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La présence intégrale

Couverture et mise en page : Ondine Laradi


Relecture : Jean-Michel Taulet
© Copyright Arkanorum 2008
© Editions Charles Antoni / L'Originel
25 rue Saulnier - 75009 Paris
Tél. : +33 (0)1 42 46 75 78
http://www.loriginel.com
editions@loriginel.com
Tous droits de reproduction réservés pour tous pays
Dépôt légal : 4ème trimestre 2008
ISBN : 979-10-91413-50-3
Sébastien Fargue

La présence intégrale

Collection Non-Dualité
Remerciements
Merci à Didier Fleury, Linda Stachetti, Pierre-André Morales, Gilles Roy et
Peter Fenner. Leurs relectures, préface et traductions, ainsi que leur présence
et leur amour m'ont grandement aidé à réaliser cet ouvrage.
Table des matières
Préface
Introduction
Notions de base
Qu'est-ce que la présence ?
La simple conscience d'exister
La présence inconsciente
La présence consciente
La conscience pure
Une conscience, plusieurs formes
De la présence inconsciente à la présence consciente
L'honnêteté
La pratique
La perception pure, c'est l'éveil
Les mouvements de l'ego
L'importance du corps
L'importance de pratiquer sans enjeux
L'importance de l'insoumission
Le champ de perception
La présence à soi
La présence à l'autre
La présence à soi et à l'autre
La présence à soi et aux autres
La présence au monde
La présence à soi et au monde
La présence à soi, à l'autre et au monde
La présence intégrale
Le champ unifié de perception
Mémoire et culpabilité
Pratiquer ou ne pas pratiquer...
Notions annexes
La présence c'est l'amour
La présence c'est l'inconnu
La présence c'est l'abandon de la lutte
L'illusion de l'aboutissement
L'illusion de la mort
L'autre est moi
La présence m'aime comme je suis, là où j'en suis
Comment devenir un problème pour soi-même...
La présence se suffit à elle-même
De la « vie mentale » à la « vie perceptuelle »
De la contemplation
L'ego est un enfant
La présence est notre état naturel
Présence et action
Un individu honnête
Juste une prise de conscience
L'idée ou l'expérience
La présence est notre source d'amour
Se voir soi-même en toute chose
La libération est un deuil
Le deuil complet et le deuil de substitution
L'accueil et la lucidité
De l'intégration
Le respect des saisons
Le bonheur et le malheur
La nécessité de la conscience pure
De la foi
Le moi n'est qu'une idée
Préface

C'est un plaisir de vous présenter ce livre de Sébastien Fargue. Sébastien est


un jeune explorateur de la conscience. Il s'est consacré avec constance et
sincérité à la plus profonde compréhension de la psyché humaine et à notre
quête perpétuelle de plénitude et de complétude.
Il vous présente dans ce livre les fruits de sa recherche personnelle sous une
forme facilement accessible aux lecteurs et aux praticiens occidentaux. Il a
conçu un plan de travail et des schémas très clairs pour présenter son
enseignement selon lequel tous les êtres humains ont la capacité d'atteindre
un état de pleine connaissance de soi qui libère de la souffrance et de
l'illusion.
Les découvertes de Sébastien sont en harmonie avec l'approche de la non-
dualité ou de l'advaïta, qui mène à une vie réalisée. L'avantage de ce livre est
de nous présenter la sagesse ultime de la non-dualité dans un style sans
jargon ni terminologie trop technique. Ce livre clair et rafraîchissant ne
s'encombre pas de concepts et de termes techniques qui rendent souvent la
sagesse des écritures traditionnelles ardue à suivre comme à pratiquer.
Dans ce livre, la « présence » non-duelle nous est montrée comme un état qui
embrasse et reconnaît pleinement les dynamiques de nos expériences de vie
incarnées et conditionnées, tandis qu'il nous révèle en même temps notre
nature primordiale : une présence immuable et atemporelle.
Je recommande fortement ce livre à tous les chercheurs qui souhaitent
rencontrer la sagesse libératrice de la non-dualité, sous une forme aisément
digeste, débarrassée des complexités théoriques et des scories lentement
instillées dans plus d'un récit traditionnel.
A chaque page de ce livre vous trouverez des indications pouvant vous
libérer des identifications aux besoins et aux propensions de l'ego, qui
attachent notre pensée et nos émotions au cycle de la souffrance et du plaisir.
Laissez vos pensées voyager sur ces exposés éloquents jusque dans la liberté
de la présence pure et limpide.
Dr. Peter Fenner
Center for Timeless Wisdom, Palo Alto, Californie.
Introduction

Cet ouvrage est le fruit de ma recherche et de mon expérience. Il est un


« arrêt sur image » de mes découvertes sur le chemin de la vie. Aussi, il ne
s'agit pas d'une conclusion ou d'une thèse, mais simplement de la réalisation
d'un travail de développement personnel et spirituel entrepris depuis plus de
dix ans, qui est là où il en est aujourd'hui.
J'y décris de manière intuitive et synthétique mes propres axes de travail et
d'enseignement. Ces notions et cette pratique de la présence ne sont ni plus ni
moins qu'une expression différente, actuelle et démythifiée, d'enseignements
spirituels sérieux déjà plusieurs fois millénaires.
Il me semble important aujourd'hui de sortir notre capacité naturelle et
universelle d'évoluer (et de nous éveiller à notre dimension spirituelle), des
cadres limitant des vieilles institutions religieuses. Nous pouvons tout à fait
mettre de la conscience sur ce que nous sommes, sans pour autant devoir
adhérer, voire cotiser, à un groupement ou une institution quelle qu'elle soit.
Le chemin de la conscience n'est pas un chemin de croyance en quelque
chose, mais un chemin de réalisation de ce qui est, au-delà de toute théorie et
de toute croyance. Nous pouvons alors nous appuyer, non plus sur des idées
ou des images, mais sur l'essence de la vie qui est en chacun de nous, et qui
est sans forme ni durée, sans pensée ni émotion, silencieuse, inconditionnée.
Il n'y aura donc dans cet ouvrage aucune référence directe à un quelconque
courant spirituel, bien que j'aie été inspiré et enseigné par plusieurs d'entre
eux, et que j'éprouve à leur égard une gratitude sans limites.
Notre dimension spirituelle ne dépend pas d'une philosophie ou d'une autre,
elle est avant tout humaine, naturelle. La présence peut se pratiquer quelle
que soit notre condition de vie, que nous appartenions à un groupe ou non,
que nous vivions à la ville ou à la campagne, que nous ayons une vie de
famille ou que nous soyons seuls, que nous soyons plutôt actifs ou
contemplatifs, etc.
La présence n'a rien de secret ou d'hermétique. Point besoin d'être ceci ou
cela pour la vivre et la transmettre. La présence est universelle.
Il y a dans cet ouvrage des répétitions, des caricatures, des simplifications,
des généralisations, des évidences de première catégorie, et autres figures de
style pédagogiques, qui n'ont d'autres buts que de dissoudre nos croyances
erronées à propos de la réalité.
Vous pourrez y découvrir aussi quelques paradoxes ou impossibilités
conceptuelles, également conçus pour faciliter l'accès à un espace de
conscience au-delà de notre mental.
Il s'agit d'un ensemble de « variations sur un même thème », comme une
chanson avec ses couplets et ses refrains. Et comme toute chanson, elle est
l'interprétation de quelque chose, d'un état d'âme, d'une expérience. Aussi, ce
qui est écrit ici n'est pas à prendre au pied de la lettre, mais plutôt à être
ressenti, « intuité », expérimenté par chacun. Ces écrits tournent autour et
pointent vers une réalité indescriptible, inexplicable, mais bien réelle et
expérimentable.
J'ai écrit ce livre pour faire ce que j'ai à faire, et dans un élan de partage
humaniste. Je n'ai pas de plus grande joie que de partager l'essence de la vie
avec mes semblables. J'ai besoin de la partager, car c'est pour moi la
meilleure manière de l'incarner au quotidien, autant que faire se peut.
En me tournant vers les autres et vers l'ensemble, je suis plus présent et
vivant qu'en étant tourné sur moi-même.
Notions de base

Ces notions de bases sont le minimum de ce qu'il y a à « savoir » concernant


la présence. Elles sont la synthèse et le cœur de ce que je peux en dire.
Elles sont utiles dans la mesure où l'on aura parfois besoin de comprendre
avec sa tête, avant d'expérimenter de tout son être la présence.
Paradoxalement, il faudra oublier ces principes, ou en tout cas ne pas y
penser pour pouvoir vivre la présence.
En effet, la présence ne se pense pas, elle est « avant » la pensée.
Ces notions ne décrivent pas parfaitement la réalité, elles ne sont que
relativement vraies.
Néanmoins, elles parlent de la réalité, et sont même la réalité qui parle.
Qu'est-ce que la présence ?

La présence, c'est la vie.


La vie est une présence, une apparition, un « quelque chose » qui a
conscience d'exister.
La présence c'est la vie sous toutes ses formes.
La présence c'est à la fois les formes, et la conscience qui a conscience de ces
formes.
La conscience perçoit l'apparition, l'évolution, puis la disparition de formes
innombrables.
La conscience est comme un espace vide infini, qui a conscience des choses
qui viennent le traverser.
La présence est une conscience qui s'observe prendre forme puis mourir à
chaque instant.
La présence est à la fois toutes les formes et ce qui n'a aucune forme.
Tout est présence, simultanément formes et conscience.
La simple conscience d'exister

Un aspect primordial et étonnant de la présence, c'est sa conscience d'exister.


Nous savons que nous sommes, nous avons conscience d'être en vie.
Évidence tellement énorme, que nous oublions ce fait fondamental,
totalement magique, miraculeux et mystérieux : l'apparition de quelque chose
dans rien, qui, en plus, a conscience de lui-même.
Le fait en lui-même est époustouflant, stupéfiant.
Avant tout propos à son sujet, la présence, la vie, est déjà un phénomène
absolument merveilleux.
Cette simple prise de conscience, cet étonnement, peut être le début et la fin
de notre quête de bonheur ou de vérité. Nous sommes à cet instant démunis
de tout savoir, de toute présomption et de tout jugement quant à la vie et
nous-mêmes : nous sommes ravis.
La présence inconsciente

De toute évidence, nous sommes cela, nous sommes la vie, la nature, la


présence. Il arrive que nous oubliions ce fait primordial.
Ou plutôt, il arrive à la présence d'oublier, de ne plus être consciente de ce
qu'elle est. La présence devient inconsciente. Il s'ensuit en général tout un
éventail de conséquences désagréables pour l'être humain et son
environnement.
En effet, lorsque la présence prend la forme d'un être humain, et que cet
humain oublie qu'il est la présence, alors il se prend réellement pour un être
humain, et uniquement cela. Ce qui lui procure un sentiment d'incomplétude,
de « mal-être ». Manifestement, le pauvre bougre a perdu ses racines, sa
filiation, son essence, lui-même, la présence.
Il lui manque alors quelque chose, il se sent incomplet. Il part donc en quête
pour combler le manque ou retrouver ce qui manque.
La présence consciente

Parfois, la présence ne s'oublie pas. Elle sait consciemment ce qu'elle est. Elle
a alors un sentiment de complétude. Si elle était inconsciente auparavant, ce
qui manquait a été retrouvé.
Elle se rappelle qu'elle est à la fois cette forme relative et temporelle (être
humain avec son monde environnant) et à la fois conscience absolue et
atemporelle.
Le sentiment et la notion de séparation entre la conscience, moi et le monde
ont disparu. Tout est un. La quête est terminée.
La conscience pure

