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LES AFRICAINS DE LA BIBLE

AU-DELÀ DU MYTHE DE LA MALÉDICTION DE CHAM

Patrick A. Etoughé, PhD & Sossah Laurisse, PhD

Biblical Studies productions


Copyright © 2020 Etoughé Anani Patrick

Patrick Anani Etoughe/Biblical Studies Productions


University of the Southern Caribbean
P.O. Box 175, Port Of Spain, Trinidad
Blog : https://biblicalstudies-aletudedelabible.blogspot.com/

« Le Code de la propriété intellectuelle n’autorise que les copies


ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste
et non destinées à une utilisation collective (article L. 122 – 5) ; il
autorise également les courtes citations effectuées dans un but
d’exemple ou d’illustration. »

Mise en page © 2020 Patrick Anani Etoughé


Photo de couverture : 1ere de couverture : Statue de Metjetji, env. 2371-
2288 av. J.-C., 27, 9 pouce (70.866 cm) Musée de Brooklyn, Charles Edwin Wil-
bour Fund, 53.222. 4e de couverture : Toutankhamon, découvert sous les
lits funéraires, ce buste en bois stuqué et peint était sans doute un man-
nequin destiné à recevoir les robes et les colliers du souverain. Une
effigie grandeur nature qui est probablement la plus fidèle aux traits de
Toutankhamon (Le Caire, Musée Stèle de la restauration).
Les Africains de la Bible/Patrick Anani Etoughé — 1re éd.
ISBN : 9798620331512
hw"an"w > ynIa] hr"Axv.
« Noire, suis-je, mais belle » Cantiques des can-
tiques
Abréviations

Adv. Haer Irenaeus, Against All Heresies


ABD David Noel Freedman (ed.), The Anchor
Bible Dictionary (New York : Doubleday,
1992)
ANET James B. Pritchard (ed.), Ancient Near
Eastern Texts Relating to the Old Testament
(Princeton : Princeton University Press,
1950)
BA Biblical Archaeologist
BSac Bibliotheca Sacra
BDAG Bauer, W., F. W. Danker, W. F. Arndt,
and F. W. Gingrich. Greek-English Lexicon
of the New Testament and Other Early Chris-
tian Literature. 3d ed. Chicago, 1999
BFC en français courant, édition révisée. n.p. :
Société biblique française, 1997. Bible-
Works, v.9.
BDB Francis Brown, S.R. Driver and Charles A.
Briggs, A Hebrew and English Lexicon of the
Old Testament (Oxford : Clarendon Press,
1907)
JANES The Journal of the Ancient Near Eastern
Society
DRB Darby, John Nelson. The Holy Scriptures :
A New Translation from the Original Lan-
guages (1884/1890). Ontario, Canada :
Online Bible Foundation, 1997. Bible-
Works, v.9.
NEG Nouvelle Edition de Genève (NEG). n.p. :
Societe Biblique de Genève, 1975. Bible-
Works, v.9.
KBL L. Koehler and W. Baumgartner, Lexicon
1
in Veteris Testamenti Libros. Leiden, 1953,
2 3
1958, 1967 – 96
SDABC Nichol, Francis D., ed. The Seventh-Day
Adventist Bible Commentary. Vol. 7. Review
and Herald Publishing Association, 1980.
SVT Supplements to Vetus Testamentum
TDOT Theological Dictionary of the Old Testa-
ment. Grand Rapids, MI ; Cambridge, U.K. :
William B. Eerdmans Publishing Company,
1977 – 2012.
Table des matières

