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Trois auteurs anticonformistes

Boris Vian
Raymond Queneau
Jacques Prévert
La Pataphysique
C’est la science qui consiste en « la connaissance et
l’application des solutions imaginaires », en mettant
sur le même plan le réel et l’imaginaire.
Elle a été inventée par un écrivain du XIXème siècle,
Alfred Jarry et reprise par Boris Vian, Raymond
Queneau et Jaques Prévert dans les années 50 du
XXème siècle. Ces trois auteurs avaient tous le même
humour ravageur, la même audace et sens de la
provocation, et même intérêt pour le progrès .
L’Ecume des jours
Roman pataphysique par
excellence, publié en 1947 par
Boris Vian, il met en scène
des personnages qui évoluent
dans un univers poétique et
déroutant. Ses thèmes
centraux sont l’amour, la
maladie, la mort. Tout se
déroule dans un monde
imaginaire fantaisiste rêveur
et absurde où tout est
inversé.
Avant-propos de
« L’Ecume des jours »
http://flenet.rediris.es/textesaudio/EcumeJoursVT.m
p3
« J’ai essayé de raconter aux gens des
histoires qu’ils n’avaient jamais lues.
Connerie pure, double connerie : ils
n’aiment que ce qu’ils connaissent
déjà ; mais moi j’y prends pas plaisir, à
ce que je connais, en littérature. Au
fond, je me les racontais les histoires.
J’aurais aimé les lire dans les livres
d’autres. »

Boris Vian, Journal à rebrousse-poil


Bande Annonce L’Ecume des Jours
http://www.youtube.com/watch?v=Qg3ptUA9YsI
Film (2013) de Michel Gondry avec Romain Duris, Audrey
Tautou.
Synopsys: L’histoire surréelle et poétique d’un jeune
homme idéaliste et inventif, Colin, qui rencontre Chloé,
une jeune femme semblant être l’incarnation d’un blues de
Duke Ellington. Leur mariage idyllique tourne à
l’amertume quand Chloé tombe malade d’un nénuphar qui
grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, dans un
Paris fantasmatique, Colin doit travailler dans des
conditions de plus en plus absurdes, pendant qu’autour
d’eux leur appartement se dégrade et que leur groupe
d’amis, dont le talentueux Nicolas, et Chick, fanatique du
philosophe Jean-Sol Partre, se délite.
Un exemple de pataphysique
moderne
http://mindandmap.blogspot.it/2012/04/recueil-de-
pataphysique.html
Le Déserteur (1954)
http://culturebox.francetvinfo.fr/le-deserteur-de-
vian-le-destin-exceptionnel-dun-hymne-pacifiste-
149369
Joan Baez – le Déserteur
http://www.youtube.com/watch?v=EX3oHrUv5cg
L’OULIPO
Qu’est-ce que l’Oulipo ?
OULIPO  ? Qu’est ceci  ? Qu’est cela  ? Qu’est-ce
que OU  ? Qu’est-ce que LI  ? Qu’est-ce que PO  ?
OU c’est OUVROIR, un atelier. Pour fabriquer quoi  ? De
la LI.
LI c’est la littérature, ce qu’on lit et ce qu’on rature. Quelle
sorte de LI  ? La LIPO.
PO signifie potentiel. De la littérature en quantité illimitée,
potentiellement productible jusqu’à la fin des temps, en
quantités énormes, infinies pour toutes fins pratiques.
QUI  ? Autrement dit qui est responsable de cette
entreprise insensée  ? Raymond Queneau, dit RQ, un des
pères fondateurs, et François Le Lionnais, dit FLL, co-père
et compère fondateur, et premier président du groupe, son
Fraisident-Pondateur.
Que font les OULIPIENS, les membres de
l’OULIPO (Calvino, Perec, Marcel Duchamp, et autres,
mathématiciens et littérateurs, littérateurs-
mathématiciens, et mathématiciens-littérateurs)  ? Ils
travaillent.
Certes, mais à QUOI  ? A faire avancer la LIPO.
Certes, mais COMMENT  ?
En inventant des contraintes. Des contraintes nouvelles et
anciennes, difficiles et moins diiffficiles et trop diiffiiciiiles.
La Littérature Oulipienne est
une LITTERATURE SOUS CONTRAINTES.
Et un AUTEUR oulipien, c’est quoi  ? C’est « un rat qui
construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de
sortir ».
Un labyrinthe de quoi  ? De mots, de sons, de phrases, de
paragraphes, de chapitres, de livres, de bibliothèques, de
prose, de poésie, et tout ça…
Quelques contraintes oulipiennes
http://oulipo.net/contraintes
Exercices de style – R. Queneau
Notations
« Dans l'S, à une heure d'affluence. Un type dans les vingt-six
ans, chapeau mou avec cordon remplaçant le ruban, cou trop
long comme si on lui avait tiré dessus. Les gens descendent. Le
type en question s'irrite contre un voisin. Il lui reproche de le
bousculer chaque fois qu'il passe quelqu'un. Ton pleurnichard
qui se veut méchant. Comme il voit une place libre, se
précipite dessus.
Deux heures plus tard, je le rencontre cour de Rome, devant la
gare Saint- Lazare. Il est avec un camarade qui lui dit : "tu
devrais faire mettre un bouton supplémentaire à ton
pardessus."; il lui montre où (à l'échancrure) et pourquoi ».
Rétrograde

