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Thierry Bianquis
DOI : 10.4000/books.ifpo.6458
Éditeur : Presses de l’Ifpo
Lieu d’édition : Beyrouth
Année d’édition : 1989
Date de mise en ligne : 18 juin 2014
Collection : Études arabes, médiévales et modernes
EAN électronique : 9782351595268
https://books.openedition.org
Édition imprimée
EAN (Édition imprimée) : 9782351591314
Nombre de pages : 392-804-[5] f. de cartes dépl.
Ce document vous est offert par Bibliothèque Sainte-Barbe - Université Sorbonne Nouvelle Paris 3
Référence électronique
BIANQUIS, Thierry. Damas et la Syrie sous la domination fatimide (359-468/969-1076). Deuxième tome :
Essai d’interprétation de chroniques arabes médiévales. Nouvelle édition [en ligne]. Damas : Presses de
l’Ifpo, 1989 (généré le 10 décembre 2022). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/ifpo/
6458>. ISBN : 9782351595268. DOI : https://doi.org/10.4000/books.ifpo.6458.
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À la fin de la période fatimide (969-1076), la Syrie perdit pour neuf siècles ses princes arabes. Des
étrangers, souvent des Turcs, détinrent l’autorité militaire et contrôlèrent l’activité de ceux qui
exerçaient un pouvoir civil ou judiciaire. D’un passé arabe qui avait été souvent glorieux, seuls
demeuraient des souvenirs.
Dès le VIe/XIIe siècle, des membres de l’élite urbaine consignèrent les récits de ceux qui avaient
vécu ces temps révolus et recherchèrent les journaux qu’avaient tenus certains particuliers. En
Égypte, grâce à des archives d’État, des historiens s’efforcèrent de retracer l’action des grandes
dynasties. Si les sources primaires, archives et journaux de particuliers ont aujourd’hui disparu,
des œuvres de compilation sont néanmoins parvenues jusqu’à nous. C’est à partir de ces discours,
constitués principalement à l’époque ayyoubide et à l’époque mamelouke, que Thierry Bianquis,
l’auteur du présent ouvrage, a pu reconstituer l’histoire de la domination fatimide sur Damas et
la Syrie.
Après une période d’occupation limitée, celle-ci atteint son apogée sous le règne d’un calife et
imâm à la politique volontariste, al-ʿAzīz (975 à 996), également connu comme fondateur au Caire
d’une des premières universités du monde, al-Azhar. Sous le commandement d’al-Ḥākim bi-Amr
Allah, les Fatimides doivent ensuite faire face aux anticalifats bédouins et aux ambitions tribales
mais réussissent néanmoins à conquérir Alep. À sa mort mystérieuse en 1021, al-Ḥākim se voit
proclamé imâm occulté et dernière principale incarnation du prophète par certains de ses
congénères chiites ismaéliens : c’est la naissance de la secte druze en Syrie.
2
SOMMAIRE
Orientations bibliographiques
Index
Errata
Cartes
4
élimina tout d’abord les deux walī-ahd qu’avait désignés al-Ḥākim, puis elle se débarrassa
d’Ibn Dawwās en l’accusant publiquement du meurtre d’al-Ḥākim et en le faisant mettre à
mort par la garde. Elle conserva à la tête de l’administration Abū’1-Ḥusayn cAmmār b.
Muḥammad, al-Amīr Ḫaṭīr al- Mulk Ra’īs al-Ru’asā ; il exerça les fonctions de médiateur
entre l’Imām al-Ẓāhir et les Orientaux. Après avoir joui d’une grande influence sur les
affaires en 412, il fut écarté à la fin de l’année et exécuté. Aux yeux de Sitt al-Mulk, il
exerçait une trop grande influence sur le jeune prince al-Ẓāhir pour qui il organisait de
frivoles soirées.
5 Le poste de médiateur fut confié en muḥarram 413/avril 1022 à Mūṣā b. al-Ḥasan qui avait
été précédemment préfet de police à Miṣr puis gouverneur du Ṣacīd. Neuf mois plus tard,
il était, à son tour arrêté puis exécuté. On trouva chez lui six cent vingt mille dinars en
pièces d’or. Les habitudes de concussion, un moment combattues par la peur sous al-
Ḥākim, se retrouvaient rapidement chez les responsables de l’État. On confia alors la
fonction de médiateur à Abū’1-Fatḥ Mascūd b. Ṭāhir al-Wazzān, Šams al-Mulk al-Amīn al-
Makīn. Il avait momentanément occupé ce poste en 409 après Ṣācīd b.cĪsā b. Nasṭūrus1.
6 La chronique conservée d’al-Musabbiḥī qui porte sur deux fragments d’année, 414 et 415,
montre l’extrême âpreté de la lutte pour le pouvoir entre les diverses factions civiles et
militaires qui se disputaient des crédits insuffisants. Ce n’est pas le lieu ici d’analyser les
oppositions qui s’y dévoilent. Quelques passages extraits d’al-Musabbiḥī, mettent en
évidence l’anarchie et l’impuissance dominant au Palais et permettent de mieux
comprendre l’incohérence de la politique suivie en Syrie.
« Le jeudi 19 muḥarram 415/2 avril 1024, Šams al-Mulk refusa de diriger la wisāṭa et
il siégea dans sa propre maison. Les deux chérifs al- cAgamī, disait-il, pensaient que,
eux présents, son rôle de direction n’avait plus de valeur. Les deux chérifs /141 V°/
négligeaient de le consulter pour mener les affaires et rédiger la correspondance à
destination de la Syrie ou des autres provinces... ».
7 Al-Musabbiḥī rapporte une série de mesures contradictoires, enlevant aux uns leurs
reponsabilités financières ou administratives pour les confier aux autres, leurs ennemis,
puis pour les rendre aux premiers.
« (au mois de rabīc I 415/mai-juin 1024) le Prince des croyants... donna l’ordre au
Šayḫ al-cAmīd Muḥsin b. Badūs d’être le contrôleur financier de Šams al-Mulk de la
même façon que le dīwān des Kutamites avait été retiré à l’inspection de Šams al-
Mulk, comme nous l’avons dit plus haut. Cette faction agissait de la sorte afin que
tout le pouvoir d’administration et de décision fût confié à Mi cḍād, tout seul : elle
était composée des deux chérifs al-cAğami, des deux al-Ǧarğarā’ī, de Muḥsin b.
Badūs, d’al-Daymakī et d’Ibn Hayrān ».
8 En fait, un petit groupe d’individus, menés par les deux chérifs al-cAğamī mettent la main
sur l’Etat :
« (le 12 ğumāda II 415/21 août 1024), le chérif al-Ḥasanī al- cAğami al-Qazwinī, l’aîné
des deux, le šayḫ Nagīb al-Dawla Abū’l-Qāsim cAlī b. Aḥmad al’-Ǧarğara’ī et le Šayḫ
al-cAmīd Muḥsin b. Badūs furent confirmés au côté du qā’id al-Ağall Mi cḍād. Il fut
décidé qu’ils se rendraient auprès d’al-Ẓāhir sans autre témoin au moins une fois
par jour ; ainsi ils déchargeraient l’Imam des soucis de l’État afin qu’il pût se
consacrer à ses plaisirs. Quant à eux, ils se réserveraient les soucis de
l’administration. L’habitude s’établit pour ces hommes de pénétrer seuls auprès de
l’Imam, chaque jour, sans inviter personne à les y accompagner. (Les autres
notables de l’État, dont Šams al-Mulk, le grand dā cī, le naq’ib al-ašrāf, le grand cadi
n’étaient reçus par al-Ẓāhir que toutes les trois semaines).
7
9 Micḍad qui exerce la responsabilité suprême, juste après l’Imām, est un incapable et ses
subordonnés ne se gènent pas pour le lui faire remarquer.
« (le 21 rağab/28 septembre on retire à l’eunuque noir, Rifq, la conduite des
opérations de maintien de l’ordre dans le Delta)... Ceci fut motivé par une dispute
qui avait opposé l’eunuque Rifq et Micḍād, en présence de Sa Majesté. Micḍād avait
interpellé l’eunuque au sujet du désordre qui régnait en province. Rifq demeurait
auprès de Sa Majesté alors que des révoltes éclataient dans des provinces qui
dépendaient de lui. S’il ne partait pas remettre de l’ordre, les troubles s’aggrave
raient. Rifq répondit à Miḍād :
« — Comment pourrais-je remettre de l’ordre là, où toi, tu t’efforces de faire régner
le désordre ? En effet, ces hommes sont sous ton autorité, attentifs à ce que tu
ordonnes comme à ce que tu interdis. Ils t’obéissent et toi tu les incites au
désordre ! Si je m’avisais de m’éloigner de Sa Majesté, les lettres (me dénonçant) ne
manqueraient pas de retourner toute la terre contre moi ! ».
10 Le problème le plus difficile en cette année de disette et de hausse des prix, était de
trouver de l’argent afin que l’État pût acheter du blé pour ravitailler le Caire et Miṣr et
payer des soldats qui seraient envoyés là où l’ordre était trop ouvertement bafoué.
« Le dernier jour de rağab/7 octobre, le chérif al-cAgamī pénétra auprès de Sa
Majesté Préservée et lui fit ressortir que, gouvernant l’État, il devait prendre garde
au désordre qui se développait.
« Notre Maître, que Dieu le bénisse, lui donna l’ordre de tenir une réunion avec le
Šayḫ Nağīb al-Dawla al-Ǧarğarā’ī et le Šayḫ al-Amid Muḥsin b. Badūs, le maître du
Trésor Public, et de conduire les affaires de l’État selon ce qui lui semblerait bon et
raisonnable.
« Le chérif convoqua donc le Šayḫ Nagīb al-Dawla et le Šayḫ al-Amid Muhsin b.
Badūs. Le chérif al-Ḥasanī dit à ce dernier :
— « Apporte l’argent que tu as chez toi pour qu’on paye les hommes !
— « Il y a chez moi très peu d’argent répondit l’autre et, par Dieu, si vous me
demandez un seul dinar je serai dans l’incapacité de vous le donner. En effet,
l’argent qui est conservé chez moi est spécialement réservé aux missions pour le
service de Notre Maître, que Dieu le bénisse !
— « Alors, répliqua le chérif al-Ḥasanī, fais des emprunts auprès des commerçants
et procède à des confiscations contre /240 V°/ ceux qui méritent d’en supporter.
— « Quel argent des commerçants ? intervint le Šayḫ al-Nagīb Abū’l-Qāsim al-
Ǧarğarā’ī, les commerçants sont en train de périr sous les charges ! Si vous voulez
vraiment avoir de l’argent, adressez-vous à la mère d’al-Ḥākim, que Dieu sanctifie
son âme, ou à sa tante !
« En somme, Dieu a évité à Notre Maître, que Dieu le bénisse, grâce à l’abondance de
ses biens et à l’héritage qu’il a reçu de ses pères, les Imāms Purs, d’en arriver là où
nous nous trouvons ou d’avoir besoin de nos avis.
« Le chérif al cAğamī garda le silence. Il était mécontent et n’approuvait pas ce qui
venait de se passer »
***
11 Ces quelques extraits, auxquels on pourrait en ajouter bien d’autres, permettent de saisir
combien réduite était la capacité du pouvoir au Caire et de décider et de faire exécuter ses
décisions. L’État se trouvait en cessation de paiement ; il ne pouvait verser les prébendes
promises aux chérifs du Hiğaz qui avaient fait acclamer le nom de l’Imām al-Ẓāhir lors du
pèlerinage. Les esclaves noirs de l’armée n’étaient plus ni soldés ni nourris ; ils pillaient et
on les pourchassait comme des chiens. Des armées levées pour aller combattre les
Bédouins de Syrie ne quittaient pas la banlieue du Caire, faute d’argent, de vivres, de
8
montures. Au même moment, les inventaires après décès des biens laissés par des défunts
de la famille fatimide, de la cour ou de l’administration s’évaluaient par dizaine de
milliers de dinars ou par centaines de milliers.
12 Al-Ǧarğarā’ī, un administrateur issu du négoce iraqien, proposait la seule solution
rationnelle à ses yeux, mobiliser l’énorme fortune personnelle, monnaie, métaux précieux
transformés en bijoux, vais selles, brocarts, ou encore les stocks spéculatifs de céréales,
de musc, d’épices, qu’avait accumulée en un trésor inoui la famille fatimide. Il fallait
remettre en marche les circuits d’échanges monétaires et commerciaux figés par une
crise frumentaire et surtout par la ponction incessante que la fiscalité fatimide effectuait
sur les campagnes et les villes provinciales au profit d’une population réduite et
privilégiée vivant principalement au Caire et à Fusṭāṭ.
13 En 416 ou 417, Abū Muḥammad al-Ḥasan b. Ṣāliḥ al-Rūḏpari cAmīd al-Dawla wa Nāṣiḥu-ha
reçut à son tour la wisāṭa. C’était un administrateur financier qui avait accompli une part
importante de sa carrière en Syrie, à Ramla et à Damas, puis avait été au diwān des
paiements au Caire, taṣarrufāt2.
14 Il fut remplacé en 418/1027 par Abū’l-Qāsim cAlī b. Aḥmad al-Ǧarğarā’ī. D’une famille
vizirale iraqienne, ce dernier était venu avec son frère Abū Abd Allāh Muḥammad, offrir
ses services à l’administration fatimide. Il occupa divers postes en Égypte, au Caire et en
province. Contrairement à la plupart des grands ministres fatimides, il connaissait mal la
Syrie et marqua toujours une certaine méfiance envers cette province et envers ceux qui
étaient chargés de la gouverner. Il avait commencé une très brillante carrière au service
des finances d’al-Ḥākim puis celui-ci s’était montré méfiant à son égard, le considérant
trop dévouée à sa sœur Sitt al-Mulk dont il administrait le dīwān particulier. Al-Ḥākim
avait fini par lui faire trancher les deux avant-bras. C’est pourquoi Abū’l-Farağ al-Bābilī et
Abū cAlī Ibn al-Ra’īs se tenaient constamment à ses côtés pour écrire sous sa dictée. Le
cadi et historien Abū cAbd Allāh al-Quḍācī paraphait les actes officiels au nom d’al-
Ǧarğarā’ī3.
15 Il représentait auprès du pouvoir fatimide les intérêts des négociants civils ; d’après un
passage de Maqrīzī, il semble avoir soutenu les efforts de petits artisans désireux de
vendre grâce à des prix plus bas que les concurrents, face à des commerçants plus
puissants faisant pression pour le maintien de prix élevés. De même, il déconseilla à
l’Imām de se livrer à des achats spéculatifs de grains lors de menaces de disette, achats
destinés à tirer bénéfice des hausses mais qui contribuaient largement à aggraver celles-
ci. La pratique de la constitution de stocks préventifs lors de crue insuffisante était
générale parmi les hauts dignitaires de l’État fatimide qui disposaient de sommes
importantes en numéraires et accroissaient ainsi leur fortune4.
16 En Syrie il s’opposa à la politique d’al-Dizbirī, politique brillante mais coûteuse. Al-
Ǧarğarā’ī fut ainsi un des derniers représentants de la tradition des grands vizirs iraqiens
qui prônaient la soumission du sabre au calame. Il est possible qu’en agissant ainsi, il ait
également voulu diminuer les dépenses militaires. En effet, les excès de celles-ci
aboutissaient à l’accaparement par quelques généraux de sommes énormes accumulées
sous forme de numéraires dans quelques forteresses pour constituer des trésors de guerre
et de ce fait retirées de la circulation normale. Il échoua aussi bien dans son désir de
freiner la militarisation de la société que dans son souci d’empêcher la main mise des
chefs de l’armée sur les finances de l’État.
9
17 Pourtant, Abū’l-Qāsim al-Ǧarğarā’ī eut pour lui la durée : il occupa sans discontinuité le
poste de vizir de 418 à sa mort en ramaḍān 436/mars 1045, pendant près de dix-huit
annnées lunaires. En effet, à la mort d’al-Ẓāhir, en šacbān 427/juin 1036, le fils et
successeur de celui-ci al-Mustanṣir le maintint en poste. Contrairement à ce qui avait été
le cas à la mort d’al-cAzīz et à la disparition d’al-Ḥākim, le changement d’Imām ne marqua
aucun changement dans la politique intérieure ou extérieure de l’État fatimide. C’était un
signe parmi d’autres de l’échec total d’al-Ḥākim qui avait voulu en s’appuyant sur le
consensus des classes urbaines de Fusṭāṭ rendre à la fonction califale un pouvoir absolu
qui n’avait peut-être jamais existé. On ne pourrait comprendre les aléas et les
contradictions de la politique fatimide en Syrie sous al-Ẓāhir si on ne prenait en compte
l’indifférence de l’Imām, la faiblesse de l’État, la détresse des finances publiques, la
crainte manifestée par les administrateurs civils devant les empiètements des grands
officiers turcs, les conflits entre les différents corps et les diverses ethnies de l’armée, le
coût croissant des dépenses militaires et l’inadéquation des ressources fiscales.
21 Les sources arabes sont beaucoup plus succintes sur la politique suivie par Fātik pendant
les cinq années où il détint le pouvoir à Alep. Comme tous ceux qui avaient été maîtres de
cette ville depuis la mort de Sayf al-Dawla, il avait été contraint de prendre en compte
aussi bien la menace des Byzantins que celle des Banū Kilāb. La place forte d’Antioche se
trouvait avec une redoutable garnison grecque à moins de deux journées de marche
d’’Alep. Quant à Basile II, il se déplaçait rapidement avec ses troupes à travers tout
l’Empire byzantin. La lenteur de rassemblement et de mise en mouvement de l’armée
fatimide était connue. La tentation était grande pour le maître de la Syrie du Nord quand
il était désireux de ne voir aucun trouble dans son État d’accepter de reconnaître aussi
bien le Basileus que l’Imām du Caire comme de lointains suzerains et de laisser les Banū
Kilāb agir à leur guise dans le plat pays. Le commerce entre la Mésopotamie et l’Asie
Mineure assurait à Alep des revenus réguliers et abondants à condition que la paix régnât
sur les chemins et que les paysans puissent récolter leur blé et le porter à la ville. Les
Banū Kilāb soucieux de voir Manṣūr b. Lu’lu’ demeurer en territoire byzantin devaient
également inciter Fātik à la prudence.
22 Badr reçut du Caire le laqab de Wafiyy al-Dawla wa Amīnu-ha. Puis arriva à Alep une
armée conduite par le dācī cAlī b. Aḥmad al- Ḍayf, celui qui avait déjà été chargé en 407 de
faire entrer la ville dans la mouvance directe des Fatimides. cAlī b. Aḥmad Sadīd al-Dawla
avait poursuivi sa brillante carrière. Il occupait alors un poste d’inspecteur, nāẓir, en
Syrie. Trois inscriptions datées de 413/1022-1023, se trouvant dans le dôme du rocher à
Jérusalem attestent que des restaurations de la coupole furent exécutées par les soins de
Sadīd al-Dawla, cette année-là7. Badr livra la citadelle au représentant de l’État fatimide
dès qu’il se présenta à lui. Sadīd al-Dawla, une fois dans la place et peu désireux de
recommencer les longues négociations qu’il avait eues jadis avec Fath, se saisit de Badr, le
fit enchaîner et l’expédia loin d’Alep.
23 Le gouvernement de la ville d’Alep fut confié à Ṣafiyy al-Dawla Abū cAbd Allāh
Muḥammad, le fils du grand général fatimide d’al-Ḥākim, cAlī b. Ǧacfar b. Falāḥ. Ṣafiyy al-
Dawla demeura en poste de rağab 413/octobre 1022 à muḥarram 414/avril 1023. Il n’eut la
responsabilité que de la cité, le commandement de la citadelle revint à un eunuque Yamīn
al-Dawla Sacāda al-Ḫādim al-Qalānisī. Les deux fonctions avaient été séparées pour retirer
toute velléité d’indépendance au gouverneur. D’ailleurs, il semble que le dācī Sadīd al-
Dawla demeura à Alep sans fonction officielle pendant un an pour s’assurer que le passage
de pouvoir s’effectuait sans heurt.
24 Ṣafiyy al-Dawla fut remplacé par un autre kutamite, Sanad al-Dawla Abū Muḥammad al-
Ḥasan b. Muḥammad b. Ṯucbān, jusqu’alors gouverneur d’Apamée. De même, Yamīn al-
Dawla eut comme successeur à la citadelle un autre eunuque, Abū’l-Hāriṯ Mawṣūf al-
Ḫādim al-Ṣaqlabī al-Abyaḍ al-Ḥākimī.
25 Les deux gouverneurs successifs de la ville furent donc recrutés dans des grandes familles
kutamites bien placées à la cour et pépinières de hauts fonctionnaires. Tous deux étaient
des hommes de haute culture, fins lettrés. Abū’l-cAlā’ al-Macarrī était un de leurs
administrés et rédigea des poèmes pour Sanad al-Dawla. Le rôle de ces deux gouverneurs
paraît avoir été surtout politique et de représentation. Quand Sanad al-Dawla tomba
gravement malade, ce fut son frère, Abū’l-Hāriṯ Tucbān b. Muḥammad, gouverneur de
Tinnis, qui fut désigné pour occuper le poste. Ayant traversé la mer, de Tinnis à Tripoli, il
se hâta de rejoindre Alep où il parvint en ğumādā I 415/juillet 1024, alors que son frère
venait de décéder8.
11
exigea d même ayant effectué eux la ğizya pour les années qu’ ils avaient passées hors des
frontières. Certains qui avaient abandonné des affaires florissantes eurent de la peine à
remettre en fonctionnement les délicats réseaux de solidarité ou de protection, réseaux
qui tendaient à se distendre dès lors qu’ils n’étaient pas mis à contribution
quotidiennement.
31 La destruction du Saint Sépulcre de Jérusalem en 400/1009-1010 avait été suivie en 406 ou
407/1015-1017 par un tremblement de terre très étendu. Des dégâts étaient signalés à la
Mekke et à Médine mais aussi à Jérusalem où la coupole d’al-Ṣaḫra sur le Ḥaram al-šarīf
fut détruite. Les travaux effectués sous la direction du dācī cAlī b. Aḥmad Sadīd ci-dessus
devaient remédier à ces dégâts. Dès que les réparations furent achevées, Sitt al-Mulk
envoya à Constantinople le patriarche de Jérusalem Nicéphore négocier la reconstruction
du Saint Sépulcre et des autres églises de Syrie et d’Égypte détruites sous al-Ḥākim. Les
négociations portaient en même temps sur la reprise des relations économiques entre
Empire byzantin et Empire fatimide : marchands et marchandises de chacun des deux
territoires devaient être admis dans l’autre. La mort de Sitt al-Mulk survenue pendant les
conversations provoqua l’interruption de celles-ci et le retour de Nicéphore10.
32 La révolte bédouine qui débuta en 415/1024-1025 plaça l’Empire byzantin dans une
position ambiguë face à l’État fatimide. Localement, il y eut affrontement dans la région
frontalière, affrontement qui se manifesta par la construction de places fortes sur le
littoral ou sur les reliefs de la Syrie du nord ouest ; le gouverneur grec d’Antioche ne
demeura pas neutre pendant le soulèvement des tribus arabes contre al-Ẓāhir. Mais les
conversations se poursuivirent entre États, portant principalement sur le commerce, sur
la reconstruction des églises détruites par ordre d’al-Ḥākim et sur la question de savoir si
l’invocation à la mosquée de Constantinople serait en faveur de l’Imām du Caire ou du
calife abbasside de Bagdad.
***
33 Al-Ẓāhir reprit en matière de religion les coutumes antérieures aux réformes d’al-Ḥākim.
Il présida les grandes fêtes musulmanes et il assista à certaines fêtes populaires
chrétiennes. Ces dernières reprirent leur caractère de réjouissances débridées, marquées
par l’ivrognerie et la permissivité sexuelle. Lers femmes, ivres mortes, étaient chargées
sur des mules pour être ramenées chez elles. Les fêtes chrétiennes, liées à l’année solaire,
revenaient à saison fixe ; quand elles étaient célébrées en plein air sur les rives du Nil
elles évoquaient les anciennes cérémonies païennes de culte à la nature et de
renouvellement de la fécondité. Les musulmans y assistaient et profitaient de l’occasion
pour bousculer les tabous traditionnels. Inversement, les chrétiens étaient au côté des
musulmans pour assister au défilé dans les rues du Caire et de Fusṭāṭ des maquettes de
palais en sucre que les hauts dignitaires de l’État faisaient confectionner pour la fête de
rupture du jeûne à la fin Ramaḍān. Ainsi en ramaḍān 415/décembre 1024, cent cinquante
deux pièces de sucre, statues, décorations et sept grands palais, édifiés aux frais du šayḫ
Nağīb al-Dawla al-Ǧarğarā’ī traversèrent la ville ; tout le monde était dehors pour les voir
passer. Puis les montreurs d’ombres chinoises, les. bouffons, les timbaliers et les
tambourinaires des régiments noirs défilèrent joyeusement et bruyamment à leur tour.
Cet unanimisme religieux et social se manifestait lors des fêtes, balayant les barrières
morales qu’al-Ḥākim avait voulu instituer. Un tel échec réjouissait les grands de l’État.
13
34 L’unanimité populaire était aisée à obtenir en Égypte à l’occasion des fêtes qui
abolissaient les barrières sociales et religieuses, mais les réjouissances passées, les
oppositions se manifestèrent à nouveau dans cette année de disette et d’épidémie. Lors de
la fête du Sacrifice, le 10 ḏū’l-ḥiğğa 415/12 février 1025, ces mêmes soldats noirs
s’introduisaient par violence au Palais ; ils chassaient les convives invités au banquet
officiel, avalaient la nourriture à leur place et emportaient la vaisselle. L’État ne pouvant
ni les payer, ni les nourrir, les soldats-esclaves noirs attaquaient des entrepôts sur le quai
aux grains à Fusṭāṭ. Des combats violents les opposaient à la population civile de cette
ville.
35 Al-Ḥākim avait interdit au peuple de boire, de rire, de chanter, de transgresser les
interdits religieux, alimentaires ou sexuels. En contre partie, il avait tenté d’imposer par
la terreur l’honnêteté à ses administrateurs et à ses généraux et même à ses cadis. Sous
al-Ẓāhir, l’Imām refusant de s’intéresser aux affaires de l’État, chacun autour de lui avait
retrouvé la démarche traditionnelle pour éviter les contraintes et engranger les bénéfices
de l’exercice du pouvoir. Il était donc juste que ce peuple que l’on ne pouvait plus
protéger des spéculations sur les prix alimentaires, de la disette, du pillage des soldats
sans solde et des incursions bédouines, retrouvât de son côté une pleine liberté de boire,
rire, chanter et danser.
***
36 La prédication druze avait engrendré des espoirs dans les groupes les plus marginaux,
ceux qui habitaient hors des murailles des deux cités, dans les cimetières du Qarāfa, sur
les pentes désertiques au pied du Muqaṭṭam. Il s’agissait là de ruraux en rupture de
village, d’enfants de filles déclassées et de soldats, de bédouins se sédentarisant, de
Persans ou d’autres orientaux arrivés avec une caravane et jamais repartis. Ils vivaient de
petits métiers, porteurs d’eau, ramasseurs de déchets, vidangeurs, fossoyeurs, et quand la
nécessité s’en faisait sentir ils pillaient les quartiers de la ville proches de la muraille ou
descendaient au centre, lors des grandes fêtes chômées, vider les entrepôts et les
qayṣāriyya. Contre eux, la répression avait commencé avant la fin du règne d’al-Ḥākim,
mais les soldats pillant également, elle n’était pas efficace et l’insécurité se développait.
37 Fusṭāṭ et le Caire étaient surpeuplées et les nouveaux urbains qui ne se sentaient liés par
aucune solidarité de tribu ou de quartier se heurtaient aux frontières invisibles que
traçait autour de ses fidèles chaque confession. Chrétiens et juifs qui venaient d’être
persécutés formaient des groupes socialement très distincts et qui cherchaient à se
protéger de toute atteinte extérieure. Les sunnites, très nombreux, se sentaient pourtant
menacés et la mosquée de cAmr était leur centre de résistance idéologique11. L’ismaïlisme
fatimide dominait le Caire et perdait en pugnacité et en attrait sur les musulmans
d’autres horizons ce qu’il avait gagné en reconnaissance officielle, en organisation
doctrinale et hiérarchique et en enrichissement individuel de ceux qui avaient pour
mission de le propager. C’est pourquoi, ainsi qu’il a été signalé plus haut, le règne d’al-
Ẓāhir, les premières années de celui d’al-Mustanṣir furent troublées par des tentatives
que menèrent des individus aux cheveux longs et aux habits sales pour se faire
reconnaître pour al-Ḥākim revenant parmi ses fidèles. Une foule de pauvres gens les
suivaient mettant un immense espoir de redressement de leur condition sociale dans ce
nouveau règne.
14
38 Ce refus de toutes les religions en place assimilées à des superstitions soit idolâtres soit
personnalisées, se manifesta d’une manière particulièrement éclatante lors d’un incident
qui se déroula à la Mekke, sans doute en ḏū’l-hiğğa 413/mars 1023. Un homme sortant de
la foule des pèlerins s’approcha de la Pierre Noire et la frappa violemment avec une
massue, bi’l-dabbūs, qu’il tenait à la main en s’écriant : « Jusqu’à quand adorera-t-on la
Pierre Noire, et Muḥammad et Alī ? Que quelqu’un cherche à se mettre en travers de mon
action ! Je vais démolir la maison ! »12.
39 Ses coups arrachèrent quelques éclats à la pierre. Les assistants médusés s’étaient reculés,
mais un homme surgit, un poignard à la main et immola le sacrilège. Alors, la colère prit
les Mekkois qui poursuivirent les complices réels ou présumés de cet acte ; par la même
occasion, ils massacrèrent de simples pèlerins comme si une haine longtemps retenues
contre les musulmans venus d’ailleurs et notamment contre les Égyptiens pouvait enfin
s’exprimer.
40 Cet incident clôt une série de faits violents en rapport avec les grands centres de
pèlerinage musulmans et chrétiens et avec al-Ḥākim. Il faut également prendre en
considération les dates et les peurs séculaires. Ces événements se sont déroulés autour de
l’année 1 000 des chrétiens (391 de l’hégire) mais surtout 400 de l’hégire (1009-1010 de
l’ère chrétienne). Or des traditions tournaient autour de cette année 400 de l’hégire.
41 Silvestre de Sacy dans sa Religion des Druzes rapporte d’après des sources druzes le récit
d’une conférence que l’Imām al-Ḥākim tint contradictoirement face à des juifs et des
musulmans. Les tributaires reprochèrent au souverain fatimide d’avoir abandonné
l’attitude de tolérance envers leurs communautés et de respect envers leurs livres saints
qui avait été celle de tous les successeurs de Muḥammad. Al-Ḥākim leur répliqua en
rappelant une autre conférence qu’avaient tenue en son temps Muḥammad et les chefs
des juifs et des chrétiens. Au cours de cet entretien, le Prophète des Arabes aurait
répondu aux tributaires qui ne voulaient pas le reconnaître comme celui dont la mission
confiée par Dieu avait été prédite dans les livres saints, car, disaient-ils, cette mission ne
devait se dérouler que quatre cents ans plus tard :13
« Dressons entre nous un écrit par lequel vous contracterez l’engagement de me
payer un tribut pendant tout le temps qui s’écoulera jusqu’à l’époque de
l’avènement de cet autre dont vous attendez la venue. Si je suis un menteur et un
imposteur, vous serez alors vengés de mon oppression et la souveraineté passera
entre vos mains, à l’avènement de celui que vous attendez. Si, au contraire, il ne
paraît pas alors... le Prince qui à cette époque occupera ma place vous invitera à
nouveau à embrasser ma religion. Si vous acquiescez votre soumission vous
sauvera ; mais si vous vous y refusez... il vous fera mourir sans recevoir de vous
aucune excuse. Il détruira votre religion, renversera votre loi, détruira vos temples
et livrera vos livres au mépris il vous subjuguera, vous exterminera, vous et tous les
incrédules, jusqu’à la racine ».
42 Une telle tradition muhammadienne ne porte aucune marque qui la distinguerait du lot
commun des traditions relatives à la conversion des tributaires. Elle implique pour ceux
qui la rapportent que la situation de tolérance à l’égard des religions révélées autre que
l’islam n’était que provisoire et que l’idéal à atteindre était une foi musulmane unique
pour tous les hommes. Al-Ḥākim, on le sait fut très sensible à cette aspiration à l’unité et
œuvra toute sa vie pour y répondre dans ses États.
43 L’année 400 de l’hégire marquait donc la fin du temps de réflexion qui avait été accordé à
ceux qui refusaient l’évidence islamique. Pour agir contre leur entêtement, la contrainte
et même la violence devenaient légitimes. La recrudescence des difficultés entre
15
musulmans et chrétiens lors d’événements se déroulant soit en Iraq soit en Égypte autour
de cette date et qui sont rapportés aussi bien par des sources musulmanes que
chrétiennes montre que ce « sécularisme » de l’an 400 devait exister dans tout l’Orient
arabe à cette date. L’efficacité des actions militaires byzantines après 360 et la perte de
territoires islamiques qu’elles avaient provoquée devaient contribuer à l’aggraver. Le
développement urbain considérable qu’avaient connu Bagdad puis le Caire, le
surpeuplement des faubourgs, la hausse des prix, les difficultés alimentaires chroniques,
la différenciation toujours plus grande des conditions sociales avaient créé un contexte
favorable à des propagandes prônant la haine des différences.
44 Par un glissement aisé à comprendre, on passa de l’affirmation d’une légitimité unique
réservée à l’islam à la légitimation d’un islam unitaire, niant cette fois le droit à la nuance
en son sein. A Bagdad, sunnites et chiites s’opposaient violemment chaque année, puis à
l’intérieur du sunnisme, acharites et hanbalites. Certes, Ǧawhar, à son arrivée en Égypte,
avait proclamé son respect envers le sunnisme et avait toléré la plupart des pratiques
religieuses de celui-ci. Al-Ḥākim, lui-même, avait reconnu le droit pour chaque maḏhab de
suivre son rituel. Mais l’idée rôdait d’une unité de doctrine et de pratique de l’islam qui
serait légitimement imposée à tous. Sous l’influence de missionnaires doctrinaires comme
Ḫātkīn tout d’abord et plus tard comme Ḥamza, al-Ḥākim revint sur cette tolérance et
encouragea des provocations contre le sunnisme, puis contre le sunnisme et le chiisme.
45 L’agression contre la Pierre Noire, provocation perpétrée sous al-Ẓāhir par un petit
groupe d’isolés, ne s’inscrivait plus à cette date dans la ligne officielle de l’État fatimide
mais elle était l’accomplisse ment de ce courant de l’année 40014. En effet, puisque
Muḥammad que Dieu avait envoyé aux Arabes, n’avait pu, en son temps, réaliser la
totalité de sa mission, il était nécessaire qu’intervînt quatre siècles plus tard, un nouvel
événement encore plus déterminant. Pour cela, purger la terre des tributaires, attardés à
défendre leur droit à la différence, était insuffisant. Il fallait libérer l’islam nouveau des
figures dépassées, celles des pères fondateurs du sunnisme et du chiisme. Muḥammad et c
Alī. Les chrétiens disaient des promesses de la première alliance conclue entre Dieu et les
juifs que le Christ était venu pour les accomplir et ils entendaient les abolir. De même, les
courants extrêmes de l’ismaïlisme, ceux des Carmates ou des Druzes, disaient qu’ils
revenaient au sens réel, profond, donc caché, du Coran et abolissaient ainsi toutes les
prescriptions rituelles qui s’y trouvaient trop clairement exprimées. Le pèlerinage,
vestige de l’idolâtrie hérité de la Ǧāhiliyya. était particulièrement condamnable.
46 Cet acte semble avoir été la dernière provocation publique d’envergure menée par les
partisans de la divinité d’al-Ḥākim. Les Druzes de Syrie ne réclamaient plus alors que le
droit de pratiquer leur religion en paix et au besoin d’y convertir quelques voisins. Quant
aux aventuriers qui tentèrent de se faire passer pour al-Ḥākim, ils n’apparurent pas hors
d’Égypte. Al-Mustanṣir passe pour avoir organisé des simulacres de pèlerinage qui
n’étaient que prétexte à parties de plaisir et à beuveries à proximité du Caire, ce n’était là
qu’amusement d’oisif sans intention pédagogique dirigée contre une superstition sunnite.
***
47 Yaḥyā d’Antioche qui rapporte l’incident de 413, chiffre à plus de cinq cent le nombre de
pèlerins surtout égyptiens, que la foule déchaînée des Mekkois massacra à la suite de la
provocation. Abū’l-Futūḥ le chérif de la Mekke dut sortir avec des troupes pour mettre fin
aux meurtres et au pillage. La colère des Mekkois s’explique par les nombreuses
16
interruptions qu’avait connues le pèlerinage depuis les dernières années du IVe siècle de
l’hégire. Les famines qui avaient frappé l’Iraq et l’Égypte, la misère des bédouins du désert
qui demandaient des sommes de plus en plus élevées pour laisser passer les caravanes de
pèlerins, la rupture intervenue entre al-Ḥākim et les Alides à propos des lieux saints en
étaient la cause. Or, les habitants de la Mekke et de Médine n’avaient pour vivre que les
subsides que leur payait le calife en faveur duquel ils faisaient prononcer l’invocation à
Dieu dans les mosquées saintes et les ressources du pèlerinage.
48 Al-Musabbiḥī, dans sa chronique du mois de ṣafar 415/avril-mai 1024, rapporte plusieurs
nouvelles ayant trait au pèlerinage de 414.
49 Ces textes font apparaître les avantages politiques et économiques que l’État fatimide
tirait d’un pèlerinage réussi, avantages tels que les objections d’ordre idéologique ne
pesaient guère face à eux.
« Le mercredi 3 ṣafar 415/16 avril 1024, les pèlerins, les Maghrébins et d’autres,
arrivèrent, sains et saufs, à Miṣr, venant de la Mekke. Un groupe important de
pèlerins du Ḫurāsān arriva également avec ustensiles et provisions de voyage. Un
ambassadeur du Maître du Ḫurāsān les accompagnait : il venait auprès du Prince
des Croyants avec des dons, vêtements de brocarts, chamelles de race, rapaces
dressés pour la chasse, perroquets et d’autres choses encore ! Le Prince des
Croyants lui réserva un excellent accueil, /143v°/ l’invitant à chevaucher dans son
cortège, que le Salut soit sur l’Imām ! Ils chevauchèrent de conserve puis Sa Majesté
rentra en son Palais...
« Ce jour-là (12 ṣafar), arriva la nouvelle que les gens du Ḫurāsān avaient vu se
fermer devant eux la route qu’ils avaient coutume d’emprunter de la Mekke à
Bagdad. Ils se trouvaient dans l’obligation de gagner Ayla, puis de se rendre d’Ayla à
Ramla et de rejoindre Bagdad en traversant la Syrie. A ce qu’on racontait, ils
arrivaient avec soixante mille chameaux et deux cent mille hommes /144r°/. Des
missives impératives, al-siğillāt al-mucaẓẓama. furent expédiées par Sa Majesté à tous
les gouverneurs militaires de Syrie, wulāt al- ḥarb bi’l- šām, leur enjoignant de se
rendre à la rencontre des pèlerins, de les loger, de traiter avec tous les égards leurs
chefs et d’approvisionner les villes à leur intention, en vivres et en fourrage, ce qui
fut fait. Les pèlerins furent témoins de l’équité, cadl, de Sa Majesté Préservée et du
bel approvisionnement de ses provinces, cimārat bilādiha. Cela dépassait ce qu’ils
avaient pu imaginer. Grâce à eux, les habitants de Syrie purent gagner beaucoup
d’argent, wa kasibat macahum ahl al-šāmāt al-amwāl. Tous les pèlerins se réjouirent de
voir Jérusalem et de la visiter. Cela mit un terme à la mauvaise opinion que l’on
pouvait avoir de cet État béni que l’on taxait d’impiété et de perversion religieuse.
Ces gens rentrèrent dans leurs pays, pleins de gratitude pour la manière dont ils
avaient été honorés. Dieu offrit là un beau succès à cet État et à ceux qui lui
prêtaient leur soutien !...
« Ce jour-là (6 ṣafar), les nouvelles se succédèrent à propos de ce qu’avait réalisé al-
Ḥasan b. Ǧacfar à la Mekke. Il avait établi l’invocation en faveur du Prince des
Croyants, le Salut soit sur Lui, sur le Mont ‘Arafāt et dans les autres lieux consacrés.
Il avait fait renverser (c’est-à-dire faire présenter la pointe tournée vers le bas) les
étendards du Ḫurāsān et avait interdit aux pèlerins venant de ce pays de faire
l’invocation en faveur de leur souverain.
« On n’avait jamais vu de pèlerinage aussi réussi /144v°/ que celui de cette année-
là, ni d’aussi utile pour les commerçants qui s’y trouvaient, wa lā akṯar fa’ida li’l-
tuğğār bihā. Les pèlerins égyptiens qui étaient revenus (avant d’avoir accompli le
pèlerinage) le regrettèrent. Il en fut de même pour ceux qui n’étaient pas partis
pour la Mekke : ils en eurent un tel dépit que leur mine s’en trouva altérée ».
17
50 A la fin du même mois de ṣafar 415, al-Musabbiḥī rapporte une cérémonie grandiose qui
fut offerte à l’ambassadeur du Ḫurāsān et il décrit les dons que celui-ci remit à al-Ẓāhir de
la part de son souverain.
51 On ne peut comprendre l’importance qu’accorde al-Musabbiḥī, sunnite mais haut
fonctionnaire de l’État fatimide auquel il était totalement dévoué, à de tels événements, si
on n’a pas en mémoire les difficultés graves qui venaient de marquer les relations entre le
souverain du Ḫurāsān et celui de l’Égypte. En effet en 403/1012-1013, l’Imām al-Ḥākim
avait adressé une lettre à Maḥmūd b. Subuktakīn, l’invitant à entrer dans sa mouvance : le
souverain de Ghazna et du Ḫurasān avait renvoyé cette lettre au calife abbasside al-Qādir
après l’avoir partiellement brûlée et avoir craché dessus. La venue au Caire d’un
ambassadeur de ce souverain, chargé de présents pour al-Ẓāhir, était une éclatante
réparation de cet outrage15.
52 La traversée de la Syrie et l’approvisionnement assuré pour une si gigantesque caravane,
déplaçant autant de pèlerins qu’une ville importante comptait d’habitants, étaient aussi
des témoignages dont la publicité serait assurée dans tout l’Orient abbasside, témoignage
de la bonne administration fatimide et de la possibilité d’effectuer dans les provinces
dépendant du Caire de fructueuses transactions commerciales. Un détournement durable
de la route du pèlerinage khurassanien contribuerait à la prospérité de la Syrie et
rallierait à la dynastie fatimide le sunnisme syrien.
53 Mais l’État fatimide n’avait pas les moyens de sa politique ou peut-être manquait-il d’une
volonté suffisamment affirmée à sa tête pour assurer le suivi des décisions. Sitt al-Mulk
disparaît au cours de cette année 415 et la lutte pour le pouvoir oppose les divers clans,
paralysant ceux qui exercent officiellement l’autorité. L’argent manque, les décisions
prises ne sont pas appliquées et le Caire manque de réflexes lorsque des signes
d’insoumission se multiplient, notamment en Syrie. Il est vrai que la lutte contre la
hausse des prix des céréales et contre la disette, puis la famine qui ravage l’Egypte et
l’Arabie occupent les esprits. Des désordres éclatent à la Mekke où les Banū al-Ḥusayn et
les Banū Ṭalha se battent. Abū’l-Futūḥ a !-Ḥasan doit quitter la ville où le blé manque. Au
Caire, les cherifs venus du Ḥiğāz pour recevoir les subsides versés annuellement et pour
faire expédier des céréales dans les villes saintes ne trouvent pas d’interlocuteurs :
« O braves gens ! Nous sommes venus vers vous, abandonnant nos enfants et nos
familles. Nous avons presque péri de faim. Si vous ne ressentez aucun besoin que
l’invocation soit faite en votre faveur à la Mekke et à Médine, alors, chassez nous !
On nous a promis des merveilles pour que nous prononcions l’invocation en faveur
d’un autre que votre Imām, au Ḥiğāz. Nous n’avons rien accepté et nous n’avons pas
répondu à la proposition. Mais, nous voulons un homme qui nous parle et à qui
nous puissions parler !
On ne leur fit aucune réponse ».
54 Pendant ces mêmes mois de šawwāl et de ḏū’l-qacda où les Hidjaziens pleuraient misère,
les deux caravanes qui devaient constituer le pèlerinage des Maghrébins et qui étaient
arrivées à quelques jours de distance à Miṣr, échouaient l’une après l’autre dans leur
tentative de quitter l’Égypte. Elles n’avaient pas pu obtenir d’escorte militaire officielle.
L’une fut attaquée à la sortie même du Caire. L’autre fut attaquée au même endroit par
des troupes d’al-Qaysāriyya et des esclaves militaires noirs, mais les Maghrébins, avertis,
avaient pris les armes et ils pourfendirent leurs assaillants. Pourtant, quelques jours plus
tard, ils étaient de retour à Miṣr. Ils n’avaient pu dépasser Ayla, les bédouins et les
malandrins les ayant attaqués et dépouillés. Quant aux Égyptiens, ils ne tentèrent pas
18
NOTES
1. Al-Ḥusayn b. cAlī b. Dawwās Ṣayf al-Dawla al-Kutāmī, Yaḥyā, 238 ; Maqrīzī, (107), II, 115 et suiv.,
125 et suiv., 183 ; // cAmmār b. Muḥammad b. Muḥammad Abū’l-Ḥasan Amīr al-Mulk, Yaḥyā, 235
et 238 ; Nuwayrī, 61 ; Ibn al-Ṣayrafi, 80 ; Maqrīzī (107), 128 et 183, (109), II, 29 ; porte parfois la
kunya d’Abū’l-Ḥusayn ; // Abū’l-Futūḥ Mūsā b. al-Ḥasan, Badr al-Dawla ou Yad al-Dawla, Nuwayrī,
61, Ibn al-Ṣayrafi, 79 ; Ibn Ẓāfir, 65 ; Maqrīzī (107), II, 129 ; Ibn al-Dawādārī, 315 et 316. // Abū’l-
Fatḥ Mas’ūd b. Ṭāhir al-Wazzān Šams al-Mulk, al-Musabbiḥī, index, Maqrīzī (107), II, index, (109),
II, 30 ; Ibn al-Ṣayrafi, 79 et 80 ; Yaḥyā (45°°°), 371.
2. Al-Ḥasan b. Ṣāliḥ Abū Muḥammad al-Ruḏpārī cAmīd al-Dawla wa Nāṣiḥu-ha, Ibn al-Ṣayrafi, 79 ;
Ibn Ẓāfir, 65 ; Maqrīzī (107), II, 176 ; Ibn al-Dawādāri, 318 ; Maqrīzī (109), II, 31 ; ne semble pas cité
chez al-Musabbiḥī.
3. Abū’l-Qāsim cAlī b. Aḥmad al-Ǧarğarā’ī al-Šayḫ Nagīb al-Dawla porta des laqab variés au cours
de sa longue carrière ; une étude sérieuse sur ce personnage et sur les intérêts économiques et
politiques qu’il représentait au dīwān reste à faire. La bibliographie est très importante puisqu’il
est mentionné aussi bien dans toutes les sources tournées vers l’histoire événementielle que
parmi certaines sources traitant de la transmission du hadith car il s’agissait là d’un pieux
musulman, très cultivé, sinon sunnite du moins fréquentant les maîtres traditionnalistes
reconnus de tous. Il eut la responsabilité du dīwān d’al-tasarrufāt ou al-nafaqāt, dīwān des dépenses
sous al-Ḥākim et si celui-ci se contenta de lui couper les mains, cela prouve que cet homme était
d’une honnêteté irréprochable. Un point demeure inexpliqué : cet homme compétent et soutenu
par la princesse Sitt al-Mulk n’accéda à la première place dans l’État que plusieurs années après
la mort de celle-ci. Il faudrait analyser le jeu des factions pendant la minorité d’al-Ẓāhir pour
comprendre quels furent les enjeux d’une lutte très dure pour le pouvoir qui déchira les dīwān à
cette époque. Maqrīzī (107), index ; Ibn Ẓāfir, index ; voir Guest (113), 487, le texte de l’inscription
que portaient les tirai officiels de son temps, d’autres laqab, 497, Ibn al-Ṣayrafï, 76-78. El 2, II, 473 ;
Ibn al-Qalānisī, 73 et suivantes dans les dīwān poétiques et qui n’entraient pas dans notre propos.
4. Bianquis (167)
5. La crise bédouine qui déchira la Syrie de 415H. à 420H. est connue grâce à quelques sources, al-
Musabbiḥī, (16), passim, Yahyā (45), 244-252, Ibn al- cAdīm, I, 227-246 ; Ibn al-Qalānisī, 70-83 ;
Maqrīzī (107), II, 136 à 179 ; Zakkar (8), 67-105, nous donne une importante bibliographie de
manuscrits qu’il a dépouillés. A première vue, il ne semble pas avoir découvert d’informations ne
figurant pas dans les cinq auteurs cités ci-dessus, à l’exception de données ethnographiques
concernant les tribus, abondantes sous les dīwān poétiques et qui n’entraient pas dans notre
propos.
6. Ostrogorsky (224), 339.
7. RCEA (239), 2328, 2329, 2330 ; Van Berchem, (238), Ḥaram de Jérusalem, n°219 à 222 ; la discussion
sur une inscription citée par Nāṣir Ḫusraw (47), 95, voir infra p. 539, a été relancée par M. H.
Hamilton Burğoyne et A. Abūl-Hajj, Twenty four arabic inscriptions from Jérusalem, Levant, XI, 1979,
115-117 et par les précisions apportées par CE. Bosworth, Some observations on Jérusalem arabic
inscriptions, Levant, XIII, 1981, 266-267. Un des arguments contre la lecture Layṯ al-Dawla, Lion de
19
la Dynastie, du laqab de Nus Takīn, me paraît irrecevable ; il est dit que le correspondant Asad al-
Dawla n’existait pas, seul Asad al-Din aurait existé. Or, Ṣāliḥ b. Mirdās qui tient la Syrie du Nord à
cette époque portait le laqab d’Asad al-Dawla. Il y eut également un Šibl al-Dawla qui est équivalent
et un Ǧadanfar, il se peut que Nāṣir Ḫusraw ayant lu ou entendu un laqab ayant cette signification
ait par inadvertance transcrit un Layṯ plus persan pour un mot plus arabe. C’est le nom Gūrī qui à
mes yeux pose problème.
L’inscription Burgoyne, XIB, 116, qui porte le nom de Nūš Takīn ne porte pas de date et l’auteur
n’explique pas pourquoi il lui attribue celle de 411. époque où Anūš Takīn n’était pas encore
gouverneur de Syrie. Anūš Takīn avait commencé sa carrière militaire en étant adjoint de cAlī b.
Aḥmad al-Ḍayf mais en 411, il devait être gouverneur de Césarée. S’il eut une activité de
constructeur à Jérusalem, ce fut après son accession au gouvernement de la Palestine en 414 ou
au gouvernement de la Syrie en 420, Bosworth, p. 266-267 corrige la nisba de Nūs Takīn en la
rattachant à Dizbaz une localité du Luristan alors que toutes les sources rattachent cette nisba à
un homme, l’ancien maître d’Anūš Takīn, Dizbir ou Duzbir b. Awnim, ou encore Tizbir b. Awnim.
Anūš reçut au cours de sa carrière de nombreux laqab dont aucun, à ma connaissance n’évoque
un animal.
8. Muḥammad b. cAlī b. Ǧacfār, al-Musabbiḥī, index ; Ibn al-cAdīm, index ; Ibn Sa’īd (90°), 70 et
226 ; al-Makīn, cité par Cahen, Mélanges Pareja, Madrid, 1974, a confondu le père et le fils. Les
indications données par nous pour les autres personnages proviennent des sources, citées p. 398
n. 1.
9. Les indications données par Sāwīrus (37) sur les martyrs chrétiens sont parfois recoupées par
des allusions dans Ibn Ḥağar (113) et dans Maqrīzī (107), II. Un fils d’un important témoin de
justice, Ibn Rağā fit partie des suppliciés. Une étude plus approfondie de ces données et des récits
de conversion datant de la même époque rapportés pour l’Iraq et la Gazīra serait indispensable.
10. Yaḥyā, 242-244. Le tremblement de terre, 1015-1017 n’est pas signalé dans Grumel,
Chronologie, qui à l’inverse confirme, p. 465, l’éclipse de lune du 29 Décembre 1024/mi- šawwal 414
H., signalée dans Musabbiḥī, p. 16.
11. al-Musabbiḥī, passim, peint un tableau précis du Caire et de Miṣr en 414-415, à partir duquel
ces quelques pages très sommaires ont été rédigées. Le récit de la mort du père de l’historien, en
400H., dans Ibn Sacīd (90), I, 264-265, rapporté par al-Musabbiḥī, lui-même, met en évidence
l’existence d’un groupe de sunnites ayant la mosquée de Amr comme centre d’identification et de
permanence dans une ville en croissance rapide et envahie par les non égyptiens. Voir également
le récit de la mort de la concubine de l’historien en 414H., 265-266, republié dans (16), 16-17,
témoignage de la très grande différence de niveau culturel entre un homme et une femme de
cette époque.
12. Cet incident est rapporté dans de nombreuses sources, la plus ancienne, contemporaine de
l’événement étant Yaḥyā (45), sous l’année 413H.
13. Silvestre de Sacy, CCCLXXIII et suivantes.
14. L’attaque chiite contre le sanctuaire de la Mekke qui vient de défrayer le chronique a eu lieu
le 1er muḥarram 1400/20 novembre 1979. Il existe peut-être un lien millénariste entre les deux
affaires.
15. EI2, II, 1075 et V, 60, voir Maqrīzī (107), II, 214, note 4, à propos d’une action qui eut lieu en
415H. ; Ibn Taġrī Birdī, IV, 232, 403H., place bien en 403H., l’insulte faite à la lettre d’al-Ḥākim ;
Silvestre de Sacy, I. CCCLXV.
20
tous de restreindre les droits aux corps de troupes dûment enregistrés et soldés ; ceux
dont les noms ont été établis avec certitude dans les rôles de l’armée... ».
3 L’Imām dénonçait solennellement le double danger dont la menace pesait sur l’Empire, le
désordre dans les campagnes et les régions frontalières, le gonflement excessif des
effectifs militaires. Pour le mois de ǧumādā II 414/août-septembre 1023, al-Musabbiḥī
rapporte des modifications de personnel effectuées à la tête du dīwān al- ḫarāğ,
l’administration responsable de la quasi-totalité des rentrées financières de l’État. Le
nouveau directeur s’engageait à faire rentrer quinze mille dinars d’assignations que
devait au dīwān son prédécesseur et à augmenter en outre les recettes de trente mille
dinars. Chiffres peu considérables, mais qui montrent la situation difficile du Trésor
Public affronté aux dépenses du maintien de l’ordre et au paiement de soldes à des soldats
fictifs.
4 Aux deux derniers jours du mois, 17-18 septembre 1023, la crue qui avait culminé à la
hauteur très insuffisante de quatorze coudées et un pouce le 31 août, se retira
brutalement avec deux mois d’avance. Cela provoqua immédiatement flambée des prix,
stockage spéculatif des grains et farines et disparition du pain chez les boulangers.
5 Quelques mesures inefficaces de contrôle des approvisionnements furent prises : quelque
muḥtasib que ce soit n’avait aucun espoir de contrer l’action de ceux, souvent des grands
personnages de l’État, pour qui une crue insuffisante était une aubaine permettant de
gagner en quelques mois des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de
dinars, en retenant les grains achetés au prix de gros pour les vendre à la pire époque de
la soudure à un prix de détail, dix fois plus élevé. En même temps, on régenta sévèrement
l’ordre public, interdiction de toute chanson et de toute musique exécutée en public à
l’exception de la flûte solo, interdiction aux femmes de se rendre dans les cimetières
après la fin de l’après-midi il est vrai qu’elles n’y rencontraient pas que le souvenir des
êtres qui leur avaient été chers. Ces édits vertueux rappelant l’austérité de l’Imām disparu
trois ans plus tôt étaient évidemment destinés à calmer la colère contre les autorités
incapables d’assurer à tous le pain à un juste prix. Ce que les historiens ont eu tendance à
présenter comme les caprices cruels d’un tyran fou correspondait donc en réalité à une
puissante aspiration chez les sunnites de Miṣr-Fusṭāṭ pour l’établissement d’un ordre
moral.
6 Une lacune interrompt le récit conservé d’al-Musabbiḥī en raǧab 414/septembre-octobre
1023. Il reprend en muḥarram 415/mars-avril 1024. Rares sont les nouvelles consacrées à
la Syrie dans les quelques feuillets de 414.
7 Une cérémonie fut organisée au Caire en ǧumādā II en faveur d’un fils d’Ibn al-Ǧarrāḥ à
qui on remit de somptueux habits d’honneur. Le même mois, une allusion est faite au
ḫāṭib al-Buḫārī, parti en mission en Syrie auprès de Zayn al-Mulk, cAlī b. Mascūd ibn Abī’l-
Ḥusayn, gouverneur de Tyr. En raǧab, on apprend l’élargissement d’Ibn al- Ḫaṣib,
administrateur du ratīb à Damas, qui avait été emprisonné pour une obscure histoire de
mule détournée. La libération est due à l’intervention personnelle de la mère de l’Imām
dans cette affaire de provocation entre fonctionnaires.
8 Nouvelles sans importance, témoignages que la situation dans la province de Syrie
n’inspirait aucune inquiétude : la paix est un état naturel dont l’historien n’a pas à rendre
compte !
***
22
9 Le texte de Musabbiḥī reprend au milieu d’une phrase dans le récit du mois de muḥarram
415, à une date que l’on peut situer, en comparant avec les obituaires du même mois,
entre le 13 et le 23/27 mars au 6 avril 1024. Pour ce même mois de muḥarram, les
obituaires ne sont pas non plus complets, ils ne rapportent des décès que pour trois
journées, le 6, le 9 et le 13. Le restant de l’année 415, événements et obituaires semble à
peu près complets, une autre lacune existant dans le récit des événements pouvant être
complétée par un fragment conservé par Maqrīzī dans l’Itticāz al-Ḥunafā’.
10 Or le décès de Sitt al-Mulk la sœur d’al-Ḥākim régente pour al-Ẓāhir s’est produit, soit
dans les derniers jours du mois de ḏū’l-ḥiǧǧa 414, soit au début de muḥarram 415. Al-
Musabbiḥī ne mentionne pas ce décès et n’y fait même pas allusion dans le texte conservé
mais Yaḥyā d’Antioche précise que c’est en ṣafar 415 que Basile II, informé du décès de
Sitt al-Mulk, met un terme aux négociations avec le patriarche de Jérusalem et renvoie
celui-ci à Tripoli en Syrie. D’autre part, le mois précédent, en muḥarram 415, Constantin
Dalassénos, catépan d’Antioche a entrepris la restauration de la forteresse de Maraclée ou
du Marqab, sur le littoral syrien, qui venait de lui être livrée par Muḥammad b. cAlī b.
Ḥāmid avec une autre forteresse, Ḥiṣn al- Ḫawābī. Au même moment, les musulmans
restaurent Ḥiṣn al-cUllayqa, dans la montagne, immédiatement à l’est du Marqab pour
protéger le Ghab2.
11 Ainsi, au printemps 1024, une princesse, sinon chrétienne, du moins très proche des
chrétiens, mourait au Caire. Elle avait dirigé depuis quatre ans la politique de l’État
fatimide et Constantinople pouvait craindre une remise en cause des bonnes relations
entre les deux empires. L’absence d’autorité de l’Imām qui ne pouvait s’appuyer sur un
vizir reconnu par tous, la crise financière que traversait un État où l’on distribuait plus de
prébendes qu’on ne levait d’impôt, la disette qui créait du désordre dans les armées,
permettaient à Basile II de ne craindre aucune réaction à sa décision d’interrompre les
négociations et de renvoyer en Syrie le Patriarche de Jérusalem. La mise en état des
places frontières annonçait peut-être une offensive mais Basile II devait mourir, peu
après, en décembre 1025.
12 Les grandes tribus arabes, bien informées du cours des choses au Caire et touchées elles-
mêmes par la hausse des prix des grains qu’elles achetaient, décidèrent alors de tirer
partie des circonstances pour rétablir la situation en leur faveur.
***
13 La Syrie occupe une grande place dans le récit des événements pour l’année 415 chez al-
Musabbiḥī. Dès la première phrase du texte conservé, il indique qu’un personnage, dont
le nom ne figure pas, reçoit, en compagnie de son fils, un édit qui le nomme gouverneur
de Damas. Le nom étant donné dans d’autres passages et dans des textes parallèles, il est
aisé d’identifier celui-ci. Il s’agit du Hamdanide Ḏū’l-Qarnayn b. al-Ḥasan b. Ḥamdān Nāṣir
al-Dawla que les sources damasquines ont coutume de nommer Waǧīh al-Dawla Abū’l-
Muṭāc ibn Ḥamdān.
14 Après la seconde destitution de cAbd al-Raḥīm ibn Ilyās, en ḏū’l-ḥiǧǧa 411/mars 1021,
Damas était demeurée quelques temps sans gouverneur en titre. Les habitants avaient
jasé, ne comprenant pas quel dessein pouvait inspirer une politique de changement
constant des responsables. Puis, le 6 ǧumādā II 412/17 septembre 1021, Waǧīh al-Dawla
ibn Ḥamdān, l’ancien gouverneur de 401 avait été nommé pour la seconde fois. Un mois
23
plus tard, le 7 raǧab, il était remplacé par un Turc, Šihāb al-Dawla Saḫ Takīn qui demeura
plus de deux ans en poste, jusqu’à sa mort en ḏū’l-qa da 414/janvier 1024, mort survenue
au Qaṣr al-Salṭāna de Damas3.
15 En ce mois de ṣafar 415, le calme règne encore en Syrie. Le succès de la traversée des
pèlerins rentrant au Ḫurāsān en témoigne. A la fin de ce mois, trois hauts fonctionnaires
quittent le Caire, Ibn Ḥamdān pour être gouverneur de Damas, Abū’l-Ḥusayn b. Banūṭ
pour être gouverneur de Tyr, Abū’l-cAssāf pour être cadi de Ramla. cAlī b. Mascūd Zayn al-
Mulk, l’ancien gouverneur de Tyr a reçu des marques d’honneur à son retour à Miṣr.
16 La lutte pour le pouvoir continue au Caire. En prévision de soulèvements armés, de hautes
responsabilités sont confiées par un édit lu en présence des plus hauts dignitaires de
l’État à un militaire, l’eunuque noir Abū’l-Fawāris Micḍād. Al-Musabbiḥī décrit
longuement « la belle journée » où se déroula cette cérémonie et il rapporte, mot à mot,
tout le texte de l’édit pour conclure : « son diplôme n’apportait aucune précision sur les
domaines où s’exerçait son contrôle ! ».
17 Au mois de rabīc I 415/13 mai-11 juin, la disette s’aggrave mais le calme semble général.
Des dons somptueux proviennent du Fayyūm et de Nubie. Le renouvellement des postes
se poursuit en Syrie : un kutamite, Fattāḥ b. Buwayh, est nommé gouverneur de
Tibériade. La faction des orientaux obtient que l’administrateur du dīwān al-Šām au Caire,
l’Iraqien Abū cAbd Allāh al-Ǧarǧarā’ī ne soit plus soumis à l’inspection du wāsiṭa, Šams al-
Mulk. La poste officielle lui remet désormais directement les documents financiers qu’elle
convoie de Syrie en Egypte.
à toute occasion, souvent endeuillées par des accidents malheureux, ses sorties
solennelles de l’Imām.
27 Maqrīzī regroupe toutes les nouvelles concernant la Syrie en un récit unique qu’il place
dans la dernière partie du mois. Il mentionne le remplacement de Sanad al-Dawla al-
Ḥasan b. Muḥammad, gouverneur d’Alep, par son frère Abū’l- Ḥāriṯ Ṯucbān qui était
gouverneur de Tinnis et de Damiette. Arrive alors au Caire, la nouvelle du décès de Sanad
al-Dawla. Maqrīzī place ici, une courte rétrospective des événements survenus à Alep
depuis l’assassinat de cAzīz al-Dawla Fātik, rétrospective identique en son essence aux
récits de Yaḥyā d’Antioche et d’Ibn al-cAdīm. Al-Musabbiḥī n’avait pas de raison dans un
journal tenu au quotidien de raconter en ce lieu des événements survenus trois ans plus
tôt.
28 Dans le même paragraphe, Maqrīzī annonce sans préciser de date que Ṣāliḥ b. Mirdās al-
Kilābī a attaqué la ville d’Alep et que la population qui haïssait Sanad al-Dawla et Mawṣūf,
le gouverneur de la citadelle, a ouvert une porte au bédouin. Sanad al-Dawla avait rejoint
Mawṣūf dans la citadelle qui résistait. Ṣāliḥ avait confié la poursuite du siège de celle-ci à
son secrétaire Abū Manṣūr Sulaymān b. Ṭawq et il était parti pour Baalabakk dont il avait
pu occuper la citadelle après un combat meurtrier. Fort de cette victoire, le chef des Banū
Kilāb avait organisé une réunion avec le kalbite Sinān b. cUlayyān et le Ṭayy Ḥassān b. al-
Ǧarrāḥ. Ils avaient fait un serment solennel de bouter les Fatimides hors de Syrie et de se
partager la province. Ils avaient réuni leurs forces pour attaquer la Palestine.
29 Pendant ce temps, le siège de la citadelle d’Alep continuait. Sulaymān b. Ṭawq put se
rendre maître de la forteresse grâce à des intelligences et s’emparer de Sanad al-Dawla et
de Mawṣūf, le 21 rabīc II 415/2 juillet 1024. Il tua Sanad al-Dawla et mit en prison Mawṣūf.
Mais, le 27 ǧumādā 1/6 août, Abū’l-Hāriṯ Ṯucbān arrivait à Alep.
30 Ces événements sont racontés également par Yaḥyā d’Antioche et par Ibn al-cAdīm. Il a
semblé préférable de les aborder par le récit de Maqrīzī dans la mesure où il s’inscrit dans
la suite de celui d’al Musabbiḥī. En effet, cette grande coalition bédouine dut se préparer
pendant tout le début de l’année 415, et les notes quotidiennes d’al-Musabbiḥī sont
conservées pour les quatre premiers mois. Au courant de tous les bruits qui circulaient au
Palais, il aurait informé le lecteur du dessein des tribus s’il en avait eu vent. Son silence
apporte la preuve du mauvais fonctionnement des services de renseignements fatimides
en Syrie.
31 Les changements intervenus dans le personnel du dīwān al-šām au Caire et dans celui en
poste en Syrie peuvent expliquer en partie cette méconnaissance de la situation. Les
gouverneurs de trois (Damas, Tibériade, Alep) des quatre ǧund de Syrie et des deux grands
ports fortifiés (Tripoli et Tyr), ont été remplacés pendant les quatre premiers mois de 415.
A Ramla, capitale du quatrième ǧund, un nouveau cadi a été nommé. Au Caire, des
modifications imposées par la faction au pouvoir ont affecté la direction du dīwān al-šām
et les décisions concernant cette province sont prises à huis clos par les deux chérifs al- c
Ağamī, des incompétents. Le journal politique de l’année 415, conservé par miracle,
permet de suivre la démarche hésitante de l’administration centrale fatimide face au défi
bédouin et de mieux comprendre pourquoi la réponse qu’elle y apporta fut si inadéquate.
Il ne faut donc pas reculer devant une analyse détaillée de ces textes, même si elle paraît
trop ponctuelle, car elle éclaire la complexité des rapports entre la capitale et ceux qui la
représentent en province.
26
Ariš avant d’arriver sur le théâtre des opérations. On omit de faire partir le reste du
contingent réuni.
47 Le 22 raǧab 415/29 septembre 1024, on apprenait au Caire qu’al- Dizbirī avait été vaincu
devant Ramla par Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ et que le gouverneur avait dû s’enfuir pour Césarée
avec une dizaine de ġulām turcs. Ḥassān pénétra dans la ville de Ramla qui fut tout
d’abord mise à sac et pillée ; les femmes furent violées et de nombreux habitants passés
au fil du sabre. Puis, le chef bédouin tenta de donner une meilleure image de son pouvoir.
Il s’avança de la porte de la ville au siège du gouvernorat en baisant le sol et il convoqua le
cadi et les témoins de justice de Palestine pour leur faire une déclaration solennelle. Il
promit de ne faire aucun mal aux habitants de Ramla et se proclama le fidèle et obéissant
sujet de l’Imām al-Ẓāhir. Il n’avait de différend qu’avec l’infâme al-Dizbirī qui s’était mal
conduit à son égard. Pour prouver sa bonne volonté, il désigna un haut fonctionnaire
fatimide, Naṣr Allāh b. Nazzāl, comme gouverneur de Ramla au nom d’al-Ẓāhir 8.
48 « Cet homme est l’esclave du Prince des Croyants et le fils de son esclave, il exercera son
autorité sur cette ville jusqu’à ce qu’arrivent les ordres du Prince des Croyants, les
Bénédictions divines soient sur lui, ordonnant ce qu’il voudra bien ordonner »,
49 Telle fut la déclaration publique du chef arabe devant ceux qui exerçaient la justice et
représentaient la population civile de la ville. Le plus étonnant fut que lorsqu’on apprit
l’affaire au Caire, on crut à un ralliement sincère de Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ. La mauvaise
saison arrivait, on ne pouvait réunir un corps expéditionnaire ; une solution de
compromis arrangerait les responsables de l’État, heureux de voir al-Dizbirī rabattre de sa
superbe. Les deux cavaliers qui apportèrent au Caire la nouvelle de la déclaration
d’obédience de l’émir Ṭayy furent promenés triomphalement.
50 Une semaine plus tard, le dernier jour de ce funeste mois de raǧab, le Caire apprit la
vérité. Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ avait monté un stratagème pour faire délivrer ses deux
compagnons enfermés à Ascalon. Utilisant une lettre qu’al-Ẓāhir lui avait imprudemment
envoyée, revêtue de son paraphe personnel, il obtint le soutien des soldats fatimides
présents à Ramla. Cette lettre assurait le chef des Banū’l-Ǧarrāḥ de la compréhension
d’al-Ẓāhir. Ce dernier regrettait l’arrestation des deux compagnons du bédouin, c’était-là
une initiative qu’avait prise al-Dizbirī sans l’aveu de l’Imām.
51 Ibn al-Ǧarrāḥ lut la lettre aux soldats fatimides prisonniers et leur fit constater
l’authenticité de la calligraphie d’al-Dabikī, le scribe officiel et celle du paraphe tracé de
la main propre d’al-Ẓāhir. Il fit ensuite partir ces soldats pour Ascalon où ils demandèrent
au gouverneur de libérer les deux compagnons d’Ibn al-Ǧarrāḥ; ils justifiaient leur
requête par le contenu de la lettre de l’Imāms et par la menace qu’avait proférée al-
Ǧarrāḥ de tuer en cas de refus les prisonniers des Banū Ṭayy. L’élargissement des deux
hommes fut donc ordonné mais une fois qu’ils eurent rejoint Ibn al-Ǧarrāḥ, celui-ci fit
mettre au carcan soixante soldats fatimides et fit passer au fil du sabre les ġulām turcs et
les anciens officiers hamdanides qui les encadraient.
52 Le pillage, les meurtres, les viols reprirent à Ramla. Les maisons une fois débarrassées de
leurs occupants et de leurs meubles étaient incendiées, puis les murs calcinés abattus et le
sol nivelé. Une haine longtemps contenue animait les tribus arabes contre les villes-
garnisons. Non seulement, elles ne les accueillaient pas volontiers mais encore elles
abritaient les escadrons de cavalerie qui couvraient les espaces fertiles, protégeant les
agriculteurs sédentaires et rejetant sur les marges arides les bédouins car ceux-ci ne
produisaient ni fruit ni grain et ne payaient pas d’impôt. Affamés en cas de disette,
30
massacrés pour le moindre soulèvement, ils se savaient méprisés pour avoir refusé
d’adhérer aux valeurs de culture, de civilité, d’urbanité et de respect religieux du Prince,
valeurs qui s’étaient forgées au cours des quatre premiers siècles de l’Islam sur un modèle
importé de la Perse et de l’Inde.
53 Jérusalem où al-Dizbirī avait rassemblé le matériel de guerre et des vivres fut également
pillée. Le gouverneur de la ville, Mubārak al-Dawla Fath, l’ancien gouverneur de la
citadelle d’Alep, fut mis à l’amende par Ibn al-Ǧarrāḥ pour trente mille dinars. Un autre
notable fatimide, Niḥrīr al-Waḥīdī dont al-Musabbiḥī note avec malice la réputation
d’avarice fut, quant à lui, taxé pour quarante mille dinars. Le Caire comprit que la
soumission affichée par Ibn al-Ǧarrāḥ n’avait duré que le temps de faire libérer ses amis
et que désormais seule la force pourrait l’empêcher de nuire. Al-Musabbiḥī fait alors une
constatation que les historiens arabes aiment à faire en ce cas : « il avait agi comme même
un ennemi ne se serait pas permis de le faire contre des musulmans ! » Remarque
importante car elle prouve qu’à ses yeux l’appartenance d’Ibn al-Ǧarrāḥ à la communauté
islamique ne posait pas de problème.
54 La fin du mois de raǧab 415 est marquée par un pessimisme général au Caire. L’État n’a
plus d’argent ; la capitale se sent menacée. Non seulement on embarque des troupes à
Tinnis pour Tripoli, pour Tyr et pour les autres ports fortifiés de Syrie, mais encore on
renforce la protection rapprochée de la capitale. En effet, le bruit courait à Miṣr que
Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ avait détaché un escadron de cinq cents cavaliers en direction de
l’Egypte en le faisant passer par al-cAriš. Depuis lors, on était sans nouvelle précise et on
s’attendait à le voir déboucher à proximité du Caire. Un détachement fatimide partit pour
Bilbéis afin de protéger cette ville qui tenait l’entrée, dans le Delta, de la route venant de
Syrie. Mais la panique avait gagné la nombreuse population, semi-urbanisée, qui s’était
installée à proximité de la capitale dans les Qarāfa, entre les deux villes et la falaise du
Muqaṭṭam, trouvant entre les tombes ou même dans les tombeaux à l’abandon des
emplacements vides pour construire à bon compte des logements de fortune. Dans la
crainte d’une incursion bédouine, ces pauvres gens se précipitèrent dans la ville de Fusṭāṭ
afin d’y trouver refuge. Ils y furent rejoints par des fuyards venant de Bilbéis. Les
autorités chassèrent ces nouveaux venus et une centaine de cavaliers d’al-Qaysariyya
prirent position au Qarāfa.
espace prolongeant sans rupture la péninsule arabique, était le domaine de ces tribus. Dès
qu’une faiblesse du pouvoir se manifestait sur l’une quelconque de ses bordures, les
bédouins s’infiltraient par la brèche à la recherche de nouveaux pâturages pour leurs
troupeaux ; ils mettaient sous leur coupe les villages isolés afin de se procurer des
céréales. Une fois qu’ils avaient pris pied dans la région, ils se lançaient avec plus
d’audace contre les villes où ils désiraient installer comme seigneur un des leurs.
57 Cette poussée généralisée des tribus arabes, bien connue des historiens du monde
musulman médiéval, menaçait également l’Egypte, la Tripolitaine, l’Ifriqiya. Etait-elle due
à un déséquilibre démographique provoquant un accroissement plus rapide de la
population chez les nomades et les semi-nomades que chez les sédentaires ou à une
modification du régime des pluies en zone semi-aride, obligeant les tribus à développer
leurs territoires de parcours ? Les études permettant d’apporter une réponse à ces
questions n’ont pas été faites et il n’est pas assuré que la documentation disponible
permette de les mener à terme9.
58 Dans les textes consultés, il n’est pas question d’une réaction collective de la population
de Ramla aux exactions des Banū’l- Ǧarrāḥ. Par contre, les chroniques donnent des
indications sur l’attitude adoptée soit par les Alépins, soit par les Damascains lors des
attaques bédouines. D’une manière générale, les réactions varient tout à la fois selon le
caractère propre de la ville et selon celui de la tribu qui la convoite. En effet, il n’existait
pas grand chose de commun entre une tribu de mouvance yamanite comme les Banū Ṭayy
et une tribu de mouvance qaysite comme les Banū Kilāb. Les Banū Ṭayy, installés de
longue date en Trans-Jordanie avaient conservé l’attitude prédatrice, tout à la fois
agressive et fuyarde, toujours prudente, des semi-nomades éleveurs vivant en bordure de
la steppe et des terres cultivées. Les Banū Kilāb, arrivés en Syrie du Nord au début du IVe
siècle, étaient des seigneurs de la guerre à la recherche de fiefs prospères. Les Banū Ṭayy
détruisaient les villes, massacraient ou tentaient d’emmener en esclavage les habitants.
Les Banū Kilāb s’en prenaient aux princes en place afin de les chasser pour devenir les
maîtres du pays. Ils n’hésitaient pas à affronter les armées régulières dans des batailles
rangées, alors que les Banū’l- Ǧarrāḥ recouraient plus volontiers à l’embuscade, à la fuite
simulée et n’affrontaient en face l’armée fatimide que s’ils étaient en position de
supériorité. Les Yamanites faisaient davantage confiance à la ruse qu’à la force brutale ;
ils adaptaient constamment leur stratégie aux exigences de l’instant alors que des
Qaysites comme les Banū Kilāb avaient constitué une armée de cavaliers cuirassés avec
toutes les contraintes que cela représentait pour mener à bien un plan de prise en charge
de la Syrie du Nord.
59 Face à la menace bédouine, les populations urbaines syriennes pouvaient conserver leur
neutralité, ou au contraire, choisir l’action en faveur des assaillants ou en faveur de
l’ordre établi, c’est-à-dire de l’armée fatimide. Il n’existait de véritable opinion publique
et des milices armées susceptibles de peser réellement dans l’équilibre des forces que
dans les deux grandes villes, Damas et Alep. Le cas des ports fortifiés du littoral qui ne
risquaient rien d’une attaque bédouine doit être mis à part. Les populations citadines de
Syrie étaient, par ailleurs, urbanisées depuis trop longtemps pour avoir conservé un
sentiment de solidarité tribale, comme celui qui avait pu jouer entre certains Damascains
et les tribus qaysites lors de la révolte de Damas sous le règne de Hārūn al-Rašīd. A
l’époque, les Ṭayy de Ḥomṣ étaient venus au secours des villages yamanites menacés 10.
Mais au Ve/XIe siècle, Kalb, Kilāb, Ṭayy, avaient oublié leurs vieux antagonismes et
combattaient ensemble pour une remise en cause d’un ordre établi trop défavorable à
32
ceux qui avaient conservé les antiques structures de parenté et le mode de vie non
sédentaire. Du côté des citadins de Syrie, et notamment des Damascains, la vieille haine
contre la dynastie du Caire serait-elle surmontée pour servir la cause de cet ordre établi,
somme toute très favorable à l’économie urbaine ?
60 En ces situations d’équilibre instable où une population doit choisir sous la pression
d’événements violents entre ses pulsions profondes et une notion abstraite d’intérêts à
long terme, le rôle des notables est particulièrement important ; un personnage suffit à
emporter la décision.
***
Egypte, Qays, Bahnasa et Ahnasiyya. Il ne lui fut attribué, à lui et à ses subordonnés que la
somme minime de deux cents dinars chaque mois et encore le décret précisait-il que cette
somme serait payée en pièces d’argent, le dinar en ce cas précis n’était qu’une unité de
compte11. Pour défendre la ville de Tinnis, très vulnérable à une attaque venue de la Syrie,
des soldats, surtout des Noirs, furent envoyés, mais, une fois arrivés sur place, comme ils
n’avaient pas été payés et qu’ils voulaient manger, ils pillèrent les manufactures
officielles du tissu de cour et les dépôts d’État, s’emparant de vingt cinq pièces de tissu
précieux et de mille cinq cents dinars. L’intendant financier de la province avait pris la
fuite à Damiette. Il fallut envoyer du Caire cinquante cavaliers et un contrôleur militaire
pour rétablir l’ordre.
66 Le mois précédent, le chérif al-cAgamī, chef de la faction au pouvoir, avait demandé avec
rudesse au Trésorier de l’État, Muḥsin b. Badūs de l’argent. Celui-ci avait refusé de lui en
donner, arguant qu’il ne restait rien dans les caisses publiques. Un complot fut monté
contre lui et une lettre de son écriture conseillant à Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ de venir attaquer
l’Egypte où il ne trouverait personne pour lui résister et lui demandant de communiquer
avec lui par le canal des moines, fut remise cachetée à l’Imām al-Ẓāhir qui en ayant pris
connaissance ordonna son exécution. Quand on lui eut coupé le cou, on examina son
corps et on découvrit qu’il n’était pas circoncis. On put ainsi dire que sa conversion à
l’Islam n’avait pas été sincère et on rapprocha l’intérêt des chrétiens et celui des Banū’l-
Ǧarrāḥ, selon une vieille tradition.
67 Al-Musabbiḥī décrit la mort de Muhsin b. Badūs longuement, deux fois, dans des termes
proches mais non identiques, dans les événements à la date où elle s’est produite, puis
dans les obituaires qui terminent l’année 415. Il voit dans cette exécution le résultat d’une
machination, montée sans doute avec l’aide d’un faussaire, par le chérif al- cAǧamī.
Machination inutile car on ne trouva pas d’argent dans le Trésor Public après l’avoir tué.
On passa à la question les servantes de sa maison, mais on ne put mettre la main sur une
hypothétique fortune privée.
***
forte résistance profita de l’arrivée de ces renforts pour proposer un marché aux assiégés.
Il épargnerait la ville si on lui versait une somme de trente mille dinars, partie comptant,
partie à terme. Les habitants de la cité furent tentés d’accepter la proposition. C’est alors
qu’intervint le chérif Abū Yaclā Ḥamza b. al-Ḥasan ibn Abī’l-Ǧinn avec toute l’autorité que
lui donnaient sa fortune et son rang social. Issu d’une grande famille husaynide,
originaire d’Iran et installée à Alep puis à Damas dans la seconde moitié du IVe/Xe siècle,
ce personnage devait devenir cadi de Damas, puis syndic des Alīdes en Egypte. Il avait eu à
Damas une activité édilitaire importante, restaurant des mosquées, des minbar, des
canalisations et installant une vasque avec jet d’eau à Ǧayrūn. Il dépensait chaque année
sept mille dinars en dons de bienfaisance. Quand il fut cadi, il reçut le laqab de Faḫr al-
Dawla et c’est pourquoi la qaysariyya, hôtel-dépôt-entrepôt de vente, qu’il fonda porta le
nom d’al-Faḫriyya12.
71 L’armée fatimide était commandée par le gouverneur, Ḏū’l-Qarnayn ibn al-Ḥamdān. Les
Damascains avaient accepté de combattre mais à condition de ne pas le faire au côté des
soldats du Caire. Un accord avait été conclu entre civils et militaires ; l’armée combattait
un jour sur deux, le peuple de Damas combattait durant la journée suivante. Les Bédouins
d’Ibn al-Bannā avaient reçu des renforts kilabites commandés par Ṣāliḥ b. Mirdās. Ils
avaient ravagé le Marǧ et la Ghouta. Les paysans qui n’avaient pas été tués s’étaient
réfugiés à Damas et participaient à la défense de la ville. Mais l’arrivée du gros contingent
de cavalerie envoyé par Ibn al Ǧarrāḥ avait accru le déséquilibre des forces au détriment
des assiégés. Ceux-ci, harassés, étaient prêts à acheter le départ des Bédouins dont la
tactique, attaques rapides à proximité de la ville suivies de retraites dans la steppe hors
de portée des réguliers fatimides, était particulièrement éprouvante pour les défenseurs.
Mais Ibn Abī’l Ǧinn parla au peuple de Damas et fit ressortir qu’une fois la somme versée
aux Bédouins, rien n’empêcherait ceux-ci de réitérer et leur attaque et leur demande
d’argent. Il conseilla aux citoyens de rassembler les trente mille dinars et de les utiliser
pour payer les soldats et les mauvais garçons de la ville, al-cayyārūn, afin qu’ils combattent
plus efficacement. Comme les soldats réguliers continuaient à se méfier des Damascains
et avaient peur, une fois sortis de la ville pour affronter les tribus arabes, de trouver les
portes de la muraille fermées au cas où ils lâcheraient pied, ce qui les exposerait à une
mort assurée, Ibn Abī’l-Ǧinn réconcilia les deux parties. Damascains et soldats
échangèrent des serments. Pour plus de sécurité, Ibn Abī’l Ǧinn fit démonter et déposer à
la grande mosquée toutes les portes de la ville de Damas. Il mettait ainsi la sauvegarde de
la ville de Damas à l’abri du seul courage de ses défenseurs, civils ou militaires.
72 Dès les premiers combats, si notre interprétation d’al-Musabbiḥī est la bonne, la
supériorité technique des assiégés sur les assaillants s’était manifestée par le nombre
beaucoup plus élevé de victimes chez les Bédouins. Ceux-ci privilégiaient les actions de
razzia et de pillage sur les confrontations armées proprement dites. Le rapport, déjà
signalé plus haut, entre les révoltes des tribus et les difficultés pour celles-ci de
s’approvisionner en grains est à nouveau prouvé par le fait que le pillage porta avant tout
sur les denrées agricoles. Ainsi, Muctamad al-Dawla Yaḥyā b. Zayd, le chérif Abū’l-Ḥusayn
al-Ḥusaynī al-Zaydī, intendant militaire, se vit voler dans ses propriétés foncières des
environs de Damas, min ḍiāci-hi bi-Dimašq, dix mille girāra de blé, dix mille sacs tels qu’en
portaient les chameaux par deux unités. Chaque sac pesant environ deux cents cinquante
raṭl égyptiens, une centaine de kilogrammes, le poids de blé volé avoisinait les mille
tonnes. Chiffre considérable qui nous éclaire sur l’importance de la production agricole
de l’oasis de Damas à cette époque et sur les fortunes que purent se constituer les chérifs
35
husaynides qui acceptèrent de servir le régime fatimide, notamment dans des fonctions
financières comme celle d’intendant militaire13.
73 Sous l’impulsion d’Ibn Abī’l-Ǧinn, les Damascains et les soldats reprirent le combat avec
plus de zèle et les Bédouins qui espéraient un succès facile manquaient d’ardeur. Deux
cents de leurs cavaliers furent tués ; leur chef, Sinān b. al-Bannā fut blessé par une flèche.
La tribu kalbite-adawite qui menait le combat à Damas avait ses campements dans la
région de Palmyre. Tribu de taille et de vitalité réduites, elle avait été l’une des premières
à se rallier à l’État fatimide dès la conquête de la Syrie par Ǧacfar b. Falāḥ. Respectueuse
de l’ordre établi, elle tirait ses ressources de l’accompagnement des caravanes entre
Raḥba et Ḥomṣ ou Damas ainsi que de cultures dans l’oasis de Palmyre. Sous al-Ḥākim,
elle avait combattu à nouveau aux côtés des armées fatimides. La rupture brutale de sa
position traditionnelle de soumission ne pouvait s’expliquer que par une contrainte
brutale, sécheresse prolongée diminuant le rendement des cultures dans les oasis de
l’Anti-Liban et de la steppe, forte montée du cours des céréales, diminution du trafic
caravanier entre Euphrate et Syrie occidentale. C’est pourquoi, les Kalbites cherchèrent à
négocier avec les Damascains dès que la résistance s’organisa face à eux. Ils proposèrent
d’abord aux citadins d’entrer avec eux dans l’alliance contre les Fatimides mais
n’obtinrent pas de réponse. Puis les Damascains leur firent connaître qu’ils acceptaient
d’ouvrir des conversations à condition qu’une trêve préalable soit établie. Une suspension
de combat pour quarante jours fut décidée et le chérif Ibn Abī’l-Ǧinn, accompagné des
Anciens de la ville, vint rencontrer les responsables de la tribū. Des serments furent
échangés et les Bédouins promirent de protéger la ville. Mais Ḥassān al-Ǧarrāḥ, ayant
appris la chose, adressa une lettre courroucée à Sinān b. al-Bannā, lui reprochant d’avoir
abandonné le combat et trahi son serment d’alliance. On apprit au Caire avant la fin de ce
mois de šacbān que Sinān qui avait reçu la promesse d’une nouvelle aide de la part de
Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ avait repris les hostilité contre Damas.
74 Cet épisode est caractéristique de la place originale de Damas dans l’ensemble syrien.
Dans tous ces combats, le gouverneur fatimide, Ibn Ḥamdān, joua un rôle réduit. Le
peuple de Damas en arme, al-cayyārūn, combat ; les notables insufflent à la population le
souffle de la résistance et négocient au nom de la ville et de sa campagne avec les
agresseurs. Ces voyous damascains se battent aussi bien que des soldats réguliers et
mieux que des Bédouins ; il est vrai que ceux-ci venaient d’une tribu qui depuis longtemps
avait perdu sa grande réputation guerrière. Tous les éléments seraient en place pour qu’à
une autonomie de fait fasse place une revendication pour une autonomie de droit. De
situations proches sont nées les républiques urbaines italiennes ou les provinces
autonomes des Flandres.
75 La résistance du peuple de Damas devant Sinān b. al-Bannā fut à l’origine du premier
échec que rencontra l’insurrection des tribus arabes de Syrie. Elle mit à jour une faille
dans l’alliance bédouine et en forçant Ibn al-Ǧarrāḥ à détacher des troupes pour les
envoyer combattre dans la Ghouta, elle permit à l’armée fatimide de Palestine,
commandée par al-Dizbirī, de préparer une contre-offensive.
76 Yaḥyā d’Antioche donne sur les combats de Damas quelques précisions qui ne se trouvent
pas chez al-Musabbiḥī ; le centre des combats était Darayya, les habitants de Damas
avaient restauré les murs de la ville à cette occasion, ce qui prouve que l’historien
chrétien qui résidait alors à Antioche, disposait d’une autre source.
77 Al-Musabbiḥī avait consacré une grande place aux événements de Syrie dans son récit du
mois de šacbān 415. Il n’avait pourtant pas négligé les faits divers qui retenaient son
36
attention, ainsi il décrit en détail les ébats dans le Nil d’un hippopotame, bête qui était
déjà très rare en Egypte à cette époque. Au mois suivant, ramaḍān 415/6 novembre-5
décembre 1024, les nouvelles de Syrie passèrent à nouveau au second plan ; en effet, les
cérémonies officielles auxquelles assistaient l’Imām et les grands dignitaires furent
nombreuses pendant ce mois sacré et il convenait de noter avec soin qui y assistait et en
quel rang, qui en était écarté par la maladie ou par une disgrâce. On constate avec intérêt
que tous les liens n’étaient pas rompus avec les tribus en révolte. La cérémonie solennelle
de l’ouverture du jeûne fut présidée par l’Imām qui se rendit en grand cortège, à la tête de
son armée, à la mosquée de Tibr, à l’extérieur du Caire. Parmi les assistants bien placés, al
Musabbiḥī nota la présence de délégations des tribus des Banū Qurra, des Banū Kilāb, des
Ṭayy et même des Banū’l-Ǧarrāḥ. Quatre jours plus tard, trois fils de Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ
qui se trouvaient au Caire reçurent l’hommage d’une conduite d’honneur solennelle et six
chevaux magnifiquement harnachés. Vers le 25 du mois, une lettre de Ḥassān ibn al-
Ǧarrāḥ arriva au Caire. Celui-ci se proclamait le sujet obéissant et soumis de l’Imām. Afin
d’éviter les difficultés qu’impliquaient le choix d’un gouverneur pour la Syrie et les
dépenses afférentes à l’envoi d’une armée en cette contrée, Ḥassān ibn al-Ǧarrāḥ s’était
chargé de la Palestine. Il y percevait les impôts dont le produit lui permettait de solder ses
hommes. Son cousin, ibn cammi-hi, en fait son parent par alliance, Ṣamṣām al-Dawla Sinān,
avait averti le peuple de Damas qu’il prendrait le même soin de leur province et Ṣāliḥ b.
Mirdās Asad al-Dawla se chargeait de l’administration d’Alep. Ibn al-Ǧarrāḥ se félicitait
d’avoir ainsi déchargé l’Imām de tout le souci d’administrer la Syrie et d’y exercer son
autorité.
78 Malgré le ton très civil de la missive, les fils de Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ n’étaient pas assurés
qu’elle serait bien accueillie, aussi deux jours plus tard, les deux garçons valides
disparurent de la maison qu’on leur avait attribuée à Miṣr. Ils emportaient tous les
cadeaux qu’ils avaient reçus, tous les meubles de la maison, ayant démonté tout ce qui
pouvait se démonter et ne laissant dans les murs dénudés que le troisième fils, malade et
incapable de faire le voyage ; ils rejoignirent leur père, en Palestine.
79 Il n’était plus loiŠible au pouvoir fatimide de continuer à biaiser avec la réalité ; une
absence de réaction de sa part signifiait la perte de toute la Syrie intérieure au profit de
trois principautés arabes sur lesquelles le Caire exercerait un très vague protectorat. Il est
posŠible qu’une telle situation ait été voulue par certains administrateurs de dīwān fidèles
au souvenir de la politique d’administration indirecte longtemps prônée par Ibn Killis. Les
ports fortifiés étaient invulnérables aux attaques bédouines et ils contrôlaient tout le
commerce extérieur de la Syrie, à l’exception de celui qui par la région d’Alep se faisait
avec le territoire byzantin. Des douanes bien administrées protégées par des contingents
d’élite à Tripoli, Sayda et Tyr devaient rapporter gros pour de faibles dépenses.
80 A partir de Badr al-Ǧamālī, l’État fatimide se contenta d’une installation littorale en Syrie
mais en 415/1024 le Caire n’avait pas renoncé à son projet asiatique. Il est significatif
qu’au milieu du mois de ramaḍān 415, la direction du dīwān de Syrie au Caire ait été
retirée à Muḥammad b. Aḥmad al-Ǧarǧarācī qui représentait les intérêts des marchands
iraqiens du souk de Miṣr pour être confiée à Abū Ṭālib al- Ġarābīlī ( ?), administrateur du
dīwān al-barīd, c’est-à-dire chef du service de renseignements, poste occupé en général par
un policier ou par un militaire et non par un financier ou par un commerçant. Une
dizaine de jours plus tard, al-Dizbirī, commandant de l’armée de Palestine qui portait déjà
le laqab de Muntaḫab ou Muntaǧab al-Dawla reçut le titre d’Amīr al-Umarā’ qui équivalait
37
***
86 Le même jour, 9 šawwāl/14 décembre, qui vit l’arrestation de l’envoyé d’Ibn al-Ǧarrāḥ, al-
Musabbiḥī consigne deux autres nouvelles concernant la Syrie. Un navire, faisant partie
d’une escadre arrivant de Tyr, fit naufrage. Chargé du transport rapide de la neige
recueillie sur la haute montagne libanaise, il portait également des paniers chargés de
compte-rendus des événements qui s’étaient déroulés en Syrie. Tout fut perdu. Cela
explique la faible place tenue par la Syrie dans les nouvelles du mois précédent, celui de
Ramaḍān. D’autre part, on apprit ce jour-là qu’al-Dizbirī avait affronté Ibn al-Ǧarrāḥ en
un combat près de la forteresse d’Ascalon. Les cinq mille hommes du général fatimide
manquaient gravement de nourriture malgré les distributions de pain effectuées par
l’armée.
87 Les nouvelles sur la Syrie s’espacent à nouveau et ce n’est que le 24 ḏū’l-qacda 415/27
janvier 1025 qu’il est à nouveau question d’Ibn al-Ǧarrāḥ. Celui-ci aurait envoyé un
détachement en direction de l’Egypte, ce qui provoqua la fuite des habitants d’al-Faramā
qui vinrent se réfugier à Tinnis. La panique gagna à nouveau les quartiers sud et est du
Caire et de Fusṭāṭ ; les habitants qui avaient des biens déménageaient vers le centre-ville.
Les bruits se succédaient et la population épuisée par la famine et l’épidémie manquait de
tout sens critique. Des femmes affirmant avoir vu une grosse bête au Qarāfa, les gens des
cimetières se précipitèrent en ville, dégringolant les uns sur les autres. Les voyant
arriver, on crut à une attaque des soldats-esclaves noirs affamés et tous les fuyards de
culbuter. L’immense population de la capitale, protégée par des dizaines de milliers de
soldats, paraissait beaucoup plus vulnérable à la peur que le peuple de Damas, peu
nombreux mais prêt à affronter militairement les Bédouins. Pourtant, la mentalité
d’assistés d’un pouvoir riche et proche n’avait pas complètement anéanti les capacité de
résistance et de solidarité urbaine des habitants de Fusṭāṭ comme le prouvèrent les
événements du mois de ḏū’l-ḥiǧǧa 415, pendant lequel ils repoussèrent les armes à la
main les soldats-esclaves noirs, qui désiraient piller les quais aux grains et la ville. La
victoire revint aux civils. Le récit montre que la résistance fut le fait des vieux quartiers
de Miṣr regroupant une population sunnite homogène autour de la mosquée de cAmr. Al-
Musabbiḥī signale la présence de lanceurs de naphte parmi les habitants, peut-être
avaient-ils reçu le concours de professionnels militaires qui logeaient à proximité.
88 Ḏū’l-qacda 415/janvier 1025 avait vu l’échec, signalé précédemment, des caravanes de
Maghrébins qui avaient voulu se risquer à faire le pèlerinage. La révolte bédouine tenant
Ayla, la Haute Egypte étant le foyer d’incursions bédouines et de désordres menés par les
soldats qui avaient quitté leurs unités, le Caire était pratiquement coupé de la Mer Rouge
et de la Péninsule Arabique. Le treizième jour de ḏū’l-ḥiǧǧa/15 février est consignée, pour
la première fois après un long silence, une nouvelle de Syrie. Al-Dizbirī, jusque là bloqué
près d’Ascalon, avait pu se dégager et entrainer ses soldats dans une expédition contre un
campement de Ḥassān ibn al-Ǧarrāḥ, bi baldat Filasṭīn, ce qui doit être traduit à notre sens,
« à proximité de Ramla », cette ville étant parfois nommée par le nom du ǧund dont elle
était la capitale. Le Turc avait fait jurer avant l’attaque à ses soldats affamés, de ne pas
commencer le pillage du camp, en cas de victoire, avant de s’être assurés de la défaite
totale de l’ennemi et d’avoir tué les combattants adverses. Effective ment, une fois le
campement occupé, tous les Bédouins en armes furent exécutés ; on tua une trentaine de
chefs à l’aide d’un seul sabre, procédé qui, vu la qualité médiocre des aciers, faisait de
39
cette mise à mort un véritable supplice pour les derniers servis. Les percepteurs, ğahābiḏa,
qui levaient les impôts pour le compte d’Ibn al-Ǧarrāḥ furent également tués, le nombre
de morts s’élevant à plusieurs milliers. Les femmes bédouines furent capturées. Al-Dizbirī
avait célébré la fête du Sacrifice, le 10 ḏū’l-ḥiǧǧa dans la capitale de la Palestine. Il écrivit
au Caire pour réclamer l’envoi de renforts, ne fut-ce que mille cavaliers, en attendant
l’arrivée d’une armée plus importante car il craignait un rassemblement des forces
tribales arabes. Puis, il marcha sur Ludd, où il surprit et tua un fils d’Abū’l-Fūl, le
compagnon d’Ibn al-Ǧarrāḥ. Les habitants lui ayant remis une liste de quarante noms de
délateurs au service du chef Ṭayy, ce fut à nouveau à l’aide d’un seul sabre qu’il les fit
exécuter.
