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Le cinéma est-il un art plastique ?J’entends ici le concept de plasticité en son sens le plus riche.

Dans
cette optique, je crois nécessaire, sinon d’écarter radicalement, du moins de reléguef au second plan deux
questions que mon sujet évoque :« Le cinéma a-t-il des relations avec les arts plastiques ? » : cette
question suppose que le cinéma a une nature différente des arts appartenant à l’ensemble arts
plastiques, soit la peinture, la gravure et la sculpture (sans doute parce que, à leur différence, il
propose des images animées) ; sur cette base, il s’agirait de savoir comment le cinéma a contracté
des relations avec ces arts plastiques à divers moments de son histoire (par exemple, dans les
fameuses années vingt), comment certains films attestent leur influence formelle ou thématique, etc.
« Le cinéma appartient-il aux arts plastiques ? »

Cette question suppose, au contraire, que le cinéma pourrait posséder de manière inhérente et
générale des caractéristiques de médium qui l’assimilent à la catégorie historique des arts dits
plastiques ; elle dirige encore notre esprit vers la classification des arts, mais, cette fois, vers
l’héritage que le cinéma aurait recueilli des autres arts, pour savoir si aucune spécificité ne serait
parvenu à les en différencier suffisamment.

Pour mieux être discemée de ces deux questions, celle qui m intéresse peut se formuler ainsi : « Le
cinéma est-il un art plastique ? », à condition de ne pas entendre « art plastique » comme un
syntagme figé et d’accorder à

« plastique » le maximum d’intensité sémantique. C’est pourquoi la meilleure formulation de la


question recherchée est en définitive : « Le concept de plasticité permet-il de rendre compte du
cinéma ? » En effet, cette formulation recrute non seulement la question d’une nature plastique du
cinéma, au sens que 1’idée revêt, dès l’antiquité, dans la réflexion sur les arts plastiques, c’est-à-dire,
on le verra, le modelage des formes, mais encore toute la richesse de la notion de plasticité dans son
application peu ou prou métaphorique à une variété inépuisable de phénomènes physiques ou
psychiques — parmi lesquels on peut évoquer en vrac : les arts plastiques évidemment, les
phénomènes magmatiques, les protoplasmes, les images mentales ou les processus cognitifs en
général.

Réinscrites dans cette perspective, qui n’est donc pas une perspective classificatoire, les belles
envolées deRicciotto Canudo prennent tout leur sens : le Septième Art, dit-il, représente « la
puissante synthèse moderne de tous les Arts: arts plastiques en mouvement rythmique, arts
rythmiques en tableaux et sculptures de lumières. 6 $• ou encore, le cinéma « résume » les autres
arts, il est « l’Art plastique en mouvement», qui participe des «Arts immobiles » en même temps que
des « Arts mobiles », (. ..) ou des « Arts du Temps » et des « Arts de l’Espace » (. ..), ou encore des
Arts plastiques et des Arts rythmiques, en est le

« Septième » » 7. Il est fécond d’interpréter ces formules

moins comme un appel au mélange ou à la combinaison des autres arts que comme le constat qu’il
ressortit à une dialectique de leurs caractéristiques différenciées, le mouvement et la forme, le
rythme et la plastique (au sens restreint) ; et cette interprétation rejoint clairement la notion de
plasticité en tant qu’elle évoque la formation, la présence et le devenir des formes.

$. In Benjamin Rand, Second Characters or the Language of Forms, by


the Right Honourable Anthony, Earl of Shaftesbury, Cambridge
University Press, 1914 (New York, Greenwood Press, 1969), p. 142.
4. Ibid., resp. pp. 90 et 91.
5. Ibid., pp. 142-143.
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Poïétique et poétique

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