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THUILLIER Jacques. Le paysage dans la peinture française du xvne siècle : de l'imitation de la nature à la rhétorique des
"Belles idées". In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1977, n°29. pp. 45-64;
doi : https://doi.org/10.3406/caief.1977.1134
https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1977_num_29_1_1134
DE L'IMITATION DE LA NATURE
A LA RHÉTORIQUE DES « BELLES IDÉES »
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au XXVIIIe Congrès de l'Association, le 26 juillet 1976.
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(14) André Félibien, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus
excellent peintres... Entretien VIII (1685) ; cf. éd. Paris, 1690, t. II, p. 440.
(15) Voir par exemple sa petite suite de paysages gravés à l'eau-forte
en 1640.
(16) Saint-Amant, La Solitude, vers 1618-1620.
(17) Saint-Amant, ibidem.
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(23) Ce problème des relations entre les poètes et le milieu des peintres,
au xviie siècle, n'a jamais fait l'objet que de remarques sommaires. Il
méritera d'être repris attentivement. Les rapports personnels sont
relativement rares. Poètes et écrivains fréquentent volontiers la société
mondaine, ou lui appartiennent de naissance ; les peintres, plus ou moins
liés encore au milieu artisanal, en restent d'ordinaire écartes, même
lorsqu'ils deviennent riches et fameux. Un Tallemant Des Réaux, par exemple,
ne nous a laissé quasi aucune indication sur les artistes de son temps, qui
pourtant auraient pu lui fournir matière à mainte Historiette. Et
cependant des liens s'esquissent parfois. Vers les années trente, des peintres
apparaissent dans les « académies » parisiennes ; les portraits, et surtout
l'illustration des ouvrages (les frontispices deviennent de plus en plus
indispensables), sont fréquemment l'occasion de contacts qui nouent des
relations durables. Un Scudéry s'intéresse vivement à la peinture, et son
Cabinet, pour imaginaire qu'il soit, montre des connaissances qui
dénoncent des fréquentations et des amitiés (par ex. avec Faudran, etc.).
Tristan est lié avec Sébastien Bourdon, à qui se trouve dédiée une des
pièces de ses Vers Héroïques (1648), à Jacques Stella qui illustre ses Offices
de la Vierge, et certainement aussi a Picart, à Champaigne, à Nocret,
dont il loue hautement les ouvrages. Le Moïse sauvé de Saint- Amant
contient un éloge de Poussin qui semble bien dicté par des liens avec le
peintre. Rappelons aussi que Berthod, dans sa Ville de Paris en vers
burlesques, donne de la boutique de Guérineau, le célèbre marchand de
dessins et gravures, une description trop complète et précise pour ne pas
refléter une fréquentation personnelle.
(24) Les dessins sont naturellement bien plus nombreux. Mais nous
savons que Claude, Poussin et Sandrart allaient peindre sur le motif,
au moins vers 1630, et il n'y a aucune raison pour imaginer que la
tradition se soit interrompue jusqu'à Desportes (1661-1743), dont son fils
nous raconte qu'il « portoit aux champs ses pinceaux et sa palette toute
chargée, dans des boîtes de fer-blanc (et qu') il avoit une canne avec un
bout d'acier long et pointu, pour la tenir ferme dans le terrain, et dans
la pomme d'acier qui s'ouvroit s'emboitoit à vis un petit chassis du même
métal... » Pour ce dernier, un sort heureux nous a conservé non moins
de 637 études de paysages, de plantes et d'animaux. L'atelier de tous les
autres peintres français du xvne siècle a au contraire disparu. Seuls
quelques très rares morceaux, comme le surprenant Paysage au troupeau
de moutons de Claude conservé à la Galerie de l'Académie de Vienne,
peuvent nous donner idée de ces tableaux peints directement devant le
motif.
LE PAYSAGE DANS LA PEINTURE FRANÇAISE DU XVIIe SIÈCLE 57
Et de préciser :
Le style Champêtre est une représentation des Païs qui
paroissent bien moins cultivés qu'abandonnés à la
bizarrerie de la seule Nature. Elle s'y fait voir toute simple, sans
fard, et sans artifice ; mais avec tous les ornemens dont elle
sait bien mieux se parer, lorsqu'on la laisse dans sa liberté,
que quand l'Art lui fait violence. Dans ce style les sites
souffrent toutes sortes de variétés : ils y sont quelquefois
assez étendus pour y attirer les troupeaux des Bergers, et
quelquefois assez sauvages pour servir de retraite aux
Solitaires, et de sûreté aux animaux sauvages.
(29) Ainsi Loménie de Brienne dans ses Discours... (ms. Paris, Bibl.
Nat., Ane. Saint-Germain 16986, vers 1693-1695), critique les dieux
fleuves multipliés par Poussin dans ses paysages : « Je n'aime pas les
figures de fleuves dans les Tableaux, c'est un ecriteau que le peintre y
(34) Rappelons que Rubens avait sur ce point précédé Poussin ; mais
ses grands paysages semblent avoir été médiocrement connus à Paris
et à Rome avant la seconde moitié du siècle. Rappelons aussi que le
beau-frère de Poussin, Gaspard Dughet, aimait à peindre des tempêtes,
qui étaient fort recherchées : et cela, bien avant 1650. L'étude récente de
Mue Nicolas Boisclair (« Gaspard Dughet, une chronologie révisée », Revue
de l'Art, n. 34, p. 29-56) vient de montrer qu'ils remontaient peut-être
jusqu'à 1635.
(35) Jan Bialostocki, « Une idée de Léonard réalisée par Poussin »,
La Revue des Arts, 1954, n. IV, p. 131-136. On notera toutefois que cette
même idée s'offrait déjà dans les « tempêtes » de ses prédécesseurs, et
notamment celles de son beau -frère, réalisée de façon très voisine.
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Jacques Thuillier.