Vous êtes sur la page 1sur 35

LA CORRESPONDANCE DES ARTS

DU MÊME AUTEUR

Chez d'autres Éditeurs :

L'abstraction sentimentale, 1925, 2 éd. 1951.


Pensée vivante et Perfection formelle, 1925, 2 éd. 1952.
L'Avenir de l'Esthétique, 1929.
L'Instauration philosophique, 1939.
Avoir une Ame, 1939.
Les différents Modes d'Existence, 1942.
Les Deux Cent Mille Situations dramatiques, 1947.
L'Ombre de Dieu, 1955.
Le Sens artistique des Animaux, 1965.
ÉTIENNE SOURIAU
Membre de l'Institut

LA
CORRESPONDANCE
DES ARTS
ÉLÉMENTS D ' E S T H É T I Q U E
COMPARÉE

FLAMMARION
© 1 9 6 9 , FLAMMARION, P a r i s .
BIOGRAPHIE

Souriau Étienne, né le 26 avril 1892. Fils de Paul


Souriau, esthéticien connu, l'un des fondateurs du fonc-
tionnalisme (auteur de « La suggestion dans l'art », la
Beauté rationnelle, etc.) qui finit sa carrière comme
Doyen de la Faculté des Lettres de Nancy.
Études au lycée de Nancy, puis à l'École Normale
Supérieure (promotion 1912). Etudes interrompues par
la mobilisation (au front et en captivité).
Revenu à l'École Normale supérieure après démobi-
lisation, en sort premier d'agrégation de philosophie
(1920).
Successivement professeur aux lycées de Sarregue-
mines et de Chartres. Docteur ès Lettres en 1925.
Professeur de Philosophie à la Faculté d'Aix-Marseille
(1926-1929), puis à celle de Lyon (1929-1941). De nou-
veau mobilisé. Puis professeur de Philosophie générale
à la Sorbonne (1941-1944), puis professeur d'Esthétique
à cette Faculté.
Directeur des Études de Philosophie à la Faculté
des Lettres de Paris (1953-1962); membre du Directoire
du Centre national de la Recherche scientifique (1957-
1962).
En retraite depuis 1962, il est encore Directeur de
l'Institut d'Esthétique et des Sciences de l'Art de l'Uni-
versité de Paris. Il a rempli de nombreuses missions
à l'étranger, notamment une année d'enseignement à
l'Université du district fédéral du Brésil (1937).
Membre de l'Institut (Académie des Sciences morales
et politiques) depuis 1958.
Président de la Société française d'Esthétique. Prési-
dent du Comité international pour les Études d'Esthé-
tique. Directeur de la Revue d'Esthétique.
Auteur de nombreux ouvrages, notamment : l'Abstrac-
tion sentimentale, Pensée vivante et perfection formelle,
l'Avenir de l'Esthétique, l'Instauration philosophique, la
Correspondance des Arts, les Deux cent mille situations
dramatiques, l'Ombre de Dieu, le Sens artistique des
animaux, et de nombreux articles dans des périodiques
français et étrangers.
Officier de la Légion d'honneur; Commandeur de
l'ordre des Palmes académiques ; Commandeur de l'ordre
des Arts et Lettres.
PRÉFACE

