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324 Besprechungen 

– Comptes rendus

Dominique Boutet/Catherine Nicolas (ed.), La question du sens au Moyen Âge. Hommage


au professeur Armand Strubel, Paris (Honoré Champion) 2017, 156 p. (Nouvelle biblio-
thèque du Moyen Âge 772)

Tout médiéviste contemporain a, un jour, lu et utilisé les travaux d’Armand Strubel dans le
cadre de ses études (on pense par exemple au «Que sais-je?» co-écrit avec D. Boutet consacré
à La littérature française du Moyen Âge) ou de ses recherches, notamment «Allegoria in factis
et allegoria in verbis», Poétique 23 (1975): 342-57 ou La Rose, Renart et le Graal. La littéra-
ture allégorique en France au XIIIe siècle, Paris 1989. Et ce ne sont là que trois aperçus de la
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riche et longue liste des publications et travaux d’Armand Strubel (25-36) qui est aussi l’auteur
de nombreuses conférences en France et à l’étranger (34-36) mais encore, pour le grand public,
invité de plusieurs émissions sur France Culture ou d’expositions de la Bibliothèque nationale
de France (36).
On découvre ainsi dans la préface (13-18) de D. Boutet ou le «Salut!» de F. Roudaut (19-23)
les portraits amicaux d’un chercheur que l’on n’a peut-être croisé que par écrits interposés. De
l’homme, on retiendra la carrière académique qui l’a poussé à voyager (de Strasbourg à Mont-
pellier en passant par Paris X-Nanterre ou Mulhouse et Avignon) et à assumer de hautes res-
ponsabilités comme celles de vice-président d’université à deux reprises. Plus anecdotique
peut-être, on découvrira qu’il était aussi commandant de réserve dans le Commissariat de
l’Armée de Terre et qu’il fut «chargé de recenser tous les ânes du département» (14). Du médié-
viste, on retiendra les deux principaux axes de recherches: l’allégorie médiévale et la représen-
tation de l’animal au Moyen Âge ainsi que son édition du Roman de Renart (16).
Les éditeurs de ces Mélanges ont choisi de regrouper les différentes études qui le composent
en quatre grandes catégories qui reprennent les principaux centres d’intérêt d’Armand Strubel:
la Rose, Renart et le Graal … et leurs suites; Allégorie et analogie: les techniques du sens; Les
méandres du sens; Questions de mots. Si l’on peut comprendre ce découpage thématique, force
est de constater que la lecture continue de l’ensemble – mais peu de lecteurs effectueront une
telle démarche – laisse parfois perplexe dans la mesure où les différentes sections proposent
des va-et-vient chronologiques pas toujours des plus significatifs. On aurait pu imaginer un
regroupement des textes en plus petites sections mais davantage axées autour de thématiques
communes et chronologiquement proches, parti pris qui sera ici utilisé.
Le Roman de la Rose est au centre de nombreuses contributions. P.-Y. Badel, «Guillaume
de Lorris. De la Rose au roman» (39-53), s’intéresse au sens de la rose et constate l’importance
des sensations visuelles et olfactives (46) qui jouent un rôle dans la construction du sens et du
récit et font de Guillaume de Lorris «un grand poète des parfums» (51).
J. Cerquiglini-Toulet, «Le Roman de la Rose: un ‹grand œuvre›, c’est-à-dire un best-­
seller?» (55-64), analyse l’œuvre de Guillaume de Lorris et de Jean de Meun sous l’angle de
la réception et liste les aspects qui ont marqué son succès à travers les époques: éditions en
poche, nombre de manuscrits conservés, adaptations (56), création d’un mythe (57), contro-
verse dans le cadre de la Querelle des femmes (58-60) mais aussi contenus mêmes du texte
(œuvre qui parle de sexe tout en étant un traité de politique, de religion et d’alchimie, 61-2).
J. Duclos et R. Vallette, «Image et semblance de Guillaume de Lorris à Jean de Meun»
(65-82), proposent une comparaison de l’emploi et de la signification des deux termes chez les

