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COMMENT ÉCRIT-ON UNE HISTOIRE DE LA RÉFORME ?

RÉFLEXIONS
HISTORIOGRAPHIQUES ET THÉOLOGIQUES

Thomas Kaufmann

Institut protestant de théologie | « Études théologiques et religieuses »

2015/1 Tome 90 | pages 31 à 50


ISSN 0014-2239
DOI 10.3917/etr.0901.0031
Article disponible en ligne à l'adresse :
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ÉTUDES THÉOLOGIQUES ET RELIGIEUSES


90e année – 2015/1 – P. 31 à 50

Comment écrit-on
une histoire de la Réforme  ?
Réflexions historiographiques et théologiques

Thomas Kaufmann*, l’un des meilleurs spécialistes actuels de la Réforme


protestante, propose ici une synthèse de sa conception de la Réforme dans la
perspective des commémorations de 2017. Partant de certaines thématiques
réformatrices, il en profite pour livrer quelques pistes à propos de questions
contemporaines, liées à l’identité protestante, en particulier concernant le
sacerdoce universel et la dimension européenne du protestantisme.
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Le jubilé de la Réforme de 2017 approche à grands pas et je crois pouvoir
affirmer qu’en allemagne on verse, à cet égard, dans une véritable hystérie
collective1. Dans la forêt médiatique, on s’est ainsi habitué aux bruissements de
tous ordres à propos de l’événement. Les fonctions loufoques ne manquent
d’ailleurs pas dans le paysage institutionnel : « ambassadeur de la Réforme »,
« directeur des autorités civiles et religieuses de la Réforme » et j’en passe. On
s’est en outre livré à des débats qui, en france, paraîtraient tout bonnement

*
Thomas Kaufmann est professeur d’histoire de l’Église à la faculté de théologie protestante de
Göttingen. Cet article, traduit par Pierre-Olivier Léchot, est le texte d’une conférence donnée le
14 novembre 2013 à la faculté de théologie protestante de Paris. Son caractère oral a été conservé. notons,
par souci d’exactitude lexicale, que l’auteur use en allemand du terme Reformation (et non pas Reform)
afin de marquer la singularité de la « Réformation » protestante du point de vue de l’histoire religieuse de
la modernité – thèse qu’il explicite d’ailleurs dans les lignes qui suivent. Dans la mesure où le mot est utilisé
indistinctement dans cet article pour qualifier la Réforme protestante telle que comprise par l’auteur ou par
d’autres historiens, il nous a semblé plus judicieux de traduire le terme allemand Reformation par le français
« Réforme », désormais plus courant que le terme « Réformation » (Ndt).
1
On ne renverra, à titre d’exemple, qu’aux publications parues ces dernières années sous forme de
brochures : au commencement de la « décennie Luther » (« Lutherdekade ») est ainsi sorti de presse,
comme amorce des festivités et sous les auspices du secrétariat « Luther 2017 » de l’Église protestante
en allemagne (Evangelische Kirche in Deutschland [EKD]) : Luther 2017. 500 Jahre Reformation.

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hors de propos : faut-il, par exemple, que le 31 octobre devienne un jour férié
sur le plan national ? Les structures d’organisation pour la préparation de ces
mega-events sont en tout cas devenues incontournables dans l’espace public.
De tout cela, je dois le dire, je ne comprends pas grand-chose ou, en tout cas,
bien moins que les autres. J’aimerais donc m’exprimer ici, d’abord en tant
qu’historien de la Réforme2. Et je souhaiterais le faire dans la mesure où je
m’investis depuis près de quatre décennies dans une réflexion sur l’état et le
développement de la recherche à propos de l’écriture de cette histoire3. C’est
donc ma propre position dans ce contexte bien précis que j’aimerais présenter.
De ce point de vue, l’état de la discussion en allemagne sera un premier point
de repère et pas seulement en raison de la tension entre historiens de la Réforme
de l’ancienne République fédérale d’allemagne et de l’ancienne République
démocratique allemande, mon arc temporel recouvrant les quatre à cinq
dernières décennies. Je présenterai ensuite ma propre conception de l’histoire
de la Réforme dans ses grandes lignes4 avant de conclure par une réflexion sur
ce qui représente à mes yeux une concentration des thématiques les plus
judicieuses du point de vue de notre responsabilité théologique et historique
contemporaine – je m’arrêterai en particulier sur deux éléments précis.
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Jahrbuch, 2008 (il ne semble pas qu’il y ait eu depuis d’autres numéros parus de ce journal) ; derniè-
rement ont été publiés : Perspektiven auf das Reformationsjubiläum, avec un avant-propos d’un membre
du conseil de l’Église protestante en allemagne, niklaus Schneider, EKD, s.d.  ; Ratlos vor dem
Reformationsjubiläum 2017, Berliner Theologische Zeitschrift, 28/1 (2011) ; Perspektiven 2017. Ein
Lesebuch, EKD, s.d. (traduction anglaise : Perspectives 2017. Writings on the Reformation, EKD, s.d.) ;
« Am Anfang war das Wort… », Perspektiven für das Reformationsjubiläum 2017, EKD, 5e session du
11e Synode de l’Église protestante en allemagne (4-11 novembre 2012, Timmendorfer Strand) ; Offene
Räume statt feste Burg – Vor dem Reformationsjubiläum 2017, Evangelischer Pressedienst,
Dokumentation nr. 44, 29 octobre 2013.
2
ma propre intervention journalistique à propos du contexte scientifique et ecclésial des festivités
se concentre dans deux articles de la Frankfurter Allgemeine Zeitung (faZ) : « Das schwierige Erbe der
Reformation  », n° 265 (14 novembre 2011), p. 7  ; «  Luthers kopernikanische Wende  », n° 250
(28 octobre 2013), p. 7.
3
Je développerai à ce sujet des éléments que j’ai exposés de manière plus approfondie dans les
contributions historiographiques suivantes : Thomas Kaufmann, « Die deutsche Reformationsforschung
seit dem Zweiten Weltkrieg  », Archiv für Reformationsgeschichte 100 (2009), p. 15-47 ; ID.,
« Evangelische Reformationsgeschichtsforschung nach 1945 », Zeitschrift für Theologie und Kirche
104 (2007), p. 404-454.
4
Voir Thomas Kaufmann, Geschichte der Reformation, Berlin, Verlag der Weltreligion, 20102 ;
traduction française : Histoire de la Réformation. Mentalités, religion, société, traduction de Jean-marc
Tétaz, Genève, Labor et fides, 2014.

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2015/ 1 COmmEnT ÉCRIT-On unE hISTOIRE DE La RÉfORmE  ?

PeRsPeCtives histoRiogRaPhiques

Depuis les années 1960, les impulsions les plus significatives de la part de
l’histoire de l’Église à propos de l’histoire de la Réforme concernent, d’une
part, une nouvelle évaluation de la théologie, de l’Église, de la piété et de la
culture du moyen Âge tardif et, d’autre part, une ouverture aux perspectives de
l’histoire sociale et, en particulier, l’utilisation de ses méthodes pour la consi-
dération de la Réforme urbaine. Ces impulsions n’ont rien en soi de propre-
ment théologique et proviennent avant tout de l’histoire culturelle et
institutionnelle, c’est-à-dire de l’évolution des méthodes en sciences histo-
riques. Pour un heiko Oberman par exemple5, il était caractéristique de consi-
dérer Luther dans un horizon philosophique et théologique au sein duquel
l’orientation des acteurs à propos de la querelle des universaux, la concentra-
tion sur l’expérience individuelle et une certaine compréhension du langage (et
par conséquent les influences du nominalisme et de la doctrine antipélagienne
d’augustin) apparaissaient d’une importance certaine. Dès lors, la Réforme
était comprise sur l’arrière-fond de ce que l’on a appelé, selon le titre de l’ouvrage
fameux d’Oberman, « l’automne de la théologie médiévale » – au sens d’un
temps des récoltes6. Pour Oberman, les effets de la via moderna et de la devotio
moderna se seraient en outre fait sentir, par le biais de la Réforme et de la Contre-
Réforme, jusqu’au sein de ce que l’on a appelé la « Troisième Réforme » : celle
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des spiritualistes, des anabaptistes et des « déviants » de tous ordres.
Comme Oberman et à l’image d’un Jean Delumeau7, Bernd moeller8 fut
marqué par une nouvelle évaluation du moyen Âge dans l’historiographie non