« Le vent, c'est tous les vents » a dit, (en prose),


Victor Hugo, en un de ces aphorismes dont il avait le
secret : et on voit d'ici le développement qui s'amorce,
lorsqu'après avoir nommé le vent, l'écrivain va pouvoir
faire comparaître tumultueusement le Mistral, le Libeccio,
le Foehn et le Simoun, la bise et les tornades, l'autan
et l'ouragan... Mais arrêtons... Si nous avons cité cet
aphorisme, c'est par désir de le paraphraser ainsi :
« L'art, c'est tous les arts ». Aphorisme qui à la fois
pose l'unité de l'art, puisqu'un seul terme générique
le désigne, et amorce la tumultueuse comparution de
l'architecture et de la musique, de la peinture et de la
sculpture, du cinématographe et de la céramique, et
caetera, nous forçant à nous demander ce qu'ont de
commun ces activités créatrices différentes les unes des
autres, qui taillent leurs œuvres les unes dans le marbre,
les autres dans la projection de lumières sur un écran,
d'autres dans l'air mis en vibration, et ainsi de suite.
C'est devant ce problème que nous nous sommes placés,
et que nous voulons placer le lecteur. Qu'y a-t-il de
commun entre une cathédrale et une symphonie, un
tableau et une amphore, un film et un poème ? Question
passionnante, à la condition qu'on soit fermement résolu
à ne pas se payer de mots, à n'admettre que, par exemple,
des analogies structurales positivement observables et
qu'on puisse noter, écrire, exprimer dans un langage
rigoureux. La recherche n'est intéressante qu'à condition
de bannir et de s'interdire rigoureusement les vagues
métaphores, les analogies confuses qu'on évoque en
transposant arbitrairement dans un art le langage de
l'autre, en parlant d'une « symphonie en bleu majeur »
à propos d'un tableau, ou de la « palette » éclatante ou
assourdie d'un poète. On sent bien la difficulté qu'il
y a à être rigoureux dans un domaine qui peut paraître
aérien et subtil. On sent aussi que cette rigueur est de
rigueur si on veut que la recherche soit utile et féconde.
On pourrait songer à l'orienter, cette recherche, du
côté d'un idéal commun à tous les arts, ou d'un tempé-
rament commun à tous les artistes. Et effectivement,
il y a des recherches à faire en ce sens. Une « caracté-
rologie de l'artiste » est un sujet tentant pour un psycho-
logue. Et il est tentant aussi pour un historien ou un
sociologue de chercher si à telle ou telle époque et dans
tel ou tel pays, par exemple en Italie à la Renaissance,
ou en France au siècle de Louis XIV, ou en Allemagne
à l'époque de Sturm und Drang, on peut dégager un
idéal commun vers où tendraient à la fois les sonnets
de Pétrarque et le Dôme de Florence, ou bien les
comédies de Molière, les Épitres de Boileau et la musique
de Lulli, et ainsi de suite. Ce qui ne ferait qu'amorcer
la question, puisqu'il faudrait ensuite chercher l'idéal
commun aux magdaléniens et aux Grecs, aussi bien qu'aux
artistes de la Renaissance, aux classiques français et aux
romantiques allemands ! Comme aisément on glisse ainsi
vers une synthèse intuitive ou philosophiquement
absconse ! Nous ne voulons certes pas médire des grandes
synthèses philosophiques, ni des grandes vues esthé-
tiques historico-philosophiques à la manière soit d'un
Taine, soit d'un Hegel. Mais qui ne sent qu'on mettrait
un puissant instrument de travail entre les mains de
ceux qui cherchent dans ce sens, si on pouvait disposer
de connaissances solides, méthodiques et même scien-
tifiques, permettant la recherche positive et efficace des
analogies entre les œuvres des divers arts, et la consti-
tution d'un point de vue légitime de comparatiste en
ce domaine.
Quant à une psychologie générique de l'artiste, il est
également clair qu'elle n'est pratiquable utilement qu'à
condition de tenir compte des différences spécifiques
qu'elle doit éliminer ou transcender. Si la musique est,
suivant l'excellente formule de J. Combarieu « l'art de
penser avec des sons », nul doute que ce soit chose
bien différente de penser, comme Beethoven, avec des
sons, ou de penser, comme pouvait faire Pierre Puget
lorsqu'il pensait avec des volumes imposés à coups
de ciseau ou de maillet au marbre, qui, disait-il, « trem-
blait devant lui, pour grosse que soit la pièce ». Et
bien différente encore la pensée d'un Eugène Delacroix
pensant avec des couleurs. Si on prend le parti de
négliger ou d'ignorer ces différences, peut-on rien faire
qui vaille ?
Et qu'on ne vienne pas dire, dédaigneusement, que
c'est là une pure affaire de technique et non d'esthé-
tique ! C'est aussi absurde que si on prétendait qu'entre
un aigle, un cheval et un serpent, il n'y a qu'une diffé-
rence purement technique de locomotion, négligeable
pour le physiologiste. Toute la structure de chacun de
ces êtres, et leur mode foncier de vie, sont engagés
dans cette différence. De même un musicien est, non
seulement de fait, mais même de vocation, un homme
engagé à fond dans l'univers des sonorités; c'est là qu'il
se meut en pensée, c'est là qu'il vit, c'est là qu'il œuvre,
c'est là ce qui pour lui importe plus que tout; à la diffé-
rence du peintre engagé à fond, de pensée, d'action
et de sentiments, dans le monde des couleurs. Ils diffèrent
entre eux d'abord par ces engagements opposés et plus
encore par leur adaptation à ces deux mondes non seule-
ment sensiblement, mais structuralement différents l'un
de l'autre.
Sans adopter à la légère la théorie très répandue à
l'heure actuelle selon laquelle l'art est un langage, on
peut néanmoins remarquer une analogie entre la diversité
des engagements artistiques dont on vient de parler,
et la diversité des langages, au sens philologique du mot.
En appelant tout à l'heure « comparatiste » celui qui
cherche les ressemblances et les différences entre une
statue, une cathédrale, une symphonie ou un vase, nous
avons simplement senti et admis qu'il y avait quelque
analogie entre la traduction d'une idée artistique en
peinture, en musique ou en sculpture, et la traduction
d'une idée littéraire, poétique par exemple, en français,
en anglais ou en allemand. Chaque langage apporte
avec lui ses ressources propres et ses insuffisances, et
traite le sujet à sa manière propre. De même ce sujet :
la bataille de Marignan, a été traité en musique par
Clément Janequin, en sculpture par Pierre Bontemps,
en peinture par Fragonard le fils, en littérature par
Michelet. Il est clair que chacun de ces traitements a
eu ses exigences propres, soit techniquement, soit par
la tournure d'esprit qui s'imposait à des artistes orientés
bien différemment les uns des autres. C'est ce que nous
voulons dire en appelant esthétique comparée la discipline
qui cherche à observer positivement, à mettre en évi-
dence et à noter correctement les similitudes et les
oppositions qu'on peut rapporter à ces divers traite-
ments. Il va de soi que l'analogie que nous postulons
entre ces deux disciplines ne va pas plus loin. La litté-
rature comparée a ses méthodes. Et c'est la tâche de
l'esthétique comparée d'établir les siennes. C'est à cette
tâche que sont consacrés ici nos efforts.
Quelles difficultés rencontre une telle entreprise?
Elles sont nombreuses. Énumérons-les rapidement. Le
lecteur en s'en rendant compte sera sans doute plus
indulgent à nos fautes ou aux insuffisances de notre
ouvrage. D'autant plus qu'il ne s'agit pas seulement
de difficultés inhérentes à notre tâche, mais d'obstacles
dressés pour des raisons doctrinales en travers de la
route à suivre. Dans cette tâche, nous avons pour premier
adversaire cet esprit de métaphore et de rapprochements
verbaux littéraires et imprécis que nous avons évoqué
tout à l'heure. Bien des gens parmi ceux qui parlent
volontiers d'art ne tiennent nullement à se voir présenter
une esthétique sérieuse, méthodiquement exigeante, et