« Tu devrais ajouter un bouton à ton pardessus, lui


dit son ami. Je le rencontrai au milieu de la cour de
Rome, après l'avoir quitté se précipitant avec avidité
vers une place assise. Il venait de protester contre la
poussée d'un autre voyageur, qui, disait-il, le
bousculait chaque fois qu'il descendait quelqu'un. Ce
jeune homme décharné était porteur d'un chapeau
ridicule. Cela se passa sur la plate-forme d'un S
complet ce midi-là ».
Surprise
Ce que nous étions serrés sur cette plate-forme d’autobus !
Et ce que ce garçon pouvait avoir l’air bête et ridicule ! Et
que fait-il ? Ne le voilà-t-il pas qui se met à vouloir se
quereller avec un bonhomme qui – prétendait-il ! ce
damoiseau ! – le bousculait ! Et ensuite il ne trouve rien de
mieux à faire que d’aller vite occuper une place laissée
libre ! Au lieu de la laisser à une dame !
Deux heures après, devinez qui je rencontre devant la gare
Saint-Lazare ? Le même godelureau ! En train de se faire
donner des conseils vestimentaires ! Par un camarade !
À ne pas croire !

Rêve.
Il me semblait que tout fût brumeux et nacré autour de moi, avec des
présences multiples et indistinctes, parmi lesquelles cependant se
dessinait assez nettement la seule figure d'un homme jeune dont le cou
trop long semblait
annoncer déjà par lui-même le caractère à la fois lâche et rouspéteur du
personnage. Le ruban de son chapeau était remplacé par une ficelle
tressée. Il se disputait ensuite avec un individu que je ne voyais pas,
puis, comme pris de peur, il se jetait dans l'ombre d'un couloir.

Une autre partie du rêve me le montre marchant en plein soleil devant


la gare Saint-Lazare. Il est avec un compagnon qui lui dit : «tu devrais
faire ajouter un bouton à ton pardessus.»
L'arc-en-ciel.

Un jour, je me trouvai sur la plate-forme d'un autobus violet.


Il y avait là un jeune homme assez ridicule : cou indigo,
cordelière au chapeau. Tout d'un coup, il proteste contre un
monsieur bleu. Il lui reproche notamment, d'une voix
verte, de le bousculer chaque fois qu'il descend des gens.
Ceci dit, il se précipite, vers une place jaune, pour s'y asseoir.

Deux heures plus tard, je le rencontre devant une gare


orangée. Il est avec un ami qui lui conseille de faire ajouter
un bouton à son pardessus rouge.
Hésitations.

