets environnementaux potentiels se produira dans l'immobilier de la vente au détail. Dans le
futur, l'achat et la vente ne nécessiteront plus de boutiques. A la place, l'immobilier de l’Internet
pourrait devenir très important. En conséquence, la demande pour les installations existantes de vente
au détail pourrait décliner, réorganisant l'industrie de l'immobilier de la vente au détail «avec une

Cahier du C3ED 10
force égale à l'explosion des centres commerciaux dans notre siècle » (Schwartz, 1997). On ne peut
pas conclure aujourd'hui quant au caractère positif ou négatif des effets environnementaux liés à ces
évolutions de la vente au détail (Wilson et al, 1998).

Il est à craindre que les gains environnementaux de premier ordre soient parfois compensés par un
effet boomerang (« rebound »), c'est-à-dire par des demandes en ressources supplémentaires ou
polluantes en d'autres endroits. Comme cela est indiqué dans la proposition de la directive européenne
sur les déchets des produits électriques et électroniques du 13 juin 2000, un turnover élevé et un
manque de recyclabilité dans les équipements informatisés constituent un risque sérieux pour
l'environnement, étant donnée la courte durée de vie de chaque génération de pièces de PC. Par
ailleurs, il existe de nombreux coûts possibles en termes de pollution électromagnétique, de pollution
esthétique (par exemple, les développements inesthétiques des transmetteurs de communication) en
plus des risques potentiels pour la soutenabilité socio-économique (comme la division de la société et
l’accentuation des inégalités nord/sud vis-à-vis de l’accès à ces nouvelles technologies) (CEC-DGXIII,
1998). A titre d’illustration, des analyses de cycle de vie ont montré qu’un PC nécessite un montant
substantiel de ressources pendant sa durée de vie entière (incluant la conception, la production, le
transport, l’opération sur un site de vente, etc..) comparé à ses consommations totales d’énergie
pendant l’opération. Il est donc important de procéder à une évaluation globale de tous les impacts
négatifs et positifs.

Cahier du C3ED 11
2. Le rôle des NTIC dans l’innovation technologique
environnementale

Dans la plupart des études de foresight technologique, l'environnement est considéré comme un
«critère d'importance» pour classer les diverses technologies (Aggeri, 2000 ; Grupp, Reiß, 1997). Il
s’agit d’un phénomène récent puisque dans les années 1980, «la croissance économique », «la
compétitivité technologique », «la taille du marché» et «la défense nationale» constituaient les seuls
critères déterminants. Nombre de futures innovations technologiques favorables à l’environnement
prévues dans ces foresights sont liées aux avancées dans les NTIC. C’est ce que nous montrons dans
cette section en offrant une analyse prospective des futures technologies de l’environnement
dépendantes des NTIC. A cet effet, nous nous appuyons sur une recherche comparative des principaux
foresights conduits durant la décennie 1990 (Faucheux et Hue, 2000) (voir encadré 1).

Encadré 1 : Les différents exercices de foresights étudiés


(avec entre parenthèses leur date de lancement)

• 5 ème Delphi Japonais (1991)


• 6 ème Delphi japonais (1996)
• 1er Delphi Allemand (1992)
• Mini-Delphi allemand / japonais (1996)
• 2ème Delphi allemand (1995)
• Delphi français (1994)
• 1er foresight technologique britannique (1993)
• 2ème foresight britannique (1999)
• Etude des technologies critiques allemande « Germany T 21 » ou « critical technologies for the information
age » (1995)
• Etude des technologies critiques françaises « les 100 technologies-clés » (1993)
• "L'évolution à long terme de la demande sociale "environnement" et sa traduction en termes de R&D"
(1995-1998) (France)
• Exercice américain des technologies critiques (1995)
• Exercice de foresight concertatif australien (1996)
• Foresight néerlandais 81 options Technology for Sustainable Development (1997)
• "Emerging technologies : What's Ahead for 2001-2030", World Future Society en collaboration avec
l'Equipe de William Halal de l'Université Georges Washington (1997)
• Technology Map de l’Institute for Prospective Technological Studies (Future Report Series 11, JRC,
European Commission) (1999)

Cahier du C3ED 12
2.1. Une amélioration de l’efficacité énergétique traditionnelle

Les technologies améliorant l’efficacité énergétique sont abondantes dans les foresights allemands et
néerlandais. Elles concernent principalement le trafic et les transports (le trafic combiné avec des
containers intelligents, les services de transports publics sur demande, etc…) ainsi que la construction
et le bâtiment (les fenêtres et les façades intelligentes, les bâtiments énergétiquement indépendants,
l'utilisation intelligente de la lumière du jour pour l'éclairage). Il convient aussi d'évoquer certaines
options technologiques comme le contrôle électronique de la révolution des moteurs électriques, du
temps de veille réduit des appareils électriques, de la conversion hautement efficiente électricité-
éclairage. La technologie informatique permet de développer des équipements électroniques offrant un
meilleur contrôle des procédés de combustion. Le traitement des données favorise l'exploitation des
sources d'énergie alternatives qui, bien que connues, ont longtemps été sous exploitées du fait de
l'inefficacité ou de la mauvaise performance des méthodes disponibles (par exemple la fabrication
d'éoliennes ou l'exploitation de la biomasse).