La conscience est la « partie » absolue, inconditionnée de la présence. La


conscience à l'état « pur » n'a tout simplement aucune forme. Elle ne peut ni
naître, ni évoluer, ni mourir.
L'avantage avec cela, c'est que nous avons tous, en tant que vie, en tant que
présence, une dimension absolue.
L'inconvénient avec l'absolu (ou la conscience pure), c'est qu'on ne peut pas
le connaître en tant qu'objet. C'est-à-dire, que l'on ne peut pas le définir, ni le
comprendre, ni l'attraper.
L'avantage, c'est qu'il est invariablement fixe, stable et permanent. Toujours
là, sans forme, silencieux, invisible, insaisissable, immuable, éternel.
La conscience est toujours là, au-delà des apparences.
Si elle n'est pas là, il n'y a pas de conscience d'exister, d'être.
On ne peut tout simplement pas la perdre. On ne peut ni obtenir ni perdre ce
qui n'a aucune forme, ce qui n'est « rien ». On ne peut pas l'avoir, on ne peut
que l'être.
Même si on est inconscient d'être la conscience, on a encore la sensation
d'exister, d'être vivant.
La conscience pure est ce que nous sommes, au-delà des formes. Elle est
l'espace dans lequel apparaissent le corps-esprit et le monde.
Une conscience, plusieurs formes

La conscience est la même pour tout le monde. C'est notre unique point
commun à tous. Ce que nous partageons tous et qui est exactement la même
pour tous.
Nous avons chacun et chacune des formes différentes. Il n'y a pas deux êtres
absolument identiques. Néanmoins, en tant que composante (invisible) de ce
que nous sommes, la conscience est absolument identique chez chacun et
chacune.
Si les formes sont multiples, la conscience est unique.
La présence vit plusieurs vies en même temps. Elle joue tous les rôles que
d'habitude nous appelons moi, lui, elle, eux, nous, le monde, etc.
La présence est simultanément tout le monde, chaque individu, et chaque être
animé ou « inanimé ».
Et, en tant que conscience pure, elle est sans pour autant être quelque chose
comme une personne ou une énergie ou une idée.
Elle n'est rien ni personne, et en même temps, tout le monde, toute chose,
toute pensée, toute énergie.
La présence est un paradoxe insoluble pour la pensée logique. Elle est à la
fois une chose et son contraire. Ainsi, nous ne pouvons l'appréhender
totalement avec notre seule pensée...
De la présence inconsciente à la présence consciente

Il s'agit d'une rééducation de la perception. Nous devons perdre l'habitude de


percevoir le monde comme on nous l'a appris. Nous pouvons nous entraîner à
pratiquer la présence consciente.
Pour cela, il suffit d'être plus attentif, plus présent, et d'observer.
Observer ce qui se déroule en nous et autour de nous, d'instant en instant, à
tous les niveaux. On pourrait parler de méditation, mais je préfère parler de
présence.
A mon sens, il est judicieux de pratiquer cette présence, tant dans la passivité
que dans l'activité. Nous sommes vivants et incarnés, et il nous faut amener
notre capacité d'attention, d'observation, au cœur de notre quotidien, au cœur
de nos relations et au cœur de nos actions les plus « nobles » ou les plus
« triviales ».
Simplement, continuellement, nous mettons de la conscience là où il n'y en a
pas. Nous devenons ainsi de plus en plus conscients.
De ce fait, et à partir d'une certaine « profondeur » de conscience, la vérité, la
réalité de ce que nous sommes émerge d'elle-même, sans que nous cherchions
à la réaliser. L'évidence de l'unité et de l'amour revient à la conscience, tout
comme on constate, avec force réalisme, qu'à partir d'une certaine distance de
recul la Terre est bien ronde, et non plate.
Aussi, point besoin de croyances ou de tralalas pour constater un fait
empirique et universel. La réalité est ce qui est, et non ce que je crois qu'elle
est. Ainsi, il me semble que l'honnêteté est un ingrédient nécessaire à toute
personne qui aurait l'idée d'aller jusqu'au fond des choses et d'elle-même.
Pour vivre la présence consciemment, nous devons descendre de nos grands
chevaux, de notre estrade du savoir, et passer d'un mode de vie où la pensée
contrôle et dirige, à un mode de vie où c'est la perception directe du présent
qui nous guide et nous fait grandir.
L'honnêteté

Par honnêteté, j'entends simplement notre capacité à distinguer le vrai du


faux, la réalité, des histoires que l'on raconte à son propos. La conscience ne
ment jamais, elle ne fait que montrer, en permanence, ce qui est. Néanmoins,
nous avons une certaine tendance pour la majeure partie d'entre nous, à croire
les histoires qui nous traversent sous forme de pensées et d'émotions.
Et il me semble qu'en matière de libération, d'éveil, tout se joue ici. Est-ce
que je prends pour réel et fiable les choses relatives et évanescentes, ou est-ce
que je suis honnête et en reste au fait. Est-ce que je crois aux histoires de tout
acabit que l'on me raconte et que je me raconte, ou est-ce que je perçois
simplement ce qui est sans en faire systématiquement une histoire, une
croyance ?
L'honnêteté, pour moi, consiste également à ne pas catégoriser la réalité en
terme de matériel ou de spirituel, de bien ou de mal, etc., à tout simplement
ne pas s'arrêter sur une représentation figée des choses.
Si je suis honnête, il me faut avouer que tout simplement je ne sais pas et ne
peux pas savoir ces choses-là. Le monde est trop vaste, et les facteurs en jeu
bien trop nombreux, absolument incalculables.
Honnêtement, même si je suis l'infini, je ne peux pas savoir l'infini.
La pratique

Cette partie pratique propose des principes aidant et des techniques simples
afin de commencer à s'exercer à la présence.
Il existe d'autres techniques et astuces ou prétextes qui nous permettent
d'expérimenter la présence. Je m'en suis tenu à de grandes lignes, qui
néanmoins à elle seules, peuvent amplement suffire comme pratique
quotidienne.
N'essayez pas de parvenir à faire à tout prix ce qui est proposé ici. Faites ce
qui vous convient.
L'approfondissement de la présence est un phénomène naturel, aussi, nous
avons tout intérêt à cultiver respectueusement la graine ou le germe d'être
éveillé que nous sommes, plutôt que d'essayer d'en faire la culture intensive
avec une obligation de rendement toujours plus important...
La perception pure, c'est l'éveil

À l'instant où nous sommes en train de percevoir, d'être attentifs, il n'y a pas


de conceptions ou de notions de « moi », « d'autre », de « libération », «
d'emprisonnement », de « bien et mal », de « niveau », « d' intérieur », «
d'extérieur », de « grand », de « petit », « d'échec », de « succès », « d'absolu
», de « relatif », « d'évolution », de « mort », etc.
Nous avons, à cet instant précis, et involontairement, « transcendé » le monde
de la pensée. Nous sommes dans l'ultime et unique réalité de la présence,
innocente et impensable.
Il nous arrive donc fréquemment d'être « éveillés », au moment précis où
nous voyons un arbre ou un chat, au moment précis où nous entendons une
mobylette ou une musique inattendue dans la rue, au moment précis où nous
sentons la texture d'une fleur ou d'un tapis sous nos doigts. L'éveil a cette
simplicité. La présence est la simple perception sans histoires de ce qui est.
À l'instant où nous sommes cette présence, nous ne le savons pas, il n'y a pas
de « moi » pour prendre livraison de l'expérience ; nous sommes l'expérience.
Dans la perception pure, nous ne sommes pas en train de diviser la vie entre
« moi » qui perçois et « cela » qui est perçu ; il n'y a que l'acte de percevoir,
spontané, gratuit et clair.
Ainsi, la simplissime voie directe de l'éveil, c'est la perception pure. Cela
étant, dans la présence, il n'y a plus de notion de « voie » ou de « pratique ».
Dès que la perception pure est là, l'éveil est là, la présence est là.
La notion de « moi » ayant également disparu, l'éveil ne peut en aucun cas
être « obtenu » par « quelqu'un ». Aussi, en tant que « moi », je ne peux
absolument pas atteindre l'éveil ou être quelqu'un « d'éveillé ».
En réalité, nous ne pouvons pas obtenir l'éveil, car, depuis toujours, nous
sommes l'éveil. Il s'agit d'un fait empirique dont nous avons simplement
concience
ou pas.
La perception pure dans l'instant présent est la porte ouverte de la
reconnaissance de ce que nous sommes réellement. C'est le retour à la réalité.
Toute voie authentique débute et se termine dans cet instant même.
Les mouvements de l'ego

Ces mouvements, (faits de désir, de peur, de croyances, de projections, etc.)


que je considère comme naturels, ne s'évincent pas plus qu'ils se vainquent
grâce à la lutte ou à l'effort. Nous devons tout simplement les observer, les
accueillir, être un « espace » de conscience qui les contient, les embrasse ;
alors, aussitôt, ils ne nous conditionnent ni ne nous dirigent davantage.
Nous ne tuons pas l'ego (tous ces mouvements éphémères), nous l'incluons
dans quelque chose de plus vaste, de plus calme, de plus universel.
Il n'y a pas de méchant à tuer ou de vérité à imposer, nous nous élevons
simplement au-dessus de toutes ces considérations conceptuelles sans fin qui,
de toute façon, ne nous permettent pas d'être véritablement heureux. Nous
suivons notre élan vital intérieur, qui nous incite (de gré ou de force) à
grandir, à évoluer, à aller vers l'actualisation d'un potentiel que nous portons
en nous.
Dans la présence, il n'y a pas d'idéalismes spirituels ou de morales bien-
pensantes, mais une rencontre franche et honnête avec la réalité, avec tous
nos sens, avec une perception claire de tous ces rouages qui nous fascinent et
nous dominent, auxquels, jour après jour nous cotisons inconsciemment. Les
« voir » en prendre conscience, c'est nous en libérer.
Nous devons avoir justement les pieds bien sur terre, dans nos corps, dans
notre attention. La présence n'est ni spirituelle, ni matérielle, elle n'est pas
limitée par des concepts aussi grossiers et ambivalents.
La vie est un tout, et l'ego en fait partie ; il ne faut certainement pas l'en
exclure, ni pour autant rester sous son pouvoir.
L'importance du corps

La conscience du corps est primordiale, en ce sens que l'on ne peut qu'être


dans l'instant présent si nous sommes présents au corps physique, aux
sensations.
Ainsi, dès que nous souhaitons revenir au présent, il nous suffit de revenir à
la présence au corps.
De plus, être présent à ce qui se passe dans le corps, c'est comme écouter les
rythmes de la vie, c'est-à-dire commencer à apprendre les « lois » de la vie.
Nous nous ouvrons au langage « non-verbal » de la nature, nous percevons
les messages « non mentaux » de ce qui est.
Nous sommes alors à la source de l'enseignement de la vie, qui nous instruit
sans utiliser de représentations. À partir de là, on ressent et on comprend les
choses avant que la pensée et les mots n'interviennent. Lorsque ces dernières
apparaissent, nous n'avons alors qu'une représentation limitée de ce qui est,
un fragment, une partie, une généralisation, une interprétation, une théorie.
Nous perdons la vérité toute fraîche de ce qui est.
L'importance de pratiquer sans enjeux

