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1ère / FRANÇAIS HIST LITT

Le CLASSICISME
1. Définition

 Le mot « Classicisme » désigne un courant artistique, qui se développe en France au XVIIe siècle, sous les
règnes de Louis XIII et Louis XIV : il se caractérise par un idéal d’équilibre et de mesure, et touche tous les
arts, la peinture (Poussin), la sculpture, l’architecture (Mansard), la musique (Lulli), ainsi que la littérature.
 A l’origine, est considéré « classique » ce qui est « digne d’être enseigné dans les classes » (Dictionnaire de
Richelet, 1680), c’est-à-dire les auteurs grecs ou latins de l’Antiquité : la postérité y ajoutera les écrivains du
XVIIe siècle, Boileau, Corneille, Racine, Molière, La Bruyère, La Fontaine, Fénelon, considérant qu’il y
avait entre eux une parenté de goût et d’inspiration, l’illustration d’un même idéal, esthétique et humain.
Depuis Voltaire, qui rend hommage au classicisme dans son Siècle de Louis XIV, on situe
approximativement le classicisme en littérature de 1635 à 1685.

2. Un idéal esthétique
 L’imitation des Anciens
Les références à l’Antiquité abondent dans l’art classique : la connaissance de la mythologie, de la littérature
grecque et latine forment la culture de tous les lettrés du XVIIe siècle. Les emprunts et même l’imitation ne sont pas
considérés comme une preuve de faiblesse ou de pauvreté d’inspiration. La Fontaine ne se cache pas d’avoir imité
Ésope, ni Racine d’avoir suivi Euripide ou Sénèque. Cette imitation est au contraire pour eux une garantie de
perfection, car l’Antiquité est un modèle, dont les œuvres ont franchi les siècles. Cette capacité à durer est, aux
yeux des Classiques, la marque de l’excellence : il faut donc suivre les Anciens pour construire des œuvres qui
puissent s’imposer à leur tour.
Cet idéal esthétique s’accorde avec le régime de la monarchie absolue et son ambition de durée : que la langue
française produise des chefs-d’œuvre dignes de la grande tradition antique. Mais pour faire oeuvre durable, le
Classicisme doit viser l’éternel et l’universel.

 Le souci de l’universel
La société du XVIIe siècle siècle repose sur la tradition. Elle fait triompher l’ordre et croit à l’existence d’une vérité
et de valeurs permanentes. L’homme, pense-t-on, est immuable. Les oeuvres classiques expriment cette
conception. Même lorsqu’elles parlent du présent, elles dépassent le cadre historique pour peindre, l’Homme
éternel. Plus que l’individu, c’est la nature humaine qui intéresse les classiques. Les Caractères de La Bruyère, par
exemple, présentent bien des portraits précis, mais c’est toujours un « type » humain qui s’en dégage. Exprimant ce
désir de l’universel, le style classique rejette le particulier. On recherche ce qui est exemplaire plutôt que ce qui est
original. Pour atteindre cette universalité, l’art classique suit la voie de la conformité à la raison.

 L’autorité de la raison
La raison étant une faculté commune à tous les hommes, on doit se fier scrupuleusement à elle dans le domaine
esthétique. Les Classiques entendent par le mot « raison » le bon sens, partagé par le plus grand nombre. Le bon
sens impose que l’on ne s’écarte pas de ce qui peut être normalement accepté par l’esprit. L’ordre est un des
impératifs fondamentaux de la raison : Boileau l’impose grâce à son Art poétique (1674).
La raison impose aussi que l’on suive des principes qui ont déjà fait leurs preuves. Les règles sont la forme
strictement codifiée de ces principes. Elles s’imposent avec rigueur dans le théâtre : par exemple, la règle des unités
est bonne parce qu’elle est conforme au bon sens. Une action simple dans un lieu unique et en un temps limité
s’accorde logiquement aux conditions de la représentation théâtrale.
En même temps qu’à un besoin de rigueur, elles répondent à un souci de vraisemblance.

 La vraisemblance et la bienséance
S’interrogeant sur le problème de la vérité dans l’art, les Classiques répondent en choisissant de viser avant tout la
vraisemblance. L’art consiste à représenter non pas ce qui existe réellement, mais ce que la plupart des hommes
admettent comme conforme à la vérité. La vraisemblance montre les choses comme elles doivent être, c’est-à-dire
selon l’idée que l’on se fait du vrai. Racine, par souci de la vraisemblance, écrit dans la Préface de Phèdre qu’il a
pris soin d’atténuer le caractère « odieux » du personnage de Phèdre, jugeant que « la calomnie avait quelque chose
de trop bas et de trop noir pour la mettre dans la bouche d’une princesse ».
En adaptant ainsi le propos à l’image que l’on peut avoir d’une héroïne noble, Racine respecte également un autre
impératif du Classicisme : la bienséance. Ce mot désigne « ce qui convient », ce qui est bien adapté au personnage,
aux circonstances. Le Classicime rejette l’excès, le « monstrueux » qui plaisait au Baroque. Mais la bienséance est
aussi la décence, le bon goût. Au nom de ce respect, on ne montre pas au théâtre des personnages qui se battent ou
qui mangent, par exemple.
Les composantes de l’idéal classique étant indissociablement liées à leur expression, l’écriture classique manifeste
ce même souci de la clarté et du bon ton. L’écrivain classique réprouve les mots « bas », ridiculise, comme le fait
Molière, les exagérations de langage de la Préciosité, les métaphores obscures des mauvais poètes ou le « jargon »
des faux savants, condamne l’emphase et l’outrance. Le Classicisme est un art de la mesure.
Mais cet idéal artistique est aussi une morale sociale : né dans un monde d’ordre, recevant l’empreinte d’une
société policée, le Classicisme façonne à son tour un homme à son image.

