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Monod Théodore. Ozenda, P. et Clauzade, G. — Les Lichens. Etude biologique et Flore illustrée. Paris, Masson, 1970.
In: La Terre et La Vie, Revue d'Histoire naturelle, tome 24, n°4, 1970. pp. 633-634;
https://www.persee.fr/doc/revec_0040-3865_1970_num_24_4_4821_t1_0633_0000_2;
Un grand in-4° de 800 pages, pesant 2,660 kg, c’est un impressionnant monu¬
ment, qui commande, dès l’abord, le respect, avec un petit peu, sans doute, de
cette crainte révérentielle qu’inspire au visiteur un édifice géant.
Le monde des Lichens est prodigieusement étendu et varié : ubiquiste — à
l’exception de l’océan et du désert vrai planitiaire non littoral — il est d’une
étonnante variété et d’un haut intérêt biologique. Mais, les auteurs le remarquent
justement, « l’étude de ce groupe est rendue très difficile par l’absence ou la
rareté, tout au moins en langue française, d’ouvrages généraux accessibles à un
large public ».
Tout en se demandant si un « large public » sera en mesure d’utiliser avec
fruit une Somme aussi massive et d’un prix aussi élevé, on saluera avec joie
l’apparition d’un ouvrage de base capable à la fois d’initier le lecteur à la
connaissance du groupe et de lui permettre l’identification de plus de 2 000 espèces
européennes de Lichens. L’objectif des auteurs était, en effet, double : 1°) fournir
au futur lichénologue une « rampe d’accès » le mettant en mesure d’aborder la
littérature spécialisée et 2°) constituer « un instrument de détermination, aussi
commode que possible, des Lichens de France et des régions voisines ».
La première partie, « Introduction à la biologie des Lichens » (pp. 7-129)
constitue un exposé très nourri, et bien à jour, sur les Lichens et leur biologie :
« Définition des Lichens », « L’appareil végétatif », « Reproduction, développement
et croissance », « Les constituants des Lichens », « Biochimie des Lichens »,
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« La symbiose Hellénique », « Les Lichens et le milieu », « Aperçu des groupe¬
ments de Lichens de la France et des régions voisines », « Usage des Lichens »,
« Méthodes d’étude des Lichens ». Tout cela eut fait, à soi tout seul, un petit
livre. La documentation est de premier ordre : on ne pourrait la compléter que
sur de très petits détails. J’en citerai deux. A propos des Lichens colorants
(p. 121) on pouvait citer le problème de la « pourpre gétule », sans doute une
orseille, bien posé par le Docteur David et J. Herber, dans leur article : « La
pourpre de Gétulie » ( Hespéris , xxv, 1938, pp. 97-99), où les auteurs supposent que
la « pourpre » du Maroc atlantique pourrait avoir été l’orseille; sur l’histoire de
celle-ci et, en particulier sur l’identification du « fucus » tinctorial de Théophraste
et de Pline avec une Algue floridée plutôt qu’avec un Lichen, on consultera
R. Pfister, Teinture et alchimie dans l’Orient hellénistique, Seminum
Kondakovianum, Praha, vu, 1935, pp. 1-59.
D’autre part, pour les Lichens à parfums on peut ajouter le cas d’une espèce
vendue sur les marchés de la Mauritanie et que H. des Abbayes a identifiée comme
étant le Parmelia paraguariensis : cf. Th. Monod et A. Villiers, Notes Africaines,
n° 48, octobre 1950, p. 141 ( Parmelia aff. tinctoria), A. Naegelé, ibidem, n" 65,
janvier 1965, p. 7, et surtout : O.L. Lange, Die Fleuchte Parmelia paraguariensis
als Handelsware in der südlichen Sahara, Natur und Volk, 87, Heft 8, 1957, pp.
266-273, 7 fig.
La seconde partie (pp. 131-759) intitulée « Introduction à la détermination
des Lichens » (alors qu’il s’agit d’une flore de 628 pages) est une description
systématique des Ascolichens (Pyrénolichens + Discolichens), des Basidiolichens
et des Hypholichens de l’Europe occidentale, dans une classification suivant pour
l’essentiel celle de Zahlbruckner (1907). La disposition typographique est claire,
l’illustration abondante (dessins au trait et photographies). L’usage révélera les
mérites et les défauts, s’il y en a, d’une entreprise à la fois aussi vaste et aussi
courageuse.
D’ailleurs seul un lichénologue oserait ici formuler un jugement. Ne Tétant
pas — ou pas encore, car me voici furieusement tenté de le devenir — je me
bornerai à une toute petite remarque : on nous dit, page 198, que les Strigula
ne sont connus en Europe que de Bretagne, du Pays Basque et de Savoie ; c’est
exact, mais le spécimen
caucasien d’Oxner ( Journ . Inst. Bot. Acad. Sc. RSS Ukraine,
21-22 [29-30], 1939, p. 311) est encore très proche de la frontière, théorique, de
l’Europe, mais si celle-ci meurt avec la ligne de partage des eaux, le Strigula
d’Oxner (région de Lenkoran), déjà azerbaijanais, est donc asiatique.
Beaucoup de dessins sont originaux. S’ils ne le sont pas l’origine est indiquée,
mais on a oublié pour la fig. 144 (sup.) de signaler qu’il s’agit d’une copie de la
fig. 21 de Santessos, Foliicolous Lichens I, Symbol. Bot. Upsal., xn, 1, 1952.
Les termes techniques — et les lichénologues en utilisent un très grand
nombre — sont, bien entendu, expliqués dans la partie générale, mais on eût
souhaité un index-glossaire renvoyant à la définition des termes : l’utilisateur
de la partie systématique, tombant sur un pyrenium « dimidié », un thalle
« épiphléode » ou « placodiomorphe », un « podétion cortique », etc., serait
heureux de savoir où trouver l’explication nécessaire.
Excellente bibliographie et index détaillé des noms scientifiques, mais il
n’y a pas d’index-matières pour la première partie alors qu’il eût été bien utile
pour l’apprenti lichénologue.
Le « Claudenza » — comme on dit déjà — prend sa place parmi les grands
classiques de la botanique moderne. Il suscitera des vocations de lichénologues ;
elles seront la meilleure récompense des auteurs.
Th. Monod.
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