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deux auteurs. Il en ressort notamment que chez Jean de Meun, qui multiplie les miroirs, «le
visuel devient support d’une pensée» (77) et que «l’image n’est plus conçue comme relevant
de la ressemblance, c’est au contraire une forme qui cache le vrai, qui dissimule et trompe» (80).
Pour V. Fasseur, «Lector per fabulam: la génération du sens selon Raison dans le Roman de
la Rose de Jean de Meun» (83-100), «l’allégorèse est un mode de transport intérieur, une ma-
nière d’entrer en soi-même» (100) et, grâce à la Rose, les signes de la fable permettent d’accé-
der à la connaissance de soi.
C. Ferlampin-Archer analyse les réminiscences du Roman de la Rose dans deux romans de
la fin du XIIIe siècle: «La rose du roman: échos du Roman de la Rose dans Guillaume de Pa-
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lerne et Artus de Bretagne» (100-16). Le premier cas retient le songe du verger dans son lien
avec le désir et le sexe sous un voile pudique (100). Mais tous deux prennent leurs distances
avec l’œuvre qui est perçue comme «incompatible avec l’horizon d’attente lié au roman
d’aventure matrimonial» (116).
F. Lestringant, «Le portrait et la vie de Jean de Meung par André Thévet (1584)» (137-50),
analyse le traitement que le cosmographe propose de l’auteur dans ses Vrais Pourtraits et Vies
des hommes illustres. Il constate ainsi qu’il s’agit d’un des «rares écrivains français à être
présents dans ce vaste ouvrage» qui ne compte ni Marot ni Rabelais (137). Le portrait qu’il en
dresse est «fabuleux et comique» (149) et possède sans aucun doute d’autres desseins puisqu’il
laisse l’homme dans l’ombre et qu’il ne «parle guère du Roman de la Rose en dehors de son
titre et de son style passé de mode» (149).
É. Pinto-Mathieu, «Le Chemin de Povreté et de Richesse de Jacques Bruyant, poème équi-
voque» (535-56), analyse les différentes dimensions de l’œuvre, à la suite du Roman de la Rose
et dans le cadre de la poésie allégorique morale. Pour elle, l’auteur se joue du lecteur et «il
s’agit bien d’un bout à l’autre du Chemin de sexe» (555): «sa fantaisie érotique, à défaut d’être
le seul miroir médiéval du bon ouvrier, est le témoin des fantasmes masculins du XIVe siècle.
En elle confluent le comique sexuel du fabliau et la poésie allégorique morale» (556).
Dans la continuité des études consacrées au Roman de la Rose et à ses suites, on notera
encore M.  Demaules, «Le Livre du cœur d’amour épris de René d’Anjou: un remède à la
mélancolie?» (557-74).
Un deuxième grand pôle d’études regroupe celles consacrées à Renart et à la littérature
animalière. R. Belon, «Car cil Renart nos senefie … La moralisation en germe dans Le Roman
de Renart ?» (167-90), s’attarde sur les épisodes du Moniage Renart (168), de la Grange à
nonains (172), de la Confession de Renart (174), de la Prière Renart (177) et de la Création
Renart (184). Il propose ainsi une typologie de la moralisation: escamotée (174), ambigüe (181)
et revendiquée (184).
J.-M. Fritz, «Sans noise et sans cri: Renart, maître du silence» (191-205) aborde pour sa
part le bruit et la parole dans le Roman de Renart. Il y repère une dichotomie intéressante: «Les
animaux actants sont zoophones et anthropophones; les non-actants sont privés de parole»
(192). En découle une étude pertinente de l’univers sonore de l’œuvre, entre borborygmes
animaux (notamment les bruits de mastication: le «Roman de Renart donne une couleur sonore
à la gourmandise» 196), parole rhétorique et art oratoire (197-99), apartés significatifs (199),
travestissements vocaux (201) et le silence qui est aussi une marque de la duplicité du person-
nage principal (202).