Les NTIC seront ainsi de plus en plus appliquées dans l’amélioration de l’efficacité énergétique
traditionnelle (Romm et al., 1999). A titre d’illustration, de réelles avancées ont été réalisées dans les
ballasts électroniques pour le fonctionnement des ampoules fluorescentes. Non seulement ils
économisent une énergie considérable comparativement aux ballasts magnétiques, mais ils éliminent
aussi le clignotement et le bourdonnement ennuyeux. On peut faire fonctionner ces ballasts avec un
contrôle sophistiqué et de faible coût, réduisant automatiquement l'intensité lorsque la lumière du jour
s’intensifie. Ces ampoules peuvent maintenant être contrôlées depuis le bureau par des appareils à
distance ou par l'intermédiaire d'un PC. Des commandes à vitesse réglable pilotées par ordinateur pour
les moteurs permettent d'importantes économies d’énergie à la fois en réduisant la consommation
d'énergie et en améliorant le contrôle du procédé. Même les chaudières et les appareils de chauffage à
eau connaissent une réduction de la consommation énergétique de 25%, ou plus, grâce à l'installation
d'appareils de contrôle contenant des microprocesseurs. Un système de contrôle digital de la gestion
énergétique peut, de manière continue, rassembler, dans un ordinateur central, des données sur ce qui
est mis en place dans le bâtiment, sur la façon dont cet équipement fonctionne, sur son mode
d'entretien. Il permet ainsi de contrôler le bâtiment et d'optimiser sa performance énergétique (Energy
User News, 1999). Des experts de la firme Texas A&M ont montré, dans une vingtaine de bâtiments
texans, qu’une telle approche favorise une réduction de 25% de la consommation énergétique avec un
retour sur investissement de 18 mois pour les bâtiments ayant déjà été pourvus des équipements les
plus avancés dans le domaine des économies d'énergie. Certaines entreprises, comme IBM et Johnson
and Johnson, ont institué de véritables politiques d'entreprise pour adopter ces technologies. Leur
intensité énergétique (énergie par dollar d'output) a ainsi respectivement diminué de 4% par an et 3%
par an pendant les années 1990. Le magazine Fortune notait en 1998 que « seulement un tiers des

Cahier du C3ED 13
producteurs américains contrôlent sérieusement l'usage énergétique, alors que des économies dans ce
domaine pourraient apporter des milliards au résultat financier ». Le marché pour ces technologies se
révèle donc particulièrement prometteur à moyen et long terme, si l’on en croit le consensus se
dessinant dans les foresights sur le fait que l’efficacité énergétique devrait être améliorée de 50% à
partir de 2020 grâce à ces diverses innovations.

2.2. Des transports intelligents et propres

Les technologies de l'information et de la communication appliquées au transport ont pour objectif


d'augmenter la sécurité sur la route, de maximiser l'efficacité du transport routier et de contribuer à la
protection environnementale.

Le niveau de congestion dans les zones urbaines se rapproche souvent du point de saturation.
L'application à grande échelle des TIC pour les transports dans les grandes villes pourrait alléger les
embouteillages et leurs conséquences sur l'environnement. Dans le futur, les terminaux de bord et le
développement de services distribuant de l'information sur les encombrements, les places de parking,
et même la disponibilité et les programmations des autres formes de transport, sont susceptibles
d’améliorer les flux de trafic et de susciter l’accélération de l’intermodalité. Les équipements
électroniques de bord peuvent ajouter à la sécurité du conducteur en permettant le développement de
méthodes de contrôle adaptatives et de détecteurs. Les Japonais semblent en avance pour l’ensemble
des innovations technologiques liées à la voiture verte et intelligente. Le nombre de véhicules
comportant, par exemple, un système de guidage est très élevé et les coûts sont faibles. Les études
dans ce domaine sont animées par la JSK (Association of Electronic Technology for Automobile
Traffic Driving, liée au MITI) qui regroupe des chercheurs venant de l’industrie. Cette association a
été créée en 1979, bien avant la naissance des différents projets d’ITS (Intelligent Transport System)
dans le monde. Les objectifs sont aujourd’hui de réduire par deux le nombre d’accidents mortels,
d’éliminer les embouteillages et de susciter une réduction des émissions de CO2 et de NO X
respectivement de 15 et 30% (France, 1997 ; Japon, 1999).

La voiture n'est pas le seul véhicule à bénéficier de telles innovations technologiques. Les transports
en commun en profitent également, d'autant plus qu'ils sont au centre d'une réflexion menée à l'échelle
européenne. Celle-ci vise, en accroissant l'intermodalité, à faire de la voiture, du bus ou encore du
métro des moyens de transport complémentaires. Détenteurs d'outils de modélisation fiables et rapides,
les exploitants offrent au public des informations, véritables aides à la décision, tout au long du trajet
et quel que soit le mode de transport utilisé (Le Breton, 2000). La gestion prioritaire et automatique
des feux de signalisation pour les bus en cas de ralentissement du trafic ou encore la localisation des
bus par satellite pour améliorer la sécurité des conducteurs et indiquer précisément les horaires de