trouvent plus agréable de jongler vaguement avec un
jargon de soi-disant connaisseur que de s'astreindre à
former des concepts précis et à les désigner dans un
langage strict et bien fixé. Nous ne pouvons dissimuler
au lecteur, ou à l'étudiant, ou même au critique (on verra
tout à l'heure pourquoi) qu'il faut pour avancer dans
cette enquête accepter de faire un effort pour s'astreindre
à la rigueur dans les concepts et dans le vocabulaire.
Qu'on se refuse, par exemple, à entendre parler en pein-
ture de la « gamme du Titien » ou de la « gamme de
Véronèse » s'il n'y a pas la moindre trace de structure
scalaire dans les coloris caractéristiques de ces peintres,
ni entre les couleurs dont ils se servent aucun des rapports
qu'il y a entre les notes d'une gamme. Cela ne veut
pas dire qu'il faille renoncer à toutes comparaisons de
ce genre. Mais c'est qu'il faut absolument, pour en
parler, avoir trouvé les moyens de déceler des structures
vraiment semblables dans les deux domaines qu'on
essaye de rapprocher. Et il n'est pas dit d'avance qu'on
puisse y parvenir.
Autre obstacle, d'autant plus redoutable qu'il est
représenté par de très bons esprits, et même par des
penseurs illustres : accepter d'avance une sorte de
réduction a priori à l'unité, par la prédominance donnée
à un art sur tous les autres; et c'est généralement la
littérature ou plus spécialement la poésie qui joue ce
rôle indûment unificateur, chez des esthéticiens qui ne
connaissent bien que cet art, qui l'aiment de préférence
et parfois l'ont seul pratiqué. Bien des critiques ont
remarqué le fait chez Benedetto Croce, qui souvent
étend indûment à tous les arts des remarques visible-
ment fondées sur l'examen de la seule poésie. Même
remarque au sujet des livres profonds et charmants de
G. Bachelard. Mais Bachelard était un esprit trop lucide
pour ne pas prendre conscience et responsabilité de
cette situation. Il affirmait positivement qu'il est inutile
de pratiquer les divers arts pour les connaître, car « par
le biais de l'imagination littéraire, tous les arts sont
nôtres » (La terre et les rêveries de la volonté, p. 95).
La poésie les contient tous. Peu importe qu'il me soit
impossible de réaliser la statue dans le marbre ou dans
le bronze; pour la créer néanmoins « il n'y a qu'à écrire
la statue » (ibid.).
Si chère que me soit la mémoire d'un esprit d'élite
et d'un ami, il me faut bien protester. Ce curieux para-
doxe conduit G. Bachelard, voulant faire une esthétique
de la matière (trop négligée, pensait-il, par les esthé-
ticiens), à faire une poétique des quatre éléments, qui
ne prend en considération que la matière rêvée; rêvée
par le poète, et non domptée en lutte concrète par le
statuaire, l'architecte ou le musicien. Or le comparatiste
ne peut oublier que le sculpteur ne peut, et même ne
doit pas, artistiquement parlant, donner la même forme
à u n corps féminin destiné au marbre ou destiné au
bronze; et que c'est bien autre chose, un « palais mer-
veilleux » rêvé en poésie par l'Arioste, ou dessiné à
la plume et au lavis par G. Doré pour être gravé par
Pisan, ou enfin commandé par Schah Djihan pour être
édifié matériellement près d'Agra, à la mémoire de la
Begum perdue. Le poète et le graveur sont dispensés
de calculer la résistance des matériaux et la portée des
arcades. Palais de peintres ou cathédrales de poètes,
il y aurait toute une étude à faire sur ces architectures
de rêve. On trouverait sans doute que tout en respectant
certaines vraisemblances poétiques de cohérence et
d'équilibre, elles s'affranchissent des résistances et des
poussées dans l'exagération du mystère des espaces
intérieurs, et qu'elles permettent et encouragent de
multiples réminiscences des proportions et des structures
du corps humain. On trouverait surtout que nul archi-
tecte ne saurait s'en inspirer sans rencontrer des obstacles
d'exécution insurmontables.
En quelque art que ce soit, l'artiste est obligé d'établir
un modus vivendi concret entre son vouloir et son pouvoir.
L'artiste force la matière à témoigner pour son rêve,
mais c'est à condition que son rêve ait su épouser
d'avance une matière.
Loin donc d'accepter une correspondance de tous les
arts par leur traductibilité commune dans la poésie,
langage artistique universel, il nous faut prendre chaque
art dans son idiome propre, et établir avec patience
et soin le lexique des traductions. Et mettre en note :
« intraduisible » là où effectivement l'essence artistique
de l'œuvre s'évanouit dans toute traduction dans un
autre art. Nous demandons donc au lecteur d'avoir la
patience de nous suivre dans l'établissement, page à
page, de ce lexique.
Quelques mots, pour finir, sur le principe de cette
nouvelle édition. Nous avons reproduit la première
(de 1947) sans autre changement que de corriger des
fautes d'impression ou de menues incorrections de forme,
et par exemple, de préciser certains points un peu obscurs
dans la première rédaction; mais sans jamais changer
le fond de la pensée. Sans doute nous aurions été heu-
reux de corriger les fautes que nous avons sans doute
commises si la critique nous les avait fait voir. Mais
il faut dire la vérité. Bien que notre travail ait souvent
été critiqué, nous sommes bien obligés de dire (bien
qu'à regret) que les objections les plus graves qu'on
nous ait faites prouvaient seulement que les critiques
n'avaient lu que fort inattentivement le livre, ou même
ne l'avaient pas lu du tout. Que le lecteur en juge.
Assez récemment, l'auteur d'un livre qui se voulait
sérieux et scientifique déclarait gravement que pour
faire avec fruit de l'esthétique comparée, il fallait «sur-
tout ne pas croire, avec Étienne Souriau, qu'on peut
toujours transposer telles quelles, dans un art, les formes
et les structures d'un autre art ». Nous sommes bien
fondés à dire que celui qui parlait ainsi ne nous avait
pas lu, puisqu'il nous prêtait précisément l'opinion
contre laquelle nous avons écrit tout ce livre. Le lecteur
qui vient de lire ces pages de préface s'en rend déjà
compte. Et il le verra mieux encore en lisant le livre,
notamment le chapitre XXXIII (sur la musique des
couleurs) où nous expliquons que, le monde des sono-
rités musicales ayant une structure foncièrement diffé-
rente de la structure du monde des couleurs, la transpo-
sition a priori des structures de l'un dans les données
de l'autre est impossible et abusive. La seule réponse
que nous pouvons faire, donc, à cette critique, c'est
de prier le lecteur de ne pas nous juger sans nous avoir
lu.
Autre objection. Un critique d'art, généralement
mieux inspiré, a trouvé qu'on pouvait sourire de notre
distinction de l'arabesque et de la forme figurative.
Comment, demandait-il, sentir et expliquer alors l'intérêt
artistique d'un dessin à la plume de Vinci, ou au pinceau
de Hokousaï, lequel, disait-il, est une véritable ara-
besque? — Nous sommes fondés à dire qu'il n'avait
fait que feuilleter l'ouvrage, puisque c'est une de ses
idées fondamentales de dire que tout dessin figuratif
est aussi et en même temps une arabesque; que la forme
au second degré (forme représentative) doit aussi être
considérée en son premier degré (présentatif); et de le
montrer, précisément avec le genre d'exemple que le
critique croyait pouvoir nous opposer.
Troisième objection, la plus forte, et qui a alimenté
de véritables polémiques. Nous avons cru pouvoir mettre
en discussion, dans notre chapitre XXVIII (De la
musique du vers) certain principe respecté dans l'école
phonétique de Maurice Grammont, quant à la scansion
du vers français. Nous nous sommes attiré, par cette
témérité, les foudres des disciples. Nous nous y atten-
dions bien un peu, mais nous espérions que notre argu-
mentation serait examinée avec quelque attention. Or nos