Abréviations _______________________ iv
Table des matières___________________vii
Introduction ________________________ 1
Afrocentrisme et Eurocentrisme _______ 11
Idéologie et histoire _______________ 11
L'apport de Cheikh Anta Diop _______ 14
L’Afrocentricité et les religions ______ 19
Aspects positifs de l’Afrocentricité ___ 27
Critique de l’Afrocentricité _________ 29
Eurocentrisme et les noirs __________ 35
L’impact des intérprétations ________ 37
Colonisation et reconnaissance ______ 40
La question postcoloniale en débat ___ 44
La malédiction de Cham ______________ 47
Noé et dans son vin _______________ 48
La conception de la malédiction _____ 59
La malédiction de Cham dans l’histoire __ 65
Catégorisation des être humains _____ 71
Transformation étiologique _________ 73
L’Afrique dans la Bible _______________ 87
L’Afrique vu par les autres _________ 88
Premiers habitants de Canaan ______ 95
Parallèles missiologiques __________ 99
L’héritage du père Engelbert Mveng 102
Khem : Noir ou chaud ? _____________ 109
Jeu d’étymologie ________________ 109
Afrique ancienne _______________ 116
La femme Cushite de Moïse __________ 121
La reine de Saba (Xème siècle av. J.-C.) 135
Introduction ___________________ 137
Les traditions de la reine de Saba ___ 144
Saba dans la Bible _______________ 147
Conclusion ____________________ 157
Simon de Cyrène __________________ 159
L’Eunuque Éthiopien _______________ 165
Conclusion _______________________ 179
Bibliographie _____________________ 183
Introduction

Plusieurs pensent que l’Afrique et les Afri-


cains à dessein ont été présentés sous un
aspect désavantageux afin de cacher les
grandes qualités des peuples noirs du conti-
nent africain. Comme on le sait, les armateurs
esclavagistes évoquèrent la malédiction de
Cham, le fils de Noé en tant qu’ancêtre des
peuples noirs pour justifier leur sinistre be-
sogne. Il n’est pas inutile de rappeler que la
couleur de peau noire a été, même en terre
chrétienne, synonyme de diabolique. En
Afrique du Sud, on enseigne encore jusqu’aux
années 1990 dans certaines écoles que les
Noirs sont inférieurs aux Blancs, simplement,
en vertu de la malédiction de Cham !
Parlant d’une possible condamnation des
Africains en perpétuelle servitude, Mongo Beti
s’insurge contre la manipulation de la peau
noire lorsqu’il dit que : « Dans l’esprit de tous
les enfants du monde, pour peu qu’ils fussent
allés à l’école ou au cinéma, l’homme noir,
c’était celui sur lequel chacun cogne, celui que
chacun piétine ou gifle, celui que chacun pour-
chasse et massacre, celui que chacun spolie,
livre à la risée des foules imbéciles, celui que
chacun dupe ou pousse vers une église comme
bétail à l’abattoir - c’était la victime désignée
de toute éternité et pour toujours.
Selon la Bible, c’est-à-dire selon, l’idéologie
dominante judéo-chrétienne, c’était le fils de
Cham, l’homme maudit, la bête de figure
2 LES AFRICAINS DE LA BIBLE

humaine ou plutôt l’être humain de figure bes-


tiale, paresseux, fornicateur impénitent,
serviteur inintelligent, etc. C’était celui sur qui
chacun pouvait impunément projeter sa
propre abjection. »1 Il est si facile de tromper
Bible en main, mais il est encore plus facile au
vu des conséquences, d’y croire. Par exemple,
Edward Marbury utilise la référence à la malé-
diction de Cham pour appuyer l’autorisation
divine d’affliger le peuple de Cushan. Mais y a-
t-il dans la Bible une telle permissivité ? Il y a
peu dans le texte de Genèse ou Habakuk qui
étayerait cette thèse. Il considère la notion de
tentes, suggérant qu’il s’agissait d’images de
préparation militaire. Pourtant, il ne tient ja-
mais compte du fait qu’il y avait des pasteurs
migrateurs madianites qui, bien qu’ils habitas-
sent dans les villes, passaient également une
partie importante de leur vie dans des tentes
pendant qu’ils s’occupaient de leurs troupeaux.
En fait, la malédiction de Cham n’est pas utili-
sée de cette manière dans la Bible hébraïque.2
L’Africain et les Africains ont tellement été
marginalisés et cela ne s’arrête pas puisque la
marginalisation semble, au regard de certaines
interprétations, et a priori, divine. L’acception
générale est que le rôle qu’a joué l’Afrique dans