Cahier du C3ED 14
passage, constituent des exemples d'applications concrètes. L'exploitant des transports collectifs voit
plus loin que son propre réseau. C'est le cas en France à Toulouse, où l'ensemble des acteurs publics
du transport assurent depuis un an une gestion commune du trafic, ou encore à Marseille, où le Pilote,
association des acteurs locaux de transport, offre sur Internet un service d'information sur les
déplacements. On peut également citer l'initiative de la RATP et de la Direction Régionale de
l'Equipement d'Ile de France qui propose un service d'information intitulé "CITEFUTEE"4 dont
l'intérêt est d’offrir des solutions en temps réel afin de réaliser le meilleur itinéraire pour aller, en
voiture ou en transport en commun, d'un point à un autre de l'Ile de France. Des organisations
développant et encourageant les systèmes de transport intelligent ont été établies dans de nombreux
pays. En Europe, on peut citer ERTICO (European Transport Telematics Implementation
Coordination Organisation), tandis qu'aux Etats-Unis, ITS America joue un rôle similaire. Au niveau
urbain, un des plus importants projets de télématique des transports en Italie est le projet 5T 5 , mis en
place à Turin et actuellement en phase de test. Ce projet, porté par un consortium créé en 1992, place
Turin à l’avant garde européenne de la gestion de la circulation en ville. Le consortium 5T pour
« Technologie Télématique pour les Transports et le Trafic à Turin », regroupe cinq entreprises
privées (Mizar, Fiat, Tecnost, Solari, Italtel) représentant une participation de 33% et deux sociétés
publiques (ATM et AEM), dont la participation est de 67%. L’objectif du consortium est d’améliorer
le service à la mobilité, la qualité de l’environnement et la sécurité. Ceci se traduit par une réduction
de 25% du temps moyen de trajet, de 18% de l'émission de polluants et de 18% de la consommation
des véhicules. Au Japon, Vertis (Vehicle, Road and Traffic Intelligence Society) encourage les
systèmes de transport intelligents6 . Plus d’un million de VICS (Vehicle Information and
Communication Systems), offrant des informations sur la circulation routière, sont actuellement en
service. Les systèmes ETC (Electronic Toll Collections), qui permettent au conducteur de traverser les
péages sans s’arrêter, sont en cours d’installation. L’organisme affilié au gouvernement, JHP (Japan
Highway Public Corp), a prévu d’installer 440 systèmes ETC avant l’année fiscale 2002.
L’inauguration du premier ETC a eu lieu au printemps 2000. Avec ces systèmes, les automobilistes
peuvent franchir les péages à une vitesse de 40 km/h. Les sommes sont ensuite déduites directement
sur leur compte via le terminal et la carte magnétique à l’intérieur de la voiture. Le Ministère de la
Construction estime qu’avec les systèmes ETC le débit de voitures aux péages sera multiplié par 3,5,
résorbant nombres d’embouteillages aux alentours. Hitachi et Clarion d’une part, et Toshiba et Yazaki
d’autre part, se sont déjà lancées sur ce marché, en proposant des modules ETC, postes de radio et
autres options facilitant les conditions de conduite de l’automobiliste. Selon le Ministère des
Transports, ces autoroutes intelligentes devraient permettre de réduire de 2/3 les accidents routiers et
d’économiser ainsi 1200 milliards de yen d’ici 2015. De plus, la diminution du nombre

4 http://www.citefutee.com
5 http://www.trasportinavigazione.it
6 http://www.vertis.org.jp/

Cahier du C3ED 15
d’embouteillages devrait réduire de 1,1 million de m3 le volume de CO2 émis par les gaz
d’échappement d’ici 2010.

2.3. Les capteurs avancés et la gestion globale de l’environnement


Les avancées technologiques dans les capteurs seront de plus en plus mobilisées pour contrôler la
qualité de l'air et de l'eau ainsi que les changements climatiques, la couche d'ozone stratosphérique,
l'environnement marin et les divers écosystèmes. Le développement de capteurs peut donc trouver des
applications dans la surveillance environnementale aux échelles locales et globales, et dans la gestion
d'importants flux de données en résultant. Actualiser un réseau de données basées sur un capteur dans
un système comme "Digital Earth" (Crockett, 1998) (un concept de surveillance environnementale
dans lequel des centaines de points de données fusionnent pour fournir une vue de l'environnement
terrestre) nécessite un engagement important d'une puissance informatique à très grande échelle, un
stockage de données de masse et des logiciels sophistiqués capables d'identifier des modèles parmi des
quantités importantes de données aléatoires. De même, les "biocapteurs", issus de l’association des
capteurs intelligents et de la biotechnologie (parfois appelée « bio-informatique »), peuvent avoir de
vastes applications. Il s’agit de matériaux biologiques sensibles, réagissant à certains signaux ou
produits chimiques et en mesure de détecter ou de transmettre de l'information sur l'environnement
dans un site de surveillance. Les progrès dans la génétique améliorent la possibilité de construire sur
commande des protéines, des produits chimiques, et des "matériaux intelligents" avec des applications
de détections ciblées. Les exercices menés aux Etats-Unis et au Japon insistent sur l’importance de
l’ensemble de ces innovations après 2015 et se targuent d’une certaine avance par rapport à l’Europe.

Une question cruciale dans la plupart des exercices de prospective concerne les futures technologies
pour la gestion globale de l'environnement : compréhension de l'écosystème global, désertification,
qualité du sol. D'après les exercices allemands, vers 2016-2020, des techniques seront appliquées aux
paysages désertiques à travers le monde pour réduire la désertification. De même, les technologies de
fixation de CO2 , de photosynthèse artificielle et l’introduction d’espèces de plantes agricoles
résistantes à la sécheresse et au sel devraient se propager après 2020. Or, la télédétection spatiale
consiste à exploiter les données recueillies par les satellites d’observation de la terre en vue d’en
extraire des informations physiques, biologiques et humaines. Ces images apportent une vue
d’ensemble sur de vastes territoires et permettent, grâce à leur répétitivité, de suivre l’évolution de
certains phénomènes tels que la désertification, la sécheresse, la pollution des terres, l’urbanisation.
Confrontée, entre autres, aux problèmes de désertification, de sécheresse et d’invasion de criquets
pèlerins, l’Afrique pourrait tirer profit de systèmes de satellite de télédétection et de surveillance, tels
que SPOT ou LANDSAT pour mieux lutter contre ces phénomènes. L’efficacité de ces programmes
pourrait être renforcée avec la technique de pointe de la télémétrie grâce à laquelle, à partir de satellite

