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ΠΑΝΕΠΙΣΤΗΜΙΟ ΙΩΑΝΝΙΝΩΝ

ΤΜΗΜΑ ΦΙΛΟΛΟΓΙΑΣ
ΕΠΙΣΤΗΜΟΝΙΚΗ ΕΠΕΤΗΡΙΔΑ ΦΙΛΟΣΟΦΙΚΗΣ ΣΧΟΛΗΣ
ΔΩΔΩΝΗ: ΠΑΡΑΡΤΗΜΑ 85

Athanassia Zografou

Papyrus Magiques Grecs:


Le mot et le rite
Autour des rites sacrificiels

Ioannina 2013
TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos ................................................................................................ 7

Abréviations ................................................................................................. 9

Introduction................................................................................................. 11
Le corpus.............................................................................................. 11
Quelle magie ?..................................................................................... 17
Une poétique du sacrifice..................................................................... 22

Chapitre I Questions de vocabulaire : l’emploi d’ἐπιθύειν ........................ 25

Chapitre IIa Parfums et fumigations........................................................... 35


Encens et myrrhe dans les papyrus magiques..................................... 38
Parfums et divinité : pratiques et croyances . ..................................... 44
Le rôle des parfums dans les recettes « magiques »............................. 50

Chapitre IIb Ζμύρνα, une divinité amère : PGM IV, 1496-1595.............. 55

Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux........................................................... 66


L’inventaire des sacrifices d’oiseaux dans les papyrus magiques........ 69
Voisins et antagonistes des dieux........................................................ 83
Les pratiques « traditionnelles ».......................................................... 92

Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95............ 101
Un Éros à tout réussir....................................................................... 101
Un couple ailé : Éros enflammant l’Âme........................................... 103
Trois jours de sacrifices sur fond d’une installation rituelle............. 107
Offrir des oiseaux à Éros et Éros…en oiseau..................................... 109
Les espèces propres à un Éros solaire................................................. 111
Le πνεῦμα des oiseaux « livré sous vide »........................................ 114
Conclusion................................................................................................. 123

Appendices................................................................................................ 131

Bibliographie.............................................................................................. 137

I. Index général.......................................................................................... 155

II. Index des termes grecs......................................................................... 158


Avant-propos

Ce livre est le produit de la réflexion amorcée dans le cadre


des trois conférences données par l’auteur en janvier-fevrier 2010
à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Paris) sous le titre
général « Papyrus Magiques Grecs : le mot et le rite ». Je tiens donc à
remercier avant tout l’EHESS qui m’a accueillie pendant un mois en
tant que professeur invitée, ainsi que tous les étudiants et collègues
qui ont contribué par leur présence précieuse au mûrissement de
mon travail. Ma reconnaissance va tout particulièrement à François
Lissarrague qui a pris en charge l’ensemble de l’organisation de
cette série de conférences et m’a constamment encouragée.
Je remercie également le Centre AnHiMA (Anthropologie et
Histoire des Mondes Anciens, UMR 8210 Paris) qui m’a permis de
travailler sous des conditions excellentes, ainsi que Stella Géorgoudi,
Renée Piettre et François de Polignac, qui m’ont soutenue durant
tout mon séjour.
Mes collègues de l’Université d’Ioannina, Hélène Chouliara-Raïos,
Ariane Gartziou, Dimitrios Raïos ont lu avec grande attention mon
manuscrit et Alexandros Alexakis m’a également aidée avec ses
suggestions. Hélène Fragaki et Christos Pistofidis m’ont offert leur
aide lors des corrections finales.
Enfin, un grand merci à mon fils pour sa patience et sa présence
à mes côtés.
Ce livre est dédié à ma mère, Ιωάννα

A.Z.
Abréviations

Daremberg-Saglio : C. Daremberg, E. Saglio et E. Pottier 1873-1919, Dictionnaire des


Antiquités grecques et romaines, Paris.
GMPT : H. D. Betz 19922 (éd.), The Greek Magical Papyri in
Translation, Including the Demotic Spells, Chicago-Lon-
don (19861).
KPT : Th. Kouremenos, G. M. Parássoglou, K. Tsantsano-
glou 2006 (éds.), The Derveni Papyrus. Edited with
Introduction and Commentary, Firenze.
LSA : F. Sokolowski 1955, Les Lois sacrées de l’Asie Mineure,
Paris.
LSCG : F. Sokolowski 1969, Les Lois sacrées des cités grecques,
Paris.
PGM : K. Preisandanz 1973-19742, Papyri Graecae Magicae.
Die Griechischen Zauberpapyri I-II (1928-19311).
SM : R. W. Daniel et F. Maltomini 1990-1992, Supplementum
Magicum I-II, Papyrologica Coloniensia 16, Opladen.
ThesCRA: Thesaurus cultus et rituum antiquorum, Fondation pour
le Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae, Los
Angeles-Basel, The J. Paul Getty Museum, 2004-.
INTRODUCTION

Le corpus
L’expression papyrus magiques grecs est employée dans notre
intitulé de façon conventionnelle. En effet, les deux qualificatifs,
« grecs » et « magiques », posent problème dans la mesure où ils
sont attribués à un corpus de papyrus artificiellement constitué1.
Celui-ci désigne, suivant l’usage, les livres de magie écrits en grec
que l’Antiquité nous a légués, et correspond principalement aux
deux volumes de Karl Preisendanz (éd.), Papyri Graecae Magicae I-II,
de 1928-1931, revus par Albert Heinrichs 1973-19742 (PGM) . Cette
édition a été complétée ultérieurement par d’autres publications2.
L’équipe réunie par Hans Dieter Betz en 1986 a d’ailleurs traduit
en anglais non seulement les textes compris dans l’édition de
Karl Preisendanz, mais aussi ceux des papyrus magiques écrits
en démotique, ainsi qu’un supplément contenant ceux qui ont été
découverts après la parution de l’œuvre de Karl Preisendanz.

1. Ce corpus provient de l’Égypte romaine et byzantine, mais aussi d’autres


régions comprises entre l’Espagne et l’Euphrate. La majorité des textes sont datés
entre le IIe et le Ve s. ap. J.-C, mais constituent selon toute probabilité des copies,
remaniées ou non, et des compilations d‘ouvrages beaucoup plus anciens. Quant à
leurs archétypes, ils remontent au plus tôt au IVe s. av. J.-C. Le fameux papyrus de
Paris, par ex. (n° IV dans l’édition de Preisendanz), écrit au Ier s. ap. J.-C., témoigne
du style caractéristique des textes composés deux siècles plus tôt. Voir l’introduction
de Brashear 1995, 3380-3684, celle de Betz 1992, xli-liii ainsi que Nock 1929, 211-215,
Festugière 1932, 281-328 et Brashear 1992, 25-57. Cf. Suárez de la Torre 2013, 279-286.
2. Sur les publications plus récentes que les PGM, voir Merkelbach et Totti
1989-1992 ainsi que Daniel et Maltomini 1991-1992. En ce qui concerne l’histoire
fascinante de la découverte de ces textes, voir Betz 1992, xli-liii.
12 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

L’adjectif «  grecs  » se réfère à la langue dans laquelle ces


papyrus sont écrits,  la koinê largement utilisée à cette époque.
Toutefois, le grec peut apparaître dans un même document à côté
de la démotique et, plus rarement, de l’hiératique ou du copte3,
un plurilinguisme reflétant une «  communauté linguistique  »
multiculturelle  et témoignant parfois d’une volonté d’augmenter
l’efficacité du contenu4. Cependant, quelle que soit la langue choisie,
elle ne doit pas occulter l’appartenance culturelle de ces papyrus qui
sont, du point de vue du contenu, principalement gréco-égyptiens,
bien qu’ils présentent aussi des éléments orientaux secondaires,
notamment judaïques et, moins souvent, babyloniens.
Dans le cadre d’une vieille polémique autour de ce sujet, une
position radicale consiste à considérer le contenu de ces papyrus
comme presque exclusivement égyptien5. Elle a toutefois été
nuancée suite à de nombreuses études plus récentes. Certes,
les recettes contenues dans ces papyrus témoignent d’un fonds
égyptien traditionnel très ancien consistant à des noms divins
et à d’autres éléments spécifiques, notamment mythologiques.
Mais plusieurs caractéristiques générales de ces textes, souvent
considérées comme typiquement égyptiennes, telles l’exigence de
pureté rituelle, les menaces adressées aux dieux ou les demandes
de révéler des secrets divins, s’observent également dans des
traditions religieuses officielles ou «  magiques  » étrangères à
l’Égypte. D’autres éléments plus précis, comme le rôle des poupées
de cire ou la valeur symbolique de certains chiffres, sont très

3. Sur le style littéraire des papyrus magiques et sur leur plurilinguisme, voir
Levi 1975, 211-216. Cf. Versnel 2002.
4. Sur les réticences que suscite la traduction du « son magique » d’une langue
vers une autre, voir Fowden 1986, 37 et suiv., Dieleman 2005, 4 et suiv., 143-144. Cf.
Mauss et Hubert 2003, 95 et Christidis 1997, 56.
5. Voir, notamment, Ritner 1995, 3358-3371.
Introduction 13

courants dans le monde grec. En outre, les contacts des pratiques et


croyances égyptiennes avec celles des Grecs rendent la recherche
des origines culturelles de ces textes particulièrement difficile6.
Néanmoins, ce qui importe n’est pas l’appartenance culturelle
des papyrus, mais l’état d’esprit marquant cette époque tardive, qui
s’exprime par plusieurs courants de pensée et par les tendances
religieuses propagées dans le monde méditerranéen. Or, de
nombreuses caractéristiques différencient nettement les papyrus
écrits en grec des textes égyptiens plus anciens, tout en les associant
tantôt aux papyrus en démotique tantôt à d’autres courants et
pratiques connus dans le monde gréco-romain7.
Ainsi, l’envie de détruire un ennemi, qu’il soit vivant ou mort,
un homme ou un dieu, de même que certains types de magie
divinatoire, apparaissent beaucoup plus fréquemment dans les
papyrus magiques. Quant aux recettes magiques, elles sont parfois
rédigées dans un style très élaboré, pendant que les incantations
gagnent en longueur. L’emploi de noms étrangers, notamment
sémitiques ou perses, de même que l’usage des voces magicae sont
de plus en plus frequents8. Enfin, un grand nombre de dessins ou
de signes relevant d’un code sécret – χαρακτῆρες –, ou encore des
figures destinées à créer un effet visuel révèlent l’importance de
l’écriture en tant qu’opération graphique9. C’est précisément les
voces magicae et les figures à effet visuel qui finissent par devenir la
« marque distinctive » des papyrus magiques grecs, une sphragis,

6. Voir Betz 1992, xlv-xlvi, Sfameni 2001, 183-199.


7. Voir Brashear 1995, 3396 et suiv., Pinch 1995, 163-170 et Sfameni 2001, 183-199.
8. Sur les abracadabra ou voces magicae, voir Cox Miller 1986, 481-505, Brashear
1995, 3429 et suiv., Versnel 2002, 108-122, Crippa 2002, 43-61, Bernabé 2003, 5-28,
cf. Chouliara-Raïos 2008, 35 et suiv.
9. Voir, entre autres, Mastrocinque 2009. Cf. Frankfurter 1994, 200 et 205 et
suiv. et Brashear 1995, 3433 et 3440-3443.
14 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

dirait-on montrant leur appartenance à une sorte d’«  école de


magie » qui, tout en puisant dans l’autorité des prêtres érudits de
l’Égypte, se veut « internationale »10.
Que ce soit donc pour répondre aux demandes des clients11
ou pour affirmer et rehausser leur propre pouvoir12, les milieux
égyptiens dans lesquels ces textes ont vu le jour ont créé une
« magie » à visée multi culturelle.

Dans notre étude, nous avons examiné la plupart des recettes


rituelles conservées sur les papyrus grecs publiés jusqu’à présent13.
Outre son caractère artificiel, cet ensemble est hétérogène  : on y
trouve des produits achevés et des prescriptions, des recettes
rituelles individuelles, ainsi que de vrais manuels. Des recettes
brèves visant à produire «  des tours de magie  » (παίγνια) ou
à atteindre un objectif banal, tel le traitement de la fièvre ou la
contraception, en côtoient d’autres plus élaborées qui ajoutent
à la prescription une sorte de théorie  magique dont le but, très
ambitieux, est souvent la révélation et peut aller jusqu’à l’union
avec le divin14. Qui plus est, ces documents ne sont pas toujours
contemporains. Entre les papyrus du IVe ou du Ve s. de notre ère et
les rares documents de l’époque hellénistique, comme le papyrus

10. Brashear 1995, 3430: « Voces magicae are conspicuously absent from the
earliest Greek magical papyri from Egypt ».
11. Le processus que Frankfurter 1998, 224-237 nomme « stereotype appropri-
ation » est décrit par cet auteur comme : « the manifold ways indigenous cultures
embrace and act out the stereotypes woven by a colonial or otherwise dominant
alien culture » (225). Cf. Frankfurter 2000, 177 et la discussion du concept par Gor-
don 2002, 71-76. Voir aussi Dieleman 2005, 239-254 et sa revue par LiDonnici 2005.
12. Voir la présentation du débat sur la question par Moyer 2003, 39-56.
13. Pour éviter tout malentendu, nous n’employons l’abréviation PGM que
pour désigner les deux volumes de Preisendanz 1973-1974.
14. Voir, entre autres, Martinez et Romero 1987, 19-47.
Introduction 15

XX de la collection de Preisendanz, il y a un écart chronologique


considérable qui se répercute tant sur la forme que sur le contenu15.
Toutefois, on repère des principes, idées et motifs qui traversent la
plupart des textes et en montrent l’unité. En revanche, les recettes
qui se distinguent par leur caractère exclusivement égyptien ou
juif sont très rares.
La désignation «  recette  » se justifie par le ton prescriptif de
ces textes16. En même temps, outre les longs passages hymniques
et les historiolae, le caractère fictif des informations, conforme
aux conventions littéraires, et la description détaillée des effets
produits17 confèrent à ces écrits une dimension narrative qui les
différencie nettement des recettes médicales ou médico-magiques,
rédigées souvent dans un style plus sec18.

En conclusion, on distingue schématiquement dans les recettes


du corpus, d’abord, une « matière souple », essentiellement
syncrétique, puisant dans des cultures diverses et imprégnée
parfois d’une tendance archaïsante, tant sur le plan de l’expression
que sur celui des concepts19 ; à l’intérieur de cette matière, des thèmes
mythiques, puisés dans des traditions cosmogoniques diverses, et
des passages hymniques évoquent des noms de divinités grecques
et égyptiennes, ainsi que ceux d’anges sémitiques, pendant que les
citations d’hexamètres homériques et les motifs rencontrés dans la

15. Voir, entre autres, Faraone 2000, 195-214.


16. Leur vocabulaire évoque d’ailleurs non seulement la cuisine (ἀναλαμβάνειν,
κόπτειν), mais aussi la pharmacie (κολλούρια, πυξίς). Cf. infra, p. 28.
17. Dieleman 2005, 254-284 (Packaging the text…).
18. Pour les analogies stylistiques entre nos textes et les écrits de Théophraste
ou des recettes de cuisine, voir Levi 1975, 211 et suiv.
19. Sur la tendance archaïsante dans le langage prophétique ou magique, voir
Christidis 2001, 1027.
16 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

littérature hellénistique côtoient des formules liturgiques.


En effet, les composantes de cette matière sont aussi diverses et
hétérogènes que la materia magica littérale de la « cuisine rituelle »
prescrite. Elles sont consciemment choisies pour permettre de capter
tous les aspects « ethniques » du divin et pour réactiver des formules
oubliées ou livresques dont l’ancienneté inspirait le respect. Bien
que détachés de leurs cultures et de leurs milieux respectueux, ces
éléments conservent dans leur fond des significations multiples.
Ils consitutent un potentiel que la procédure prescrite peut mettre
plus ou moins en relief et que le praticien perçoit selon sa propre
érudition et son milieu.
Ensuite, cette materia magica multiculturelle et diachronique
est préparée dans une sorte de laboratoire théorique propre à
l’Antiquité tardive où  nous trouvons, entre autres : l’aspiration à
l’union avec le divin ; des « chaînes » ou « séries sympathiques »
reliant le monde matériel des hommes avec celui des dieux  ;
l’omnipotence d’un Soleil Invincible, identifié à presque chacune
des grandes divinités, comme Zeus, Apollon, Mithra ou Sarapis20.
Ce sont d’ailleurs ces mêmes idées qui se font valoir dans la
pensée philosophico-religieuse de l’époque, par exemple dans le
corpus des Oracles Chaldaïques, dans les écrits néoplatoniciens ou
médico-magiques occultes, ou encore dans les textes hermétiques.
Malgré leurs particularités, toutes ces œuvres puisent, jusqu’à
un certain point, dans la même koinê religieuse. Il y a donc de la
théorie dans notre corpus et non seulement des instructions. On
n’y décèle pas pour autant un effort de systématisation, mais plutôt

20. Voir Eitrem 1942, 54, Fauth 1995, 34-114 (Der Sonnergott in der griechischen
Zauberpapyri) Sfameni 2001, 191 et suiv. et Johnston 2004, 7. Cf. Macrobe, Saturnales,
I, 17, 4 qui cherche à reconnaitre des manifestations du Soleil dans tous les dieux
du pantheon gréco-romain.
Introduction 17

une superposition de croyances subtilement associées, suivant une


logique dictée par le but de chaque recette21.
Qu’il s’agisse de collections d’érudits portant un intérêt
théorique pour la magie ou de manuels de praticiens itinérants
vendant leurs formules pour qu’elles soient  appliquées, souvent
inscrites sur des gemmes22, les papyrus en question offrent une
variété de clés pour passer d’une culture et d’un registre à l’autre.
On dirait un «  guide de traduction et de négociation  », né dans
un monde où les contacts entre religions et langues différentes et
les tensions entre polythéisme et monothéisme constituaient une
donnée indiscutable  ; un «  guide » tantôt simpliste tantôt savant
qui tente de tourner l’extrême complexité à l’avantage du praticien.
L’importance particulière de l’écriture semble être une touche
égyptienne en contraste avec la magie grecque des  époques
archaïque et classique, qui répose essentiellement, mais pas
exclusivement sur des incantations orales23  . C’est cet emploi
particulier de l’écriture, ainsi que le recours aux longues séries de
voces magicae, qui servent de label d’authenticité aux « produits sur-
actifs » de cette cuisine magique aussi prescriptive que théorique.

Quelle magie ?
Nous n’avons pas l’ambition de rouvrir ici la grande discussion-
sur la magie comme catégorie élusive24. Face aux problèmes de

21. Cf. Sfameni 2001, 183-199, cf. Segal 1981, 362.


22. Selon Nock 1929, 211-215, il s’agit de « working copies », susceptibles de
subir des modifications et des rajouts provenant d’autres sources. Quant au rap-
port entre papyrus et gemmes, voir Smith 1979, 129-147. Wilburn 2012, 25-34 et
passim examine les données archéologiques en relation avec celles des « papyrus
magiques » cf. Bailliot 2010, passim.
23. Frankfurter 1994, 189-221.
24. Sur la relation entre magie et religion voir, entre autres, Versnel 1991, 177-
18 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

définition, la règle que nous nous sommes imposée consiste à éviter


toute remarque générale sur cette notion et à en parler toujours en
rapport avec un contexte bien précis. Ainsi nous adoptons l’emploi
conventionnel du terme «  magique  » pour qualifier les papyrus
du corpus ou les recettes qui en constituent le contenu, tout en
essayant de contourner les préjugés théoriques découlant du grand
débat sur la magie.
En effet, d’un point de vue emic25, ou alors « propre à la culture
étudiée », même si l’on admet que la « magie » sert à définir ce qui
est considéré comme « orthodoxe » au milieu d’une communauté26,
on manque toujours d’une définition claire. Ni les prêtres ni les
législateurs ne se sont appliqués à en donner une. D’ailleurs, le
vocabulaire ancien non seulement ne coïncide pas avec notre
terme « magie », mais varie aussi considérablement d’une culture
à l’autre27.
Suivant notre corpus, μαγεία est une force «  sacrée  » qui
relève du monde divin et qui, une fois acquise au moyen d’une
initiation28, permet de tout réussir en contraignant dieux et

197, Teijero 1993, 123-128, Bremmer 1999, 1-12. Cf. la présentation de l’ensemble du
débat sur la magie par Skouteri-Didaskalou 1997, 11-43, Luck 2003, 203-222 (Recent
Work on Ancient Magic), Collins 2008, 1-26 (Magic : What is it and How does Work ?).
25. Sur les termes emic/etic, utilisés pour la première fois par Kenneth L. Pike,
voir Harris 1976, 329-350.
26. Dufault 2006, 61-62 : « The study of magic as a boundary-making concept
could be compared with what M. Foucault called “a history of limits”». Cf. Foucault
1972, 130-134 et Skouteri-Didaskalou 1997, 11-43.
27. Pour ne citer qu’un seul exemple, entre des termes comme μαγεία, γοητεία,
φαρμακεία et héka l’écart est considérable. Sur héka, qui signifie « force magique »
et est incarné par un dieu égyptien, voir Te Velde 1969-1970, 175-186.
28. Un « assistant » divin se met au service du praticien déjà initié à la μαγεία
sacrée, voir PGM I, 126-128 : δουλεύσει σοι …, ὦ μα[κάρι]ε μύστα τῆς ἱερᾶς μαγείας,
καὶ ἐπιτελέσει σοι ὁ κράτιστος πάρεδρος οὗτος , « il te servira…initié heureux
de la magie sacrée et il accomplira pour toi cet assistant puissant… ». Cf. PGM IV,
Introduction 19

hommes. Elle n’agit pas seulement comme une arme face au monde
extérieur29, mais transforme aussi l’initié pour l’élever à la hauteur
des dieux30. Il s’agit une force « divine » extraordinaire qui doit ou
mérite d’être montrée, à la fois pour convaincre les incrédules et
pour impressionner le public 31. Enfin, nous ne trouvons qu’une
seule mention des μάγοι, experts chargés des instruments de
cet art − παρ᾽ ἑαυτοῖς τὰ σκεύη βαστάξαντες − et favorables au
renouvellement de leurs méthodes32.
Par ailleurs, la rareté des termes spécifiques à ce contexte
suggère que les rédacteurs des papyrus magiques et les praticiens
dont il y est question ne se considèrent pas comme des « sorciers »
pratiquant un art foncièrement différent par rapport à la religion.

2282-2285 : « archère, vierge…vraiment je te connais, puisque je suis le chef de


tous les magiciens, Hermès le grand - μάγων ἀρχηγέτης, Ἑρμῆς ὁ πρέσβυς », où
le praticien s’identifie avec fierté à l’Hermès égyptien, chef des mages. Voir aussi
PGM I, 327-331 où la pratique « magique » semble dépendre d’un savoir émanant
d’une autorité mantique comme Apollon.
29. PGM IV, 2318-2320 : Μοῖραί σου τὸν ἀνέκλειπτον ῥίπτουσι μίτον, ἂν
μὴ μαγείης τῆς ἐμῆς ἀναγκάσῃς βέλος πετηνὸν ταχύτατον τέλος δραμεῖν, «
les Moirai jettent ton fil infini à moins que tu n’obliges le javelot ailé de ma magie
d’atteindre vite le but ».
30. La magie se présente comme la qualité d’une âme désignée comme « ma-
gique » et permettant à celui qui en dispose d’affronter l’apparition divine sans
peur ; voir PGM IV, 208-213 : … σημεῖον ἔσται τῆς συστάσεως τόδε, σὺ δὲ μαγικὴν
ψυχὴν ἔχων ὁπλισθεὶς μὴ θαμβηθῇς... « …le signe de la venue du dieu sera celui-là,
mais toi disposant d’une âme magique prépare-toi et n’aie pas peur… ».
31. PGM IV, 2442-2449 : …Παχράτης, ὁ προφήτης Ἡλιουπόλεως, Ἁδριανῷ
βασιλεῖ ἐπιδεικνύμενος τὴν δύναμιν τῆς θείας αὑτοῦ μαγείας…, « …Panchrate, le
prophète d’Héliopolis, lors d’une démonstration du pouvoir de sa magie divine… ».
32. PGM IV, 2084-2086 : πλεῖστοι δὲ τῶν μάγων παρ᾽ ἑαυτοῖς τὰ σκεύη
βαστάξαντες καὶ ἀποθέμενοι ἐχρήσαντο αὐτῷ παρέδρῳ, « la plupart des mages
qui transportent les instruments avec eux les déposent même à leurs côtés et
l’utilisent comme un assistant».
20 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Ils se définissent souvent comme des initiés, μύσται33. Enfin,


Pnouthis, « magicien » célèbre de l’Égypte, a le titre d’ἱερογραμ–
ματεύς, « scribe sacré »34.
La position de Hans Dieter Betz, selon laquelle, les termes
μάγος μαγεία, μαγικός n’apparaissent que dans des passages
d’« un niveau culturel supérieur » a été critiquée notamment par
Olivier Dufault qui remarque avec raison que μαγεία peut être
comprise dans la littérature gréco-romaine aussi bien comme la
religion la plus pure que comme l’inverse de celle-ci35 ; elle devient
alors, dans ce dernier cas, synonyme de la γοητεία.
Du point de vue etic, les critères habituellement appliqués par
les spécialistes pour définir la magie n’ont qu’une valeur relative
et ont été autant défendus que rejetés36. Le critère le plus valide, à
savoir le caractère secret, privé et parfois fortement individualisé
des pratiques « magiques »37, ne suffit pas non plus pour distinguer
toutes les pratiques religieuses non reconnues officiellement que
nous assimilons à la « magie » de certains cultes « traditionnels »
domestiques ou mystiques38.

33. Voir Betz 1991, 244-259.


34. PGM I, 42.
35. Dufault 2006, 59-83. Voir, entre autres, Platon, Alcibiade, 121e–122a et Apulée,
Apologie, 25-26.
36. Ainsi la volonté de contraindre les dieux a été opposée à la piété des actes
religieux ; l’instrumentalisation du rituel pour atteindre des buts pratiques à la
véritable envie de communication avec les puissances surhumaines ; le caractère
asocial de la magie aux vertus équilibrantes de la religion.
37. Voir, par exemple, Τhomassen 1999, 55-66 qui définit la magie comme « the
appropriation of ritual power for personal ends, offsetting the balance between the
individual and the collective which forms the sanctioned norm of ritual practice
in societies » (65).
38. Sur le croisement entre pratiques magiques et pratiques privées et do-
mestiques, voir, entre autres, Durich Gauthier et Prescendi 2008, 112-115 ainsi que
Faraone 2008, 218 et suiv., 224.
Introduction 21

Ce dernier critère a toutefois la vertu de nous éloigner du locus


desperatus de la magie elle-même : en réfléchissant sur l’adaptation
du rituel aux bésoins de l’individu, on finit par se pencher non plus
sur la notion en tant que telle, mais sur les milieux où elle s’exerce.
C’est cette question qui a préoccupé surtout Jonathan Z. Smith
d’après lequel il n’y avait, en réalité, que des « magiciens », c’est-
à-dire des experts rituels pratiquant dans un milieu spécifique et
non un domaine autonome correspondant à la magie39.
Cette remarque est tout à fait valable dans notre corpus, où
les lieux privés ou retirés se substituent aux grands sanctuaires40
et l’abondance des formules écrites semble compenser la richesse
des rituels traditionnels. Le praticien doit opérer en général seul et
dans le plus grand secret41.
C’est d’ailleurs surtout l’espace privé et domestique qui est
provisoirement sacralisé  dans nos recettes. Cela implique le
caractère non officiel des rites, le besoin de moyens adaptés à
l’étroitesse éventuelle du lieu et au caractère solitaire du rituel, mais
aussi la nécessité de refonder à chaque fois ex nihilo l’espace sacré,
faute de structures matérielles préexistantes. L’organisation de
l’espace rituel dans les papyrus magiques, ainsi que sa confrontation
à celui de la maison et des autres lieux privés consacrés aux
pratiques « traditionnelles » constituent des questions qui doivent
être envisagées à part, le présent volume considérant le corpus du
point de vue des rites (et par conséquent de l’espace), notamment
sacrificiels.