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F. Gingras étudie quant à lui la proximité entre la fable et la matière renardienne: «Le roman
n’est pas une fable comme les autres: le genre de la fable, le Roman de Renart et les ‹Vêpres
de Tibert le chat›» (327-46).
M.-P. Halary, «Bestournements du texte et stabilité du sens: Adam et Ève dans deux réécri-
tures ludiques de la Genèse» (447-58), s’intéresse aux réécritures de cette thématique dans un
fabliau (Du con qui fu fait a la besche) et dans certains recueils renardiens. Elle arrive à la
conclusion que «ces réécritures comiques de la Genèse seraient ludiques bien plus que
transgressives, festives plus que carnavalesques» et qu’elles «procéderaient moins d’une mise
à l’épreuve du sens que du plaisir de narrer» (457).
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J. Maurice, «Le sens en question dans les Bestiaires du XIIIe siècle» (519-34), s’attarde
principalement sur le Bestiaire de Pierre de Beauvais pour dégager la relation de sens entre
l’animal et le signe (521). Jean Maurice propose ainsi une typologie des gloses entre gloses
riches (qui explorent les «homologies nombreuses, soigneusement motivées et très cohérentes
entre un animal et sa ‹senefiance›», 524) et gloses pauvres (minimales ou incohérentes). Les
premières présentent la Nature comme un «vaste grimoire à déchiffrer» qui «parle de Dieu à
qui sait l’entendre»; les autres révèlent «l’arbitraire de la grammaire animale et donc la fragi-
lité du genre des Bestiaires lui-même» (531).
Un troisième volet est consacré au Graal et ses significations. P. Moran, «L’herméneutique
en contexte cyclique: l’exemple du Cycle Vulgate» (215-26), se demande si l’on peut dégager
une senefiance propre à un cycle (dans le cas présent, celui du Graal autour de l’Estoire del
saint Graal, de la Queste del saint Graal, du Merlin Vulgate, etc.) dans la mesure où le cycle
peut être lu comme un tout (somme des parties) ou un ensemble (où chaque partie possède son
autonomie dans un cadre englobant plus lâche). En posant la question des intentions dans le
cycle (intentio auctoris, operis ou lectoris, 220), il constate que les interprétations varient et
que, somme toute, «le cycle, à la différence des romans qui le constituent, est une machine à
générer du sens mais pas nécessairement à l’interpréter» (225).
H. Bouget, «Le Perlesvaus de 1516: des manuscrits à l’imprimé dans L’Hystoire du sainct
Greaal» (229-44), revient sur la question de l’imprimé et des choix éditoriaux avec cette œuvre
qui propose un remaniement inédit, sorte d’«anthologie du Graal» (232). Elle propose une
«recomposition inédite du cycle arthurien» mais «amplifie les apories narratives et énonciatives
déjà fort complexes des versions manuscrites» (244).
Quatrième grand domaine d’études: l’allégorie. S. Douchet, «Introduction à un roman allé-
gorique et misandre de la fin du Moyen Âge: La Faulceté, trayson et les tours de ceulx qui
suivent le train d’amours» (117-36) propose une première approche dense et réfléchie de ce
«roman allégorique en vers, anonyme et fort peu connu», épigone de la Querelle des femmes
(117). Il revient ainsi sur l’histoire de ce texte et de ses éditions (121) et en propose une
approche thématique autour de la question de l’allégorie et de la psychologie amoureuse.
L’originalité du traitement et du ton de ce roman mériteraient sans doute d’autres développements,
dans le cadre d’une édition critique moderne digne de ce nom – mais peut-être est-ce là un des
prochains travaux de Sébastien Douchet ?
É. Gaucher-Rémond, «L’utilisation de l’allégorie dans l’écriture autobiographique» (259-
73) relève que «le montage allégorique traduit un itinéraire métaphysique et moral, la justifi-
cation d’une vocation littéraire chez un écrivain engagé ou la peinture courtoise des tribulations

