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HANSEL ET GRETEL

Et chante en grelottant

d'après le conte des frères grimm

un projet de Caroline Arrouas


Note d’intention
Chanter en grelottant

Hänsel et Gretel est d’abord l’histoire de deux enfants, un frère et une sœur.
C’est aussi un conte des frères Grimm, que tout le monde de près ou de loin a sans
doute croisé, petit sans doute ou plus tard.

Il y a un peu plus de 100 ans, deux autres frère et soeur ont, eux aussi, rêvé
sur ce conte et ont composé l’opéra Hänsel und Gretel: le frère, Engelbert
Humperdinck en a composé la musique et sa soeur, Adelheid Wette, a écrit le livret.
Ils prennent des libertés très belles quant à la version des frères Grimm,
particulièrement sombre. En inventant notamment de nouveaux personnages, tels
que le marchand de sable ou la fée rosée. Une dernière inspiration vient compléter
cette base autour de Hänsel et Gretel: il s'agit du film Frère et sœur de Daniel Touati.
Ce documentaire est une immersion dans la relation complice et complexe de deux
enfants de 5 et 8 ans. Il y a quelque chose de fascinant dans la dynamique de cette
relation d’amour fraternel faite de solidarité et de rivalité. C’est ensemble que les
deux enfants découvrent le monde et s’interrogent sur les grandes questions de la
vie, découvrent la complexité d’être deux, alors que, jour après jour, leur univers
commun est éprouvé et enrichi par le temps qui passe.

J’aimerais construire l’histoire de Hansel et Gretel en l’étoffant de toutes ces


sources.

Pour moi, Hansel et Gretel raconte le trajet de deux enfants sauvés par la
fiction. C’est leurs jeux, leur fantaisie, leurs rêveries communes qui leur donnent la
force de résister, que ce soit à la faim ou à la violence. Cela n’est en aucun cas une
lecture niaise ou paternaliste du monde de l’enfance. Il ne s’agit pas de dire qu’ils
oublient leur misère, mais d'expérimenter comment ils trouvent en eux des
ressources pour y faire face et rester maîtres de leurs choix. Pour moi une, si ce
n’est leur principale ressource, est la fiction.

Tout au long de la fable, ils abordent le réel par le biais du jeu. Dans le
premier tableau, échappant ainsi au contraignant travail imposé par leur mère, dans
le deuxième, s’inventant un univers magique dans la forêt, et enfin dans le troisième,
pour survivre, jouant la maladresse et la bêtise pour mieux piéger la sorcière. C’est
le recours au jeu qui leur donne un horizon, un espoir, une force dont ils ignoraient
peut-être l’existence. En d’autres mots ce n’est pas malgré l’adversité, mais à travers
l’adversité qu’ils inventent des mondes. Parce qu’ils grelottent, ils chantent.

C’est évidemment un moteur inouï pour une représentation de théâtre. C’est


grâce au jeu que Hansel et Gretel s’emparent du réel, et c’est ce choix fort que nous
voulons raconter avec les outils du théâtre.

D’abord, absolument, grâce aux acteurs. C’est eux qui seront au centre et
c’est grâce à eux, leur humour et leur fantaisie que cette traversée sera émouvante
et complexe. Il faudra trouver ce qui fait l’enfance. C'est-à-dire la capacité à plonger
dans l’histoire, à être tout à fait absorbé par ce que l’on traverse et qui va au-delà de
toute psychologie. Trouver dans le jeu des acteurs une incroyable capacité de
rebond et d’énergie, qui nous fera toucher celle d’un enfant.

Si les personnages avancent ainsi de jeu en jeu, les spectateurs aussi. Le


théâtre opérera également à l’endroit de l’immersion. Faire que le spectateur, qui
pourtant connaît le conte, ne soit pas en avance sur les personnages, mais vivent
leur péripéties avec les mêmes incertitudes. Pour aider à cela, nous chercherons à
créer de l'ambiguïté sur ce qui est traversé. Comme le chantent les enfants dans le
livret d’Adelheid Wette:

HANSEL Un feu follet sautille bien de-ci de-là. Gretel, sois plus courageuse !
Attends, je vais crier bien fort : Qui Est là ?

DES VOIX (au loin) Est Là ! Est là ! Est là ! Est là ! Là !

Effrayés, les enfants se blottissent l’un contre l’autre.

GRETEL Quelqu’un est ici ?

LES VOIX Si ! Si !