5
Voir avant tout heiko a. OBERman, Spätscholastik und Reformation, t. I [Der Herbst der mittelal-
terlichen Theologie], Zurich, EVZ, 1965 ; édition anglaise originale : The Harvest of Medieval Theology,
Cambridge (mass.), harvard u.P., 1963. une mise en situation sous forme de bilan historiographique des
travaux d’Oberman a été proposée à la fin de son dernier livre, résumant sa compréhension de la Réforme
par manfred SChuLZE, « nachwort », in heiko a. Oberman, Zwei Reformationen. Luther und Calvin. Alte
und Neue Welt, Berlin, Siedler, 2003, p. 235-243.
6
En arrière-fond du titre du livre d’Oberman (voir supra n. 5) se trouve naturellement l’œuvre
célèbre de son compatriote Johan huIZInGa, Herbst des Mittelalters. Studien über Lebens- und
Geistesformen des 14. und 15. Jahrhunderts in Frankreich und in den Niederlanden, édité par Kurt
Köster d’après la dernière édition (1941), Stuttgart, a. Kröner, 197511 ; traduction française : L’automne
du Moyen Âge, Paris, Payot, 2006. Sur huizinga, voir surtout Christoph STRuPP, Johan Huizinga.
Geschichtswissenschaft als Kulturgeschichte, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2000.
7
Voir en particulier Jean DELumEau, Le catholicisme entre Luther et Voltaire, Paris, Puf, 19966 ;
ID., Le péché et la peur. La culpabilisation en Occident (XIIIe-XVIIIe siècles), Paris, fayard, 1983 et ID.,
La peur en Occident (XIXe-XVIIIe siècles), Paris, fayard, 1978.
8
Voir Bernd mOELLER, Reichsstadt und Reformation, Gütersloh, G. mohn, 1962  ; traduction
française : Villes d’Empire et Réformation, Genève, Droz, 1966. nouvelle édition, avec une introduc-
tion de Thomas Kaufmann, Tübingen, 2011, p. 1-38 (celle-ci propose une mise en perspective histo-
riographique du livre)  ; voir également Bernd mOELLER, Die Reformation und das Mittelalter,
Kirchenhistorische Aufsätze, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1991.

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théologique ; il interprétait par conséquent la culture et la spiritualité des années


1500 dans une perspective tendant, contre l’historiographie protestante
classique9, à considérer cette période comme fructueuse, vivante, très produc-
tive et relativement stable sur le plan ecclésial. Il prit ainsi comme point de
départ l’auto-compréhension et la mentalité de la communauté urbaine qu’il
interprétait comme une sorte de développement proto-démocratique – en
quelque sorte comme des « traces » de la démocratie dans la tradition, enraci-
nées dans l’histoire allemande. Il retrouvait ainsi les premières tendances qui
conduisirent à la Réforme dans une approche de la chose publique soucieuse
d’apaiser les conflits, d’intégrer les contraires et de cultiver une mentalité de
type bourgeois. L’affinité élective entre la Réforme et la ville était rendue possi-
ble par une auto-compréhension de celle-ci, perçue comme une communauté
sacrée dans la mesure où le sacerdoce universel de tous les croyants était appelé
à dépasser la dichotomie structurelle anti-égalitaire entre le clergé et les laïcs.
Rétrospectivement, avec une génération d’écart, on peut considérer l’interpré-
tation de moeller comme une contribution programmatique de la théologie
protestante à l’ouverture de cette dernière aux idéaux de la République de Bonn.
avec le développement des études à propos de la Réforme urbaine, la
question du rapport entre certaines unités sociales et le développement de la
Réforme protestante devint centrale. À côté de l’attention portée à la bourgeoi-
sie urbaine, on vit se développer en allemagne de l’Ouest un intérêt certain
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pour les communautés villageoises et paysannes dans le cadre de la Réforme10,
cependant que le processus de Réforme dans les États territoriaux (ce que l’on
appelle généralement la « Réforme des princes ») ne trouvait grâce que de
manière fragmentaire aux yeux de la recherche. avec l’attention portée au
processus de Réforme dans les villes d’Empire et, ensuite, pour le processus
étatique de la Réforme en général, on a vu se former un domaine d’étude impor-
tant dans l’espace haut-allemand et suisse. Cette tendance a encore été renfor-
cée par un élargissement de la perspective documentaire, qui a vu s’effectuer
un glissement d’une approche concentrée sur les textes des grands réforma-
teurs vers une perspective intéressée également par certaines figures mineures

9
Cette interprétation protestante classique du moyen Âge est représentée par l’œuvre devenue
quasiment canonique de Leopold VOn RanKE, Deutsche Geschichte im Zeitalter der Reformation,
5 vol., munich/Leipzig, Dunker et humblot, 1924.
10
Il faut ici surtout mentionner les travaux de Peter Blickle et ceux de certains de ses élèves qui ont
joué un rôle important par la suite ; voir en particulier Peter BLICKLE, Gemeindereformation. Die
Menschen des 16. Jahrhunderts auf dem Weg zum Heil, munich, R. Oldenbourg, 19872 ; ID.,
Kommunalismus. Skizzen einer gesellschaftlichen Organisationsform, munich, R. Oldenbourg, 2000,
2 vol. ; ID. (éd.), Zugänge zur bäuerlichen Reformation, Zürich, Chronos, 1987 ; heinrich Richard
SChmIDT, Reichsstädte, Reich und Reformation. Korporative Religionspolitik 1521-1529/30,
Wiesbaden/Stuttgart, f. Steiner, 1986 ; franziska COnRaD, Reformation in der bäuerlichen Gesellschaft.
Zur Rezeption reformatorischer Theologie im Elsass, Stuttgart, f. Steiner, 1984.

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ou par certains groupes d’auteurs moins connus de l’époque de la Réforme.


Durant les années 1970 et 1980, on peut dire que l’intérêt pour les pamphlets
(les fameux « Flugschriften ») a atteint son paroxysme11 : des masses d’édi-
tions de textes publiés le plus souvent sur microfiches ont fait leur apparition
dans le viseur de la recherche et, avec eux, des groupes d’acteurs comme les
artisans, les femmes, les nobles de petite extraction, toute une littérature
anonyme ou pseudonyme de provenance incertaine – en tout cas, un grand
nombre de laïcs. ainsi, le regard s’est déplacé de Wittenberg vers les métro-
poles d’imprimerie qu’étaient alors augsbourg, Strasbourg, Bâle ou nuremberg
et dans lesquelles une grande partie de cette littérature était produite et proba-
blement rédigée.
De son côté, le concept de « révolution proto-bourgeoise12 » permit de situer
la Réforme dans le cadre de la philosophie de l’histoire matérialiste du
marxisme comme une étape du développement historique ébranlant la commu-
nauté féodale du moyen Âge et activant l’établissement de la société bourgeoise
moderne. Par rapport au concept de « Réforme populaire » (Volksreformation),
lié à la figure de Thomas müntzer et à la guerre des Paysans et développé,
durant les premiers temps de la RDa à la suite de l’étude d’Engels sur cette
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11
Pour ne mentionner que les travaux les plus importants : hans-Christoph RuBLaCK, « … hat die
Nonne den Pfarrer geküßt ? » Aus dem Alltag der Reformation, Gütersloh, G. mohn, 1991 ; martin
aRnOLD, Handwerker als theologische Schriftsteller, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1990 ;
alejandro ZORZIn, Karlstadt als Flugschriftenautor, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1990 ; Bernd
mOELLER, « flugschriften der Reformationszeit », in Theologische Realenzyklopädie, 1983, t. XI, p. 240-
246 ; Robert W. SCRIBnER, For the Sake of Simple Folk. Popular Propaganda for the Reformation,
Cambridge, Cambridge u.P., 1981  ; Johannes SChWITaLLa, Deutsche Flugschriften. 1460-1525.
Textsortengeschichtliche Untersuchungen, Tübingen, m. niemeyer, 1983. Concernant les éditions de
textes, il faut surtout mentionner les volumes préparés sous la direction d’adolf Laube à l’académie
de Berlin-Est : adolf LauBE et al., Flugschriften der Bauernkriegszeit, Berlin, akademie Verlag, 19782 ;
ID., Flugschriften der frühen Reformationsbewegung (1518-1524), 2 vol., Berlin, akademie Verlag,
1983 ; ID., Flugschriften vom Bauernkrieg zum Täuferreich (1526-1535), 2 vol., Berlin, akademie
Verlag, 1992 ; ID., Flugschriften gegen die Reformation (1518-1524), Berlin, akademie Verlag, 1997 ;
ID., Flugschriften gegen die Reformation (1525-1530), 2 vol., Berlin, akademie Verlag, 2000 ; hans-
Joachim KöhLER (éd.), Flugschriften als Massenmedium der Reformationszeit, Stuttgart, Klett-Cotta,
1981. La collection de pamphlets éditée par hans-Joachim Köhler, hildegard hebenstreit-Wilfert et
Christoph Weismann est parue entre 1978 et 1988 sous forme de série microfiche sous le titre  :
Flugschriften des frühen 16. Jahrhunderts. Elle est décrite de manière bibliographique dans hans-
Joachim KöhLER, Bibliographie der Flugschriften des 16. Jahrhunderts, Tübingen, Bibliotheca
academica, 1991-, vol. I et suivants.
12
Voir max STEInmETZ, « Die frühbürgerliche Revolution. Deutschland 1476 bis 1536. Thesen zur
Vorbereitung der wissenschaftlichen Konferenz in Werningerode vom 21. bis 24. Januar 1960  »,
Zeitschrift für Geschichtswissenschaft 8 (1960), p. 113-124, réédité in Gerhard BREnDLER (éd.), Die
frühbürgerliche Revolution in Deutschland, Berlin, akademie Verlag, 1961, p. 7-16 ; max STEInmETZ
(éd.), Die frühbürgerliche Revolution in Deutschland, Berlin akademie Verlag, coll. « Studienbibliothek
DDR-Geschichtswissenschaft 5 », 1985 ; voir également Günter VOGLER, « Revolutionäre Bewegungen
und frühbürgerliche Revolution », Zeitschrift für Geschichtswissenschaft 22 (1974), p. 394-411 ; Rainer
WOhLfEIL, « Positionen der forschung. “Bauernkrieg” und “frühbürgerliche Revolution” », in Peter
Blickle (éd.), Der deutsche Bauernkrieg von 1525, Darmstadt, akademie Verlag, 1985, p. 263-279.