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du cœur» (260) chez différents auteurs représentatifs: Thomas de Saluces, Charles d’Orléans,
Christine de Pizan, René d’Anjou, Huon de Méry et Guillaume de Digulleville. Le songe allé-
gorique «révèle l’ethos de l’écrivain» (264). 
F. Pomel, «L’allégorie ‹En esperit de prophetie› dans L’Advision Christine» (275-91),
remarque que «dans ces convergences entre allégorie et prophétie se jouent une conception de
l’écriture comme sacerdoce laïc ou mission morale et politique, et le souci d’ancrer sa parole
à une source directement divine, par le biais de la sagesse acquise par la philosophie, pour en
cautionner la vérité en même temps que l’autorité et la légitimité» (276). Comme dans l’étude
précédente, l’allégorie joue un rôle dans la perception de l’auteur et la construction de l’image
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qu’il veut donner de lui et de son travail.


Pour F. Laurent, «‹Historia et analogia› dans la Vie de saint Thomas Becket de Guernes de
Pont-Sainte-Maxence» (293-309), «le traitement allégorique des événements confirme la di-
mension historique du texte pour décrypter le sens de l’histoire et servir à l’éducation des
princes» (296).
C. Croizy-Naquet, «Fortune et le sens de l’histoire dans la première traduction en prose
française de l’Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne» (311-26), note que pour
l’auteur italien la perception de Fortune est clairement dissociée de la Providence divine (312).
Lui et son traducteur français «montrent combien Fortune est un paradigme d’interprétation
souple et malléable se conformant aux exigences de l’écriture de l’histoire, toujours inféodée
à l’époque où elle voit le jour» (326).
E. Doudet, «Convergences, discontinuités, circulations: pour une histoire connectée du
théâtre allégorique européen (XVe-XVIe siècle)» (363-77), s’attarde, entre autres, sur les mora-
lités et leurs équivalents européens. Elle souligne que «l’imagerie allégorique a été convertie
en armes de persuasion massive grâce à la réinterprétation constante de ses composants et à
leur circulation au sein d’espaces voisins, de l’Angleterre aux Flandres … Les spectacles allé-
goriques transforment l’abstraction à travers sa concrétisation visuelle» (376).
M. Possamaï s’intéresse également à cette question de l’allégorie: «Donner du sens aux
Métamorphoses d’Ovide. L’exemple de la légende de Saturne dans l’Ovide moralisé» (477-94).
L’œuvre se présente comme une «somme allégorique … dressant un tableau complet du dogme
chrétien» (489) tout en manifestant un notable «plaisir de conter».
L. Mathey-Maille, «Interprétation et senefiance: les songes de Rollon dans l’histoire des
ducs de Normandie» (495-506), analyse les œuvres de Dudon de Saint-Quentin, Wace et Benoît
de Sainte-Maure dans une étude comparative de ce motif et constate que «la première finalité
du songe dans ces textes historiographiques est étroitement liée au récit de fondation» (501)
mais les auteurs n’utilisent pas pour autant le songe dans une même perspective chrétienne et
sacrée (505).
J.-C. Mühlethaler, «Satire et recyclage littéraire: la fureur de Mégère, de Regnaud Le
Queux à Antitus Favre» (605-23), revient sur deux textes «boudés par la critique littéraire»
(606): La Doleance de Megere (1469) et La Satyre Megere (1499), étudie la dimension de recy-
clage littéraire que le second fait du premier, et appuie les propos de Pascal Debailly en notant
que «les deux auteurs font de leur texte un ‹lieu de réflexion civique›» (616). L’allégorie prend
aussi un sens important: chez les deux auteurs «Mégère apparaît comme un double partiel de
l’écrivain au travail» (618).