Cahier du C3ED 16
de surveillance, il est possible de mesurer avec précision la distance parcourue par tout élément mobile
à la surface de la terre et de l’eau. L’avantage de cette technologie, par exemple, est de mieux prendre
conscience de l’avancée du désert, de la perte d’une partie du couvert végétal, de l’élévation ou de
l’abaissement du niveau des eaux et ce, en mesurant les distances de tous les mouvements opérés.
Cette technique pourrait jouer le rôle de système d’alerte précoce grâce auquel les pays concernés
pourraient prendre, à temps, les mesures visant à juguler les phénomènes naturels qui les
menaceraient. En Tunisie, où a été créé en 1988 le centre national de télédétection, cette technique a
déjà contribué à une meilleure gestion des ressources naturelles. La télédétection a favorisé la
cartographie des zones difficilement accessibles telles que le milieu marin. Dans le Golfe de Gabès,
les images SPOT et LANDSAT ont révélé la disparition du couvert végétal d’un des milieux
halieutiques les plus riches du pays.

La télédétection spatiale appliquée à la gestion globale de l’environnement est appelée à se développer


fortement dans le cadre des politiques de lutte contre le changement climatique et dans celui de la mise
en œuvre des politiques de développement durable dans les pays du Sud. Des programmes de
recherche internationaux financés, notamment par la Banque Mondiale, le Fonds Mondial pour
l’Environnement, ou encore la Commission Européenne, considèrent ce domaine comme prioritaire.
Conscient de l’importance de l’enjeu, IBM a lancé, en mars 1993, une opération d’envergure dans ce
champ : l'Environmental Research Program7 . Ce dernier a fourni 16 millions de dollars à 14
universités et institutions de recherche dans le monde pour promouvoir l’étude des problèmes
environnementaux à travers l’usage des TIC. Des récifs coralliens d’Australie en péril aux paysages
désertiques menacés du Chili, ce programme couvre un vaste champ géographique. De même,
l’éventail des problèmes étudiés par les chercheurs est très large : de la pollution de l’air et de l’eau au
réchauffement global, et écosystèmes et espèces menacés. Ainsi, IBM coopère avec la NASA pour
offrir un espace de données, d’images satellites, de rapports techniques et autres informations
disponibles sur Internet pour les scientifiques et les ingénieurs impliqués dans beaucoup de domaines
d’études, incluant la recherche et la prévision météorologique. Les sites Internet contenant les
informations de la NASA intègrent EnvironNet, Mission to Planet Earth et l’Observatorium Web8 . De
même, les technologies de l’information d’IBM sont mobilisées en partenariat avec l’Université du
Chili pour construire et développer des cartes satellitaires, des banques de données pour explorer les
causes potentielles de la désertification et les interactions avec l’agriculture. Les technologies de
visualisation par ordinateurs d’IBM sont également utilisées par l’Institut Australien des Sciences
Marines pour intégrer la connaissance et les communications entre les océanographes, les biologistes
et les gestionnaires de ressources afin de mieux comprendre les environnements marins de récifs de

7 http://www.ibm.com/ibm/Environment/initiatives/erp.phtml
8 http://dlt.gsfc.nasa.gov
http://observe.ivv.nasa.gov/nasa/entries/entry_7.html

Cahier du C3ED 17
corail et de mangroves. Les visualisations par ordinateurs reposant sur le mouvement des polluants et
les modèles biologiques aideront les décideurs à protéger la viabilité économique, récréationnelle et
environnementale des récifs de corail et des mangroves en Asie du Sud Est et partout dans le monde.

3. De l’usage démocratique des NTIC pour une gestion


durable de l’environnement et des ressources
naturelles.

Les NTIC revêtent un rôle déterminant dans l’élaboration de système d’aide à la décision
environnementale, ainsi que dans la possibilité qu'elles offrent aux différents acteurs de moduler leur
comportement en fonction d’une gestion et d’une utilisation durable des ressources naturelles. En
d’autres termes, elles paraissent indispensables à la mise en application sur une grande échelle de la
gouvernance concertative des risques environnementaux. C’est ce que nous montrons dans ce qui suit.

Les politiques d’environnement constituent un terrain où s’expérimentent de nouvelles formes de


démocratie, de gouvernance concertative (Froger, 2001). Les nombreuses expériences menées qui
tendent à offrir plus de place à la discussion sur les enjeux environnementaux, se saisissent
progressivement des NTIC à la fois comme outil et comme média apte à organiser l’interaction
sociale. Le Ministère français de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, soucieux
d’offrir une plate-forme de réflexion sur les nouvelles formes de concertation et de décision dans le
domaine de l’environnement, a lancé voilà deux ans un programme de recherche et de séminaires sur
le thème « Concertation, Décision, Environnement ». Les projets financés dans le cadre de ce
programme n’ont fait jusqu’à présent que peu de place aux NTIC. C’est pourquoi, en juin 2001, était
organisé à Paris un séminaire spécifiquement sur ce thème9 , dans la perspective d’une nouvelle vague
d’appels d’offre allant en ce sens.