39. Voir, par exemple, Smith 19781, 438, Smith 19782, 172-207 (The Temple and
the Magicien), Smith 1995, 13-27 et Smith 2003, 21-36.
40. Concernant ce mouvement centrifuge en Égypte romaine, voir Frankfurter
1998, 62-63, 134-135.
41. Cf. Betz 1995, 153-175.
22 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Une poétique du sacrifice 


Une des caractéristiques majeures de nos recettes est leur
richesse (a) en opérations rituelles originales quant à leur but et
quant à l’agencement des éléments rituels par rapport aux pratiques
dites « traditionnelles », (b) en procédures plus faciles à confronter
aux pratiques religieuses habituelles, à savoir des installations
d’images, des purifications et des sacrifices comprenant des dépôts
d’offrandes, des libations, des immolations d’animaux et avant tout
des fumigations de substances végétales et/ou animales.
De petits autels, des trépieds, des briques, des tables et des
encensoirs servent d’infrastructure matérielle aux rituels sacrificiels.
Il arrive que la procédure sacrificielle soit tout simplement
empruntée aux coutumes du praticien en la matière  : ποιήσας
αὐτῷ θυσίαν, ὡς ἔθος ἔχεις, « après lui avoir sacrifié, suivant ta
coutume »42. Cependant, dans la plupart des cas des prescriptions
détaillées sont données pour la construction de l’autel et la mise
en scène rituelle qui le met en valeur  (fleurs, lampes, gâteaux
sacrificiels, στρόβιλοι etc), le choix ou la préparation − σκευή − de
l’offrande, sa consommation ou non par le praticien. Parfois l’écart
par rapport à ce qu’un helléniste a l’habitude de considérer comme
sacrifice est tel que seul le vocabulaire permet de reconnaître la
nature de certains rituels.
Or, nos textes abondent en termes comme «  sacrifier  » et
« sacrifice ». À l’inverse de θύειν, θυσία, qui n’apparaissent pas très
fréquemment, les mots ἐπιθύειν ἐπίθυμα sont très courants dans
notre corpus.
C’est justement le vocabulaire sacrificiel qui a attiré de prime
abord, notre attention vers les prescriptions sacrificielles du corpus.
Comment interpréter le recours au sacrifice, habituellement

42. PGM I, 24-25.


Introduction 23

envisagé comme la quintessence de la pratique religieuse, dans ces


textes longtemps considérés comme l’expression d’un état d’esprit
décadent ? S’agit-il de rites parodiant ceux des cultes officiels ou, au
contraire, d’une marque de filiation de nos recettes à une grammaire
rituelle consacrée par les religions méditerranéennes ?
Notre premier but consiste à montrer, à travers l’étude des
rituels sacrificiels, que la pratique « magique » telle qu’elle se profile
dans ce corpus ne constitue ni la négation ni l’inversion de telle ou
telle autre religion. Si toute pratique rituelle s’appuie sur un choix
restreint de gestes et d’éléments du monde réel, nous avons ici le
résultat d’une deuxième sélection, effectuée à partir de ce qui a été
déjà sacralisé par les pratiques religieuses habituelles. Autrement
dit, les pratiques magiques que nous étudions feraient plutôt partie
d’une sorte de méta-religion syncrétique, ou encore mieux d’une
« poétique de la religion » ayant comme but de « rafraîchir » et de
rehausser tout ce que l’usage a banalisé et les conditions historiques
ont rendu désuet43.
Ensuite, nous croyons que la lecture attentive des prescriptions
sacrificielles du corpus permet de réitérer sous un éclairage nouveau
la réflexion sur le sacrifice, un acte rituel qui paraît omniprésent
dans les religions, mais qui échappe, quasiment de la même façon
que la magie à toute tentative de définition absolue. Or, les débats
sur le sacrifice dans le monde antique ont été souvent conditionnés
par l’affirmation que le « véritable sacrifice » est public et consiste
à l’immolation d’animaux. Plusieurs études relativement récentes
essaient de rectifier et de compléter nos connaissances sur ce sujet,
notamment en ce qui concerne le monde gréco-romain44. Ainsi les

43. Sur le statut du sacrifice sanglant pendant l’Antiquité tardive, voir Lane-
Fox 1997, 76 et suiv., Trombley 1993, 1-97, Belayche 2005, 343-370.
44. Voir Kearns 1994, 64-70 et Bruit Zaidman 2005, 34-38 en ce qui concerne
les offrandes végétales dans le monde grec ainsi que Bruit Zaidman 2008, 181-189,
24 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

aspects « non sanglant » et « privé » ont commencé à trouver une


place dans les discussions.
Jamais, à notre connaissance, des textes normatifs de l’Antiquité
n’ont fourni une telle richesse d’informations45 centrées autour
de l’offrande de parfums et des fumigations − c’est-à-dire des
sacrifices sans écoulement de sang −, qui plus est dans un cadre en
général privé et souvent domestique46. Quant au sacrifice animal,
il est surtout représenté dans notre corpus par un nombre restreint
d’immolations d’oiseaux, un choix sacrificiel intriguant sur lequel
nous nous penchons aussi dans un des chapitres du présent volume.
Outre l’emploi du  vocabulaire sacrificiel et les principes qui
sous-tendent les rites sacrificiels en général, nous explorons dans
les pages qui suivent deux exemples concrets dont l’un concerne
une offrande de parfum et l’autre un sacrifice d’oiseaux (PGM IV,
1496-1595 et XII, 15-95). Choisis pour une lecture approfondie, ces
deux cas ne sont pas du tout les plus représentatifs de l’ensemble,
mais plutôt uniques par plusieurs aspects47.

sur le rôle des parfums. Cf. les remarques de McClymond 2008, 65.
45. Contrairement aux reglèments religieux des cités grecques, qui ne four-
nissent pas des renseignements détaillés sur l’espace, le temps et les gestes rituels,
considérés souvent comme connus des citoyens, les prescriptions des papyrus ma-
giques décrivent avec précision presque tous les éléments d’un rituel, laissant ainsi
entendre l’absence d’installations permanentes et de modes d’opération péétablis.
Sur les caractéristiques de ces textes épigraphiques communément appelées aussi
« lois sacrées », voir Georgoudi 2010, 39-54.
46. Cf. Smith 1995, 21 : « Of all the documents from late antiquity, I know of
none more filled with the general and technical terminology and the praxis of sa-
crifice than those texts collected by modern scholars under the title Greek Magical
Papyri. They are all the more important because they display, as well, a thoroughly
domesticated understanding of sacrifice ». Le seul corpus qui serait comparable aux
PGM de ce point de vue est celui des Hymnes Orphiques. Voir Morand 2001, 101-152.
47. Il n’y aurait pas dans les papyrus que nous étudions des rituels typiques,
car, au-delà des règles générales, chaque procédure prescrite constitue une unité
rituelle indépendante et spécifique, voir Johnston 2000, 35.
I. Questions de vocabulaire : l’emploi d’ἐπιθύειν 

Le verbe ἐπιθύειν est le plus fréquent pour désigner le geste


sacrificiel dans notre corpus. Il est employé non seulement pour les
fumigations de parfums connus ou de mélanges originaux, matières
sacrificielles désignées comme ἐπιθύματα48, mais aussi pour les
sacrifices d’animaux entiers49. Ἐπιθύειν et ἐπίθυμα apparaissent à
peu près quatre-vingt-dix fois alors que les occurrences de θύειν et
de θυσία représentent moins que la moitié de ce chiffre.
L’alternance de θύειν et ἐπιθύειν, ainsi que des substantifs
dérivés, montre que ces termes sont généralement équivalents,
même si le second est de loin le plus fréquent. Nous pouvons
d’ailleurs les rencontrer ensemble dans une même phrase : σὺ δὲ
στάθητι θύων διὰ τοῦ προειρημένου ἐπιθ[ύ]ματος, « et toi, reste
(debout) en offrant en sacrifice ce qui a été préalablement prescrit»50.
Seule une lecture attentive des recettes permet d’établir une
distinction entre ἐπιθύειν et θύειν : le premier n’est employé nulle
part pour désigner un sacrifice lors duquel la prescription impose
explicitement au praticien de goûter de l’offrande. En effet, dans les
rares cas où le praticien consomme la victime51, nous rencontrons

48. Mauss-Hubert 2003, 88 ne manquent pas d’observer l’emploi du terme


ἐπίθυμα dans la cuisine magique grecque. Comme ils le signalent, la préparation
d’ἐπιθύματα complexes est similaire à celle des κολλούρια, « pastilles » destinées
à un usage thérapeutique (voir infra, note 63).
49. Voir infra, p. 71.
50. PGM I, 333-334.
51. La consommation par le praticien est désignée par les termes ἀπογεύ-
εσθαι, ἀπόγευσις, κατεσθίειν. Cependant, il n’est pas souvent aisé de déter-
26 Papyrus Magiques Grecs: Le mot et le rite

d’autres termes, comme θύειν ou βωμῷ εἰστιθέναι/ἐπιτιθέναι52.


Il paraît donc qu’ἐπιθύειν est employé dans notre corpus quand
il s’agit de brûler entièrement les offrandes, autrement dit de
les transformer en fumée, ce qui constitue d’ailleurs la règle.
L’emploi d’ἐπίθυμα uniquement pour les offrandes destinées à une
combustion totale s’accorde avec cette conclusion.
Les verbes ἐπιθύειν et θύειν se réfèrent donc au mode de la
consécration, à savoir la mise au feu de l’autel ou de l’encensoir,
indépendamment tant de la composition de l’offrande, végétale ou
animale53, que du degré de préparation préalable qu’elle nécessite.
L’offrande varie effectivement selon les cas, allant du corps
entier d’un animal, tout prêt pour le sacrifice, à des préparations
complexes, minutieusement composées à partir d’une grande
variété d’ingrédients. 
Si θύειν et ἐπιθύειν sont employés en alternance, le substantif
ἐπίθυμα se différencie nettement du terme θῦμα, selon le critère de
la préparation de l’offrande, puisqu’il ne concerne jamais un animal
entier destiné tel quel au sacrifice. En revanche, nous trouvons
souvent ἐπίθυμα associé au mot σκευή, « préparation »54 pour faire
référence à une matière à sacrifier parfois très complexe qui occupe

miner s’il partage une partie de l’offrande avec le(s) dieu(x) ou s’il en fait un
repas indépendant pris en présence de la divinité – voir l’exemple désigné par
le verbe συνευωχεῖσθαι, qui a lieu après un holocauste : IV, 3148-3152. Cf. III,
697-698 : καὶ ὅταν ἴδῃς τὸν θεὸν … εὐωχοῦ. Pour les repas partagés avec une
divinité dans les papyrus magiques, voir aussi Zografou 2008a, 57-72.
52. Par exemple, PGM XIII, 376-377 : ὅταν μέλλῃς ἀπογεύεσθαι, ἀλέκτορα
θῦσον.
53. Voir, par exemple, l’emploi de θύειν à propos d’offrandes végétales
PGM III, 612-614, Θυσ[άμενος] ἄλ[ε]υρ[α κ]αὶ ὥ[ρι]μα συκάμι[να] καὶ σή̣[σαμον
ἀνέκ]χυτον καὶ θ̣ρίον (feuille de figuier) ἄπυ[ρον], ἐν ᾧ χε[όμενος] σεῦτλ[ον
τεύξῃ] τῆς ἰδίας σκιᾶ[ς].
54. Voir, par exemple, PGM IV, 2441. Une attention analogue est portée à la
préparation des encres également désignée par ce même terme : PGM VII, 998,
σκευ[ὴ μ]έλανος.
Chapitre I Questions de vocabulaire : l’emploi d’ἐπιθύειν 27

souvent une place très importante dans nos recettes.


Dans une recette intitulée «  ourse polaire qui accomplit tout
vœu », un passage concernant l’ἐπίθυμα τῆς πράξεως « offrande
pour l’opération  » énumère onze ingrédients à base de plantes,
dont les proportions sont rigoureusement précisées, ainsi que
du κῦφι, une préparation aromatique très complexe,55 et enfin la
cervelle entière d’un bélier noir, du vin blanc de Mendès et du miel.
Le mélange de tout cela doit former des pastilles : ἀναλάμβανε καὶ
ποίει κολλούρια56.
Certaines formulations incitent à penser que les ἐπιθύματα ont
un pouvoir intrinsèque, puisqu’ils peuvent « animer  une statuette
d’Éros ainsi que l’ensemble de l’opération » : ἔστιν τὸ ἐπίθυμα τὸ
ἐμψυχοῦν τὸν Ἔρωτα καὶ ὅλην τὴν πρᾶξιν 57. Une autre recette,
intitulée ἀγωγή, « charme pour attirer », qui ouvre immédiatement
sur la préparation de l’offrande − σκευὴ ἐπιθύματος σεληνιακοῦ
−, nous informe, quelques lignes plus bas, que « Panchrates, prophète
d’Héliopolis » a fait la démonstration du pouvoir de cet ἐπίθυμα
auprès de l’empereur Hadrien58. Dans d’autres cas, les ἐπιθύματα
sont qualifiés d’ἐπαναγκαστικά ou, au contraire, d’ἀγαθοποιά59.
Qui plus est, le pouvoir de ces préparations ne craint pas le temps,
si bien qu’elles se prêtent au stockage, comme le montre un passage
prescrivant de ranger l’ἐπίθυμα dans une boîte de plomb − εἰς
πυξίδα μολιβῆν −, pour l’utiliser par petites quantités, en fonction

55. Voir infra, p. 37 et note 89.


56. PGM IV, 1308-1316, cf. IV, 2675-2692, 2891-2894. Cf. supra note 63. Pour le
sens du mot κολλύρια/κολλούρια dont l’interprétation va de « petits pains
non levés » à « collyres », voir Gourevitch 1999, 53-55, Ducourthial 2003, 87 et
Pardon-Labonnelie 2006, 47.
57. PGM IV, 1827-1828.
58. PGM IV, 2447.
59. PGM IV, 2675-2679.
28 Papyrus Magiques Grecs: Le mot et le rite

des besoins sacrificiels des opérations « magiques »60.


Le traitement des ingrédients composant les ἐπιθύματα
et l’éventuelle mise en boîte de ces derniers61 évoquent tantôt la
cuisine, tantôt le laboratoire de pharmacopée. Le vocabulaire
employé est effectivement commun à tous ces domaines : μιγνύναι,
« mélanger » κόπτειν, « battre », ἀναλαμβάνειν, « mélanger avec »62.
Enfin, à la fois la forme des κολλούρια ou τροχίσκοι, « pastilles »
et le terme qui les désigne conviennent aussi à des médicaments63.

Revenons maintenant à la préférence manifestée dans ce corpus


pour le verbe composé ἐπιθύειν. Chez Homère, ce terme signifie
«  sacrifier sur  », «  brûler sur l’autel  »  : καὶ βωμὸν ποιήσατ᾽ ἐπὶ
ῥηγμῖνι θαλάσσης, πῦρ ἐπικαίοντες ἐπί τ᾽ ἄλφιτα λευκὰ θύοντες·
εὔχεσθαι δὴ ἔπειτα παριστάμενοι περὶ βωμόν, « construisez un
autel là où les vagues se brisent, allumez du feu et offrez en sacrifice
de blanches  farines »64. D’après P. Casabona, ce sens homérique de
« brûler sur l’autel » est rendu à l’époque classique par ἐπιτιθέναι65,
puis attribué à nouveau à ἐπιθύειν par la koinê. Ensuite, jusqu’à
l’époque de nos papyrus, le verbe se spécialise pour désigner plus

60. PGM IV, 2465-2470.


61. Sur les boîtes ou les pots de conservation des médicaments, voir Samama
2006, 19.
62. Par exemple, PGM III, 187 (μιγνύναι, κόπτειν) et IV 1316 (ἀναλαμβάνειν),
voir Muñoz Delgado 2001, s.v.
63. PGM IV, 1316, 2691, 2894, cf. supra notes 48 et 56. Pour les pilules mar-
quées d’un sceau à l’aide d’une bague de fer, voir PGM IV 2686-2690. À part
les κολλούρια, nous trouvons dans les PGM une mention des τροχίσκοι,
« pilules »/« pastilles », préparations de forme similaire, dont l’emploi n’est
pas précisé (III, 190).
64. Hymne homérique à Apollon, 490-492.
65. Voir, par exemple, λιβανωτὸν ἐπιτιθέναι : Aristophane, Nuées, 426 et
Guêpes, 96.
Chapitre I Questions de vocabulaire : l’emploi d’ἐπιθύειν 29

particulièrement l’offrande d’encens66.


Quelques remarques de Théophraste citées par Porphyre sont
significatives quant à l’emploi d’ἐπιθύειν dans le sens de « brûler
sur l’autel », voire « brûler de l’encens sur l’autel ». L’auteur associe
explicitement ἐπιθύειν à θυμιᾶν : ἐπεὶ καὶ Ἀπόλλων παραινῶν
θύειν κατὰ τὰ πάτρια, ἐπανάγειν ἔοικεν εἰς τὸ παλαιὸν ἔθος. τὸ
δὲ παλαιὸν διὰ ποπάνων καὶ τῶν καρπῶν ἦν. ὅθεν καὶ θυσίαι
καὶ θυηλαὶ καὶ θυμέλαι ἐκαλοῦντο, καὶ αὐτὸ τὸ θύειν τοῦ θυμιᾶν
εἴχετο καὶ τοῦ νῦν παρ᾽ ἡμῖν λεγομένου ἐπιθύειν. ὃ γὰρ ἡμεῖς νῦν
θύειν λέγομεν, ἔρδειν ἔλεγον,  «  de fait, lorsqu’Apollon conseille
de sacrifier selon le rite ancestral, il semble bien qu’il veuille nous
ramener à l’usage ancien. Or l’usage ancien consistait à offrir
des galettes et des produits des récoltes, ainsi que nous l’avons
démontré. De là sont venus les mots thusiai et thuêlai qui désignent
les sacrifices ; et thumelai qui désigne les autels sacrificiels ; le verbe
thuein ‘sacrifier’ était lui-même lié au verbe thumian signifiant
« faire brûler » tout comme le verbe epithuein ‘sacrifier sur l’autel’,
que nous employons couramment aujourd’hui. Car ce que nous
exprimons aujourd’hui par thuein, on l’exprimait alors par erdein
signifiant ‘accomplir’ »67.
D’après Théophraste, la racine θυ- du θύειν révèle la parenté
originaire de ce verbe avec le feu et la fumée. Cette affinité qui
rapprochait jadis les verbes θύειν et θυμιᾶν n’aurait gardé sa
transparence (ne serait plus perceptible), au temps de l’auteur,
que dans ἐπιθύειν. Il est aussi à signaler qu’ἐπιθύειν est employé,
suivant ce passage, quand il s’agit d’offrandes végétales brûlées
sur l’autel, une catégorie considérée par Porphyre comme
ancienne et particulièrement vénérable. En effet, à l’époque des
papyrus magiques ἐπιθύειν désigne très fréquemment − mais pas

66. Casabona 1966, 98.


67. Porphyre, De l’abstinence, II, 59 (=Théophraste, De la piété, fr. 8). 
30 Papyrus Magiques Grecs: Le mot et le rite

exclusivement − la combustion d’encens. Cela est d’autant plus


valable dans le contexte des cultes égyptiens, comme le montre,
entre autres, une étude des Sarapieia de Tanagra68.
Cependant, aussi bien notre corpus que d’autres sources
présentent des exemples montrant qu’à l’époque romaine ἐπιθύειν
pouvait désigner aussi des sacrifices animaux, sans distinction
apparente avec l’habituel θύειν. Ainsi Flavius Josèphe  écrit-il:
καταλύσαντας τὰ πάτρια (…) σῦς ἐπιθύειν τῷ βωμῷ, « au mépris
de leurs usages ancestraux (…) sacrifier des porcs sur l’autel»69.
Plus tard, le dictionnaire byzantin de la Souda considère le verbe
ἀναρρύειν, « tirer la tête de la victime en arrière pour l’égorger »
comme équivalent de l’expression θυσίαν ἐπιτελεῖν, «  accomplir
un sacrifice » et comme synonyme d’ ἐπιθύειν70.
Ces observations incitent à penser que ce verbe, bien que
spécifiquement lié aux fumigations, n’a jamais été un exact
synonyme d’« encenser »/« faire une fumigation », dont le sens est
rendu sans ambiguïté par ἐπιθυσιᾶν − d’où le substantif ἐπίθυσις.
Cette conclusion est corroborée par l’emploi d’ἐπιθύειν dans les
papyrus magiques pour désigner non seulement l’offrande de
parfums, mais aussi toute autre offrande à brûler.
On peut donc légitimement conclure qu’en tant que terme propre
aux fumigations ἐπιθύειν désigne par extension, dans notre corpus,
la plupart des sacrifices à accomplir. Cependant, cette conclusion
ne nous paraît pas suffisante. Dans nos recettes «  magiques  »,
ἐπιθύειν paraît avoir gardé, au moins dans une certaine mesure,
une trace du sens plus général porté par la préposition ἐπί, qu’il
soit local, temporel/additif ou final : «  sacrifier sur  », «  sacrifier

68. Calvet et Roesch 1966, 316.


69. Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, I, 34, 4.
70. Souda, s. v. Ἀναρρύειν τὸ ἐπιθύειν ἀντὶ τοῦ θυσίαν ἐπιτελεῖν.
Chapitre I Questions de vocabulaire : l’emploi d’ἐπιθύειν 31

ensuite/en plus » ou « sacrifier pour ».


Le sens local n’est pas improbable, comme le suggèrent les
fréquentes indications du lieu du sacrifice, qui accompagnent ce
verbe : «  sur l’autel  », «  sur l’encensoir  », «  sur des sarments de
vignes »71. Ces tournures répondent d’ailleurs au souci du magicien
de circonscrire l’espace sacré de l’opération et de l’organiser
minutieusement à l’aide de structures matérielles.
Quant au sens temporel, à savoir « sacrifier, par la suite » et,
par conséquent, « en plus » il est attesté par ailleurs dès une époque
très ancienne72 et ne peut être exclu dans certaines phrases de notre
corpus comme : ῥάνας αἵματι περιστερᾶς καὶ ἐπιθύσας ζμύρναν,
«  après avoir aspergé avec du sang de pigeon, brûle, en plus, de
la myrrhe  »73. Lors d’une opération où plusieurs gestes rituels se
succèdent, le sacrifice peut être effectivement conçu comme un
complément d’autres actions.
Enfin, des expressions accompagnant ἐπίθυε, telles que ἐπὶ
μὲν τῶν ἀγαθοποιῶν, «  pour faire du bien » font penser que la
préposition ἐπί souligne aussi le but de l’opération74. Ce dernier
sens paraît d’autant plus vraisemblable qu’ἐπιθύειν et ἐπίθυμα sont
clairement conçus et présentés par notre corpus comme des gestes
rituels efficaces, aptes à agir sur quelque chose et à accomplir un
but désiré. La comparaison de ces termes avec ἐπᾴδειν et ἐπῳδή,
« incanter, incantation » est éclairante à ce propos ; car ces derniers
mots se réfèrent à un chant doté d’un pouvoir spécial qui lui permet
d’« agir sur » une personne, un objet matériel ou une situation75.

71. PGM III, 383 (ἐπιθύσ̣[ας] ἐ̣πὶ̣ ̣ τῷ βωμῷ) ou PGM IV, 214-215 (καὶ ἐπίθυε
ἐπὶ θυμιατηρίου γεΐνου).
72. Eschyle, Agamemnon, 1504 (τέλεον νεαροῖς ἐπιθύσας), cf. Casabona 1966, 98.
73. PGM II, 177.
74. PGM IV, 2868-2869 cf. 2871-2872.
75. En s’appuyant sur des emplois du terme chez Homère, Carastro 2006, 25
32 Papyrus Magiques Grecs: Le mot et le rite

Ainsi, l’association fréquente des sacrifices aux prières dans des


phrases comme ἐπίθυε καὶ λέγε ou λέγε ἐπιθύων76 pourrait être
comprise comme un effort de charger les secondes du pouvoir des
premiers, considérés comme tout puissants.
L’occurrence, dans les prescriptions sacrificielles de nos
papyrus, d’autres termes composés commençant par ἐπι-, comme
ἐπιτιθέναι et ἐπισπένδειν, crée parfois un effet de redondance.
Nous lisons, par exemple : δι]ώ̣κων τόνδε τὸν ἱερὸν λόγον, ἐπιθύων
λίβανον ἄ[τμητον] καὶ ῥόδινον ἐπισπένδων, ἐπιθύσασας[ ἐπὶ γηί]
νου θυμιατηρίου ἐπ’ ἀνθράκων ἀπὸ ἡλιοτροπίου β[οτάνης, « en
poursuivant ce discours sacré, en sacrifiant de l’encens non coupé
et en faisant une libation d’huile de rose, après avoir sacrifié sur un
encensoir de terre cuite sur des charbons de tournesol »77.
Un effet rythmique similaire est créé par la préposition κατά,
ajoutée comme préfixe à l’épithète χθόνιος et aux verbes δέειν,
γράφειν, τίθημι, dans une série de documents « magiques » d’ordre
et de chronologie différents, écrits sur des tablettes de défixion,
comme l’exemple suivant : καταγράφω καὶ κατατίθω ἀνγέλῃς
καταχθονίοις Ἑρμῇ καταχθονίω καὶ Ἑκάτη καταχθονια…,
«  J’écris en bas et je dépose aux messagers du monde d’en bas,
Hermès du monde d’en bas et Hécate du monde d’en bas…  »78.
Dans ce cas, la répétition de la préposition κατά (καταδέω,
καταγράφω, κατατίθω, καταχθόνιος, καταχθονία) accumule des
connotations plutôt néfastes : au pouvoir abusif des paroles (κατά,
« trop ») s’ajoutent l’intention de nuire (κατά, « à l’encontre de ») et

traduit ἐπαοιδή/ἐπῳδή par « surchant » et ajoute : « ce terme composé, formé à


partir du mot « chant », aoidê, désigne un mode de parole modulée efficace, qui
agit « sur », epi, un corps ou un individu ».
76. PGM VII, 537-538.
77. PGM I, 61-64.
78. Audollent 1967, n° 74, ll. 1-3.
Chapitre I Questions de vocabulaire : l’emploi d’ἐπιθύειν 33

la mobilisation du monde d’en bas (κατά, « en bas »). Certes, cette


ressemblance est loin d’être parfaite, puisque le texte d’une tablette
de défixion constitue un exemple d’écriture performative, à savoir
une formule gravée « active » dont les mots sont censés influer sur
la réalité, tandis que les passages comparables des papyrus sont
écrits dans un style prescriptif.
Nous croyons, toutefois, que derrière l’instruction pratique il
y a souvent dans les textes de notre corpus un effort rhétorique
de convaincre le lecteur pour l’efficacité des actes prescrits. En ce
sens, la répétition de la préposition ἐπί signifiant « sur » et/ou « en
plus  », mais exprimant aussi la finalité et le pouvoir, intègre les
gestes prescrits dans une procédure complexe où πράξεις et λόγοι
se succèdent en se complétant.

Même si les sacrifices désignés par ἐπιθύειν ne constituent


ni le centre ni la culmination des procédures des PGM, ils sont
présentés comme des actes puissants, des « sur-sacrifices », dirait-
on, en calquant ce néologisme sur le mot « surchant » employé par
M. Carastro79.  De même que les formules des ἐπῳδαί récitées80,
la fumée des ἐπιθύματα brûlés à proximité d’objets matériels
semble imprégner ces derniers en leur transmettant un pouvoir
« magique ».

À côté d’ἐπιθύειν, nous trouvons λιβανωτίζειν et σμυρνίζειν


pour la fumigation d’encens et de myrrhe respectivement,
alors que καπνίζειν, parfois associé à θύειν81, est utilisé pour la

79. Voir, sur ce terme, supra, note 75.


80. Pour l’emploi d’ἐπῳδή et d’ἐπᾴδειν dans notre corpus voir Muñoz Delgado
2001, s. v.
81. À titre d’exemple : PGM XIII, 1016 (λιβανωτίζειν), XII, 179 (σμυρνίζειν) ;
34 Papyrus Magiques Grecs: Le mot et le rite

fumigation en général. En fait, la production de fumée ou d’une


odeur particulière fait partie des effets constamment recherchés
par les recettes. La fumée, ἀτμίς, ἀτμός ou καπνός, émanant non
seulement des autels et des brûle-parfums, mais aussi des lampes
remplies d’huiles parfumées, est parfois censée pénétrer des objets
superposés, tels des anneaux, lamelles etc.82. Or, λιβανωτίζειν,
σμυρνίζειν et καπνίζειν mettent en avant l’objet à faire imprégner
par la vapeur et ne désignent pas forcément des offrandes83.

cf. XIXb, 3 où ce même verbe est utilisé pour l’écriture à la teinture de myrrhe ; III,
23 (θῦσον… καπνίζων).
82. C’est le cas, par exemple, dans PGM XXIIa, 6 et VII, 639.
83. PGM VII, 927 et 178.
IIa Parfums et fumigations

Les prescriptions sacrificielles des papyrus magiques ne


concernent que très rarement l’offrande d’animaux entiers.
Quand cela arrive, les victimes passent à l’autel accompagnées
de substances aromatiques naturelles ou élaborées. Les recettes
parlent alors d’« aromates de toutes sortes » − ἀρώματα παντοδαπά
− et de «  parfums à fumiger  » − θυμιάματα −, destinés à être
brûlés lors du sacrifice animal. Souvent sont mentionnées aussi
des fleurs − ἄνθη − et des «  toupies  » − στρόβιλοι qui semblent
avoir, entre autres, une valeur décorative. L’identification des
στρόβιλοι est controversée : ils sont considérés le plus souvent par
les spécialistes comme des «  pommes de pin  » naturels ou alors
consommés en guise de τραγήματα, «  friandises  ». Cependant,
d’autres documents provenant de l’Égypte ptolémaïque et romaine,
qui concernent le prix et la vente des στρόβιλοι, n’excluent pas la
possibilité d’y reconnaître des cônes d’une substance parfumée, de
cire par exemple, façonnés en pommes de pin, plutôt que des fruits
naturels84.
L’importance du parfum lors des sacrifices animaux et des
autres opérations sacrificielles est soulignée par l’emploi d’une
matière à combustion odorante, comme les sarments de vigne –

84. Sur στρόβιλος, « pomme de pin », voir LiDonnici 2001, 79-83. Toutefois,
comme le montre Perpillou-Thomas 1993, 185-188, le terme peut être employé pour
les cônes de cire parfumée. Sur le στρόβιλος d’un βαλανεῖον mentionné dans une
des nos recettes, voir infra, p. 56, note 151.
36 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

ἀμπέλινα –, le bois de saule – ἰτέινα –, de genévrier − ἀρκεύθινα


− ou d’arbres fruitiers – κάρπιμα –85  , usage que les pratiques
traditionnelles grecques n’ignorent pas86. Ainsi, dans le cadre d’un
sacrifice sanglant, une de nos recettes ordonne : παράθες εἰς τὴν
θυσίαν ξύλα κυπαρίσσινα ἢ ὀποβαλσάμινα, ἵνα καὶ χωρὶς τῶν
θυμιαμάτων ἡ θυσία ὀσμὴν παρέχῃ, « dépose du bois de cyprès
ou d’arbres balsamiques pour le sacrifice, afin que qu’il produise
une odeur, indépendamment des parfums à brûler »87.
Cependant, la plupart des fois, les substances aromatiques,
seules ou mélangées à d’autres ingrédients végétaux ou animaux,
constituent une offrande suffisante pour accompagner les autres
rites, notamment la prononciation d’un λόγος. Autrement dit, mis
à part un nombre restreint d’immolations d’animaux, sacrifier
égale dans nos papyrus offrir soit des aromates ou des parfums
composites d’origine purement végétale, soit des mixtures faites de
substances variées parmi lesquelles on trouve aussi des essences
aromatiques.
Il est à signaler que les ingrédients des mélanges que l’on brûle
pour produire de la fumée avec une odeur particulière ne peuvent
être considérés toujours comme des « parfums » proprement dits.
Leur choix, d’ailleurs, n’est pas dicté uniquement par des critères
olfactifs, puisqu’ils apportent parfois, outre leur note odoriférante,

85. PGM IV, 30-32 (ποίησον ἐπὶ δύο πλίνθων ἐπὶ κροτάφων ἑστηκυϊῶν
ἐκ ξύλων ἐλαΐνων, τουτέστιν κλημα[τίδ]ο̣ς, πυράν), IV, 918-919 ἐπίθυε εἰς τοὺς
ἄνθρακας τοὺς ἀμπελίνους IV, 2637 (ἐπίθυε δὲ μᾶλλον ἐπὶ ξύλων ἀρκευθίνων),
XII, 29 (ποίησον κέρατα δʹ, ἐφ’ οἷς [ἐπ]ι[τί]θης ξύλα κάρπιμα), XII, 213 (ποιήσας
ἐπὶ τῷ βόθρῳ βωμὸν ἐκ ξύλων καρπίμων).
86. Porphyre, De l’abstinence, II, 5, cf. Pausanias, II, 10, 5-6 et V, 14, 1-3 avec les
commentaires de Pirenne-Delforge 2008, 188-189, 200 et 213-214 respectivement.
87. PGM XIII, 363-364.
Chapitre IIa Parfums et fumigations 37

une valeur symbolique liée, entre autres, à leur lieu de provenance88.


Les recettes égyptiennes pour la préparation du κῦφι, qui était
le parfum le plus réputé dans ce pays, associaient de multiples
produits, plus nombreux que ceux dont font mention Dioscoride,
Plutarque et Galien89. L’origine de ces produits représentait un
microcosme de l’Orient, si bien que leur odeur permettait au
pouvoir divin de gagner les contrées les plus lointaines.
Outre l’évocation du lieu de provenance, les substances
intégrées dans les ἐπιθύματα des papyrus apportent leurs vertus
réelles dues à leurs propriétés botaniques, auxquelles font parfois
écho des motifs mythologiques, grecs ou égyptiens. C’est grâce à
ces propriétés que plusieurs de ces ingrédients sont fréquemment
utilisés dans la pharmacopée pour des traitements spécialisés90.
Cependant, comme l’observe Richard Gordon, même si la rédaction
des nos recettes relève du savoir d’une pharmacopée fondée sur
l’observation des caractéristiques naturelles des plantes, une
substance qui entre dans le réseau des signes «  magiques  » en
est automatiquement investie: « The more mature the tradition,

88. Voir Aufrère 2003, 117-142 et Bruwier 2008, 76-77.


89. Il s’agit d’une composition aromatique particulièrement réputée en Égypte
et employée notamment dans des milieux sacrés. Plutarque nous dit qu’elle était
composée de seize substances, mélangées dans un ordre précis et suivant des règles
strictes (De Iside et Osiride, M383e-384c). En effet, le nombre de ces ingrédients variait
de seize à cinquante. Voir, entre autres, Aufrère 2003, 138-142, Guilhou et Peyré
2006, 278-279, Bruwier 2008, 77. Sur l’emploi du terme dans les papyrus magiques,
voir Scarborough 1991, 160-161.
90. Voir Scarborough 1991, 157 et suiv., LiDonnici 2002, 359-360 et Gordon
2007, cf. Martini 1977, 139-153 et LiDonnici 2001, 61-91. Baum 2003, 17-36 présente
un éventail d’emplois attestés en Égypte pour plusieurs plantes aromatiques figu-
rant dans notre corpus, cf. Bresciani 1997, 449-460. Certes, le lien entre médicine,
herboristerie et magie est une réalité qui dépasse les limites de notre corpus ; voir
Bruwier 2008, 75 et notes 2-4 (sur le statut du médecin égyptien), Lanata 1967, pas-
sim, Chouliara-Raïos 2008, 25-63 (recettes contre la piqûre et le venin du scorpion).
38 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

the less interest it displays in the natural world. Elements of that


world become significant mainly because they have already been
appropriated into the network of signs and values that constitutes
magical practice »91.