Un critère important de la qualité de notre présence en est la légèreté,


l'humour. Si notre vigilance devient trop dure, si nous allons vers une
concentration trop focalisée, il n'y a ni détente physique, ni paix intérieure.
La présence doit être un moment, de plaisir, de détente, de relâchement,
d'ouverture. Pas une corvée journalière qui nous barbe... et si c'était le cas,
faisons autre chose.
La présence a un côté « ce n'est pas grave », « on verra bien », « je ne suis
pas en train de jouer ma vie ». Elle est, entre autres, un apprentissage du
lâcher-prise.
Il s'agit évidemment d'une démarche sérieuse et authentique, pour autant
n'oublions pas de vivre notre vie d'être humain dans toutes ses dimensions.
Il ne faudrait certainement pas nous astreindre à des renoncements
volontaires de telle ou telle chose. Expérimentons simplement tous les
phénomènes avec davantage de conscience. Ensuite, s'il arrive que nous ne
ressentions plus le besoin de telle ou telle composante de notre vie, elle
disparaîtra d'elle-même, sans effort. De la même manière, d'autres
composantes peuvent apparaître.
Nous pratiquons pour notre évolution et celle des autres, certes, mais notre
« salut » et celui du monde ne reposent pas que sur nous ! Et bien
heureusement ! (Si tant est qu'il existe réellement un quelconque salut...)
L'importance de l'insoumission

Autant il est important de laisser faire, de laisser être ce qui est, autant il est
important de ne pas se laisser faire par ce qui est.
J'entends par là, que l'observation et l'accueil, ne signifient pas être fasciné,
envoûté, aliéné par le contenu de la conscience.
Il faut être là et bien là. Si nous sommes trop mous, nous nous endormirons
ou nous serons hypnotisés par de pseudo-rêves ou des films dont nous
sommes le héros...
Nous pouvons aborder la pratique sans gravité, tout en ayant à l'esprit que
nous ne sommes pas là pour nous enivrer d'illusions spirituelles, d'états
modifiés de conscience ou d'états énergétiques exceptionnels.
Nous sommes là pour percevoir sans concession ce qui a lieu ici et
maintenant. Nous observons avec une grande acuité nos mouvements internes
d'attractions et de répulsions par rapport à ce qui est. Nous sommes là pour
nous libérer des contraintes de la conscience mentale et nous familiariser
avec la conscience « éveillée » ou non-duelle.
Les états internes et les systèmes de pensées, aussi subtils ou élaborés qu'ils
soient, ne sont pas l'expérience non-duelle de la présence.
Ils prennent place dans la présence, mais ne sont pas la présence en tant que
telle.
Le champ de perception

Le champ de perception c'est le champ de conscience, plus les phénomènes


qui y sont perçus.
Le champ de conscience -- ou « conscience pure »-- est comme un espace
vide et infini, (la feuille blanche sous le schéma ci-après) pouvant accueillir
tout un tas de phénomènes internes et externes. On appelle généralement
« interne » ce qui apparaît « à l'intérieur » du corps-esprit, ce que l'on nomme
« moi » (par manque de perception pure). On appelle « externe » ce qui
apparaît « à l'extérieur » du corps-esprit, et que l'on nomme « les autres »,
« le monde », « pas moi » (par manque de perception pure).
À partir de l'instant où un phénomène apparaît dans la conscience, il est
perçu, et entre ainsi en existence, il naît. Quand ce phénomène disparaît ou
sort du champ de conscience, il meurt. Ce qui meurt pour moi, ne meurt pas
forcément pour quelqu'un d'autre ; cela peut même naître pour quelqu'un
d'autre.
Les phénomènes sont en interaction les uns avec les autres. Par exemple, ce
que je vois là-bas
dans la rue va influer sur ma pensée, cette pensée
sur mon état, mon état sur ma pensée, ma pensée sur mon action, mon action
sur cet objet ici, cet objet
sur ma pensée, ma pensée sur mon état et ainsi de suite. Nos actions et
conceptions sont totalement tributaires et dépendantes de leurs
environnements et réciproquement.
La pratique consiste à prendre conscience de tout cela, d'apprendre comment
cela fonctionne. Notre observation nous fera comprendre la structure et la
dynamique de l'ego, et nous en libèrera simultanément.
Dans les points suivants, il nous est proposé de placer notre attention, notre
conscience sur différents domaines de notre champ de perception.
Nous partons du plus proche pour aller vers le plus vaste, intégrant et
associant plusieurs domaines, pour à la fin, n'en faire qu'un qui les regroupe
tous.
Lorsque l'attention est totale, intégrale, nous ne pouvons faire autrement que
d'être dans la présence, que d'être la présence.
Nb : Sur tous les schémas, la page blanche entière représente la conscience
pure, au centre, autour, en arrière-plan et au travers des phénomènes.
La présence à soi

Confortablement assis, seul, ou à plusieurs, dans un lieu tranquille pour


commencer.
Il est important de se centrer, d'être « posé » en soi, le plus profondément
possible, dans un état de calme intérieur.
Et c'est d'ailleurs un préalable à toute pratique de présence. Être là, ici et
maintenant.
On pratique la présence grâce à la présence.
Observer la présence ou l'absence de pensées.
S'il y a des pensées, quels sont leur rythme, leur taille et leur intensité ? Voir
cela et laisser faire.
Observer la présence ou l'absence de sentiments.
S'il y a des sentiments, quelles sont leur densité, leur profondeur et leur
intensité ? Voir cela et laisser faire.
Observer la présence ou l'absence d'émotions.
S'il y a des émotions, quelles sont leur texture, leur
taille et leur intensité ? Voir cela et laisser faire.
Observer la présence ou l'absence d'énergies.
S'il y a des énergies, quels sont leur vibration, leur mouvement et leur
intensité ? Voir cela et laisser faire.
Observer la présence ou l'absence de sensations.
S'il y a des sensations, quelles sont leur localisation, leur fréquence et leur
intensité ? Voir cela et laisser faire.
Observer les interactions entre la pensée, les sentiments, les émotions, les
énergies et les sensations. Observer comment elles interagissent entre elles.
Voir cela et laisser être.
S'il n'y a rien, voir cela et laisser faire.
Ensuite, on peut pratiquer la présence à soi dans des situations passives ou
actives diverses (en marchant, en écrivant, en lisant, en se lavant, en
mangeant, en parlant, en écoutant, en nageant, en courant, sur un banc, dans
la voiture, dans le métro, etc.).
La présence vous accueille tel(le) que vous êtes, au moment où vous l'êtes, et
ne vous demande pas de changer ou de rester le (la) même.
La présence à l'autre

Avec une autre personne.


Observer l'autre.
Regarder sa posture, son souffle, les détails de son visage, de ses mains, de
ses vêtements.
Regarder ses yeux, sans insistance si cela devenait inconfortable.
Percevez son état. Ressentez l'autre.
Lui demander de vous raconter sa journée, ou quelque chose d'autre.
Écouter. Écouter sans chercher quoi que ce soit.
Il s'agit d'être un récepteur pur, simplement recevoir un maximum
d'informations sensorielles (voire extrasensorielles).
Avoir une attention perceptuelle aiguë, comme si vous étiez un chat auquel
rien n'échappe.

Ouvrir au maximum l'aspect réceptif de votre relation à l'autre.


Il vous sera plus aisé, dans un premier temps,
de rester silencieux si vous voulez bien percevoir l'autre.
Vous pourrez aussi, dans un second temps,
vous amuser à être réceptif vis-à-vis de plusieurs personnes.
La présence accueille l'autre tel(le) qu'il (elle) est, au moment où il (elle) l'est,
et ne lui demande pas de changer ou de rester le (la) même.
La présence à soi et à l'autre

C'est l'association des deux points précédents, et l'on pourrait aussi bien
l'appeler « présence à la relation » ou « relation consciente ».
Il s'agit d'y être à l'écoute de soi et de l'autre simultanément ou par séquences
(regard alternativement chez moi puis chez l'autre).
Percevoir ce que génère à l'intérieur de vous la communication de l'autre
(même si elle est silencieuse).
Voir cela et laisser faire. Apprendre à voir et à accueillir la réaction que la
communication de l'autre a réveillée en moi.
Percevoir chez l'autre ce que votre communication génère en lui ou elle. Voir
et laisser faire.
Prendre votre temps (très important).
S'amuser à cela de manière formelle ou informelle dans un maximum de
lieux et de situations différentes.
En fonction de la nature plus ou moins intime de votre relation, vous pouvez
y ajouter toute la dimension du toucher, de la sensation et du corps.
Si vous êtes si intime que ça, pratiquer cela également pendant les relations
sexuelles (sans pour autant trop refroidir l'ambiance).
La présence accueille la relation entre nous telle qu'elle est à ce moment-là, et
ne demande pas à ce qu'elle change ou reste la même.
La présence à soi et aux autres

Dans un troisième temps, vous pouvez vous amuser à observer la relation


entre deux personnes. Puis, entre plusieurs personnes, dans une réunion ou un
repas par exemple...
Vous observez les autres, d'abord en tant que simple observateur. Puis en
vous incluant dans le groupe, vous observez ce qui se passe en vous, chez les
autres et dans les échanges qui ont lieu entre vous dans le présent. C'est alors
une « réunion consciente ».
Faites-le comme un jeu, dans lequel il n'y a rien à gagner, ni rien à perdre.
D'ailleurs, rien de tout cela ne vous donnera l'éveil spirituel. Cela étant, il n'y
a pas à ma connaissance de technique plus rapide ou plus puissante que
celles-là pour le vivre.
La présence accueille la relation entre nous telle qu'elle est à ce moment-là, et
ne demande pas à ce qu'elle change ou reste la même.
Nb : La page blanche entière représente la conscience pure, au centre,
autour, en arrière-plan et au travers des phénomènes.
La présence au monde

Observer le monde, tout, les arbres, les fleurs, les chiens, les chats, les poules,
les maisons, les rues, les voitures, les gens, les nuages, la nourriture, les
magasins, la lune, les étoiles, le riche, le pauvre, la joie, les sourires, la peur,
la colère, les larmes, les cris, la musique, etc.
Percevoir cela simplement, sans but, gratuitement et sans effort... contempler
la vie et son spectacle ahurissant et merveilleux.
Vous pouvez faire ça, partout, tout le temps. Un état de perception intense
n'empêche aucune action.
Une fois de plus, il est important de se centrer, d'être « posé » en soi, le plus
profondément possible, dans un état de calme intérieur.
Et c'est d'ailleurs un préalable à toutes ces pratiques. Être là, ici et
maintenant.
On pratique la présence grâce à la présence.
La présence accueille le monde tel qu'il est, au moment où il l'est, et ne lui
demande pas de changer ou de rester le même.
La présence à soi et au monde

Idem, c'est comme pour le point précédent, avec en plus la présence à soi.
C'est-à-dire la présence à notre relation avec le monde.
Conscient des interactions qui ont lieu entre votre corps-esprit et
l'environnement, et observer leurs effets.
Laisser être.
La présence accueille la relation qu'il y a entre le monde et moi à ce moment-
là, et ne lui demande pas de changer ou de rester la même.
La présence à soi, à l'autre et au monde

Idem, identique au point précédent, en y ajoutant la conscience à l'autre en


plus. Donc, être attentifs à plusieurs choses en même temps ou par séquences
rapprochées.
Percevoir avec tous vos sens les interactions et les éléments du système soi-
autre-environnement.
Laisser être.
La présence accueille les interactions qu'il y a maintenant dans le système
soi-autre-environnement, et ne lui demande pas de changer ou de rester le
même.
La présence intégrale

Comme le point précédent, avec la nuance qu'on ne sépare pas les choses.
C'est-à-dire percevoir toutes ces choses comme étant un seul corps, un seul
champ unifié de perception.
Ainsi, j'inclus le corps-esprit que j'ai, dans le paysage. Il n'y a plus moi,
l'autre et le monde, mais seulement le champ unifié de perception, un seul
« Tout ».
Les sensations et les pensées sont vues comme des parties du monde, des
informations perçues, tout autour de la conscience centrale que je suis.
Alors, le corps-esprit, les autres, le monde et leurs interactions permanentes
apparaissent comme un système dynamique et autonome. Les différents
éléments sont reliés par la relation dynamique qu'il y a entre eux. Aucun
élément n'est exclu, chaque élément est relié à tous les autres directement ou
indirectement.
La présence accueille ce qui est, ici et maintenant, tel que c'est (comme un
seul corps) et ne lui demande pas de changer ou de rester tel qu'il est.
Le champ unifié de perception