adversaires, sans en tenir nul compte, se sont bornés
à affirmer avec force mais gratuitement que les enregistre-
ments phonétiques nous donnaient tort. Procédé qui
n'est pas sans efficacité, car il impressionne certains
esprits, qui croient pouvoir les croire sur parole. C'est
avec regret que nous avons vu un des meilleurs esthéti-
ciens du temps présent, mettre dans une note d'un récent
ouvrage, qu'il semblait que les enregistrements nous
donnaient tort. En quoi? C'est ce qu'il n'aurait pu
dire, pas plus que ceux à qui il empruntait cette
assertion.
Les enregistrements ne sauraient nous donner tort,
attendu que nous en partons, aussi bien que nos adver-
saires; ce que nous contestons, c'est l'interprétation
qu'ils en donnent, et qu'ils y ajoutent. Cette interpré-
tation consiste à constater que, dans un vers tel que
celui-ci :
Oui, je viens dans son temple adorer l'Éternel,
il y a des coupures après oui, après viens, après temple;
et alors, de convenir de marquer ces coupures par une
barre verticale ainsi :
Oui / je viens / dans son temple / adorer / l'Éternel /
Jusqu'ici c'est leur droit. Mais ils ajoutent que ces
coupures sont des barres de mesure, et que les mesures
ainsi séparées indiquent le rythme, comme le font en
musique les barres de mesure. C'est contre cette adjonc-
tion que je proteste : des barres indiquant des coupures
n'ont aucun rapport avec les barres de mesure en
musique, lesquelles ne sont jamais des coupures. On
crée, par cette convention de notation, une opposition
factice entre le rythme poétique et le rythme musical.
Il y a bien dans les enregistrements, des coupures là
où vous placez ces barres. Mais je dis que si vous preniez
barre de mesure dans le sens où le prennent les musi-
ciens, il ne faudrait pas les placer là où vous les placez,
c'est-à-dire dans les coupures.
Que venez-vous alors m'objecter que les enregistre-
ments me donnent tort, attendu, dites-vous, qu'il y a
des coupures là où vous placez vos soi-disant barres
de mesure, et qu'il n'y en a pas là où je les place ? — Bien
sûr! Puisque je vous dis que les barres de mesure au
sens musical de l'expression, ne sont pas des coupures
et ne coïncident pas avec! Vous commettez là, très
exactement, la faute de raisonnement qu'on nomme le
« sophisme des épinards », lequel consiste, comme on
sait, à poser une hypothèse, et puis à l'oublier complète-
ment dans la suite du raisonnement : « Je n'aime pas
les épinards, et c'est très heureux pour moi. Car si je
les aimais, j'en mangerais souvent, et je serais très
malheureux puisque je ne peux pas les souffrir ». Exacte-
ment de même, mes adversaires disent : « M. S. ne donne
pas à ses barres de mesure le sens d'une coupure (comme
nous le faisons, nous autres). Il a évidemment tort.
Car regardez les enregistrements : là où il met une barre
de mesure, il n'y a pas de coupure; tandis que là où
nous mettons les nôtres, il y en a une ! Donc les enre-
gistrements le condamnent! » Épinards! épinards! S'il
n'y a pas de coupure où je mets mes barres de mesure,
c'est que je ne définis pas ces barres comme notant
des coupures, tout au contraire. S'il y en a là où vous
les mettez, c'est que vous définissez ces barres comme
notant des coupures. Et je vous objecte qu'alors vous
ne devriez pas les appeler barres de mesure, tout au
moins vous devriez dire que vous prenez ces barres
dans un tout autre sens que les musiciens et que l'oppo-
sition apparente qui s'établit ainsi entre le rythme
musical et le rythme poétique tient non pas au fait réel,
mais à la terminologie que vous employez.
Présentons la même chose en d'autres termes. Personne
ne met en question les enregistrements phonétiques,
dans lesquels le fait rythmique est inclus, mais dont il
s'agit de le dégager dans des transcriptions écrites qui
mettent ce rythme en évidence. Là-dessus je dis que
si pour noter ce rythme poétique on fait des conventions
de notation radicalement différentes de celles qu'em-
ploient les musiciens pour noter le rythme musical,
on obtient ainsi des résultats évidemment très dissem-
blables dans les deux domaines. Mais prenez garde :
la différence alors n'est pas dans les faits, elle est dans
leur notation. Là-dessus je propose une expérience.
Je propose de noter le rythme poétique (tel qu'il est
inclus dans les enregistrements) en employant les mêmes
principes de notation qu'on emploie en musique pour
noter le rythme mélodique. Et voyons ce qu'on obtient
ainsi. C'est là toujours une application de la même
méthode, qui consiste à chercher des notations structu-
rales propres à mettre en évidence les structures homo-
gènes dans les deux domaines comparés. — Que disent
mes adversaires ? Ils se refusent purement et simplement
à tenter l'expérience. Ils tiennent à persévérer dans leur
notation, parce qu'ils en ont l'habitude, et sans examiner
les raisons et les principes que je propose pour la mienne.
Mais quand ils assurent que ma notation n'est pas
conforme aux enregistrements, c'est une pure absurdité.
Les deux notations sont également conformes aux enre-
gistrements. Mais celle de mes adversaires est impuis-
sante à mettre en évidence la correspondance structurale
que la mienne met en évidence.
Le lecteur nous jugera. Tout l'effort que nous lui
demandons, c'est de savoir distinguer entre un fait et la
notation conventionnelle de ce fait. Et de ne pas consi-
dérer comme appartenant aux faits ce qui tient à la
convention qu'on pose pour le noter. Assurément les
conventions sont libres. Mais l'art de les faire consiste
à les combiner de manière à mettre en évidence et à
rendre clairs les faits, et non à les rendre obscurs; et
surtout à ne pas confondre avec le fait ce qui résulte
seulement de la convention de notation.
Le lecteur voit ainsi, je l'espère, quel est le but de
ce livre. Il s'agit de parvenir à analyser structuralement
les œuvres des divers arts, de manière à saisir positive-
ment, à noter rationnellement et à mettre en évidence,
le cas échéant, tantôt des diversités positives et spéci-
fiques de structure, et tantôt des analogies plus ou moins
visibles ou parfois tant soit peu secrètes.
Ce faisant, il nous a fallu perpétuellement inventer
des méthodes propices à cette analyse structurale. Nous
avons pu bien souvent nous tromper, et surtout, ne
pas atteindre les buts que nous nous proposions. Mais
pour atteindre ces buts, nous avons dû renoncer bien
souvent à utiliser et à appliquer des méthodes déjà
existantes, surtout parmi celles qui se targuent d'être
expérimentales et qui ne le sont qu'en apparence; ou
qui, en tout cas, sont inappropriées au but que nous
poursuivions. C'est le cas notamment lorsqu'il s'agit de
certaines notations mathématiques qui souvent éliminent
la notation du fait formel à l'intérieur duquel s'établissent
les rapports quantitatifs qu'elles inscrivent (on l'obser-
vera notamment, à propos du fait musical, au chapitre
XXXI). Nous prions le lecteur de bien vouloir se sou-
venir que ce livre a été écrit par un philosophe, donc
par un homme habitué de longue main à faire la critique
des méthodes qu'il emploie. Si d'aventure le lecteur
est choqué, ici ou là, par l'emploi d'une méthode diffé-
rente de celles dont il a l'habitude, qu'il veuille bien
rendre à l'auteur cette justice de penser que cela a été
fait à bon escient, pour adapter la méthode au but
poursuivi, et non par ignorance ou par dédain de
méthodes tendant vers d'autres buts, et inefficaces dans
la présente recherche. Cette considération nous méritera
sans doute l'indulgence du lecteur, auquel nous sou-
haitons d'avoir plaisir à nous accompagner pas à pas
dans une recherche qui pour notre compte nous a paru
passionnante.
Paris et Erquy, décembre 1967.
PREMIERE PARTIE
RÉFLEXIONS LIMINAIRES
CHAPITRE PREMIER

