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POINT D’ÉMERGENCE DU DÉSIR DE L’ANALYSTE ?

Angelina Harari

L'École de la Cause freudienne | « La Cause freudienne »

2010/3 N° 76 | pages 25 à 28
ISSN 2258-8051
ISBN 9782905040701
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-la-cause-freudienne-2010-3-page-25.htm
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Point d’émergence
du désir de l’analyste ?
Angelina Harari

C’est à partir de trois rêves, qui peuvent être considérés comme des rêves de fin
d’analyse, que j’interrogerai le point d’émergence du désir de l’analyste.

De l’hallucination de désir à sa vérification

Racontés chacun à un analyste différent, ces trois rêves ont pris place dans une
série à partir de laquelle ils peuvent être comptabilisés. Le troisième – qualifié de
« rêve de castration » dans mon premier témoignage, effectué il y a peu – suscita une
demande de passe, laquelle conduisit à ma nomination en décembre 2009. Rapporter
ce rêve au troisième analyste permit aux deux autres rêves d’émerger de sorte à consti-
tuer une série à l’origine de la demande de passe. Cette mise en série permit d’inter-
roger et de vérifier l’émergence du désir de l’analyste : les deux premiers rêves se
révélèrent alors être de faux points d’émergence.
Le point d’où surgit un rayon lumineux qui traverse une surface – version possible
du point d’émergence – pourrait-il nous obscurcir la vue et nous amener à hallu-
ciner la naissance du désir de l’analyste ? Le rayon de lumière, La naissance de Vénus
de Botticelli, de même que celle de la mythologie romaine, qui, de l’eau, émerge en
femme adulte sont des métaphores. En quoi serions-nous fondés à parler d’une émer-
gence hallucinatoire du désir de l’analyste dans les deux premiers rêves, interprétés
par les analystes – à la différence du troisième qui fut interprété par l’analysante que
j’étais ?

Angelina Harari est psychanalyste, membre de l’Escola Brasileira de Psicanálise [EBP].

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Épures

Examinons cette série :


1. Avec mon premier analyste de l’IPA. Un avion décolle, tombe et s’abîme en
mer. L’image fut interprétée comme un vœu de mort en lien avec une rivalité
œdipienne, ravivée à l’occasion d’un voyage effectué par l’épouse de mon amant
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d’alors.
2. Rêve en analyse avec le second, un analyste de l’ECF. Je vois apparaître le mot
« homme ». La chose fut interprétée comme un rêve de déphallicisation. L’analyste
m’incita à faire la passe, mais la demande resta en suspens.
3. Avec le troisième analyste, alors que la particularité de la solution sinthomatique
trouvée à partir d’une nouvelle alliance de la jouissance se dégageait nettement, je fis
le rêve suivant : la nuit du Nouvel An, où l’on se couche après le dernier coup de
minuit, à l’aube de l’année 2009, je suis dans une réunion du Conseil ; dans un
chuchotement, je parle de ma gestion à la présidence du Conseil comme d’un échec ;
j’interprète la présence d’un collègue – qui lui, ne fait pas partie dudit Conseil –
comme la présence de la mort, étant donné qu’il vient de perdre son père.

Interrogations techniques et couvertures de jouissance

La première expérience se termina de manière standardisée. À l’issue de la


quatrième année d’analyse, à raison de trois séances hebdomadaires, l’analyste
annonça qu’il manquait une année pour la séparation du couple analytique. Après
la séparation d’avec l’analyste, je me présentais comme analyste kleinienne, drapée
dans mon infatuation, mais contestataire de l’IPA, auréolée du prestige de mon
analyste franco-argentin, qui se voulait disciple direct de Karl Abraham. Cette posi-
tion d’infatuation se doublait d’une pratique psychothérapique qui conduisit à des
impasses que j’attribuais à la doctrine kleinienne, sans mettre en doute le désir de
l’analyste résultant de cette analyse. La technique se démontrant ainsi limitée, je
partis à la recherche d’une meilleure technique. Mais comment le désir de l’analyste
aurait-il pu naître d’une interprétation confinée au régime œdipien ?
La jouissance de la clandestinité, à laquelle j’étais sujette, trouvait à se cautionner
dans la contestation du conservatisme analytique en vigueur à l’IPA. Meilleurs
analystes, les contestataires étaient censés être à la hauteur de leur époque, et mili-
tants de la libération sexuelle et de toutes formes de pratiques marginales. Je m’iden-
tifiais aux minorités ségréguées, tant par l’apathie et la tristesse si particulières à l’exil
forcé, que par la souffrance du peuple élu dans les camps de concentration – autant
d’ingrédients qui se réactualisaient avec la diversité des dictatures politiques d’Amé-
rique du Sud.
La remise en question de la technique kleinienne me conduisit à Lacan, non sans
avoir auparavant étudié les psychothérapies alternatives, de Karl Rogers à Alexander
Lowen, comme techniques accessoires à la pratique de cette psychanalyse supposé-
ment d’avant-garde.