Chaque élément est entièrement défini et conditionné par ses relations avec
les autres éléments. Le monde me crée et je crée le monde.
Les éléments eux-mêmes apparaissent alors, comme des sous-ensembles de
relations. Par exemple, le corps-esprit n'est qu'un ensemble de relations
relativement stables entre les différents éléments qui le composent. (Os,
organes, dermes, etc., émotions, énergies, pensées, etc.)
Ce que l'on croit être un individu, une entité distincte, est en fait un ensemble
de relations, lui-même sous partie d'une entité plus grande (la Terre par
exemple) composée d'un ensemble de relations, etc., etc. Nous pouvons
constater cela en allant vers l'infiniment grand et vers l'infiniment petit.
Avec ce constat, je ne peux que comprendre que ce que j'appelle « moi », est
aussi bien les atomes, les cellules, les sentiments, les pensées, les réactions
etc. qui composent ce corps-esprit, que le monde qui l'entoure et l'univers qui
l'englobe.
Nous comprenons ainsi aisément, sans aucune croyance, que les séparations
entre les éléments sont
illusoires et que tout est un. Les éléments se fondent alors l'un dans l'autre. Ils
disparaissent en tant qu'éléments séparés et distincts. Seules demeurent les
relations, ou mouvements d'énergies. Il reste une entité, composée d'un
nombre incalculable de relations, qui finalement, sont un seul mouvement,
une seule symphonie.
À ce moment-là, il n'existe qu'une seule conscience et qu'un seul corps, qui
en définitive, deviennent totalement indistincts. C'est-à-dire que je n'ai plus
de représentations mentales venant catégoriser ou fragmenter la nature de ce
qui est perçu, de la réalité.
Il n'y a plus la conscience d'un côté et le corps de l'autre.
La réalité est à la fois matière et vide infinis. A la fois substantielle et « non
substantielle », réelle et irréelle, inestimable et gratuite... en fait, rien de ce
qui puisse être pensé ou conceptualisé intégralement.
La conscience et le corps sont indissociables. Corps et conscience sont des
mots que l'on met sur la partie qui est perçue et sur la partie qui perçoit. En
fait, il n'y a qu'un acte de perception, et là est le coeur.
Mémoire et culpabilité

Constatant parfois les agitations, les émotions ou les sensations désagréables


qui pourraient émerger, ne nous laissons pas submerger par la culpabilité ou
le jugement. Ce qui arrive en nous, est simplement la réaction des mémoires
du corps, de l'émotion et de la pensée, en rapport à ce qui se passe dans le
présent.
Il y a quelque chose ici qui est déclenché par quelque chose là-bas. La vie m'a
fait comme je suis en tant que corps-esprit. Il est le fruit de l'histoire
personnelle, tout autant que le fruit de l'évolution de l'humanité et de
l'évolution de l'univers.
Je ne suis pas responsable des mémoires que j'ai, « c'est juste ce qui est
arrivé », ce qui a marqué et conditionné les différentes énergies qui me
composent.
Ces mémoires ne m'appartiennent pas, ce ne sont pas les miennes. Elles ont
bien lieu ici, mais ce n'est pas moi qui les ai faites. Elles sont les
conséquences des myriades d'interactions qui ont eu lieu depuis la naissance
de ce corps, et même bien avant.
Ces mémoires qui habitent le corps-esprit sont les mémoires du monde, elles
sont le patrimoine de l'humanité et de la vie. Vous n'avez rien à voir là-
dedans ; ce « vous » qui croit contrôler et posséder n'existe qu'en tant qu'idée.
En tant que moi, vous n'existez pas réellement, ce n'est qu'une apparence, un
voile, un mirage...
Il n'y a pas d'autres mémoires que celles de la vie.
Il n'y a pas d'autres souffrances que celles de la vie.
Il n'y a pas d'autre corps, que celui de la vie.
Il n'y a pas d'autre « moi » que celui de la vie.
Pratiquer ou ne pas pratiquer...

Nous savons que nous sommes totalement présents lorsque toute quête de
quoi que ce soit a disparu de notre intériorité. Nous sommes alors complets et
unis à tout être et toute chose, avec tranquillité et attention.
Aussitôt, toute nécessité de pratiquer quoi que ce soit pour arriver à quelque
chose s'est dissoute.
La nécessité de pratiquer réapparaît dès que le sentiment de complétude
s'efface, dès que la pensée est de nouveau prise au sérieux, dès que
l'identification avec ce qui nous compose redevient active.
L'identification est une tension, un attachement, la libération une détente, un
lâcher-prise.
Ces deux mouvements sont naturels et ont leurs propres inerties. Si bien que
les mouvements de tension émergent d'eux même, sans effort de notre part,
comme une habitude, un mouvement inconscient. De même, après un certain
temps de pratique de la présence, le mouvement d'ouverture, de libération,
apparaît de lui-même, sans effort.
Aussi, en début de pratique, notre intention et notre volonté sont nécessaires,
puis au fur et à mesure que le temps passe, nous avons de moins en moins
besoin d'agir volontairement pour « retrouver » la présence. Enfin, nous
prenons conscience que la présence correspond à un état d'être sans effort.
Notons bien au passage, que cet « état » sans désir et sans effort, n'est
absolument pas dénué d'action ou de créativité. Les charges psychologiques
et affectives dont étaient investies notre volonté et nos actions se sont
dissoutes. L'action et la création sont libérées du poids de leurs enjeux
égotiques, mais ne disparaissent pas pour autant. Ainsi, elles deviennent plus
légères, simples, perspicaces, gratuites et d'autant plus savoureuses.
Nous pouvons donc pratiquer tant que nous percevons que nous sommes
attachés, fixés ou fascinés, par des aspects agréables ou désagréables de notre
quotidien (de notre champ de perception).
Enfin, être présent redevient notre état naturel, « normal », nous sommes la
présence. Etre vivant et pratiquer se fondent l'un dans l'autre.
Notions annexes

Ces notions annexes pourront être utiles en tant que ponts entre notre
quotidien et les notions de bases citées au début de cet ouvrage.
Ce sont des représentations parfois plus élaborées que les notions de base.
Elles visent à offrir d'autres prétextes à la compréhension intuitive et à la
réalisation de la présence. C'est un panaché pédagogique tantôt logique et
duel, tantôt paradoxal et non-duel, plus ou moins direct.
Aussi, ne nous étonnons pas d'y trouver des points de vues unilatéraux, des
caricatures, des répétitions, des impossibilités conceptuelles ou des
affirmations sérieuses et sans concessions. Tout cela afin de mettre en
lumière d'une part, certaines structures et dynamiques de l'ego et d'autre part,
ce qui se passe lorsque la présence redevient consciente.
Nous trouverons également une insistance à universaliser et dépersonnaliser
l'être humain que nous sommes (également). Il s'agit d'un procédé délibéré
visant à relativiser ou contrebalancer l'égoïsme et le « séparatisme »
prépondérant dans lequel nous sommes encore éduqués.

Nous sommes aussi bien quelqu'un, que personne ou tout le monde. Individu,
univers, néant, sont des concepts et ne définissent pas ce qui est. Affirmer
que l'on est tout et à la fois rien, ne sera intéressant, ici, que dans la mesure
où cela affaiblira notre unique conviction selon laquelle « Je suis quelqu'un ».
Dans l'expérience non-duelle, affirmer « Je suis tout » ou « Je ne suis rien »
ou « Je suis tout et rien », etc., aura le même degré de réalité que d'affirmer
« Je suis quelqu'un ». Car, en définitive, quoi que l'on soit, limité ou illimité,
quelque chose ou rien, tout est la présence. Il n'y a que la présence.
La présence c'est l'amour

Pour moi, la présence est l'union harmonieuse de la conscience et du corps.


Chacun des deux ayant accepté la différence fondamentale de l'autre.
L'illimité, l'inconditionné ayant accueilli sans condition le limité, le
conditionné, et réciproquement.
La présence s'avère être l'union complète de deux choses apparemment
incompatible, voire « opposées ». Ce qui était pensé comme deux, est perçu
comme un.
La présence est amour dans la mesure où elle inclut tout et n'exclut rien. Tout
peut avoir sa place dans la présence, rien n'est idolâtré ni repoussé.
Ce qui est, est, tel qu'il est, sans jugement de valeur, sans explication, sans
volonté de contrôle ou de puissance.
La présence est un accueil gratuit et inconditionnel de toutes les formes
existantes. Pas de « c'est bien » ou de « c'est mal », vu que de toute façon
nous ne pouvons absolument pas savoir de manière certaine ce qui est bien ou
mal, dans le fond.
La présence est gratuite, elle n'a pas d'objectif de rectification ou de
manipulation. La présence ne cherche rien. Elle aime sans raison. Elle aime,
simplement parce que c'est sa nature. Elle n'attend pas qu'on la regarde et
qu'on lui dise que c'est bien.
La présence c'est l'inconnu

Il est un domaine de la vie dans laquelle il est utile et nécessaire de savoir des
choses et de s'en servir. Les savoirs et les techniques sont très importants
concernant les aspects pratiques de nos vies humaines.
Cela étant, dans le domaine de l'existence et de la réalité, le savoir intellectuel
agira, à partir d'un moment, non plus comme une aide, mais comme une
limite, un frein.
En effet, on ne peut côtoyer, et encore moins tutoyer l'absolu en utilisant la
pensée mentale et le savoir intellectuel acquis.
On ne peut pas penser la réalité. Néanmoins, la réalité peut penser.
La réalité, la présence, est transcendante, c'est-à-dire au-delà de toute
conception et de tout jugement. On peut donc y « accéder » en « s'élevant »
au-delà ou en amont de toute représentation mentale.
La présence étant également « immanente », on y « accède » en « pénétrant »
les phénomènes jusqu'à leur essence, grâce à la perception pure.
D'une manière ou d'une autre, c'est un plongeon dans l'inconnu, un espace où
la pensée et le langage deviennent impuissants, inutiles, voire superflus.
La présence est une « dimension » où l'on ne sait pas, et où l'on ne saura
jamais. C'est l'inconnu absolu.
Dès que l'on sait, nous n'y sommes plus. Dans cette dimension nous sommes
ignorants, « pauvres », innocents et vulnérables. Nul pouvoir volontariste n'y
peut séjourner.
Il s'agit de ce point de vue, d'une absence (« d'une pauvreté ») de contrôle
mental, de notion de possession ou d'ambition de devenir.
La présence c'est l'abandon de la lutte

Tant que nous voulons obtenir, gagner, comprendre, les portes de la présence
restent closes. Nous restons inconsciemment présents et ne goûtons pas la
plénitude de la présence.
Toute ambition de pouvoir, de maîtrise ou de devenir agira comme une
énergie dénaturant et polluant la nature douce et transparente de la réalité.
Vouloir attraper ou gagner la présence est une illusion, une impasse. De
même que si, volontairement, nous tentons d'éteindre les énergies de lutte et
de pouvoir en nous ou autour de nous, ce ne sera encore qu'une autre manière
de vouloir contrôler ou influer sur ce qui est.
Aussi, la seule chose que nous puissions faire est justement de ne rien faire.
C'est-à-dire observer ce qui est, ce qui émerge en nous et autour de nous sans
avoir de projet quant à l'intérêt ou l'utilité de pratiquer une telle observation.
Notre attention, notre présence, doit être gratuite, sans espoir d'obtenir un
quelconque bonheur ou une quelconque maîtrise grâce à elle. Observons
simplement tous ces mécanismes et structures variés que prend l'ego, qui sont
en fait des variations sur un même thème : il manque quelque chose.
L'ego, naturellement, lutte pour ou contre quelque chose, faisant passer ainsi
en arrière-plan de la conscience, la plénitude et l'amour qui sont déjà là. Il
faut avoir « des yeux pour le voir ». Nos représentations, nos émotions et
notre volonté personnelle agissent en quasi-permanence comme des verres
déformants, nous empêchant de percevoir la simple et mystérieusement belle
réalité.
L'illusion de l'aboutissement