1
Mongo Beti, « De la violence de l’impérialisme
au Chaos rampant, » Peuples noirs peuple Africains
no. 2 (1978) :11.
2
Edward Marbury, Obadiah and Habakuk (Ann
Arbor: Sovereign Grace, 1960), 626; George E.
Mendenhall, “Midian,” in ABD 4:815–18.
Introduction 3

la Bible est plus ou moins insignifiant qu’il n’y


a rien à dire.
Tandis que pour les afrocentristes, presque
toute la Bible est au sujet des Africains. Le
mythe idéologique qui a légitimé pendant si
longtemps l’infériorité des Africains voir,
même que les Africains n’appartiennent pas à
l’espèce humaine. Centrale à cette approche
était l’herméneutique rationalisée au plus haut
point de la doctrine qui sous-tendait l’infério-
rité des noirs de la malédiction de Cham dans
Genèse 9: 25. Cette malédiction n’a pas non
seulement légitimé l’esclavage en général, mais
aussi a encouragé la suprématie blanche pour
justifier ceux qui sont en faveur de la supréma-
tie blanche en particulier. Ainsi, Cham a été
utilisé comme la progéniture de la race noire et
liait pour ainsi dire la malédiction prononcée
contre son fils aux Africains. Chaque fois que
la suprématie blanche était liée aux noirs, elle
pensait le faire avec la bénédiction de Dieu, il
était en tant que race, l’acte judiciaire divin.
Cela est un des plus clairs exemples de la fa-
çon où comment des personnes peuvent lire
dans un texte, ce qu’ils veulent. Comment des
gens ont lu la malédiction de Canaan comme
étant la malédiction de Cham, comme se réfé-
rant aux gens de race noire de l’Afrique ?
Genèse 9: 18-26 est le texte où l’idéologie eu-
rocentrisme est visible quant aux
conséquences de l’esclavage. Comment aussi
décider sur certains faits : la femme de Moïse
était-elle africaine ? La reine de Saba, on a tôt
fait de la voir de l’autre côté du continent
d’Arabie, en dehors de l’Afrique. Ce que
4 LES AFRICAINS DE LA BIBLE

plusieurs interprètent africains rétorque que


ce n’est pas vrai. Dans ce livre, nous allons au-
tant que faire se peut, en essayant d’être moins
partisans, sans trop de biais nous efforcer de
racheter l’Afrique dans la Bible. Le rachat dans
les deux sens, des Africains eux-mêmes contre
la supposée race blanche, est le dessein de ce
livre. Car l’Évangile est pour « toute langue,
tout peuple, toute tribu et toute nation. »
(Apoc 5 : 9 ; 14 : 6)
Dans ce livre, nous voulons essayer de don-
ner au lecteur l’ancienne connaissance
mentionnée dans le texte de la Bible concer-
nant l’Afrique. Lorsque les anciens peuples de
l’Occident parlaient de l’Afrique, de quelles ré-
gions parlaient-ils ? Quelle était la
préoccupation d’Israël dans l’Ancien Testa-
ment et dans le Nouveau Testament ? Jésus lui-
même reçut l’hospitalité dans le continent afri-
cain (Matt 2 : 13 ss).3 L’implantation juive en
Égypte et en Cyrène a été mentionnée dans le
Nouveau Testament. Nous allons partir de
l’histoire de Noé et procéder sur toutes les
mentions possibles d’une histoire d’un carac-
tère important lié à l’Afrique pour racheter les
dommages causés par l’interprétation parti-
sane. La question la plus débattue est aussi
celle de la femme de Moïse, « la Cuschite, »