Encens et myrrhe
L’encens − λίβανος/λιβανωτός − et la myrrhe – σμύρνα/ζμύρνα
– sont les offrandes les plus fréquentes dans notre corpus. Le
premier, lié au Soleil plus que les autres parfums92, est à offrir tantôt
ἄτμητος « non découpé », tantôt σταγονιαῖος « goutte à goutte »
ou encore sous la forme d’un seul grain – χόνδρος λιβάνου. Des
précisions supplémentaires sont données, le plus souvent pour
exiger la meilleure qualité possible  de la substance aromatique93.
Quant à la seconde offrande, la myrrhe, elle est associée non
seulement au Soleil, mais aussi à Hermès, à Isis et à Séléné94. À deux
reprises dans nos textes on s’adresse à elle, comme nous allons le
voir, de même qu’à une divinité. Ces deux aromates apparaissent
aussi bien seuls que dans de nombreuses préparations composites.
Tout comme les autres substances aromatiques, ils sont employés
non seulement comme des ἐπιθύματα à fumiger, mais aussi dans
une grande variété de rituels, tels que les préparations de mélanges
à avaler, d’onctions ou d’encres. Ainsi l’encens et la myrrhe, utilisés
en onguents – μύρον ζμύρνινον – entrent en contact avec le corps

91. Gordon 2007, 139, cf. 117-118 : « the rôle of natural ingredients, pharmaka,
diminishes as the role of other features, especially explicit labelling of intentions,
increases ».
92. Voir, par exemple, PGM XIII, 20, Merkelbach et Totti 1989-1992, III, 96. Sur
le rapport entre le Soleil et les parfums dans leur ensemble, voir infra, p. 45.
93. LiDonnici 2001, 90.
94. PGM I, 232 et V, 197 (Hermès), XIII, 20 (Séléné), XXXVI, 335-340 (Soleil),
CXXII, 30 (Isis), cf. Aufrère 2001a, 352 et Aufrère 2001b, 374-376. Cf. infra, p. 60.
Chapitre IIa Parfums et fumigations 39

du praticien ou alors avec des objets divers. En tant qu’ingrédients


d’encres spéciales (un emploi rare pour l’encens, mais très fréquent
pour la myrrhe), ils contribuent à l’efficacité exceptionnelle des
formules écrites95. La vapeur ou la fumée des parfums – ἀτμίς/
ἀτμός, καπνός – pénètrent des objets à « activer », anneaux, gemmes
gravées ou images, en leur transmettant des qualités spécifiques96.
Lorsqu’un objet doit être parfumé d’encens, l’opération est désignée
par le verbe λιβανωτίζειν. En revanche, le verbe ζμυρνίζειν,
morphologiquement similaire, n’a pas un sens aussi clair : il peut
signifier soit parfumer à la myrrhe, soit donner à l’écriture la
teinture de cette plante, ce qui n’équivaut pas forcément à « écrire à
l’encre de myrrhe » ou écrire « à la myrrhe »97.
À côté de ces deux substances, nous trouvons d’autres aromates
très connus, comme le laurier, le nard, le styrax, la cannelle, ainsi que
quelques éléments inattendus : une langue de grenouille qui doit être
offerte en ἐπίθυμα avec de la myrrhe et de l’encens98 ; ou encore de
l’armoise, de la graisse et du sang d’un pigeon, mélangés à la myrrhe
pour préparer des pastilles – κολλούρια –, ἐπιθύματα à brûler99.
Selon Lynn R. LiDonnici, on trouve dans les recettes des
PGM quatre catégories d’ingrédients : (i) des plantes médicinales
déjà employées dans la pharmacopée ancienne, (ii) des plantes
auxquelles le rituel prescrit confère un pouvoir spécial, (iii) celles
qui jouent un rôle dans les cultes religieux - catégorie majoritaire
qui comprend d’ailleurs l’encens, la myrrhe et le styrax et enfin
(iv) des substances plutôt exotiques, comme les poils d’animaux ou

95. Voir infra, pp. 64-65.


96. Voir, par exemple, PGM VII, 639 et XXIIa, 6.
97. Cf. infra, p. 64.
98. PGM V, 201-202.
99. PGM, IV, 2888- 2890. Sur le sens des κολλούρια, voir supra, p. 28 et note 63.
40 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

la materia magica recherchée auprès des tombeaux. Bien entendu,


comme le remarque l’auteur lui-même, ces catégories se recouvrent
largement, dans la mesure où les ingrédients sont utilisés de
diverses manières dans le cadre d’un rituel et connaissent pour la
plupart des emplois aussi bien religieux que médicaux100.
L’importance des substances parfumées  et des autres herbes
est soulignée par la présence d’instructions pour les cueillir −
β ο τ α ν ή α ρ σ ι ς dans trois recettes du papyrus de Paris101. La
première commence par : χρῶ πρὸ ἡλίου. λόγος λεγόμενος· ‘αἴρω
σε, ἥ τις βοτάνη, χειρὶ πενταδακτύλῳ, ἐγὼ ὁ δεῖνα, καὶ φέρω παρ’
ἐμαυτόν, ἵνα μοι ἐνεργήσῃς εἰς τήν τινα χρείαν. ὁρκίζω σε κατὰ
τοῦ ἀμιάντου ὀνόματος τοῦ θεοῦ· ἐὰν παρακούσῃς, ἥ σε  τεκοῦσα
γαῖά σε οὐκέτι βρεχήσεται πώποτε ἐν βίῳ πάλιν…, « à employer
avant le lever du soleil. Formule à prononcer  : Je t’arrache, toi,
telle plante, avec ma main à cinq doigts, moi un tel, et t’emporte
chez moi, afin que tu agisses pour un tel besoin. Je t’adjure par le
nom immaculé du dieu ; si tu désobéis, la terre qui t’a enfantée ne
sera plus jamais arrosée de pluie …»102. L’emploi de  la deuxième
personne implique la personnification de la plante qui fait ensuite
l’objet d’adjurations et de menaces calquées sur les prières adressées
aux divinités de notre corpus. Ces paroles situent alors la plante au
même niveau que les dieux.
La deuxième recette, qui se présente comme spécifiquement
égyptienne, est encore plus compliquée. Elle comprend une
purification préalable, une fumigation de kyphi, un λόγος à

100. LiDonnici 2002, 359-377.


101. PGM IV, 286-295, 2967-3006 et 3172-3208, voir Aufrère 2001(a), 341 et suiv.,
Scarborough 1991, 157-158. L’étude fondamentale de Delatte 1938, 17 et passim prend
en compte plusieurs écrits botaniques à caractère hermétique ou « magique » sur
la cueillette rituelle. Voir aussi l’étude plus récente de Ducourthial 2003, 153-180.
102. PGM IV, 286 et suiv.
Chapitre IIa Parfums et fumigations 41

prononcer au moment de la cueillette et une offrande compensatoire


de grains enduits de miel103. Nous y trouvons en outre deux types
d’invocation. L’une  s’adresse à chaque fois au démon auquel une
plante a été consacrée en foction de l’usage pour lequel elle est
prévue − ἐπικαλούμενος τὸν δαίμονα, ᾧ ἡ βοτάνη ἀνιέρωται104.
L’autre, plus longue, suit une formule commune pour toutes les
plantes : ἐπίκλησις δ᾽ αὐτῷ ἐπὶ πάσης βοτάνης καθ᾽ ὅλον ἐν ἄρσει,
ἣν λέγει, ἐστὶν ἥδε· 'ἐσπάρης ὑπὸ τοῦ Κρόνου, συνελήμφθης
ὑπὸ τῆς ῞Ηρας, διετηρήθης ὑπὸ τοῦ Ἄμμωνος, ἐτέχθης ὑπὸ τῆς
Ἴσιδος, ἐτράφης <ὑπ᾽> ὀμβρίου Διός, ηὐξήθης ὑπὸ τοῦ Ἡλίου
καὶ τῆς δρόσου. σὺ <εἶ> ἡ δρόσος ἡ τῶν θεῶν πάντων, σὺ <εἶ> ἡ
καρδία τοῦ Ἑρμοῦ, σὺ εἶ τὸ σπέρμα τῶν προγόνων θεῶν, σὺ εἶ ὁ
ὀφθαλμὸς τοῦ Ἡλίου, σὺ εἶ τὸ φῶς τῆς Σελήνης…, « l’invocation
à prononcer en général pour toute plante au moment de l’arrachage
est la suivante : 'tu as été semée par Kronos, tu as été conçue par
Héra, tu as été conservée par Ammon, tu as été enfantée par Isis,
tu as été nourrie de pluie par Zeus, tu as grandi grâce à Hélios et
la rosée. Tu es la rosée de tous les dieux, tu es le cœur d’Hermès,
tu es la semence des dieux dont tu descends, tu es l’œil d’Hélios,
la lumière de Séléné… '105. Les parfums naissent donc par les soins
des dieux grecs et égyptiens, puis correspondent, à leur tour, à des
émanations et des parties du corps divines, conception courante
dans la mythologie égyptienne.
Enfin, un passage aussi intéressant que problématique paraît
indiquer que certains noms de substances végétales étaient sans
doute codés. Il s’agit d’une «  clé d’interprétation  », comme le

103. PGM IV, 2986-3006. Cf. Delatte 1938, 116 et suiv., sur les sacrifices de ré-
paration lors de la récolte des simples.
104. PGM IV, 2970-2971.
105. PGM IV, 2973-2981.
42 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

suggère le texte lui-même : «  interprétations  − ἑρμηνεύματα et


μεθερμηνεύματα − que les scribes des temples ont employées dans
les écrits sacrés, avec leur traduction  ». D’après cette notice
introductive, les noms des substances utilisées dans les recettes
végétales, animales ou minérales ont été falsifiés par les prêtres
égyptiens pour empêcher les fidèles d’exécuter en privé des rituels
décrits par des inscriptions gravées sur les images divines106.
Certes, la pratique évoquée par ce passage, suivant lequel les
prêtres auraient inscrit les noms codés sur les statues des dieux,
n’est pas attestée par ailleurs107 ; mais ce détail rime si bien avec le
lien, traditionnel en Égypte, entre statue divine et écriture, qu’il
paraît compréhensible, même s’il était fictif108. Suit une longue
liste de noms codés accompagnés par leur interprétation (XII, 408-
444), document destiné à répondre aux besoins du praticien qui ne
détenait apparemment pas ce savoir sacerdotal :

κεφαλὴ [ὄ]φεως· βδέλλα.


ἀγαθὶς ὄ[φ]εως· κηρίτην λέγει.
αἷμα ὄφ[ε]ως· αἱματίτης λίθος.

« Tête de serpent : sangue
Ball de fil de serpent : ça veut dire stéatite
Sang de serpent : hématite etc. »

106. PGM XII, 401 et suiv. Voir Scarborough 1991, Betz 1995, 167-168, 138-174,
LiDonnici 2002, 366 et suiv. et surtout Dieleman 2005, 185-203.
107. Voir Dieleman 2005, 203, « its allegation that this jargon was inscribed on
the statues of god is nonsense ». Les noms de produits de base pour les prépara-
tions secrètes étaient parfois gravés sur les parois des pièces que les égyptologues
appellent « laboratoires », voir Aufrère 2003, 122-124.
108. Voir, entre autres, Koenig 1994, 98-100 « on a considéré que l’art égyptien
formait avec le système de l’écriture une véritable unité » (98).
Chapitre IIa Parfums et fumigations 43

Ainsi une plante aussi ordinaire que l’armoise est-elle


désignée par le nom exotique «  sang d’Héphaistos  »  : αἷμα
Ἡφαίστου· ἀρτεμισία. Malgré le grand écart entre cette liste
et les ingrédients réellement employés dans notre corpus109, ce
passage valorise davantage nos recettes en les rattachant au savoir
sacerdotal égyptien, un domaine où préserver le secret était une
règle importante110. Rappelons que le secret concerne avant tout,
dans notre corpus, les noms divins111. L’interdiction de divulguer
les noms de ces ingrédients, afin de protéger les gens, comme le
précise la notice introductive, des risques auxquels les exposerait
un mauvais usage, ainsi que la codification de ces mots avant de
les graver sur les images divines, situent ces substances, parfums
ou autres, au niveau des noms et symboles divins secrets dont la
connaissance pourvoit le praticien d’un pouvoir exceptionnel.

109. L’armoise, par exemple, figure dans les papyrus avec son nom habituel.
En effet, comme l’a observé Lynn R. LiDonnici, parmi les noms codés mentionnés,
seul un, αἷμα κυνοκεφάλου, se trouve réellement dans les textes de notre corpus,
tandis que les précisions sur les noms d’ingrédients que nous trouvons parsemées
çà et là dans nos recettes sont d’un autre ordre, voir LiDonnici 2002, 371-377. Il est
donc possible que cette « Clé » ne concerne pas les recettes dont nous disposons,
mais des textes de nature similaire actuellement perdus, voir Dieleman 2005, 192
et suiv. Rappelons que notre corpus a été artificiellement constitué et ne représente
qu’un petit echantillon des manuels et des recettes qui circulaient pendant les
premiers siècles chrétiens dans le monde gréco-romain.
110. Selon Dieleman 2005, 185-203, notre liste puise directement dans le savoir
des prêtres égyptiens, comme le suggère d’ailleurs la faune qui y est mentionnée,
typique de cette région. Cet auteur cite en outre l’exemple d’une liste très similaire,
tirée d’un traité égyptien du IIe s. après J.-C. Toutefois, le procédé de codification en
tant que tel doit être beaucoup plus ancien, comme le montre un traité mésopota-
mien daté de 668-627 av. J.-C., voir Dieleman 2005, 193-197.
111. Betz 1995, 160 et suiv.
44 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Parfums et divinité : pratiques et croyances « traditionnelles »


Le rapport entre divinité et parfum est bien connu. Après
l’Euôdia de Waldemar Déonna et les fameux Jardins d’Adonis de
Marcel Detienne, plusieurs études récentes consacrées aux parfums
et aux aromates dans l’Antiquité grecque112 se penchent sur cette
relation, mais aussi sur le rôle des encensoirs et sur l’utilisation de
ces substances dans le culte113.
Les dieux eux-mêmes exhalent une céleste odeur qui constitue,
au même titre que le rayonnement, le signe le plus caractéristique
de leurs épiphanies114. Rappelons que l’ambroisie, cette nourriture
qui garantit, avec le nectar, l’immortalité, est conçue aussi comme
un baume aromatique115. Théophraste affirme qu’en Grèce le
sacrifice le plus ancien consistait, même avant l’importation de
parfums, à mettre au feu des substances aromatiques116. Un rôle

112. Voir Deonna 2003 et Detienne 2007, parus pour la première fois en 1939
et en 1972 respectivement.
113. Voir notamment Borgeaud 2005, Bruit-Zaidman 2008, Bodiou, Frère et
Mehl 2008, Bodiou et Mehl 2008, Mehl 2008, Voir aussi Morand 2001 sur les fumi-
gations orphiques et Zaccagnino 1998 et Massar 2008 sur l’emploi des encensoirs.
114. Moschos, Europa, 2, 91 : ἄμβροτος ὀδμή ; Euripide, Hippolyte, 1391 : θεῖον
ὀδμῆς πνεῦμα Cf. Lohmeyer 1919, 4-15, Deonna 2003, 7-22 ; Mussies 1988, 5 et
Borgeaud 2005, 571-576.
115. Homère, Iliade, XIV, 170 et Odyssée, IV, 445 : l’ambroisie parfumée épargne
Ulysse de l’odeur puante des phoques. Par ailleurs, les corps de morts aspirant
à l’incorruptibilité sont naturellement enduits de parfums : voir Ballabriga 1997,
119-127 et Borgeaud 2005, 574. Cf. Detienne 2007, 75 qui rapproche lui aussi, dans
son étude des pratiques pythagoriciennes, l’offrande d’aromates de l’ambroisie et
du nectar : « aliment divin au même titre que l’ambroisie ou le nectar, les aromates
sont aussi un élément constitutif de la nature des dieux ».
116. Porphyre, De l’abstinence, II, 5, cf. Pausanias, V, 15, 10. Attesté très tôt, le
double sens du mot θύος, à la fois « substance aromatique» et « offrande brûlée »,
plaide pour l’ancienneté de la combustion de parfums en l’honneur des dieux »,
voir Casabona 1966, 110 et suiv. et Bruit-Zaidmann 2008, 181-182. Le mot qui finit
par désigner des gâteaux rituels revêt significativement le sens de « parfums
Chapitre IIa Parfums et fumigations 45

important est attribué naturellement aux sacrifices d’aromates par


les Pythagoriciens et les Orphiques qui valorisaient ce type de
rituel par opposition à l’impureté du sacrifice sanglant117.
À part ce rapport général au divin, les parfums ont un lien très
particulier avec le Soleil. Selon Théophraste, « le plus grand nombre
d’entre eux (des aromates) se trouve dans un pays chaud, où tout
parfum est plus fort, de toute évidence parce que sa coction y est
meilleure »118. Sur le plan du mythe, c’est l’histoire de la métamorphose
de Leucothoé qui illustre le mieux le rapport entre le Soleil et le
caractère sec et pur des parfums qui préserve de la putréfaction.
Cette princesse a été enterrée vivante par son père pour avoir été
séduite par le Soleil, mais son corps échappe à la décomposition grâce
au nectar odorant versé par son amoureux sur sa sépulture. C’est
ainsi qu’« à travers la glèbe se dresse une tige d’encens », comme le
dit Ovide119.
Les parfums sont donc des substances « parfaites » de nature
ignée, car déjà concoctées par le soleil. Or, selon Aristote, « une fois
la coction – πέψις –accomplie, la chose est achevée et est devenue
ce qu’elle doit être »120.
La parenté de nature entre l’essence divine et le parfum fait de
la combustion du second l’invitation la plus efficace adressée à la
première. Une scholie d’Eschine maintes fois citée affirme que les
fumigations font venir les dieux, car « le semblable est attiré par le

brûlés » dans le contexte « magique » des Magiciennes de Théocrite (Idylles, ΙΙ, 10).
117. Voir Detienne 1970 et Detienne 2007, 68 et suiv., sur la « cuisine » de Py-
thagore. Voir aussi Bruit-Zaidmann 2008, 184 et suiv.
118. Théophraste, De Causis Plantarum, VI, 14, 8, cf. Hérodote, III, 113 : « de la
terre d’Arabie s’exhale une odeur d’une suavité merveilleuse ».
119. Voir Ovide, Métamorphoses, IV, 190-255, cf. Forbes Irving 1990, 266 et suiv.
ainsi que Detienne 2007, 59.
120. Aristote, Météorologiques, IV, 1, 379b 20-21, cf. Voir Touzé 2008, 51.
46 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

semblable » : « le héraut invoquait les divins par des fumigations


− διὰ θυμιαμάτων − en attirant le semblable par le semblable »121.
Aux croyances qui lient les parfums aux dieux correspondent
plusieurs usages rituels. Fleurs, couronnes, guirlandes, bois
aromatiques participent à la procédure sacrificielle. Le parfum
est déjà présent dès la première séquence du rite, c’est-à-dire la
procession sacrificielle. Les représentations de cette étape sur
les vases montrent le θυμιατήριον porté en tête du groupe par
un membre du cortège (parfois une femme) pour ouvrir la voie.
«  L’usage des aromates vise alors à attirer les dieux, à les inviter
à bien accueillir le sacrifice sanglant qui va se dérouler  », dit
Véronique Mehl. Cette remarque rappelle le rôle de l’encens dans
la praefatio romaine où le vin et l’encens invitent les dieux en tant
que captatio benevolentiae122. En outre, une fumigation effectuée en
mouvement contribue à la définition de l’espace sacré. La fumée
parfumée ouvre le chemin vers l’autel de la même façon que le
κανοῦν et la χέρνιψ employés pour des aspersions tracent une
limite autour de cette structure.
Le rôle de l’offrande d’encens dans la praefatio romaine montre
que cette substance possède la vertu non seulement d’attirer les
dieux, mais aussi d’évoquer et d’anticiper une opération sacrificielle
plus complexe et luxueuse. Offrir de l’encens est en soi un sacrifice
parfait qui pourrait même remplacer un autre, plus riche et plus
élaboré123.
Compte tenu de ces remarques, brûler des substances
aromatiques sur l’autel lors d’un sacrifice animal, pratique présente

121. Schol. Eschin. 1. 23, p. 258 (Schutz), cf. Detienne 2007, 59-60.
122. Mehl 2008, 173.
123. Sur cette étape inaugurale du sacrifice dans le monde romain, voir Scheid
1998, 73-74 et Prescendi 2007, 80 et suiv.
Chapitre IIa Parfums et fumigations 47

dans les papyrus  magiques, n’a rien d’étrange. En Grèce, lors des
sacrifices, le fumet des viandes monte au ciel en même temps que
les volutes de l’encens ou des autres substances brûlées sur l’autel124.
Ajoutons enfin que la consécration de parfums par fumigation
est l’« offrande parfaite » par excellence, car elle revient entièrement
aux dieux grâce à la combustion totale, comme le remarquent
plusieurs auteurs grecs. En l’absence de banquet et par conséquent
de consommation proprement dite, la fumée odorante, seul produit
de l’opération, unit hommes et dieux dans un festin idéal : Marcel
Detienne a déjà montré comment les parfums peuvent instaurer
« la communication la plus sûre entre les hommes et les dieux »125.
Ces remarques éclairent la valeur exceptionnelle des fumi-
gations dans les papyrus magiques, à savoir dans des opérations
rituelles où le praticien est seul face aux divinités qu’il invoque.
En effet, il s’agit alors d’établir une communication selon un axe
vertical, la commensalité et l’échange sur le plan humain faisant
défaut. En tant que partage entre le praticien et la divinité la
fumigation élève le premier au niveau de la seconde, atteignant
ainsi l’objectif de la plupart des recettes.

La parenté entre dieux et aromates est exprimée beaucoup plus


clairement en Égypte où le corps des divinités est censé dégager
un parfum particulier, croyance qui trouve des parallèles dans le
monde grec, comme nous venons de le voir. Cette odeur divine
correspondrait chez les humains aux essences aromatiques telles
que l’encens, dont la fumigation confère au bénéficiaire un statut

124. Signalons qu’en Grèce, malgré la critique du sacrifice sanglant, exercée


dans les milieux philosophiques, l’odeur des chairs brûlées, κνίση est censée être,
depuis Homère, agréable et appétissante pour les dieux.
125. Detienne 2007, 76.
48 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

équivalent à celui des dieux. En effet, l’origine des parfums est à


rechercher dans les émanations du corps divin. Certes, les liquides
corporels des dieux sont, pour les Égyptiens, identiques à ceux des
humains, contrairement à la conception grecque qui les assimile à
un sérum spécial ; mais les secrétions, humeurs et autres matières
émises par les divinités lorsqu’elles touchent la terre ont un effet
productif qui donne aussi naissance aux parfums. Suivant la
légende de la mort violente d’Osiris, quand Horus a pleuré :

« l’eau a coulé de son œil à terre ; elle a germé ; c’est ainsi qu’a
été produit l’oliban sec. Geb s’est trouvé mal à cause de cela (c’est
à dire de la mort d’Osiris, père d’Horus) ; du sang de son nez est
tombé à terre, et des pins ont poussé. C’est ainsi qu’a été produite la
résine à partir de sa sève. Chou et Tefnout ont pleuré énormément ;
l’eau de leur œil est tombée à terre ; elle a germé, c’est ainsi qu’a
été produite la résine de térébinthe. Rê a pleuré de nouveau. L’eau
de son œil est tombée à terre. Elle s’est changée en abeille. Quand
l’abeille eut été créée dans les fleurs de tous les arbres commença
son activité. C’est ainsi que s’est produite la cire, tandis que le miel
provient de son eau. Rê fut fatigué ; la sueur de son corps tomba
à terre, et elle germa et se transforma en lin  ; c’est ainsi que fut
produite la toile…Il cracha, il vomit  ; c’est ainsi que fut crée le
bitume »126.

On pourrait ajouter d’autres exemples d’écoulements générant


des substances utilisées dans les fumigations, les huiles et les
onguents, puisque toutes ces matières étaient censées appartenir
au monde divin. Non seulement on leur reconnaissait des pouvoirs

126. Derchain 1965, 137, trad. Meeks et Meeks 1993, 108.


Chapitre IIa Parfums et fumigations 49

exceptionnels, mais on leur attribuait aussi un rôle important dans


le dessin cosmique, au sein duquel elles associaient, comme le
souligne une étude de Philippe Borgeaud, chacune des divinités à
une région particulière127.
La vie des Égyptiens était rythmée par l’usage des aromates,
pour des raisons à la fois pratiques et religieuses128. Limitons nous
aux secondes, notamment à celles qui concernent les offrandes
et les sacrifices, en laissant de côté la toilette divine, les onctions
des statues ou le rituel d’embaumement, qui montrent les vertus
régénératrices des parfums.
Prenons un seul exemple, celui du service journalier  : les
fumigations, – souvent de natron, doivent purifier tout ce qui
s’approche de la statue divine. Le matin, des plateaux de viandes,
de pains, de fruits et de légumes sont fumigés avant d’être
présentés sur les autels du temple. Le monceau d’offrandes est
déposé symboliquement dans la salle de l’autel. Ces nourritures
sont destinées à être consommées ensuite par les prêtres et ne
pénètrent pas le saint des saints du temple. Seule une offrande de
pain frais prélevé à l’ensemble est tolérée dans le sanctuaire du
dieu. Ce repas frugal se termine – ce qui nous intéresse le plus −
par un encensement et une libation129.
Françoise Dunand et Christiane Zivie remarquent
significativement à ce propos que dans les petits temples dont la
superficie ne suffisait pas pour représenter sur les parois la totalité
du rituel, on se contentait de figurer une scène d’encensement et

127. Borgeaud 2005, 572 et note 2.


128. Aufrère 2003, 122.
129. Voir, entre autres, Dunand et Zivie 2006, 127 et suiv., Volokhine 2008, 56
et suiv., Meeks et Meeks 1993, 185 et suiv.
50 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

d’offrande à Maât130. Or, cette image doit être comprise comme le


résumé et le programme de l’ensemble du rituel. L’attribution à la
fumigation de ce pouvoir de résumer l’acte entier de l’offrande est
corroboré par les deux autres services du temple, celui du midi et
celui du soir, qui comportent exclusivement des libations et des
encensements.

Le rôle des parfums dans les recettes « magiques »


Dans notre corpus les fumigations de parfums servent souvent
à ouvrir une procédure rituelle complexe, même si la plupart des
fois ne sont pas subordonnées à un sacrifice animal considéré
comme principal. Elles peuvent également apparaître à la fin d’une
recette en combinaison avec les formules adressées au dieu en tant
qu’ἀπόλυσις. Outre leur rôle éventuel d’offrande, elles créent une
ambiance olfactive qui permet de reconnaître l’espace comme sacré,
elles encadrent et rythment la procédure. Elles peuvent aussi prêter
leur « âme » à des statuettes et d’autres objets inanimés, à l’instar des
sacrifices sanglants auxquels elles sont souvent associées131. Dans
le charme intitulé « l’épée de Dardanos », nous lisons : « l’offrande
à brûler, qui anime, ἐμψυχοῦν, Éros (…) est la suivante  : grains
d’encens, quatre drachmes  ; styrax, quatre drachmes  ; opium,
quatre drachmes… »132.
Certaines recettes montrent que le recours à la fumigation
d’encens peut être lié aux rites magiques d’incubation  :…εἶτα
ἔνεγκ[ο]ν̣ τὸ θυμιατήρ<ι>ον, ὅπου μέλλεις κοιμᾶσθαι, κ[αὶ] θῦσον
λιβάνου κόκκους γ’ «  ensuite, apporte l’encensoir là où tu vas

130. Dunand et Zivie 2006, 129. Maât incarne l’ordre cosmique et symbolise
l’ensemble des offrandes humaines à la divinité.
131. Dunand et Zivie 2006, 129.
132. PGM IV, 1830, cf. infra, pp. 103-105.
Chapitre IIa Parfums et fumigations 51

dormir et sacrifie trois grains d’encens… »133.


Souvent les substances à fumiger sont choisies dans le but
de faire plaisir aux destinataires, ce qui explique l’exigence de
qualité supérieure que l’on décèle dans certains passages. Ainsi
une prescription ordonne de sacrifier : « l’œil du loup, du styrax,
de la cannelle et tout ce qu’il y a de précieux  − ἔντιμον −, parmi
les aromates  »134. Le Soleil est désigné dans une sorte d’hymne
magique comme celui «  qui se réjouit à l’offrande de laurier  »135.
Dans la recette intitulée «  livre sacré de Moïse  » nous trouvons
une liste de sept aromates correspondant chacun à une planète et
composant une offrande explicitement destinée à faire plaisir : « …
brûle les sept aromates originaux auxquels dieu prend plaisir (…) le
bétél, le styrax, etc. »136.
Le Soleil fait donc partie des puissances explicitement associées
à certains aromates qualifiés de συγγενικά, « apparentés » au dieu :
ἀπηρτίσθω δὲ ἡ τράπεζα τοῖς ἐπιθύμασι τούτοις, συνγενικοῖς οὖσι
τοῦ θεοῦ, « prépare la table avec ces offrandes qui sont apparentées
au dieu  »137. Ainsi l’offrande devient encore un σύνθημα ou
σύμβολον incitant la divinité à se manifester, ce qui corrobore la
scholie déjà mentionnée d’Eschine, suivant laquelle le semblable
attire le semblable.