POSITION DU SUJET

Entre une statue et un tableau, entre un sonnet et


une amphore, entre une cathédrale et une symphonie
jusqu'où peuvent aller les ressemblances, les affinités,
les lois communes; et quelles sont aussi les différences
qu'on pourrait appeler congénitales? Tel est notre
problème.
CHAPITRE II

PORTÉE ET DIFFICULTÉS DE LA QUESTION

Rien de plus évident que l'existence d'une sorte de


parenté entre les arts. Peintres, sculpteurs, musiciens,
poètes, sont lévites au même temple. Ils servent, sinon
le même dieu, du moins des divinités congénères.
Sororité des Muses; compagnonnage des artistes, qu'ils
manient l'ébauchoir ou le stylo, le pinceau ou l'archet;
unité du génie en tous genres; autant de thèmes à déve-
loppement facile.
Nous sommes frères; la fleur
Par deux arts peut être faite.
Le poète est ciseleur,
Le ciseleur est poète.

écrivait Hugo à Froment-Meurice. Et que d'effets


aimables de style, que de gentilles métaphores, en appli-
quant dans un art le vocabulaire de l'autre! Ne pas
avoir honte de dire, devant un paysage d'hiver en pein-
ture, que « c'est vraiment une symphonie en blanc
majeur! »; prêter aux pieds de la danseuse des gammes
et des « arpèges de mouvement », louer d'un air de
connaisseur l'arabesque d'un sonnet, l'architecture d'une
sonate, le rythme d'un édifice, que de grâces! n'est-ce
pas le fin du fin? Et, en toile de fond, cet univers bau-
delairien où parfums, couleurs et sons se répondent...
Mais si l'on quitte l'atmosphère des phrases, la ques-
tion devient difficile. Difficile mais de grande portée.
Cette grandeur de portée, pour tout esprit tant soit
peu philosophique, apparaît d'emblée. Un philosophe
digne de ce nom ne peut qu'attacher une immense
importance à l'art. Celle même de la science peut-elle
être plus grande? L'art, c'est parmi les pouvoirs spiri-
tuels de l'homme celui qui a construit tout un univers
peuplé de créatures, les unes immatérielles — sympho-
nies, préludes, nocturnes; sonnets, ballades, épo-
pées — les autres, visibles sous le soleil ou la lune,
temples, cathédrales, aqueducs, obélisques, sphinx,
statues (que de pierre remuée, informée par cette force
spirituelle!); parcs où les passantes sont Béatrice ou
Ophélie, Genovefa ou la Fille aux cheveux de lin; usines
où les travailleurs sont aussi bien le « moissonneur de
l'éternel été » avec sa faucille, là dans Booz endormi,
que le Jour avec son marteau, ici dans la chapelle des
Médicis. Folie humaine, si l'on veut, qui a détourné
loin du réel et abouché aux cavernes de la fiction une
grande part de l'activité des hommes, depuis ceux qui
allaient aux vraies cavernes pour y tracer des images
à la lueur des lampes de pierre, jusqu'à ceux qui se
réunissent dans des salles de cinéma pour y voir passer
des fantômes, ou dans les salles de concert pour y
écouter, se formant et se dissipant comme des alliances
ou des traités, des accords musicaux. Folie divine,
peut-être, soit si (comme beaucoup ont pu croire) du
divin tant soit peu y opère, par inspiration; soit si
(comme d'autres disent) un Dieu a fait tout cet univers
comme une œuvre d'art (c'est cette folie-là qui l'a éveillé
de son sommeil); ou si, plus abstraitement, l'Esprit,
dans la construction de la Représentation, avant toute
autre dialectique et plus originellement que celle dont
Hegel ou Hamelin nous ont conté les romans, pratique
nécessairement celle de l'Art.
Si bien qu'il sentira, ce philosophe, de quel prix
immense est pour lui une connaissance de ce qu'il y a
de central, d'unique, de constant et d'essentiel, bref,
de commun dans toutes ces activités, qui pratiquement
se diversifient en musique, peinture, poésie, choré-
graphie, gravure, céramique, etc., etc. — sans compter
l'Art démiurgique et l'art de vivre. Et ce problème de
la correspondance des arts sera pour lui la clef de voûte
d'une des plus grandes questions qu'il puisse se poser;
et le seul moyen d'accès positif à la connaissance de la
promotion instaurative, fondatrice de l'être.
Mais la question ne sera pas de moindre intérêt pour
le simple amateur d'art, qui sur le plan d'une curiosité
beaucoup moins hautaine, beaucoup plus concrète, s'in-
téresse à comparer (en quelque sorte anatomiquement)
le rythme d'une phrase et la courbe d'une arabesque,
l'harmonie des couleurs d'un tableau ou d'une broderie,
et les accords qu'on peut frapper sur le piano, sans
compter les modifications qu'il faudra faire subir à un
dessin pour en tirer l'idée d'un tableau, d'une statuette,
d'un décor céramique ou d'attitudes pour un ballet.
Quant aux artistes eux-mêmes, le problème est loin
d'être pour eux sans attirance, sur un plan plus pratique.
Je n'en veux pour preuve que l'intérêt dont ils témoi-
gnent lorsqu'ils se rencontrent d'aventure (à quelque
École de Rome, à quelque Société d'Esthétique, ou par
hasard), peintres, avec des musiciens, poètes, avec des
sculpteurs, etc. Souvent ils s'interrogent alors curieu-
sement sur leurs techniques, non seulement pour
comprendre des démarches qui les surprennent un peu,
et pourtant qu'ils sentent fraternelles aux leurs, mais
encore dans l'espoir, soit de trouver ainsi des motifs
d'inspiration, soit d'obtenir des effets neufs par des
transpositions non encore tentées (destinées souvent à
rester secrètes), soit même de dérober quelque beau
secret technique en appliquant à leur art des règles
ignorées chez eux, mais ayant fait leurs preuves ailleurs.
Beaucoup de poètes ont trouvé des sujets d'inspiration,
soit aux salons de peinture, soit aux musées; beaucoup
de peintres se sont préoccupés de très près de la possi-
bilité d'appliquer des recettes musicales à l'harmonie
des couleurs; beaucoup de chorégraphes ont feuilleté
assidûment des recueils de gravures. Et si l'on doute de
la puissance de telles confrontations à les avancer dans
la connaissance profonde chacun de leur propre activité,
qu'on relise l'inoubliable entretien de Chopin et d'Eugène
Delacroix, au Journal de celui-ci (17 avril 1849).
Il faut pourtant se donner ici le juste sentiment de
la difficulté de la question.
Poésie, architecture, danse, musique, sculpture, pein-
ture, autant d'activités qui sans doute, profondément,
mystérieusement, communiquent ou communient. Mais
aussi, quelles différences ! Les unes s'adressent aux yeux,
les autres à l'oreille. Les unes dressent des monuments
solides, pesants, stables, matériels et palpables. Les
autres suscitent le ruissellement d'une substance quasi-
immatérielle, notes ou inflexions de la voix, actes, senti-
ments, images mentales. Les uns mettent en œuvre tel
ou tel morceau de pierre ou de toile, définitivement
consacrés à une certaine œuvre. Aux autres le corps
ou la voix humaine se prêtent un instant, pour se libérer
aussitôt et se consacrer à la présentation d'autres œuvres,
puis d'autres encore.
Comparons, par exemple, le musicien et le peintre
au travail.
Le musicien est assis à sa table, dans une chambre
silencieuse — le plus souvent la nuit, quand les bruits
extérieurs se sont tus. Il est visiblement tourné vers
les choses intérieures. On trouve en lui tous les signes
du labeur intellectuel. De temps en temps il va à son
piano, vérifie quelques accords, puis retourne à la table
où il écrit. Hors de chez lui, souvent nous le trouvons
absorbé en lui-même, ayant des tablettes où il note
au passage quelque idée.
Nous le rencontrons aussi, chose étrange, dans des
salles pleines de bruit — car de tout ce silence éclatent
des sons, qu'il portait en son âme — salles où des
hommes s'assemblent en grand nombre, les uns pour
entendre et jouir, les autres pour se livrer à des travaux
manuels. De ceux-ci, les uns scient du boyau de mouton,
le font ronfler comme un volant d'usine ou susurrer
comme l'aile d'un moustique ; d'autres font gémir ou
soupirer des tubes. Lui-même, une baguette en main,
dirige l'équipe de ces travailleurs, dont la tâche est de
donner une sorte de corporéité transitoire, une présence
sensible et labile aux idées de ses veilles. Ainsi son œuvre
tantôt réside dans son âme à la manière d'un songe,
tantôt se réalise en vibrations ordonnées, ébranlant
l'atmosphère d'une salle; puis s'évanouit et sommeille
dans l'embaumement graphique des partitions pour
ressusciter à nouveau dans des chambres où chante
un piano, dans des salles de concert, dans des studios
dispensateurs d'ondes, selon une sorte de cérémonie
théophanique dont il s'est contenté d'écrire le rituel.
Voyons à présent le peintre.
Dans son atelier, qu'éclaire un grand vitrage, il a
devant lui un spectacle soigneusement composé : une
femme à demi nue, des fleurs, une draperie. Et tout en
sifflotant, chantant, causant, écoutant la T.S.F. (car tous
les bruits passent pour ainsi dire au large de son œuvre,
sans interférer avec elle), il assène au modèle des regards
étranges, tendus, préhensifs. Puis d'un geste, ou fébrile,
ou méditatif, il picore sur sa palette, avec des brosses,
avec un couteau flexible, parfois avec son médius, des
pâtes oléagineuses et multicolores qu'il étale sur le
panneau de toile apprêtée et tendue. Tout à coup il
gémit : « erreur, erreur énorme ». En hâte il reprend
la touche avec un chiffon, ramène la teinte voisine,
modifie la couleur, et son visage à nouveau s'éclaire... :
« miraculeusement réparée! ». Et tandis qu'il continue,
ces pâtes constituent peu à peu un simulacre poly-
chrome, non identique mais comme parallèle au spectacle
qu'il s'est donné.
Simulacre stable, définitif. Le peintre a terminé sa
tâche. Il se recule en clignant des yeux, exprime sa
satisfaction par un calembour, nettoie sa palette, lave
ses mains, ôte sa blouse. Désormais la toile restera ce
qu'elle est; elle offrira aux yeux un spectacle inchangé.
Encadrée, elle ira dans des expositions, des musées,
des galeries, des salons. On en fera un objet de contem-
plation, de conversation, de commerce.
Cette œuvre, on l'embrasse d'un seul coup d'oeil :
elle peut dire tout son être dans l'intuition d'un instant.
Celle du musicien était successive, et ne se donnait
que déroulée, pour ainsi dire, en longueur de temps.
Celle-là était pour l'ouïe, celle-ci pour la vue. L'une,
comme dans un univers à part, ordonnait sans modèle
les éléments d'un être à quoi rien dans la nature ne
ressemble; être dont le visage, dont les évolutions, dont
la présence sont comme la transparence de réalités d'un
autre monde, un instant évoquées pour les seules âmes.
L'autre emprunte ses galbes aux spectacles quotidiens
du monde sensible, imite leurs apparences, leurs clartés
et leurs ombres, leurs couleurs, leurs contours.
Et pourtant, malgré tant de dissemblances, nous sen-
tons, nous savons — d'un savoir intuitif et presque
impossible à légitimer en détail — que ces deux activités
sont intimement sœurs (ne méritent-elles pas l'une et
l'autre le nom d'art?) et que leurs œuvres ont entre
elles de profondes et mystérieuses affinités.
Mais, ces affinités, on voit aussi quel effort il faudra
pour les atteindre, pour les faire apparaître. Se conten-
ter d'affirmer globalement cette parenté, cette corres-
pondance, c'est rester aux vestibules du problème.
Si l'on veut pénétrer jusqu'au cœur de chaque art,
saisir des correspondances capitales, des considéra-
tions dont les principes soient les mêmes dans les tech-
niques les plus diverses, ou qui sait ? découvrir des
lois de proportion ou des schèmes de structure aussi
bien valables dans la poésie que dans l'architecture
ou dans la peinture que dans la danse, il faudra insti-
tuer toute une discipline, forger des concepts nouveaux,
organiser un vocabulaire commun, peut-être inventer
des moyens d'exploration véritablement paradoxaux.
Car enfin, entre une cathédrale, un tableau, une sonate,
un ballet, comment comparer si l'on veut aller au fond
des choses ? Quel compas appliquer sur la sonate,
pour en reporter les proportions sur la cathédrale ?
Quelle règle donner en commun, au tailleur de pierres
ou au joueur de flûte?
L'architecture, disait Plotin, c'est ce qui reste de
l'édifice, la pierre ôtée. Rien de mieux. Mais par quelle
expérience ôter la pierre, et tout ce qui est d'elle; tout
en respectant, tout en faisant apparaître un reste ? La
seule méthode c'est de faire témoigner le son contre
la pierre, le corps mouvant contre la pâte huileuse,
l'argile contre les syllabes; de les mettre, les unes par
les autres, entre parenthèses; de donner aux arts ce
qui diffère, à l'art ce qui demeure. Ce qui demeure :
non un invariant grossier, mais l'acte, la loi des cor-
respondances. On évoque donc ici toute une disci-
pline, et véritablement scientifique (si toute recherche
du fait, laborieuse, désintéressée et méthodique, peut
être appelée scientifique). Nommons-la l'esthétique
comparée.
CHAPITRE III