3
Wood, D. R. W. and I. Howard Marshall. New
Bible Dictionary. 3rd ed. Leicester, England; Down-
ers Grove, Ill.: InterVarsity Press, 1996, 17.
Introduction 5

était-elle africaine de Cush (Égypte) ou de


Cush (an) un ancien terme pour Madian du Le-
vantin ? En d’autres termes, le livre popularise
que l’Afrique a joué une place dans le corpus
de la Bible, peut-être pas aussi grand que le pré-
tendent les afrocentristes, mais un peu plus
significatif que les perspectives eurocentristes.
En effet, L’Afrique et les Africains évaluent
les recherches historiques récentes et l’archéo-
logie en cours en Égypte, en Afrique du Nord,
au Soudan et dans la corne de l’Afrique pour y
voir le rôle joué par la race noire. Alors que de
nombreux chercheurs européens et améri-
cains des générations précédentes pensaient
que les contacts des Égyptiens avec l’Afrique
plus au sud n’étaient pas culturellement signi-
ficatifs, les recherches contenues dans cette
importante collection rejettent de telles no-
tions. Dans le même temps, le livre conteste les
conclusions extrêmes des savants afrocen-
tristes qui soutiennent que la plupart des
Égyptiens étaient que « noirs » durant toutes
les époques et que les noirs sont les héritiers
légitimes de la grandeur passée de l’Égypte.
Ces dix tentatives de réflexion démontrent
que cette grande région était une mosaïque
ethnique et culturelle dans l’Antiquité, un en-
droit où les Phéniciens, les Berbères, les Grecs,
ainsi que les Égyptiens et les Nubiens interagis-
saient.
Ce livre est d’abord une ambition et un essai
depuis plusieurs années d’avoir un livre scien-
tifique disponible qui trace la présence
africaine dans l’Antiquité en général, mais dans
la Bible en particulier. Qu’est-ce que la Bible a
6 LES AFRICAINS DE LA BIBLE

à dire concernant la culture africaine antique ?


Quelle était la relation avec la porte de
l’Afrique l’Égypte et le reste du continent ?
L’intérêt de ce livre est d’utiliser autant que
faire se fait la littérature et les découvertes ar-
chéologiques existantes qui mentionnent les
lieux connus comme situés en Afrique et par
l’examen d’une exégèse des textes de la Bible,
pour donner les implications sur les données.
Le chapitre I présente l’idéologie en pré-
sence l’afrocentrisme et l’eurocentrisme qui
influencent plus ou moins les recherches dans
deux directions opposées. Le chapitre II pré-
sente de la malédiction de Noé sur Canaan, qui
a pourtant été lu comme sur les noirs
d’Afrique. Dans un sens, même aujourd’hui,
elle influence des millions d’Africains que l’on
continue de croire maudits, et qui malheureu-
sement se comportent parfois comme tel. Le
chapitre III continue la malédiction de Cham
dans l’histoire brosse un peu l’analyse suc-
cincte de l’impact qu’a eu la légende de la
malédiction de Cham dans l’histoire. Le cha-
pitre IV est au sujet de L’Afrique dans la Bible
essayer de voir et de comprendre l’acceptation
du continent africain et de son peuple au vu du
peuple de la Bible. Dans le chapitre V : La ra-
cine Kheme : Noir ou chaud ? Est revisitée
quant à son étymologie comme le défende les
khémites. Le chapitre VI discute de l’identité
de la Femme de Moïse, afin de savoir si elle
était africaine ou caucasienne. Ensuite, le cha-
pitre VII s’intéressera à la reine de Saba, dans
ce chapitre le livre défendra une position mi-
noritaire et essaiera de prouver qu’elle est
Introduction 7

