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Califat : origine, rôle et évolution dans l’histoire


Par Lisa Romeo
Publié le 14/01/2011 • modi é le 08/01/2021 • Durée de lecture : 5 minutes
Sabres, mantle, and banner belonging to the Prophet Muhammad, c. 570 - 632 founder of Islam, Hirkaiserif, Ottoman
treasury or sanctuary containing holy relics, interior, Topkapi Palace, Istanbul, Turkey.
Photo Credit : The Art Archive / Gianni Dagli Orti / AFP

Le califat est une institution spirituelle et temporelle qui plonge ses racines dans l’origine même de l’Islam et qui a organisé la
communauté musulmane pendant près de treize siècles. Le calife est le successeur du Prophète Muhammad, le « remplaçant de
l’Envoyé de Dieu ». Il symbolise alors l’unité de la communauté, l’Oumma.
Origine et naissance de l’institution califale
La naissance de l’Islam et l’organisation de la communauté musulmane naissante bouleversent totalement le système socio-
politique qui structurait les populations d’Arabie préislamique. La mort du Prophète en 632 pose immédiatement le problème de
sa succession. En e et, ni le Coran ni Muhammad ne précisent les conditions de reprise du pouvoir et aucun héritier mâle ne
pourrait prétendre à cette responsabilité. Après trois jours de délibération entre les compagnons du Prophète, Abu Bakr est
nalement désigné comme calife, khalifa, « successeur » en arabe, et tous les croyants lui prêtent allégeance. Ce noble de la tribu
des Koraïchite, la tribu de Muhammad, et compagnon de la première heure, semblait alors digne d’organiser et de protéger la
nouvelle foi. De plus, Muhammad, a aibli par la maladie, lui aurait demandé de faire la Prière à sa place. Il s’agit alors d’assurer
le développement et la continuité de l’Islam.

Rôle du califat
Il faut attendre les écrits d’auteurs tels que le légiste Al-Mâwardî (mort en 1058) ou encore l’historien et sociologue Ibn
Khaldoun (1332-1406) pour découvrir les premières dé nitions précises du système califale. On peut remarquer qu’ils insistent
tous les deux sur le double rôle, politique et religieux, du lieutenant du Prophète. En e et, le calife, en tant que successeur de
Muhammad, se voit attribuer l’ensemble de ses fonctions, mis à part bien sûr, la réception de la Révélation coranique. Une fois
installé à Médine en 622, Mohammad, messager de la Révélation divine, a rapidement acquis par sa sagesse et son charisme une
position d’arbitre sur les populations nouvellement islamisés qui lui prêtent allégeance. Il cumule ainsi le statut de chef d’Etat et
de chef spirituel qu’il lègue au calife. Toutefois, la Révélation apporté par le Prophète est considérée comme complète et ce
dernier ne peut en aucun cas modi er les dogmes.
Sur le plan religieux, le calife est le guide suprême de la communauté dont il doit assurer l’unité. Il est chargé de protéger le
message divin et de le di user dans la mesure du possible. Il est le premier o ciant de la Prière collective et est responsable de la
conduite du pèlerinage à la Mecque. C’est donc le gardien de la religion et le protecteur des Lieux Saints de la Mecque et de
Médine.

Par ailleurs, en ce qui concerne le domaine politique, le calife est chargé d’administrer l’empire et de nommer des subordonnés
dans les di érentes provinces. Il est responsable de l’exercice de la justice ainsi que de la gestion du Trésor public. Le calife est
également le chef suprême des forces armées et décide donc des di érentes expéditions militaires.

En n, le calife représente l’ensemble de l’oumma. Sa portée symbolique est donc très importante. Ainsi se doit-il d’avoir une
attitude morale et spirituelle exemplaire. Il devrait même, en théorie, être dépourvu de toutes imperfections physiques.
Cependant, force est de constater que les prérogatives du calife ont évolué au l du temps et que son rôle, notamment temporel
tend nalement à s’a aiblir toujours plus. Il s’agit alors du développement du concept califal tout au long de l’histoire.