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guerre13 par un historien russe comme moisej m. Smirin (détenteur de l’Ordre


de Staline, deuxième classe)14, le modèle de la Révolution proto-bourgeoise
représentait une avancée significative. Elle accordait en effet un rôle progres-
sif à la bourgeoisie urbaine et aux intellectuels humanistes et ouvrait également
des perspectives pour une nouvelle évaluation du rôle des réformateurs urbains
qui se développa dans l’ancienne RDa et qui culmina avec l’année Luther en
1983. Le concept de «  Réforme populaire  » s’achevait sur la guerre des
Paysans ; l’historien de l’Église de Leipzig, franz Lau, s’opposa donc à ce
modèle chronologique en se basant sur les processus de Réforme dans les villes
hanséatiques du nord de l’allemagne15. En effet, dans ce contexte se faisaient
jour des processus révolutionnaires qui impliquaient une large participation de
l’homme du commun et qui se développèrent de manière évidente après la fin
de la guerre des Paysans. Le modèle de la « Révolution proto-bourgeoise »
était donc assez flexible pour intégrer des moments de participation des petites
gens après 1525, sans limiter par trop le caractère principiel éphémère des
processus proto-bourgeois par rapport aux développements révolutionnaires
ultérieurs. La Révolution proto-bourgeoise offrit en outre des points de repère
permettant une étude plus substantielle du domaine urbain16, des interactions
entre l’État et la campagne et, surtout, de la logique de publication réformatrice
au cœur des villes17.
Ces tendances de l’historiographie est-allemande ont conduit à ce que, à la
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fin des années 1970, des discussions intensives dans le domaine de l’histoire de
la Réforme purent avoir lieu entre l’Est et l’Ouest et entre des historiens de

13
Voir Günter VOGLER, « marx, Engels und die Konzeption einer frühbürgerlichen Revolution in
Deutschland  », Zeitschrift für Geschichtswissenschaft 17 (1969), p. 707-717  ; Siegfried BRäuER,
« martin Luther in marxistischer Sicht von 1945 bis zum Beginn der achtziger Jahre », in Joachim
heise, Christa Stache (éd.), avec la collaboration de Johannes Gruhn, Dialog über Luther und Müntzer.
Zwanzig Expertengespräche zwischen kirchlichen und marxistischen Reformationshistorikern der DDR
(1981-1990). Eine Dokumentation, Berlin, Evangelisches Zentralarchiv, 2011, p. 307-357.
14
moisej m. SmIRIn, Die Volksreformation des Thomas Müntzer und der große Bauernkrieg, Berlin,
Dietz, 1952 ; seconde édition revue en 1956.
15
franz Lau, « Der Bauernkrieg und das angebliche Ende der lutherischen Reformation als sponta-
ner Volksbewegung », Luther-Jahrbuch 26 (1959), p. 109-134 ; voir à propos de Lau comme historien
de l’Église  : markus hEIn, helmar JunGhanS (éd.), Franz Lau (1907-1973). Pfarrer,
Landessuperintendent und Kirchenhistoriker, Leipzig, Evangelische Verlaganstalt, coll. « herChr
Sonderband 17 », 2010.
16
Paradigmatique de ce point de vue, le livre de Günter VOGLER, Nürnberg 1524/5. Studien zur
Geschichte der reformatorischen und sozialen Bewegung in der Reichsstadt, Berlin, akademie Verlag,
1982.
17
Sur le rôle de l’imprimerie pour la Réforme, voir Bernd mOELLER, «  Stadt und Buch.
Bemerkungen zur Struktur der reformatorischen Bewegung in Deutschland », in ID., Die Reformation
und das Mittelalter (n. 9), p. 111-124 et 321 sqq.

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l’Église et des historiens marxistes de l’ex-RDa18. Ces dernières conduisirent


à un rapprochement progressif des standards méthodologiques et des processus
d’évaluation historiques. L’image de müntzer dans la dernière phase de l’his-
toriographie est-allemande, telle que la trace par exemple Günter Vogler19,
prend ainsi en compte la théologie ainsi que les influences mystiques et apoca-
lyptiques qui se sont exercées sur lui de manière certaine, et presque inimagi-
nable au demeurant quelques années plus tôt. Dans le sens inverse, les
jugements de valeur historiques portés sur müntzer, qui dominèrent longtemps
l’historiographie à la suite de celui de Luther lui-même, reculèrent passable-
ment. C’est particulièrement le cas dans les travaux de Siegfried Bräuer dont
les relations personnelles avec max Steinmetz, le chef de file de l’historiogra-
phie marxiste, ouvrirent un certain nombre de voies de discussion20. La sensi-
bilité à des problématiques d’histoire sociale, politique et économique me
semble ainsi constituer le legs le plus fondamental de l’historiographie est-
allemande.
au moment où la RDa disparaissait, le rapprochement entre les deux
systèmes était fortement avancé dans le champ de l’histoire de la Réforme. Il
est clair que les travaux historiques concentrés sur des perspectives d’histoire
sociale et orientés par des historiens plutôt de gauche et issus du monde anglo-
saxon ont contribué à ce rapprochement ; on peut ici mentionner les travaux de
Brady21, Scribner22 et Karant-nunn23 de même que les recherches de Peter
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Blickle24, concentrées sur le concept du « communalisme », ainsi que celles de
hans-Jürgen Goertz, portant sur müntzer, les anabaptistes et les diverses formes
de déviance25. Le large intérêt culturel que la Réforme rencontra dans l’ancienne

18
Le titre suivant donne une idée instructive de l’interaction entre historiens de l’Église et histo-
riens de tendance marxiste : J. hEISE, Ch. STaChE (éd.), avec la collaboration de J. GRuhn, Dialog über
Luther und Müntzer, op. cit.
19
Voir par exemple sa biographie de müntzer : Thomas Müntzer, Berlin, Dietz, 1989, ou bien
encore, avec des contributions d’historiens marxistes, le volume collectif de Siegfried BRäuER, herlmar
JunGhanS (éd.), Der Theologe Thomas Müntzer. Untersuchungen zu seiner Entwicklung und Lehre,
Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, 1989.
20
Voir à ce propos supra n. 13 et l’ouvrage collectif indiqué dans celle-ci ainsi que max STEInmETZ,
Thomas Müntzers Weg nach Allstedt, Berlin, VEB Deutscher Verlag der Wissenschaften, 1988.
21
avant tout Thomas a. BRaDy, Ruling Class, Regime and Reformation at Strasbourg 1520-1555,
Leyde, Brill, 1978.
22
R. W. SCRIBnER, For the Sake of Simple Folk, op. cit.
Susan KaRanT-nunn, Zwickau in Transition, 1500-1547. The Reformation as an Agent of
23

Change, Columbus, Ohio State u.P., 1987.