DÉFINITION DE L'ESTHÉTIQUE COMPARÉE

On appellera ici esthétique comparée cette disci-


pline dont la base est de confronter entre elles les
œuvres, ainsi que les démarches, des différents arts
(tels que peinture, dessin, sculpture, architecture,
poésie, danse, musique, etc.).
CHAPITRE IV

ESTHÉTIQUE COMPARÉE
ET LITTÉRATURE COMPARÉE

La définition qu'on vient de lire est conforme à


un usage déjà fixé. C'est, par exemple, le sous-titre
commun d'une série d'ouvrages bien connus, dus à
G. L. Raymond (1), ouvrages auxquels pratiquement
nous n'aurons guère l'occasion de nous référer dans
les présentes recherches; mais que tous les esthéticiens
connaissent et qui suffisent, par priorité, à fixer le sens
de l'expression en question.
Toutefois le lecteur, à la vue de notre sous-titre,
a pu d'abord songer à quelque chose d'autre, par ana-
logie avec l'expression de littérature comparée. On
nomme ainsi, comme chacun sait, une discipline qui
consiste essentiellement à confronter des œuvres litté-
raires écrites en des langues différentes (par exemple,
français, anglais, espagnol, allemand...) et par consé-
quent référables à des groupes nationaux, ethniques
ou sociaux divers, à des civilisations, même à des époques
différentes.
Par analogie, on pourrait songer, sous le nom d'esthé-
tique comparée, à une confrontation des goûts, des
styles, des fonctions artistiques chez différents peuples,
ou à diverses époques historiques ou dans des groupes
sociaux distincts. On mettrait en parallèle, par exemple,