Evolution du concept de califat dans le temps : histoire du califat jusqu’à son abolition en 1924
L’histoire du califat regroupe, dans un premier temps, les quatre premiers califes, Abu Bakr (632-634), Omar (634-644),
Othmân (644-656) et Ali (656-661), sous la désignation de califes « Bien guidés » ou « orthodoxes ». Ils ont été soumis au
su rage des di érents compagnons du Prophète et organisent la communauté depuis Médine. Mais déjà les rivalités entre les
di érents clans divisent le monde musulman. Les partisans d’Ali, cousin et gendre de Muhammad, accusent les trois premiers
califes d’avoir usurpé le pouvoir en éloignant Ali. Pour eux, il aurait du être le premier successeur du Prophète et ses ls auraient
dû hériter de la fonction. Ils forment alors la branche du chiisme et ne reconnaissent pas le pouvoir de Mo’awiya en 661.
Mo’awiya rend alors le califat héréditaire et forme la dynastie des Omeyyades. Le cœur de l’empire se déplace alors à Damas. En
750, la califat des Abbassides (750-1258) se met en place et prend pour capitale Bagdad.

Cependant, à partir du IX siècle, le calife abbasside ne dirige plus l’ensemble de l’oumma. Le Maghreb notamment, se scinde en
une multitude de dynasties qui ne dépendent plus de l’autorité du calife. Le califat omeyyade de Cordoue (928-1038), formé par
Abderrahman Ier, refuse également de prêter allégeance à Bagdad. Le pouvoir califal est fortement a aibli et représente alors plus
un symbole religieux que temporel.
Au moment de la prise de Bagdad par les Mongols en 1258 et l’exécution du calife abbasside, le califat semble être une
institution oubliée et sa mort a nalement peu d’impact sur la région. Baybars, sultan mamlouk qui régnait sur l’Egypte, juge
alors important de rétablir cette fonction et fait venir au Caire un survivant de la lignée abbasside pour assurer cette fonction.
Son pouvoir est cependant très limité et ce calife n’est nalement reconnu que dans les territoires mamlouks. Après une vacance
califale entre 1453 et 1517 liée à des troubles de succession, le titre de calife est nalement récupéré par l’Ottoman Selim Ier,
lorsqu’il conquiert les terres arabes. Dans les moments les plus glorieux de l’Empire ottoman, la fonction califale regagne peu à
peu son prestige. Mais, à la n du XIXeme siècle, plusieurs penseurs arabes commencent à dénoncer l’usurpation du califat par
les Ottomans, alimentant ainsi les thèses nationalistes antiturques.

Le califat est nalement aboli par Mustapha Kemal (1881-1938) le 3 mars 1924, jugeant l’institution dénuée de sens au XXème
siècle et responsable de la dégradation des valeurs de l’Islam. Par ailleurs, plusieurs personnalités, dont Mustapha Kemal, ont alors
cherché à mettre en avant son caractère illégitime, rappelant que cette forme gouvernementale n’est pas d’origine divine mais une
pure invention humaine. La volonté de réunir l’ensemble des musulmans sous un même pouvoir s’est nalement révélée très
utopique. Le monde islamique sunnite se retrouve alors sans chef. Le chérif de la Mecque Hussein tente alors de se proclamer
calife mais son ambition est immédiatement stoppée par Ibn Saoud qui le chasse du Hedjaz. D’autres personnalités ont également
cherché, en vain à rétablir le califat tel que le roi égyptien Fouad I ou encore l’intellectuel syrien Rashid Rida qui le défend
ardemment. Un congrès général islamique est même organisé au Caire pour discuter de cette possibilité en 1926. Mais personne
n’arrive à s’accorder sur un candidat. Aujourd’hui, le califat n’a toujours pas été rétabli mais certains mouvements islamistes
comme les Frères musulmans ou le Hizb ut-Tahrir continuent à appeler à sa restauration.

A LIRE SUR LES CLES DU MOYEN-ORIENT :


 Vers un nouveau califat ? Une mise en perspective historique
Bibliographie :
Vincent Cloarec, Henry Laurens, Le Moyen-Orient au e siècle, Paris, Armand Colin, 2005
Ali Mérad, Le Califat, une autorité pour l’Islam ?, Paris, Desclée de Brouwer, 2008
W. Montgomery Watt, La pensée politique de l’islam, Paris, Presses Universitaire de France, 1995
Aboubekr Rahal, Le Califat, de sa naissance à son abolition, Alger, Entreprise Nationale du Livre, 1992

Arabie Saoudite Egypte Syrie Politique Société Religion

Publié le 14/01/2011

LISA ROMEO

Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en
1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.

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