24
Voir supra n. 10.
25
hans-Jürgen GOERTZ, Thomas Müntzer. Mystiker, Apokalyptiker, Revolutionär, munich,
C. h. Beck, 1989 ; ID., Die Täufer. Geschichte und Deutung, munich, C. h. Beck, 1980 (réimpr. :
munich, C. h. Beck, 1988).

37
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RDa sur le plan de l’histoire politique et littéraire ainsi que de l’histoire de l’art
et du travail muséographique me paraît donc représenter une condition centrale
du travail de préparation du jubilé de 2017, en particulier pour ce qui concerne
les attentes à cet égard dans les nouveaux Länder de l’Est. En tous les cas, dans
ce contexte, la réflexion autour du thème de la Réforme représente une condition
spécifique de la planification et de la réception des festivités à venir qui, à ma
connaissance, n’a pas été suffisamment prise en compte jusqu’ici.
À la fin des années 1980, donc peu de temps après la fin de la séparation entre
les deux allemagne, on a pu assister à un débat de fond autour du concept de la
confessionnalisation26. Celui-ci a survécu à l’éclipse de la concurrence germano-
allemande à propos de la Réforme et est venu en quelque sorte la remplacer. Il a
en outre acquis une signification qui vaut encore aujourd’hui et qui exclut désor-
mais de se concentrer, dans la ligne de l’historiographie canonique marquée par
l’œuvre de Leopold von Ranke, sur les seules années 1517-1555. En quoi
consistent les impulsions majeures des concepts herméneutiques récemment
développés à propos de la biographie de Luther par le représentant le plus impor-
tant de la confessionnalisation, l’historien berlinois heinz Schilling27 ? Sans viser
à l’exhaustivité, il me semble que l’on peut mettre en évidence le point suivant :
le paradigme de la confessionnalisation a en particulier conduit à un élargissement
au XVIe siècle tardif du champ chronologique de la recherche à propos de l’his-
toire de la Réforme, c’est-à-dire à une époque durant laquelle l’impact sociétal à
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long terme des changements apportés par la Réforme est clairement identifiable.
Ces recherches ont naturellement sensibilisé les chercheurs au rapport intime
entretenu par le développement confessionnel et la construction de l’État
moderne. Elles ont en particulier attiré leur attention sur certains parallèles entre
les trois systèmes confessionnels modernes : le luthéranisme, la réforme d’ins-
piration calviniste et le catholicisme post-tridentin. De ce point de vue, une
certaine approche des rapports entre protestantisme et modernité a bien sûr été
mise en cause, surtout si l’on songe à la fameuse affinité entre protestantism and
progress, telle qu’elle est généralement définie par la traduction anglaise du titre
de l’article programmatique d’Ernst Troeltsch, Die Bedeutung des Protestantismus

26
J’ai proposé une analyse de la discussion au sein de la recherche dans Thomas Kaufmann, « Die
Konfessionalisierung von Kirche und Gesellschaft. Sammelbericht über eine forschungsdebatte »,
Theologische Literaturzeitung 121 (1996), en particulier p. 1008-1025 et 1112-1121 ; le volume La
confessionalisation dans le Saint Empire (XVIe-XVIIIe siècles), Études Germaniques 57/3 (2002) est
également instructif. une synthèse de la situation actuelle de la recherche, complétée par une biblio-
graphie importante, est proposée dans l’Enzyklopädie der Neuzeit, Darmstadt, Wissenschaftliche
Buchgesellschaft, 2007, en particulier p. 1053-1070.
27
heinz SChILLInG, Martin Luther. Rebell in einer Zeit des Umbruchs, münchen, Beck, 2012 ;
traduction française de Jean-Louis Schlegel : Martin Luther. Rebelle dans un temps de rupture, Paris,
Salvator, 2014 (cette traduction ne reproduit malheureusement pas les références à la littérature secon-
daire de l’édition originale allemande [Ndt]).

38
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für die Entstehung der modernen Welt28. Dans l’historiographie catholique


romaine, à la suite d’historiens comme Lortz29, Iserloh30 et Jedin31, se sont
développées des perspectives à propos du processus de renouvellement généré par
une Réforme catholique dont on s’accorde désormais à reconnaître qu’elle
dépasse et est même autre chose que la simple Contre-Réforme32. Cette ouverture
d’un champ nouveau de recherche autour de la confessionnalisation à la fin du
XVIe et au début du XVIIe siècle a également conduit à l’ouverture de nouvelles
perspectives historiographiques qui ont en particulier permis une réhabilitation
historiographique de la soi-disant vieille orthodoxie protestante, généralement
discréditée depuis le XVIIe siècle par le Mainstream de l’historiographie protes-
tante. En outre, la discussion sur la confessionnalisation, qui depuis 1989 a gagné
une perspective européenne, a également rendu les historiens attentifs aux
rapports transnationaux qui avaient été jusque-là négligés en raison de la
dominante herméneutique de l’histoire nationale, conditionnée en bonne partie
par l’opposition Est-Ouest. mais parallèlement (et c’est là une conséquence
profonde pour l’historiographie de la Réforme), la réflexion autour de la confes-
sionnalisation a aussi amené au premier plan l’idée d’une certaine « déperdition
de la Réforme33 ». La Réforme, semble-t-il, serait en effet nivelée, marginalisée et

Voir Ernst TROELTSCh, Kritische Gesamtausgabe, t. VIII  [Schriften zur Bedeutung des
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28

Protestantismus für die moderne Welt (1906-1913)], édité par Trutz Rendtorff et Stefan Pautler,
Berlin/new york, W. De Gruyter, 2001. Certains des textes de ce volume sont traduits dans le livre
suivant : Ernst TROELTSCh, Protestantisme et modernité, traduction et introduction de marc B. de
Launay, Paris, Gallimard, 1991.
29
Joseph LORTZ, Die Reformation in Deutschland, fribourg-en-Brisgau, herder, 19826 (1939-1940),
traduit en français sous le titre : La Réforme de Luther, Paris, Cerf, 1970 ; à son sujet, voir Bernd
mOELLER, « Lortz, Joseph », in ID. (éd.), Deutsche Biographische Enzyklopädie der Theologie und der
Kirchen, munich, K. G. Saur, 2005, t. I, p. 868 sqq.
30
Erwin ISERLOh, « Reformation, Katholische Reform und Gegenreformation », in hubert Jedin
(éd.), Handbuch der Kirchengeschichte, fribourg-en-Brisgau, herder, 1967, t. IV, sections 1-3, p. 3-312.
Sur Iserloh, voir  uwe WOLff, Iserloh. Der Thesenanschlag fand nicht statt, fribourg, Insitut für
ökumenische Studien, 2013.
31
hubert JEDIn, Katholische Reform oder Gegenreformation ?, fribourg-en-Brisgau, herder, 1948 ;
ID., Geschichte des Konzils von Trient, 5 vol., fribourg, herder, 1949-1975 (traduction française du
premier volume seul sous le titre  : La lutte pour le concile, Paris, Desclée, 1965)  ; à son sujet,
voir heribert SmOLInSKy (éd.), Die Erforschung der Kirchengeschichte. Leben, Werk und Bedeutung von
Hubert Jedin (1900-1980), münster, aschendorff, 2001.
32
Dans une perspective d’histoire de la recherche, l’article suivant propose un bon survol de la
question  : Gottfried maROn, «  Katholische Reform und Gegenreformation  », Theologische
Realenzyklopädie, Berlin/new york, W. De Gruyter, 1989, t. XII, p. 45-72.
33
heinz SChILLInG, « Reformation. umbruch oder Gipfelpunkt eines “Temps des Réformes” ? »,
in ID., Ausgewählte Abhandlungen zur europäischen Reformations- und Konfessionsgeschichte, édité
par Luise Schorn-Schütte et Olaf mörke, Berlin, Duncker & humblot, 2002, p. 11-31. Sur la thèse de
Schilling à propos d’une « déperdition de la Réforme », voir Thomas a. BRaDy Jr., « “We have Lost
the Reformation”. heinz Schilling and the Rise of the Confessionalization Thesis », in Stefan Ehrenpreis,
ute Lotz-heumann, Olaf mörke, Luise Schorn-Schütte (éd.), Wege der Neuzeit. Festschrift für Heinz
Schilling zum 65. Geburtstag, Berlin, Duncker & humblot, 2007, p. 33-56.