issue d’Afrique du Nord. En fait, la reine de


Saba parle de la visite d’une reine qui visita Sa-
lomon (1 Rois 10).
C’est La Défense de la localisation en
Afrique comme patrie de cette reine mysté-
rieuse que presque tous voient ailleurs que
dans le continent. Ensuite, les cas du Nouveau
Testament, notamment au chapitre VIII : Parle
de l’Afrique représentée par Simon de Cyrène
à la croix. Dans ce sujet de Simon de Cyrène
qui porta la croix de Jésus, est-ce une vue de
l’Esprit qu’il était un noir d’Afrique, mais plu-
tôt grec par conséquent, ce livre ne se veut pas
du tout polémique, mais prend position en fa-
veur de l’Afrique, néanmoins, dans un esprit
de soumission à la vérité. Et finalement, le cha-
pitre IX est celui de l’eunuque éthiopien,
ministre de Candace qui le livre défendra une
origine africaine et ceci contre l’érudition eu-
ropéenne qui pense qu’il ne provenait pas de
l’Afrique, notamment de l’Éthiopien.
Dans ce livre, je ne cherche pas à faire pas-
ser l’Afrique dans le texte de la Bible, mais
simplement l’y remettre lorsqu’il a été alourdi,
caché par l’interprétation eurocentrique ou in-
troduit par une exégèse réactive. L’auteur de
ce livre ne cherche pas à faire de la contre-
bande ou d’élever l’Afrique dans la Bible. La
vérité honnête est que déjà les gens de l’ancien
Israël ont reconnu l’Afrique et l’Afrique éle-
vée. La Bible est cohérente sur l’Afrique.
L’Afrique est mentionnée dans chaque volet de
la littérature biblique. L’ancien Israël faisait
confiance à l’Afrique et en dépendait. Dieu a
rendu possibles pour l’Afrique et les Africains
8 LES AFRICAINS DE LA BIBLE

à participer au drame biblique de rachat. Nous


partageons le livre de David Adamo, lorsqu’il
dit :

La négligence actuelle de la présence afri-


caine dans la Bible ne rend pas service aux
Africains et à la diaspora africaine du
monde entier. L’identité du peuple noir est
cachée. Il y a une différence entre les notes
de bas de page et le vrai texte biblique. J’at-
tends avec impatience le jour où un comité
de traducteurs africains sortira hardiment
pour retraduire la Bible afin qu’elle reflète
la présence de l’Afrique et des Africains. Je
crois que cela signifiera une nouvelle jour-
née pour l’Afrique et pour les Noirs du
monde entier.4

Importance de ce rachat de l’image de


l’Afrique dans la Bible n’est pas à démontrer.
C’est comme une fortune cachée dans une
ceinture, où, en cherchant bien, on y découvre
un assez bon nombre de pièces d’or. Quoique
le texte de la Bible ne soit pas en défaut ni d’ail-
leurs la tradition judéo-chrétienne. Ceux qui
ont depuis des siècles ont fait en sorte que l’on
ne s’aperçoit pas l’importance de l’Afrique
dans la Bible, ont mis la Parole de Dieu sur le

4
David Adamo, « The Images of Cush in the Old
Testament: Reflections on African Hermeneutics, »
in Interpreting the Old Testament in Africa, ed. Mary
Getiu (New York : Peter Lang, 2001), 73.
Introduction 9

banc des accusés. La Bible n’est pas en elle-


même porteuse de racisme antinoir, pour cer-
tains. Aucune race n’est épargnée par la Bible,
car « tous ont péché et sont privés de la gloire
de Dieu » (Romains 3 : 23).
CHAPITRE I

Afrocentrisme
et Eurocentrisme

Idéologie et histoire
L’afrocentrisme ou l’afrocentricité5 est la
conception théorique dominante parmi les
Afro-Américains d’abord, qui cherchent à
mettre en avant l’identité particulière et les ap-
ports des cultures africaines par apport à
l’histoire occidentale qu’il trouve tronqué. Les
afrocentristes soutiennent que la communauté
scientifique occidentale sous-estime les civili-
sations africaines, voire serait partie prenante,
consciemment ou non d’un complot visant à
masquer les apports africains à l’histoire.6
Dans la communauté scientifique, les tra-
vaux et écrits des auteurs se réclamant de
l’afrocentrisme sont généralement considérés
comme relevant d’un discours militant et