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J.-P. Bordier, «Le Jeu de Robin et Marion, un épithalame par personnages» (625-44), dégage
l’hypothèse intéressante et convaincante que cette pièce d’Adam de la Halle serait créée à
l’occasion d’un mariage et en propose une riche lecture en ce sens: demande en mariage, dis-
tribution de cadeaux, réjouissances, danses. Le critique souligne également l’importance du
théâtre à cette époque comme acte collectif de rassemblement et de célébration (643).
Un autre pôle regroupe les travaux consacrés aux mots, qu’ils concernent la lexicologie, la
syntaxe ou la langue de manière plus générale. Parmi ceux-ci, on peut citer F. Giordani, «Fous
et folie dans quelques sermons joyeux de la fin du XVe et du début du XVIe siècle» (719-38) ou
B. Librova, «L’alternance codique et la construction du sens dans les sermons du Carême de
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Tours de Michel Menot» (387-403). L’auteur remarque que ce que l’on appellerait ­aujourd’hui
le code switching est intentionnellement pittoresque dans l’œuvre de ce prédicateur (388).
L’emploi de la langue vernaculaire y est significatif tant pour souligner certains passages,
­fustiger des comportements et frapper le public (396), que pour structurer le sens moral du
sermon (402).
L. Dulac et E. J. Richards, «Les nuances de ‹droiture› chez Christine de Pizan» (678-94),
analysent les différentes occurrences du mot dans les œuvres christiniennes.
C. Thommasset propose quant à lui une approche de «Feindre, feinte: les mots de la dupli-
cité» (695-701) et O. Millet, «Entre la chasse et la lecture, à propos des termes ruse et rusé en
moyen français» (703-18) suggère aux seiziémistes d’être particulièrement attentifs aux sens
de ces mots qui ont alors un sémantisme positif qu’il explique autour d’une «acception hermé-
neutique d’une expertise dans l’art de la lecture» (715).
Parmi les études plus variées, trois sont davantage axées sur des questions codicologiques.
I. Fabre, «Le motet de la transfiguration dans le manuscrit de Turin, BNU J.II.9: une quaestio
poétique et musicale» (405-23) propose, entre autres, une approche de ce manuscrit qui est «le
dernier recueil significatif de motets français» (407) et du motet 22 consacré à la transfiguration
qui est proposé en annexe dans sa version latine et sa traduction française (422-23).
C. Heck, «Écriture, transmission et auctoritas dans les images médiévales: l’exemple des
portraits d’évangélistes (IXe-XIIe siècles)» (425-43), étudie, reproductions à l’appui, la «ques-
tion du rapport entre auteur et auctoritas, et celle de la valeur de l’écriture dans son rapport à
une transmission» (425).
S. Lefèvre, «Donner des perles aux cochons. Langage figuré, peinture et dynamique de
production des textes (XIVe-XVIe siècles)» (459-76), propose une étude aux multiples facettes
qui aborde, entre autres, le Roman de Fauvel de Germain du Bus (461), Renart le Nouvel de
Jacquemart Gielee (465), Fauvain de Raoul Le Petit (467) et le Quart Livre de Rabelais (473).
D’autres études reviennent sur des pistes lancées par Armand Strubel. C’est le cas de D.
Boutet, «Audigier: parodie ou fiction intergénérique?» (645-61), qui reprend l’idée ­développée
par Strubel d’«ironie intertextuelle» (646) et montre de manière intéressante que plus que d’une
volonté de parodie, Audigier «témoigne d’une recherche d’intergénéricité: chanson de geste,
fabliau, roman arthurien inversé, sotte chanson ou fatrasie intégrant un fond de culture popu-
laire» (661).
J.-J. Vincensini est un des rares contributeurs à revenir pleinement sur un des travaux d’Ar-
mand Strubel («Littérature et pensée symbolique au Moyen Âge: peut-on échapper au ‹sym-
bolisme médiéval›?») pour en proposer une lecture critique et «tenter de montrer que la pensée