39
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ThOmaS Kaufmann ETR

éreintée dans sa signification, prise qu’elle serait désormais entre une recherche
médiéviste soulignant le potentiel de modernisation du moyen Âge tardif et la
dynamique de recherches accentuant l’importance de la confessionnalisation à
la fin du XVIe siècle.
De fait, lorsqu’on considère l’importante production livresque de ces
dernières années, on ne saurait nier la thèse d’une certaine déperdition de la
Réforme. Il est d’ailleurs caractéristique pour la nouvelle littérature à propos de
la Réforme que l’on ne puisse désormais parler que rarement en usant d’un
concept cohérent et singulier de la Réforme. La tendance dominante est désor-
mais celle d’une pluralité de Réformes – au pluriel – soit au sens très spécifique
et national d’un processus individuel dans le contexte des « European refor-
mations »34, soit dans la perspective d’une égalisation des Réformes protes-
tante, catholique et radicale. La Réforme apparaît donc comme plurielle, y
compris du point de vue des différences régionales et des querelles de chapelle,
qui conduisent à différencier par exemple entre la Réforme « de Wittenberg »
et celle « de Genève », et qui prennent en considération de manière globale les
processus de différenciation confessionnelle ultérieurs in statu nascendi. Cela
vaut aussi, naturellement, pour la typologie socio-politique entre des Réformes
de types urbain, campagnard ou princier. De ce point de vue, une approche très
originale, bien que largement déconnectée de la discussion scientifique récente,
est celle de l’historien de l’Église Diarmaid macCulloch, qui défend l’usage du
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terme Réforme (au singulier), mais qui en même temps propose un modèle de
Réforme débutant au XIe siècle, avec la Réforme grégorienne, et qui conduit à
un mouvement de Réforme de la chrétienté occidentale. À la lecture de
macCulloch35, on a cependant le sentiment que le concept traditionnel de
Réforme au singulier demeure difficile à dépasser et reste, du point de vue
éditorial, plus lucratif, c’est-à-dire culturellement plus persistant que la discus-
sion scientifique récente ne le laisserait penser.

34
Voir par exemple Carter LInDBERG, The European Reformations, malden, Wiley-Blackwell,
20102. Voir en outre mon analyse de l’état de la recherche : Thomas Kaufmann, Der Anfang der
Reformation. Studien zur Kontextualität der Theologie, Publizistik und Inszenierung Luthers und der
reformatorischen Bewegung, Tübingen, mohr & Siebeck, 2012, p. 1 sqq.
35
Diarmaid maCCuLLOCh, The Reformation, new york/Londres, Penguin, 2004. [Voir également,
dans une perspective en partie similaire, l’ouvrage de Pierre Chaunu, Le temps des Réformes. Histoire
religieuse et système de civilisation. La crise de la chrétienté. L’Éclatement (1250-1550), Paris, fayard,
1975 (Ndt)]. au sujet de macCulloch et de sa perspective voir Thomas Kaufmann, « “history is good
at confounding and confessing labelers”. “Die Geschichte versteht es meisterlich, Schlagwortexperten
zu irritieren und zu verwirren”. Zu Diarmaid macCullochs “Reformation”  », Archiv für
Reformationsgeschichte 101 (2010), p. 305-320.

40
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2015/ 1 COmmEnT ÉCRIT-On unE hISTOIRE DE La RÉfORmE  ?

ÉlÉments PouR une RÉÉvaluation de la RÉfoRme

À partir de la situation que nous venons d’esquisser et dont les éléments me


semblent devoir être inscrits dans l’arbre généalogique de toute réflexion scien-
tifique responsable à propos de l’histoire de la Réforme ainsi que du point de
vue des commémorations de l’événement, il me semble que certaines conclu-
sions peuvent être tirées qui caractérisent ma propre conception des choses36.
notons successivement et sans ordre strict, que sur le plan historique, la
Réforme n’est pas un événement isolé que l’on pourrait traiter indépendam-
ment de sa préhistoire et de l’histoire qui l’a suivie, mais elle doit être consi-
dérée comme une étape centrale dans le cadre d’une époque de l’histoire de
l’Église : la modernité.
Ensuite, la Réforme doit être saisie dans le contexte de conditions détermi-
nantes qui sont celles de l’histoire religieuse et culturelle médiévale ainsi que
de l’histoire des médias ; le caractère de césure, spécifique sur le plan histo-
riographique, qu’il s’agit de reconnaître au sujet de la Réforme doit être compris
dans ce contexte qu’elle doit à la pluralité du moyen Âge tardif.
Par ailleurs, à la différence du concept macro-historique de la confession-
nalisation, qui s’est fixé sur l’axe structurel religion-politique, une histoire
culturelle de la Réforme se doit de privilégier l’étude des acteurs et de leurs
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motivations.
Contrairement à l’utilisation du concept de Réforme au pluriel, il convient
de préférer son sens singulier et ce pour des motifs de nature historique. Ces
derniers se cristallisent autour des événements qui sont mis en mouvement avec
la querelle des indulgences de 1517-1520 (qui débouche sur la condamnation
de Luther et de ses partisans et engendre une séquence d’événements de nature
nouvelle et, dans le domaine des médias et de la politique, des modes de discus-
sion nouveaux) et qui aboutissent à l’émergence d’une nouvelle culture ecclé-
siale, d’abord dans l’Empire puis finalement dans d’autres pays européens.
Cela dit, l’unité de la Réforme ne devrait pas jouer contre sa diversité intrin-
sèque. Il y a bel et bien une Réforme dans l’exacte mesure où les processus
individuels de Réforme au niveau des villes, des territoires et, par la suite, à
différents niveaux nationaux interagissent et se trouvent reliés sur le plan de la
communication, mais aussi parce qu’on constate de très nets liens entre les
Réformes urbaine et campagnarde. L’unité de la Réforme doit donc d’abord être
justifiée du point de vue historique et processuel et non de manière théologique
et normative. Cela étant, si l’on conçoit la doctrine du sacerdoce universel

36
Pour ce qui suit, et du point de vue de la mise en œuvre historiographique, voir mon Histoire de
la Réformation (supra n. 5) ainsi que Th. Kaufmann, Der Anfang der Reformation, op. cit.

41
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comme la traduction ecclésiologique de la doctrine de la justification par la


foi37, il est possible d’envisager des moments d’entremise entre une définition
théologique et une compréhension historique de l’unité de la Réforme.
autre conclusion, le succès de la Réforme s’est joué en ceci que le message de
Luther et de ses partisans a parlé à des hommes et des femmes vivant dans diffé-
rents contextes. Le fondement théologique qui a permis et renforcé ce processus
et la licence qui a autorisé ce dernier résident dans le théologoumène du sacer-
doce universel qui, dans son contexte d’émergence (en l’occurrence Wittenberg),
a déjà été compris de manière très différente par un Luther ou un Karlstadt. Le
sacerdoce universel n’en constitue pas moins la base d’appropriations fondamen-
talement différentes parmi les divers acteurs et groupes d’acteurs de provenances
sociales très diverses. Il en vint en effet à concerner aussi bien des paysans et des
artisans, que des femmes et des magistrats urbains, des chevaliers et des princes,
des moines, des nonnes et des clercs.
Par ailleurs, la plausibilité de la Réforme ne s’est pas décidée sur la base de
vérités doctrinales, mais s’est jouée sur le fait que des hommes et des femmes,
dans leurs différents univers, étaient interpellés par ces vérités et pouvaient se les
approprier. Le développement ultérieur de la Réforme a été déterminé de manière
évidente par ce fait et a été de plus en plus, et de manière durable, renforcé par le
développement de possibilités de participation ou par des conditions d’appercep-
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tion par des chrétiens de tous états, par des médias, des catéchismes, des liturgies
en langue vernaculaire, des bibles en langue vulgaire ou des postilles.
Signalons aussi que l’alternative développée par Karl holl et toute une tradi-
tion extrêmement influente à sa suite visant à interpréter soit la justification par
la foi soit la critique du clergé et des Églises comme cause mobilisatrice des
masses ou comme déclencheur de la Réforme se doit d’être rejetée, du moins
dans une formulation aussi tranchée38. Dans l’exacte mesure où le message de
Luther et de ses adhérents débouchait de manière évidente à propos de leur
compréhension de Dieu, du Christ et de l’Évangile sur une critique des repré-
sentants du christianisme ecclésial institutionnel, ce message offrait de lui-même
des idées susceptibles de permettre aux hommes et aux femmes du temps d’en
faire quelque chose et de se référer ainsi aux égarements de l’Église d’alors. La
mise en relation du message réformateur dans la prédication et dans les pamphlets
est donc inséparable de la critique alors adressée à l’Église institutionnelle.