89 Mais le Caire ne mettait aucun empressement à aider le général turc dans sa tâche. La
tente personnelle de l’Imām avait été dressée à l’extérieur de la capitale, signe d’une
expédition armée imminente. Le nom des soldats qui devaient aller combattre en
Palestine avait été désigné. Quelques officiers avaient dressé leurs tentes individuelles à
côté de celle de l’Imām. Mais les prétextes à un retard s’accumulaient et rien ne bougeait.
90 Le 22 ḏū’l-ḥiǧǧa/24 février, les cinq personnages qui constituaient la faction au pouvoir,
l’eunuque Mic ḍad, les chérifs al-cAğamī, Ibn Ḥammād al- Ġarābīlī et le cheikh Abū’l-Qāsim
al-Ǧarǧarā’ī se rendirent au camp qui était installé à l’extérieur de Bāb al-Futūḥ, près du
Muṣallā du Caire, l’oratoire des deux fêtes. Les Kutamites étaient présents ; on leur
demanda de fournir cent cavaliers. Les Anciens de la tribu répondirent qu’ils ne
disposaient pas de chevaux. Ils demandèrent qu’on leur en fournisse et qu’on employât
l’argent qui aurait été nécessaire pour les équiper et pour les armer, à les sortir de la
misère où ils se trouvaient, c’est-à-dire à leur acheter de quoi manger. Les cinq membres
de la faction quittèrent précipitamment la tente de commande ment et regagnèrent
piteusement le Caire. On vint démonter la tente. Al-Musabbiḥī termine ce court récit par
cette remarque : ce fut là une triste journée !
91 Pourtant de meilleures nouvelles arrivaient de Syrie dans les derniers jours du mois. A
Alep, Ṣāliḥ b. Mirdās se heurtait à la résistance des habitants. En Palestine, on apprit tout
d’abord qu’Ibn al-Ǧarrāḥ avait riposté à l’offensive d’al-Dizbirī. Celui-ci avait dû se
réfugier à nouveau à Ascalon. Ibn al-Ǧarrāḥ réoccupant Ramla et Ludd avait tué ceux qui
avaient dénoncé à al-Dizbirī ses agents. Mais al-Dizbirī avait pu faire sa jonction avec les
forces de Fatḥ Mubārak al-Dawla, gouverneur de Jérusalem et de Fattāḥ ibn Buwayh al-
Kutāmī, gouverneur de Tibériade qui s’était réfugié à Acre. Avec l’appui de cinq mille
combattants, ils avaient pu attaquer un campement appartenant aux frères d’Ibn al-
Ǧarrāḥ et y avaient tué un fils de cAlī b. al-ǧarrāḥ. C’est sur cette note d’espoir qu’al-
Musabbiḥī achève le récit des événements de l’année 415, au dernier jour de ḏū’l-ḥiǧǧa/3
mars 1025, alors que le point culminant de la famine et de l’épidémie est atteint au Caire
et à Fusṭāṭ. On ignore s’il écrivit la chronique de l’année 416 puisqu’il devait mourir
quelques années plus tard mais aucun texte de lui dépassant 415 n’a été conservé.
***
92 L’analyse de ce fragment de chronique a été mené à un point de détail plus poussé qu’il
n’est de coutume dans un travail de synthèse. Le récit a été donné, tel qu’il était, sans
aucun recul ni esprit critique. En effet, en l’absence d’archives disponibles, la chronique
d’al-Musabbiḥī, rédigée au jour le jour, doit être considérée comme un document direct,
une consignation des nouvelles sans élaboration et sans autre commentaire que celui
40
96 Après un long silence al-Musabbiḥī mentionne à nouveau les affaires de Syrie du Nord le
12 ḏū’l-ḥiǧǧa 415/14 février 1025. Ce jour-là, arriva au Caire, un courrier à cheval porteur
d’une lettre d’Ibn Ṯucbān, gouverneur d’Alep. Il aurait dû également convoyer dix charges
de pommes provenant de la montagne libanaise mais Ḥassān ibn al-Ǧarrāḥ s’en était
emparé au passage. Quelques jours plus tard, le 27 ḏū’l-ḥiǧǧa/1er mars, on apprit au Caire
que Ṣāliḥ b. Mirdās avait obtenu qu’on lui livrât Alep. Une fois entré en ville, le chef
kilabite avait commencé la démolition des tours et de la muraille. Ce que voyant, les
habitants qui croyaient que cette mesure était destinée à faciliter l’entrée des troupes
byzantines, s’étaient révoltés et avaient combattu au côté des soldats fatimides
commandés dans la citadelle par Mawṣūf. Ils avaient chassé Ṣāliḥ et mis à mort deux cents
cinquante de ses hommes. Puis, ils s’étaient retranchés dans la ville.
97 Enfin, dans l’obituaire, l’annonce de la mort d’al-Ḥasan b. Ṯucbān arrive au Caire le 10
ǧumādā I. Ce récapitulatif démasque une opposition entre deux interprétations de la mort
d’al-Ḥasan b. Ṯucbān, mort naturelle dans l’obituaire, préviŠible puisqu’on avait fait partir
son frère de Tinnis pour aller le remplacer ou mise à mort par Sulaymān b. Ṭawq qui
aurait réussi à prendre la citadelle. Si cela avait été le cas, il serait difficile de comprendre
qu’Abū’l-Ḥāriṯ b. Ṯucbān, arrivant de Tinnis et ne connaissant pas le pays, ait pu
reprendre sans difficulté et la ville et la citadelle d’Alep.
98 Tout le passage relatif à la Syrie du Nord, extrait de l’Ittiāz, de Maqrīzī, est en dissonnance
totale avec l’ensemble des textes venant du manuscrit d’al-Musabbiḥī, ensemble qui par
contre est cohérent sur le plan logique. Maqrīzī, résumant la chronique d’al-Musabbiḥī,
arrivant à une nouvelle annonçant l’arrivée d’Abū’l- Ḥāriṯ ibn Ṯucbān à Alep pour
remplacer son frère décédé, a voulu à cette occasion présenter à ses lecteurs un résumé
des événements en Syrie du Nord. Sans consulter ses notes ou les textes qu’il avait à sa
disposition, il s’est fié à sa mémoire pour reconstituer l’histoire de l’année 415 à Alep et il
s’est trompé. Une telle négligence n’est pas rare chez cet auteur quand il ne traite pas de
l’Egypte.
99 Si l’on suit le texte direct d’al-Musabbiḥī, Ṣāliḥ b. Mirdās, partant pour la Syrie
méridionale, confia ses intérêts à Sulaymān b. Ṭawq, son secrétaire qui résidait à Alep. La
tension s’étant accrue avec les gouverneurs fatimides, Ibn Ṭawq vendit les biens de son
maître et quitta la ville. Ṣāliḥ qui assiégeait Damas avec Sinān b. cUlayyān dut revenir à
Alep afin de mettre immédiatement à exécution son projet de prise de la ville. Dans
l’intervalle, Abū’l-Ḥāriṯ ibn Ṯucbān avait remplacé son frère comme gouverneur de la
ville. En ḏū’l-ḥiǧǧa, Ṣāliḥ se fit ouvrir les portes de la ville, les Fatimides se réfugièrent
dans la citadelle mais les lettres arrivant au Caire annoncèrent que les Alépins, dans la
crainte d’une occupation byzantine, se seraient révoltés contre Ṣāliḥ et l’auraient chassé
de la cité.
***
100 La version donnée par Yaḥyā d’Antioche est plus complète mais pose des problèmes
d’interprétations, la chronologie y est difficilement compatible avec celle d’al-Musabbiḥī.
Le passage n’est pas homogène : il existe des retours en arrière et une interpolation.
101 Yaḥyā d’Antioche mentionne Ṣāliḥ b. Mirdās à propos de l’avène ment d’al-Ẓāhir. Le wali’l-
c
ahd, cAbd al-Raḥīm b. Ilyās fut ramené à Damiette par cAlī b. Dāwūd al-Kutāmī. Puis il fut
transféré au Caire et al-Ẓāhir lui fit enlever ses chaînes et le traita honorablement mais,
42
en fait, il le fit empoisonner grâce à des fruits qui lui furent offerts et on présenta cette
mort comme un suicide. C’est alors que le fils aîné du wali’l-cahd décédé, cAbd al-cAzīz,
aurait pris la fuite en compagnie de son cousin paternel, le fils d’Aḥmad b. Ilyās. Il se
seraient réfugiés chez Ṣāliḥ b. Mirdās pendant une dizaine de mois et ensuite auraient
demandé asile à Basile II qui le leur aurait accordé. Premier motif de mésentente entre les
Kilabites et les Fatimides.
102 Par ailleurs, quand Yaḥyā évoque le pacte qui lia en 415 les trois grandes tribus arabes de
Syrie, il précise que cette alliance réussie aurait été précédée par deux tentatives
avortées, l’une sous le règne d’al-Ḥākim, l’autre au début du règne d’al-Ẓāhir. Ce fut sans
doute la perspicacité de Sitt al-Mulk, la sœur d’al-Ḥākim, très bien informée sur le milieu
bédouin, qui fit échouer ces deux tentatives. Une fois la princesse disparue au début 415,
la chose était plus facile à réaliser. Les trois chefs de tribus auraient informé de leurs
intentions Basile II, lui demandant de leur fournir une aide en hommes et en matériel. Le
souverain byzantin aurait refusé son soutien, istinādi-himcalā mulki-hi, car ils se révoltaient
contre leur suzerain, ḫurūǧ calā man yantamūn ilay-hi.
103 Plus tard dans son récit, Yaḥyā revient en arrière pour donner un des motifs de la haine
de Ḥassān b. al-Mufarriǧ ibn al-Ǧarrāḥ contre al-Ẓāhir. Alors que Sadīd al-Dawla cAlī b.
Aḥmad al- Ḍayf était gouverneur de Palestine sa reconstruction du Dôme du Rocher a été
mentionnée plus haut il aurait échangé avec Ḥassān b. al-Mufarriǧ une correspondance
séditieuse, correspondance qui aurait été communi quée par un tiers à Sitt al-Mulk. Celle-
ci aurait convoqué Sadīd al-Dawla al-Ḍayf et l’aurait fait exécuter. Al-Ẓāhir aurait décidé
alors de faire empoisonner Ḥassān b. al-Mufarriǧ qui, l’ayant su se serait rapproché de
Ṣāliḥ b. Mirdās et aurait donné à Sinān b. cUlayyān al-Kalbī sa sœur comme épouse, alliant
par le sang le sort des deux tribus.
104 Ces petites touches apportées par Yaḥyā dévoilent certains aspects de la conspiration
mais n’expliquent pas les motifs de la colère bédouine.
105 Yaḥyā d’Antioche, contrairement à al-Musabbiḥī, consacre une place beaucoup plus
importante à la geste de Ṣāliḥ b. Mirdās qu’à celle de Sinān b. cUlayyān ou de Ḥassān b. al-
Mufarriǧ et c’est normal. Il n’apporte donc aucun élément nouveau sur les opérations en
Palestine et dans l’oasis de Damas. Il fait commencer les opérations en Syrie du Nord, le
23 raǧab 415/30 septembre 1024 par la prise du bourg de Macrrat Miṣrīn, occupé par
Sulayman b. Ṭawq, le secrétaire de Ṣāliḥ. Le gouverneur fatimide fut tué. Puis Sulayman
marcha sur Alep où il se heurta à Ṯucbān ibn Ṯucbān et Mawṣūf, guerre dure où les morts
furent nombreux de part et d’autre. Ṣāliḥ qui se trouvait en Palestine revint, passant par
le littoral qu’il pilla. Il arriva avec une cavalerie imposante et des chameaux devant Alep,
le 17 ramaḍān 415/22 novembre 1024. Installé devant Bāb al-Ǧinān, il convoqua le cadi et
les auxiliaires de justice, al-cudūl. De même, Ibn al-Ǧarrāḥ avait rassemblé à Ramla, lors de
la prise de cette ville, cadi et témoins de justice, pour les faire assister à sa déclaration
d’intention. En l’absence d’un ra’īs reconnu, ceux qui exerçaient légalement le pouvoir
judiciaire étaient considérés comme les représentants naturels du peuple de la ville dont
en général ils étaient issus. Leur présence était le gage que les engagements pris envers
une population étaient consignés dans leurs mémoires et avaient désormais force de loi
politique.
106 Ṣāliḥ b. Mirdās n’ayant pas obtenu que la ville lui fût livrée dut combattre pendant une
cinquantaine de jours. Une brouille intervint entre Mawsūf, le gouverneur de la citadelle,
et Abū’l-Muraǧǧā Salīm b. Mustafād al-Ḥamdānī, le chef des ġulām hamdanides ralliés aux
43
Fatimides. Ce dernier, ayant appris que Mawṣūf méditait de le tuer, rassembla ses
compagnons et sortant par la porte de Qinnasrīn, il rejoignit Ṣāliḥ auquel il demanda l’
amān au nom de la population d’Alep. Ṣāliḥ put grâce à lui entrer dans la ville, le samedi
13 ḏū’l-qa cda 415/16 janvier 1025. Ibn Ṭucbān se réfugia dans la maison fortifiée qu’avait
fait construire Fātik à proximité immédiate de la citadelle. Ṣāliḥ demanda à la population
d’Alep de l’aider à combattre les Maghrébins mais il ne rencontra pas beaucoup
d’enthousiasme. Il s’agissait d’une guerre de siège, rude et savante. Les deux partis
utilisaient mangonneaux, manāğīq, et balistes, ġarrādāt. Une sape fut creusée sous la
maison forte d’Ibn Ṯucbān. Le feu fut mis à la sape et un mur ainsi qu’une tour
s’effondrèrent. Ṣāliḥ pénétra dans cette maison le 10 muḥarram 416/13 mars 1025 et
appella la population à venir la piller. Les Fatimides retranchés sur la citadelle virent les
pillards ; à l’aide de balistes ils les tuèrent, puis il descendirent dans le quartier d’al-Sind,
au pied de la citadelle et pillèrent à leur tour les maisons environnantes.
107 Le siège de la citadelle se poursuivit ; une sape fut pratiquée dans la colline artificielle qui
en constitue la base. Un long tunnel fut creusé avec une précision suffisante pour couper
le puits d’alimentation en eau, au-dessus du niveau de celle-ci. Les cordes qui servaient à
monter les seaux furent arrachées ; des charognes, des fragments de roches et des objets
variés furent lancés au fond du puits.
108 Ṣāliḥ b. Mirdas se désespérait de venir à bout de la résistance de la forteresse. Il demanda
l’aide de Constantin Dalassène, Duc d’Antioche, qui lui envoya trois cents soldats
byzantins. Un secteur d’attaque de la citadelle leur fut confié. Mais quand le Duc
d’Antioche mit au courant Basile II de la participation de soldats de l’Empire à ce siège,
Basile, furieux, lui intima l’ordre de les ramener à Antioche, ce qui fut fait. Apprenant
cela, les assiégés dressèrent des croix sur les murs de la citadelle, la nuit, ils y mettaient le
feu, espérant qu’elles seraient aperçues du territoire byzantin. Ils poussaient de grands
cris, proclamant Basile, victorieux, al-Manṣūr et maudissant l’Imām al-Ẓāhir. En’ effet,
aucun secours ne venait du Caire. Le troisième jour, un vendredi, le 12 rabī c II 416/12 juin
1025, les Alépins musulmans, très hostiles à une occupation grecque, brandirent leurs
Corans et défilèrent dans les souks au sortir de la prière à la grande mosquée. L’hostilité
contre les Fatimides avait été manifeste dans les premiers mois de l’année 415 ; elle était
surtout tournée contre les deux gouverneurs qui se livraient à des exactions et des
malversations au détriment des citadins. Mais, incapables de se gouverner ou de se
défendre eux-mêmes, les Alépins préféraient encore un pouvoir fatimide lointain à un
prince bédouin ou à un gouverneur byzantin. Leur situation pouvait se comparer à celle
de Damas, l’année précédente, quand les habitants avaient dû choisir entre Kalbites et
Fatimides. Mais, l’élite d’Alep ne comprenait pas de personnalités civile de la trempe
d’Ibn Abī’l-Ǧinn et les aḥdāṯ d’Alep n’avaient pas reçu la formation et l’équipement
militaire de ceux de Damas, capables d’assurer, seuls, la défense de la ville. Par ailleurs,
Ṣāliḥ b. Mirdās était un grand chef de guerre à la tête de troupes nombreuses et aguerries
et ayant en l’esprit un projet politique clair.
109 L’opposition des Alépins aux soldats fatimides assiégés dans la citadelle n’engendrait
aucune hostilité profonde. Ainsi, un officier subalterne noir, zimām, qui exerçait un
commandement dans les troupes berbères Maṣāmida, descendit prendre un bain à Alep.
Quand il voulut rentrer à la citadelle, il trouva porte close. Ayant découvert une brèche, il
l’escalada et demeura là toute la journée ; le soir, ses compagnons Maṣāmida lui
descendirent une échelle et il put accéder à la citadelle dévoilant à tous un chemin
d’escalade aisé. Les assiégeants s’y précipitèrent. Mawṣūf, le gouverneur de la citadelle,
44
voyant la situation compromise, se pencha à une fenêtre et lança les clefs de la grande
porte. Les Kilabites et les Alépins firent ainsi leur entrée dans la citadelle le mercredi 1 er
ǧumādā I 416/30 juin 1025, commandés par Ibn Ṭawq et Ibn Mustafād, l’un représentant
Ṣāliḥ b. Mirdās absent, l’autre en tant que chef des ġulām hamdanides, c’est-à-dire d’une
aristocratie militaire alépine d’adoption.
110 Mawṣûf, le gouverneur fatimide de la citadelle, Ṯucbān ibn Ṯucbān l’ancien gouverneur de
Tinnis qui avait pu exercer peu de temps son gouvernement d’Alep, le cadi Abū’1-Faḍl ibn
Abī UŠāma qui avait été nommé à Alep par les Fatimides, un dācī fatimide, Abū ou Ibn
Hilāl, furent emprisonnés. On laissa aux soldats maghrébins leur liberté et ils partirent
vers le sud, rejoindre leurs lignes. Ils emmenaient avec eux leurs familles. Ils furent
attaqués près de Kafar Ṯāb et dépouillés du peu de biens qu’on leur avait laissé emporter.
111 Ṣāliḥ b. Mirdās revint de Syrie méridionale le 8 šacbān/4 octobre. Il fit comparaître les
prisonniers, libéra contre rançon Ṯucbān ibn Ṯucbān, libéra également le dācī Abū Hilāl, fit
trancher la tête à Mawṣūf, après avoir eu avec lui un entretien particulier où il tenta sans
doute de le rallier à sa cause. Quant au cadi d’Alep Ibn Abī UŠāma, Yaḥyā dit seulement
qu’il le mit à mort. Ibn al-cAdīm, plus précis, écrit qu’il fut emmuré vivant dans une
cellule de la forteresse et rapporte que lorsqu’al-Malik al-cAzīz al-Muẓaffar ibn al- Ġazī
construisit au VIIe/XIIIe siècle, une grande demeure sur la citadelle, on découvrit, en
creusant les fondations, une cellule avec un squelette aux jambes chargées de fer, en
position assise et que la porte de la cellule avait été murée. Pour Ibn al- cAdīm, il s’agissait
des restes mortels du cadi d’Alep15.
112 Yaḥyā d’Antioche termine ce passage consacré à la prise de pouvoir des Kilabites en Syrie
du Nord, par une énumération des villes détenues par Ṣāliḥ b. Mirdās avant la révolte de
415, Raḥba, Manbiǧ, Raqqa, Bālis et Rafāniyya ; après la révolte s’y ajoutent Alep, Ḥomṣ,
Baala bakk, Ḥiṣn Ibn cAkkār près de Tripoli et Sayda.
113 Le texte d’Ibn al-cAdīm est un résumé de celui de Yaḥyā d’Antioche, agrémenté de
quelques précisions topographiques, situation de la maison et du bain que s’était fait
construire Salim b. Mustafād, détails sur l’escalade de la citadelle, enrichi également sur
la partie du récit qui concerne l’opération de séduction lancée par les Alépins à l’égard
des Maghrébins défendant la citadelle afin de les amener à se rendre, en leur promettant
des biens de valeur qu’ils étalaient à leur vue. La défaite de Mawṣūf s’explique à travers le
texte d’Ibn al-cAdīm par une fraternisation excessive entre la garnison et la population16.
114 La difficulté demeure pour qui veut trouver la concordance entre les événements
rapportés dans ces deux textes pour l’année 415 et ceux rapportés par al-Musabbiḥī. La
mention d’une révolte des Alépins contre Ṣāliḥ après l’occupation de la ville, à la fin de
l’année 415, parce que les destructions des remparts risquaient de faciliter une entrée des
Byzantins, ne se trouve pas dans les deux sources de Syrie du Nord, pas plus qu’une
révolte des Alépins qui auraient chassé Ṣāliḥ de leur ville. Invention des défenseurs de la
citadelle pour cacher au Caire leur défaite en ville ? Aucune solution rationnelle du
problème posé par cette contradiction ne nous est apparue !
115 En cette année 416, s’achève la première phase de la révolte arabe de Syrie. Sinān b. c
Ulayyān al-Bannā al-Kalbī a échoué à Damas, repoussé par la garnison fatimide mais
surtout par le peuple de la ville en armes. Des destructions sévères ont eu lieu dans
l’oasis : la ville de Darayya a été particulièrement touchée, mais la ville de Damas dont la
population avait restauré les murailles a résisté. Depuis la chute de la dynastie omayyade,
Damas savait ne pouvoir compter que sur les siens pour se défendre.
45
116 La situation d’Alep était différente. Depuis l’installation de Sayf al-Dawla en 333/944
jusqu’au départ forcé de Manṣūr b. Lu’lu’ en 406/1016, un prince ayant autorité sur la
Syrie du Nord avait eu cette ville comme résidence et comme capitale et cela d’une
manière presque continue. A partir de 406/1016, Alep ne fut plus que le chef-lieu d’une
province de l’Empire fatimide, comme Damas, mais cAzīz al-Dawla Fātik se sentit vocation
pour restaurer à son profit la principauté défunte. Le gouvernement bicéphale qu’on lui
substitua ne fut pas une solution durable, trois ans plus tard, il avait disparu.
117 Les souverains successifs d’Alep avaient eu à se défendre tout à la fois contre des
compétiteurs locaux, notamment les tribus kilabites avec lesquelles Sayf al-Dawla avait
déjà dû négocier lors de son arrivée en Syrie, et avec de puissants envahisseurs, au nord
les Byzantins, au sud les Fatimides. Ils avaient recruté les meilleurs cavaliers de l’époque,
ces ġulām turcs que l’on continua à appeler hamdanides après la disparition de la
dynastie. Ils résidèrent à Alep et y construisirent de somptueuses demeures alors qu’à
Damas, aussi bien à l’époque ikhchidide qu’à l’époque fatimide, le gouverneur de la cité,
entouré de ses ġulām, campait aux environs de la ville ou occupait un village proche. Le
personnel se renouvelait suffisamment rapidement pour qu’aucun lien profond ne
s’établisse avec la population.
118 Les ġulām qui étaient demeurés à Alep après la fuite de Manṣūr b. Lu’lu’ avaient conservé
en leur cœur une nostalgie de l’État de Syrie du Nord. Ils jouaient dans la ville le rôle
d’une aristocratie militaire, devenue légitime et indigène avec le temps. Trace viŠible de
la principauté disparue, ces ġulām constituaient un recours pour la population à la
recherche d’une ligne d’action politique ou d’une protection militaire. A un niveau plus
humble, le cadi, quand le choix politique qui avait présidé à sa nomination ne l’avait pas
trop marqué, mais surtout les auxiliaires de justice, recrutés parmi les Alépins et vivant
au milieu d’eux, pouvaient témoigner des sentiments de la population et agir
efficacement auprès d’un pouvoir militaire pour éviter qu’elle soit maltraitée.
119 L’importance numérique des minorités chrétiennes et juives constituait un autre élément
d’originalité, surtout aux marges du territoire byzantin. Parmi les musulmans, le chiisme
imamite prédominait largement. Or, les princes hamdanides comme les tribus arabes
kilabites étaient également de sympathies imamites, même si les idées carmates avaient
eu, elles aussi, leur influence. C’est pourquoi, aucun sentiment de loyauté à l’égard du
califat abbasside n’existait chez les musulmans d’Alep malgré la présence des Buyides à
Bagdad et aucune opposition fondamentale n’existait face aux Hamdanides ou face à Ṣāliḥ
b. Mirdās ou même face aux Fatimides.
120 Malgré l’absence d’études sur les itinéraires du hadith, on pourrait suivre une voie
préférentielle, empruntée par les adeptes du littéralisme, de sympathie hanbalite ou de
sympathie chaféite, qui irait de Bagdad à Miṣr par Raḥba, Damas, puis soit Tyr et Tinnis,
soit Naplouse, Jérusalem et Ramla. La voie des adeptes d’une tradition plus proche du
chiisme et recourant plus aisément à une explication symbolique ou eschatologique des
textes aurait quitté les quartiers chiites de Bagdad pour Mawsil, la vallée de l’Euphrate,
Bālis, Alep, Macarrat al-Nucmān et Tripoli. La Syrie méridionale et l’Egypte du Delta et de
Miṣr auraient donc fait partie d’une même région de pensée, différente de la Syrie du
Nord et de la Ǧazīra. En d’autres domaines également, une spécificité culturelle de la
Syrie du Nord, née des liens privilégiés avec la Ǧazīra, les marges byzantines et
arméniennes était évidente à cette époque.
46
121 La réussite de la révolte kilabite s’explique, outre par la situation de la Syrie du Nord et
son éloignement de la capitale fatimide, par le comportement de Ṣāliḥ b. Mirdās et de ses
troupes. La mère de ce prince avait résidé à Alep où il possédait des biens. A l’époque de
Manṣūr b. Lu’lu’, les notables alépins avaient négocié avec lui et avaient appris à
connaître son courage physique, sa dignité dans le malheur et son sens politique affiné.
Comme cela a déjà été signalé plus haut, son action n’était pas mue par un désir de pillage
ou la volonté d’assouvir une haine contre les cités, sentiment qui animait les Banū’l-
Ǧarrāḥ. Il avait repris à son compte un projet ancien de sa tribu sur la Syrie du Nord. Au
IVe/Xe siècle, les Banū Kilāb, grâce à une richesse démographique et à une réussite
militaire constantes, s’étaient imposés aux autres tribus Qaysites, Qušayr, cUqayl,
Numayr, Hilāl, Sulaym et Tamīm qui avaient leurs parcours en ces lieux, soit autour
d’Alep et de Qinnasrin, soit sur les plateaux calcaires, soit dans la steppe entre Hama et
l’Euphrate et au nord de celui-ci.
122 La tribu des Banū Kilāb était apparue aux yeux des sédentaires de la région comme une
force d’ordre capable de maîtriser les petites tribus de pillards. Des luttes avaient certes
opposé les diverses factions kilabites. Bakǧūr avait eu, en même temps, des Banū Kilāb
comme alliés et comme adversaires ; les textes conservés ne permettent pas de
reconstituer le détail de ces luttes intestines. Deux traits, pourtant caractérisaient les
Banū Kilāb : ils possédaient une cavalerie lourde et ils avaient obtenu des iqṭā c,
concessions territoriales sur lesquelles ils étaient en droit d’exercer des prélèvements
fiscaux. Pour entretenir un effectif suffisant de chevaux capables de charger en portant
cavalier cuirassé et caparaçon, ils devaient disposer dans leurs iqṭāc de prairies, peut-être
sur les bords de l’Oronte, et de villages céréaliers sur lesquels ils pouvaient faire des
prélèvements de grains. Quoique par leur genre de vie personnel ils habitaient dans de
vastes campements, ḥilla ils aient été proches des Ṭayy ou des Banū Kalb, les rapports
qu’ils entretenaient avec les sédentaires n’étaient plus ceux de prédateurs à razziés mais
de protecteurs à obligés et pouvaient s’assimiler à ceux qui auraient lié une aristocratie
militaire à ses administrés. Dès lors, l’installation à Alep d’un pouvoir kilabite ne
représentait pas pour la paysannerie de la région une révolution modifiant radicalement
la nature des prélèvements auxquels elle était soumise ; quant aux citadins, la citadelle
continuait à abriter ces cavaliers lourdement armés, capables d’affronter une invasion
byzantine et de maintenir ouvertes les voies commerciales.
même la dispersion de la faction qui avait pris le pouvoir au Caire en 415 dut intervenir
en cette même année 416 dans des conditions qui demeurent ignorées. Les sources
mentionnent le remplacement de l’émir Šams al-Mulk Abū’l-Fatḥ al-Mascūd b. Ṭāhir al-
Wazzān en poste depuis muḥarram 414/mars-avril 1023, par un fonctionnaire financier, c
Amīd al-Dawla Abū Muḥammad al-Ḥasan b. Ṣāliḥ al-Ruḏpārī, à la direction générale des
dīwān. Personnage obscur, il n’apparaît jamais dans la Chronique d’al-Musabbiḥī ; Ibn al-
Sayrafī, en général bien renseigné, le confond avec son père, Abū’l-Fadā’il Ṣāliḥ b. Alī qui
avait été intendant militaire de Manǧū Takīn en Syrie du Nord. La famille al-Rūḏpārī,
d’origine persane, fournit des hauts fonctionnaires civils et militaires à l’Egypte dès
l’époque ikhchidide et continua à servir l’État sous les Fatimides. Plusieurs de ses
membres furent auteurs de chroniques historiques.
125 Le Cheikh Naǧīb al-Dawla Abū’l-Qāsim cAlī b. Aḥmad al- Ǧarğarācī qui secondait déjà Šams
al-Mulk et qui avait été le cerveau de la faction en 415, avait sans doute été à l’origine de
cette nomination, ne désirant pas se mettre trop en avant en des temps aussi dangereux.
Quand les choses se furent calmées en rabīc I 418/avril-mai 1027, il se fit attribuer la
haute main sur les dīwān financiers et on restaura pour l’occasion le titre de vizir qu’al-
Ḥākim avait proscrit et remplacé par les deux titres conférant les charges de wisāṭa et de
sifāra. Le Cheikh Nağīb al-Dawla devint ainsi al-wazīr al-aǧall al-awḥad Ṣafiyy Amīr al-
Mu’minīn. Il n’avait laissé le devant de la scène pendant trois ans à un comparse, al-
Rūḏpārī, que pour préparer une plus brillante entrée. Jusqu’à sa mort en ramaḍān 436/
mars 1045, il dirigea la politique générale de l’État fatimide dont il fut le dernier très
grand vizir civil.
126 Né dans un village de la campagne iraqienne, al-Ǧarǧarācī était venu avec son frère Abū
Abd Allāh Muḥammad chercher fortune en Egypte. Iraqien d’origine comme son
prédécesseur illustre Ibn Killis, les postes qu’il avait occupés dans le Delta et en Haute
Egypte lui avaient également appris à connaître parfaitement la campagne égyptienne et
les circuits qui permettaient l’approvisionnement de Fusṭāṭ et du Caire, et comme lui
également, il maniait aisément les documents financiers. Il défendait les intérêts de Sitt
al-Mulk dont il administrait les iqṭāc. Sa fidélité à celle-ci lui valut d’aller en prison sous le
règne d’al-Ḥākim puis d’avoir les deux mains tranchées. Mais comme Ibn Killis sa
compétence était telle que l’on ne pouvait se passer de lui. Il sut attendre son heure avec
prudence et arriva ainsi vivant jusqu’à cette année 418 qui devait lui voir accorder les
plus grands pouvoirs sur l’Empire.
127 Al-Ǧarǧarācī manifesta à l’égard du gouverneur turc de Palestine, Anūš Takīn al-Dizbirī, la
même méfiance qu’Ibn Killis avait manifestée en son temps à l’égard d’un autre chef de
guerre turc qui avait acquis ses titres de gloire en Syrie, Alp Takīn. L’idée force des dīwān
du Caire éviter qu’un général victorieux ne se constituât une principauté autonome en
Syrie fut de nouveau à l’ordre du jour avec al-Ǧarǧarācī. Il valait mieux avoir à faire à
plusieurs principautés arabes de taille et de force réduites plutôt qu’à une grande armée
et à un chef puissant. Pourtant, les désordres constants suscités en Palestine par la
présence des Banū’l-Ǧarrāḥ portaient atteinte au potentiel économique d’une province au
sol riche et aux productions complémentaires de celle de l’Egypte. De plus, le peuple de
Damas avait montré qu’il était capable d’assumer une grande part de sa défense et dans le
cas où l’armée fatimide renoncerait à pourchasser les bédouins, le danger existerait de
voir la ville chercher soit un autre protecteur soit d’autres alliances. C’est pourquoi,
jusqu’à la mort d’Anūš Takīn en 433/1042, la politique du Caire fluctua entre une
répression de toutes les tentatives d’autonomie des tribus arabes et un encouragement
48
discret à ces mêmes tribus à se dresser contre le pouvoir trop absolu du proconsul
fatimide Anūš Takīn.
***
128 Deux textes apportent les principaux éléments pour suivre le déroulement de l’action
politique et militaire d’al-Dizbirī face aux tribus arabes de Syrie, celui de Yaḥyā
d’Antioche, particulièrement bien renseigné sur les bédouins, celui d’Ibn al-Qalānisī, dont
l’étrange attirance pour les figures de chefs de guerre turcs est connue et qui a conservé
sur la carrière d’Anūš Takīn des détails qui ne se trouvent nulle part ailleurs. Ibn al-
Qalānisī devait disposer d’une biographie du gouverneur turc rédigée par un
contemporain. Il est vrai que la vie d’Anūš Takīn fut une suite de bonnes et de mauvaises
fortunes comme seul un romancier pourrait l’imaginer.
129 Ayant reçu le gouvernement de la Palestine, à la fin de l’année 413, al-Dizbirī gagna sa
province le 3 muḥarram 414/17 mars 1024. L’année suivante éclatait la révolte de Ḥassān
b. al-Mufarriǧ ibn al-Ǧarrāḥ. Ses succès, même s’ils n’étaient que partiels vu l’insuffisance
des renforts reçus d’Egypte, avaient suscité des jalousies au Caire et on le calomnia auprès
d’al-Ẓāhir. Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ, au courant de ce qui se tramait à la cour, monta une
machination contre lui pour l’amener à quitter la Palestine. Al-Ḥasan b. Ṣāliḥ al-Rūḏpārī,
le responsable de l’administration centrale reçut une correspondance l’informant de
vilenies qu’aurait commises le gouverneur de Palestine. Pour éviter une rébellion et avec
l’accord d’al-Ẓāhir, il fut discrètement arrêté à Ascalon en 417/1026-27. Il avait pris ce
port fortifié comme capitale, ne pouvant utiliser Ramla. Un personnage de la cour portant
le laqab de Sacīd al-Sucadā intervint en sa faveur et il fut autorisé à se présenter devant al-
Ẓāhir. Anūš Takīn retrouva sa situation antérieure mais demeura au Caire. Grâce aux iqṭā c
dont il avait conservé le revenu, il jouissait d’une bonne aisance ; son écurie était garnie
de nombreux chevaux et ses ġulām l’entouraient. Des messagers qu’il envoyait
fréquemment en Syrie le tenaient au courant de la situation dans cette province et
notamment des affaires bédouines dont il était devenu un expert.
130 Quand le vizirat fut confié à Alī b. Aḥmad al-Ǧarǧarācī, le désordre était tel en Palestine
qu’il fallait agir : Ibn al-Ǧarrāḥ, depuis qu’il avait été débarrassé d’al-Dizbirī,
réquisitionnait les propriétés privées. cAlī b. Aḥmad, décidé à remettre les choses en
ordre dans tout l’empire, n’eut d’autres recours que de faire appel à Anūš Takīn al-Dizbirī.
Comme le vizir lui demandait ce dont il avait besoin pour partir pour la Syrie, le Turc lui
fit cette réponse, demeurée célèbre : « Ma jument, al-barḏaciyya, et une tente sous laquelle
me tenir à l’ombre ! ».
131 On lui restitua sa cavale qui lui avait été confisquée mais il eut beaucoup plus, un laqab, al-
amīr al-muẓaffar muntağab al-dawla, un vêtement d’honneur, cinq mille dinars, sept mille
cavaliers et fantassins, plus des auxiliaires venant des tribus arabes fidèles et un
administrateur financier, Ṣadāqa b. Yūsuf al-Falāḥī, Abū Manṣūr ou Abū Naṣr al-Yahūdī,
un juif d’origine alépine qui avait été contrôleur financier du dīwān des Kutamites 17. Il
quitta le Caire en ḏū’l-qacda 419/novembre décembre 1028 et fut salué à son départ par
l’Imām al-Ẓāhir, en personne ; on reprenait ainsi l’ancienne tradition remontant à al- c
Azīz.
132 Un fait survenu au début de cette année 419 allait faciliter son action en Syrie. En ǧumādā
Il/juillet, le chef kalbite, Sinân b. Ulayyān al-Bannā était mort. Il semble qu’il avait
abandonné toute visée sur Damas dès le début de 416. Son neveu, Rāfic b. Abī’l-Layl b. c
49
Ulayyān s’était rendu au Caire auprès d’al-Ẓāhir afin de se faire reconnaître officiellement
comme chef des Banū Kalb de Syrie. Il reçut un bon accueil et son titre lui fut accordé ; les
iqṭāc qui avaient été autrefois concédés à son oncle lui furent confirmés. En contrepartie,
il accepta de participer à une coalition militaire dirigée contre Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ. En
effet, l’alliance qu’avait contractée Sinān avec les Ṭayy en épousant la soeur d’Ibn al-
Ǧarrāḥ était caduque, le nouvel émir de la tribu kalbite ne descendant pas de cette femme
18
.
***
133 Anūš Takīn al-Dizbirī fêta la fête du Sacrifice à Ramla, à la fin décembre 1028. Puis il partit
pour Jérusalem où les armées fatimides de Syrie et d’Egypte se rassemblèrent avec leurs
alliés de Kalb et d’autres petites tribus. Ḥassān b. al-Mufarriǧ qui craignait Anūš Takīn par
dessus tout avait fait appel à son allié, Ṣāliḥ b. Mirdās qui vint avec ses fils et ses
contribules défendre les autonomies arabes en Syrie. La bataille eut lieu à al-Uqḥuwāna,
localité située sur la rive est du Lac de Tibériade, à proximité immédiate de la sortie du
Jourdain, au pied du col de Fīq19.
134 La déroute des tribus fut totale : « Le sabre les frappa réglant leur sort ! »
135 Ḥassān ibn al-Ǧarrāḥ et les siens s’enfuirent vers leurs quartiers d’al-Ǧibāl dès qu’ils
comprirent que l’issue du combat était acquise. Une fois de plus, l’irrésistible instinct de
conservation des Ṭayy les avait sauvés d’une catastrophe qu’ils avaient eux-mêmes
provoquée. Ṣāliḥ b. Mirdàs combattit jusqu’à la fin, puis abandonné de tous, il s’éloigna au
pas épuisé de son magnifique cheval. Ibn al-Qalānisī tient à nouveau son thème favori.
Ṣāliḥ s’arrêta un instant pour laisser souffler sa monture ; il avait retiré son casque. Un
bédouin des Banū Fazāra, nombreux dans le Hauran et sur le Jourdain, remarqua la
beauté de l’animal et assomma son maître qui tomba, en poussant un cri. Le bédouin
s’enfuit avec le cheval. Un autre bédouin passa ; ils étaient nombreux à rôder autour du
champ de bataille. Reconnaissant Ṣāliḥ, il lui trancha la tête, et tout heureux, il se dirigea
en dansant et en brandissant la tête vers le lieu où se trouvaient les chefs vainqueurs.
Survint l’émir des Banū Kalb, cIzz al-Dawla Rāfic qui d’autorité, s’empara de la tête et
l’emporta à al-Dizbirī. A cette vue, Anūš Takīn sauta à bas de son cheval et baisa le sol
pour remercier Dieu. Puis, remonté sur sa monture, il prit la tête sur ses genoux. Il fit don
à Ṭurayf qui avait assommé Ṣāliḥ de mille dinars ainsi que de la monture et de la cotte de
maille de sa victime ; al-Zubaydī qui avait reconnu Ṣāliḥ et lui avait tranché le cou reçut
également mille dinars ; quant à Rāfic ibn Abī’l-Layl qui n’avait rien fait d’utile, il en reçut
cinq mille, ce qui n’était que justice car le nombre de ses protégés excédait de beaucoup
celui des deux bédouins du rang. Al-Dizbirī se réserva les ġulām turcs du Prince d’Alep. Il
fit clouer sur la porte de Sayda le corps de Ṣāliḥ qui, un temps, avait compté la ville dans
ses possessions., Quant à la tête de Ṣāliḥ, elle fut expédiée au Caire et le laqab d’al-Dizbirī
s’allongea : al-Amīr al-Muẓaffar Sayf al-lmām wa cUddat al-Ḫilāfa Muṣṭafā al-Mulk Muntağab al-
Dawla. Les chroniques présentent des récits variés de cette bataille et de la mort de Ṣāliḥ.
Celui d’Ibn al-Qalānisī n’est pas le plus vraisemblable mais le plus révélateur de l’image de
la société militaire que l’historien damascain se chargeait de diffuser au milieu du VIe/XIIe
siècle. Des divergences existent également sur la date de la bataille, soit le 25 rabī c II
420/13 mai 1029, soit le 8 ǧumādā I/25 mai.
136 Sibṭ ibn Sibṭ al-Ǧawzī a conservé l’essentiel du texte d’une lettre destinée à l’Imām al-
Ẓāhir dans laquelle al-Dizbirī dénonçait les méfaits de Ḥassān b. al-Mufarriǧ b. al-Ǧarrāḥ
50
et de Ṣāliḥ b. Mirdās20. Il faisait ressortir combien ces deux hommes avaient été indignes
des bienfaits qu’avait consentis à leur égard la dynastie fatimide. La conclusion implicite
de la missive était qu’il fallait battre le fer quand il était chaud et en finir avec la
puissance militaire des deux tribus arabes. Mais, il ne semble pas que le Caire ait jugé bon
de pousser les choses plus loin et de profiter de cette victoire pour écraser définitivement
des contre pouvoirs locaux qui pouvaient équilibrer la puissance d’un gouverneur
fatimide, trop sûr de lui. La Syrie centrale et la Palestine utile étaient dégagées et cela
suffisait.
137 Ṣāliḥ b. Mirdās et son fils cadet avaient été tués le même jour. Pourtant, Alep demeura au
pouvoir des Banū Kilāb et de la famille mirdasside. Deux des fils de Ṣāliḥ, Mu cizz al-Dawla
Abū cUlwān Ṯimāl dans la citadelle d’Alep, Šibl al-Dawla Abū Kāmil Naṣr dans la cité
d’Alep, se partagèrent sa succession.
138 Le catépan byzantin, Michel Spondyles, duc d’Antioche, voulut profiter de la déroute de
Ṣāliḥ, de la mort ou de la capture des meilleurs troupes mirdassides et de l’inexpérience
des deux frères, pour agir contre la principauté. Sans en informer le Basileus, il prépara
une expédition et entra à la tête de ses troupes sur le territoire musulman. Les deux
princes d’Alep tentèrent une dernière fois de se le concilier mais ils durent l’affronter à
Qaybar, près de Ǧisr cAfrin. Le Byzantin attaquait cette place forte quand la bataille
s’engagea le 29 ǧumādā II 420/15 juillet 1029. Les deux frères furent vainqueurs au terme
d’un combat très sanglant. Le Basileus démit l’eunuque Michel de son commandement.
139 Après la mort de Ṣāliḥ, les Mirdasides avaient évacué Ḥiṣn cAkkar, Baalabakk, Sayda,
Ḥomṣ et Rafaniyya pour concentrer leur pouvoir sur l’ancien ǧund de Qinnasrin et la
vallée de l’Euphrate. Mais leur réaction face à l’attaque byzantine, la rapidité de la
reconstitution de l’armée, tout montrait que la principauté créée par Ṣāliḥ était viable. Le
récit d’incidents religieux survenus dans la région de Macarrat al-Nucmān sous le règne de
Ṣāliḥ b. Mirdās fait apparaître combien rapidement le pouvoir de ce chef bédouin avait
été reconnu et accepté par ses sujets.
des autres cadis de la principauté, Abū YaclācAbd al-Muncim b. Abd al-Karīm b. Sinān al-
Qāḍī al-Aswad, et le cheikh Abū’l-Ḥasan al-Muhaḏḏab b. cAlī b. al-Muhaḏḏab, le chef d’une
famille de lettrés d’al-Macarra, très connu dans la région, étaient dispensés de cette
obligation très humiliante face à un tributaire. Le vizir avait en vain tenté de les y
soumettre22.
142 En 417, il advint que les habitants de Ḥās, village situé à l’ouest de Macarrat al-Numān
tuèrent le beau-père de Tāḏrus. L’emploi par Ibn al-cAdīm d’un collectif, ahl Ḥās, le peuple
de Ḥās, pour désigner le coupable du meurtre fait penser à une action solidaire contre un
percepteur ou peut-être contre un prêtre de village puisque cet homme portait le surnom
d’al- Ḫūrī. Il était originaire d’un village proche, Tell Mannas. Les villageois justifiaient
leur action par les torts que cet homme leur avait causés.
143 Quand il apprit ce qui était advenu de son beau-père, le vizir Tāḏrus partit le venger à la
tête de l’armée d’Alep. La population de Ḥās avait fui vers les plateaux déserts et les
hameaux éparpillés. Certains habitants s’étaient réfugiés à Apamée. Tāḏrus obtint du
gouverneur de la ville qu’il les livrât. Il écrivit alors à Ṣāliḥ qui se trouvait à Sayda, lui
demandant l’autorisation d’exécuter les prisonniers. Dès que l’autorisa tion lui parvint, il
les cloua au gibet.
144 L’exécution eut peut-être lieu à Macarra. Quand on descendit les corps pour les laver et
les ensevelir une grande foule de musulmans était présente et pria pour eux. Tāḏrus sut
que le bruit circulait à Macarrat al-Nucmān que l’on avait vu des anges voleter autour des
suppliciés. Dès lors, sa haine se tourna contre les musulmans de cette ville. Un nouvel
incident vint accroître la tension. Une femme musulmane surgit dans la grande mosquée
de la ville, pendant la prière du vendredi et elle cria que le maître du cabaret-bordel local
(ṣāḥib al-māḫūr), ce ne pouvait être qu’un chrétien, avait tenté de la violer. D’un seul bond,
tous les assistants, à l’exception du cadi et des anciens (al-mašāyiḫ), se levèrent et
marchèrent sur le cabaret qu’ils détruisirent. Ils emportèrent les boiseries qui le
décoraient. Cela se passait en 417 et Ṣāliḥ était toujours à Sayda23.
145 Ṣāliḥ revint en 418 et Tāḏrus n’eut de cesse jusqu’à ce qu’il obtint de lui l’arrestation des
anciens (al-mašāyiḫ), et des autres notables d’al-Macarra, en tout soixante-dix personnes
qui furent incarcérées à la citadelle d’Alep. Une amende collective de mille dinars leur fut
imposée. Comme Tāḏrus persistait à se plaindre, Ṣāliḥ excédé, lui demanda s’il allait
devoir exécuter al-Muhaḏḏab et Abū’l-Maǧd, le frère d’Abū’l-cAlā’, pour crime contre
cabaret. L’affaire n’était pas aussi futile qu’il y paraît, car en Syrie, les cabarets, dont seuls
les tenanciers chrétiens peuvent vendre du vin, trouvent une clientèle nombreuse parmi
les musulmans et de ce fait, ils sont considérés par les tributaires comme un moyen de
réparer le déséquilibre des perceptions fiscales qui joue en leur défaveur.
146 Les soixante-dix notables demeurèrent emprisonnés soixante-dix jours malgré la
publicité fâcheuse donnée à l’affaire : on invoquait le Ciel en leur faveur jusqu’à Āmid et
Mayyāfāriqīn24. Puis, Ṣāliḥ, passant au large d’al-Macarra, convoqua Abū’l-cAlā’ qui vint
prendre place dans le cercle qui l’entourait. Le poète composa une courte pièce en
appelant à sa clémence. Il glissa dans ses vers cette exhortation, tirée du Coran :
« Pratique le pardon, ordonne le bienfait, écarte-toi des impies, (al-ğāhifīn) », ce dernier
terme faisant ici allusion aux chrétiens.
147 Ṣāliḥ, ému, répondit au poète qu’il lui faisait don des prisonniers et donna l’ordre de les
délivrer. Mais il s’était gardé de faire savoir à Abū’l-cAlā’ qu’il leur avait prélevé le
52
montant de l’amende et il ne la leur rendit pas. Quant al-Macarrī l’apprit, il composa une
nouvelle pièce, raillant l’hypocrisie de Ṣāliḥ.
148 Au-delà de l’anecdote tout à la fois macabre et cocasse, ce récit témoigne des fortes
tensions qui subsistaient entre les communautés dans des régions où certains villages
étaient demeurés chrétiens alors que d’autres étaient totalement islamisés. Par ailleurs,
les chrétiens grâce à leur bonne maîtrise du calcul et de l’enregistrement conservaient
une place de choix auprès du prince, en général peu soucieux du côté routinier de
l’administration fiscale. Ils pouvaient en user habilement au profit de leurs
coreligionnaires, ou parfois, se montrer plus insolents et plus brutaux, attirant alors la
haine des musulmans sur eux et sur leur communauté.
149 Par ailleurs, aucune allusion n’est faite au cours du récit aux origines bédouines de Ṣāliḥ,
ni au fait qu’il ne tenait le pouvoir que grâce à un coup de force qui s’était déroulé deux
ans plus tôt. Il apparaît tout au contraire, comme le prince légitime, en l’absence duquel
le vizir malfaisant assouvit ses vengeances personnelles et avantage la minorité dont il est
issu, sortant des voies honnêtes de la politique, celles du maintien de la balance égale
entre tous les ensembles familiaux ou religieux susceptibles de jouir de la protection de
l’État.
150 Il faut remarquer également, lors des incidents de Macarrat al Nucmān, la prudence du
cadi et des anciens (al-masāyiḫ) : ils ne sortirent pas dans la rue participer à une
manifestation violente issue d’un conflit inter-communautaire. Pourtant, ces anciens
furent emprisonnés car leur rôle, contre-partie de la reconnaissance par le prince de leur
place éminente dans la cité et des avantages qui en découlaient, consistait à user de leur
influence pour éviter tout désordre et ils y avaient failli.
151 Enfin, même un vizir injuste ne se serait pas permis de mettre à mort des sujets sans
l’aval du prince, seul détenteur du droit de tuer.
ce que son frère Mucizz al-Dawla Ṯimāl était sorti pour reconquérir son épouse, partie par
dépit amoureux dans le campement de sa tribu ; il profita donc de l’absence de Ṯimāl loin
d’Alep, pour s’élancer, sabre au clair, suivi d’un groupe de cavaliers, à travers le porche
grand ouvert de la citadelle et pour s’emparer de celle-ci sans coup férir. L’historiette
racontée par Ibn al cAdīm en style d’adab, se termine par un bon mot de Šibl al-Dawla,
opposant les qualités de son frère, champion de ruse auprès des femmes, aux siennes,
champion de ruses envers les hommes et met en évidence un des éléments de popularité
des Banū Kilāb en Syrie du Nord : la qualité de leur maniement de la langue arabe. Beaux
cavaliers, beaux sabreurs, beaux parleurs, beaux poètes, amateurs de belles femmes,
c’étaient des princes de légende.
154 Ibn al-cAdīm précise qu’à compter de ce jour et pour éviter le renouvellement d’incidents
semblables, une chaîne fut tendue, barrant le porche d’entrée dont personne, même les
familiers du maître de la citadelle, n’avaient le droit d’approcher, autrement que le sabre
au fourreau. Pour cet historien, dès 421 Naṣr fut le seul maître d’Alep, citadelle et basse
ville. Comme son père, il avait choisi un chrétien, Abū’l-Faraǧ al-Mucammal b. Yūsuf al-
Sammās, comme vizir. Contraire ment à Tāḏrus, ce fut un vizir populaire pour sa bonne
gestion et ses bienfaits. Il eut un frère, inspecteur des faubourgs, nāẓir fî’l-balad al-barrānī,
qu’il contribua à peupler et à bâtir, y édifiant une mosquée. La ville était alors en pleine
expansion.
155 Pour Ibn al-cAdīm, ce fut à la suite d’une tentative de Ṯimāl pour reprendre la citadelle
que Naṣr fit appel au Basileus qui vint à son secours à la tête d’une armée. Pour éviter une
occupation grecque les chefs des tribus kilabites négocièrent un accord : Naṣr conservait
seul Alep et Ṯimāl recevrait Raḥba. Mais, les Byzantins pour une fois -n’acceptèrent pas
d’avoir été convoqués pour rien et décidèrent d’envahir la principauté d’Alep. Pour
Yaḥyā, la prise du pouvoir de Naṣr dans la citadelle ne fut pas la cause de l’expédition
byzantine mais en fut, comme cela apparaîtra plus loin, la conséquence.
***
156 Le Basileus Romain III Argyre avait été humilié par la nouvelle de l’échec militaire subi
par le catépan d’Antioche. Il avait démis celui-ci mais avait décidé de venger l’affront subi
par l’armée byzantine. Il rassembla à Constantinople une grande armée dont Ibn al- cAdīm
écrit avec exagération qu’elle comptait six cents mille hommes et qu’y figuraient le roi
des Bulgares, les roi des Russes, le roi des Abhaz, le roi des Khazars, le roi des Arméniens,
le roi des Petchenègues, le roi des Francs, sans doute les Normands de Sicile 25. Yaḥyā
reconnaît qu’elle était très nombreuse mais que le nombre ne pouvait suppléer à
l’absence de qualification militaire et d’entraînement des soldats. D’après lui, Romain III
fut très mal conseillé par des hommes qui lui présentèrent comme une promenade
militaire la prise d’Alep et qui lui décrivirent avec mépris les capacités guerrières des
Banū Kilāb.
157 Les préparatifs pour une telle expédition ne pouvaient être secrets et les tribus arabes de
Syrie en furent informées. Ḥassān b. al-Mufarriǧ expédia auprès du Basileus des proches
parents. Il proposa au Byzantin de lui ouvrir la route dans une expédition de pillage qu’il
mènerait en Syrie, al-Šām, désignant ici Ḥomṣ et ce qui était au sud, c’est-à-dire le
domaine fatimide. Le plan d’Ibn al-Ǧarrāḥ était clair : passant le premier, il disposerait
d’un choix plus large pour son pillage, suivi de près par les Byzantins, il ne risquerait pas
54
d’être attaqué par al-Dizbirī qui depuis 419 portait le titre de gouverneur de Syrie et qui
résidait à Damas depuis son succès contre Ṣāliḥ.
158 Les deux fils de Ṣāliḥ b. Mirdās déléguèrent leur cousin Muqallad b. Kāmil b. Mirdās, avec
des dons importants auprès de Romain III. Ils assuraient le Basileus de leur obéissance ; ils
s’engageaient à lui verser annuellement ce que versaient les derniers Hamdanides à Basile
II. Muqallad rejoignit le Basileus après son départ de Constantinople qui avait eu lieu le 24
rabīc II 421/1er mai 1030. Il accompagna la marche de l’armée byzantine mais ses cadeaux
ne furent pas acceptés et il ne fut pas reçu par le souverain. L’arrivée à Antioche eut lieu
aux environs du 15 raǧab/19 juillet.
159 Romain III avait envoyé un négociateur à Alep, un cadi qui arrivait dans la ville alors que
les deux fils de Ṣāliḥ avaient été informés de l’approche de l’armée byzantine et de
l’impossibilité pour Muqallad d’engager une conversation officielle. Ils avaient donc remis
en état les défenses de la ville, convoqué des hommes susceptibles de combattre parmi les
paysans des campagnes et les bédouins de la steppe. Les aḥdāṯ d’Alep, la plèbe, al-awwām,
et la pègre, al-racāc avaient été armés et s’exerçaient devant la ville quand arriva l’envoyé
de Romain III. Pourtant, il transmit le message de son maître : les deux fils de Ṣāliḥ
étaient trop jeunes et inexpérimentés pour tenir solidement Alep que des ennemis
convoitaient. Qu’ils livrent la ville au Basileus, en contrepartie ils recevraient l’argent ou
la ville qu’ils désireraient. Les Banū Ṣāliḥ répondirent à cette proposition en
emprisonnant l’envoyé byzantin ; il demeurerait en captivité jusqu’à ce que Muqallad ait
reçu une réponse et ils conseillaient au Basileus de monter une expédition en Syrie et de
laisser en paix la principauté d’Alep.
160 L’armée byzantine était à Antioche ou campait dans les environs. La très forte chaleur
avait provoqué une épidémie, sans doute de « dengue » (al-dank). Le départ pour affronter
les Banū Kilāb eut lieu le 23 raǧab 421/27 juillet 1030. Muqallad avait été emprisonné.
161 Romain III s’arrêta dans les environs de cAzāz et installa son armée sur une hauteur
isolée, près de la montagne, loin de tout point d’eau. Il fit creuser un grand fossé tout
autour de la position. Des fantassins, tenant fichés en terre des boucliers plats, tirās,
protégèrent tout le pourtour de la circonvallation selon la coutume byzantine. Une
tactique, créée pour se protéger contre les attaques surprises des Bulgares ou des Russes
dans les immensités de l’Europe slave et danubienne, était transposée sans adaptation en
Syrie, face à mille ou deux mille cavaliers arabes. La rigidité de la discipline et de la
hiérarchie byzantines parut toujours surprenante aux chroniqueurs arabes médiévaux.
Pour parcourir les cinquante kilomètres qui séparaient Antioche de cette nouvelle
position, les Grecs avaient pris huit jours.
162 Des escarmouches avaient opposé des éléments byzantins à des groupes de cavaliers
arabes qui tentaient avant tout de les empêcher de s’éloigner du grand retranchement. La
terreur qu’inspiraient ces cavaliers était si forte qu’il ne se trouva aucun soldat byzantin
assez hardi pour s’avancer jusqu’à un champ de concombres, situé à une portée de flèche
du fossé, alors que la soif faisait rage26. Un escadron plus important fut envoyé vers cAzāz
pour tester les défenses de la ville et connaître quel matériel de siège devait être employé.
En effet, Romain III avait emporté avec lui une quantité impressionnante de balistes et de
mangonnaux. A son retour l’escadron fut attaqué et défait. Les prisonniers furent
nombreux. On était le 5 šacbān/8 août, la chaleur était accablante et l’armée n’avait rien à
boire. Le Basileus réunit ses conseillers, leur dit qu’il aurait sûrement atteint son but
n’eut-ce été la chaleur et leur fit savoir qu’il avait décidé de rentrer en territoire
byzantin. Pendant ce temps, Naṣr, à la tête d’un millier de cavaliers tournait sans cesse
55
autour du camp retranché, lançant de petites attaques puis faisant retraite. Le marché du
camp fut pillé par les bédouins, bientôt aidés par les soldats arméniens de l’armée
byzantine. La panique régnait parmi les troupes grecques, très nombreuses mais
disparates et démoralisées par la soif et par la peur.
163 Enfin, le signal du départ fut donné, mais la retraite s’effectua dans le plus grand
désordre. Les porte-boucliers du fossé, craignant de se retrouver seuls, abandonnèrent
leurs postes, laissant les pillards entrer. Des bêtes lourdement chargées roulèrent au fond
du fossé. Ce fut la débâcle. Le Basileus se retrouva seul, avec quelques archers qui
l’escortèrent par pitié. Tout le monde se rua vers le territoire byzantin, les montagnes de
la région de Cyrrhus, heureusement tout proche27. Il y aurait eu davantage de morts et de
prisonniers si les Arabes des tribus n’avaient été complètement absorbés par le pillage 28
164 Yaḥyā rapporte que seuls un chef important fut tué chez les Byzantins et deux autres
furent faits prisonniers alors que les Arabes des tribus auraient eu beaucoup de morts. Il
ne parle pas du nombre des soldats byzantins tués. Au contraire, Ibn al- cAdīm insiste sur
les pertes byzantines et notamment sur le nombre de patrices et de fils de rois alliés qui
furent faits prisonniers. Tous les deux s’accordent sur l’abondance du butin. Une fraction
des Banū Numayr, les Banū Qaṭan, s’emparèrent de près de trois cents mules chargées de
métal monnayé appartenant au Basileus, sans doute la paie de l’armée. Ils se partagèrent
les pièces d’or frappées au nom de Romain III en utilisant des cuvettes ; chacun reçut dix-
huit écuelles de pièces d’or, taqāsamū al-danānīr al-armānūsiyya bi’l-qaṣca... faḥaṣala li-kull
wāḥid min-hum ṯamānī cašrat ğafna. Le Basileus avait fait incendier les mangonneaux, les
balistes et les boucliers avant son départ mais personne n’avait surveillé le feu et les
Arabes des tribus récupérèrent de nombreuses armes intactes. Les toits d’Alep portèrent
des boucliers byzantins en guise de couverture, à la place de planches (dufūf), pendant un
temps
165 Les deux fils de Ṣāliḥ qui avaient participé au combat s’en retournèrent dans la région
d’Alep quérir leurs épouses et leurs enfants qu’ils avaient envoyés dans des campements
de la steppe au début des hostilités, craignant une attaque sur Alep. D’après Yaḥyā, Naṣr
revint dans la cité plus rapidement que son frère et ce fut alors qu’il se rendit maître de la
citadelle. Ibn al-cAdīm donne également la même information, contredisant ce qu’il
écrivait quelques pages plus tôt.
166 Intervint alors comme dans la version précédente un arbitrage des chefs kilabites. Ṯimāl
fut reconnu le maître d’une principauté orientale, comprenant notamment Manbiǧ,
Raḥba et Bālis. Naṣr conserva Alep et la partie occidentale de l’ancien État hamdanide.
***
167 Un nouveau gouverneur, l’eunuque Niqita, avait été nommé à Antioche. Très actif, il
entreprit de desserrer l’étau que constituaient à proximité de sa ville, les châteaux-forts
construits par des familles arabes au sud et au sud-ouest d’Antioche. Sa réussite militaire
lui valut le respect de ses voisins et Naṣr, peu assuré de la loyauté de son frère Ṯimāl, se
rapprocha tout à la fois des Byzantins et des Fatimides. S’étant abouché avec le catépan
Niqita, il lui demanda d’être son intercesseur auprès du Basileus dont il voulait regagner
la confiance. Grâce à son intermédiaire et à celui du cadi-négociateur détenu à Alep un
accord d’armistice finit par être conclu en ǧumādā I 422/avril-mai 1031. Naṣr s’était
engagé à se comporter comme s’il avait été un gouverneur nommé par le basileus
Byzantin. Il verserait annuellement à Constantinople, en deux versements, la somme
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totale de cinq cent mille dirhams, ou sa contrevaleur de huit mille miṯqāl d’or, ce qui
modifia à Alep le rapport or/argent, en faveur de l’or. En contrepartie, les Byzantins
continue raient à protéger la principauté contre toute attaque comme ils le faisaient
depuis plus d’un demi-siècle.
168 Deux textes identiques furent préparés. Naṣr signa de sa main celui qui avait été rédigé à
Alep puis l’envoya au Basileus qui le contresigna de sa main et il fut conservé dans les
archives de Constantinople. Romain III envoya à Alep, après l’avoir signé celui qui avait
été rédigé à Constantinople ; il joignit une croix précieuse comme gage de sa sincérité. Ce
second document, contresigné par Naṣr b. Ṣāliḥ, fut conservé à Alep. Des témoins avaient
effectué le voyage dans les deux cas afin de prêter serment et d’attester ainsi la véracité
des engagements. Le Basileus accepta de recevoir les présents envoyés par Naṣr, l’année
précédente et il libéra Muqallad b. Kāmil. Naṣr libéra de son côté le cadi, envoyé du
Basileus. Le bon accord fut confirmé l’année suivante quand Niqita et Naṣr réprimèrent
en commun la rébellion des Druzes dans le Ǧabal Summāq.
169 Parmi les suites de l’invasion de 421, on peut placer la révolte de Ṣālim b. Mustafād.
L’ancien ġulām « hamdanide » s’était vu confier par Ṣāliḥ une double fonction : le
commandement des aḥdāṯ de la ville et la ricāsa, qui était, rappelons-le, une magistrature
aux limites mal définies conférant à son détenteur le soin de protéger la vie et les biens
des habitants civils et celui de les défendre face à toute autorité militaire de fait ou de
droit susceptible de les menacer. L’association des deux fonctions dans une seule
personne conférait à Ṣālim b. Mustafād un pouvoir certain sur la ville basse. Le danger
existait de voir réapparaître la dichotomie qui dès l’époque hamdanide avait opposé le
maître de la citadelle au maître de la ville, le prince résidant cette fois-ci à la citadelle. Les
aḥdāṯ d’Alep que Naṣr avait emmenés avec lui pour combattre les Byzantins, avaient pris
conscience de leur valeur et de la force militaire qu’ils représentaient. Le texte d’Ibn al
Adīm est trop succinct pour en dire plus, pourtant, le fait qu’il mentionne une alliance
entre ces aḥdāṯ et la pègre al-racāc, laisse à penser qu’il existait une revendication
économique de la part de groupes sociaux nouvellement installés dans la ville et qui
n’étaient pas encore intégrés dans les circuits de production et d’échange.
170 Les partisans de Sālim, ayant revêtu leurs armes, décidèrent d’attaquer la citadelle. Mais
Naṣr parvint à tourner en sa faveur l’opinion publique des Alépins, sans doute les
habitants de vieille souche, propriétaires de biens immobiliers. Ils occupèrent et pillèrent
la maison d’Ibn Mustafād ; celui-ci demanda l’amān à Naṣr qui promit de ne pas faire
couler son sang et l’emprisonna à la citadelle puis le fit étrangler pour ne pas se parjurer.
Ibn al Adīm met en cause un chrétien, Tumā, qui était le kātib de Sālim et qui aurait
déformé dans les lettres qu’il rédigeait à l’adresse de Naṣr les propos de Sālim afin de les
rendre plus injurieux. Ce genre d’accusation contre des kātib chrétiens est assez fréquente
sans qu’il soit posŠible de savoir si elles avaient un fondement de vérité. On sent, en tout
cas, l’agacement des chefs militaires, souvent incultes, qui ne pouvaient contrôler ce
qu’écrivait le kātib, civil et tributaire méprisable, mais qui possédait cette supériorité sur
eux. Naṣr aurait compris après coup la manoeuvre déloyale ; il mit le kātib à l’amende et
une fois celle-ci payée, il le fit étrangler, lui aussi, en 425, deux ans après l’échec de la
révolte de Sālim b. Mustafād29.
57
***
58
176 Yaḥyā rapporte pour muḥarram 415/mars-avril 1024 une brève nouvelle : Constantin
Dalassène, catépan d’Antioche, fit restaurer les défenses de la ville d’al-Maraqiyya, sur le
littoral. Une fois rebâtie, la ville fut équipée et pourvue en défenseurs. Cette place faisait
partie avec Ḥiṣn al-Ḫawābī (ou al-Ḫawwābī) de ce qu’avait cédé Muḥammad b. cAlī b.
Ḥāmid aux Byzantins. Pour parer au danger que présentaient pour eux ces deux places,
les Musulmans firent restaurer à proximité Ḥiṣn al-cUllayqa.
177 Al-Maraqiyya, Maraclée pour les Francs, aujourd’hui Kherab Mar qiyé et Marqiýe est situé
sur le littoral à mi-chemin entre Tartous et Banyas, c’est-à-dire à cette époque sur la
frontière entre le territoire contrôlé par les Byzantins d’Antioche et le territoire contrôlé
par les Musulmans et Tripoli. Ḥiṣn al-Ḫawābī, le « Coible des Croisés », se trouve dans la
montagne, au sud de Qadmous, sensiblement sur le même parallèle qu’al-Maraqiyya, mais
plus à l’est. Le nom fait peut-être référence à une terre aride (ḫawba)31, ou plus
probablement aux tuyaux de poterie ou aux grandes jarres (al-ḫawābī), qui permettaient
de faire circuler et d’accumuler les réserves d’eau potables. Ḥiṣn cUllayqa, dont le nom
évoque les ronces et les mûriers sauvages, Laicas pour les Croisés, au nord de Qadmous,
sur le parallèle de Banyas, domine la vallée du Nahr Ǧawbar, menaçant le littoral
byzantin.
178 Yaḥyā avait placé la livraison de ces deux places aux Byzantins en sawwāl 411/janvier-
février 1021. Les manuscrits portent deux versions du nom du musulman qui céda les
places, Muḥammad b. Ḫalīd ou b. (cAlī) b. Ḥāmid al-Bahrānī ou al-Nahrānī. La nisba doit
évidemment être lue al-Bahrānī et rattachée au Ǧabal al-Bahrā’, situé au nord de
Rafaniyya, ou à la tribu éponyme, anciennement installée entre Ḥomṣ, Macarrat al-Nuc
mān et la mer. Yaḥyā plaçant Ḥiṣn al-Ḫawābī dans le Ǧabal Bahrā’ paraît faire coïncider
celui-ci avec la moitié sud de la Montagne Alaouite actuelle. Le personnage en question
n’a pu être identifié par nous mais il faut rappeler ici que la tribu Bahrā’ demeura
longtemps chrétienne et résista à la première invasion musulmane de la Syrie aux côtés
des troupes byzantines. Yaḥyā précise que la ville d’al-Maraqiyya était en ruines quand
elle fut livrée, ce qui tendrait à prouver que le littoral ne constituait pas à l’époque un
itinéraire commercial terrestre important pour les échanges entre le monde byzantin et
le monde fatimide.
***
179 Yaḥyā, après avoir donné le récit de la défaite de Romain III, en 421, mentionne l’action
d’un chef arabe, Naṣr b. Mušarraf al-Radūfī32, qui avait construit des châteaux dans la
région montagneuse dominant le littoral. Il commence par décrire l’histoire de ses
relations avec les Byzantins à une époque antérieure à 421, sans donner de date. Naṣr b.
Mušarraf avait établi son pouvoir sur l’ensemble des villages musulmans du Ǧabal
Rawādīf, ce qui semble désigner la partie de l’actuelle Montagne des Alaouites, située au
nord du Ǧabal Bahrā’, entre le parallèle de Banyas et le Nahr al-Kabīr. Cette montagne
était sous la domination militaire des Byzantins, mais était habitée essentiellement par
des villageois musulmans arabes. Il était commode pour le gouverneur grec d’Antioche de
se décharger du maintien de l’ordre dans cette région sur un chef local comme Naṣr b.
Mušarraf.
180 Les relations entre ce dernier et les Byzantins étaient difficiles. Ils l’avaient arrêté une
première fois et incarcéré pendant un certain temps à Antioche, puis libéré. Au temps de
59
Michel le Catépan, il fut arrêté une seconde fois, puis après qu’un de ses fils ait été retenu
en otage, on l’avait libéré, en lui proposant une alliance militaire. On lui conseilla alors de
construire une forteresse à la limite du territoire byzantin, à une dizaine de kilomètres au
nord de Ḥiṣn cUllayqa, sur un point dominant la rive droite du Nahr Huraysun, à
proximité d’un village qui serait nommé Mašaqa. Ce château-fort devait contribuer à
maintenir dans l’obédience byzantine les villages musulmans de la région et en même
temps, surveiller les troupes musulmanes casernées dans des châteaux, plus au sud. A
plus long terme, un plan prévoyait d’appuyer sur cette nouvelle forteresse une action
destinée à étendre l’influence byzantine au Ǧabal Bahrā’. Elle devait porter le nom de
Ḥiṣn Manīqa.
181 Les Byzantins n’ayant pas les moyens en hommes pour construire et équiper une place
aussi éloignée d’Antioche, Naṣr b. Mušarraf se proposa de le faire pour leur compte. Il
reçut un décret l’autorisant à édifier la place-forte mais ne précisant pas le sort de celle-
ci, une fois qu’elle serait achevée. Il quitta donc Antioche et procéda à la construction
prévue. Il obtint des Byzantins du matériel ainsi que l’aide de maîtres artisans spécialistes
dans ces travaux. Il faisait valoir dans ses requêtes qu’il fallait agir rapidement afin que
les ouvriers musulmans ne changent point d’avis et que les troupes fatimides ne viennent
pas entraver la construction. Quand le périmètre de la muraille fut refermé et que la
porte d’entrée fut posée, Naṣr changea de ton et refusa de livrer la place. Il menaçait d’en
appeler aux troupes fatimides. Il semblait vouloir être indépendant, tant des Grecs que
des Musulmans.
182 Naṣr b. Mušarraf décida alors de construire un second château au nord de Ḥiṣn Manīqa,
sur le parallèle de Ǧabala, dans un site semblable, dominant la rive droite d’un torrent
descendant vers la mer, portant le nom de Bikisra’īl ou Bankisra’īl, et plus tard Banī
Isra’īl. Mais, ce furent les Byzantins qui y édifièrent une puissante forteresse, dotée de
grandes citernes alimentées par l’eau de pluie grâce à un système de poteries (al-ḫawābī).
Ils y placèrent des soldats mais confièrent la responsabilité matérielle de la citadelle à un
homme que Yaḥyā qualifie d’arriéré ou de débile (mutaḫālif).
183 Survint la déroute de Romain III devant les Banū Kilāb, déroute qui justifie que le récit
concernant Naṣr b. Mušarraf ait été placé à cette date par Yaḥyā. Naṣr b. Mušarraf voulut
profiter du piteux état des forces byzantines et décida d’attaquer la forteresse de
Bikisra’īl.
184 Naṣr b. Mušarraf avait placé dans la forteresse un homme à lui, un musulman, qui avait su
s’attirer la sympathie de tous en se rendant utile ; il allait et venait à sa guise. Cet homme
remarqua que le système de poteries destiné à faire parvenir l’eau de pluie aux citernes
n’était pas tenu en état. Le chef de la garnison, pensant qu’il y avait de l’eau en quantité
suffisante dans les citernes et qu’il en existait à proximité de la forteresse négligeait ce
point. L’agent de Naṣr avertit celui-ci qui vint assiéger par surprise le château. La soif
contraignit la garnison à capituler.
185 Un autre groupe de montagnards musulmans, les Banū’l-Aḥmar, construisirent un
troisième château à Balatunus, plus tard Qalca Mehelbé, dans la montagne, sur le parallèle
de Lattaquié. Située au nord de Sahyūn, cette place contrôlait la route de Lattaquié à Ḥiṣn
Barzuwayh, sur la retombée orientale de la montagne. Deux autres familles apparentées,
les Banū Ġannāğ et Banū Ibn al-Kāšiḥ, construisirent, chacune, un château. Les garnisons
musulmanes de ces cinq châteaux menèrent la vie dure aux Byzantins et bientôt l’écho de
leur action atteignit al-Ẓāhir. Une expédition fut menée par le gouverneur militaire et par
60
le cadi de Tripoli, conduisant une armée fatimide grossie de montagnards, contre la ville-
forteresse d’al-Maraqiyya. Le siège se poursuivit un moment puis Niqita qui venait d’être
nommé à Antioche arriva avec une armée byzantine. Il dégagea la ville, reconstruisit les
murailles, renforça les effectifs et l’équipement de la garnison, puis continua vers le sud.
Il alla attaquer les environs d’Arqa. Il ravagea les campagnes environnantes, coupa les
arbres, incendia les villages et repartit en emmenant un grand nombre de captifs ainsi
que du bétail.
186 Il détruisit un village musulman proche d’Antioche, Kurayn, dont les habitants pillaient
les campagnes grecques, puis ayant reçu le renfort d’une autre armée, conduite par le
protospathaire Siméon, il se dirigea sur Tubbal33. C’était là que quelques mois plus tôt la
grande armée byzantine conduite par Romain III avait connu la déroute. La petite ville fut
détruite, puis l’armée alla assiéger la place-forte de cAzāz. Les fortifications allaient céder
quand en ḏū’1-ḥiǧǧa 421/décembre 1030, l’attaque fut arrêtée sans doute pour un motif
d’ordre politique. Les Byzantins ne voulaient pas trop nuire aux Banū Kilāb avec lesquels
un rapprochement s’esquissait. Ainsi, l’armée byzantine détourna sa marche pour éviter
de passer à proximité d’une vallée où étaient réfugiés des milliers de femmes et d’enfants.
187 Effectivement, en ǧumādā I 422/avril-mai 1031, la paix était jurée entre Byzantins et
Alépins. Niqita tenta de traiter avec les montagnards pour obtenir la cession des
châteaux. Il se heurta à un refus. Alors commença une longue série d’actions militaires
pendant lesquelles les Byzantins firent preuve d’une grande technicité dans la conduite
de la guerre de siège en montagne. Guerre très différente de celle qui consistait à attaquer
une grande ville en plaine car il était malaisé de mettre en action des machines lourdes,
mangonneaux ou balistes, dans un relief accidenté.
188 Trois jours après avoir terminé les négociations de paix avec Naṣr b. Ṣāliḥ, la catépan
Niqita quittait Antioche pour aller attaquer les châteaux. Balatunus, la forteresse des
Banū’l-Aḥmar, se rendit par amān. Les assiégés furent accompagnés sur leur demande
jusqu’en territoire musulman où ils se retrouvèrent libres. Le château fut réparé et doté
d’une garnison byzantine. Le château des Banū Ġannāğ fut également pris par reddition
et les occupants furent conduits en pays musulman mais, cette fois-ci, Niqita jugeant le
château inutile le rasa au niveau du sol et l’abandonna. Ḥiṣn (Ibn ou Abī’)l-Kāšiḥ fut
également pris et rasé. Par contre, Niqita connut un échec face à Ḥiṣn Manīqa, plus
puissant. Faute du matériel adéquat il ne put l’attaquer efficacement. Niqita alla faire une
nouvelle razzia dans la campagne d’Arqa et ramena à Antioche bétail et captifs.
189 Avant d’aller attaquer à nouveau Ḥiṣn Manīqa, Niqita décida de détruire Rafaniyya, ville
située au sud-est de Masyaf, au sud du Ghab, au pied du Ǧabal Bahrā’ 34. En effet, cette cité
assurait toute la logistique des guerriers montagnards musulmans lui servant de base
armée pour communiquer avec les provinces musulmanes de Syrie. Il s’empara des six
tours qui s’avançaient hors des murailles et prit la ville qui se rendit par amān. Les dix
mille habitants furent transférés dans l’Empire byzantin. Les tours et les murailles furent
rasées à hauteur du sol.
190 Niqita alla attaquer Safita, ville fortifiée située au sud-est du Ǧabal Bahrā’. Il délivra un
officier byzantin que les musulmans tenaient enfermés dans la forteresse et qui refusa
d’en devenir le gouverneur, ne pouvant plus en supporter le séjour.
191 Niqita reprit le siège de Ḥiṣn Manīqa. Un ravin profond l’empêchait d’approcher la
muraille de la forteresse et de mettre en place les machines de guerre. Il le combla avec
des troncs d’arbres et des rochers. La plate-forme artificielle ainsi créée permit à l’armée
61
d’installer des machines de guerre à bonne portée des murs. Pendant que les catapultes
ébranlaient ceux-ci en projetant des fragments de rocs, des sapeurs creusèrent dans les
fondations. Treize jours après le début des opérations, une brèche était ouverte. La ville
fut prise d’assaut, le 15 ḏū’l-ḥiǧǧa 422/2 décembre 1031. L’amān n’ayant pas été demandé,
les huit cent dix occupants furent emmenés en captivité ; parmi eux se trouvaient
l’épouse et les quatre filles de Naṣr b. Mušarraf. Quant à lui, il avait quitté la forteresse au
premier jour du siège.
192 Le catépan fit alors mettre le feu aux arbres qui avaient été abattus dans le ravin. En
brûlant, ils calcinèrent les rochers calcaires qui y avaient été jetés avec eux. La chaux
ainsi produite en abondance fut recueillie par les sapeurs du génie byzantin qui
l’utilisèrent pour remettre en état la muraille effondrée et pour consolider les
fortifications de la place. Une garnison fut installée dans la forteresse restaurée ; des
équipements et de l’approvisionnement y furent déposés.
193 Niqita se dirigea sur le cinquième château. Bikisra’īl, le dernier à conserver une garnison
musulmane. De l’extérieur il interpella les occupants, retranchés derrière leurs murs, les
incitant à se rendre pour éviter l’assaut et la captivité. Il n’obtint pas de réponse. Or, on
était au cœur de l’hiver dans des montagnes froides et pluvieuses. Les soldats étaient
harassés par la campagne qu’ils venaient de mener et par la suite ininterrompue de sièges
victorieux en quelques mois. Il fallut repartir, sans avoir pris la place. Sur le chemin du
retour, on fit un détour pour s’emparer d’un gros village, Ǧarīrīn ( ?), où se rassemblaient
les soldats de Ḥiṣn Afamia, Qalcat Mudīq, avant d’aller attaquer les Byzantins. Les
habitants du village, très nombreux, furent emmenés en captivité. Les maisons furent
incendiées et rasées. Niqita donna l’ordre à Naṣr b. Ṣāliḥ d’adjoindre au territoire de la
principauté d’Alep le terroir de Ǧarīrīn. Ce fut une grande perte pour les habitants
d’Apamée.
194 En cette année 422, l’armée byzantine avait vengé sa déroute humiliante de l’année
précédente. Elle avait donné à travers toute la Syrie du Nord, des preuves de sa
supériorité technique écrasante. Les contre-pouvoirs organisés par de petites
communautés familiales autour d’une place-forte avaient été combattus sans merci. Le
choix politique était clair. Les Byzantins s’étaient réconciliés avec le Kilabite d’Alep. Tant
que Naṣr b. Ṣāliḥ se soumettrait à leur protectorat, ils lui assureraient une jouissance
paisible de la Syrie du Nord, intérieure. La présence de tribus arabes dont les territoires
de parcours traversaient des terroirs cultivés de villages posait des problèmes délicats
d’équilibre qu’il valait mieux laisser résoudre aux Banū Kilāb, bédouins eux-mêmes mais
protecteurs de paysans dans leurs iqṭāc.
195 Par contre, les Byzantins tenaient à contrôler étroitement le littoral et les ports qui
s’ouvraient sur une Méditerranée de plus en plus fréquentée par des navires de
commerce. Tripoli, les raids sur Arqa le prouvent, était visée à terme ainsi que la trouée
de Homs par où débouchait une voie importante venant de Mésopotamie, d’où l’opération
de Safita. C’était devant cette double menace que la garnison de Tripoli avait réagi. Les
catépans d’Antioche avaient cru un moment pouvoir accorder une certaine autonomie
aux populations musulmanes de Ǧabal Bahrā’ qu’ils contrôlaient. La construction de
châteaux-forts, les opérations hostiles, les amenèrent à changer d’opinion et à opter pour
une administration directe de cette région stratégique qui surplombait des ports
prospères. De toutes manières, ils préféraient avoir affaire à un grand vassal musulman,
lié par un traité, plutôt qu’à de nombreuses familles, agitées et variables dans leurs choix
et dans leurs alliances.
62
196 L’armée de Syrie centrale, commandée par al-Dizbirī, n’avait pas bougé en 422. Son rôle
était de défendre la Syrie centrale intérieure : les opérations byzantines ne visaient pas
celle-ci. Dans les mois qui suivirent le schéma se modifia. En effet, le nombre de ceux qui
prenaient part au conflit de Syrie du Nord s’accrut. Les Ṭayy d’Ibn al- Ǧarrāḥ crurent
bénéfique de s’allier aux Byzantins. Dès lors, al-Dizbirī ne pouvait maintenir sa neutralité
car ses ennemis de toujours prenaient pied en Syrie du Nord alors que déjà leurs
territoires d’origine, les plateaux de Trans-Jordanie, étaient traversés par la voie du
pèlerinage partant de Damas et dominaient le Jourdain et la Palestine. Par ailleurs, les
Byzantins remirent en cause l’équilibre entre chrétiens et musulmans en Ǧazīra, région
senŠible où des tribus arabes, plus ou moins autonomes, entretenaient des rapports de
parenté ou d’alliance avec des tribus de Syrie. Al-Dizbirī était attentif à ces réalités qui
justifiaient son intervention.
musulmans, se réfugièrent dans l’église de la ville, une des plus grandes et des plus belles
du monde oriental. Les musulmans réussirent à faire sortir les civils chrétiens de l’église
et ils en massacrèrent la plupart. Ils pillèrent la ville alors que les Byzantins étaient
toujours retranchés dans les deux tours. Une armée grecque de secours d’une dizaine de
milliers d’hommes arriva alors, provoquant la fuite des soldats de Naṣr al-Dawla, et entra
en ville. Ibn Waṯṯāb, un chef des Banū Numayr, parvint à un accord avec les Byzantins,
leur livrant Harrān et Sarouj et s’engageant à leur remettre le montant du ḫarāǧ.
201 Telle est, abrégée, la version que donne Ibn al-cAṯīr de ces événements. Celle donnée par
Yaḥyā d’Antioche en diffère quelque peu.
202 Sulaymān ibn al-Kurǧī, maître d’Edesse, aurait livré la ville aux Byzantins, en ḏū’l-qada
422/octobre-novembre 1031. Puis, Ibn al-Kurǧī se serait rendu à Constantinople, porteur
de la lettre d’Abgar, roi d’Edesse, adressée au Christ, et de la réponse du Christ au roi
Abgar. Les autorités civiles et militaires de Constantinople sortirent, en grande pompe,
pour accueillir Sulaymān et le précieux présent qu’il accompagnait. Les deux lettres
étaient rédigées en syriaque. Romain III les fit traduire en grec puis les déposa dans le
reliquaire du Palais. Yaḥyā donne le texte arabe des deux lettres, texte qu’il tient de celui
qui les avait traduites du syriaque au grec.
203 Quand les Byzantins eurent pris possession de la ville et eurent mis des hommes dans la
citadelle (qalca), la lie des musulmans (sufahā’ al-muslimīn), les plus sots, se dressa contre
eux et des hostilités se déclenchèrent entre les deux parties. La garnison byzantine se
retrancha dans la forteresse alors que les chrétiens tentèrent de fortifier des églises pour
s’y réfugier. Les musulmans tuèrent les chrétiens, firent des brèches dans les murs de la
ville et brûlèrent les portes. La garnison se décida à intervenir mais des renforts
musulmans arrivèrent. Arabes des tribus, Persans, Kurdes, venant des environs ou de très
loin. En fin de compte, les musulmans furent vaincus et les Byzantins demeurèrent
maîtres de la place.
204 Profitant du vide laissé à Sumaysāṭ (Samosate) du fait de la concentration des troupes
byzantines à Edesse, les musulmans attaquè rent la ville et firent des prisonniers. La
plupart de ceux-ci se noyèrent lors du franchissement de l’Euphrate.
205 Yaḥyā rapporte que les différents émirs des Banū Numayr avaient, chacun pour son
compte, mis la main sur un château fort (ḥiṣn) en Ǧazīra. Quant à la ville de Ḥarran, des
chérifs y avaient pris le pouvoir et s’appuyaient sur les aḥdāṯ locaux qui selon une
ancienne tradition de lutte armée pour l’autonomie, rançonnaient les autres habitants.
Pillés et maltraités, ceux-ci fuirent la ville. Les Sabéens qui se trouvaient en nombre dans
la ville furent contraints par la force à se convertir à l’Islam. Leur lieu de rassemblement,
un autel dédié à la Lune, le dernier temple qu’ils avaient conservé, leur fut retiré et
transformé en prison (mucaqqal, pour muctaqal).
***
206 Les deux récits, celui d’Ibn al-Aṯīr et celui de Yaḥyā, concordent sur le fond. La mainmise
des Byzantins sur Edesse fut le résultat d’une décision d’un ou du seigneur de la ville, Ibn c
Uṭayr ou Sulaymān b. al-Kurǧī. Les troupes grecques trop peu nombreuses, retranchées
dans une tour ou dans une citadelle ne purent empêcher les musulmans, notamment les
plus pauvres et les plus incultes, de se venger sur les chrétiens de la ville qui cherchèrent
en vain asile dans les églises. Finalement la victoire revint aux Grecs malgré
64
l’intervention d’une armée musulmane composite où l’on rencontre les ethnies arabe,
persane et kurde qui se partageaient la Ǧazīra, mais où les Turcs sont absents. Les troupes
byzantines étant trop peu nombreuses, l’occupation d’Edesse entraîna un allégement du
dispositif à Sumaysāṭ (Samo-sate) qui fut occupée par les musulmans36.
207 A la lecture du texte de Yaḥyā, le fonctionnement interne de la tribu des Banū Numayr
paraît caractérisé par une indépendance totale des différents émirs. Ceux-ci, en mettant
la main sur la totalité des châteaux de cette partie de la Ǧazīra, l’ouest du Diyar Muḍar et
du Diyar Bakr, créèrent autant de petites principautés autonomes qui devaient vivre des
redevances paysanes et des péages perçus sur les nombreux itinéraires commerciaux.
***
212 Cette pression sur le territoire musulman était destinée à faciliter l’établissement d’une
nouvelle trève entre Byzance et le Caire, trève dont la négociation traînait en longueur
depuis la rupture survenue en 415, lors de la mort de Sitt al-Mulk. Pendant que des lettres
étaient échangées entre les deux capitales d’Empire, une correspondance à un niveau
local s’était nouée entre al-Dizbirī Amīr al-Ǧuyūš al-Muẓaffar, général en chef de l’armée
de Syrie, résidant à Damas et Niqita, le catépan d’Antioche.
213 Al-Dizbirī surveillait avec un soin extrême les faits et gestes de son vieil ennemi, Ḥassān b.
al-Ǧarrāḥ et il ne pouvait tolérer une alliance de celui-ci avec les Byzantins. Aussi, quand
il le sut installé dans la région d’Antioche, il quitta Damas avec l’armée fatimide et alla
camper sous Apamée. Il fit partir vers le nord une forte patrouille qui pénétra en
territoire byzantin à la recherche des Ṭayy et d’Ibn Abī’l-Layl38. Ibn al-Ǧarrāḥ avait réparti
sa tribu en plusieurs campements, entre Inab et Qastun, au contact de la dépression du
Ghab et du Ǧabal Summāq39. La patrouille fatimide surprit un de ces camps, emmena des
prisonniers et fit main basse sur le butin. Mais elle fut, à son tour, surprise par Rāfi ibn
Abī’l-Layl qui campait aux environs et celui-ci récupéra prisonniers et butin.
214 Pendant ce temps, al-Dizbirī avait lancé d’Apamée un appel aux tribus kilabites, hostiles à
Naṣr b. Ṣāliḥ. Pour celles-ci, Naṣr avait usurpé le pouvoir dans sa tribu et mis la main sur
la Syrie du Nord sans son aveu. Mais Naṣr fit la paix avec elles et les menaça de faire appel
aux Byzantins en cas de rébellion et de leur reprendre leurs fiefs. L’appel d’al-Dizbirī ne
rencontra donc aucun écho et après ses deux échecs le commandant en chef des forces
fatimides rentra à Damas.
215 En quittant la Syrie du Nord, al-Dizbirī adressa une lettre à Niqita, catépan d’Antioche,
l’assurant que son expédition à Apamée ne menaçait en rien les terres byzantines. Il
s’était agi de régler une difficulté qui avait surgi entre les musulmans. Al-Ẓāhir avait
donné des ordres à tous les gouverneurs fatimides en Syrie d’entretenir des relations de
bon voisinage avec les Byzantins. Déjà, pendant le siège byzantin d’al-Maniqa et de
Rafaniyya, des lettres avaient été échangées entre al-Dizbirī et Niqita. La correspondance
aboutit, cette fois-ci, à une décision de négociation. Deux envoyés quittèrent
Constantinople pour Antioche, puis pour Tartous, sur le littoral, au contact des territoires
musulmans et chrétien. En même temps, deux envoyés quittèrent le Caire, se rendirent à
Damas, puis gagnèrent de leur côté Tartous. Une discussion approfondie sur les
conditions d’établissement d’une longue trève fut entamée.
66
216 Naṣr b. Mušarraf désirait conserver son château de Bikisrā’īl. Il demanda à al-Dizbirī que
la place soit comprise dans les territoires musulmans garantis par la trève et qu’elle soit
ainsi mise à l’abri d’une attaque byzantine. Mais Niqita refusa cette clause et fit savoir
qu’il n’accepterait pas la conclusion d’une trève avant d’avoir occupé personnellement la
place. Al-Dizbirī rassembla une nouvelle armée, comprenant des Maghrébins et des
Orientaux, et se dirigea sur la Syrie du Nord pour sauver Bikisrā’īl. Il fit appel à nouveau
aux Banū Kilāb, mais cette fois encore en vain. Il tenta alors des attaques de diversion
contre le château d’Inab. D’autres attaques de diversion furent tentées en territoire
byzantin contre les campements des Banū al-Ǧarrāḥ et sur le littoral contre la ville de
Ǧabala. Yaḥyā qui donne le détail de toutes ces actions affirme qu’elles échouèrent toutes
et semble tenir l’armée byzantine et ses alliés en une estime supérieure quant à leur
valeur militaire. Comme les sources musulmanes ne traitent pas de ces événements,
aucune comparaison n’est possible.
217 Toujours est-il que le catépan Niqita entreprit un siège savant de Bikisrā’īl. Comme cette
forteresse était construite sur des rocs solides qui dominaient tous les alentours, une sape
directe n’était pas posŠible. Pour protéger les assaillants pendant les travaux d’approche,
Niqita construisit un mur de pierres, de bois et de terre, haut de cinq coudées et large de
quatre, interdisant l’accès à son camp au cas où un renfort viendrait de l’extérieur à l’aide
des assiégés. A l’extérieur de ce mur, un fossé profond et rendant l’accès périlleux, fut
creusé. Une fois son camp fortifié, Niqita commença à bombarder la citadelle avec des
mangonneaux. En même temps, il entreprit la construction d’un glacis (mazlaqa) artificiel,
également en pierres, troncs d’arbres et terre sèche (turāb yabis), long de trois cents
coudées, large de trente six. Ce glacis artificiel était en pente, montant en direction du
haut des murs du château. Ainsi, les machines de guerre, hissées sur cette chaussée,
étaient plus efficaces et les archers voyaient leur but rapproché40.
218 Pendant toute l’attaque de Bikisrā’īl, Niqita ne détourna pas un de ses hommes du siège ;
il laissa les garnisons des villes et des châteaux byzantins, attaqués par al-Dizbirī, se
défendre seules. Ainsi, la garnison arménienne du château de Inab fit merveille et à la
suite d’une série d’échecs, al-Dizbirī ramena ses troupes sur Damas sans attendre
l’épilogue du siège de Bikisrā’īl.
219 Sous les coups des machines de siège, la portion de mur du château de Bikisrā’īl qui se
trouvait face au glacis artificiel, s’effondra. Niqita s’empara du château au quarantième
jour de siège, le 12 raǧab 423/24 juin 1032. Il tua ou aveugla une dizaine de défenseurs, en
fit prisonnier cinq cents ; il les envoya à Romain III afin qu’il décidât de leur sort. Il trouva
dans la citadelle deux cents cadavres, tués par les projectiles des mangonneaux. Comme il
l’avait fait précédemment, il ordonna qu’on mît le feu au glacis artificiel afin de fabriquer
une grosse quantité de chaux. La brèche fut réparée, les fortifications furent remaniées et
améliorées, le château fut équipé et doté d’une garnison byzantine. Niqita avait réussi en
moins de deux ans à reconquérir la totalité des nouveaux châteaux forts dominant le
littoral et à en retourner trois au service des Byzantins.
***
220 Pendant le siège de Bikisrā’īl, Niqita avait reçu deux messagers venant d’al-Dizbirī. Il les
fit assister à l’investissement de la place et quand ils eurent pris conscience des méthodes
de combat byzantines, il les envoya à Ǧabala où ils demeurèrent jusqu’à la fin du siège.
Niqita les rappela alors auprès de lui pour qu’ils voient la citadelle détruite et les morts
67
qu’elle contenait puis sa rapide reconstruction. Alors, il les renvoya auprès de Dizbirī. Il
expédia les prisonniers au Basileus et lui-même, rentra à Antioche41.
221 Al-Dizbirī, à la suite des expériences fâcheuses qu’il avait subies pendant ces quelques
mois, ne pouvait douter du désir des Byzantins de pousser leur avantage en Syrie du Nord
et de continuer à faire tomber toutes les places-fortes qui protégeaient le territoire
musulman. Pour empêcher une telle tentative, il décida de recourir à une attaque du
territoire byzantin. Pour préparer l’opinion publique à cette éventualité et pour faciliter
la levée de volontaires, al-Dizbirī obtint d’al-Ẓāhir que des lettres de Majesté soient
rédigées et lues sur tous les minbar d’Egypte, de Syrie, du Diyār Muḍar, du Diyār Bakr et
du Diyār Rabīca. Ces lettres proclamaient l’état d’alerte. Rappelant les attaques byzan
tines en Syrie du Nord et à Edesse, elles faisaient ressortir la menace qui pesait sur les
civils musulmans de Syrie et en conséquence elles appelaient aux armes (al-nafir),
l’alarme. De cet appel défensif, elles passaient à un ordre positif de se joindre au ğihād qui
allait être mené contre l’ennemi byzantin, sur son territoire.
222 Niqita, quand il fut informé de cette proclamation de préparation à la guerre offensive,
écrivit à al-Dizbirī. Il lui fit savoir qu’il était prêt à affronter une armée musulmane qui
tenterait de pénétrer en territoire byzantin mais qu’il était également toujours prêt à
poursuivre la négociation entamée avant le siège de Bikisrā’īl, qu’al-Dizbirī choisisse !
Niqita se disait disposé à faire accompagner à Constantinople les deux envoyés d’al-Ẓāhir
une fois qu’ils auraient rencontré les deux envoyés byzantins ; ceux-ci pourraient alors se
rendre au Caire. Il assurait al-Dizbirī qu’une fois achevée la prise de Bikisrā’īl, il n’avait
plus aucun projet d’expédition en terre musulmane. Al-Dizbirī accepta de renouer la
négociation et les quatre envoyés se rencontrèrent à Tartous comme cela avait été prévu,
puis, deux par deux, ils continuèrent leur route afin de porter au monarque étranger les
propositions de leur souverain.