3. Un idéal humain

Le Classicisme s’incarne dans un type humain, « l’honnête homme », qui possède toutes les qualités que demande
cette époque à un homme du monde, à un homme de cour.

 L’honnête homme
On donne ce nom au XVIIe siècle à celui qui sait faire preuve de mesure et de retenue. Dans ses idées, l’honnête
homme se montre tolérant. Parmi les personnages de Molière, il est celui qui adopte des positions conciliantes et
raisonnables face aux « extrémistes », obsédés par leurs passions ridicules, leur vanité ou leur colère. C’est un
modéré, partisan du « juste milieu », car selon le mot de Philinthe dans Le Misanthrope :
« La parfaite raison fuit toute extrémité. »
L’honnête homme est aussi un homme ouvert, curieux d’esprit, savant parfois mais sans faire étalage de ses
connaissances. Il sait s’adapter aux circonstances et au milieu où il se trouve. Dans son comportement social, il est
agréable, poli, raffiné dans ses manières, capable de se dominer. Il pratique l’art de la conversation avec
délicatesse : la principale qualité de l’honnête homme est de plaire.

 L’art de plaire
C’est à ce talent que l’on juge l’homme du monde. Plaire impose que l’on sache être profond tout en divertissant.
La Fontaine par exemple instruit ses lecteurs mais sa morale passe par l’agrément de la fable. Il faut surtout éviter
d’être ennuyeux : les Lettres de Mme de Sévigné expriment par toutes les ressources de l’écriture ce souci de ne
pas peser et ce désir de plaire.
En matière d’art et de goût, plaire est le vrai critère. Les écrivains en font le seul juge de leur oeuvre. Si une pièce
a plu, c’est qu’elle est bonne. Les pédants et les doctes croient que l’art est dans les règles ; l’écrivain classique leur
répond, comme Molière, que : « la grande règle de toutes les règles est de plaire » (Critique de l’Ecole des
femmes), ou comme Racine que : « la principale règle est de plaire et de toucher : toutes les autres ne sont faites
que pour parvenir à cette première » (Préface de Bérénice).
On voit donc que les qualités humaines et la morale sociale rejoignent les ambitions artistiques et les
formes même de l’art. C’est que le Classicisme forme un tout. Ceci explique que le mot de « classique» ait un
emploi et une signification très larges. En effet, bien que le Classicisme soit le reflet d’un état politique et social
très précis, il dépasse ces limites historiques et renvoie à une valeur beaucoup plus générale. Dès le XVIIe siècle, on
désignait par « classique » ce qui constituait par ses qualités un modèle, une référence à suivre : aujourd’hui, le
mot, appliqué à toutes sortes de domaines, sert à qualifier un idéal d’ordre, de rigueur, de clarté et de sobriété, et
des œuvres capables de survivre aux variations des modes. On dira d’auteurs contemporains qu’ils ont une écriture
« classique » parce qu’elle présente ces mêmes qualités.

4. L’écriture classique

Sur le modèle antique, les Classiques introduisent une hiérarchie entre les styles et les genres.
Le style noble, ou élevé, est réservé à l’épopée et à la tragédie, le style moyen à la haute comédie, à l’art oratoire
ou épistolaire, le style bas ou familier, à la comédie ou au roman comique.
Au niveau des genres, sont considérés comme des genres nobles, l’épopée, la tragédie héroïque, l’art oratoire,
comme des genres moyens, la haute comédie et la satire, comme un genre bas, le roman.
Quant à la farce, elle n’est même pas classée, elle ne saurait plaire à « l’honnête homme ».
Au niveau linguistique, la fondation de l’Académie française, en 1635, consacre la tentative de purisme, inaugurée
par Malherbe dès 1610. Dans sa mouvance, de 1610 à 1630, de nombreux écrivains, afin d’unifier la langue, tentent
d’en éliminer les archaïsmes et les particularités provinciales. A partir de 1635, les grammairiens, comme
Chapelain ou Vaugelas (Remarques sur la langue française, 1647), imposent une norme linguistique. Les années
1685, où paraissent les Dictionnaires rédigés par les académiciens, clôturent cette période.
C’est la « Querelle des anciens et des modernes » qui, à la fin du XVIIe siècle, va rejeter définitivement le modèle
antique, mettant fin au Classicisme proprement dit.

SOURCES : J. GARDES-TAMINE, M.-C. HUBERT, Dictionnaire de critique littéraire (Colin, 1993) ; Littérature, textes et
méthode (Hatier, 1993)

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