133. Selon Lexa 1925 I, 109, n. 4, dans les papyrus magiques purement égyp-
tiens, l’odeur de plantes brûlées, surtout celle de l’encens, mais aussi celle d’autres
matières odorantes y compris les substances puantes, contribue probablement à
produire une impression suggestive chez le magicien ou chez son medium, voire
à les mettre dans un état de transe ou ou d’hypnose.
134. PGM I, 285 et suiv.
135. PGM III, 224, cf. Ducourthial 2003, 193.
136. PGM XIII, 349 et suiv. Sur la « flore astrologique », cf. Ducourthial 2003,
267 et suiv.
137. PGM XIII, 13-14. La notion de parenté συγγένεια est aussi très importante
dans les rites théurgiques. Voir Jamblique, Les Mystères d’Égypte, 227, 16-18 (V, 20)
et Van Liefferinge 2000, 115-125.
52 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Comme nous l’avons déjà vu, dans notre corpus les parfums
sont de nature divine, voire eux-mêmes divinisés. L’invocation
contenue dans une des recettes concernant la cueillette le montre
clairement : la plante y est présentée à la fois comme une création
des dieux et comme une image du cosmos138.
Le pouvoir des ἐπιθύματα se multiplie grâce au « tressage »
de différentes substances et peut même se tourner contre leurs
destinataires divins. Certains ἐπιθύματα sont explicitement désignés
par les recettes comme des « rites de contrainte » − ἐπάναγκοι −, ou
alors des « épreuves » − βάσανοι. Nous trouvons même une herbe
qui s’appelle « contrainte » − κατανάγκη139. Parfois les recettes
font la distinction entre ἐπιθύματα « bienfaisants » − ἀγαθοποιά
− et « contraignants » − ἐπαναγκαστικά : ἔστιν οὖν τὸ ἐπίθυμα τὸ
ἀγαθοποιόν, ὃ θύεις πρώτῃ καὶ δευτεραίᾳ ἡμέρᾳ (τῇ δὲ τριταίᾳ μετὰ
τοῦ ἐπανάγκου καὶ τὸ ἐπίθυμα τὸ ἐπαναγκαστικόν), « telle est donc
l’offrande bienfaisante que tu feras le premier et le deuxième jour,
alors que le troisième, avec le charme de contrainte, tu feras aussi
l’offrande qui exerce la contrainte »140. Il y a donc des fumigations
qui ne peuvent en aucun cas être considérées comme bienveillantes.
Elles constituent l’un des nombreux moyens prescrits pour établir une
communication, pieuse ou non, avec les dieux. Nous ne saurions par
conséquent souscrire à la constatation de Fritz Graf suivant laquelle
dans les papyrus magiques « sacrifice is generally understood as a

138. Voir supra, pp. 40-41.


139. Voir, par exemple, PGM II, 42 et suiv. et IV 1313, 1319 (βοτάνη κατανάγκη
en tant qu’ἐπίθυμα). Le terme ἐπάναγκοι désigne, entre autres, une série d’ ἐπιθύ-
ματα : voir Muñoz Delgado, 41-42, s. v. ἐπάναγκος. Le recours à un ἐπίθυμα peut
être non seulement contraignant, mais aussi dangereux pour le praticien, auquel
cas un autre ἐπίθυμα peut jouer le rôle de φυλακτήριον : PGM IV, 1317 et suiv.
140. PGM IV, 2674-2689.
Chapitre IIa Parfums et fumigations 53

gift to the god as a sign of devotion »141.


………………………………………………………………………

Notre lecture a fait ressortir surtout des analogies, mais aussi


quelques différences, entre les conceptions grecques et celles
des Égyptiens concernant les parfums et les fumigations. C’est
principalement l’idée de la consubstantialité des parfums et des
dieux qui s’est avérée importante pour la compréhension de nos
recettes.
Tous les ingrédients employés pour les fumigations
mentionnées dans les papyrus sont symboliquement  investis.
Plus particulièrement, un code liant les plantes avec les dieux et
les planètes est parfois détectable. Il est clair que ces offrandes de
fumée et d’odeur ne reflètent ni les habitudes alimentaires ni la
culture agraire. Il s’agit plutôt de rituels qui privilégient des modes
de communication élevant le praticien au niveau de la divinité, bien
qu’ils réposent en général sur des idées et des pratiques attestées
par ailleurs, ce qui a dû favoriser leur recevabilité. L’innovation
réside d’abord sur le style compliqué qui puise probablement dans
les traditions médicales, ainsi que dans les idées relatives aux
« chaînes sympathiques » unissant les divers éléments de l’univers.
C’est d’ailleurs un style qui réflète parfaitement l’accumulation de
noms et de symboles dans les formules à prononcer, les hymnes et
les prières contenus dans ces mêmes recettes142.

141. Graf 2005, 71. Johnston 2000, 25 est moins catégorique quand elle affirme
que « toute matière peut être brûlée dans le but d’envoyer aux dieux des messages,
déplaisants aussi bien que plaisants ».
142. Sur la pression que cherche à exercer l’accumulation verbale observée
dans les papyrus magiques, voir Gordon 1999, 263-264.
54 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Le recours aux fumigations peut être envisagé, comme nous


venons de le voir, (i) du point de vue de la spécificité de ce mode
de consécration qui établit une communication d’égal à égal entre
le praticien et la divinité et paraît aussi influer sur le sommeil et les
rêves (ii) du point de vue de la valeur des aromates et des autres
substances à brûler, considérés comme propres à la nature divine.
Reste une autre dimension du problème qui mérite d’être évoquée :
le besoin d’adapter les rituels sacrificiels à un milieu autre que celui
des temples et des sanctuaires, un facteur qui a sûrement dicté des
choix particuliers, comme l’emploi d’encensoirs, de brûle-parfums
ou d’autres dispositifs simples, portables et faciles à installer en
urgence. Une comparaison avec les rituels traditionnels de « petite
échelle », à savoir ceux qui étaient pratiqués en milieu domestique
ou dans le cadre du culte journalier143 attesté notamment  dans
des sanctuaires s’Asclépios, serait intéressante à ce propos, mais
dépasse les limites de la présente étude.

143. Voir, par exemple, Plutarque, Crassus, 16, 7, Polyaenus, Stratagèmes, 4, 8, 2


ainsi que LSA 16 (règlement de Téos relatif au culte de Dionysos-Tibère qui prescrit
des fumigations quotidiennes).
IIb. Ζμύρνα, une divinité amère : PGM IV, 1496-1595

Comme nous l’avons déjà observé, la myrrhe − ζμύρνα ou


μύρρα − est une des substances les plus souvent mentionnées dans
notre corpus. Cette gomme résine, fréquemment présente dans
les prescriptions comprenant la préparation de fumigations et
d’onguents, constitue, en outre, un ingrédient habituel des encres
« magiques »144. Son importance est soulignée par deux mentions,
dans lesquelles elle apparaît personnifiée, de manière à ce que l’on
s’y adresse, comme s’il s’agissait une divinité145.
Ces deux cas de personnification de la myrrhe font partie de
recettes qui présentent plusieurs points communs. Il s’agit tout
d’abord de charmes d’amour – ἀγωγαί − appartenant à la catégorie
plus spécifique des ἔμπυρα, « charmes dans-le-feu » qui agissent
par «  analogie persuasive  » pour brûler la victime, jusqu’à ce
qu’elle tombe dans les bras de son amoureux. En effet, le λόγος
de chacune de deux recettes contient une demande formulée selon
le schéma de similia similibus qui doit être prononcée pendant la
combustion de la myrrhe146 : (i) ὡς ἐγώ σε κατακάω … οὕτω ἧς
φιλῶ, τῆς δεῖνα, κατάκαυσον τὸν ἐγκέφαλον…, « de même que

144. Concernant l’emploi de la myrrhe dans les papyrus magiques, voir LiDon-
nici 2001, 66-67 et Gordon 2007, 123-127 (b), cf. Aufrère 2001(b), 374-376.
145. PGM IV, 1496-1595 et XXXVI, 330-360. Voir nos Appendices II et III.
146. Faraone 2006, 27 et 184, note 115 emprunte le terme d’« analogie persuasive »
à Tambiah  1973, 199-229 le préférant, non sans raison, à la « magie symphathique »
frazérienne. Cf. Graf 1994, 231 et suiv.
56 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

moi je te brûle…ainsi brûle le cerveau de celle que j’aime…  » 147


dans la première recette et (ii) ὡς σὺ κάῃ, οὕτως καὶ σὺ καύσεις
τὴν δ(εῖνα), « que tu brûles une telle comme tu brûles toi-même »148,
dans la seconde. En outre, la myrrhe est présentée dans les deux
recettes à la fois comme substance à brûler et comme un être divin
que le praticien cherche à mettre à son service en s’y adressant à la
deuxième personne − σὺ εἶ ἡ Ζμύρνα… « tu es Myrrhe… »149. Dans
la seconde recette, lorsque le praticien fait de Myrrhe son assistante,
il ne fait que suivre l’exemple des divinités les plus puissantes qui
ont eu elles aussi recours à cette même substance personnifiée  :
Ζμύρνα, Ζμύρνα, ἡ παρὰ θεοῖς διακονοῦσα, « Myrrhe, Myrrhe qui
assiste les dieux… »150.  
Cependant, seul l’intitulé de la première recette, ἀγωγὴ ἐπὶ
ζμύρνης ἐπιθυομένης, «  charme d’attraction sur la myrrhe à
sacrifier » désigne explicitement cette substance comme ἐπίθυμα à
faire brûler − «  sur des braises ardents  », d’ailleurs, comme le
précisent les instructions. La seconde recette, qui porte le titre plus
court ἀγωγὴ ἐπὶ ζμύρνης, « charme d’attraction sur de la myrrhe »,
conseille le praticien de déposer de la myrrhe sur une dalle chauffée
d’un βαλανεῖον, «  salle de bains  »151. Une comparaison attentive

147. PGM IV, 1540-1545.


148. PGM XXXVI, 340-341.
149. PGM IV, 1498.
150. PGM XXXVI, 335.
151. Concernant l’atmosphère des bains publics, propice tant à la magie qu’aux
rencontres amoureuses, voir Bonner 1932 qui évoque la croyance selon laquelle
les démons trouvaient refuge dans ces lieux, ainsi que Dunbabin 1989, 36-37 et
Faraone 2006, 56, 139-140 qui prennent en compte l’importance de la chaleur et la
fonction sociale de ces espaces. Cf. Bremmer 2002, 57 et note 21. Suivant le texte que
nous citons, la myrrhe doit être brûlée plus précisément sur la dalle d’une salle de
bains : ἐπὶ τὸν στρόβιλον τῆς πλακὸς τοῦ βαλανίου (PGM XXXVI, 339-340). Sur
le mot στρόβιλος qui désigne ici un élément de la chaudière de cette salle, sens
inconnu par ailleurs, voir supra, p. 35 et note 84.
Chapitre IIb Ζμύρνα, une divinité amère : PGM IV, 1496-1595 57

des deux passages montre à quel point la limite est parfois difficile
à tracer entre le sacrifice désigné par ἐπιθύειν et la simple mise au
feu rituelle d’une matière «  magique  ». Dans le présent chapitre,
nous allons nous pencher surtout sur la première recette, car elle
montre plus clairement que les opérations sacrificielles de notre
corpus sont largement fondées sur l’idée de « la consubstantialité
de l’offrande et du dieu »152. En effet, dans ce texte tiré du grand
« papyrus magique de Paris » (P. Bibl. Nat. Suppl. gr. N° 574) non
seulement la myrrhe est-elle explicitement  sacrifiée en même
temps qu’invoquée comme une personne divine, mais en plus les
qualités intrinsèques à sa nature végétale sont évoquées, sollicitées
et magnifiées  de façon plus ou moins directe. Autrement dit,
l’étude de ce passage permet d’assister à la création d’une véritable
divinité botanique dans le « laboratoire magique ».
Voici donc le début de notre ἀγωγή  : «  charme pour attirer
quelqu’un à soi, sur la myrrhe que l’on fait brûler. En la faisant
brûler sur des charbons, prononce de manière pressante la
formule. Formule : «  Tu es la myrrhe, l’amère – πικρά –, la difficile
– χαλεπή –, la réconciliatrice de ceux qui se battent entre eux  –
καταλλάσσουσα τοὺς μαχομένους –, celle qui brûle − φρύγουσα
– et contraint à aimer – ἀναγκάζουσα φιλεῖν – ceux qui ne se
soumettent pas à Éros. Tous te nomment Myrrhe, mais moi je te
nomme mangeuse de chair et tison de cœur – σαρκοφάγον καὶ
φλογικὴν τῆς καρδίας. Je t’envoie pas au loin en Arabie je t’envoie
pas à Babylone, mais je t’envoie à Une telle, fille d’Une telle, pour que
tu me serves contre elle, pour que tu la conduises à moi…N’entre

152. Nous renvoyons ici au commentaire de Borgeaud 2005, 576 : « en faisant de
la myrrhe une divinité, l’Égypte tardive, celle des papyrus magiques, vient d’exau-
cer l’attente des Grecs. Elle permet d’expliciter ce que les Grecs chez eux, depuis
les présocratiques hésitent à croire : la consubstantialité de l’offrande et du dieu ».
58 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

pas en elle par ses yeux, ni par ses flancs, ni par ses ongles, ni par
son nombril, ni par ses bras, mais par son âme – διὰ τῆς ψυχῆς – et
reste dans son cœur, brûle lui – καῦσον – les entrailles, la poitrine,
le foie, le souffle, les  os, la moelle, jusqu’à ce qu’elle vienne vers
moi, … parce que je t’adjure, Myrrhe, par les trois noms, Anochô,
Abrasax, Trô, et par ceux qui sont plus contraignants et plus forts,
Kormeioth, Iaô, Sabaoth, Adonaï, pour que tu exécutes mes ordres,
Myrrhe : de même que moi je te brûle – et tu es puissante – ainsi
brûle – κατάκαυσον – le cerveau de celle que j’aime, calcine-la –
ἔκκαυσον ; arrache – ἔκστρεψον – ses entrailles, aspire son sang,
goutte à goutte – ἔκσταξον αὐτῆς τὸ αἷμα –, jusqu’à ce qu’elle
vienne à moi » 153.
L’être puissant et redoutable que l’opération rituelle fait sortir
des volutes exhalant du parfum reflète à l’envers, dirait-on, la
figure légendaire de Myrrha, la princesse séductrice et incestueuse
qui fut, elle, métamorphosée en plante. Dans le mythe, les larmes
de la malheureuse héroïne se transforment en résine parfumée.
« Ces larmes ont du prix et la myrrhe qui coule goutte à goutte de
l’écorce, conserve le nom de celle dont elle provient et nul siècle ne
le taira », dira Ovide154. L’association des secrétions du corps aux
parfums, transmise par la mythologie égyptienne dans laquelle
elle concerne les dieux155, revient ici dans l’histoire de la princesse
syrienne ou, suivant d’autres versions, chypriote. Les larmes
parfumées de la myrrhe contribuent sans doute à introduire une
figure mythologique connue chez les Grecs et les Romains dans

153. PGM IV, 1496-1545. L’original en grec ancien est cité en entier dans notre
Appendice II, p. 134. Pour la traduction du premier passage nous suivons Charvet
et Ozanam 1994, 64-65 avec de légères modifications.
154. Ovide, Métamorphoses, IV, 254-55. Sur l’interprétation du mythe, voir
Detienne 2007, 91-107.
155. Voir supra, p. 48.
Chapitre IIb Ζμύρνα, une divinité amère : PGM IV, 1496-1595 59

une recette à contenu fortement syncrétique. En effet, dans ce


document, le substantif Ζμύρνα figure à côté de noms évoquant des
puissances sémitiques156 ou renvoyant à des concepts égyptiens157.
Nous y trouvons également la mention  d’Abrasax, variante
syncrétique d’une divinité solaire et globalisante qui apparaît aussi
fréquemment sur les gemmes magiques que dans nos recettes158.
L’adjuration adressée à Ζμύρνα comprend enfin le nom Adonai
qui a ses origines dans l’appellation sémitique ἄδων, « seigneur »,
comme d’ailleurs le nom d’Adonis, fils célèbre de Myrrha et amant
d’Aphrodite »159.
Cependant, dans les papyrus magiques le mythe grec de Myrrha
paraît être plutôt ignoré, alors que la myrrhe en tant qu’onguent à
la fois cosmétique et magique renvoie surtout aux amours d’Isis
et d’Osiris : « prends la myrrhe et psalmodie et oins-t-en la face :

156. Par exemple, Iaô, Adonai, Sabaoth ; sur ces noms d’anges ou de dieux,
voir Lesses 1996, 53 et Chouliara-Raïos 2008, 39-41, notes 65-68 qui renvoient à une
bibliographie abondante.
157. Anochô, par exemple, est un nom issu de l’égyptien, même s’il évoque
également des mots/concepts coptes ou sémitiques. Attribué à une divinité, il figure
en tête d’énumérations de formules « magiques », mais il peut désigner aussi le
soleil levant. La triple évocation Anochô, Abrasax, Trô, qui apparaît dans notre
recette, renvoie aux trois principales positions solaires (lever - au zénith - coucher),
comme le montre Koenig 2008, 319-320.
158. Le nom isopséphique d’Abrasax, dont la valeur numérique correspond,
suivant les équivalences grecques anciennes, au chiffre 365, est souvent cité avec Iaô
et Sabaoth. Sur Abrasax voir, entre autres, Koenig 2009, 311-325 et Chouliara-Raïos
2008, 41, note 73.
159. Comme on l’a souvent remarqué à propos de l’histoire de Myrrha, la pa-
renté entre ces noms ne trouve pas de correspondant dans les mythes et les cultes
sémitiques : voir, entre autres, Burkert 1993, 374-378. Signalons enfin qu’Adonis a
été rapproché de l’égyptien Osiris déjà dans l’Antiquité : Lucien, De dea Syria, 7,
Apollodore, II, 1, 3, cf., toutefois, Plutarque, De Iside et Osiride, M357a-c qui adopte
une attitude plus prudente ; voir aussi Detienne 2007, 191-192. Pour l’assimilation
d’Aphrodite à Isis en Égypte romaine, voir Dunand 1979, 32-33.
60 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

tu es la myrrhe dont Isis était ointe quand elle vint sur la poitrine
d’Osiris…», prescrit une autre recette160. Si les parfums sont
indissociables de l’amour161, dans la tradition égyptienne la myrrhe
est considérée comme le parfum de séduction par excellence  : il
attire l’être aimé tout comme il a fait frémir les narines d’Osiris
défunt l’incitant ainsi à s’unir à Isis162.
Le pouvoir érotique de la myrrhe que notre corpus désigne
explicitement comme parfum de Séléné, a sûrement des
consonances lunaires. Cela n’exclut pas pour autant une association
avec le Soleil, puissance omniprésente dans nos papyrus163.
Derrière la simple mention du nom de Ζμύρνα,  plus d’un
exemples mythiques sont susceptibles de sous-tendre l’opération
«  magique  »164. Ainsi dans le seconde «  charme d’attraction  » où
elle apparaît personnifiée,  Myrrhe se présente comme l’alliée
des dieux, notamment comme l’assistante d’Hélios contre son
principal ennemi, Seth-Typhon : «  Myrrhe  ! Myrrhe qui assistes

160. GMPT CXXII, 30 et suiv., cf. SM, II, 72, col. 2, 4 et suiv. Voir aussi PGM
XXXVI, 333-340 : Ζμύρνα…ἡ καθοδηγὸς τῆς Ἴσιδος.
161. Sur le rôle du parfum dans l’amour, voir Detienne 2007, 91-107, Briand
2008, 129-139, Warburton 2008, 221 et suiv., ainsi que Bodiou et Mehl 2008, 13-40.
162. Cette histoire constitue un célèbre paradigme d’amour mythique, cf. PGM
XXXVI, 288-289. Elle est rapportée, entre autres, par Plutarque, De Iside et Osiride,
M358d. Selon Apulée, Métamorphoses, XI, 4, Isis exhalait « les parfums heureux
de l’Arabie ». Le pouvoir de conserver la vie, de ressusciter les sens et d’inspirer
l’amour se reflète sur les emplois de la myrrhe, qui vont de la cosmétique à l’em-
baumement ; voir, entre autres, Morand 2001, 125. Cf. infra, pp. 63-65.
163. D’après PGM XIII, 20, 354, la myrrhe est le parfum de Séléné. Cependant,
selon Plutarque, les Égyptiens en brûlaient en l’honneur de Rê : Plutarque, De Iside
et Osiride, M372c. Sur les associations établies par les auteurs grecs et latins entre
la myrrhe et le soleil, voir Detienne 2007, 19 et suiv.
164. Le nom semble ici fonctionner par lui-même comme une historiola, de
manière analogue que les figurines d’Éros et de Psyché au sein de l’opération
étudiée dans le chapitre IIIb.
Chapitre IIb Ζμύρνα, une divinité amère : PGM IV, 1496-1595 61

les dieux, qui fais bouger les rivières et les montagnes, qui brûles
le marécage d’Achalda, qui consumes l’impie Typhon, qui es l’alliée
d’Horus, la protectrice d’Anubis, le guide d’Isis »165. Il n’y a donc pas
à s’étonner de voir Myrrhe adjurée par les trois aspects du Soleil ou
par la divinité solaire Abrasax dans la recette du papyrus de Paris ;
d’autant plus que la propriété chauffante de la myrrhe autorise
parfaitement une parenté avec le soleil.
La référence à l’Arabie et à Babylon − οὐ πέμπω σε μακρὰν
εἰς τὴν Ἀραβίαν, οὐ πέμπω σε εἰς Βαβυλῶνα − fait certainement
allusion au long parcours de la myrrhe, importée dans le monde
gréco-romain à partir de pays exotiques. La référence à l’Arabie,
plus particulièrement, correspond à l’idée grecque, transmise
par Hérodote, selon laquelle la myrrhe n’était produite que dans
cette contrée, lieu d’origine, d’ailleurs, de la princesse homonyme
du mythe166. En Égypte aussi, la myrrhe, désignée par ânti, un
terme qui s’applique à une série de substances apparentées, était
précieuse et convoitée, contrairement à l’encens, plus facile à se
procurer. Liée aux expéditions dans des lieux lointains, elle était
censée être produite dans une terre paradisiaque, cette fois appelée
Pount, un pays que les égyptologues situent soit en Arabie, soit en
Afrique du Sud167.
Le qualificatif amère – πικρά – renvoie à l’étymologie même
du mot myrrhe : attesté déjà dans l’akkadien (murru), ce dernier a
comme racine mrr qui signifie précisément « être amer »168. Certes,
la spécificité, le « goût » d’une odeur n’ont qu’une valeur relative ;

165. PGM XXXVI, 335-340.


166. Hérodote, III, 106-107, « le seul pays du monde qui produise l’encens, la
myrrhe, la cassia, le cinamome et le ladanum », cf. Tuzé 2008, 56.
167. Voir Meeks 2003, 54-57 et Warburton 2008, 220.
168. Banti et Contini, 1997, 169-192 et Chantraine 1999, s. v. μύρρα.
62 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

mais l’amertume de la myrrhe a été reconnue par plusieurs auteurs


anciens dont Dioscoride, Théophraste et Pline, d’après lesquels
la myrrhe se caractérise par son odeur prononcée, pénétrante et
chauffante, soutenue par un goût mordant, brûlant, âcre et amer169.
À ces propriétés correspondent avec une exactitude remarquable
les qualificatifs χαλεπή, φρύγουσα, σαρκοφάγος et φλογική que
nous trouvons dans notre recette170.
Le pouvoir caustique de la myrrhe est doublement activé lorsque
cette substance est brûlée pendant la prononciation du λόγος de
notre charme. D’une part, la chaleur de l’odeur est renforcée par
le feu, qui modifie, comme le dit Théophraste, la structure des
substances solides par un chauffage graduel  permettant à leur
parfum de s’exhaler pleinement171. Ainsi l’arôme de la myrrhe,
rehaussé par le feu, est-il censé pénétrer la victime jusqu’au cœur
et aux entrailles. D’autre part, la myrrhe est d’autant plus brûlante
qu’elle est brûlée par le praticien. Une fois soumise à la combustion,
elle représente par ailleurs aux yeux du praticien l’image de la
personne qu’il souhaite voir « brûler d’amour ». Elle anticipe alors
l’image de la victime torturée tout en étant explicitement suppliée
de lui infliger souffrance qu’elle est elle-même en train de subir.
Elle est donc à la fois victime et tortionnaire, comme tout être
amoureux. En somme, le parfum chaud dégagé par la fumigation,
la chaleur des charbons ardents et la capacité de la déesse Myrrhe
de brûler la victime de l’intérieur convergent dans notre recette,
de façon à transformer le « feu de l’amour », métaphore poétique

169. Voir Dioscoride, De materia medica, I, 64, Pline, Histoire Naturelle, XII, § 66-71
(A. Ernout), Théophraste, Des Odeurs, 21, 32 et 44, cf. Théophraste, Recherches sur
les plantes, IX, 7, 3. Cf. De Romanis 1997, 221-230, LiDonnici 2001, 65-79.
170. PGM IV, 1499-1450, 1504-1505.
171. Théophraste, Des odeurs, 12-13.
Chapitre IIb Ζμύρνα, une divinité amère : PGM IV, 1496-1595 63

plutôt banale, en réalité sensorielle impressionante172.


Le pouvoir pénétrant de l’odeur de cette gomme-résine est
illustré par la demande qui doit être formulée par le praticien  :
« n’entre pas en elle (sc. dans la victime) par ses yeux, ni par ses
flancs, ni par ses ongles, ni par son nombril, ni par ses bras, mais
par son âme – διὰ τῆς ψυχῆς »  et «  reste dans son cœur  »173.
Comme il arrive souvent dans les charmes d’amour, l’énumération
des parties du corps de la personne désirée ne peut que comporter
de fortes connotations érotiques174. Dans notre recette, les parties
nommées constituent autant de « portes » par lesquelles la myrrhe
est invitée à pénétrer − εἰσέλθῃς αὐτῆς − le corps visé entraînant
avec elle le feu de l’amour. Qui plus est, le mot ψυχή peut parfois
désigner, comme nous l’avons déjà remarqué le sexe de la femme175.
D’autres vertus et utilités de la myrrhe sont peut-être évoquées
de façon moins explicite par notre recette176. En effet, elle sert
d’adhésif dans plusieurs préparations et son parfum est censé
préserver la vie. Or, dans les descriptions égyptiennes du « rituel
de l’embaumement », elle joue le rôle d’une colle magique177, vertu
qui est peut être à la base de son pouvoir de rapprochement et
d’union dans l’amour, évoqué dans le λόγος de notre texte. Myrrhe

172. Sur ce thème, lieu commun aussi bien dans la poésie que dans la magie,
voir supra, p. 105 et note 311.
173. PGM IV, 1526, cf. XXXVI, 355 (ἄνοιγον αὐτῆς τὴν δεξιὰν πλευρὰν καὶ
εἴσελθε).
174. Voir notamment Versnel, 247 et suiv., cf. Ficheux 2006, 293 et suiv.
175. Voir supra, note 309.
176. Il est impossible d’énumérer ici les usages très nombreux de cette plante
qui s’intègre souvent dans des préparations médicinales, voir Morand 2001, 124,
note 103. Sur son utilisation, avec l’encens, dans la pharmacopée égyptienne voir,
entre autres, Bresciani 1997, 449-460. Signalons, enfin, que la myrrhe participe à la
préparation du parfum sacré appelé κῦφι : voir supra, p. 37, note 89.
177. Voir Goyon 1972, 66.
64 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

y est effectivement invoquée comme une puissance capable de


«  réconcilier ceux qui se battent entre eux  » et de « soumettre à
Éros ceux qui lui résistent ». Ensuite, l’expression ἔκσταξον αὐτῆς
τὸ αἷμα rappelle autant les larmes, légendaires et réelles, dont nous
venons de parler, que στακτή, « celle qui coule goutte à goutte »,
une variété de myrrhe particulièrement forte et appréciée178.
Répétons-le : le pouvoir extraordinaire de ce charme, à la fois
« magique » et poétique, réside à l’association des propriétés réelles
de la myrrhe, des utilités qui en résultent et des caractéristiques
attribuées à une divinité conçue ad hoc en fonction des besoins du
praticien.
  Il convient de rappeler une dernière caractéristique qui
contribue sans doute de façon plus générale à l’efficacité « magique »
de cette recette, indépendamment du but de l’opération.
Comme nous l’avons signalé, dans les papyrus magiques, la
myrrhe non seulement participe comme ingrédient à plusieurs
préparations d’encres spéciales, mais elle peut aussi être utilisée
comme une encre à part entière. Très souvent, les termes
ζμυρνομέλαν, « encre noire à myrrhe » ou tout simplement ζμύρνα
indiquent explicitement l’emploi de cette plante dans l’écriture179.
La noirceur remarquable de ζμυρνομέλαν est due au sublimé

178. Cette variété de myrrhe semble être l’unique substance odorante utilisée
seule, sans huile. Elle pouvait d’ailleurs se conserver plus longtemps que toute
autre sorte de myrrhe, voir Théophraste, Histoire des plantes, IX, 4, 10 et Des odeurs
29, Dioscoride, I, 60 et 64 et Pline, Histoire Naturelle, XII, § 67. Cf. Detienne 2007, 21
et Touzé 2008, 48.
179. Voir Aufrère 2001, 374-376, LiDonnici 2001, 66-67 et Gordon 2007, 124 et
suiv. (concernant plus particulièrement l’encre à myrrhe dans les papyrus ma-
giques). Sur le verbe ζμυρνίζειν/σμυρνίζειν qui paraît avoir deux sens, voir Muñoz
Delgado 2001, s. v. Voir PGM, XII, 179 et XIXb, 3. Cf. Νouveau Τestament, Marc, 15,
23 (ζμυρνίζειν οἶνον).
Chapitre IIb Ζμύρνα, une divinité amère : PGM IV, 1496-1595 65

obtenu de la combustion de la myrrhe180, alors que son amertume


constitue sans doute un moyen répulsif efficace contre les vers qui
menacent les «  livres de magie  »181. Vu l’importance de l’écriture
dans notre corpus182, cette utilité majeure de la myrrhe a sûrement
favorisé la conception d’une figure puissante, véritable «  main
droite » du praticien en mal d’amour.
……………………………………………………………………………

Dans le charme que nous venons d’étudier, la coïncidence


entre matière sacrificielle et puissance divine illustre parfaitement
le pouvoir des ἐπιθύματα. Loin d’être uniquement fondée sur des
principes abstraits ou généraux qui apparentent les dieux aux
parfums, cette affinité passe par les propriétés biologiques les
plus concrètes de la myrrhe, qui semblent conditionner l’efficacité
divine. Cependant, il ne faut pas oublier  que même après avoir
acquis le statut d’un ἐπίθυμα divinisé, notre Myrrhe ne s’émancipe
pas complètement de la référence à un monde divin hiérarchisé et
polythéiste qui puise dans de nombreuses cultures pour placer au
premier rang les divinités solaires.

180. Aufrère 2001, 382.


181. Tel est certainement le cas pour l’armoise qui constitue, avec la myrrhe,
un ingrédient récurrent dans la fabrication des encres, voir Aufrère 2001, 368-372.
Les auteurs anciens qui parlent des moyens de protection des livres, mentionnent
surtout l’huile de cèdre, voir Plumbe 1959, 291-292.
182. Voir supra, p. 17.
IIIa. Les sacrifices d’oiseaux

Dans le corpus des papyrus magiques grecs des centaines de


« substances actives » sont mentionnées : plantes, herbes, minéraux,
mais aussi parties animales, ou encore certaines secrétions
humaines, comme le sang menstruel et les semences. Toutes ces
substances servent à une grande variété de rituels, parmi lesquels
les sacrifices ne représentent qu’un nombre relativement restreint.
Lorsqu’on se penche sur l’inventaire des sacrifices  et des
offrandes mentionnés dans les papyrus magiques, on constate tout
d’abord la grande importance des éléments végétaux. Inversement,
l’abstinence de la viande d’animaux, autrement dit des aliments
« animés » ou « sanglants », conseillée parfois au praticien avant
une opération183, renvoie surtout aux règles des pythagoriciens,
mais aussi à celles des orphiques 184. Outre l’abstinence partielle de
la viande, les pythagoriciens ne mangeaient du poisson que très
rarement, selon Aristoxène, information à mettre en relation avec
l’absence totale de poissons dans les recettes de notre corpus185.