223 Naṣr b. Mirdās, le prince kilabite d’Alep, désireux que la négociation entre le Caire et
Constantinople n’ait pas comme résultat une remise en cause de la situation particulière
de sa principauté, devança les négociateurs en faisant partir pour Constantinople le tribut
annuel prévu par le traité de protectorat. Il expédia également une relique, un cheveu de
Jean-Baptiste, qui avait été longtemps conservé à l’église de Homs, puis qui avait été
transporté à l’église de la citadelle d’Alep lorsque les Hamdanides craignirent
l’occupation de Ḥomṣ par les Byzantins42. Le cheveu fut désormais conservé dans le
reliquaire du Palais à Constanti nople. Naṣr b. Mirdās put ainsi faire renouveler
solennellement son traité avec Romain III, prévoyant que le territoire de sa principauté
serait protégé, en cas de menace, par l’armée byzantine. En effet, dans la négociation qui
allait s’engager, le sort d’Alep et de sa région devait constituer un des points
d’achoppement des conversations.
tracé de frontières délimitant les terres dépendant d’Edesse et de celles relevant des
Numayrites fut effectué d’un commun accord. Les émirs numayrites s’engagèrent à
respecter les possessions byzantines et à lutter contre tous ceux qui tenteraient de créer
du désordre dans cette région. Ils expédièrent une délégation à Constantinople afin
qu’elle les représentât dans la négociation générale qui allait s’engager.
225 Ibn Marwān, le maître du Diyāar Bakr, fit partir également un envoyé pour
Constantinople. Pour expliquer l’intervention de son armée à Edesse, lors du conflit entre
chrétiens et musulmans, intervention que lui avaient reprochée les Byzantins, il fit savoir
à ceux-ci qu’il y avait été contraint par la pression qu’exerçait sur lui l’opinion publique
musul mane. La défaite byzantine de 421 était bien oubliée. L’action énergique de Niqita
et des protospathaires Michel et Simon avait rendu son prestige à l’Empire byzantin en
Syrie du Nord et en Ǧazīra. Tous les princes musulmans de ces régions, tous les chefs des
tribus arabes qui y séjournaient voulaient être représentés à la grande négociation qui
allait s’ouvrir à Constantinople.
• Al-Ẓāhir ne devait pas venir en aide aux musulmans de Sicile qui combattaient les Byzantins,
ni secourir qui que ce fût qui s’opposerait aux Byzantins ou créerait des désordres sur le
territoire byzantin.
229 En contrepartie, Romain III promettait de libérer les prisonniers de guerre musulmans
contre la permission de reconstruire l’Église de la Résurrection. Romain III évoqua
également le cas de Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ qui avait désiré attaquer le territoire fatimide et
avait réclamé de lui une aide pour le faire. Il demandait à al-Ẓāhir de le laisser rentrer en
Syrie dans ses terres et de lui rendre les iqṭāc qui lui étaient reconnus à l’époque d’al-
Ḥākim. Les Ṭayy devaient renoncer à tous ceux qu’ils s’étaient attribués illégitimement ou
par la force au temps d’al-Ẓāhir. Romain III soutenait la demande de Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ
de rentrer en Syrie en assurant qu’il s’était amendé et qu’il ne causerait plus de désordre.
Au cas où il reprendrait ses funestes habitudes, tous, Fatimides et Byzantins, uniraient
leurs efforts pour le combattre.
230 Romain III proposa également à al-Ẓāhir de lui remettre le château de Šayzar que les
Byzantins tenaient et de recevoir en contrepartie la citadelle d’Apamée, qui, quoique
située au nord de Šayzar, se trouvait entre les mains des Fatimides. En effet, la situation
telle qu’elle existait alors était géographiquement inepte. Un échange aurait renforcé les
défenses des deux territoires car ces places-fortes auraient repris leur place naturelle
dans une ligne de résistance continue.
231 Al-Ẓāhir répondit aux propositions byzantines. Il accepta la recons truction de l’Église de
la Résurrection et de toutes les églises détruites ou confisquées sous le règne d’al-Ḥākim,
à l’exception de celles qui avaient été remplacées par des mosquées. En contrepartie, tous
les musulmans faits prisonniers par les Byzantins sous le règne de Romain III seraient
libérés. Il accepta de ne plus aider le maître musulman de la Sicile à lutter contre les
Byzantins ; de même, il n’assisterait pas ceux qui seraient tentés de lutter contre les
Byzantins ou de créer des désordres dans un territoire soumis à eux sous condition que
les Grecs adoptent une attitude semblable. Ce dernier point visait Ibn al-Ǧarrāḥ. Par
contre, al-Ẓāhir refusa de répondre favorablement à la proposition byzantine concernant
Alep. Cette ville était une des plus nobles places-frontières de l’Islam et elle ne faisait, en
aucun cas, partie du domaine, ḥawz (enclos), byzantin. Al-Ẓāhir demandait donc que la
question d’Alep ne figurât point dans la rédaction définitive du traité de trêve.
232 Al-Ẓāhir ne répondit pas favorablement, non plus, aux deux propositions annexes. Il ne
désirait pas le retour de Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ en Syrie. Il ne voyait pas l’utilité de l’échange
de Šayzar contre Apamée. Yaḥyā ne fait aucun commentaire sur ce point mais il est
évident que la valeur stratégique de la forteresse d’Apamée, surveillant le Ghab et la seule
route de plaine, le long de l’Oronte, ainsi que l’accès aux plateaux de Syrie du Nord, était
très supérieure à celle de Šayzar. Cette dernière forteresse ne contrôlait qu’un terroire
réduit, elle pouvait facilement être tournée et elle ne constituait pour les Byzantins qu’un
bout du monde.
233 Romain III ne voulut pas abandonner sa prétention à faire entrer officiellement Alep dans
le domaine byzantin44. Jusqu’à son décès, en 425/1034, la négociation achoppa sur ce
point. Yaḥyā rapporte qu’elle reprit sous son successeur Michel IV le Paphlagonien, et
qu’elle n’aboutit qu’après trois ans et demi de discussions. Il annonce qu’il en présentera
les clauses sous l’année concernée, année qui malheureuse ment a disparu dans les
manuscrits conservés de la chronique de Yaḥyā. Ibn al-Aṯīr annonce, sous l’année
429/1038-39, la conclusion d’une trêve entre le calife fatimide al-Mustanṣir et un Basileus,
70
dont il ne précise pas le nom, mais qui ne peut être que Michel IV45. Ibn al-Aṯīr ne
mentionne à propos de cette trêve que la libération par les Byzantins de cinq mille
prisonniers de guerre et la permission de reconstruire l’Église de la Résurrection qui leur
fut accordée par al-Mustanṣir, le fils et successeur d’al-Ẓāhir. Le Basileus envoya des
ouvriers pour procéder à la restauration de l’Église et dépensa de fortes sommes d’argent
à cet effet.
234 Le récit de Yaḥyā fait apparaître chez al-Ẓāhir, au-delà de la simple défense des intérêts
de son État, un souci de reprendre à son compte l’héritage califal de protection de
l’intégrité du Dār al-Islām dont Alep constituait un des fleurons. En effet, le califat
abbasside traversait alors une crise et les princes bouyides étaient incapables de monter
une expédition militaire contre les Byzantins. Bagdad ne pouvant plus prétendre incarner
l’honneur de l’Islam arabe, le rôle en était naturellement dévolu au Caire. Pour l’année
422/1031, Ibn al-Aṯīr rapporte dans son obituaire le décès à Miṣr-Fusṭāṭ du faqih malikite
cAbd al-Wahhāb b. cAlī b. Naṣr en ces termes : « il vivait à Bagdad, il dut abandonner la
ville à cause des difficultés de vie qu’il y rencontra et il partit pour l’Egypte où les
Maghrébins firent de lui un homme riche ».
***
235 Les événements survenus en Syrie du Nord et en Ǧazīra après la défaite et la mort de Ṣāliḥ
b. Mirdās, près du Jourdain en 420, mettaient en évidence les limites de la riposte fatimide
à la grande révolte bédouine de 415. Le contrôle du Caire fut rétabli sur la Palestine ; le
danger des incursions Ṭayy sur la Syrie méridionale fut écarté avec le départ d’Ibn al-
Ǧarrāḥet des siens pour le territoire byzantin. La menace qu’avait fait peser sur Damas la
tribu Kalb de Sinān b. cUlayyān était également levée avec l’installation de Rāfic ibn Abī’l-
Layl en Syrie du Nord. Mais l’armée d’al-Dizbirī ne pouvait, pour l’instant, étendre à
nouveau l’influence fatimide sur la principauté d’Alep, ni même contrebalancer
l’hégémonie qu’y exerçait l’armée byzantine. Sur le littoral, Tripoli demeurait en
première ligne face aux avancées byzantines sur le rivage et sur la montagne dominant la
côte. Les châteaux-forts étaient entre les mains des Grecs qui pouvaient attaquer Arqa ou
couper la route Homs-Tripoli, à tout instant46.
NOTES
1. Les références aux textes utilisés pour reconstituer le déroulement de l’année 415, grâce avant
tout à al-Musabbiḥī, et à Yaḥyā, ne sont pas données en note puisqu’elles découlent de l’ordre
chronologique adopté.
2. Le texte de Yaḥyā, 244, n’étant pas établi d’une manière certaine, il peut s’agir de la forteresse
du Marqab ou de la forteresse toute proche de Maraclée ; al-Marqab, Yāqūt, IV, 500, al-
Maraqiyya, IV, 501, voir Guide Bleu, 1932, sous Marqab et sous Maraclée. On trouvera dans le
même guide, Qalaat al-Kaouabi, au nord-est de Tartous et Ollaïqa, entre Banyās et Masyāf. Pour la
bibliographie, voir Cahen (4°) 173, Ollaïqa, et 174, note 31, Khawabi-Coïble. Dussaud, 139 et
suivantes et 130.
71
Syrie, comme intendant militaire, avant de devenir vizir, sous al-Mustanṣir. Il trouva la mort à la
suite des troubles qu’il avait déclenchés après la mort de Alī b. Aḥmad al-Ǧarǧarā cī à qui il avait
succédé, troubles contre un autre personnage d’origine juive, Abū Sahl al-Tustarī, voir Ibn al-
Muyassar, index, Maqrīzī (107), II, index, al-Musabbiḥī, index ; Nāṣir I Husraw (47), 130 ; Mann
(197), I, 77.
18. Rāfi c b. Abī 1-Layl muqaddam ṭā’ifat al-Kalbiyyin cIzz al-Dawla, cf. Cahen, Notes d’historiographie
arabe, 166. La succession dans Yaḥyā, 253 ; voir Maqrīzī (107), II, 176 ; Ibn al-Qalānisī, 73, 75, 79 ;
Ibn al-cAdīm, I, 231, 232, 250 ; Zakkar (8), 100 et 119.
19. Pour l’histoire de la Syrie, lors du gouvernement de Damas d’Anūš Takīn, voir les références
sur celui-ci p. 425 n. 2, ainsi que Nuwayrī, 63 ; Stern (201), 30 ; Wiet, dans Mélanges Dunand, II,
383-407. Le texte de base pour les années 418 H. et suivantes est Yaḥyā (45),, 248-273, ainsi que
Ibn al-Qalānisī, 71-83. Sur al-Uqḥūwāna, voir les références données en note par Dahhan dans son
édition d’Ibn al-cAdīm, I, 231.
20. Editée en note d’Ibn al-Qalānisī, 74.
21. Ibn al-cAdīm, I, 232-234. D’autres références dans Saleh (52) passim et notamment 161. Dans le
travail que nous présentons ici, nous n’avons pris en compte que les Chroniques historiques
arabes. Il est évident qu’une recherche historique sur la société et la culture en Syrie du Nord et
notamment à Alep et à Macarrat al Nucmān devrait s’appuyer sur une analyse fine des écrits
d’Abū’l-cAla al-Macarrī. Voir « Macarrī », EI 2, V, 933-938. Peter Smoor a également rédigé dans le
Journal of Arabic Literature, XII, 1981, 49 n 73 et XIII, 1982, 23 n 53, un article fondamental sur la
Risālat al-Ṣāhil wa’l-Sāḥiğ, d’Abū’l-cAlā’, édité au Caire par Bint al-Sāṭī, en 1975. Une nouvelle
édition est en préparation à Damas.
Dans cette épître d’Abū’l-cAla’, il semble que chaque animal prenant part au dialogue représente
un groupe social, paysans, guerriers, bédouins, commerçants, etc... Par ailleurs, la crainte
provoquée par les invasions byzantines conduites par Basile II en Syrie du Nord, est très
précisément évoquée, ainsi que les folies des grandeurs du « Sayyid cAzīz al-Dawla wa Tağ al-
Milla Amīr al-Umarā’ ».
22. Deux familles de lettrés et d’historiens, portant le même nasab, Ibn Muhaḏḏab, s’illustrèrent
aux IVe et Ve siècles de l’hégire, l’une au Caire, au service des Fatimides, l’autre à Ma carāt al-Nuc
mān et en Syrie du Nord ; plusieurs membres de celle-ci ont reçu une notice chez Ibn cAsākir. Les
deux familles étaient peut-être apparentées.
23. Hass, Dussaud, 210 et 238 ; Tell Mannas, Dussaud, 173 et index.
24. La diffusion du sentiment antichrétien en Ǧazīra, région affrontée à Byzance, alors que la
Syrie centrale et méridionale n’est pas mentionnée dans cette campagne d’opinion, met en
évidence, une fois de plus, une aire culturelle de Syrie septentrionale et de Ǧazīra, plus ou moins
indépendante de la Syrie centrale-Palestine.
25. Ibn al-cAdīm, I, 240, voir les références données par Dahhan dans la note 3.
26. Ibn al-cAdīm, I, 241 ; maqṯa’t, champ de concombre ; Belot, 617.
27. Cyrrhus, un des plus beaux sites archéologiques d’époque romaine, subsistant en Syrie du
Nord, Guide Bleu, éd. 1932, 178-179.
28. Voir dans Aristakes, (2110), pp. 28-29, un récit particulièrement sévère pour les Byzantins.
29. Ibn al-cAdīm, I, 249-250 et index sous Sālim b. Mustafād.
30. Cf. supra, p. 320, n. (1).
31. Ce nom peut également faire allusion aux citernes ou aux énormes jarres en poterie, servant
à conserver le vin ou l’huile dont étaient munis ces châteaux, voir les références sur ces divers
sites, p. 418, n. 1. Pour Bikisrā’īl, voir Yāqūt.I, 706, Balāṭunus, Yāqūt, I, 710. Le récit dans Yaḥyā
(45), 257-269.
32. Claude Cahen, « Note sur les origines de la communauté syrienne des Nuṣayris », REI, XXXVIII
2, 1970, 243-249, émet l’hypothèse que « la première manifestation publique du nuṣayrisme dans
cette région est l’activité de Naṣr b. Mušraf ». Rien, dans les textes que nous avons étudiés, ne
73
nous permet ni de confirmer, ni d’infirmer cette proposition. Al- cAẓīmī, 315, signale qu’en 398 H.
Basile II aurait conquis Šayzar, le Ǧabal Bahra et le Ǧabal al-Rawādīf. Voir Balaḏūrī, Futūḥ al-
Buldān.
33. Yāqūt, I, 823, Tubbal, village près de cAzzāz, doté d’un marché et d’une mosquée à minbar.
34. Rafaniyya ou Raphanée, Dussaud, 98 « sur la route directe joignant Tripoli à Hama, par
‘Arqa », Guide Bleu, 1932, 259 ; Yāqùt, II, 796 ; Arqa, Dussaud, 80 et suiv, et index ; Yāqūt, III,
653-654, vocalise ‘Irqa, et dans le long article qu’il consacre à cette place située à la frontière nord
du ğund de Damas, cite un grand nombre de muḥaddit qui en furent originaires. Guide Bleu, 1932,
66 ; ce site a fait l’objet d’une fouille de l’Institut Français de Beyrouth. La richesse culturelle
attestée par ‘Arqa au vie siècle de l’hégire par Yāqūt, est confirmée par le témoignage sur la
richesse économique à la même époque d’Idrisï, voir Le Strange, 398.
35. Yaḥyā, 264-265 ; Ibn al-Aṯīr, IX, 348, 413, 443, 448, 460, 498. Yāqūt, III, 876-878.
36. Al-cAzīmī, 340, rapporte qu’en 442 H., la population d’al-Rawādīf reprit aux Byzantins Ḥiṣn al-
Manīqa pour le livrer aux hommes d’al-Mustanṣir et que ceux-ci remirent la forteresse à la
population.
37. Yaḥyā 260, est pour cette épisode la source la plus riche.
38. Yaḥyā 262.
39. Inab et Qastun, voir Dussaud, 166-168 et suiv. 433.
40. Voir Aristakes, (2110), la note 1, p. 83, des traducteurs sur les machines de guerre byzantines
et turques.
41. Yaḥyā 265 et suiv.
42. La citadelle d’Alep abritait une mosquée et deux églises d’après Ibn Butlān, Le Strange, 363.
43. Yaḥyā, 269 et 270.
44. Yaḥyā, 270-273.
45. Ibn al-Aṯīr, IX, 460, 429H. Pour Maqrīzī (107), II, 182, une trève de dix ans fut signée en 427h.
entre al-Ẓāhir et Michel IV, elle fut rompue en 432H., page 188.
46. Maqrīzī (107), II, que nous n’avons pas utilisé pour le récit des événements de Syrie du Nord
entre 420H. et 429H., car il semble mal renseigné, rapporte que l’attaque des 421H. fut suggérée
au Basileus par Murtaḍā al-Dawla Manṣūr b. Lū’lū’, toujours réfugié en territoire byzantin et
désireux de récupérer Alep ; Ibn Lū’lū’ aurait conduit une expédition de dix mille soldats avec un
byzantin, Ibn Duqas. Après la défaite des Grecs, on vendit à Alep, les mules pour deux dinars
pièce, tant l’offre était abondante. Maqrīzī et Ibn al-Aṯīr rapportent sous l’année 422 une attaque
par les Byzantins du château d’Apamée. Al-Dizbirī, malade à Damas, fut dans l’incapacité de
réagir. Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ accompagna l’expédition byzantine et rentra en territoire musulman,
portant sur la tête (sur un casque ?) ou sur un drapeau, qu’on tenait au-dessus de lui, une croix. Il
se peut que la forteresse d’Apamée ait été momentanément occupée par les Byzantins, mais peu
de temps, car ceux-ci la réclament quelques années plus tard. En 422H., le Basileus aurait exigé de
Ṣāliḥ b. Mirdās cinq cent mille dirhams au change de soixante dirham le dinar, ḫamsami’at alf
dirham ṣarf sittīn dirham(an) bi-dīnār, Maqrīzī (107), II, 180.
74
Enfin, des maisons d’Acre furent détruites. La mer y quitta le rivage pendant une heure
puis revint à sa place.
4 Maqrīzī place également en 425 le tremblement de terre qu’il rapporte sensiblement dans
les mêmes termes que Yaḥyā qui a dû être sa source. Ibn al-Aṯīr écrit qu’en 425 les
tremblements de terre se multiplièrent en Syrie et en Égypte mais évalue au tiers des
immeubles les destructions de Ramla.
5 Maqrīzī ne mentionne ni la disette, ni l’épidémie qui ravagea l’Asie. Il indique qu’en 422,
la crue ayant eu un retard en Égypte, du blé fut importé de Syrie en grande quantité pour
contrer la hausse des prix, mais que la crue normale étant survenue quatre mois après la
date habituelle, le marché retrouva son cours. Pour l’année 426, il signale une invasion de
rats en Égypte, ravageant les cultures, invasion suivie d’une épidémie (waba’), dans le
même pays.
6 A ces indications disparates tirées de trois auteurs, d’autres peuvent être ajoutées,
témoignant des difficultés alimentaires et de la hausse des prix à Bagdad où les brigands
se multiplient, rançonnant, volant les montures, pillant et tuant. De même, comme c’est
le cas lors des crises frumentaires, on signale en 423 et en 424 des attaques de Bédouins
contre les pèlerins. Les anomalies météorologiques, vents brûlants, crues, ou
astronomiques, comètes, sont consignées en grand nombre sans que l’on puisse savoir si
la situation sortait véritablement de l’ordinaire ou si la sensibilité des gens, en période de
crise diffuse, était particulièrement à vif et les amenait à tout interpréter comme un signe
du dérangement des temps.
7 L’Egypte d’al-Ẓāhir paraissait faire exception : c’était une oasis de calme et de prospérité.
Maqrīzī rapporte pour l’année 420 le détail des dons somptueux reçus du Ziride, al-Mu cizz
b. al-Manṣūr, et des dons qui lui furent envoyés en échange. Les sujets se pressaient
devant le Palais du Caire pour implorer la grande faveur d’apercevoir la tête de l’Imām
sortant du belvédère (al-manẓara), surmontant la porte. Il signale pourtant pour la même
année 420 des combats entre Turcs et Maghrébins que ces derniers auraient gagnés,
expulsant les Turcs du Caire. Sous l’année 423, il mentionne l’extermination des dā cī
fatimides sur ordre d’al-Ẓāhir qui avait peur d’être renversé par eux. Cela provoqua des
remous dans l’armée et dans la population et il fallut dépenser beaucoup d’argent pour
ramener le calme. Mais l’image générale demeure paisible1.
9 Le Caire avait quelques difficultés à suivre les événements qui se déroulaient en Syrie du
Nord et en Ǧazīra du fait de l’instabilité de la situation et des changements d’alliance
auxquels se livraient les tribus arabes selon les circonstances. En effet, sur tout le
pourtour de la steppe qui séparait la Syrie utile, la Ǧazīra et l’Iraq, des tribus arabes, en
général qaysites, se taillaient de petites principautés au détriment des régions
sédentaires. Les Kilabites de Syrie du Nord étaient au contact sur l’Euphrate avec les Banū
Numayr qui tenaient Harran et Edesse. A l’est du Diyār Bakr tenu par les Kurdes de Naṣr
al-Dawla b. Marwān, le Diyār Rabīc a et la région de Mawṣil étaient dominés par les Banū c
Uqayl de Qarwāš b. Muqallad dont l’influence allait jusqu’à Bagdad. La moyenne vallée de
l’Euphrate lui était disputée par deux autres tribus, les Banū Asad, commandés par
Dubays b. cAlī b. Mazyad, dont le territoire s’étendait jusqu’au delà du Tigre, au sud-est de
Bagdad, et les Banū Ḫafāğa, commandés par Abū’l-Fityān Manic b. Ḥassān, dont le
territoire, plus méridional était centré autour de Kūfa. Des coalitions se nouaient et se
dénouaient sans cesse entre les tribus ou entre celles-ci et les princes installés dans les
villes proches, coalitions dont le but était en général de piller un tierce terroir.
10 Les rapprochements qui s’effectuaient n’avaient plus guère de rapports avec les grandes
affinités tribales de jadis, les liens de sang ou de guerre hérités de la ğāhiliyya. La religion
pouvait intervenir mais la plupart de ces tribus étaient d’un chiisme plus ou moins
prononcé. L’unité même des tribus était constamment mise en cause par des guerres
civiles entre diverses branches ou même des frères, ainsi l’Uqaylide Badrān combattit son
frère Qarwāš en 417 qui pour lui résister demanda l’aide des troupes du Kurde Naṣr al-
Dawla b. Marwān. Puis, un troisième Uqaylide, Ibn Qurad étant intervenu, ils se
réconcilièrent et Qarwāš rendit à Badrān la ville de Naṣībīn.
11 Le motif réel de ces luttes était la nécessité absolue pour les tribus demeurées jusqu’alors
avant tout nomades de mettre la main sur des parcours de pâture dans des zones soit
montagneuses, soit irriguées et, en même temps, de contrôler des terroirs cultivés par des
paysans afin de se fournir en grains. L’hypothèse d’un épisode climatique de
dessèchement relatif de la steppe et de disparition des herbages qui y faisaient leur
apparition en hiver et au printemps après les pluies est ici encore, plausible sans pouvoir
être prouvée. Par ailleurs, la nouvelle escrime à cheval, exigeant des armes d’un prix plus
élevé et des chevaux plus puissants, incitait les tribus arabes à se rendre maîtresses des
cités proches de la steppe et situées sur un itinéraire commercial. C’était pour elles le
moyen de percevoir des impôts en numéraire et de disposer de marchés
d’approvisionnement. Enfin, en cas d’attaque dangereuse, le repli derrière les murailles
d’une place-forte avait pris le pas sur la fuite et l’évanouissement dans le désert 2.
***
12 En 426/1035, la tribu des Banū Numayr fut à l’origine de la reprise des hostilités. Déjà,
pendant l’année précédant la mort de l’Uqaylide Badrān b. Muqallad, elle avait essayé de
s’emparer de Naṣībīn, en vain. Cette fois, Ibn Waṯṯāb, le chef des Banū Numayr décida de
s’en prendre au Diyār Bakr tenu par les Marwanides. Il demanda l’aide de la garnison
byzantine d’Edesse, aide qui lui fut accordée car Byzantin et Marwanide avaient, tous
deux, des visées sur l’Arménie. Mais Ibn Marwān quand il vit ses états envahis et pillés, fit
appel à l’Uqaylide Qarwāš, qui soucieux de protéger son neveu, le maître de Naṣībīn,
envoya une armée. Ibn Waṯṯāb fut repoussé.
77
13 Ibn Marwān envoya un messager auprès du Basileus pour lui demander raison de la
rupture de trève. En même temps, il fit diffuser la nouvelle de l’entrée des troupes
chrétiennes en territoire musulman et put ainsi lever en nombre, soldats et volontaires
civils. Il fit mine de marcher sur Edesse afin d’assiéger la ville. Mais, un messager arriva
de Constantinople, porteur des excuses du Basileus qui désavouait ses subalternes qui
avaient agi sans son aveu. Il remit à Ibn Marwān un don précieux et promit de punir les
responsables de l’affaire. Dès lors, Ibn Marwān abandonna l’idée de son expédition et tout
rentra dans l’ordre. Ibn al-Aṯīr place à la suite de ce récit, celui d’une expédition
byzantine contre Alep, expédition qu’il est seul à mentionner et qui est en fait celle de
421, déplacée de six ans.
14 En rağab 427/avril-mai 1037, les Banū Numayr mirent sur pied une nouvelle campagne
sous le commandement d’Ibn Waṯṯāb et d’Ibn cUṭayr. Cette fois-ci, ils obtinrent l’aide
d’Ibn Marwān qui leur envoya une armée afin de prendre Edesse aux Byzantins. Ils
levèrent également les villageois musulmans de la région. Ils s’emparèrent d’abord de la
ville de Suwayda (Sevavarak, à la limite du Diyār Muḍar et du Diyār Bakr) que les
Byzantins venaient de rebâtir. Ils y tuèrent trois mille cinq cents hommes, firent de
nombreux captifs et un gros butin. Puis ils investirent Edesse, cernant la ville et
interdisant toute entrée de vivres. Le patrice qui commandait la garnison put s’enfuir,
déguisé, et se rendre auprès du Basileus qui lui confia cinq mille cavaliers pour dégager la
ville. Mais les musulmans avertis, lui tendirent une embuscade. Un grand nombre
d’hommes furent tués et le patrice fait prisonnier. En menaçant de le tuer sous les murs
d’Edesse les assiégeants purent se faire ouvrir les portes de la ville. Seule, la citadelle
résistait encore. Le butin fut considérable et les captifs nombreux. Ibn Waṯṯāb envoya à
Āmid cent soixante bêtes de somme chargées des têtes qu’il avait fait couper.
15 Ḥassān ibn al-Ǧarrāḥ, toujours au service des Byzantins, vint combattre les Banū Numayr
à la tête de cinq mille cavaliers arabes et grecs. Ibn Waṯṯāb avança à sa rencontre. La
garnison byzantine d’Edesse en profita pour faire une sortie et attaquer Harran. Ibn
Waṯṯāb l’ayant appris se rendit dans cette ville pour les combattre. Vaincus, les soldats
grecs revinrent à Edesse. Le siège de la forteresse se poursuivit jusqu’en 429/1033, année
où Ibn Waṯṯāb consentit à leur livrer la ville et son faubourg (rabaḍ). Les Byzantins purent
alors quitter la tour-citadelle et occuper à nouveau la ville. Celle-ci fut reconstruite et
fortifiée ; des Grecs y furent installés en nombre. Les musulmans de Harran se sentirent
menacés par la proximité d’Edesse3.
16 L’affaiblissement des Banū Numayr s’explique, en partie, par les changements intervenus
en Syrie du Nord. Naṣr b. Ṣālih, leur allié avait disparu.
***
17 Naṣr b. Ṣālih b. Mirdās, le prince d’Alep, avait tenté de maintenir de bonnes relations avec
son protecteur byzantin et avec l’Imām al-Ẓāhir, en négligeant la présence d’Anūš Takīn
al-Dibzirī à Damas. Mais, celui-ci, surveillait la Syrie du Nord, prenait des contacts avec
les diverses tribus arabes et préparait une action. Le gouverneur de Homs, Ǧacfar b.
Kulayd al-Kutāmī, s’efforçait de dresser al-Dizbirī contre le Mirdaside. Naṣr, inquiet de ses
relations avec le Caire, demanda conseil au nouveau Basileus, Michel IV, qui lui conseilla
de se proclamer dans l’obédience d’al-Ẓāhir. Michel IV renonçait ainsi aux prétentions de
Romain III à détacher la principauté d’Alep de l’État fatimide4.
78
18 Naṣr b. Ṣālih expédia au Caire un de ses hommes, Ibn al-Aysar, avec une part importante
du butin provenant de la bataille de cAzāz, joyaux, vases précieux, chevaux et mules. Le
vizir al-Ǧarǧarā’ī apprécia l’intention et montra la satisfaction que provoquait chez lui un
tel geste. Il annonça que la ville de Homs serait confiée à Naṣr b. Ṣāliḥ et celui-ci reçut en
sus de son ancien laqab Šibl al-Dawla, les titres suivants : Muḫtaṣṣ al-Umarā’ Ḫaṣṣat al-Imām
Šams al-Dawla wa Mağdu-ha Ḏū’l- ‘Azīmatayn. Ibn al-Aysar demeura au Caire jusqu’à la mort
d’al-Ẓāhir à la mi-šacbān 427/13 juin 1036 et il revint après la prise du pouvoir par le fils
et successeur d’al-Ẓāhir, al-Mustanṣir.
19 Ǧacfar b. Kulayd qui risquait de perdre son poste de gouverneur de Homs si la promesse
d’al-Ǧarǧarāc ī était réalisée poussait al-Dizbirī à agir contre Naṣr b. Ṣāliḥ. Le gouverneur
de Damas ne pouvait accepter qu’un chef kilabite, tenant la Syrie du Nord, s’installât à
Homs, dans une région où les tribus yamanites ou alliées aux yamanites étaient
majoritaires. Un tel mouvement aurait déclenché des troubles dangereux pour l’équilibre
de la Syrie centrale.
20 Ibn al-ccAdīm rapporte qu’al-Dizbirī écrivit au Basileus pour lui demander l’autorisation
de délivrer Alep de Naṣr, istinqāḏ Ḥalab min-hu, expression étonnante. L’acquiescement
byzantin à cette requête quelques années après les luttes acharnées menées par Niqita ne
l’est pas moins. Les chroniqueurs n’en livrent pas l’explication. La poigne de Naṣr sur la
ville était rude et les prélèvements financiers qu’il y effectuait sûrement élevés, comme
nous le verrons. Pourtant l’explication serait sans doute à rechercher dans le souci que
causait aux Byzantins la dure guerre que menait à Edesse la tribu Numayr. Naṣr b. Ṣāliḥ
avait épousé al-Sayyida cAlawiyya, fille de Waṯṯāb b. Sabīq al-Numayrī, le prince de
Harran, mort en 410, sœur de Šabīb b. Waṯṯāb, le chef des Banū Numayr, à cette date. Une
alliance entre deux tribus qaysites apparentées qui avaient souvent combattu ensemble
dans la steppe de Syrie du Nord au IVe/Xe siècle était dans la nature des choses. Elles
tenaient la vallée moyenne de l’Euphrate en amont de Raḥba, le Diyār Muḍar et le ğund de
Qinnasrīn. Si, grâce à la promesse de Ǧarǧarācī, elles mettaient la main sur le ğund de
Homs, donc sur la piste Raḥba, Homs, Tripoli, elles contrôleraient la totalité des routes de
plaine reliant le Golfe et l’Euphrate à l’Asie Mineure et à la Méditerrannée. Les Byzantins
et les Damascains ne pouvaient tolérer cette mainmise sur le commerce oriental venant
de Mésopotamie alors que le Caire, intéressé avant tout par la voie de Yémen, de la Mer
Rouge et de la Vallée du Nil n’y trouvait aucune gêne. Ainsi s’explique aussi la
compétition entre les Byzantins et les Marwanides du Diyār Bakr pour établir des
positions dans les hautes vallées d’Arménie qui permettaient de tourner le Diyār Muḍar
par le nord.
21 Par ailleurs, même si comme cela a été mentionné plus haut, les souvenirs des grandes
confédérations tribales anté-islamiques s’estompaient quelque peu, on peut comprendre
que les deux grands alliés d’al-Dizbirī dans son expédition contre Naṣr b. Ṣāliḥ aient été
les Banū Kalb de Rāfic ibn Abī’l-Layl et les Ṭayy conduits par cAllān b. Ḥassān ibn al-
Ǧarrāḥ, deux tribus de mouvance yamanite et ayant des prétentions sur la steppe
syrienne. Les armées maghrébines et alliées prirent la route du nord, en direction de
Hama, mais obliquèrent vers l’est à Rastan pour gagner le Wādī al-Mulūk. Naṣr b. Ṣāliḥ
prit position sur un tell, à l’ouest de Salamiyya, sans doute à l’emplacement de la future
Qalcat Šumaymis.
22 Une première bataille s’engagea. Naṣr b. Ṣāliḥ s’enfuit et envoya demander de l’aide à son
beau-frère, Šabīb b. Waṯṯāb al-Numayrī. Al-Dizbirī entra dans Hama qu’il pilla. Une
seconde bataille eut lieu sur un tell entre Homs et Apamée, Tell Fas près de Latmin. Naṣr
79
résista courageusement avec ses proches mais il fut tué d’un coup de lance et sa tête fut
coupée pour être remise à al-Dizbirī, à la mi-šacbān 429/23 mai 1038. Son frère, Ṯimāl put
prendre la fuite. Al-Dizbirī exprima tous ses regrets à la tête coupée et montra de la
tristesse ; il fit clouer le corps dans la citadelle de Hama, puis il donna l’ordre qu’on
l’enterre. Ibn al- cAdīm aime à faire ressortir les contradictions de sentiment entre le
guerrier face à un adversaire courageux et le politique qui doit faire comprendre aux
populations le changement engendré par sa victoire5.
bien décidé à partir mais il voulait emporter une partie du trésor de la citadelle et
recevoir des assurances pour la traversée d’Alep avec ces biens précieux. Le marchandage
portait sur le montant de ce qu’il pourrait emporter. Finalement, on lui réclama trente
mille dinars, des vêtements d’apparats, des tapis, des ustensiles en argent. On lui laissait
la disposition du reste. Il livra donc la citadelle et descendit en ville avec son trésor. Il n’y
passa qu’une journée puis prit la fuite dans la steppe, ayant peur d’une trahison ; il
rejoignit avec son trésor le campement de Ṯimāl b. Ṣāliḥ en Ǧazīra.
28 L’entrée d’al-Dizbirī dans la citadelle eut lieu le 22 ou le 23 ramaḍān. Il ordonna à tous les
ġulām et à tous les eunuques qui avaient servi dans l’armée mirdasside de quitter la ville.
Il s’installa à Bāb al-Ǧinān pour recevoir les délégations venues le féliciter de toute la
région.
29 La fête de la rupture du jeûne fut célébrée à Alep dans une atmosphère de liesse populaire
et elle passait, trois siècles plus tard, pour la plus belle cId al-Fiṭr jamais vue à Alep. Al-
Dizbirī avait donné l’ordre que les biens fonciers des Alépins illégalement saisis au temps
de Ṣāliḥ b. Mirdās leur fussent rendus. Al-Dizbirī épousa la fille d’un chef kilabite, Manṣūr
b. Zuġayb, montrant ainsi que s’il avait fait la guerre à ceux qui détenaient indûment la
ville d’Alep, il désirait avant tout établir une alliance avec la tribu des Banū Kilāb. Il plaça
comme gouverneurs de la citadelle deux de ses ġulām, Fātik et Subuk Takīn et un
troisième, Raḍiyy al-Dawla Banğū Takīn comme gouverneur de la ville. Il désigna comme
cadi de la ville, Abū’l-Walīd Sulaymān b. Ḫalaf al-Bāğī qui fut remplacé un an plus tard par
Abū’l-Ḥasan Aḥmad b. Yaḥyā b. Ẓuhayr Ibn Abī Ǧarāda, le trisaïeul de l’historien Ibn al- c
Adīm.
30 Al-Dizbirī quitta Alep pour aller attaquer la seconde principauté mirdasside, celle de
Ṯimāl b. Ṣāliḥ, sur l’Euphrate. Il s’empara de Bālis et de Manbiğ, mais échoua devant
Raḥba. Il revint à Alep pour y célébrer la fête du Sacrifice, le 10 ḏū’l-ḥiğğa 420/13
septembre 1038. Puis, il rentra à Damas6.
danger soit d’une trop grande indépendance envers le Caire, soit d’un désir d’intervenir
dans les affaires fatimides en Égypte. Al-Ǧarǧarā’ī avait été déçu par la faible quantité de
numéraires sur laquelle al-Dizbirī avait mis la main dans la citadelle d’Alep alors qu’il
avait laissé partir Ṯimāl avec des trésors. La politique arabe d’al-Dizbirī, ses mariages
multiples inquiétaient ; en effet, outre la fille d’un émir kilabite, Anūš Takīn avait épousé
une fille de cAzīz al-Dawla Rāfic ibn Abī’l-Layl, l’émir des Banū Kalb, une fille de Wahb b.
Ḥassān, sans doute petite fille de Ḥassān b. Mufarriğ b. al-Ǧarrāḥ et une fille d’un émir
Ḥusām al-Dawla al-Baǧnaki, le Pétchénègue, non identifié par nous, sans doute un grand
officier de l’armée de Damas ou d’Alep. Son désir de conclure une alliance matrimoniale
avec la dynastie kurde du Diyār Bakr témoignait tout à la fois de l’aspect très personnel de
ses ambitions politiques et de son intérêt pour la Syrie du Nord et la Ǧazīra alors qu’aux
yeux du Caire, le gouverneur de Syrie, résidant à Damas, devait se préoccuper avant tout
de la Syrie méridionale, de la route du pèlerinage et de la route terrestre d’Égypte.
33 En 431, selon Ibn al-cAdīm, en 432 selon Maqrīzī, l’armée byzantine d’Antioche rompit la
trève et pénétra en territoire musulman. Elle fut victorieuse d’une armée fatimide partie
à sa rencontre d’Alep et qui devait comprendre des troupes alépines. Le Domestique
byzantin rentra à Antioche et Ṭugān rentra à Alep après la rencontre qui s’était déroulée
à proximité d’Armenaz. Ṯimāl b. Ṣāliḥ et Muqallad, installés à Raqqa, envoyèrent de
l’argent aux Byzantins pour éviter d’être attaqués. Le Basileus leur proposa de leur
acheter Raqqa comme il avait jadis acheté Edesse. Al-Dizbirī, averti des tractations,
menaça Ṯimāl d’une action militaire et celui-ci s’excusa. Pour contrebalancer le désir de
rapprochement avec Byzance du prince de Raqqa, al-Dizbirī soutenait une autre fraction
kilabite, les Banū Ǧacfar b. Kilāb, hostiles aux Banū Mirdās, fraction qui était installée au
Muḍīq d’Apamée et qui montait à partir de cette citadelle des actions contre les Grecs.
34 D’après Maqrīzī, une seconde bataille aurait eu lieu entre l’armée byzantine et l’armée
fatimide en 432/1040-1041, entre Hama et Apamée ; son issue aurait été en faveur des
musulmans. Les Byzantins devant l’intention d’al-Dizbirī d’organiser une levée générale
en Syrie auraient proposé de conclure une nouvelle trève. Mais, au même moment,
l’action engagée par le vizir al-Ǧarǧarāc ī contre al-Dizbirī ayant abouti à une révolte des
soldats, le gouverneur turc de Damas se serait consacré à sa défense personnelle7.
***
35 Les sources arabes présentent quelques divergences dans le récit de la chute d’al-Dizbirī.
Maqrīzī, dans l’Itti cāẓ, ne consacre qu’une ligne à la défaite et à la mort d’al-Dizbirī,
épisode sans importance à ses yeux. Ibn al cAdīm et Ibn al-Aṯīr en font un récit détaillé et
complémentaire, très utile. Le texte le plus long est celui d’Ibn al-Qalānisī qui a transcrit
in extenso la correspondance officielle le concernant ; par contre sa chronologie est
erronée et contradictoire, chose fréquente chez lui. Ibn al-Qalānisī, ou le personnage pour
qui il rédigea l’Histoire de Damas, fut visiblement séduit par la personnalité et par le
destin politique et humain du maître turc de la Syrie. Les détails inédits qu’il apporte sont
peut-être tirés d’une biographie d’Anūš Takīn que rédigea un pieux personnage de
Damas, Fāris b. al-Ḥasan b. Manṣūr Abū’l-Haiğa b. al-Balḫī, sous le titre de Sirat amīr al-
ğuyūš Abī Manṣūr Anūštakīn. La biographie assez courte que lui consacre Ibn cAsākir donne
à penser qu’al-Dizbirī laissa un excellent souvenir dans le milieu sunnite de Damas.
D’ailleurs Numayrī attribue la réaction du Caire à son égard à la crainte d’un
82
42 La lettre contenait d’autres menaces, des citations du Coran mais aucun grief précis. Anūš
Takīn fut désespéré par le ton et le contenu de cette lettre, il rédigea une longue réponse,
truffée de citations du Coran, qui n’était qu’une longue imploration du pardon de l’Imām9.
43 Anūš Takīn avait gagné Hama mais les portes de la ville se fermèrent à nouveau devant
lui. Il écrivit à Muqallad b. Munqiḏ al-Kinānī, l’ancêtre d’Usāma, le maître de Kafar Tāb.
Celui-ci vint le rejoindre avec deux mille cavaliers. Il put ainsi se frayer un chemin jusqu’à
Alep. Sa situation était précaire. Al-Ǧarǧarācī avait écrit à tous les gouverneurs de Syrie
de ne plus obéir à Anūš Takīn et de le combattre. L’Imām al-Mustanṣir avait envoyé à
Ṯimāl b. Ṣāliḥ un diplôme lui confiant le gouvernement d’Alep sous la seule condition de
lui faire parvenir tous les trésors entreposés à la citadelle. Anūš Takīn entra dans la ville
d’Alep en rabīc II 433/décembre 1041.
44 Ṯimāl b. Ṣāliḥ leva une armée parmi les Banū Kilāb et d’autres tribus arabes pour aller
attaquer Alep. Al-Dizbirī se rendit compte qu’il serait incapable de défendre la ville.
L’humiliation, le chagrin et la honte eurent raison de lui. Il avait déjà été gravement
malade à plusieurs reprises. Il fut atteint à nouveau et, trois jours après avoir été frappé
d’une attaque, il mourut à la mi-ğumādā I 433/10 janvier 1042. Ainsi finit misérablement
le plus grand gouverneur fatimide de la Syrie.
arriva le diplôme d’al-Mustanṣir confirmant qu’il accordait son investiture sur la ville à
Ṯimāl10.
50 L’attitude adoptée par al-Dizbirī lors de sa querelle avec al-Ǧarǧarācī et après la réception
des édits le condamnant dément la thèse qui voudrait le voir auteur d’un projet d’État
indépendant en Syrie. Il s’agissait, en effet, de la querelle opposant les deux plus puissants
personnages de l’État fatimide et non pas d’une lutte d’influence entre un gouverneur de
province et l’État qu’il représentait. Autrement, on ne pourrait expliquer la panique qui
saisit al-Dizbirī quand il eut connaissance des textes ne mentionnant plus ses laqab. Ceux-
ci n’étaient que des variations emphatiques sur le thème du bon serviteur de l’État ; dès
lors qu’il aurait désiré instituer un État indépendant ou demander l’investiture des
Abbassides de Bagdad, il aurait abandonné sans peine les laqab accordés par les Fatimides
du Caire. A la réception de ces lettres, il ne se rebella pas ; au contraire il adressa à l’Imām
une lettre pleine de contrition et du désir de se voir considéré à nouveau comme le
meilleur et le plus dévoué serviteur de l’État fatimide.
51 L’opposition entre al-Dizbirī et al-Ǧarǧarā’ī était un reflet de la lutte pour le pouvoir entre
civils et militaires en Égypte. Les dīwān du Caire avaient opté pour une domination
indirecte de la plus grande partie de la Syrie afin d’éviter l’entretien d’une armée
coûteuse et les dangers de l’intervention en Égypte d’un général auréolé du prestige d’une
victoire en Syrie. Lors de la révolte bédouine de 415, al-Dizbirī avait reçu une aide très
insuffisante de l’État fatimide, en partie du fait de la crise frumentaire et financière qui
frappait celui-ci, mais surtout parce que les gens au pouvoir préféraient négocier en sous-
main avec les Banū al-Ǧarrāḥ plutôt que de dépenser de grosses sommes pour les
affronter.
52 Al-Dizbirī, après avoir affronté et vaincu militairement les tribus arabes, s’était rapproché
d’elles. Le même impératif financier qui dissuadait le Caire d’entretenir des armées trop
nombreuses jouait en faveur d’une telle politique. En effet, en donnant une somme aux
Bédouins pour s’armer et pour acheter des chevaux, on obtenait à bon compte des
contingents qui combattait pour vous, la durée d’une campagne, et qui ensuite, se
payaient eux-mêmes grâce au butin. L’avantage par rapport à une armée régulière était le
coût infime d’une telle alliance lors des périodes de paix ou d’inaction militaire, alors que
l’entretien des soldats était dispendieux même en dehors des campagnes. La concession
d’iqṭāc aux tribus pour prix de leur alliance suivait le même processus que la concession
d’iqṭāc aux officiers pour tenir un certain nombre d’hommes sur pied de guerre. De plus,
cela contribuait à fixer les tribus et à nouer des liens entre nomades et sédentaires. Mais
un tel système était très délicat et réclamait de qui le gérait une parfaite connaissance de
la géographie politique des tribus arabes, connaissance qu’al-Dizbirī n’avait
véritablement acquise qu’après 423. Le rapport de force entre les grandes tribus semi-
nomades des confins de la steppe et les nombreuses tribus demeurées totalement
bédouines et centrées dans l’espace désertique arabe variait constamment et cela exigeait
une fréquente remise en cause de la politique arabe en Syrie ainsi que de bonnes
informations sur la situation en Ǧazīra et en Iraq qui étaient concernés au même titre par
ces mouvements. La susceptibilité du Caire y voyait, au dire d’al-Nuwayrī, un
rapprochement coupable avec le monde abbasside. Par ailleurs, l’Empire byzantin eut à
l’époque d’al-Dizbirī plusieurs politiques successives à l’égard des tribus de Syrie du Nord,
administration directe, protectorat exclusif, co-protectorat avec le Caire.
53 Le cours des choses entraîna al-Dizbirī à intervenir, de plus en plus souvent et de plus en
plus exclusivement en Syrie du Nord et à se préoccuper de la Ǧazīra, alors qu’en Egypte,
comme l’a montré Jean-Claude Garcin, le Ve/XIe siècle fut celui de l’ouverture sur la Mer
Rouge, l’Afrique noire et l’Océan Indien11. Cette divergence des intérêts géographiques
86
explique à elle seule l’incompréhension qui régna entre le Caire et Damas. Mais, il n’y eut
pas de trahison délibérée d’al-Dizbirī envers al-Mustanṣir ou même de tentation de
trahison. La preuve en fut donnée en 448/1056-1057, et d’une manière éclatante. Cette
année-là, al-Mustanṣir ordonna de faire transporter le corps d’al-Dizbirī de son tombeau à
Alep à un tombeau construit pour lui à Jérusalem, aux côtés de ses enfants déjà décédés.
Le transfert se fit par un itinéraire qui empruntait le littoral et, dans chaque ville où le
corps était déposé aux étapes, une cérémonie solennelle était organisée. Les ġulām de
l’armée fatimide, en service à Ramla, suivaient pieds nus le cortège, mené par un chérif
iraqien. On criait publiquement la liste de ses laqab. Cette cérémonie de réhabilitation
d’un des plus brillants serviteurs de la dynastie et d’un des plus grands gouverneurs
qu’ait connu la Syrie arabe avant les Croisades est exceptionnelle dans l’histoire islamique
où les grandes personnalités militaires ou politiques sont honorées lors de leur mort pour
sombrer rapidement dans l’oubli dans les années qui suivent. Le choix de Jérusalem
comme lieu de sépulture faisait sans doute suite à un désir exprimé de son vivant par al-
Dizbirī mais il n’en était pas moins symbolique. A l’époque tulunide et à l’époque
ikhchidide, les princes d’Égypte et de Syrie se faisaient enterrer dans cette ville, lieu saint
et lieu de pèlerinage pour les trois religions représentées dans ces provinces, lieu
géométrique entre la Syrie centrale et le Delta12.
54 Un système politique, intégrant toutes les tribus arabes de Syrie et de Ǧazīra dans une
confédération défensive, autour d’un espace littoral et des plaines cultivées, sous la
domination directe des Fatimides, aurait-il été viable et aurait-il mieux résisté aux
invasions turques, on ne peut le savoir. Toujours est-il que le projet d’action établi par al-
Dizbirī témoignait d’une conscience aiguë des difficultés qu’impliquaient pour le Caire les
modalités pratiques aussi bien d’une domination directe étendue à un trop grand espace
que celle d’un laissez-faire total accordé aux tribus arabes.
NOTES
1. Maqrīzī (107), II, 175-185 ; Ibn al-Aṯīr, IX, 356, 417H/1026-1027, le Tigre est pris par la glace,
comète, 363, 418H., grèle, vent froid en novembre, gel, les moulins à roue cessent de fonctionner
sur le Tigre, 370, 419H., les dattes sont gâtées en Iraq à cause du froid, le pèlerinage ne peut se
faire que par mer ; 392, 420H.. grêle en Iraq, une tornade arrache les arbres et les transporte au-
dessus des maisons, toits des mosquées emportés ; astre lumineux brillant en rağab qui se divise
en plusieurs morceaux, 411, 422H., crue catastrophique à Ghazna, cultures perdues, pont
arraché ; 426, 423H., famine et épidémie, 427, attaque contre le ḥağğ de Baṣra ; 432, 424H., retard
du ḥağğ de Khorassan, le ḥağğ de Baṣra est pillé ; 438, 425H., tremblement de terre en Syrie et en
Egypte ; tornade noire à Nasibīn, arbres arrachés dans les jardins, dans un jardin, un pavillon
(qaṣr) construit en gypse, en briques et en chaux (ğuṣṣ, ağurr, kils) est emporté, épidémie de
diphtérie (ḥawāniq), Iraq, Syrie, Mawṣil, Khuzistan. Comète ; 444, 426H., pas de ḥağğ d’Iraq ; 451,
427H., un astre dans le ciel, plus brillant que le soleil, pendant une heure ; interdiction de faire
des transactions en Iraq avec des pièces d’or fatimides ; 466, 430H/1038-1039, un empan de neige
à Bagdad, le 23 janvier, gel pendant six jours. Voir Grumel, Chronologie, pp. 472 et 480.
87
2. L’index d’Ibn al-Aṯīr, permet de retrouver chacun des chefs de tribu et de suivre ses
tribulations qui sortent du cadre de notre étude.
3. Ibn Al-cAdīm, I, 250; Ibn al-Aṯīr, références page 505 note 1.
4. Naṣr b. Ṣāliḥ, outre Yaḥyā, Ibn al-cAdīm, I, 237-252, Ibn al-Qalānisī, 74-75, voir surtout Sibṭ, cité
en note page 75, Maqrīzī (107), II, 176, 178, 186 et Nuwayrī, 61.
5. Latmin, voir Dussaud, 207. Description de Salamiyé et de Qalaat al-Chemamis, dans Guide Bleu,
1932,129, à côté d’un maqam consacré à al-Hidr. Sur la construction du château de Šumaymis, voir
Ibn al-Aṯīr, 12, 504.
6. Ibn al-cAdīm, I, 255-260.
7. Maqrīzī (107), II, 186-188, consacré presque uniquement à la Syrie comme si la vie s’était
arrêtée en Egypte de 428H. à 432H.
8. Mêmes références que page 425 note 2 et page 465 note 2.
9. Ibn al-Qalānisī, 75-79.
10. Ibn al-cAdīm, I, 260-264.
11. Garcin. (182). 93 et suiv.
12. Ibn al-Qalānisī, 79.
88
Chapitre 1. De la prospérité à la
ruine
d’un voyageur faisant appel à ses yeux pour voir les paysages et non pour relire ce
qu’avaient écrit, sur la région traversée, tels prédécesseurs.
4 On sent également un homme attaché à la précision des nombres qu’il cite. Il mesure lui-
même les monuments, il donne des prix, prix courants ou prix de crise. Il mentionne pour
des villes de Ǧazīrā et de Syrie du Nord les mesures de poids employées sur les marchés
locaux et leur équivalent en dirham, étalon valable pour l’ensemble du monde musulman.
Il a dû prendre des notes tout au long de son périple, faute de quoi il n’aurait pu rendre
compte, jour par jour, de sa marche. Ses descriptions architecturales permettent de
s’imaginer la silhouette que présentaient les villes pour le voyageur qui s’en approchait
lentement, ou de reconstituer l’agencement et les matériaux de construction d’une
mosquée ou d’une forteresse. C’est pourquoi, il a été mis à contribution par tous ceux qui
ont étudié l’urbanisme médiéval au Moyen Orient. Certaines de ses descriptions sont
célèbres : la course que se livraient les Bédouins pour faire arriver à l’heure voulue les
pèlerins à la Mekke, fussent-ils morts en route, le fonctionnement de l’État carmate d’al-
Ahsa, ses corbeilles de monnaie de plomb, le cheval sellé et le coup de sabre sur la nuque
qui attendaient Abū Sacīd au jour de sa résurrection, les banques de dépôt et la monnaie
fiduciaire en usage chez les négociants de Basra1.
5 Dans une perspective d’histoire événementielle, au sens large, le Safar Nameh de Nāṣir
Ḫusraw offre le récit d’une traversée de la Ǧazīra, de la Syrie du Nord, du littoral syrien,
de la Palestine, à une date précise. Il arrive à Aḫlat le 18 ǧumādā 438/20 novembre 1046,
est à Mayyāfāriqīn le 26 du même mois, passe à Āmid au début de ǧumādā II, le 25 de ce
mois il arrive à Harran, le 2 rağab 438/2 janvier 1047, à Sarouj, puis à Manbiǧ, Alep qu’il
quitte le 11 rağab traverse Qinnasrīn, Sarmin, Macarrat al-Nucmān, pour arriver à Hama le
15 rağab. Par cArqa, il gagne Tripoli le samedi 5 ša cbān/4 février et durant ce mois de ša c
bān, il suit la côte, passant par Ǧubayl, Beyrouth, Sayda, Tyr et Acre dont il sort le 23 ša c
bān. Il quitte alors le littoral pour aller à Tibériade en visitant des sanctuaires sur son
chemin, puis revient à Acre où il avait déposé ses fonds en sûreté à la mosquée. Il reprend
la voie côtière, Haifa, Césarée, puis pénètre dans les terres pour gagner Ramla le 1er
ramadān/1e r mars. Le 5 ramadān, il est à Jérusalem, ville à laquelle est consacré un très
long passage. De là, il fait un rapide voyage à Hébron, puis part pour la Mekke par Wādī 1-
Qurā et il est de retour à Jérusalem le 5 muḥarram 439/2 juillet 1047. Il quitte Jérusalem
pour Ramla, Ascalon et s’embarque à Tina pour Tinnis. Il remonte le Nil en bateau,
continue sa route à pied jusqu’au Caire, où il arrive le 7 ṣafar 439/3 août 1047. Son voyage
se poursuit en Haute Égypte, aux confins de la Nubie, en Arabie, sur le Golfe, en Iraq,
jusqu’à son retour en Khurasan, son pays, qu’il retrouve le 26 ǧumādā II 444/23 octobre
1052, alors qu’il l’avait quitté le 23 šacbān 437/5 mars 1046.
***
6 Le goût pour les voyages, goût qui fut particulièrement marqué chez les négociants-
hommes de mosquée, est la caractéristique culturelle la plus durable et la plus ancrée de
la civilisation arabo-musulmane médiévale. Même pour un Persan comme Nāṣir Ḫusraw,
l’arabe est la langue des contacts, des échanges intellectuels. Son texte rédigé en persan
est, de ce fait, souvent aisé à suivre pour un simple arabisant. Le voyage permet au lettré
de connaître par lui-même ces étrangetés et ces merveilles du monde dont il a lu les
descriptions et de retrouver des vestiges des prestigieuses civilisations disparues. En
même temps, le négociant constate de visu la qualité des produits du sol et de l’artisanat,
91
dans les pays qui les exportent, leur prix dans les marchés où ils sont commodément
rassemblés, les poids utilisés localement, les emballages dans lesquels ils voyagent, le prix
de fret réclamé par les nomades caravaniers ou par les marins. Tout au long de son
voyage, il calcule, il suppute, il crée dans son esprit de nouveaux circuits qui lui
assureront un gain convenable lorsqu’il parviendra à offrir ces produits aux habitants
d’une ville où ils sont rares. Son image de l’espace est celle d’une série de taches de
différences reliées par un complexe de réseaux qui assurent de multiples contacts entre
elles. L’effort intellectuel et physique des marchands tend à découvrir les moyens
d’assurer le fonctionnement général de ce grand marché en mettant en place des
itinéraires. Les contacts humains et les échanges de biens permettent de faire répondre
partout l’offre à la demande.
7 Une fois les marchés visités, les transactions achevées, il a l’esprit libre pour les choses de
la religion, l’au-delà (al-dīn), venant prendre la place de l’ici-bas (al-dunyā). Grâce aux cinq
prières quotidiennes, il a repéré le chemin des oratoires et le vendredi il se rend à la
grande mosquée et profite des loisirs de ce jour pour entrer en contact avec d’autres
lettrés, indigènes ou de passage comme lui. Là encore, variété et unité. En effet, au Ve
siècle de l’Islam, les différents maḏhab sunnites n’ont pas encore de miḥrāb séparé dans les
mosquées ni de cadi attitré. Sunnites et chiites prient côte à côte le vendredi. Il n’existe
pas de madrasa, l’enseignement religieux se fait dans les cercles rassemblés autour du
maître dans la cour de la mosquée si le temps le permet, dans la salle en cas d’intempérie.
Des réunions plus réduites et entre hommes plus avancés dans la connaissance des
sciences religieuses se tiennent dans les boutiques des commerces calmes, parfumeurs,
droguistes, libraires. Nāṣir Ḫusraw a certes reçu des pierres lancées par des enfants
chiites quand il a voulu visiter un prétendu tombeau d’Abū Hurayra, près de Tibériade,
mais il s’agit là d’un des très rares cas d’intolérance religieuse qu’il cite.
8 Plus d’une fois, il fut tiré d’affaire grâce aux sentiments de solidarité que ressentait, à
l’égard du savant religieux, le négociant ou l’homme d’État. A Assouan, il eut des
échanges intellectuels dans le domaine de la logique, (ṭarīq manṭiq), avec un commerçant,
Abū cAbd Allāh Muḥammad b. Falīǧ. Peu de temps après cette rencontre, Nāṣir Ḫusraw se
trouva en difficulté financière à Ayḏab et demanda de l’aide à cette connaissance par un
message écrit qu’il lui fit tenir. Le négociant expédia immédiatement une lettre de
garantie pour toutes les dépenses que pourrait engager le Khorasanien. Le citation de cAlī
ibn Abī Ṭālib que contenait cette lettre, laisse à penser que le négociant et le réseau de
commerçants avec qui il était en contact étaient chiites, alors que Nāṣir Ḫusraw, à cette
époque de sa vie, était sunnite. A Basra, Nāṣir Ḫusraw arrive d’Arabie, en haillons et sale,
complètement démuni, devant trente dinars au chamelier qui l’avait accompagné et on le
chasse pour pauvreté quand il veut entrer au hammam. Une fois encore, sa culture le sort
de ce mauvais pas. Il fait connaissance d’un Persan instruit ; celui-ci, un avare, ne l’aide
pas mais informe le vizir du gouverneur d’Ahwaz, de passage à Basra, de la présence d’un
homme de qualité. Nāṣir Ḫusraw répond à une invitation du vizir par un billet où il peut
mettre en valeur ses qualités littéraires et dès lors il est sorti d’affaire. Parfois, il
accomplit les fonctions de ḫaṭīb dans une localité où personne n’a la qualité d’expression
et les connaissances nécessaires à cette fonction ; ce fut le cas à Ayḏab. Dans une oasis
perdue du désert d’Arabie, Nāṣir Ḫusraw décora pour son plaisir avec du vermillon et du
bleu minéral le mur de la mosquée où il traça un distique encadré. Ces lettres entourées
de feuillages enchantèrent les Bédouins qui lui demandèrent d’orner de même le miḥrāb ;
Nāṣir reçut en guise de salaire une centaine de livres de dattes et put ainsi survivre.
92
9 Descendant du huitième imām duodécimain, cAlī b. Mūṣā al-Riḍā, notre Persan jette sur le
monde un regard chargé d’expérience, tout à la fois bienveillant et en quête d’une faille,
d’un manque qui lui permettrait d’offrir ses services. Sa culture est œucuménique, il a fait
de solides études de théologie islamique et de droit hanéfite, mais il a également
approfondi les sciences exactes et les sciences expérimentales dans leur double héritage,
grec et indien. Il a travaillé les traités de magie et les ensorcellements. Quand il traverse
la Palestine et décrit les lieux saints chrétiens à Jérusalem et à Bethléem, on devine une
ouverture d’esprit plus fréquente à cette époque chez des médecins que chez des lettrés
traditionnels. En effet, il a lu le Pentateuque, le Livre des Psaumes et l’Évangile selon Luc.
Cette assurance en ses propres dons et en sa large culture donne à son ouvrage une
dimension qu’on ne trouve pas au même degré chez des géographes comme Ibn Ḥawqal et
al-Muqaddasī, toujours influencés par ce qu’avaient écrit leurs prédécesseurs. Ibn Ḥawqal
est plus méthodique et plus précis quant aux données fiscales et économiques, et surtout
il présente un intérêt lexicographique certain par son désir de rapporter les
terminologies locales, mais il ne décrit guère les paysages et les cultures. Al-Muqaddasī,
un grand écrivain, un humaniste, se lit plus facilement, mais son cœur plein de foi et de
piété, son attachement sentimental à Jérusalem et à la Palestine, l’amènent à négliger les
descriptions précises des villes et des bâtiments, descriptions dans lesquelles excelle,
quand il le veut bien, Nāṣir Ḫusraw. On pourrait davantage comparer ce dernier à un
voyageur comme Ibn Faḍlān, mais dépourvu de tout souci ethnologique.
10 Les défauts principaux de Nāṣir Ḫusraw sont un manque d’objectivité dans l’admiration
qu’il porte à l’Égypte Fatimide et son éblouissement devant toute accumulation de signes
de richesse et de commodités de vie, qui l’amène à négliger dans ses descriptions les
quartiers moins privilégiés de Fusṭāṭ Par ailleurs, son récit est une relation de voyage et
non un traité géographique. Il lui arrive de traverser une ville importante sans la décrire
et, à l’inverse, de s’étendre longuement sur tel lieu-dit dont la visite l’a impressionné.
11 L’image que nous tend dans son miroir Nāṣir Ḫusraw est celle d’une Syrie prospère,
heureuse et calme. Quittant l’Arménie, où il a vu de la viande de porc à l’étal et des
femmes attablées en public avec des hommes et buvant du vin, il arrive tout d’abord à
Aḫlat, dans les États du vieil émir Naṣr al-Dawla Aḥmad b. Marwān, le maître du Diyār
Bakr. C’est la fin de l’automne, les régions élevées sont déjà enneigées, mais quand il
parvient à une altitude plus modérée, il est frappé par les cultures soignées et note les
nombreux villages chrétiens qui bordent une des deux routes allant d’Āmid à Harran. Il
décrit l’exploitation des forêts par les résiniers, près de Ḥiṣn Kayfa. Il signale le prix très
bas et l’abondance du raisin et du miel. Pays de contact, pays de passage, on y parle arabe,
arménien, persan. La circulation des biens et des gens ne cesse pas, même l’hiver : des
grandes perches de bois signalent le tracé des routes dissimulées sous la neige. Partout,
dans les villes comme entre les villes, des caravansérails accueillent les voyageurs et leurs
marchandises. Les villes sont entourées de murailles imposantes, si bien entretenues
qu’on les croirait neuves. Les nombreuses inscriptions qui nous ont été conservées en
place témoignent des restaurations marwanides et confirment ses descriptions. Il s’agit
déjà d’une architecture militaire savante qui prévoit défilement, circulation et plate-
forme de tir pour les machines et pour les archers. C’est une région frontière, convoitée
par Byzance et par les tribus arabes du sud. Grâce aux taxes levées sur les caravanes, les
constructions défensives peuvent être constamment entretenues et aménagées. Nāṣir
Ḫusraw est sensible à la variété des pierres employées pour l’architecture militaire et
pour l’architecture religieuse, à l’eau partout jaillissante qui permet d’entretenir la
93
16 Le Persan cite une seule activité artisanale, la fabrication du papier, d’une qualité
supérieure à celui produit à Samarcande. Il insiste sur la fonction commerciale du port
fréquenté par des navires venant du Maghreb, de l’Empire byzantin, de l’Espagne et du
pays des Francs, sans doute la Sicile normande et l’Italie du Sud. Dans un autre texte,
concernant le port égyptien de Tinnis où relâchent mille navires, Nāṣir Ḫusraw
mentionne la présence d’une garnison protégeant la ville contre d’éventuelles attaques
soit des Francs, soit des Byzantins. Il distingue donc nettement les chrétiens orientaux
parlant grec et sujets du Basileus, al-Rūm, des chrétiens occidentaux, parlant des langues
romanes et sujets d’autres souverains, al-Firank. Si dans les deux passages, il ne juge pas
utile d’expliquer le terme Firank, cela signifie qu’il était familier aux musulmans d’Orient,
à cette date, avant 1050.
17 Certains des navires qui se rendent en Sicile, au Maghreb ou dans l’Empire byzantin
appartiennent au Sulṭān d’Égypte, c’est-à-dire à l’Imām fatimide, sans doute à titre privé.
Le négoce a visiblement enrichi la ville : l’espace manque, délimité par les murs, et les
maisons ont de quatre à six étages. Plus tard, quand il traversera Basra, Nāṣir Ḫusraw
décrira les champs de ruines qui séparent les quartiers encore habités de ce port, qui a
des murailles trop grandes pour lui. Le commerce lointain a abandonné le Golfe pour la
Méditerranée, la densité humaine de Tripoli en témoigne à travers l’œuvre du Persan. Il
décrit la propreté des rues, des souks, l’eau est partout là aussi. Les marchés offrent,
d’après lui, des vivres et des fruits, cent fois plus abondants que ceux de Perse.
18 Sur la route littorale de Tripoli à Sayda, l’auteur remarque l’abondance des vestiges
archéologiques préislamiques. Ses origines persanes transparaissent quand il décrit un
enfant tenant à la main deux roses, l’une blanche, l’autre rose, juste écloses alors qu’on
est en hiver. Il apprécie la hauteur et la solidité de la muraille qui protège Ǧubayl ; la ville
est entourée de dattiers et d’arbres fruitiers. Il retrouve de vastes plantations de cannes à
sucre quand il approche de Sayda. « Les jardins et les vergers semblaient avoir été plantés
par un roi pour satisfaire un caprice : un pavillon s’élevait au milieu de chacun d’eux. La
plupart des arbres étaient chargés de fruits ». De tels enclos, comportant un logement de
plaisance, évoquent la Ghouta de Damas. Ils témoignent de l’emprise de la bourgeoisie de
Sayda, enrichie par le négoce ou l’artisanat, sur les territoires environnant la ville. Elle y
trouvait vivres et fruits frais et un revenu supplémentaire grâce à l’avitaillage des
navires. Les bateaux qui transportaient en Égypte la neige durcie en glace de la montagne
libanaise emportaient aussi des fruits du littoral. Comme Tripoli, Sayda respire l’aisance :
des nattes de qualité couvrent le sol de la grande mosquée, les murailles de la ville sont
bien entretenues, les marchés couverts sont ornés chaque jour comme pour une fête
perpétuelle.
19 La ville de Tyr est créditée d’une superficie équivalente à celle de Tripoli, mais la
prospérité y est encore plus éclatante : « Sour (Tyr) est renommée entre toutes les villes
de la côte de Syrie par sa richesse et par son opulence ». Vu la topographie de la ville, un
tombolo artificiel s’enfonçant en une langue étroite vers une ancienne île au large de la
côte, aucune possibilité d’extension de la surface bâtie n’existe. Aussi, entre les murailles,
les maisons sont élevées, cinq ou six étages, et jointives. Grâce à un acqueduc descendant
de la montagne libanaise, chaque demeure dispose de l’eau et parfois d’un bassin
agrémenté d’un jet.
20 Pour le première fois depuis qu’il traverse la Syrie, à l’exception d’Abū’l cAlā à Macarra,
Nāṣir Ḫusraw cite un nom de personne, celui du cadi Ibn Abī cAqīl, homme riche au
caractère bienveillant, un sunnite, alors que les habitants de Tyr étaient, comme ceux de
95
Tripoli et d’Alep, chiites. Il s’agit d’un personnage bien connu des biographes de
traditionnistes, Abū Muḥammad al Ṣūrī cAbd Allāh b. cAlī b. cAyyād cAyn al-Dawla, qui
avait reçu du Caire le poste de cadi de la ville et en devint le prince3. La dynastie de cadis
qu’avait fondée Ibn Abī cAqīl conserva l’autorité sur le port de Tyr jusqu’en 482/1089, à la
veille de l’arrivée des Croisés en Syrie.
***
21 Sayda faisait partie du ğund de Damas, Tyr et Acre du ğund du Jourdain ; pourtant on
croirait qu’entre ces deux derniers ports, Nāṣir Ḫusraw avait franchi une frontière
invisible. En effet, il abandonne le ton d’émerveillement qui avait été le sien pour décrire
l’opulence, la propreté et la bonne tenue des grandes villes du littoral syrien ; sa peinture
est désormais beaucoup plus sobre. Certes la ville d’Acre est étendue ; le voyageur persan
qui l’a mesurée a trouvé une longueur de deux mille coudées persanes sur une largeur de
cinq cents. Il a remarqué les murailles bien construites, le port (mīnā’), délimité par deux
digues artificielles parallèles, s’éloignant perpendiculairement du littoral, selon le modèle
local et dont l’ouverture sur le large était barrée par une chaîne mobile de cinquante
guez, une soixantaine de mètres, afin de le protéger contre une incursion byzantine. Il
décrit la mosquée mais ne fait aucune allusion à la vie économique de la cité ou à la
richesse des habitants. Al-Muqaddasī qui écrivait près d’un siècle plus tôt comptait les
ports de Tyr et de Acre parmi les merveilles de la Syrie et les mettait sur le même plan. Il
est vrai qu’il était fier du rôle qu’avait joué son aïeul qui avait été l’ingénieur du port
d’Acre, concevant et réalisant un système de batardeau submersible pour la mise en place
de la digue.
22 Nāṣir Ḫusraw quitte le littoral pour se rendre à Tibériade ; il dépose l’argent qu’il possède
à la mosquée de Acre avant d’entreprendre ce voyage. L’insécurité de l’intérieur du pays
est notoire et la présence de brigands dépouillant les passants lui est signalée. Cette
excursion en direction de la dépression du Jourdain et de la Mer Morte est une suite de
pèlerinages, et Nāṣir Ḫusraw livre peu de détails caractéristiques permettant de connaître
l’état économique du pays. Il signale pourtant la forte muraille protégeant Tibériade, les
beaux édifices, mosquées, pavillons de plaisance, bains que comporte la ville et une
production locale de nattes vendues au prix unitaire élevé de cinq dinars fatimides.
23 Le bitume recueilli sur le rivage de la Mer Morte est également un produit de valeur qui
est exporté. Il est utilisé en agriculture pour protéger les arbres contre vers et parasites et
en médecine comme désinfectant des voies digestives.
24 Lors de ce voyage à Tibériade comme lors du suivant qui le mène de Acre à Haifa et à
Césarée sur la côte, puis à Ramla et à Jérusalem, à l’intérieur du pays, Nāṣir Ḫusraw
consigne davantage de traits concernant les paysages, la végétation, la production
agricole que de notations sur l’artisanat et le commerce lointain. A Tibériade, une
mosquée secondaire, située dans la partie occidentale de la ville, a été agrémentée de
plantations de jasmins dont elle tire son nom. Haïfa et Césarée possèdent dattiers,
orangers amers et doux et de nombreux autres arbres fruitiers. La route qui joint le
littoral à Ramla est bordée d’arbres et traverse des espaces couverts de figuiers et
d’oliviers. Quant aux environs de Jérusalem, les montagnes y sont cultivées en céréales et
également plantées en oliviers et en figuiers, ainsi que de sumac. Près de Jérusalem, la
localité d’al-Farādīs qui bénéficie d’une source porte vignobles et vergers. Autour de
Hébron (al-Ḫalīl), on cultive surtout l’orge et les oliviers. Le blé y était peu abondant,
96
pourtant de nombreuses meules mues par des bœufs ou des mulets broient le grain à
longueur de journée et les pains atteignent dans cette région le poids unitaire élevé d’un
mann, soit trois livres. Les pèlerins reçoivent chaque jour des gens du lieu un gros pain,
des lentilles cuites à l’huile et du raisin sec.
25 Nāṣir Ḫusraw précise lors de ce voyage en Palestine que les vivres sont en abondance et à
bon marché dans la province de Syrie, pays qui ne connaît pas la disette. Il cite une
tradition mohammadienne évoquant le pain et l’huile de Syrie. Il insiste particulièrement
sur les exportations de figues qui ont fait connaître le nom de Ramla de Palestine dans le
monde entier et sur les exportations d’huile, au départ de la région de Jérusalem, pour
toutes les contrées lointaines. Certains chefs de famille recueillent annuellement jusqu’à
cinq mille mann d’huile d’olives dans une année, soit environ huit tonnes. Des citernes
creusées en puits dans le roc permettent de l’entreposer avant de l’expédier.
26 Le voyageur persan est impressionné par cette agriculture qui peut se passer de
l’irrigation comme par cette population bien nourrie. Pourtant, comme cela a été noté
pour Acre, la description qu’il donne des villes de Syrie méridionale porte avant tout sur
les édifices religieux, musulmans, mais aussi chrétiens, et sur l’architecture générale alors
qu’il ne mentionne guère les activités de production et de commerce. Une des rares
exceptions est constituées par la mention d’un chantier de construction navale à Haïfa.
Ramla, capitale du ğund de Palestine, est décrite ; son architecture est grandiose, le
matériau, des marbres de toutes couleurs, est riche, ses figues sont exportées au loin,
mais nulle mention du bazar ou de l’artisanat. Pourtant, la fabrication du savon, à base
d’huile, aurait dû retenir son attention. Nāṣir Ḫusraw évalue la population mâle de
Jérusalem à vingt mille personnes. Il donne quelques précisions sur les marchés, très
beaux, bâtis, comme les hautes maisons, en pierre, et où les boutiques de chaque corps de
métier occupent une rangée distincte. Mais comme il ne mentionne aucune exportation
ou spécialité manufacturière, on en retire l’impression d’une production destinée à la
consommation des habitants de la région et des pèlerins qu’il dit très nombreux. Enfin,
passant à Ascalon pour aller s’embarquer, il dit que la ville est grande, que la mosquée est
belle et le bazar magnifique, mais il ne mentionne pas, comme l’avait fait al-Muqaddasī, le
quartier des. marchands d’étoffe et la soie de première qualité qu’on y trouvait.
27 Pour gagner l’Égypte, Nāṣir Ḫusraw s’embarque et navigue jusqu’à Tinnis. Il n’envisage
pas une traversée du Sinaï. De Jérusalem, il a fait un rapide aller et retour à le Mekke,
grâce à un guide arabe et en compagnie d’un groupe réduit. Aucune grande caravane n’a
fait le trajet et le pèlerinage a été très réduit cette année-là. Tout le monde est sous le
coup de la crainte d’une attaque des Bédouins.
28 L’insécurité qu’il a ressentie dès qu’il a quitté Acre pour Tibériade, les pierres qu’il a
reçues dans un village chiite près du tombeau d’Abū Hurayra, au sud de Tibériade, tout
témoigne d’une contrée où l’autorité du pouvoir central fatimide est mal établie. Jamais
Nāṣir Ḫusraw ne mentionne le nom d’un gouverneur ou la présence de forces de maintien
de l’ordre. Pourtant, il semble que ce sont davantage les villes et le grand commerce qui
ont souffert à son époque de cette situation que les campagnes, toujours bien habitées et
bien cultivées. La densité des villages, les accords conclus de longue date entre
sédentaires céréaliers et semi-nomades éleveurs expliquent qu’une vie économique
régulière ait pu continuer à se dérouler dans les campagnes. Mais les caravanes de
marchands transportant du numéraire ou des marchandises d’une grande valeur sous un
petit volume, évitaient le sud de la Syrie méridionale, la route du Sinaï, celle du
pèlerinage d’Arabie et celle qui, partant de Damas, permettait de gagner par le Hauran et
97
la Galilée, Ramla, puis le littoral à hauteur d’Ascalon. Le grand axe de circulation qui
joignait la Mésopotamie à la Méditerranée et à l’Égypte quittait l’Euphrate à Raḥba,
passait par Palmyre, puis à Homs ou à Damas et l’embarque ment se faisait à Tripoli ou à
Tyr, ou encore Sayda. La mainmise des tribus arabes sur la Palestine, au sens large du
terme, et particulièrement sur le sud et l’est de cette province, ne lui permettait de vivre
que grâce à ses exportations agricoles et à l’argent dépensé sur place par les pèlerins.
29 Le pèlerinage, en effet, revêtait dès cette époque une ampleur considérable. Nāṣir Ḫusraw
précise que ceux qui ne peuvent gagner la Mekke à temps pour le ḥağğ célèbrent à
Jérusalem la Fête du Sacrifice. Au mois de ḏū’l-ḥiğğa, on compte parfois, d’après lui, plus
de vingt mille pèlerins musulmans à Jérusalem. De même, juifs et chrétiens viennent en
nombre pour y visiter leurs lieux saints. Des hospices les accueillent. Depuis l’époque du
calife cUmar, un hôpital a fonctionné à Jérusalem et, lors de la visite du voyageur persan,
les malades y sont nombreux et les médecins sont rémunérés grâce à des fondations
pieuses qui financent également l’achat des médicaments. A Hébron (al-Ḫalīl) ce sont
parfois cinq cents pèlerins qui sont nourris gratuitement en une seule journée.
30 Charles Schefer, l’éditeur de Nāṣir Ḫusraw, cite un texte médiéval latin à propos du
pèlerinage en Terre Sainte de plusieurs milliers d’Allemands qui furent assiégés en
1064/456-457 par des Arabes des tribus à Kafar Sallam, près de Césarée. Le gouverneur
fatimide de Ramla envoya des soldats pour les délivrer. Cet événement, de moins de vingt
ans postérieur au voyage du Persan, prouve combien, même en une période difficile, le
pouvoir fatimide tenait à assurer le libre passage aux pèlerins des trois grandes religions
révélées en Palestine. L’anecdote rapportée par Nāṣir Ḫusraw sur le pèlerinage secret de
Basile II à l’Église de la Résurrection et le message discret d’al-Ḥākim lui signalant qu’il
avait été reconnu et qu’il n’avait rien à craindre est significatif même si sa véracité n’est
pas prouvée.
31 Nāṣir Ḫusraw visite à Jérusalem le Dôme du Rocher qui a été restauré après les dégâts
causés par le tremblement de terre. Des inscriptions, sans doute infidèlement rapportées,
témoignent du rôle joué par un certain Layṯ al-Dawla Nuštakīn al-Ġawrī, dans cette
restauration effectuée pour le compte du maître de l’Égypte4. De même, l’Église de la
Résurrection, rasée sur ordre d’al-Ḥākim, a été reconstruite par les soins des Byzantins ;
autorisation leur en avait été accordée par le Caire après de nombreuses sollicitations.
Lors du passage de Nāṣir Ḫusraw, celui-ci estime à huit mille le nombre de pèlerins qui
peuvent prendre place dans cet édifice.
32 Il est clair que dans son ouvrage, le voyageur persan s’efforce de prouver la bonne volonté
du pouvoir fatimide envers les religions révélées et son soin des édifices que leurs fidèles
révéraient.
***
33 Après son récit sur la Syrie, Nāṣir Ḫusraw poursuit en décrivant l’Égypte et en particulier
le Caire et Fusṭāṭ. Ces pages, très célèbres, ont été souvent utilisées par les historiens car
elles donnent l’image d’une capitale d’empire à l’opulence fabuleuse. Sa population
innombrable et d’origine très diverse, disposait de salaires et de revenus élevés et
jouissait de commodités de vie raffinées et variées. Tout ceci ne nous intéresse
qu’indirectement, exception faite de deux points. Le premier concerne les mentions de la
Syrie faites à propos de l’Égypte, l’autre, la qualité de l’information fournie par Nāṣir
98
Ḫusraw. La véracité de ses propos est plus facile à contrôler pour l’Égypte, sur laquelle
nous possédons de nombreuses sources, que sur la Syrie pour laquelle nous sommes plus
démunis.
34 Parmi les produits d’origine syrienne importés à Miṣr, figurent les huiles, celles tirées du
sésame et destinées à l’éclairage, celles tirées de l’olive et destinées à la consommation,
certains fruits, pommes, raisins, oranges, ainsi que la neige des montagnes du Liban dont
chaque jour vingt charges étaient livrées au Palais. Les chaudrons de cuivre, sans doute
du laiton jaune, de grande capacité, qui étaient donnés en location pour le transport et le
stockage de l’eau, étaient fabriqués à Damas. Production qui dépassait le simple artisanat
traditionnel puisque d’après notre auteur, une femme en tenait cinq mille à la disposition
de ses clients.
35 A propos d’une anecdote contée par Nāṣir Ḫusraw sur les prodiges de vitesse accomplis
par les Bédouins pour amener à la date voulue les pèlerins retardataires à la Mekke, on
apprend que des Khorassaniens passent par la Syrie, puis par l’Égypte, pour s’embarquer
à Qulzum et naviguer jusqu’à Djar en Arabie. L’itinéraire signalé par al-Musabbiḥī en 414
et qui évitait la liaison directe Iraq-Ḥiğāz est donc toujours utilisé, vingt-cinq ans plus
tard. Ce fait, joint à d’autres passages du Safar Nameh, prouve que l’insécurité règne dans
toute la zone comprise entre le Golfe d’Ayla et la Basse Mésopotamie ainsi qu’aux confins
sud-est de la Syrie.
36 Se trouvant en Égypte en 441/1049-1050, quand parvient en Égypte la nouvelle de la
défaite et de la mort de Rifq, l’eunuque noir, le très vieux général fatimide vaincu devant
Alep, Nāṣir Ḫusraw consacre à cet événement dont nous rapporterons dans un chapitre
postérieur le détail, un passage relativement long qu’il est intéressant de comparer au
récit qu’en fait l’historien alépin, Ibn al-cAdīm5. Le voyageur persan décrit en détail les
fonctions de cUmdat al-Dawla Rifq qui avait été chef des chercheurs de trésor (al-
muṭālibīn,) en Égypte. Ces pilleurs de tombes pharaoniques, dans lesquelles ils cherchaient
avant tout les objets en or afin de les fondre, recevaient une patente exclusive de l’Etat,
auquel, en contrepartie, ils reversaient le quint de leurs trouvailles. Par contre, Nāṣir
Ḫusraw ne consacre qu’une phrase à l’action militaire de Rifq en Syrie, phrase qui résume
inexactement celle-ci : « Lorsqu’il arriva près d’Alep, il fut tué au combat ». Puis il décrit
les richesses abandonnées au Caire par le défunt et renseigne le lecteur sur le sort qui
advint aux belles concubines de cet eunuque6. Revenant alors aux événements d’Alep, il
écrit que le prince qui gouvernait cette ville envoya son épouse et son fils solliciter son
pardon au Caire mais qu’on imposa à la délégation une humiliante attente aux portes de
la capitale et qu’on refusa leurs cadeaux. Au bout de deux mois, grâce à l’intercession des
cadis et des imāms, la délégation fut reçue en présence d’al-Mustanṣir et reçut un
diplôme et des vêtements d’honneur.
37 Le texte d’Ibn al-cAdīm qui mentionne les noms du prince kilabite, Muczz al-Dawla Ṯimāl
b. Ṣāliḥ, de son épouse cAlawiyya bint Waṯṯāb al-Numayrī, de leur fils, Waṯṯāb b. Ṯimāl, ne
donne aucune indication sur les fonctions en Égypte de Rifq, ni sur ses richesses
personnelles ; par contre il raconte en détail son entêtement avant la bataille, sa blessure,
sa captivité alors qu’il perdait la raison et son décès misérable à Alep. Ibn al- cAdīm écrit à
propos du voyage de la princesse d’Alep au Caire : « Lorsqu’elle arriva, al-Mustanṣir lui
réserva les plus hautes marques d’honneur, la fit paraître devant lui. Elle baisa le sol et
dit... »7.
99
38 Le texte de Nāṣir Ḫusraw montre qu’aux yeux des Égyptiens qu’il fréquentait, l’événement
avait été constitué par la mort de Rifq, personnalité de premier plan de la Cour, et par la
redistribution de biens qu’impliquait le décès d’un eunuque aussi riche. La défaite d’Alep
n’avait aucune importance puisque le prince d’Alep, un personnage dont il n’était même
pas utile de connaître le nom exact, avait envoyé sa femme et son fils pour témoigner de
son obéissance à la dynastie fatimide ; pour lui faire payer l’insolence qu’il avait
manifestée par sa victoire contre l’armée d’al-Mustanṣir, la délégation avait dû camper
deux mois aux portes de la ville impériale. Tout se terminait donc au mieux des intérêts
de l’État et de l’Imām. Ibn al-cAdīm, qui a compris les implications de cette défaite
fatimide, c’est-à-dire la perte définitive d’une influence prépondérante de l’Égypte chiite
sur la Syrie du Nord, rend à nos yeux bien mieux compte du poids relatif des événements
qui se sont succédé. L’acceptation par al-Mustanṣir des cadeaux qu’avaient apportés avec
eux les envoyés de Mucizz al-Dawla signifiait l’acceptation d’une indépendance de fait
pour l’État kilabite d’Alep.
39 Le texte de Nāṣir Ḫusraw éclaire ainsi la légèreté de jugement des milieux officiels au
Caire après la disparition du vizir Ibn al-Ǧarğarā’ī et le désintérêt profond de l’opinion
publique pour la Syrie du Nord, trop lointaine et trop différente. Relu avec les autres
textes relatifs à l’Égypte, ce passage nous renseigne également sur les limites
intellectuelles du voyageur persan. Il rend compte du meurtre d’Abū Sacd Ibrāhīm b. Sahl
b. Hārūn al-Tustarī en ǧumādā I 439/octobre 1047 comme s’il s’était agi d’un simple fait-
divers : l’assassinat par quelques soldats d’un joailler juif, qui avait l’habitude de vendre
des pierreries à l’Imām. Les soldats se repentent de leur crime et réclament le pardon de
leur souverain. Le frère d’Abū Sacd ou Sacīd, Abū Naṣr, qu’il ne nomme pas, vient dans les
jours qui suivent la mort de son frère proposer de verser immédiatement deux cent mille
dinars d’or au Trésor. Nāṣir Ḫusraw ment entre les deux événements. Par contre, il
admire béatement la fortune et la demeure luxueuse d’Abū Sacīd8.
40 De même, sa description de la splendide armée fatimide défilant à l’occasion de la rupture
de la digue semble pécher par exagération. Il évalue les effectifs, corps par corps ; le total
dépasse deux cent mille hommes. Pour maintenir effectivement en état de combattre de
tels effectifs, la dépense annuelle aurait été de dix à quinze millions de dinars, ce qui
dépassait le montant des rentrées fiscales. Nāṣir Ḫusraw précise que l’État versait à
chaque soldat sa solde mensuelle et lui faisait tenir ses rations alimentaires, le fisc ne
recourant jamais à l’assignation, c’est-à-dire à une délégation de perception accordée au
soldat sur les revenus d’une personne ou d’un bien foncier ou immobilier. Un système tel
que le décrit Nāṣir Ḫusraw s’il avait existé, aurait nécessité un personnel financier, une
monnaie métallique, des entrepôts de vivres d’une telle importance qu’un État médiéval
aurait été dans l’incapacité absolue de les gérer rationnellement. Le système des iqṭā c,
beaucoup plus souple et adapté, qui constituait une assignation liée à une fonction,
existait déjà au bénéfice des ġulām ikhchidides et il s’était développé à l’époque fatimide.
41 La confiance que l’on peut accorder à Nāṣir Ḫusraw pour les témoignages qu’il apporte
sur les faits matériels précis, l’aspect d’un paysage, d’une ville, d’un marché, les plantes
cultivées, les produits offerts aux clients, leurs prix, les poids et mesures employés, les
emballages utilisés, la qualité de l’approvisionnement ou de la sécurité est à notre sens
très grande à condition de prendre en considération son émerveillement facile devant les
beaux bâtiments, les objets d’or ou dorés, tout ce qui est luxe et commodité de vie qu’il
n’avait pas rencontré dans son pays natal. Par contre, quand il décrit par ouï-dire le
fonctionnement d’institutions politiques ou économiques pour la connaissance desquelles
100
il est totalement dépendant de la sincérité de ses informateurs, son témoignage, qui n’est
pas soumis à un doute méthodique, n’a pas la valeur de celui d’Ibn Ḥawqal, homme avisé
et méfiant, qui écrivait trois quarts de siècles plus tôt. La traversée de la Syrie de Nāṣir
Ḫusraw offre un récit concret de voyage, un carnet de croquis sur un pays où il a
visiblement plus trouvé que ce qu’il en attendait. Ce texte est plus aisé à utiliser que sa
description du Caire, ville dans laquelle il se rendait pour voir des merveilles célébrées
dans tout le monde islamique. Les anachronismes, les exagérations, les invraisemblances
qui parsèment cette partie de son ouvrage exigent de l’historien contemporain une.
lecture attentive et une constante confrontation avec les données offertes par les autres
sources, heureusement nombreuses.
***
42 La qualité du regard porté par Nāṣir Ḫusraw sur la Syrie avive le regret de l’historien
contemporain devant le fait que son itinéraire ait évité Damas et Baalabakk ainsi que le
Hauran. Pourtant, grâce à lui, il constate que la Syrie sous domination fatimide
connaissait vers 440/1048 une prospérité certaine et qu’à l’exception de régions limitées
on y circulait en sécurité. La prospérité était particulièrement éclatante dans les grands
ports de Tripoli à Tyr qui s’ouvraient largement à un commerce méditerranéen dépassant
les limites du monde musulman et de la Méditerranée orientale. Une évolution vers des
républiques marchandes ou en tout cas vers des autonomies urbaines non
révolutionnaires s’y décelait. La Syrie méridionale, dont l’activité était surtout agricole,
était peuplée, mais les villes y étaient moins développées et les échanges lointains
portaient davantage sur les personnes, les pèlerins, que sur les biens. Une frange
d’insécurité, à l’est et au sud de la Palestine, faisait obstacle à des communications
terrestres aisées tant avec l’Arabie qu’avec l’Égypte.
43 La Syrie du Nord, autour d’Alep, faisait quant à elle partie, avec la Ǧazīra, d’un autre
ensemble, un vaste carrefour mettant en rapport le Golfe et la Mésopotamie, avec
l’Arménie et le monde caucasien d’une part, l’Anatolie byzantine et la Mer Noire d’autre
part. Le maintien du ğund de Qinnasrīn dans la mouvance du Caire posait problème, et
Nāṣir Ḫusraw aurait pu en prendre conscience pendant son séjour en Égypte.
44 Comparé aux textes d’al-Muqaddasī et d’Ibn al-Ḥawqal, le récit de voyage du Persan fait
apparaître un bouleversement profond de la géographie économique de la Syrie sur une
période inférieure à un siècle. A l’époque kafouride, les ğund méridionaux ainsi que la
frange entre la Syrie utile et la steppe étaient les régions les plus prospères et les plus
actives. La Syrie du Nord et le littoral des ğund de Damas et de Homs, ravagés par les
invasions byzantines, étaient appauvris. A l’époque de Nāṣir Ḫusraw, la paix relative avec
Byzance, l’installation de commerçants francs dans les ports ont magnifiquement
développé l’économie de la Syrie du Nord et du littoral, alors que les méfaits des Bédouins
en Palestine et sur le Jourdain ont retardé l’essor du Sud et du Sud-Est. Dans le siècle qui
suivit, les Fatimides, puis les Croisés, en tinrent compte.
101
48 Al-Nuwayrī, originaire de Haute Égypte, raconte avec un luxe de détails la lutte sourde à
laquelle se livrèrent le vizir et le chef du dīwān de la princesse mère. Ce dernier s’appuyait
sur les soldats noirs et sur les Maghrébins, persécutant les ġulām turcs, qui finirent par le
tuer. Al-Mustanṣir confia sa succession, à la direction du dīwān de sa mère, au frère d’Abū
Sacd, Abū Naṣr b. Sahl, et confia un poste important au dīwān d’État au fils d’Abū Sa cd. Le
désordre s’installait en Égypte. Abū Manṣūr al-Falāḥī fut tué l’année suivante, en 440.
49 Parmi les vizirs qui se succédèrent à partir de cette date, dont plusieurs furent des
descendants de personnages qui avaient eu une responsabilité dans les dīwān sous les
premiers Imāms en Égypte, un seul nom est à retenir, celui d’un Syrien, al-Yāzūrī. Abū
Muḥammad al-Ḥasan b. cAlī b. cAbd al-Raḥmān, originaire du village de Yāzūr en
Palestine, près de Ramla, né dans une famille de modestes cadis, avait fait carrière dans
les dīwān et avait été au service de la mère d’al-Mustanṣir, après le meurtre d’Abū Sa cd. Sa
double compétence, juridique et administrative, son amitié avec l’eunuque noir Rifq,
responsable alors de l’armée fatimide, ses origines familiales sunnites et syriennes qui lui
permettaient de se tenir à l’écart des querelles entre juifs convertis et entre ismaïliens de
diverses tendances, lui permirent d’accéder au vizirat, tout en étant dācī suprême et grand
cadi d’Égypte, en 442, après un intérim assuré par Abū’1-Faḍl Sacīd b. Mascūd11.
50 Al-Yāzūrī crut atteindre la gloire. Or le ziride d’Ifriqiya lui témoignait son mépris et
s’apprêtait à quitter la mouvance fatimide pour celle de Bagdad12. Averti par les
Byzantins, le vizir expédia les Banū Zuġba et les Banū Riyāḥ, les deux principales fractions
des Banū Hilāl, ravager les provinces occidentales. Plus tard, menacé de voir les Byzantins
confier le soin de la mosquée de Constantinople à un imām favorable aux Abbassides, il
entreprit une action contre les intérêts byzantins dans les Lieux Saints chrétiens de
Palestine.
51 Conscient du danger que représentait le sultanat seljoucide qui se renforçait dans les
provinces orientales du califat abbasside et qui s’apprêtait à prendre la relève des
Bouyides à Bagdad, al-Yāzūrī confia alors au dācī al-Mu’ayyad fī’l-Dīn Abū Naṣr Hibat Allāh
b. Mūsā le soin de soutenir al-Basāsīrī contre Tuġril Bak13. Grâce à l’aide du Caire, Arslān
al-Basāsīrī remporta la brillante victoire de Sinjar en 448/1057. Mais au Caire, les
difficultés financières et alimentaires avaient ruiné la popularité d’al-Yāzūrī. Soupçonné
de faire passer de l’or dans des cercueils et de l’entreposer à Jérusalem et à Hébron pour
préparer une trahison en faveur de Tuġril Bak, le vizir fut arrêté, transféré à Tinnis et
exécuté en muḥarram 450/mars 1058. Al-Basāsīrī entra à Bagdad en ḏū’l-qacda 450/
décembre 1058, mais il fit enfermer le calife al-Qā’im en Iraq et ne l’expédia pas au Caire
où al-Mustanṣir lui avait préparé une prison dorée. En ḏū’l-ḥiğğa 451/janvier 1060, al-
Basāsīrī était vaincu et mis à mort par Tuġril Bak. Le sultanat seldjoucide s’installait
solidement sur tout l’Orient musulman.
52 L’échec d’al-Basāsīrī n’eut pas l’importance symbolique qu’y virent les chroniqueurs
médiévaux. L’armée fatimide n’avait pas été engagée en Iraq. Le million de dinars ou les
deux millions qui y furent dépensés en pure perte ne suffirent pas à ruiner le Trésor du
Caire. Quelques années plus tard, les chefs militaires en extrayaient par la violence trente
millions. Il faut retenir de ce vizirat l’aggravation des difficultés alimentaires en Égypte,
hausse des prix et disette. Ce fut là le motif réel pour lequel on poussa les tribus arabes
hors d’Égypte. La crise frumentaire fut à l’origine de la rupture avec Byzance, qui refusait
de fournir du blé, et avec les villes saintes d’Arabie, qui n’en recevaient plus de la vallée
du Nil. A cette date, l’Égypte n’était plus capable d’exporter du blé et de mettre en branle
103
ses armées hors de ses frontières ; elle devait renoncer aux actions militaires lointaines.
La Syrie vécut dès lors une autonomie réelle dans la mouvance du Caire.
NOTES
1. Nāṣir Ḫusraw (47) et Le Strange (48). Ce chapitre étant conduit sur une analyse du récit du
voyageur persan tel qu’il l’a construit, il nous a semblé inutile de donner des références paginales
puisque le lecteur occidental pourra le suivre dans sa langue maternelle.
2. A la même époque, Ibn Buṭlān a fait un voyage de Bagdad à Raḥba, sur l’Euphrate, puis Ruṣāfa,
Alep, Antioche et Lattaquié. Le Strange a utilisé son récit tel qu’il était rapporté par Yāqūt. Celui
qu’a copié Qifṭī (79) est presque identique : page 193-194, ramaḍān 440, Alep, ville entourée de
murailles de pierre blanche, à six portes, à proximité de la muraille, une citadelle, portant une
mosquée et deux églises (avec le lieu du sacrifice d’Abraham dans l’une des deux... légende de
l’origine du nom de la ville, « il a trait »...), dans la ville, une mosquée et six sanctuaires (églises
ou synagogues), un petit hôpital. Les juristes utilisent le droit imamite. Les gens boivent de l’eau
des citernes. A la porte de la ville, un cours d’eau le Quwayq, coulant l’hiver, tari, l’été. Au milieu
de la ville, la maison de cAlwa, l’amie d’al-Buhturī. La ville a peu de ressources en fruits, légumes
et vins et compte sur les importations venant du territoire byzantin. Il n’y a pas de lieu portant
des (bâtiments en) ruines dans Alep. Il part ensuite à Antioche, à un jour et une nuit de voyage, et
il voit en chemin des cochons, des femmes et du vin (ce qui prouve qu’il sort du territoire
musulman). Aucune trace de destruction sur la route entre Alep et Antioche ; les villages
prospères se succèdent les uns aux autres, cultures de blé et d’orge, oliviers complantés, vergers
florissants.
