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C'est dans cet ouvrage que Walter Benjamin développe sa thèse sur la
déperdition de l'aura. À l'inverse des icônes qu'on voyait, par exemple, dans les
églises orthodoxes, où l'emplacement et la vibration de l'œuvre étaient uniques,
propres à une communication mystique, les techniques de reproduction de
masse, notamment l'imprimerie et la photographie, ont contribué à la déperdition
de l'aura propre d'une œuvre unique, désincarnée par sa reproductibilité et sa
déclinaison dans d'infinis sous-modèles. Désolidarisé des valeurs de culte
véhiculées par la classe dirigeante, l'art perd ainsi son autonomie originelle.
Dans son ouvrage Benjamin propose également une analyse de l'image
cinématographique, ainsi qu'une réflexion sur la dimension politique et sociale de
l'art à l'époque de la reproductibilité technique.
Cette thèse a été remise au goût du jour notamment à travers la critique d'art
contemporain, à la fin des années 1990, qui y voyait une prémonition du
changement de statut de l'œuvre d'art. Dès le début du XXe siècle, avec
le dadaïsme notamment, des œuvres éphémères et iconoclastes ont modifié la
perception et le statut de l'œuvre d'art, dépouillé des ornements classiques
conférant aux œuvres d'art un statut sacré à travers leur beauté platonicienne et
leur immuabilité. Le Pop Art a consacré la sérialisation industrielle d'artefacts,
sans intervention nécessaire de l'artiste ; cette désincarnation de l'œuvre d'art a
contribué par la suite à l'émergence de la performance, forme d'expression
« authentique » douée d'une aura psychique quoique momentanée.
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La reproduction technique et ses conséquences sur l'art
Pour Benjamin, l'art est par nature reproductible, cette constatation l'amène à
réfléchir sur le rôle et la place que les moyens de reproduction occupent dans le
champ artistique: les techniques de reproduction modifient la réception des
œuvres passées, mais surtout ces nouvelles techniques s'imposent comme des
nouvelles formes d'art.
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L'aura disparaît avec la reproduction technique, mais c'est en même temps
l'apparition de celle-ci qui en montre l'absence, qui la révèle; c'est ce que
souligne Bruno Tackels : « L'aura n'existe pas avant la reproduction, qui en serait
comme le moment de destruction. L'aura ne prend véritablement forme...que
dans son épuisement, généré par l'essor inéluctable des techniques de
reproduction. C'est au moment où le reproductible envahit le champ
anciennement habité par l'aura, c'est au moment de sa destruction radicale que
l'aura peut apparaître et devenir visible pour l'œil moderne. »
Benjamin n'est pas nostalgique du déclin de l'aura, pour lui, cette perte est même
à l'origine de la création de l'œuvre d'art. Les œuvres s'appuyant encore sur
cette notion d'aura sont en fait liées au fascisme ou à tout autre domination qui
provoque une esthétisation de la vie politique. L'idée de Benjamin est que, de
tout temps, l'art n'avait en fait jamais été autonome et qu'il était sous l'emprise de
valeurs extérieures comme la religion ; l'aura de l'œuvre d'art n'a, en fait, jamais
existé et n'est que « l'intrusion d'un pouvoir exogène décidé à pénétrer le champ
de l'art pour mieux assujettir le monde ». La perte de l'aura ne signifie pas la
disparition de l'œuvre d'art mais au contraire son existence véritable.
Mais, dès lors, avec cette théorie développée par Benjamin, on peut se
demander si l'appropriation de l'art par les masses ne conduit pas à transformer
l'œuvre d'art en marchandise et à la fétichiser ? D'ailleurs, pour le
philosophe Theodor Adorno, ces nouvelles formes artistiques libèrent certes
l'œuvre d'art de son emprise politique et religieuse, mais l'utilisation que la
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masse fait de l'art entraîne en même temps la fin de celui-ci par un processus de
marchandisation.
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