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Et chante en grelottant
Hänsel et Gretel est d’abord l’histoire de deux enfants, un frère et une sœur.
C’est aussi un conte des frères Grimm, que tout le monde de près ou de loin a sans
doute croisé, petit sans doute ou plus tard.
Il y a un peu plus de 100 ans, deux autres frère et soeur ont, eux aussi, rêvé
sur ce conte et ont composé l’opéra Hänsel und Gretel: le frère, Engelbert
Humperdinck en a composé la musique et sa soeur, Adelheid Wette, a écrit le livret.
Ils prennent des libertés très belles quant à la version des frères Grimm,
particulièrement sombre. En inventant notamment de nouveaux personnages, tels
que le marchand de sable ou la fée rosée. Une dernière inspiration vient compléter
cette base autour de Hänsel et Gretel: il s'agit du film Frère et sœur de Daniel Touati.
Ce documentaire est une immersion dans la relation complice et complexe de deux
enfants de 5 et 8 ans. Il y a quelque chose de fascinant dans la dynamique de cette
relation d’amour fraternel faite de solidarité et de rivalité. C’est ensemble que les
deux enfants découvrent le monde et s’interrogent sur les grandes questions de la
vie, découvrent la complexité d’être deux, alors que, jour après jour, leur univers
commun est éprouvé et enrichi par le temps qui passe.
Pour moi, Hansel et Gretel raconte le trajet de deux enfants sauvés par la
fiction. C’est leurs jeux, leur fantaisie, leurs rêveries communes qui leur donnent la
force de résister, que ce soit à la faim ou à la violence. Cela n’est en aucun cas une
lecture niaise ou paternaliste du monde de l’enfance. Il ne s’agit pas de dire qu’ils
oublient leur misère, mais d'expérimenter comment ils trouvent en eux des
ressources pour y faire face et rester maîtres de leurs choix. Pour moi une, si ce
n’est leur principale ressource, est la fiction.
Tout au long de la fable, ils abordent le réel par le biais du jeu. Dans le
premier tableau, échappant ainsi au contraignant travail imposé par leur mère, dans
le deuxième, s’inventant un univers magique dans la forêt, et enfin dans le troisième,
pour survivre, jouant la maladresse et la bêtise pour mieux piéger la sorcière. C’est
le recours au jeu qui leur donne un horizon, un espoir, une force dont ils ignoraient
peut-être l’existence. En d’autres mots ce n’est pas malgré l’adversité, mais à travers
l’adversité qu’ils inventent des mondes. Parce qu’ils grelottent, ils chantent.
D’abord, absolument, grâce aux acteurs. C’est eux qui seront au centre et
c’est grâce à eux, leur humour et leur fantaisie que cette traversée sera émouvante
et complexe. Il faudra trouver ce qui fait l’enfance. C'est-à-dire la capacité à plonger
dans l’histoire, à être tout à fait absorbé par ce que l’on traverse et qui va au-delà de
toute psychologie. Trouver dans le jeu des acteurs une incroyable capacité de
rebond et d’énergie, qui nous fera toucher celle d’un enfant.
HANSEL Un feu follet sautille bien de-ci de-là. Gretel, sois plus courageuse !
Attends, je vais crier bien fort : Qui Est là ?
LES VOIX Si ! Si !
On ne sait jamais tout à fait ce qui est réel ou fantasmé. Nous faisons le choix de
nous enfoncer plus avant avec eux, de le vivre tel que Hansel et Gretel le vivent.
Pour trouver le rapport au magique et au merveilleux, à la manière dont l’exprimait
Cervantes: faut-il le croire pour le voir ou le voir pour le croire?
Le texte
Tout se construit dans les yeux d’enfants, même ceux des adultes. Acteurs et
spectateurs. Il y a ce qu’on voit et ce qu’on croit voir.
Hansel et Gretel vivent de façon misérable et fabriquent des balais que vendent
leurs parents. Pour le premier tableau, un décor presque nu, il y aura peut-être un lit,
une chaise, une table; quelques éléments figurant un intérieur. On y trouvera surtout
une multitude de balais attendant d’être noués. Cet objet fétiche des sorcières est
bien entendu un marqueur important du conte et pour la suite du spectacle.
La pauvreté ne sera pas figurative, mais sensible dans l’inventivité et les jeux des
enfants, et ensuite dans les présences des parents. Ils arrivent de l’extérieur. C’est
leur présence qui permet de raconter le hors-champ.
Arthur Rimbaud