3. cAbd Allāh b. cAlī b. cAyyād, obituaire de Sibṭ, al-Ḏahabī et Ibn Taġrī Birdī sous 450H., année de
sa mort ; il passe pour avoir été plagié par le Khatib al-Baġḍādī. Curieusement Brockelmann, SI,
563 et Rosenthal, 471, disent que le Khatib plagia Gayṯ b. cAlī al-Ṣūrī. Ce dernier, né en 443H.,
mort en 509H., aurait été bien jeune, à l’époque du passage de l’historien iraqien à Tyr ; Ibn c
Asākir ZA, XIV, 77 v° et 78 r°. Ġayṯ écrivit une histoire de Tyr et une histoire de Damas. Ġayṯ fut
un des élèves de cAbd Allāh b. cAlī b. cAyyād.
4. Voir page 400, note 1.
5. Voir infra, page 560.
6. Du très bon usage que pouvaient faire les eunuques de concubines, voir l’article fort
documenté dans EI 2, IV, 1121.
7. Ibn Al-cAdīm, 267.
8. Sur les troubles au Caire en 439H. voir Ibn Muyassar, 3 et 4 et 440H., 7 et 8.
9. Les principales sources traitant de l’Égypte fatimide de 446H. à 464H., sont al-Mu’ayyad (49),
Sirāt, Ibn al-Ṣayrafī, (55), 77-59, pagination occidentale, Ibn al Qalānisī, 83-112, Ibn al-Aṯīr, IX,
524-652, X, 5-72, Sibṭ, 80 et 80°°° particulièrement consulté ; Ibn al- cAdīm, 1,263-297, II, 9-38, Ibn
Hallikān (85),index, Ibn Sacīd (90°), index, al-Nuwayrī (92), XXVI, 61-71 ; Ibn al-Dawādārī, 351-402,
Ḏahabī (99), les obituaires, Maqrīzī (107), II, 191-306, plus riche que les autres sources sur les
troubles du Caire (le matériau était déjà connu grâce à l’édition des Ḫiṭaṭ) mais décevant sur la
Syrie. Les trois ouvrages les plus exploités depuis un siècle, Ibn Ẓāfir (15), 27-81, Ibn Muyassar
(17), 3-38, Ibn Taġrī Birdī (114), V, 1-90 (428H., car l’histoire du règne se trouve à la date de
l’avènement).
104
Les sources sont complémentaires les uns des autres mais très souvent identiques et la
confrontation ne fait pas ressortir chez les historiens égyptiens plusieurs écoles parallèles. Bonne
présentation des événements par Wiet (207), IV, 219-252 ; Muh. Hamdi al-Mināwī, al-wizāra wa’l-
wuzārā fi’l-caṣr al-Fāṭimī, Le Caire, 1970, donne une liste commode des vizirs et de leurs
successions. Sur al-Basāsīrī, très bonne notice de M. Canard, EI 2, I, 1105-1107. Des ouvrages ont
paru récemment sur le devenir des communautés juives d’Égypte et de Syrie à cette époque que
nous n’avons pu consulter.
10. Abū Naṣr ou Abū Manṣūr Ṣadāqa b. Abī 1-Faḍl Yūsuf b. cAlī, Mann (197), I, 77, Nuwayrī, 64, Ibn
Ẓāfir, Ibn Muyassar, Maqrīzī (107), Ibn al-Dawādārī, index, Dahabī, obituaire, 440H., Nāṣir
Ḫusraw, 130. Ibn al-Qalānisī, 73 et 84. al-Musabbiḥī, 148 v°, il arrive d’Alep au Caire en 414H. et il
est nommé conjointement avec le chrétien Uṣṭufan b. Minā al-Asyūṭī, administrateur financier
du dīwān des Kutamites dont la direction venait d’être confiée à l’eunuque Mi cḍad. Plus tard,
Ṣadāqa assume sa charge, seul, M76 v°, enfin Ṣācid b. Mascūd lui est associé, 242 r° ; sur les laqab,
Ibn al-Ṣayrafï, 76, pagination occidentale. Il est possible que sa nisba, al-Falāḥī, soit à mettre en
rapport avec Abū cAbd Allāh Muḥammad b. cAlī b. Ǧacfar b. Falāḥ, gouverneur d’Alep en 413H. et
qui aurait pu le recruter dans cette ville. Cela expliquerait la nomination en 415H. de Ṣadāqa au
dīwān des Kutamites. Pour Ibrāhīm b. Sahl al-Tustarī, voir les mêmes sources aux index. Les
obituaires égyptiens signalent le décès en ğumāda I 379H., d’un Abū 1-Ḥasan Muḥ. b. cAbd al-
Raḥmān b. Sahl al-Tustarī al-Tāğir, une branche islamisée de la famille aurait donc résidé en
Égypte sous al cAzīz.
11. Al-Ḥasan ou al-Ḥusayn b. cAlī b. cAbd al-Raḥmān (pour Ibn Ḥamdūn, 449H., al-Ḥasan b. cAbd
al-Raḥmān), al-Yāzūrī, voir surtout al-Nuwayrī, 65 et 66. Nāṣir Ḫusraw, 130, Ibn Muyassar et Ibn
Ẓāfir, index et Sayyid (14), 19. Il passait lors de son arrestation pour avoir détourné trois millions
de dinars.
12. Voir entre autres, Ibn Ḫaldūn, IV, 62 et Maqrīzī (1110), édité dans Zakkar (9), 374-375, vie de
Ḥasan b. cAlī b. cMulhim. Article, « Hilāl, » dans EI2, III, 398-399, donne une bibliographie mais
semble négliger Maqrīzī (107), et (110). Garcin (182), 73-79, a replacé cet épisode dans le cadre
plus large de la politique arabe des premiers Fatimides d’Égypte. Analyse du phénomène à
l’échelon méditerranéen dans Cahen (154), 428 et suiv.
13. L’analyse de l’action du dācī al-Mucayyād, telle qu’elle apparaît dans sa Sirāt (49), notamment
pages 89-184, n’a pas été approfondie ici parce qu’elle était marginale quant à la présence
fatimide en Syrie. Voir également (50), pages 40-49. Une traduction de la Sirāt (49) est envisagée
par nous afin de mettre à la disposition des non-arabisants les renseignements concernant les
tribus arabes de Syrie du Nord, de Ǧazīra et d’Iraq que contient l’ouvrage.
105
***
5 Les relations avec les Fatimides posèrent à Ṯimāl plus de problèmes que les relations avec
les Byzantins. Al-Mustanṣir avait accordé son investiture sur Alep au Mirdasside à
condition que le trésor déposé à la citadelle lui fût intégralement renvoyé. Après la
conquête de celle-ci, Ṯimāl expédia effectivement deux cent mille dinars en Égypte mais il
conserva soixante-quinze mille dinars pour remettre en état la citadelle, ses logements et
ses locaux techniques (masākinu-hā wa-maṣānic u-hā), et trente mille dinars pour le
remplacement des armes qui avaient été utilisées ou détruites. Par ailleurs, Ṯimāl b. Ṣāliḥ
avait mis la main sur la vaisselle d’or et d’argent et sur des objets précieux conservés à la
citadelle, pour une valeur de quinze mille dinars3.
6 Al-Mustanṣir manifesta son mécontentement que le trésor ne lui ait pas été restitué dans
son intégralité. Il donna l’ordre au gouverneur de Damas, Nāṣir al-Dawla Abū Muḥammad
Ibn Ḥamdān de marcher à la tête d’une armée sur Alep. Le gouverneur kutamite de Homs,
Šuğāc al-Dawla Ǧa cfar b. Kulayd, qui avait envenimé les choses dans l’espoir d’une
extension de ses pouvoirs vers le nord, faisait partie de l’expédition ainsi que cAbd al-c
Azīz b. Ḥamdān4.
7 Les Fatimides s’estimaient à l’abri d’une riposte byzantine en cas d’attaque sur Alep. En
439/1047-1048, la trêve décennale de 429 avait été renouvelée, sans doute pour une
nouvelle période de dix ans, et de somptueux cadeaux avaient été échangés entre l’Imām
fatimide et le Basileus. Les Byzantins avaient, d’autre part, des soucis de défense plus
graves qu’une mainmise fatimide sur Alep. Un partisan de la guerre à outrance contre les
107
infidèles, qui se faisait appeler Aṣfar al-Taġlibī, avait rassemblé des Musulmans fidèles
dans la région de Ras al-cAyn, sur le haut Khabour, à la limite du Diyār Muḍar et du Diyār
Rabīca. Il lança, à partir de 439, des attaques contre les territoires tenus par les Byzantins.
Ayant eu quelques succès et effectué de fructueux pillages, son appel au ğihād rencontrait
un succès grandissant. Les Byzantins en furent irrités mais se refusèrent à intervenir dans
la Ǧazīra musulmane qu’ils tenaient pour un protectorat. Ils manifestèrent leur
mécontentement au Marwanide Naṣr al-Dawla, qui reçut en même temps que leur envoyé,
un envoyé d’al-Aṣfar qui lui reprochait de délaisser son devoir religieux de ğihād. Naṣr al-
Dawla confia aux Banū Numayr le soin de s’emparer, par ruse, du bouillant chef de bande.
Quand Aṣfar fut entre ses mains, il le conserva précieusement en prison5.
8 Enfin, en 440/1048-1049, les Byzantins furent pour la première fois en contact
militairement avec les bandes turcomanes, al-ġuzz, qui depuis une dizaine d’année
s’infiltraient dans l’Asie Centrale musulmane. Convertis officiellement à l’Islam, elles
combattaient et pillaient, elles aussi, au nom du ğihād. Elles traversèrent l’Arménie,
passant par Mantzikert, et débouchèrent sur la Mer Noire à Trébizonde et aux environs.
Après plusieurs batailles incertaines, les Turcomans remportèrent une grande victoire et
approchèrent de Constantinople dont ils ne furent plus qu’à une quinzaine de journées de
marche. Ils firent prisonniers un grand nombre de patrices byzantins et le roi des Abḫāz.
Ils pillèrent les régions traversées et emportèrent du butin sur dix mille chariots,
notamment dix neuf mille cottes de maille. Ils emmenaient en captivité plus de cent mille
personnes. A compter de cette année 440/1048-1049, les Byzantins ne portèrent plus la
même attention à la Syrie du Nord arabe. La menace qu’ils redoutaient le plus se situait à
l’est : les Turcomans avaient manifesté leur ambition sur l’Arménie et, au-delà, sur l’Asie
Mineure occidentale et sur la Ǧazīra6.
***
9 Nāṣir al-Dawla Ibn Ḥamdān, gouverneur de Damas, reçut donc l’ordre de conquérir la
Syrie du Nord. Il quitta Damas à la tête d’une armée fatimide et de contingents arabes des
tribus, fin 439 ou début 440. Le gouverneur de Homs, Šuǧāc al-Dawla Ǧacfar b. Kulayd, se
joignit à lui. Ils occupèrent les villes de Hama et de Macarrat al-Nucmān. Nāṣir al-Dawla
installa son camp en bordure du Quwayq, la rivière d’Alep, dans le village de Saladī. Ṯimāl
b. Ṣāliḥ sortit d’Alep pour le combattre à la tête des Banū Kilāb et d’un contingent de
Banū Kalb. Des Alépins voulurent se joindre aux troupes mirdassides mais, alors qu’ils
étaient au dehors de la muraille, ils furent pris dans un reflux des Kilabites et dix-sept
civils en armes périrent étouffés entre les combattants et les murailles autour de la porte.
Les combats durèrent trois jours ; Ṯimāl, quoiqu’en infériorité, résistait (ṣabara) à toutes
les charges à la tête de cinq mille hommes, tant cavaliers que fantassins. Nāṣir al-Dawla se
retira dans son camp pour reformer ses troupes. Survint pendant la nuit une crue brutale
du Quwayq qui emporta la presque totalité des tentes et du matériel et noya les montures
qui étaient attachées à des pieux. Nāṣir al-Dawla fit rapidement retraite sur Damas en
ǧumādā I 440/octobre 1048. Deux mois plus tard, en raǧab 440/décembre 1048, Nāṣir al-
Dawla était arrêté à Damas et emmené loin de la ville.
10 Ṯimāl b. Ṣāliḥ, inquiet, envoya un messager au Caire afin de rentrer dans les bonnes
grâces de l’Imām al-Mustanṣir. Ṯimāl espérait jouer sur les oppositions qui divisaient au
Caire les militaires partisans de l’occupation et de l’administration directe et les
fonctionnaires financiers, qui recherchaient les solutions de compromis. Ainsi, c’était le
108
vizir Abū’l-Naṣr Ṣadāqa b. Yūsuf al-Falāḥī, successeur d’al-Ǧarǧarā’ī en 436, qui avait
négocié un premier accord avec Ṯimāl ; celui-ci s’engageait à verser vingt mille dinars,
chaque année, au Caire. Ibn al-Falāḥī était un juif d’origine alépine, ce qui avait facilité les
contacts. Quand il eut été emprisonné et mis à mort au début de 440, Ṯimāl trouva un
autre intercesseur en la personne d’Abū Naṣr Hārūn b. Sahl al-Tustarī, administrateur du
Trésor Privé, également d’origine juive. Pourtant, Abū Naṣr Hārūn était le frère d’Abū Sa c
d Ibrāhīm qu’avait fait assassiner Ṣadāqa b. Yūsuf. Il fut dénoncé à son tour à al-Mustanṣir
par le vizir Abū’l-Barakāt al-Ḥusayn b. al-Ǧarǧarā’ī : Abū Naṣr s’intéressait trop à la ville
d’Alep, sur laquelle il aurait eu des visées personnelles, en accord avec les Mirdassides.
Abū Naṣr fut mis à mort. Il est possible qu’Abū’l-Barakāt ait eu des accointances avec
l’eunuque noir Rifq, à qui on allait confier une puissante armée pour venger l’échec de
Nāṣir al-Dawla. Il est difficile de déceler une ligne politique rationnelle dans l’action
fatimide en Syrie du Nord, action qui se décidait au Caire sur des critères de sympathies
et d’antipathies personnelles et d’opposition entre les dīwān fiscaux et les dīwān
dépensiers, c’est-à-dire les dīwān militaires7.
11 Ṯimāl offrait un prétexte à une nouvelle expédition. Après le départ des Fatimides, il avait
imposé un gouverneur aux habitants de Macarrat al-Nucmān, qui l’avaient mal accepté.
Certains s’étaient enfui à Alep ; il semble que d’autres en avaient appelé aux Fatimides.
Ibn Kulayd, le gouverneur de Homs, s’empressa d’intervenir : mal lui en prit, il fut tué au
combat par Muqallad b. Kāmil b. Mirdās, en šacbān 440/janvier février 1049.
12 Abū’l-Barakāt, qui avait obtenu l’arrestation de Nāṣir al-Dawla et la mise à mort d’Abū
Naṣr, persuada al-Mustanṣir de mettre sur pied une puissante armée pour venger
l’honneur de la dynastie en Syrie du Nord. Le rappel fut battu en ḏū’l-qacda 440/avril
1049. On réunit trente mille hommes et pour cela on dépensa, en or, quatre cent mille
dinars, soit plus d’une tonne et demie de métal pur. On désigna comme général en chef un
eunuque noir de quatre-vingt ans, Amīr al-Umarā’ al-Muẓaffar Faḫr al-Mulk cUddat al-
Dawla, Rifq al-Ḫādim, avec des pouvoirs exceptionnels8. Rifq avait eu son heure de gloire
sous le règne d’al-Ẓāhir, en 415 ; il avait acquis alors la réputation d’un militaire loyal et
avait mené des expéditions de maintien de l’ordre dans la campagne égyptienne. Il ne
paraît pas avoir servi en Syrie avant 441. Pourtant, on donna l’ordre à tous les
gouverneurs de cette province de venir le rejoindre avec leurs troupes et de lui témoigner
les plus extrêmes marques de respect. De même, les tribus arabes alliées devaient lui
prêter main-forte. Arrivant à Ramla, il trouva un envoyé du Basileus qui tenta d’offrir une
médiation entre les Banū Mirdās et les Fatimides. Le Grec subit une rebuffade et repartit,
penaud, pour le Caire. D’après Ibn Muyassar, Rifq avait le cerveau trop usé pour effectuer
correctement sa mission. Des incidents éclataient entre les divers corps de troupes,
orientaux, maghrébins, noirs, ou entre les troupes et les Arabes des tribus. Cela débuta à
Ramla et se poursuivit à Damas, pendant plusieurs jours, devant Bāb Tūmā. Il y eut du
pillage. Les troupes n’étaient pas tenues en main.
13 Les historiens égyptiens, Ibn Muyassar, Maqrīzī, présentent sensible ment la même
version des événements de 440-442, attribuant l’échec fatimide à l’incapacité de
personnages comme Nāṣir al-Dawla ou Rifq mais ne remettant pas en cause la légitimité
de l’intervention de l’armée du Caire en Syrie du Nord. Le texte de Nāṣir Ḫusraw reflète
également, nous l’avons vu, l’opinion égyptienne. Ibn al-cAdīm apporte un témoignage
alépin très différent. Il présente la seconde expédition d’Ibn Kulayd en 440 comme une
action de saccage menée dans les campagnes d’Alep et qui fut arrêtée à Kafr Ṭāb par des
Banū Kilāb, des Alépins, des paysans, commandés par Muqallad b. Kāmil et Abū’l-Wafā’
109
Ḥifāẓ al-Macarrī. Ibn Kulayd en fuite fut arrêté par d’autres Banū Kilāb et tué par le frère
de Muqallad, Ǧacfar. Les Alépins savaient qu’un astrologue avait promis à Ibn Kulayd qu’il
entrerait à Alep sous peu. Il y entra effectivement, mais la tête séparée du corps.
14 Si, dans les campagnes, les Mirdassides étaient bien acceptés et si les aḥdāṯ alépins
combattaient à leurs côtés, ils se méfiaient des élites de leur capitale. En 440, Mu cizz al-
Dawla Ṯimāl, quand il avait été informé de l’expédition de Nāṣir al-Dawla, avait incarcéré
préventivement un certain nombre de personnalités d’Alep, dont le cadi Abū’l-Ḥasan b.
al-Ǧarāda, craignant qu’ils ne livrassent la cité aux envahisseurs. En 441, quand le danger
fut passé, Ṯimāl libéra ses prisonniers, à l’exception du chérif Abū cAlī Muḥammad b.
Muḥammad b. Ṣāliḥ, qu’il fit exécuter. Une enquête effectuée sur ces notables avait fait
apparaître leur innocence. Ibn al-Aysar, que Ṯimāl avait envoyé en mission de négociation
au Caire, avait rapporté des rumeurs mettant en cause la loyauté du chérif. L’épisode tend
à prouver que la présence fatimide en Syrie, aussi bien à Damas qu’à Alep, était mieux
tolérée par les notables que par les aḥdāṯ.
18 Sulṭān al-Qarmaṭī, dont le frère était prisonnier de Ṯimāl, dans la citadelle d’Alep,
demanda l’amān au Mirdasside et passa de son côté avec cinq cents cavaliers kalbites. Les
généraux fatimides conseillèrent à Rifq de s’assurer de la fidélité des autres kalbites et des
Ṭayy en emprisonnant leurs émirs. Il n’en fit rien. Ils lui conseillèrent de faire reculer
l’armée jusqu’à Sadlag pour se prémunir contre une attaque. Il n’en fit rien. Ils lui
conseillèrent enfin de faire rédiger un édit, au nom de l’État (can al-sulṭān), qui confierait
la Syrie en iqṭāc à Mu cizz al-Dawla Ṯimāl qui retrouverait ainsi sa vénération pour la
dynastie. Il n’en fit rien.
19 Ils étaient arrivés un mercredi ; le combat commença le vendredi ; ils se reposèrent le
samedi et le dimanche car il faisait très chaud. Rifq donna l’ordre d’envoyer en arrière à
Macarrat al-Nucmān, le Trésor de l’armée et les bagages des soldats, pour éviter un
pillage. L’armée crut qu’il préparait une retraite et au milieu de la nuit, les soldats se
débandèrent et partirent vers le sud. Rifq les poursuivit, leur enjoignant de revenir pour
combattre. Ils n’en firent rien.
20 Au petit matin, la redoutable cavalerie kilabite sortit d’Alep et vint attaquer ce qui restait
de troupes. Rifq se battit courageusement, reçut plusieurs blessures sur le corps et trois
forts coups sur la tête. Les Kilabites le hissèrent sur une mule, la tête nue et en sang, et le
ramenèrent à Alep. Il avait perdu l’esprit. Il délira pendant trois jours puis mourut. On
l’enterra à Mašhad al-Ǧuff, à l’extérieur d’Alep. Des généraux et des secrétaires de l’armée
fatimide avaient été faits prisonniers et se trouvaient dans la citadelle. Des patrouilles
byzantines se rendirent maîtresses de nombre de soldats fatimides, qui furent conduits à
Antioche. Mais sur ordre de Constantin IX, ils furent tous libérés.
21 Le vizir fatimide Abū’l-Barakāt al-Ḥusayn b. Muḥammad al-Ǧarǧarā’ī avait été pour le
rappeler à al-Mustanṣir. Il fut arrêté et expédié à Tyr pour y être incarcéré, à la mi-
šawwāl 442/1er mars 1051. Son vizirat avait duré vingt et un mois et la Syrie du Nord lui
fut fatale comme elle l’avait été à Ṣadāqa b. Yūsuf. Plus tard, Abū’l-Barakāt fut libéré et se
rendit à Damas.
22 A cette époque, Nāṣir Ḫusraw, le voyageur persan, se trouvait au Caire et la vision qu’il
eut, de cette ville, des événements se déroulant en Syrie du Nord a été rapportée. Ṯimāl b.
Ṣāliḥ envoya au Caire Šayḫ al-Dawla cAlī b. Aḥmad b. Aysar, accompagnant son fils Waṯṯāb
b. Ṯimāl et son épouse cAlawiyya Bint Waṯṯāb al-Numayriyya al-Sayyida. Ils emportaient
deux ans de tribut, quarante mille dinars venant du trésor de la citadelle, des dons
précieux variés. D’après Ibn al-cAdīm, al-Mustanṣir fut charmé par la présence d’esprit et
les réponses avisées d’al-Sayyida, la Signora. Alors qu’il l’interrogeait sur son laqab, elle
répondit : « certes, je suis la maîtresse de mon peuple, sayyidat qawmī, mais ta servante, ô
Prince des Croyants, que les bénédictions de Dieu soient sur toi ! ». Al-Mustanṣir ordonna
à la princesse de dicter elle-même un aide-mémoire à son secrétaire, afin qu’il puisse
signer une reconnaissance de fiefs à Ṯimāl pour Alep et toutes les terres qui
appartenaient au Kilabite. L’Imāms décerna à Ṯimāl et à tous ses proches, les chefs
Mirdassides, des marques spéciales d’honneur (tašrīf). La princesse cAlawiyya revint à
Alep, ayant pleinement réussi dans la mission qui lui avait été confiée9.
23 Mucizz al-Dawla Ṯimāl, rassuré sur les intentions fatimides, exerça un pouvoir pacifique
sur ses sujets. Ce fut un prince très apprécié par les Alépins, de même que son vizir à
partir de 442, Abū’1-Faḍl Ibrāhīm b. cAbd al-Karīm b. al-Anbārī, al-Ṯiqa al-Kāfī, qui était
originaire de Raḥba. La réussite à cette époque de la principauté kilabite d’Alep, de même
que celle de la principauté kurde marwanide du Diyār Bakr, s’explique par la taille
111
***
29 Quand al-Basāsīrī, le maître turc de Bagdad, en rupture avec le calife abbasside et opposé
au Turc sunnite Tuġril Bak, se réfugia dans la mouvance fatimide, à Raḥba, ville
administrée par Ṯimāl, celui-ci lui fit bon accueil. Les Banū Kilāb n’avaient jamais vu un
homme aussi audacieux, aussi astucieux, aussi rusé. Quand Ṯimāl montait à cheval, al-
Basāsīrī bondissait vers lui, lui tenait les étriers, disposait avec soin son vêtement sur la
112
selle, manières qui sidéraient les Bédouins. Les Banū Kilāb voulurent s’emparer de lui,
mais Ṯimāl le leur interdit. Il devait le regretter, car al-Basāsīrī, qui se montrait tout
humble quand il était arrivé avec quelques hommes efflanqués, prit de l’assurance. Ayant
quitté Bagdad en 447/1055, il passa l’hiver de 1056 sur la rive de l’Euphrate à Bālis et
rassembla les Arabes des tribus et des Turcomans. Ṯimāl conçut des craintes à son égard.
Au début, il lui avait offert les clés de Raḥba et al-Basāsīrī avait refusé de les prendre ;
plus tard, ce fut al-Basāsīrī qui les lui réclama, voulant mettre en sécurité dans cette ville
son trésor et sa famille. En 448, Mucizz al-Dawla les lui remit.
30 Alors que tout s’arrangeait pour Ṯimāl b. Ṣāliḥ, qu’il n’avait plus face à lui l’ennemi, que
ses revenus étaient devenus considérables, il se heurta, à partir de 449/1057-1058, à une
opposition dans sa tribu. Les Banū Kilāb trouvaient que le partage des rentrées fiscales
était mal fait et qu’ils ne recevaient pas leur dû. Ils faisaient remarquer au prince d’Alep
que sans eux, il ne serait rien, et qu’il n’avait pas plus de droit qu’eux aux revenus de la
province ; il devait augmenter leur quote-part. Cette année-là, Ṯimāl livra Raqqa et Rāfiqa
à Manīc b. Šabīb b. Waṯṯāb al-Numayrī parce que son père avait été maître de ces deux
villes. Les récriminations des Banū Kilāb se firent plus excessives ; ne se contentant pas de
protester contre le comportement de Ṯimāl, ils commencèrent à susciter des désordres 13.
31 Perdant patience, Mucizz al-Dawla décida d’abdiquer et de partir.
de la trève, le vizir fit répondre que l’embargo sur l’expédition des céréales en était la
cause. Cette affaire déclencha un échange de correspondances sans résultat. Une seconde
expédition conduite par l’émir al-Sacīd Layṯ al-Dawla put s’emparer de Lattaquié et
ravager la cité. Makīn al-Dawla patrouillait dans toute la région de Lattaquié. Une
troisième armée, de trois mille hommes, conduite par l’émir Muwaffaq al-Dawla Ḥifāẓ b.
Fātik et par l’émir Abū’l-Ǧayš cAskar, vint se joindre aux deux armées entrées
précédemment en territoire byzantin ; la conduite générale des opérations était toujours
confiée à Makīn al-Dawla. Les troupes fatimides mirent le pays en coupe réglée et
emmenèrent en captivité les habitants. L’action se poursuivit jusqu’à l’exécution du vizir
al-Yāzūrī, début 450/printemps 1058. Alors les Byzantins déclenchèrent une contre-
offensive. Ibn Skléros confia à une escadre de quatre-vingt navires de guerre le soin de
combattre Makīn al-Dawla. Celui-ci fut fait prisonnier, avec des chefs de tribus arabes qui
combattaient à ses côtés, le 28 rabīc II 450/24 juin 1058. Maqrīzī, sans nous expliquer
comment il fut libéré, enchaîne sur sa prise de possession de la citadelle et de la ville
d’Alep, livrée par Ṯimāl b. Ṣāliḥ15.
35 Ibn Muyassar, bien qu’antérieur à Maqrīzī, présente une version résumée de l’affaire, sous
l’année 446/1054-1055. Il mentionne une disette et une épidémie (wabā’), qui frappait
l’Égypte. Al-Mustanṣir aurait demandé de l’aide au Basileus qui aurait décidé l’envoi de
quatre cent mille ardab de grains, puis serait mort. L’impératrice qui lui avait succédé
n’aurait pas répondu aux sollicitations d’al-Mustanṣir. Celui-ci aurait expédié Makīn al-
Dawla contre Lattaquié pour non respect de la trève. Peut-être un article de celle-ci
prévoyait-il la fourniture de céréales en cas de disette. Trois armées se seraient succédé
sur le littoral de Syrie du Nord. L’état de ġazū contre le territoire byzantin aurait été
décrété publiquement en Syrie. Ibn Mulhim aurait assiégé la forteresse de Qastiyūn ou
Qasṭūn, dans le Rūğ, près d’Apamée. Yāqūt apporte quelques lumières sur le siège de cette
place tenue par des descendants de Ṭalḥa et de Muḥammad b. cAbd al-Raḥmān b. Abī Bakr
al-Ṣiḍḍīq, siège qu’il situe en 448/1056-1057. Les assiégés, privés d’eau, obtinrent l’amān et
quittèrent la forteresse, où Makīn al-Dawla trouva un milliers de vaches, de moutons, de
chèvres, de chevaux et d’ânes morts. Il détruisit la muraille. Ibn Muyassar situe après ce
siège la dévastation par Makīn al-Dawla de la province d’Antioche, puis sa capture par
une escadre byzantine, le 28 rabīc II, sans précision d’année.
36 Les dates données par Ibn Muyassar et par Yāqūt permettent de corriger l’erreur dans la
chronologie byzantine imputable à Maqrīzī. Le Basileus qui accepta d’envoyer du blé en
Égypte fut Constantin IX Monomaque, toujours favorable à la paix avec Le Caire et qui
mourut le 11 janvier 1055/9 šawwāl 446. Les incidents entre Musulmans et Grecs se
déroulèrent sous l’Impératrice Théodora : « à l’extérieur, ce règne de dix-neuf mois fut
néfaste pour l’Empire ». Ibn Muyassar signale pour l’année 447 le changement de
politique des Byzantins : le khaṭīb de la mosquée de Constantinople, qui invoquait Dieu en
faveur d’al Mustanṣir, reçut l’ordre de procéder désormais à l’invocation en faveur du
calife abbasside al-Qā’im. En effet, le sultan Tuġrīl Bak avait obtenu par un ambassadeur
la reconnaissance de la suprématie de Bagdad. Pour se venger de cette vexation, al-
Mustanṣir fit saisir les objets se trouvant dans l’Église de la Résurrection à Jérusalem.
37 L’essentiel des opérations menées en territoire byzantin par Makīn al-Dawla aurait été
achevé avant la désignation de celui-ci comme gouverneur d’Alep. Ibn Mulhim se montra
bon administrateur. Il fit construire des tours pour renforcer la muraille de la ville d’Alep
et, malgré ces dépenses, les prix baissèrent pendant son gouvernement.
114
43 Quand Nāṣir al-Dawla arriva dans la ville et qu’il voulut la piller, on lui dit que c’était
inutile après le passage des hommes de Makīn al-Dawla. Dépité, il tenta d’imposer à la
population le paiement de cinquante mille dinars parce qu’il allait éloigner Maḥmūd b.
Naṣr de la ville. Comme il n’obtenait rien, il fit savoir qu’il partait combattre Maḥmūd
mais qu’à son retour il se vengerait des Alepins.
44 La bataille eut lieu près d’Alep en un lieu dit al-Funaydiq sur Tall Sulṭān, le 30 raǧab
452/30 Août 1060. D’après Ibn al-cAdīm, Nāṣir al-Dawla avait quinze mille cavaliers, tant
réguliers qu’alliés bédouins, alors que Maḥmūd b. Naṣr n’en conduisait que deux mille,
mais au début de la bataille, les Banū Kalb et les Banū Ṭayy quittèrent l’armée fatimide.
Celle-ci souffrait de la soif. Ce fut un désastre. Nāṣir al-Dawla son frère et la plupart des
commandants fatimides furent pris ainsi que de nombreux soldats ; les autres furent tués.
Rares furent ceux qui purent fuir complètement nus.
45 Le lendemain, le 1er ša cbān, cAṭiyya b. Ṣāliḥ arrivait à Alep et se faisait livrer la ville par
Makīn al-Dawla, alors qu’il n’avait pas participé à la bataille. Dans la soirée, survint
Maḥmūd b. Naṣr. cAṭiyya se sauva, lui abandonnant la cité qui avait eu trois maîtres en
trois jours. Makīn al-Dawla et son adjoint Rukn al-Dawla demeuraient maîtres de la
citadelle mais ils n’avaient plus d’espoir de secours et, après des négociations, ils
capitulèrent le 10 šacbān. Quatre fils de chefs kilabites, dont celui de Maḥmūd b. Naṣr,
furent envoyés en otages dans la place-forte fatimide d’Apamée. Puis, Makīn al-Dawla
descendit de la citadelle avec ses hommes et avec le trésor ; des chefs kilabites
l’escortèrent jusqu’à ce qu’il eût atteint sans encombre Apamée. Alors les Kijabites
revinrent à Alep avec leurs fils.
46 Les Fatimides avaient perdu définitivement Alep mais l’appel à la prière y suivait toujours
la tradition chiite et l’invocation à Dieu se faisait, le vendredi, en faveur de l’Imām al-
Mustanṣir18.
créant gêne et peur. Maḥmūdb. Naṣr, quand il avait vu approcher son oncle, avait fait
partir le cheikh Abū Muḥammad cAbd Allāh b. Muḥammad al- Ḫafāğī à Constantinople
pour demander secours au Basileus. En même temps, il requit l’aide de son oncle maternel
Manīc b. Šabīb b. Waṯṯāb al-Numayrī, le maître de Harran. Ce dernier arriva rapidement
avec les Banū Numayr alors que le Basileus fit traîner les choses en longueur pour éviter
un engagement byzantin dans cette affaire de famille.
49 Ṯimāl s’était approché de la ville. Un groupe de aḥdāṯ ouvrit en secret la Porte de
Qinnasrīn et quelques hommes de Ṯimāl purent s’infiltrer dans Alep ; ils parvinrent
jusqu’à Darb al-Banāt. Maḥmūd en fut informé. Étant descendu de la citadelle, il refoula
les intrus hors de la ville sans qu’il y ait mort d’homme et se saisit d’Ibn Ḥayyūn et d’Ibn
al-Muġāzil, les aḥdāṯ responsables de la chose. On était en ḏū 1-ḥiğğa 452/janvier 1061.
50 La lutte entre les deux chefs kilabites, le vieil oncle qui avait été longtemps un prince
respecté d’Alep, et le jeune neveu, plein d’ardeur, dont la seule légitimité était d’être le
fils d’un prince plus ancien, prend ce tour tout à la fois chevaleresque et poétique qui
caractérisait les guerres civiles à l’intérieur des tribus arabes. Le résultat final importait
moins que le respect de certaines traditions ; les beaux coups d’épée étaient loués
pendant quelques mois, mais les beaux vers étaient répétés de générations en
générations. Ibn al-cAdīm, qui vit à une époque plus pragmatique, regrette assurément
ces temps héroïques et cette culture orale disparue de son temps et déjà désuète au Ve/Xe
siècle. C’est pourquoi il a rassemblé tous les témoignages pour décrire cet épisode dans le
moindre de ses détails. Son attitude est très différente de celle d’Ibn al-Qalānisī, fervent
admirateur du Turc sabreur et taciturne qui combat et meurt en silence.
51 Dans le mois qui suivit cet incident, en muḥarram 453, les Banū Numayr, conduits par
Manīc b. Šabīb, arrivèrent à Alep et ils furent, pendant vingt jours, les invités de Maḥmūd
dans la ville. Ṯimāl s’était éloigné à leur approche. Manīc conseilla à Maḥmūd de libérer
Nāṣir al-Dawla afin de s’attirer les bonnes grâces d’al-Mustanṣir. Maḥmūd avait acheté
Nāṣir al-Dawla au Kilabite qui l’avait pris, pour deux mille sept cents dinars, soit le prix de
deux très beaux chevaux de race. Il est vrai que le Hamdanide était en piètre état à la
suite d’un coup reçu pendant la bataille, il avait une main paralysée. On le couvrit d’habits
d’honneur, on le jucha sur un cheval, précédé de plusieurs chevaux d’apparat et on le fit
partir vers le sud. Tous les émirs et les qā’id fatimides pris à la bataille d’al-Funaydiq
avaient été également libérés. Quand les Alépins apprirent qu’al-Mustanṣir avait nommé
Nāṣir al-Dawla, toujours paralysé, gouverneur de Damas, ils s’en étonnèrent et cela offrit
l’occasion aux poètes locaux de donner libre cours à leur verve.
52 Maḥmūd quitta Alep pour rassembler des hommes susceptibles de combattre. Il se rendit,
sans doute, à al-Ḫānūqa, place-forte dominant la rive droite de l’Euphrate, en aval de
Raqqa. Le lendemain de son départ, Ṯimāl se rapprocha d’Alep puis marcha à la rencontre
de son neveu. Dans la bataille qui s’ensuivit, Maḥmūd b. Naṣr fut vaincu et alla se réfugier,
avec trois cavaliers, à Alep. Tous ses soldats furent faits prisonniers ainsi que les aḥdāṯ qui
combattaient à ses côtés : Ibn al cAdīm nous donne des noms, Kindī, Ṣubḥ, Ibn al-Aqrāṣī,
al-Šuṭayṭī, al-Labbād, personnages sans kunya, ni insertion dans un nasab. Ṣubḥ put gagner
la citadelle d’Alep mais l’officier de Maḥmūd qui commandait celle-ci préféra l’incarcérer
de peur qu’il ne lui jouât quelque tour de sa façon.
53 Maḥmūd, aux abois, en appela à son cousin, Ḥusām al-Dawla Manī c b. Muqallad, son
compagnon de combat face aux Fatimides. Manīc se déroba et lui fit porter ce message
oral : « C’est ton oncle qui, par son âge, est le chef, cammu-ka huwa al-šayḫ al-kabīr, les
117
Šāfic b. cAğal b. al-Ṣūfī, discuter avec les Grecs. Il posa des conditions draconiennes pour
rendre Artaḥ19. La destruction des deux forteresses qui venaient d’être rénovées était
exigée. Le Ǧabal Laylūn, entre Alep et Antioche, devait revenir aux Musulmans. Les Grecs
n’y avaient aucune attache, lā calaqa la-hum fī-hi. Enfin, les Byzantins devaient payer une
certaine somme d’argent pour récupérer Artaḥ. Les Byzantins acceptèrent ces conditions
et le négociateur rentra à Alep en ǧumādā II 454/juin 1062. Mais les Grecs ne respectèrent
pas leurs engagements et certaines clauses ne furent pas appliquées. D’autre part, ils
négocièrent en secret avec des représentants des aḥdāṯ d’Alep, venus à Antioche, qui leur
proposèrent de leur livrer Macarrat Miṣrīn et de mettre à leur disposition leur parti et
leurs hommes à Alep, ḥizbu-nā wa-aṣḥābu-nā fī Ḥalab. Mucizz al-Dawla Ṯimāl, ayant appris
la chose, fit mettre au gibet quatre membres de cette milice, Ibn Abī’l-Rayḥān, Ibn Maṭar,
Ibn al-Šākirī et Bahlūl, en ramaḍān 454/septembre-octobre 1062.
60 La guerre reprit entre Byzantins et Musulmans. Les Grecs ayant pillé et brûlé Marimiyin
al cUqba, un village de la région d’Alep, les émirs Manṣūr b. Ǧābir et Ḥarīṭa b. cAbd Allāh
firent une contre-offensive et dans une rencontre avec l’armée byzantine, tuèrent mille
cinq cents hommes. Mucizz al-Dawla mena, en personne, une expédition de ġazū contre
Qaybar, à proximité d’un pont sur l’Afrīn emprunté par la route entre Alep et
Alexandrette. En šawwāl 454/octobre 1062, il prit ce bourg, le pilla, tua les hommes,
emmena les femmes et les enfants. De retour de cette expédition, il tomba malade et
mourut après avoir désigné comme successeur son frère cAṭiyya b. Ṣāliḥ. Il fut enterré au
Maqām Ibrāhīm al-Fawqanī dans la citadelle d’Alep au mois de ḏû 1-qacda 454/fin
novembre 106220.
c
Aṭiyya b. Ṣāliḥ, Prince d’Alep
61 Dès que cAṭiyya b. Ṣāliḥ se fut installé à Alep, son neveu, Maḥmūd b. Naṣr, lui adressa une
protestation ; Ṯimāl b. Ṣāliḥ lui aurait promis que la ville lui serait remise à sa mort ; cette
ville, c’était de lui, Maḥmūd, que Ṯimāl la tenait car il l’avait reprise, les armes à la main
aux Fatimides ; de plus, il en avait hérité de son père. Les cheikhs de la tribu kilabite
soutinrent son argumentation et lui accordèrent leur appui. Maḥmūd arriva avec ses
hommes en raǧab 455/juillet 1063 à cAyn Saylam21. Maḥmūd installa dans ce lieu le
campement de sa tribu. Il se trouvait à trois milles d’Alep dont il avait ravagé des cultures
pendant les mois précédents. Mais cAṭiyya sortit à sa rencontre et lui infligea une sévère
défaite. Maḥmūd se sauva, son campement fut pillé. Il trouva des alliés parmi les chefs
kilabites. Installé près de Qinnasrīn, il fut rejoint par Šibl b. Ǧāmi c, Muḥammad b. Zuġayb
et surtout par Sayf al-Dawla Manīc b. Muqallad b. Kāmil, le plus riche des chefs kilabites.
La générosité de Manīc était célèbre : en cas de besoin, il fournissait aux Bédouins vivres,
fourrages, vêtements.
c
62 Aṭiyya avait établi son camp à Sacdī, au sud d’Alep, dans une zone de jardins proche de la
ville, afin d’éviter une surprise. Les chefs kilabites et Maḥmūd se rapprochèrent d’Alep et
menèrent un long siège. En šawwāl 455, Manīc b. Muqallad fut blessé par une pierre tirée
par une fronde et mourut peu après. Curieusement, il eut le temps de léguer par
testament tous ses biens à son oncle cAṭiyya qu’il était en train de combattre. Le revenu
annuel de ses iqṭāc se montait à quatre vingt mille dinars. Dans son château Ḥiṣn al-
Muğaddad, il détenait trois cent mille dinars, des armes, des appareils de siège et des
biens variés en grande quantité. Il avait même à son service un homme faisant fonction
de vizir, Abū’l-Ḥasan cAlī b. Muḥammad b. cĪsā al- cUmarī, qui avait refusé les offres de c
119
Aṭiyya et qui, pour cela, fut mis à mort à son retour à Alep après la mort de son maître. c
NOTES
1. La source principale sur le règne de Ṯimāl b. Ṣāliḥ est Ibn Al- cAdīm, 255-288 ; à compléter par
Ibn al-Aṯīr, IX, 231 et suiv., 402H., et index. Al-Mu’ayyād, (49), 100-108, 119-129, 170-173 et index,
120
révèle les manœuvres de ce dācī auprès des aḥdāṯ d’Alep afin de s’assurer un moyen de pression
contre Ṯimāl.
2. Expulsion des marchands francs d’Alep, Ibn al-Aṯīr, IX, 492, expulsion des étrangers de
Constantinople, Ibn al-Aṯīr, IX, 515. Pour être établies, ces nouvelles demanderaient une
recherche approfondie sur les autres sources arabes et surtout sur les sources grecques. Je crois
que les Byzantinistes s’en préoccupent.
3. Ibn al-cAdīm, 203.
4. Maqrīzī (107), II, 201, Ibn al-Qalānisī, 75, Ibn Al- cAdīm, 263-264 ; Ibn Muyassar, 6, corriger Ibn
Kalsid en Ibn Kulayd.
5. Ibn al-Aṯīr. IX, 540-541, 439H. De tels personnages, souvent affublés de noms identiques ou
proches, surgissent régulièrement dans les régions frontières et les historiens arabes les
confondent parfois.
6. Ibn al-Aṯīr, IX, 459, 429H., 473, 432H., 504-510, 434H., attaque contre les Byzantins, 546, 440H.
L’histoire de cette première pénétration turque en Asie Mineure a été écrite par Cahen (174), I, 14
et suiv.
7. Al-Mu’ayyād (49), 80-94, décrit son arrivée au Caire et ses contacts avec al-Tustārī, puis al-
Falāḥī, puis al-Ǧarǧarācī Abū 1-Barakāt al-Ḥusayn b. Muḥammad, enfin al-Yazūrī qui le chargera
de mission en Syrie. Son récit complète les informations données par Ibn Muyassar, 3-10. Voir
supra, p. 543.
8. L’eunuque Rifq avait mené une longue carrière, al-Musabbiḥī. index. Maqrīzī (107). index,
Nāṣir Ḫusraw, 170, Ibn Muyassar, index, Ibn Ẓāfir, index, Nuwayrī. 65. Ibn al- cAdīm, I, 265 et (84),
VI, 99 r°-103 v°, Ibn al-Qalānisī, index, Ṣafadī (100). n° 109, Zakkar (8). 142 et suiv.
9. Outre Ibn al- cAdīm. I. 263-266 et Ibn Muyassar, 3-11, qui sont les sources fondamentales pour
cet épisode, voir Ibn al-Qalānisī, 83-85, mal informé et surtout Maqrīzī (107). II. 195-211, la feuille
volante, ajout au manuscrit, publiée en note page 210 et 211, est particulièrement importante.
10. Ibn al cAdīm. I. 271-273. L’anecdote est révélatrice de ce qu’un prince attendait des villages
qu’il gouvernait, alimenter les besoins des citadins, ses proches.
11. Voir la notice consacrée aux Banū Ǧahīr dans EI2, II. 394. D’après Ibn al-cAdīm. I. 269. le vizir
quitta Alep en 446H. ; bibliographie dans la note 3.
12. Maqrīzī (107), II. 271. 457H., Nuwayrī. 72.
13. Ibn al-Adīm, I. 270-274 ; Al-Mu’ayyād, (49). 171 et suiv.
14. Voir p. 550, note 2.
15. Maqrīzī. cité par Zakkar (9), 374-375. Maqrīzī (107). II. 226-231. très détaillé. Maqrīzī semble
différencier un Makīn al-Dawla al-Ḥasan b. cAlī b. Mulhim al-Kutāmī et un al-Ḥasan b. cAlī b.
Mulhim b. Dīnār al cUqaylī (ce dernier aurait agi à Tripoli d’occident) ; en fait, il semble s’agir du
même personnage, un Uqaylide. Ibn al-Muyassar. 13-15 et annotation, Yāqūt. IV, 97, à propos du
siège de Qastun mentionne Abū cAlī al-Ḥasan b. cAlī b. Mulhim al-cUqaylī. Bréhier (220), I.
219-220.
16. Ibn al-cAdīm, I, 274 et suiv.
17. Les Banū Hafāğa, fraction des Banū cUqayl, tantôt alliés à ceux-ci tantôt opposés à eux. Tribu
affaiblie, repoussée vers la steppe désertique entre Iraq, Ǧazīra et Syrie, dans la région de Kūfā.
Ils pratiquaient l’attaque des caravanes. Voir Zakkar (8), 70 ; EI 2, IV, 942-944 ; Yaḥyā, XVIII, 791 ;
Maqrīzī (107), II, 189, 427H. ; Ibn al-Aṯir, IX, 235 et 436, X, 443, 447. L’amir Ṯimāl avait, au moins,
cinq fils, Sulṭān, cUlwān, Raǧab, Muḥammad et cAlī. Ils sont alliés aux Banū Asad.
18. Ibn al-cAdīm, I, 276-281 ; Ibn al-Qalānisī, 86-87. Ibn al-Muyassar, 21-22, Maqrīzī (107), I, 255 et
259-260.
19. Artāḥ et Oaybar. voir Dussaud. 225-229. Cahen (4). 134 et note 4 et 138-140. Le Marīamīn al c
Uqba. ou al-cAqaba, mentionné par Ibn al-cAdīm, I. 287. est vocalisé Marīmīn par Yāqūt. IV. 516.
qui signale deux villages de ce nom. l’un dans la région d’Alep. et l’autre dans la région de Homs ;
Dussaud. index, sous Mariamin. (Emesene), Mariamin (Roudj). et Mariamme. en distingue
121
également deux, voir p. 174. Il s’agit, ici. de celui qui figure sur la carte IX de Dussaud. B2,
dominant la rive droite de l’Oronte à une quinzaine de kilomètres au Nord-Est de Ǧisr al-Shughur
et contrôlant un col. cAqaba, permettant l’accès d’une voie venant d’Alep à la vallée de l’Oronte.
20. Ibn al- cAdīm, I, 279-288 ; Ibn al-Dawādārī, 354 ; Ibn Muyassar, 14-22 ; Ibn al-Qalānisī, 90-91 ;
Maqrīzī (107), II, 259-261, 263 ; Zakkar (8), 138-166.
21. cAyn Saylam, Yāqūt, III, 762, ne semble la connaître qu’au travers du récit de la bataille de
455H. Sur Sacdī, voir la référence d’Ibh al-Šihna, placée par S. Dahhān en note 4, Ibn al- cAdīm, I,
140.
22. Ibn al cAdīm, I, 291-292, Ḥiṣn yuqal lahu al-muğaddad, un château-fort que l’on nommait
« rénové », impossible à localiser avec cette seule donnée. Les chefs de famille des Banū Kilāb,
comme les chefs de famille des Banū Numayr se fixaient en rase campagne, à la limite de la
steppe, en y conservant leur campement familial, al-hilla, puis, dans une seconde étape, ils
construisaient sur une hauteur, située dans le même type d’environnement géographique, une
forteresse-refuge, où ils pouvaient laisser les leurs à l’abri et entreposer leurs biens. Il serait
intéressant de savoir si à cette seconde étape de sédentarisation correspondait un abandon du
chameau comme monture courante au profit du cheval, jusque là réservé à la bataille,
23. Šarmīn. voir Dussaud, index, sous Sermin, page 314, références sur cette cité, située en
bordure du Ǧabal Summāq, Artīq, ou Urtīq comme Yāqūt, I, 191, l’a entendu de la bouche d’un
Alépin, une circonscription (kūra), de la région d’Alep, au sud de la ville.
24. Asad al-Dawla, le Lion de l’État, Sibl al-Dawla, le Lionceau de l’État, plus haut, Layṯ al-Dawla,
le Lion de l’État. Les Kilāb. les Chiens, sont proches des Numayr, les Tigres et des Banū Asad. les
Fils du Lion, mais ennemis des Banū Kalb, Fils de Chien, et Ibn al- cAdīm, 1, 293, al-Sabīca, les
fauves et al-ḍība, les loups.
25. Ibn al-cAdīm, I, 291-297.
122
Nord et rejoignit Maḥmūd qui lui accorda l’amān et l’envoya avec ses hommes à Ma carrat
al-Nucmān.
5 Maḥmūd rassembla des Arabes des tribus et Ibn Ḫān reconstitua sa formation de
Turcomans et ils marchèrent sur Marğ Dabiq, au nord d’Alep, près de cAzāz. cAṭiyya sortit
d’Alep, accompagné de ses troupes ; il avait recruté des Banū cAwf. Il fut vaincu par
Maḥmūd le 11 ğumādā II 457/20 mai 1065. Il s’enfuit à Alep, poursuivi par Maḥmūd.
6 Un siège très dur fut mené par Maḥmūd et les Turcomans pendant cent deux jours. Au
cours du siège arriva l’envoyé d’al-Mustanṣir, Ẓafar al-Mustafādī, déjà venu
précédemment. Maḥmūdb. Naṣr qui avait reçu à une date antérieure les laqab de cIzz al-
Dawla wa-Šamsu-hā, se vit accorder cette fois-ci ceux de cAẓīm Umarā’ al-cArab, cAḍud al-
Dawla, Sayf al-Ḫilāfa, Ḏū’l-Faḫrayn. Puis, la ville étant affamée, Asad al-Dawla cAṭiyya b.
Ṣāliḥ la livra à son neveu Maḥmūd. Il conservait cAzāz, Manbiǧ, Bālis et tous les territoires
de la principauté à l’est d’Alep. Maḥmūd recevait Alep et ce qui se trouvait au sud et à
l’ouest. Une nouvelle trève était conclue1.
s’avançaient vers l’ouest par l’itinéraire traditionnel des vallées de l’Euphrate et de ses
grands affluents, traversaient la Ǧazīra puis entraient en Syrie du Nord. D’autres
s’infiltraient dans les montagnes d’Arménie, puis dans les plateaux de l’Asie Mineure
byzantine, pour ensuite obliquer vers le sud et pénétrer en Syrie du Nord par les passages
situés entre les places fortes de la zone frontière.
9 Dès lors que les Mirdassides avaient introduit de leur plein gré des Turcomans sur leur
territoire, ils devaient se trouver responsables du comportement de ceux-ci à l’égard de
leurs sujets, comme à l’égard de leurs voisins, Byzantins ou Fatimides. La grande crise qui
frappait alors l’Égypte amoindrissait la capacité d’intervention de l’armée fatimide,
occupée en Syrie centrale et méridionale par une reprise de l’agitation urbaine et des
mouvements tribaux. La famine et les épidémies se faisaient d’ailleurs sentir au-delà de la
vallée du Nil et en rağab 459/mai-juin 1067 la mortalité mensuelle dépassa de quatre mille
décès, la moyenne, à Alep3.
10 Les Kilabites auraient aimé reprendre le combat contre cAṭiyya. En 459/1067, ils virent
Maḥmūd se diriger sur son camp familial, al-Mucāšira, puis sur Hama, enfin sur Homs, ils
crurent qu’il allait couper à travers la steppe. Maḥmūd b. Naṣr, accompagné d’Ibn Ḫān et
de la fraction cAwf b. Abī Bakr des Banū Kilāb, affirma son autorité en Syrie centrale mais
ne traversa pas la steppe pour aller attaquer son oncle cAṭiyya à Raḥba. D’après Ibn al c
Adīm, la versalité de ses contribules lui faisait peur et il ne voulut pas porter atteinte à la
gloire de sa famille, mağd āl Mirdās, en engageant une nouvelle guerre civile.
11 La présence, toujours plus importante, des Turcomans en Syrie du Nord, se faisait
pesante. Un seigneur kilabite, Ḥusayn b. Kāmil b. al-Dawḥ, eut la totalité de ses villages,
ğamīc ḍiyā c i-hi, pillée. Quand Hunāk, une ancienne forteresse située près de Macarrat al-
Nucmān fut attaquée, Ḥusayn b. Kāmil remit Ḥiṣn Asfūna, une autre citadelle qu’il
détenait à proximité, aux Fatimides.
12 Afšīn b. Bakğī, un des chefs d’armée d’Alp Arslān, avait tué un autre commandant turc.
Pour fuir la colère de son maître, il avait traversé l’Euphrate vers l’ouest et était passé en
territoire kilabite. Puis, en šawwāl 459/août-septembre 1067, il avait marché avec un
millier d’hommes, loin à l’intérieur des terres byzantines. Il avait atteint Duluk, à cent
kilomètres au nord d’Alep. Les paysans étaient dispersés dans les champs et dans les
pâturages éloignés. Afšīn avait pillé les campagnes et les villages jusqu’aux environs
d’Antioche. Au retour, les Turcomans poussaient devant eux quarante mille buffles, des
vaches, des moutons, des chèvres, des ânes ainsi que nombre de jeunes filles et de jeunes
garçons. Quand ils vendirent leur butin en territoire musulman, les cours s’effondrèrent
et ils n’obtinrent que de un à trois dinars pour un buffle, deux dinars pour une jeune-fille.
Un garçon s’échangeait contre un fer à cheval (bitaṭbīkā nic āl al-ḫayl). Les dommages créés
par de telles expéditions étaient durables. La population qui avait pu échapper aux
Turcomans s’était réfugiée dans les places fortifiées, dans les montagnes sauvages, dans
les grottes, laissant les villages à l’abandon, le blé sur l’aire à battre, à la merci des
passants.
13 Afšīn, après avoir vendu son butin, récidiva en 480. Il assiégea Antioche, réduisant la
population à la famine. On vendit les deux qafīz -de blé pour un dinar. Afšīn était sur le
point de s’emparer de la ville quand il fut rappelé en Iraq. Il partit rejoindre Alp Arslān en
ğumādā II 460/avril-mai 1068. Son second raid avait été plus fructueux que le premier.
Ibn al-cAdīm rapporte que les contrôleurs du marché d’Alep (aṣḥāb macūnat al-sūq bi-
Ḥalab), enregistrèrent sur leurs rôles (fī dafātiri-him), soixante dix mille esclaves, hommes
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et femmes, sans compter ceux qui furent rendus hors du marché officiel et ceux qui
furent rendus contre rançon en pays grec. Pour lever le siège d’Antioche, Afšīn s’était fait
remettre par le gouverneur de la ville cent mille dinars, des étoffes de brocart et des
instruments divers.
14 Le 27 šacbān/19 juillet de la même année, Ibn Ḫān prenait d’assaut Artaḥ, après un siège
de cinq mois pendant lequel les Byzantins avaient envoyé une armée pour tenter
d’imposer une négociation. De nombreux chrétiens des environs s’étaient réfugiés dans la
place. Trois mille hommes furent massacrés après la chute de la ville. Tout l’espace
compris entre l’Oronte et l’Euphrate était ouvert aux musulmans. En ramadan 460/juillet-
août 1068, on estimait les pertes grecques, tués ou prisonniers, dans cette région
frontière, pour les deux dernières années, à trois cent mille.
***
15 Sibṭ b. al-Ǧawzī place en 459 un épisode qu’Ibn Taġrī Birdī mentionne dans les mêmes
termes que lui et qui n’apparaît pas chez Ibn al cAdīm. Al-Mustanṣir aurait écrit à
Maḥmūd b. Naṣr, désigné ici comme Ibn al-Rawqaliyya, du nom de sa mère. Al-Mustanṣir
aurait demandé au maître d’Alep de lui verser le tribut, d’organiser des expéditions
contre les Byzantins et de chasser de ses États le Turc Ibn Ḫān et ses Ġuzz. En effet, l’Imām
fatimide était alors affronté à une situation financière très grave et il désirait obtenir
d’Alep plus qu’une mention à la prière du vendredi. Quant aux relations avec
Constantinople, elles s’étaient détériorées depuis que les Grecs avaient compris que la
menace la plus grave dirigée contre leur empire était celle des Seldjoucides de Bagdad.
Sibṭ b. al-Ǧawzī cite une lettre très mielleuse adressée en 457 par le Basileus au vizir en
Iraq et à Alp Arslān4.
16 La réponse de Maḥmūd b. Naṣr au Caire fut aimable mais négative en tous points. Il avait
dû emprunter de l’argent pour reprendre Alep à son oncle cAṭiyya ; seuls ses débiteurs
avaient des droits sur ses rentrées monétaires. Dès qu’il aurait remboursé ses dettes, il
enverrait un tribut. Ces mêmes dettes lui enlevaient toute liberté d’action envers les
Byzantins, car il leur avait emprunté une forte somme et il avait envoyé son fils près
d’eux, comme gage de la volonté de les rembourser. Dans ces conditions, il n’était pas
question de monter des expéditions de pillage contre le territoire grec. Enfin, Ibn Ḫān
était plus puissant que lui et Maḥmūd était dans l’incapacité de lui imposer de quitter ses
terres. Si l’Imām fatimide disposait de forces militaires capables de s’imposer aux Ġuzz, le
prince d’Alep était disposé à les recevoir et même à les assister dans leur mission.
17 Cette réponse déplut au Caire. On écrivit à Badr al-Ǧamālī, le gouverneur fatimide de
Damas, commandant en chef de l’armée de Syrie, que Maḥmūd s’était engagé dans la voie
de la désobéissance et qu’il était en train de trahir le camp fatimide pour rejoindre le
camp iraqien. Badr al-Ǧamālī était prié d’agir en conséquence. Le gouverneur de Damas
écrivit à cAṭiyya, qui se trouvait à Raḥba, et l’incita à lancer une expédition contre son
neveu Maḥmūd afin de lui reprendre Alep. Lorsque ses troupes approcheraient de cette
ville, Badr viendrait l’aider avec l’armée fatimide. cAṭiyya recruta des Banū Kilāb et
marcha sur Hama. Maḥmūd l’ayant appris, rassembla ses troupes et demanda aux Ġuzz
d’intimider les Banū Kilāb afin qu’ils ne rejoignent pas son oncle. La guerre semblait
inéluctable quand intervint le cadi-prince de Tripoli, Ibn cAmmār. Il parvint à réconcilier
les princes kilabites et à leur faire prêter des serments les engageant l’un par rapport à
l’autre et engageant chacun d’eux envers l’Imām al-Mustanṣir qu’il représentait. Le
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partage entre cAṭiyya, maître de Raḥba, Bālis et Raqqa ainsi que de la vallée de l’Euphrate,
et Maḥmūd, maître d’Alep, était à nouveau confirmé.
c
18 Aṭiyya se rendit alors à Damas pour se mettre au service de Badr al-Ǧamālī. Le prince
uqaylide de Mawṣil, Muslim b. Qurayš, en profita pour mettre la main sur Raḥba 5. Les
mauvaises relations qui avaient existé entre les habitants et le Kilabite lui facilitèrent la
conquête de la ville. Muslim fit prononcer l’invocation en faveur du calife abbasside
comme prince des Croyants et de lui-même comme prince temporel. L’invocation en
faveur de l’Imām fatimide fut abandonnée à cette date.
19 Ce récit, dont la source originelle était proche de la chancellerie iraqienne, s’intègre mal
avec l’enchaînement des événements chez Ibn al-cAdīm. Certes, l’expédition de
Maḥmūdb. Naṣr à Hama alors que cAṭiyya se trouvait à Homs, en 459, s’explique mieux. c
Aṭiyya était en route pour aller attaquer Maḥmūd sur ordre de Badr al-Ǧamālī, quand
Maḥmūd vint à sa rencontre. Les Banū Kilāb espéraient une bataille, mais une conciliation
de dernière minute intervint. Ce qui se comprend moins, c’est que Maḥmūd b. Naṣr, alors
qu’un armistice existait entre les Byzantins et lui et que son fils se trouvait entre les
mains des Grecs, ait toléré les expéditions turcomanes dans la région d’Antioche et la
vente sur le marché d’Alep de captifs chrétiens.
***
20 Ibn al-cAdīm mentionne en 461 une forte réaction byzantine aux raids turcomans des
années précédentes. Un an plus tôt, en 1068, un nouveau Basileus, Romain Diogène, avait
obtenu le pouvoir suprême en épousant l’impératrice veuve. En 461/1068-1069, il attaqua
Manbiǧ, Hiérapolis pour les Grecs, à une soixantaine de kilomètres au nord-est d’Alep. La
population s’était retranchée dans la forteresse, qui fut prise. Le butin fut important et les
captifs nombreux. Mais quand il voulut, ensuite, s’emparer de cAzāz, Romain Diogène
essuya un échec : ses troupes, affaiblies par la disette, furent frappées par une épidémie.
Une épizootie tua trois mille de ses chevaux en une seule journée. Il rentra donc en
territoire byzantin après avoir installé une garnison grecque à Manbiǧ. Ibn al-Aṯīr place
l’épisode en 462/1069-1070 et mentionne la présence parmi les combattants musulmans
aux côtés de Maḥmūd b. Naṣr, d’un fils de Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ al-Ṭayy.
21 La même année, le samedi 1er šacbān, Ibn al-cAdīm signale une attaque du Duc d’Antioche,
al-Naḥt ( ?), sur Ḥiṣn Asfūna. Or, le 1er šacbān est un mardi en 461 et un samedi en 462/15
mai 1070, les deux nouvelles sont donc, sans doute, à placer en 462, selon la chronologie
d’Ibn al-Aṯīr. Ḥiṣn Asfūna, près de Macarrat al-Nucmān, avait été livré aux Fatimides en
459. L’année suivante, le gouverneur fatimide Ibn al-Mar’a l’avait cédé à Maḥmūd b. Naṣr
qui l’avait confié à son allié, l’émir Sadīd al-Mulk Abū’l-Ḥasan cAlī b. Munqiḏ. Le Duc
d’Antioche put se rendre maître de la place par suite d’une trahison (camla), montée par
les Banū Rabīc de Ǧawzan ( ?). Une garnison de quatre vingts hommes commandée par un
Turc, Nādir, fut exterminée. Le lundi, Maḥmūd b. Naṣr, qui se trouvait devant Alep, apprit
la nouvelle. Sans rentrer dans sa capitale, il réunit une importante armée de Turcs et
d’Arabes et marcha sur la place que venait d’occuper l’armée byzantine. Après un siège de
sept jours il s’en empara et tua les deux mille sept cents soldats qui composaient la
garnison.
22 Un armistice fut conclu à la suite de ces opérations. Maḥmūd obtenait des Byzantins un
prêt de quatorze mille dinars et plaçait son fils Naṣr en otage chez les Grecs jusqu’au
remboursement. Le Ḥiṣn Asfūna serait rasé. Son cousin, Ṯābit b. Mucizz al-Dawla Ṯimāl,
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assisté de Šibl b. Ǧamīc, rassembla les hommes de Macarrat al-Nucmān, de Kafr Ṭāb et de
leurs environs, et ils détruisirent la forteresse.
23 L’armistice aurait été conclu en 462, d’après la place qu’il occupe dans la chronologie
d’Ibn al cAdīm. Or, la réponse à la lettre d’al-Mustanṣir ne pourrait qu’être postérieure à
cette date, Sibṭ b. al-Ǧawzī la situe en 459. Enfin, Ibn al-cAdīm ne mentionne pas la perte
de Raḥba par les Kilabites mais Ibn al-Aṯīr en fait un récit, plus détaillé que celui de Sibṭ
ibn al-Ǧawzī, qu’il introduit dans l’année 460. Il est difficile de réduire ces contradictions 6.
***
459, un Alépin servit d’intermédiaire dans une négociation qui aurait dû entraîner la
chute définitive de l’Imāmat fatimide. Nāṣir al-Dawla b. Ḥamdān, l’ancien paralysé d’al-
Funaydiq, devenu l’homme fort de la révolte de l’armée d’Égypte contre al-Mustanṣir, fit
partir le Faqīh Abū Ǧacfar Muḥammad b. Aḥmad al-Buḫārī, cadi d’Alep, auprès d’Alp
Arslān. Nāṣir al-Dawla réclamait au Sultān seldjoucide l’envoi d’une armée susceptible de
rétablir par la force l’orthodoxie sunnite et l’invocation en faveur du Calife abbasside en
Égypte. Le Sultān se trouvait au Khurasan et il prépara une armée qui marcherait vers
l’ouest11.
qu’il n’osait pas s’emparer de cette place-frontière à la pointe du sabre, de crainte d’offrir
un exemple aux Grecs.
41 Il n’y eut qu’une journée de combat rapproché. Une sape avait été pratiquée au pied d’une
tour de l’enceinte, Burğ al-Ġanam. Les assiégeants s’y ruèrent à l’assaut ; certains purent
passer et les Alépins les firent prisonniers, les autres furent ensevelis par un éboulement.
Alp Arslān revint au bombardement. Un jour, alors qu’il se trouvait sur le Mīdān de Bāb
Qinnasrīn, il vit que le couronnement du Burğ al-Ġanam était barré d’un grand bandeau
d’étoffe noire. On lui expliqua que les Alépins avaient découvert que leur tour souffrait
d’une migraine tenace depuis que sa tête avait été atteinte par un projectile de
mangonneau. Pour la soulager ils avaient jugé bon de lui poser ce bandage. Furieux, Alp
Arslān, fit distribuer quatre vingt mille flèches de bois dur (nuššāb ḫalnağ), qui furent
tirées sur la ville en sus de la ration quotidienne. Les assiégés ripostèrent et au petit
matin, le sultan eut son cheval tué sous lui, atteint à la tête par un projectile de
mangonneau.
42 Ibn al-cAdīm, dans le récit très détaillé qu’il donne de ce siège, laisse percer sa fierté
d’Alépin, habitant d’une ville qui ne perdit ni son courage ni son humour face à la plus
puissante armée jamais levée par des musulmans. Il oppose l’attitude prudente et
réservée de Maḥmūd b. Naṣr à la rigueur et au goût de la discipline affichés par Alp
Arslān.
43 Désespérant de venir à bout de la résistance de Maḥmūd et pressé de lever le camp pour
aller en Arménie affronter l’armée byzantine, Alp Arslān convoqua les chefs kilabites. Il
les consulta publiquement afin de savoir auquel d’entre eux il pourrait confier la
principauté d’Alep après son départ. La réaction de Maḥmūd fut immédiate : dans les
jours qui suivirent il fit savoir au sultan qu’il était disposé à fouler son tapis. Le Prince ne
craignait pas les Turcs, mais il redoutait les dispositions à la trahison de ses contribules. A
l’instar d’un autre Turc, Anūš Takīn, le sultan Alp Arslān avait fait preuve d’une grande
finesse dans le maniement des antagonismes à l’intérieur des tribus. Cette double capacité
des Turcs, militaire et politique, à faire face à toute situation nouvelle allait être le secret
d’une longue réussite.
44 Maḥmūd sortit d’Alep, accompagné de sa mère cAlawiyya, celle qui s’était rendue auprès
d’al-Mustanṣir en 442/1051, et ils allèrent fouler le tapis du sultan. D’après Ibn al-Aṯīr, la
mère dit : voici mon fils, fais de lui ce que tu veux ! Ibn al-cAdīm rapporte la scène
autrement. Le sultan, comme l’avait fait al-Mustanṣir, demanda à cAlawiyya si c’était bien
elle que l’on appelait al-Sayyida, la Maîtresse ou la Dame. cAlawiyya répondit, une fois
encore, la Maîtresse de mon peuple, mais elle n’ajouta pas comme elle l’avait fait au Caire
« et la Servante du Prince des Croyants ». Princesse chiite, fille et sœur d’un émir
numayrite, épouse de deux princes kilabites, mère d’un autre prince, elle répugnait à
affirmer son humilité envers un calife abbasside, et cela en présence d’un Turc.
***
45 Une fois parvenue à ses fins et l’hommage prêté, Alp Arslān se montre plein de
bienveillance envers Maḥmūd. Il le reçut à plusieurs reprises, lui offrit des vêtements
d’honneur et lui confirma par écrit la possession d’Alep. Il lui confia le soin de chasser les
Fatimides de Syrie centrale et méridionale et, à plus long terme, d’Égypte. L’Imāmat du
Caire paraissait incapable de toute résistance.
131
46 Alp Arslān quitta alors la Syrie et gagna l’Arménie. Son armée qui n’avait pas pu prendre
Alep à une poignée de Bédouins infligea aux Byzantins la plus humiliante des défaites à
Mantzikert en ḏū l-qacda 463/août 1071. Les nombreux récits de la bataille ont été
publiés, traduits et commentés depuis longtemps et sortent du cadre de cette étude.
Pourtant, un passage d’Ibn al-Aṯīr apporte un éclairage sur la tactique turque qui ne se
modifiait pas, que le combat se déroulât en Arménie ou en Syrie14. Cet historien décrit le
sultan faisant la prière du vendredi sur le front des troupes, pleurant avec ses soldats,
invoquant Dieu avec eux, demandant aux hommes ne désirant pas combattre de sortir des
rangs, déclarant enfin que de cet instant (jusqu’à l’issue de la bataille) il ne serait plus le
sultan, celui qui ordonne et celui qui interdit. « Puis, il lança au loin son arc et ses flèches
et se saisit de son sabre et de son fléau d’armes (dabbūs). Il noua à sa main la queue de son
cheval. L’armée fit comme lui. Puis, il enfila un vêtement blanc et versa sur lui un parfum
d’embaumeur : Ainsi, si je suis tué, je serai déjà enseveli ! »,
47 Le cavalier turc qui avait commencé à combattre de loin comme archer monté, prenait en
main de nouvelles armes pour le combat rapproché. Le fléau d’armes lui servait à
décortiquer la cuirasse de ses ennemis. Il les taillait ensuite de son sabre. La queue du
cheval nouée à la main devait soit permettre de remonter en voltige si l’on avait été
démonté, soit plus probablement de s’assurer qu’en cas de blessure ou de mort, le corps
serait ramené dans les rangs amis.
48 Faire d’un seul combattant, un archer et un escrimeur, permettait de disposer d’armées
plus réduites, plus mobiles et plus économiques et de maintenir une meilleure efficacité
et une meilleure coordination pendant le combat. On comprend aisément comment des
formations réduites de professionnels, rompus à l’usage de toutes les armes, pouvaient
venir à bout d’armées nombreuses, aux corps différenciés, mais dépourvus d’unité
d’action. Moins coûteuses et plus actives, ces formations allaient éliminer les armées
traditionnelles, surtout en un siècle où la crise de numéraire se faisait pressante.
49 Ibn al-cAdīm signale que le Basileus Romain Diogène, interrogé par Alp Arslān après sa
défaite, sur le but de son expédition hors des territoires byzantins, aurait répondu qu’il
voulait simplement s’attaquer à Alep car Maḥmūd était la cause de toutes les difficultés
qu’il rencontrait dans ce secteur.
50 Maḥmūd n’avait pas accompagné Alp Arslān en Arménie. En šacbān 463/mai 1071, il avait
gagné Baalabakk, accompagné d’un mercenaire turc, Aytakīn al-Sulaymānī, et des Banū
Kilāb. Ils désiraient attaquer Damas où se trouvait le gouverneur kutamite Ibn Manzū.
Mais, l’oncle de Maḥmūd, cAṭiyya, ayant trouvé refuge chez le Duc d’Antioche, saisit
l’occasion de l’absence de son neveu pour aller piller et brûler Macarrat Miṣrīn, au sud-
ouest d’Alep sur la route qui va à l’Oronte. Maḥmūd, dès qu’il l’apprit, rentra à Alep
pendant qu’al-Sulaymānī rejoignait Alp Arslān. Comme les Byzantins continuaient à
manifester des dispositions hostiles à son égard, il fit appel à des chefs turcomans qui
étaient en train de conquérir la Palestine pour leur propre compte. Qurlū al-Turkī, ainsi
qu’un neveu d’Ibn Ḫān et que Atsiz b. Awq et ses frères vinrent lui apporter leur aide 15.
51 Pendant ce temps, cAṭiyya était parti pour Constantinople où il mourut un soir de
beuverie, étant tombé d’un toit où il s’était endormi. On ramena son corps à Alep où il fut
enterré. Son neveu Maḥmūd alla s’emparer de Raḥba, en 464/1072, puis il renvoya les
mercenaires turcs, comblés de dons.
52 Jusqu’en 464/1072, Maḥmūd b. Naṣr avait manifesté un caractère semblable à celui de ses
prédécesseurs : goût pour les faits d’armes brillants, camaraderie de combat et de
132
beuverie, respect envers les poètes, les orateurs, générosité sans limite. Son
comportement se modifia totalement d’après Ibn al-cAdīm à partir de 464/1072. Il devint
méfiant et méchant envers ses proches. Il fit disparaître par une mort violente ceux dont
la réussite à son service pouvait lui porter ombrage. Il fit preuve d’une avarice sordide.
Alors qu’il avait dû recourir à des emprunts pour équiper une armée et prendre le
pouvoir à Alep, il laissa à sa mort un trésor considérable à la citadelle d’Alep. On évalua le
numéraire, or monnayé ou non, et les instruments, les ustensiles, la vaisselle et les
vêtements que son fils Naṣr découvrit quand il lui succéda à l’équivalent d’un million et
demi de dinars16.
53 Dans cette dernière partie de son règne, Maḥmūd b. Naṣr ne fut plus en rapport avec les
armées fatimides et de ce fait il sort du champ d’analyse de cette étude. Pourtant, il faut
signaler la fuite de l’émir Sadīd al-Mulk cAlī b. Muqallid b. Naṣr b. Munqiḏ al-Kinānī, le
frère de lait et le compagnon d’armes de Maḥmūd b. Naṣr17. Il avait servi comme
gouverneur de forteresse. En 465/1072-1073, ayant été informé que Maḥmūd voulait se
débarrasser de lui, il gagna Macarrat al-Nucmān, puis Kafr Ṯāb, villes où il jouissait de
l’appui de ses contribules kinanites. Puis il partit pour Tripoli, pensant s’embarquer de là
pour l’Égypte. Or, en rağab 464/avril 1072, le fondateur de la dynastie des cadis de Tripoli,
Abū Ṭālib Abd Allāh b. Muḥammad b. Ammār al-Qāḍī al-Ağall Amīn al-Dawla était mort et
une lutte pour la succession s’était ouverte entre les membres de sa famille18. Sadīd
service d’un des prétendants, Abū’l-Ḥasan cAlī qui prit le pouvoir et porta le laqab de Ǧalāl
al-Mulk. Ce nouveau maître de Tripoli reçut une lettre de Maḥmūd b. Naṣr, lui promettant
de lui verser trois mille dirhams d’argent s’il lui livrait Sadīd al-Mulk, prix ridicule pour
un chef de guerre comme Ibn Munqiḏ. Ǧalāl al-Mulk conserva celui-ci à ses côtés, lui
confiant une partie du pouvoir. Ils essayèrent en vain de se réconcilier avec Maḥmūd b.
Naṣr. Les Banū cAmmār et la population de Tripoli étaient chiites et l’invocation s’y faisait
en faveur d’al-Mustanṣir, mais la cité jouissait d’une autonomie complète dans son mode
de gouvernement.
en ṣafar 468/septembre-octobre 1065. Aḥmad Šāh repoussa ensuite Ǧawālī, un autre chef
turc qui ravageait le sud de la principauté d’Alep. Ǧawālī dut se réfugier auprès de son
frère, Atsiz b. Awq ou Uvaq, qui avait chassé les Fatimides de Damas et qui se taillait une
principauté en Syrie méridionale. Quand Aḥmad Šāh revint à Alep, Naṣr b. Maḥmūd,
inquiet de son succès, le fit incarcérer. Puis, le Kilabite se mit à boire pour célébrer cette
victoire facile et, emporté par l’ivresse, il se lança à la charge des contingents turcs
bivouaquant aux portes de la ville. Il fut tué par une flèche en šawwāl 468/mai 1076.
56 Sadīd al-Mulk se trouvait dans la citadelle auprès du gouverneur. Il obtint que l’on
proclamât immédiatement Sābiq b. Maḥmūd, le frère de Naṣr, prince d’Alep. On le
rechercha et on le trouva, ivre lui-aussi20.
prendre possession du tribut qui lui était dû. Le prince uqaylide s’était alors trouvé dans
l’obligation de doubler le montant du ḫarāğ qu’il percevait sur ses sujets et de reprendre
des iqṭāc qu’il avait concédés aux princes kilabites lors de sa prise de pouvoir. Un des
dysfonctionnements du système financier des États musulmans médiévaux était apparu
clairement. Le sultān exigeait le tribut qu’une province devait au pouvoir central mais
laissait le soin au seigneur de celle-ci d’y assurer l’ordre et de la défendre contre des
entreprises guerrières venues de l’extérieur. Tant que la principauté était de taille réduite
et que son maître pouvait compter sur une parentèle rémunérée en iqṭāc pour constituer
le gros de son armée, un tel système pouvait survivre. Mais dans le cas de Muslim, les
ravages exercés par les Turcs, la multiplicité des foyers de révolte, l’affaiblissement des
ressources de l’État par suite du trop grand nombre d’iqṭāc concédés aux seigneurs
kilabites, l’abandon par les marchands des anciennes routes de commerce pour cause
d’insécurité, tout un ensemble de facteurs se conjuguaient pour lui retirer tous les
moyens de faire respecter son autorité. Démuni, il était plus exigeant dans ses
perceptions et créait ainsi de nouveaux foyers de rébellion.
60 En 476, Muslim b. Qurayš tenta de réunir une coalition d’Arabes de Syrie occidentale et de
Syrie méridionale, tant qaysites que yamanites, fractions des Banū Kilāb, des Banū
Numayr, des Banū cUqayl ainsi que des Banū Ṭayy, Banū Kalb et Banū cUlaym contre la
coalition des Arabes et nomades de Ǧazīra, fractions de Banū Numayr, Banū cUqayl, Banū
Šaybān, ainsi que des Kurdes et des Mawālida23. En même temps, il voulut se rapprocher
des Fatimides, se proposant de reprendre Damas pour leur compte. Mais sa tentative
échoua. Badr al-Ǧamālī, le vizir tout puissant du Caire avait trop souffert de l’inconstance
des Arabes de Syrie pour se lancer dans une telle aventure. En šacbān 477/décembre 1084,
Sulaymān b. Qutlumiš, un cousin des sultāns seldjoucides, qui s’était fait reconnaître une
principauté en Anatolie par les Byzantins, s’empara par surprise d’Antioche. Les
musulmans fêtèrent le retour, après cent dix-neuf années lunaires, de la ville dans le Dār
al-Islām. Cent dix muezzins appelèrent à la prière les fidèles en même temps dans
Antioche et la Syrie fêta particulièrement cette victoire : l’Empire byzantin n’était plus un
foyer d’où partait l’ennemi grec pour ravager les campagnes et les villes arabes mais
apparaissait désormais comme un fructueux champ de razzias.
61 Antioche et Alep étaient trop proches pour que, réunies dans la même religion, elles
puissent relever de deux princes indépendants. Muslim b. Qurayš voulut faire payer à
Sulaymān b. Qutlumiš le tribut jusque là versé par le gouverneur byzantin d’Antioche.
Sulaymān refusa et. disposant de numéraires en abondance, il en profita pour débaucher
les chefs kilabites qui combattaient pour Muslim. Dans le combat qui s’ensuivit, Muslim
fut tué en ṣafar 478/mai 1085. Son armée avait fui, il avait continué à résister : quand il
fut atteint d’un coup de lance, il tomba en s’écriant, d’après Ibn al-cAdīm : « Ô Syrie de
sinistre destin ! » « Ya Šām, al-šu’m ! ». Après sa disparition et jusqu’au XXe siècle, aucun
chef arabe n’allait administrer la Syrie ou même une part importante de celle-ci pendant
une longue période24.
***
62 Le récit qu’Ibn al-cAdīm a consacré aux derniers Kilabites et à Muslim b. Qurayš al cUqaylī
présente un caractère particulier ; une émotion de l’auteur s’y remarque. Des fragments
de poèmes sont cités après chaque changement de prince ou chaque bataille importante,
rythmant le texte comme un chœur antique ou une voix populaire qui aurait donné son
135
sentiment sur les événements. Chaque nouveau prince apportait avec lui l’espoir. Il
montrait son désir de bien faire, puis la cupidité et la cruauté dominait son action. Le
corps social urbain, les tribus semblaient atteints d’un mal pernicieux qui faisait échouer
toute tentative de réforme et de fondation politique stable. Le seul chauvinisme alépin ne
suffit pas à expliquer l’accent personnel de ce passage. Aḥmad b. Yaḥyā b. Zuhayr... b. Abī
Ǧarāda, Abū’l-Ḥasan, né en 380, fut cadi d’Alep à partir de 431 jusqu’à sa mort en 445. Ce
descendant d’un proche compagnon de cAlī ibn Abī Ṭālib était « le grand-père du grand-
père du père » d’Ibn al cAdīm comme celui-ci ne manque pas de le rappeler. Abū
Muḥammad Kisra b. cAbd al-Karīm avait été associé à lui dès 442 et il mourut sous le
règne de Muslim b. Qurayš al cUqaylī. Puis le fils du cadi Abū’l-Ḥasan Aḥmad b. Abī Ǧarāda
succéda à Kisra. Il s’agissait donc, cette fois-ci, du « grand-père du grand-père » d’Ibn al- c
Adīm, Abū’l-Faḍl Hibat Allāh b. Aḥmad. Mais, comme Abū’l-Ḥasan Aḥmad avait épousé la
fille de Kisra, son successeur, Hibat Allāh se trouvait être le petit-fils par sa mère du cadi
qu’il remplaçait. Enfin la famille des Banū Abī Ǧarāda était d’ascendance uqaylide. De ce
fait, Muslim b. Qurayš s’adressait au cadi Hibat Allāh en l’appelant « mon cousin, Ibn al- c
amm ». Les trois cadis qui se succédèrent à Alep pendant le dernier demi-siècle de
domination arabe furent donc des ancêtres directs d’Ibn al-cAdīm et sa famille fut
particulièrement liée au dernier prince arabe, un uqaylide. Son grand ancêtre, Abū
Ǧarāda, éponyme de la famille, fut un proche du calife cAlī Ibn Abī Ṭālib. Dans ces
conditions, les sentiments d’Ibn al-cAdīm favorables au chiisme et aux tribus qaysites de
Syrie du Nord, s’expliquent mieux.
63 Peut-on, en relisant les pages qu’il consacre à cette période, mieux comprendre les causes
de l’échec de la domination fatimide, puis de la tentative d’autonomie arabe en Syrie du
Nord, tout en laissant de côté le détail de la trame événementielle et le jeu propre des
Byzantins et des Turcs, sujets déjà traités par d’autres ?
***
69 Tāğ al-Dawla Tutuš se rendit ensuite maître de Damas. Mais il laissa un de ses
subordonnés, Afšīn, repartir pour la Syrie du Nord avec une fraction de l’armée. Afšīn
arriva à Rafaniyya en ğumādā 1471/novembre 1078. Un grand nombre de commerçants et
de caravanes s’y trouvaient rassemblés, se dirigeant sur le port de Tripoli. Le Turc fit tuer
tous les hommes et accorda à ses soldats la licence de forcer les femmes et de piller les
biens. Le sac continua pendant dix jours26.
70 Trois opérations dont des commerçants firent les frais dans la seule année 471 durent
porter un coup au trafic. Il est probable que nombre de faits semblables survinrent dans
cette période trouble, mais les chroniqueurs ne jugèrent pas utile de les consigner tous.
71 Or, la Syrie du Nord était au même moment soumise à une destruction systématique,
aussi bien de la part des Turcomans que de la part de certaines tribus arabes. Déjà en ḏū l-
ḥiğğa 468/juillet 1076, soixante-dix mille Banū Kilāb s’étaient rassemblés près d’Alep. Ils
furent attaqués et défaits par le Turc Aḥmad Šāh, conduisant un millier de cavaliers. Le
butin pris aux Banū Kilāb fut considérable, cent mille chameaux, quatre cent mille
moutons. Tout le contenu des tentes, plantées entre Alep et Qinnasrīn fut pillé. Un grand
nombre de femmes libres et un plus grand nombre de servantes furent emmenées en
esclavage. Par contre, aucun mal ne fut fait aux dix mille esclaves des Banū Kilāb qui
avaient participé à la bataille au côté de leurs maîtres, sans doute parce qu’aucune
résistance réelle n’avait été rencontrée par les Turcomans lors de leur charge victorieuse.
Sur ordre de Sābiq, le prince kilabite d’Alep, les Arabes prisonniers furent relâchés, mais
un tel transfert de biens devait avoir des conséquences sur l’économie de la région.
72 En 471, ce furent les Turcs conduits par Afšīn qui ravagèrent méthodiquement les terroirs
et les agglomérations comprises entre la vallée de l’Oronte et Alep. Partant de Damas, ils
avaient commencé par piller des villages du côté de Baalabakk, puis ils firent halte à la
forteresse du Pont, Ḥiṣn al-Ǧisr, d’où Ibn Munqiḏ se préparait à conquérir Šayzar. Bien
reçus par lui, ils épargnèrent, à sa demande, Kafr Ṭāb, localité à laquelle ils s’apprêtaient
à faire subir le sort de Rafaniyya. A partir de Qasṭūn, sur un affluent de la rive droite de
l’Oronte, à la latitude de Macarrat al-Nucmān, ils commencèrent les destructions
systématiques. Cette place fut pillée pendant vingt jours. Ensuite, toutes les
agglomérations du Ǧabal Summāq, dotées soit de murs, soit de tours de défense, virent
leurs fortifications rasées. Les Turcomans transportaient avec eux les mangonneaux qui
leur permettaient de venir à bout de toute résistance. Une fois la place prise, les hommes
avaient tout droit sur les femmes et les enfants, réduits en esclavage. La population de Ma
carrat al-Nucmān et celle de Sarmīn durent payer un très lourd tribut.
73 Puis les Turcs gagnèrent, au nord du Ǧabal Summāq, le Ǧabal Banī cUlaym, mais ils ne
purent y mener à bien aucune opération. Ils s’attaquèrent alors aux villages, situés à l’est
de Macarrat al-Nucmān, auxquels ils firent subir le même traitement qu’à ceux du Ǧabal
Summāq. Nombreux furent les morts parmi les habitants de ces bourgs fortifiés. Tall
Mannas, juste à l’est de Macarra, ne put être pris et dut payer un tribut de cinq mille
dinars. Les Turcs repartirent vers le sud-ouest en direction de Kafr Ṭāb et Šayzar ; ils
assiégèrent une ville, Ma’rtarih ( ?), près de Kafr Ṭāb. Les habitants se réfugièrent dans
leurs tours fortifiées et périrent tous, quand les Turcs les incendièrent. Tāğ al-Dawla
Tutuš, ayant appris les ravages causés par ces troupes, finit par quitter Damas pour se
rendre en Syrie du Nord. Afšīn quitta alors la région et gagna le territoire byzantin
proche d’Antioche auquel il appliqua un traitement analogue. Ibn al-cAdīm précise qu’à
son départ, il ne demeurait, des environs d’Alep aux environs de Macarrat al-Nucmān, pas
un seul village qui fut encore habité27.
138
***
***
79 Ibn al cAdīm mentionne un sentiment de solidarité arabe face à l’emprise des Turcs sur la
région. La Syrie du Nord avait vu, au IVe/Xe siècle, des Orientaux, Arabes, Persans ou
Kurdes, venir dans les villes frontières pour accomplir leur devoir de ğihād contre les
Byzantins. Les premières bandes turques durent être perçues comme relevant du même
modèle. Mais il s’agissait de nomades, n’acceptant pas de résider en ville, et dont les
connaissances religieuses étaient réduites. Ce que les textes ne nous révèlent pas, c’est le
moment où les populations urbaines arabes eurent conscience que ces bandes toujours
renouvelées annonçaient un véritable transfert de population et que cette population
nouvellement installée ne s’assimilerait pas dans le creuset arabe, contrairement aux
autres populations venues de l’est. Très tôt, des Turcs s’installèrent à l’intérieur de
l’Empire byzantin, soit dans de petites principautés autonomes, soit comme soldats au
service des Grecs, mais ils demeurèrent musulmans sans vivre dans un contexte arabe. De
là, ils purent opérer en territoire syrien, ce qui constituait une nouveauté. Enfin, la
stratégie familiale différait chez eux de ce que connaissaient les Arabes. La solidarité ne
dépassait guère les familles conjugales et les cousins de souverains en place suivaient une
voie indépendante, agissant pour leur propre compte.
80 Les premières bandes étaient uniquement composées de guerriers ; plus tard des femmes
turques accompagnèrent ceux-ci. D’après Suhayl Zakkar un des motifs du coup de main
que Nāṣr b. Maḥmūd monta contre ses auxiliaires turcs d’al-Ḥāḍir et dans lequel il trouva
la mort fut son désir de s’emparer de quelques-unes de ces femmes turques dont la beauté
était célèbre. Cela expliquerait pourquoi, deux ans plus tard, les Turcs d’al-Ḥāḍir allèrent
mettre en sûreté leurs biens et leurs femmes au château d’al-Ǧisr chez Ibn Munqiḏ dans la
crainte d’action inconsidérées des Alépins. Or, le climat étant différent, elles périrent
toutes dans cette place située sur l’Oronte, peut-être sous le coup d’une affection
paludique29.
81 La présence de femmes et d’enfants turcs au côté des guerriers est un témoignage d’un
sentiment de spécificité ethnique ressenti par ceux-ci et qui devait être également
perceptible pour les populations arabes.
82 Muslim b. Qurayš se considérait comme le représentant en Syrie du Nord du sultān
seldjoucide, mais il tenta de rassembler une coalition de tribus arabes pour bouter hors de
la province les irréguliers turcomans, et même des troupes commandées par les
lieutenants turcs de ce même sultān. Pour cela, il fit appel aux sentiments arabes des
Bédouins et voulut oublier l’opposition entre Qays et Yaman. Le fait qu’il introduisit des
Kurdes dans son alliance donne à celle-ci l’allure d’un rassemble ment des groupes
ethniques en place contre les nouveaux venus. Autre contradiction, il reconnaissait la
légitimité du califat abbasside de Bagdad qui, comme le sultānat seldjoucide, symbolisait
le sunnisme orthodoxe, alors qu’il était lui-même chiite et que les musulmans peuplant
ses deux capitales, Mawṣil et Alep, étaient en majorité chiites.
83 Sadīd al-Dawla ibn Munqiḏ avait facilité la prise du pouvoir de Muslim b. Qurayš à Alep
afin d’empêcher une mainmise des Turcs sur la principauté. Or, plus tard, il se retrouva
au côté de ceux-ci dans une coalition hétéroclite dirigée contre Muslim. Plutôt que de
solidarité tribale, ethnique ou même religieuse, il s’agit de conjonctions provisoires
d’intérêts entre ceux qui sont exclus des profits d’un certain ordre ; de telles alliances
précaires sont destinées à créer un désordre susceptible, à son tour, d’engendrer un ordre
140
nouveau qui sera plus favorable à chacun des éléments de l’alliance, d’où la succession
permanente de crises et de conciliations.
84 La concomitance de l’affaiblissement des trois grands États de Mésopotamie, d’Asie
Mineure et d’Égypte, de l’arrivée des Turcomans venus d’Asie Centrale, d’un regain
d’activité chez les tribus arabes semi-nomades par suite d’une hausse des prix
alimentaires et d’une série de disettes suffit à expliquer l’aggravation de ces crises et leur
retour plus fréquent.
***
85 Les espaces soumis à la principauté d’Alep avaient varié avec le temps depuis sa création
par Sayf al-Dawla en 333/944. L’accès à la Méditerranée lui avait été en général refusé. Les
tentatives de s’étendre au sud de Homs, dans l’oasis de Damas ou dans la Békaa, autour de
Baalabakk, n’avaient jamais connu de succès durable.
86 Dans les autres directions, les frontières étaient moins évidentes. Au nord, elles variaient
selon le rapport de force entre Byzance et le monde musulmans, mais Antioche était trop
importante et trop proche d’Alep pour ne pas inquiéter celle-ci quand un musulman y
régnait. Vers l’est, dominer Manbiǧ et Bālis suffisait à assurer le libre accès à l’Euphrate ;
pourtant à plusieurs reprises la mouvance d’Alep s’était étendue sur Raqqa et Raḥba.
Occuper, en même temps, cette dernière ville et Homs, c’était s’assurer la maîtrise de la
grande voie médiane de Syrie.
87 Ordinairement, le Diyār Rabīca et le Diyār Bakr, contrairement au Diyār Mudar, relevaient
de princes indépendants du maître d’Alep. Le paysage était différent, l’entretien de
forteresses de montagnes, le contrôle des ponts et des cols stratégiques importaient
davantage que le maintien en alerte d’une cavalerie nombreuse capable de poursuivre les
Bédouins.
88 En effet, les montagnes basses, les plateaux, les vallées larges et riches, la steppe, verte
l’hiver, fauve l’été, formaient le domaine naturel d’Alep. De cette steppe avaient surgi
dans un passé plus ou moins lointain les Banū Taġlib, ancêtres des Hamdanides, les Banū
Kilāb, ancêtres des Mirdassides, les Banū cUqayl, ancêtres de Muslim b. Qurayš. Pendant
les IVe/Xe et Ve/XIe siècles, elle fut de la part des souverains d’Alep l’objet d’une sollicitude
et d’une surveillance constantes. Alors que les hautes villes de Ǧazīra septentrionale ne
pouvaient être investies que par des troupes réduites et aguerries à la marche en
montagne, comme l’étaient les Kurdes et les Arméniens, aucune obstacle naturel ne
s’opposait aux chevauchées des Bédouins jusqu’aux pieds des murailles d’Alep. Chaque
année, ils campaient pendant de longs mois dans ses environs immédiats et y faisaient
paître leurs troupeaux. Ils constituaient, pour les marchands de cordages, de feutres et de
toiles, d’armes, de grains, une clientèle importante et fournissaient aux marchés la viande
de mouton, la laine et les tapis.
89 Le rôle des princes d’Alep était de maintenir sur les vastes surfaces qui dépendaient d’eux
le difficile équilibre entre les territoires de parcours dévolus aux semi-nomades et les
terroirs cultivés et plantés attribués aux sédentaires. Les montagnes qui bordaient ces
platitudes leur échappaient. Tous n’eurent pas conscience des limites de l’espace contrôlé
naturellement par leur ville, Sayf al-Dawla usa ses forces à disputer aux Byzantins des
régions frontières au relief tourmenté, et il échoua. Sacd al-Dawla, son fils, pourtant plus
fragile, put subsister parce qu’il renonça au Diyār Bakr et abandonna la lutte contre
141
Byzance. Plus tard, les deux premiers Kilabites, Ṣāliḥ b. Mirdās, puis Nāṣr b. Ṣāliḥ,
perdirent la vie au combat contre les Fatimides parce qu’ils avaient émis des prétentions
sur le centre et le sud de la Syrie. Le dernier prince indépendant et arabe d’Alep, Muslim
b. Qurayš, dispersa ses efforts entre la Ǧazīra orientale dont il était issu et la Syrie du
Nord. Il commit l’erreur de menacer Damas, hors de son domaine, et il périt pour ne pas
avoir accepté sereinement l’installation d’un pouvoir musulman auto nome à Antioche.
90 A cette époque où l’entretien de l’armée obérait lourdement des revenus publics de plus
en plus difficiles à percevoir, il était dangereux pour un prince de se tromper sur
l’étendue du territoire à défendre à tout prix. Croire que plus l’espace contrôlé serait
vaste, plus le revenu public perçu serait abondant, était une erreur. Au-delà de trois
journées de cheval de la capitale, il fallait déléguer l’autorité à un seigneur local, seul
susceptible de maintenir l’ordre et de réagir rapidement à une menace. Or, pour
entretenir ses troupes, il utilisait la plus grande part des revenus qu’il levait dans sa
région ; on ne pouvait donc lui réclamer une participation importante aux dépenses d’une
grande armée centrale.
91 Certes, les dernières batailles mentionnées pour cette période par Ibn al-cAdīm furent
remportées par des détachements réduits, mille ou quinze cents cavaliers, face à des
armées importantes. La réforme de la technique du combat et de l’armement, entamée au
siècle précédent, portait ses fruits. La dépense militaire n’en était pas pour autant
réduite. Si de petits escadrons pouvaient remporter de grands succès, les menaces contre
un pouvoir central n’en était que plus dispersées et les points stratégiques à protéger que
plus nombreux. En outre, le prince, en désignant un chef pour ses cavaliers d’élite,
désignait par la même occasion un compétiteur éventuel. Dès lors, le morcellement
territorial en seigneureries de deux journées de cheval de rayon et la multiplication des
châteaux-forts permettant au maître de la localité de résister aux assauts de cavaliers
cuirassés semblaient s’inscrire dans le destin de toutes les régions frontières au relief
tourmenté de la Syrie du Nord. Seul un fort développement des revenus tirés des activités
artisanales et commerciales d’Alep permettrait à son prince, par un effet d’échelle, de
continuer à dominer la région.