37
Voir Th. Kaufmann, Der Anfang der Reformation, op. cit., p. 506-549, §13 : « Ekklesiologische
Revolution : Das Priestertum der Glaubenden in der frühreformatorischen Publizistik – Wittenberger und
Basler Beispiele ».
38
Voir en particulier Karl hOLL, «  Die Rechtfertigungslehre im Licht der Geschichte des
Protestantismus », in ID., Gesammelte Aufsätze zur Kirchengeschichte, t. II [Der Westen], Tübingen,
J. C. B. mohr, 1928, p. 525-557, surtout p. 526 et 534. Sur holl, voir Johannes WaLLmann, « Karl holl
und seine Schule », Zeitschrift für Theologie und Kirche, Beiheft 4 (1978), p. 1-33.

42
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Dans ses quatre-vingt-quinze thèses, Luther a cherché à dépasser une situa-


tion de crise très profonde de son Église, cette Église latino-romaine d’Occident
qu’il aimait par-dessus tout39. Lorsque, avec le développement de la querelle
des indulgences et la condamnation qui en est résultée, il est apparu que cette
Église, dans sa dimension hiérarchique et autoritaire, ne voulait pas être sauvée,
Luther s’est résolu de son côté à favoriser une destruction de cette Église qui
cherchait à étouffer son message et sa personne. Dans la mesure où ni la critique
de la papauté contre les Églises protestantes naissantes ni les attaques de Luther
contre l’Église romaine ne conduisirent à des succès durables et que la contro-
verse permanente et l’antagonisme confessionnel déterminèrent les dévelop-
pements ultérieurs qui modifièrent également et en profondeur l’Église
catholique romaine elle-même, il n’est pas injustifié d’affirmer que Luther et
les autres réformateurs ont contribué de manière substantielle, et contre leur
volonté, à dépasser la crise de crédibilité de l’Église romaine, voire même à la
sauver40. une discussion œcuménique à propos de la Réforme qui ferait l’éco-
nomie de ce donné complexe ainsi que de la dynamique des processus de
décision et qui se complairait de manière étrange ou, le cas échéant, de manière
sublime dans des confessions de culpabilité suffisantes et unilatérales, ignore-
rait les espaces d’action très restreints des camps confessionnels alors en conflit
et perdrait de vue le fait que les options religieuses furent, au plus tard à partir
de 1530, profondément déterminées par les réalités politiques et juridiques au
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niveau de l’Empire41.
Conclusion ultime, les débuts du mouvement réformateur sont donc indis-
sociables de l’action de Luther. Sans l’écho rencontré à partir de 1518-1519
par celle-ci, l’on n’en serait pas venu à des formes spécifiques de réalisation des
changements ecclésiaux dans les villes et les campagnes. un isolement de
Luther par rapport au mouvement réformateur en général ne rend cependant
pas justice aux conditions de son succès. autant le mouvement réformateur

39
Sur le débat à propos de l’affichage des thèses, voir le volume collectif Joachim OTT, martin
TREu (éd.), Luthers Thesenanschlag – Faktum oder Fiktion, Leipzig, Evangelische Verlaganstalt, 2008.
Voir également Th. Kaufmann, Der Anfang der Reformation, op. cit., p. 166-184 § 6  :
« ausgangsszenario : Luthers 95 Thesen in ihrem historischen Zusammenhang ».
40
Voir la remarque de Jakob BuRCKhaRDT : « Qui sait ce qui menaçait la papauté elle-même à cette
époque, si la Réforme ne l’eût sauvée », La civilisation de la Renaissance en Italie, trad. de L. Schmitt
revue par R. Klein, Paris, Gonthier, 1964, p. 144.
41
De ce point de vue, je ne saurais m’épargner un reproche d’incompréhension élémentaire vis-à-
vis de la constellation historique entourant ce que nous avons coutume d’appeler la Réforme à l’égard
de la récente déclaration œcuménique d’une commission internationale catholique romaine et luthé-
rienne : From Conflict to Communion. Lutheran-Catholic Common Commeration of the Reformation
in 2017. Report of the Lutheran-Roman Catholic Commission on Unity, Leipzig/ Paderborn, Bonifatius,
2013  ; traduction française sous le titre «  Du conflit à la communion. Commémoration luthéro-
catholique commune de la Réforme en 2017 », Istina 58/3 (2013), p. 269-330. [Cf. l’analyse de marc
LIEnhaRD, « Luther “notre maître commun” ? », Istina 58/3 (2013), p. 245-262 (Ndt)].

43
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n’aurait jamais vu le jour sans Luther, autant ces conditions ne me semblent pas
se réduire à la seule réception des idées de Luther. Il en résulte, pour le jubilé
de la Réforme qui nous attend, la tâche de considérer la Réforme dans la diver-
sité de ses manifestations et de ses orientations – y compris en incluant la
Réforme radicale42.

de la ResPonsabilitÉ thÉologique et histoRique ContemPoRaine

Le premier élément thématique qu’il me semble utile de travailler à


nouveaux frais dans la perspective du jubilé de la Réforme concerne le sacer-
doce universel qui fut pour la première fois développé dans l’Appel à la
noblesse chrétienne de la nation allemande de l’été 152043. Il me semble impor-
tant, pour une discussion profilée du thème, de souligner une différence de fond
dans l’interprétation de ce théologoumène dès les premières années de la
Réforme. martin Luther et son collègue à la faculté de théologie de Wittenberg
mais aussi futur adversaire, andreas Bodenstein dit Karlstadt, furent ceux qui
interprétèrent très tôt de manière divergente la doctrine réformatrice du sacer-
doce universel44. Pour Luther, l’équivalence des deux groupes, clercs et laïcs,
c’est-à-dire leur unité dans le baptême et dans la foi, constitue l’élément déter-
minant. Karlstadt, par contre, travaille à partir d’une très grande valorisation des
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laïcs auxquels Dieu, d’abord en raison d’expériences spirituelles, offre un accès
direct à lui-même ou au salut, bien plus qu’aux clercs rejetés. Dans des textes
réformateurs anonymes de l’espace haut-allemand marqués par l’humanisme,
on découvre enfin une autre démarche, à savoir l’idée d’une égalité radicale
selon laquelle tous les hommes (et donc tous les chrétiens, en raison de leur
naissance) se trouvent égaux en droits et par nature. Ces trois conceptions diver-
gentes mettent bien en évidence le fait qu’il ne saurait être question de parler d’un
concept réformateur du sacerdoce universel, mais qu’il y a bien lieu d’envisager
une diversité conceptuelle à cet égard dès les débuts du mouvement.
Dans l’activité de certains auteurs et auteures issus du milieu des laïcs, qui
gagnent en importance dans le contexte éditorial des années 1523-1524, le

42
Sur ma propre tentative d’intégration dans l’histoire de la Réforme de la prétendue « Réforme
radicale » (George huntston WILLIamS, The Radical Reformation, Kirksville, Sixteenth Century Journal
Publisher, 20003), voir Th. Kaufmann, Der Anfang der Reformation, op. cit., p. 464-505, § 12  :
« Integrale Existenz : Lehre und Leben in der sog. Radikalen Reformation der frühen 1520er Jahre » ;
Thomas Kaufmann, Thomas Müntzer, “Zwickauer Propheten” und sächsische Radikale. Eine quellen-
und traditionskritische Untersuchung zu einer komplexen Konstellation, mühlhausen, Thomas-müntzer-
Gesellschaft, 2010.
43
Voir Thomas Kaufmann, An den christlichen Adel deutscher Nation von des christlichen Standes
Besserung, Tübingen, mohr & Siebeck, 2014 (paru dans la collection éditée sous ma direction  :
« Kommentare zu Schriften Luthers 3 »).

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sacerdoce universel devient de plus en plus central et acquiert un rôle décisif.