Je ne sais pas très bien où ça se passait… dans une église, une poubelle, un charnier ? Un
autobus peut-être ? Il y avait là… mais qu'est-ce qu'il y avait donc là ? Des œufs, des tapis,
des radis ? Des squelettes ? Oui, mais avec
encore leur chair autour, et vivants. Je crois bien que c'est ça. Des gens dans un autobus.
Mais il y en avait un (ou deux ?) qui se faisait remarquer, je ne sais plus très bien par quoi.
Par sa mégalomanie ? Par son adiposité ? Par sa
mélancolie ? Mieux… plus exactement… par sa jeunesse ornée d'un long… nez ? menton ?
pouce ? non : cou, et d'un chapeau étrange, étrange, étrange. Il se prit de querelle, oui c'est
ça, avec sans doute un autre voyageur (homme ou femme ? enfant ou vieillard ?) Cela se
termina, cela finit bien par se terminer d'une façon quelconque, probablement par la fuite
de l'un des deux adversaires.

Je crois bien que c'est le même personnage que je rencontrai, mais où ? Devant une église ?
devant un charnier ? devant une poubelle ? Avec un camarade qui devait lui parler de
quelque chose, mais de quoi ? de quoi ? de quoi ?
Négativités.

Ce n'était ni un bateau, ni un avion, mais un moyen de transports terrestre.
Ce n'était ni le matin, ni le soir, mais midi. Ce n'était ni un bébé, ni un
vieillard, mais un homme jeune. Ce n'était ni un ruban, ni une ficelle, mais
du
galon tressé. Ce n'était ni une procession, ni une bagarre, mais une
bousculade. Ce n'était ni un aimable, ni un méchant, mais un rageur. Ce
n'était ni une vérité, ni un mensonge, mais un prétexte. Ce n'était ni un
debout, ni un gisant, mais un voulant-être assis.

Ce n'était ni la veille, ni le lendemain, mais le jour même. Ce n'était ni la


gare du nord, ni la gare du p.-l.-m. mais la gare Saint-Lazare. ce n'était ni un
parent, ni un inconnu, mais un ami. Ce n'était ni une injure, ni une
moquerie,
mais un conseil vestimentaire.
Onomatopées.

Sur la plate-forme, pla pla pla, dun autobus, teuff teuff teuff, de la ligne
S (pour qui sont ces serpents qui sifflent sur), il était environ midi, ding
din don, ding din don, un ridicule éphèbe, prout prout, qui avait un de
ces couvre-
chefs, phui, se tourna (virevolte, virevolte) soudain vers son voisin d'un
air de colère, rreuh, rreuh, et lui dit, hm hm : «vous faites exprès de me
bousculer, monsieur.» Et toc. Là-dessus, vroutt, il se jette sur une place
libre
et s'y assoit, boum.
Ce même jour, un peu plus tard, ding din don, ding din don, je le revis
en compagnie d'un autre éphèbe, prout prout, qui lui causait bouton de
pardessus (brr, brr, brr, il ne faisait donc pas si chaud que ça…).
Et toc.
Télégraphique
BUS BONDÉ STOP JNHOMME LONG COU CHAPEAU
CERCLE TRESSÉ APOSTROPHE VOYAGEUR
INCONNU SANS PRÉTEXTE VALABLE STOP
QUESTION DOIGTS PIEDS FROISSÉS CONTACT
TALON PRÉTENDU VOLONTAIRE STOP JNHOMME
ABANDONNE DISCUSSION POUR PLACE
LIBRE STOP QUATORZE HEURES PLACE ROME JNHOMME
ÉCOUTE CONSEILSVESTIMENTAIRES CAMARADE STOP
DÉPLACER BOUTON STOP SIGNÉ ARCTURUS.
Anglicisme