NOTES
1. Ibn al- cAdīm. I, 296-297. Qurayẓa, voir EI2, V, 438, était le nom d’une tribu juive de Yathrib,
éliminée physiquement au début de l’Islam ; pour Canard, Qurayz est apparentée à Kilāb, Rabī ca
b. Ka cb, pour Zakkar (8) 75, une des branches des Banū Kilāb dont descendrait Ṣāliḥ b. Mirdās.
Ibn Ḥawqal, 19/19, écrit qu’ils étaient installés en Haute Mésopotamie avant l’Islam et Taġlib fait
partie de Rabīc a. 228/222, Rabī c a et Muḍār en Ǧazīra, autour de Mawṣīl, de Harran, de Raḥba,
étaient des petits nomades à moutons, refoulés par Qays cAylān, Qušayr, cUqayl, etc... Il faut
différencier les Rabīc a b. Ka cb de la grande confédération Rabīc a. Canard (6), 136. Voir Ka c b b.
Rabīc a b. cĀmir b. Ṣac ṣa c dans Canard (5), index ; cAwf, voir EI2, I, 214 sous « ’Adjlūn », le Ǧabal
Ǧaraš, en Jordanie, fut occupé par une tribu de ce nom à l’époque seldjoucide et ayyoubide ;
Pellat signale dans Mascūdī. Murūğ al-Dahab, édition de Beyrouth, 1979, VII, 536. une fraction de
Ġassān. c’Awf b. cAmr ; Ibn cĀsākir, (65), 1977. donne au contraire dans la généalogie du Qaysite c
142
Āmir b. cUmāra al-Murrī, un Murra b. cAwf b. Sacd ; Maqrīzī (110). 48. mentionne des fractions de
Sulaym portant ce nom. Maqrīzī mentionne également des groupes tribaux cAwf d’autres
ascendances, disséminées dans la région de Barqa. le Sa cīd et al-Buhayra. Maqrīzī (109), II, 156,
précise qu’Ibn al-Maġribī lorsqu’il suscita pour le compte de la tribu Ṭayy. de mouvance
yamanite, l’anticalifat d’Abū l-Futūḥ. fit appel en quittant la Mekke aux tribus qaysites, Sulaym.
Ḥilāl, et cAwf b. cĀmir. Yāqūt, III, 746, cite d’ailleurs un Ǧabal cAwf dans le Nağd. Il mentionne, VI.
253. neuf groupes tribaux ayant chacun une généalogie propre, mais souvent proche, portant le
nom de cAwf. Le groupe dont il est question ici et qu’Ibn al cAdīm. I, 296. mentionne sous la forme
plurielle al- cAwfiyūn, aussi bien un nom commun pour les rôdeurs, est sans doute une sous
fraction des Banū Kilāb. cAwf b. Abī Bakr, jouant comme c’était de coutume dans la tribu sur la
forme plurielle du nom d’animal. cAwf étant pris ici au sens de lion rôdeur. Pour le site connu de
Marğ Dābiq, voir les références dans Dussaud. 474.
2. Ibn al-cAdīm, II, 9-10, Zakkar (8), 166 et suiv. Pour l’identité et la carrière précédente de Hārūn
b. al- Hān, voir Cahen, (175), I, 26 et suiv.
3. Maqrīzī (107), II, 265 et suiv. ; Ibn al-cAdīm, II, 10.
4. Sibṭ (80°°°) 74 v° à 75 v° ; Ibn Taġrī Birdī. V. 79, 459H. La lettre adressée par le Basileus. Sibṭ (80°
°°). 62 v°. 63 r°.
5. Sibṭ (80°°°) 78 v°. La lettre annonçant la prise de Raḥba accompagnée d’un étendard fatimide à
la hampe d’argent brisée arriva à Bagdad en Rabī c II 460H.
6. Ibn al- cAdīm. II, 11-16 ; Ibn al-Aṯīr. X. 57. 460H/1067-1068. place la même année un très fort
tremblement de terre en Palestine et en Égypte. Ibn al-Aṯīr. X. 60. 462h.. Sur Ibn Munqid.
l’ancêtre d’Usāma. voir infra. Grumel. Chronologie, ne signale pas de tremblement de terre entre
1065 et 1090.
7. Al-Ǧazr, Yāqūt, II, 70-71, donne ce nom comme celui d’une fille des Banū Abī Bakr b. Kilāb et
comme celui d’une des kūra proche d’Alep. Dussaud, 213, précise qu’elle renfermait Ma carrat
Maṣrīn, Sarmin et d’autres localités.
8. Les Iraqiens, à l’inverse des Syriens et des Egyptiens, accordaient le titre de chérif aux
descendants des cAbbās b. cAbd al-Muṭṭalib.
9. Ibn al- cAdīm. II, 16-18 ; Sibṭ (80°°°). 93 v° et 94 r°. 462H. La version de Sibṭ est légèrement
différente, le second vendredi, les cheikhs et les aḥdāṯ d’Alep obtinrent de Maḥmūd qu’il retirât
Ibn Ḫān et ils gardèrent, eux-mêmes, les portes de la mosquée jusqu’à l’achèvement de la ḫuṭba et
de la prière ; et ce fut alors que les gens sortirent avec les nattes. Curieusement, Ibn al- cAdīm, a
oblitéré ce détail.
10. Maqrīzī (107), II, 303-304.
11. Maqrīzī, (107), II, 302.
12. Ibn al- cAdīm, II, 19 et suiv., fait un récit détaillé du siège d’Alep, récit que nous avons suivi ;
voir également d’autres références citées en note par S. Dahhān, mais en général plus succinctes.
Ibn Marwān a déjà été présenté ; pour Ibn Mazyad, voir Asad, EI2, I, 704-705, et Ibn al-Aṯīr, index.
Muslim b. Qurayš al cUqaylī, voir Ibn al-Aṯīr, index, Ibn al-Qalānisī,, 113, Sibṭ (80°°°) 460H. ;
Zakkar (8), 172-214. Pour la généalogie des trois dynasties, Bosworth, (169), 51-56.
13. Ibn al-cAdīm, II, 20.
14. Ibn al-Aṯīr, X, 66. Cahen (175), II. La campagne de Mantzikert d’après les sources musulmanes,
paru dans Byzantion, IX, 1934, Zakkar, Muḫtārāt min kitābāt al-mu carrihīn al-carab, Damas, Beyrouth,
1970, a rassemblé les récits de Mantzikert de Sibṭ, d’al- cAẓīmi, d’Ibn al-Ǧawzī, d’al-Bundārī
d’après cImād al-Dīn al-Iṣfahanī. d’Ibn al-Qalānisī, du Zubda al-Tawarīḫ écrit par l’émir Abū 1-
Ḥasan cAlī b. al-Šahīd Abī l-Fawāris Nāṣir b. cAlī al-Ḥusaynī, d’Ibn al-cAdīm, dans la Buġya et dans
la Zubda, d’Ibn al-Aṯīr, d’Ibn Abī 1-Damm, d’al-Fāriqī, d’Ibn Muyassar, de Sāwīrus b. Muqafa c,
d’Ibn al-cAmīd, d’Ibn Kaṯīr, du Tārīḫ al-Duwal d’al-Ḏahabī, de l’Iṭṭi cāẓ de Maqrīzī, (107), et d’Ibn al-
Dawādārī. Ces récits, de longueur et d’intérêt très inégaux occupent les pages 96-150 du recueil
143
de S. Zakkar. Voir dans Sawirus II/II, 171 r° des détails inédits de technique militaire à propos du
siège d’al-Ruha-Edesse. Voir également, Aristakes, (2110), 75-78, et index sous Manazkert.
15. Cahen (175), I, 28, Qaralū. Notre récit, ici, n’est que le complément de celui de Cahen (175), I,
complément qui ne prend en compte que les sources arabes et la perception par celles-ci de
l’action turque.
16. Ibn al-cAdīm, II, 30-42. Le trésor découvert à sa mort, page 45.
17. Voir page 589, note (1), cAlī b. Muqallid était souvent nommé cAlī b. Munqiḏ, sa famille était
devenue célèbre. Sur ce personnage, voir surtout Ibn al cAdīm, I, 131, 349H., son ancêtre, cAlī b.
Munqiḏ b. Naṣr, et Ibn al cAdīm, II, index, sous Abū 1-Ḥasan cAlī b. Munqiḏ, page 439, Ibn al-
Qalānisī, index, page 383, corriger al-Kitānī en al-Kinānī.
18. D’après Zambaur et EI 2, I, 461, Banū cAmmār, le fondateur de la dynastie se nommait al-
Ḥasan b. cAmmār, d’après Maqrīzī, (107), II, 47 et 307, il se nommait cAbd Allāh b. Muḥammad b. c
Ammār ; voir également Ibn Abī Hayğa, 465H. ; Ibn al cAdīm, II, 35, ne choisit pas écrivant Ibn c
c
Ammār. S. Dahhān a rétabli, ligne 8, Ibn Ammār, parce que le nom figurait ligne 11 et que le sens
s’y prêtait. Le texte original portait Ibn cAmrūn, or en 533, le maître du Ḥiṣn al-Kahf se nomme
Ibn cAmrūn, Ibn al cAdīm, II, 271, et Cahen (références données p. 480. note 2) cite les Banū c
Amrūn parmi ceux qui instaurèrent la religion nusayrie dans les actuels Monts Alaouites. Il se
peut qu’un personnage de ce nom ait occupé à l’époque une position sur la route d’Alep à Tripoli
qui lui aurait permis d’arrêter Ibn Munqiḏ sur ordre du Mirdasside d’Alep. Sur une rebellion des
aḥdāṭ de Tripoli survenue vers 458H. et réprimée avec l’accord d’Ibn cAmmār, voir infra page 632.
19. Sibṭ, cité dans Ibn al-Qalānisī, note 1, page 113.
20. Ibn al-cAdīm, II. 45-49
21. Cahen (175) I. 38-48. Zakkar (8). 172-214.
22. Sayf al-Dawla Ḫalaf b. Mulā cib, voir Ibn al-cAdīm, (84), publié dans Zakkar (9), 280, Sauvaget,
REI, 1933 ; RCEA, 2772, 481h. ; Maqrīzī, (107), II, 326, en 482H., lors de la reconquête par Nāṣir al-
Dawla al-Ǧuyūsī, un général fatimide, de Tyr, Sayda, Ǧubayl et Acre, que Tutuš avait occupées,
Nāṣir al-Dawla s’avança jusqu’à Baalabakk et envoya un négociateur à Ḫalaf b. Mulā cib, le maître
de Homs qui entra officiellement dans la mouvance fatimide ; sur ses aventures plus tardives,
voir Maqrīzī, (107), III, index, Ibn al-cAdīm, II, index, Ibn al-Qalānisī, index. En 474, Muslim b.
Qurayš avait pris Harran aux Banū Numayr et y avait frappé monnaie à son nom, en 476H., il eut
à affronter la révolte du cadi Ibn al-Ǧalaba qui désirait rendre la ville à Ibn cUṭayr al-Numayrī.
Muslim se trouvait alors au siège de Damas pour en chasser Tutuš. Il revint vers Harran, cédant à
Ibn Mulācib, Salamiya et Rafaniyya, en plus de Homs qu’il tenait déjà. Muslim prit Harran et tua le
cadi et ses fils. Ibn al-Aṯīr, X, 122 et 129-130, corriger les références dans l’index sous Harran.
Détails négligés par nous, Sibṭ, dans Ibn al-Qalānisī, 116-117.
23. Ibn al-cAdīm, II, 80. Ibn al-Qalānisī, 115 et notes.
24. Ibn al cAdīm, II, 92, où l’auteur donne également la liste des cadis d’Alep sous Muslim.
25. Al-Fāriqī (68), 165-168, 182, 205.
26. Ibn al-cAdīm, II, 58, 61-62
27. Ibn al-cAdīm, II, 66.
28. Ibn al-cAdīm, II, 75-76 et 81-83.
29. Zakkar (8) 187 ; Ibn al-cAdīm, II, 56.
144
Fāriqī, grand cadi d’Égypte de 419 à 427, un passage fait allusion à ce rôle. Le chérif Abū
Yaclā, retenu au Caire par ordre supérieur, aurait offert de mettre en place un dispositif
financier nouveau de transfert3. Jusqu’alors, le chérif Abū Yaclā était chargé de transférer
au Caire le montant des impositions levées en Syrie et de les remettre au vizir, Naǧīb al-
Dawla. En même temps et par une autre voie, les dīwān du Caire expédiaient à Damas le
numéraire nécessaire au réglement des soldes et aux autres dépenses. Abū Yaclā
proposait, si on l’autorisait à rentrer à Damas, de se charger lui-même des dépenses
locales et de transférer en Égypte le solde positif, un clearing en quelque sorte. Cette
proposition faite en secret dans la demeure du grand cadi d’Égypte serait parvenue par
une voie détournée à la connaissance d’al-Dizbirī, gouverneur de Syrie résidant à Damas,
provoquant une réaction de sa part. Le souci de séparer les affaires publiques, politiques
et militaires, et les opérations financières du Trésor, est apparue très tôt dans l’histoire
islamique : cAmr b. al-cAṣ fut, alors qu’il était gouverneur d’Égypte, flanqué d’un
fonctionnaire financier, tout puissant. Mais, à notre connaissance, les passages attestant
de deux circuits indépendants, l’un pour les recettes du Trésor, l’autre pour ses dépenses,
sont rares.
4 Né en 369/979-980, mort un an après sa rentrée à Damas au côté de Nāṣir al-Dawla, en
434, Abū Yaclā Ḥamza b. al-Ḥasan b. al-cAbbās faisait partie de cette famille des Banū
Abī’l-Ǧinn qui devait s’illustrer dans de hautes fonctions judiciaires et religieuses, tant en
Syrie qu’en Égypte. Ayant rassemblé une grande fortune, il occupa lui-même des
fonctions de nature variée. Il fut administrateur de la grande mosquée de Damas, cadi de
Damas et syndic des Alides en Égypte. Quant aux transferts de fonds de Syrie en Égypte,
c’était sans doute une ferme privée à laquelle sa fortune personnelle lui avait autorisé de
soumissionner ; ce pouvait être également le cas pour sa charge de contrôleur financier
auprès de Nāṣir al-Dawla. Grâce à cette fortune, il put offrir des aménagements à la
grande mosquée, fonder une mosquée en ville et une qaysariyya. On trouva à sa mort un
rollet où étaient inscrits les dons de charité qu’il avait coutume de faire : le montant
annuel s’élevait à sept mille dinars, somme considérable si on la compare aux cinq mille
dinars envoyés en 427 par l’Imām al-Ẓāhir à Kufa afin de faire creuser un canal que
l’administration abbasside était dans l’incapacité de financer4.
5 Ibn al-Qalānisī ne donne aucune autre indication sur le gouvernement de Damas par Nāṣir
al-Dawla, sinon qu’« il ordonna et interdit ». Il rapporte son arrestation au début de raǧab
440/décembre 1048, sans mentionner l’expédition menée en Syrie du Nord et l’échec qu’y
rencontra Nāṣir al-Dawla. Celui-ci avait été remplacé à Damas par l’émir Bahā’ al-Dawla
wa-Ṣārimu-hā Ṭāriq al-Mustanṣirī. Ṣafadī reprend la version d’Ibn al-Qalānisī, alors que
pour Ibn Muyassar, le successeur de Nāṣir al-Dawla se nommait Muẓaffar al-Ḫādim al-
Ṣaqlabī et portait également le laqab de Bahā’ al-Dawla. Dans ce cas, il s’agirait de l’ancien
porte-parasol d’al-Ḥākim, en fonction depuis 394, et qui aurait été préfet de police de
Fusṭāṭ en 404. Il serait étonnant qu’un tel personnage, qui aurait été âgé d’au moins
soixante-dix ans en 440, ait pu entrer à Damas par surprise et s’emparer de Nāṣir al-Dawla
comme le raconte Ibn Muyassar. Il est vrai que l’on confia une gigantesque armée à son
successeur Rifq qui avait quatre-vingt ans5.
6 Le motif qui justifia l’arrestation de Nāṣir al-Dawla n’est pas mentionné, mais il fut
transféré à Ṣafad puis à Ramla où on le soumit à une action en restitution sur ses biens
personnels (ṣūdira). Il est donc probable qu’on lui reprochait davantage un détournement
de fonds publics que sa défaite devant Alep.
146
7 Ibn al-Qalānisī n’est pas plus disert à propos de l’émir cUddat al-Dawla Amīr al-Umarā’
Rifq al-Mustanṣirī, qui arriva comme gouverneur de Damas à la tête d’une armée en
muḥarram 441/juin 1049. Une fois que son décret fut lu à la grande mosquée, « il ordonna
et il interdit, il délia et il noua, il émit des pièces officielles et il en reçut... ». Aucune
allusion n’est faite aux désordres causés par les soldats. Ibn al-Qalānisī mentionne ensuite
l’ordre de départ pour Alep, exécuté en ṣafar/juillet de la même année, sans préciser le
sort tragique qui l’attendait en Syrie du Nord.
8 En raǧab 441/novembre 1049, sans qu’aucune précision ne soit donnée sur l’intérim,
arriva l’émir al-Mu’ayyad cUddat al-Imām Muṣṭafā al-Mulk Mucayyin al-Dawla Ḏū’l-
Ri’āsatayn Ḥaydara b. al-Amīr cAdb (ou cAṣab) al-Dawla al-Ḥusayn b. Mufliḥ qui ne prit ses
fonctions de gouverneur qu’au début de 442/mai 1050. Il était accompagné de Sadīd al-
Dawla Ḏū l-Kifāyatayn Abū Muḥammad al-Ḥusayn b. al-Ḥasan al-Māšikī qui avait la
responsabilité entière de toutes les dépenses concernant l’armée et de la perception du
ḫarāǧ. Pour une fois, Ibn al-Qalānisī ajoute un commentaire très favorable sur le nouveau
gouverneur et sur son action face aux civils et aux militaires. Il s’agit en fait de Ḥaydara b.
al-Ḥusayn b. Mufliḥ Abū l-Mukarram. Son père, cAbd al-Dawla al-Qalci avait servi en
Syrie ; il mourut de misère en 415/1024. Il est probable que Mufliḥ, le grand-père du
nouveau gouverneur, avait également servi le régime fatimide en Syrie. Ibn Asākir
consacre une notice à Ḥaydara b. al-Ḥusayn b. Mufliḥ, confirmant les dates données par
Ibn al-Qalānisī et citant un hadith rapporté par ce gouverneur et attribué à cAlī ibn Abī
Ṭālib, comme l’ayant recueilli auprès de Muḥammad. Celui-ci aurait donné le nom de sept
Quraychites qui lui auraient été particulièrement proches et chers, cAlī, al-Ḥasan, al-
Ḥusayn, Ḥamza, Ǧacfar, Abū Bakr et cUmar, puis il aurait cité le nom de sept muhāǧir, cAbd
Allāh b. Mascūd, Salmān, Abū Dārr, Ḥuḏayfa, cAmmār, al-Miqdād, Bilāl. Une telle
énumération des Quraychites élus par le Prophète était de nature à réconcilier chiites et
sunnites. Il faut remarquer pourtant l’absence de cUṯmān, absence étonnante dans un
hadith rapporté à Damas.
9 Quant au Ḏū’l-Kifayatayn qui l’accompagnait pour veiller aux intérêts du Trésor, les
sources ne s’accordent pas sur son identité. Abū cAbd Allāh, Abū cAlī ou Abū Muḥammad,
al-Ḥusayn b. cAlī ou b. al-Ḥasan, al-Māšilī ou al-Māšikī, Sadīd al-Dawla ou Ibn Sadīd al-
Dawla, était un fonctionnaire du dīwān al-Šām au Caire. En 454/1062, il exercera le vizirat
pendant une courte période pour al-Mustanṣir6.
***
10 Ibn al-Qalānisī signale en 450/1058, l’arrivée de l’émir Nāṣir al-Dawla wa-Sayfu-hā Dū’l-
Maǧdayn Abū Muḥammad al-Ḥusayn b. al-Ḥasan b. Ḥamdān pour un second
gouvernement. L’historien a commis une confusion entre le père, Abū Muḥammad al-
Ḥasan b. al-Ḥusayn b. Nāṣir al-Dawla al-Ḥasan et le fils Abū cAlī al-Ḥusayn b. al-Ḥasan b.
al-Ḥusayn b. Nāṣir al-Dawla al-Ḥasan. Le fils arrivait à Damas comme gouverneur de la
ville pour la première fois, mais de même que son père en 440, il reçut l’ordre de marcher
sur Alep. Ibn al-Qalānisī signale sa défaite à al-Funaydiq mais la fait suivre d’une fuite,
omettant de mentionner sa détention en captivité. Il ne fait aucun développement sur
l’exercice du pouvoir de Nāṣir al-Dawla à Damas ; il ne cite pas le nom d’un
administrateur financier qui l’aurait accompagné ; par contre il écrit qu’Ibn Ḥamdān leva
le ḫarāǧ, ce qui signifierait que celui-ci se serait fait confier, à côté de son commandement
militaire et de son pouvoir politique, une mission fiscale pour le Trésor. Ibn cAsākir, qui
147
***
148
15 Pour la période 433-455, Ibn al-Qalānisī n’a consigné que la succession des gouverneurs. Il
a développé longuement le récit de la montée du pouvoir seldjoucide en Iraq et de sa lutte
contre al-Basāsīrī De même, il a fait une large place aux nouvelles concernant les Kilabites
en Syrie du Nord. Quant à la Syrie méridionale, il mentionne, en 454, la nomination de
Makīn al-Dawla comme gouverneur de Tibériade et du port fortifié d’Acre, c’est-à-dire
comme commandant militaire du ǧund du Jourdain. Makīn al-Dawla cAlī b. al-Ḥasan b.
Mulhim b. Dīnār, qui avait servi en Syrie du Nord où il avait pris possession d’Alep au nom
d’al-Mustanṣir, était rappelé sur le territoire où ses ancêtres uqaylides s’étaient illustrés à
l’époque de Kāfūr. On lui confia le commandement d’un groupe de Banū Sulaym et de
Banū Fazāra, deux tribus anciennement installées dans la région, qaysites et de
sympathies carmates comme cUqayl. Cette information concernant Makīn al-Dawla, qui
est également donnée par Maqrīzī témoigne d’un regain d’influence des tribus demeurées
bédouines et portées au pillage et au désordre dans une région traditionnellement
adonnée à l’agriculture sédentaire11.
16 La désignation au poste de gouverneur de Damas de notables du régime fatimide comme
les deux princes hamdanides, ou de membres de familles spécialisées dans le service de
l’État dans cette province, comme Ibn Mufliḥ, témoigne d’un souci de continuité dans
l’action politique. Le calme dont on peut créditer pendant cette période la population de
la ville et de l’oasis pour le seul motif qu’il n’existe pas de récit de désordres prouve que la
domination du Caire était bien supportée. Les liens établis entre certains de ces
gouverneurs et les savants sunnites laissent à penser qu’une détente était intervenue
dans le domaine des idéologies et que l’État fatimide avait modéré son effort de
propagande en faveur de l’ismaïlisme12.
17 Peut-on corroborer ces déductions par des faits positifs tirés de sources indirectes ? Sibṭ
ibn al-Ǧawzī rapporte une anecdote sur le séjour à Damas d’Abū Bakr Aḥmad b. cAlī b.
Ṭābit al-Ḫaṭīb al-Baġdādī, anecdote qui fait apparaître les limites des oppositions
idéologiques quand elles recoupaient d’autres solidarités13. Sibṭ avait emprunté ce récit à
Abū’l-Faḍl Muḥammad b. Ṭāhir b. cAlī al-Maqdisī al-Qaysarānī, une des sources d’Ibn c
Asākir, un auteur sérieux mort en 507, et on ne peut guère révoquer en doute ce
témoignage14. Al-Ḫaṭīb al-Baġdādī, qui était déjà venu à Damas en 445, y revint en 451
pour fuir la répression anti-sunnite organisée à Bagdad par al-Basāsīrī. Lors de ce second
séjour, un garçon, connu pour sa beauté, s’attacha au savant iraqien, et les gens
commencèrent à jaser. Le gouverneur de la ville, dont on ne nous donne pas le nom mais
qui était chiite, voulut profiter de l’occasion pour faire un exemple contre un homme
connu pour son sunnisme et pour son attachement au califat abbasside. Vu la date, le
gouverneur en poste devait être Ibn Nāṣir al-Dawla. Il donna l’ordre au préfet de police
(ṣāḥib al-šurṭa), qui se trouvait être sunnite, de procéder à l’arrestation du savant, puis de
le tuer. Le préfet se rendit sur les lieux et y trouva le savant et le jeune homme en tête à
tête (fī ḫalwa). Il arrêta l’Iraqien et lui conseilla de s’échapper quand ils passeraient devant
la maison du chérif car il n’aurait pas le droit de l’y poursuivre s’il y trouvait refuge. Cela
se passa comme prévu et le gouverneur de Damas demanda au chérif de lui livrer
l’homme qui avait trouvé asile dans son vestibule (fī’l-dihlīz). Le chérif fit répondre que,
malgré la divergence fondamentale qui existait entre le maḏhab de cet homme et le sien, il
ne pouvait autoriser la mise à mort de celui qui lui avait demandé assistance. La demeure
du chérif Ibn Abī l-Ǧinn, syndic des Alides, avait le même caractère de sanctuaire
protecteur que la présence spirituelle que Muḥammad assurait au ḥaram de Médine et que
les Arabes avaient toujours reconnu au ḥaram de la Mekke. A cet argument d’ordre
149
religieux, il ajouta une considération plus politique ; Abū Bakr al-Baġdādī était très connu
en Iraq, sa mise à mort à Damas par un représentant de l’Imām fatimide risquait de
provoquer des représailles contre les partisans du Caire en ce pays ou encore la
démolition de mašhad chiites. Le savant fut donc expulsé et s’installa à Tyr.
18 L’attitude conciliatrice du chérif Ibn Abī’l-Ǧinn s’inscrit dans la ligne de l’action religieuse
menée par les Fatimides en Égypte et en Syrie : sauf de rares exceptions, ils préférèrent
toujours la propagande à la contrainte. Grâce à quoi, ces deux provinces ne connurent
presque pas de violences opposant chiites et sunnites entre 370 et 450, alors qu’à la même
période ceux-ci s’affrontaient quasi quotidiennement à Bagdad, où l’on voyait même
hanbalites, chaféites et acharites en venir aux mains alors que tous se proclamaient
sunnites. Le choix du préfet de police de Damas parmi les sunnites, très majoritaires dans
cette ville, est un autre témoignage de ce désir d’éviter les désordres.
***
19 Le fonctionnement satisfaisant de la justice à Damas a déjà été signalé sous le règne d’al-
Ḥākim. Il semble en avoir été de même sous son fils et sous son petit-fils.
20 Abū Yaclā Ḥamza b. al-Ḥasan b. al-cAbbās b. Abī’l-Ǧinn reçut le titre de cadi de Damas sous
al-Ẓāhir. Il vécut principalement au Caire après 415 et un nā’ib exerça la magistrature sur
place ; choisi dans une famille de faqīh locaux, il appliquait le maḏhab chaféite, que suivait
la population. A la mort de Ḥamza, en 434, Abū Turāb al-Muḥsin b. Muḥammad b. al- c
Abbās b. Abī’l-Ǧinn, son frère utérin et cousin germain, le remplaça comme cadi de Damas
et syndic des Alides en Syrie. Fils d’Abū Ṭālib Muḥammad, un pieux personnage qui avait
mémorisé le Coran, le nouveau cadi était un disciple du cadi sunnite Ibn al-Mayānaǧī. Ibn
c
Asākir le cite comme rapporteur privilégié d’une tradition muhammadienne, insérée
dans une chaîne de garants sunnites. Ce cadi mourut en raǧab 436/janvier-février 1045.
Son neveu, Abū’l Ḥusayn Ibrāhīm b. al-cAbbās b. al-Ḥasan b. al-cAbbās b. Abī’l-Ǧinn
Mustaḫaṣṣ al-Dawla, né en 396, lui succéda et exerça en même temps la fonction de khaṭīb
à la grande mosquée. Ibrāhīm avait été en 424 père d’un garçon à qui il avait donné à la
naissance l’ism de cAlī et la kunya d’Abū’l-Qāsim, là encore dans le souci de conciliation
entre chiites et sunnites. Ce Abū’l-Qāsimc cAlī mourut en 508. cAlī et Abū l-Qāsim étaient
également l’ism et la kunya du jeune Ibn cAsākir qui, à la mort de son homonyme, Ibn
Abī’l-Ǧinn, n’avait que neuf ans, mais avait eu le temps de s’attacher à ce vieil homme qui
lui racontait comment Damas vivait à l’époque fatimide. Dans son Histoire de Damas, il le
cite très souvent comme une autorité mentionnée comme dernier ou avant-dernier
chaînon parmi les garants pour des faits se déroulant au IVe ou au Ve siècles de l’hégire.
Grâce à ce témoin de l’ancien temps, Ibn Asākir a rapporté deux faits, concernant le cadi
Abū’l-Ḥusayn Ibrāhīm b. Abī’l-Ǧinn, qui éclairent l’historien sur l’évolution idéologique
que connut la famille lors de son long séjour à Damas15.
21 Abū’l-Ḥusayn Ibrāhīm fut rappelé à l’ordre par le Caire parce que son fils conduisant un
enterrement avait prononcé le takbīr à quatre reprises sur le corps du défunt. C’était là
une tradition sunnite ; les chiites le prononçaient cinq fois sur un défunt du commun,
sept fois s’il s’agissait d’un chérif alide. A partir du jour où il eut reçu cette lettre, Abū’l-
Ḥusayn b. Abī’l-Ǧinn ne conduisit plus jamais, en personne, un enterrement. Il est
probable que jusqu’alors la famille Ibn Abī’al-Ǧinn prononçait quatre fois le takbīr sur le
corps d’un sunnite et cinq fois ou sept fois sur le corps d’un chiite. Ibn cAsākir rapporte
qu’Abū’l-Qāsim cAlī b. Abī’l-Ǧinn donna l’ordre, avant de mourir, que son tombeau fût
150
couvert en forme de bosse (an yusannama qabru-hu), coutume sunnite, les chiites
aplatissant le sommet, et qu’aucun chiite ne participât à ses obsèques.
22 Abū’l-Ḥusayn Ibrāhīm devait, en tant que cadi de Damas, désigner un na’ib pour exercer la
fonction de cadi de Baalabakk. De même, il avait droit de destituer le cadi de cette ville s’il
le jugeait bon, ce qu’il fit avec Abū’l-Muḥassin al-Mufaḍḍal b. Muḥammad al-Ma carrī al-
Tanūḫī. Le chérif Abū’l-Qāsim cAlī b. Abī’l-Ǧinn expliqua au jeune Ibn cAsākir que son père
avait agi de la sorte parce qu’il avait appris que le cadi de Baalabakk se laissait gagner par
des cadeaux et modifiait en conséquence ses arrêts. Le motif invoqué pour destituer cet
homme, qui avait été cadi délégué à Damas avant d’être relégué à Baalabakk, était sans
doute réel mais ne fut-on pas particulièrement sévère pour un Tanukhide de Macarrat al-
Nucmān, sans doute touché par les idées d’Abū’l-cAlā’, en tout cas chiite avéré, de maḏhab
hanéfite et auteur d’écrits contre le chaféisme, maḏhab régnant à Damas ? Il avait
également rédigé un ouvrage sur les grammairiens et les philologues qui pouvait déplaire
dans un milieu où le sens littéral des mots avait seul valeur de preuve pour
l’interprétation des textes religieux16.
23 Le cadi Abū’l-Ḥusayn Ibrāhīm b. al-cAbbās b. Abī’l-Ǧinn mourut en 454. Il fut sans doute
remplacé par son fils Abū’l-Faḍl Ismācīl Faḫr al-Mulk, né en 420 et qui devait mourir en
503. En tous cas, Ismācīl était cadi de Damas en 462. Un autre fils d’Ibrāhīm, Abū Ṭāhir
Ḥaydara al-Šarīf al-Sayyid, qui fut syndic des Alides à Damas, devait connaître la gloire
puis un trépas horrible en 461, lors d’événements dont le récit sera donné avec le
gouvernement de Damas par Badr al-Ǧamālī. Un frère du cadi Ibrāhīm17, Abū’l-Barakāt c
Aqīl b. al-cAbbās b. al-Ḥasan b. al-cAbbās cImād al-Dawla, né en 392, mourut à Tripoli de
Syrie où il exerçait une fonction officielle en 451. Son corps fut ramené à Damas où il fut
enterré devant une grande foule18.
24 Nombreux furent les descendants de cette famille qui occupèrent des fonctions officielles,
aux Ve et VIe siècles, en Syrie et en Égypte. Au IVe siècle, le Fatimide avait fait venir leurs
ancêtres de Qumm pour prêcher le chiisme en Syrie, à Alep puis à Damas. La greffe avait
pris et la famille, un siècle plus tard, se considérait comme syrienne ou même comme
damasquine. Le chiisme militant des débuts s’était tempéré ; il était devenu tout d’abord
conciliateur face au sunnisme, puis avait fini par s’effacer, remplacé par une simple
vénération de la Famille. Le milieu chaféite-acharite de Damas avait assimilé ce corps
étranger et l’avait fait adhérer aux principes de l’idéologie dominante dans la ville.
25 La perméabilité des hommes mis en place par le Caire aux influences locales explique tout
à la fois les longues périodes sans heurt que connut Damas fatimide et la faiblesse de
l’emprise réelle du credo ismaïlien sur les élites indigènes.
alā al-ḫarāǧ). En effet, c’était encore une fois un chérif à qui était dévolue cette fonction.
Ibn al-Qalānisī le nomme al-šarif al-qādī Ṯiqat al-Dawla Ḏū’l-Ǧalālayn Abū’l-Ḥasan Yaḥyā b.
Zayd al-Ḥusaynī al-Zaydī20. Ibn cAsākir, qui lui consacre une notice, cite sa généalogie
complète et donne son laqab, Muctamad al-Dawla ; il précise qu’il avait remplacé comme
cadi Mustaḫaṣṣ al-Dawla (Ibrāhīm b. Abī’l-Ǧinn) puisqu’il avait été destitué et qu’on avait
rendu la fonction à son prédécesseur. L’épisode était antérieur à l’arrivée de Badr al-
Ǧamālī à Damas puisque Mustaḫaṣṣ al-Dawla mourut en 454. Il dénote qu’une certaine
rivalité existait entre les deux familles chérifales, toutes deux très riches si l’on se
souvient de l’ampleur des pillages dont les biens fonciers en Ohouta de ce chérif al-Zaydī
avaient été l’objet lors de la révolte arabe de 415.
28 Badr al-Ǧamālī devait très mal s’entendre avec les Banū Abī’l-Ǧinn ; son arrivée,
accompagné d’un chérif issu de l’autre famille husaynide puissante à Damas, s’explique
peut-être par le désir de se démarquer des cadis en poste. D’autre part, le ton employé par
Ibn al-cAsākir pour faire le portrait du chérif al-Zaydī, les noms d’autorités qu’il cite à
propos de ses maîtres, de ses auditeurs, des hadiths rapportés, situent nettement le
personnage dans un milieu pro-hanbalite et anti-acharite, assez proche du sunnisme
iraqien puisque al-Ḫaṭīb al-Baġdadī y figure. Badr al-Ǧamālī, qui passe pour avoir eu des
sympathies imāmites, a peut-être voulu utiliser la forte hostilité qui opposait hanbalites
et acharites à Damas depuis le début du siècle pour affaiblir l’élite religieuse
traditionnelle de la ville.
29 Le chérif Yaḥyā b. Zayd al-Zaydī mourut, peu après son arrivée à la fin de l’année
455/1063. Ibn Ṭūlūn fait figurer un fils, Ismā’īl, dans la liste peu fiable des cadis de Damas
qu’il a établie.
30 Badr dut faire face à une révolte dont Ibn al-Qalānisī écrit simplement qu’elle résulta des
rixes opposant des civils de Damas à des soldats fatimides. Quand Badr al-Ǧamālī comprit
que la situation lui échappait, en raǧab 456/juin-juillet 1064, il prit la fuite.
31 En ramaḍān 456/août-septembre 1064, l’émir Ḥiṣn al-Dawla Ḥaydara b. Manzū b. Nu cmān
arrivait à Damas, comme gouverneur kutamite, portant la kunya chiite d’Abū Turāb ; il
avait été gouverneur d’Alexandrie, où, d’après l’Historien des Patriarches, il avait montré
de la bienveillance envers les chrétiens21. La population de Damas n’eut pas le temps
d’apprécier ses qualités d’administrateur car, en dū’l-qacda 456/octobre 1064, il fut
remplacé à son tour par Šihāb al-Dawla Durrī al-Mustanṣirī. Ce dernier, sans doute un
Arménien, demeura moins d’un an à Damas, puis fut nommé gouverneur de Ramla où il
fut mis à mort en rabīc II 460/février-mars 1068. Après son départ, Damas fut privée de
gouverneur pendant quelques mois22.
32 Il faut placer ici une information rapportée par Sibṭ al-Ǧawzī qui ne cite pas sa source et
dont aucun récit parallèle n’a été trouvé dans les sources consultées. Sibṭ écrit, dans les
événements survenus en 457/1065, qu’un différend opposa le qācid de Damas, un
Arménien, et les Banū Kalb. L’armée fatimide sortit pour combattre la tribu arabe et elle
fut défaite : de nombreux soldats furent tués, dix sept émirs ou qa’id furent faits
prisonniers. Le Bédouin qui avait fait prisonnier le fils de Ḥiṣn al-Dawla b. Manzū fixa la
rançon à dix mille dinars que le captif s’engagea par écrit à payer. Etant allé à Damas
consulter son épouse et rassembler l’argent, le fils d’Ibn Manzū s’entendit conseiller par
celle-ci d’en payer le double afin d’acquérir la reconnaissance de la tribu ( cašīra) du
Bédouin. Le fils d’Ibn Manzū suivit le conseil ; le Bédouin lui rendit son engagement écrit
et vint le visiter à Damas, sur son invitation. Le fils d’Ibn Manzū le traita fort bien, lui
152
remit deux mille dinars supplémentaires et lui en promit autant chaque année. Il
s’agissait visiblement de se créer une clientèle kalbite. Les Banū Kalb s’installèrent dans
l’oasis de Damas (sawād Dimašq), qu’ils pillèrent, s’emparant de céréales et de fourrages.
33 Puis Sibṭ ibn al-Ǧawzī change de décor et parle d’Ibn Manzū, le père. L’ancien gouverneur
de Damas et d’Alexandrie, accompagné du gouverneur de Ramla, peut-être là encore
Durrī, marcha sur Tripoli. Les habitants du port fortifié, en effet, s’étaient révolté sous la
conduite des frères Banū Abī’l-Fatḥ, contre l’Imām al-Mustanṣir. Quand l’armée
s’approcha, le cadi de Tripoli, Ibn cAmmār, de connivence avec le pouvoir fi ḫabar al-
sulṭān, invita un des fils, Ibn Abī’l-Fatḥ, à sortir avec lui au-devant des assaillants. Le
rebelle fut très bien accueilli par Ibn Manzū qui lui suggéra de se faire rejoindre par ses
frères. Mais, se doutant d’une ruse, le jeune homme leur conseilla de se préparer au
combat, ce qu’ils firent. Ibn cAmmār disposait d’intelligences parmi les aḥdāṯ de la ville : à
son instigation, vingt-huit d’entre eux demandèrent l’amān. Les Banū Abī’l-Fatḥ, affaiblis,
ne purent empêcher la population d’ouvrir les portes de la cité, en proclamant tout haut
son attachement à l’Imām al-Mustanṣir.
34 Les Banū Abī’l-Fatḥ furent envoyés à Tyr. Ils y furent maltraités et on leur réclama de
l’argent. Une amende collective de cent mille dinars fut imposée au peuple de Tripoli. Les
aḥdāṯ qui avaient demandé l’amān reçurent l’ordre de se disperser à travers la Syrie. Ils
eurent le front de vouloir être payés pour leur trahison. On les mit au gibet et le calme
revint à Tripoli23.
35 Ibn al-Qalānisī, qui ne fait aucune allusion à ces événements, signale que Badr al-Ǧamālī,
doté d’un nouveau laqab, Sayf al-Islām, arriva au Marǧ de Bāb al-Ḥadīd le 6 ša cbān 458/3
juillet 1066 avec le titre de gouverneur de Damas et de toute la Syrie. Alors qu’il se
trouvait là, lui parvint la nouvelle de la mort de son fils, tué à Ascalon. Quelques jours
plus tard, il pénétra dans le Qaṣr de la ville24.
36 Ce fut à cette époque qu’il reçut une lettre d’al-Mustanṣir, l’avertissant qu’Ibn al-
Ruqaliyya, Maḥmūd b. Ṣāliḥ, le maître d’Alep, était sur le point de trahir le Caire au profit
de Bagdad. Badr al-Ǧamālī devait engager une action militaire en Syrie du Nord. On a
présenté par ailleurs la suite que Badr al-Ǧamālī donna à cet ordre, dernier témoignage
d’un acte impliquant le gouverneur fatimide de Damas dans une action concernant la
Syrie dans son ensemble.
37 En fait, Badr devait faire face à une nouvelle sédition. La guerre était montée contre lui
par la soldatesque (al-caskariyya), et par les aḥdāṯ de la ville. Badr dut quitter le Qaṣr, en
ǧumādā I 460/avril 1067.
38 Les diverses sources consultées n’expliquent pas les motivations des révoltés de Damas
contre Badr. Il avait été nommé dans cette ville en 455 après qu’elle avait connu le calme
pendant vingt-deux années ; le départ d’Anūštakīn en 433 avait été marqué par des
mouvements populaires, puis la paix civile semblait s’être instaurée, si l’on excepte les
désordres entre soldats et civils lors du passage de l’armée de Rifq allant combattre en
Syrie du Nord. L’historien, dans l’état actuel du dépouillement des sources et tant que
l’indexation générale d’Ibn cAsākir n’aura pas été réalisée, ne dispose d’aucun élément
pour comprendre les origines de ce refus. L’opposition de Badr al-Ǧamālī à l’influence des
Banū Abī’l-Ǧinn, opposition qui devait se renforcer au début de la décennie 460-470, ne
suffit pas à mes yeux à justifier la poursuite des violences ni à expliquer la faiblesse de la
position de ce gouverneur fatimide, obligé de fuir la ville à plusieurs reprises. La cause des
153
désordres doit être recherchée dans la modicité des moyens financiers que l’État fatimide
affaibli mettait à la disposition du gouverneur de Syrie.
39 La vie quotidienne à Damas nous échappe. Parfois, au détour d’un obituaire, une
information est donnée. Ainsi, mourut en 453/1061, Abū l-Qāsim cAlī b. Muḥammad b.
Yaḥyā al-Sulamī al-Sumaysāṭī al-Ṣūfī, l’historien qui fut une des sources d’Ibn al-
Dawādārī. Il fut enterré dans sa maison près de Bāb al-Naṭṭāfīn, la porte nord de la grande
mosquée. Il avait fondé en waqf sa maison au profit des pauvres soufis et créé ainsi la
première khanqah de Damas. La fondation, comme le précise une inscription conservée
jusqu’à nos jours, n’englobait que la partie basse de la maison ; la partie haute était
fondée en waqf en faveur de la grande mosquée. Quant à ses autres biens, il les avait
fondés en faveur des œuvres de bienfaisance, (wuǧūh al-birr), ceux qui relevaient de la
charité générale étant bien différenciés des soufis dont le dépouillement était volontaire
(al-fuqarā’ al-muǧarradīn min al-ṣūfiyya). De ce soufi, les sources disent qu’il avait des
connaissances avancées en géométrie et en astronomie (mutaqaddim fī cilm al-handasa wa-l-
hay’a). Un autre scientifique, Abū’l-Ḥasan cAlī b. al-Ḫiḍr al-Ḥāsib al-cUṯmanī, mourut à
Damas en 459 ; né en 421, il avait rédigé un ouvrage d’arithmétique (kitāb fī’l-ḥisāb) ; son
frère utérin avait été un enseignant à Tinnis. Indication fugitive, mais qui témoigne peut-
être de l’existence d’un milieu scientifique actif dans la ville de Damas25.
des Alides à Damas, personnage très populaire auquel la population avait attribué le laqab
de Prince des Croyants (amīr al-mu’minīn), lui parut apte à remplacer al-Mustanṣir comme
Imām.
42 Badr al-Ǧamālī, lors de son séjour à Damas, avait affronté les Banū Abī’l-Ǧinn. Il avait mis
en prison Ibn Abī’l-Riḍā Abū cAbd Allāh al-Ḥusayn b. cAlī b. cUmar al-Anṭāki, un témoin de
justice habitant le quartier de Chaghour auquel le cadi Abū’l-Faḍl Ismācīl b. Ibrāhīm b.
Abī’l-Ǧinn déléguait sa capacité de juger27. Des membres de l’élite de la ville avaient été
emprisonnés ou exilés ; des confiscations avaient été décidées à leurs dépens. Abū Ṭāhir
Ḥaydara avait dû quitter la ville : il était allé en Égypte se plaindre à Nāṣir al-Dawla b.
Ḥamdān, dont tout le monde connaissait l’hostilité à l’égard de Badr al-Ǧamālī, des
agissements de celui-ci à l’égard des siens. Ibn Ḥamdān saisit là l’occasion d’agir et il
chercha à obtenir le concours des Arabes des tribus. En effet, Badr avait attaqué les Banū
Subays ( ?), puis fait exécuter des émirs de Qays et enfin dispersé les campements de Kalb
et de Ṭayy. Profitant de l’affaiblissement du régime fatimide, ces tribus, délaissant la
steppe, s’étaient installées dans le Hauran et sur le Jourdain, empiétant sur les terroirs
des sédentaires. Nāṣir al-Dawla, qui s’appuyait en Égypte sur les tribus arabes, n’avait
cure d’une remise en ordre de la Syrie méridionale. Il voulut profiter de la double
hostilité, citadine et bédouine, contre Badr pour faire disparaître celui-ci. Ayant obtenu
en 459 la libération des deux Ṭayy, il mit à leur disposition quarante mille dinars afin
qu’ils tuassent Badr al-Ǧamālī. Après ce meurtre, Abū Ṭāhir b. Abī’l-Ǧinn, qui rentrait en
Syrie avec eux, aurait pu être proclamé Imām.
43 Badr al-Ǧamālī avait passé une année dans le Qaṣr al-Salṭana qui se trouvait à l’extérieur
de Damas quand en ǧumādā I 460/mars 1068, il dut le quitter. On ne sait si cette décision
est consécutive à la reprise de la révolte contre lui ou aux dégâts qui seraient survenus
dans ce bâtiment à la suite du grand tremblement de terre qui ravagea la région, de
Raḥba au Ḥigāz, dans la nuit du 10 au 11 ǧumādā I 460/17 au 18 mars 1068. Toujours est-il
qu’en raǧab/mai arrivait à Bagdad la lettre d’un commerçant décrivant Damas comme
dépourvue de toute autorité officielle. Le peuple y faisait la loi et avait détruit le Qaṣr al-
Salṭana. Il était interdit à qui que ce soit d’entrer ou de sortir de la ville. Quant à l’amīr al-
ǧuyūš, c’est-à-dire Badr al-Ǧamālī, il avait dû se réfugier à Ascalon. Sibṭ b. al-Ǧawzī, qui
cite cette lettre, la fait suivre d’une longue description des effets du tremblement de
terre. La coupole d’al- Ṣaḫra à Jérusalem était fendue. A Ramla, où seules deux rues
avaient été épargnées, on comptait quinze mille morts. La mer s’était retirée au large sur
le littoral de Palestine et les gens étaient descendus afin de piller les épaves ; la mer étant
alors revenue brutalement, nombreux avaient été les noyés. A Ayla, toute la population
avait péri à l’exception de douze pêcheurs qui se trouvaient en mer. Plus près de Damas,
la ville de Banyas avait été détruite28.
44 La vacance du pouvoir fut courte à Damas puisqu’au mois de šacbān/juillet arriva l’émir
Quṭb al-Dawla Bāriz Ṭuġān, muni, sans doute grâce à Nāṣir al-Dawla, d’un diplôme officiel
de gouverneur. Il était accompagné du chérif Abū Ṭāhir Ḥaydara b. Abī’l-Ǧinn qui, d’après
Ibn Muyassar, aurait eu la fonction de contrôleur de la perception des impôts29. Bāriz
Ṭuġān s’installa en ville dans la maison du chérif al-cAqīqī, maison qui avait déjà abrité
d’autres gouverneurs : située à proximité de la grande mosquée, cette maison n’était pas
fortifiée et elle ne pouvait être la demeure que d’un homme qui n’avait rien à craindre
des aḥdāṯ. Au mois suivant, en ramaḍān, Badr al-Ǧamālī arriva avec des troupes qu’il avait
recrutées parmi des tribus arabes alliées et dressa son camp à Qadam, un village au sud de
la ville sur la route du Jourdain.
155
45 Badr al-Ǧamālī ne put conserver cette position pendant très longtemps et il dut repartir,
sans doute pour Acre. Les aḥdāṯ en profitèrent pour sortir de la ville et détruire
totalement le Qaṣr al-Salṭana, déjà très endommagé. Les éléments de bois furent soit
arrachés soit incendiés, et l’édifice, très vaste puisqu’il pouvait d’après Sibṭ al-Ǧawzī
abriter des milliers de soldats, fut complètement ruiné. Ainsi disparaissait ce symbole du
pouvoir fatimide, situé hors de la ville pour mieux la surveiller. On peut s’interroger sur
son emplacement : al-Dikka, au-dessus de Rabwa ? al-Šammāsiyya, au sud de Damas ? Bayt
Lahya, au nord-est ? Mezzé, à l’ouest ? les jardins situés entre les deux Šaraf et les deux
Nayrab, au nord-ouest de la ville, au pied des pentes montant au Qāsyūn ? tous ces sites
sont mentionnés comme des lieux où stationnaient des troupes fatimides et où des
gouverneurs firent étape, mais les textes ne permettent pas un choix plus précis.
46 Selon Ibn al-Qalānisī, Quṭb al-Dawla quitta Damas avec le chérif Abū Ṭāhir en rabī c I 461/
janvier 1069. Ils se dirigèrent vers le sud, par la bordure de la steppe pour aller en Égypte,
rejoindre Nāṣir al-Dawla ibn Ḥamdān.
47 Pour Sibṭ b. al-Ǧawzī, le chérif Abū Ṭāhir b. Abī’l-Ǧinn eut le pouvoir à Damas pendant
vingt-sept jours. Il avait à ses côtés les deux Ṭayy. Badr avait versé à Ḥāzim dix mille
dinars, pris sur les sommes confisquées à Damas pour qu’il fît échouer le projet du chérif
qui évidemment n’était pas au courant de la transaction. Ḥumayd s’efforçait en secret
d’en obtenir autant. On comprend dans ces conditions qu’Abū Ṭāhir avait peu de chance
de réussir. Sibṭ ibn al-Ǧawzī ne fait aucune allusion à ce moment-là à une tentative du
chérif pour se faire proclamer Imām. Badr, incapable de faire face aux aḥdāṯ, s’était
éloigné, mais après son départ, ces aḥdāṯ se seraient pris de querelle avec les soldats
fatimides de la garnison. Badr aurait alors envoyé un de ses officiers, al-Qaṭiyān, pour
organiser la résistance des troupes30. Devant les désordres, le chérif Abū Ṭāhir aurait pris
la fuite accompagné par Bāriz Ṭuġān et par les deux fils de Ḥiṣn al-Dawla Ḥaydara b.
Manzū al-Kutāmī, le gouverneur qui avait succédé à Badr en 456 et qui était son ennemi.
48 Quand la petite troupe traversa la Balqa, Bāriz Ṭuġān voulut passer de nuit, incognito, à
Amman que tenait Badr b. Ḥāzim b. al-Ǧarrāh. Mais le chérif, croyant le Ṭayy son allié,
insista pour se faire reconnaître. Mal lui en prit. Le Bédouin se saisit de lui et le vendit
pour douze mille dinars, des vêtements et des iqṭāc à Badr al-Ǧamālī.
49 Le chérif Abū Ṭāhir b. Abī’l-Ǧinn traversa la ville d’Acre, juché sur un chameau. Puis on
l’étrangla et on écorcha sa dépouille. Cette mise à mort tapageuse d’un membre d’une des
plus honorables familles husaynides de Syrie fut très mal accueillie à Damas. On relata
avec mépris que les Ṭayy avaient encore une fois vendu un de leurs alliés contre de l’or.
La haine contre Badr al-Ǧamālī revêtit l’aspect de l’horreur à l’égard de celui qui était
coupable d’un sacrilège. Dans la notice qu’Ibn cAsākir consacre à Abū Ṭāhir Ḥaydara b.
Ibrāhīm b. Abī’l-Ǧinn, il écrit que la nouvelle du supplice parvint à Damas en raǧab 461/
mai 1060. Après une formule pieuse en faveur du défunt, l’historien de Damas ajoute, sans
commentaire explicite mais l’intention est évidente, qu’à la mi-šacbān 461/8 juin 1069 la
grande mosquée de Damas était détruite par un incendie. Ni Ibn cAsākir, ni Ibn al-Qalānisī
ne font allusion à un projet de faire accéder Abū Ṭāhir à l’imāmat. Toutes les informations
sur ce sujet remontent à Sibṭ b. al-Ǧawzī, c’est-à-dire à sa source, Muḥammad b. Hilāl al-
Ṣābī’. Or ce personnage contemporain des événements, vivait dans le milieu des dīwān à
Bagdad. L’année suivante, Nāṣir al-Dawla faisait appel au Seldjoucide et se déclarait prêt à
faire reconnaître le califat abbasside en Égypte. La chancellerie de Bagdad aurait-elle été
informée du premier projet de Nāṣir al-Dawla, projet de faire proclamer un Imām alide à
Damas, et ce projet présentant un grand danger pour le califat abbasside, aurait-elle
156
***
52 En šawwāl 461/juillet 1069, l’émir Ḥiṣn al-Dawla Mucalla b. Ḥaydara b. Manzū al-Kutāmī
prit le pouvoir à Damas par la force et sans mandat pour le faire. Son père, le gouverneur
de 456, venait de mourir32.
53 Badr, après s’être retiré sur le littoral de la Syrie méridionale où il comptait des alliés, fit
partir pour Damas un chérif alide, Ibn Abī Šuwayya, avec ordre de procéder à des
confiscations au détriment du chérif Abū’l-Faḍl Ismācīl b. Abī’l-Ǧinn, le frère d’Abū Ṭāhir
qui depuis le martyre de celui-ci détenait l’autorité morale sur la population civile de la
ville. Les désordres reprirent et les Damascains firent appel aux deux chefs des Banū Kalb,
Mismār b. Sinān et Ḥāzim b. Nabhān al-Qarmaṭī. La chose fut facilitée par les liens étroits
qu’entretenaient les Banū Manzū avec les Banū Kalb33.
54 Cinquante ans plus tôt, Sinān b. cUlayyān, le père de Mismār, menait l’assaut contre
Damas défendue par les troupes fatimides et par les aḥdāṯ. Le chérif Abū Yaclā Ḥamza b.
Abī’l-Ǧinn, l’oncle d’Abū’l-Faḍl Ibrāhīm, encourageaient alors la résistance. Entre 414 et
457, la destinée des Banū Kalb est mal connue. Parmi les tribus arabes de Syrie, ce fut celle
qui se trouva le plus souvent au côté des armées fatimides. Elle n’avait pas le souci absolu
d’indépendance des Banū Ṭayy, ni la vigueur nécessaire pour suivre avec constance un
projet d’État, qui caractérisait les Banū Kilāb. Le centre de diffusion des Banū Kalb, situé
entre Palmyre et Damas, lors de l’arrivée des Fatimides en Syrie, s’était déplacé vers le
sud-ouest entre Damas, le Hauran et l’Anti-Liban. Des groupes étaient passés dans le Delta
égyptien, d’autres dans la campagne de Homs. Les Banū Kalb de Syrie cherchaient à se
fixer dans des terroirs cultivés par des paysans sédentaires. L’installation devait réussir
157
au Hauran. En 466, Ḥassān b. Mismār b. Sinān fit construire la forteresse de Salḫad. Une
inscription célébrait l’événement et citait les laqab du fondateur, al-Amīr al-Aǧall cIzz al-
Dīn Faḫr al-Mulk Muqaddam Umarā’ al-cArab Faḫr al-Dawla cUddat Amīr al-Mu’minīn. Le
processus de sédentarisation se poursuivit au VIe/XIIe siècle, où l’on rencontre, parmi les
auditeurs d’une lecture publique consacrée à un pamphlet contre al-Ašcarī, un cĀmīr b.
Ḥassān b. Mismār al-Hawrānī, la nisba al-Kalbī ayant disparu34.
55 En 461, quand les Banū Kalb arrivèrent à nouveau devant Damas, l’armée fatimide
s’opposa à leur entrée dans la ville malgré la présence d’Ibn Manzū. Aussi, les deux chefs
kalbites conseillèrent-ils aux Damascains de susciter des querelles entre les Maghrébins
et les Orientaux, qui formaient le gros de l’armée. Les habitants s’allièrent donc aux
Maghrébins proches d’Ibn Manzū et opposés à Badr. Des troubles éclatèrent contre les
Orientaux.
56 Dans les désordres qui s’ensuivirent, des flèches incendiaires furent tirées sur une
maison, à l’ouest de la grande mosquée. L’embrasement se propagea et dans la nuit du 15
šacbān 461/10 mai 1069, le vénérable édifice fut détruit par le feu. Au matin, il ne restait
que les quatre murs et des décombres fumants. Le vendredi, on pria dans ce décor désolé.
Les Damascains avaient déposé leurs armes et, terrorisés par les conséquences de leur
penchant à la guerre civile, ils se livrèrent à une autocritique publique et collective,
énumérant leurs parjures et leurs engagements non tenus. L’émotion passée, ils reprirent
le combat.
57 La première partie du plan avait été menée à bien. Les Orientaux, jugeant la situation en
ville intenable, s’étaient retirés à l’extérieur après avoir sévérement pillé la cité. Il
s’agissait maintenant pour les Damascains de rendre la vie impossible aux Maghrébins,
leurs alliés de la veille, afin qu’à leur tour ils abandonnent la ville. Ensuite, on pourrait
ouvrir la porte aux Banū Kalb, qui patientaient dans l’oasis. Malheureusement, les
Maghrébins furent victorieux et, excédés par les menées des milices locales, ils
poussèrent des cris de ralliement en faveur de Badr al-Ǧamālī, oubliant l’hostilité que
témoignait leur gouverneur, le Kutamite Mucalla b. Manzū, à l’égard de l’Arménien
converti. Les Maghrébins incendièrent une partie de la ville et à leur tour ils se livrèrent
au pillage.
58 Mismār b. Sinān se tenait à la porte de Damas. Les Damascains lui demandaient d’entrer
en ville pour combattre les Maghrébins. Il jugea plus prudent de négocier avec ces
derniers : il leur proposa de les laisser demeurer en ville en compensation d’un versement
de cent mille dinars qu’ils lui feraient. Ils acceptèrent l’offre, qui revenait à partager avec
lui le butin qu’ils retireraient du pillage de Damas contre sa neutralité bienveillante. Mais
Mismār attendit en vain le paiement de la somme ; grâce à son inaction, les Maghrébins
avaient pu piller en toute tranquillité pour cinq cent mille dinars de biens dans la ville,
mais ils n’entendaient pas les partager avec lui. Le chef kalbite se retira dans l’oasis. Les
Maghrébins poursuivirent les membres des aḥdāṯ à travers Damas et en exécutèrent
soixante-dix. Quant à Ibn Manzū, ayant vu ses troupes acclamer le nom de Badr al-Ǧamālī,
il jugea préférable de se réconcilier avec celui-ci et lui offrit sa sœur comme épouse. Badr
al-Ǧamālī lui accorda son investiture pour le gouvernement de Damas et le laissa en paix.
59 Badr al-Ǧamālī tenait sur le littoral Ascalon, Césarée, Acre et Sayda et il voulait mettre la
main sur Tyr qui gênait les communications entre le nord et le sud de son domaine. Le
port fortifié était quasi indépendant sous l’autorité du cadi-prince al-Nāṣiḥ Ṯiqat al-Ṯiqāt
c
Ayn al-Dawla Abū’l-Ḥasan b. cAbd Allāh b. Abī cAqīl, dont l’ism était selon les sources, cAlī,
158
Muḥammad ou Maḥmūd. Badr al-Ǧamālī assiégea donc la ville. Une première fois,
l’approche des troupes maghrébines d’Ibn Manzū l’avait contraint à s’éloigner mais, une
fois la paix conclue entre eux deux, il reprit le siège. Ibn Abī cAqīl dut trouver de
nouveaux alliés et il fit appel aux Turcomans35.
***
***
64 En rabīc II 463/janvier-février 1071, le sultān Alp Arslān était entré en Syrie pour obtenir
un aveu formel de soumission de Maḥmūd b. Nāṣr. Avant de mettre le siège d’Alep en
place, il avait ébauché une expédition en direction de la Syrie méridionale, expédition qui
l’avait mené dans le territoire de Homs, jusqu’à Qaryatayn, au sud de cette ville, sur la
route orientale de Damas. Ayant ravagé les iqṭāc kilabites, il revint vers Alep.
65 Les menaces que faisaient peser les Byzantins sur les Turcomans infiltrés en Arménie et
en Asie Mineure contraignirent Alp Arslān à abandonner son projet de conquête de la
Syrie méridionale et de l’Égypte. Il requit donc Maḥmūd b. Nāṣr, dont il avait obtenu la
complète soumission, et lui enjoignit d’organiser avec ses alliés turcs une expédition
contre Damas. Le prince d’Alep, accompagné des Banū Kilāb et des Turcs d’al-Sulaymānī,
se rendit à Baalabakk, mais ayant appris, comme nous l’avons vu, que son oncle cAṭiyya
menaçait Alep, Maḥmūd rebroussa chemin.
66 Or, en cette même année 463/1071, des Turcomans, conduits par Atsiz b. Uvaq et par ses
frères, ainsi que Ibn Ḫān, le frère de celui qui avait été tué à Tyr, et par Qaralū,
s’emparèrent de Ramla, détruite deux ans plus tôt par un tremblement de terre, et de
Jérusalem37. D’après Claude Cahen, Atsiz avait été appelé en Palestine par Badr al-Ǧamālī
« pour mettre à la raison les Bédouins, mais n’étant pas payé ce qu’il estimait lui être dû
(il) occupa, sans rejeter la ḫuṭba fatimide, avec la complicité d’un gouverneur turc,
Jérusalem, Ramla et toute la Palestine ». On peut remarquer que Ramla venait d’être prise
par Faḫr al-cArab, le frère de Nāṣir al-Dawla, avec l’appui des tribus arabes de la région. Il
serait logique de penser que c’était pour contrer cette tête de pont de Nāṣir al-Dawla en
Syrie méridionale et pour lutter contre l’infiltration des tribus arabes dans les territoires
et dans les villes de Palestine que Badr al-Ǧamālī aurait fait appel aux Turcs. Il avait
épousé lui-même la fille d’un chef turc de l’armée fatimide, Ruqṭāš, et lors du siège de Tyr
il avait déjà essayé de se gagner Ibn Ḫān. La politique qu’il menait depuis son arrivée en
Syrie était de s’opposer à l’envahissement de la Syrie utile par les Arabes des tribus. Peu
populaire parmi les troupes fatimides maghrébines dont il réprimait trop violemment les
désordres, et parmi les populations urbaines à qui il imposait de trop fortes contributions
fiscales, il était tenté de recourir aux Turcs, qui n’avaient pas encore établi de clientèles
dans le pays. Mais il comprit rapidement que les Turcs préféraient agir seuls et pour leur
propre compte.
67 Quand Maḥmūd repartit de Baalabakk pour la Syrie du Nord, un certain nombre des chefs
turcs qui avaient conquis la Palestine l’accompagnèrent. Les autres restèrent sur place et
ils essayèrent en vain de s’emparer de Damas, défendue par Mucalla b. Ḥaydara Ibn Manzū
et ses Maghrébins.
68 Badr al-Ǧamālī, s’appuyant sur des ports syriens puissamment fortifiés, pouvait supporter
de longs sièges tant que ses adversaires n’avaient pas la maîtrise de la mer. A Damas, la
situation était beaucoup plus précaire. Mucalla b. Ḥaydara fut, d’après les sources locales,
le plus détestable gouverneur depuis l’horrible Ǧayš b. al-Ṣamṣāma. Il faisait régner
violence et injustice et pratiquait des confiscations, s’attirant tout à la fois la haine des
élites et des aḥdāṯ. Ibn al-Qalānisī fait suivre son nom, chaque fois qu’il le cite, d’une
imploration de la vengeance divine, lacana-hu Allāh, comme s’il parlait d’un chef byzantin
ou croisé38.
160
69 Pourtant, Mucalla b. Manzū résista victorieusement avec l’appui des troupes maghrébines
aux assauts des Turcs. Atsiz b. Uvaq en fut réduit à revenir, à chaque printemps quand la
végétation éclatait dans l’oasis de Damas, pour saccager les abords de la ville, couper les
arbres, faire paître par ses chevaux les semis, ruiner les villages, en tentant d’oblitérer
toute trace de vie sédentaire en dehors de l’abri des murailles. La cité de Damas connut
une nouvelle fois la famine, l’exode et la dépopulation tandis que les combats entre aḥdāṯ
et soldats fatimides empiraient.
70 Ibn Manzū s’était réconcilié avec Badr qui, installé à Acre, le soutenait dans sa résistance
aux Turcs. Atsiz avait rapidement abandonné la fiction qui lui faisait prononcer la ḫuṭba
en faveur de l’Imām al-Mustanṣir. Quant Alp Arslān périt assassiné en rabī c 465/janvier
1073, Atsiz se rallia au nouveau sultān seldjoucide, Malik Šāh b. Alp Arslān, et fit
prononcer la ḫuṭba en faveur du calife abbasside39. Malik Šāh marqua son soutien à Atsiz
en lui envoyant des troupes en renfort. Or, en raǧab 465/mars-avril 1073, Nāṣir al-Dawla,
qui depuis des années menait en Égypte le combat contre al-Mustanṣir, fut enfin tué ; ses
parents et ses proches furent exterminés. Mais il se trouva de nouvelles factions pour
tenter de mettre la main sur le pouvoir. Dès l’année suivante, al-Mustanṣir, désespéré de
venir à bout de ses opposants, demanda à Badr al-Ǧamālī de venir en Égypte afin de
prendre en main les destinées d’un État fatimide au bord de l’anéantissement. Badr
accepta à condition d’emmener avec lui son armée. Il surprit tout le monde en effectuant
la traversée en ǧumādā I ou II 466/janvier ou février 107440. Il devait sauver l’Égypte
fatimide mais il créait en Syrie un vide dangereux, retirant tout recours à Ibn Manzū alors
que les contingents turcs accroissaient leur pression.
b. Manzū, dernier gouverneur légal de Damas pour les Fatimides d’Égypte, prit la fuite,
abandonnant la ville avant de la voir tomber entre les mains des Turcs. Il alla se réfugier à
Banyas. Mais un pouvoir de fait fatimide devait se maintenir sur Damas pendant quelques
mois. Les soldats de la garnison choisirent un gouverneur, Zayn al-Dawla Intiṣār b. Yaḥyā,
leur zimām. Intiṣār était un Maṣmūdī, membre de la tribu berbère où se recrutait le plus
gros de la garnison de Damas. Homme droit et intègre, il avait l’estime des soldats qu’il
commandait. Ibn al-Qalānisī, qui l’assimile à un gouverneur fatimide, qualifie son pouvoir
de wilāya. Ibn Asākir, le considérant comme un prince autonome, désigne ce pouvoir qu’il
exerça à compter du 1er Muḥarram 468/16 août 1075, sous le terme d’imāra. Tous deux
font d’Intiṣār un portrait très flatteur42. Mais la famine régnait sur la ville ; on y mangeait
des charognes et il y eut des cas d’anthropophagie. Les combats reprirent entre les aḥdāṯ
et les Masmūdī. Atsiz, qui guettait la ville, accrut sa pression. En dū l-qacda 468/juin-
juillet 1076, Intiṣār négocia avec le chef turc un amān et il put se retirer avec ses troupes
sur Banyas. Celui dont le nom signifiait « victoire » devenait le symbole du renoncement
fatimide sur Damas.
73 Atsiz rétablit la ḫuṭba en faveur du calife abbasside à Damas. L’Imām al-Muqtadī bi-llāh
venait de succéder à son grand-père al-Qā’im. Ibn al-Qalānisī emploie le terme al-Imām
pour désigner al-Muqtadī sans se rendre compte qu’il use d’une terminologie fatimide. De
même, il fait précéder le nom d’Atsiz d’al-Malik, le roi, laqab qui devait être octroyé à tout
souverain autonome de quelque puissance au siècle suivant, celui d’Ibn al-Qalānisī. Cette
année 468 représentait donc pour Damas celle de la transition entre deux époques, deux
vocabulaires. Cela ne fut pas sensible immédiatement car les Turcs d’Atsiz se conduisaient
encore plus mal avec les Damascains que ne l’avaient fait les soldats fatimides. La suite
immédiate de l’histoire d’Atsiz est bien connue et ne nous concerne pas. Il tenta en vain
de conquérir l’Égypte pendant que les Damascains priaient le Ciel pour qu’il connaisse la
pire des défaites. Il revint vivant mais presque seul. Badr al-Ǧamālī, à son tour, voulut
reconquérir la Syrie intérieure. Devant la menace, Atsiz fit appel à Tāǧ al-Dawla Tutuš, le
frère du sulṭān Malik Šāh. L’armée envoyée par Badr al-Ǧamālī qui assiégea Damas
s’éloigna à la nouvelle de l’arrivée des troupes seldjoucides. Tutuš profita de l’occasion
pour s’emparer de Atsiz et pour le mettre à mort en rabīc I 471/septembre-octobre 1078.
Damas entrait effectivement dans la mouvance seldjoucide.
74 Le retour de Damas à la ḫuṭba en faveur du calife abbasside et à l’appel à la prière sunnite
marque la fin d’une longue parenthèse dans l’histoire de cette ville, parenthèse qui avait
duré environ un siècle. Pourtant, les sources arabes médiévales ne consacrent que
quelques lignes à l’événement, comme s’il était négligeable43.
75 Les années qui suivirent la fin de la domination fatimide furent pour Damas et la Syrie
méridionale pires que tout ce qui était advenu pendant le siècle précédent. Sibṭ rapporte
que, lorsqu’après sa défaite en Égypte, Atsiz revint avec une poignée d’hommes à Damas
qu’il avait confiée à Mismār al-Kalbī, les élites qui l’accueillirent exprimèrent leur
angoisse devant la misère qui frappait la ville. Misère qui entraîna quelques villes de
Syrie, dont Jérusalem, à secouer la tutelle turcomane et à prononcer l’invocation en
faveur des Fatimides ; Damas, seule, demeura fidèle à Atsiz. La vengeance d’Atsiz fut
cruelle ; trois mille hommes furent tués à Jérusalem, dont le cadi et les témoins de
justice ; la répression s’étendit à Ramla dont la population avait fui. Atsiz envoya tant
d’argent à Damas que le cours du dirham passa de treize à cinquante dirhams pour un
dinar44.
162
76 Damas, quoique fidèle dans son refus des Fatimides, connut alors une déchéance extrême.
Il demeurait environ trois mille habitants, pour lesquels travaillaient deux boulangers,
alors qu’autrefois la ville en avait compté deux cent quarante. Les souks étaient vides ;
des boutiques qui avaient valu mille dinars ne trouvaient pas d’acheteurs pour un dinar.
Les maisons des beaux quartiers, invendables, étaient incendiées afin de recueillir le
charbon de bois. Les rats pullulaient et les chats étaient vendus à haut prix soit pour
lutter contre les rongeurs, soit pour servir, comme les chiens, d’aliments aux habitants
affamés. On s’en prenait même aux passants isolés que l’on faisait griller et que l’on
dévorait45.
77 Les ravages des Turcomans en Syrie centrale et méridionale dans la décennie
460-470/1068-1078, de même que ceux qu’ils causèrent en Syrie du Nord après 468/1075,
dépassèrent ce que ces contrées avaient enduré du fait des Maghrébins ou des tribus
arabes pendant les cent années antérieures.
78 Pourtant, il faut constater que le calme revint partiellement en Syrie à la fin du Ve/XIe
siècle. Le relèvement économique et démographique fut rapide au XIIe siècle. Malgré la
présence des Croisés sur le littoral ou à cause de celle-ci, des terroirs abandonnés de
longue date furent remis en culture en Syrie intérieure et le front de colonisation entama
profondément la steppe. Les Bédouins durent reculer devant les sédentaires. Des villages
furent reconstruits et Damas étouffa dans ses murailles. Des quartiers périphériques
apparurent autour de la vieille ville.
79 Pendant un siècle, Damas et la Syrie avaient paru s’assoupir sous la férule fatimide. Cette
période ne nous a laissé ni monument, ni objet spécifiquement syrien. En fait, la vitalité
du pays était demeurée intacte et la Syrie occidentale, notamment Tripoli, Sayda et Tyr,
avait connu un renouveau dès le début du XIe siècle 46.
NOTES
1. Ibn al-Qalānisī, 83-93, Ibn al-Aṯīr, IX, 501.
2. Al-Musabbiḥī, 181 v°-183 v° ; Ibn al- cAdīm, II, 263 et supra page 419 et 555-558 et 569 ; Ibn c
Asākir, (65°), IV, 170, ainsi que les références données page 335, note 1.
3. Cf. références page 438, note 1.
4. Maqrīzī, (107), 185.
5. Ṭāriq al-Mustanṣiri, Ibn al-Qalānisī,, 84, Safadī n° 145 ; Ibn Muyassar, 9 ; Nuwayrī. 65 ; al-
Muẓaffar, al-Musabbiḥī, 247 v°, Nāṣir Ḫusraw, 141, Ibn Muyassar, 7 fait reconstruire un pont sur
la Tora à Damas en 442H., voir RCEA, n° 2549 et 2651. et Sauvaget dans Syria, X, 137 ; le titre en
Malik al-Aǧall de 2549 mériterait sans doute une autre lecture ; dans 2651, al-Muẓaffar est un titre
et non un nom. Voir également, Maqrīzī, (107), index et Ibn Sa cīd (90°), 65.
6. Ḥaydara b. al-Ḥusayn, Ibn cAsākir, (65°), V, 21 ; Ibn Muyassar, 10 ; Safadī n° 94 ; Ibn al-Qalānisī,
85-86, 91. Al-Ḥusayn b. cAlī b. Muḥ. b. al-Ḥasan b. cĪsa al-Māšikī, ainsi le nomme Maqrīzī, (1110) ;
Ibn al-Qalānisī, 85 ; Ibn Ẓāfir, 80 ; Maqrīzī, (107), II, 209 et 264 ; Ibn Muyassar, 11, note 28 ; Ibn al-
Ṣayrafī, 64, pagination occidentale et note 5.
163
7. Ibn al-Qalānisī, 86 et 90, 91, 93, 95, Ibn cAsākir, (65°), IV, 290. La confusion entre le père et le fils
est si fréquente chez les historiens arabes que l’on est parfois tenté de se demander si les deux
expéditions menées à Alep à une douzaine d’années d’intervalle par les deux Nāṣir al-Dawla ont
véritablement eu lieu.
8. Voir al-cAzīmī, Tārīḫ Ḥalab, 343, année 448H., à propos d’Ibn al-Qalānisī.
9. Subuktakīn, Ibn al-Qalānisī, 90 ; Ibn cAsākir, (65°), VI, 63-64 ; Ṣafadī n° 118. Il s’agit peut-être du
même personnage que celui qui fut nommé gouverneur de la citadelle d’Alep par al-Dizbirī en
429H. cAbd al-cAzīz b. Aḥmad al-Kitānī, Ibn cAsākir, ZA, X, 174 r° et v° ; Sibṭ, obituaire 466H. ; Ibn
Abī Uṣaybica, II, 143 ; Elisséeff, (7), XLII, Bianquis (87), 207, note 1.
10. Ḥusām al-Dawla ibn al-Baǧnākī, Ibn al-Qalānisī, 79 et 91 ; Ṣafadī n° 55. Badr al-Ǧamālī, Ṣafadī
n° 56. Les autres références seront données infra.
11. Voir page 567 note 1 ; Ibn al-Qalānisī, 91 ; Ibn cAsākir, II, 264. Le rappel de Makīn al-Dawla de
la frontière byzantine sur le Jourdain est siginficatif. Le meilleur diplomate et général dont avait
disposé l’État fatimide depuis la mort d’al-Dizbirī se voit confier la lutte contre les Bédouins à
l’intérieur de la Syrie méridionale. Les grandes ambitions ont cédé la place aux obscures tâches
défensives.
12. Maqrīzī, (107), II, 255, rapporte qu’en 450H., on bâtit la coupole (al-qubba) qui se trouvait dans
la cour de la mosquée des Omayyades à Damas, à l’est de la mosquée, près de la porte du masḥad
de cAlī et que le nom de Mustanṣir fut inscrit sur cette coupole. Ibn cAsākir, (7) semble l’ignorer.
Voir Sourdel (120°), 37, note 4, à propos du mašhad de cAlī à l’est de la cour de la grande mosquée.
13. Sibṭ dans Ibn al-Qalānisī, 105, note 1.
14. Auteur d’ouvrages d’érudition et d’un éloge de Jérusalem. EI2, V, 330. Mort en 507, fut, au côté
de Gayṯ b. cAlī, l’auditeur du père de celui-ci, le muḥaddith cAlī b. cAbd al-Sallām b. Muḥammad b.
Ǧacfar Abū l-Ḥasan al-Armanazī, originaire de Syrie du Nord qui vint ensuite s’établir à Tyr. Le
récit concernant le Khatīb se trouve chez Sibṭ (80°°), 31 r° et v° avec des détails supplémentaires
concernant l’intimité entre le maître et le disciple et les conséquences que cela entraînait à
l’heure de la prière.
15. Al-Muḥsin b. Muḥammad Abī Turāb b. Abī Ṭālib Ibn Abī l’Ǧinn, mort en 436H. Ibn cAsākir, ZA,
XVI, 142 v°, ; Ibn Ṭūlūn n° 66 ; / Ibrāhīm b. al- cAbbās b. al-Ḥasan b. al-cAbbās Abū l-Ḥusayn
Mustaḫaṣṣ al-Dawla, 396H-454H., Ibn cAsākir, (65°), II, 220, ZA, II, 225 v° ; Ibn Ṭūlūn, n° 68 ; Ibn al-
Qalānisī, 91, Maqrīzī, (107), II, 267 ; Ibn Muyassar, 26, Ibrāhīm b. al- cAbbās b. al-Ḥasan b. al-
Ḥusayn b. cAlī b. Muḥammad b. cAlī b. Ismācīl b. Ǧacfar al-Ṣadiq, mort en 454H. après avoir été
deux fois cadi de Damas. / cAlī b. Ibrāhīm b. al- Abbās b. al-Ḥasan b. al-cAbbās Abū’l-Qāsim b. c
Abī’l-Ḥusayn b. cAbī cAlī b. Abī Muḥammad al-Ḫaṭīb, né en 424H. mort en 508H., Ibn cAsākir, ZA,
XI, 430 r° et v° ; Ibn al-Qalānisī, 131.
16. Abū l-Muḥassin al-Mufaḍḍal b. Muḥammad, Ibn. cAsākir,, ZA, XVII, 453 v°-454 r° et notice de c
Αlī b. Ibrāhīm, citée page 627 note 1 ; obituaires Sibṭ, Aḥmad III, 113 r°, 443H. et al-Ḏahabī (99),
Dār al-Kutub, parmi les morts des années 440H.
17. Abū l-Faḍl Ismā cīl b. Ibrāhīm b. al-cAbbās Faḫr al-Mulk, né 420H., mort 503H., Khaṭīb et cadi,
Ibn cAsākir, (65°), III, 13 et biographies de cAlī b. al-Ḥasan b. Muḥammad et de al-Ḥusayn b. cAlī b.
c
Umar ; Ibn al-Qalānisī, 95 / Ḥaydarab. Ibrāhīm b. al- cAbbās Abū Ṭāhir al-Sarif al-Sayyid Ibn Abī l-
Ǧinn, fut un des auditeurs du Khaṭīb al-Baġdadī, Ibn cAsākir, ZA, V, 198 r° (succint), les textes
intéressants se trouvent chez Sibṭ, partiellement cité Ibn al-Qalānisī, 96, à compléter par Sibṭ (80°
°°), 88 r°—89 r° qui précède et rend compréhensible le passage cité par Amedroz. Ibn Taġrī Birdī,
V, 13-15, 428h.
18. Abū l-Barakāt cAqīl b. al-cAbbās fut naqīb des Alides à Damas, a rapporté un hadith sur ahl al-
Bayt, Ibn cAsākir, ZA, XI, 369 r° et v°.
19. Badr al-Ǧamālī est un personnage connu et il est impossible de citer tous les passages des
chroniques arabes médiévales relatant ses actions ; voir EI 2, I, 894, qui contient une première
bibliographie et remplacer à la troisième ligne de la notice implacable par incapable, Nuwayrī, 71
164
donne l’information reprise par Becker selon laquelle il tiendrait son laqab al-Ǧamāl al-Dawla Ibn
c
Ammār. Ibn Sayrafī, Ibn Muyassar, et Maqrīzī, ne s’accordent pas sur la date exacte du passage
de Badr d’Acre en Égypte, voir Ibn Ẓāfir, 79 et note 277, Sāwīrus, II/II, 160 r°, place cette arrivée
au Caire dans les dix premiers jours de Tawba, entre le 27 décembre 1073 et le 7 janvier 1074, or
rabīc II 466H. s’achève le 1 er janvier et ǧumādā I le suit immédiatement, ce qui limite la période
possible. Maqrīzī, (109), II, 401, rapporte que Niẓām al-Mulk écrivit en 474H. pour que le corps
d’al-Šafīcī soit transporté du Qarafa à Bagdad, dans la madrasa al-Niẓamiyya ; Badr accepta mais le
transfert s’étant révélé impossible, le corps demeura au Caire où il fut l’objet d’un culte
populaire.
Pour les sources iraqiennes utilisées par Sibṭ, Badr fut en Syrie un fidèle partisan des Fatimides
alors que Nāṣir al-Dawla à Alexandrie préparait un passage de l’Égypte dans la mouvance
abbasside et seldjoucide. Sibṭ (80 °°°), 75 v°, 459H, rapporte qu’un fils d’al-Basāsīrī s’était réfugié à
Damas et que Bagdad put le faire empoisonner ; Badr al-Ǧamālī, alors gouverneur de la ville, fit
mourir sous les flèches ses assassins. Un autre fils d’al-Basāsīrī, réfugié en Égypte, eut peur d’une
action contre lui, menée par Nāṣir al-Dawla Ibn Ḥamdān et il partit se réfugier à Damas, dans un
tel état de détresse qu’il mourut six jours plus tard.
20. Pour Yaḥyā b. Zayd, voir page 440, note 1.
21. Ḥaydara b. Manzū, Sawirus, II/III, 164 v°, Ibn cAsākir, (65°), V, 22, Ibn al-Qalānisī, 92 ; Ṣafadī n°
195, Ibn al-cAdīm, II, 31, 462-463H. ; Sibṭ (80°°°), 59 r°, confusion entre Badr al-Ǧamālī et Badr b.
Muhalhal (Muhalhil).
22. Ibn al-Qalānisī, 92 ; Ṣafadī, n° 104, Durrī ou Durī b. cAbd Allāh.
23. Sibṭ (80°°°), 64 r° et v°, 457H.
24. Sibṭ écrit Burǧ Bāb al-Ḥadīd, la Tour de Bāb al-Ḥadīd, au lieu du Marǧ Bāb al-Ḥadīd, désignation
habituelle de l’espace libre, ancienne prairie humide en bordure du Barada et du Banias, au pied
de la muraille, au nord de Bāb al-Ḥadīd. Il vaut mieux suivre Ibn al-Qalānisī, 93, car aucun texte
ne mentionne une telle tour.
25. cAlī b. Aḥmad al-Sulamī, voir page 278, note 1. cAlī b. al-Ḫiḍr, voir Ibn cAsākir, ZA, XII, 40 v°-41
r° et Sibṭ (80°°), 23 r°, 459H.
26. Sibṭ (80°°°), 88 r° et suiv. ; voir page 444, note 1. Ibn al-Qalānisī, 93, Maqrīzī, (107), II, 274. Il
existe un Badr b. Ḥāzim, Ibn al-Qalānisī, 94 et 97, Maqrīzī, (107), II, 317 et Sibṭ, cité dans Ibn al-
Qalānisī, 109. Ce Badr qui put être le fils de Ḥāzim b. cAlī b. al-Mufarriǧ Ibn al-Ǧarrāḥ était installé
à cAmmān dans la Belqa et plus tard il vint en aide à Badr al-Ǧamālī en Haute Égypte. Pour
certaines sources, ce n’est pas un Ṭayy mais un Kalbī ; dans ce cas, ce pourrait être le fils Ḥāzim b.
Nabhān al-Qirmiṭī al-Kalbī. Voir Ibn Muyassar, 14, 446H. ; Sibṭ, dans Ibn al-Qalānisī, 97, 461H.
27. Ibn cAsākir, (65°), IV, 346, donne al-Ḥusayn b. cAlī b. cUmar b. Dawūd Abū cAbd Allāh b. Abī l-
Riḍā al-Anṭākī pour ce personnage né en 394H. et enterré en 493H. au Kahf, sur les pentes du
Qasyūn, inaugurant ainsi une coutume qui allait se répandre chez les Soufis et chez les
Hanbalites, aux siècles suivants. A notre sens, le nasab doit être corrigé en al-Ḥusayn b. cAlī b.
Moḥammad b. cAlī b. Dāwūd car Ibn cAsākir, ΖA, XI, 273 r° qualifie de wālid al-Qāḏī Abi cAbd Allāh al-
Ḥusayn, un cAlī b. Muḥammad b. cAlī b. Dawūd Abū l-Riḍā al-Anṭākī qui fut enterré en 451H., sous
les ombrages de Bāb al-Faradis. Il se peut que cette famille ait désiré conserver son identité de
réfugiés d’Antioche, occupée par les Byzantins, en refusant de se faire enterrer au cimetière de
Bāb al-Saghīr. Si notre hypothèse était juste, le document publié dans le JESHO, 1972, par D. et J.
Sourdel porterait l’attestation du témoin al-Ḥusayn b. cAlī b. Muḥammad al-Anṭākī, c’est-à-dire
Ibn Abī l-Riḍā, le futur vicaire d’Ibn Abī l-Ǧinn, à la date de 435H.
28. Sibṭ (80°°°), 78 V-79 ν°, 460H. Arrivée de Bāriz Ṭuġān, 81 v°.
29. Bāriz Ṭuġān, Ṣafadī, n° 54 ; Ibn al-Qalānisī, 94, 460H., Ibn Muyassar, 33.
30. Al-Qaṭiyān, peut-être pour al-Fityān. Sibṭ, cité dans Ibn al-Qalānisī, 97, en note, idem Sibṭ (80°°
°), 89 v°. S’il y a erreur, elle provient du manuscrit. De même, Sibṭ 89 r° et cité Ibn al-Qalānisī, 96,
165
écrivent Banū Subayš pour les Arabes des tribus dont Badr se rendit maître, alors qu’un tel nom
de fraction n’existe pas. Il doit s’agir de la fraction de Ṭayy appelée Banū Sanbas.
31. Sibṭ (80°°°), 76 v°, la Syrie à Badr, le Ṣa cīd égyptien aux Maghrébins, le Delta et Alexandrie à
Nāṣir al-Dawla Ibn Ḥamdān, et 90 v°, cité dans Ibn al-Qalānisī, 97, en note. Le premier texte
reflète la situation en 459H., le second en 462H.
32. Abū l-Ḥasan Mu calla b. Ḥaydara b. Manzū b. al-Nu’mān al-Kutāmī Ḥiṣn al-Dawla ibn Ḥiṣn al-
Dawla. Ibn cAsākir, ZA, XVII, 10 v°, Ibn al-Qalānisī, 95 et 108, Ibn Muyassar,, 25, Ibn Ẓāfir, 69,
Maqrīzī, (107), II, 270 et index. Voir références à Sibṭ page 631 note 1. Ṣafadī n° 258.
33. Sibṭ, 461H., cité dans Ibn al-Qalānisī, 97.
34. Ḥassān b. Mismār, voir Ibn al-Qalānisī, 167, 503H. et note 1, citant Sibṭ, 466H. avec le texte de
l’inscription ; cIzz al-Dīn est étonnant, en attendrait cIzz al-Dawla, à cette époque et pour un chef
militaire et politique, mais le ms Sibṭ (80°°°), 125 v° porte un texte identique à celui qu’a relevé
Amedroz. cUddat Amīr al-Mu’minīn semble désigner le calife abbasside et non l’Imām al-
Mustanṣir comme le voudrait Sibṭ et, vu la date, cela serait plus plausible. Voir RGEA, 2704,
incomplet. cAmīr b. Ḥassān b. Mismār al-Ḥawrānī, cité dans M. Allard, « Un pamphlet contre al-
Ašcārī », BEO, XXIII, 1070, 148. Une intaille découverte à cArqa au Liban par la Mission
archéologique française et dont la gravure semble d’époque fatimide porte d’après S. Ory, la
mention Ḥassān b. Mu’ammār, à rapprocher de Ḥassān b. Mismār ?
35. Maqrīzī, (107), II, 47, note Abū l-Ḥasan Muḥammad b. cAbd Allāh b. cAlī b. cAyyād ; 303, 462H.,
son père, ? Abūl-Ḥasan cAlī b. cAbd Allāh b. cAlī b. cAyyād (ou ’Iyyād) Ibn Abī cAqīl ; Sibṭ dans Ibn
al-Qalānisī, 97, 461H., Muḥammad b. cAbd Allāh b. Abī cAqīl, Abū l-Ḥasan ; Abū Muḥammad cAbd
Allāh b. ’Ayyād (ou ’Iyyād), Ibn al-cAdīm, I, 274, cadi de Tyr, cité au côté de cAyn al-Dawla Abū l-
Ḥasan cAlī b. ’Aqīl, Ibn Taġrī Birdī, V, 63, signale la mort en 450H. de cAbd Allāh b. cAlī b. cAyyād
Abū Muḥammad al-Ṣūrī ’Ayn al-Dawla, reprenant une information de Sibṭ, obituaire 450H.
Ḏahabī, (99), obituaire 450H., cAbd Allāh b. cAlī b. cAyyād b. Abī cAqīl Abū Muḥammad al-Ṣūrī al-
Qâdī cAyn al-Dawla. On trouve également Maḥmūd b. cAbd Allāh. Seul, un travail approfondi sur
les transmetteurs du hadith à Tyr permettra d’établir clairement le nasab. Voir Sam cānī, 356 r°,
Abū Ṭālīb cAlī b. cAbd al-Rahmān b. Abī cAqīl al-Ṣūrī.
36. Sibṭ (80°°°), 94 r°, 462H. ; Cahen (175), I, 28 ; Zakkar (8), 196 ; voir aussi Ibn al-Qalānisī„ 98 ; Ibn
al-cAdīm, II, 31 et 56. Le frère survivant d’Ibn Ḫān est mentionné par Sibṭ (80°°°), 99 r°.
37. Sibṭ (80°°°), 102 V. Cahen (175), I, 29 et 34.
38. Ibn al-Qalānisī, 99, 463H.
39. Deux notices rédigées par Claude Cahen, « Alp Arslān », EI 2, I 435-436 ; « Atsīs b. Uvaq », EI,2,
I, 773.
40. En fait dans les premiers jours de janvier, voir page 629, note 2.
41. Ibn Muyassar, 41 et 44 ; Maqrīzī, (107), II, 214. Cahen (175), I, 34-36.
42. Ibn cAsākir, (65°), III, 134 ; Ibn al-Qalānisī, 108-109 ; Ṣafadī n° 44.
43. On trouvera le récit des événements qui ont suivi la chute de Damas dans Ibn al-Qalānisī, 108
et suivantes ; en note, des passages de Sibṭ, édités par Amedroz, et qui donnent des détails que les
autres historiens ont négligés. A notre sens, les diverses tentatives menées par les Fatimides pour
reconquérir, au moins partiellement, la Syrie intérieure, après la chute de Damas entre les mains
d’Atsiz, relèvent d’une histoire de cette région qui commencerait à l’invasion turcomane. C’est
pourquoi, en Syrie du Nord, comme en Syrie centrale et méridionale,. le seul objet de notre
recherche, après 457/1065 a été le recul progressif de l’administration fatimide et la mise en
place de nouveaux pouvoirs, soit arabes, uqaylide, munqidhite, kalbite, soit turcs, n’a pas été
analysée pour elle-même mais seulement pour l’image que voulurent en donner les historiens
plus tardifs. L’existence des ouvrages de Cahen (175) et de Zakkar (8) m’autorisaient à un tel
parti-pris.
166
44. Sur la répression turque à Jérusalem, voir Sibṭ, en note d’Ibn al-Qalānisī, 111, Ibn al Aṯīr, X,
103, 469H. ; Cahen (176), 27 et suiv. ; EI2, V, 328, d’après Ibn al Aṯīr,. Autre point de vue. Sāwīrus,
II/III, 179 r°.
45. Sibṭ, en note d’Ibn al-Qalānisī. 111. L’historien évalue à cinq cent mille habitants la
population de Damas avant ses malheurs, chiffre extravagant, sans doute obtenu par le
raisonnement suivant : si deux boulangers nourissent trois mille personnes, deux cent quarante
en auraient nourri au moins trois cent soixante mille, arrondi à cinq cent mille. Damas fatimide
ne dépassait guère les murailles, sauf dans la région de Chaghour et dans celle de Bāb al-Faradis,
soit en tout, environ cent trente hectares, soit une population située entre trente mille et
cinquante mille habitants, soit entre cent vingt cinq et deux cent dix consommateurs par
boulanger, ce qui paraît raisonnable. Aucun chiffre de population n’a été évalué dans notre étude
sur la Syrie fatimide. Dans une seconde partie, utilisant une documentation plus large et les
études contemporaines, les questions démographiques seront abordées mais non résolues car les
renseignements fiables manquent. L’exemple des boulangers permet de comprendre la difficulté
de toute statistique. Il a toujours existé plusieurs façon de fabriquer le pain dans une même ville,
au même moment, en Syrie. Les gens qui disposaient d’un espace suffisant préféraient le
fabriquer chez eux ; certains le faisaient venir des villages proches. Le pain utilisé couramment
avec de l’huile d’olive et des condiments n’est pas le même que celui qui est consommé avec la
viande grillée et qui doit être acheté alors qu’il sort du four ou du tannour, quelques instants
avant le repas. Sibṭ parle de deux boulangers pour trois mille habitants d’une ville vide et où les
espaces à l’abandon et le bois à brûler, celui des maisons, abondait ; dans un tel contexte, la
plupart des familles devaient fabriquer leur propre pain et les rôtisseries professionnelles grosses
consommatrices de pain de boulanger ne fonctionnaient sûrement pas. Dans les périodes de
prospérité, le mode de consommation était totalement différent.
46. La liste des villes littorales dans lesquelles l’invocation continua à se faire en faveur d al-
Mustanṣir, après la chute de Damas, n’a pas été établie avec rigueur à notre connaissance, et les
sources consultées ne nous éclairent guère. La nature des liens, simple adhésion religieuse,
versement d’un tribut, nomination de fonctionnaires fatimides demeure également à préciser.
Ramla, al-Arish, Ghaza, Jaffa étaient dévastées, Tartouse, occupée avec d’autres forteresses par
Tutuš, Ibn al Aṯīr, X, 121, 474H. Tyr et Tripoli étaient autonomes. La situation varia
considérablement pendant ces années, voir Maqrīzī, (107), II, 326, 482H., reconquête par les
Fatimides de Tyr, Sayda, Ǧubayl et Acre, expédition à Baalabakk, entrée de Homs dans la
mouvance fatimide, Sāwīrus, II/III. 185 r° et v°.
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1 Lors des pages précédentes consacrées au récit des événements qui se sont déroulés en
Syrie pendant ce siècle de présence fatimide, des thèmes de réflexion ont parfois été
suggérés au lecteur, le simple énoncé des faits semblait les évoquer. Il a paru utile de les
regrouper à la fin de ce travail autour de quelques interrogations, amorce de cette
seconde partie, plus théorique, annoncée en introduction.
5 La Syrie du Nord, après la tentative malheureuse qu’y firent les armées envoyées par Ǧa c
far ib. Falāḥ, demeura longtemps hors du champ des préoccupations fatimides. Alep,
contrairement à Damas, fut pendant presque toute cette période la capitale d’une
principauté autonome. Son champ d’action géographique était, nous l’avons vu, plus
facile à délimiter que celui de Damas, le littoral méditerranéen et la Syrie centrale en
étaient exclus. La route commerciale contrôlée par Alep avait une importance vitale pour
Byzance et n’offrait guère d’intérêt pour les Égyptiens quand ceux-ci tenaient Tripoli et
Homs. Jusqu’à la mort d’Ibn Killis, le protectorat grec sur le ǧund de Qinnasrīn ne fut pas
contesté par le Caire. Al-cAzīz dépensa beaucoup d’argent et usa son armée toute neuve
pour acquérir la gloire du ǧihād en Syrie du Nord. Al-Ḥākim, plus habilement, sut profiter
de l’opposition entre les Banū Kilāb et Manṣūr b. Lu’lu’ pour annexer à bon compte la
province.
6 Les conséquences de ces actions menées hors du champ d’opération naturel des armées
fatimides furent durement ressenties sous al-Ẓāhir quand la présence fatimide en Syrie
méridionale fut combattue par une coalition de toutes les tribus arabes. La Palestine et
Damas furent sauvées mais Alep, sauf pendant de courtes périodes, ne devait plus être
administrée directement par un gouverneur fatimide. Pourtant, l’appel à la prière chiite
et l’invocation à Dieu, le vendredi, en faveur de l’Imām du Caire furent maintenus à Alep
presque jusqu’à la chute de Damas entre les mains d’Atsiz. C’était là plus le signe d’un
refus d’allégeance au califat sunnite de Bagdad que la reconnaissance de l’autorité morale
du Fatimide d’Égypte. La population s’en accomodait fort bien et il fallut la contrainte
pour qu’elle accepte la manifestation publique de son rattachement à la mouvance
idéologique de Bagdad. Il est vrai que le Caire avait presque toujours toléré un partage
d’influence avec Byzance, principal partenaire commercial, alors que Bagdad, reprise en
mains par les Seldjoucides, menait une action vigoureuse de ǧihād.