183. Voir PGM I, 54-56 (προαγνεύσας καὶ [ἀπεχόμενος ἐμψύ]χου καὶ πάσης


ἀκαθαρσίας), IV, 52-53 (Π ρ ο α γ ν ε ύ σ α ς ζʹ ἡμέρας τοῦ τὴν σελήνην πα[ν]
σέληνον γενέσθαι ἐναίμων καὶ ἀνεψε[τῶν]) ; cf. I, 22-23 (ποίησον παράθεσιν ἐν
ἀψύχοις φαγήμασι) et VII (ἡσύχασον ἀψύχοις τροφαῖς χρώμενος).
184. Voir Delatte 1915, 19 et suiv., Detienne 1970, 141-162, Detienne 1998, 167,
Detienne 2007, 62 et suiv. ainsi que Osborne 1990, 23.
185. Voir Diogène, Vie de Philosophes, 8, 19, Jamblique, Vie de Pythagore, 21, 98, cf.
Borgeaud 2004, 105-109, Purcell 1995, 132-149 et Antonetti 2004, 165-177 (sur l’attitude
des Grecs par rapport à la consommation de poissons). Voir aussi Chouliara-Raïos
2003, I, 91-106, sur les interdictions concernant la consommation de poissons en
Égypte pharaonique.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 67

Nos recettes témoignent donc du croisement entre les tabous


alimentaires égyptiens et le mode de vie des pythagoriciens,
déjà connu par d’autres sources186. Toutefois, ces règles d’ascèse
qui paraissent vouloir assimiler le praticien à un θεῖος ἀνήρ187
n’influent pas de manière décisive sur les pratiques sacrificielles
de notre corpus, où les victimes animales, bien que minoritaires,
existent bel et bien. En effet, cette contradiction entre règles de
pureté et sacrifices animaux n’est que superficielle, du moment où
les sacrifices prescrits n’ont, a priori, aucun but alimentaire : dans
les cas plutôt rares où elle est recommandée, la consommation de
la chair animale a un but différent de celui qui s’observe dans la
plupart des usages « traditionnels » et ne correspond pas à un code
de règles alimentaires.
En outre, il convient de signaler que nos papyrus puisent
dans des sources diverses et décrivent des pratiques rituelles
reflétant  d’inspirations multiples, qui ne correspondent pas
pour autant à un système philosophique ou religieux précis.
Ainsi, l’absence quasi-totale du porcelet188 dont la consommation

186. Voir Borgeaud 2004, 95-121 pour les tabous que les Égyptiens parta–
geaient avec les Pythagoriciens, les Orphiques et les sectes bacchiques, d’après le
témoignage d’Hérodote et d’autres auteurs grecs.
187. Voir Macris 2006, 310 et suiv., sur le rapport entre les pythagoriciens et
les magoi.
188. Nous avons trouvé deux mentions exceptionnelles : (i) SM, II, 75, 8-11
(χοῖρος λευκός). Dans ce cas on retrouve la distinction attestée dans les PGM entre
les σπλάγχνα que le praticien doit goûter et le reste de l’animal qui doit être
consumé par le feu (καὶ τά…λοιπὰ ὁλοκαύτου), cf. SM, II, 139 et PGM IV, 2395-98
(θύε αὐτῷ λευκομέτωπον <ὀν>άγριον καὶ ὁλοκαυστήσας ἰδὲ τὰ σπλάγχνα ἀπο-
πυρίσας ἐπὶ ξύλοις ἰτεΐνοις οὕτω κατάφαγε, « sacrifie-lui un âne sauvage à front
blanc ; offre-le en holocauste et ayant fait rôtir ses entrailles sur des bois de saule
mange-les alors ») et (ii) SM, II, 100, 14 (χοιρίδιον) où le contexte est trop corrompu
pour savoir s’il s’agit d’un sacrifice proprement dit.
68 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

était tolérée par une partie des Pythagoriciens peut réfléter des
croyances égyptiennes liées à Seth-Typhon, ainsi que des interdits
juifs189. D’autre part, aussi bien les pythagoriciens que les papyrus
accordent au coq blanc un statut particulier, mais les premiers en
viennent à proscrire le sacrifice de cet animal, alors que les seconds
en font, au contraire, la victime sacrificielle par excellence.
Plutôt que la dichotomie animal/végétal associée à la critique
philosophique de la validité des sacrifices sanglants, c’est la
constatation de la rareté des offrandes d’animaux entiers qui peut
nous orienter lors de l’exploration des pratiques décrites dans les
papyrus. En effet, ce sont avant tout certaines parties du corps
animal, telles les ongles, la graisse, la bile ou la cervelle, qui
apparaissent dans les opérations sacrificielles de notre corpus  ;
dans la plupart de nos recettes, le corps de l’animal n’a pas de
valeur particulière dans son intégrité190. Ni la relation de l’homme
à l’animal, dont on peut souvent suivre le développement au sein
d’une communauté agraire ou pastorale, ni la consommation de
la chair sacrificielle ne jouent de rôle analogue à celui que l’on a
reconnu à la « cuisine du sacrifice » grecque. Dans les rites solitaires
des papyrus magiques le partage sacrificiel, qui définit les rapports
entre les membres d’un groupe (maisonnée, association, cité)
en affirmant ainsi son unité et sa cohésion à travers le corps de
l’animal, fait défaut.
En général, le praticien a recours au sacrifice, afin de capter
le divin et de le diriger vers des objets qui fonderont, par la suite,
son propre pouvoir surnaturel ; un pouvoir qui lui permettra de
monter dans la hiérarchie cosmique pour devenir proche, voire

189. Voir Grottanelli 2004, 59-93 à propos de l’attitude des Égyptiens et des
Juifs par rapport à la consommation du porc, à travers des textes grecs et latins.
190. Voir aussi les remarques de Wilburn 2012, 83-90.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 69

égal aux dieux. Comme nous l’avons constaté lors de l’étude du


rôle des fumigations en suivant les remarques pertinentes de Fritz
Graf, l’« axe horizontal » du sacrifice, si important dans le contexte
civique, n’est que sous-entendu ou théorique dans le laboratoire du
praticien, tandis que l’« axe vertical » est clairement survalorisé191.
La communion du praticien avec le monde divin constitue donc
le but ultime et le cadre général de la plupart des opérations rituelles
qui nous intéressent, y compris les offrandes de toutes sortes. Dans
ce cadre, l’animal n’est presque jamais le sujet d’une action. Dans
la « cuisine » des papyrus magiques, qui n’est pas sans rappeler la
pharmacopée de l’époque, le corps animal, objectivé, est dans la
grande majorité des cas morcelé, réduit en ingrédients, mêlé avec
des substances d’origines diverses,   fondu dans des préparations
de toutes sortes. En deux mots, il est métamorphosé en « matière
magique  » bien avant de passer à l’autel. Sa transformation en
fumée, toujours totale dans le cas des mélanges à fumiger, sera
l’ultime étape de son voyage vers les destinataires divins.

L’inventaire des sacrifices d’oiseaux dans les papyrus magiques


Parmi les animaux qui fournissent les ingrédients nécessaires
à la préparation des matières à sacrifier composites, les oiseaux
occupent une place privilégiée. En fait, les substances provenant
de corps d’oiseaux n’apparaissent pas seulement dans les papyrus
magiques, mais aussi dans les manuels médico-magiques192. Dans
toutes ces sources qui concernent des rituels très différents les
uns des autres, des espèces très variées d’oiseaux interviennent
non seulement grâce à leurs vertus médicales, mais aussi en tant
qu’emblèmes des dieux ou alors en tant que symboles de l’air,

191. Graf 1994, 240.


192. Voir Barb 1950, 316-322 pour le rôle des oiseaux dans la « magie médicale ».
70 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

l’un des quatre éléments cosmiques. Dans les recettes médico-


magiques, différentes parties de poissons et d’oiseaux sont
employées concomitamment avec des minéraux et des plantes
dans le but d’évoquer des sphères distinctes de l’univers et les liens
sympathiques qui les unissent 193.
Lorsqu’il s’agit dans nos recettes de la construction d’un objet
« magique », le passage à travers le corps d’un oiseau est parfois
une étape indispensable. À l’occasion de la fabrication d’un anneau
magique, par exemple, le corps d’un coq doit être ouvert pendant
que l’animal est encore vivant, afin de recevoir une pierre gravée194.
Dans d’autres cas, au contraire, c’est le praticien qui doit avaler le
cœur encore palpitant d’un oiseau, afin de l’insérer dans son propre
corps195. Ce dernier usage est également connu par d’autres sources

193. Le premier livre de Cyranides (Ier/IIe s. après J.-C.), par exemple, contient
vingt-quatre chapitres correspondant aux lettres de l’alphabet grec. Dans chaque
chapitre sont employés, en tant que materia medica, une plante, un oiseau, un poisson
et une pierre, choisis entre autres selon les règles d’une « homéopathie verbale » :
leurs noms commencent par la même lettre et parfois ils sont même identiques.
Comme le note Waegeman 1987, 8 : « in each case the four elements of nature are
symbolized : the bird represents the air, the plant the earth, the fish water and the
stone fire ». Voir le rôle analogue des oiseaux dans PGM III, 511-529.
En ce qui concerne la combinaison fréquente des oiseaux avec des poissons
figurant sur des amulettes, voir Waegeman 1987, 224, qui prend également en
compte la théorie « solaire » de Roes 1945-1948, 461-472, selon laquelle ces deux
espèces animales représentés sur des vases dès une époque très réculée en Asie et
en Méditerranée correspondraient aux deux étapes majeures du voyage du Soleil,
connues aussi dans la mythologie égyptienne : « …this combination represents a
sun emblem, the bird being the sun in the sky and the fish the sun sunk in the sea ».
194. PGM XII, 311-315, cf. IV, 1820-1823 : καὶ δὸς τὸ πέταλον καταπεῖν πέρδικι
καὶ σφάξον αὐτὸν καὶ ἀνελόμενος φόρει…, « et fait avaler la lame à une perdrix
et, puis, tue-la et retire la lame et porte-la…  »
195. Cyranides, I, 21, 120-122 : κούκουφος καρδίαν κατάπιε ἔτι σπαίρουσαν…
καὶ ἔσῃ τετελεσμένος εἰς τὸν ἀεὶ σου βίον, « avale le cœur d’une huppe encore
palpitant…et tu seras initié/accompli pour toute ta vie ». Cf. PGM II, 17 et III, 324-
327 où nous trouvons des opérations analogues.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 71

précisant que son but était de transmettre un pouvoir prophétique


au praticien196.
À quelques exceptions près197, les oiseaux constituent les
seuls animaux à être non seulement intégrés par morceaux dans
les ἐπιθύματα, mais aussi offerts en entier comme victimes
sacrificielles, comparables à celles destinées au sacrifice selon les
usages traditionnels198.
Selon Fritz Graf, le choix des victimes révèle un jeu d’inversions
entre pratiques «  traditionnelles  » et pratiques «  magiques  »  :
les animaux liés aux cultes civiques  «  porc, brebis, vache, sont
absents, et à leur place on retrouve des oiseaux, surtout le coq et
aussi l’âne, autant de victimes rares et qui comme telles expriment
une inversion nette par rapport aux rites de la religion civique »199.
La logique de l’« inversion » explique-t-elle vraiment le choix
dont font preuve les papyrus magiques  ? Les oiseaux sont-ils
absents des cultes de la cité  ? De quels cultes s’agit-il  ? Grecs,
romains, égyptiens ou autres ?

196. Selon Porphyre, De l’abstinence, II, 48, 2-7, l’intention de ceux qui avalaient
des cœurs de corbeaux, de taupes ou de faucons, oiseaux divinateurs, était d’obtenir
« une âme qui rend des oracles comme un dieu ».
197. Nous y trouvons aussi deux sacrifices d’ânes sauvages « à front blanc » :
PGM IV, 2395-2396 et 3148-3180 (λευκομέτωπον ὀνάγριον) ainsi qu’un ou deux sa-
crifices de porcins (SM II, 75, 8-11 et 100, 14), voir supra, note 188. Les deux sacrifices
d’ânes sauvages « à front blanc » présentent plusieurs traits communs intéressants
: prescrits dans le PGM IV pour la prosperité d’un lieu, ils comprennent la fabrica-
tion et l’installation d’une effigie de cire, ainsi que l’évocation d’Isis et d’Hermès.
198. Cette prédilection des « papurus magiques » pour les oiseaux semble
correspondre à ce que nous apprend l’Apologie d’Apulée concernant l’exécution des
« rites nocturnes » dont est accusé l’auteur; or les preuves évoquées pour fonder
l’accusation sont : des plumes d’oiseaux et des murs noircis de fumée : voir Apu-
lée, Apologie, 57-60. Cf. Abt 1908, 217-221 et Hermann 1951-1952, 329-337. En ce qui
concerne les vestiges osseux provenant de petits volatiles, trouvés aux côtés des
defixiones, voir Bailliot 2010, 98-101.
199. Graf 1994, 258.
72 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Les sacrifices d’oiseaux dans les PGM 200,201


PGM oiseau à structure/vocabulaire destinataire Intitulé et/ou but
sacrifier sacrificiel explicite200 de l’opération

1. ἀλέκτορας ἐπίθυε…ἐπὶ χαλκοῦ τῷ Ἡλίῳ ἕνα καὶ τῇ Rencontre avec la divinité


II, 1-64 ἀσπίλους βʹ ἢ γηίνου θυμιατηρίου Σελήνῃ ἕνα / incubation apollinienne
à l’aide d’une lampe

2. ὁλόλευκον ἀλέκτορα περίμενε ἕως ἡ ποίησις alternative


II, 64-84 θυσία ἀποσβῇ pour l’opération
précédante

3. (i) ἀλεκτρυόνα (i) ἔ̣χων πρὸς ἥλιον Rencontre avec la divinité


III, 633-731 λευκὸν ἀν]ίσχοντα …
ἄσπιλον ἐπίθ]υε201

(ii) ἀλεκτρυόνα (ii) θυσίαν πάλιν


ποιήσας ἀλεκτρυόνα

4. ἀλεκτρυόνα ποίησον ἐπὶ δύο Τελετή / opération


IV, 26-51 τέλειον πλίνθων …πυρὰν … intitiatique
ὁλόλευκόν ἀποτεμὼν τὴν
κεφαλὴν…
εἰς τὸν ποταμὸν
ῥῖψον, τὸ δὲ αἷμα
… ἔκπιε, τὸ λοιπὸν
σῶμα τῷ ἡμμένῳ
βωμῷ ἐπιθείς

5. Τρίστιχος Ὁμήρου
IV, 2145-2240 ἀλέκτορα θήσεις τράπεζαν…, πάρεδρος /
λευκόν καὶ θύσεις … consécration  d’une
lamelle

200. Sur le problème de la définition du destinataire divin du sacrifice, voir


infra, p. 82.
201. Le complément du verbe pose problème. La traduction de Betz (GMPT,
35) laisse entendre que le verbe ne concerne que les libations de lait et de vin blanc
respectivement, qui sont également prescrites : « hold toward the rising sun a white
rooster without blemish and twelve pinecones whorled to the right. Offer − ἐπίθυε
− milk and pour a libation of white wine…».
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 73

202203

6. ἀλέκτορα ἐπίθυσον Ἑρμῆς ὑπόκενος202 Πρακτικόν /


IV, 2360-2371 consécration d’une
image d’Hermès

7. αἰγός τε Prétendu sacrifice − Ἄρτεμις/Σελήνη/ Ἀγωγή / charme


IV 2441-2621 ποικίλης διαβολή203 Περσεφόνη d’amour
στέαρ … Ἐρεσχιγάλ…
ἱέρακα τὸν (ἡ δεῖνά σοι θύει θεά,
πελαγοδρόμον δεινόν τι θυμίασμα)
καὶ γῦπα …
καὶ μυγαλόν,
τὸν σόν …τοῖς
σοῖς ἔθηκε βωμοῖς…
καὶ
σφαγιάζει

8. (i) (i) Ἔρωs Πάρεδρος Ἔρωs, τελετή,


XII, 14-95 ἀλεκτρυόνα, ποίησον βωμὸν ἀφιέρωσις, κατασκευή /
ὄρτυγα, καθαρόν…πλίνθους construction et consécra-
βασίλισκον, ὠμὰς δύο λαβὼν… tion d’une image d’Éros
περιστεράν, ἀπόπνιξον ζῷα qui serve d’assistant
τρυγόνα καὶ ζʹ…μὴ θύε, ἀλλὰ
τὰ ἐνπεσόντα κατέχων εἰς τὴν
σοι νεοσσὰ χεῖραν ἀποπνίξεις
δύο. ἅμα προσφέρων
τῷ Ἔρωτι, μέχρις οὗ
ἕκαστον τῶν ζῴων
ἀποπνιγῇ καὶ τὸ
πνεῦμα αὐτῶν εἰς
αὐτὸν
ἔλθῃ, καὶ τότε
ἐπιτίθει εἰς τὸν
βωμὸν τὰ
ἀποπνιγέντα

202. Comme dans le cas 8, l’image qui doit être animée apparaît comme le
véritable destinataire du sacrifice. Dans la religion égyptienne, c’est surtout le
rituel pharaonique de « l’Ouverture de la Bouche » − Ouphôr − qui permet aux
dieux de « rentrer » dans leur statues ; voir Meeks et Meeks 1993, 184-185, ainsi
que Moyer et Dieleman 2003 à propos de l’adaptation créative de ce rituel dans
les papyrus magiques.
203. Sur la « calomnie rituelle », voir Eitrem 1924, 43-61.
74 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

8. (ii) (ii)
XII, 14-95 νοσσάκιον πρὸς τὸν Ἔρωτα
(suite) ἀρρενικόν ἀπόπνιγε
καὶ ὁλοκαύστει,

(iii) (iii)
ἕτερον νοσσάκιον βωμῷ εἰσθές. ποιῶν
τὴν τελετὴν
κατάφαγε τὸν
νεοσσὸν μόνος

9. χῆνα ἄσπιλον ποιήσας βόθρον …, Δακτυλίδιον


XII, 201-269 καὶ ἀλεκτρυόνας εἰ δὲ μή, ἐν σήματι, Τελετή / construction et
γʹ καὶ καὶ ποιήσας ἐπὶ τῷ consécration d’un anneau
περιστεροὺς γʹ βόθρῳ βωμὸν καὶ
ἐπιθύσας … καὶ
ἀρώματα παντο-
δαπὰ ἐπίθυε
ὁλοκαυστῶν σὺν τοῖς
ὀρνέοις

10. (i) (i) Μοϋσέως ἱερὰ βίβλος


XIII, 346-646 λευκὸν θῦε ἐπικαλουμένη ὀγδόη
ἀλέκτορα ἢ ἁγία / révélation du
ἄσπιλον Grand Nom du dieu −
(ii) (ii) σύστασις ὀνόματος
καὶ ἄλλον ἄφες…

(iii) καὶ περιστερὰν (iii) (nous ne prenons en


ὁμοίως (sc.) θῦε compte qu’une des
versions transmises par
PGM XIII)204
204

204. En effet, le papyrus PGM XIII (P. Leid. J 395) du IVe s. regroupe trois
versions du même rituel qui se présentent comme l’enseignement de Moïse ; voir
Smith 1984, 683-693, Graf 1994, 14-17 et Charvet-Ozanam 1994, 99-102.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 75

10. (iv) (iv)


XIII, 346-646 (sc.) καὶ ἄλλην (sc.) ἄφες
(suite)
ἵνα οὗ ἐὰν βούληται
εἰσελθὼν ὁ θεὸς
πνεῦμα λά-
βῃ…κείσθω δὲ
καὶ μαχαῖριν,
παρακείσθω δὲ
καὶ τὰ θυμιάματα ,
ἵνα, ἐὰν εἰσελθὼν
βουληθῇ ἐπιθύειν,
εὕρῃ πάντα ἐν
ἑτοίμῳ. ἐπὶ τῷ βωμῷ
δὲ καὶ θυσία
κείσθω

(v) (v)
ἀλέκτορα ἡ δὲ ἀπόγευσίς ἐστιν
(la prescription αὕτη· ὅταν μέλλῃς
concerne peut-être ἀπογεύεσθαι,
le coq à sacrifier déjà ἀλέκτορα θῦσον,
mentionné) ἵνα ὁ θεὸς ἀφθόνως
λάβῃ
πνεῦμα

Nous avons dressé le tableau ci-dessus, afin de proposer au


lecteur un aperçu rapide de ce que représentent les sacrifices
étudiés dans l’ensemble de notre corpus. Certes, notre tableau ne
peut être que très schématique et ne suffit absolument pas pour une
compréhension de la question. Il désigne les espèces de volatiles
concernées et le mode de leur mise à mort, ainsi que le vocabulaire
qui nous incite à considérer ces opérations comme des sacrifices.
Toutefois, il n’associe point les rituels mentionnés avec les formules
à prononcer et passe sous silence plusieurs gestes accompagnant les
sacrifices, notamment les dépôts d’offrandes non sanglantes. Nous
76 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

tenterons par la suite une brève présentation des conclusions que


nous avons tirées de l’étude de l’ensemble des recettes représentées
dans ce tableau auquel le lecteur sera renvoyé.

Nous avons inclu dans notre tableau le cas (7), bien qu’il s’agisse
de la description d’une opération fictive et non d’une prescription
rituelle. Ce cas a permet de montrer que le sacrifice « magique »
non seulement n’inverse pas consciemment les règles du sacrifice
« religieux », mais peut éventuellement les revaloriser de sa propre
façon. Selon la διαβολή en question, sacrifier un faucon ou un ibis,
oiseaux sacrés en Égypte, pourrait être imputé à une personne
dans le but de la faire subir la colère divine, dans la mesure où de
tels sacrifices paraissent inconcevables et interdits, selon les règles
sacrificielles égyptiennes205.
Les oiseaux choisis doivent être dépourvus de tâches et de
défauts, purs − ἄσπιλοι − « parfaits »206 (1, 3-4, 9), ce qui correspond
bien aux critères généralement valables en Grèce pour le choix
des animaux sacrifiables207. Lorsqu’elle est précisée, la couleur du
plumage prescrite est le blanc (2-5, 10). Il s’agit d’une précision qui
trouve parfois des parallèles dans les choix dont témoignent les
calendriers religieux grecs concernant le pelage des animaux208.
La blancheur est peut-être considérée dans ce cas, effacer virgules
comme un indice de pureté de l’oiseau. Comme le terme λευκός/

205. Sur la vénération des animaux en Égypte, voir entre autres Smelik et
Hemelrijk 1984, 1852-2357.
206. Pour le sens de τέλειος, voir Brulé 2008, 114-116. Dans une autre version
du PGM XIII nous trouvons aussi le terme ἀσινής  (ΧΙΙΙ, 10, ἀλέκτορας δύο ἀσινεῖς
τελείους « deux coqs sans défaut, parfaits »).
207. Brulé 2008.
208. Cependant, la couleur intervient comme critère dans les lois sacrées
grecques beaucoup plus rarement que l’integrité physique.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 77

ὁλόλευκος se réfère dans nos recettes en particulier au coq qui ne


peut en aucun cas être noir209, nous allons revenir sur la valeur
spécifique de la couleur blanche dans le cas de cet animal. Toutefois,
la blancheur caractérise d’autres offrandes citées dans les papyrus
magiques, telles le lait, le vin blanc, l’âne sauvage « à front blanc »
et même un porcelet210.
Or, le coq est de loin l’oiseau favori  de nos recettes211. À
l’exception du cas 8, unique quant à la variété des espèces mention-
nées, nous ne rencontrons, à part les coqs, que le pigeon (8-10) et
l’oie - cette dernière, d’ailleurs, en une seule occurrence (9). Il est
à signaler que nous n’y trouvons aucun rapace et que les coqs,
les pigeons et les oies resprésentent des espèces courantes dans
l’alimentation gréco-romaine. Enfin, à l’exception du βασιλίσκος
et peut-être de l’ὄρτυξ (8), qu’il faut éventuellement chasser pour
offrir − le βασιλίσκος étant particulièrement difficile à capturer −
nos oiseaux représentent des espèces élévées en basse-cour. Nous
sommes donc en présence d’oiseaux comestibles, de petite taille
et de prix accessible. À l’exception probable du βασιλίσκος, ils
sont faciles à trouver et à manipuler, mais aussi particulièrement
appropriés à une mise à mort et éventuellement à une offrande en
holocauste sur un autel de petites dimensions.
Comme nous l’avons déjà précisé, nous constatons dans notre
corpus une préférence pour les petites structures, transportables
et provisoires. Quant aux supports matériels servant d’autel, nous

209. PGM XII, 311-312 : …ἀλέκτορα δίλοφον λευκὸν ἢ ξανθόν, ἀπέχου δὲ


μέλανος, « …un coq à double crête, blanc ou blond ; abstiens-toi d’un noir ».
210. Voir PGM III, 693-695, IV 2395-2396, 3148-3180 et SM, II, 75, 8-11 respec-
tivement.
211. La mise à mort rituelle de coqs blancs apparaît aussi dans des pratiques
magiques juives de caractère agressif : voir Swartz 2002, 314-315, ainsi que 2005,
238-240, cf. Bohak 2011, 335-337.
78 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

observons dans les procédures rituelles de notre tableau une grande


variété renvoyant au culte traditionnel, notamment domestique  :
tables (5), autels à construire ad hoc à partir de quelques briques
en terre crue (4, 8), encensoirs (1) ou autels-miniatures, le terme
θυμιατήριον (1) pouvant, en fait, désigner aussi bien les encensoirs
et les autels-miniatures212. L’utilisation d’un tombeau, option
alternative à la prescription de creuser une fosse, constitue un cas
unique (9). Il est intéressant que rien d’autre ne désigne tout de
même ce dernier rituel comme un rituel «  chthonien  », à part le
choix du lieu.
Une attention particulière est accordée à la matière combustible
qui doit contribuer, comme nous l’avons déjà vu, à l’ambiance
olfactive créée par des fumigations d’aromates et des fleurs étalées.
D’autres éléments contribuent à créer un espace rituel.
Des lampes d’abord, quasi-indissociables des autels dans notre
corpus213, parfois déposées de part et d’autre de l’autel, puis des
στρόβιλοι, «  pommes de pin  » ou cônes de cire odorants214. Ces
sacrifices sanglants s’accompagnent non seulement de fumigations,
mais aussi de gâteaux sacrificiels − πόπανα, πλακοῦντες − offerts
en dépôt − παράθεσις − ainsi que de libations variées de façon à
nous rappeler le lien étroit entre sacrifices animaux et offrandes
végétales en Grèce ancienne215.
Il est à signaler que toutes les recettes comprenant des
παραθέσεις, «  dépôts d’offrandes végétales  » dans les papyrus
magiques (dans cinq cas l’offrande est explicitement designée

212. Voir Zaccagnino 1998, 47 ainsi que Massa 2008, 201.


213. Sur le lien entre lampes et autels dans les papyrus magiques, voir Zo-
grafou 2010a, 279-281.
214. Voir supra, p. 35.
215. Bruit Zaidman 2005, 31-46.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 79

comme παράθεσις) constituent des consécrations d’objets dont le


but est toujours le même  : rendre «  efficace  » un objet matériel,
moyennant diverses manipulations rituelles216. Dans le cadre
d’une telle opération, le sacrifice animal paraît plus approprié,
quand l’objet consacré doit en outre acquerir le statut de πάρεδρος,
«  assistant divin  »217. En effet, parmi ces cinq «  consécrations  »
trois ont comme but d’obtenir un πάρεδρος  et deux d‘entre eux
comprennent un sacrifice d’oiseau (5, 8)218.
Le mode de la mise à mort et le traitement de la victime varient
au possible, comme si l’art de sacrifier comptait autant que le
choix de l’offrande elle-même pour la réussite du rite. À côté de
l’habituelle consécration par le feu qui prend souvent la forme d’un
holocauste (8, 9)219, nous trouvons l’étranglement (8), usage inconnu
en Grèce mais habituel en Égypte, comme nous le verrons par la
suite. La décapitation de la victime (4) appartient aussi aux usages
égyptiens, même si elle concerne avant tout les mammifères. Selon
Plutarque, quand les Égyptiens sacrifient des bœufs au pelage
roux à Typhon, « ils chargent de malédictions la tête de la victime,
puis ils la coupent. Jadis, ils la jetaient dans le fleuve, mais ils la
vendent maintenant aux étrangers  »220. Hérodote, qui a décrit la

216. Cependant, l’inverse n’est pas toujours valable : la consécration d’un objet
peut être effectuée sans παράθεσις ; voir, par exemple, le cas (6) de notre tableau.
217. Voir infra, pp. 101-102.
218. Pour le cas (8), voir infra, ch. IIIb.
219. En dehors de ces  rituels explicitement désignés comme des holocaustes,
une consécration totale de la victime peut être sous-entendue lorsque nous n’avons
pas mention de consommation par le praticien, c’est-à-dire dans la majorité des
cas, cf. infra, pp. 25-26.
220. Plutarque, De Iside et Osiride, 363b-c, trad. CUF. Voir aussi Hérodote, II, 39,
1-2 « la tête coupée est emportée chargée de malédictions ; là où il y a un marché
et des commerçants grecs…on la vend ; s’il n’y a pas de Grecs présents, on la jette
dans le fleuve ». Cf. Johnston 2000, 34, Bouanich 2005, 151 et Volokhine 2008, 62.
80 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

procédure sacrificielle égyptienne à l’époque où l’Égypte était sous


la domination perse, témoigne de ce même usage. Toutefois, le
traitement de la tête décrit par ces auteurs grecs a été sans doute
emprunté à des religions étrangères à une époque relativement
tardive, puisque dans les monuments plus anciens les têtes
d’animaux sacrifiés sont déposées sur les tables d’offrandes221.
Enfin, dans le « livre de Moïse », le rituel qui consiste à lâcher
un coq et un pigeon devrait probablement être compris comme une
variante du sacrifice d’oiseaux mentionné ci-dessus (10), dans la
mesure où la recette précise que «  le dieu recevra le fluide vital
− πνεῦμα − de l’animal de sa préférence  ». Cela implique un
choix divin soit entre le coq et le pigeon soit entre la libération et
le sacrifice de chacun des deux oiseaux. Le second cas sous-tend
la croyance intéressante selon laquelle l’oiseau relâché libère son
πνεῦμα  rien que par son vol  − ou bien serait-il l’envol même de
l’oiseau qui produirait du  πνεῦμα?222 Ce geste trouve également
des parallèles dans les pratiques rituelles égyptiennes, bien que ces
dernières ne soient pas sacrificielles, mais constituent plutôt des
rituels dans lesquels les oiseaux jouent un rôle de messager. Lors
de la fête du dieu Min, par exemple, le nouveau roi annonce sa
venue en relâchant en direction des quatre points cardinaux quatre
oiseaux, vraisemblablement des rolliers bleus, espèce migratrice et
par conséquent appropriée à une fonction de messager223.
Le πνεῦμα des victimes volatiles est mentionné non seulement

221. Voir Legrand-Jacob 1997, 52, note 90.


222. Cf. infra, note 298.
223. Sur les oiseaux-messagers de la fête de Min, voir Graindorge 2005, 60-61
et note 125 où elle qui donne d’autres exemples similaires, tels le rituel thébain de
la confirmation du pouvoir royal et celui du couronnement du faucon à Edfou.
Dans des pratiques bibliques et hittites lâcher un oiseau peut constituer un moyen
symbolique d’écarter le mal ou l’impur ; voir Wrignt 1987, 75-86.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 81

dans le « livre de Moïse » (10), mais aussi dans la recette que nous
allons examiner plus en détail par la suite mais aussi dans une
recette sur laquelle nous allons revenir (8). Dans le premier cas le
« fluide vital » des oiseaux se présente comme une offrande dont le
dieu qui s’approche du praticien peut disposer à volonté ; dans le
second, il s’agit d’une offrande qui s’apparente à une transmission,
effectuée sous haute protection, du fluide vital du corps des oiseaux
à un simulacre d’Éros en cire224. Un concept qui se rapproche de
cette offrande de πνεῦμα apparaît dans le traité de Saloustios, Sur
les dieux et l’univers, où l’auteur précise que  les prières ne valent
rien une fois détachées des sacrifices, car c’est pendant ces derniers
que les mots prononcés par les fidèles montent au ciel accompagnés
de l’âme des animaux pour se transformer ainsi en ἔμψυχοι λόγοι225.
Dans ce contexte, il est question de ψυχή, une notion parfois proche
de celle de πνεῦμα, même si elle s’en différencie en général dans le
corpus des papyru magiques226.
On constate en dernier la complexité des rituels dans lesquels
s’intègrent les sacrifices d’oiseaux ainsi que l’ambition de leurs
objectifs  : d’une part, des «  rencontres  » avec les divinités ainsi
que l’« initiation » du praticien ; d’autre part, des « animations »
des objets, voire à des leur transformation en πάρεδροι proposant
au praticien leurs services exceptionnels. Dans certains cas, le
praticien partage la victime avec les puissances divines : dans un
rituel unique, il en boit le sang (4), dans d’autres il consomme soit
des parties soit la totalité de l’animal (8, 10).