Connaître la présence, c'est expérimenter un mystère sans fin, c'est accepter


de ne pas savoir, de vivre l'inconnu.
Aussi, notre corps-esprit -- étant un phénomène du monde des formes --
continuera d'évoluer, de se raffiner, puis mourra. La présence n'est pas la fin
du chemin, mais plutôt la prise de conscience qu'il ne finira jamais.
L'apprentissage est un phénomène naturel et nécessaire à la continuation de
l'évolution de toutes les formes vivantes. La vie est l'école, le cadre de cet
apprentissage.
Nous apprenons à écouter et à entendre la sagesse profonde de la vie. Nous
devenons disciples de cette vie, qui nous apprend à danser à l'unisson avec
elle, toujours plus harmonieusement.
Du point de vue du mental, soit nous sommes « arrivés », soit nous ne le
sommes pas. Nous sommes alors satisfaits de nous croire « arrivés », ou
insatisfaits de nous croire « pas arrivés ».
Du point de vue de la présence, nous sommes à la fois « arrivés » et « pas
arrivés ». Le chemin et la destination sont une seule et même chose.
La présence est non-duelle, elle nous permet de voir une seule chose, là où
nous croyions qu'il y en avait deux.
Ainsi, nous ne serons jamais des « maîtres », mais plutôt d'éternels
« disciples ». Nous aurons toujours quelque chose à apprendre. Ce qui fait
que nous sommes toujours au milieu de notre chemin, à mi-parcours de notre
évolution. Quel que soit notre « niveau », nous ne sommes toujours qu'au
centre, entre le début et la fin, exactement à la place et au « niveau » dans
lequel nous devons être maintenant.
Finalement, sur un chemin sans fin, la notion de « niveau » est totalement
incongrue.
L'illusion de la mort

C'est un fait. L'évolution de la vie, de la présence, ne connaît pas


d'aboutissement, comme elle ne connaît pas de commencement. « Début » et
« fin » ne sont que des pensées conceptuelles.
Il n'y a qu'un éternel présent, en transformation constante.
La naissance et la mort sont l'apparition et la disparition de certaines parties
ou formes, dans le corps et la conscience de la vie.
En tant que corps-esprit individuel, en tant qu'ego, je disparais.
En tant que conscience et corps de la vie, je suis éternel.
Mon corps se transforme indéfiniment.
Ma conscience ne peut ni naître, ni mourir.
L'autre est moi

Nous sommes tous l'esprit et le corps de la présence. Nous avons différentes


places dans ce corps, tout simplement. Et chaque partie a besoin de toutes les
autres pour vivre.
Qu'on le veuille ou non, nous sommes tous reliés, nous formons une grande
famille, une vaste fraternité.
L'existence des autres et du monde est finalement ce qui définit l'utilité et le
sens de notre vie. Nous ne pourrions pas être ce que nous sommes sans eux,
et réciproquement.
Entrer en conflit avec une autre partie, c'est rentrer en conflit avec soi-même.
Aimer une autre partie, c'est s'aimer soi-même.
La présence m'aime comme je suis, là où j'en suis

Comme nous avons vu précédemment, en terme d'évolution, il n'y a pas de


stade final, pas de fin, pas de victoire définitive. Ce qui nous évite aussi de
tomber dans des représentations stupides du type : « il y a des perdants et des
gagnants, des gentils et des méchants, ceux qui y arrivent et ceux qui n'y
arrivent pas, etc. »
En réalité, chacun est à sa place et fait son affaire, même si elle est jugée
amorale ou même si elle consistait à ne rien faire. La vie est un tout, excluez-
en une partie et l'ensemble en sera affecté.
La présence accueille chacun et chacune là où il ou elle en est. Pas besoin
d'être un saint ou un gagnant pour pouvoir faire l'expérience de l'amour de la
présence ; tous les névrosés sont les bienvenus, et même tout le monde,
réellement.
Si la présence était exclusive ou réservée à une élite, alors ce ne serait pas la
présence, ce serait un jugement de valeur et une volonté de puissance. La
présence peut dire oui ou non, mais jamais elle ne juge.
Donnez-moi le corps-esprit de n'importe quelle personne, et je serai cette
personne, c'est-à-dire que je ferai exactement comme elle, ni « mieux », ni
« moins bien ». Ou demandez-moi de faire mieux, plus vite ou plus lentement
dans ma vie, et j'en serai bien incapable (et ce n'est pas faute d'avoir essayé).
Finalement, la présence nous amène à nous accepter, à nous aimer tels que
nous sommes, avec toutes nos « forces » et nos « faiblesses ». Nous
continuons de grandir, certes, mais nous ne courons plus après la réalisation
de soi. Nous sommes parfaitement imparfaits. Nous sommes déjà nous-
mêmes. Nous considérer comme déjà totalement ou pas totalement réalisés,
est juste une question de point de vue. Un simple assemblage de concepts...
Comment devenir un problème pour soi-même...

Parfois, nous croyons devoir trouver quelque chose pour améliorer ou


compenser notre condition. Avec cette croyance, nous validons aussitôt l'idée
que quelque chose ne va pas et qu'il faut alors se mettre en quête d'une
solution. (La vie se trompe à mon sujet, je vaux bien plus que 5000 € par
mois, c'est trop injuste !).
Mon histoire ne tourne pas rond ! Pourquoi je me coltine toujours le même
genre de conjoint ?! Pourquoi cette affaire ne décolle-t-elle pas plus vite ?!
Pourquoi je n'arrive pas à m'organiser ?! Pourquoi ne suis-je pas toujours
dans la présence ?! Pourquoi tant de souffrance ?! Oh oui mon Dieu,
pourquoi ?!
Nous faisons souvent de la réalité une affaire personnelle, alors qu'en fait
cette histoire ne nous appartient absolument pas. Elle appartient plutôt à
l'ensemble de la vie.
Ce qu'est le corps-esprit que j'ai, avec toute son histoire, est un des
innombrables résultats des myriades d'interactions de l'incommensurable vie
de l'univers.
Je ne suis pas ma vie. Je suis la vie.
Le corps-esprit que j'ai est un des fruits de l'arbre de la vie ; il a été fait
comme ça, c'est tout, et cela n'est ni bien ni mal, c'est. Si je commence à
croire les pensées-jugements qui émergent dans la conscience, je commence à
croire sérieusement que je ne suis pas assez ceci ou cela, qu'il y a un
problème dans la donne ou que je vaux mieux que les autres, etc.
Les choses sont telles qu'elles sont et suivent le mouvement de l'univers. Tout
ce qui est, est entièrement dépendant du système infiniment complexe qu'est
la vie.
La seule chose dont nous pouvons être certains, c'est que nous ne pouvons
absolument pas savoir si ce qui arrive est juste ou injuste. Rappelez-vous
simplement de toutes ces tuiles qui a posteriori vous ont été salvatrices, et de
tous ces succès qui vous ont amené des tas de problèmes...
La présence se suffit à elle-même

La présence est à la fois le moyen et la fin.


Lorsque nous utilisons ce moyen, cette pratique, nous sommes simultanément
arrivés à notre destination, l'unité consciente.
La présence est à elle-même son propre aboutissement.
Nous ne pouvons pas « aller » vers la présence.
Nous y sommes ou nous n'y sommes pas. Nous en sommes conscients ou
inconscients.
Ainsi la perception gratuite de ce qui est, la contemplation dans l'inaction
comme dans l'action est le bonheur à l'état pur, l'état ultime.
De la « vie mentale » à la « vie perceptuelle »

Il y a savoir, et il y a vivre.
Tant que l'on sait, on ne vit pas.
Vivre, c'est percevoir ce qui est, sans prendre pour vraies les représentations
que la pensée en fait.
Ce qui nous empêche de vivre, c'est la compulsion incessante que nous avons
à vouloir savoir, expliquer et diriger la vie.
Ce qui nous empêche de vivre, c'est la peur incessante de ne pas savoir, de ne
pas pouvoir expliquer ni contrôler la vie.
Nous refusons de nous perdre. Nous voulons nous trouver, nous améliorer.
Nous croyons que nous sommes incapables ou que nous maîtrisons la
situation.
Nous croyons que l'abandon de la lutte va nous transformer en fainéant, en
mauviette ou en animal.
Nous croyons, nous croyons, nous croyons...
Être présent, percevoir ce qui est sans préjugés, ni suppositions nous permet
d'en goûter la substantifique moelle. Vivre, c'est avant tout percevoir
consciemment. Si nous ne sommes plus conscients, l'essentiel demeure voilé,
et nous errons comme des enfants égarés à la recherche de l'amour ou du
bonheur.
La libération, la présence est une question de perception, et non une question
de conception. La pratique désintéressée de la présence nous ouvre
instantanément la porte de la réalité. La pratique de la présence, c'est nous
réhabituer à être conscients de ce qui arrive dans l'instant présent, c'est tout.
De la contemplation

La contemplation est un état naturel d'être avec les choses et les personnes,
d'être avec la vie, d'être la vie.
La contemplation est l'état d'unité de la vie qui se perçoit elle-même. Il n'y a
ni observateur, ni monde observé, mais uniquement l'acte de percevoir, de
contempler.
La contemplation c'est de la présence à l'état pur, c'est l'heureux mariage, la
réalité retrouvée, l'équilibre optimal du corps et de la conscience. En ce fait, il
n'y a alors aucune résistance, ni aucun problème d'aucune sorte, la pensée est
tout simplement hors jeu, dépassée.
Il ne manque plus rien. Plus rien à obtenir, plus rien à perdre. Tout est
accompli.
L'ego est un enfant

Résider dans le non-savoir et le non-lutter est le pire cauchemar qui puisse


être pour l'ego. Vous rendez-vous compte, il s'agit de ne plus rien être, de ne
plus souscrire à quelque ambition que ce soit, de ne plus juger ce qui vous
arrive, etc.
L'ego, qui a besoin d'avoir une histoire, des problèmes, de l'exaltation, de la
souffrance, des manques, des conflits, une guerre à mener, un Graal à
découvrir... avec la présence tout cela est vu comme de simples histoires,
l'ego est vu lui aussi comme illusoire... il n'a aucune existence autonome, ce
n'est pas lui le chef, l'instance la plus haute. L'instance la plus haute, c'est la
présence, et nous ne pouvons pas la posséder, c'est elle qui nous possède, qui
nous « vit », de toute éternité.
La fonction de l'ego-corps-mental est de servir de support, de corps à la
conscience.
Cet ego-corps-mental est complètement dépendant et demande toujours
quelque chose... comme un enfant, et il est parfois capricieux. C'est l'enfant
de la vie, qui exige d'elle, tout ce qu'il désire.
Il nous faut alors le respecter, le nourrir et l'aimer, sans pour autant nous y
soumettre.
C'est l'ego, qui apprend à s'abandonner dans les bras de la vie, dans les bras
de la présence. C'est ce qu'on appelle la foi.
La présence, tel un parent idéal, aime et guide l'ego à ne plus avoir peur, à
réaliser ce pour quoi il est au monde.
Notre présence consciente éduque notre corps-esprit, patiemment et
mystérieusement.
La présence est le seul maître. Et elle est partout, dans l'ego et au-delà de
l'ego. L'ego est simplement une forme différente de présence, comme chaque
chose, comme tout ce qui est.
L'ego est l'enfant, la présence le parent.
Peut-être, naturellement, l'ego deviendra parent à son tour.
La présence est notre état naturel

Il n'y a pas de chemin vers la présence.