Les instituts de recherche publics, les universités, les entreprises et les organisations non
gouvernementales n’ont pourtant pas attendu l’impulsion des pouvoirs publics pour engager des
recherches sur ce sujet, développer leur site Internet, lancer des forums ou créer des logiciels propres à
animer une discussion sur les enjeux environnementaux.
Parmi les outils informatiques offrant une aide à la concertation et à la participation des acteurs, il
convient de distinguer plusieurs niveaux
- D’une part, les potentialités offertes par l’Internet sont souvent soulignées à tel point que ce
phénomène constituerait pour certains une nouvelle modalité de démocratie

9 Les enjeux du développement des NTIC en matière de concertation et de décision dans le champ de l’environnement,
Séminaire « Concertation, Décision, Environnement », Paris, ENGREF, Séance du 12 juin 2001.

Cahier du C3ED 18
- D’autre part, les capacités offertes par les outils informatiques se sont considérablement
développées si bien qu’il est désormais possible de réaliser des simulations, en présence d’acteurs,
pour servir d’outil d’aide à la décision. D’ailleurs, un certain nombre de logiciels sont développés
actuellement dans le but spécifique de servir de support à la concertation ou à l’apprentissage sur
les enjeux environnementaux (O’Connor, 2000).

3.1. Internet et la Web-démocratie dans le domaine de


l’environnement : une utilisation controversée

L’outil Internet dont les applications sont multiples, ne sert pas que de fournisseur d’informations. Il
est possible de mettre à disposition des usagers un ensemble de documents servant de base à une
réflexion collective et de permettre à ces mêmes usagers de réagir sur le contenu en y apportant
réflexions personnelles, ajouts et commentaires Par ailleurs, un certain nombre de forums de
discussion sont organisés par les pouvoirs publics ou par les associations qui trouvent dans cette
application une audience plus large que lors de réunions publiques organisées à cette intention. Parmi
les listes de discussion, citons Médiaterre10 , forum généraliste sur le développement durable disposant
de 1400 abonnés.

D’autres applications se sont saisies de l’outil Internet pour initier un cadre de discussion et de
réflexion interactif. Dans le domaine de la prospective, l’exemple du foresight britannique est tout à
fait intéressant. Le principe novateur du nouveau foresight 11 est la mise en place, grâce à Internet, d’un
« bassin de connaissances » (knowledge pool). Les groupes de travail, où l’environnement tient une
place importante, disposent ainsi d’un lieu de discussion ouvert où s’échangent les idées, les stratégies
et les scénarios propres à chaque groupe de travail ou transversaux. « Source d’information et lieu
d’interaction, le bassin de connaissances – site Internet ouvert – veut être l’instrument par lequel tout
un chacun peut s’impliquer dans le foresight. » (Barré, 2000, p. 18). Le panel sur l’énergie et
l’environnement naturel a publié en décembre 2000 un rapport soulignant les priorités et les actions
recommandées. Ce rapport tenait compte d’une centaine de remarques faites à la suite du document de
cadrage de mai 2000 consultable en ligne 12 (Energy and Natural Environment Panel, 2000).

Parmi les expériences de démocratie électronique, le cas des Etats-Unis est particulièrement
significatif. Il faut noter d’ailleurs que les Etats-Unis figurent parmi les pays les plus équipés du
monde en matériel informatique. Plus de 50% des ménages américains disposeraient d’un ordinateur à
domicile et au moins 40% des ménages d’une connexion à Internet (Beierle, Cahill, 2000). La

10 http://www.agora21.org/FORUM/forumb.html#a
11 Lancé en 1999 et actuellement en cours. Voir http://www.foresight.gov.uk/
12 Parmi les 114 réponses reçues, toutes les catégories de stakeholders étaient représentées, de simples citoyens (21%) au
monde des affaires (21%) les instituts de recherche (16%), les organisations non gouvernementales (9%), les agences
gouvernementales et assimilées (9%), etc…

Cahier du C3ED 19
campagne menée par l’American Heritage Forests qui visait à restreindre la construction de routes
dans les forêts et parcs nationaux a eu un certain succès, grâce à l’envoi de 170 000 courriers
électroniques à la Maison Blanche. Dans un autre registre, l’EPA met à la disposition des citoyens, des
décideurs, des industriels, un inventaire des produits toxiques et nocifs pour l’environnement (le
Toxics Release Inventory13 ). Cet inventaire sous forme de base de données a été lancé dans le
prolongement de l’Emergency Planning and Community Right-To-Know Act (EPCRA) qui repose sur
l’idée de la connaissance préalable des risques pour l’action, par les citoyens et les décideurs
concernés. Bien souvent, les barrières administratives et géographiques empêchaient toute forme
d’implication citoyenne dans la lutte contre les pollutions. Grâce à cet inventaire, un certain nombre de
comités locaux se sont constitués et une communauté avisée a pu voir le jour sous l’impulsion de
l’agence fédérale. Au niveau des Etats fédérés, chaque Etat dispose d’un département en charge des
questions d’environnement avec un site Internet.14 Tout à fait exemplaire est l’initiative du
Department of Environmental Protection de l’Etat de Pennsylvanie qui dispose d’un site Internet
particulièrement riche et innovant 15 . L’utilisateur peut, par exemple, choisir sa page d’accueil suivant
sa catégorie socio-professionnelle (étudiant, agriculteur, enseignant, famille, industriel, etc.). Il est
ensuite, il est possible d’accéder à un ensemble de services, dont le Public Participation Center, qui
permet de réagir aux propositions de réglementations en apportant des commentaires ou des critiques.
Ce site Internet suscite un certain engouement puisque l’on recense environ 10 000 pages consultées
chaque jour (Beierle, Cahill, 2000, p. 19).

