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LE CLASSICISME

Il est né contre le baroque, le burlesque, et va dans le sens de la DISCIPLINE, de l'ORDRE, et de la


REGULARITE. Son apogée se situe entre 1660 et 1685, c’est à dire entre la majorité de Louis XIV
(Début du règne) et la Révocation de l’Edit de Nantes (Répression des protestants).

I- Le contexte socio-culturel.
La bourgeoisie profite de la mise à mal de la haute aristocratie par le roi et constitue, avec lui et
avec des aristocrates de moindre rang, le public privilégié des auteurs classiques. (La protection du roi
permet à Molière de faire jouer Tartuffe en dépit de la cabale des dévots.)
Bourgeoisie et aristocratie ont la même culture gréco-latine de base, modelée par l’enseignement
des ordres religieux comme celui des Jésuites ou des Oratoriens, d’où ce phénomène exceptionnel et
caractéristique de la France : Deux classes très différentes sur le plan social, se reconnaissent dans
les mêmes œuvres littéraires et artistiques.
Pratiquement exclues de cet enseignement, mis à part quelques personnalités d’exception comme
Mlle de Scudéry : Les femmes, qui créeront le courant de la Préciosité et contesteront, entre autres,
les références trop érudites aux écrivains grecs et latins.

II- Définition de l’Art Classique.


Le classicisme pourrait se définir par une HARMONIE dans les œuvres, entre la pensée et
l'expression. Il est un EQUILIBRE, de pensée, de sensibilité et de forme, qui assure à l'œuvre d'art un
intérêt humain et une diffusion universelle. L'ordre, la clarté, la plénitude, la maîtrise consciente en
sont les signes apparents.
Cela correspond bien à l'idéal de la monarchie absolue et l'art classique est soutenu par le pouvoir
(Création de l'Académie française pour la littérature par Richelieu en 1634, de l'Académie royale de
peinture et de sculpture en 1648).
Les peintres comme Poussin, Le Brun, Philippe de Champaigne affectionnent les compositions
statiques et les couleurs froides exprimant le calme et une nature maîtrisée. Le jardinier Le Nôtre plie
même les végétaux à l'ordre géométrique.

III- Caractères du classicisme, ou Principes de "l'Ecole dite de 1660" dont Boileau a


dégagé l'essentiel.
1°- Peindre l’Homme universel et éternel.
Goût persistant pour l'ANALYSE PSYCHOLOGIQUE qui permet à l'homme de s'étudier, de se
surprendre au moment où il agit : Conférer les héros cornéliens, et leurs stances, et les héros
raciniens.
On peint la NATURE HUMAINE PSYCHOLOGIQUE : Peinture des passions et des sentiments, elle
est considérée uniquement dans ce qu'elle a de général, d'universel.
On étudie l'homme en tant qu' « exemplaire d'humanité ».
Conséquences :
« Le moi est haïssable », selon Pascal : Le MOI est haïssable parce qu'il ne constitue pas un
sujet d'étude assez vaste et assez noble, donc pas de lyrisme individuel, mais de la pudeur.
Cependant le lyrisme perdure à travers les personnages théâtraux, comme ceux de Racine.
On s'occupe peu de la NATURE EXTERIEURE qui ne les intéresse pas. Mis à part La
Fontaine et Mme de Sévigné, les écrivains classiques n'ont guère de regard pour le cadre
extérieur dans lequel nous nous mouvons, non point par mépris ni par faiblesse mais parce
qu'ils jugent plus important d'atteindre l'essentiel. Et quant on s’occupe d’elle, ont l’apprivoise,
avec les « Jardins à la française » et leur régularité géométrique.
Ce n'est pas la réalité extérieure, avec les détails des costumes ou du visage, l'ameublement,
les décors, l'aspect précis d'une rue ou d'une ville que le classicisme a voulu rendre, c'est la
seule réalité qui compte, la « Surréalité », plus intérieure et plus vraie de la conscience : C'est
la vie de l'esprit qu'analysent avec une précision réaliste, Descartes dans ses Méditations,
Pascal ou la Rochefoucauld dans leurs maximes et pensées… C'est l'âme même des
personnages qui est explorée dans ses replis cachés, au cours des monologues, parlés, mais
intérieurs tout de même, d'Hermione, d'Athalie, de Phèdre.
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2°- Le souci de la vérité et du naturel.
- Molière dans la Critique de l'Ecole des Femmes dit : « Lorsqu'on peint les hommes, il faut
peindre d'après nature ».
- Racine déclare qu'un écrivain qui « s'écarte du naturel » ne peut que « trahir le bon sens », dans
la préface de Britannicus.
- La Fontaine affirme qu’ « Il ne faut pas quitter la nature d'un pas ».
- Boileau, dit : « Que la nature donc soit votre étude unique », « Rien n'est beau que le
vrai, le vrai seul est aimable / Il doit régner partout et même dans la Fable » (Chant III,
Art Poétique.), « Le faux est toujours fade, ennuyeux, languissant / Mais la nature est
vraie et d'abord on la sent / C'est elle seule en tout qu'on admire et qu'on aime ».
═► Condamnation de l'affectation, de l'artifice, en réaction contre une certaine préciosité et contre les
erreurs du burlesque et de la poésie galante. On exige que l'art imite la réalité en étudiant le modèle
vivant, le modèle qui se retrouve à tous les siècles, le modèle humain, seulement psychologique. Les
écrivains y parviendront par l'observation à la fois en partant d'eux-mêmes et en se référant aux
TYPES que présente la SOCIETE.
═► Principe commun à tous les grands classiques : COMPRENDRE et SAISIR ce qui EXISTE ou
peut exister dans la REALITE. Il est donc nécessaire de découvrir le TERME EXACT, de se soucier
de la JUSTESSE des expressions.