224. Sur les mesures qui préviennent sans doute d’éventuelles « fuites » lors
de cette opération, voir infra, p. 117.
225. Saloustios, Sur les dieux et l’univers, XVI, 1. Cf. Jamblique, Les Mystères
d’Égypte, 238, 14-15.
226. Sur la distinction entre πνεῦμα et ψυχή dans les papyrus magiques et sur
la parenté entre le πνεῦμα « magique » et le ka égyptien, voir Verbeke 1945, 321-337.
82 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Il est souvent difficile d’identifier les destinataires divins des


sacrifices d’oiseaux. Les recettes des papyrus témoignent d’une
volonté de vanter les effets spectaculaires des opérations prescrites
plutôt que d’en préciser de façon claire et systématique le destinataire
divin. Des dizaines de noms et d’attibuts divins combinés avec des
nomina barbara forment de longues compositions à effet musical
qui accompagnent les sacrifices. Toutefois, comme nous l’avons
déjà signalé, nous sommes en présence d’une conception du divin
qui autorise la coexistence d’une divinité toute puissante aux
aspects solaires prononcés et de figures grecques traditionnelles
aux attributs bien connus comme le laurier d’Apollon ou les ailes
d’Éros227. Il n’est alors pas aisé de dinstinguer l’aspect particulier
sous lequel un dieu invoqué reçoit une offrande. La prédilection
pour le coq, animal lié au Soleil dans plusieurs cultures, nous
donnera toutefois l’occasion de réfléchir à nouveau sur le lien
entre dieu et victime dans nos papyrus. L’analyse, enfin, de la
recette (8) nous offrira le cadre qui permettra de montrer comment
l’organisation du rituel sacrificiel s’accorde avec la conception d’un
Éros solaire présidant à l’opération.
Retournons donc à notre question initiale : le sacrifice d’oiseaux
constitue-t-il une inversion par rapport aux pratiques religieuses
«  traditionnelles  »  ? Au fait, des notions comme «  inversion  »,
« irrégularité » ou, au contraire, « normalité » doivent être employées
avec une grande précaution, car elles impliquent une connaissance
exhaustive des pratiques religieuses d’une civilisation  ; d’autant
plus que dans les papyrus magiques il n’est pas question d’une seule
culture, mais de plusieurs, puisqu’il s’agit, comme nous l’avons

227. Il ne s’agit pas pour autant d’une conception monothéiste : cf. Belayche
2006, 112. Sur la coexistance de le l’un et du multiple dans le polythéisme égyptien,
voir Hornung 1992, 168 et suiv. et passim.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 83

déjà souligné, de documents syncrétiques. Certaines pratiques


prescrites par les recettes des papyrus magiques qui seraint
étranges, voire choquantes dans quelques contextes cuturels ne le
seraient aucunement dans d’autres. Cette constatation nous amène
à nous interroger sur la place des oiseaux dans la pensée et dans les
pratiques rituelles grecque et égyptienne.

Voisins et antagonistes des dieux


Tout en échappant autant que possible au contrôle des
hommes le monde des cieux, comme celui de la mer, apparaît dans
l’imaginaire peuplé d’êtres étranges228. L’analogie entre oiseaux
et poissons semble avoir été attestée chez les Grecs anciens par
l’habitude d’emprunter aux seconds des noms des premiers229. Bien
que l’on perçoive parfois un certain mépris vis-à-vis des poissons230,
le ton adopté au sujet de ces μέτοικοι θεῶν,  «  co-habitants des
dieux » 231 est généralement élogieux232.

228. Nous savons qu’Archippe, contemporain d’Aristophane, bien que plus


jeune, a écrit une comédie intitulée Les poissons mettant en scène ces animaux
en révolte contre les Athéniens, à la place des oiseaux du célèbre dramaturge.
Concernant la tendance à considérer comme seul véritable animal le mammifère
quadrupède, voir Poplin 1989, 15-16.
229. Il s’agit d’une façon de faire ressortir des ressemblances et de créer des
associations. Toutefois, comme le montre Lacroix 1937, 265-302, les noms communs
aux oiseaux et aux poissons ne peuvent être considérés systématiquement comme
des emprunts.
230. Pour Platon, par exemple, les poissons sont à classer au plus bas de sa
hiérarchie, parmi les êtres les plus stupides et les plus ignorants : ἐκ τῶν μάλιστα
ἀνοητοτάτων καὶ ἀμαθεστάτων, οὓς οὐδ’ ἀναπνοῆς καθαρᾶς ἔτι ἠξίωσαν οἱ
μεταπλάττοντες…(Timée, 92a-b). Sur l’attitude ambivalente des Égyptiens vis-à-vis
des poissons, voir Chouliara-Raïos 2003, 77-106.
231. Eschyle, Agamemnon, 56-58.
232. En comparant animaux terrestres et animaux marins quant à leur intelligence,
84 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Quant aux oiseaux, ils sont considérés comme naturellement


aptes à communiquer avec leurs «  voisins  » remplissant ainsi la
fonction des messagers entre dieux et hommes233. Cette fonction a
été associée, en outre, à la particularité de leur voix234, considérée
parfois comme une véritable διάλεκτος, qualificatif qui implique

Plutarque souligne l’acuité de l’esprit des oiseaux, qui explique pourquoi les dieux
s’en servent ὥσπερ ὀργάνῳ, « comme d’un instrument » et dirigent « leurs mou-
vements, leurs voix, leurs cris et leurs formations/positions − σχήματα – afin
d’accomplir leurs desseins » (L’intelligence des animaux, M975a). Ce n’est que plus tard,
chez les auteurs chrétiens, que nous trouvons parfois une attitude explicitement
négative envers les oiseaux, malgré la représentation du Saint Esprit comme une
colombe, voir Gilhus 2006, 247-250. Ainsi les oiseaux finissent-ils par être considé-
rés comme des « poissons dotés d’ailes ». Derrière ce mépris l’on perçoit, bien sûr,
l’enthousiasme pour l’anatomie humaine, caractéristique de la religion chrétienne.
233. Voir, par exemple, Euripide, Ion, 179-180 : κτείνειν δ’ ὑμᾶς αἰδοῦμαι
/  τοὺς θεῶν ἀγγέλλοντας φήμας. Dans les poèmes homériques, les dieux tantôt
envoient des oiseaux pour exprimer leur volonté, tantôt en adoptent l’aspect pour
rendre visite aux humains. Parfois le sens du texte oscille entre la métamorphose
et la métaphore (voir par ex. Iliade, VII, 58-60 : … Ἀθηναίη τε καὶ ἀργυρότοξος
Ἀπόλλων / ἑζέσθην ὄρνισιν ἐοικότες αἰγυπιοῖσι / φηγῷ ἐφ’ ὑψηλῇ…). Voir Pol-
lard 1977, 155-161. Sur l’intimité entre oiseaux et dieux, cf. le passage plus tardif de
Celse, ap. Origène, IV, 88: « si donc les oiseaux (…) nous indiquent par des signes
tout ce que Dieu leur a révélé, il s’ensuit de là qu’ils sont dans une intimité plus
étroite que nous avec la divinité − τοσοῦτον ἔοικεν ἐγγυτέρω τῆς θείας ὁμιλίας
ἐκεῖνα πεφυκέναι καὶ εἶναι σοφώτερα καὶ θεοφιλέστερα ». Cf. Bodson 1978, 93-119.
234. L’importance de la voix des oiseaux se révèle en outre dans les onoma-
topées formées par leurs noms. Aristophane nomme au total soixante-dix-neuf
espèces différentes et n’hésite pas à juxtaposer, jusqu’ à dix huit noms (Oiseaux,
303-306) correspondant à une partie du chœur comique des Oiseaux. Trois d’entre
eux − τρυγών, mot qui renvoie au roucoulement (tourterelle), κερχνῄς,  « au son
enroué, sec » (crécerelle) et κόκκυξ, « le coucou » − évoquent les cris des oiseaux
qu’ils désignent, tandis que d’autres commencent par des syllabes dont la sonorité
rappelle le chant des espèces en question. Les paroles de Peisthétairos (306) repro-
duisent  l’effet sonore produit par cette juxtaposition des noms : οἷα πιππίζουσι
καὶ τρέχουσι διακεκραγότες, « qu’ils piaillent, ce qu’ils cavalent de-ci, de-là en
jacassant ».
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 85

une « capacité de conversation », d’après Aristote235.


La rébellion des Oiseaux d’Aristophane contre les dieux
puise dans plusieurs traditions et stéréotypes littéraires, tels que
la possibilité de s’envoler loin des maux, l’œuf de la Nuit qui a
donné naissance à Éros, créateur ailé de la cosmogonie orphique,
les métamorphoses de personnages mythiques en oiseaux236.
Moyennant l’élaboration comique de ces divers thèmes, la race
ailée s’avère particulièrement douée pour concurrencer celle des
dieux237.
La révolte des oiseaux chez Aristophane a comme enjeu la
destination des sacrifices offerts par les humains238 : …ὡς ὀρνίθων
βασιλευόντων θύειν ὄρνισι τὸ λοιπόν, /  κἄπειτα θεοῖς ὕστερον
αὖθις, « ce sont les oiseaux qui règnent et, par conséquent, c’est aux

235. Aristote, Histoire des animaux, I, 1, 488a 33 et III, 1, 535a 27 et suiv. On y décèle
d’ailleurs, comme le démontre Borgeaud 2007, 76 et suiv., un rapprochement subtil
entre le chant des oiseaux et la langue des dieux d’après les spéculations grecques.
236. Voir, entre autres, Pollard 1948 : 353-376, Bowie 1999, 157-181, Christopoulos
1997 et 2010. Cf. Pollard 1977, 155-191.
237. Si nous observons chez Aristophane une tendance à doter les oiseaux
d’un savoir sans limites par extension de leur rôle d’agents des dieux, chez Ovide
(Fastes, 446-448) l’oiseau-messager se transforme en espion : « on vous reproche
de parler et les dieux pensent que vous dévoilez leurs pensées (…) plus vous vous
approchez des dieux, plus vraies sont les données que fournissent votre vol ou votre
voix ». L’auteur semble associer par la suite ce thème de la trahison à la destinée
des oiseaux qui ont fini par être sacrifiés par les Romains : « longtemps à l’abri, la
race des oiseaux fut finalement sacrifiée et les dieux apprécièrent la fressure de
l’être qui les trahissait» (449-450), cf. Green 2004, 207, comm. ad loc. Sur les sacrifices
d’oiseaux dans le monde gréco-romain voir infra, pp. 92-99.
238. La souillure des statues divines par les éjections des oiseaux, à laquelle
font allusion tant Aristophane (Oiseaux, 1114-1116, cf. Schol. Aristoph. 1114 et Dunbar
1995, 593) qu’Euripide, constitue une autre provocation, aussi risible que réelle.
« Les troupeaux d’oiseaux nuisent aux offrandes − ἀναθήματα − des dieux » se
plaint Ion, pieux servant d’Apollon à Delphes (Euripide, Ion, 106-108).
86 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

oiseaux qu’il faut sacrifier dorénavant en premier lieu » 239.


L’ambiguïté de l’image des oiseaux est encore plus prononcée
dans la religion et la mythologie égyptiennes. Parmi les hiéroglyphes
employés pour désigner  « dieu » nous trouvons significativement
la représentation d’un faucon, l’une des incarnations les plus
importantes de la divinité240. En effet, cet oiseau, de même que l’ibis,
figure parmi les animaux sacrés qui étaient des « images vivantes »
des dieux241. Ainsi le faucon sacré d’Edfou, un des exemples les
plus connus, était choisi chaque année parmi plusieurs spécimens
de la même espèce par la statue d’Horus elle-même242.
Cependant, la mythologie égyptienne transmet une image
négative des oiseaux qui n’est peut-être pas sans rapport avec les
coutumes sacrificielles de cette région, comme nous le verrons par
la suite. Lors de l’épisode mythique de la révolte contre le créateur
du monde, les divinités qui avaient orchestré le complot, battues, se
transforment les unes en oiseaux qui s’échappent dans les airs, les

239. Aristophane, Oiseaux, 562-563, cf. 518-520 : selon Peisthétairos, les oiseaux
qui figurent en tant qu’emblèmes sur les statues guettent pour voir si « quelqu’un
sacrifie et offre ensuite au dieu les entrailles dans la main », afin de les saisir eux
(ces oiseaux) avant Zeus ». En effet, il s’en faut de peu, que les entrailles d’animaux
sacrifiés, déposées parfois dans les mains de statues, deviennent la proie des oiseaux.
240. Hornung 1992, 29-30 : « ce signe est surtout employé en tant que sémogramme
dans l’écriture cursive égyptienne (hiératique)… ».
241. Selon Hérodote, II, 65, celui qui avait tué, même si le meurtre était invo-
lontaire, un ibis ou un faucon devait mourir. Voir Smelik 1979 pour le culte de l’ibis.
Pour les « animaux sacrés » en général, voir Smelik et Hemelrijk 1984, Meeks et
Meeks 1993, 190-206 et Dunand et Lichtenberg 1995, 165 et suiv.
242. Le faucon sacré était présent dans le fonctionnement quotidien du temple,
honoré de la même façon que la statue d’Horus. Quant à l’ibis dit « sacré » associé
à Thot, son culte était très répandu, comme le montrent des centaines de milliers
de spécimens momifiés trouvés dans les nécropoles. Voir Meeks et Meeks 1993,
191-192 ainsi que Smelik 1979.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 87

autres en poissons qui se cachent dans les eaux243.


Outre leur parenté avec les dieux, les oiseaux sont mis en
parallèle avec les âmes des morts aussi bien en Grèce qu’en Égypte244.
Dans le monde grec, les adeptes de la métempsychose voyaient en
ces êtres des véhicules légers des âmes les plus sympathiques et
les plus communicatives245. Chez les Égyptiens aussi le voyage des
morts s’apparente à celui des oiseaux. Le pharaon décédé « prend
son envol vers le ciel » tel un faucon, mais le commun des mortels
aussi s’envole vers les cieux dès son décès. Or, le ba, l’une des
composantes spirituelles de tout être humain, était figuré à partir
du Nouvel Empire sous la forme d’un oiseau à tête humaine246
voltigeant autour de la momie du défunt247 .
En somme, comparé à cette race talentueuse, l’être humain,
ζῷον ἄπτερον, ne peut que constater les inconvénients qu’entraîne
l’absence d’ailes248. Comme le signale Liliane Bodson, en se référant
en particulier au monde grec, « à la différence des autres catégories

243. C’est en oiseaux à tête humaine que se transforment également les êtres
« d’outre vie » au moment où ils franchissent la limite qui sépare l’incréé de l’univers
organisé. Ils s’identifient alors aux oiseaux migrateurs qui s’abattent sur l’Égypte et
ses récoltes à l’instar des envahisseurs étrangers. Voir Meeks et Meeks 1993, 38-39.
244. Voir les sources rassemblées par Dimitrokallis 1992, 148-176. Sur le rapport
âme-oiseau, cf. infra, p. 111.
245. Cf. Stace, Thébaïde, III, 482 et suiv. qui loue les oiseaux car ils ont échappé
aux souillures de la terre. 
246. L’homme existe moyennant son corps (khat), son nom (ren), son image
idéale/force vitale (ka), son âme/manifestation immatérielle de l’être (ba) et son
ombre (chout). Selon Dunand et Zivie-Coche 2006, 232, le ba peut se définir comme
le « principe immortel qui maintient la cohésion de l’être vivant ». Voir aussi
Dimitrokallis 1992, 101-138.
247. Derchain 1981, 46-50.
248. Platon, Définitions, 415a : ἄνθρωπος, ζῷον ἄπτερον, δίπουν, πλατυώνυχον,
cf. Longo 1999, 101 et suiv. Il n’y a donc aucun doute que l’attitude craintive d’Evelpidès
devant le chœur ailé des Oiseaux traduit plus qu’une faiblesse de caractère: Ἆρ’
ἀπειλοῦσίν γε νῷν; « Dis-donc ? C’est des menaces contre nous ? » (307).
88 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

d’animaux dont seuls les représentants isolés interviennent dans la


religion, les oiseaux sont associés dans la totalité des genres et des
espèces à la perception du sacré et du divin »249.

Nous allons à présent examiner brièvement le cas particulier du


coq, car il constitue l’espèce la mieux resprésentée dans les sacrifices
des papyrus magiques, mais apparaît aussi fréquemment dans les
rituels grecs analogues. Importé de la Perse, d’où le nom περσικός
ὄρνις250, le coq (Gallus gallinaceus) a été définitivement acclimaté en
Grèce vers le VIe s. Comme le montre Franz Cumont, au moment
de l’introduction de l’espèce en Grèce, les pythagoriciens avaient
adopté au sujet de ce volatile exotique des croyances d’origine
orientale qui se sont alors propagées parmi les Grecs251. Quant à
l’Égypte, bien que le coq y soit attesté depuis le Nouvel Empire
(entre 1539 et 1069 environ), les gallinacés ne se répandent que
plus tard, à l’époque gréco-romaine, en correlation avec des objets
représentant le dieu solaire sous forme de coq252.
En Grèce comme en Perse la relation de ce volatile avec le soleil
est fondée vraisemblablement  sur le retentissement de sa voix à
l’aurore. Représenté sur des monnaies d’Ἡμέρα (Sicile) dès le  Ve
s., il constitue un emblème interprétant le nom de la cité comme

249. Bodson 1978, 93.


250. Voir, par exemple, Aristophane, Oiseaux, 485 qui assimile le coq à un roi
perse − βασιλεὺς ὁ μέγας − couronné de la tiare, cf. Dunbar 1995, 330-333.
251. Voir Cumont 1942, 284-300 et Cumont 1949, 409-411. Les Pythagoriciens
s’abstenaient de la consommation du coq, surtout lorsqu’il était blanc. Cet oiseau
faisait aussi l’objet d’un tabou alimentaire auprès des mystes de Déméter, voir
infra, note 256. Pour les croyances grecques concernant le coq, ainsi que son rôle
d’offrande dans différents cultes, voir Dumont 1988, p. 34 et suiv.
252. Voir Dunand et Lichtenberg 2005, 42 et Vernus et Yoyotte 2005, 411, cf.
Koenig 2009, 313-314.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 89

«  lumière du jour  »253  ; figuré sur le bras d’Apollon254 symbolise


aussi le lever du soleil : ὁ τὸν ἀλεκτρυόνα ποιήσας ἐπὶ τῆς χειρὸς
τοῦ Ἀπόλλωνος ἐωθινὴν ὑπεδήλωσεν ὥραν καὶ καιρὸν ἐπιούσης
ἀνατολῆς255. Dans les milieux pythagoriciens, l’interdiction de
consommer le coq – ἀλεκτρυόνα τρέφε μὲν μὴ θῦε δέ – s’explique
entre autres par la croyance selon laquelle le volatile est « consacré
à la lune et au soleil »256. Selon Diogène Laërce, le coq blanc désigne
une « bonne » nature et le noir une « mauvaise »257.
Il n’est donc pas étonnant que le coq trouve également sa
place dans les mystères de Mithra, si populaires à l’époque gréco-
romaine, en tant que symbole solaire258.
Enfin, pour les néoplatoniciens, dans le système de liens
sympathiques on remarque une parenté très puissante entre le coq
et le soleil. Ainsi, d’après Procle, si le lion « récule devant le coq»  la
raison est-elle que « la présence dans le coq des symboles héliaques

253. Head 1887, 144, fig. 75.


254. Sur l’association d’Apollon à la lumière et au soleil, voir Farnell 1907, 136
et suiv., ainsi que 365-367, cf. Boyancé 1966, 149-170 etg Moreau 1995, 11-33 résume
le débat sur les origines solaires d’Apollon.
255. Plutarque, De Pythiae oraculis, M400C.
256. Voir Jamblique, Protréptique, 21 (σύμβολον ιζ΄) et Vie de Pythagore, 28,
147 non seulement pour le coq blanc, mais pour l’espèce dans son ensemble.
D’autres explications du symbole pythagoricien reconnaissent, en outre, dans le
coq blanc « le suppliant de Mên » (Diogène Laërce, Vies des Philosophes, VIII, 34
ou l’associent à la théorie de la métempsychose, cf. Delatte 1915, 289 et suiv. Une
interdiction analogue s’adressait aux mystes d’Éleusis (Porphyre, De l’Abstinence,
IV, 16 et Schol. Lucien, p. 280, 24 Rabe). En revanche, les ossements découverts
lors de fouilles de mithraea montrent que le coq domestique était un aliment de
prédilection lors des repas des fidèles : voir Lentacker, Ervynck et Van Neer 2004,
73-75 ainsi que Lepetz et Van Andringa 2008, p. 47 et note 14.
257. Diogène Laërce, Vies de Philosophes, VIII, 34. Cette croyance est conforme
au dualisme qui caractérise le zoroastrisme.
258. Sur Mithra en tant que Sol Invictus, « Soleil invincible », voir, entre autres,
Chirassi Colombo 1979, 649-672, Clauss 2000, 146-153. Cf. Fauth 1995, 15 et suiv.
90 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

a plus d’efficace »259.
L’aspect solaire du coq dépasse de loin le simple rôle de
héraut matinal et dote l’oiseau d’un pouvoir plus ample. Pour
les pythagoriciens probablement influencés par des croyances
orientales, la voix sonore du coq au lever du jour chasse loin les
démons maléfiques, de même que son plumage de lumière est
capable d’écarter les ennemis.
Cependant, le pouvoir apotropaïque dont témoigne
l’étymologie du mot ἀλεκτρυών/ἀλέκτωρ (<ἀλκ-) désignant le coq
à partir du VIe s.260 est à associer non seulement à l’aspect solaire
de l’animal, mais aussi à son caractère belliqueux261, manifeste
notamment lors des fameux combats de coqs262. Ainsi dans les
Oiseaux diverses parties du corps du volatile s’assimilent-elles aux
armes d’un jeune homme μάχιμος, « belliqueux » : bouclier, épée et
casque s’identifient respectivement à l’aile, l’ergot et la crête263. Ces
croyances éclairent l’aspect anguipède et alectorocéphale qu’adopte
le dieu solaire Abrasax264, l’une des divinités apparaissant aussi
bien sur les amulettes de l’antiquité tardive que dans nos papyrus
magiques. Si cette figure liée au coq témoigne de la coexistence
de connotations solaires et belliqueuses, le caractère guerrier du

259. Procle, Sur l’art hiératique, 150 Bidez.


260. Ἀλέκτωρ est également le nom d’un héros de l’Iliade (XVII, 602). Voir Per-
drizet 1904, 13 et note 6, Cumont 1942, 288-9, Cumont 1949, 410-411, Dumont 1988, 35
261. Pindare, Olympiques, XII, 14 ; Eshyle, Euménides 861 et suiv. Selon d’autres
sources, le coq est capable de faire fuir un lion et de battre un serpent dangereux
nommé βασιλίσκος. Le témoignage de Plutarque sur le sacrifice de coqs s’accorde
bien avec cette croyance, voir Plutarque, Apophthegmata Laconica, M238f.
262. Pour les ἀλεκτρυόνων ἀγῶνες, voir Dumont 1988, 33-44 avec notice
bibliographique.
263. Aristophane, Oiseaux, 1364-1369, cf. Taillardat 1965, § 898 et Orfanos 2006,
94-95.
264. Sur cette entité divine et son nom voir aussi supra, note 158.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 91

volatile est mis davantage en avant dans la langue juive tardive qui
associe son nom aux mots « géant », et « guerrier »265.
Nous trouvons en outre le coq comme épisème de boucliers266
tel celui d’Idomenée dont l’ascendance solaire  est symbolisée,
d’après Pausanias, par cette figure267. Le pouvoir apotropaïque
et prophylactique du coq pouvait s’étendre à une grande variété
de croyances et de pratiques. Pour ne citer qu’un seul exemple, le
Périégète nous informe qu’à Méthane on avait recours au coq pour
faire face au sirocco − ἄνεμος ὁ Λίψ − qui menaçait les vignes : après
avoir coupé en deux un coq tout blanc − τὰ πτερὰ ἔχοντα διὰ παντὸς
λευκά, deux hommes portant chacun une moitié du corps − ἥμισυ
ἑκάτερος τοῦ ἀλεκτρυόνος φέρων − faisaient le tour du vignoble
en courant dans des sens opposés de manière à se rencontrer à leur
point de départ, afin d’y enterrer l’oiseau recomposé − ἐς τὸ αὐτὸ
ὅθεν ὡρμήθησαν, κατορύσσουσιν ἐνταῦθα268.
Plus que son aspect apotropaïque, ses connotations guerrières
et son pouvoir mantique souvent mentionné269, c’est le caractère
solaire du coq qui paraît important pour nos recettes270 ; car c’est

265. Abd El-Mohse El-Khashab 1984, 217.


266. Voir Perdrizet 1904, 14 et note 2 (avec les sources littéraires et archéolo-
giques), cf. Chase 1979 (non vidi).
267. Pausanias, V, 25, 9 : ὅτου δὲ ὁ ἀλεκτρυών ἐστιν ἐπίθημα τῇ ἀσπίδι,
Ἰδομενεύς ἐστιν ὁ ἀπόγονος Μίνω· τῷ δὲ Ἰδομενεῖ γένος ἀπὸ Ἡλίου τοῦ
πατρὸς  Πασιφάης, Ἡλίου δὲ ἱερόν φασιν εἶναι τὸν ὄρνιθα καὶ ἀγγέλλειν
ἀνιέναι μέλλοντος τοῦ ἡλίου.
268. Pausanias, II, 34, 2-3.
269. Le coq était aussi censé avoir un instinct divinatoire naturel. Ainsi
l’alectryonomancie constituait-elle un procédé de divination lors duquel des signes
de l’alphabet étaient choisis par un coq pour composer l’oracle, voir Bouché-Le-
clercq 2003, 118-119.
270. C’est par cet aspect que le coq est aussi associé au phénix, oiseau solaire
par excellence dans la mythologie. Voir à ce propos le Physiologus de Vienne chez
Hubaux et Leroy 1939, xxxiv-xxxvi, cf. Cumont 1942, 299 et note 4 ; c’est la voix du
92 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

généralement en tant qu’animal solaire qu’il est sacrifié, souvent


au lever du jour, lors de pratiques qui évoquent non seulement le
Soleil, mais aussi d’autres divinités. En effet, le culte du Soleil n’est
pas très répandu en Grèce, mais cette divinité bénéficie d’un statut
exceptionnel dans les papyrus magiques, car elle est considérée
comme apte à révéler la connaissance divine au praticien, raison
pour laquelle une quarantaine de prières et de procédés s’adressent
à elle et à ses équivalents271.
Hormis ces croyances, c’est l’association du coq à  Asclépios,
dont les rites d’incubation et de divination médicale sont parfois
proches de ceux que nous trouvons dans les papyrus magiques,
qui a sans doute contribué à son prestige dans ce contexte272.