L’accroissement du nombre de connexions à Internet, la baisse du coût d’accès à l’information et à la


communication devraient permettre la diffusion rapide des outils et des expériences relatées ci-dessus.
Néanmoins, rien ne garantit a priori la légitimité des opinions exprimées dans le cadre des forums de
discussion sur la protection de l’environnement. La spécialisation des thématiques de réflexion et la
surabondance de sites et de forums risquent de conduire, de fait, à une sélection des opinions
exprimées – ceux qui s’expriment étant souvent les personnes les plus intéressées par le sujet. De plus,
par quel média doit-on promouvoir ces forums ? Quelle publicité donner à des actions de ce type et
comment faire apparaître le caractère crucial des sujets discutés ?
En définitive, ces outils qui peuvent donner l’impression de plus de démocratie dans les décisions
publiques doivent être appréciés à leur juste potentiel : celui d’ouvrir l’espace de la discussion et du
dialogue, celui d’apporter des idées neuves et originales.

13 Pour de plus amples informations, consulter le site : http://www.epa.gov/tri/whatis.htm


14 Pour une liste exhaustive des sites Internet, voir Beierle, Cahill (2000), pp. 22-24.
15
http://www.dep.state.pa.us

Cahier du C3ED 20
3.2. Les outils informatiques de simulation : des outils
pédagogiques d’aide à la concertation ?

Dans les procédures d’aide à la décision, les outils informatiques de simulation peuvent jouer un rôle
déterminant. Ils évitent les erreurs du « learning by doing » et permettent ainsi de promouvoir un cadre
d’apprentissage du type «learning by simulating ». Les outils de simulation se développent et se
diffusent actuellement dans le domaine de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles.
Il peut s’agir d’outils informatiques de programmation linéaire dont les modes de calcul sont souvent
déterministes, qui modélisent par exemple le fonctionnement d’un écosystème et ses interrelations
avec les décisions des acteurs, confrontés à plusieurs scénarios. Ces outils informatiques, générateurs
de scénarios s’avèrent très utiles pour exposer aux décideurs et aux usagers d’une ressource, les
impacts potentiels de leurs actions ou d’un changement de l’environnement. Mais bien souvent, le
nombre de variables à prendre en compte dans ces modèles est si élevé que la discussion des
alternatives se focalise sur les résultats plus que sur les variables du modèle proprement dit. Le fossé
entre les scientifiques (ceux qui « savent ») et le public, les usagers ou les responsables politiques et
administratifs, demeure important.

Il est cependant possible de concevoir des logiciels servant d’outil pédagogique dans le cadre de la
gestion de l’environnement et des ressources naturelles. De façon schématique, nous pouvons
distinguer quatre types d’outils informatiques :
- les baromètres personnels , qui offrent la possibilité à un utilisateur de mesurer sa contribution
personnelle à l’effet de serre, à l’exploitation d’une ressource commune, à la pollution de l’eau,
etc...
- les générateurs de scénarios , qui permettent sur la base de modèles de simulation dynamique
d’explorer un certain nombre d’options (technologiques, réglementaires, climatiques) alternatives
et de visualiser les effets de ces options par des courbes, graphes ou cartes.
- les systèmes multi-agents qui modélisent le comportement d’acteurs et de ressources naturelles
ou d’écosystèmes et qui explorent les interactions réciproques entre ces acteurs et ces ressources
ainsi qu’entre les acteurs eux-mêmes.
- les visites virtuelles qui invitent l’utilisateur à se mettre à la place d’un usager, voire d’une
ressource naturelle et qui guident son exploration comme dans un jeu vidéo.
Les frontières de ces quatre types d’outils ne sont cependant pas étanches et un certain nombre
d’expériences viennent illustrer les complémentarités existantes.

Le logiciel Phyt’Amibe, développé au C3ED (Douguet et al., 1999 ; Douguet, Schembri, 2001) repose
sur l’idée d’un baromètre personnel. Ce logiciel utilise les indicateurs agri-environnementaux de
l’INRA pour confronter les pratiques des agriculteurs concernant l’utilisation des produits phyto-
sanitaires à l’aide d’un questionnaire adapté. L’expérience a été menée en Alsace et en Bretagne, deux
Cahier du C3ED 21
régions où la pollution de l’eau résultant des pratiques agricoles est importante. Le positionnement des
utilisateurs a permis d’engager la discussion sur les pratiques agricoles et de mettre en évidence les
impacts de ces pratiques dans un contexte de préoccupation croissante des enjeux de préservation
d’une eau de qualité.

Un autre type d’outil informatique, les systèmes d’information géographique (SIG), occupent une
place de plus en plus importante dans les procédures de prise de décision, principalement parce que
ces outils fournissent un moyen de visualisation simultané d’un ensemble de paramètres importants
dans le contexte des politiques publiques d’aménagement du territoire et de l’environnement (Lopez,
Petit, 2000). Même si ces outils demeurent lourds et onéreux, la plupart des collectivités locales et
territoriales, syndicats d’agglomération, se sont dotées de ces puissants outils de collecte et de
visualisation de l’information géoréferencée afin d’orienter leurs choix en disposant d’une large
gamme d’informations de différentes natures. Les SIG peuvent donc servir à la fois de baromètre
personnel et de générateur de scénario, l’outil en lui-même ne présume cependant pas l’usage qui
pourra en être fait. Cinderby (1999) recense trois applications de SIG dont l’utilisation est clairement
orientée vers une participation des acteurs dans la formulation des politiques publiques de gestion des
ressources. Ces applications sont situées en Afrique du Sud et en Namibie (Kiepersol GIS – Afrique
du Sud ; the Namibian Wildlife GIS – Namibie ; the Namaqualand GIS – Afrique du Sud). A titre
d’illustration, la production de cartes détaillant les perceptions et l’usage des ressources a été réalisée
lors d’interviews et de séminaires en présence d’agriculteurs dans le cas de Namaqualand. Cette
pratique appelée «cognitive mapping » permet de mettre en évidence les « cartes mentales » des
acteurs en présence et d’animer ainsi un processus de concertation en intégrant aussi bien les
dimensions physiques que symboliques. Cette expérience a permis un apprentissage mutuel à la fois
des communautés locales et des techniciens qui ignoraient pour partie les usages effectifs des
ressources en eau et en terre. D’autres expériences de ce type sont menées par les équipes travaillant
dans le sillage de l’Association Internationale pour l’Etude de la Propriété Commune (IASCP 16 ).