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Angelina Harari Point d’émergence du désir de l’analyste ?

La normalisation du désir et sa butée symptomatique

La première analyse lacanienne donna corps à l’orientation vers le singulier. Une


fois opérée l’entrée en analyse, différents signifiants-maîtres chutèrent, la question
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subjective surgit, la clandestinité ne se justifia plus. Une impasse concernant la solu-
tion symptomatique du sujet fit pourtant butée.
Mettant alors en exergue un mouvement de déphallicisation, l’interprétation du
rêve confirma la voie de la normalisation de la vie amoureuse, comme s’il existait
une solution à la jouissance clandestine. Le ne pas faire couple constituait de fait une
officialisation de la jouissance, supposée trouver sa solution dans la passe, sans restes
symptomatiques.
L’interprétation de l’analyste valida la naissance d’un désir de l’analyste en m’in-
citant à la passe. C’est l’Autre qui me faisait voir des choses…
La voie fantasmatique du se laisser faire par l’Autre ne se dévoilait pas, car j’étais
dans l’attente des demandes de mes analystes, joker de l’attente, « carte à tout faire »,
entrant en scène avec un œil sur l’Autre. Je me laissais « presser comme un citron »
– formule que je laissai échapper, comme un point de satisfaction, à un des passeurs,
pour lui expliquer le se laisser faire.

D’une solution sinthomatique à un désir du singulier

Ce fut finalement le troisième rêve, « rêve de castration », qui permit la chute


d’une identification primordiale à un personnage central de l’histoire familiale, qui
mettait en scène une femme phallique. Ceci aboutit à une solution particulière : faire
couple au singulier, de façon différente à chaque fois ; dans ce choix amoureux, il
s’agissait d’incarner l’objet pour l’Autre, en formant un couple différent avec chaque
un qui me touchait par les résonances singulières de lalangue. Cette solution sintho-
matique a donné une certaine plasticité à la jouissance ; je peux désormais en faire
usage sans débordements – mais pas sans quelques passages à vide et quelques
moments d’inhibition – et sans chercher à la maîtriser.
Le désir du singulier occupe la scène analytique ; avoir la souplesse nécessaire
pour se faire cause du désir de l’Autre atteste de la position féminine et de celle de
l’analyste, débusquant la singularité de l’autre.
Le faire couple est une modalité du non-rapport sexuel dans le couple, une manière
de traiter ce non-rapport, sans clandestinité mais sans tyrannie de la transparence
pour autant.
Ceci a des incidences dans la pratique. Pouvoir être couplée et occuper la place
féminine ; le désir de l’analyste, c’est cela, un désir qui, certes, ne naît pas une bonne
fois pour toutes, mais qui aurait pu aussi ne pas naître du tout ou encore naître de
façon hallucinatoire, dans le désir d’un sujet hystérique qui avait le désir d’être
analyste. À la suite de mon premier témoignage, Jacques-Alain Miller notait : « Vous
rappelez que la position de l’analyste est une position féminine, et vous avez ça, tout

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Épures

de suite, dans la poche. Lacan disait que, d’une certaine façon, les femmes sont des
analystes nées. Là est le joker, vous êtes le joker. » J’en conclus qu’avoir vraiment ce
désir dans la poche ne fait qu’accroître ce risque majeur qui consiste à l’halluciner,
voire à délirer quant à l’émergence du désir de l’analyste.
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La passe est un remède, non seulement à l’infatuation1 – remède sur lequel Lacan
avait misé pour son École –, mais pour s’assurer de la manière dont naît le désir de
l’analyste, au singulier. Puis, il faudra le préserver inédit2.

1. Cf. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Vie de Lacan », enseignement prononcé dans le cadre du département
de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 14 avril 2010, inédit.
2. Brosseau G., « Vers Rennes 2010 », Le point du jour, no 6, publication électronique diffusée sur les listes de l’ECF, 4
juillet 2010.

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