Les pratiques « traditionnelles »


Comme nous venons de le voir, la parenté entre les oiseaux et le
divin passe par des voies diverses : les dieux sont tantôt accompagnés,
tantôt incarnés par leurs oiseaux emblématiques. Aussi bien en
Grèce qu’en Égypte les dieux sont souvent associés à un oiseau

phénix (ou d’un griffon gigantesque) qui déclenche sur la terre le chant simultané
de tous les coqs. Toutefois, cette créature mythique est évoquée plutôt rarement
dans notre corpus, voir, par exemple, PGM V, 252, XII, 231 (cf. le n° 9 de notre
tableau, supra, p. 74).
271. Voir, par exemple, PGM VII, 507-527. Sur le statut particulier du Soleil
dans les papyrus magiques, voir surtout Fauth 1995, 34-114.
272. Voir Platon, Phédon, 118a ; Hérondas, Mimes, IV, 11-18, cité infra, p. 96 ; cf.
Edelstein et Edelstein 1945, I, 296 et II, 190 et suiv. L’opinion selon laquelle le coq
serait associé à Asclépios en tant qu’animal approprié aux cultes funéraires et
héroïques ne nous paraît pas offrir une explication satisfaisante de cette parenté.
Voir Bodson 1978, 100 qui tente d’établir un lien entre la présence du coq dans les
rites funéraires et son rôle dans le culte d’Asclépios. Contra, voir Edelstein 1945, II,
190, note 23 : « it may also have been of importance that the cock was the herald of
dawn − Asclepios was the god who allowed men to see the light of day… ».
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 93

particulier : Zeus à l’aigle, Athéna à la chouette, Apollon et Horus


au faucon, Thot à l’ibis273. Mais cette parenté incontestable des
animaux ailés avec les dieux les épargne-t-elle du sacrifice ?
Dans la pensée égyptienne, sacrifier des oiseaux aux dieux
paraît être un choix tout à fait justifié, car ces pièces de viande
offertes lors du rituel journalier du temple sont censées être les chairs
dépecées des ennemis dont le dieu absorbe la vitalité274. Or, comme
nous l’avons vu, les oiseaux, en particulier les espèces migratrices,
représentent au mieux l’image de l’ennemi, raison pour laquelle
les parois des temples et des nécropoles conservent de nombreuses
images de chasse aux oiseaux, qui se déroulent surtout dans des
marais. La « prise au filet » des ennemis, symbolisés régulièrement
par les oiseaux, est une scène typique à toutes les époques275.
Contrairement aux scènes de chasse ou d’offrande d’oiseaux,
qui décorent les nécropoles et les sanctuaires égyptiens, les reliefs
votifs représentant des processions sacrifielles que l’on trouve dans
les lieux cultuels grecs ne montrent pas ces créatures animales276.
Cette absence semble en accord avec la rareté de la mention d’oiseaux
dans les règlements relatifs aux cultes publics, dans lesquels nous ne
trouvons approximativement qu’une douzaine de sacrifices de ces

273. Voir, entre autres, Guilhou et Peyré 2006, 297-299, Dunand et Zivie-Coche
2006, 439 et 446.
274. Sur le sens du « sacrifice animal » en Égypte voir, entre autres, Derchain
1962, Yoyotte 1980-1981, 31-102, Dunand et Zivie-Coche 2006, 129, Volokhine 2008,
61-64. Comme le signale Bouanich 2005 : 155, après leur mise à mort « les animaux
sont assimilés aux rebelles coupés en pièces afin que, magiquement, le dieu et le
roi réduisent à néant les ennemis extérieurs ou intérieurs de l’Égypte ».
275. Κœnig 1994, 149 et suiv.
276. Il s’agit des reliefs qui datent pour la plupart du IVe s. av. J.-C. Voir Van
Straten 1995, 274-332 (pour les époques archaïque et classique) et Stafford 2008,
205-221 (pour le culte d’Asclépios en particulier).
94 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

animaux277. Les espèces mentionnées sont des volailles, des coqs et


des poules, ou alors des ὄρνιθες, mot qui désigne tantôt les poulets
tantôt généralement les oiseaux. Parmi les divinités concernées
nous pouvons distinguer Asclépios, Apollon, Aphrodite, ainsi que
des divinités d’origine égyptienne, comme Isis et Sarapis278.
Parmi les oiseaux mentionnés par les inscriptions, deux sont
employés dans des purifications et ne peuvent être considérés,
par conséquent, comme des victimes sacrificielles proprement
dites. Les deux cas datent du IIIe s. et concernent un pigeon –
περιστερά − qui sert à purifier le sanctuaire d’Aphrodite Pandémos
à Athènes279, puis un coq blanc utilisé avec du souffre et une torche
pour la purification de l’Asclépieion de Pergame : περικαθαιρέτω
ἀλεκτρυόνι λευκῶι καὶ θείωι καὶ δαδί280.
Enfin, il est à noter que les sacrifices d’oiseaux attestés
épigraphiquement accompagnent, comme pour la compléter,
l’offrande d’animaux plus grands, tels les bovins, les chèvres ou
d’autres quadrupèdes281.
Les sources littéraires ne nous sont pas d’un grand secours,
car elles ne mentionnent des sacrifices d’oiseaux que tout aussi

277. LSCG 52, LSCG 60, 23, LSCG 126, 7-8, LSCG 172, 4, LSA 36, 10, LSA 67B, 3,
LSS 108, 12, Lupu 2005, n° 9 = SEG XLVII, 488. Cf. Kadletz 1976, 10-14. Cf. Pirenne-Del-
forge 1994, 415-417 (pour les pigeons dans le culte d’Aphrodite) et Edelstein et
Edelstein 1988, 272-277, 296-299 et II, 189-190 (pour les sacrifices de coqs dans le
culte d’Asclépios)
278. LSA 36, 10, cf. LSCG 52. Voir aussi les analyses archéoozologiques de
Leguilloux 1999, 431 et note 26, ainsi que Hermary et Leguilloux 2004, 68 et suiv.
(sanctuaire d’Aphrodite à Paestum, en Italie du Sud), Lepetz et Van Andringa 2008,
p. 47, 50 (sanctuaires d’Isis) et Siard 2008, 31-32 (Sarapieion C de Délos).
279. LSCG 39, 23, cf. Aristophane, Acharniens, 793. Voir aussi Bruneau 1970,
343-344, au sujet d’une mise à mort de colombes, accompagnée d’un serment, en
l’honneur d’Aphrodite.
280. LSA 14, 5-6 ; les prescriptions purificatoires font partie d’un règlement
relatif aux incubations qui avaient lieu dans l’Asclépieion de Pergame.
281. Voir Lupu 2005, 223, note 15.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 95

rarement. Pausanias rapporte  la présence d’oiseaux dans des


sacrifices à combustion intégrale impliquant un feu sacrificiel à
grande flamme et des animaux de toutes espèces. L’holocauste
de Patras en constitue un exemple célèbre282 : « ils jettent en effet
vivants à l’autel des oiseaux comestibles − ἐσβάλλουσι γὰρ ζῶντας
ἐς τὸν βωμὸν ὄρνιθας τε τοὺς ἐδωδίμους − ainsi que toutes sortes
de victimes, et encore des sangliers, des cerfs et des chevreuils  ;
certains apportent des louvetaux ou des oursons, d’autres même des
bêtes adultes ». Nous retrouvons des oiseaux dans un holocauste
en l’honneur d’Ilithyie à Messène : « …ils font se consumer toutes
sortes d’animaux. En effet, après avoir commencé par des bovins
et des chèvres, ils terminent par des oiseaux en les jetant dans
la flamme − ἀφιέντες ἐς τὴν φλόγα  »283. Certainement dans le
premier cas, mais peut-être aussi dans le second284,  le mode de
mise à mort paraît étrange, puisqu’il s’agit de jeter sur l’autel des
oiseaux encore vivants. Quoi qu’il en soit, les oiseaux, relativement
faciles à brûler entièrement sur l’autel, étaient appropriés en cas
d’holocauste, comme le montre un troisième passage de Pausanias
concernant un sacrifice à Titané285.
Nous trouvons enfin chez le Périégète un reflet des coutumes
égyptiennes, lorsqu’il est question de sacrifices d’oies et de pintades
en l’honneur d’Isis, à Tithoréa (Béotie). Dans ce cas, le sacrifice
de volatiles est présenté par l’auteur, comme une option  plus
économique : θύουσι δὲ καὶ βοῦς καὶ ἐλάφους οἱ εὐδαιμονέστεροι,
ὅσοι δέ εἰσιν ἀποδέοντες πλούτῳ, καὶ χῆνας καὶ ὄρνιθας τὰς
μελεαγρίδας, « les plus riches sacrifient des bœufs et des biches,

282  Pausanias, VII, 18, 12, trad. C.U.F. Sur ce rituel peu banal voir Pirenne-Del-
forge 2008, 218-229 avec de nombreuses indications bibliographiques (221, n. 196).
283  Pausanias, IV, 31, 9.
284  Voir, cependant, l’objection de Pirenne-Delforge 2008, 221.
285  Pausanias, II, 11, 7.
96 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

mais ceux qui sont plus démunis offrent des oies et des pintades »286.
Le thème de l’offrande économique se retrouve dans d’autres
sources littéraires concernant les sacrifices d’oiseaux. L’entrée
« septième bœuf » du dictionnaire de la Souda, par exemple, définit
cette expression comme un gâteau de farine offert par les gens
les plus démunis − οἱ (…) πένητες ἔμψυχον μὴ ἔχοντες θῦσαι −,
après le sacrifice de six animaux ἔμψυχα. À côté des animaux
habituellement sacrifiés en Grèce figurent, en fin de liste, deux
espèces de volatiles : …θυομένων δὲ τῶν Ϛʹ ἐμψύχων, προβάτου,
ὑὸς, αἰγὸς, βοὸς, ὄρνιθος, χηνὸς, ἐθύετο ἕβδομος ὁ ἐξ ἀλεύρου,
« après le sacrifice de six animaux vivants, à savoir d’un mouton,
d’un porc, d’une chèvre, d’un bœuf d’un poulet et d’une oie, on
sacrifie le ‘septième’ (bœuf) de farine »287.
Encore plus intéressant est le témoignage de l’alexandin
Hérondas, dans le mime très connu à l’intérieur duquel Cynno
s’excuse auprès d’Asclépios de la part de son amie Coccalé de
n’avoir apporté qu’une offrande de pauvre en remerciement pour
sa guérison : 288

…ἴλεωι δεῦτε «venez ici avec bienveillance accepter


τοῦ ἀλέκτορος τοῦδ’, ὄντιν’ οἰκίης †τοίχων† la dînette (le dessert) de ce coq que
κήρυκα θύω, τἀπίδορπα δέξαισθε. j’immole, héraut juché aux murs
οὐ γάρ τι πολλὴν οὐδ’ ἔτοιμον ἀντλεῦμεν, de la maison. Notre source n’est
ἐπεὶ τάχ’ ἂν βοῦν ἢ νενημένην χοῖρον   pas abondante, ni toujours à notre
πολλῆς φορίνης, κοὐκ ἀλέκτορ’, ἴητρα disposition, sans quoi c’est bien un
νούσων ἐποιεύμεσθα τὰς ἀπέψησας bœuf, ou une truie lourde de lard,
ἐπ’ ἠπίας σὺ χεῖρας, ὦ ἄναξ, τείνας. que nous aurions offert pour la
guérison des maladies…  »288

286. Pausanias, X, 32, 14-18.


287. Souda, s. v. βοῦς ἕβδομος.
288. Hérondas, Mimiambes, IV (Les femmes au temple d’Asclépios…), 11-18, cf.
Edelstein et Edelstein 1988, I, 272-277 (T. 482) et II, 189-190.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 97

Bien que le coq soit très couramment sacrifié à Asclépios289,


il demeure une offrande plutôt humble, «  prix  » élémentaire à
payer pour être guéri par le dieu. Emma Stafford, qui a étudié les
sacrifices dans les sanctuaires thérapeutiques, y voit d’ailleurs une
explication de l’absence du coq sur les reliefs votifs290.
Le faible coût des oiseaux expliquerait donc en partie, leur rôle
d’ ἴητρα minimum. D’après Plutarque, le roi Pyrrhus, qui avait le
don de guérir certaines maladies en posant le pied sur la poitrine du
patient, n’opérait qu’après avoir sacrifié un coq blanc − ἀλεκτρυόνα
θύων λευκόν : « nul ne pourrait être trop pauvre ou méprisé pour
bénéficier de cette thérapie − ἰατρεία »291. 
Compte tenu du témoignage du comique Platon, on peut
légitimement considérer les sacrifices de petits oiseaux comme
l’une des pratiques domestiques sans doute moins réglementées
que les rituels accomplis dans les sanctuaires publics. Dans la
pièce intitulée Phaon, un sacrifice de « grives entières assaisonnées
au miel  » apparaît dans une liste d’offrandes «  préliminaires  » à
Courotrophe. Certes, ces dernières sont plutôt choisies pour leur
caractère aphrodisiaque et la liste paraît exagérément longue, mais
ce fragment de la comédie attique reste crédible, dans la mesure

289. Rappelons ici la phrase proverbiale de Socrate dans Platon, Phédon,


118α : ὃ δὴ τελευταῖον ἐφθέγξατο—Ὦ Κρίτων, ἔφη, τῷ Ἀσκληπιῷ ὀφείλομεν
ἀλεκτρυόνα· ἀλλὰ ἀπόδοτε καὶ μὴ ἀμελήσητε, cf. Edelstein et Edelstein 1988, I,
296-297 (T. 524, cf. T 523, 539, 562) et II, 190 ainsi que Cavvadias 1900, 207 et suiv.
Voir aussi Lambrinoudakis 2002 pour la découverte de la tombe (en forme de
ciste) d’un coq sacrifié à l’occasion de la fondation d’un petit bâtiment consacré
à Asclépios dans le sanctuaire d’Apollon Maléatas à Épidaure.
290. Stafford 2008, 212 « The humble nature of the cock-sacrifice probably
explains its absence from the iconographical record, but fourth century votive
reliefs from Asklepios’ sanctuaries provide numerous images of pigs and sheep
being led to sacrifice ».
291. Plutarque, Pyrrhus, 3, 7-8.
98 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

où l’effet comique est produit d’éléments de la réalité quotidienne:


…κουροτρόφῳ προθύεται / πλακοῦς ἐνόρχης, ἄμυλος ἐγκύ-
μων, κίχλαι / ἑκκέδεχ’ ὁλόκληροι μέλιτι διαμεμιγμέναι…,
«  à Courotrophe en sacrifice préliminaire, une galette garnie
d’ organes génitaux, un gâteau de farine ‘plein’, seize grives entières
assaisonnées au miel… » 292.
La plupart des sources écrites grecques parlent d’oiseaux en
général, de poulets et surtout de coqs. Enfin, certaines sources
isolées du début  de notre ère font état de sacrifices d’animaux
absents dans le reste de la documentation, comme les oies et les
cailles – χῆνας καὶ πέρδικας – offertes à Aphrodite293 ou alors
une pie – κίττα – sacrifiée à Dionysos294 . Ces témoignages isolés
semblent inventer une symbolique associant une espèce d’oiseau à
la personnalité d’une divinité ; ainsi la pie, oiseau « bavard », est-
elle jugée convenable pour Dionysos. Même si nous ne pouvons
y accorder le crédit réservé aux données épigraphiques, ces
spéculations confirment la tendance à attribuer à chacune des
divinités une espèce particulière de la gent ailée, qu’il s’agisse d’un
emblème ou d’une victime sacrificielle.
……………………………………………………………………………
Récapitulons. Les coqs et les autres oiseaux sont rares non
seulement dans les règlements sacrificiels concernant le plus
souvent  les rituels pris en charge par la cité, mais aussi sur les

292. Phaon, 648-649 Kock = 188 Kassel-Austin (Athénée, Banqueteurs, X, 441


et suiv.). Cf. Casabona 1966, 104, Μίχα Λαμπάκη 1984, 161 et Rosen 1995, 10-12. Le
fragment appartient à la comédie Phaon (391 av. J.-C.). D’après Kadletz 1976, 13, le
contexte indiquerait que la déesse concernée est Aphrodite Courotrophos. Dans
la scène citée par Athénée, un personnage étudie un poème sur la gastronomie et,
en particulier, sur les aphrodisiaques.
293. Jean le Lydien, De mois, IV, 64
294. Cornutus, 30.
Chapitre IIIa Les sacrifices d’oiseaux 99

reliefs votifs dédiés par des particuliers dans les sanctuaires


thérapeutiques d’Asclépios. Cependant, certains indices montrent
clairement que ces animaux étaient beaucoup plus fréquents
parmi les sacrifices offerts par des particuliers aussi bien dans les
sanctuaires publics qu’en milieu domestique. Outre les données
littéraires que nous venons de présenter, les sanctuaires conservent
des témoignages archéologiques incontestables, notamment des
simulacres en terre cuite295, mais aussi des ossements d’oiseaux,
découverts parfois en grand nombre, dans les dépôts votifs296.
Dans le cadre domestique, les petits oiseaux, surtout les volatiles,
devaient être aussi fréquents pour des raisons à la fois d’économie
et de commodité liées à la facilité de se les procurer, de les mettre à
mort et de les poser comme offrandes sur un petit autel297.

En conclusion, le choix d’oiseaux comme victimes sacrificielles


ne peut aucunement être compris comme une «  inversion  » par
rapport aux usages des Grecs, encore moins par rapport à ceux des
Égyptiens. Il est clair, toutefois, que dans les papyrus magiques
nous sommes en présence d’interprétations innovantes de schémas

295. Voir, entre autres, Rouse 1902, 288-306. Cf. Bodson 1978, 100 et notes 66-67.
Ajoutons qu’un grand nombre de statuettes d’offrantes à l’oie ont été découvertes
dans un Héraion de la Grande Grèce, près de Poseidonia.
296. Outre les données mentionnées supra, note 278, des ossements d’oiseaux
ont été retrouvés dans le sanctuaire d’Artémis à Délos, d’Apollon à Milet, d’Hé-
ra à Samos, de Déméter à Mytilène (poules, oies, pigeons), d’Artémis à Lousoi
d’Arcadie (pigeons, perdrix, outarde, pélican), d’Aphrodite à Paestum (poulets,
colombes, pigeons) et enfin de Poséidon à l’Isthme (coqs) ; voir Gallet de Santerre
1958, 130, Laumonier 1958, 562-563, ainsi que le commentaire de la documentation
archéozoologique par Martine Leguilloux 1999, 429, 431.
297. A Pompéi, le coq serait fréquemment offert en milieu domestique : voir
Robinson 2002, Lepetz et Van Andringa, 50 ainsi que Feugère 2007, 1-10 concernant
les cultes domestiques dans le Languedoc préromain.
100 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

sacrificiels adaptés au milieu dans lequel opère le praticien, mais


aussi imprégnés des croyances et des principes qui régissent notre
corpus et qui paraissent correspondre à une religiosité syncrétique
développée au cours de l’Antiquité tardive298. Nos rituels ne mettent
en avant ni la fonction alimentaire des victimes, comme c’était
souvent le cas en Grèce, ni le symbolisme réparateur de la mise à
mort de l’animal, ce qui était la règle en Égypte. Quel sens faudrait-
il alors attribuer aux oiseaux et quelle est leur contribution ?
L’affinité de la gent ailée avec les dieux, son rôle de messager
entre le monde divin et les hommes, son assimilation aux âmes,
attestée tant dans la pensée grecque que dans la pensée égyptienne
ne sont pas sans rapport avec cette question. Au-delà de la parenté
générale entre les oiseaux et le divin, la grande variété d’espèces
de cette race ailée permet d’établir divers liens symboliques
avec des divinités spécifiques. Quant au coq, c’est avant tout sa
symbolique solaire et son aspect belliqueux qui doivent être pris
en considération.
Avant de réunir les constatations susceptibles de nourrir une
réflexion sur ce problème, il convient d’approfondir au moins un
exemple, parmi ceux qui ont été répertoriés. Loin de le considérer
comme un cas canonique, nous l’avons choisi plutôt pour sa richesse
en sacrifices.

298. Nous avons laissé de côté la mention intéressante d’oiseaux dans un


contexte sacrificiel par le fameux papyrus de Derveni (IVe s.) ; or, selon un
passage du papyrus (VI, 8-11 KPT, cf. col. II, 2-8) le geste de sacrifier ou plutôt
de laisser s’envoler un oiseau au compte des Eumenides (assimilées aux ψυ-
χαί) serait pareil à une pratique des μάγοι, prêtres perses ou professionnels
enseignant des mystères orphiques ; cette pratique, loin d’être « traditionnelle »
en Grèce rappelle des coutumes étrangères ainsi que certains sacrifices des
« papyrus magiques » eux-mêmes, voir supra p. 80. Sur les passages en question
du papyrus de Derveni et leurs problèmes d’interprétation, voir notamment
Tsantsanoglou 1997, 93-128, Kouremenos in KPT, 170-171 (cf. 144-145), Bernabé
2010, 81-84, Ferrari 2011, 76-80.
IIIb. Des sacrifices qui donnent des ailes : PGM XII, 15-95 299

La plus grande abondance en sacrifices s’observe  dans une


recette du papyrus de Leiden (IVe s.)300 : le rituel qui y est prescrit
comprend le sacrifice de neuf oiseaux appartenant à au moins
cinq espèces différentes. Ce passage des PGM révèle le besoin de
se pencher sur chaque recette séparément et de l’étudier dans son
individualité.

Un Éros à tout réussir


Les titres donnés sont : (i) πάρεδρος Ἔρως, «  (recette pour
avoir) Éros comme assistant », (ii) τελετή, « accomplissement » ou
«  changement de statut  » et (iii) ἀφιέρω[σ]ις et (iv) κ[α]τασκευή,
« consécration » et « fabrication »  d’Éros301.
La lecture de ces intitulés dans l’ordre inverse propose déjà,
pas à pas, la description d’une procédure rituelle complexe :
fabrication  et consécration d’une image, accomplissement de son
pouvoir, subordination de la divinité représentée. L’intitulé donné
en premier − πάρεδρος Ἔρως − correspond à la dernière étape et
au but ultime de la recette302.

299. Le présent chapitre reprend en partie le contenu de mon étude « Des


sacrifices qui donnent des ailes : PGM XII, 15-95 », voir Zografou 2011.
300. Cf. Daniel 1991, xv et suiv.
301. Eitrem 1942, 64, Bernand 1991, 305, Ogden 2002, 256-258, Collins 2008,
98-101, Ogden 2008, 119-120.
302. Sur les πάρεδροι, voir Ciraolo 1995, 279-293, Gordon 1997, 72-75 et Scibilia
2002, 76-86.
102 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Comme dans d’autres récettes des PGM, l’acquisition


d’un assistant divin ouvre la voie à la réussite dans plusieurs
entreprises303 Le texte nous en donne une « image concrète » juste
après l’intitulé : « parmi les opérations qu’il (sc. le charme) mène
à bien, une fois utilisé de manière correcte et pure, sont l’envoi
de rêves, l’insomnie et la libération du praticien de l’emprise des 
mauvais esprits…  ». S’agit-il d’un charme amoureux, comme le
suggérerait la présence des figurines d’Éros et de Psyché? Tant
l’envoi de rêves que l’insomnie sont des moyens très fréquents de
« persuasion » ou de « tourment » d’un être désiré, mais la chasse
des mauvais esprits est une fonction qui dépasse le cadre de la
magie amoureuse. Enfin, l’affirmation que la recette « réussit tout »
− ἔστιν γὰρ ἔχων πᾶσαν πρᾶξιν − indique un pouvoir qui semble
illimité.
Les trois λόγοι, paroles à prononcer au cours de l’opération,
qui sont citées après la prescription du rituel, décrivent très
éloquemment les effets souhaités et ne laissent aucun doute sur
leur étendue. Le πάρεδρος est prié d’adopter l’aspect de la divinité
honorée par la personne qui le recevra − παρομοιούμενος θεῷ
(ἢ θεᾷ), οἵῳ ἂν σέβωνται − de transmettre les messages de son
maître à tout le monde, sans distinction d’âge ou de sexe − ἄνδρας
καὶ γυναῖκας, μικρούς τε καὶ μεγάλους − et d’imposer à tous sa
volonté, voire de semer la terreur. Le praticien cherche à rayonner
par sa grâce, par ses douces paroles et par son pouvoir de séduction
− χάρις, ἡδυγλωσσία, ἐπαφροδισία − jusqu’à ce que l’univers
entier se mette à ses pieds : « se tourne vers lui pour l’aimer » −
στρέφεσθ[αι πάντ]ας … ἐπὶ [ἔ]ρωτά μου. Voilà une efficacité qui
dépasse de loin le plan strictement érotique et finit par concerner

303. Voir par ex. PGM I, 42-195 où est dressée une liste extraordinaire des
bienfaits offerts par un πάρεδρος, cf. Gordon 1997, 75.
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 103

toute réussite sociale. De même qu’Éros-assistant est appelé à se


glisser sous la peau d’autres divinités, l’amour que le praticien
souhaite inspirer est destiné « à prendre les formes les plus diverses
et à triompher » dans toute relation. Le praticien aspire donc à une
aura quasi-divine.
Ce type de charme n’est donc pas exclusivement erotique, mais
appartient à la catégorie que J. J. Winkler appelle «  recipies for
success  » et qui insistent sur «  winning friends and influencing
people  »304. On trouve ici l’unique invocation d’Éros dans cette
catégorie de recettes qui promettent une séduction à champ
d’action élargi et font intervenir également Hélios et, une seule
fois, Hermès305. En effet, malgré le grand nombre des charmes
d’amour contenus dans le corpus des papyrus magiques, il est à
noter qu’Éros, dieu de l’amour par excellence, y est peu invoqué. Il
n’apparaît comme divinité principale du rite que dans trois autres
recettes dont l’objectif est beaucoup plus modeste que celle que
nous sommes en train d’étudier306.

Un couple ailé : Éros enflammant l’Âme


Il est clair que notre recette engage en premier lieu Éros dont
la figurine, placée sur une table, devra toutefois être accompagnée
de Psyché, incarnation de l’âme dont l’association à Éros est bien

304. Winkler, 218 et suiv.


305. Voir par ex. PGM III, 494-611 où Hélios est prié de doter le praticien de
toute une série de charismes Winkler, 218-220.
306. Cependant, dans l’« épée de Dardanos », PGM IV 1716-1870, la formule à
prononcer, qui salue le dieu comme un puissant créateur, rappelle la cosmogonie
orphique : « …l’archêgète|De toute la génération, toi qui es inaccessible et| Sans
mesure, qui dans toutes les âmes | insuffles un esprit | De vivification, toi qui a
tout mis en harmonie par ton | pouvoir, toi le premier né, créateur | du tout, aux
ailes d’or… » (trad. du Manuel de magie égyptienne, 1995, Belles Lettres).
104 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

connue  dans la mythologie. Cette double image, exaltée par une


mise en scène rituelle, fonctionnera tout d’abord comme un rappel
du célèbre paradigme mythique de la soumission à l’amour. Son
rôle principal consiste à rendre «  présent  » un thème mythique,
de même qu’aurait pu le faire une historiola, histoire mythique
insérée dans un rituel et apparentée par son contenu à la situation
à laquelle ce rituel répond307.
Or le couple formé par Éros et Psyché était particulièrement
populaire à partir de l’époque hellénistique. Les épigrammes
évoquent l’image de l’âme torturée par l’Amour308 bien avant que
ce même thème apparaisse dans les tablettes de défixion et les
papyrus magiques309 . Ce couple mythique a été d’ailleurs maintes

307. Il est à noter que le conte d’Amour et de Psyché raconté par Apulée
fonctionne aussi comme paradigme − tout en étant soumis, bien entendu, à plusieurs
interprétations symboliques en rapport avec le contexte des Métamorphoses −, voir
Raïos 2004, 431-470.
308. Par ex. Méléagre, Anthologie Palatine, V, 57 ; XII, 80 et 132.
309. L’âme et le cœur en tant que sièges des sentiments sont les cibles les plus
fréquentes des charmes d’amour tant dans les tablettes de défixion que dans les
PGM : voir Martinez 1991, 63-64, Faraone 2006, 198-199, notes 81-83 et Ficheux 2006,
296. Selon Ganszyniec 1920, dans certains charmes amoureux (par exemple PGM
VII, 411-416) le mot ψυχή (de même que le mot φύσις) désigne par euphémisme
l’« essence » de la femme, c’est-à-dire son sexe. Cette interprétation est adoptée
par Betz 1986, p. 339 (Glossary), Charvet et Ozanam 1994, 45, 66, Muños Delgado
2001, 144, Gordon 2007, 127 ; Martinez 1991, 11-12, note 49 ne l’admet que pour une
seule occurrence du mot dans les PGM. Ψυχή paraît toutefois avoir cette signi-
fication déjà chez Sophocle, Electre, 775, cf. Juvénal, Satire, VI, 193-199 et Martial,
Épigrammes, X, 68, 5-12. En fait, dans plusieurs passages présentant un contexte
érotique, le choix entre les deux significations paraît superflu, car le mot peut
être traduit par « âme » tout en gardant une connotation sexuelle, cf. Betz 1986,
339. Charvet et Ozanam ont raison de remarquer au sujet du couple Éros-Psyché
intervenant dans la recette intitulée Ξίφος Δαρδάνου, « épée de Dardanos » : « le
choix des figures représentées sur la pierre, Aphrodite et Éros, s’explique par le
contexte amoureux. Celui de la Psyché est plus complexe : le mot désigne à la fois
l’âme, le sexe de la femme et l’amante de l’Éros − celle-ci a pris dans la littérature
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 105

fois représenté dans la plastique310. Nous le trouvons également sur


des gemmes magiques chronologiquement proches du papyrus de
Leyde : tantôt Éros brûle Psyché à l’aide d’une torche, tantôt c’est
elle qui l’attaque de cette même manière311, ou encore le couple
est représenté amoureusement uni. Un autre schéma représente
Aphrodite à cheval sur Psyche312. Le papyrus magique de Paris
contient des instructions rituelles pour la fabrication d’une intaille
en pierre d’aimant évoquant ces thèmes : sur une face, Aphrodite
chevauchant Psyché qui figure également plus bas en train de se
faire brûler par Éros à l’aide d’une torche enflammée ; sur l’autre,
l’union d’Éros et de Psyché313. Dans la scène du châtiment de
Psyché la figure féminine peut être remplacée par un petit animal
qui ressemble à un papillon ou peut-être à un oiseau314.
Si le thème du couple Éros-Psyché était bien connu avant
Apulée, la seule élaboration  romanesque que nous en connaissons
est celle qui s’intercale dans les livres IV et V des Métamorphoses.
Plusieurs objets faisant partie de la παράθεσις prescrite par notre
recette rappellent le récit d’Apulée  : les poignards315, les arcs/

de l’époque une signification spirituelle très forte : image de l’âme égarée par la
curiosité, mais atteignant l’immortalité au terme d’épreuves initiatiques ».
310. Voir Icard-Gianolio 1994, 569-585 (VII1) et 436-462 (VII2).
311. Sur le thème de l’embrasement de la ψυχή et sur d’autres métaphores de
l’igné tant dans la poésie que dans la magie, voir Versnel 1998, 249, note 90 et 260-261,
note 119 (avec une bibliographie abondante) ainsi que Ficheux 2006, 294 et note 28.
312. Voir Delatte et Derchain 1964, 233-239 ainsi que Mouterde 1930, 53-64, cf.
Nock 1925, 154-158, Bernand 1991, 305, Winkler 1991, 220 et Faraone 2006, 51, 56.
313. La construction de cette gemme fait partie du Ξίφος Δαρδάνου (IV 1719-
1870) comprenant aussi l’aquisition d’un Éros πάρεδρος.
314. Delatte et Derchain 1964, 236-237, no 325. Pour le lien entre Psyché et les
oiseaux voir infra, p. 111.
315. Les poignards rappellent l’arme tranchante, peut-être un rasoir, dont s’est
armée Psyché pour tuer son mari − novacula (Métamorphoses, V, 22, 1).
106 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

flèches316 et surtout les lampes317. Au début du premier λόγος,


l’invocation Ἐπικαλοῦμαί σε, [τ]ὸν ἐν τῇ καλῇ κοίτῃ, τ[ὸν] ἐν
τῷ ποθεινῷ οἴκῳ, «  J’appelle toi, qui est dans le beau lit, dans la
maison désirable » rappelle de manière analogue « les immenses
richesses de la maison d’or  » d’Éros décrite dans le livre V
des  Métamorphoses318. Enfin, l’aspect lumineux, voire solaire, que
les spécialistes ont parfois perçu dans l’Éros d’Apulée319 coïncide
avec la double nature de cette figure dans notre recette320.