7 Une fois abandonné le projet d’action contre les Abbassides, même en tenant compte de
l’opération montée par Basāsīrī et le Dācī Mu’ayyad, comment peut-on expliquer l’intérêt
continu que portèrent les Fatimides à la Syrie alors qu’ils perdirent sans regret l’Afrique
du Nord et la Sicile ? Les sources consultées ne fournissent pas de chiffres précis sur le
tribut que versait chaque ǧund au Caire1. Les indications données par Ibn Ḥawqal et al-
Muqaddasī au début de la conquête fatimide sont connues. Elle concernent des chiffres
relevés dans la première moitié du IVe/Xe siècle. Après remboursement de leur part aux
percepteurs, l’État recevait entre 1,5 et 2,6 millions de dinars chaque année pour
l’ensemble des ǧund de Qinnasrīn, Homs, Damas, Jourdain et Palestine. La somme est à
rapprocher des trois millions de dinars auquel se montait le ḫarāǧ d’Égypte, lors de
l’arrivée de Ǧawhar. Mais, pendant le siècle qui suivit cette arrivée, les chiffres durent se
modifier et aucune indication précise ne nous est parvenue. Pourtant, le montant élevé
des fortunes réunies tant par Anuštakīn al-Dizbirī que par les chérifs de Damas et par les
princes mirdassides d’Alep donnent à penser que l’or fut très abondant en Syrie à cette
période. Al-Ǧarǧara’ī comptait sur le trésor de la citadelle d’Alep pour renflouer les
finances du Caire et une des causes de son hostilité à Dizbirī tenait au fait que celui-ci
avait laissé les Mirdassides emporter le métal précieux quand ils quittèrent la ville.
8 L’Ifrīqiyā payait également un tribut élevé au Caire. L’intérêt porté à la Syrie avait
d’autres causes. Il a été question à plusieurs reprises des iqṭāc qu’Ibn Killis détenait dans
cette province. Même s’il n’est pas attesté, le fait devait être général parmi les hauts
dignitaires de l’État. L’indépendance climatique de la Syrie permettait d’obtenir des
récoltes de céréales abondantes alors que la crue avait été insuffisante en Égypte. Le
169
transfert par mer de quantités importantes de grains offrait des possibilités de bénéfices
immédiats, particulièrement élevés en cas de crise frumentaire. Les ventes consenties
certaines années à Constantinople élargissaient le marché potentiel. La population
urbaine s’était développée tant en Égypte qu’en Syrie ; les moyens de paiement étaient
abondants. Le revenu élevé de certains chefs kilabites, revenu provenant seulement d’iqṭā c
agricoles, s’explique ainsi. Par contre, nous ignorons si du blé était expédié en Iraq par
l’Euphrate ou si la Ǧazīra suffisait à approvisionner Bagdad.
9 Al-Mucizz, quand il quitta l’Ifrīqiyā, confia à Bulukkin Yūsuf b. Zīrī, chef de la tribu
berbère Ṣanhāǧa, le gouvernement de la province. La dynastie indigène administra celle-
ci d’une manière autonome pendant plus de quatre-vingt ans avant de se détacher du
Caire.
10 En Syrie, le choix politique des Fatimides fut moins clair, hésitant comme nous l’avons vu,
entre l’occupation partielle et l’occupation totale, entre l’administration directe ou
l’investiture accordée à une principauté semi-indépendante. Les élites militaires et civiles
s’affrontèrent d’autant plus rudement que le service en Syrie était important pour une
progression régulière dans le cursus. Des familles, ayant des attaches avec le dīwān al-Šām,
se spécialisèrent dans ce service.
11 Ǧacfar b. Falāḥ, le conquérant fatimide de la Syrie, eut parmi ses successeurs à Damas, ses
deux fils, Salmān et cAlī. Son petit-fils, Muḥammad b. cAlī, fut gouverneur d’Alep. Un
autre Kutamite, Nazzāl, ou selon d’autres sources, Bazzāl ou Yazzāl, fut un énergique
gouverneur de Tripoli, sous al-cAzīz. Il intervint à Damas contre Munīr al-Ṣaqlabī. Ses
deux fils, Muḥammad et Muṭahhir, furent successivement gouverneurs de Damas sous al-
Ḥākim. Un autre fils, Nāṣr Allāh, joua à la même époque un rôle en Syrie du Nord. Sous al-
Ẓāhir, il fut gouverneur de Ramla. Le dernier gouverneur en titre de Damas, fut
gouverneur de Damas Mucalla b. Ḥaydara b. Manzū b. Nucmān, un kutamite, avait eu un
père gouverneur de Damas à deux reprises. Kutamites également, Abū Maḥmūd Ibrāhīm
et son neveu Ǧayš b. al-Ṣamsāma, tous deux plusieurs fois gouverneurs de Damas et qui
exercèrent des fonctions analogues dans d’autres capitales de ǧund syriens. Enfin,
Ḥaydara b. al-Ḥusayn b. Mufliḥ, deux fois gouverneur de Damas au milieu du Ve siècle,
était peut-être kutamite. Son père, ancien administrateur en Syrie, devait être pensionné
par le dīwān al-Šām. Son grand-père avait été gouverneur de Damas, sous al-Ḥākim et le
muḥtaṣib de Miṣr en 382, Ḥumayd b. Mufliḥ était sans doute son oncle.
12 Les émirs arabes hamdanides, après de Mawṣil, servirent les Fatimides à Alexandrie, à
Tyr, à Tripoli et à Damas. Abū’l-Muṭāc fut gouverneur de Damas sous al-Ẓāhir ; son neveu
al-Ḥasan b. al-Ḥusayn, son petit-neveu al-Ḥusayn b. al-Ḥasan le furent sous al-Mustanṣir.
Les Banū cUqayl, des Arabes proches des Carmates comme l’étaient les Hamdanides,
avaient exercé des fonctions importantes en Syrie à l’époque ikhchidide et kafouride.
Mulhim b. Dinār al-cUqaylī avait à cette époque été chargé de l’administration du Hauran
et de la Batanée. Son fils, Abū’l-Gays Ḥamīd, gouverna Damas pour al-Ḥākim après cAlī b.
Ǧacfar b. Falāḥ. Son petit fils, Abū cAlī al-Ḥasan Makīn al-Dawla, eut une action
importante en Syrie du Nord face aux Byzantins au milieu du Ve siècle. Il fut un moment
gouverneur d’Alep en 452 et, deux ans plus tard en 454, il était gouverneur de Tibériade et
de Acre, chargé de remettre de l’ordre parmi les tribus du Jourdain. Ibn Duqmaq
mentionne un cAlī b. Mulhim qui aurait construit une mosquée sur Kum Dinar, à
l’intérieur de Fusṭāṭ ; peut-être s’agit-il d’un membre de la même famille.
170
13 Une famille joua un rôle important à Tripoli à la fin du IVe siècle et au début du Ve siècle,
les Banū Ḥaydara, mais les renseignements donnés par les sources sont insuffisants pour
établir une généalogie. cAbd al-Wāḥid b. Ḥaydara Abū’l-Ḥasan commanda l’armée de
Tripoli ; son fils cAlī, mentionné en général comme cAlī b. Ḥadayra, fut cadi de Tripoli
mais commanda également l’armée fatimide en Syrie du Nord ; il fut mis à mort sur ordre
d’al-Ḥākim. Sous le règne d’al-cAzīz, il avait défendu Tripoli contre Basile II alors que le
gouverneur fatimide, le Kutamite Muẓahhir b. Nazzāl voulait la livrer. Il participa
également à la répression de la révolte de cAllāqa à Tyr. Son fils Abū’l-Qāsim Hibat Allāh
fut également cadi de Tripoli. Un Abū Muḥammad al-Ḥusayn b. Ḥaydara fut loué à Tripoli
par le poète al-Tihāmī au début du Ve siècle.
14 Ces indications éparses, recueillies au hasard des sources conservées, témoignent d’une
certaine relation de confiance qui s’était établie entre les dīwān du Caire et quelques
grandes familles kutamites ou arabes, aptes à fournir des administrateurs compétents.
Une remarque s’impose : les Turcs fournirent nombre de gouverneurs et de généraux de
qualité, et pourtant, lors de notre recensement, aucune famille turque ayant donné
naissance pendant plusieurs générations à de grands commis de l’État fatimide n’est
apparue. Seul cas retenu, celui de Yūsuf b. Yārūḫ, gouverneur de Damas en 407, fils de
Yārūḫ qui fut commandant de l’armée en Syrie et dont la mère, après le meurtre de
Yārūḫ, avait épousé Satakīn, qui fut gouverneur de Damas juste avant Yūsuf. Yārūḫ avait
épousé, nous l’avons vu, une fille d’Ibn Killis. Là apparaît la seconde faiblesse de notre
démarche : le système de classement des noms arabes ne nous éclaire que sur la lignée
paternelle. Les ascendances maternelles ne sont précisées que dans les seules familles de
chérifs car le mariage s’y pratiquait de préférence entre un descendant du Prophète et
une descendante du Prophète.
15 L’ignorance des lignées matrilinéaires occulte une stratégie du mariage qui a
vraisemblablement existé. Quelques traits rapportés dans les biographies de cadis
d’Égypte le prouvent. Nous avons eu l’occasion de citer des alliances conclues grâce à un
mariage entre des chefs de tribus arabes différentes ou entre Anūštakīn et ces tribus. Des
cas d’élèves épousant la fille de leur professeur et succédant à celui-ci sont mentionnés
dans les milieux du hadith. La pratique devait donc être générale mais ne faisait
qu’exceptionnellement l’objet d’une consignation2.
***
16 La Syrie perdit sous le règne d’al-cAziz sa vocation intiale d’être la base d’une offensive
contre Bagdad. Après la défaite d’Alp Takīn en 368/978 et jusqu’à l’épisode d’al-Basāsirī
en 450/1058, il y eut coexistence du califat abbasside et de l’imamat fatimide sans
affrontement autre que verbal. L’activité carmate hostile au régime du Caire, si active
pendant les dix premières années de celui-ci, prit fin également avec la capture d’Alp
Takīn.
17 A la fin du règne d’al- cAzīz, l’armée fatimide affronta l’armée byzantine. La période
d’hostilité ouverte dura une dizaine d’années jusqu’au début du règne personnel d’al-
Ḥākim. Il y eut ensuite une courte reprise à l’époque d’al-Ẓāhir quand al-Dizbirī tenta
d’empêcher la destruction des forteresses musulmanes de la région côtière, et une autre
reprise de quelques années sous le règne d’al-Mustanṣir quand Makīn al-Dawla mena des
opérations contre les Byzantins après le refus des Grecs de livrer des céréales à l’Égypte.
171
18 Le rôle de l’armée de Syrie fut avant tout celui du maintien d’un ordre menacé soit par
des individualités indépendantes, jouissant d’un soutien local, Alp Takīn par exemple, soit
par des généraux factieux comme Munīr al-Ṣaqlabī, soit par des populations révoltées
sous la conduite de chefs de milices urbaines comme Qassām ou cAllāqa, soit par des
paysans illuminés, comme les Druzes, soit par les tribus arabes, Ṭayy, Kilāb ou Kalb.
19 Opération de maintien de l’ordre ne signifiait pas action de simple police. Les troupes de
Qassām, les cavaliers kilabites des Mirdassides étaient des combattants bien entraînés,
bien équipés, pouvant se mesurer à n’importe quel soldat de métier. La première armée
fatimide, celle des tribus berbères, riche en effectifs et en enthousiasme, se révéla
insuffisante face à ses adversaires, les ġulām ikhchidides, les volontaires carmates, les
cavaliers hamdanides d’Abū Taġlib. Ǧawhar et Ibn Killis en eurent conscience.
20 Certains attribuent cette faiblesse à l’absence d’archers, par exemple, lors du siège de
Damas. A mon sens, les archers défendaient utilement une muraille, interdisant son
approche aux assaillants ; par contre, lors d’une attaque de ville, les flèches lancées
contre celle-ci n’avaient aucune efficacité réelle, les assiégés pouvant se défiler. La preuve
en est donnée par le récit qu’Ibn al-cAdīm consacre à l’action de Malik Šāh contre Alep. De
même, dans une bataille en rase campagne, les archers pouvaient harceler l’ennemi,
notamment lors d’une embuscade, mais ne pouvaient emporter la décision.
21 Les deux armées occupant leurs positions, face à face, un espace dépassant la portée d’un
arc séparant les deux fronts de bandière, la victoire revenait à celui qui pouvait le
premier rompre la ligne qui lui faisait face, soit par une attaque tournante débouchant
sur les arrières, soit par une attaque en coin à la jonction entre une aile et le corps
central, soit par une rupture directe, soit enfin, par une fuite simulée, entraînant
l’adversaire sur un terrain choisi d’avance où une embuscade avait été montée. On ne sort
pas de ces quatre figures dans tous les récits de bataille rapportés pour cette époque.
22 Le front était tenu par des troupes à pied, condamnées au massacre en cas de défaite. Plus
elles étaient nombreuses, plus leurs lignes pouvaient être épaisses et difficiles à percer,
plus aussi, le front était étendu et difficile à tourner pour les cavaliers. Ceux-ci faisaient
en effet la décision. La cavalerie d’élite, peu nombreuse, montée sur des chevaux rapides
et robustes, caparaçonnés, était protégés par des cuirasses, des cottes de maille ou des
tuniques rembourrées, et casqués. Les cavaliers turcs pouvaient tirer à l’arc tout en
galopant vers les lignes ennemies, puis ils jetaient leurs arcs et conservaient une masse
d’armes et une lance ou un sabre. Chevauchant, côte â côte, ils attaquaient de face le
point du front qu’ils avaient repéré préalablement comme plus fragile. Le but était de
percer les lignes adverses et d’y créer la panique3.
23 Une fois le désordre créé dans le front ennemi, l’infanterie s’ébranlait pour aller occuper
le terrain et la cavalerie légère, non cuirassée, les Bédouins Ṭayy, par exemple,
pourchassait les fuyards, massacrant la piétaille, faisant prisonniers ceux qui pouvaient
payer une rançon. Ce schéma théorique ne rend compte d’aucune bataille en particulier
mais cherche simplement à faire ressortir le rôle différent confié à chacun.
24 La réforme entreprise sous le règne d’al-cAzīz consista avant tout à créer cette cavalerie
mi-lourde qui manquait cruellement aux Fatimides. Il fallut vingt ans pour amener la
nouvelle armée au niveau de sa mission. Pendant ces années de gestation, l’insuffisance
qualitative fut maladroitement corrigée par un accroissement quantitatif. De nouveaux
groupes de Berbères vinrent d’Afrique du Nord. Les ġulām turcs, libérés par les défaites
des Hamdanides de Mawṣil et d’Alep et qui passaient pour les meilleurs soldats de
172
l’époque, constituèrent l’élite de la nouvelle armée mais des esclaves noirs, moins chers,
furet achetés en grand nombre pour occuper statiquement le champ de bataille. Des
tribus arabes furent recrutées pour faire la police du désert et pour éclairer la marche de
l’armée dans les zones steppiques.
25 A la fin du règne d’al- cAzīz, deux armées existaient. Des troupes d’élites, en général
turques, peu nombreuses, mais bien montées et bien armées, suivaient des chefs, des
ġulām, rémunérés grâce à des iqṭāc qui leur permettaient d’entretenir partiellement leurs
hommes. Ils disposaient ainsi d’une certaine autonomie à l’égard du trésor. D’un autre
côté, une grande armée, aux ethnies variées, à l’armement disparate, dépourvue de
chevaux, qui ne se réunissait guère que pour les revues et pour les fêtes religieuses. Le
poids des soldes versées s’alourdissait d’année en année du fait des pensions dues aux
anciens combattants et aux descendants de combattants. Les dīwān militaires se
transformaient en coûteuses institutions sociales.
26 Le financement de cette grande armée inutilisable était trop lourd même en temps de
paix. La déqualification des soldats et la misère pour nombre d’entre eux démoralisaient
l’armée, mettant son unité en péril. Pour survivre, chaque groupe se faisait attribuer une
perception fiscale, un domaine de l’État. Il faisait pression, moralement ou physiquement,
sur les autorités civiles du dīwān pour obtenir ce qu’il estimait son dû. Ce dépeçage de la
chose publique débuta sous al-cAzīz ; al-Ḥākim tenta de le freiner. Le phénomène reprit
sous al-Ẓāhir. Le vizir al-Ǧarǧarā’ī s’efforça de ralentir la montée des dépenses militaires
et la montée des prix qui en résultait. La catastrophe éclata, peu après sa mort sous le
règne d’al-Mustanṣir. Maqrīzī a décrit le pillage des caisses de l’État fatimides et des biens
privés de l’Imām par les troupes et les chefs de l’armée conduite par Nāṣir al-Dawla b.
Ḥamdan, l’ancien gouverneur de Damas. Les années 458 à 462 marquèrent l’apogée de
cette crise et la ruine de l’État fatimide.
27 La multiplication des châteaux en Syrie du Nord et en Ǧazīra, la constitution en Syrie
centrale et méridionale de principautés autonomes autour d’une ville fortifiée ou d’un
port-frontière ne peuvent s’expliquer que par l’incapacité de l’État fatimide d’utiliser
cette grande armée après la révolte d’Abū Rakwa. Les échecs des deux Hamdanides et de
Rifq devant Alep en sont la preuve. Chaque place retranchée protégeait grâce à une
garnison de cavaliers cuirassés de quelques centaines d’hommes son espace vital sur un
rayon d’une ou deux journées de cheval. Le numéraire n’arrivait plus de l’Égypte ruinée ;
les tributs perçus en Syrie ne pouvaient plus être expédiés dans la métropole, où ils
auraient été pillés. Dès lors, la présence en Syrie après 458 de hauts fonctionnaires civils
et militaires, faisant dire la ḫuṭba au nom d’al-Mustanṣir, ne signifiait plus l’intégration
dans l’Empire mais l’existence d’une vague mouvance religieuse. Un attachement de
routine envers l’État fatimide liait les familles accoutumées au service en Syrie. Mais
l’autonomie financière de fait modifiait les rapports entretenus avec les populations
locales. A l’exemple d’al-Dizbirī, dans les années 420-430, un réseau d’alliances se nouait,
grâce à des mariages, entre les gouverneurs nommés et les chefs de tribus arabes. Il n’y
avait plus de différence essentielle entre le pouvoir exercé par un général fatimide, un
chef de tribu arabe, un cadi de port fortifié. La politique locale primait sur les rapports
avec le Caire ou Bagdad. Il fallait compter avec les petites tribus bédouines des environs
et les aḥdāṯ des villes. On les armait ou on les combattait, tour à tour.
28 Cette dilution du pouvoir fatimide et militaire explique que l’infiltration des Turcs en
Syrie fut à la fois aisée et lente. Badr, le général le plus fidèle à la notion d’État, était trop
impopulaire à Damas et à Tyr pour animer utilement un mouvement de résistance
173
dans les villes, les prix montèrent plus haut à chaque disette, les périodes de crise
frumentaire s’allongèrent et se rapprochèrent tout à la fois. Elles se transformèrent
souvent en famines meurtrières, aggravées par des épidémies violentes. La population
considérable de Fusṭāṭ-Le Caire, le développement des ports méditerranéens d’Égypte et
de Syrie, des villes de Ǧazīra, l’abondance du numéraire, l’accroissement des échanges
avec Byzance et l’Europe méditerranéenne, créèrent une tension sur le marché des
grains. Un plus grand nombre de personnes, disposant d’un pouvoir d’achat plus
important, devinrent des clients potentiels pour une nourriture plus riche et plus variée.
Dès lors, les Arabes des tribus qui devaient se procurer les céréales sur les mêmes
marchés virent l’offre se raréfier et les prix monter. Ce schéma théorique est confirmé
par un fait historique, la simultanéité des grands mouvements bédouins contre les
terroirs sédentaires et les hausses des prix alimentaires après des crues insuffisantes du
Nil ou une mauvaise récolte en Syrie. L’Orient arabe fut enfermé dans un double étau de
carence et de violence. La grande famine d’Égypte après 456, suivie quelques années plus
tard par les famines d’Alep et de Damas, fit disparaître brutalement une partie de la
demande urbaine et permit une reconstruction de l’économie sur des bases différentes
dans l’Égypte du second État fatimide et dans la Syrie seldjoucide. Mais cela sort de notre
propos.
35 Pendant le siècle de présence fatimide en Syrie, il y eut quelques changements dans la
carte des tribus. Les Banū cUqayl, influents au milieu du IVe siècle en Syrie centrale,
Damas, Baalabakk, et sur le Jourdain avaient disparu de cette région, un siècle plus tard. Il
se peut qu’ils aient gagné la Ǧazīra et soient à l’origine de l’État uqaylide de Mawṣil. Les
Banū Murra et les Banū Fazāra qui les avaient combattus au début de la période fatimide
demeurèrent dans le Hauran et sur le Jourdain, tribus pauvres et nuisibles pour les
campagnes. Mais les Banū Kalb, installés entre Palmyre et Homs au IVe siècle furent
repoussés vers le sud par les Banū Kilāb et investirent dans la seconde moitié du Ve siècle,
l’oasis de Damas et le Hauran, refoulant les petites tribus qaysites vers le Jourdain et la
Palestine où elles causèrent à nouveau des dommages aux cultures. Les plateaux à l’est du
Jourdain étaient toujours dominés par les Ṭayy qui, après leur séjour en Syrie du Nord et
en territoire byzantin dans les années 420-430, avaient regagné les confins de la steppe
arabe. Quant à la Syrie du Nord, la période fatimide vit s’affirmer la prépondérance des
Banū Kilāb sur les autres tribus qaysites qu’avaient combattues Sayf al-Dawla ; elles
furent repoussées dans le Diyār Muḍār, sur la rive gauche de l’Euphrate. Les Banū Numayr
constituèrent un État autour de Harran. A la fin de la période, les Banū cUqayl
réinvestirent le Diyār Muḍār, autour de Raḥba, puis la Syrie du Nord, où ils prirent le
meilleur sur les Banū Kilāb. Mais les victoires turques modifièrent à nouveau cette
répartition.
36 La modification la plus importante, à notre sens, ne fut pas le transfert d’une région à une
autre, de telle ou telle tribu, les attestations qu’en donnent les sources sont
insuffisamment fondées pour être toujours crédibles. On ne dispose pas pour le Ve siècle
d’une œuvre solide comme celle d’Ibn Ḥawqal pour le IVe siècle pour bien suivre ces
mouvements. Plus pertinentes seraient des recherches qui porteraient sur les attitudes
variées qu’adoptèrent les tribus arabes face aux populations sédentaires.
37 Les tribus les plus puissantes, celles qui comme les Banū Kilāb et les Banū cUqayl,
parvinrent à créer une cavalerie lourde capable de se mesurer avec les ġulām turcs,
fondèrent des États. Leurs chefs acquirent une mentalité d’ordre, mettant fin à une
tradition de valorisation de l’anarchie et de refus du bornage et de l’appropriation
175
individuelle de l’espace. L’ancienne solidarité, celle du lien du sang, dont le signe était le
nasab suivant le nom, fut mise doublement à l’épreuve. A l’intérieur de la tribu, les
familles qui s’adjugèrent la principauté, les Banū Mirdās pour les Banū Kilāb, les Banū
Musayyib pour les Banū cUqayl, tendirent à se séparer des autres familles et à modeler
leur attitude sur un modèle extérieur à la tradition arabe, royauté bouyide, basilicat
byzantin. Maḥmūd b. Ṣāliḥ demanda un titre en malik au Basileus. Accepter un laqab en
dawla c’était reconnaître l’attrait d’un appareil étatique et rattacher le chef arabe, et sa
tribu à travers lui, à la famille dynastique détenant le pouvoir légitime, al-sulṭān,
personnification charnelle de l’État.
38 Dans la principauté d’Alep, les autres chefs de famille kilabite, fauteurs potentiels de
troubles, furent surveillés et au besoin combattus. A l’extérieur de la tribu, la vieille
solidarité qaysite avec les tribus du nord de la steppe, Qays cAylān, Qušayr, demeurées
bédouines, fut abandonnée. La respectabilité du Prince d’Alep ne lui permettait plus de
frayer avec des va-nu-pieds.
39 La domination des Banū Kilāb sur la Syrie du Nord, pendant trois quarts de siècle, ne fut
pas dommageable aux cultures. Le système des iqṭāc qu’ils appliquèrent les amenait à
vivre en féodaux, aux dépens des villageois. Mais soucieux de perpétuer leurs sources de
revenus, ils assuraient la sécurité et l’ordre dans les territoires qui leur étaient soumis. On
rencontre des pratiques analogues chez les Banū Numayr de Harran, chez les Kurdes
marwanides du Diyār Bakr, chez les Banū cUqayl de Mawṣil, alliant la protection à
l’exploitation.
40 A l’inverse, les tribus arabes plus fragiles, sans doute parce que s’appuyant sur une steppe
plus sèche qui ne pouvait nourrir une cavalerie lourde, celles de Syrie méridionale,
conservèrent leur mode de vie et leur mentalité de bédouins. Les Banū’l-Ǧarrāḥ
survécurent et sauvegardèrent leur implantation sur la rive gauche du Jourdain pendant
tout le siècle de présence fatimide, dans un environnement naturel difficile et menacé. Ce
fut là une grande victoire pour une tribu qui comptait plus de vingt mille membres.
41 L’opinion arabe urbaine leur reprochait leurs multiples trahisons. Les compagnons de
combat qu’ils livrèrent à des ennemis à l’issue d’une bataille malheureuse, les
changements de camp au milieu du combat ne se comptaient plus. La mascarade de
422/1031, Ḥassān b. al-Mufarriǧ, rentrant en Syrie, au milieu de troupes grecques avec
une croix sur le front, n’avait jamais été oubliée. A plusieurs reprises, les Banū’l-Ǧarrāḥ
s’étaient alliés aux Imams fatimides, à plusieurs reprises, ils s’étaient alliés à d’autres
tribus arabes contre ces Imams. L’opportunisme le plus absolu présidait aux relations
extérieures de la tribu, opportunisme qui n’hésitait pas à transgresser la tradition
d’hostilité entre Yaman et Qays, lors d’alliances avec Banū Fazāra, Banū Murra ou Banū
Qurra.
42 La conduite des Banū l-Ǧarrāh, des Ṭayy, en général, comme des Banū Kalb ou des autres
tribus qui n’avaient pas choisi de constituer un État à base territoriale s’opposait
totalement à celles des Banū Kilāb. Deux impératifs absolus guidaient la conduite des
premières ; la survie matérielle à court terme de la tribu devait être assurée à tout
instant, sa liberté de mouvement et de choix de son genre de vie ne devait être entravée
par aucun engagement. Cette double restriction n’était jamais exprimée lors de
négociations avec un tiers mais le partenaire, grâce aux traditions de l’histoire orale,
devait se tenir pour averti.
176
43 Les tribus qui firent choix de rester semi-nomades, de conserver un genre de vie bédouin,
connurent pendant le siècle de présence fatimide une évolution symétrique, donc
opposée, à celle suivie par les Banū Kilāb. Les liens de sang qui jusque là étaient
prépondérants dans les relations à l’intérieur comme à l’extérieur de la tribu passèrent au
second plan, ou du moins, ne furent plus les seuls à fonder la solidarité. Les liens de
condition devinrent, à leur tour, déterminants. L’alliance avec une autre tribu ne
dépendait plus pour les Ṭayy de l’appartenance de cette tribu à la mouvance yamanite, ou
même à la mouvance arabe, il y eut des alliances avec des tribus berbères ou kurdes, mais
d’un commun refus de la sédentarisation, un refus des frontières et des cadastres sur
lesquels étaient fondés les États territoriaux. De leur côté les Banū Kilāb répudièrent les
liens de sang pour se rapprocher de ceux qui acceptaient avec eux le principe d’un État.
Dans les deux cas, l’anarchie fondamentale qui présidait aux relations à l’intérieur de la
tribu amenait de petits groupes à adopter une attitude opposée à la position générale.
Dans de nombreux combats de la fin du IVe siècle, on trouve les Banū Kilāb de Syrie du
Nord dans les deux camps. Pendant tout le Ve siècle des fractions de cette tribu luttèrent
contre l’hégémonie des Banū Mirdās. De même, Badr b. Ḥāzim b. al-Ǧarrāḥ, rompit avec
sa tribu en livrant, contre l’avis général, le chérif Ibn Abī’l-Ǧinn à Badr al-Ǧamālī. Dès lors,
il adopta une position de soutien continu au général fatimide dans ses entreprises de
maintien de l’ordre contre les tribus révoltées. Badr b. Ḥāzim fut le principal artisan de la
victoire de Badr al-Ǧamālī en 469/1077 contre Kanz al-Dawla en Haute Égypte.
44 Cette double réaction des tribus arabes face à l’espace approprié et cultivé, l’envahir par
la force pour l’offrir comme pâturage à ses troupeaux ou, à l’inverse, investir l’État
protecteur pour être associé à son exploitation, s’était déjà manifestée au Ier siècle de
l’hégire, lors de la conquête musulmane. Certaines tribus s’étaient alors intégrées au
milieu rural, tribus yéménites dans la Ghouta à Deraya, tribu qaysites dans la Ghouta du
nord et en milieu urbain, dans la ville de Damas. D’autres tribus avaient opté pour la
marginalisation volontaire. Chaque siècle vit de nouvelles tribus arabes quitter le genre
de vie bédouin pour se fixer. Jean-Claude Garcin a montré que le processus inverse put
avoir lieu en Haute Égypte. De même, les Turcomans se livrèrent à des dépradations dans
les terroirs cultivés alors que les Seldjoucides venaient ensuite rétablir un ordre et une
hiérarchie étatiques.
45 Il faut donc différencier d’une part la condition bédouine, un mode de vie volontaire ou
non de nomade ou de semi-nomade, et, d’autre part l’ethnie arabe qui se réfère à une
langue et à un mode de parenté endogamique qui avait été celui des Bédouins arabes mais
qui avait pu être conservé par des groupes tribaux depuis longtemps sédentarisés ou
même urbanisés. Des non-arabes, Kurdes, Turcomans, Berbères, adoptaient en certaines
circonstances ce mode de vie nomade ou semi-nomade. Les femmes et les enfants se
déplaçaient avec les hommes, la nourriture était avant tout lactée et carnée. Les céréales
qui apportaient un complément en certaines périodes de l’année étaient fournies soit par
des producteurs ruraux soit par des commerçants urbains grâce à des accords de troc ou à
des achats ; parfois, elles étaient acquises par la contrainte. En effet, le choix d’un mode
de vie errant impliquait pour tous les adultes mâles la capacité de combattre afin de
défendre les leurs et d’assurer leur subsistance. Les déplacements fréquents de chacun
des groupes entraînaient une organisation politique souple et décentralisée faisant appel
à plusieurs chefs de famille, plus ou moins égaux entre eux, et dont le pouvoir était
souvent limité par des conseils d’anciens. Dans le cas où l’ensemble de ces conditions
étaient remplies, on pouvait dire que le mode de vie de ces non-arabes était comparable à
177
celui des Bédouins mais on ne pouvait leur appliquer ce qualificatif réservé aux
arabophones menant ce genre d’existence. Etait arabe qui parlait arabe et faisait partie,
par naissance ou par adoption, d’une des tribus dont la généalogie était recensée
officiellement.
46 On peut classer en trois grands groupes les Arabes au Ve siècle de l’hégire. Le premier
était constitué par les tribus bédouines de la péninsule arabique et des steppes
communiquant avec elles. Le second, vivant dans les mêmes régions et dans les régions
cultivées proches de ces steppes, comprenait les tribus arabes qui avaient conservé leurs
structures de parenté traditionnelles mais qui avaient abandonné certains aspects du
mode de vie bédouin ; ils ne refusaient plus un État fondé sur un territoire dont une
partie importante pouvait être cultivée, ils ne refusaient plus une hiérarchie et une
amorce de bureaucratie étatique, ils ne refusaient plus de souscrire à des pactes écrits les
engageant à long terme envers des États sédentaires. Le troisième groupe, le plus
important, était constitué par les descendants d’Arabes des tribus et les arabisés, installés
comme agriculteurs dans des villages ou ayant acquis un mode de vie urbain. Certains
conservaient un souvenir de leur origine tribale, ou même une généalogie précise ; les
liens de sang continuaient à jouer mais à l’échelle de la famille élargie locale et non plus
de la tribu ; de nombreuses autres solidarités les guidaient, religieuses, topographiques,
professionnelles, sociales, économiques.
47 L’évolution qui se dessinait en Syrie aux IVe et Ve siècles concernait donc en premier chefs
les deux premiers groupes cités. Les bédouins arabes se découvraient une solidarité de
situation avec des non-arabes semi-nomades plus agissante qu’avec des tribus arabes du
second groupe, du même sang qu’eux. Les tribus arabes qui, comme les Banū Kilāb,
abandonnaient le genre de vie bédouin, se trouvaient en solidarité de situation avec
Arabes et arabisés, paysans ou urbains, et cette solidarité nouvelle dévalorisait à leurs
yeux les liens de sang qu’ils avaient pu conserver avec des tribus demeurées nomades.
Cela revient à dire qu’à l’intérieur des groupes arabes qui ne s’étaient pas intégrés à la
civilisation sédentaire islamique aux siècles précédents, une faille se dessina entre ceux
qui choisirent de s’y intégrer progressivement et ceux qui optèrent pour une
marginalisation accrue au côté d’autres groupes ethniques.
48 Ce schéma est trop théorique pour rendre compte d’une réalité humaine beaucoup plus
nuancée et les options ne furent jamais aussi claires. Il peut, cependant, être utile comme
élément d’une analyse des relations entretenues par une tribu avec les groupes
environnants5.
sont inconnus quand on les recherche, man lā yūǧad wa lā yucraf iḏā ṭulib, des laissés pour
compte, ramadiyya, des gueux, sūqa, des sales types, duccār, ou ḏuccār, des rôdeurs, cayyārūn,
des canailles, ḫarāfīš. un ramassis, awbāš al-nās, ils fourmillent comme des sales bestioles,
ġawġā’, des petits malins fiers-à-bras, šuṭṭār, des coupeurs de bourse, ṭarrārūn, des
intrigants, ġammāzūn, des agitateurs, murǧifūn, des hommes en armes, ḥamalat al-silāḥ ;
recrutés dans la lie du peuple, asqaṭ al-nās, ils sont corrompus, menteurs, mufsidūn,
convoiteux, ṭummāc, ils créent le désordre, fasād, recherchent la fraude, yaṭlubūn al-bāṭil, et
se livrent au racket, en se faisant payer leur protection, ya’ḫuḏūn al-ḫifāra. Des termes
analogues et d’autres, aussi violents se trouvent dans les édits émanant d’al-Ẓāhir et
condamnant les mauvaises gens qui ont envahi les campagnes égyptiennes ainsi que ceux
qui tentent de se faire payer des pensions par les dīwān, sans en avoir le droit 6.
51 Il est normal que dans une période de croissance urbaine rapide, de numéraire abondant,
la Syrie et l’Égypte aient vu une population de jeunes, nombreux et mal assimilés,
s’accumuler dans certaines villes. A la même époque, des malfaiteurs faisaient la loi dans
plusieurs quartiers à Bagdad ; on les désignait sous le vocable, al- cayyārūn, et ils étaient
capables d’affronter des troupes régulières. Les sources sont plus riches sur ces bandes
qui sévissaient en Iraq que sur leurs homologues en Syrie. Claude Cahen a analysé le
phénomène dans l’ensemble de l’Orient arabe ; ses travaux sont devenus la référence
classique sur la question.
52 La documentation à notre disposition émane d’honnêtes gens, souvent incapables
personnellement de porter les armes, qui n’aimaient pas cette population de l’ombre, la
connaissant mal et la craignant. Les termes péjoratifs employés pour la désigner en
témoignent. Les termes que ces malandrins employaient pour parler d’eux-mêmes n’ont
pas été conservés. Pourtant, un récit rapporté par l’historien des Patriarches d’Alexandrie
sur la révolte survenue à Tinnis, en Égypte, au début du règne d’al-Mucizz sur ce pays, a
consigné l’appellation, šabāb šuǧcān, « jeunesse courageuse » que s’étaient donnée un
groupe d’un millier de jeunes musulmans, alf ġulām muslimīn, qui s’étaient attaqués aux
riches, al-aġniyā, de cette ville, principalement des marchands chrétiens. Mais, dans ce
texte, le terme non péjoratif d’aḥdaṯ est utilisé pour désigner les mêmes jeunes gens
révoltés. De même, dans les nombreux textes d’Ibn cAsākir et d’Ibn al-Qalānisī concernant
les jeunes damascains en armes et combattants, des termes péjoratifs variés peuvent être
employés alternativement avec le terme aḥdāṯ, jeunes gens. Toute étude sur ce
phénomène politique et social qui a touché les villes arabes aux IVe et au Ve siècles de
l’hégire débouche sur cette question : où passe la ligne de partage entre d’une part les
malandrins regroupés en bandes armées et faisant pression sur les possédants pour
obtenir des subsides, des biens, des maisons ou des femmes et d’autre part l’institution
connue dans certaines villes, celle de milices armées formées de civils et participant à la
défense de la ville ou au maintien de l’ordre ?
53 Une première réponse pourrait être trouvée dans le fait que les termes péjoratifs sont
utilisés en général dans la première partie des textes pour désigner l’origine, le
recrutement de ces opposants à l’ordre social, les voyous dans la phase de focalisation du
mécontentement. Le terme aḥdāṯ s’appliquerait à la seconde phase, l’organisation de ces
mécontents en une faction dotée d’un chef, parfois d’un emblème, drapeau et d’une
musique de fifres et de tambours sur le modèle militaire ; ayant une base territoriale
définie par un quartier, constituant un embryon de force armée, cette faction aurait alors
vocation à s’institutionnaliser, et à se faire reconnaître par les honnêtes gens comme
participant au maintien de l’ordre.
179
***
54 Des troubles prolongés ou des actions visant à prendre le pouvoir par la force sur une
ville, imputables à des civils en armes, sont signalés par les sources à Damas, à Alep, dans
plusieurs villes du littoral syrien, ainsi que dans la plupart des villes importantes de
Ǧazīra. Pour l’Égypte, à part la révolte très bien décrite de Tinnis, et les troubles de
Fusṭāṭ-Le Caire, rien d’analogue n’est consigné.
55 Toutes les villes citées ont une population importante, une activité économique variée,
artisanat, souqs, négoce lointain, et comptent de fortes minorités de tributaires. Des cas
de violences dirigées contre ces tributaires sont signalés à l’occasion de troubles de ce
genre à Antioche, juste avant la conquête byzantine, à Tinnis, à Damas et à Fusṭāṭ ainsi
qu’en Ǧazīra, il est vrai dans un contexte de ǧihād. A Alep où les chrétiens furent victimes
de mouvements populaires, l’auteur melkite Yaḥyā écrit que pour combattre les Banū
Kilāb, Manṣūr b. Lū’lū’ rassembla les mauvais garçons, min al-sūqa wa’l-awbāš, ainsi que des
chrétiens et des juifs. La terrible défaite que connurent ces troupes improvisées prouve
que les tributaires n’étaient pas formés au métier des armes et que cette étrange coalition
sortait de l’ordinaire.
56 Pour Damas, nous l’avons vu, les textes sont relativement riches et ils localisent les
bandes de jeunes gens à proximité des portes, à l’intérieur comme à l’extérieur de la ville.
Chaque porte de la cité avait sa bande, ḥizb, disposant d’un territoire urbain et péri-urbain
qu’elle protégeait et rançonnait. Des bédouins en rupture de tribu, des villageois ayant
quitté la terre, des urbains marginalisés s’y côtoyaient. La concomitance des mouvements
de résistance armée dans Damas et dans l’oasis est attestée aussi bien pour la révolte
d’Ibn Abī Yaclā contre Ǧacfar b. Falāḥ, que pour celle qui se déroula alors que cAbd al-
Raḥīm ibn al-Yās était gouverneur en 410. Quand Ǧays b. al-Ṣamṣāma décida d’anéantir
les aḥdāṯ, il mena des opérations aussi bien dans la ville de Damas que dans la Ghouta. Ces
faits attestent de la spécificité des rapports entre Damas et les régions agricoles
environnantes, la Ghouta, le Marǧ, les vallées proches dans le Ǧabal Sanir ; chaque village
formait un petit ensemble cohérent mais englobé dans un ensemble humain plus vaste
qui couvrait toute la région de Damas. Les autres mouvements d’aḥdāṯ décrits en Syrie et
en Ǧazīra regroupaient parfois des paysans fraichement installés en ville, mais le cadre de
leur action demeurait strictement urbain.
***
57 Les noms propres désignant les membres de ces milices populaires affectaient, nous
l’avons vu, une forme spéciale. Non précédés par une kunya, ils consistaient en un nasab
fictif, suivi parfois d’une nisba, surnom. L’ism pouvait exister ou ne pas exister.
58 L’absence de kunya retirait au malandrin le statut d’honorabilité, réservé au géniteur de
mâle, chef de famille, ayant vocation, l’âge venu, d’accéder à la dignité de šayḫ, ancien.
Les šayḫ prenaient part aux instances politiques et administratives « informelles » de la
cité, avaient à se prononcer sur les choix vitaux en cas de crise et procédaient à la
répartition de l’assiette fiscale. Le malandrin ne disposant pas du mahr, somme lui
permettant d’acquérir en mariage une fille d’artisan ou une fille de commerçant, ne
pouvait donc aspirer à ce statut honorable.
180
59 L’historien des Patriarches dit des révoltés de Tinnis : « chacun d’eux faisait ce qui lui
plaisait, si bien qu’ils prenaient de force les filles vierges à leurs parents et, de même, ils
s’emparaient des femmes mariées ». Naïvement, le narrateur atteste que « faire ce qui lui
plait » consiste pour un jeune homme pauvre à s’emparer des filles et des femmes
d’autrui. La pauvreté de ces jeunes gens qui d’une part ne leur permettait pas de manger à
leur faim et les incitait à accepter des invitations à des banquets, ne leur permettait pas
non plus de satisfaire à leur appétit sexuel, d’où les déchaînements lors des révoltes. Plus
subtilement, cette pauvreté leur interdisant le mariage les rejettait hors des honnêtes
gens et les condamnait à demeurer en situation marginale.
60 Avant l’arrivée des Fatimides en Syrie, Damas avait été le théâtre d’une lutte entre la
classe des anciens, ṭabaqat al-šuyūḫ, encadrant traditionnellement le peuple de Damas, ahl
Dimašq, et un groupe d’habitants de Bāb Ṣaġīr, qawm min ahl Bāb al-Ṣaġīr, regroupés autour
des Banī Karwāš et de la pègre du quartier, awbāš al-nās min Bāb al-Ṣaġīr. Ils s’opposaient à
propos de la nomination d’un cadi, les premiers optant pour le très austère Yusūf al-
Mayānaǧī, les seconds pour Muḥammad b. cAbd Allāh b. al-Walīd. Or, comme nous l’avons
vu, les cadis avaient l’obligation quand ils procédaient à un mariage d’interroger la jeune
fille et de ne sceller l’union qu’avec l’accord clairement exprimé de celle-ci. Au IVe siècle,
les reproches furent fréquemment faits aux cadis de négliger cette obligation. Il est
probable qu’une jeune fille à qui l’on demandait à treize ou quatorze ans de devenir la
troisième ou la quatrième épouse d’un vieux commerçant édenté, et dont le seul exercice
était d’aller de chez lui à son échoppe et de celle-ci à la mosquée la plus proche,
n’acceptait pas de gaieté de cœur, surtout si elle avait aperçu dans la rue quelque jeune
homme vigoureux, fraîchement arrivé de sa campagne et habile à manier les armes.
Pierre Guichard a montré dans son travail portant sur l’Espagne arabe comment les élites
politiques et sociales retenaient, grâce à l’endogamie, leurs filles, tout en profitant de leur
suprématie pour faire entrer dans leur ensemble familial les filles des autres.
61 Les pseudo-nasab que portaient certains membres des milices, fils d’un nom féminin, « la
Chanteuse », « l’Etincelle », indiquaient peut-être une naissance illégitime qui les
privaient de toute protection familiale. Dans d’autres cas, « fils du Limaçon », animal
dégoûtant, le nasab est injurieux. Qassām, fils d’une bonne famille arabe de Talfita et dont
le père devait être connu à Damas en tous cas dans le quartier de Bāb al-Farādis ne fut pas
couramment désigné chez Ibn cAsākir ou chez Ibn al-Qalānisī par son nasab ou par sa
nisba, al-Ḥāriṯi. On préférait accoler au nom de Qassām des nisba de dérision faisant
allusion à son activité d’éboueur ou de terrassier. L’emploi par des sources, soit
contemporaines des événements, soit géographiquement proches de Talfita, du nasab réel
ou de la nisba tribale aurait constitué une atteinte inutile à l’honneur de cette famille dont
Qassām était issu, mais avec laquelle il devait couper, au moins provisoirement, tout lien
public une fois qu’il avait accompli son « choix » de devenir un mauvais garçon.
62 Le village était une cellule vivante, cohérente et homogène. La ville en était une autre,
simplement plus vaste et moins homogène. La transgression de la frontière invisible qui
séparait un établissement dans le village d’un établissement dans la ville devait respecter
les règles d’accession à la dignité urbaine, sinon l’individu perdait une protection sans en
gagner une autre7. Quand une famille de chérifs quittait la Mekke ou Médine pour aller
s’installer à Damas, elle préparait son installation en faisant appel à la parentèle déjà sur
place. Il n’en allait pas de même pour le jeune migrant qui allait rejoindre d’autres
compagnons de misère dans des logements de fortune à l’intérieur ou à l’extérieur des
portes de la ville. Il n’avait que sa force physique à vendre. Incapable de fonder une
181
famille légale, il ne pouvait donner son nom ni à une dār, maison dans le sens matériel du
terme qui aurait abrité ses enfants puis les familles conjugales que fonderaient ses fils, ni
à un bayt, maison lignée (même acception que dans Maison de France) à laquelle tous ses
descendants seraient heureux de faire référence par leur nasab et leur nisba.
***
63 Pourtant, la souplesse de la société islamique était telle qu’après le départ d’Alp Takīn,
Qassām tint la réalité du pouvoir à Damas et put convoquer à la grande mosquée les chefs
de famille. Il leur fit signer un procès-verbal, c’est à dire légitimer son autorité. Qassām,
aidé des aḥdāṯ, et grâce à son opportunisme politique, sut résister à plusieurs offensives
fatimides. S’il avait pu continuer à réussir dans sa tentative et, grâce à une alliance, se
maintenir suffisamment longtemps pour que son fils lui succédât, il aurait alors accédé au
statut d’amīr. Il aurait ainsi retrouvé et nasab et nisba ; une kunya aurait précédé son nom.
Sa famille aurait été heureuse de le compter parmi les siens. La réussite aurait annobli
toute la parenté mais, grâce à l’occultation du nasab de l’aventurier tant qu’il prenait des
risques, l’échec n’était qu’individuel. Quand il fut vaincu, peu de gens lui vinrent en aide.
64 Dans les villes de Ǧazīra, les exemples de princes ayant acquis une légitimité reconnue de
tous alors que leur origine était humble et que leur accession au pouvoir n’avait été
rendue possible que par le recours à la violence et au complot sanglant, n’était pas
exceptionnelle. A l’origine de la dynastie marwanide, on trouve meuniers et brigands
kurdes. cAbd al-Barr, le seigneur d’Amid, était le chef du souq de la viande. Son gendre,
Abū Ṭāhir Yūsuf b. Dimna aurait commencé sa vie active comme portefaix, trainant les
sacs de blé au moulin, puis il avait été égorgeur au souq de la viande. Il succéda à son
beau-père grâce à deux meurtres. Il tua d’un coup de crochet de boucher (cūqāfa), le
prince marwanide Abū’l-cAlī qui cheminait devant lui et sous sa protection. Il tua son
beau-père d’un coup de sabre alors que celui-ci était venu souper chez sa fille, à son
invitation. Quand Ibn Dimna devint prince d’Amid, il prit comme chambellans ses
camarades du souq à la viande. Personne ne lui reprocha jamais, ni ses origines, ni ses
meurtres, et il fut un très bon et très honorable prince.
65 Une distinction est donc nécessaire entre des révoltes comme celle de Tinnis ou de Tyr,
animées par une forte revendication sociale et menées par des populations de jeunes
célibataires que la marginalisation conduisait à la misère et entre le coup de main que
pouvait monter un individu à la tête d’une bande, même si celle-ci était recrutée parmi la
partie la plus pauvre de la population. La finalité d’un tel coup pour son auteur était de
« devenir prince » à la place du prince et non de changer la répartition des biens, les
rapports sociaux ou les fondements de la morale sexuelle. Dans les deux cas, les désordres
ne duraient guère. Le nouveau prince pouvait extorquer des fonds et une fois qu’il était
devenu riche, les marchands du souq ne lui refusaient plus leurs filles. Dès lors,
l’intégration dans l’élite urbaine allait de soi. Les mouvements nés de la misère et
regroupant des centaines, voire un millier de jeunes gens, pouvaient durer plusieurs mois
mais ils étaient tous voués à l’échec. A Tinnis, il suffit qu’un grand négociant fît offrir
mille dinars aux cents chefs de bande, soit un dinar par combattant, pour que ceux-ci
consentissent à ouvrir les portes de la ville à l’armée fatimide. Ce négociant, un chrétien,
et le général fatimide s’étaient engagés à ne faire aucun mal aux rebelles. Une fois l’armée
en ville, ils les convoquèrent comme cela avait été secrètement convenu d’avance, à un
banquet à l’issue duquel ils les firent tous massacrer. Contre un mouvement
182
communautaire ou collégial qui invoquait dans son programme le partage des femmes ou
des biens, les honnêtes gens s’estimaient en droit à recourir au parjure ou à faciliter
l’entrée de la cité aux armées d’un ennemi traditionnel ou d’un prince hérétique. Les
élites musulmanes et les tributaires agissaient en ce cas de conserve8.
***
66 L’institution des aḥdāṯ s’installa solidement tant à Damas qu’à Alep. Elle devait se
développer en Syrie et en Ǧazīra après le départ des Fatimides. L’hypothèse que nous
avions avancée dans des travaux anciens était la suivante : regroupés en milices et armés,
les jeunes gens constituèrent le bras séculier d’une volonté d’autonomie urbaine. Cette
institution fut financée par les marchands et les artisans des souqs. Des chérifs en furent
les chefs charismatiques ; les hommes de mosquée lui fournirent une idéologie et parfois
la manipulèrent. Les guerres menées par les Damascains contre les Fatimides en 359-360,
puis en 363-364, s’expliquaient ainsi. Au siècle suivant, ce schéma aurait été repris par la
famille des Banū Abī’l-Ǧinn contre Badr al-Ǧamālī. En développant cette hypothèse, on
pouvait penser que l’accession au pouvoir avait tari le sentiment d’injustice qui avait
poussé les mauvais garçons à remettre en cause l’ordre social. Recueillant les bénéfices de
leur action, ils devenaient les défenseurs du nouvel ordre qu’ils avaient contribué à
établir. Ce phénomène de récupération fut si efficace que les chefs des aḥdāṯ s’offrirent
comme auxiliaires à un général étranger, Ǧayš b. al-Ṣamṣāma, espérant partager avec lui
les fruits du pouvoir. Ils se proposaient d’être les relais de l’autorité dans les quartiers
populaires et dans les villages, comptant recevoir en contrepartie une rémunération.
Inutiles, ils furent exterminés.
67 Tout en conservant les principaux points de cette analyse, il faut effectuer une
importante correction. Aucun texte ne permet d’affirmer que les élites urbaines arabes
aspiraient à prendre en main le pouvoir urbain d’une manière durable et avaient
construit à ce propos un projet rationnel. On pourrait donc modifier ainsi le schéma
d’intégration des aḥdāṯ dans la société urbaine traditionnelle.
68 Il n’existait pas à Alep ou à Damas, deux cités très populeuses, de structures étatiques ni
de corps de fonctionnaires développés. Chaque famille, chaque quartier, chaque
communauté religieuse, chaque métier agissait comme une personne morale, réglant ses
conflits internes et défendant ses intérêts auprès du détenteur local de l’autorité. Chacun
de ces groupes de solidarité avait un chef, šayḫ ou muqaddam, connu de tous. Le service
rendu à l’autorité par chacun de ces anciens qui assurait la paix parmi ses ouailles était
considérable puisque grâce à eux les dépenses administratives ou de maintien de l’ordre
étaient faibles. En contrepartie, cette autorité prêtait une oreille attentive aux requêtes
que lui présentaient de tels personnages.
69 L’installation aux IVe/Xe et Ve/XIe siècles, de nombreux paysans en ville, le passage à la
condition civile d’anciens soldats signifièrent l’apparition à Damas et à Alep, à Fusṭāṭ
également, d’une population importante dans certains quartiers périphériques, souvent à
proximité des cimetières. Aptes au combat, forts physiquement, les jeunes ruraux se
regroupaient en bandes afin d’obtenir des subsistances. Ils s’infiltraient en ville, profitant
des immeubles abandonnés, des terrains vagues, pour s’y fixer. Ils assuraient de petits
travaux de force ou de gardiennage. Ils participaient à la défense de la ville quand elle
était attaquée. Quand la misère était trop forte, ils se soulevaient pour manger à leur faim
et s’emparer de femmes et de filles. « Ils dévoraient les honnêtes gens » comme il est dit
183
des aḥdāṯ de Damas à la fin de la révolte de 364. A la fin des guerres civiles un consensus
se faisait entre les élites de toutes religions pour éliminer ces alliés gênants à l’aide des
soldats que l’on combattait la veille. Les jeunes gens en colère qui n’avaient pas été tués
avaient toutes les chances d’être acceptés par la population après une période
d’ajustement réciproque. Dès lors, ils formaient dans chaque quartier une communauté
au même titre que les autres groupes sociaux. Leurs chefs étaient reconnus par les
autorités. Parmi les civils, on prenait l’habitude de voir ces hommes en armes qui
assuraient la garde des quartiers et exigeaient quelques dons en échange. Ils étaient aussi
capables de monter sur les murailles quand un ennemi menaçait la ville. Celui qui
coordonnait leurs actions au niveau de la cité recevait le titre de ra’īs. Autrefois, ce titre
avait été porté par des chérifs, des hommes de mosquée ou des jurisconsultes, dont
l’autorité morale était reconnue de tous et qui avaient la charge de représenter les
intérêts de la population civile face aux pouvoirs militaires. La même évolution qui amena
au niveau de l’État les généraux à s’attribuer la puissance vizirale fit passer d’un notable
civil au chef des bandes armées la fonction de défenseur de tous les habitants d’une cité.
70 Un nouveau type de société qui assurait une rente de situation à qui possédait des armes
et savait les utiliser, se mettait en place dans la seconde moitié du Ve/XIe siècle. De même
que les grandes provinces se divisaient en petites principautés placées sous la coupe d’un
seigneur de fait plus que de droit, les villes, celles dont la population s’était accrue comme
celles que les troubles avaient dépeuplées, se divisaient en quartiers presque autonomes
dont chacun était surveillé par une bande armée commandée par un petit chef9.
attaquées. A part Bagdad et Mawṣil, les villes d’Iraq qui avaient trop vite grandi
s’épuisaient et la population ne remplissait plus l’espace protégé par les murs. Le sud de
la Mésopotamie avait été ravagé par la révolte des Zanǧ puis par celle des Carmates. Le
temps des généraux était revenu et le calame avait dû à nouveau s’incliner devant le
sabre.
73 La centralisation abbasside, prise de décision à Bagdad ou Samarra et relais des
gouverneurs de province nommés, ne fonctionnaient plus. Parmi les cités importantes, il
fallait différencier celles qui étaient le siège d’un pouvoir comme Bagdad, Mawṣil, Alep,
Fusṭāṭ et celles qui étaient administrées par une personne n’ayant qu’une délégation
d’autorité, comme Damas, Ramla, Alexandrie ou Tyr. Une crise financière affectait les
États et la perception des impôts était pour eux un souci important. Or, dans les villes
syriennes, cette perception était entre les mains des fermiers privés mais pour établir
l’assiette de l’imposition dans une ville, ceux-ci faisaient appel aux anciens, al-šuyūḫ, qui y
jouissaient d’une autorité morale. Quand on connait le rôle que jouèrent en Occident les
assemblées chargées de consentir à la levée des impôts pour faire naître une esquisse
d’autonomie urbaine, on est enclin à rechercher dans l’attitude des élites urbaines face
aux exigences financières de l’État un signe de cette volonté d’autonomie10.
74 Un contrôle exercé par les élites urbaines sur le choix des hommes à qui était confiée une
délégation d’autorité pour assurer la défense de la ville ou pour y rendre la justice aurait
été également un signe important de cette volonté. Or, pour ce qui est de Damas, les
habitants subirent les gouverneurs qui se succédaient, parfois se rebellèrent contre eux
avant même leur installation ou se soulevèrent contre eux alors qu’ils étaient en poste,
souvent à l’instigation du Caire, mais aucun exemple de pression effectuée dans la
capitale fatimide par un « lobby » damascain pour influencer l’Imām ou le Dīwān al-Šām
sur le choix d’un gouverneur ne nous est rapporté. L’expression qui est employée par les
Chroniques, « il ordonna et il interdit », est imprécise et nous ignorons quel contenu y
mettre. A part le maintien de l’ordre, la défense de la ville, l’entretien des édifices
militaires, la protection des percepteurs d’impôts, la conduite de la prière du ǧumca et des
deux fêtes, le gouverneur n’avait pas d’obligation envers la ville.
75 La parole attribuée à Sufyān al-Ṯawrī, traditionniste très cité dans le milieu des Akuwāḫ
Bāniyās, demeurait valable pour les sunnites. D’après celui-ci, il fallait garder patience
sous la bannière du Prince, qu’il fût tyran ou homme de justice, il fallait assister à la
prière qu’elle fut conduite par un homme pur ou un libertin, en tous cas à la prière du
ǧumca et à celle des deux fêtes. Pour les autres prières, le musulman était libre de choisir
un imām plus conforme à sa piété.
76 Dans un travail ancien nous avions fait ressortir la non-contradiction aux yeux des
sunnites de cet islam à deux niveaux, celui de l’État, celui de l’individu11. Lors de la révolte
du chérif abbasside Ibn Abī Ya’lā contre Ǧa cfār b. Falāḥ, la motivation officielle avait été
le désir de restaurer l’appel à la prière sunnite et l’invocation dans la ḫuṭba en faveur du
calife abbasside, la propagande menée par Ibn al-Nābulusī contre les Fatimides, puis son
martyre, marquèrent l’apogée de cette lutte idéologique. Après 365, le soutien apporté
par les Damascains à Alp Takīn, puis à Qassām, fut motivé, avant tout, par la profonde
hostilité qu’ils ressentaient à l’égard des troupes berbères envoyées par le Caire et qui
s’étaient livrées à des exactions à leur égard. Au cours des nombreuses révoltes qui
suivirent, celles des aḥdāṯ comme celles menées sous l’égide des Banū Abī l-Ǧinn, il ne fut
plus question de restauration abbasside et même le désir de retourner à un rituel sunnite
est rarement mentionné dans les sources consultées. Par contre, quand après la prise de
185
la ville de Damas par Atsiz, le rituel sunnite et la ḫuṭba en faveur des abbassides furent
rétablis, la population marqua son contentement, mais elle n’avait pas aidé le Turc à
s’emparer de la ville. On ne peut donc pas attribuer aux nombreux soulèvements des
aḥdāṯ contre les gouverneurs fatimides une motivation idéologique, liée à un désir de
restauration sunnite et abbasside.
77 L’attitude adoptée par les Damascains vis à vis de leurs cadis, chargés de faire appliquer
les prescriptions coraniques, devrait nous éclairer davantage. Mais, nous avons eu
l’occasion de le dire, Ibn cAsākir était moins soigneux dans les notices qu’il rédigeait
concernant les cadis que dans celles concernant les gouverneurs. On ne peut dresser une
liste chronologique complète des cadis de Damas sous la domination fatimide et le nom
du cadi de Damas qui fut tué pendant les troubles survenus à l’époque de cAbd al-Raḥīm b.
al-Yās est ignoré. Pourtant, un certain nombre de renseignements ont été conservés. Les
cadis de Damas étaient nommés par le grand-cadi d’Égypte, dont ils recevaient une
délégation. Certains d’entre eux furent en même temps cadi d’Alep. Ils nommaient des
cadis de villes moyennes syriennes, comme Baalabakk, qui recevaient d’eux une
délégation et qui pouvaient être relevés par eux. Au Ve/XIe siècle, tous les cadis de Damas
désignés appartenaient à des familles de chérifs husaynides résidant dans cette ville. La
famille Ibn Abī l-Ǧinn en fournit plusieurs. Ces familles avaient été choisies pour leurs
convictions chiites et dans l’espoir qu’un rituel chiite serait progressivement accepté par
les musulmans de la ville. Or, nous l’avons vu, ce fut l’inverse qui se passa. Les familles
chérifales furent peu à peu acquises aux convictions de leur environnement damascain et
tolérèrent les usages sunnites au côté des usages chiites. Nous avions vu, de la même
façon, des gouverneurs fatimides de Damas rapporter des hadith sous la double autorité
de Muḥammad et de cAlī. Aucun signe de progression du chiisme ni à Damas ni à Fusṭāṭ
parmi la population musulmane de souche ancienne ne peut être décelé pendant le
premier siècle de présence fatimide. La division entre l’Islam officiel et l’Islam personnel,
signalée plus haut, a bien fonctionné pour préserver les options religieuses anciennes. Le
sunnisme était tellement résistant qu’il a érodé le chiisme des gouverneurs et des cadis
fatimides, nommés à Damas. Cette résistance passive des gens de mosquée assurait la
pérennité de leurs options sans les exposer à d’inutiles persécutions12.
78 La dernière donnée objective qui permet de mesurer la sincérité du désir d’autonomie
d’une élite urbaine est son degré de participation personnelle aux luttes armées contre
ceux qui refusent de lui accorder cette autonomie. Les aḥdāṯ ne plaignirent pas leur peine
ni leur sang pendant toute cette période mais ils n’étaient pas véritablement des
Damascains aux yeux de cette élite qui opposait ahl Dimašq et aḥdāṯ ou awbāš al-nās. Les
chérifs non plus n’hésitaient pas à s’engager dans cette lutte au risque de leur vie. Ibn Abī
Yaclā fut sans doute mis à mort en Égypte. Ibn Abī’l-Ǧinn fut atrocement exécuté à Acre.
Abū’l-Ḥasan Ḥamza b. Aḥmad mourut en prison à Alexandrie. Mais la vocation au martyre
des descendants de Fāṭima était connue et ils étaient des symboles vivants de la perennité
de la mission muhammadienne, plus que des membres de cette élite. On trouve en Ǧazīra
la même conjonction des chérifs et des aḥdāṯ dans des révoltes de villes contre leurs
princes. Quant aux gens de mosquée, aux artisans et aux marchands du souq, suivirent-ils
Ibn al-Nābulusī qui proclamait qu’il fallait tirer neuf flèches contre les Fatimides avant
d’en tirer une contre les Byzantins ? Le seul témoignage parvenu à nous d’une
mobilisation de toute la population civile de Damas contre les troupes du Caire est cette
levée de masse qui se déclencha à la fin 363 et au début 364 quand les incendies, les
pillages, les meurtres commis par les soldats maghrébins provoquèrent un réflexe de
186
***
79 Les élites urbaines ne profitèrent donc pas des échecs fatimides en Syrie pour tenter de
créer une situation d’autonomie à Damas, ni à Alep. Le cas est différent en Ǧazīra et dans
les ports du littoral syrien où des dynasties de cadis établirent leur pouvoir à Tyr et à
Tripoli. Les textes sur ces deux villes sont insuffisants pour connaître en détail le
fonctionnement de cette autorité civile. A première vue, il s’agit d’un pouvoir limité à la
ville et à ses environs immédiats exercé par un civil à la manière d’un prince autonome
ou d’un gouverneur militaire délégué par un pouvoir central. Simplement, les contacts
entre ce prince-cadi et les citadins étaient plus étroits et plus confiants qu’ils ne
l’auraient été entre les habitants et un prince imposé de l’extérieur. La vocation
commerciale de ces ports ou de ces villes carrefours impliquait également une ouverture
d’esprit aux réalités économiques qu’on aurait plus difficilement trouvée chez un
détenteur du pouvoir issu des milieux militaires13.
80 La domination fatimide en Syrie correspond à la fin de la troisième phase du monde
médiéval, celle de la régression des grands États bureaucratiques qui permit aux cavaliers
semi-cuirassés de s’emparer du pouvoir. On peut définir quatre grands groupes de
solidarité sur l’action desquels les sources donnent des informations, les tribus arabes, les
armées régulières, les aḥdāṯ, les élites urbaines ; il existe d’autres groupes sur lesquels les
chroniques arabes ne disent rien, les tributaires, les paysans, les habitants des petits
bourgs... Les trois premiers groupes recoururent aux armes pour défendre leurs droits
dans le désordre ambiant. Les élites urbaines refusèrent d’en faire autant. Pourtant dans
le combat tournoyant, pensons à Damas en 415, qui s’engagea, elles ne demeurèrent pas
neutres. En Syrie du Nord, elles soutinrent les tribus arabes ralliées à l’idée d’un État
territorial contre les tribus demeurées bédouines. A Damas, elles incitèrent les aḥdāṯ à
aider les armées régulières à combattre les Arabes, venus de la steppe. A Damas, à Tinnis,
à Tyr, à Tripoli, elles s’associèrent aux forces régulières pour mettre fin aux révoltes
menées contre celles-ci par les aḥdāṯ de leur ville, et parfois encouragées par eux à leurs
débuts. D’une manière générale, elles montrèrent plus de confiance au gouverneur
berbère qu’au chef arabe, et au général turc qu’au gouverneur berbère. Le résultat final,
la prise du pouvoir en Syrie par des groupes restreints de cavaliers turcs correspondait
donc aux options qu’elles avaient choisies tout au long du siècle de présence fatimide.
187
étaient les ennemis ; ils tentaient lorsque les circonstances le permettaient de se servir
directement dans les réserves que s’étaient constituées les membres de cette élite et de
s’emparer de leurs femmes.
87 Enfin, la bureaucratie d’État, importante en Égypte, réduite en Syrie, utilisait l’armée
pour prélever aisément tout le surproduit des campagnes et se procurer de quoi
entretenir l’armée et acheter aux élites urbaines les produits de première nécessité ou les
produits de luxe qu’elles mettaient à sa disposition. Tant que l’armée était bien nourrie et
bien payée, elle s’insérait dans ce dispositif comme un élément essentiel de l’ordre. Quand
l’armée n’était plus correctement entretenue, elle glissait au niveau des tribus arabes et
des aḥdāṯ et devenait un élément essentiel de désordre.
88 Les tribus arabes, les aḥdāṯ, les soldats mal payés remettaient en cause un ordre que les
paysans, les soldats bien entretenus faisaient fonctionner au bénéfice des élites urbaines
et de la bureaucratie.
***
89 Le règne d’al-Mustanṣir fut marqué par la grande famine et par les troubles qui
ébranlèrent l’État fatimide et le contraignirent à abandonner la Syrie. Les soldats, trop
nombreux et inutiles, n’étaient plus payés ; de défenseurs de l’État et de l’Imām, ils
devinrent les pires ennemis de l’ordre ancien, pillant les caisses publiques, volant les
biens personnels d’al-Mustanṣir, s’entretuant les uns les autres. Or, la défaillance du
Trésor qui était à l’origine de ces troubles, était imputable au coût élevé des troupes
berbères qui avaient conservé des structures de parenté incompatibles avec une armée
permanente. Au contraire, les cavaliers cuirassés, peu nombreux et sans famille, étaient
plus efficaces et moins dispendieux.
90 Les élites urbaines connurent de longues périodes de désordre en Syrie pendant le siècle
de domination fatimide, ce qui retirait à celle-ci une part essentielle de ce qui aurait pu la
légitimer. L’insécurité fut particulièrement marquée quand les gouverneurs étaient des
Kutamites et que les troupes étaient également de recrutement berbère. Pour celles-ci, la
dépendance absolue envers le Trésor pour leur paie et pour leur entretien explique qu’en
période de difficulté financière, soit locale, soit générale, de l’État, elles aient eu recours
au pillage pour survivre. Les ġulām turcs, plus autonomes, grâce au système des iqṭā c
étaient moins souvent contraints à de telles extrémités.
91 Les gouverneurs kutamites, tous ismaïliens, ne furent guère, sauf à la fin de la période,
portés à fréquenter les gens de mosquée ; renouvelés fréquemment, ils subissaient peu
l’influence de ces élites. Au contraire, un homme comme al-Dizbirī, installé pour un long
séjour, prenant à cœur les affaires de Syrie, ne recontra pas l’opposition des honnêtes
gens à Damas ; seuls, les aḥdāṯ lui reprochaient d’assurer trop bien la sécurité. Le même
al-Dizbirī fut très populaire à Alep. D’une manière générale, les Turcs, bons combattants,
se montrèrent capables de tenir en lisière bédouins et aḥdāṯ. Fils d’infidèles, ils n’avaient
pas de tradition d’attachement aux Imāms du Caire et se montraient plus ouverts au
sunnisme. Dépourvus de famille, ils n’avaient pas à prélever à la population de quoi
nourrir celle-ci. Ainsi se comprend l’intérêt que manifesta Ibn al-Qalānisī aux
gouverneurs turcs qui souvent comme Alp Takīn surent s’identifier à leurs sujets syriens
ou qui, comme Manǧū Takīn, surent leur parler et exciter leur sympathie pour le sort de
leurs frères d’armes au Caire. Bakǧūr, avant de se montrer un tyran à Damas, fut un bon
administrateur à Homs et Ibn al-Qalānisī s’attarde sur cette période de sa carrière. Aucun
189
d’entre eux ne laissa de fils qui occupa le pouvoir et qui aurait pu ternir par son
incapacité la gloire de son père. Tous ces cavaliers turcs se retrouvèrent, un jour seuls,
trahis par leurs alliés, face à des troupes plus nombreuses et ils ne faillirent jamais, image
romantique qui est chère à Ibn al-Qalānisī.
92 Il faut voir là plus qu’une coïncidence : Ibn al-Qalānisī, personnage représentatif du
sunnisme honnête de Damas, peignait le portrait du Prince idéal, le cavalier turc solitaire,
sans famille, sans fils. Le portrait est d’autant plus flatteur que ce cavalier se montra
indépendant à l’égard du Caire15.
93 Ibn cAsākir est plus neutre dans la rédaction de ses notices. Signalant d’un mot si le
gouverneur fut juste ou cupide, il cite éventuellement un hadith qu’il rapportait ou
quelques vers écrits par lui ou pour lui. Parfois, il conte un épisode pittoresque le
concernant. En effet, Ibn al-cAsākir représentait un courant du sunnisme, très différent de
celui que suivait Ibn al-Qalānisī. Dès le début du Ve/XIe siècle, une opposition s’était
manifestée, nous l’avons vu, entre la vieille tradition damasquine, acharite et chaféite, et
entre les littéralistes, proches du hanbalisme, influencés par Bagdad. Les acharites pour
lesquels Ibn cAsākir laisse percer son admiration ne tiraient pas de revenus de leur
science religieuse et de l’enseignement qu’ils en donnaient. De plus, ils manifestaient la
plus grande indépendance à l’égard du pouvoir aussi légitime fût-il. Ainsi dans sa
biographie de cAlī b. Dāwūd, imām de la grande mosquée de Damas au début du Ve/XIe
sicle, Ibn cAsākir fait ressortir que ce personnage qu’il estime tant refusait tout salaire et
tout cadeau pour son enseignement et ne mangeait que le pain qu’il fabriquait lui-même
avec du blé récolté par des parents à Daraya. Dans un passage consacré au grand savant
palestinien, Abū l-Fatḥ Nāṣr b. Ibrāhīm al-Muqaddasī, qui vécut à Jérusalem, puis à Tyr où
il enseignait malgré l’opposition des Rafidites (les Fatimides) puis à Damas où il mourut
en 490, Ibn cAsākir écrit :
« ... Il enseignait les traditions muhammadiennes, et rendait les fatwa en suivant la
voie unique, celle de l’ascétisme envers ce bas monde. Il suivait la voie des Anciens
(al-salaf) en fait de mortifications. Il évitait les détenteurs du pouvoir (wa taǧannub
al-salāṭīn), il limitait ses ambitions et se contentait pour vivre de la petite part de
récolte qui lui revenait d’une terre lui appartenant, près de Naplouse 16. Il mangeait
grâce à ce qui lui en parvenait. Il n’acceptait rien de personne ».
94 Face à ce sunnisme de la vieille école, Abū cAlī al-Ahwāzī et ses successeurs avaient
endoctriné le peuple, usant parfois du recours au miracle ou à la mystification, pratiquant
un soufisme provocateur pour attirer l’attention sur eux. Dès le départ des Fatimides de
Damas, ils firent le siège des Turcs qui se succédèrent à la tête de la ville. Plus tard, quand
des madrasa furent fondées et que la science religieuse devint monnayable, ils requirent
l’appui du Prince et de ses proches pour se faire nommer professeurs. En contrepartie
d’un financement par le pouvoir, ils offraient à celui-ci de prêcher au peuple une
idéologie simple et réductrice qui l’inciterait au respect de toutes les autorités.
95 A la fin du Ve/XIe siècle et au début du siècle suivant, les conflits à l’intérieur du sunnisme
s’exacerbèrent. Le hanéfisme, peu connu à Damas jusque là, se diffusa avec l’appui des
Turcs et des Persans. Puis la prise de Jérusalem par les Croisés amena des savants
palestiniens, dont des hanbalites continuateurs de la tradition des Akuwāḫ Banyas, à
s’installer à Damas. Certains hanéfites s’opposèrent violemment au chaféisme
traditionnel de la grande mosquée de Damas. D’autres au contraire, se rapprochèrent de
la tendance acharite du chaféisme par haine du littéralisme hanbalisant ; Ibn cAsākir joua
un rôle dans ce rapprochement. Mais alors qu’au début du Ve/XIe siècle, les sunnites
190
avaient eu soin de tenir à l’écart de leurs querelles le pouvoir fatimide, au VIe/XIIe siècle le
recours à l’arbitrage de l’autorité militaire en place fut une démarche constante chez les
savants en compétition pour créer une madrasa ou pour occuper un poste d’enseignant.
96 A lire Ibn cAsākir qui vivait dans Damas officiellement sunnite, au VIe/XIIe siècle, on
devine une nostalgie à l’égard de l’époque fatimide qu’il a très bien connue grâce à ses
lectures et grâce aux récits de ses anciens. Il la décrit sous des couleurs idéales. Les seuls
lieux de rencontre, d’échanges d’idées et d’enseignement étaient alors les mosquées,
ouvertes à tous, la grande mosquée surtout, ainsi que quelques boutiques proches. Les
gens y côtoyaient les voyageurs de renom. Les seules autorités reconnues étaient le
Coran, la Sunna, les capacités individuelles de mémoire et de jugement et la chaîne de
transmetteurs. Le pouvoir fatimide était hostile au sunnisme ; on ne pouvait espérer ni
avantages financiers, ni condamnation de l’adversaire. Le chérif Ibn Abī’l-Ǧinn, chiite,
protégea à la demande d’un chef de police sunnite, un des plus grands maîtres du
sunnisme iraqien, al-Ḫaṭīb al-Baġdādī, poursuivi sur ordre du gouverneur chiite de
Damas. A ses yeux, l’autorité politique ne devait pas se mêler des affaires religieuses. Tous
les gens de mosquée s’accordaient sur le fait que l’indépendance du sunnisme à l’égard du
pouvoir fatimide devait être totale.
97 Au contraire, l’Histoire de Damas d’Ibn al-Qalānisī semble avoir été construite autour de
l’idée que, déjà, à l’époque fatimide, certains gouverneurs turcs avaient préfiguré par leur
action ce qui devait se réaliser à l’époque suivante, le bon pouvoir militaire, turc et
sunnite. Il prône donc la soumission intéressée des élites urbaines à l’autorité d’un tel
gouverneur qui saura récompenser cette assistance intellectuelle, attitude très différente
de celle d’Ibn cAsākir, attaché à l’indépendance financière et politique, ombrageuse, du
savant religieux sunnite.
98 Le récit d’Ibn al-cAdīm, concernant Alep est très différent des deux précédents. Alep fut
chiite durant cette période et il n’y eut pas d’opposition idéologique à la présence
fatimide, malgré le refus de l’ismaïlisme. Le retour à l’appel à la prière sunnite et à la
ḫuṭba en faveur du calife abbasside de Bagdad fut très mal accepté par la population et ce
n’est que plus d’un demi-siècle plus tard sous Nūr al-Dīn que les pratiques chiites
publiques furent définitivement bannies17. Par ailleurs, Alep contrairement à Damas, ne
disposait pas d’une vaste campagne très peuplée, regroupée autour de la ville et où les
habitants de nombreux villages se seraient sentis solidaires des habitants de la ville. Alep
était en contact direct avec les bédouins de la steppe et son caractère arabe, dans le sens
ancien du terme, était bien plus marqué qu’à Damas. Damas était au cœur de deux
solidarités concentriques, la première couvrant la ville et les villages de la Ghuta, du
Marǧ, du Ǧabal Sanir qui avaient des relations quotidiennes avec elle, la seconde étant
toute la Syrie, al-Šām, qu’elle estimait avoir vocation d’administrer. Alep était au cœur
d’un espace relativement homogène, la Syrie du Nord, différente de la Ǧazīra plus
morcellée, de la Syrie centrale et méridionale, plus tournée vers l’Égypte et la péninsule
arabique, de l’Anatolie grecque, montagneuse, de la Mésopotamie, de sa chaleur et de ses
palmiers, différences qu’elle exploitait en vivant des contacts qu’elle assurait entre ces
provinces.
191
***
103 Le pouvoir officiel, (al-sulṭān,) est détenu par le maître de la ville, (ṣāḥib al-balad ou al-
madīna), terme neutre. Il peut en être l’amīr, le Prince à vocation héréditaire et jouissant
de l’autonomie, le walī, gouverneur, nommé et destitué par une autorité supérieure, ou
192
encore s’être emparé par la force de la cité, de son propre chef (al-ġālib calā l-madīna). Tant
qu’il ne demande pas à ses sujets (al-racīya), d’agir contre leur conscience de musulmans,
ils n’ont pas motif de se révolter contre lui. S’ils lui ont accordé en une séance solennelle
leur allégeance (al-bayca), ils ont des obligations à son égard. Ils lui doivent l’attention à
ses instructions et l’obéissance (al-samāc wal-ṭāca), ainsi que le bon conseil (al-naṣīḥa ou al-
munāṣaḥa). Ce bon conseil englobe la délation de l’ennemi caché du pouvoir ou du
complot en préparation, l’avertissement au Prince lorsqu’il suit une voie inique ou
dangereuse, la participation à l’élaboration des décisions politiques quand le Prince
convoque à cet effet ses sujets ou quand la maladie ou un empêchement quelconque lui
interdisent d’exercer son autorité. On lui doit également le versement des impôts légaux
(māl al-sulṭān) et il faut répondre à une convocation de sa part à la guerre légale contre le
non-musulman (al-ǧihād).
104 Celui qui exerce le pouvoir est également soumis à des obligations. Il doit examiner les
affaires (al-naẓar fī’l-aḥwāl ou al-umūr), comprendre celles-ci, réfléchir et agir en
conséquence. Il a la possibilité de s’entourer de conseillers (ahl al-ra’y), et de discuter avec
tous ceux qui peuvent l’éclairer (al-mufāwaḍa wa’l-mušāwara). Puis il doit faire aboutir sa
décision (al-tanfīḏ), tout en étant capable de faire face à toutes les situations imprévues,
sens véritable du mot administration (al-tadbīr), que l’on pourrait presque traduire par
improvisation. Pour faire respecter son pouvoir (al-siyāda), il doit utiliser son jugement
(ta- ḥakkum), et sa capacité matérielle de propriétaire éminent (tamalluk), qui garantit la
sécurité (ḍamina). Il lève les contributions (ǧamc al-amwāl), dépense l’argent public (al-
iṭlāq).
105 D’une manière plus directe on dit de celui qui gouverne qu’il a le droit d’ordonner et
d’interdire (al-amr wa l-nafī), expression qui sous-entend d’ordonner le bien et d’interdire
de faire ce qui est mal et qui a donc une connotation religieuse et morale. L’aspect plus
profane du pouvoir, l’action politique est défini par les termes (al-siyāsa, al-tawassuṭ).
106 L’art politique (al-siyāsa), paraît à la lecture des textes où ce mot est employé, être avant
tout une capacité du Prince à arbitrer les conflits d’intérêts qui surgissent entre les divers
groupes de solidarité qui constituent la communauté humaine dont il a la charge. Les
responsables de chacun de ces groupes ont résolu les conflits internes à ceux-ci et lui
présentent les conflits externes opposant ces groupes afin qu’il juge selon la loi islamique,
selon l’usage et selon sa finesse personnelle et qu’il propose une solution qui rétablira
l’harmonie. La plus haute capacité intellectuelle requise de celui qui exerce le pouvoir est
donc le ḥukm, esprit de jugement et d’arbitrage.
107 Contrairement à ce qui était le cas à Byzance, l’État islamique médiéval n’était pas
impliqué dans les échanges économiques ni dans la production. Le pouvoir délégué au
muḥtasib était celui d’un contrôleur, chargé de régler les conflits qui pouvaient opposer
marchands et clients et chargé de faire appliquer une réglementation très souple. Le but
de celle-ci était la sincérité appliquée aux échanges, juste poids, juste aloi de la monnaie,
juste change, produit correspondant à sa désignation. De même, le Prince n’avait pas à
protéger tel ou tel parti ou à l’avantager mais à lui assurer un juste traitement de la part
des autres partis18.
108 Les élites urbaines en Syrie n’eurent pas en vue de s’emparer du pouvoir, c’est-à-dire de
se faire accorder cette capacité suprême d’arbitrage car elles étaient composées de
plusieurs ensembles de solidarité qui avaient recours de temps à autre à un arbitrage
supérieur ; il fallait que ce recours demeurât possible à l’extérieur du groupe de pression
193
qu’elles formaient. De même, elles étaient fréquemment en conflit avec les divers
ensembles de solidarité qui composaient le bas-peuple (al-cāmma), il aurait été malsain
qu’elles fussent tout à la fois, juge et partie. C’est pourquoi la solution du prince turc isolé,
sans nasab et sans souci de succession dynastique paraissait résoudre le problème de
l’indépendance de l’arbitre. D’où le refus des honnêtes gens de prendre les armes pour
autre chose que pour la défense en dernier recours de leurs biens et de leurs vies.
109 Ce refus de se saisir directement du pouvoir ne signifiait pas un désintérêt quelconque à
l’égard de celui-ci. Fournisseurs du prince, commensaux du prince, éducateurs du prince,
financiers du prince, ils tissaient autour de celui-ci un cocon doré et pouvaient le
manœuvrer à leur aise, mais lui seul courait les risques militaires et politiques
qu’impliquait sa charge. Il était seul également à s’exposer aux condamnations morales
qu’entraînaient à son égard les mille entorses au droit des gens auxquelles il devait se
résoudre pour assurer le bon fonctionnement au quotidien de la cité.
110 Les cadis avaient vu dès l’époque fatimide accoler à leurs noms des laqab, conférés par
l’Imām et dont certains se référaient à l’État, dawla. Cette pratique se développa par la
suite, il y eut des laqab, en général se référant à la religion, dīn, réservés à certaines
fonctions ou à certains maḏhab. Ils furent portés aussi bien par des cadis que par des
professeurs de madrasa, qui témoignèrent ainsi que leurs fonctions s’inscrivaient dans ce
rôle général d’éducation, d’encadrement et d’endoctrinement de la société pour le
compte du Prince qui était dévolu aux savants, culamā ‘. Ibn al- cAsākir qui ne témoignait
guère de respect pour le milieu des Akuwāḫ Bāniyās, avait rapporté un hadith transmis
par Ibn al-Nābulusī et qui réservait aux savants religieux le devoir d’éclairer
constamment le fidèle sur tous ses choix, même après la mort. Le contexte dans lequel Ibn
c
Asākir transcrit cette tradition prouve qu’il ne la tenait pas pour authentique mais au VIe
/XIIe siècle son option d’indépendance financière et politique vis à vis du pouvoir n’était
plus partagée par la majorité des savants religieux. Pour lui et pour sa famille, ce fut
d’ailleurs davantage une prise de position théorique qu’une pratique personnelle. Il
exprimait la nostalgie d’une époque où le savant pouvait demeurer indépendant du
pouvoir s’il le désirait, ce qui n’était plus possible de son temps.
111 Les deux classements chronologiques utilisés par les historiens arabes médiévaux, le
classement par années, avec événements et obituaires, le classement par générations de
savants, al-ṭabaqāt, témoignaient de deux temps se déroulant parallèlement. Le temps
profane, celui des gouvernants, des batailles, des tremblements de terre, dans lequel
venaient s’insérer à la date de leur décès les hommes de mosquée, était le temps des
historiens et des annalistes. Le temps sacré, celui des savants, qui avait commencé avec la
révélation du Coran et l’enseignement de Muḥammad, et qui avait continué après sa mort
par l’enseignement de ses disciples, puis des disciples de ses disciples, comme autant
d’ondes concentriques, était celui qui régissait les ṭabaqāt. Il y eut une époque où les
hommes pieux refusaient de remplir la fonction de cadi car cela revenait à se
compromettre avec le pouvoir et avec les nombreux tributaires qui entouraient le Prince.
Mais, à compter de la conquête de la Syrie par les Seldjoucides, ces deux temps ne firent
plus qu’un.
112 La phase de désagrégation des grands États musulmans bureaucratiques s’achevait et le
pouvoir se décentralisait en petites principautés offrant à chaque cité d’importance la
chance de devenir une capitale. Chaque groupe de notables sunnites eut ainsi, à demeure,
un prince sur lequel exercer une stratégie de persuasion et de séduction.
194
***
NOTES
1. Al-Muqaddasī (33), 189, (34), 239, version de Goeje, Qinnasrin et al- cAwasim, 360.000 dinars,
Jourdain, 170.000, Palestine, 252.000, Damas, 400.000 et plus, cite Hurdāḏbih, Qinnasrin, 400.000,
Hims, 340.000, Jourdain, 350.000, Palestine, 500.000 dinars. Version C, traduite parallèlement par
A. Miquel, Palestine, 100.000 dinars de ḫarāǧ, Hims, 340.000, Damas, 400.000 et plus, Qinnasrin,
400.000, Jourdain, 350.000. Biṭār (11), 320-327, a rassemblé toutes les données chiffrées
disponibles sur les divers impôts levés en Syrie pendant les quatre premiers siècles de l’islam.
Malheureusement, après l’installation des Fatimides en Égypte et en Syrie, les données font
défaut alors que la situation fiscale et monétaire doit varier rapidement.
2. cAbd a l -Ganī b. Sacīd, le muḥaddiṯ sunnite au service d’al-cAzīz puis d’al-Ḥākim, fit épouser à sa
fille son disciple et secrétaire, Ibn al-Baqā, Bianquis (166) ; corriger Bianquis (163), 88, fin du
second paragraphe, ibn Nubata est une erreur d’impression pour Ibn bintihi.
3. Sur ce problème de l’armement et de la tactique du combat, voir Lev (195) et Cahen,
« Technique et organisation socio-militaire dans le monde musulman classique », dans Structures
195
féodales (224) et dans Cahen (154), le dernier article de l’ouvrage « Changements militaires et
techniques... » ; les conclusions de Y. Lev et de Cl. Cahen font apparaître la primauté de l’arc, elles
sont fondées sur un corpus très large de texte, dont certains, traités d’armurerie, sont très
probants. Pourtant, pour la Syrie, aux IVe et Ve siècles de l’hégire, le corpus réduit de textes que
j’ai dépouillé met en évidence, à mes yeux, le rôle décisif d’une cavalerie lourde, ou semi-lourde
(sabre et tunique rembourrée), d’élite (soumise à une pratique quotidienne de l’escrime à cheval),
professionnelle et préfigurant la cavalerie mamlouke. L’enjeu n’est pas uniquement d’histoire
militaire, mais surtout d’histoire politique et sociale.
4. Garcin (182), 71-79, 90-116, analyse à l’aide de sources de nature très variées le « décollage
économique » (l’expression n’est pas de lui) de la Haute Égypte, lors de la première époque
fatimide ; la prospérité s’accrut encore après les réformes de Badr al-Ǧamālī, provoquant une
réorientation des lignes de force géographiques de l’économie égyptienne. Le rôle de la Syrie
intérieure devenait secondaire. Garcin (183) conceptualise ces intuitions qu’il avait tout d’abord
proposées, comme des hypothèses empiriques. Les cartes qui accompagnent son article nous ont
considérablement aidé dans notre réflexion.
5. Pour une époque plus tardive, voir Garcin, « Note sur les rapports entre bédouins et fellahs à
l’époque mamelouke », A.I., XVI, 1978. Voir, de même, Cahen (154), Nomades et sédentaires dans le
monde musulman, du milieu du Moyen-Age.
6. Les références pour aḥdāṯ, šuṭṭār, cayyār, sont trop nombreuses pour être citées ; pour ṣacālik,
rencontrés dans le désert, Miskawayh, II, 403 ; mašāliḥ, Ibn al-Dawādarī, 166 ; ḥarāmiyya, Yaḥyā,
292, Ibn al-Qalānisī„ 24, Ibn al-Dawādarī„ 166 ; ġawġā’, Maqrīzī, (107), I, 211 ; ahl al-šarr, Maqrīzī,
(107), 250 ; racāc, Yaḥyā, 277, Maqrīzī, (107), II, 69 ; I, 249 ; man lā yūǧad... iḏā ṭulib, Yaḥyā, XVIII,
760 ; ṭummāc al-Musabbiḥī, 258 v ; mufsidūn, al-Musabbiḥī, 260 v° ; ṭarrārūn, saqqāṭ, ġammāzūn,
nuhāba, murǧifūn, sucāt, perturbateurs, mendiants, Maqrīzī, (107), I, 208, 249, 253, II, 93, 168, 170,
ḥamalat al-silāḥ, yaṭlub al-bāṭil, yahud al-ḫifāra, Ibn al-Dawādarī, 195, pour ne donner que quelques
références rassemblées au hasard des lectures, Seul, un travail exhaustif sur les textes permettra
de saisir le sens exact de ces termes, leur connotation et l’évolution chronologique de leur
emploi, voir également Yaḥyā, XVIII, 760, 779, 782, 790, 801, 820, Ibn al- cAdīm, I, 134 et 137,
Usāma b. Munqiḏ, édition Derenbourg, 53, des termes intéressants mais employés pour des
événements se déroulant en dehors des limites chronologiques de notre travail.
7. Chaque communauté, village, quartier de ville, tribu, corps de troupe, forme une cellule qui
pour protéger ses constituants s’entoure d’une membrane fictive ; tout individu étranger au
groupe qui tenterait de franchir cette membrane et de s’installer dans la cellule, serait rejeté,
après avoir été marqué pour être différencié des constituants indigènes. Seul un rituel
d’intégration permet à l’étranger de ne pas être affecté d’un signe négatif. Par ailleurs, il existe
un statut très honorable d’étranger dans la ville, marchand, muḥaddiṯ, faqīh, qui peut permettre
une intégration aisée après épreuves déguisées auxquelles est soumis l’impétrant par les notables
locaux.
8. L’engagement d’un bédouin au côté d’une armée de sédentaires, le serment de Ǧawhar à Alf
Takīn, la promesse d’un bourgeois chrétien de Tinnis à des jeunes en colère ne pouvaient en
aucun cas contraindre celui qui avait donné sa parole à mettre en danger de mort, la tribu, l’État,
ou la population urbaine honnête, au nom desquels cet engagement avait été pris car il aurait été
plus criminel de trahir sa communauté que sa parole, c’est-à-dire son honneur personnel.
9. E. Longuenesse, « Structures sociales et rapports de classe dans les sociétés du Proche Orient
arabe », Peuples Méditerranéens, XX, juillet-septembre, 1982, page 170, la rente, rapport social
dominant, page 181, conscience de classe et solidarité communautaire, analyse une société arabe, mille
ans après le règne d’al- cAzīz et dans un esprit totalement différent du nôtre ; pourtant, certaines
de ses conclusions pourraient éclairer les historiens du Moyen-Age.
10. La société musulmane, avant les Croisades, affichait une docrine économique de libéralisme
absolu ; à part le droit de lever les impôts, l’État ne se voyait attribuer aucune faculté d’agir sur la
196
vie économique sinon pour frapper monnaie et pour garantir les poids et les mesures et la
transparence des transactions. Ibn Ḥawqal, 219/224-225, décrit Ǧazīrat Ibn cUmār et prononce un
plaidoyer pour la liberté absolue des commerçants face à l’État. Voir Rodinson (198).
11. Bianquis (166), 46.
12. Al-Ḥākim eut conscience de la résistance inerte mais implacable du sunnisme égyptien et son
action politique et religieuse ne peut s’expliquer que par son désir de contourner cet obstacle
incontournable.
13. Ashtor (165), VI, Républiques urbaines dans le Proche Orient à l’époque des Croisades.
14. L’accumulation par les négociants connut à cette époque une limite : en effet, dès qu’elle
dépassait un certain seuil, le pouvoir en place trouvait un prétexte pour recourir à une spoliation
sous forme de confiscation. Voir le conseil tenu au Palais du Caire et dont les discussions furent
rapportées par al-Musabbiḥī, supra, page 395. En temps normal, le commerce permettait de faire
fructifier plus rapidement un capital que le foncier agricole ; en temps de crise frumentaire,
c’était l’inverse, voir Rodinson (98). Placer en foncier, garanti grâce à une fondation en waqf, les
bénéfices réalisés dans le négoce, était un moyen courant de mettre ses descendants à l’abri du
besoin en leur assurant vivres et petite rente métallique. On investissait à court terme, avec de
gros profits et de gros risques dans le négoce, à long terme, avec des risques faibles et des profits
minimes dans la terre. L’immobilier urbain était un cas particulier. Un tel système encourageait
davantage la spéculation polyvalente que la lente édification d’un monopole ou d’une intégration
production-commercialisation.
15. Ibn al-Qalānisī. n’est pas l’auteur original de ces récits qu’il a repris à des histoiriens
antérieurs variés mais il est responsable du montage qu’il a présenté sous le titre de Suite à
l’Histoire de Damas, montage privilégiant les épisodes d’unanimisme damascain et les gestes des
cavaliers turcs, négligeant les autres récits. De même les œuvres de Maqrīzī, sont un montage
égyptien réalisé à la période mamelouke grâce à des matériaux d’origine variée.
16. Ibn cAsākir, ZA, 269 r° et v°. Voir cAbd al-Sallām b. al-Ḥasan Abū Aḥmad al-Ṣūrī, ZA, X, 158 v° ;
le passage traduit ici est extrait de l’ouvrage d’Ibn cAsākir, Tabyīn kaḏib al-muftarīc alā Abī l-Ḥasan
al-Ašcarī, page 286. Ibn cAsākir, précise que le prince seldjoucide de Damas, Taǧ al-Dawla Tūtūš
proposa de l’argent à Abū l-Fatḥ al- Muqaddasī mais que celui-ci le refusa.
17. Ibn al- cAdīm, II, 293-294, 553H., parmi les mesures radicales que prit Nūr al-Dīn contre les
pratiques chiites, il donna l’ordre que tout muezzin qui lancerait l’appel chiite : « Venez à la
meilleure des œuvres ! » soit jeté la tête la première du haut de son minaret. Voir M. Allard, « Un
pamphlet contre al-Ašcarī », B.E.O., XXIII, 1970 et Bianquis (168).
18. Contrairement au Caire et à Miṣr-Fusṭāṭ, villes pour lesquelles les chroniqueurs arabes nous
ont laissé des listes presque complète des muḥtasib pendant la période fatimide, Damas à la même
époque est mal connue quant aux personnes qui exerçaient cette fonction et aux attributions qui
étaient les leurs. Ibn cAsākir, ZA, XII, 6 v°-7 r° a consacré une notice à Abū l-Qāsim cAlī b. al-Ḥasan
b. Raǧā b. Ṭicān al-Muḥtasib qui mourut en 373H. ; ce fut l’imām de la grande mosquée qui pria sur
son corps, Abū l-Ḥasan b. Balāǧ ( ?), le cadi n’est pas mentionné lors de ses obsèques. Abū l-Qāsim
c
Alī b. al-Ḥasan b. Raǧā était sans doute un descendant (petit fils) d’al-Ḥasan b. Raǧā b. Abī
Dahhāk qui faillit être assassiné avec son père gouverneur de Damas, sous al-Muctasim, Ibn c
Asākir, (65°), IV, 172 et suiv. Ibn cAsākir rapporte à propos du muḥtasib l’historiette suivante qui
fait ressortir la simplicité des mœurs et le bon marché de la vie à Damas à l’époque où Miṣr et le
Caire, sous le règne d’al-cAzīz, devenaient de grandes cités dispendieuses et impersonnelles. Ibn
Raǧā raconte : « j’avais vendu une propriété, mulk(an) lī, pour soixante-dix dinars parce que
j’avais besoin de cet argent, liḥāǧa lī, je touchais l’argent, je portais témoignage (de la vente) et je
rentrais à la maison, l’argent à la main, al-māl fī kaffi, Abū Bakr b. Fatīs ( ?) me rencontra et me
dit : ’Abū l-Qāsim, j’ai acheté une propriété ‘, et il me demanda de lui prêter cinquante huit
dinars. ‘ Je te les rembourserai (précisa-t-il) en te copiant deux cents pages pour un dinar ‘.
Jusqu’alors il me demandait un dinar pour cent pages. J’ouvris ma bourse, kīsī, (et je lui donnais)
197
tous mes dinars. Quant au besoin d’argent que j’avais, je vendis une autre propriété pour le
satisfaire ». Ce récit fait apparaître combien les salaires étaient faibles à Damas ; copier une page
de texte permettait d’acheter deux ruṭl de pain, en période d’abondance. Pour rembourser son
emprunt et gagner en outre cinquante huit dinars, indispensables pour sa vie quotidienne, Abū
Bakr s’était engagé à copier onze mille six cents pages. On comprend que certains manuscrits de
cette époque soient griffonés à grand coups de qalame, rarement soulevé, ce qui permettait
d’omettre les points diacritiques et qui aboutissait parfois à lier tous les mots d’une ligne.
Par ailleurs, comme lors des récits de crise frumentaire, la variation des prix n’est pas donnée
comme chez nous en fonction de la somme déboursée qui reste fixe, un dirham ou un dinar, pour
la comparaison mais en fonction de la quantité de marchandise ou de travail que cette somme
permet d’acquérir. Par exemple, l’écrivain arabe médiéval écrit que le pain vaut un ruṭl, deux ruṭl
ou trois ruṭl le dirham et non pas que le ruṭl de pain vaut un dirham, un demi-dirham ou un
sixième de dirham. A une époque où l’on ignorait le maniement des monnaies divisionnaires et
où dans une catégorie de poids ou de produit on ne voulait recourir qu’à une seule référence
métallique, bronze, argent ou or, ce système de comptabilité était plus aisé à utiliser. Cela
témoigne de la réalité du bimétallisme ; chaque système monétaire ayant son usage propre et le
recours au changeur se faisait le plus rarement possible. Admettons que notre copieur
consommait avec les siens, dix ruṭl de pain par jour, soit trois cents par mois, il déposait, selon les
temps, un dinar ou deux dinars, au début du mois chez le boulanger et ne payait plus rien jusqu’à
la fin du mois.