Un dai vers middai, je tèque le beusse et je sie un


jeugne manne avec une grète nèque et un hatte avec
une quainnde de lesse tressés. Soudainement ce
jeugne manne bi-queumze crézé et acquiouse un
respectable seur de lui trider sur les toses. Puis il
reunna vers un site eunoccupé.
A une lète aoure je le sie egaine; il vouoquait eupe et
daoune devant la Ceinte Lazare stécheunne. Un beau
lui guivait un advice à propos de beutone.
Italianismes
Oune giorne en pleiné merigge, ié saille sulla plataforme
d'oune otobousse et là quel ouome ié vidis? ié
vidis oune djiovanouome au longué col avé de la treccie
otour dou cappel. Et lé ditto djiovanouome
oltragge ouno pouovre ouome à qui il rimproveravait de lui
pester les pieds et il ne lui pestarait noullément
les pieds, mais quand il vidit oune sédie vouote, il corrit por
sedersilà.
À oune ouore dè l`, ié lé révidis qui ascolait les consigles
d'oune bellimbouste et zerbinoote a proposto d'oune
bouttoné dé pardéssousse
Francesismi
In una trafficora mi buspiattaformavo
comultitudinariamente in uno spaziotempo
luteziomeridiano coitinerando con un lungicollo
floscincappuccato e nastrocordicellone, il quale
appellava un tiziocaiosempronio altavociando che lo
piedimpresse. Poscia si rapidosedilizzò. In una
posteroeventualità lo rividi stazioncellonlazzarizzante
con un caiotizionio impertinerntementenunciante
l’esigenza di una bottonelevazione
paltosupplementare. E gli perchépercomava.
http://www.ina.fr/video/I06177039/le-cancre-de-jacques-prevert-video.html

Jacques Prévert
Le chat et l’oiseau
 Un village écoute désolé
Le chantUn village
d'un écoute désolé
oiseau blessé
«Si j'avais su que cela te fasse
C'est le seul oiseau du village
Et c'estLe chant
chat dud'un
village oiseau blessé
le seul
Qui l'a C'est
«Sitant
j'avaisde su
peine,
que cela te fasse
le seul oiseau du
à moitié dévoré
tantLui
de dit le chat,
peine,
village
LuiJe
ditl'aurais
le chat,mangé tout entier
Et c'est le seul chat du
Je l'aurais
Et puis mangé
j'aurais tout entier
raconté
village
Et puis
Que j'aurais
je l'avaisraconté
vu s'envoler
Qui l'a à moitié dévoré
QueS'envoler
je l'avaisjusqu'au
vu s'envoler
bout du
Et cesse
l'oiseau cesse de chanter
 Et l'oiseau de chanter S'envoler
mondejusqu'au bout du
Le chatLe chat
cesse cesse de ronronner
de ronronner
Et de se lécher le museau monde
Et de fait àse lécher le museau Là-bas où c'est tellement loin
Et le village l'oiseau Là-bas où c'est tellement loin
Et le village fait à l'oiseau
QueQue jamais on n'en revient
De merveilleuses funérailles
Et le chat qui est invité jamais on n'en revient
MarcheDe merveilleuses
derrière le petit cercueil de paille Tu aurais
Tu aurais eu moins
eu moins de chagrin
de chagrin
funérailles
Où l'oiseau mort est allongé
Simplement detristesse
la tristesse
Porté par une petite fille Simplement de la et et
Et lepaschat qui est invité
Qui n'arrête de pleurer desdes regrets.»
regrets.»
Marche derrière le petit
cercueil de paille
Il neIl faut jamais
ne faut fairefaire
jamais les les choses
Où l'oiseau mort est allongé
choses à moitié.
à moitié .
Porté par une petite fille
Qui n'arrête pas de pleurer
Familiale (Alinéa p.507)
 La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel la mère
Et le père qu'est-ce qu'il fait le père ?
Il fait des affaires
Sa femme fait du tricot
Son fils la guerre
Lui des affaires
Il trouve ça tout naturel le père
Et le fils et le fils
Qu'est-ce qu'il trouve le fils ?
Il ne trouve rien absolument rien le fils
Le fils sa mère fait du tricot son père fait des affaires lui la guerre
Quand il aura fini la guerre
Il fera des affaires avec son père
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
Ils trouvent ça naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires et les affaires
La vie avec le cimetière.

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