Les processus de concertation visent d’une part à susciter la discussion et l’échange de perspectives
entre une pluralité d’acteurs aux motifs et objectifs différents, mais également à promouvoir un cadre
d’apprentissage réciproque. Parmi les sciences cognitives, le domaine de l’intelligence artificielle est
porteur d’un certain nombre d’enseignements pour aider à comprendre les interactions physiques et
sociales entre les acteurs et leur environnement naturel. Une branche de l’intelligence artificielle
développe ainsi des systèmes multi-agents (Ferber, 1995) et ses applications dans le domaine de
l’environnement sont fécondes (Ferrand, 1999 ; Bousquet et al., 2001). Certains chercheurs issus de ce
courant construisent des modèles afin de simuler les effets d’une modification de l’environnement,

16 International Association for the Study of Common Property. URL : http://www.indiana.edu/~iascp/


La lettre d’information n°45 de cette association consacrait en 1998 un dossier spécial à la cartographie multimédia et aux
SIG dans la gestion participative des ressources communes.

Cahier du C3ED 22
d’une règle de décision, du comportement des agents, et couplent cette métaphore de la réalité sociale
et environnementale à un processus d’apprentissage des acteurs confrontés à l’usage ou à la régulation
des ressources naturelles. Une équipe française du CIRAD-TERA a ainsi développé la plate-forme de
modélisation CORMAS17 , utilisée par une communauté croissante de chercheurs qui adaptent cet outil
selon leurs propres besoins. Parmi les expériences menées par cette communauté de chercheurs,
certaines sont clairement orientées vers la recherche d’une nouvelle modalité de participation et de
concertation entre les acteurs pour servir de cadre à une réflexion sur la gestion durable des ressources
naturelles et de l’environnement. La participation des acteurs est parfois réalisée par un couplage entre
le système multi-agent et un jeu de rôle – jeu permettant l’appropriation et l’identification des acteurs
aux objets informatiques les représentant dans le modèle (Barreteau et al., 2001). Cet aller-retour entre
expérience concrète et modélisation – nécessairement simplifiée – d’un système physique et social
complexe permet d’envisager de nouvelles modalités de compréhension des phénomènes, des usages
propres de la ressource et de situer les actions individuelles dans le cadre d’une gestion d’une
ressource commune locale ou globale.

L’équipe du C3ED, après avoir expérimenté le logiciel Phyt’Amibe, développe actuellement un


certain nombre d’outils informatiques dans le cadre du programme de recherche DICTUM18 .
L’ensemble des outils informatiques visent à animer des processus de concertation et d’aide à la
décision sur les enjeux de la gestion durable des ressources naturelles et de l’environnement. Les
techniques utilisées couvrent aussi bien le domaine des SIG, des SMA et d’autres outils informatiques
- l’utilisation d’Internet étant également présente. Le domaine des eaux souterraines a été
particulièrement privilégié au travers de trois projets de recherche financés par le Ministère français de
l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement et le Programme Cadre de Recherche et
Développement de la Commission Européenne. Le prototype NAPTIC19 vise à animer une discussion
autour des enjeux de gestion quantitative des aquifères soumis à des prélèvements d’irrigation. Le
logiciel est destiné à servir dans le contexte de la gestion durable de la nappe de Beauce. Deux autres
projets s’intéressent aux pesticides dans les eaux souterraines en Europe (PEGASE20 ) et aux aspects
qualitatifs et quantitatifs de la gestion des eaux souterraines en Europe (GOUVERNe21 ). Par ailleurs,

17
CORMAS : « Common-pool Resources and Multi-Agent Systems ». Un site Internet très fourni où le logiciel est
téléchargeable et un grand nombre de documents disponibles se trouve à l’adresse suivante : http://cormas.cirad.fr
18 DICTUM : De l'usage Démocratique des Nouvelles Technologies de l'Information et de la CommunicaTion pour
promouvoir l'Utilisation durable des écosystèMes et des ressources du vivant. URL :
http://www.c3ed.uvsq.fr/c3ed/dictum.html
19 Développé dans le cadre du projet « Appropriation Sociale du PROblème de gestion durable de la nappe de Beauce »,
Contrat de recherche n°99-123 du 08/11/1999 pour le Programme Interinstitutionnel de Recherches et d'Etudes en Economie
de l'Environnement (PIREE) du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement. Direction scientifique M.
O’Connor. URL : http://www.c3ed.uvsq.fr/c3ed/Beauce/ASPRO.html
20 PEGASE : Pesticides in Europe Groundwaters: detailed study of representative Aquifers and Simulation of possible
Evolution scenarios, Projet européen n°EESD-ENV-99-1 pour la DG de l'Environnement, Commission Européenne dans le
cadre du 5ème PCRD, Coordination : C. Mouvet (BRGM, Orléans). URL : http://www.c3ed.uvsq.fr/c3ed/Pegase/pegase.htm
21 GOUVERNe : « Guidelines for the Organisation, Use and Validation of information systems for Evaluating aquifer
Resources and Needs ». Projet de recherche financé dans le cadre du 5ème PCRD de la Commission Européenne,
coordinateur M. O’Connor (C3ED, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines).