Prendre un chemin pour se retrouver, c'est vouloir quitter ce qui est ici et
maintenant.
Prendre un chemin, c'est vouloir retrouver ce qui nous manque, alors que tout
est là.
Toute pratique est le refus de s'abandonner à ce qui est. La présence, c'est
vivre l'expérience d'être l'inconnu, rencontrant l'inconnu.
La présence consiste à observer sans jugement toutes les pratiques que nous
avons mises en place pour retrouver ce qui manque ou combler le manque.
La présence est une pratique visant à arrêter toutes les pratiques. Même elle-
même.
La présence n'est pas une pratique, c'est notre état naturel.
Présence et action

La présence n'agit pas contre quelque chose.


La présence n'agit pas pour quelque chose.
La présence agit gratuitement.
Dans la présence vous retrouvez un état de complétude, dans lequel rien ne
manque. Pourtant, vous n'avez rien fait pour ça, vous êtes juste là, conscient,
en train de percevoir ce qui est. Totalement heureux, simplement à être.
Vous prenez alors conscience que le monde ne peut pas vous donner ce qui
vous manque réellement, ni vous offrir la plénitude d'être, vu que vous l'avez
déjà gratuitement.
Seule la présence le peut. Et la présence ne se trouve pas dans les choses du
monde, mais en vous, dans votre cœur. Elle est ce que vous êtes au plus
profond de vous.
Si rien ne manque, le but de l'action n'est plus de gagner ou d'accumuler pour
essayer de combler un manque ou de se valoriser.
Lorsque tout est là, vous vous rendez compte que vous n'avez pas d'ennemi
dans le monde. Il n'existe d'ennemis que lorsque nous avons quelque chose à
perdre, à défendre ou à gagner coûte que coûte.
Ni le monde, ni votre situation de vie, ni personne ne peut vous empêcher de
vivre la plénitude ultime de l'instant présent, ici et maintenant. Rien ni
personne ne peut vous retirer la présence que vous êtes déjà... et même mort,
vous serez toujours cela.
Ainsi, vous cessez d'agir pour ou contre quelqu'un, quelque chose ou quelque
idée. Vous avez pris conscience que ce ne sont pas ces choses, idées ou
personnes qui vous empêchent ou vous permettent d'être heureux.
Vous saisissez que ce que l'on nomme amis ou ennemis et qui suscite
différents états, participe, en réalité et souvent sans le savoir, au
développement de votre plein potentiel. La vie est au service de son propre
développement.
Dans la présence, le monde n'est pas mauvais, il est juste inconscient. Dans la
présence, le mal n'existe pas, ni le bien d'ailleurs. Il n'y a que l'amour, qui
englobe et surpasse les notions conceptuelles et humaines de bien et de mal.
Et cet amour-là ne peut rayonner qu'en l'absence de tout jugement de valeur,
de tout combat, de toute ambition personnelle.
Nous pouvons créer, faire des plans et beaucoup de choses, naturellement...
mais il nous faut voir lucidement quelle est la motivation sous-jacente qui
nous fait faire cela. Est-ce léger, spontané, ou est-ce lourd, important et
intéressé ? Plus l'enjeu est lourd, moins l'action est gratuite.
L'action juste est désintéressée, elle n'agit pas pour changer les choses ou les
personnes. Elle agit par amour, naturellement, innocemment, sans projet
important pour soi, pour l'autre ou pour le monde. Paradoxalement, c'est ce
type d'action qui a le plus de pouvoir pour faire réellement évoluer les choses
et les personnes.
C'est une action qui vient d'elle-même, au travers du corps-conscience, pour
faire ce qu'elle a à faire.
Un individu honnête

Une fois encore, il ne s'agit pas d'arriver à quelque chose, ou de devenir quoi
que ce soit, mais bien de ne plus croire en ces pensées qui nous disent que ce
n'est pas là, que c'est pour plus tard, qu'il faut encore plus de ceci ou de cela,
etc. Ces conceptions limitées ne sont que la conséquence d'un amour limité
de soi et de ce qui est.
La vie est déjà complète, ici et maintenant. Nous n'avons que la croyance et
le sentiment que ce n'est pas le cas.
Ouvrons les yeux, percevons ce qui est, pleinement, sans présuppositions ni
conclusions, et expérimentons ce qui se passe. Faisons notre propre
expérience de ce qui se passe réellement pour nous maintenant... cela a-t-il le
moindre rapport avec ce que nous pensons qui est en train de se passer ?
Pouvons-nous penser intégralement ce qui se passe maintenant ? Qu'est-ce
que c'est que tout ça ?
Où est la morale ? Où est Dieu ? Où est la libération ? Où est le problème ?
Où est mon histoire ? Qu'est-ce qui est là ? Que sais-je réellement à propos de
tout ce qui se passe ici et maintenant ?
Je n'ai pas de réponse.
Seulement, dans l'observation, dans la contemplation de ce spectacle,
j'éprouve de la joie, de la douceur, un plaisir à être cette présence mystérieuse
et tranquille.
Juste une prise de conscience

Un jour nous prenons conscience que nous sommes la conscience.


La conscience prend conscience qu'elle est conscience.
Il s'agit alors de notre premier contact avec ce que nous sommes
fondamentalement, et qui est le lien entre tout et tous. Nous passons
momentanément de la présence inconsciente à la présence consciente.
À cet instant, nous nous retrouvons reliés consciemment et sans aucune
volonté personnelle à ce que nous sommes dans l'essence, à notre véritable
nature, nous « redevenons » complets.
Ce qui était perdu étant retrouvé, la quête de soi cesse.
Cela étant, l'évolution continue naturellement.
Nous étant retrouvés, notre évolution n'est plus une gêne ou une course. La
« qualité » de notre devenir n'est plus le critère de notre valeur en tant qu'être.
La vie est plus légère.
L'idée ou l'expérience

La présence n'est pas l'idée de l'unité ou la philosophie de l'unité. Elle n'est


pas le concept de l'unité. Elle est l'expérience corporelle, viscérale de l'unité,
elle est la perception simple et directe de ce qui est. Et ce qui est ne se laisse
pas définir, ni enfermer dans des représentations.
L'expérience de la réalité, que l'on décrit comme une expérience d'unité ou
d'autre chose, n'a rien à voir avec des concepts aussi simplistes. L'action
déformante des représentations mentales doit cesser afin qu'une ouverture
puisse se faire.
Chercher l'unité revient à mettre le mur du concept d'unité entre vous et la
réalité. Et il en va de même avec tous les autres concepts ou les autres
systèmes conceptuels.
Pour rentrer, nous devons être tout nu, sans armes, sans nous croire guerrier
de la lumière ou je ne sais quoi. Nous devons être nous-mêmes, dans notre
plus simple version, dans notre innocence la moins volontaire, la plus
naturelle ; alors on se révèle à soi-même.
Nous expérimentons la présence lorsque nous nous rencontrons en tant que
présence. La présence qui se cherchait se retrouve. Elle voit alors que la
recherche est à la fois ce qui lui permet et ce qui l'empêche de se retrouver...
La présence est notre source d'amour

Nous pouvons constater que dans la présence consciente nos manques et nos
quêtes s'atténuent ou disparaissent.
La présence est comme la nourriture essentielle de notre existence. Sans elle,
nous ne sommes jamais réellement et complètement rassasiés sur le plan
existentiel.
Avec elle, nous expérimentons la satiété existentielle. C'est-à-dire que nous
n'avons plus faim sur le plan psychologique, nous n'éprouvons plus de
manque affectif ou de manque existentiel.
Connaissez-vous cette insatisfaction perpétuelle, ce trou noir intérieur infini,
cette soif d'absolu, qu'aucune compensation, si puissante qu'elle soit, ne peut
entièrement et durablement combler ?
En rencontrant la présence, notre « manque infini » est embrassé par ce « don
infini » qu'est notre essence.
Ainsi, vivre la présence, c'est rencontrer l'amour, la source d'amour
inconditionnel qu'est notre nature essentielle. Avec cette expérience, avec
cette rencontre de la réalité, toutes nos vieilles structures de demande de
reconnaissance, d'attention et d'amour sont remises en question... Nous ne
sommes plus un demandeur, nous sommes un donneur.
En effet, lorsque nous sommes enfin apaisés, comblés, nous n'avons plus
besoin que le monde nous estime pour survivre affectivement. Nous
devenons un rayonnement, un soleil d'amour et d'humanisme, prodiguant une
lumière apaisante et gratuite à tout ce que nous percevons.
Ayant redécouvert notre source d'amour, nous devenons de plus en plus
autonomes affectivement et « existentiellement ». Nous pouvons alors, étant
remplis, commencer à donner, à prodiguer, à enseigner.
Nous sommes alors une source de lumière et d'amour pour les autres et toutes
les formes de vie. Alors, ici, et ici seulement, nous commençons à créer une
société et un monde nouveau. Et cela débute par un rapport neuf et honnête
avec soi-même, puis avec les autres. Une relation consciente avec soi, les
autres et le monde.

Nous pouvons dès à présent prendre conscience de ce qui est pour nous une
source d'amour à l'extérieur de nous. Voir à quel point nous sommes
dépendants (et donc pas libres) de certaines relations avec des personnes, des
animaux, des objets, des lieux, des idées, des actes, des habitudes...
Ces relations exclusives sont typiquement ce qui se substitue à notre source
d'amour intérieur... Et plus nous avons de dépendances, d'attachements à
l'extérieur, au moins nous sommes reliés à notre propre source.
Sur le plan physique, nous dépendons de beaucoup de choses, naturellement.
Sur le plan psychologique, la dépendance est génératrice de souffrance.
S'il y a une liberté, une indépendance, ce ne peut être que celle de l'esprit. Et
il ne s'agit pas de la liberté de penser, mais de la liberté par rapport à la
pensée.
L'avantage de se libérer de nos attachements est que notre bonheur affectif et
existentiel ne dépend plus de quelque chose d'autre que de nous-mêmes, que
de notre propre présence à nous-mêmes.
Les relations, les sentiments, les idées, les objets sont tous des phénomènes
impermanents, vivants, bougeant. En nous associant de trop à eux, nous leur
donnons le pouvoir de faire notre bonheur et notre malheur. Notre sérénité,
notre amour, notre vie dépendent d'eux... Nous sommes possédés.
La présence nous permet de passer de la relation de demande d'amour
inconscient, à la relation de don d'amour conscient.
Pour percevoir les relations dans lesquelles il y a cette demande d'amour,
nous pouvons nous poser la question : « Pourrais-je vivre et être tranquille
avec ou sans elle (lui, cet animal, cet objet, cette équipe de foot, ce parti
politique, ce travail, cette maison, cette philosophie...) ? »
À partir de là, nous pouvons constater nos attachements, là où nous sommes
« déconnectés » de notre source, là où nous avons peur, là où il y a un
manque et un désir. Nous pouvons définir ainsi, avec qui ou quoi, quand,
comment et à quelle intensité nous sommes inconscients et dépendants.
Cela étant, pas d'affolement, la dépendance, le désir et la peur sont les
structures naturelles et nécessaires de notre psychologie égotique, et il n'y a
rien d'anormal à cela.
D'autant plus qu'il ne s'agira pas forcément d'arrêter ces relations, mais
simplement de les comprendre, de les « alléger » de leurs charges affectives
et émotionnelles, grâce à notre présence consciente et sans jugement.
Donner et partager l'amour, c'est percevoir ce qui est, sans projection, ni
attente.
Aimer, ce n'est pas désirer quelqu'un ou quelque chose, c'est accueillir ce qui
est, c'est être un avec ce qui est.
Encore une fois, il ne s'agit pas de valoriser en bon ou en mauvais ce qui est,
mais simplement de le constater, de le voir. Percevoir la réalité de notre
intériorité, percevoir les phénomènes internes, sans en faire des histoires, leur
enlève leur pouvoir de fascination.
Notre « travail » consiste simplement à passer, avec le temps et les moyens
qui nous seront nécessaires, de cette psychologie égotique vers la présence
consciente.
Dans la présence consciente, nous ne sommes plus à notre propre service,
mais au service du tout, qui est alors à notre service.
En définitive, nous sommes la vie qui est au service d'elle-même.
Se voir soi-même en toute chose