(1) Par exemple, 7 et dernier volume de la seris : George Lausing


Raymond. Proportion and Harmony of Line and Color in Painting, Sculp-
ture, and Architecture, an essay in Comparative Aesthetics ; New York, 1899
(2 éd. 1909).
l'art des primitifs et celui des civilisés, l'art oriental
et l'art occidental, l'art antique et l'art moderne, l'art
français et l'art anglais; etc. Études bien intéressantes,
qui peuvent introduire à l'esthétique générale par voie
d'induction, à partir de la variété des données histo-
riques groupées par nations, par époques, par niveaux
sociaux. La base de la comparaison (puisqu'il s'agit
de méthode comparative) serait non plus la division
de l'art en arts, mais la répartition diverse de ses réali-
sations dans leurs localisations concrètes. Ce sont là
deux conceptions, deux genres de travaux très diffé-
rents.
Il serait absurde et hors de propos de chercher lequel
des deux vaut mieux, ou lequel mérite le plus authen-
tiquement le nom d'esthétique comparée. L'un et
l'autre genre d'études est intéressant et précieux.
L'un et l'autre a sa place marquée dans l'ensemble
des travaux qui font le vaste domaine encore si mal
exploré (nous le disons à bon escient) de l'esthétique.
Mais il peut être utile de montrer que de ces deux
disciplines, celle à laquelle nous songeons ici est en
quelque sorte première, par rapport à la seconde;
et que l'analogie avec la littérature comparée n'est que
spécieuse.
Sans doute la littérature comparée confronte entre
elles des stylistiques, des modes de pensée, des lots
d'idées ou des modèles naturels (paysages et person-
nages) appartenant à des groupes nationaux et cultu-
rels très divers. Mais la prégnance et la solidité, mais
l'essence même de la comparaison y est fondée, moins
sur la diversité locale et sociale des données que l'on
confronte, que sur ce fait énorme, dominateur : leur
diversité linguistique. C'est elle qui sert de base. Elle
caractérise les groupements. Qui dit littérature latine
veut dire littérature écrite en latin : cela comprend
aussi bien le romain Caton, le mantouan Virgile, le
padouan Tite-Live, le gaulois Ausone, que le fran-
çais Santeuil. Et sans doute on peut subdiviser, opposer,
comparer les vers latins de langue morte ou de langue
vivante; parmi ceux-ci, ceux de l'époque classique
ou ceux de la décadence. Mais sous cette condition
qu'il s'agit toujours de l'usage d'une même langue.
Que si nous comparons Byron, Gœthe et Vigny; Poe
et Baudelaire, Virgile et Hugo, nous n'oublierons pas
que, par exemple, l'emprunt, le transfert littéral de
l'un à l'autre est impossible, l'imitation praticable au
prix seulement de cette première et importante trans-
position formelle, la traduction (1). C'est pourquoi,
chacune de ces littératures vivant pour ainsi dire sur
soi, formant un ensemble à peu près clos (sauf les lentes
endosmoses des influences globales, ou les courts-
circuits locaux de la traduction, qui suppose métamor-
phose formelle de l'idée), les différences ethniques
ou nationales y restent profondément marquées.
Qu'y a-t-il de pareil dans les autres arts? Les diffé-
rences ethniques ou nationales y sont peut-être aussi
profondes, stylistiquement, ou quant au lot d'idées,
de croyances exprimées, ou quant aux modèles. Mais
elles restent dans ce seul domaine; et les œuvres où
elles se traduisent parlent pour ainsi dire le même
langage. Les statues la Terre Mère de Sinding, qui
est norvégien, Elle et Lui, de Lindeman, qui est alle-
mand, ou les Joueuses de Balle de Zadkine, qui est
russe, sont toutes trois des statues. Un même langage :
la sculpture. Et au fait les différences ethniques entre
ces trois œuvres sont beaucoup moins importantes
que les différences d'époques, dues aux quelques dizaines
d'années qui les séparent. Elles traduisent l'évolution
d'un art unique. On les comparerait facilement aux
différences entre la Colline inspirée, Suzanne et le Paci-
fique et la Jeune Fille verte. De même Siegfried, Olaf
Trygvason ou Boris Godounoff sont écrits, non en alle-
mand, en norvégien ou en russe, mais dans une même
langue, qui est la musique. En cette langue, les emprunts
textuels sont aisés, praticables, et les imitations directes.
Haydn prend un thème à la chanson française, Beethoven
à la musique populaire russe, ou Chopin imite Field,
aussi facilement que Lamartine prend un hémistiche
à Thomas, ou que Valéry imite Mallarmé. De là vient
que le thème d'un quatuor de Beethoven se retrouve
identique dans un chœur de Moussorgsky.
(1) R e m i de G o u r m o n t , naguère, a f o r t e m e n t insisté sur l ' i m p o r t a n c e
et l'originalité littéraire de la traduction. Si, dit-il j u s t e m e n t (bien q u e
paradoxalement en apparence), je traduis littéralement en français u n e
expression d ' u n poète anglais, il est positif que p e r s o n n e avant m o i n ' a v a i t
encore assemblé ainsi ces m o t s français. Il a aussi insisté s u r l ' i m p o r t a n c e
d u rôle historique des traducteurs. Q u e l q u ' u n c o m m e L e T o u r n e u r (qui
est à peine m e n t i o n n é deux fois, en passant, dans la Littérature française
de G . Lanson) a exercé, c o m m e t r a d u c t e u r (ou adaptateur) de S h a k e s p e a r e
et d ' O s s i a n , u n e action de p r e m i è r e g r a n d e u r s u r les lettres françaises d u
-dernier tiers d u XVIII siècle.
Ne méconnaissons pas que de tels emprunts, sur-
tout quand ils s'exercent à travers de grandes distances
spatiales ou temporelles, peuvent laisser de côté d'impor-
tants éléments sociaux ou religieux, d'ailleurs souvent
purement conventionnels. Un sculpteur français médié-
val peut emprunter directement un thème ornemental
à l'art arabe, un céramiste rouennais du XVIII siècle,
un motif à l'art chinois, un décorateur parisien de
1925, une stylisation à l'art nègre. Il y a chance pour
que certaines valeurs se volatilisent dans l'opération.
Notre sculpteur médiéval a pris pour une simple ara-
besque une inscription orientale qu'il ne savait pas
lire, et proclamé sans le savoir, dans une église chré-
tienne, qu'Allah seul est Dieu. Notre céramiste ignore
qu'en Chine la chauve-souris est l'emblème du bonheur,
le canard mandarin celui du bonheur conjugal et le
champignon ly-che, celui de la longévité. Il peut croire,
par exemple évoquer la mélancolie crépusculaire ou
le principe satanique avec la chauve-souris. Notre
amateur d'art nègre viole les tabous les plus graves,
et fait du profane avec du sacré. Mais si le sociologue
peut s'émouvoir devant ces hérésies, l'artiste pur peut
exciper de son droit à prendre son bien où il le trouve,
et proclamer qu'en dépouillant de toute sa surcharge
conventionnelle le thème emprunté, il le considère
sous l'angle de l'art seul, et le saisit dans sa pureté
plastique. Le temps seul suffit parfois, dans un même
lieu, à ces dépouillements. La valse de Don Juan a
perdu, pour un moderne, le caractère social qui, pour
les contemporains de Mozart, la faisait paysanne,
en contraste avec l'aristocratique menuet avec laquelle
elle lutte en contrepoint. Mais que fait ce dépouille-
ment, sinon réduire la musique à son être musical?
L'essentiel est que, dans tous les cas, l'emprunt textuel