3°- Le souci du raisonnable, le respect de la vraisemblance et de la bienséance.


On met l'accent sur les éléments nobles de l'humanité parce que la politesse et la réserve exigent
qu'on n'étale pas certaines bassesses et certaines tares.
On proscrit du domaine de l'art ce qu'il y a dans la nature humaine de singulier, d'exceptionnel, de
bas, de pathologique : « Aimez donc la raison, que toujours vos écrits / Empruntent d'elle seule et leur
lustre et leur prix », dit Boileau.
═► Donc primauté de la raison régulatrice, modératrice. En ce sens donc le classicisme a eu le
culte de l'INTELLIGENCE et de la RAISON → D’où la mort de la poésie épique, considérée comme
invraisemblable.
═► L'esprit français au XVIIème siècle recherche cette CLARTE qui correspond à ses tendances.
Il se refuse au diffus, à un certain déséquilibre et il s'éloigne de baroque, du luxuriant auquel s'était plu
la génération qui précéda 1660.

4°- L’imitation des Anciens.


Le Classicisme reste fidèle à l'humanisme gréco-latin, comme le proposait déjà Du Bellay, poète de
la Pléiade, dans Défense et Illustration de la langue française.
L'enseignement des JESUITES a marqué un grand nombre d'écrivains de l'époque :
Corneille, Molière, Bossuet.
Racine, au collège de la ville de Beauvais et à Port Royal, et Boileau, au collège d'Harcourt
puis au collège de Beauvais, ont reçu, eux aussi, une culture solide et profonde.
Pascal a reçu de son père la science mais aussi le goût pour les auteurs antiques.

Mais les grands écrivains demandaient moins à l'antiquité des principes de vie que des leçons d'Art.
Ils se souciaient de manifester leur originalité dans ces cadres légués par les maîtres, sans songer à
être des esclaves.
Aussi, dès lors, le terme d'Humanisme prend une portée précise : Par-delà les héros antiques, le
classicisme vise à retrouver l'Homme éternel, universel.
═► Boileau n'admettait que les genres cultivés par les Anciens : « Entre ces deux excès, la route est
difficile / Suivez pour la trouver Théocrite et Virgile / Que leurs tendres écrits par les Grâces dictés /
Ne quittent point vos mains, jour et nuit feuilletés ».

LA QUERELLE DES ANCIENS et des MODERNES.


Elle est révélatrice d’une évolution qui marquera la fin du classicisme et annoncera le siècle des
Lumières.
Les « Modernes » : Perrault et Fontenelle, s’opposent aux Anciens (Ceux qui prennent pour modèle
les auteurs grecs et latins, dont Jean de La Fontaine.).

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L’idéal des Anciens L’idéal des Modernes.

Un idéal abstrait : L’analyse de ce qui est permanent et Un idéal concret : L’action. Recherche
universel chez l’homme. du progrès.
Définir un homme intemporel. Définir un homme actuel.
Modèle de référence : L’homme universel. Modèle de référence : L’individu (Au
XVIIIème siècle.).

5°- Le respect des règles.


Pour le Théâtre :
La comédie.
● Elle a le droit de ne pas respecter la règle des trois unités.
● Son niveau de langue est courant, voire familier.
● Elle peut se dérouler en trois actes.
● Elle est, la plupart du temps, ancrée dans son époque, donc contemporaine de son auteur.
● Elle fait appel à plusieurs sortes de comique :
- Comique de gestes.
- Comique de mots.
- Comique de situation ou quiproquo.
- Comique de caractère.