Le fameux Karsthans45, qui, avec son humour tout paysan, comprend plus à
Dieu, au salut et à l’Écriture que tous ces « fichus érudits », se trouve repré-
senter un état laïc en relation directe avec Dieu. On peut en dire autant de la
première femme à l’activité littéraire durant l’époque de la Réforme, argula
von Grumbach46. Elle en appelle en effet à la diffusion de l’Esprit Saint à la fin
des temps (Joël 3 et actes 2), et s’oppose à l’université d’Ingolstadt, qui l’avait
convoquée à une controverse littéraire, en tant que lectrice et interprète de la
Bible. La même stratégie de légitimation se retrouve chez Catherine Zell,
femme du pasteur strasbourgeois, qui fut sans conteste l’auteur féminin la plus
productive de la Réforme et qui eut à se défendre contre une répression très
diverse47. Son affirmation, selon laquelle on devait la considérer comme
l’ânesse de Balaam par rapport au prophète, ne se situait pas seulement dans la
ligne de Luther et de son Appel à la noblesse allemande, mais traduisait aussi
la conscience d’être appelée de manière particulière par Dieu48. C’est précisé-
ment cette stratégie de légitimation laïque, tout particulièrement dans le cas
d’auteurs féminins, qui montre combien il n’allait pas de soi, durant les
premières années de la Réforme, de donner ouvertement la parole à de simples
laïcs à l’instar d’artisans comme le jardinier Clemens Ziegler de Strasbourg49,
le cordonnier Georg Schönichen à Eilenburg50, le moine déguisé en prédicateur
paysan qu’était Diepold Peringer51, le fourreur Sebastian Lotzer et bien d’autres.
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Les stratégies de légitimation que ces textes révèlent (appel exceptionnel,
connaissance particulière de la Bible, mandat des femmes à parler en cas
d’urgence : nous parlons car les hommes sont défaillants et ne s’attaquent pas

44
Voir à ce sujet supra n. 38 et les informations qui y sont données.
45
On trouvera le texte du « Flugschrift » dans Rudolf BEnTZInGER (éd.), Die Wahrheit muss ans
Licht ! Dialoge aus der Reformation, francfort-sur-le-main, P. Reclam, 1983, p. 85-127.
46
Voir Silke haLBaCh, Argula von Grumbach als Verfasserin reformatorischer Flugschriften,
francfort-sur-le-main, P. Lang, 1992. On trouvera une édition de ses œuvres dans Peter maThESOn,
Argula von Grumbach, Schriften, Gütersloh, Gütersloher Verlaghaus, 2010.
47
Elsie anne mCKEE, Katharina Schüz Zell, t. I [The Life and Thought of a Sixteenth-Century
Reformer] et t. II [The Writings. A Critical Edition], Leyde, Brill, 1999 ; Thomas Kaufmann, « Pfarrfrau
und Publizistin. Das reformatorische “amt” der Katharina Zell », Zeitschrift für Historische Forschung
23 (1996), p. 169-218.
48
Voir ma démonstration dans Th. Kaufmann, Histoire de la Réformation, op. cit., p. 308-314.
49
m. aRnOLD, Handwerker als theologische Schriftsteller, op. cit., p. 106-145.
50
Voir Siegfried BRäuER, « “Ich begere lauttern und reinen wein/ So vormischt er mirn mith
wasser”. Der flugschriftenstreit zwischen dem Eilenburger Schuhmacher Georg Schönichen und dem
Leipziger Theologen hieronymus Dungersheim », in Jörg haustein, harry Oelke (éd.), Reformation
und Katholizismus. Beiträge zu Geschichte, Leben und Verhältnis der Konfessionen. Festschrift für
Gottfried Maron zum 75. Geburtstag, hanovre, Lutherisches Verlagshaus, 2003, p. 97-140.
51
Voir la référence dans Th. Kaufmann, Histoire de la Réformation, op. cit., p. 234 sqq.

45
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à l’injustice, etc.) mettent bien en évidence ce qui faisait l’essence du sacerdoce


universel dans les premières années de la Réforme, donc avant la guerre des
Paysans : il constituait un encouragement et une habilitation à une appropria-
tion créative du christianisme dans les divers contextes de vie du temps. Cela
vaut aussi pour les représentants de l’ordre politique, renforcés par la Réforme.
Durant la première phase de développement du mouvement réformateur,
l’opposition à l’ancien régime romain dominait dans le cadre de la question de
la compréhension du clergé et du laïcat. Cette opposition largement partagée,
dans laquelle des concepts hétérogènes du laïcat et de l’état de chrétien étaient
liés, constitua la condition fondamentale de la réussite de la Réforme. Les diffé-
rences internes au mouvement réformateur relatives à la fondation théologique
du sacerdoce universel et le rôle des laïcs dans l’Église, qui sont attestés dès
1520-1521, laissent clairement apparaître qu’il est sensé d’accorder une atten-
tion accrue à leur développement dans le processus de la Réforme. Le sacerdoce
universel porte en lui le principe d’unité de la Réforme dans la diversité de ses
expressions. avec le sacerdoce universel dans toute la diversité de ses accep-
tions, nous nous trouvons devant une impulsion fondamentale donnant sa forme
au christianisme d’inspiration protestante et dont je tiens la signification théolo-
gique comme n’étant pas encore révolue.
mon second thème concerne l’Europe52. La mémoire de la Réforme a en
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effet besoin d’une remise en perspective européenne et j’aimerais donc traiter ce
dernier thème de manière plus ample. Cela me paraît sensé, avant tout pour des
raisons d’identité politique : le protestantisme a en effet tendance à laisser la
thématique européenne à l’Église catholique romaine. Dans mon travail, je me
retrouve encore et toujours confronté au fait que les chrétiens protestants ont
tendance à croire que, contrairement à une Église catholique au propos univer-
salisant, nous serions tellement provinciaux que notre aptitude européenne en
deviendrait douteuse aux yeux de beaucoup. Et de fait, la Réforme a connu ses
premières accentuations dans des espaces régionaux et locaux et a ainsi détruit
le caractère européen de la papauté romaine en tant que domaine de juridiction
unifié. À l’époque de la Réforme, on en est ainsi venu à privilégier une concen-
tration de la forme organisationnelle sur l’univers de la paroisse. Dans ce
développement, certaines tendances essentielles de l’antiquité tardive et du
moyen Âge se sont trouvées contrecarrées. mais la communauté paroissiale signi-
fie aussi lieu de vie des hommes et des femmes. Par opposition à la diversité et au

52
Voir mes réflexions dans Thomas Kaufmann, « Die Einheit Europas zwischen Vormoderne und
moderne. Einige unsystematische kirchenhistorische Überlegungen », in Christian Jaser, ute Lotz-
heumann, matthias Pohlig (éd.), Alteuropa. Vormoderne. Neue Zeit, Zeitschrift für Historische
Forschung, Beiheft 46 (2012), p. 59-77.

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caractère très vaste de l’Église médiévale (les communautés monastiques, les


églises de pèlerinage, les fondations, les sanctuaires et les lieux saints de toutes
sortes), Luther a affirmé, dès 1520, qu’il n’y avait qu’un seul lieu exclusif dans
lequel on pouvait rencontrer le salut dans la Parole et les sacrements, là où
vivaient les gens, c’est-à-dire dans l’Église paroissiale53. Du point de vue de
l’histoire des organisations, la pérennisation et la grande valeur accordée à
l’Église paroissiale à l’époque de la Réforme a valeur de moment charnière.
Cette confession de foi en la paroisse, qui n’impliquait qu’une très relative
structure de direction ecclésiale hiérarchisée, a marqué l’histoire du protestan-
tisme de manière durable ; c’est précisément de ce point de vue que le protes-
tantisme a une dimension européenne.
Plusieurs réformateurs de la première génération entretinrent en effet, en tant
que pasteurs de paroisse, de nombreuses correspondances qui dépassèrent large-
ment le cadre régional et national et qui atteignirent assurément une dimension
européenne. En rapport à des acteurs comme Calvin, Bucer, Bullinger ou
Théodore de Bèze, cela paraît évident. Luther lui-même eut des correspondants
dans de nombreux pays européens, même s’il se tint bien en retrait par rapport à
un mélanchthon de ce point de vue. avec Bucer, mais aussi avec mélanchthon,
Bugenhagen, Bullinger, Calvin et Bèze, on assiste, grâce aux correspondances,
à l’établissement de stratégies réformatrices à grande échelle et à l’élaboration de
perspectives organisationnelles de nature ecclésiale. Il s’agissait certes d’établir
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et de stabiliser de manière efficace des partenaires de dialogue de différents pays
dans leur combat contre l’antéchrist de Rome et ses satrapes locaux, mais cela
permettait également de mettre à l’épreuve des formes d’organisation ecclésiale
sur la base de la priorité accordée à la communauté paroissiale dans les diffé-
rents contextes nationaux et territoriaux.
avec Bucer, par exemple, l’on assiste à une ouverture au monde franco-
phone qui n’était alors guère répandue dans le monde des réformateurs
allemands. au début de 1535, il écrit par exemple à margarethe Blarer, sa
correspondante à Constance :