ou l'imitation artistique restent toujours possibles.
Si l'on voulait trouver la véritable analogie avec
les imitations d'une littérature à l'autre, il faudrait
chercher du côté des emprunts d'un art à l'autre.
Quand Hugo veut imiter (il l'a cherché expressé-
ment) l'effet du vers spondaïque de Virgile, il faut
qu'il invente en français une combinaison rythmique
très différente et tout à fait neuve, qui n'a qu'un rapport
de correspondance artistique avec l'original latin.
Exactement comme un musicien cherchant l'équiva-
lent artistique d'un fait poétique dont il s'inspire.
Certains arts s'imitent mutuellement plus aisément
que certains autres, comme des langues parentes —
comme on peut calquer mot à mot la traduction alle-
mande sur un original scandinave, mais non français.
Ainsi la musique peut se calquer souvent de très près
sur le poème, simplement en exagérant la déclamation
(comme fit Niedermeyer pour le Lac de Lamartine).
D'autres fois, plus subtilement, elle cherche une équi-
valence d'atmosphère esthétique, comme Duparc repen-
sant musicalement Baudelaire. Mais lorsque Lucrèce
s'inspire (dans les vers 31 à 40 du premier livre) d'une
statue; ou David dans plusieurs de ses tableaux, de
bas-reliefs antiques; ou Delacroix de poèmes, ou Hugo,
Gautier et Heredia de tableaux; ou Schumann (Kreis-
leriana) d'arabesques et de personnages découpés en
silhouettes, l'invention de correspondances est bien
comparable à une traduction.
Amusons-nous d'une curieuse généalogie.
Debussy a écrit la Fille aux cheveux de lin, en s'ins-
pirant d'un poème du même titre, de Leconte de Lisle.
Mais Leconte de Lisle, dans ce poème, traduisait
ou adaptait Robert Burns. Et Burns lui-même a fait
son poème, en prenant pour timbre un air populaire,
un reel écossais. Nous avons là tous les rapports qu'on
inventoriait plus haut. Or la musique de Debussy n'a
qu'une équivalence artistique globale avec le poème
de Leconte de Lisle, par une évocation très large,
très diffuse. Par contre, le poème de Burns plaque sur
la mélodie comme une robe légère plaque sur un corps
de femme, quand il fait du vent. Les formes trans-
paraissent. Rythme, compte de syllabes et de notes,
arabesque verbale ou mélodique, sont identiques.
Mais rien de pareil entre le poème français et le poème
écossais qu'il imite. Rythme, compte de syllabes, har-
monies des sonorités, sont absolument différents.
C'est là, peut-être, que la coupure est la plus forte.
La conclusion de tout cela est bien claire : la véri-
table, ou du moins la plus profonde, la plus curieuse
analogie entre l'esthétique comparée et la littérature
comparée n'est pas où on croyait la voir d'abord, sur
la foi d'une induction trop rapide. Les différents arts
sont comme des langues différentes, entre lesquelles l'imi-
tation exige traduction, repensement dans un maté-
riel expressif tout autre, invention d'effets artistiques
parallèles plutôt que littéralement semblables. Et les
différences ethniques, culturelles ou temporelles ne sont,
dans les arts plastiques ou la musique, que bien peu
de chose en regard. Comparables tout au plus à la
différence qu'on observerait, parmi les littératures
de langue française, entre un normand comme Flaubert,
ou un méridional comme Daudet; au plus, entre un
Français de nationalité, et un Suisse comme Cherbuliez,
ou des Belges comme Verhæren ou Mæterlinck (1).
Il y a plus.
Même la confrontation (en peinture ou en musique
— mais même en littérature) des styles selon les pays
ou les époques, et la recherche des caractères natio-
naux, n'est pas vraiment solide, n'est pas complète-
ment praticable si elle ne fait appel à la confrontation
des arts, si elle ne suppose premièrement résolus quel-
ques-uns des grands problèmes de l'esthétique compa-
rée, au sens adopté ici. Comment en douter? Si, par
exemple, nous pouvons dire qu'il existe une esthé-
tique allemande, un goût allemand, un style allemand,
distincts du style ou du goût français, c'est que nous
invoquons la possibilité de comparer entre elles la
Vénus de Lucas Cranach, les vieilles maisons d'Augs-
bourg ou de Hildesheim, le Zwinger de Dresde, la
Messiade de Klopstock, les statues de Klinger et le
Requiem de Brahms, etc. Nous mettons en cause une
variation différentielle caractérisant ces choses par
rapport à leurs équivalents français, italiens ou anglais.
Nous affirmons que toutes ces variations convergent
et se fondent en une essence stylistique commune,
qu'on puisse opposer à celle qui caractérisera un style
général français, ou italien, et ainsi de suite. Bref,
par un moyen tiré des observations régionales, nous
faisons de l'esthétique comparée, au sens d'une confron-
tation d'oeuvres appartenant à des espèces artistiques
différentes. Car comment confronter le Zwinger, la
Messiade ou le Requiem, si nous ne savons comment
on peut confronter un monument, un poème, une
œuvre musicale ?
De même, parler dans l'art français d'une certaine
(1) M ê m e là encore, les différences d ' é p o q u e et d'école l ' e m p o r t e n t sur
celles de nationalité. G. R o d e n b a c h est infiniment plus « fin de siècle »
(du X I X qu'il n ' e s t belge. O r ces différences-là, en peinture par exemple
(comparez Watteau, Boucher, Natoire, D a v i d ) concernent bien plus l'his-
toire de l'art que l'esthétique. E t de m ê m e c o m p a r e z Claude L o r r a i n ou
C u y p , L e N a i n ou Pieter de H o o c h .
B a u d e l a i r e a dit : L e s p a r f u m s , les c o u l e u r s
e t l e s s o n s s e r é p o n d e n t . P e u t - o n d i r e qu'il
e n e s t a u s s i ainsi e n t r e les d i v e r s e s œ u v r e s
d'art ? Entre une cathédrale et une sym-
phonie, un t a b l e a u et un p o è m e , une s t a t u e
e t u n film, q u e l l e s p e u v e n t ê t r e l e s s t r u c -
t u r e s c o m m u n e s , les affinités e t les opposi-
t i o n s ? C o m m e n t la f o r c e c r é a t r i c e u n i q u e -
l'art - d o n t p r o c è d e n t t o u t e s c e s oeuvres
s e diversifie-t-elle en s ' e x p r i m a n t d a n s c e s
l a n g a g e s a r t i s t i q u e s si d i v e r s ? J u s q u ' à
quel point r e s t e - t - e l l e p o u r t a n t semblable
à elle-même d a n s t o u s s e s domaines d'ac-
tion ? C h e r c h e r cela, c ' e s t l'objet d e l'esthé-
t i q u e c o m p a r é e , d o n t la m é t h o d e e s t d e
trouver des notations comparables pour
t o u t e s les s t r u c t u r e s a r t i s t i q u e s .
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès
par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement
sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012
relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au
sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.
Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire
qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections


de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*
La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original,
qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia
‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒
dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

Vous aimerez peut-être aussi