GRETEL (à voix basse) Tu as entendu ? ça a dit tout bas « Si ! » Hansel, il y a


sûrement quelqu’un tout près !

On ne sait jamais tout à fait ce qui est réel ou fantasmé. Nous faisons le choix de
nous enfoncer plus avant avec eux, de le vivre tel que Hansel et Gretel le vivent.
Pour trouver le rapport au magique et au merveilleux, à la manière dont l’exprimait
Cervantes: faut-il le croire pour le voir ou le voir pour le croire?
Le texte

Le texte se composera d’une “colonne vertébrale” empruntée au conte des frères


Grimm ainsi qu’au livret de Adelheid Wette, bien plus dialogué. A cela s'insèreront
des moments cherchés en improvisation, plus proches des comédiens et de nous,
pour permettre d’entrer dans l’intimité et la complexité de cette relation.
La trame connue existe pleinement, et doit avancer pour permettre la tension
dramatique. Mais cela ne doit pas empêcher des éclats de vie, d’humour, de
complicité et d’interprétation très singuliers. Aller au plus subjectif pour toucher là à
un intime qui sera d’autant plus universel.
L’espace

Tout se construit dans les yeux d’enfants, même ceux des adultes. Acteurs et
spectateurs. Il y a ce qu’on voit et ce qu’on croit voir.

Hansel et Gretel vivent de façon misérable et fabriquent des balais que vendent
leurs parents. Pour le premier tableau, un décor presque nu, il y aura peut-être un lit,
une chaise, une table; quelques éléments figurant un intérieur. On y trouvera surtout
une multitude de balais attendant d’être noués. Cet objet fétiche des sorcières est
bien entendu un marqueur important du conte et pour la suite du spectacle.
La pauvreté ne sera pas figurative, mais sensible dans l’inventivité et les jeux des
enfants, et ensuite dans les présences des parents. Ils arrivent de l’extérieur. C’est
leur présence qui permet de raconter le hors-champ.

Le deuxième tableau est celui du départ de la maison. C’est un univers de forêt et


de matières brutes. Nous chercherons à travailler avec peu de choses sur un
environnement tout d’abord inhospitalier et mystérieux. Un bois de balais. Cette
forêt, dont sont peuplés la plupart des contes, est l’incarnation du clair-obscur, de ce
qui est indécidable. Les enfants voient-ils un fantôme ou le contour d’un bouleau?
Comme par des fêlures apparaîtrait ensuite le merveilleux, quelque chose qui brille
par ci, quelque chose qui scintille au loin, pour finalement faire apparaître la maison
de nos rêves, couvertes de pain d’épices et de confiseries.
La forêt comme lieu de l'ambiguïté rend active l’écoute du spectateur et lui permet
de rester toujours connecté aux péripéties des enfants.
Plus ils s’enfoncent, plus ils coupent les ponts avec leurs repères, et plus
l’imaginaire se déploie et rend possible des mondes inconnus. Cette traversée
évoque également le passage initiatique de ceux qui quittent le monde de l’enfance.

Un élément merveilleux se dessine, un détail, un coin, un début de porte: c’est


l’apparition de la maison en pain d’épice, qui marque le passage au troisième
tableau. Il faut qu’elle soit à la hauteur des rêves d’enfants: aussi gourmande et
magnifique que les balais sont secs et rigides. Il faut qu’on ait envie de la croquer
entièrement et d’y entrer sans tarder. Il y aura des éléments comestibles.
La distribution

Il faudra 4 acteurs pour jouer:


Hansel, Gretel, la mère, le père
Les acteurs prenant en charge les rôles des parents seront aussi tour à tour: le
marchand de sable, la fée rosée, la sorcière .

J’aimerais proposer à quelques enfants de la région de participer à la dernière


scène, celle où l'on découvre des pains d’épices qui sont en fait des enfants
ensorcelés par la sorcière. Ils sont libérés grâce à Hänsel et Gretel et participent de
leur joie au final qui sera très festif. Ce sera un moment musical notamment, avec la
reprise en chœur d’un des airs de Humperdinck.
La chambre est pleine d'ombre ; on entend vaguement
De deux enfants le triste et doux chuchotement.
Leur front se penche, encore alourdi par le rêve,
Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève...
- Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux ;
Leur aile s'engourdit sous le ton gris des cieux ;
Et la nouvelle Année, à la suite brumeuse,
Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse,
Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant…

Arthur Rimbaud

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