La tragédie.
● Elle doit suivre la règle des trois unités, mis en vers par Boileau, dans son Art poétique, mais
codifiée avant lui par l’abbé d’Aubignac. Elle exige :
- L’unité de temps : l’action ne doit durer entre 12 et 24 heures.
- L’unité de lieu : l’action doit toujours avoir lieu dans le même décor, au même endroit.
- L’unité d’action : l’action se doit d’être unique.
« Qu’en un jour, qu’en un lieu, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. » (Art Poétique, Boileau.)
● La règle des vraisemblances :
Il est inutile de créer des œuvres conformes à la vérité, celle-ci peut s’avérer non crédible :
- Les actions des héros se doivent de paraître cohérentes.
- La trame de la pièce, l’intrigue, les détails se doivent de l’être aussi.
« Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable. » (Art Poétique, Boileau.)
● La règle des bienséances :
- Il est formellement interdit de montrer sur scène quelque chose de choquant, ou de
malséant : Le spectateur ne doit pas voir les personnages manger, accomplir un acte
sexuel, mourir, de mort violente ou non
- Aucun rendez-vous galant entre jeunes gens.
- Aucun mot courant ou familier : Le registre d’une tragédie est soutenu.
- Les dialogues et monologues sont versifiés, le vers employé est l’alexandrin.
● Elle a souvent un rôle politique : dans Phèdre, l’hypothèse de la mort de Thésée soulève le
douloureux problème des successions royales, et implicitement, celui de la régence.
● Le fonctionnement de la tragédie :
On trouve dans une tragédie :
- L’exposition.
- Le nœud, en temps qu’obstacle.
- Les péripéties.
- Le dénouement, qu’il soit heureux ou non.
Pour le Roman :
Introduction, développement, conclusion.
Recherche de clarté, de logique, de vraisemblance.

═► Mais la première des règles est de PLAIRE. D'où le souci du public : L'écrivain classique est un
honnête homme qui écrit pour les honnêtes gens.

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5°- Le culte de la perfection formelle.
L'INSPIRATION est assurément une condition fondamentale : si l'on n'est pas poète né, qu'on ne
fasse pas de vers : « Soyez plutôt maçon si c'est votre talent », dit Boileau dans le Chant IV de son
Art poétique. L'originalité de l'écrivain n'est donc pas dans l'invention mais dans le STYLE.
La perfection formelle aide à créer le PLAISIR ESTHETIQUE
Pour obtenir cette perfection, l'écrivain s'astreindra à un travail minutieux. Comme le dira Boileau,
dans le Chant III de l’Art poétique : « Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, / Vingt fois sur
le métier remettez votre ouvrage : / Polissez-le sans cesse et le repolissez ; / Ajoutez quelquefois, et
souvent effacez. », « N'offrez rien au lecteur que ce qui peut lui plaire / Ayez pour la cadence une
oreille sévère. », « Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée / Ne peut plaire à l'esprit quand
l'oreille est blessée. » et « Surtout qu'en vos écrits, la langue révérée / Dans vos plus grands excès
vous soit toujours sacrée. ».

6°- L’importance des morales.


Instruire, corriger les mœurs, d'élever les âmes parfois, comme le dit La Fontaine dans la préface
des Fables : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes », ou selon la devise de Molière :
« Castigat ridendo mores », à savoir « Il corrige les mœurs en riant ».

II- L’évolution du classicisme.


L'objet de la littérature classique est l'analyse et la peinture de l'Homme. En ce sens, le classicisme
est un « humanisme ». Mais cette peinture est différente selon les écrivains et les périodes :
1°- L’optimisme du début du XVIIème siècle.
Il est dû à l’enthousiasme de la Renaissance tempéré par Montaigne.
Exemples :
Descartes et la primauté de la raison, l’homme généreux.
Corneille et l'homme qui domine ses passions par la raison. Il croit aux passions nobles
comme il croit en l'homme.
Molina et le molinisme : L'homme peut quelque chose pour son salut ; foi dans la liberté et la
grandeur de l'homme.

2°- La lucidité, au milieu du XVIIème siècle.


Ce serait naïveté de croire que l'homme est naturellement bon ou raisonnable.
Exemples :
La Fontaine : « La raison du plus fort est toujours la meilleure. », « Le Loup et l’Agneau »,
fable 10, Livre I, Fables.
Molière : « La parfaite raison fuit toute extrémité / Et veut que l'on soit sage avec sobriété. »,
scène 1, Acte I, Le Misanthrope.

═► Ils ne croient pas cependant que l'espèce humaine soit foncièrement corrompue. Ils essaient de
concilier leur philosophie avec un christianisme indulgent aux faiblesses humaines.

3°- Le pessimisme, entre le milieu et la fin du XVIIème siècle.


Rôle du Janséniste : l'homme est esclave de son amour-propre et de ses passions.
Exemples : La Rochefoucauld, Racine, Pascal : La littérature peint l'âme en état de péché
condamnée si elle n'est pas secourue par la grâce de Dieu.
═► Il faut quitter le monde et ses tentations car la raison et la volonté sont impuissantes à les
maîtriser : Racine quitte le théâtre, Louis XIV et Mme de Maintenon, renouveau des guerres de
religion.

CONCLUSION
Le classicisme a comme caractéristiques l'ordre, la simplicité, l'équilibre, la sobriété, l'harmonie, le
sens de la mesure. Il a créé un mythe, celui de l’HONNETE HOMME, parfaitement intégré à la
société, qui n’est sujet à aucune passion, car il modéré, pondéré et réfléchi.

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