Le moi est un concept, et si on y adhère, on perd la présence consciente, la


« connexion » à la source.
Nous comprenons grâce à nos expériences de présence consciente, toujours
plus longues et plus profondes au fur et à mesure de notre pratique, que
l'univers et moi, c'est la même chose.
Je suis l'un, corps et conscience. Je me perçois moi même, du point de vue de
cette partie-ci, qui est le corps-esprit que j'ai là.
Tout ce que je perçois à partir d'ici, est en réalité la continuité du corps-esprit
que j'ai là. Ultimement, il n'y a pas de différence, de séparation, entre le
corps-esprit que j'ai et le monde qui l'entoure. Ultimement, tout ce que je
perçois est mon corps.
Mon corps unique, incommensurable, infini.
Je suis donc toute chose, je me perçois moi-même partout, tout le temps, sous
toutes les formes.
C'est plutôt facile avec les nounours, les oiseaux et les petites fleurs, mais ça
peut devenir plus difficile à voir avec la violence, la guerre et la misère. Qu'à
cela ne tienne, je suis quand même tout cela, même si ça sent mauvais, ou
que ma petite morale illusoire exclut strictement certains phénomènes de la
réalité.
(Comment ?! Il est impossible qu'une telle violence, qu'une telle médiocrité
soit en moi ! Ah non vraiment, je vous le jure, ce n'est pas moi, je n'ai rien
fait ! Je cherche juste à être heureux et qu'on me laisse tranquille ! Après tout
ce que j'ai fait et enduré quand même !...)
La libération est un deuil

Faire un deuil, c'est accepter la disparition de quelque chose, ou accepter que


quelque chose que l'on désire ne se réalise pas.
Le deuil est un processus psychologique qui permet de nous libérer de la
souffrance d'une perte, ou de la peur de perdre, et de nous libérer du stress de
l'attente que quelque chose arrive. Le deuil nous permet de guérir d'une
désillusion.
En ce sens, si nous faisons le deuil complet de tout ce que nous avons perdu,
de tout ce que nous ne sommes plus et de tout ce que nous désirons pour
nous, de tout ce que nous désirons devenir alors, nous sommes libérés des
pressions psychologiques du passé et du futur.
Il s'agit donc de faire le deuil de son idéal personnel, de cet idéal qui n'a pas
vraiment eu lieu dans le passé et qui n'adviendra peut-être pas dans le futur.
Ainsi, nous acceptons totalement ce qui a été, ce qui est et ce qui sera.

Nous devons faire le deuil de notre bonheur futur, d'une relation affective
idéale, d'un travail idéal, d'une maison idéale, d'un monde idéal, etc.
Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant que ces choses ne se réaliseront
pas, mais simplement que nous n'y sommes plus attachés sérieusement. Si
cela arrive, très bien, si cela n'arrive pas, très bien aussi.
Ce qui nous permet de lâcher prise quant à nos illusions sur la réalité, de
passer de « voilà ce qui devrait être » à « voilà ce qui est ».
Le deuil complet et le deuil de substitution

Le deuil complet est possible sur le plan psychologique et existentiel. Il nous


permet de nous libérer totalement de quelque chose ou de quelqu'un. C'est-à-
dire que si cette chose-là ne nous arrive pas ou plus dans notre vie, cela
n'affectera pas notre plénitude, notre bonheur.
Lorsqu'un deuil complet n'est pas encore possible, alors nous utilisons le
deuil de substitution. Nous faisons alors le deuil d'une certaine chose ou
personne, que nous substituons ensuite par une autre.
Par exemple, nous opérons ainsi lorsque nous changeons de conjoint. Une
relation amoureuse se termine, et si nous ne sommes pas prêts pour être
autonomes affectivement, nous nous mettons en quête pour trouver un autre
conjoint, afin de combler notre manque d'amour. Et nous ferons cela, tant que
nous en aurons besoin, naturellement.
Si nous avons fait le deuil complet de l'illusion de l'amour idéal et de l'autre
comme parti absolument nécessaire à notre complétude, alors le problème du
couple ne se posera plus. Il ne s'agit pas bien sûr de rester célibataire, mais de
laisser la vie nous faire rencontrer ou non une personne, avec laquelle nous
aurons une relation de couple.
Au niveau des besoins physiques vitaux, nous ferons surtout des deuils de
substitution, certains éléments étant absolument nécessaires à l'équilibre et à
la survie du corps (pour la plupart d'entre nous en tout cas).
Néanmoins, nous pouvons par exemple, faire des deuils complets sur la
quantité ou la mauvaise qualité de notre nourriture. Nous pouvons nous
libérer d'un certain nombre d'addictions définitivement et sans remplacement.
Mais faire le deuil d'une addiction, reviendra souvent à faire le deuil d'un
manque affectif.
Tout acte compensatoire est le signe d'un manque d'amour, d'un cœur blessé,
d'une source d'amour intérieure tarie ou trop petite. C'est-à-dire, trop peu de
conscience de notre nature profonde. Cela dit, il existe quand même quelques
exceptions...
L'accueil et la lucidité

Dans la présence, ce n'est pas parce que l'on accueille toujours plus, que l'on
se laisse manipuler par notre propre imagination ou par les idées collectives.
Ce n'est pas parce que l'on est toujours plus lucide, que l'on combat
violemment l'illusion ou le monde.
L'accueil est un aspect fondamental de la présence, tout autant que la lucidité.
C'est même l'accueil vrai, total, qui permet une intense lucidité.
Si j'appréhende un phénomène, une situation avec le filtre de mes idées, de
mes préjugés, je n'accueille pas intégralement le fait, je négocie avec lui, je
lui enlève déjà une bonne partie de ce qu'il est, je ne le perçois pas tel qu'il
est, je reste en partie insensible.
Je ne peux pas être lucide, comprendre un fait, communier avec un aspect de
la vie, tant que je ne m'ouvre pas à lui sans réserve, sans crainte, sans attente.
La lucidité permet de faire la différence entre la réalité et l'illusion. La
lucidité me fait percevoir ce qui est et ce qui n'est pas. Dès qu'une
représentation s'interpose entre ce qui est perçu et ce qui perçoit, l'accueil ne
peut pas être total, pur ou innocent, et du coup, la lucidité non plus.
La lucidité me montre clairement les limites de mon accueil, de mon
ouverture à ce qui est. Je perçois sans détour les réactions qui émergent dans
le corps-esprit avant, pendant et après, quand je suis en train d'observer et de
vivre quelque chose.
La lucidité est notre capacité d'éveil, d'émancipation. Percevoir les fixations,
les attachements sous quelque forme que ce soit, nous en libère dans l'instant.
Cela ne veut pas dire qu'elles disparaissent chaque fois instantanément,
certaines peuvent persister durant des années. Cela veut dire qu'à partir du
moment où j'observe lucidement et que j'accueille une réaction, un blocage,
une « souffrance », alors je cesse instantanément de l'alimenter, de lui donner
du poids, d'y croire. Alors, sur le champ, j'en suis libre. Cette chose, ce
phénomène, n'a plus le pouvoir de me contrôler, de me faire croire que
quelque chose va de travers.
La libération de la souffrance ne signifie pas nécessairement l'absence de
phénomènes désagréables, mais le fait que la présence ou l'absence de tel ou
tel type d'énergie n'est plus jugé en tant que bien ou mal, en tant que cela
devrait être ou ne devrait pas être.
Je ne suis plus le jouet des états agréables ou désagréables qui émergent dans
la conscience, j'en suis à la fois l'expérimentateur et le spectateur. Les jeux et
les histoires de l'ego n'ont plus le pouvoir de me déstabiliser, de me faire
croire que la présence n'est pas là, que je suis séparé de la vie ou que quelque
chose manque.
Plus je suis conscient (que j'accueille et que je suis lucide), plus je suis libre.
L'accueil augmente la lucidité.
La lucidité augmente l'accueil.
De l'intégration

Pour moi, quelque chose que j'intègre, c'est quelque chose qui me laisse libre.
C'est-à-dire que je peux faire avec ou sans. Il s'agit bien sûr d'une liberté,
d'une indépendance psychologique. Sur le plan physique, nous restons
dépendants de beaucoup de choses, naturellement.
Il y a dans la vie différentes énergies, et quand je dis énergies, ce sont les
pensées, les sentiments, les émotions, les sensations, les relations, les autres,
les animaux, les objets, bref, tout.
Nous avons un certain type de relation avec chacune des énergies que nous
rencontrons, que nous expérimentons. Cette relation peut être plus ou moins
agréable, désagréable ou neutre. Lorsqu'une relation est agréable ou très
agréable, j'ai alors besoin qu'elle soit là et qu'elle se répète (car rappelez-vous,
quelque chose manque...). Si une chose est désagréable ou très désagréable,
j'ai alors besoin qu'elle ne soit pas là et de moins en moins...
Si quelque chose est neutre, la question ne se pose pas, c'est juste comme ça.
Je peux prendre conscience de la dynamique de mes relations (en attraction
ou répulsion) vis-à-vis des évènements, des autres, de la « société », des
objets, de la nourriture, du corps, des émotions, des pensées, etc.
Comme nous l'avons déjà vu, le simple fait d'être conscient (lucide et sans
jugement) de ces relations, leur permettra de se détendre et de se fluidifier,
voire de se neutraliser.
Une relation ou une énergie intégrée, c'est être en paix avec elle. C'est ne pas
vouloir à tout prix qu'elle soit là ou qu'elle ne soit pas là. C'est l'accueillir
quand elle vient, la laisser partir quand elle s'en va, et ne pas l'attendre
lorsqu'elle n'est pas là.
Le plus important, il me semble, est d'intégrer les réactions qui émergent en
nous, d'intégrer tous les phénomènes que nous appelons « moi ». Les
sensations physiques, l'image dans le miroir, les émotions, les sentiments, les
pensées, les angoisses, les exaltations, les « peurs », les humeurs, etc.
En pratiquant la présence à soi, c'est ce que nous faisons. Nous accueillons
lucidement tous les phénomènes qui composent le corps-esprit. Nous
intégrons, nous donnons une place à ce qui est, à ce qui arrive, pour qu'il
puisse être. Nous laissons être ces phénomènes, bien que certains soient
« désagréables ». Nous pratiquons alors l'inclusion, nous arrêtons de juger les
phénomènes de la vie en imposant notre oui ou notre non présomptueux à
tout ce qui arrive.
Ainsi nous intégrons, nous incluons de plus en plus de phénomènes dans la
conscience que nous sommes. Nous sommes alors de moins en moins
« dérangés » par ce qui arrive ou n'arrive pas.
Pour autant, il ne s'agit pas de neutralité ou d'indifférence, mais plutôt
d'équanimité. La tranquillité par rapport à ce qui est n'est pas vide, plate ou
morne. Il y réside un magnifique sentiment de plénitude, de douceur et de
lumière. Nous sommes dans une relation d'amour gratuit avec ce qui est, dans
la communion.
Le respect des saisons

Il y a un temps pour tout...