Le métier de copieur n’était pas rentable, le savoir religieux était d’un meilleur rapport : Muǧīr
al-Dīn (115), I, 296 : Bakr b. Sahl al-Damyāṭī al-Muḥaddiṯ vint à Jérusalem ; on réunit pour lui la
somme de mille dinars afin qu’il enseignât le tafsīr, ḥattā rawā lahum al-tafsīr, il mourut en rabī c I
289H.
19. Le développement démographique, économique et urbain de la Syrie au VIe siècle de l’hégire
est connu mais aucune analyse scientifique reprenant l’ensemble des données textuelles et
archéologiques n’a été menée à bien jusqu’à maintenant. La présence sur de nombreux tells
abandonnés à la fin de l’époque byzantine ou au cours de l’époque omayyade d’une céramique
glacée bleu-turquoise ayyoubide témoigne de cette recolonisation des confins steppiques au XIIe
et au XIIIe siècle que nous avons évoquée plus haut. La cartographie générale de ces sites est
envisagée par l’Institut Français de Damas.
198
Orientations bibliographiques
Les titres réunis ici comprennent, d’une part, les sources arabes consultées, d’autre part, les
ouvrages contemporains apportant des précisions utiles sur les sources, sur les lieux, sur les
personnages, sur l’enchaînement ou sur le fonctionnement des institutions.
Les sources arabes qui ont fait l’objet d’un dépouillement plus approfondi, même si celui-ci n’a
porté que sur une partie du texte, sont signalées par une astérisque *. Elles constituent le corpus
sur lequel est fondée l’analyse.
La confrontation des sources afin de faire apparaître la richesse et les frontières implicites de
chacune d’elles constituait la première partie, la seule achevée, d’un projet plus large. La seconde
partie plus importante demeure à écrire. Annoncée par les thèmes de réflexion proposés au
lecteur dans une conclusion élargie, cette seconde partie tentera de replacer ces propositions
dans l’ensemble des recherches actuellement menées sur la société arabe médiévale.
C.E. Bosworth, R. Bulliet, C. Cahen, J. Chabbi, N.J. Coulson, P. Crone, A.A. Duri, N. Elisséeff, J.-C.
Garcin, S.D. Goitein, P. Guichard, A.K. Lambton, I. Lapidus, B. Lewis, F. Mac Donner, W. Madelung,
R. Mantran, A. Miquel, R. Mottahedeh, X. de Planhol, H. Rabi’e, M. Rodinson, J.W. Rosenthal, R.B.
Serjeant, M. Shaban, D et J. Sourdel, A. Udovitch, J. Van Ess et quelques autres ont complètement
modifié en un demi-siècle la vision que l’on avait des rapports entre citadins et détenteurs du
pouvoir dans le monde arabe médiéval. C’est volontairement que leurs études ne sont pas citées
ici. Claude Cahen, dont les travaux personnels ont le mieux contribué à une approche plus
scientifique d’une réalité humaine difficile à saisir, a répertorié les publications les plus
importantes.
1 Cl. Cahen, Introduction à l’Histoire du monde musulman médiéval, VIIe-XVe siècle, Paris, 1982.
Cet ouvrage contient également une analyse des sources arabes et des instruments
généraux de travail, dictionnaires, index, répertoires, catalogues, qui rend inutile toute
bibliographie dans ce domaine. Par ailleurs, il présente un état de la question pour chaque
époque, chaque région, chaque dynastie, chaque problème qui évite à l’historien de longues
recherches.
OUTILS BIBLIOGRAPHIQUES
Il existe de nombreuses bibliographies de la Syrie.
2 E. Wirth, Syrien, Darmstadt, 1971.
(Bibliographie, pp. 464-520). Bibliographie de plus de 1200 titres, couvrant l’histoire et la
géographie de cette province.
199
L’étude des villes arabes médiévales a donné naissance au XXe siècle à de très nombreuses
publications savantes ; les plus importantes sont recensées dans Cahen (1).
3 I.M. Lapidus, Muslim cities in the latter Middle Ages, Cambridge, Mass, 1967. (Bibliographie pp.
217-242.)
Cette bibliographie couvre malgré le titre tout le Moyen-Age et porte aussi bien sur les
sources arabes, manuscrites ou éditées, que sur les publications contemporaines, soit 573
titres.
Les sources arabes traitant de la Syrie avant les Croisades sont souvent les mêmes que celles qui
donnent un récit des époques seldjoucides, zenkides et ayyoubides.
4 Cl. Cahen, La Syrie du Nord à l’époque des Croisades et la principauté franque d’Antioche, Paris, 1940,
pp. 32-93, présentation des sources arabes et orientales et commentaire de leur valeur.
5 M. Canard, Sayf al-Dawla, recueil de textes, Alger, 1934,
6 M. Canard, Histoire des Hamdanides de Jazīra et de Syrie, I, Alger, 1951, un index a paru depuis lors.
Ces deux travaux de M. Canard contiennent des analyses originales sur les œuvres du IVe/Xe
et Ve/XIe siècles, y compris les dīwān poétiques et leurs commentaires.
Les sources relatives à Damas à cette époque ont été étudiées dans divers travaux publiés par
l’Académie Arabe de Damas, notamment dans les préfaces de publications de textes. Ce matériel
se retrouve en français dans les ouvrages de Nikita Elisséeff
7 N. Elisséeff, La description de Damas d’Ibn cAsākir, Damas, 1959,
7bis N. Elisséeff, Nūr al-Dīn, un grand prince musulman de Syrie au temps des Croisades,
511-569/1118-1174, Damas, 1967, 3 tomes.
Le premier de ces deux ouvrages comporte des plans utiles de Damas au milieu du VIe/XIIe
siècle ainsi que des index sur les noms de lieux dans la ville et dans son oasis. Par contre, la
topographie de la ville avant l’arrivée des Seldjoucides est toujours très mal connue, faute
de documents. Le second de ces ouvrages contient une longue étude de topographie
historique, plus particulièrement orientée sur les itinéraires et une carte détaillée de la
Syrie. Ce travail complète les chapitres consacrés à la topographie historique dans Cahen
(4) et dans Canard (6), plus centrés sur la Syrie du Nord.
Un recensement nouveau des sources arabes sur la Syrie aux IVe/Xe et Ve/XIe siècles, notamment
des sources demeurées manuscrites a été effectué par Suhayl Zakkar et ses disciples dans
différents ouvrages :
8 S. Zakkar, The Emirate of Aleppo, 1004-1094, Beyrouth, 1971.
9 S. Zakkar, Madḫal ilā tārīḫ al-ḥurūb al-ṣalībiyya, Dar al-Fikr, (Beyrouth), 1973.
10 S. Zakkar, Aḫbār al-Qarāmiṭa fi’l-Ahsā’, al-Šām, al-cIrāq, al-Yaman, Beyrouth, 1980.
11 Amīna Bitār, Al-ḥayāt al-siyāsiyya wa ahamm maẓāhir al-ḥaḍāra fi bilād al-Šām, Damas, 1980.
***
L’État fatimide d’Orient a fait l’objet d’études approfondies depuis le début du XIXe siècle :
12 Silvestre de Sacy, Exposé de la religion des Druzes, Paris, 1838, pp. CLXXVIII et sq. ; 16 sources.
Outre les recueils de lettres druzes, 16 sources sont recensées et constituent le premier état
des sources dont nous disposons.
13 Cl. Cahen, « Quelques chroniques anciennes relatives aux derniers fatimides », BIFAO, XXXVIII,
1937, pp. 1-27.
Cet ouvrage est à compléter pour le IVe/Xe siècle par des publications plus récentes :
14 A. F. Sayyid, « Lumières nouvelles sur quelques sources de l’histoire fatimide en Égypte »,
Annales islamologiques, XIII, 1977, pages 1-41.
200
16 Al-Musabbiḥī, Aḫbār Miṣr, Le Caire, 1978, Édition Ayman Fuad Sayyid et Th. Bianquis,
17 Ibn Muyassar, Aḫbār Miṣr, Réédition A.F. Sayyid, Bibliographie détaillée, Le Caire, 1981.
Les travaux de A.F. Sayyid sont bien informés des dernières éditions de texte et des
manuscrits. Yusuf Raghib a écrit des comptes rendus parfois injustement critiques mais
utiles des travaux de A.F. Sayyid. Voir notamment Abstracta Islamica, 32 e série, 1978, p. 281.
18 M. Canard, « Al-cAzīz bi-llāh », El 2, II, 846.
19 M. Canard, « Fatimides », EI 2, II, 870-882.
20 M. Canard, « Al-Ḥākim bi Amr Allāh », El 2, III, 79-84.
les trois articles contiennent une abondante bibliographie.
21 Joseph Van Ess, Chiliastische Erwartungen und die Versuchung der Göttlichkeit, Der Kalif al-Ḥākim
(386-411), Heidelberg, 1977,
est construit sur l’exploitation d’une bibliographie érudite d’une richesse exceptionnelle
mais que l’on doit reconstituer de note en note.
***
Les Fatimides, dynastie ismailienne, leurs rapports avec les Carmates, avec les chiites imamites,
la contestation de leur généalogie par le califat abbasside de Bagdad, autant de questions
délicates qui n’ont pas été abordées dans notre travail. On trouvera tout à la fois un état de la
question et une bibliographie à jour dans les articles suivants de l’Encyclopédie de l’Islam 2 e éd.
22 W. Madelung, « Ismācīliyya, » EI 2, III, 206-215,
23 S. H. Nāṣr, « Ithnā cAshariyya, » EI 2, III, 289-291.
24 W. Madelung, « Ḳarmaṭī ». EI 2, III, 687-692.
31 Muḥammad b. cAlī Ibn Ḥawqal (voyagea de 331/943 à 362/973), Kitāb ṣūrat al-arḍ, édition de
Goeje, 1873.
32 Ibn Hawqal, Imago Mundi, traduction approximative de J. H. Kramers et G. Wiet, Beyrouth,
1964.
33 Ibn Ḥawqal, édition Kramers, 1938.
34 Muḥammad b. Aḥmad al-Baššārī, al-Maqdisī ou al-Muqaddasī Aḥsan al-taqāsīm fī ma crifat al-
aqālīm, édition de Goeje, Leyde, 1906. Traduction de l’introduction et de la partie concernant la
Syrie par A. Miquel, Damas, 1963.
L’importance de la bibliographie et des différents index dont l’auteur a muni cet ouvrage
en font un instrument de travail privilégié sur la Syrie du IVe/Xe siècle.
35 Al-Muqaddasī, traduction de la partie consacrée à l’Égypte, par A. Miquel, Annales
Islamologiques, XI, 1972, 109-139.
36 Tamīm b. al-Mucizz li Dīn Allāh, (m. 376/986-987), Dīwān, édition Dār al-Kutub, Le Caire, 1957.
*37 Sāwīrus Ibn al-Muqaffac (m. entre 979 et 1003) et continuateurs, Tārīḫ baṭārikat al-kānīsa al-
miṣriyya, édition arabe et traduction anglaise, cAṭīya, cAbd al-Masīḥ, Khs Burmester, II/II, années
880-1066, Le Caire, 1948,
*38 Sāwīrus Ibn al-Muqaffac II/III, années 1046-1102, Le Caire, 1959.
*39 Ibn Aḥmad al-Ḥamdānī cAbd al-Ǧabbār Qāḍī’l-Quḍāt, (mort en 414/ 1024-1025), Taṯbīt dalā’il
al-nubuwwa, édition Karīm cUtmān, Beyrouth, 1970.
40 Abū’l-Ḥasan al-Tihāmī, (m. 416/1025-1026), Dīwān, édition Nāṣr Šāwīš, 1964.
*16 Muḥammad b. cUbayd Allāh al-Musabbiḥī, (m. 420/1029-1030), Aḫbār Miṣr, fragments des
années 414 et 415, édition A.F. Sayyid et Th. Bianquis, Le Caire, 1978.
41 Le même ouvrage, augmenté des poésies et des textes épistolaires, a été édité en 1980, au
Caire, par W. Millward.
Malheureusement cet ouvrage a été édité avec une connaissance insuffisante de l’époque
concernée d’où des erreurs : un personnage nommé Abū’l- Qāsim al-Ḥasan b. cΑlī al-Mac
arrī, p. 158, est nommé Abū’l-Qāsim al-Ḥusayn b. cAlī al-Macarrī, p. 163 ; l’auteur n’a pas
identifié le vizir al-Maġribī malgré tous les détails biographiques donnés par al-Musabbihī ;
il est vrai que pour cette partie W. Millward ne pouvait s’appuyer sur l’édition parue deux
ans plus tôt et qu’il omet de citer. Depuis la rédaction de notre ouvrage, le professeur
Ḥusayn Naṣṣār a fait paraître une réédition scientifique de la partie littéraire d’al-
Musabbiḥī. Nous n’avons évidemment pas pu l’utiliser ici.
*42 Aḥmad b. Muḥammad Miskawayh, (m. 421/1030-1031), Kitāb taǧārib al-umam, II, 329-369 H.,
édition H. F. Amedroz, Le Caire, 1915, réédition Bagdad.
*43 Hilāl b. al-Muḥassin Ibn al-Ṣābī, (m. 448/1056-1057). Tārīḫ années 389-393, IV, édition, F. H.
Amedroz, Le Caire, 1919, réédition Bagdad.
44 cAlī b. Muḥammad al-Mālikī al-Rabacī, (m. 444/1052-1053), Fadācil al-Šām wa Dimašq, édition
Salāḥ al-Dīn al-Munaǧǧid, Damas, 1950.
*45° Yaḥyā b. Sacīd al-Anṭākī, Yaḥyā d’Antioche, (m. 458/1056), Histoire, (jusqu’en 425 H.), édition
L. Cheikho, Paris, 1909 ;
*45 Yaḥyā b. Sacīd, édition et traduction Vasiliev et Kratchkovski, Patrologie Orientale XVIII et
XXIII, incomplète ;
*45°° Yaḥyā b. Sacīd, grâce à G. Troupeau et F. Michau, j’ai pu consulter le ms. préparé pour la
dernière partie.
46 Aḥmad b. cAlī al-Ḫaṭīb al-Baġdādī, 463/1071, Tārīḫ Baġdad, 14 vol., Le Caire. 1931 ; J.-P. Pascual,
Index, Paris, 1971.
202
*47 Nāṣir-i Ḫusraw, (m. 453/1061-1062), Sefer Nameh, édition du texte persan et traduction
française par C. Schefer, Paris, 1881. Les autres éditions et traductions parues depuis n’ont pas
été consultées.
48 G. Le Strange, Palestine under the Moslems, Londres, 1890, Beyrouth, 1965, donne des traductions
anglaises originales d’après deux mss. du British Museum.
49 Hibat Allāh b. Mūsā al-Mu’ayyad fī’l-Dīn Dācī’l-Ducāt, (m. 470/1077-1078), Sīrat, édition Muḥ.
Kāmil Ḥusayn, Le Caire, 1949, et
50 Al-Mu’ayyad, Dīwān, même éditeur, même lieu, même date ;
51 Al-Mu’ayyad, al-Maǧālis al-mu’ayyadiyya, édition Muḥ. cAbd al-Qādir cAbd al-Nāṣir, Le Caire,
1975.
52 Mustapha Ṣāleḥ, « Abū’l-cAlā’ al-Macarrī, bibliographie critique », B.E.O.
XXII, 1969, voir p. 143.
La correspondance entre le poète aveugle et le grand dā cī fatimide et l’abondante
bibliographie liée à cet échange. Les travaux de P. Smoor, notamment « Ma’arrī » dans EI 2,
V, 933-938, n’ont pu être consultés avant la rédaction du texte.
*53 Muḥammad b. al-Ḥusayn Abū Šuǧāc al-Rūḏrāwarī, (m. 488/1095), Ḏayl Taǧārib al-umam, édit.
H. F. Amedroz, Le Caire, 1916,
53° — réédition Bagdad, voir Cahen, « Djahīr », El, 2, II, 394b.
54 Ibn al-Ṣayrafī, Kānūn dīwān al-rasā’il, édit. Alī Bahǧat, Le Caire, 1905, trad. H. Massé, BIFAO, XI,
1914, 65-120.
*55 cAlī b. Munǧib Ibn al-Ṣayrafī, (m. 542/1147), al-Išāra ilā man nāla al-wizāra, édit. cAbd Allāh
Muḫliṣ, Le Caire, 1924, réédition Bagdad.
*56 Abū Yaclā Ḥamza Ibn al-Qalānisī, (m. 555/1160), Ḏayl tārīḫ Dimašq, édit. H. F. Amedroz, Leyde,
1908, réédition Bagdad.
57 Ibn al-Qalānisī, édition Suhayl Zakkār, nouvelle édition d’après le même ms. unique, al-ra cīs al-
aǧall maǧd al-ru’asā’ Abū Yaclā Ḥamza b. Asad b. cAlī b. Muḥammad al-Tamīmī (al-macrūf bi Ibn
al-Qalānisī), Tārīḫ Dimašq, 360-555, Damas, 1983 ;
Dans la préface l’éditeur attribue à Ṯābit b. Sinān et à Hilāl b. al-Muḥassin la première
partie jusqu’en 448, pour lui la seconde partie est originale. Dans son édition du texte, S. Z.
propose un certain nombre de corrections, dates, noms, successions de vizirs,
principalement tirées de l’Itticāẓ de Maqrīzī. S. Z. a introduit en note certains textes tirés de
Sibṭ Ibn al-Ǧawzī qu’avait placés là Amedroz dans son édition ; cartes, index mais pas de
bibliographie.
58 Ibn al-Qalānisī, traduction partielle, en anglais, H.A.R. Gibb, The Damascus chronicle, 490-555, of
the Crusades, 1932.
59 Ibn al-Qalānisī, traduction partielle en français, R. Le Tourneau, Damas de 1075 à 1154 (468-549).
J’ai préparé une traduction des années 360 à 458 que je n’ai pas publiée.
60 Muḥammad b. cAbd al-Malik al-Hamaḏānī (m. 521/1127), Takmilat tārīḫ al-Ṭabarī, édition Albert
Yūsuf Kancān, Beyrouth, 1961, (292-367 H.)
Ḏuyūl tārīḫ al-Ṭabarī, édition Muḥ. al-Faḍl Ibrāhīm, Le Caire, 1977. Porte le numéro 11 de
l’édition Dār al-Macarif d’al-Ṭabarī ; contient en outre al-Ḥamdānī (60), une œuvre d’al-
Ṭabarī, al-Muntahab min... tārīḫ al-ṣaḥāba wa’l-tābi cīn, (sans intérêt pour nous), cArīb b. Sacd
al-Qurṭubī (m. vers 556/1161), Ṣilat tārīḫ al-Ṭabarī, années 291 à 320 H.
62 Muḥammad b. Alī al-cAẓīmī (m. après 556/1161), Chronique universelle dont les années 455 à
538 ont été publiées par Cl. Cahen dans J.A., 1938, pp. 353-448.
En 1984, une édition a paru à Damas.
203
67 Muḥ. b. Muḥ. al-Idrīsī (vers 548/1154) Kitāb nuzhat al-muštāq fī’ḫtirāq al-āfāq, édition E. Cerulli
et autres, Naples et Rome, à partir de 1974, sous le titre Opus geographicum, la Syrie se trouve dans
le FASCICULUS QUARTUS, pages 347-378, SECTIO QUINTA, les pages arabes se lisent à contresens.
*68 Aḥmad b. Yūsuf al-Fāriqī, (m. vers 572/1176) Tārīḫ al-Fāriqī, édition Badawī cAbd al-Laṭīf
Awad, Le Caire, 1959, Al-Dawla al-Marwāniyya.
Cet auteur est souvent cité sous le nom d’Ibn al-Azraq. Le reste de son œuvre est inédit à
notre connaissance.
69 Muḥ b. Muḥ. al-Wahrānī (m. 575/1179), Manāmāt al-Wahrānī wa maqāmātu-hu wa risālātu-hu,
édition Ibrāhīm Šaclān, Muḥ. Naǧāš, Abd al-cAzīz al-Ahwānī, Le Caire, 1968.
Voir page 61, le texte de la lettre (imaginaire) adressée sous forme de requête par les
mosquées des villages de l’oasis de Damas à la mosquée des Omayyades.
70 cAbd al-Raḥmān b. cAlī Ibn al-Ǧawzī, (m. 597/1201), al-Muntaẓam fī’l-tārīḫ al-mulūk wa’l-umam,
édition de Ḥaydarabad, 1358 H., volume 7, 350-411 H., volume 8 412-474 H., volume 9, 475-519 H.
Cet auteur est surtout utile pour connaître le point de vue des sunnites iraqiens sur l’action
fatimide, notamment face aux tributaires.
71 Al-Ascad b. Muhaḏḏab Ibn Mammātī (m. 606/1209), Kitāb qawānīn al-dawāwīn, édition A.S. Atiya,
Le Caire, 1943.
204
*72 Abū cAbd Allāh Yāqūt b. cAbd Allāh (m. 626/1229), Mucǧam al-Buldān, édition F. Wüstenfield,
Leipzig, 1866-1870, 6 volumes.
73 Yāqūt, Mucǧam al-udabā’, édition D. S. Margoliouth, Londres, 1923, 1931, 7 volumes numérotés
VI 1 à VI 7.
74 Yāqūt, al-Muštariq, édition F. Wüstenfield, Göttingen, 1846.
75 cAlī b. Muḥammad Ibn al-Aṯīr, (m. 630/1233), al-Kāmil fī’l-tārīḫ, édition C. J. Tornberg, Leyde,
1865, réédition Beyrouth, 1965 avec un index ; vol. 8, 295-369 H., vol. 9, 370-450 H., vol. 10,
451-527 H.
76 Ibn al-Aṯīr, al-Lubāb fi tahḏīb al-Ansāb, réédition al-Muṯannā, Bagdad, s.d.
*77 cAlī b. Yūsuf al-Qifṭī, (m. 646 ou 649/1248 ou 1251), Kitāb iḫbār al- culamā’ bi aḫbār al-ḥukamā’,
édition al-Ḫanǧī, Le Caire, 1326 H.
78 al-Qifṭī, Inbāh al-ruwāt calā anbāh al-nuḥāt, édition Muḥ. Abū’l-Faḍl Ibrāhīm, Le Caire, 1369-1374
H.
79 al-Qifṭī, al-Muḥammadūn min al-šucarā’, édition Riyāḍ cAbd al-Ḥamīd Murād, Damas, 1975.
Le Tārīḫ al-ḥukamā’ contient une notice sur al-Muḫtār b. al-Ḥasan Ibn al-Buṭlān, pp.
192-207, dans laquelle l’auteur a transcrit le récit du voyage que fit ce médecin à partir de
ramaḍān 440/février-mars 1049, deux ans après Nāṣir Ḫusraw, à Raḥba, Alep, Antioche et
Lattaquié, description importante pour l’impression qu’elle donne de la ville d’Alep et de la
campagne entre Alep et Antioche. Le Strange (48) a choisi de donner la version de Yāqūt
(72) de cette description d’Ibn Buṭlān. Dans al-Qifṭī (79), voir page 164, Ibn al-Nābulusī et
page 52 et sq. la vie curieuse d’al-Wā’wā’ qui débuta comme vendeur à la criée aux halles
des fruits et légumes, sūq al-Biṭṭiḫ de Damas, mort vers 370 H. Son dīwān a été édité par S.
Dahhān en 1950 à Damas.
80 Yūsuf b. Qizoglu Sibṭ Ibn al-Ǧawzī, (m. 654/1256), Mi’rāt al-Zamān, ms. Paris FA 5866, années
338-400,
80° Sibṭ Ibn al-Ǧawzī, British Museum, OR 4619, années 283-460,
80°° Sibṭ Ibn al-Ǧawzī, Turk Eserleri 2136, m années 456-465,
80°°° Sibṭ Ibn al-Ǧawzī, Turk Islam Eserleri 2141, années 456-480 ; pour les deux derniers mss., les
années indiquées sont celles qui ont été consultées.
81 Claude Cahen « La première pénétration turque en Asie Mineure »
Byzantion XVIII, Bruxelles, 1946-48, note p. 7.
82 Cl. Cahen, « Ibn al-Djawzī », (Sibṭ), in EI 2, III, 775.
*83 cUmar b. Aḥmad Ibn al-cAdīm (Kamāl al-Dīn), (m. 660/1262), Zubdat al-halab min tārīḫ Ḥalab,
édition Sāmī al-Dahhān, I, (1-457 H.), II (457-569 H.), III (569-641 H.), Damas, 1951, 1954, 1968.
84 Ibn al-cAdīm, Buġyat al-ṭalab fī tārīḫ Ḥalab, mss. Aya Sofia 3036, Aḥmad III 2925, Fayd Allah 1404.
Suhayl Zakkar a publié dans Tārīḫ al-ḥurūb al-ṣalībiyya, (9), des notices tirées de la Buġya.
Aḥmad Šāh, p. 251, Aḥmadīl al-Kurdī, p. 254, al-Basāsīrī, p. 255, Aq Sunqur, p. 269, Alp
Arslān, p. 278, Alp Arslān b. Riḍwān, p. 294, Niẓām al-Mulk, p. 349, Ǧanāḥ al-Dawla Ḥusayn,
p. 276, Ḫalaf b. Maḥmūd, p. 397, Sālim b. Mālik al- cAqīlī, p. 405, dans Aḫbār al-Qarāmita (10),
S.Z. a publié pages 275-300 des extraits de la notice d’Aḥmad b. cAbd Allāh al-Qirmiṭī Ṣāḥib
al-Ḫāl.
Le système employé par S.Z. pour indiquer à son lecteur ses références étant souvent
mystérieux, celui-ci est réduit à un vademecum afin de tirer le meilleur parti de ses
travaux. On attend avec impatience la publication de la Buġya qu’il a promise. Une
reproduction photographique imprimée des dix manuscrits autographes faciliterait déjà le
travail des chercheurs.
85 Aḥmad b. Muḥammad Ibn Ḫāllikān, (m. 681/1282), Wafayāt al-a cyān wa anbā’ abnā’ al-zamān,
édition Iḥsān cAbbās, Beyrouth, (1968), 8 volumes.
205
86 Aḥmad b. al-Qāsim Ibn Abī Uṣaybica, (m. 668/1270), cUyūn al-anbā’ fī ṭabaqāt al-aṭibbā’, édition
Ibn al-Ṭaḥḥān (A. Muller), Le Caire, 1882.
Le projet d’une nouvelle édition scientifique, munie d’index plus précis et d’une traduction
complète n’a malheureusement pas abouti.
87 Ibn Abī Uṣaybica, Traduction de la notice consacrée à Abū’l-Faraǧ al-Yabrūdī, dans Th.
Bianquis, « Notables et malandrins d’origine rurale à Damas à l’époque fatimide », B.E.O. XXVI,
1973, p. 202.
Corriger, p. 206, « il se refusa à ce qu’on parlât d’honoraire » en « il empêcha que survienne
(à nouveau) une éruption ». Par ailleurs, les concours de mangeailles attestés dans ce texte
mériteraient une. analyse.
‘88 Muḥ. b. cAlī b. Yūsuf b. Ǧalab Raġīb Ibn Muyassar (m. 677/1278), al-muntaqā min aḫbār Miṣr,
édition A.F. Sayyid, Le Caire, 1981. Cf. sur cet historien, Cl. Cahen, El 2, III, 918.
89 Muḥ. b. cAlī al-Halabī Ibn Šaddād, (m. 684/1285), al-Aclāq al-ḫaṭīra fī ḏikr umarā’ al-Šām wa’l-
Ǧazīra,
89-53 Ibn Šaddād, Alep, édition D. Sourdel, 1953,
89-56 Ibn Šaddād, Damas, édition S. Dahhān, 1956,
89-63 Ibn Šaddād, Liban, Jordanie, Palestine, édit. S. Dahhān, 1963,
89-78 Ibn Šaddād, Ǧazīra, Y. cAbbāra, 1977-1978,
89-82 Ibn Šaddād, Syrie du Nord, A. M. Eddé, 1982, toutes ces éditions dans les publications de
l’Institut Français de Damas, sauf celle de la Ǧazīra, sur les Presses du Ministère Syrien de la
Culture à Damas.
35 Ibn Šaddād, Edition des cAwāṣim par Ch. Ledit, dans Mašriq, XXXIII, 1935, Beyrouth.
Pour l’époque fatimide Ibn Šaddād apporte peu de renseignements inédits.
*90 Alī b. Mūsā Ibn Sacīd al-Maġribī al-Andalusī (m. 685/1286), Kitāb al-Muġrib fī hula’l-Maġrib, I
c
Miṣr (Tulunides et Ikhchidides), édition Zakī Muḥ. Ḥasan, Šawqī Ḍayf, Sayyida Kāšif, Le Caire,
1953,
90° Ibn Sacīd al-Maġribī, al-Nuǧūm al-zāhira fi hulā haḍrat al-Qāhira, (Fatimides), édition Ḥusayn
Naṣṣār, Le Caire, 1970.
*91 Abū Bakr b. cAbd Allāh b. Aybak al-Dawādārī, (acheva son œuvre en 732/1331), Kanz al-dawla
al-fāṭimiyya, édition Ṣalāḥ al-Dīn alMunaǧǧid, Le Caire, 1961.
Une consultation rapide du manuscrit portant sur la période ikhchididekafuride, vu à Dār
al-Kutub al-miṣriyya, fait regretter qu’il n’ait pas été inclus dans le plan de publication de
l’Institut allemand.
*92 Aḥmad b. cAbd al-Wahhāb al-Nuwayrī (m. 733/1333), Nihāyat al-arab fī funūn al-adab, ms.
photographié, Dār al-Kutub al-miṣriyya, macārif cāmma 549, volume 26.
93 Ismācīl b. cAlī Abū’l-Fidā (m. 732/1331), Muḥtaṣar tārīḫ al-bašar, édition Istanbul, 1869-70, 2
vol. ;
94 Abū’l-Fidā, Taqwīm al-Buldān, traduction Reinaud, Paris, 1848 et Guyard, Paris, 1883.
94 Aḥmad Ibn Faḍl Allāh al-cUmarī (m. 749/1349), Masālik al-abṣār fī mamālik al-amṣār, I, édition
Aḥmad Zakī Pāšā, Le Caire, 1924.
95 Muḥammad b. cUṯmān al-Ḏahabī (m. 748/1348), al-Muštabih fī’l-riǧāl : asmā’i-him wa ansābi-him,
édition cAlī Muḥammad al-Baǧāwī, Le Caire, 1962, 2 vol. ;
96 Al-Ḏahabī, Taḏkirat al-ḥuffāẓ, Haydarabad, 1948, 5 vol. ;
97 Al-Ḏahabī, al-cibar fī ḫabār man ġabar, II, 251-375 H., III, 376-499 H., édition Fuad Sayyid, al-
Kuwayt, 1961 ;
98 Al-Ḏahabī, Kitāb duwal al-Islām, traduction A. Nègre, Damas, 1979, années 447-656.
206
*99 Al-Ḏahabī, ms. du Tārīḫ al-Islām, ms. photographié, caractère fārisi, conservé à la Bibliothèque
de l’A. A. D., événements et obituaires, 350-400 H. ; ms photographié conservé à la Bibliothèque
de Dār al-Kutub al-miṣriyya, obituaires seulement, 400-450.
Comme pour Ibn cAsākir et pour Ibn al-cAdīm, une édition d’al-Ḏahabī s’impose.
Les manuscrits dispersés et hétérogènes ne permettent pas de confronter aisément les
données originales qu’ils apportent avec les apports des autres sources. Or, al-ẓahabī
représente une tradition sunnite de l’histoire particulièrement intéressante et riche, plus
fiable qu’Ibn Kaṯīr, édité depuis longtemps.
*100 Ḫalīl b. Aybak al-Ṣafadī (m. 764/1363), Umarā’ Dimašq fī’l-Islām, édition Salāḥ al-Dīn al-
Munaǧǧid, Damas, 1955 ;
101 Al-Ṣafadī, Kitāb al-wāfī bi’l-wafayāt, édition scientifique par des savants variés, une quinzaine
de volumes parus à l’Institut allemand de Beyrouth.
102 Ismācīl b. cUmar Ibn Kaṯīr (m. 774/1373), al-Bidāya wa’l-nihāya, Beyrouth, Riyad, 1966, tome XI,
249-588 H.
103 cAbd al-Raḥmān b. Aḥmad Ibn Raǧab (m. 795/1392), Kitāb al-ḏayl calā ṭabaqāt al-ḥanābila,
édition Sāmī Daḥḥān et Henri Laoust, I, 460-540, Damas, 1951.
104 cAbd al-Raḥmān b. Muḥammad Ibn Ḫaldūn (m. 808/1406), Tārīḫ Ibn Ḫaldūn, réédition Dār al-
Bayān, sans lieu ni date, en 7 volumes.
L’histoire n’apporte pas d’informations nouvelles, sauf quand les tribus berbères sont en
cause.
*105 Ibrāhīm b. Muḥammad Ibn Duqmāq (m. 809/1406), Kitāb al-intiṣār li wāsitat ciqd al-amṣār,
édition Vollers, 1893, Le Caire.
A propos de Fusṭāṭ, il donne des informations sur les grands officiers ikhchidides et le
début de l’époque fatimide.
106 Aḥmad b. cAlī al-Qalqašandī (m. 821/1418), Ṣubḥ al-acša fi sināc at al-inšā, édition Muḥammad c
Abd al-Rasūl Ibrāhīm, Le Caire, 1913-1920, 14 volumes.
Plus intéressant pour le second État fatimide, après la réforme de Badr al-Ǧamālī, que pour
le premier.
*107 Aḥmad b. cAlī al-Maqrīzī (m. 845/1441), Itticāz al-ḥunafac’ bi aḫbār al-a’imma al-fāṭimiyya al-
ḫulafā’,
I, (jusqu’à la mort d’al-cAzīz), édition Ǧamal al-Dīn Šayyāl, Le Caire, 1967 ;
II, (jusqu’à la mort d’al-Mustanṣir), édition Muḥammad Ḥilmī Muḥammad Aḥmad, Le Caire, 1971 ;
III (jusqu’à la fin des Fatimides), édition Muḥ. Ḥilmī Muḥ. Aḥmad, Le Caire, 1973. L’index pour les
3 volumes se trouve à la fin du 3e volume.
108 Al-Maqrīzī, Arabica, XXII, fascicule 3, notes et documents pages 302-320, une liste de
corrections établies par Cl. Cahen et M. Adda, sans lesquelles le texte imprimé est inutilisable.
*109 Al-Maqrīzī, Kitāb al-mawāciẓ wa’l-ic tibār bi ḏikr al-ḫiṭaṭ wa’l-aṯār, édition de Būlāq, 1270 H.
La matière concernant les Fatimides est la même que dans l’œuvre précédente, mais
disposée autrement et accompagnée parfois de la mention de la source.
110 Al-Maqrīzī, al-Bayān wa’l-ic rābc amma bi Arḍ Miṣr min al-Acrāb, édition cAbd al-Maǧīd cAbdīn, Le
Caire, 1961 ; cet ouvrage a été utilisé dans cAbd Allāh Ḫūršīd al-Barrī, al-Qabā’il alc-arabiyya fī Miṣr
fī’l-qurūn al-ṯalāṯa al-ūlā lil-hiǧra, Le Caire, 1967.
Les deux livres concernent également la Syrie malgré leurs titres.
111 Al-Maqrīzī, al-Muqaffā, Dictionnaire de biographies d’Égyptiens ou de personnages ayant séjourné en
Égypte ; seuls des fragments ont été conservés, les premières lettres de l’alphabet, Pertev Pacha
496, les cAbd …, Bibliothèque Nationale FA 2144, les Muḥammad, à Leyde.
S. Zakkar a édité certaines notices, al-Ḥasan b. Aḥmad al-A cṣam al-Qirmitī, (10), pages
393-409, Atsīz b. Uvaq, (9), 265-268, Badr al-Ǧamālī, (9), 298-305, Bišāra al-Ihšīdī al-Ḫādim,
207
(9), 306-308, Ṯimāl b. Ṣāliḥ b. Mirdās, 309-312, Ǧa cfar b. Falāḥ, (9), 313-320, Ǧawhar al-
Ṣaqlabī, 321-344, Ǧayš b. al-Ṣamṣāma, 345-348, al-Ḥasan b. cAlī b. Mulhim, 374-375, voir
également Th. Bianquis (87), pp. 188-196, Abū Maḥmūd Ibrāhīm b. Ǧa cfar al-Kutāmī,
traduction tirée du ms. de Perte v.
112 Th. Bianquis, « L’acte de succession de Kafur d’après Maqrizi » Annales Isl., XII, 1974,
traduction de la notice d’Abū’l-Fawāris Aḥm. b. cAlī tirée également de Pertev 496.
*113 Aḥmad b. cAlī Ibn Ḥaǧar al-cAsqalānī (m. 852/1449), Rafc al-iṣrcan quḍāt Miṣr, édition partielle
par Rhuvon Guest à la suite de Kindī (25), jusqu’à la notice de cAbd al-Ḥākim b. Sacīd al-Fāriqī,
mort en 435/1043. Les cadis sont présentés par ordre de succession.
*113 Al-cAsqalānī, une autre édition par Ḥāmid cAbd al-Maǧīd, Le Caire, 1961.
Les cadis sont présentés par ordre alphabétique de l’ism ; la deuxième partie, la seule que
j’ai pu consulter, donne les notices de Sālim b. Sālim jusqu’à cAlī b. Yūsuf al-Dimašqī. Ibn
Ḥaǧar donne de nombreux détails absents chez Maqrīzī et semble plus fiable que celui-ci. Il
existait au XVe siècle, au Caire des sources très riches sur l’époque fatimide, sources qui ont
été détruites plus tard, sans doute par négligence et par manque d’intérêt pour l’histoire à
l’époque ottomane.
*114 Yusūf Ibn Taġrī Birdī Abū’l-Maḥāsin (m. 874/1470), Kitāb al-nuǧūm al-zāhira fī mulūk Miṣr wa’l-
Qāhira, édition Dār al-Kutub, Le Caire, rééditions photographiques, vol, IV, 355-427 H., vol. m V,
428-566 H.
Les événements les plus importants sont en général regroupés au début du règne du
souverain sous lequel ils se sont déroulés ; les sources sont souvent citées et connues par
ailleurs. Ibn Taġrī Birdī al-Atābakī est un des seuls écrivains à utiliser Sibṭ Ibn al-Ǧawzī.
115 cAbd al-Raḥmān b. Muḥammad Muǧīr al-Dīn al-Ḥanbalī (m. 927 ou 928/ 1521-22), al-Uns al-
ǧalīl bi tārīḫ al-Quds wa’l-Ḫalīl, édition Muḥammad
*116 Muḥammad b. cAlī Ibn Ṭūlūn, (m. 953/1546), Qudāt Dimašq, édition Ṣalāḥ al-Dīn al-Munaǧǧid,
Damas, 1956.
***
Les différents ouvrages écrits à la fin de la période mamelouke et portant sur la topographie de la
ville, sur les mosquées et sur les madrasa, (voir Elisséeff (7), XLV-LIII), n’apportent rien sur
l’époque fatimide ; ils ne prennent en compte la ville qu’à partir de l’époque buride.
Des ouvrages antérieurs à la période traitée doivent être pris en considération :
*117 Aḥmad b. Abī Yacqūb al-Yacqūbī (m. 284-897), Kitāb al-buldān, édition M. J. de Goeje, Leyde,
1892. Informations précieuses sur le peuplement de la Syrie et de l’Égypte, pp. 323-344.
118 Ibrāhīm b. Muḥammad al-Iṣṭahrī (première moitié du IVe/Xe siècle), Kitāb al-Masālik wa’l-
Mamālik, édition M. J. de Goeje, Leyde, 1927, cf. A. Miquel, EI 2, IV, 232-233.
119 cAlī b. al-Ḥusayn al-Mascūdī, (m. 345/956), Murūǧ al-ḏahab wa macādin al-gawāhir, réédition par
Ch. Pellat, Beyrouth, 1979, 7 volumes dont les deux derniers d’index, précieux pour identifier les
tribus arabes et leurs territoires privilégiés.
Voir également deux guides de pèlerinage :
120 cAlī b. Abī Bakr al-Harawī (m. 611/1215), Kitāb al-ziyārāt, édit. J. Sourdel-Thomine, 1953.
120° Al-Harawī, trad. J. Sourdel-Thomine, Damas, 1957.
*121 Muḥ. b. Nāṣr al-Dīn Ibn al-Zayyāt (m. 814/1411), al-Kawākib al-sayyāra fī tartīb al-ziyāra,
réédition iraqienne, sans lieu ni date.
***
208
L’étude de la vie littéraire sous la domination fatimide au sud, hamdanide puis mirdaside au
nord, n’a pas été abordée. Une documentation très riche permettrait à un spécialiste de poésie
arabe de traiter un tel sujet, dont les implications sur l’histoire plus générale de la société sont
évidentes. On trouvera dans Saleh (52) une bibliographie complète sur Abū’l- cAlā al-Macarrī, voir
également Al-Macarrī (Abū’l-Alā’), dans EI2.
122 Tacrīf al-qudamā’ bi Abī’l-cAlā’, Le Caire, 1944.
Pour les autres poètes :
123 Al-Ṯacālibī, (m. 420/1035), Yatīmat al-dahr fī šucarā’ ahl al-caṣr, édition Le Caire, 1935.
124 Al-Ṯacālibī, Tatimmat al-yatīma, Tehéran, 1353.
125 Muḥ. b. Muḥ. cImād al-Dīn al-Iṣfahānī, (m. 597-1201), Ḫarīdat al-qaṣr wa ǧarīdat ahl al- caṣr,
Syrie, Š. Faysal éditeur, Damas, 1955, Égypte, A. Amīn, Š. Ḍayf, Ih. cAbbās éditeurs, Le Caire, 1951.
127 Muḥ. b. Aḥmad al-Wā’wā’ (composait à Damas au IVe/Xe siècle), Dīwān, édit., S. al-Dahhān,
Damas, 1950.
128 Ibn Sinān al-Ḫafāǧī (m. 466/1073-1074), Dīwān, édit. Beyrouth, 1309 H.
129 al-Ḥasan b. cAbd Allāh Ibn Abī Ḥaṣīna (m. 457/1065), Dīwān, édition,
Muḥ. Aḥm., Ṭalas, Damas, 1956, 2 volumes, cf. J. Rikabi, EI2, III, 708, sur sa vie.
130 Muḥ. b. Sulṭān Ibn Ḥayyūs (m. 473/1081), Dīwān, édition H. Mardam Bak, Damas, 1951, 2
volumes et EI2, III, 813.
***
Les oppositions à l’intérieur du sunnisme ont été évoquées lorsque les incidents auxquelles elles
donnaient lieu troublaient l’ordre public mais n’ont pas été analysées en elles-mêmes.
131 cAbd al-Wahhāb b. cAlī al-Subkī (m. 771/1370), Ṭabaqāt al-Šāfīciyya al-Kubrā, édition du Caire.
1965, volumes 3, 4, et 5 traitant de l’époque fatimide en Syrie, IVe/Xe et Ve/XIe siècles, consultées
mais non dépouillées.
131° G. Makdisi, Ibn cAqīl, la résurgence de l’Islam traditionaliste au XIe siècle, Damas, 1963.
Cette étude demeure avec les études d’Henri Laoust, l’ouvrage de base sur le mouvement
« intégriste » que connut l’Islam sunnite au Ve/XIe siècle en réaction contre les diverses
formes de chiisme qui avaient prévalu au siècle précédent. Voir la notice de même auteur
sur Ibn cAkil dans EI 2, III, 720-722.
Dans une seconde partie, nous espérons étudier plus particulièrement les relations entre ce fait
culturel, la mise en cause de la prépondérance du chaféisme et de l’acharisme sur le sunnisme
damascain à partir du début du Ve/XIe siècle, et différents traits socio-économiques, nouvelles
stratifications, évolution des rapports ville-campagne, etc... Voir la conclusion de Bianquis Atassi
(168), et Gilbert (208).
ÉTUDES CONTEMPORAINES
Les ouvrages, cités comme outils bibliographiques au début de ce répertoire de titres, sont à
compléter par les travaux en cours, l’Encyclopédie de l’Islam dont la deuxième édition parvenue à
la lettre M, comprend déjà les articles sur Dimašq, Ḥalab, Ḥimṣ, Ḥama, Ḳuds, al-Ladhakiyya,
c
Anṭākiyya, Afrīn, Armīniyya, Baclabakk, Diyār Bakr, Diyār Muḍār, Diyār Rabīca, dus
principalement à Cl. Cahen, M. Canard, S. D. Goitein, N. Elisséeff, D. et J. Sourdel ; de même la
parution de la totalité des articles portant sur des personnages dont le nom commence soit par
Abū, soit par Ibn, permet au lecteur de s’informer plus commodément que dans la GAL, C.
Brockelmann, Geschichte der Arabischen Literatur, 2 vol. et 3 vol. de supplément, Leyde, 1937-1949
209
et que dans F. Sezgin, Geschichte des Arabischen Schriftums, I, Leyde, 1970 (pour la période avant
420 H.), en ce qui concerne les principaux auteurs arabes médiévaux.
Par contre, l’information sur les éditions de textes en cours est mal diffusée. Le départ du Caire
de la Ligue Arabe a nui au fonctionnement de l’Institut des Manuscrits Arabes qui offrait aux
chercheurs une collection très riche de microfilms et qui constituait un observatoire commode
sur les divers travaux ; cet Institut a repris l’édition d’un bulletin mais celui-ci ne couvre qu’une
petite partie des activités. D’une manière générale, le mouvement d’édition scientifique de
manuscrits véritablement inédits se ralentit.
La liste réduite d’ouvrages ou d’articles qui est donnée ici concerne principalement des ouvrages
occidentaux qui constituent le complément indispensable de notre travail. En effet, on ne pouvait
formuler à nouveau dans celui-ci, ce qui avait été précédemment écrit par des historiens
s’appuyant sur des textes solidement établis. Quelques titres portant sur des époques ou sur des
régions extérieures à notre sujet ont été ajoutés afin de faciliter pour le lecteur la comparaison
avec des sociétés au fonctionnement proche ou, au contraire, très différent de celui de la société
syrienne aux IVe/Xe et Ve/Xe siècles.
GÉOGRAPHIE HISTORIQUE
Outre les ouvrages, Wirth (2), Cahen (4), Canard (6), Elisseeff (7) et (8), Miquel (34), voir :
132 F.M. Abel, Géographie de la Palestine, 2 vol., Paris, 1938.
133 K. Baedeker, Palestine et Syrie avec les routes principales à travers la Mésopotamie et la Babylonie,
Leipzig, 1906.
134 Van Berchem (M.) ét E. Fatio, Voyage en Syrie, Beyrouth, 1953.
135 Dunand, M., De l’Amanus au Sinaï. Beyrouth, 1953.
136 R. Dussaud, Topographie historique de la Syrie antique et médiévale, outil indispensable et
indéfiniment consulté, quoique dépassé sur certains points, 16 cartes et deux index, Paris, 1927.
137 E. Honigmann, Die Ostgrenze des Byzantinischen Reiches, Tome II de l’ensemble, Vasiliev, Byzance
et les Arabes, III, Bruxelles, 1935.
Comme tout ce qui ressort de l’historiographie byzantine contemporaine, cet ouvrage très
savant est insuffisamment informé sur les sources arabes non traduites. On y trouve de
bonnes cartes des régions frontalières ; voir également Canard (6). Elisséeff (8).
138 Kurd cAlī, Ġūṭat Dimašq, Damas, 1949.
139 J. Maspero et G. Wiet, Matériaux pour servir à la géographie de l’Égypte, Le Caire, 1919.
140 S. Mazloum, L’ancienne canalisation d’eau d’Alep, Damas, 1936.
141 A. Miquel, « Notes sur quelques points de la topographie de la Jérusalem arabe », B.E.O., XVI,
1958-1960.
142 J. Sauvaget, « Alep au temps de Sayf al-Dawla », dans al-Mutanabbī, Damas, 1936.
143 J. Sauvaget, Alep, essai sur le développement d’une grande ville syrienne des origines au milieu du XIXe
siècle, Paris, 1941.
144 J. Sauvaget, « La citadelle de Damas », SYRIA, XI, 1930.
145 J. Sauvaget, « Esquisse d’une histoire de la ville de Damas », REI, VIII, 1934.
146 J. Sauvaget, « Le plan antique de Damas », SYRIA, 1949. La bibliographie de Jean Sauvaget, très
riche a été analysée par :
147 J. et D. Sourdel dans le Tome II du Mémorial Sauvaget, grâce à un index de 284 pages.
Jean Sauvaget fut un savant exceptionnel, éditeur et traducteur de textes, épigraphiste,
archéologue et historien de l’art ; pourtant, certains a-priori, notamment celui qui
consistait à considérer les villes arabes comme une forme décadente des villes antiques
210
orthogonale hellénistique à l’origine du plan que l’on pouvait relever de ces villes au XXe
siècle ont lourdement pesé sur ses travaux au point d’en déformer les résultats.
148 H. Sauvaire, « Description de Damas », JA., 1894-1896, qu’il faut utiliser avec son complément
indispensable :
148° E. Ouechek, Index général de la Description de Damas de Sauvaire, Damas, 1954.
L’ouvrage de Sauvaire repose sur des sources tardives et doit être consulté pour les
époques post-fatimides, plus que pour les IVe/Xe-Ve/XIe siècles.
149 D. Sourdel, « Esquisse topographique d’Alep intra-muros à l’époque ayyoubide », AAS, 1952,
Damas.
150 J. Sourdel-Thomine, « Les anciens lieux de pèlerinage damascains d’après les sources
arabes », B.E.O., XIV, 1952-54.
151 K. Wulzinger et C. Watzinger, « Damaskus », II, Die Islamische Stadt, Berlin, Leipzig, 1921-1924 ;
une édition remise à jour et dotée d’un texte arabe est en cours de préparation par des
archéologues syriens à Damas.
***
152 A. Miquel, La géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du XIe siècle,
Tome I, Paris, 1967 ; Géographie et géographie humaine dans la littérature arabe des origines à 1050,
Tome II, 1975, Géographes arabes et représentation du monde : la terre et l’étranger,
Tome III, 1980, Le milieu naturel.
Le tome I donne un inventaire et une analyse de toutes les sources géographiques arabes
antérieures et contemporaines à la domination fatimide en Syrie ; d’autre part dans le
Tome II, la cartographie arabe est étudiée.
153 SYRIE, Répertoire des noms de lieux habités, dressé et publié par le Service des Forces Françaises du
Levant, Août 1945.
La 3e édition donne une liste commode des noms de lieux se trouvant mentionnés dans les
États du Levant (Syrie-Liban). La transcription française, le nom en caractère arabe, les
coordonnées kilométriques à 500 mètres près sont mentionnées pour chaque nom de lieu.
Ce document m’a été fourni par J.-P. Pascual.
De nombreux personnages ayant joué un rôle politique en Syrie ou en Égypte aux IVe/Xe et Ve/XIe
siècles ont une notice dans la nouvelle édition de l’Encyclopédie de l’Islam ; par exemple les articles
de Claude Cahen sur Alp-Arslān, Alp Takīn, Atsis b. Uvaq, Bakhtiyār, Buwayhides, Djahīr (Bānū),
Fakhr al-Dawla, Fasandjus (Bānū), Ghuzz, II 1132 et sq., (les Turcomans, important pour le Ve/Xe
siècle en Syrie du Nord), etc.. en plus de tous les articles portant sur des institutions politiques ou
fiscales.
154 C. Cahen, Les peuples musulmans dans l’histoire médiévale, Damas, 1977, donne p. X la liste des
articles de EI 2 rédigés par cet auteur.
Les articles de EI 2 sur les tribus arabes dont les auteurs sont très variés n’ont pas été traités de
manière uniforme ; certaines notices insistent davantage sur la Ǧāhiliyya et les premiers temps
de l’Islam, d’autres suivent le destin de la tribu à travers l’histoire médiévale, voir Azd, Asad,
Aws, Bāhila, Badjīla, Bakr b. Wā’il, Bahrā’, Djudhām, Djarrāḥides (M. Canard, important),
Djuhayna (voir Kudāca, V, 314 sq.), Khazradj, Khafādja, Ḍabba, cĀmir, cAmila, cAbābda, Bedja, cAbd
al-Kays, cAbs (voir EI 1 et Ghatafān, EI 2, II, 1046 sq., ainsi que Canard (6), index de Zakkar (8), p.
85), cAdī (voir Hilāl, III, 398 b, en haut), cAkk, Ghassān, Fazāra, Ḳaḥṭān, Ḳuraysh, Ḳushayr, Ḳays c
Aylān, Kacb, Kilāb, EI 2, V, 103, insuffisant, voir Canard (6) et Zakkar (8), Kalb, Kināna b.
211
Khuzayma, Kinda, Lakhm, Hashīmides, Hudhayl, Hilāl. Cette liste qui n’est pas exhaustive couvre
environ la moitié des noms de tribus cités en Syrie et en Ǧazīra pour cette période. Des tribus
importantes comme cUqayl ne figureront que dans la dernière partie de l’Encyclopédie de l’Islam.
***
155 E. Ashtor, The Medieval Near East, Social and Economic History, V(ariorum) R(eprint), Londres,
1978 ; I, La recherche des prix dans l’Orient Médiéval, sources, méthodes et problèmes, pages
101-144, IV, Un mouvement migratoire au Haut Moyen-Age : migration de l’Iraq vers les pays
méditerranéens ; V, L’administration urbaine en Syrie méridionale, 73-128 ; VI, Républiques
urbaines dans le Proche Orient à l’époque des Croisades, 117-131 ;
L’auteur étudie les mêmes faits que Cl. Cahen mais avec une approche différente : la lecture
qu’il fait des textes arabes peut être parfois contestée et il ne tient guère compte des
travaux en cours
156 E. Ashtor, A social and economic History of medieval Islam, 1978.
157 E. Ashtor, Studies on the Levantine Trades in the Middle Age, Londres, 1978.
158 M. Berge, Les Arabes, Paris, 1978.
159 M. Berge, Pour un humanisme vécu : Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, Damas, 1979.
Abū Ḥayyān, 320-414 H., un Iraqien de grande culture qui vécut auprès des détenteurs du
pouvoir analyse dans ses ouvrges les rapports du prince avec ses sujets ; ses œuvres
devront être utilisées pour traiter de l’Islam comme cité politique.
160 CH. Becker, Beiträge zur Geschichte Äegyptens unter dem Islam, Strasbourg, 1902 : utilisa al-
Musabbiḥī et le publia partiellement.
161 Th. Bianquis, « Les derniers gouverneurs ikhchidides à Damas », B.E.O., XXIII, 1970.
162 Th. Bianquis, « La prise du pouvoir par les Fatimides en Égypte », An. Isl, XI, 1972.
163 Th. Bianquis, « La transmission du hadith en Syrie à l’époque fatimide », B.E.O., XXV, 1972,
1973.
164 Th. Bianquis, « Ibn al-Nābulusī, un martyre sunnite au IVe siècle de l’Hégire », An. Isl., XII, 1974
et dans le même numéro
165 Th. Bianquis, « L’acte de sucession de Kāfūr d’après Maqrīzī ».
87 Th. Bianquis, « Notables ou malandrins d’origine rurale à Damas...
166 Th. Bianquis, « cAbd al-Ġanī Ibn Sacīd, un savant sunnite au service des Fatimides », in Actes
du XXIXe Cong. Intern. des Orient., Paris, 1975, Études Arabes et Islamiques, I, 1.
167 Th. Bianquis, « Une crise frumentaire dans l’Égypte Fatimide », JESHO, XXIII.
168 Th. Bianquis, et S. Atassi-Khattab, « Luttes d’influence à l’intérieur du sunnisme damascain
entre 400 et 550 de l’hégire », B.E.O., XXX, 1978.
Pour la partie post-fatimide ce texte ne prend pas suffisamment en compte la violente
opposition au chaféisme qui se rencontrait chez certains hanéfites. comme ce Muḥammad
b. Mūsā al-Balāsāgūnī al-Turkī, cadi hanéfite de Jérusalem et de Damas, mort en 506 qui
détestait les Malékites et interdisait aux Chaféites de prier derrière lui à la grande mosquée
et voulait leur faire payer la ǧizya comme les tributaires, voir Ibn Ṭūlūn (116), p. 43.
169 CE. Bosworth, The islamic Dynasties, Edinburg, 1967.
170 C E. Bosworth, « Barbarian Invasions : The coming of the Turks into the Islamic
world », in D.S. Richards éd., Islamic Civilisation, 950- 1150, Colloque publié à Londres et
Oxford, 1973.
171 W. Bulliet, Patricians of Nishapur, 1973.
172 W. Bulliet, The Camel and the Wheel.
212
173 H. Busse, Chalif und Grosskönig, die Buyiden im Iraq, Beyrouth, 1969.
Outre Cahen (1), (4), (13) et les nombreux articles de l’EI 2, dus à sa plume, voir dans Cahen (154),
la bibliographie générale de ses travaux, pages IX-XXVII : un très grand nombre d’articles ont été
utilisés, il est impossible de les citer tous. Dans les travaux rassemblés dans ce recueil, voir,
« Réflexions sur la connaissance du monde musulman par les historiens », « The historiography
of the Seljuqid period », « A propos des shuhūd », « La changeante portée sociale de quelques
doctrines religieuses », « L’histoire économique et sociale de l’Orient médiéval », voir p. 225 sq.,
l’exposé d’une problématique qui a inspiré par la suite de nombreux chercheurs, « L’évolution de
l’iqṭāc du IXe au XIIIe siècle... » « Notes pour l’histoire de la Ḥimāya », « Nomades et sédentaires
dans le monde musulman du milieu du Moyen-Age (la situation au Ve/XIe siècle) », « Les
changements militaires et techniques dans le Proche Orient médiéval et leur importance
historique ».
174 Cl. Cahen, « Mouvements populaires et autonomies urbaines dans l’Asie musulmane du
Moyen Age », Arabica, puis Leyde, 1969.
Cet ouvrage a posé le problème de la portée réelle des mouvements d’aḥdāṯ, šuṭṭār, ou c
ayyārūn ; depuis, une importante littérature s’est développée sur ce thème, travaux de
Bosworth, P. von Sievers cités dans Cahen (1), p. 90 et articles « Aḥdāṯ », « Futuwwa »,
« Ḥimāya », « Khafāra », dans EI 2.
175 Cl. Cahen, Turcobyzantina et Oriens Christianus, V.R., Londres, 1974,
I, La première pénétration turque en Asie Mineure, 5-67 ;
II, La campagne de Manzikert d’après les sources musulmanes, 628-642 ;
III, La diplomatie orientale de Byzance face à la poussée seldjukide, 10- 15 ;
A, Un texte peu connu relatif au commerce d’Amalfi au Xe siècle, 3-8.
176 Cl. Cahen, Orient et Occident au temps des Croisades, Paris, 1983, voir les trois premiers
chapitres, leurs notes et la bibliographie.
177 M. Canard, outre (5) et (6), Miscellanea Orientalia, V.R. Londres, 1973,
III, L’impérialisme des Fatimides et leur propagande, 156-193 ; Quelques observations sur l’introduction
géographique de la Bughyat al-Ṭalab de Kamāl al-Dīn Ibn al-cAdīm d’Alep ; XVI, Quelques aspects de la vie
sociale en Syrie et Jazīra au Xe siècle d’après les poètes de la cour Ḥamdānide, 168-190.
178 M. Canard, L’expansion arabo-islamique et ses répercussions, V.R., Londres, 1974, III, l’expansion
arabe, le problème militaire, 37-63 ; VI, La campagne arménienne du sultān salǧuqide Alp Arslān et la
prise d’Ani en 1064, 239-259 ; Les impôts en nature de l’Arménie à l’époque cabbasside, 359-363 ; Les
géographes arabes des XIe et XIIe siècles en Occident, 1-72, XIV.
179 M. Canard, Byzance et les Musulmans du Proche Orient, V.R., Londres, 1973, VI, Mutanabbī et la
guerre byzantino-arabe. Intérêt historique de ses poésies, 99-114 ; VII, Une lettre de Muḥammad Ibn Tuġj à
l’empereur Romain Lecapène, 189-209 ; La guerre sainte dans le monde islamique et dans le monde
chrétien, VIII, 605-623 ; XI, Deux Documents arabes sur Bardas Skéros, 55-69 ; XIII, La date des
expéditions mésopotamiennes de Jean Tzimiscès, 99-108 ; XIV, Le cérémonial fatimide et le cérémonial
byzantin. Essai de comparaison, 355-420 ; XVII, Les sources arabes de l’histoire byzantine aux confins des Xe
et XIe siècles, 284-314.
L’auteur pose le problème des sources d’Ibn al-Qalānisī et traduit deux passages, celui
concernant la rencontre entre Tzimiscès et Alp Takīn et la bataille d’Apamée, ainsi que
d’autres passages plus courts ; M. C. fait ressortir comme nous avons eu l’ocasion de le faire
pour le texte d’Ibn al-Qalānisī sur la défaite de Bakǧūr, qu’Ibn al-Qalānisī et Abū Šuǧā c
puisaient à la même source mais que c’est dans Ibn al-Qalānisī qu’il y a le plus de détails ;
XIX ; Les relations politiques et sociales entre Byzance et les Arabes, 35-56 ; XX, La destruction de
l’Église de la Resurrection par le Calife al-Ḥākim et l’histoire de la descente du feu sacré, 16-43.
L’érudition sans faille de Marius Canard, sa connaissance de nombreuses langues rares font
213
195 Y. Lev, « Fatimid policy towards Damascus (358/968-386/996) Military, political and social
aspects », Jerusalem Studies in Arab and Islam, II, 1981-82, 165-183.
Cet article contient une bibliographie des études en cours sur la Syrie médiévale et sur les
structures urbaines à cette époque ; plusieurs articles cités étant rédigés en hébreu, je n’ai
pu les lire. Le point de vue adopté par Y.L. est proche du mien sauf qu’il donne à mes yeux
une importance excessive à l’arc comme arme fondamentale de combat.
196 W. Madelung, « Fatimiden und Bahraynqarmaten », Der Islam, XXXIV, 1959.
197 J. Mann, The Jews in Egypt and Palestine under the Fatimid Caliphs, Oxford, 1920, réédition, 1969, 2
vol.
198 M. Rodinson, Islam et Capitalisme, Paris, 1966, chapitre III, la pratique économique du monde
musulman médiéval, pose un certain nombre de questions fondamentales pour un historien qui,
pourtant, est gêné par une démarche diachronique systématique.
199 M. Rodinson, Marxisme et Monde musulman, Paris 1972, voir pp. 106-120.
200 E. Sivan, L’Islam et la Croisade, Paris, 1968, très riche bibliographie classée ; p. 1-22 sur la Syrie
avant la Croisade ; cf. Bianquis (163) et (168).
201 S. M. Stern, Fatimid decrees, Londres, 1964, voir également Oriens, 15, 1962, Oriental Studies,
Oxford, 1965 ; REJ., 128, 1969.
202 S. M. Stern, « Cairo as the centre of Ismaili movement », in Colloque international sur l’histoire
du Caire, pp. 437-450. Article très important, annonçant des publications futures que la mort
brutale de l’auteur a interrompues.
203 D. Sourdel, Le vizirat abbasside de 749 à 936, 2 vol., Damas, 1959, 1960.
Riche bibliographie beaucoup plus large que l’époque traitée et particulièrement aisée à
manier ; la dernière partie de l’Office du Vizir, trace un tableau de l’administration au IVe
siècle de l’Hégire, utile même pour comprendre le fonctionnement de l’État fatimide.
204 D. et J. Sourdel, « Nouveau document sur l’histoire religieuse et sociale de Damas au Moyen-
Age », REI, XXXII, 1964 et « A propos des documents de la Grande Mosquée de Damas conservés à
Istambul. Résultats de la seconde enquête », REI, XXXIII, 1965.
205 D. et J. Sourdel, « Trois actes de vente damascains du début du IVe/Xe siècle », JESHO, VIII,
1965.
206 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire en pays d’Islam, Beyrouth, 1960.
207 G. Wiet, L’Égypte Arabe, 642-1517, Tome IV de l’Histoire de la Nation Egyptienne, dirigée par G.
Hanotaux, Paris, 1937. Si l’on fait abstraction du ton désuet des commentaires, la trame
événementielle demeure valable dans ses grandes lignes.
2070 Paul Balog, « Fatimid Glass Jetons : Token Currency or Coin-Weights ? » JESHO, XXIV-1.
2071 Michael L. Bates, « The function of Fāṭimid and Ayyûbid Glass Weights », JESHO, XXIV-1.
2072 B.J. Beshir, « Faṭimid Military Organization », Der Islam, LV-1.
2073 Andrew S. Ehrenkreutz, « Numismato-statistical Reflections on the Annual Gold Coinage
Production of the Tūlūnid Mint in Egypt », JESHO, XX-3.
2074 Gladys Franz-Murphy, « A New Interprétation of the Economic History of Medieval Egypt »,
JESHO, XXIV-3.
208 J.E. Gilbert, « Institutionalization of the Muslim scholarship and profesionalization of the « c
Ulamā’ » in Medieval Damascus », Studia Islamica, 52, 1980.
215
Très important, prend en compte la période juste postérieure au départ des Fatimides. Ses
conclusions fondées sur d’autres sources et d’autres recherches, sont très proches des
nôtres.
2080 D. Gimaret, « Les théologiens musulmans devant la hausse des prix », JESHO, XXII-3.
2081 Gary Leiser, « Ḥanbalism in Egypt before the Mamlūk », in Studia Islamica, 1981, LIV,
éclairant pour nos recherches.
2082 Yaacov Lev, « The Fāṭimid vizier Yacqub Ibn Killis and the Beginning of the Fāṭimid
Administration in Egypt », Der Islam, LVIII-2.
Assez curieusement l’auteur ne cite pas les trois articles très complets de Marius Canard
parus dans l’EI 2, « al-cAzīz », I, 846-848, « Faṭmides », II, 870-882, et « Ibn Killis », III,
864-865 ; Y. Lev cite Bianquis (165) et non Bianquis (101) et (102) antérieurs et plus
directement axés sur le sujet.
209 Peter von Sievers, « Military, Merchants and Nomads : The Social Evolution of the Syrian
Cities and Countryside During the Classical Period 780-969/164-358 », Der Islam, 56, 1979.
2090 Peter von Sivers, « Taxes and Trade in the cAbbassid Thughūr, 750-962/133-351 », JESHO,
XXI-1.
Le fait que mon attention sur ces deux articles n’ait été attirée qu’après la rédaction m’a été
très dommageable.
210 K. Saliby, Syria and Islam : Empire on trial, New York, 1977, non consulté.
2111 Abū’l-cAlā’ al-Macarrī, Risālat al-Ṣāhil wa’l-šāhig, édition Bint al-Šāṭī, Le Caire, 1975.
2112 P. Smoor, « Letter of a horse and a mule by Macarrī », in Journal of Arabie Littérature, XII, 1981,
49-73, XIII. 1982, 23-52. Voir des publications plus récentes du même auteur, très importantes
pour notre sujet.
La bibliographie sur l’Empire grec à l’époque de la renaissance macédonienne, Xe et XIe siècles, est
particulièrement abondante et rares sont les ouvrages qui n’abordent pas l’épopée héroïque des
armées byzantines face aux Hamdanides, aux Fatimides, aux Mirdassides puis aux Seldjucides,
sans parler des expéditions en Arménie et en Ǧazīra. Plus fréquemment que dans
l’historiographie occidentale sur le monde arabe médiéval, le savant spécialiste de Byzance
s’implique peu ou prou dans son sujet et s’identifie inconsciemment à tel empereur glorieux ;
cela donne à ces travaux un ton plus passionné que celui des orientalistes dont le regard sur
l’Islam, hostile, critique ou sympathique, est toujours celui d’un étranger sur un monde difficile à
saisir.
211 P. Charanis, Social, Economic and Political Life in the Byzantine Empire in the Eleventh Century, V.R.,
Londres, 1973 ; XVI, The Byzantine Empire in the Eleventh Century (réimpression du chapitre paru
dans l’Histoire des Croisades), note 1, pages 177-178.
Une liste des sources byzantines et chrétiennes orientales, en grec, syriaque et arménien
(notamment, Michel le Syrien, Mathieu d’Edesse, Arisdaguès de Lasdivend) à laquelle il faut
ajouter Asolik de Taron et un état de la question ; voir aussi dans le même recueil, IX,
« Economic Factors in the decline of Byzantine Empire », 412-424.
2110 Aristakès de Lastivert, Récit des malheurs de la nation arménienne, traduction M. Canard et H.
Berberian, Edition de Byzantion, Bruxelles (211) sous le nom d’Arisdagues de Lasdivend) n’a pu
être consulté qu’après la rédaction de notre travail et n’a été utilisé que pour certaines notes.
***
216
Etant incompétent dans le domaine byzantin et ayant choisi de ne pas traiter des marges syro-
byzantines, je ne présente que quelques titres de travaux issus de recherches ayant Byzance
comme objet principal, travaux utiles à la compréhension de l’histoire de la Syrie avant les
Croisades.
212 H. Ahrweiler, Byzance et la Mer, Paris, 1966, voir pages 122-171.
213 H. Ahrweiler, Études sur les structures administratives et sociales de Byzance, V.R., Londres. 1971 ;
IX, L’Asie Mineure et les invasions arabes, VIIe-IXe s., 1-32 ; XVIII, Les forteresses construites en Asie
Mineure face à l’invasion seldjoucide, 82-89.
214 H. Ahrweiler, Byzance, les pays et les territoires, Londres, V.R., 1976 ; III, La frontière et les
frontières de Byzance en Orient, 209-230.
214° R.S. Lopez, Byzantium and the world around it : Economie and Institutional Relations, V.R.,
Londres, 1978 ; VI, La crise du besant au Xe siècle et la date du Livre du Préfet ; XIV, Foreigner in Byzance,
pp. 341-352.
215 D. Jacoby, « Société et démographie à Byzance et en Romanie latine », V.R., Londres. 1975 ; I,
La population de Constantinople à l’époque byzantine, un problème de démographie urbaine, pp. 81-108.
Cet article particulièrement solide par sa documentation comme par sa logique scientifique
prouve que les estimations données couramment par les historiens du XIXe et du XXe siècle
pour la population de Byzance étaient exagérément élevées. Dans notre travail sur la Syrie,
nous n’avons pas essayé de chiffrer la population des villes, réservant cela pour une
seconde partie ; mais la documentation est pauvre et les hypothèses ne peuvent aboutir
qu’à de très vagues estimations.
216 N. Oikonomides, Documents et études sur les Institutions de Byzance, VIIe-XVe siècles, V.R., Londres,
1976 ; XXIV, L’organisation de la frontières orientales de Byzance aux Xe et XIe siècles et le Taktikon de
l’Escurial, pp. 285-302.
217 E. Patlagean, Structure sociale, famille, chrétienté à Byzance, V. R., Londres ; II, Les armes
et la cité de Rome du XIe au IXe siècles et le modèle européen des trois fonctions sociales.
suggestif pour une comparaison avec la société urbaine arabe.
218 N. Svoronos, Études sur l’organisation intérieure, la société et l’économie de l’Empire Byzantin, V. R.,
Londres. 1973 ; IX, Société et organisation intérieure dans l’Empire byzantin au XIe siècle : les principaux
problèmes, pp. 1-17.
219 S. Vryonis, Jr., Byzantium : its internai history and relations with the Muslim world, V.R., Londres.
1971 ; II, Byzantium : The Social basis of Décline in the Eleventh Century, pp. 159-175 ; X, Byzantium
Circus Factions and Islamic Futuwwa Organisations, Neaniai, Fityan, Ahdath, pp.49-59.
***
220 L. Brehier, Le Monde byzantin : Vie et mort de Byzance, Paris, 1946 et 1969 avec un utile
complément bibliographique de Jean Gouillard, dans la seconde édition ; Les Institutions de l’Empire
byzantin, Paris, 1949 et 1970 ; La civilisation byzantine, Paris, 1950 et 1970 ; la présentation des
suppléments bibliographiques a été affinée pour les deux derniers ouvrages.
221 P. Lemerle, Cinq études sur le XIe siècle byzantin, Paris, 1977.
222 A. Lewis, Naval power and trade in the Mediterranean, A. D. 500-1100, Princeton, 1951.
223 R.D. Lopez et I.W. Raymond, Medieval trades in the Mediterranean world, New York, 1955.
224 G. Ostrogorsky, Histoire de l’État byzantin, 1954, 3e édition allemande, Munich, 1963 ;
réimpression française en 1983 de l’édition de 1956.
***
217
2240 G. Makdisi, D. et J. Sourdel édit., Prédication et propagande au Moyen Age : Islam, Byzance,
Occident, Paris, 1983.
225 Structures féodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen, Xe-XIIIe siècle, CNRS, Paris, 1980.
2250 V. Grumel, Traité d’Études byzantines, La Chronologie, Paris, 1958.
NUMISMATIQUE
Ce chapitre n’a pas été abordé car nous n’avions pas la compétence nécessaire. Pourtant, les
allusions aux faits monétaires ou économiques trouvées chez les chroniqueurs arabes ont été
signalées afin qu’elles puissent être utiles aux historiens économistes et aux numismates.
A notre connaissance, la bibliographie sur les monnaies fatimides de Syrie est réduite. Abū’l-Faraj
al-cUsh, alors qu’il était directeur du Musée National de Damas, nous avait présenté un fichier
fourni qu’il avait constitué sur les monnaies fatimides ; il espérait le publier ou le faire publier
par un de ses collègues numismates. Le projet n’a pas vu le jour. En attendant, quelques
publications peuvent être signalées.
226 Al-cUsh, Catalogue du Musée National de Damas, Damas, 1969. Voir les monnaies pp. 197 et sq.,
lieux de frappe pour les Hamdanides, Bagdad, Damas, 332 H., Kūfa, Alep ; pour les Ikhchidides,
Filasṭīn (Ramla), dont une pièce frappée en 358 H., au nom du petit prince, Abū’l-Fawāris (Aḥmad
b. cAlī), cf. Bianquis (165), p. 263 ; pour les Fatimides en Syrie, Filastīn, dès 359 H., et Ṣūr (Tyr) en
440 et 448 H.
227 J. L. Bacharach, « Al-Ikhchid, the Hamdanids and the Caliphate : The Numismatic Evidence »,
JAOS, 94, 1974, Lieux de frappe mentionnés, Bagdad, Mawsil, Nasibin, Ḥarrān, Raqqa (Hamdanide,
332 H.), Ǧazīra (Hamdanides, 332 H.), Antioche (Hamdanide, 331 H., Tūzūn, 333 H.), Tarse, Alep,
Homs (al-Iḫšīd, 332 H., Tūzūn, 333 H., Ḥamdanide, 334 H.), Damas, (Iḫšīd,, 333 H. et 334 H.),
Tibériade (Tūzūn, 333 H., al-Iḫšīd, 334 H.), Ramla-Filisṭīn, (Ḥamdānide (sic), 331 H. et 333 H., al-
Iḫšīd, 331 H., 332 H., 333 H., 334 H., 335 H., Miṣr.
228 A. Fahmī Muḥammad, Faǧr al-sikka al-carabiyya, Le Caire, 1965, les monnaies ikhchidides, pp.
149-192 et 817-827, les monnaies fatimides, pp. 197-205.
229 G. P. Hennequin, « Problèmes théoriques et pratiques de la monnaie antique et médiévale »
An. Isl., X, 1972.
230 A.M. al-Karmalī (le Père Anastase Marie), al-Nuqūd al- carabiyya wa-cilm al-numiyāt, Le Caire,
1939.
231 U. S. Linder Welin, Sayf al-Dawla’s reign in Syria and Diyarbekr in the light of the numismatic
évidence, Commentationes de Nummis Saeculorum IX-XI, Suecia Reperds, I, Stockholm, 1961. Les
lieux de frappe mentionnés de 331 à 358 sont Alep, Antioche, Filasṭīn, Harran, Homs, al-Khizānah
al-Shāmiyah min Ḥalab, Madīnat al-cAwāṣim ( ?), al-Maṣṣīṣah, Mayyāfāriqīn et al-Thūǧur
Mayyāfāriqīn, al-Raqqah ou al-Rafiqah, Tarse dont 354 H., Thaġr al-Shāmiyah (Maṣṣīṣah ?).
Article important qui a, le premier, posé le problème de l’utilisation des monnaies pour
débrouiller l’histoire événementielle très compliquée de la Syrie pré-fatimide.
232 A. Nègre, « Le monnayage d’or des sept derniers califes fatimides », S.I., XLVII, 1978. A.N.
mentionne la politique monétaire des Buyides et des Seldjoucides, page 166.
233 S. Šammā, Al-Nuqūd al-islāmiyya allatī ḍuribat fī Filasṭīn, Damas, 1980.
— Monnaies ikhchidides, pp. 112-133 ;le lieu de frappe mentionné est en général Filasṭīn (Ramla),
sauf quelques cas où c’est Tibériade ; les monnaies frappées dans la capitale du ǧund du Jourdain
sont plus souvent en argent qu’en or (30 en 358 H.) ;
218
ÉPIGRAPHIE
Instruments ;
239 Répertoire chronologique d’Épigraphie Arabe, 17 volumes parus ainsi qu’un index géographique
pour les tomes I à XVI, établi par M. Kervran, S. Ory et M. Schneider, sous la direction de J.
Sourdel-Thomine, Le Caire, 1975. Le tome IV, Le Caire, 1933, traite 320 H-354 H., le tome V, Le
Caire, 1934, traite 355 H-386 H. ; le tome VI, Le Caire, 1935, traite 386 H.-425H. ; le tome VII, Le
Caire, 1936, traite 425 H.-485 H.
***
Peu de vestiges d’époque fatimide ont été signalés à notre connaissance. Nous sommes mal
renseignés sur les fouilles et les relevés qui se sont déroulés en Palestine depuis la création de
l’État d’Israël. La fouille menée par la Mission Archéologique anglaise d’Amman en Jordanie sur le
site de la citadelle de cette ville à proximité du Musée a mis à jour un niveau fatimide.
245 Crystal M. Bennet, Excavation at the Citadel (al-Qal ca), plusieurs rapports préliminaires signés
par elle et par Alastair E. Northedge dans Annual of the department of Antiquities, XXII, 1077-78, pp.
172 et sq., XXIII, pp. 151 sq. ; la découverte avait été signalée dans XX, 1975, pp. 131 sq. sq.
246 Hassān Salame-Sarkis, Contribution à l’histoire de Tripoli et de sa région à céramique, Paris, 1980,
donne une bonne bibliographie sur l’archéologie islamique en Syrie, pp. 260-271, notamment sur
la céramique et sur les fouilles.
247 M. Chehab, Tyr à l’époque des Croisades, 2 vol., Paris, Beyrouth, 1975, traite également de
l’époque antérieure.
Les deux fouilles françaises de Balis et de Raḥba-Mayadin n’ont pas mis à jour de monnaies
fatimides.
220
Index
A
Aaron, 157.
al-cAbbās, oncle du Prophète, 166, 590.
Abū’l-cAbbās al-Kilābī, 125.
al-cAbbās b. Šucayb b. Dāwūd Abū Hišam, 360, 362, 364, 380.
ABBASSIDES. XV, XVII, 4, 15, 38, 40, 47, 54, 55, 58, 61, 63, 65, 88, 107, 109, 115, 120, 170,
201, 209, 218, 257, 292, 304, 319, 324, 333, 339, 245, 382, 412, 458, 516, 520, et sq., 548 et sq.,
568, 590-596, 612, 619, 625, 639-650, 659, 681-684, 693.
al-cAbd, 323.
cAbd al-Aclā b. Hāšim b. Manṣūr, 270.
Abū cAbd Allāh al-Azdī, voir : al-Ḥusayn b. Ḥātim.
AbūcAbd Allāh al-Mawṣilī, 175.
AbūcAbd Allāh al-Ouḍācī, 396.
AbūcAbd Allāh al-Wāsiṭī, 219.
c
Abd Allāh b. cAdiyy al-Ṭayy, 102.
c
Abd Allāh b. Aḥmad b. cAlī, 402.
cAbd Allāh b. Aḥmad b. cAmmar Abū Ṭālib, voir : cAbd Allāh b. Muḥammad.
cAbd Allāh b. cAlī Ibn Abī -cAqīl Abū Muḥammad al-Ṣūrī, 537, 640, 643.
Abū cAbd Allāh Ibn al-Baziyār, voir : al-Ḥusayn b. al-Ḥasan.
Abū cAbd Allāh b. Ǧays Ibn al-Ṣamṣāma, Maḥmūd ou Muḥammad, 248, 258.
c
Abd Allāh b. al-Ḥusayn al-Šarīf Abū'l-Ġanā’im, 212.
cAbd Allāh b. Idris al-Ǧacfarī, 420 et cAbd Allāh b. Iyād, 566, 643.
c
Abd Allāh b. Mascūd al-Muhāgir 621.
c
Abd Allāh b. Muḥammad b. cAmmār Abū Ṭālib, 587, 599, 640.
cAbd Allāh b. Muḥammad Ibn Abī'l-Dibs, 342.
c
Abd Allāh b. Muḥammad al-Ḫafāgī, 572.
cAbd Allāh b. Muḥammad b. Raǧā, 34.
c
Abd Allāh b. Muḥammad Ibn al-Munaǧǧa, 70, 71, 72, 85, voir : aussi Abū'l-Hayǧa.
Abū cAbd Allāh (Ibn) al-Naṣībī, voir : Muḥammad b. al-Ḥusayn.
c
Abd Allāh b. cUbayd Allāh Abū Musallam, 21, 61, 66.
Abū cAbd Allāh b. Nazzāl, voir : Muḥammad b. Nazzāl.
222
c
ADIYY, ou BANU cADĪ, 47-49, 126, 151.
c
Adī b. Muḥammad b. Ġamr Abū Ṭārif, 58, 60.
cAdī b. Musāfir, 378.
Ibn al-cAdīm, le chroniqueur alépin, XII, XIX, 199, 316, 511, 513, 572, 595, 604, et sq., 687,
693.
cAdjlūn, 582.
c
al- adl, 411.
BANŪcADNĀN, 129.
Aḏricāt, voir : Déraa.
cAḍud al-Dawla Banū Ḫusraw, 68, 91, 95, 111, 121-137, 142, 146, 151, 154, 164, 220, 330.
Afrin, 11, 576.
Afrique du Nord, voir : aussi Ifriqlya, ΧIIΙ, 4, 59, 90, 269, 655, 661.
Afrique, 210, 523.
Afšin b. Bakǧī, 585, 586, 608, 609.
c
AǦAM, 5, 104, 137, voir : cUǦM.
al-cAğamī al-Ḥasanaī, 393 et sq., 422-429, 437, 447.
AGRICULTURE, passim et 33, 154, 161 sq., 225, 534-542, 605 sq., 656.
Aǧwār, 9.
al-cahd, 331.
al-aḥdāṯ, XXI, 20, 22, 42, 45, 59, 63, 76-89, 104, 114, 121, 149, 229, 234, 240, 243 et sq., 269,
338, 340, 356, 380 et sq., 387, 454, 473, 476, 477, 489, 519, 560, 569-580, 591, 598, 632-647,
662-685.
al-ahl, 47, 189, 246, 316, 321, 340, 346, 348, 468, 675, 685.
ahl al-Bayt, 255, 360, 629.
ahl al-cilm, wa'l-adab wa'l-buyutāt, 272.
ahl al-Šāmāt, 411.
ahl al-Šarr, 671.
Aḫlat, Akḫlat, 529, 532.
Aḥmad al-Ǧastār, 118.
Aḥmad Šāh, 600, 608.
Aḥmad b. cAlī b. Muḥammad al-Ḥusaynī al-Nāsībī, 343.
Aḥmad b. cAlī b. Ṯābit Abū Bakr al-Ḫaṭib al-Baġdādī, 537, 622, 625, 626, 631.
Aḥmad b. Hārūn b. Mūsā Ibn al-Ǧundī, 346.
Aḥmad b. al-Ḥusayn Abū'l-Qāsim al-cAqīqī, 45, 82.
Aḥmad b. al-Ḥusayn Asfar Taġlib, 309, 310, 556.
Aḥmad b. al-Ḥusayn al-Šarīf Abū Ṭayyib, 212.
Aḥmad b. (Abī) Ibrāhīm AbūcAlī, 402.
Ibn Aḥmad b. Ilyās, 452.
Aḥmad b. cĪsā Ibn al-Šayḫ, 236.
224
Aḥmad b. Marwān Abū Naṣr Mumahhid (Nasr) al-Dawla, 320, 487, 506-508, 514, 532, 556 ( ?
), 563, 606.
Aḥmad b. Muḥammad, vicaire de cUtayr, 487.
Aḥmad b. Muḥammad Abū'l-Abbās Ibn Abī'l-Awwām, 261, 344, 345, 360-365, 402.
Aḥmad b. Muḥammad b. cAbd Allāh Ibn Abī Usāma, voir : Abū Usāma.
Aḥmad b. Muḥammad al-Qušūrī, 193, 294.
Aḥmad b. Nāṣr, 343.
Aḥmad b. Nāṣr b. al-Ḥusayn Ibn al-Baziyār, 290.
Aḥmad b. Ṭūlūn, 15, 38, 55, 158, 236.
Aḥmad b. Yaḥyā b. Zuhayr Abū Ibn Abī Ǧarāda, 513, 560, 604
Aḥmad b. Yacqūb al-Ḍayf, 293.
BANŪ L-AḤMAR, 482.
Ahnasiyya, 436.
al-ahrā’, 129, voir : GRENIERS, SILOS.
Al-Aḫram, 362, 369.
al-Aḥsā', 21, 22, 47, 68, 70, 85, 105, 109, 116, 366, 528.
al-aḥwāl, 696.
Ahwāz, 531.
acīnunī, 571.
Akhmim, 66.
cAkka, voir : Acre.
Akuwāḫ Baniyās, 50, 55, 88, 166, 292, 357, 374, et sq., 683, 699.
Abū'l-cAlā’ al-Macarrī, XV, XXI, 323, 401, 412, 467, 469, 534, 537, 628.
Abū'l-cAlā’ b. Ṯābit, 41.
c
Alam al-Dawla, 297.
al-calāqa, 576.
al-Sayyida al-cAlawiyya bint Waṯṯāb, voir : al-Sayyida.
Alep, passim, voir : Syrie du Nord, citadelle d'Alep, Banū Ḥamdān, Banū Mirdās et pp.
28-29, 194, 437, et sq., 448 et sq., 452 et sq., 491 et sq., 533-534, 543, 682, 694.
Alexandre le Grand, Ḏū'l-Qarnayn, 335, 375, 517.
Alexandrette, Iskanderun, 56.
Alexandrie d'Egypte, 6, 8, 28, 54, 167, 178, 201, 209, 222, 335, 343, 344, 517, 632, 640, 657,
672, 682, 685.
Alf Takīn, voir : Alp Takīn.
Abū cAlī al-Ahwāzī, voir : al-Ḥasan b. cAlī.
c
Alī al-Surûrī, 329.
cAlī b. cAbd Allāh Ibn Abī cAqīl, 643.
c
Alī b. cAbd al-Raḥmān Ibn Abī cAqīl, 643.
cAlī b. cAbd al-Sallām Abū'l-Ḥasan, 625.
c
Alī b. cAbd al-Wāḥid Ibn Ḥaydar, 206, 311, 312, 657.
225
cAlī b. Aḥmad al-Ḍayf Sadīd al-Dawla, 321, 323, 337, 400-403, 425-429, 452, 460, 514-527.
cAlīb. Aḥmad Abū'l-Qāsim al-Šayḫ Naǧīb al-Dawla al-Ǧarǧarācī, XVI, 393 et sq., 509, 544,
547 et sq., 557, 571, 618, 655, 662.
c
Alī b. Aḥmad b. Aysar Šayḫ al-Dawla, 509, 560-563.
cAlī b. cAmr, 123.
c
Alī b. cAmmār, 599, 629.
c
Alī b. cAqīl Abū'l-Ḥasan cAyn al-Dawla, 566, 643.
c
Alī b. Dawwād al-Kutāmī, 383.
c
Alī b. Dāwūd, 119, 348 et sq., 451, 691.
Abū cAlī b. Durays, 199.
c
Alī b. Ǧacfar b. Falāḥ, 69, 226-235, 258-259, 279, 284, 305, 326, 329, 338, 361, 391, 400, 656,
657.
c
Alī b. al-Ḥākim Abū'l-Ḥasan, voir : l'Imām al-Ẓāhir, 380.
c
Alī b. Ḥamdān, voir : Sayf al-Dawla.
c
Alī b. al-Ḥasan Abū'l-Ḥasan al-Ṣaydawī, 376.
c
Alī b. al-Ḥasan b. Mulhim b. Dinar, 624.
cAlī b. Ḥasan b. Raǧā, 697.
c
Alī b. Ḥaydara, 236.
c
Alī b. al-Ḫiḍr, 634.
c
Alī b. al-Ḥusayn al-Anṭākī, 55.
cAlī b. Abī'l-Qāsim al-Ḥusayn Abū'l-Ḥasan Ibn al-Maġribī, 181-187, 193, 197, 290.
c
Alī b. Ibrāhīm b. al-cAbbās ibn Abī'l-Ǧinn, 627, 628.
c
Alī b. al-Iḫšīd Muḥammad b. Ṭuġǧ, 19.
Abū cAlī b. Marwān, voir : al-Ḥasan b. Marwān et Aḥmad b. Marwān.
c
Alī b. Mascūd Ibn Abī'l-Ḥusayn Zayn al-Mulk, 417, 419.
c
Alī (b. al-Mufarriǧ) b. al-Ǧarrāḥ, 227, 282, 297, 303.
cAlī b. Muḥammad Abū'l-Ḥasan Ibn Hišām, 45, 82, 89.
c
Alī b. Muḥammad b. cAlī, 636.
c
Alī b. Muḥammad bc. Īsā Abū'l-Ḥasan al-cUmarī, 577.
c
Alī b. Muḥammad b. Nahd Abū'l-Ḥasan al-Tihāmī, 206, 279, 290, 320, 343, 443, 635, 658.
c
Alī b. Muḥammad b. Yaḥyā, 278, 634.
cAlī b. Mulhim Abū'l-Ǧays, 329, 330, 657.
c
Alī b. al-Munaǧǧā Abū'l-Ḥasan, 68, 85 et voir : Abū'l-Munaǧǧā.
cAlī b. Munqiḏ, 559 et voir : cAlī b. Muqallid.
cAlī b. Muqallid (ou Muqallad) b. Nāṣr b. Munqiḏ Sadīd al-Dawla, 589, 599-613.
c
Alī b. Mūsā al-Riḍā, 531.
c
Alī b. Muslim b. Muḥammad Abū'l-Ḥasan al-Faqīh, 26, 331.
cAlī b. Naǧā, 420.
c
Alī b. Nāṣir b. cAlī Abū'l-Ḥasan al-Ḥusaynī, 596.
c
Alī b. al-Nucmān, 341.
226
ANCIENS, šuyūḫ, 26, 88, 104, 189, 220, 232, 283, 316, 335, 340, 348, 447, 468, 674-675, 682 et
sq.
Andalus, 121, voir : Espagne.
ANES, ANIER 79, 118, 119, 199, 305, 349, 360, 568, 585.
ANGES, 468.
ANIMAUX, 578, et voir : sous l'espèce.
Ibn cAntar, 569.
ANTECHRIST, 377.
ANTHROPOMORPHISME, 349.
ANTICALIFE, ANTICALIFAT, sq., 300, et sq., 306, 307, 324, 382, 444 et sq.
Anti-Liban, 10, 72, 89, 368, 641.
Antioche, Anṭākiya, 5, 9, 18, 19, 28, 39, 54, 55, 94, 101, 143, 146, 195, 196, 243, 279, 289,
294, 309, 317-319, 398, 404, 418, 440, 453, 466, 472, 479, 483, 490, 492 et sq., 515, 533, 554,
560, 574, 575, 585, 613, 614, 636.
Anūgūr ou Anūštakīn al-qa’īd, voir : al-Dizbarī.
Anūštakīn al-Darazī Abū cAbd Allāh al-Naǧǧārī, 354, 362, 369.
Apamée, 196, 198, 200, 237-242, 337, 401, 468, 492, 498 et sq., 511, 515, 567, 571.
APPEL A LA PRIÈRE, 21, 42, 48, 56, 61, 94, 105, 133, 196, 198, 200, 213, 237- 242, 337, 571,
590, 592, 650, 654, 683, 693.
al-caqaba, 575.
c
Aqaba, 575 et voir : Ayla.
c
Aqaba Dummar, 43, 71, 93, et voir : Durnmar.
Ibn Abī cAqīl, 644 et voir :cAbd Allāh b. Alī b. Iyād ou Ayyād.
c
Aqīl b. al-cAbbās Ibn Abī'l-Ǧinn, 628.
c
Aqīl b. al-Ḥasan b. al-Ḥusayn, 42.
al-cAqīqī, voir : Aḥmad b. al-Ḥusayn.
Ibn al-Aqrāsī, 573.
c
Ār, forteresse près d'Alep, 309.
ARABE, CULTURE, IDIOME, 3, 14, 157, 346, 529, 532, 649, 669-670.
Arabie, péninsule Arabique, XIII, 4, 5, 16, 19, 22, 28, 125, 162, 238, 300 et sq., 310, 345,
346, 373, 446, 529, 531, 593, 605, 664, 694.
ARCS, FLÈCHES, ARCHERS, XIX, 44, 58, 70, 74-77, 111, 138, 139, 194, 247, 314, 440, 474, 494,
533, 580, 595, 597, 601, 630, 642, 659, 660.
ARCHITECTURE, 51, 52, Voir : MILITAIRE (1) ET URBANISME.
al-arbabb, al-irbabb, 567.
ARGENT-MÉTAL, 160, 190 et sq., 293, 302, 317, 322, 436, 554, 606, 698, voir : Dirham,
MONNAIE.
Arīhā’, voir : Jéricho.
Al-Arish, al-cArīš, 226, 420, 427, 429, 432, 652.
Aristakès, 494.
ARISTOCRATIE, 456 et sq.
228
Armenaz, 515.
Arménie, ARMÉNIENS. 5, 6, 9, 13, 28, 94, 154, 181, 243, 267, 309, 322, 399, 433, 458, 472,
474, 478, 494, 507, 510, 532, 546, 556, 579, 584, 595-598, 605, 614, 629, 631, 642, 644, 645.
ARMES, XV, 58, 76 et sq., 92 et sq., 111, 130, 200, 201, 345, 346, 372, 373, 556, 659, 685, voir :
MILITAIRE (1).
c
Arqa, Arqa, cIrqa, 18, 372, 483 et sq., 529, 534, 641.
c
Arrāš, ġulām de Futūḥ, 56.
Arsenal, al-Ṣināca à Fusṭāṭ, 208, 262, 424.
Arslān al-Basāsīrī, voir : al-Basāsīrī.
Artah, 575, 576, 586.
al-Artiq, al-Urtiq, 577, 590.
Artisanat, 11, 15, 33, 45, 61, 66, 72, 86, 126, 225, 527, 533, 535, 538, 542, 607, 615, 673, 674,
678, 681 et sq., 687 et sq., 695-700.
Arwah, forteresse près d'Alep, 309.
Arwāǧ, 199.
c
Aṣā, 260.
BANŪ ASAD, 506, 553, 570, 593, 594.
Asad al-Dawla, voir : Ṣāliḥ b. Mirdās et cAṭiyya b. Mirdās.
Asaḫ Takīn, 130.
Ibn cAsākir, l'auteur de l'Histoire de Damas, XII, XV, 23 et sq., 325, 327, 330, 338, 516, 627,
633, 639, 672, 684, 687, 691 et sq., 699.
al-Acṣam al-Ḥasan b. Aḥmad al-Qirmiṭī, 21, 58-68, 106, 107, 136.
al-Ašcarī, voir : ACHARISME
Ascalon, 108, 114, 120, 130, 159, 210, 237, 250, 299, 372, 373, 430 et sq., 445, 448, 462, 529,
539-540, 637, 643.
ASCÈTES, 11, 51, 71, 88, 247, 359, 365, 470.
Aschot, lu, 97.
Asfar Taġlib ou al-Taġlabī, voir : Aḥmad b. al-Ḥusayn.
Ashmunayn, 443.
Asie, 210, 504.
Asie Centrale, 556, 613.
Asie Mineure, XIV, 378, 400, 557, 605, 613, 645, et voir : Anatolie et Cilicie.
al-cašīra, 511,634.
al-caskar, al-caskariyya al-casākir, 89, 325, 328, 332.
c
Askar Abū'l-Ǧāys, 567.
al-cAsqalānī, 343, voir : Ibn Ḥaǧar.
asqaṭ al-nās, 671.
Abū'l-cAssāf, 419.
Assouan, 19, 117, 530.
ASTROLOGIE, 560.
ASTRONOMIE, 1, 170.
229
aṭāla, 323.
aṯāba, 323.
al-Aṯārib, Atharib, 594.
Ibn al-Aṯīr, l'historien, cf. Bibliographie, 28 et passim.
Arḍ cĀṭika, 44.
c
Aṭiyya b. Ṣāliḥ b. Mirdās Abū Ḏu'āba Asad al-Dawla, 553, 568-588, 644, 645.
Atsiz b. Awq ou b. Uvaq, ΧΠ, 598, 600, 646-654, 683.
Zuqāq cAttāf, rue à Damas, 426.
Augostalios, 119, corriger Angostalios.
AUTONOMIES, ΧΙΠ, 13, 17, 22, 33, 63, 104, 114, 115, 319, 340, 348 et sq., 378, 385, 441, 456 et
sq., 489, 546, 551, 563, 600, 605 et sq., 611 et sq, 622, 640, 644, 654, 662, 678 et sq., 682, 685.
Acwāǧ, fleuve, 76.
BANŪ CAWF B. ABĪ BAKR B. KILĀB, 582-585.
al-cAwwām, voir : Aḥmad b. Muḥammad et Zuqāq à Fusṭāṭ.
al-awbāš, awbāš al-nās, 316, 340, 671-673, 685.
al-cawf, 583.
al-cawwām, 473.
al-Awzācī, fondateur d'une école juridique, 376.
al-acyān, 340.
Ayḏab, 531.
Ayla, Wayla, Eilath, 9, 11, 136, 411, 413, 420, 446, 542, 637, 420, 446, 542, 637.
al-cayn, or, 248.
c
Ayn cAr, 367.
cAyn al-Dawla, voir :cAbd Allāh b. Alī.
cAyn Šams, 66.
c
Ayn Saylam, 577.
cAyn Sofar, 357.
c
Ayn al-Tamr, 575.
Ibn al-Aysar, voir : cAlī b. Aḥmad.
Ay Takīn al-Sulaymānī, 598,645.
al-cayyār, al-cayyārūn, 138, 439, 441, 671.