Cahier du C3ED 23
dans le cadre du projet européen VIRTU@LIS, le C3ED va développer, en collaboration avec d’autres
équipes de recherche en Europe, les quatre outils recensés plus haut (baromètre personnel, générateur
de scénario, systèmes multi-agents, visites virtuelles). Ces quatre outils seront appliqués aux domaines
de la gestion de l’eau, des pêcheries, de l’agriculture et du changement climatique.

Le projet ULYSSES (Urban Lifestyles, Sustainability and Integrated Assessment) nous semble
particulièrement pertinent dans cette problématique. Ce projet financé par la Commission Européenne
s’attachait à développer les principes de l’évaluation intégrée et de la science post-normale
(Funtowicz, Ravetz, 1993) par l’utilisation des NTIC afin d’animer une discussion et une réflexion
collective avec de simples citoyens sur les enjeux du changement climatique et des modes de vie
(Guimaraes Pereira et al., 1999). Lors de cette expérience menée à travers sept villes d’Europe, cinq
sessions successives, engageant des moyens et des objectifs différents à chaque fois, servaient de
métaphore à un voyage vers la soutenabilité. Dans les groupes de Venise, les sessions se sont
déroulées de la manière suivante. La première session se composait d’une animation multimédia
présentant les enjeux et les débats liés à l’accroissement de l’effet de serre. La seconde session
exposait le principe d’un calculateur individuel d’émissions de CO2 , reposant sur un questionnaire
rempli à domicile par les participants. La troisième session permettait l’utilisation du calculateur en
intégrant les données personnelles de chacun des participants et offrait la possibilité de mesurer sa
contribution personnelle à l’effet de serre ainsi que la simulation de la contribution d’une ville où
chacun adopterait le même comportement que l’usager lui-même , cette agrégation ayant pour but
d’englober à la fois la dimension individuelle et collective et d’insérer chaque participant dans une
problématique plus large. Ce processus était encore élargi lors de la quatrième session où les
participants pouvaient explorer différents scénarios de changement climatique à partir de deux
modèles initialement conçus pour servir aux seuls experts. Enfin, la dernière session servait à
l’échange d’informations et au témoignage sur la façon dont chacun avait vécu ce voyage. Les
participants étaient ensuite invités à synthétiser leurs réactions dans la perspective d’une page Internet
dédiée à ce retour d’expérience.

Les enseignements d’une telle expérience sont multiples et résument assez bien la façon dont un
certain nombre d’outils multimédia peuvent être complémentaires dans la construction et l’échange
d’informations sur les enjeux environnementaux. Le projet ULYSSES combine en effet plusieurs des
outils recensés. Le baromètre personnel apparaît grâce au calculateur individuel. Le générateur de
scénario prenant en compte un certain nombre d’options radicales est également présent au travers des
modèles experts dont les résultats sont proposés aux utilisateurs. Enfin, la visite virtuelle est esquissée
lors de la première session puisqu’elle propose une animation multimédia sur les enjeux du

URL : http://www.c3ed.uvsq.fr/c3ed/Gouverne/indexgouv.htm

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changement climatique sans toutefois offrir la possibilité à l’utilisateur d’intervenir sur le déroulement
de l’animation.

A la lumière de toutes ces expériences, il apparaît que les outils informatiques présentés remplissent
un certain nombre de potentialités dans l’accès à l’information et à l’interaction. Leur utilisation, en
complément d’un certain nombre de procédures, est en train de modifier les rapports entre science et
société en offrant plus de place au citoyen dans la compréhension, mais aussi dans sa capacité d’action
sur la régulation de l’environnement naturel. Insistons cependant une fois encore sur le leurre qui
consisterait à voir dans ces outils techniques des solutions aux conflits sur les ressources. Tout dépend
de la place que la société leur accordera et de la façon dont l’interaction sera organisée et pensée.

Conclusion

A l’issue de cette analyse, il apparaît que les nouvelles technologies de l’information et de la


communication ne sont pas synonymes de préservation de l’environnement. Dans bien des cas, des
effets secondaires sont tout à fait envisageables, non seulement du point de vue écologique, mais aussi
sur les plans sociaux et économiques. C’est pourquoi, dans certains domaines, nombre de travaux
restent à réaliser pour étayer l’hypothèse selon laquelle les NTIC et leur usage sont favorables à
l’environnement. En revanche, les NTIC revêtent des potentialités bénéfiques sur les avancées de
nombre d’innovations technologiques environnementales. Pour rendre effectives de telles potentialités
une programmation et une organisation adéquates de la recherche scientifique et technologique
semblent indispensables. L’un des marchés potentiels les plus prometteurs des NTIC appliquées à
l’environnement réside probablement dans la conception d’outils interactifs et conviviaux aidant à
mettre en œuvre les objectifs de gouvernance concertative de plus en plus préconisés dans l’évolution
de la législation des institutions internationales, européennes et même nationales en matière de
politique de l’environnement et, plus largement, de développement durable (Faucheux, Hue, 2000).

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