5
Asante Kete Molefi, The Afrocentric Idea
(Temple University Press, 1998). En général, les
principaux auteurs du courant de pensée
afrocentriste préfèrent le terme d'« afrocentricité »
à celui d'« afrocentrisme ».
6
Fauvelle-Aymar et François Xavier, La
mémoire aux enchères (Paris : Verdier, 2009), 23.
12 LES AFRICAINS DE LA BIBLE

d’une « réécriture engagée de l’histoire. »7


L’afrocentricité est un paradigme basé sur
l’idée que les Africains devraient réaffirmer
leur sens de l’action pour atteindre la raison.
Au cours des années 1960, un groupe d’intel-
lectuels afro-américains des nouveaux
départements d’études noires des universités
ont commencé à formuler de nouvelles façons
d’analyser l’information. Dans certains cas, ces
nouvelles méthodes étaient appelées à exami-
ner les informations dans une « perspective
noire, » par opposition à ce qui avait été consi-
déré comme la « perspective blanche » de la
plupart des informations dans l’académie amé-
ricaine.
Par exemple, Molefi Asante croit que le mal
causé par la mauvaise éducation eurocentriste
dans laquelle le noir accepte d’être inférieur et
la race blanche supérieure a fait beaucoup de
dommage à l’Africain en général. Et pour répa-
rer ce dommage, il faut redonner à l’Africain sa
place dans l’histoire comme africaine. Ainsi,
l’afrocentrisme devient une tentative africaine
par les Africains eux-mêmes dans le continent
d’Afrique et de ceux de la diaspora, qui pen-
sent qu’un peuple doit déterminer son statut
international, politique, administratif, histo-
rique et épistémologique, culturel, politique,
économique, etc. par rapport à l'« occidentali-
sation » du monde : des manières de penser,

7
Martin Bernal, Black Athena: the Afroasiatic
roots of classical civilization (New Brunswick, N.J:
Rutgers University Press, 1987), 17-19.
Afrocentrisme et Eurocentrisme 13

d’être et d’agir.
Asante définit l’afrocentricité comme « la
croyance en la position centrale des Africains
dans l’histoire postmoderne. »8 Son message
pour les Africains est que l’afrocentricité,
« c’est notre histoire, notre mythologie, notre
motif créatif, et notre éthos, le reflet de notre
volonté collective. » Pour lui,
« L’afrocentricité et la volonté collective sont
une. »9 L’afrocentricité apparaît donc comme
l’impératif cognitif collectif du peuple afri-
cain ; dans ce sens, il est lié à l’épistémologie et
à la capacité d’acquérir des connaissances pour
expliquer le monde. Cet impératif cognitif est
défini comme « l’irrésistible force d’un groupe
d’individus dont la pensée va dans le même
sens… l’engagement spirituel et intellectuel to-
tal vis-à-vis d’une certaine vision. »10
Contre l’usage abusif du concept, Asante
écarte en outre l’amalgame qu’il pourrait avoir
entre ce concept et la couleur de la peau. Pour
lui, « l’afrocentricité n’est que superficielle-
ment liée à la couleur de la peau, c’est plus
précisément une perspective philosophique
déterminée par l’Histoire. »11 La seule couleur
de la peau ne qualifie donc pas un afrocen-
triste, car il ne suffit évidemment donc pas

8
Molefi Kete Asante et Ama Mazama,
L’afrocentricité (Paris: Menaibuc, 2003), 18.
9
Ibid., 92.
10
Ibid., 101.
11
Ibid., 59.

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