AYYOUBIDES, XVII, ΧΧΠ, 520, 700.
cAzād (ou Aczāz, voir : Yāqūt III, 667), 199, 312, 473 et sq., 483, 490, 509, 578, 582, 588, 594,
607.
al-cAẓīmī, le chroniqueur d'Alep, 490.
al-cAzīz, l'Imam fatimide, XVI, 74, 91, 98-213, 216-221, 249, 251, 270-272, 286, 289, 297, 312,
335, 341, 359, 372, 383, 384, 398, 463, 635, 654, 656, 659, 662, 681.
c
Azīz al-Dawla, voir : Fātik.
al-cazl, 337.
230
B
BAALABAKK, 11, 41, 70, 91-96, 144, 150, 189, 333, 334, 347, 372, 378, 423, 426, 427, 449, 456,
517, 546, 569, 598, 602, 608, 613, 628, 645, 646, 652, 665, 684.
Bāb al-Barīd à Damas, 332.
Bāb al-Farādīs à Damas, 83, 84, 115, 119, 346, 636, 651, 676.
Bāb al-Futūḥ au Caire.
Bāb al-Ǧābiya à Damas, 44, 82, 83, 382.
Bāb al-Ǧinān à Alep, 317, 321, 453, 513.
Bāb al-Ḥadīd à Damas, 76 et sq., 138, 232, 334, 336, 633.
Bāb al-cIrāq à Alep, 519.
Bāb Kaysān à Damas, 86.
Bāb al-Nattāfīn à Damas, 634.
Bāb Qinnasrīn à Alep, 453, 572, 595.
Bāb al-Ṣaġīr à Damas, 20, 45, 80-84, 119, 189, 340, 343, 350, 675.
Bāb al-Salāma à Damas, 349.
Bāb al-Šarqī à Damas, 86, 138, 382.
Bāb Tūmā à Damas, 119, 558, 561.
Bād Abū cAbd Allāh al-Ḥusayn b. Dustak, 143, 154, 155, 156, 178, 319.
Yaḥyā al-Bād al-Zawzānī, 362, 369.
al-bādiya, 5,10, et voir : steppe.
Badr al-cAṭṭar, 326, 330, 331, 336.
Bāb al-Ǧamālī, ΧΠΙ, XVI, 42, 73, 161, 365, 443, 587, 603, 607, 623, 629-668, 679.
Badr b. Ḥāzim Ibn al-Ǧarrāḥ, 635, 639, 645, 668.
Badr Abū'l-Naǧm Wafi(yy) al-Dawla wa Amīnuha ġulām de Fātik, 399.
Badr b. Rabīca, 238.
Badrān b. Muqallid ou Muqallad, 314, 506, 507.
Baghdad, Baġdād, XV, XXI, 4, 8, 9, 17, 22, 23, 27, 29, 33, 44, 47, 50, 54, 58, 59, 65, 67, 88-95,
103, 120-122, 127, 133, 136, 140, 142, 154-166, 188, 209, 257, 262, 278, 290, 304, 319, 339,
373, 382, 403, 409, 420, 458, 491, 500-506, 516, 521, 523, 548, 553, 565, 568, 584-593, 612,
625, 626, 630, 633, 637, 639, 653-662, 672, 682, 691.
Baghras, 198.
Baǧkam Murhaf al-Dawla, 322.
Ibn al-Baǧnakī, voir : Ḥusām al-Dawla.
Bahā’ al-Dawla, 154, 168,188, 192.
Bahlūl, 576.
Bahnasa, 436.
BANŪ BAHRĀ’, ǦABAL BAHRĀ’, al-Bahrānī, 480-484.
Bahrayn, 16, 106.
Baḫt, Buḫti, Bactriane, voir : CHAMEAUX, 207, 208.
231
Baḫtiyār cIzz al-Dawla, 58, 90, 94, 111, 112, 116, 121, 122.
Baie de Saint Georges à Beyrouth, 375.
BAINS, voir : Ḥammām, 2, 85, 198, 455 et sq., 606.
Bakǧūr, 30, 52 et sq., 124-126, 133, 135, 141-155, 162, 164, 169, 178-188, 193, 241, 277, 290,
297, 459, 690.
Abū Bakr, le premier calife, 328, 364, 591, 621.
Abū Bakr al-Baġdādī, voir : Aḥmad b. Alī b. Ṯābit.
Abū Bakr b. Fatīs, 697.
BANŪ ABĪ BAKR B. KILĀB, 590.
Bakr al-Sahl al-Muhaddiṯ, 698.
al-balad, Ṣāḥib al-balad, 471, 695.
Balad, 156.
Balatunus, 480, 482.
Balis, Meskéné, 9, 11, 181, 368, 371, 376, 456, 458, 475, 513, 578, 582, 587, 613.
Balkh, 533.
al-Ballūṭī, 55, et voir : Ibrāhīm b. Ḥātim et cAlī b. al-Ḥusayn.
Balqa, Belqa, 134, 635, 639.
Bal Takīn, Yal Takīn, 117, 118, 137, 138, 141, 144, 147, 169, 201.
Banǧū Takīn, qā’id d'al-cAzīz, voir : Manǧū Takīn.
Bangū Takīn Raḍi(yy) al-Dawla, ġulām d'al-Dizbirī, 513, 518.
Banias, Banas, dérivation du Barada à Damas, 633.
Bāniās, Banyas dans l'Hermon, 7, 10, 50, 55, 70, 71, 84, 368, 374, 375, 637 649, et voir :
Akuwaḫ Baniyās.
Banyās, Buluniyas, port syrien sur la Méditerranée, 372, 418, 478, 481.
Ibn al-Bannā, voir : Sinān b. cUlayyān.
BANQUE, 528.
BANQUEROUTE DE L'ÉTAT, 413, 432, voir : FINANCES PUBLIQUES.
BANQUET, BANQUET-PIÈGE, 245, 312, 313, 405, 675, 678.
Ibn al-Baqā, 658.
al-baqā’, 323.
al-Baqillānī al-Qāḍī, 304, 349.
Barada, fleuve à Damas, 43, 46, 74, 77, 79, 633.
Abū'l-Barakāt ibn al-Ǧarǧarācī, voir : al-Ḥusayn b. Muḥammad
Abū'l-Barakāt b. Manṣūr b. Lū’lū’, 311.
BARBE, BARBU, 360, 517.
Bardas Phocas, 142-144.
Bardas Skléros, 142, 154, 155.
Barǧawān, 217-258, 263, 265.
al-Barīd, 248, 257, 267, 325, 337, 420, 421, 428, 443, 450.
Bariz Tuġān, 637, 638.
232
BUYIDES, BOUYIDES, BANŪ BUWAYH, 17, 22, 29, 58, 68, 85, 90-95, 101, 112, 122, 127, 133,
136, 142, 143, 154, 155, 160, 162, 180, 188, 192, 194, 205, 220, 290, 314, 319, 324, 330, 333,
384, 458, 500, 553, 605, 653, 666.
Ibn Buzayzaq, 83, 115.
Byzance, BYZANTINS, XIV, XX, 4-10, 13, 14, 18, 20, 22, 28, 38, 39, 47, 52 et sq., 54, 59, 60, 63,
78, 89-101, 104, 112-115, 124, 125, 133, 135, 141-146, 150, 154-157, 162, 164, 165, 192,
194-200, 205-210, 215, 236, 243, 247, 250, 289, 291-294, 298, 307-312, 317-327, 370-374, 384,
404, 408, 450, 466 et sq., 470 et sq., 487-500, 507, 514, 515, 520, 533, 535, 546, 550, 553-567,
574, 579-589, 594-596, 654-659, 665, 685.
BYZANTINISTES, 97, 98, 215.
C
CABARET, 468.
CADASTRE, 666-668.
CADI, al-qāḍī, XVI, 15, 20, 25, 116, 160, 170, 177, 189, 205, 211-213, 233, 250-257, 261, 268,
271-273, 284, 288, 289, 304, 311, 328, 331, 334, 339-351, 382, 402, 419, 438, 444, 453-457,
467-476, 483, 530, 537, 543-549, 569, 587, 593, 602-605, 618, 619, 626-632, 650, 657-662, 675,
684-687, 699, 700.
CAGE, 88.
Cahen Claude, passim et XI et sq., 243, 601, 672.
Cairouan, Qayrawān, Kayrouan, 160.
CALAME/SABRE, 182, 682.
CALENDRIER, 212.
CALIFE, CALIFAT, XV, 15, 33, 38, 46, 53, 54, 65, 88, 94, 107, 114, 120, 140, 170, 180, 209, 257,
295-302, 339, 345, 459, 363, 372, 412, 491, 500, 593, 602, 625, 638-659, 681.
CANAL, CANALISATIONS, 43, 44, 47 et sq., 85, 184, 438, 534, 606, 619, 664, 682.
Canard, Marius, passim et XI et sq., 53, 97, 215, 291, 309, 354.
CANNES A SUCRE, 11, 534.
CAPTIFS, CAPTIVITÉ, 39, 47, 101, 117, 131 n., 134, 146, 244, 287, 298, 309, 310, 312, 316, 317,
333, 368, 576, 584, 588, 590, 594, 595, 608, 631, 661.
CARAVANES, 14, 56, 57, 76, 126, 136, 161, 202, 297-299, 540, 606 et sq.
CARÊME, 503.
CARMATES, al-qirmiṭī ou al-qarmaṭī, alqarmāṭa, 16, 17, 22, 34, 38-47, 56-68, 85, 98-109,
116-125, 134, 136, 166, 217, 256, 293, 324, 409, 624, 653-659, 682.
CARTES, 1 et sq.
CASQUE, 501.
Catépan, Katépano, 317, 370, 418, 466, 472, 479.
Caucase, Ǧabal al-Qabq, 378, 546.
CAVERNE, 357, 375.
CÉRAMIQUE, 700.
235
CÉRÉALES, GRAINS, BLÉ, 5, 11, 13, 19, 38, 54, 77, 79, 105, 108, 121, 126, 129, 136, 141, 147,
150, 161 et sq., 181, 184, 190 et sq., 198, 204, 224, 238, 250, 268, 280, 283, 298, 313, 349, 358,
382, 394 et sq., 400, 416 et sq., 428, 433, 439 et sq., 460, 461, 503 et sq., 507, 520, 534, 538 et
sq., 551, 566, 567, 577, 585 et sq., 590, 593, 609 et sq., 613, 614, 631, 639, 656, 659, 664-669,
689, 691.
Césarée en Palestine, 97, 400, 427, 529, 538 et sq., 643.
CHAFÉISME, CHAFÉITES, al-Šaficī, 15, 166, 341, 355, 378, 458, 626, 628, 630, 691 et sq.
Chaghour, Šaġūr, à Damas, 138, 636, 651.
CHALCÉDONIENS, 178, 266, 286.
Chalicis, voir : Qinnasrīn.
chambellan, al-hāgib 52, 139, 182-188, 251, 308.
CHAMEAUX, DROMADAIRES, 48, 49, 104, 130, 148, 165, 170, 175-178, 183-186, 195, 205-208,
268, 282, 333, 383, 411 et sq., 427, 438, 440, 446, 453, 512, 528, 531, 577, 639, 682 et sq.
CHANTAGE, PROTECTION ARMÉE, al-ḫifāra, 132-139, 671.
CHANTEURS, CHANTEUSES, 83, 285.
CHARIOTS, 556.
CHARITÉ, 168 et sq., 619, 634.
CHEIKHS DE TRIBUS, 229, 574, 576 et voir : TRIBUS. ANCIENS. ŠUYŪḪ
CHÉRIFS. XXI, 15, 19, 21, 42, 47, 48, 62, 88, 104, 160, 166, 167, 189, 211 et sq., 221, 232, 244,
246, 262, 284, 300, 328, 333, 338, 342-351, 400, 489, 523, 569, 590, 594, 618, 625, 630, 640,
645, 655, 658, 676-680, 684, et voir : ALIDES, HASANIDES, HUSAYNIDES.
CHEVAL, CAVALIERS, 38, 43, 44, 73 et sq., 79, 91 et sq., 104, 105, 110-115, 122, 130, 134, 139,
151-156, 181, 182, 196-200, 207, 220, 224-229, 234, 241, 244, 256, 268, 297-304, 313-318, 332,
337, 360, 361, 420, 421, 429-438, 446, 447, 453, 459, 471, 473, 508, 517 et sq., 557, 568, 570,
573, 577, 595, 597, 607, 608, 613-615, 644, 647, 659-666, 686, 687, 690, 691.
CHIENS, 295.
CHIITES, passim et 17, 19, 21, 25, 32, 42, 51, 57, 59, 88, 94, 120, 133, 165, 212, 252, 295, 304,
335-347, 363-365, 372, 409, 458, 506, 512, 530, 531, 548, 571, 590, 592, 596, 600, 602, 605,
612, 625, 627-630, 684, 690.
CHINE, 4, 426.
Chosroès, 290.
CHRÉTIENS. 5, 7, 18, 28, 46, 83, 86, 91, 96, 107, 114, 119, 128, 146, 215, 218, 254, 259, 262,
265-271, 402, 410, 437, 467, 477, 487 et sq., 498 et sq., 531, 532, 539, 554, 574, 600, 631, 673,
678.
CHRÉTIENS/MUSULMANS, 53, 54, 87, 183, 209 et sq., 265 et sq., 289, 554.
Jésus-Christ, 97, 374, 488.
CHRONOLOGIE, ΧII, XVIII, XXI, 28, 239, 243, 264, 295, 325, 405, 407, 418, 465, 505, 588, 589,
629, 699, 700.
Chypre, 6, 7, 54.
CIBYRRHÉOTES, 309.
Cilicie, 6, 18, 53-55, 309, 374, 398, 478.
CIMETIÈRE, 2, 24, 25, 61, 80, 220, 270, 285, 295, 300-308, 346, 350, 355, 371, 680.
236
CIRCONCISION, 437.
CITADELLE, voir : FORTIFICATIONS et 426, 429, 511 et sq.
Citadelle d'Alep. 125, 181, 311-322, 385, 399, 401, 423, 426, 429, 449 et sq., 455 et sq.,
466-477, 496, 511-519, 554, 565, 570, 580, 598, 601, 655.
CIVILS EN ARMES, 33, 42, 44, 46, 63, 76-89, 93, 115, 134, 194, 207 et sq., 234 et sq., 243-245,
283, 434, 439, 446, 450, 456-461, 477, 535, 557, 563, 569, 642-644, 654, 659, 671-681, 690.
CIVILS/MILITAIRES, 33, 46, 91, 93, 182, 194, 202, 244 et sq., 246, 325, 335, 357, 382-384, 394,
439, 521, 557, 561, 622, 631, 633, 638, 642, 644, 647, 659, 663, 669-700.
CLEFS, 455.
CLIENTS, CLIENTÉLISME, XVIII, 69, 72.
CLIMATS, 22, 92, 94, 135, 150, 192, 197, 243, 314, 315, 325, 433, 612, 656.
COMÈTE, 504, 505.
COMMERCE, COMMERÇANTS, 53, 54, 57, 61, 62, 72, 86, 157, 195, 202-205, 216, 220, 255, 266,
297-299, 302, 315, 321, 323, 340, 366, 384-386, 395, 403, 411 et sq., 421, 443, 459, 490, 528 et
sq., 533-538, 554, 564, 606-615, 637, 655, 663, 669, 674, 678, 681, 687, 688, 696-700.
COMMERCE OCCIDENTAL, 384.
CONCOMBRES, 474.
CONCUBINES, 206, 303.
CONCUSSION, CORRUPTION, 347, 348.
CONFISCATIONS, 159, 186, 246, 247, 266, 383, 513, 520, 620, 638, 647, 688.
CONSEILS AU PRINCE, Nāṣīḥa, 222.
CONSIGNATION DES ÉVÉNEMENTS, XIV-XVII, ΧΧII, 22-32, 48, 66 et sq., 75 et sq., 80-87, 96
et sq., 107, 110, 135, 136, 150, 192, 194, 216, 239-248, 258, 277-279, 327, 331, 349, 355, 366,
445, 528, 542-547, 586, 589, 608, 617, 622-627, 631-637, 650, 658, 672, 683.
Constantin Dalassenos ou Dalassène, 418, 454, 479.
Constantin VIII, 372
Constantin IX Monomaque, 553-554, 560-563.
Constantin Porphyrogénète, 6.
Constantinople, voir : Byzance et 143, 187, 192, 309, 318, 320, 403, 418, 493 et sq., 496 et
sq., 508, 572, 586.
CONVERSION, 5, 53, 158, 175, 210, 290, 349, 354, 355, 361, 381, 489, 598, 656.
COPISTE, 25, 27, 83, 162, 697.
COPTES, LANGUE COPTE, 15, 23, 28, 250, 252, 262, 263, 266, 287.
CORAN, 24, 220, 247, 254, 294, 302, 338, 349, 363, 375, 410, 443, 453, 469, 517 et sq., 626, 693,
699.
CORRUPTION, CONCUSSION, passim et 347, 348, 465, 623, 628.
COUDÉE, 493 et sq.
COUVENT, 46, 298, 323, 504.
Crète, 6, 54.
CRISE MAJEURE, 33, 34, 161, 224, 357, 592, 605, 613, 634, 639, 656, 662, 694 et sq.
237
CROISADES, XI, XIX, 23, 29, 110, 142, 164, 242, 291, 298, 448, 467, 470, 479, 523, 537, 547,
555, 647, 652, 663, 682, 686, 701.
CROISSANT FERTILE, 5.
CROIX, 90, 196, 453, 476, 501.
CRUE DU NIL, 127, 136, 161, 224, 283, 416, 460, 504.
CUIR, 302.
CUIRASSE, COTTE DE MAILLES, 130, 152, 615.
CUIVRE, 11,72, 190, 542.
CULTURE ARABE MÉDIÉVALE, 12, 29, 267, 572, 574, 598, 611, 634.
Cyrénaïque, 281 et sq.
Cyrrhus, 474.
D
al-Dabikī, 431.
al-dabbūs, 407, 597.
al-daftar, al-dafātīr, 318, 586.
al-Daǧǧāl, 377.
al-Ḏahabī, l'historien, 89, 278.
al-dācī, al-dacwa, XV et sq., XXI, 19, 163, 252, 259, 268, 273, 288, 292-296, 324, 330, 342, 344,
353-359, 362-370, 385-387, 394, 400, 401, 505, 548-553, 655.
al-ḍaif, al-ḍayf, al-aḍyāf, titre ismaïlien, 259, 273, 358, 400, 426, et voir : cAlī b. Aḥmad et
Aḥmad b. Yacqūb.
Daclaǧ b. Aḥmad, 168.
Damas, passim, capitale des provinces syriennes, 14, 32-34, 51 et sq., 98-99, 150, 376 et sq.,
515, 546, 613, 633, 682, 694.
Damien Dalassenos, 241.
Damiette, 9, 451.
damina, 696.
al-dank, DENGUE, maladie, 473.
al-dār, 676.
Dār al-cAqīqī à Damas, voir : Bayt al-cAqīqī
Dār Hayyūs à Damas, 426.
Dār al-cIlm, au Caire et à Miṣr, 285, 344, 357, 359, 361.
Dār al-Imāra, 73, 76, 156, 158, 232, 258.
Dār al-Islām, 4, 286, 351, 383, 500, 603, 681, 687.
Dār Mānik à Fusṭāṭ, 208, 209.
Dār al-Sulṭān, 312, 512.
al-Dāraquṭnī, 50.
Daraya, Darayya, 14, 102, 105, 119, 152, 328, 440, 457, 668, 691.
al-Darazī, 368, voir : Anus Takīn.
238
ai-dirham, monnaie d'argent, 47, 58, 95, 142, 148, 168, 190 et sq., 196, 224-225, 233, 250, 268,
270, 283, 302, 428, 436, 476, 501, 528, 534, 599, 650, 697-698.
DISETTE, FAMINE, voir : CÉRÉALES, PRIX, 19, 37, 38, 54, 61, 66, 108, 126, 127 et sq., 136, 141,
162, 170, 199, 225, 226, 238, 293, 295, 298, 357, 382, 384, 405, 409, 410, 420, 443 et sq., 460,
503 et sq., 550, 567, 578, 584, 585, 592, 609, 613, 634, 644, 647, 649, 664 et sq.
al-dīwān, recueil poétique, 398, 618.
al-dīwān, bureau d'administration, XVI, XVII, 2, 15, 20, 27, 40, 91, 127, 158, 164 et sq., 170,
175, 177, 180, 182, 197, 203, 218-220, 254 et sq., 259, 263, 271-273, 278, 286 et sq., 293, 381,
386, 393-396, 416, 420, 423, 443, 460 et sq., 506, 520 et sq., 547-548, 558, 639, 654, 661, 663,
671, 681, 687, 689, 694-700.
dīwān al-barīd, 443.
dīwān al-ḫarāg, 261,416.
dīwān al-ḫass, 157, 220.
dīwān al-Hiǧāz, 262.
dīwān al-inšā’, 294, 334.
dīwān al-nafaqāt, 263, 272, 396.
dīwān al-Šām, 69, 74, 133, 221, 289, 294, 328, 420, 424, 621, 656, 683, 687.
dīwān al-sawād, 290.
dīwān al-taṣarrufāt, 502, 506, 521.
dīwān al-zimām, 290.
al-diyāc, 585, 607.
al-ḍiyāfa, 212.
Diyār Bakr, XIII, 143, 155, 178, 179, 243, 311, 320, 385, 487, 490, 495, 497, 506-510, 515, 532,
534, 553, 563, 580, 593, 594, 602, 613, 614, 667.
Diyār Kalb, 47.
Diyār Muḍar. 58, 154, 385, 490, 495, 508, 510, 553, 556, 568, 575, 613, 665 et sq.
Diyār Rabīc ou Rabīca, XIII, 154, 319, 385, 495, 506, 553, 556, 609, 613.
Dizbar, Dizbaz, Dizbir, 400, 426.
al-Dizibirī ou al-Dizbarī Anūš Takīn, XVI, 397, 400, 424-448, 460 et sq., 472 et sq. 486 et sq.,
490 et sq., 505-514, 548, 554, 595, 617-618, 623, 633, 654-659, 662, 687, 690.
Djar en Arabie, 542.
Djihoun, 197.
"DOCTEURS", cUlamā’, 15, 23, 32, 51, 168, 170, 285, 335, 347-348, 359, 681, 687, 691-700.
DOMAINES AGRICOLES, 157, et voir : PROPRIÉTÉS FONCIÈRES, Iqṭāc.
Dôme du Rocher à Jérusalem, 452, 541, voir : al-Ṣaḫra.
DOUANES, 53, 307, 321, 443, 663.
DRUZES. DURŪZ. DARAZIYYA. 353-378, 405-409, 476, 492, 669.
Ḏū'l-Faqār, le sabre de cAlī Ibn Abī Ṭālib, 302.
Ḏū'l-Qarnayn, 331-335, 617, voir : Alexandre et Abū'l-Muṭā c Waǧīh al-Dawla Ibn Nāṣir al-
Dawla.
al-duccar, al-ḏuccār, 105, 671.
240
Ε
EAU, SOIF, 11-13, 60, 85, 108, 113, 129, 132, 194, 281, 285, 374, 377, 472 et sq., 480-482, 533,
536, 537, 542, 568, 570, 583, 606.
ÉCLIPSE, 404.
Edesse, al-Ruhā, 310, 487 et sq., 496-510, 594, 597.
ÉDUCATION, 157, 217, 698 et sq., voir : aussi enseignement
ÉGLISE, 5, 145, 260, 266, 270, 285 et sq., 291-295, 307-308, 354, 402-410, 488 et sq., 498-503,
533,539, 541.
Église de la Résurrection à Jérusalem, 291-298, voir : également St. Sépulcre.
Égypte, passim et 87, 137, 210, 534, 542 et sq., 546, 574, 605, 668.
Haute Égypte, 461, 664.
Elle le Prophète, 375.
Elie de Nisibe, 290.
Elisséeff, Nikita, XI et sq.
ÉLITES URBAINES, 57 et voir : Acyān et NOTABLES.
ÉMOLUMENTS, SALAIRES, TRAITEMENTS, 263, 349, 361, voir : SOLDE, ENSEIGNEMENT, 23
et sq., 50, 55, 157, 280, 349, 357, 359, 361, 530, 691-693.
ENSEVELISSEMENT, NTERREMENT, 23, 163, 167, 183, 201, 212, 220, 282, 292, 328, 523, 597,
598, 627.
ÉPIDÉMIE, 61, 141, 284, 295, 298, 473, 503, 505, 567, 584, 588, 612, 634, 664 et sq.
EPIZOOTIE, 588.
ÉQUILIBRE POLITIQUE, 33, 176, 180, 261, 319, 470.
ESCADRE, 309, 567, 568.
ESCLAVES, voir : CAPTIFS et 40, 65, 98, 110, 186, 224, 228, 243, 255, 268, 302, 309, 320, 322,
549, 556, 594, 608, 609, 618, 634, 648, 661.
241
Escurial, 27.
ESPACES, EMPIRES, voir : FRONTIÈRES, Dār al-Islām et XIII, 3 et sq.
Espagne, 278, 280, 675, voir : Andalus.
ÉTAT, XIII, XVI, 12, 24, 27, 32-34, 57, 68, 72, 73, 120-121, 133, 150, 164-171, 175-176, 184,
194, 202-210, 215-225, 249, 253-257, 261, 266, 271, 281 et sq., 295, 298, 320, 322, 326, 327,
334-339, 360, 373, 383, 384 et sq., 405-411, 420, 429, 447, 521, 540, 544, 547 et sq., 561, 572,
591-593, 605, 624, 639, 642, 647, 648, 653, 656-700.
ÉTENDARDS, DRAPEAUX, 182, 183, 196, 213, 382, 411, 501, 588, 673.
ÉTHNIES, XV, 13, 33, 40, 87, 91, 114, 200, 202, 228, 260, 283, 285, 304, 360, 373, 563, 612, 634,
661.
ÉTHNOLOGIE, 3, 14,532, 669.
ÉTIAGE, 294.
ÉTOFFES, voir : VÊTEMENTS.
Eudokia Basileia, 588.
EUNUQUES, 18, 19, 52, 90, 135, 152, 186, 217, 220, 236-237, 252, 263, 292, 328-329, 401, 513,
542-544, 549, 559, 619.
Euphrate, ΧIII, 4, 6, 11, 18, 41, 53, 54, 70, 92, 94, 97, 102, 126, 178, 179, 284, 296, 310, 314,
333, 366, 368, 371, 384, 440, 459, 466, 478, 489, 506, 510, 514, 533, 548, 568, 573, 584-587,
594, 613, 653, 656, 665.
Europe, 210, 665.
ÉVANGILES, 87, 255, 531.
ÊVÊQUE, 574.
EXÉCUTIONS CAPITALES, 46, 87, 208, 211, 220, 225, 237, 246, 247, 263, 264, 271-273,
280-289, 300, 307, 312, 328, 333, 334, 358, 361, 374, 382, 446 et sq., 468 et sq., 477, 570, 574,
576, 625, 632, 639, 643.
EXPOSITIONS PUBLIQUES, 113, 284.
F
al-Faḍl b. cAbd Allāh Abū'l-Futūḥ, 128.
al-Faḍl b. Ǧacfar b. al-Furāt, 17,20.
Abū'l-Faḍl Ibn Abī'l-Ǧinn, 343.
Abū'l-Faḍl al-Ḥamdānī, voir : Sacīd al-Dawla.
al-Faḍl Ibn'l-Faḍl, 17, 128, 131, 134, 148, 168-169.
al-Faḍl b. Ṣāliḥ, 126, 128, 169, 177, 268, 279, 280, 289, 298.
Abū'l-Faḍl Ibn Usāma, Cadi d'Alep, voir : Abū Usāma.
Ibn Faḍlān, 532.
Fahd b. Ibrāhīm, 250-256, 261-266, 270, 272, 295.
Fahl b. Ismācīl b. Tamīm, 235, 258, 259.
Faḫr al-cArab Ibn Ḥamdān, 645.
Faḫr al-Dawla Ibn Buwayh, frère de cAḍud al-Dawla, 131.
242
FORTERESSE, VILLE FORTIFIÉE, XIX, 6, 8, 11, 41, 44, 61, 70, 74 et sq., 90, 126, 137, 178, 192,
196, 206, 237, 241, 245, 258, 309, 320, 386, 418 et sq., 453, 458, 476-491, 507, 528, 533 et sq.,
560, 563, 568, 584-589, 594, 599, 605-615, 633, 651, 652, 659, 663.
FORTUNE PERSONNELLE, 33, 59, 121, 202 et sq., 264, 268, 269, 520.
FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES, et Bibliographie, 484.
FOULONS, 77.
FOURRAGE, 56, 202, 243, 577, 594, 631.
FRANCS, CHRÉTIENS 479, 535, 546, 554, 663, voir : Amalfi.
FROMAGE, 287.
FRONT DE BANDIÈRE, 660.
FRONT DE BÉDOUINISATION/FRONT DE SÉDENTARISATION, 664 et sq.,
FRONTIÈRES, MARCHES, XXI, 8, 10, 17, 51, 156, 216, 228, 308, 318, 320, 321, 356, 378, 419,
533, 576, 595, 613, 614, 664.
Abū'l-Fūl, 429, 436, 447.
al-Funaydiq, 570, 573, 592, 593, 594, 621, 635.
al-fuqarā, 634, voir : al-faqīr.
Ibn al-Furāt, 17, 20, 40, 164, voir : Ǧacfar. b. al-Faḍl et al-Faḍl b. Ǧacfar.
al-Furs, 372.
Fusṭāṭ-Miṣr, passim et XXI, 3, 8, 9, 16, 17, 22, 27, 37, 38, 46, 52, 54, 55, 58, 61, 63, 65, 88,
146-148, 158, 161-163, 182, 202-208, 209, 220-225, 230, 237, 251, 254, 262, 266, 267, 270-273,
280, 282, 287, 293, 330, 335, 339-343, 353-357, 362, 366, 373, 394, 398, 402, 406, 413, 420,
422, 500, 529, 532, 542, 619, 673, 679, 682, 684, 694.
Futūḥ, ġulām, de Ǧacfar, 56, 60.
Abū'l-Futūḥ, émir ziride, 160.
Abū'l-Futūḥ al-Ḥasan b. Ǧacfar, émir de La Mekke, anticalife, 30, 284, 300-307, 386, 410,
583.
G
Ǧabal, chercher également à MONT, MONTAGNE.
Ǧabal, cAwf, 583.
Ǧabal Baḥrā’. 480-484.
Ǧabal, al-Ǧalīl, 378.
Ǧabal Ǧaraš, 582.
Ǧabal Ǧawšīn, 561.
Ǧabal al-Ḥamal, 378.
Ǧabal Laylūn, 575.
Ǧabal Lubnān, 10, 372, 378, voir : Mont Liban et Anti-Liban.
Ǧabal al-Lukkām, 10, 374.
Ǧabal al-Qabq, Caucase, 378.
Ǧabal al-Ruwādīf, 480 et sq., 490.
245
Ǧabal Sanīr. 43, 63, 118, 135, 327, 336, 378, 674, 694.
Ǧabal Ṣiddīqa, 10.
Ǧabal Summāq, 193, 355, 368-375, 476, 491, 492, 578, 609.
Ǧabal al-Ṯalǧ, 43.
Ǧabal Banī cUlaym, 609.
Ǧabal Zaytā, 10.
Ǧabala, Ǧabla, Jéblé, 18, 201, 482, 493.
al-Ġadanfar Abū Taġlib Ibn Nāṣir al-Dawla al-Ḥamdānī, 29, 58, 59, 91, 121-133, 143, 154,
169, 229, 400, 659.
Ǧacfar al-Darīr cAlīm al-cUlamā’ Abū'l-Fadl, 344, 349, 360, 364.
Abū Ǧacfar al-Qāḍi, voir : Muḥammad b. Aḥmad.
Ǧacfar al-Qirmiṭī ou al-Qaramaṭī, 40, 104-109, 112, 116.
Ǧacfar al-Sādiq, le sixième Imām, 300, 330, 364.
Ǧacfar b. al-Faḍl Abū'l-Faḍl Ibn al-Furāt, dit Ibn Hinzaba, 203.
Ǧacfar b. Falāḥ al-Kutāmī, 19, 37-60, 63, 69, 71, 73, 78, 131, 145, 189, 223, 230, 234, 334, 440,
653-656, 674, 683.
Ǧacfar b. Ḥasan Ibn al-Ǧarrāḥ, 561.
(Abū) Ǧacfar b. al-Ḥusayn b. Ǧawhar, 289.
Ǧacfar b. Kāmil al-kilābī, 560.
BANŪ ǦAcFAR B KILĀB, 152, 515.
Ǧacfar b. Kulayb al-Kutāmī, 509, 555-560.
Ǧacfar b. Abī Ṭālib, le cousin du Prophète, 166, 621.
al-ǧahābiḏa, 447.
al-ǧāhil, al-ǧuhhāl, al-ǧuhalā, 232, 247, 469, 671.
al-Ǧāhiliyya, 33, 129, 314, 410, 506, 510, 536, 579.
Ibn Ǧahir ou Ǧuhayr, 564, 602, voir : Faḫr al-Dawla Muḥammad b. Muḥammad.
Ibn (al)-Ǧalaba, 602.
al-ġālib calā, 696.
Abū Ǧāllb b. Ibrāhīm, 263, 264.
ǧamc al-amwāl, 696.
Ǧamal al-Dawla Ǧacfar al-Mulk Ibn cAmmār, 629, voir : Abū'l-Ḥasan cAlī b. cAmmār.
Ǧamicb. Zā’ida, 313.
Ǧamila, princesse hamdānide, 131, 133.
al-ġammāzūn, 671.
Ibn Ġamr, voir : cAdi(yy) b. Muḥammad.
Abū'l-Ǧanacim b. Manṣūr b. Lū’lū’, 311.
ǧanaba, taǧannub al-Salāṭin, 692.
al-ġaniy al-aġniyyā’, 672.
Ǧannāba, village du Bahrayn, donne la nisba al-Ǧannābī de certains Carmates.
BANŪ ĠANNĀǦ, 482.
246
Abū Ǧarāda, Ibn (Abī) Ǧarāda, 605, voir : Aḥmad b. Yaḥyā et Ḥibat Allāh b. Aḥmad.
al-Ġarb, 4.
Garcin, Jean Claude, 163, 522, 550, 664, 669, et sq.
(Ibn) al-Ǧarǧarā’ī, 393, 396, 425, 429, 514, voir : cAlī b. Aḥmad, Muḥāmmad b. Aḥmad et al-
Ḥusayn b. Muḥammad.
al-ǧarāyāt, 264.
Ǧarīrīn, près d'Apamée, 485.
al-Ġarmāq, 376 et sq.
al-ġarrādāt, 453, voir : MACHINES DE GUERRE.
BANŪ'L-ǦARRĀḤ. XIV, 67, 102, 108, 120-127, 188, 279, 287-289, 296-308, 314, 324, 336, 338,
345, 368 et sq., 417, 420 et sq., 433-438, 460 et sq., 486 et sq., 490, 653, 667 et sq. voir :
Mufarriǧ ou Mufarraǧ b. Duġful et Hasan (b. cΑlī) b. al-Mufarriǧ, etc.
Ǧars al-Nicma, l'historien, 30.
BANŪ GASSĀN, 583.
Gaudefroy-Demombynes M., XI.
Ġawālī, 600.
al-ġawġa, 671.
Ǧawhar, le conquérant de l'Egypte, 37-116, 127, 156, 161, 176, 201, 210, 257, 268, 289, 341,
548, 655, 659, 678.
Ibn Ǧawhar, 201, 436, voir : al-Ḥusayn b. Ǧawahr.
Ǧawhar al-Ṣaqlabī, Muwaffaq al-Dawla, 409, 622.
Ǧawhar b. al-Ḥusayn b. Ǧawhar, 289.
Ǧawlān, 41, 47, 50, 55, 368.
al-ǧawšan, al-ǧawsin, al-ǧawāsin, 58, 153, 183.
Ǧawsiyya, Djousiya, 8, 91, 93, 144, 189.
Ǧawzan (?), 589.
Ibn al-Ǧawzī, 361.
Sibṭ Ibn al-Ǧawzī, 368, 376 et sq., 586-589.
Ǧayrūn à Damas, 438.
Ǧayš, 48.
Ǧayš b. al-Ṣamṣāma, 65, 85, 97, 101, 134, 137, 138, 207, 230, 234, 248, 258, 259, 334, 337, 647,
674, 679.
Ġayṯ b. cAlī al-Ṣūrī, 537,625.
Ġazza, Ġaza, Ghazza, 9, 109, 114, 226, 237, 250, 652.
al-ġāzī, al-ġazū, 156, 567.
al-Ǧazīra, au nord de l'Iraq et de la Syrie, ΧIIΙ, ΧIV, 4, 5, 9, 13, 14, 17, 30, 55, 59, 94, 102,
120, 121, 122, 126, 145, 154, 162, 179, 288, 309, 319, 367, 378, 403, 433, 458, 469, 478 et sq.,
490-500, 503, 506, 513-516, 522-528, 546, 550, 556, 570, 579, 582, 601-609, 656, 664, 665, 677.
Ǧazīrat Ibn cUmar, 156, 682.
Ġazna, Ghazna, 412, 503, 505.
al-Ǧazr, 590.
247
H
al-ḫabar, ḫabar al-Sulṭān, 267,634.
al-Ḫaḍir, voir : al-Ḫiḍr.
al-Ḥāḍir, à Alep, 612.
al-ḥadīṯ, 3, 9, 26, 50, 51, 55, 68, 88, 166, 357, 365, 373, 377, 396, 458, 620, 622, 626, 630, 643.
al-ḫaḍra, 314.
BANŪ'L-ḪAFĀǦA, 21, 296, 314, 506, 569, 570, 572.
Ibn al-Ḫaffānī, 185, voir : Ibn al-Ḫaqānī.
Ḥaǧar al-Ḏahab, à Damas, 78, 85, 232.
al-ḥaǧǧ, 505, 540, voir : PÉLERINAGE.
al-ḥāǧib, al-ḥuǧǧāb, 18, 52, 139, 150, 183, 188, 267, 516, voir : CHAMBELLAN.
Haïfa, 529, 538.
al-Ḥākim, imam fatimide, XVI, 28, 30, 47, 91, 128, 150, 169, 175, 182, 188, 201, 217-387,
391-395, 400-408, 426, 440, 452, 499, 541, 572, 626, 654-662, 685.
HAKIMITES, 406, voir : DRUZES.
Ḫalaf b. Mulācib, 602, 610.
al-ḫalifa. 339.
Ḫalīfa b. Ǧabhān, 518.
Ḫalīfa b. Ǧābir, 511, 512.
al-Ḫalīǧ, canal au Caire, 290, 291.
Ibn al-Ḥallādī, 149.
Ibn Ḫallikān, 278.
al-ḫalnaǧ, al-ḫalanǧ, 595.
al-ḥalqa, 24,350.
al-ḫalwa, 625.
249
ḫām, 606.
Ḥamā, 18, 39, 101, 195, 367, 459, 484, 512, 515, 518, 529, 534, 557, 560, 561, 572, 578,
585-590.
ḥamalāt al-silāḥ, 76 et sq., 671.
BANŪ ḤAMDĀN, HAMDANIDES, 6, 8, 14, 17, 18, 22, 38, 52 et sq., 59, 91. 94, 95, 101,
112,114, 121-123, 128-130, 133, 142-145, 154-157, 178-187, 193, 194, 205 et sq., 211, 212, 229,
241, 243, 308, 309, 319, 320, 322, 324, 332-336, 385, 453, 458, 475, 496, 614, 657, 659, 661.
Ḥamdān b. Ǧawwās, 120.
Ḥamid ou Ḥumayd b. Maḥmūd al-Mufarriǧ, 635-638.
Ḥamid b. Mulhim Abū'l-Ǧayš, 329, 330, 657.
Ḥamid b. Mufliḥ, 202, 657.
Ḥamid b. Tamsūlat, 328.
Abū Ḥamid b. Zā’ida, 313.
Ibn Ḥammād al-Ġarabilī, 447, voir : Abū Ṭālib.
al-ḥammām, 78, 245, 455, 531, 533.
Ibn al-Ḫammār, 107, 109, 114, 115.
Ḥamza, préfet de police à Damas, 80, 84.
Ḥamza Ibn cAbd al-Muṭṭalib, 622.
Ḥamza b. Aḥmad al-Šarīf Abū'l-Ḥasan, 167, 222, 685.
Ḥamza b. al-Ḥasan b. al-cAbbās Abū Yaclā Ibn Abī'l-Ǧinn, 438-441, 454, 618, 619, 625, 626,
641, 644.
Ḥamza al-Zawzanī b. cAlī b. Aḥmad, 139, 354-371, 409.
Ibn Ḫān ou Ibn Ḫaqān, 581-583, 586, 587, 591, 598, 645, 646.
al-ḫādim, 328, voir : EUNUQUES.
HANBALISME, HANBALITES, 89, 166, 338, 344, 349-351, 355, 359, 409, 458, 590, 602, 626, 630,
636, 691 et sq.
al-handasa, 634.
HANIFISME, HANÉFITES, 344, 347, 355, 531, 628, 692 et sq.
al-Ḫānuqā, 573.
Ibn Ḫanqān, voir : Ibn Ḫān.
Ibn al-Ḫaqānī, 369, 381.
al-ḫarāfīš, 671.
al-ḫarāǧ, 56, 61, 70-73, 104, 120, 122, 129, 131, 155, 158, 160, 167, 204, 257, 261, 488, 565,
602, 620, 621, 630, 648, 655, 681 et sq., 687 et sq., 694.
al-ḥaram, 625, 626.
Ḥaram al-Šarīf, 403.
al-ḥarāmiyya, 671.
Ḥarasta, 243.
Ḥarat al-Daylam, au Caire, 116.
al-ḥarb, 411, 565.
250
HASHIMITES, 42.
Ibn al-Ḫasib, 417, corriger le texte.
Ibn Hāšīm, voir : cAbd al-Acla b. Hāšīm.
Hāšīm Ibn al-Imām Manṣūr, 270.
Abū Hāšīm al-Šarīf b. al-Ḥusayn, 212.
Ibn Abī Ḥaṣīna, 438.
Ḥass, Ḥās, 468.
Ḥassān (b. cAlī) (b. al-Mufarriǧ, ou al-Mufarraǧ) (b. Duġful) Ibn al-Ǧarrāḥ, nasab détaillé
différent selon les chroniqueurs, XVI, 30, 282, 289, 296-308, 314, 322, 369, 376, 381, 382,
420, 423, 428 et sq., 442 et sq., 462 et sq., 472 et sq., 486 et sq., 490 et sq., 497 et sq., 508 et
sq., 514, 667 et sq.
Ibn Ḥassān Ibn al-Ǧarrāh, 588.
Ḥassān b. Mismār b. Sinān, 641.
Ḥassān b. Mu’ammar, 641.
Ḫaṭalaḫ, 139.
al-ḫatīb, 444,531.
Ḫatkīn ou Ḫastekīn al-Dācī al-Ḍayf, 259-261, 292-296, 300, 330, 359, 365, 409.
Ibn al-Ḫaṭṭābī, 149.
Ḫātūn, bint Alp Arslān, 602.
al-ḥawādiṯ, 24.
Ḫawāǧa, 332.
al-ḥawāniq, 505.
al-ḫawba, al-ḫawābī, 480, 482.
Ḥawf, province d'Égypte, 66.
Ibn Ḥawqal, le géographe cf. Bibliographie, 3, 125, 126, 216, 319, 527, 532, 545, 666, 682.
Hauran, Ḥawrān, province de Syrie, 13, 15, 38, 41, 43, 47, 73, 76, 102, 105, 121, 124, 126,
129, 149, 150, 188, 289, 367, 368, 381, 464, 490, 540, 546, 636, 641, 657, 665.
al-ḥawz, 499.
al-hay’a, 634.
Abū'l-Hayḏam, voir : cĀmir b. cUmāra.
(Ibn) Ḥaydara, 657, voir : Abū'l-Ḥusayn cAlī b. Abd al-Wāḥib b. Ḥaydara, cAbd al-Wāḥib b.
Ḥaydara, Hibat Allāh b. cAlī b. Ḥadara, al-Ḥusayn b. Ḥaydara.
Ḥaydara b. al-Ḥasan ou al-Ḥusayn b. Mufliḥ, 328, 329, 620-623, 657.
Ḥaydara b. Ibrāhīm b. Ibn Abī'l-Ǧinn, 438, 635-645, 668, 685.
Ḥaydara b. Manẓū b. al-Nucmān Abū Turāb al-Kutāmī Ḥiṣn al-Dawla, 560, 631-638, 657.
Abū'l-Hayǧā’, l'historien, 60.
Abū'l-Hayǧā’ b. Sacd al-Dawla al-Ḥamdānī, 311, 312.
Abū'l-Hayǧā’ Ibn al-Munaǧǧā, 68-71, 85, voir : AbūcAbd Allāh Ibn al-Munaǧǧā.
al-ḫayl, 585.
Ibn-Ḫayrān, 393.
252
I
Ibn al-camm, 605.
Ibn bintihi, 658.
255
Ibérique (Péninsule), 4.
Ibrāhīm b. alcAbbas b. al-Ḥasan Abū'l-Ḥusayn Ibn Abī'l-Ǧinn, 345, 625-630, 640, 641.
Ibrāhīm b. cAbd al-Karīm Ibn al-Anbārī Abū'l-Faḍl al-Ṯiqa al-Kāfī, 562.
Ibrāhīm b. Ǧacfar Abū Maḥmūd, 45, 69-105, 122, 129, 132-137, 160, 189, 657.
Ibrāhīm, neveu de Ǧawhar, 69.
Ibrāhīm b. al-Ḥasan Nāṣir al-Dawla Abū Ṭāhir, 123, 154, 178.
Ibrāhīm b. Ḥātim Abū Isḥāq al-Ballūṭī, 55, 375.
Ibrāhīm b. Nāṣir b. Ṭabāṭabā, 15, 212.
Ibrāhīm b. Sahl Abū Sacīd ou cAbū Sacīd al-Tustarī, 544, 549, 558.
Ibrāhīm b. Sacīd al-Ḥasanī, 374, 375.
c
īd al-ġiṭās, 265, voir : fêtes.
IDENTITÉ, XXI, 358.
IDÉOLOGIE DU POUVOIR : XXII, 57, 415 et sq., 692 et sq.
Ifriqiya, 17, 52, 54, 57, 62, 65, 88, 114, 160, 164, 170, 204, 210, 263, 266, 269, 298, 365, 433,
503, 548, 566, 656.
IGNORANTS, 32, 51, 81, 232, 247, 347, 355, 469, voir : Guhalā’.
IKHCHIDIDES, XII, XXI, 8, 14, 16-22, 37, 39, 40, 46, 51, 52, 58-66, 73, 98, 105, 114, 130, 135,
182, 252, 271, 339, 348, 457, 460, 523, 545, 657, 659.
Iliyā, 9, voir : Jérusalem, al-Quds.
Ilyās, 375.
Ibn Ilyās, voir : cAbd al-Raḥim b. Ilyās.
al-imām, conducteur de la prière dans une mosquée, 119, 213, 342-351, 361, 543, 683, 691.
LES IMĀMS PURS, IMĀMS FATIMIDES, 17, 33, 38, 48, 52, 56, 101, 103, 111, 112, 120, 122, 125,
132, 134, 135, 147, 148, 155-159, 169 et sq., 175, 182-187, 190-211, 217, 220, 222-225, 231,
248, 252-254, 260, 261, 266, 284, 293, 300, 305, 312, 317, 323, 324, 334, 337, 344, 353-367,383,
395, 398, 413, 415, 418, 422, 423, 424, 427, 442, 447, 462, 463, 517, 518, 521, 535, 556, 571,
584-593, 605, 626, 635, 639, 641, 647, 654, 667, 683, 694 et sq.
Imām al-caṣr, 270, 365 et sq.
IMĀM CACHÉ, 280.
IMĀMAT, al-imāma, XVI, 300, 583, 649, 659, 683.
IMĀMITES, 17, 167, 290, 304, 458, 630, voir : DUODECIMAINS
al-imāra, 649.
c
imārat al-bilād, 411.
c
Imm, 196.
IMPÔTS, 444, voir : FISC.
c
Imrān b. Šāhin, 122.
Inab, 492-494.
INCENDIE, 25, 44, 78 et sq., 84, 95, 122, 145, 189, 197, 200, 232, 237, 247, 353, 368, 380, 639,
642, 651, 685.
INCESTE, 356, 369, 370.
Inde, 4, 163, 366, 431, 503, 531.
256
ISMĀCILISME. ISMĀCĪLIENS, XV, 57, 59, 88, 109, 115, 140, 160, 163, 165, 166, 175, 212, 219,
222, 259, 262, 272, 280 et sq., 288, 289, 293, 321, 330, 338, 341, 344, 346, 351, 353, 354, 357,
360, 361, 364, 365, 372, 373, 406, 479, 577, 624, 629, 690.
al-isnād, 349.
Ispahan, 503.
al-Iṣṭaḫrī, le géographe, 4.
al-ciṣyān, 381.
Italie, ITALIENS, 384, 441, 472, voir : Amalfi.
ITINÉRAIRES COMMERCIAUX, XIII, 2, 9, 63, 65, 126, 163 et sq., 266, 297, 298, 366, 385-387,
410 et sq., 420, 426, 490, 510, 515, 530, 532, 533, 540 et sq., 554, 584, 603-615, 654, 663, 681
et sq.
al-iṭlāq, 219, 696.
c
Izz al-Dawla, voir : Baḫtiyār.
J
Jadda, Jedda, 302.
Jaffa, Yāfā, 652.
Jahiliyya, voir : al-ǧāhiliyya.
JARDINS, 253, 257.
Jean Baptiste le Précurseur, 496.
Jean Tsimiscès ou Tzimiskès, 6, 55, 90, 93 et sq., 98, 101, 111-114, 242.
Jéricho, Arīḥā’, 10, 504.
Jérusalem, al-Quds, Bayt al-Muqaddas, 4, 5, 7, 9, 38, 40, 53, 55, 89, 95, 97, 107, 113, 166,
169, 250, 291-299, 300, 301, 309, 317, 322, 338, 359, 372-376, 400, 403, 411, 418, 430, 436,
448, 458, 464, 498-504, 523, 529-539, 550, 637, 646, 650.
JEÛNE, ABSTINENCE RELIGIEUSE, 357.
JEUNES-GENS, voir : al-aḥdāṯ.
Jordanie, 141, 238, 583.
Jourdain, al-Urdun, XIII, 8, 10, 11, 15, 17, 41, 63, 102, 124, 138, 306, 367, 372, 274, 278, 429,
464, 500, 537 et sq., 566, 624, 636, 653, 655, 665.
JOURNAL TENU AU QUOTIDIEN, voir : al-Musabbiḥī, cAbd Allāh b. Ǧacfar Ibn al-Maydānī.
JUIF. 86, 87, 103, 128, 139, 146, 148, 157, 158, 163-170, 175-178, 215, 262, 271, 284-289, 292,
295, 307, 316, 354, 402-410, 463, 547, 548, 582, 673.
JURISCONSULTES, voir : al-fiqh, FAQĪH, FUQAHĀ’.
JUSTICE (exercice de la) 254, 358, 626 et sq., voir : CADIS, TÉMOINS DE JUSTICE.
Κ
al-Kacba. 102.
Kābul, 9.
Kafar Rūma 309.
258
Kuliab, 426.
Kūm Dīnār, 330.
al-kunya, XVIII, 83, 573, 627, 631, 674, 677.
al-kūra, 578.
Kurayn, 483.
Kurd cAlī Muḥammad, 14.
Kurd Dagh, 242.
KURDES, 13, 84, 143, 154, 155, 156, 178, 241, 319, 335, 487, 489, 506, 514, 533, 583, 584, 593,
603, 611, 612, 614, 663.
Ibn al-Kurǧī, voir : Sulaymān b. al-Kurǧī. al-kurṣī, 92.
Ibn Kušmurud, 80, 84.
KUTAMITES. 26, 37, 39, 42, 62, 69, 108, 111, 117, 122, 131, 133, 134, 144, 159, 207, 218-236,
249, 253, 259, 271, 279, 284, 330, 331, 336, 393-401, 420, 435, 447, 463, 548, 561, 567, 631,
656, 658, 687, 690.
Ibn Aḫi'l-Kuwayyis, Ibn al-Kuwayyis, 149.
L
al-lābaqa, 236.
al-Labbād Yaḥyā, un druze, 359.
al-Labbād, un des aḥdāt d'Alep, 573.
Lac d'Antioche, 198, 575.
Lac d'Apamée, 240 et sq.
Lac de Tibériade, 329, 464.
Laǧa’, iltaǧa’, 607.
Al-Laggūn, 9.
LAḪM. 102.
Laïcas, voir : ḤiṣncUllayqa.
Lammens, Henri, XI.
LANCEURS DE NAPHTE, 189, 232, 446, 478.
Laoust, Henri, XI.
al-laqab, XVIII, 98, 133, 137, 194, 206, 219, 259, 294, 297, 311, 321, 328, 329, 331, 333, 336,
400, 426, 438, 443, 460, 463, 509, 517, 520 et sq., 562, 565, 571, 572, 578, 582, 583, 591, 592,
617, 619, 620, 630, 632, 635, 649, 666, 699.
LATIN, 541.
Latmin, 511.
Lattaquié, 18, 146, 180, 376, 378, 479, 533, 566, 567.
Ibn Abī'l-Layl, voir : Rafīc ibn Abī'l-Layl.
Layṯ al-Dawla Nuštakīn al-Ġawrī, 400, 541.
Le Caire, passim et 187, 210, 250, 268, 278 et sq, 280, 343, 348, 357. 366, voir : Palais
fatimide au Caire, et Fusṭāṭ-Miṣr.
260
M
Maāb, 10.
Abū'l-Macālī Sacd al-Dawla b. Sayf al-Dawla al-Ḥamdānī, 18, 52-55, 91-95, 123-126, 131-134,
142-145, 153-155, 180-194, 211, 212, 278, 290, 308, 614.
Abū'l-Macālī Šarīf b. Sacīd al-Dawla al-Ḥamdānī, 309-313.
Macarrat Maṣrīn ou Miṣrīn, 18, 453, 576, 590, 598.
Macarrat al-Nucmān, XV, XXI, 9, 18, 39, 92, 95, 101, 125, 134, 317, 321, 323, 458, 466, 512,
529, 534, 557-561, 572, 578, 583, 628.
261
MACHINES DE GUERRE, XIX, 138, 200, 281, 431, 453, 474 et sq., 478, 484 et sq., 493 et sq.,
519, 535, 595, 609, voir : MILITAIRES (1).
al-Maḏarā’ī, 17, 167, voir : Muḥammad b. cAlī.
al-maḏhab, 373, 530, 591, 625, 628.
Madelung, W., XV, 16.
al-madfan, al-madāfin, 590.
al-maḏhab, al-maḏāhib, passim, et 409, 626, 699.
Madī b. Muqarrab, 279, 287, 298.
al-madīna, 695, 696.
al-Maḍiq, al-Muḍīq, 240, voir : Apamée et Qaleat Muḍīq.
al-madrasa, 530, 692 et sq., 699 et sq.
Madrasa al-Zāhiriyya, Bayt alcAqīqī, 333.
al-mafāza, 5.
Abū'l-Maǧd, frère d'Abū'l-cAlā', 469.
MAGHRÉBINS, al-maġāriba, 42, 44, 52, 69, 75-88, 92-97, 104, 105, 114, 125, 130, 135, 137,
146, 170, 193, 209, 219, 221-234, 240, 245, 260, 271, 284-288, 322, 329, 332, 346, 362, 391,
413, 446, 493, 500, 505, 559, 561, 640-647, 651, 685, voir : BERBÈRES, KUTAMITES, etc...
al-maǧd, 585.
MAGIE, 377, 378, 531.
Magistros, titre byzantin accordé parfois à un prince musulman, 311, 317, 564.
al-maǧlīs, 359.
MAGOG, 377.
al-Maġrib, Maghreb, 4, 59, 163, 164, 343, 344, 421, voir : Afrique du Nord, Ifriqiya.
BANŪ'L-MAĠRIBĪ, Ibn al-Maġribī, 164, 259, 290-306, voir : Abū'l-Ḥasan cAlī b. al-Ḥusayn et
al-Ḥusayn b. cAlī, etc…
al-maḥall, 245, 570.
al-Mahdī, 279, 364.
Maḥmūd b. cAbd Allāh b. Abī cAqīl, 643.
Abū Maḥmūd al-Kutāmī, 45, voir : Ibrāhīm b. Ǧacfar.
Maḥmūd b. Muḥammad b. al-Nahwī, 262, 267.
Maḥmūd (b. al-Mufarriǧ ou al-Mufarraǧ) b. al-Ǧarrāḥ, 282, 297, 303.
Maḥmūd b. Nāṣr b. Ṣāliḥ, b. Mirdās, 553, 369-599, 633, 640, 644-646.
Maḥmūd b. Subuk Takīn, 411 et sq.
Maḥmūd b. Zācida, 578.
al-mahr, 201, 356.
al-maḫūr, 468.
Maïmas, 126, 145, voir : Homs.
al-maciša, 574.
MAISON, al-bayt, al-dār, al-manzil, 333, 676.
al-Makīn b. al-cAmīd, 194.
262
al-manṭiq, 530.
Mantzikert, Manazgerd, Manazglrd, ΧII, 399, 556, 596 et sq.
MANUSCRITS, XX, 25, 318, 337, 338, 366, 698.
al-Manẓār, Manẓār Miṣr, lieu d'exécution publique entre Le Caire et Fusṭāṭ, 88, 237, 283.
al-Manẓāra fi'l-Qāhira, loge dans le Palais où l'Imām se montrait à la foule, 253, 505.
Ibn Manzū, 598, 631 et sq., 640-643, voir : Ḥaydara b. Manzū et Mucalla b. Manzū.
Maqām Ibrāhīm al-Fawqānī à Alep, 576.
Maqrīzī, XII, XLX, 27, 63, 80, 278, 327, 369, 418, 422, 449, 691.
al-Maqs, 208.
Ibn al-Mar’a, 589.
Maraqiyya, Marqiyé, Maraclée, 418, 479-483.
Marcaš, 197, 243, 244.
Marchés, Souqs, lieux et PRATIQUES DES ÉCHANGES COMMERCIAUX, 25, 45-50, 72-78,
80, 85, 117, 122, 141, 161, 190 et sq., 198, 202 et sq., 244, 247, 262, 283, 358, 533, 536, 539,
586, 651, 661 et sq., 673-678, voir : COMMERCE, ITINÉRAIRES, etc…
al-Marǧ, partie externe et dénudée de l'oasis de Damas.
Marǧ Aḏrā, 189.
Marǧ Afih, 240.
Marǧ al-cAšcariyyīn, 78, 331, 334.
Marǧ Bāb al-Ḥadīd, 633.
Marǧ Dābiq, 582, 583.
Marǧ Dibāǧ, 398.
MARGES, XIV, XX, voir : FRONTIÈRES, MARCHES.
MARGINAUX, MAUVAIS GARÇONS, passim et 20, 57, 72 et sq., 80 et sq., 236, 356, 405, 416,
421, 445, 503, 569, 669-681, voir : al-aḥdaṯ.
Mariamīn ou Marīmīn al-cUqna ou al-cAqaba, 575, 576.
Marqab, 418.
BANŪ MARWĀN. MARWANIDES, 143, 156, 178 et sq., 320, 487, 497, 510, 514, 553, 556, 563,
592, 606, 667, 677.
Ibn Marwān, voir : Aḥmad b. Marwān.
al-martaba al-malikiyya, 497.
Macrtarih ( ?), 609.
MARTYRS, 403.
al-maskan, al-masākin, 555.
al-mašāyiḫ, 80, 316, 468, 470, voir : Anciens et al-šayḫ, al-šuyuḫ.
Masaqa, 481.
AL-MAŠARIQA, al-Mašriq, 4, voir : ORIENTAUX, Asie Centrale, etc.
AL-MAṢĀMIDA, al-Maṣmūdī, 455, 649.
Masǧid Ibrāhīm à Berzé, 77-78, 93, 138.
al-mašhad, 535, 626.
264
Mésopotamie, ΧΠΙ, 15, 17, 163, 170, 210, 366, 373, 384, 385, 400, 433, 540, 553, 582, 605,
613, 682, 694, voir : Iraq.
Messie, 372.
METÉOROLOGIE, 22, 38, 503-507, voir : CLIMATS
MEUNIER, 184, 677.
Mezzé, 61, 122, 138, 258, 380.
Michel IV, 372, 499 et sq., 509.
Michel Bourtzès, 195-199.
Michel le Kitonite, 289.
Michel le Protospathaire, 496.
Michel Spondyle le Catépan, 466, 481.
Michel VI le Stratiotique, 566.
Micḍad al-Qā’id, 367, 393 et sq., 420, 421, 429, 447, 548.
Micḍad b. Ẓalim, 196.
al-mīdān, voir : al-maydān.
al-miḥrāb, 212, 530, 531.
Miḥrāb al-Ḫiḍr, à Jérusalem, 377.
MILITAIRE, (1) Architecture, Art, Stratégie, XIV, 6, 38, 39, 62, 63, 92 et sq., 103 et sq., 113,
127 et sq., 152 et sq., 159, 182 et sq., 200, 210, 240-243, 281, 315, 324, 384, 473, 478, 493, 507,
519, 533, 544 et sq., 577, 580, 589-602, 609, 643, 659-662, 673.
MILITAIRES, (2) Groupe socio-professionnel, XIV, 19, 33, 37 et sq., 50, 73 et sq., 87 et sq.,
91, 111, 127 et sq., 134 et sq., 152 et sq., 159, 165, 181-183, 200, 205, 215, 216, 234, 244 et sq.,
254-259, 286, 315, 325, 334, 380-385, 544-551, 557, 563, 580, 592, 597, 608, 614, 615, 622, 633,
643-648, 654, 658-662, 673, 686-700.
MILLE ET UNE NUITS. 113.
MILLÉNARISME, 409.
al-minā’, 537.
MINARET, 84.
al-Mināwī Muḥammad Ḥamdī, 547.
al-minbar, 517.
al-Miqdād b. cAmr al-Muhāǧir, 621.
Miquel André, 1 et sq.
MIRACLES, 28, 29.
BANŪ MIRDĀS, ΧII, XIX, 29, 314-324, 509, 515-519, 553, 616, 640, 655, 659, voir : BANŪ
KILĀB, Ṣāliḥ, etc…
Misbāḥ Abū Sacīd, 402.
Miskawayh, l'historien et philosophe, 30, 129, 167.
Mismār b. Sinān al-Kalbī, 640-642,650.
Miṣr, voir : Fusṭāṭ, Egypte.
al-miṯqāl, 476.
Modhad (Micdād ?), 367.
266
Mufarriǧ (b. Duġful) Ibn al-Ǧarrāh, 108-136, 141-157, 165, 188, 207, 211, 226, 237-239, 277,
288, 296-308, 314, 338.
Mufarriǧ b. Tammām, 279.
al-mufāwada, 696.
Mufliḥ, 657, voir : Ḥaydara b. al-Ḥusayn.
Mufliḥ Abū Ṣāliḥ al-Lihyānī al-Ḫādim, 328, 329.
Mufliḥ al-Wahbānī, 136.
al-mufsidūn, 302, 671.
muǧallada, 318.
Ibn al-Muġāniyya, 83.
al-muǧarrad, 634.
Ibn Muǧāzil, 572.
al-Muhaḏḏab b. cAlī b. al-Muḥhaḏḏab Abū'l-Ḥasan, 467.
al-muḥaddiṯ, voir : TRADITIONISTES.
al-muhāǧir, 621.
Muḥammad, le Prophète arabe, 15, 23, 166, 255, 285, 301 et sq., 363-365, 407 et sq., 620,
625, 626, 658, 684, 699.
Abū Muḥammad al-Akfānī, voir : Hibat Allāh b. Aḥmad, 331.
Muḥammad b. al-cAbbās Ibn Abī'l-Ǧinn, 626.
Muḥammad b. cAbd Allāh b. AbīcAqīl, 643.
Muḥammad b. cAbd Allāh b. Muḥammad Ibn Abī'l-Dibs, 342.
Muḥammad b. cAbd Allāh Ibn (Uḫt) al-Walīd, 340, 675.
Muḥammad b. cAbd al-Raḥmān b. Abī Bakr, 567.
Muḥammad b. cAbd al-Raḥmān b. Sahl, 549.
Muḥammad b. Aḥmad Abū cAbd Allāh al-Ǧarǧarā'ī, 396-420, 443, 461.
Muḥammad b. Aḥmad al-Ramlī Abū Bakr Ibn al-Nābulusī, 50-55, 70, 71, 85-89, 166, 283,
292, 683, 685, 699.
Muḥammad b. Aḥmad Abū Gacfar al-Buḫārī, 593, 594.
Muḥammad b. Aḥmad b. Hārūn b. Abū Nāṣr Ibn al-Ǧundī, 345.
Muḥammad b. Aḥmad b. Sacīd, 103.
Muḥammad b. cAlī Ibn al-Durzī ou al-Darazī, 373.
Muḥammad b. cAlī b. Ǧacfar Ibn Falāḥ Abū cAbd Allāh Ṣafī (yy) al-Dawla, 235,401, 548-549,
656.
Muḥammad b. cAlī b. Ḥamid ou Ḥumayd, 418, 480.
Muḥammad b. cAlī b. al-Ḥusayn Abū'l-Ḥusayn Aḫū Muḥsin, source principale sur les
origines des Caramates et des Fatimides, 166.
Muḥammad b. cAlī al-Mādarā'ī, 167.
Muḥammad b. cAqīl Abū Bakr al-Ṣahrazūrī, 26.
Muḥammad b. Aṣbaġ, 341.
Muḥammad b. cAsūdā Abū Isḥāq, 44-47, voir : Ishāq b. cAsūdā.
Muḥammad b. cAbi Bakr 279.
268
N
Ibn al-Nābulusī, voir : Muḥammad b. Aḥmad.
Nādir, 589.
BANŪ NAḌRĪ ou BANŪ NAṢRĪ, 125.
al-nafaqāt, 396,630.
al-naffāṭūn, 78,189, 232.
al-nafīr, 43, 76, 207, 495.
Naǧā b. Ibrāhīm, 420.
271
Ο
OASIS, 11, 12, 14, 19, 33, 72-77, 86, 93, 119, 126, 139,147, 150, 188, 227, 243, 245, 339, 613,
631, 643, 647, 654, 665, 674, 694., voir : Ghouta, Sawād.
OBITUAIRES, al-wafayāt, 24, 348.
Océan Indien, 366, 523.
OLIVES, OLIVIERS, 533-539, 542, 606.
OMAYYADES, 4, 14, 46, 104, 115, 140, 166, 170, 278, 280, 345, 372, 378, 457, voir : Mosquée
des Omayyades.
OR, OR/ARGENT, 65, 67, 109, 113, 117, 142, 160, 161, 168, 184, 190, 202, 204, 209, 224, 225,
248, 264, 266, 283, 286, 293, 298, 317, 322, 416-438, 463-468, 475, 476, 511, 517, 543, 545,
550, 554, 559, 598, 639, 645, 648, 650, 655, 698, voir : Dīnār, Dirham.
ORDRE MORAL, 257, 335-337, 404 et sq., 417.
ORDRE PUBLIC/DÉSORDRES, passim et 72 et sq., 229, 261, 339, 394, 415-470, 666, 689.
Oreste, patriarche de Jérusalem, 250, 309.
ORIENTALISTES, 215.
ORIENTAUX, faction des Turcs, Daylamites et Persans au Palais et dans l'armée fatimides,
4, 7, 59, 111, 137, 162, 205, 209, 212, 218-233, 253, 259, 260, 271, 284, 287-289, 329, 356, 362,
372-373, 424, 493, 548, 559, 561, 611, 642.
Oronte, 10, 11, 92, 124, 126, 145, 196, 199, 237-242, 479, 499, 534, 575, 586, 598, 602, 608,
609, 612.
ORPHELIN, 251, 340, 358.
ORTHODOXIE, 5, 143, 178.
Ory, S., 641.
OTAGE, 481, 571,587, 589.
EMPIRE OTTOMAN, 187.
274
Ρ
PAIN, 78, 108, 190, 204, 224, 250, 283, 349, 445, 539, 609, 644, 651, 697, voir : CÉRÉALES,
DISETTE.
Palais d'Alep, 317.
Palais abbasside à Bagdad, 140, 304.
Palais byzantin à Constantinople, 143, 496, 553.
Palais fatimide au Caire, 27, 65, 98, 111, 123, 161, 183, 202, 218-224, 230, 253 et sq.,
261-278, 289, 300, 307-308, 357, 362, 393 et sq., 423, 435, 505, 542, 547, 635, 654, 688.
Palais fatimide à Damas, 244, 245, 328, 331, 336, 337.
Palais omayyade à Damas, 80.
Palais de. Ǧacfar Ibn Falāḥ al-Dikka au dessus de Damas, 46, 51, 73.
Palestine, XII, 3, 7-11, 17, 21, 28, 37, 53, 56, 62, 63, 102-108, 120-124, 136, 157, 163, 166,
236-238, 282, 292-308, 311, 329, 336, 345, 361, 368, 372, 386, 423-428, 436, 441-447, 460-469,
500, 503, 532-539, 546-549, 589, 598, 635-637, 646-655, 665, 667.
Palmyre, Tadmur, 8-10, 41-47, 63, 102, 121, 152, 367, 440, 491, 540, 641, 665.
PALUDISME, 612.
Pan, le Dieu vert, 375, voir : la-Ḫiḍr.
PAPIER, 233.
PÂQUES, 293-299.
PARADIS, 7, 686.
PARASOL, 111, 183, 200, 360.
PASSION AMOUREUSE, 113, 131, 133, 136, 187, 315-317, 321, 399, 612.
PATRIARCHE, 5, 28, 40, 55, 218, 250, 265, 292, 295, 309, 338, 403, 418, 672.
PATRICE, TITRE PALATIN BYZANTIN, 508, 553, 582.
PÂTURAGE, 124, 181, 200, 280, 313, 600.
PÈGRE, 82 et sq., 119, 126, 139, 189, 246, 267, 316, 340, 351, 380 et sq., 473, 477, 489, 517,
671-680.
PÈLERINAGE, ΧΠΙ, 2, 57, 102, 131, 136, 161, 183, 202, 220, 293, 298-301, 310, 395, 403, 413,
420, 446, 504, 505, 515, 523, 528, 539-542, 592.
Penjab, 366.
PENTATEUQUE, 531.
PERSANS. Perse, XX, 4, 13, 17, 19, 59, 104, 112, 122, 205, 345, 355, 356, 366, 372, 431, 489,
529, 532, 536, 611.
PETCHENÈGUES, 472, 514.
PEUPLE DE DAMAS, 78, 284, 348, 439 et sq., 642, voir : Ahl.
Pharaon, 302.
PHILOLOGUE, 628.
PIERRE NOIRE SUR LA KACBA, 363, 369, 407.
PIGEON VOYAGEUR, 52, 195, 222, 312.
275
PILLAGE, 7, 38, 43, 45, 55, 62, 72-74, 86, 95, 126, 127, 136, 145, 148, 181 et sq., 216, 232, 233,
240, 244, 260, 293, 298, 299, 314, 353, 357, 381, 405, 421-440, 474 et sq., 512, 517, 520, 538,
556, 561, 569, 576, 582, 584, 594, 603, 607-609, 630, 642, 643, 662, 685, 589, 690.
PIRATERIE, 54.
PLÈBE, 32, 232, 473, 512, 671 et sq., 698 et sq.
POÈTES, VERS, XV, 29, 117, 234, 329, 330, 336, 337, 444 et sq., 572, 604.
POIDS ET MESURES, 25, 108, 190, 191, 198, 199, 202, 203, 207, 208, 224, 251, 283, 299, 317,
345, 440, 528, 534, 537, 539, 566, 567, 574, 585, 586, 609, 644, 682, 697, 698.
POLICE, 27, 80, 82, 208, 267, 273, 327, 335, 336, 339, 358, 619, 625, 693.
POLYGAMIE, 295, 356.
POLYTHÉISTES, 377.
POMMES, 450.
PONTS, 44, 74, 336, 337, 386, 505, 608, 613.
POPULATION, voir : DÉMOGRAPHIE, EFFECTIFS.
PORC, 347, 376-377, 532, 534, 600.
PORTE DE VILLE, xiii, 2, 44, 46, 74 et sq., 80 et sq., 137, 198, 245, 247, 439, 674, 676, voir ;
Bāb.
Porte d'Antioche à Alep, 323.
PORTE-ÉCRITOIRE, 259, 330.
PORTE-PARASOL, 330.
PORTEUR D'EAU, 421.
PORTS FORTIFIÉS, 6, 10, 62, 90, 104, 135, 146, 150, 163, 199, 235, 307, 311, 384, 385, 432, 434,
443, 534-540, 646, 662, 663, 673, 686, 695.
PRÉDESTINATION, 48.
PRÊT, 377, 589, 598.
PRÊTRE, 296.
PRIÈRE DU VENDREDI, 212, 331, 597, 642, voir : al-ǧumca.
PRIÈRES SURRÉROGATOIRES, 357.
LE BON PRINCE, 110, 249, 253-257, 683, 687 et sq., 691-700.
PRINCE DES CROYANTS, amīr al-mu’minīn, 45, 218, 255, 300 ; 334, 435, 562, 588, 591, 596,
635, 641, 683.
PRINCIPAUTÉS, 319 et sq.
PRISON, 48, 115, 130, 222, 233, 287, 298, 430, 431, 444 et sq., 455 et sq., 468, voir : CAPTIFS,
ESCLAVES.
PRIX, 108, 147, 150, 161, 162, 190 et sq., 198, 204, 224, 238, 250, 263, 283, 298, 357, 382,
405-417, 428, 460, 504, 528-532, 539, 551, 563, 573, 585, 594, 609, 610, 613, 644, 662, 664 et
sq., 697, 698.
PROCÈS-VERBAL, 27, 267, 293, 677.
PROMENADE D'HONNEUR, 195, 223.
PROMENADE INFAMANTE, 48, 49 97, 130, 189, 190, 282, 283, 328.
PROPHÈTE, 370, 375 et voir : Muḥammad.
276
PROPRIÉTÉS FONCIÈRES, 103, 127, 147-154, 162, 188, 194, 204, 257, 440, 462.
PROSTITUTION, 83, 131, 468.
PROTOCOLE, 297.
PROVIDENCE, 282, 470.
PSAUMES, 372, 531.
PUITS, 281.
Q
al-qabr, 627.
Qābūn, Qaboun, 243.
Qadam, 44, 637.
Qadas, 9.
Qādī'l-Quḍāt, 268, 273, 344.
al-Qādir, calife abbasside, 192, 304, 412, 491.
al-qādiriyya, 304.
Qadmous, 479.
al-qafīz, 108, 198, 566, 595.
al-qā’id,132, 201, 221, 226, 245, 258, 259, 267, 280, 284, 288, 289, 296, 311, 312, 426.
Qā’id al-ǧuyūš, 335, 336.
al-Qā’im, calife abbasside, 491, 550, 568, 591, 592, 594, 602, 649.
al-qalca, 488, et voir : Citadelle d'Alep, FORTIFICATIONS.
al-qalam, CALAME, ROSEAU TAILLÉ, 182, 698.
Ibn al-Qalānisī, historien de Damas, XV, XIX, 30 et sq., 49 et sq.,66-68, 75, 80, 87 et sq., 96
et sq., 107, 180-185, 221, 242, 277, 306, 327, 425, 462, 516, 573, 617, 622, 639, 647, 649, 672,
690 et sq.
Qalcat Dawsar, 514.
Qalcat Ǧacfar, 514.
Qalcat Mehelbé, 482.
Qalcat (al)-Muḍīq, 240, 241, 485, 515, voir : Apamée et Ḥiṣn Afamia.
Qalcat Šumaymis, 511.
qanādīl al-fiḍḍa, 323, Zuqāq, al-Qanādīl à Fusṭāṭ, 251.
Qanawāt à Damas, 77.
Qarafa en Egypte, 61, 292, 293, 432, 435, 446, 630.
AL-QARĀFIYYA, 435.
QARALU, voir : Quralu.
Qarġuyah, 18, 52-56, 94, 95, 124.
Qarwāš ou Qirwāš b. Muqallad, 304, 319, 506, 507.
qarya li-tubāc, 606.
racīs al-qarya, 118.
277
R
al-racāc, 382, 473, 477, 671.
al-rabad, 509.
Rabāḥ al-Ḥamdānī al-Sayfī, 135, 199.
BANŪ RABĪC, BANŪ RABĪCA B. KACB, 129, 582, 589.
Rabwa, 43, 46, 638.
RACHIDITES, RAŠIDŪN, (les quatre premiers califes), 140, 295.
Ibn Abī'l-Raddād, 422.
al-Radūfī, AL-RAWĀDĪF, 480 et sq.
Rafaḥ, 226.
Rafaniyya, Raphanée, 205, 456, 464, 480, 484, 493, 566, 590, 602, 608, 609.
Rafīc b. Abī'l-Layl cIzz al-Dawla al-Kalbī, 463, 465, 490, 491, 497, 511, 514.
Rāfīc b. Tarrād, 279.
RAFIDITES. 328, 363, 691.
al-Rafīqa, 514, 565.
Ibn Raǧā, 403, 697.
Raǧab b. Ṯimāl, 570.
279
S
Sacāda al-Ḫādim Yamīn al-Dawla al-Qalānisī, 401.
Sācāda b. Hayyān, 60-62.
Abū Sacāda al-Qā’id, 311.
al-ṣacālīk, 671.
al-šabāb al-šuǧcān, 672.
Sabaḥī, Subḥī voir : Muḥammad b. Ismācīl.
ṣabara, résister, 557.
SABÉEN, 489.
SABĪCA, 578.
Ibn al-Ṣābi’, 30.
281
SEXE, ÉTHIQUE, 187, 356, 368-371, 625 et sq., 674 et sq., 678, voir : PASSION AMOUREUSE,
VIOL.
Sibawayh le Fou, 176, 272.
Šibl al-Dawla, voir : Nāṣr b. Ṣāliḥ.
Šibl b. Ǧāmic 577, 578, 589.
Ibn Šibl al-Numayrī, 487.
Šibl b. Macrūf al-'Uqaylī, 70, 97, 129, 130, 133.
Sibṭ Ibn al-Ǧawzī, l'historien, XII, 30, 278, 586, 625, 631, 635.
Sicile, 40, 54, 117, 164, 170, 204, 210, 499, 535, 655.
al-sifāra, 360, 461.
Siffin, 47.
al-siǧill, 219, 225, 254, 263, 325, 332, 345, 517, voir : LETTRES DE MAJESTÉ, ÉDITS.
Sikkīn, 367.
Silvestre de Sacy, I, XI, 215, 227, 243, 278 et sq., 354, 366, 407.
SIMANDRE, GONG, 600.
Siméon le Protospathaire, 496.
al-simsār, 606.
Sinaï, 11, 102, 210, 540, 653.
Sinān (b. Bina ou Bannā) b. cUlayān al-Kalbī, 47, 226, 322, 423, 429, 437-440, 449 et sq.
sind al-qalca, 607.
al-Sind, à Alep, 454.
al-Sind, province de l'Orient musulman.
SINGE, 189, 282.
Sinǧar, Sinjar, 125, 126, 550.
Sinnabra, 41.
Sion, église à Jérusalem, 503.
Ibn al-Širāra, 83, 87.
ahl al-širra, 81, 671.
Sitt al-Mulk, bint al-cAzīz, sœur d'al-Ḥākim, régente après sa mort, 177 (corriger Sitt al-
Nās en Sitt al-Mulk), 217, 252, 256 et sq., 265-267, 278, 305, 379, 383, 392, 395, 399, 402, 403,
412, 418-452, 461, 492.
Sitt al-Nās, bint Sayf al-Dawla, 185.
šiyacān, 302.
al-siyāda, 696.
al-siyāsa, 260,261, 696.
Ibn Skleros, 565, 567.
SLAVES, 40, 90, 152, 186.
SODOMISATION, 47, 49.
SOLDES, 73, 105, 132, 147, 160, 182, 219, 225, 228, 229, 259, 271, 283, 315, 380, 416, 420, 429,
435, 517, 520, 522, 545, 569,618, 661, 690 et sq.
285
SOLIDARITÉS, XIV, 107, 110, 168-171, 177, 178, 202, 228, 248, 249, 260, 271, 282, 285-287,
304, 335 n., 346 et sq., 358, 403, 427, 434, 468, 485, 511, 519 et sq., 563, 595, 611, 612, 625,
664, 668 et sq., 676-681, 686, 694.
SOUFISME, 55, 278, 305, 367, 374, 378, 634, 636, 692.
SOUQ, SOUK, 453, 678, voir : MARCHÉS et Sūq.
Sourdel, D. et J., cf. Bibliographie, passim et XI. 376, 636.
SOUVERAINETÉ, SUZERAINETÉ, voir ; ÉTAT, DĪWĀN, al-sulṭān, et 452.
SPÉCULATIONS COMMERCIALES, voir : CÉRÉALES, MARCHÉS, PRIX et 162, 168, 416 et sq.
STEPPE, ici zone découverte à faible pluviosité, en marge du désert aride, où des
pâturages d'hiver et de printemps sont exploitables plus d'une année sur deux et où
certaines années des cultures sèches peuvent être tentées avec succès, XIII, XXII, 5, 10, 12,
15, 19, 38-44, 92, 106, 114, 124, 126, 152, 282, 310, 378, 433, 478, 546, 553, 577, 585, 605, 614,
636, 638, 652, 661-667, 687 et sq.
Stem, S., XV, 354.
Stratège, titre byzantin accordé parfois à des princes musulmans, 564.
Subayna, 97.
BANŪ SUBAYS. ou SUBAYŠ, 636, 638.
Subḥ, sabaḥ, 573.
Subuk Takīn, ġulām de Baḫtiyār, 90,168.
Subuk Takīn, ġulām d'al-Dizbirī, 513, 519.
Subuk Takīn b. cAbd Allāh Abū Manṣūr, 622.
SUCCESSION, 574, voir : HÉRITAGE.
Suez, 301.
al-Sufahā’, 488.
Sufyān al-Ṯawrī, 55, 683.
al-Sufyānī, 211.
Abū Suǧāc al-Rudrawārī, voir : al-Rudrawārī.
Suġar, 9.
SUICIDE, 131, 383.
ŠUKR al-cAḍudī, 220, 223, 253.
BANŪ SULAYM, 21, 125, 459, 583, 624.
Sulaymān, voir : Salomon, le roi des Juifs.
Sulaymān ou Salmān b. Ǧacfar b. Falāḥ, 69, 131-138, 179, 223-235, 239, 244, 656.
Sulaymān b. Ḫalaf Abū'l-Walīd al-Bāgī, 513.
Sulaymān al-Kurǧī, 488-491.
Sulaymān b. Qutulmiš, 603, 604.
Sulaymān b. Ṭawq Abū Manṣūr, 423, 449, 455.
al-Sulaymānī Ay Takīn, 598, 645.
al-sulṭān, 86, 328, 561, 666, 692-696, voir : ÉTAT, māl al-sulṭān.
Sulṭān al-Qarmaṭī, 561.
Sulṭān b. Ṯimāl, 570.
286
T
al-ṭabaqāt, 23-25, 189, 340, 699.
Ṭabariyya, voir : Tibériade.
al-tabǧīl wa'l-taraǧǧul, 297.
Ṯābit b. al-Muffarriǧ b. al-Ǧarrāḥ, 429.
Ṯābit b. Mucizz al-Dawla Ṯimāl, 578,589.
Ṯābit b. Sinān, 43, 47.
Tabūk, 9.
287
al-tadbīr, 696.
tadbīr al-casākir, 332.
tadbīr al-mamlaka, 254.
Tadjikistan, 426.
Tāḏrus b. al-Ḥasan, 467-471.
Ibn Tāfšalīl, 368, erreur, à lire Ibn Tāfšalīl comme 380.
al-tafsīr, 698.
Taǧ al-Dawla, voir : Tutuš.
al-Taǧāfīf, 183.
taǧannub al-salāṭīn, éviter la fréquentation des puissants, 692.
al-tāǧir, al-tuǧǧār, 411,606.
BANŪ TAĠLIB. 129, 310, 581, 614.
Taġlib Asfar, voir : Aḥmad b. al-Ḥusayn.
Abū Taġlib al-Ḥamdānī, voir : al-Ġadanfar.
Taġlib b. Dāwūd Abū Wā’il, 47.
Tagmata, 491.
Ibn Taġrī Birdī, l'historien, 278, 635.
al-taḥakkwn, 696.
Abū Ṭāhir Muḥammad b. Aḥmad al-Qādī al-Ḏuhli, 341.
Abū Ṭāhir Ibn Abī'l-Ǧinn, voir : Ḥaydara b. Ibrāhīm.
Abū Ṭāhir Ibn Nāṣir al-Dawla, voir : Ibrāhīm al-Ḥamdānī.
al-Tā’īc, calife abbasside, 95,192.
al-ṭā’ifa, 302.
al-Ṯā’ir bi Amr Allāh, 280.
al-Takbīr, 627.
Takīn, 120.
Talfita, près de Damas, 83, 118, 119, 123, 135, 676.
BANŪ ṬALHA, 412, 567.
Abū Ṭālib al-cAbbāsī, 415.
Abū Ṭālib al-Ġarābīlī, 443, voir : Ibn Ḥammād.
Abū Ṭālib Ibn bint al-Zaydī, 345.
Abū Ṭālib al-Tanūḫī, 59, 60.
Tall Fās, 511.
Tall Mannās, 468, 609.
Tall al-Sulṭān, 570, 594.
Ibn Tālšalīl, 368, 380.
al-tamalluk, 696.
TAMBOUR, 317.
TAMĪM, tribu, 282, 459.
Tamīm, voir : Faḥl.
288
Tibériade, XIII, 8, 10, 41, 42, 56, 59, 63, 89, 96, 105, 106, 116, 124, 128, 129, 134, 135, 137,
151, 232, 234, 239, 265, 297, 306, 339, 368, 376, 378, 420, 423, 429, 448, 463, 529, 530, 538,
540, 648.
Tibet, 426.
al-tibn, 594.
Tibr al-Iḫšīdī, 283, 442.
Tigre, fleuve, XIII, 65, 131, 146, 298, 505.
al-Tihāma, plaine littorale du Yémen, 366, 444.
al-Tihāmī, poète, 444, voir : cAlī b. Muḥammad.
al-tillīs, 198.
Ṯimāl al-Ḫafāgī, 21, 570.
Ṯimāl b. Ṣāliḥ b. Mirdās Abū cUlwān Mucizz al-Dawla, 466, 471 et sq., 511-519, 553-576.
Timṣūlat b. Bakkār, Tizmulat, Tuzmān, 268, 327, 328.
al-ṭin, matériau de construction, 11.
Tina, 529.
Tinnis, port égyptien, 9, 61, 62, 66, 83, 150, 229, 250, 445, 449, 451, 458, 529, 540, 550,
672-678, 687.
Ṭirād b. Muḥammad b. Abī'l-Fawāris, 590, 594.
al-tirās, 473.
al-ṭirāz, 397.
Tizbir, 400.
TOIT, 44, 75 et sq., 183, 244, 332, 333, 598.
TOLÉRENCE, 210, 215, 353, 373, 600.
TOMBEAU, 23, 24, 229, 292, 300, 301, 330, 342, 343, 350, 523, 598, 627.
TOPOGRAPHIE DE DAMAS ET DE L'OASIS, 14, 22, 44, 74, 258, 334, 651, 652.
TOPOGRAPHIE DE LA SYRIE, XIII, XVII, XX, 1 et sq., 7-16, 29, 372-374, 602 et sq., 605 et sq.,
613 et sq., 651-654, 664 et sq.
Tora, dérivation du Barada, 46.
TORAH, livre saint des Juifs, 87, 175, 372.
TRADITIONNISTES, MUḤADDIṮŪN, 15, 23, 26 et sq., 88, 292, 338, 346-349, 365, 373, 403,
484, 687, 698.
TRAHISON, 166, 678, 690 et sq.
TRAHISON BÉDOUINE, 48, 49, 66, 67, 113, 123, 130, 181, 184, 189, 281 et sq., 291, 297, 298,
556, 561, 565, 570, 575, 582, 589, 595, 603, 639, 667.
TRANSFERT DE POPULATION, 484.
TRANSJORDANIE, 102, 298, 306, 434.
TRÉBIZONDE, 556.
TREMBLEMENTS DE TERRE, 190, 192, 298, 403, 404, 503, 541, 636, 646.
TRÉSOR PUBLIC, BAYT AL-MĀL, 40, 66, 73, 127, 160, 167 et sq., 176, 191, 201-207, 224, 227,
233, 250, 264, 300, 394 et sq., 436, 518, 544, 548, 561, 570, 598, 618, 621, 655, 661, 662, 690,
voir : FINANCES PUBLIQUES, māl al-sulṭān.
290
TRÊVE, TRAITÉ, 17, 18, 53, 84, 250, 294, 307, 309, 319, 440, 476, 492 et sq., 498 et sq., 507,
556, 566, 578, 582.
TRIBUS, ARABES DES TRIBUS, XIII, 3, 13-18, 22, 38, 41-49, 57, 61, 63, 68, 77, 102-114, 125 et
sq., 134, 137, 145, 151-154, 166, 184-189, 200, 225 et sq., 238, 241, 279 et sq., 297-303, 312,
319, 338, 356, 360, 383, 398-402, 415-427, 433, 444, 463, 486 et sq., 505-523, 533, 548-559,
575, 583, 589, 595, 603-617, 631-665, 686-689.
TRIBUT, MISE À PRIX, 15, 21, 39, 47, 53, 95, 104, 109, 113, 116, 139, 142, 145, 160, 164, 204,
263, 269, 299, 317, 332, 476, 496, 498, 554, 562, 564, 573, 586, 587, 602, 603, 604, 609, 631,
632, 655, 656, 661.
TRIBUTAIRES, 32, 83, 86, 119, 148, 165, 170, 175-178, 219, 222, 262, 285-287, 295, 307,
316-318, 335-338, 351-358, 374 et sq., 402-410, 466 et sq., 673, 678, 686.
Tripoli d'Afrique, 4, 54, 268, 279 et sq., 433, 566, 567.
Tripoli de Syrie, XIV, 8, 10, 18, 39, 51, 62, 89, 92, 98, 101, 126, 145, 146, 150, 179, 180, 198,
201, 205 et sq., 210, 230, 234, 241, 243, 250, 309, 311, 312, 322, 330, 336, 372, 373, 386, 401,
418, 423, 432, 443, 456, 458, 478-484, 510, 529, 534-537, 546, 587, 599, 608, 529, 632 et sq.,
640, 644, 652-658, 686, 687.
TROMPETTE, 317.
TROUPEAUX, XIII, 139, voir : Bétail, Chevaux, Chameaux, Moutons, Mules. Ibn Ṯu cbān,
voir : Ṯucbān b. Muḥammad b. Ṯucbān et al-Ḥasan b. Muḥammad b. Ṯucbān.
Ṯucbān b. Muḥammad, Abū'l-Ḥāriṯ, 401, 423, 449-456.
Tubbal, Syrie du Nord, 483.
Tuġān al-Muẓaffarī, 511-515.
Ibn Ṭuġǧ al-Iḫšīd, voir : Muḥammad b. Ṭuġǧ.
Tuġril Bak, XV, 548-551, 568, 584.
Ibn Ṭūlūn, voir : Aḥmad b. Ṭūlūn et Mosquée d'Ibn Ṭūlūn.
TULUNIDES, TOULOUNIDES, XI, XXI, 15-17, 52, 292, 523.
Tūmā, kātib chrétien, 477.
al-tummic, 671.
Ṭurayf ou Ṭarif, 465.
al-turāb al-yābis, 494.
Abū Turāb Ibn Abī'l-Ǧinn, voir : al-Muḥsin b. Muḥammad.
Abū'l-Turayya, 84.
TURCS, XIII, XIV, XVII, 4, 17, 19, 52, 90 et sq., 109, 114, 124, 130, 134, 137, 144, 146,
178-185, 205, 218-221, 228, 253, 269, 271, 296, 299, 332, 336, 345, 353, 356, 362, 381, 426,
457, 490, 494, 505, 515-517, 565, 573, 581-598, 607-618, 622, 639-648, 658, 662, 669, 684, 692.
TURCOMANS, XIV, 84, 399, 556, 581-609, 640-669.
Turkestan, 429.
Turkmān, 607.
Turquie, 378.
Tutuš Tāg al-Dawla, 602-609, 642-652, 692.
TYPHUS, 98.
291
Tyr, Ṣūr, 9, 10, 62, 105, 119, 150, 166, 178, 186, 235-239, 322, 328, 372-373, 417, 419, 423,
432, 443, 445, 458, 529, 536 et sq., 546, 561, 562, 566, 602, 625, 626, 632, 640-646, 652-658.
U
c
Ubayd al-Huramī, 83.
cUbayd Allāh al-Mahdī, 52, 70.
c
UBAYDITES, qualification des Fatimides chez ceux qui ne reconnaissaient pas leur imāmat,
51, 70.
Ibn Abī'l cUd, 148, 151, 188.
al-cdūl, 453.
AL-cUǦM, 372, voir : AL-CAǦAM.
al-culamā’, 335, voir : Docteurs.
BANŪCULAYM, 603.
Ibn cUlayyān al-cAdawī, 47, 151, voir : Sinān b. cUlayyān.
c
Ulwān b. Ṯimāl, 570.
cUmar b. al-cAddās, 261.
c
Umar Ibn al-Ḫaṭṭāb, le 2e calife, 328, 364, 512, 541, 621.
c
Umar II b. cAbd al-cAzīz, calife omayyade, 512.
Umm al-Karam, 199.
Umm al-Imām al-Ḥākim, 395 ( ?).
Umm al-Imām al-Ẓāhir, 395 ( ?), 417.
c
Ummāl al Šām, 74, 265.
al-umūr, 696.
UNICITÉ DIVINE, 350.
UNITAIRES. UNITARIENS. SECTATEURS DE L'IMĀM AL-ḤĀKIM DÉIFIÉ, 353 et sq., 363 et sq.,
404-410, voir : DRUZES.
Unūǧur, 17, 19.
al-CUqāfa, 677.
BANŪ CUQAYL, 16, 20, 39, 41, 43, 47, 49, 61, 70, 92, 97, 98, 102, 120, 125, 126, 129, 130, 134,
152, 154, 156, 196, 304, 314, 319, 329, 330, 459, 506, 507, 553, 570, 582, 587, 602, 603, 605,
607, 609, 614, 624, 657, 665 et sq.
al-Uqḥuwāna, 460, 464 et sq.
URBANISME, 46, 73, 203, 438, 471, 475, 533 et sq., 536, 539, 563, 619, 673, 681 et sq.
Urdunn, 378, voir : Jourdain.
al-Urtiq, voir : al-Artiq.
Usāma b. Munqiḏ, 418, 589.
Abū Usāma, 402, 455.
al-Usayfir al-Sīcī al-Acrābī, 310, voir : Ibn Taġrī, Birdī.
(Ibn) al-cUtaqī, 170 voir : Abū cAbd al-Raḥmān b. cAbd Allāh.
(Ibn) cUṭayr, 487, 489, 508, 602.
292
V
Van Berchem, Max, XI.
Van Ess, 358.
VARIOLE, 503.
VÉNALITÉ, 340 et sq.
VERGERS, 9 et sq., 43, 73-78, 93, 124, 139, 245, 583, 610, 647, 664, voir : Ghūta.
VÊTEMENTS, VÊTEMENTS D'HONNEUR, ÉTOFFES, 9, 44, 107, 130, 160, 167, 176, 183, 188,
189, 202, 221, 223, 229, 233, 263, 293, 295, 296, 303, 305, 307, 316, 317, 326, 340, 360, 367,
560, 573, 577, 591, 594, 598, 606, 607, 639.
VIANDES, 651.
VIGNE, vin, 11, 46, 247, 270, 285, 336, 357, 377, 380, 540, 551, 583 voir : IVROGNERIE.
VILLAGE, VILLAGEOIS, passim et 118, 119, 138, 356, 667, 671, 676.
VILLE/CAMPAGNE, passim et 13, 77, 139, 245-248, 563.
VILLES SAINTES D'ARABIE, 5, 19, 102, 160, 300-305, 343, 344, 373, 410-413, 540, 551, 592,
593, voir : La Mekke et Médine.
VIOL, 82, 133, 220, 314, 353, 594, 608, 671, 675.
VIZIR, al-wazīr, XVI, 122, 156-159, 165-169, 175-185, 203 et sq., 219, 221, 254, 290, 297, 357,
361, 364, 397-402, 461 et sq., 467, 471, 531, 547 et sq., 564, 566, 577, 587, 602, 618, 681.
Vladimir, le prince russe, 143.
Voie droite à Damas, 84.
VOIERIE, 65.
VOYAGE, VOYAGEUR, IDÉOLOGIE DU VOYAGE, 1-3, 32, 50, 57, 529-547.
W
al-wabā’, épidémie, 503, 504, 567.
Wādī al-Ǧarmaq, 376, 377.
Wādī Ḫayrān, 309.
Wādī al-Mulūk, 511.
Wādī al-Qurā, 102, 304, 420 et sq., 529.
Wādī Taym Allāh, 368-375.
Wafā al-Ṣaqlabī, 135.
al-wafayāt, 24, 348.
al-wāǧiba, 569.
Wagīh al-Dawla Abū'l-Mutāc Ibn Ḥamadān, 326, 335, 419, 439, 617, 657.
Wahb b. Ḥassān, 514.
Waḥīb al-Hilālī, 235, 241, 267.
293
Y
Yabrūd, ville de montagne au nord de Damas, Yabrūdī, 119.
Yāfā, Jaffa, Palestine, 61, 104, 105, 429.
Yaḥyā d'Antioche, médecin et chroniqueur chrétien, cf. Bibliographie, passim et 96, 380,
423, 440, 449, 452, 493.
Yaḥyā al-Bāḏ al-Zawzanī, 362, 369.
Yaḥyā b. Zayd Abū'l-Ḥusayn al-Šarif al-Zaydī, 440, 569, 630, 631.
Yal Takīn, voir : Bal Takīn.
Ibn Abī Yaclā, 42-51, 89, 674, 683, 685.
294
Ζ
al-Zabadānī, Zebdani, village de montagne à l'ouest de Damas, 95.
al-zabbāl, 118.
Ẓafar al-Mustafādī, 574, 575, 582.
AL-ẒĀHIR, doctrine, 57, 360, 363.
al-Ẓāhir, imām fatimide, XVI, 47, 278, 355, 363, 369, 380, 383, 391-501, 504 et sq., 509 et sq.,
559, 571, 619, 654-662.
al-Ẓāhir Ǧalāl al-Dawla, 569, 626, 659.
zacīm al-ǧuyūš, 572.
Zakkar, S., passim et 16, 28, 309 et sq., 456, 601.
Ẓalim b. Mawhūb al-cUqaylī, 20, 41-49, 61, 70-77, 92-93, 105, 129, 134, 196.
Ẓalim b. Sallāl, 20.
Zanak, 487.
295
Errata
Corrigenda, tome 1
297
Corrigenda, tome 2
298
Cartes