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symbolique est une composante essentielle du récit, la clef la plus utile pour en ouvrir les signi-
fications» (349). Il prend comme principal sujet d’étude L’Escoufle de Jean Renart: «Pensée
symbolique et narration réaliste. La conjonction des contraires?» (347-62).
Au regard de la carrière académique du dédicataire du volume, P. Gilli revient pour sa part
sur les «Péchés et vices des maîtres et étudiants médiévaux: le regard d’Alvaro Pelayo, péni-
tencier pontifical et évêque de Silvès» (151-66). On retrouve chez cet auteur le «catalogue des
vices universitaires, à la fois celui des maîtres et celui des étudiants, peut-être le plus détaillé
du Moyen Âge, à défaut d’être le plus original» (152). Sa particularité est la «systématicité
recherchée visant à ne rien laisser de côté» (154).
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On citera enfin d’autres études, sur des sujets plus divers, qui complètent ces Mélanges:
C.  Weiand, «Traumatismes tropologiques: le sonnet 310 du Canzoniere (RVF)» (379-86).
O. Soutet, «Que signifie le dans le faire figé?» (739-53), suite d’une étude entamée dans les
Mélanges Roussineau axée principalement sur faire. Dans un style plein d’érudition, C. Gal-
derisi aborde pour sa part «La matière des laboratores et la mimésis des sens» (663-74).
D. Souiller, «L’énigme du sens dans le Gascon extravagant (1637)» (575-90) s’intéresse à
l’œuvre attribuée à Onésime de Claireville dans ses rapports avec le roman picaresque à l’espa-
gnole. P. Haugeard, «Le système des personnages et l’usage des richesses dans Girart de
Roussillon» (591-604), propose une étude intéressante du rapport aux richesses qui diffère entre
les hommes (Charles, Girart) et les femmes (Berthe, Elissent) et suggère des dimensions hu-
maines, religieuses et politiques différentes. J.-C. Vallecalle, «Aquilon de Bavière et l’his-
toire» (506-17), s’attarde de son côté sur «cet immense roman épique» de Raffaele da Verona
(fin XIVe, début XVe siècles). B. Ribémont, «Fauvel et l’idée de justice» (207-14), constate que
s’il s’inscrit dans la «tradition médiévale de la satire animale» (207), le Roman de Fauvel tient
son originalité en ce domaine plus dans la forme de la satire que dans le fond (209). Enfin,
M. Blaise, «Le vrai mythe de la culture moderne» (245-57), propose une étude de littérature
comparée autour du motif de la «terre gaste» (246) du Moyen Âge à T. S. Eliot (The waste land)
au début du XXe siècle.
Laurent Bozard https://orcid.org/0000-0003-0146-3886

Alain Corbellari (ed.), L’épopée pour rire. Le Voyage de Charlemagne à Jérusalem et à


Constantinople et Audigier, édition bilingue, Paris (Honoré Champion) 2017, 320 p. (Cham-
pion Classiques Moyen Âge)

Nel solco di un’intuizione di Joseph Bédier che associò per la prima volta le due opere in que-
stione (J. Bédier, Les Fabliaux. Études de littérature populaire et d’histoire littéraire du Moyen
Âge, Paris 1895: 373), il volume riunisce le edizioni – con testo a fronte e traduzione in fran-
cese moderno – del Voyage e dell’Audigier, due chanson de geste accomunate dalla brevità (gli
870 versi della prima e i 517 della seconda fanno delle due chanson le più brevi in assoluto del
genere), dall’intonazione comica e dissacrante e dal fatto di essere entrambe attestate da un solo
manoscritto. Per quanto riguarda l’Audigier si tratta della prima traduzione in francese moder-
no; quanto al Voyage è la prima volta che l’opera compare affiancata tipograficamente alla sua

Vox Romanica 77 (2018): 329-332 DOI 10.2357/VOX-2018-024

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