Je ne puis t’accorder en conscience, ma chère mère, que tu considères le nom


de français comme criminel [solum nomen Gallorum ponis in crimine]. Que sont
donc, je t’en prie, les allemands, les Italiens, les Espagnols et tous les autres ? En
soi, ils sont tous perdus, mais en Christ, ils sont tous frères ; et cela, le Père ne l’a
pas donné à certains ou à d’autres, mais c’est le propre de tous les peuples !54

53
Voir martin LuThER, An den christlichen Adel, Wa VI, p. 448 ; traduction française dans martin
LuThER, Œuvres, Genève, Labor et fides, 1966, t. II, p. 131.
54
Je dois la connaissance du texte de cette lettre du 12 avril 1535 au directeur de l’édition de la
correspondance de Bucer, le professeur Berndt hamm (Erlangen) ; le texte de celle-ci doit être édité dans
l’un des volumes de la correspondance à paraître. On trouve une version du texte peu satisfaisante dans

47
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Cette citation représente une prise de distance évidente avec la valorisation


de l’esprit national, par exemple chez un Luther, véritable virtuose dans l’art de
jouer sur les différents registres des types nationaux de l’époque moderne. Dans
le cas du réformateur de Strasbourg, il s’agit assurément de l’un des motifs de
son action réformatrice et de son engagement à l’échelle européenne. Cette
citation permet en tout cas de comprendre pourquoi Bucer, depuis les années
1530, constitua un point de repère pour de nombreux réfugiés protestants
français tel que Calvin, et devint bientôt le diffuseur le plus important de la
théologie réformatrice allemande à travers l’Europe occidentale. avec la
Réforme, s’établissent donc des réseaux de correspondance centrés sur certains
réformateurs mais dont la dimension européenne est évidente et qui trouvent
certes des précédents dans les formes de sociabilité humaniste mais qui se
concentrent également souvent sur des questions très concrètes de politique
ecclésiastique.
De même, avec la Réforme (et c’est un autre aspect du caractère européen
de celle-ci), on assiste à une mobilité des étudiants et des enseignants qui atteint
souvent aussi des dimensions européennes55. D’abord Wittenberg, ensuite à
une moindre échelle Strasbourg (qui n’a pas réellement d’université) et enfin
Genève deviennent des lieux de rencontre internationaux, en particulier pour la
jeunesse académique. On constate alors de véritables pèlerinages auprès de
Luther, de mélanchthon ou de Calvin du fait de la volonté d’apprendre la
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« nouvelle doctrine » de première main et parce que des études ou même une
consécration à Wittenberg ou à Genève favorisent ensuite la carrière en terre
natale (du moins dans la mesure où cette dernière s’est ouverte à la Réforme).
Cependant, le développement de ces pèlerinages est également dû au fait que
l’aura qui entourait ces personnalités faisait de ces lieux des centres de forma-
tion à peine moins importants que Paris ou Oxford. Or, un lieu d’étude acadé-
mique dans l’aire germanique n’existait tout simplement pas avant Wittenberg.
À travers la formation de nombreux propagateurs de la Réforme  à
Wittenberg ou à Genève s’est ainsi développé un espace européen d’un genre
particulier. Grâce aux contacts que l’on avait noués avec les maîtres et les autres
étudiants (et que l’on maintenait ensuite dans sa patrie ou dans un autre endroit),
ces liens demeuraient vivants et motivants. Ils conduisaient également à ce que
le contenu des débats théologiques, les nouvelles à propos des livres les plus

Traugott SChIESS, Briefwechsel der Brüder Ambrosius und Thomas Blarer 1509-1548, fribourg-en-
Brisgau, fehsenfeld, 1910, t. II, p. 817 (annexe II, n°47). Sur Bucer et sa relation avec margarethe
Blarer, voir Bernd mOELLER, « Bucer und die Geschwister Blarer », in Christian Krieger, marc Lienhard
(éd.), Martin Bucer and Sixteenth Century Europe, Leyde, Brill, 1993, t. I, p. 441-450.
55
Voir Th. Kaufmann, Der Anfang der Reformation, op. cit., p.  185-265, §7  : «  aktionale
aneignungen : Die studentische Reformation ».

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récents, les renseignements de nature politico-ecclésiastiques et de nombreuses


autres informations soient largement diffusés et puissent favoriser de nouvelles
publications et de nouvelles activités réformatrices. Et il n’y a pas que les
étudiants qui venaient alors visiter les grands maîtres : à la table de Luther ou
de mélanchthon et dans les presbytères de nombreux réformateurs haut-
allemands prenaient aussi place des voyageurs issus des dynasties régnantes.
Cette densification des réseaux d’interlocuteurs constitua une base importante
pour diverses activités réformatrices dans différents pays européens.
un autre aspect qui semble digne d’être mentionné et qui nous permet de
continuer à réfléchir sur la question de savoir si, dans la foulée de la Réforme,
une nouvelle Europe, de nature protestante, a vu le jour, réside dans la politique
étatique au sens étroit du terme. L’histoire de la Réforme n’a pas été accom-
pagnée de coalitions internationales et de rapprochements connotés ou motivés
religieusement en raison de la seule dimension européenne voire universelle
de la souveraineté de Charles Quint. La Ligue de Smalkalde a entretenu des
contacts avec les ennemis intimes de l’empereur ; dans le sillage du dévelop-
pement de la Réforme, les relations politiques entre le Danemark et les princes
protestants de l’Empire se sont renforcées. Les membres de la Ligue de
Smalkalde furent, du moins à certains moments, des partenaires de dialogue
intéressants pour le roi d’angleterre henri VIII. De même, Elisabeth Ire
s’efforça au début de son règne de développer des relations étroites avec les
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princes protestants de l’Empire. Le Grand Dessein d’henri IV, comme son désir
de voir se rassembler un synode de tous les théologiens d’Europe qui devait
apaiser les divergences doctrinales intra-protestantes, vont également dans ce
sens. Et la liste pourrait être allongée sans difficultés, y compris en élargissant
le champ chronologique au XVIIe siècle. Dans le sillage de la Réforme, des
relations politiques se sont ainsi développées aussi bien dans l’Empire (songeons
à l’axe stable établi entre la Saxe et la hesse durant le XVIe siècle) qu’au niveau
européen. Or, elles n’auraient jamais vu le jour sous cette forme et avec des types
de motivation comparables dans l’Europe pré-réformatrice.
avec la Réforme, ce n’est donc pas seulement une vieille Europe faite de
pèlerinages, de disciples du pape et de théologiens scolastiques qui se trouve
ébranlée ; ce sont aussi de nouveaux types de relation qui s’établissent ainsi
que de nouveaux espaces : l’espace des lecteurs de la Bible en langue verna-
culaire ; l’espace des chanteurs de cantiques en langue vulgaire et des lecteurs
d’une littérature d’édification de nature internationale ; l’espace des ennemis du
pape ; l’espace de l’internationale calviniste et de la multinationale luthérienne ;
l’espace des controversistes se battant pour la vérité et pour les standards ration-
nels de cette controverse  ; l’espace des Dissenters ; celui des érudits
humanistes extra-confessionnels mais intéressés aux problématiques
religieuses ; l’espace, enfin, des producteurs de littérature théologique et d’édi-
fication. Les processus de « vernacularisation » initiés avec la Réforme ne
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doivent d’ailleurs pas non plus être laissés de côté, surtout si l’on tient compte
de leur impact à long terme et jusqu’à notre époque. avec la Réforme, la langue
maternelle, la langue du peuple, devient en effet «  capable de religion  »
(religionsfähig). La religion apparaît dès lors comme compréhensible par tous
et c’est là, assurément, un héritage à l’échelle de l’humanité.
Concernant la thématique européenne, la chrétienté protestante n’a donc
pas d’autre choix que de se montrer pleine d’assurance. Les contours d’une
Europe protestante ont été posés bien avant l’époque des nationalismes.
S’intéresser à la Réforme permet ainsi de la découvrir à nouveau et de mettre
à jour des possibilités jusqu’ici inexplorées. Les conséquences de l’histoire du
christianisme sur le plan de l’histoire des organisations sont très complexes,
surtout si on les considère à un niveau européen. Elles ont néanmoins contri-
bué à forger le processus de transformation européen que nous nommons la
modernité. D’une manière européenne toute spécifique, elles ont également
permis de laisser l’Église au milieu du village et en même temps de l’ouvrir au
monde. Se souvenir de ces rapports signifie insister sur le fait qu’il ne saurait
y avoir d’autre alternative que de faire tout notre possible pour maintenir
l’Église au cœur du lieu de vie des gens. Étudier la Réforme peut ainsi aider à
trouver des critères de priorité concernant certaines options ecclésiologiques
qui demeurent encore peu claires à ce jour.
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