Les mouvements de la vie, les montées, les descentes, les apparitions, les
disparitions, les changements, les évolutions, les involutions... tout cela porte
en soi son propre rythme, sa propre vitesse, ses cycles.
Si je souhaite être libre, ou tranquille, ou riche, et bien cela prend du temps
dans ce monde. Si je souhaite m'améliorer ou évoluer, et bien cela n'arrivera
pas aussi vite ou aussi lentement que ce que je le souhaite.
Autant nous courons pour atteindre des buts, croyant que cela nous rendra
heureux pour de bon, autant nous freinons devant des contingences, croyant
que cela va nous rendre malheureux pour de bon.
Un deuil prend du temps, et je peux me donner le temps de le vivre. Que ce
soit le deuil de quelque chose, d'une situation, d'une séparation ou d'une
disparition, cela suit son cours, à son rythme. Dans un environnement du
« tout tout de suite », de « la souffrance c'est pas "in" », etc., il nous faut du
courage pour nous permettre de redonner à notre nature, le temps de faire son
œuvre. Nous ne sommes pas les maîtres des cycles universels, ce sont eux qui
nous façonnent.
Je ne peux pas atteindre l'éveil ou le bonheur quand je veux, je ne peux pas
être riche ou rencontrer un partenaire quand je veux. Non, c'est quand « ça »
veut.
Lorsque la nature en a envie en même temps que moi alors je crois que je suis
fort et que j'ai créé mon bonheur. Lorsque la nature n'en a pas envie lorsque
j'en ai envie, alors je crois que je suis faible et incapable de créer mon
bonheur.
Si on m'attend ou si je m'attends à être ce que je veux quand je le veux, je
risque d'essuyer quelque désillusion... Comment voulez-vous vous réaliser
dans un milieu qui attend de vous ce que fondamentalement vous n'êtes peut-
être pas ?... Vous êtes condamné. Comment voulez-vous vous réaliser si vous
attendez de vous ce que fondamentalement vous n'êtes peut-être pas ?... Vous
vous condamnez.
Que les organisations soient familiales, politiques, religieuses ou autre, en
imposant une manière de faire ou d'être, elles excluent tout ce qui ne suit pas
leur dogme direct ou indirect. Elles déterminent qui est fort et qui est faible,
qui a de la valeur et qui n'en a pas... Elles veulent imposer une ou deux
saisons, là où naturellement il y en quatre. Elles veulent imposer trois ou
quatre types de personnalités, là où il y en a cent (au moins). Elles veulent
faire croire à un bonheur type, à un idéal, là où chacun à le sien.
Bien entendu, nous sommes également à nous-mêmes notre propre politique,
notre propre organisation de pouvoir, et nous constatons à grande échelle ce
qui a d'abord lieu en nous-mêmes, en chacun...
Je, tu, ils, nous faisons tout ce cirque pour combler le vide infini que chacun a
en soi, croyant que quelque chose plus tard, finira bien par le remplir
complètement et pour toujours...
Il ne s'agit pas de partir en croisade ou d'entrer en guerre contre les
organisations ou contre notre propre organisation interne. Nous pouvons
accueillir tout cela, car c'est simplement ce qui est, de l'inconscience ou le
mieux que l'on ait pu faire pour survivre ou garder notre « équilibre ».
Pour autant, nous pouvons ne pas en être dupe et ne plus cautionner les
histoires que nous nous racontons ou que l'on nous raconte, sur le bien et le
mal ou les bonheurs illusoires.
Vouloir vivre toujours en été, vouloir produire toujours plus, c'est
évidemment une façon de ne pas se respecter et de ne pas respecter la nature,
l'univers. Nous avons cette tendance à vouloir faire du monde et de l'autre ce
que nous voudrions qu'il soient. Comme si nous savions ce qui est juste,
comme si nous détenions la vérité.
La première chose est de se connaître, grâce à sa propre conscience.
Le bonheur et le malheur

Le bonheur et le malheur sont les deux mamelles de notre émancipation


spirituelle. Ils sont tous deux des aspects qui composent naturellement notre
personnalité humaine.
Nous pouvons confondre la présence ou l'éveil avec le bonheur. La présence
est un état non-duel, c'est-à-dire qu'il transcende et le bonheur et le malheur,
et les états agréables et les états désagréables. La tranquillité de la présence
ne dépend pas de quelque chose d'extérieur à la conscience pure. Cette
tranquillité est inhérente à la présence, comme le parfum l'est à la fleur (ou
l'odeur l'est à un bon plat).
La présence n'est pas un succès du corps-esprit, ou un succès relationnel ou
social. Elle n'est pas le fruit d'un acte ou d'une réflexion ; elle est déjà là, de
toute éternité, et ne peut être la conséquence de quoi que ce soit.
Le bonheur et le malheur, observés par la conscience pure que nous sommes,
nous amènent à les dépasser. Nous apprenons à faire la différence entre ce qui
est impermanent, changeant, éphémère, et ce qui est permanent, stable,
atemporel. Nous comprenons que les choses et les relations du monde sont
incapables de nous contenter de manière totale, absolue. Seule la présence le
peut.
Ainsi, avec la pratique, nous perdons l'habitude de demander au monde qu'il
nous donne ce qui nous manque fondamentalement. Il ne s'agit pas de renier
ou de quitter le monde, mais simplement de voir clairement qu'il ne peut pas
nous combler « existentiellement ». Il ne peut pas nous fournir l'être qui nous
manque. Cet être est en nous. Cet être est ce que nous sommes. Nous devons
retrouver notre essence, pour accéder de nouveau à cette dimension de l'être,
afin de vivre la plénitude.
Une plénitude d'être, au-delà des bonheurs et des malheurs. Ces derniers
perdent alors progressivement le pouvoir de nous faire croire que quelque
chose manque, que nous devons encore lutter pour arriver au bonheur, enfin.
La nécessité de la conscience pure

Tant que nous ne nous sommes pas ouverts à notre dimension absolue, nous
ne pouvons pas être véritablement tranquilles. La dimension qui transcende
toutes les autres dimensions qui nous composent est une réalité et est tout
aussi importante que les autres, voire primordiale.
Ne pas connaître cette dimension, c'est comme ne pas connaître nos
sensations ou nos émotions ou notre pensée... Il manque une pièce au puzzle.
La conscience pure est une de nos composantes, la nier, c'est nier notre nature
absolue, inconditionnée.
Elle nous permet de mettre de l'espace là où il n'y en a pas, elle nous permet
de mettre de l'accueil là où il n'y en a pas, elle nous permet de mettre de la
lucidité là où il n'y en a pas, elle nous permet de mettre de la paix là où il n'y
en a pas, elle nous permet de mettre de l'amour vrai là où il n'y en a pas.
Elle est la faille dans le mur de la prison, elle est le rayon de soleil au travers
des nuages, elle est la vérité au coeur de l'illusion.
La conscience pure est aussi nécessaire à votre esprit que l'air et l'eau le sont
à votre corps.
On ne peut connaître ni la plénitude, ni la paix, ni l'amour vrai, ni la réalité si
nous ne sommes pas présents consciemment.
De la foi

Avoir la foi est tout simplement avoir confiance en la vie.


La foi n'est pas la confiance en quelque chose, en quelqu'un ou une idée. Elle
n'est pas la confiance ou l'attachement en quelque chose que l'on croit.
La foi est au-delà de nos représentations. Elle est la confiance en l'état pur.
Nous avons confiance en l'inconnu, en quelque chose que l'on ne voit pas et
que l'on n'explique pas.
La foi n'est pas l'assurance de trouver le bonheur ou la libération dans le
futur. Elle est l'abandon de toutes nos conceptions et de nos croyances sur la
vie... nous marchons dans le vide, nous évoluons dans le « je ne sais pas ».
La foi c'est comme percevoir que tout est parfait, sans pouvoir l'expliquer ni
le comprendre. C'est voir que la vie fait son travail d'une manière qui nous
dépasse totalement, et que nous pouvons nous abandonner à elle entièrement.
Nous reposer sur elle, sans aucune garantie de quoi que ce soit, et même
jusqu'à devoir nous séparer de ce qui est le plus cher à nos yeux.
C'est se donner à la vie, se rendre à elle, pour qu'elle fasse de nous ce qu'elle
veut, même si je ne sais pas ce qu'elle veut faire de moi.
La foi c'est la fin de la peur et du désir pour soi. C'est la fin de l'ambition
égoïste, et le début du don de soi à la vie. On est alors un « enfant », protégé,
nourri et éduqué par la vie. On est un « enfant » de l'univers, de la vie, qui
sait que son parent fait ce qu'il y a de mieux pour lui.
Et pour ceux qui ont un problème avec la métaphore du parent... j'utiliserai
celle du poisson dans l'eau, qui est porté et nourri en permanence par un
élément invisible pour lui, dans lequel et grâce auquel, il vit.
La foi, c'est avoir l'expérience que tout est un, et qu'aucun élément de la
totalité n'agit contre l'intérêt de l'ensemble... Bien que les apparences et la
culture essayent de nous convaincre de l'existence d'un « mal » absolu, qu'il
faudrait combattre et éradiquer...
Tandis que la peur cherche un coupable, la foi aime sans poser de questions.
Le moi n'est qu'une idée

La présence nous montre que tous les phénomènes sont interdépendants.


Puis, ultimement, nous prenons conscience grâce à notre perception et notre
intuition, que tout est un.
C'est-à-dire qu'il n'y a qu'un seul grand corps en mouvement, que nous ne
sommes absolument pas séparés ou distincts de tout ce qui nous entoure et de
l'univers dans lequel nous sommes.
En fait, nous sommes l'univers.
Tout ce qui nous arrive, ce sont des mouvements de l'univers, de la nature.
Tout ce qui nous entoure et compose notre quotidien, ce sont des
mouvements de la nature, de la vie. Tout ce qui nous compose, physique,
psychologique et énergétique, ce sont des mouvements de la vie.
Plus précisément :
Le corps qui vous arrive, que vous avez, c'est le corps de l'univers, de la vie.
Les émotions, les sentiments, les pensées, les énergies que vous avez, qui
vous arrivent, ce sont celles de l'univers, de la vie.
Les « succès » et les « échecs » que vous avez, qui vous arrivent, ce sont les
« succès » et les « échecs » de l'univers, de la vie.
Les souffrances que vous avez, qui vous arrivent, ce sont les souffrances de
l'univers, de la vie.
Les bonheurs et les malheurs que vous avez, qui vous arrivent, ce sont les
bonheurs et les malheurs de l'univers, de la vie.
Les actes que vous commettez, ce que vous faites, ce sont les actes de
l'univers, de la vie.
Le « moi » que vous avez, que vous croyez être, n'est pas le vôtre, c'est le
sien, c'est elle.
Vous n'avez pas de « moi » individuel qui « vous » appartienne. Ce « moi »
auquel arrive tout cela est pure conscience, et elle n'est pas plus un individu
que quelque chose d'autre, elle est la « partie » absolue, inconditionnée de la
vie.
Ce « vous » n'existe pas en réalité, ce n'est qu'une apparence, une idée.

Seule la vie existe, « vous » et la vie êtes une seule et même chose ; vous êtes
la vie.
Il n'y a rien que nous soyons qui ne soit pas l'univers, la vie.
Il n'y a qu'une seule conscience, qu'un seul corps, qu'un seul mental, qu'un
seul cœur, celui de la vie.
Il n'y a qu'une seule souffrance, qu'une seule action, qu'une seule évolution,
celle de la vie.
Il n'y a qu'une seule présence, celle de la vie.

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