316. Dans les Métamorphoses, les armes d’Éros reposent au pied de son lit,
lorsque Psyché poussée par la curiosité provoque une sorte d’ « épiphanie »
involontaire de son mari. Leur rôle est important, car c’est en les examinant que
Psyché sera piquée par une flèche et saisie alors d’un amour foudroyant pour
son divin époux (V, 22, 7-23, 1-2).
317. Dans les Métamorphoses, le récit attribue un rôle majeur à la lampe sous
la lumière de laquelle Psyché découvre son mari. Non seulement elle sert à la
révélation d’Éros, mais contient aussi l’huile dont une goutte coulera pour brûler
l’épaule du dieu. Les paroles adressées à la lampe, procédé bien connu dans les
épigrammes érotiques hellénistiques, laisse apparaître l’affinité de l’objet avec le
dieu igné de l’amour − lucerna illa, sive perfidia pessima sive invidia noxia sive quod
tale corpusespace contingere et quasi basiare et ipsa gestiebat, evomuit de summa luminis
sui stillam ferventis olei super umerum dei dexterum. Hem audax et temeraria lucerna et
amoris vile ministerium, ipsum ignis totius deum aduris, cum te scilicet amator aliquis,
ut diutius cupitis etiam nocte potiretur, primus invenerit (V, 23, 4-5). Apulée avait déjà
insinué cette affinité, lors de la scène de la révélation : à la vue d’Éros endormi,
la flamme de la lampe s’avive − cuius aspectu lucernae quqoque lumen hilaratum
increbruit (V, 22, 2). Sur la lumière des lampes, qui s’intensifie à l’approche d’une
divinité, voir Zografou 2010a, 283.
318. Apulée, Métamorphoses, V, 8, 1.
319. Voir, entre autres, Merkelbach et Totti 1990, 28-31. Kenney 1990, 172 renvoie
à la comparaison d’Éros avec le soleil chez Plutarque, Amatorius, 764d : ἐοικέναι μὲν
οὖν Ἀφροδίτῃ σελήνην ἤλιον δ’Ἔρωτι…, cf. Edwards 1992, 77-94 qui essaie de situer
le récit d’Apulée dans l’ambiance philosophique de l’époque et Raïos 2004, 450-454
qui présente les voies interprétatives principales qui ont été tracées pour ce conte.
320. Ce n’est pas la première fois que l’on constate un rapport entre les Mé-
tamorphoses et les pratiques magiques répandues à l’époque d’Apulée : voir, entre
autres, Frangoulidis 2008.
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 107

Or, durant l’époque gréco-romaine s’est produit un rappro–


chement entre l’égyptien Horus-Harpocrate, assimilé au soleil
renaissant,321 et le dieu grec Éros. Ce processus avait son fondement
principal dans la nature enfantine des ces deux divinités322. Il a été
favorisé en outre par la représentation littéraire de l’amour comme
un feu dévorant et par le rôle cosmogonique que lui attribue la
pensée grecque323.
Il n’est donc pas étonnant de rencontrer un Éros solaire dans les
papyrus magiques324. Dans notre recette, les λόγοι font apparaître
clairement cet aspect précis de la divinité, qualifiée de δεσπότη[ς]
τοῦ οὐρανοῦ, ἐπιλάμπων τῇ οἰκουμένῃ, « maître du ciel qui brille
sur tout le monde habité par les hommes » et sollicitée avec insistance
par le praticien qui va jusqu’à menacer la trajectoire du soleil  : −
κατέπιεν ὁ οὐρανὸς τὸν κύκλον (…) τοῦ ἁγίου κανθάρου (…)
κάνθαρος, ὁ πτεροφυὴς μεσουρανῶν τύρραννος, ἀπεκεφαλίσθη,
« le ciel a avalé…l’orbe du scarabée sacré…le scarabée, tyran ailé au
milieu du ciel, a été décapité ».

Trois jours de sacrifices sur fond d’une installation rituelle


La procédure rituelle prescrite est la suivante :
(i) Façonnage, sur un support, d’une statuette d’Éros
accompagné de Psyché en cire mélangée à des plantes aromatiques

321. Fils d’Isis et d’Osiris, Harpocrate (ou « Horus l’enfant »), représenté


comme un jeune garçon nu sous les traits caractéristiques de son âge, a absorbé
progressivement plusieurs fonctions d’Horus, expression majeure de la divinité
solaire dans son aspect juvénile en Égypte. Voir Sandri 2006.
322. Hornung 1992, 130. 
323. Martinez 1991, 62, Apollonius de Rhodes, III, 286-298. Voir aussi Plutarque,
Amatorius, 764b-d, où l’on perçoit une conception syncrétique gréco-égyptienne
qui assimile Éros au soleil (Αἰγύπτιοι δύο μὲν Ἕλλησι παραπλησίως Ἔρωτας…
τρίτον δὲ νομίζουσιν Ἔρωτα τὸν ἥλιον), cf. Waegeman 1987, 209-213.
324. Merkelbach et Totti 1990, 28-34 et 76-78 (concernant notre recette).
108 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

; Éros doit tenir une torche − λαμπαδηφόρο[ν,] – dans une main,


un arc et une flèche dans l’autre.
(ii) Dépôt – παράθεσις − de nourritures variées (fruits, gâteaux,
vin miellé)325, de sept lampes326, ainsi que d’autres objets  : trois
poignards, tablettes votives, arc et flèche. Tout cela doit être posé
sur la même table que la statuette d’Éros pendant trois jours, afin de
« convaincre » le merveilleux dieu − ὥστε πείθειν τὸν θαυμαστὸν
Ἔρωτα. Simultanément, une série de sacrifices d’oiseaux sera
offerte sur fond de cette « installation rituelle ».
(iii) Construction d’un petit autel « pur à l’aide  de deux briques
placées de manière à évoquer quatre cornes327, et de branches
d’arbres fruitiers − ξύλα κάρπιμα.
(iv) Sacrifices accompagnées des logoi  : le premier jour, il est
prescrit d’ «  étrangler  » − ἀπόπνιξον − sept êtres vivants  : ἕνα
ἀλεκτρυόνα, ὄρτυγα, βασίλισκον, περιστεράν, τρυγόνα καὶ τὰ
ἐνπεσόντα σοι [νε]οσσὰ δύο, « un coq, une caille, un roitelet, une
colombe, une tourterelle et deux oisillons sur lesquels tu aurais mis
la main ». La consigne rituelle précisant le mode de la mise à mort
est unique dans notre corpus : …ταῦτα δὲ πάντα μὴ θύε, ἀλλὰ
κατέχων εἰς | τὴν χεῖραν ἀποπνίξεις ἅμα προσφέρων τῷ Ἔρωτι,
μέχρις οὗ ἕκαστον τῶν | ζῴων ἀποπνιγῇ καὶ τὸ πνεῦμα αὐτῶν εἰς
αὐτὸν ἔλθῃ, καὶ τότε ἐπιτίθει εἰς | τὸν βωμὸν τὰ ἀποπνιγέντα σὺν

325. Voir supra, pp. 78-79.


326. Concernant la présence de lampes en association avec des offrandes et
des sacrifices, dans les papyrus magiques, voir supra p. 78.
327. Aussi bien les indications de mesures et de matières que les quatres
projections en forme de cornes rappellent des prescriptions bibliques et des
monuments israélites. Cela ne signifie pas pour autant que des autels à cornes
n’existaient pas ailleurs, cf. Quaegebeur 1993, 332-33 et Yoyotte 1981, 90-91). Quoi
qu’il en soit, deux briques pouvant difficilement constituer quatre cornes, la
restitution du texte semble douteuse.
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 109

ἀρώμασιν παντοίοις, « ne les sacrifie pas328, mais prends- les dans


ta main et étouffe-les en les tendant vers Éros jusqu’ à ce qu’elles
soient toutes suffoquées et que leur souffle entre en lui, puis pose
les oiseaux étranglés sur l’autel avec des plantes aromatiques de
toutes espèces ». Le deuxième jour il faudra étrangler un poussin
mâle en le tendant également vers Éros, puis le brûler entièrement
– τῇ δὲ δευτέρᾳ ἡμέρᾳ νοσσάκιον ἀρρενικὸν πρὸς τὸν Ἔρωτα
ἀπόπνιγε καὶ ὁλοκαύστει. Le rituel de l’holocauste paraît cette fois
explicite. Le troisième jour il faudra placer le second poussin sur
l’autel et le consommer rituellement dans un isolement parfait – τῇ
δὲ γ’ ἡμέρᾳ ἕτερον νοσσάκιον βω[μ]ῷ εἰσ[θές]. ποιῶν τὴν τελετὴν
κατάφαγε τὸν νεοσσὸν μόνος, ἄλλος δὲ μηδεὶς συν[έστω μόνος.
Trois λόγοι, prières magiques, doivent accompagner ces trois
sacrifices, une autre formule sera écrite sur un morceau de papyrus
et une dernière servira à inviter à l’avenir le dieu assistant.

Offrir des oiseaux à Éros et Éros …en oiseau


Comme nous l’avons déjà montré, les oiseaux sont des victimes
appropriées aux recettes de notre corpus pour plusieurs raisons :
non seulement grâce à leur parenté avec les dieux, mais aussi parce
que les ailes et l’envol expriment le désir si fréquent du praticien
d’atteindre les hauteurs divines329. Outre ces constatations générales,
ces êtres conviennent particulièrement comme offrandes à Éros,

328. C’est-à-dire « ne les consacre pas par le feu ». Selon Betz 1992, 154, note
11 « this refers to the so-called holocaust, in which the sacrificial gifts are burnt
completely. Signalons, toutefois que l’expression ἐπιτίθει εἰς τὸν βωμὸν indique
probablement la mise au feu ultérieure des oiseaux. Voir infra, p. 26.
329. Cf. Eliade 1957, 126-153. C’est ainsi que nous devons sans doute comprendre
la prescription de lire ou d’écrire une formule πτερυγοειδῶς, voir PGM II, 2 et
VII, 716. Signalons enfin le titre Πτέρυξ d’un livre sacré d’Hermès : PGM XIII, 16.
110 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

doté lui aussi d’ailes330. Aristophane le savait bien quand il a fait de


son Éros orphique l’ancêtre de toute la race des oiseaux ; d’après la
parodie très connue de la cosmogonie orphique dans la parabase
des Oiseaux, Éros ailé naît d’un œuf pondu par la Nuit : « …dans
l’immense sein de l’Érèbe, la Nuit aux ailes noires enfante un œuf
sans germe, d’où, dans le cours des saisons, naît au temps fixé le
charmant Éros, orné d’ailes d’or resplendissantes, léger comme
les tourbillons du vent »331. Dans le fameux passage du Phèdre sur
l’amour et l’âme, le jeu de mots Erôs-Pterôs (du mot πτερόν, « aile »)
montre que, selon Platon, les ailes constituent la quintessence de ce
dieu. En effet, suivant une tradition très ancienne, les dieux étaient
censés employer un vocabulaire différent de celui des hommes pour
désigner les mêmes signifiés. Ainsi Socrate, après avoir critiqué les
Homérides, cite leurs vers : τὸν δ΄ἤτοι θνητοὶ μὲν Ἔρωτα καλοῦσι
ποτηνόν, | ἀθάνατοι δὲ Πτέρωτα διὰ πτεροφύτορ’ ἀνάγκην,  « Les
mortels l’appellent Éros volant, tandis que pour les immortels il se
nomme l’Ailé à cause du besoin d’être pourvu d’ailes » ; et il ajoute
par la suite : « on peut croire cela, on peut aussi ne pas le croire.
En tout cas, la cause et la forme de ce qu’éprouvent les amants sont
exactement ce que je dis »332.
À cette parenté entre Éros et les oiseaux exprimée dans la poésie
et la philosophie correspond une coutume de la vie réelle : pigeons,
cailles, coqs, oies et d’autres espèces sont offerts dans le cadre des
relations amoureuses, afin de conquérir l’être désiré333. Un récit
remontant probablement à l’époque hellénistique, transmis par

330. Remarque déjà faite par Collins 2008, 100.


331. Aristophane, Oiseaux, 695 et suiv.
332. Platon, Phèdre, 252c, concernant πτερόν cf. 246d.
333. Aristophane, Oiseaux, 704-710 cf. Dunbar 1995, 447-449. Voir aussi Pollard
1977, 16, 139-140, Robert 1990, 87-91. Une liste des vases illustrant ce thème est
proposée par Dover 1989, 92.
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 111

Pausanias et par la Souda334, illustre le pouvoir de ce type de cadeau:


un garçon méprisé par l’être aimé se suicide en se précipitant par
l’Acropole  ; puis, celui qui a provoqué ce désespoir se donne la
mort de la même manière « comme si une force violente l’attirait »,
dès qu’il prend dans ses bras les oiseaux offerts en cadeau par son
malheureux prétendant − τοὺς ὄρνιθας γοῦν ἀναλαβών. Loin de
constituer un cadeau anodin, les oiseaux incarnent ici la force d’un
amour qui, une fois outragé, peut s’avérer néfaste, à l’instar d’un
serment violé335.
Il n’est donc pas étonnant que le dieu ailé finit par être lui-même
assimilé à un oiseau-cadeau d’amour. En effet, sur les fresques
pompéiennes, nous voyons des couples d’amants tenir des nids
dans lesquels sont blottis de petits Érotes en forme d’oiseaux336. Sur
ces images, le dieu revêt l’apparence d’un être inoffensif tout en
s’identifiant à ces cadeaux emblématiques.
Ajoutons enfin que Psyché, personnage mythique et compagne
d’Éros, est également représentée avec des ailes, de papillon le plus
souvent, mais aussi, plus rarement, d’oiseau337  ; elle est d’ailleurs
l’incarnation de l’âme qui a été très tôt imaginée ailée et assimilée
à un oiseau338.

Les espèces propres à un Éros solaire


Le plus impressionnant dans cettre recette est la variété des
oiseaux mentionnés. Hormis le coq, seule la colombe réapparaît

334. Pausanias, I, 30, 1 et Souda, s.v. Μέλητος (497, 1-24 Adler).


335. Le culte d’Antéros (« amour réciproque » ou « contre amour ») à Athènes
est lié à cette tradition, voir Zografou 2010b, 328-332. 
336. Voir Collignon 1962, 1608 et fig. 2189.
337. Icard-Gianolio 1994, 583 et passim et nos 31, 24, 50 pour Psyché aux ailes
d’oiseau. Il est à noter, inversement, qu’Éros peut parfois être doté d’ailes de papillon.
338. Turcan 1959, 33-40, Vermeule, 1979, 8-9, 18-19, Dimitrokallis 1992, 148-176.
112 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

dans le corpus, les mentions de l’ὄρτυξ, du βασιλίσκος et de la


τρυγών y constituant des hapax. Sans prétendre que le choix de ces
espèces a été dicté par une logique infaillible et possible à restituer
dans tous ses détails, nous allons relever les caractéristiques
susceptibles d’exprimer un rapport avec la divinité concernée.
En dehors, des connotations solaires qu’il revêt ainsi que de
sa nature belliqueuse et apotropaïque, le coq se caractérise, aux
yeux des Grecs anciens, par une sexualité débridée associée à son
agressivité même339.
Tout comme le coq, la caille est un oiseau de compagnie
approprié aux jeux − ὀρτυγοκοπίαι. Elle est très ardente, elle aussi,
dans ses accouplements, d’après Aristote qui la compare de ce point
de vue à la perdrix340. D’autre part, elle se repose pendant quelques
jours, lors de sa migration, sur l’île d’Ὀρτυγία, connue aussi
comme Astéria ou Délos, association qui lui confère également un
aspect solaire341  : liée aux τροπαὶ ἡελίοιο de même que l’est l’île
d’Ὀρτυγία342, elle suit dans ces voyages le cours du soleil.
Le roitelet, l’oiseau le plus petit d’Europe, plutôt rare en Grèce,
passe tout de même pour le roi de la gent ailée : βασιλίσκος (ou
βασιλεύς)343. Sa crête dorée, φοινικοῦς λόφος, a sans doute contribué

339. Dumont 1988, 38-39. Le coq est aussi régulièrement représenté sur les
pinakes de Locres, dans un contexte matrimonial, voir Redfield 2003, p. 380-382.
340. Aristote, Histoire des animaux, 614a, 28-29.
341. Thompson 1966, 219 cf. Geoffrey Arnott 2007, 161-163, Pollard 1977, 61-62
et Waegeman 1987, 116-117 et 1189 (par rapport à un passage des Cyranides).
342. Homère, Odyssée, XV, 403 « Il y a une île qu’on appelle Syrie (…) au delà
d’Ortygie où tourne le soleil », cf. Ballabriga 1986, 16-22.
343. Le nom βασιλίσκος désigne le roitelet (regulus) connu aussi comme
ὀρχίλος ou τροχίλος. Cependant la confusion paraît inévitable avec βασιλεύς, le
troglodyte (troglodytes troglodites) qui ressemble au roitelet sans disposer pour autant
de ses plumes dorées. Voir Geoffrey Arnott 2007, 20-21, cf. Dunbar 1995, 383-384.
Signalons enfin que le nom βασιλίσκος désigne aussi un serpent aux pouvoirs
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 113

à l’acquisition de ce statut344. Aristote l’appelle significativement


τύραννος345, épithète employée dans notre recette pour désigner
la divinité solaire  : πτεροφυὴς μεσουρανῶν τύραννος346. Rien
n’associe ce petit oiseau « royal » au champ d’action de l’amour si
ce n’est le nom ὀρχίλος (ou  ὄρχιλος) qui a été rapproché, suite à
une parétymologie, du mot ὄρχεις, « testicules »347.
Dans les papyrus magiques grecs, nous retrouvons la colombe
en tant que victime sacrificielle dans une des versions du « livre
de Moïse »348. Son sang y est toutefois prescrit pour la préparation
d’ἐπιθύματα et d’encres, mais aussi pour des aspersions rituelles.
Quand elle est précisée par les recettes «  magiques  », sa couleur
doit être blanche, comme celle du coq. En Grèce la colombe est
entretenue dans les sanctuaires d’Aphrodite et elle lui est parfois
même sacrifiée349 ; son nom − περιστερά −350 qui fait l’objet d’une
parétymologie le faisant dériver de l’expression « aimer à l’excès »
− περισσῶς ἐρᾶν351 peut désigner également, dans un langage
familier, la femme aimée, épouse ou maîtresse.

surnaturels dangereux que seul le coq peut affronter avec succès, voir Élien, De la
nature des animaux, III, 31, 1-2.
344. Un mythe d’Ésope justifiant l’honneur royal attribué à ce oiseau est rap-
porté par Plutarque, Praecepta gerendae reipublicae, 806e-806f. Voir Thompson 1966,
63-64, Pollard 1977, 36-37, Geoffrey Arnott 2007, 20-21.
345. Aristote, Histoire d’Animaux, 592b, 22-25.
346. PGM XII, 46, cf. Merkelbach-Totti 1990, 28-29 qui compare l’expression
avec les vers cités dans Phèdre ; voir supra p. 110.
347. Voir Aristophane, Oiseaux, 568-569 et Dunbar 1995, 384.
348. PGM XIII, 369-378.
349. Parmi les connotations symboliques de la colombe, évoquées par les au-
teurs grecs qui cherchent à expliquer le lien entre la déesse et l’oiseau sont le plaisir
érotique, la fidélité au sein du couple, mais aussi la pureté, voir Pirenne-Delforge
1994, 415-417.
350. Ce mot peut aussi servir de terme générique pour désigner toute espèce
de pigeon : Bodson 1978, p. 101-103 Thompson 1936, p. 238-247.
351. Schol. Apoll. Rhod., Argon. III, 549.
114 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Enfin, la tourterelle est l’espèce la plus petite de la famille des


pigeons352. Son attachement à son partenaire est bien connu353.
Aussi bien les œufs de la colombe que ceux de la tourterelle sont
employés dans les recettes à but aphrodisiaque des Cyranides354.
La liste des oiseaux à sacrifier le premier jour de l’opération
clôt avec « deux oiseaux trouvés par hasard ». Cette prescription
laisse alors le choix du sexe et de l’espèce au hasard, précisant
seulement l’âge des oiseaux. S’il y a sûrement un souci d’atteindre
le nombre symbolique de sept victimes, le choix particulier de
ces oiseaux renvoie à l’âge tendre d’Éros. Avec l’ajout des νεοσσά,
l’ensemble des oiseaux mentionnés paraît couvrir par ailleurs un
éventail complet de catégories d’êtres humains visés par la recette:
le monde viril serait représenté par le coq et le roitelet, celui des
femmes par les pigeons et l’enfance par les νεοσσά355.
Nous pouvons donc en conclure qu’au delà de la συγγένεια
toute particulière entre Éros et les oiseaux, les espèces évoquées
ci-dessus ont été en général sélectionnées pour leurs connotations
à la fois solaires et érotiques.

Le πνεῦμα des oiseaux « livré sous vide »


Le texte ne dit rien sur le destin  final des oiseaux étranglés
et posés ensuite sur l’autel  pendant le premier jour. La mention

352. Remarquons ici que, suivant les lois bibliques, les pigeons et les tourte-
relles sont les seuls oiseaux appropriés au sacrifice. Il est aussi précisé dans l’Ancien
Testament que contrairement à d’autres victimes, ils ne doivent pas être découpés.
353. Aristote, Histoire d’Animaux, 613a 14-15, cf. Cyranides, III, 43, 1, στρουθίον
μονανδρίαν άσκοῦν.
354. Cyranides, III, 43, 8 et 55, 18.
355. Cependant, l’ordre selon lequel sont mentionnés les quatre derniers
oiseaux − περιστερά, τρυγών, νεοσσά − peut refléter en même temps des usages
juifs. Voir, par exemple, Lévitique, 5, 7.
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 115

des plantes aromatiques qui les accompagnent indique de toute


probabilité un sacrifice par le feu. S’agit-il d’un holocauste, comme
le sacrifice du jour suivant explicitement décrit comme tel ?
Selon F. Graf, dans les papyrus magiques, l’étranglement de la
victime serait lié à sa consommation par le praticien. Dans son étude
sur la magie dans l’Antiquité gréco-romaine, cet auteur remarque
que « lorsqu’elle (sc. la victime) est destinée à être mangée dans le
rite magique, on l’étrangle»356. Signalons nos objections à ce propos:
(i) notre recette ne mentionne explicitement la consommation
de la viande par le praticien qu’à l’occasion du sacrifice du dernier
oiseau pour la mise à mort duquel aucune prescription n’est
donnée − κατάφαγε τὸν νεοσσὸν μόνος. On ne peut donc exclure
la possibilité que tous les sacrifices précédents constituent des
holocaustes, comme celui expressément désigné comme tel (ou
plus simplement des ἱερὰ ἄδαιτα). En outre, rien ne prouve que le
dernier poussin, qui est destiné à être avalé par le praticien, doive
être préalablement étranglé.
(ii) notre recette montre que l’interdiction qui pèse sur
l’étranglement des animaux dans certaines cultures n’était pas
en vigueur dans notre corpus. Signalons, par ailleurs, que la
consommation du sang par le praticien y constitue une pratique
bien attestée − τὸ δὲ αἷμα … ἔ[κ]πιε357. Cependant, nulle part dans
nos recettes la consommation de la chair d’une victime sacrificielle
n’est associée clairement à une mise à mort sans effusion du sang,
à savoir par étranglement.
Nous ne croyons donc pas que la prescription d’étranglement
soit à associer avec le repas solitaire du praticien qui scelle
l’opération.

356. Graf 1994, 259.


357. PGM IV, 35-41.
116 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

Nous ne pensons pas non plus que le recours à ce mode de


mise à mort doit être vu comme une « inversion » par rapport aux
pratiques religieuses traditionnelles358. Selon la tradition biblique,
par exemple, qui a sans doute exercé une influence sur cette recette,
comme le suggère la mention d’un autel à cornes, de pigeons et de
tourterelles359, il est formellement interdit de manger des animaux
mis à mort de la sorte. La même interdiction pèse sur les pratiques
de l’Égypte moderne soit par précaution contre les  maladies soit
par respect des lois islamiques. Toutefois, l’étranglement d’oiseaux
devait être une pratique très ancienne en Égypte, notamment dans
le cadre domestique. En règle générale, les représentations de ces
sacrifices ne montrent pas les oiseaux décapités, contrairement
aux autres victimes360. On aurait donc tort de conclure hâtivement
que l’attitude rituelle attestée par notre recette était consciemment
conçue comme choquante par rapport aux pratiques religieuses
habituelles.
L’étranglement est une option, puisée dans la grammaire
rituelle de la Méditerrannée gréco-romaine dans le but de renforcer
l’efficacité du rite. Quant à son sens dans le contexte de la recette
en question, le texte le montre clairement : ἀποπ[νίξ]εις ἅμα
προσφέρων τῷ Ἔρωτι, μέ[χ]ρις οὗ ἕκαστον τῶν ζῴων ἀποπνιγῇ
καὶ τ[ὸ] πν[εῦ]μα αὐτῶν εἰς α[ὐ]τὸν ἔλθῃ, καὶ τότε ἐπιτίθει εἰς τὸν
βωμὸν τὰ ἀπο[πνι]γ[έν]τα,  « tu les étrangleras en tendant la main,
en même temps, vers la statue d’Éros, jusqu’à ce que chacun de ces

358. Voir, par exemple, Graf 1994, 258 : « Dans l’univers des papyrus, où nous
saisissons le rite avec une rare précision, on perçoit tout un jeu d’inversions ».
359. Remarquons ici que, suivant les lois bibliques, les pigeons et les tourte-
relles sont les seuls oiseaux appropriés au sacrifice. Il est aussi précisé, dans l’Ancien
Testament que, contrairement à d’autres victimes, ils ne doivent pas être découpés.
360. Bouanich 2005, 151, note 13 et Ikram 1995, 57-61 : « Representations show
that once the bird was captured, it was killed by strangulation ».
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 117

êtres vivants soit étouffé et que leur souffle/fluide vital entre en lui ;
c’est alors que tu devras les déposer sur l’autel ». La croyance selon
laquelle la divinité absorbe le πνεῦμα des animaux se rencontre,
comme nous l’avons vu, dans d’autres passages des nos papyrus.
Ce qui distingue l’opération de notre recette est d’abord le besoin
de faire passer le πνεῦμα des animaux dans la statuette de cire
sans aucune « fuite » et aucun éventuel contact néfastes. La mise à
mort par étranglement semble préserver intact le souffle vital des
oiseaux, qui sera ensuite absorbé par la divinité, puisqu’il permet
de rester dans le corps des victimes en évitant l’écoulement du
sang aurait établi un contact avec l’autel ou le sol361. Au contraire,
l’étranglement impose un contact direct et ininterrompu entre la
main du praticien, devenue instrument de la mort, et la victime.
Il est très significatif que cette main doit se tendre vers la statue
d’Éros, comme si elle voulait établir un autre lien, cette fois avec
le divin. Mort « aérienne » alors qui, comme il a été pertinemment
remarqué, « donne des ailes » à la statue d’Éros362 tout en établissant
une chaîne de communication « ascendante » entre le praticien, la
victime et la statue.
Si cet exemple de mise à mort par étranglement est unique
dans les papyrus magiques, un cas analogue est sans doute décrit
par Porphyre, dans la Vie de Plotin. Lors d’une tentative d’entrevue
de Plotin avec son propre démon − θέαν τοῦ συνόντος αὐτῷ
οἰκείου δαίμονος − le philosophe était accompagné par un ami
tenant dans ses bras comme amulette − φυλακῆς ἕνεκα − des
oiseaux qu’il finira par étrangler « par jalousie ou par crainte » −

361. Loraux 1989, 124-141.


362. Ogden 2008, 119 : « The choking of a series of birds so that their breath
passes into the Eros doll is evidently a mechanism not merely for animating, but
more specifically for giving wing to the doll ».
118 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

πνίξαντος εἴτε διὰ φθόνον εἴτε καὶ διὰ φόβον τινά363. S. Eitrem
conteste la valeur de ce texte comme témoignage authentique
et croit que nous avons le droit de le mettre en rapport avec
les recettes des papyrus magiques  : d’après cet auteur, « sans
doute, l’ami de Plotin  tenait les oiseaux dans les mains selon les
instructions du prêtre et les animaux étaient destinés à un sacrifice,
non pas à tenir à l’écart des puissances ou des démons hostiles à
l’opération »364. Malheureusement, cet épisode de la vie de Plotin
reste un témoignage isolé, à propos duquel seules des hypothèses
peuvent être formulées.
Quoi qu’il en soit, l’attention particulière accordée au πνεῦμα
des oiseaux dans notre recette est peut-être due, entre autres, à sa
parenté avec ψυχή, « âme » incarnée, d’après l’opération prescrite
par la compagne d’ Éros, Psyché, représentée en cire parfumée à
côté de son amant.  
En effet, dans les papyrus magiques le mot πνεῦμα désigne
avant tout une émanation de la divinité diffusée dans le monde365.
Ainsi le mot ψυχή, très rarement cité comme nom d’une divinité366,
désigne habituellement les âmes individuelles des hommes.
En outre, les termes ψυχή, πνεῦμα, φρήν, καρδία, θυμός sont
souvent proches, voire interchangeables, quand il s’agit des

363. Porphyre, Vie de Plotin, 10.


364. Eitrem 1942, 62 et suiv. Une autre hypothèse, d’après laquelle il s’agissait
de coqs employés comme φυλακτήρια, est avancée par Dodds 1978, 240-241
(cf. Merlan 1953, 343-344). Selon Graf 1994, 133, l’ami de Plotin a étranglé les
oiseaux par erreur, ce qui a fait fuir le dieu, « car il ne souffre pas la présence
de la mort ».
365. Sur le sens du mot dans les PGM voir Muños Delgado 2001, 105-106,
Festugière 1932, 297-298 et Verbeke 1945, 321-337. Cf. Zografou 2008, 68-69 pour le
θεῖον πνεῦμα dans une invocation apolinienne (PGM I, 262-347).
366. PGM III, 417 : ἔστι δὲ τὸ ὄνομα τῆς ψυχῆς τοῦ θεοῦ. Concernant Psyché
en tant que « Âme du monde » dans les PGM, voir Betz, 2003, 88-90.
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 119

constituantes d’une personne visée par un charme magique367.


Plus particulièrement, la distinction entre πνεῦμα et ψυχή est
parfois très difficile à établir368. Signalons que les deux notions sont
déjà très proches chez les présocratiques et les stoïciens. Au cours
de l’Antiquité tardive et plus particulièrement dans les textes que
nous étudions, cette parenté a été renforcée369. Dans ce contexte,
les mots ἐμψυχόω370 et ἐνπνευμάτωσις371 peuvent désigner tous les
deux légitimement la « mise en action », voire « l’animation » d’une
statue » 372.

Le sens du sacrifice des sept oiseaux


Dans le contexte agonistique où s’inscrit notre recette, inspirer
de l’amour revient à s’imposer à quelqu’un en faisant tourner −
στρέφειν − son âme vers soi. La séduction amoureuse sert donc à
convaincre, voire à contraindre et à subjuguer et n’est donc que très
apparentée à la θεία μαγεία, « magie divine »373. Or, nous pouvons
identifier dans notre texte l’envie de séduire sur plusieurs plans
dont chacun éclaire un aspect différent du sacrifice des oiseaux : (i)
Entre le praticien et la statuette d’Éros, ce rapport passe par le dépôt
de nourritures et de sacrifices. En se sens, l’immolation des oiseaux
s’apparente à un cadeau offert à un bien-aimé. Le destinaitaire du

367. P. Mich. 757, 36 (texte inscrit sur une tablette de plomb), Audollent 1967,
41A, 9.
368. PGM IV, 627, 630. cf. Betz 2003, 166.
369. Martinez 1991, 90-93 propose plusieurs exemples.
370. PGM IV, 1827-1828 : ἐπίθυμα τὸ ἐμψυχοῦν τὸν ἔρωτα.
371. PGM V, 383-384 : ἔνθες εἰς τὸ ζῷδιον ἐνπνευματώσεως εἵνεκεν. Il est
d’ailleurs à signaler qu’ ἐνπνευματόω ainsi que ἐνπνευματίζω sont employés pour
désigner l’entrée du souffle divin dans l’homme. (PGM IV 966 ; III, 571).
372. Sur le concept de l’ « animation » et la critique de l’opinion selon laquelle
la divinité entre elle-même dans les statues, voir Haluszka 2008, 479-494.
373. PGM IV, 2445, cf. IV, 2449 et I, 127.
120 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

sacrifice, Éros, doit succomber au charme de cette riche offrande


comme un jeune garçon courtisé. Ce procédé est destiné à unir
le praticien et la divinité, résultat illustré dans la recette par le
repas sacrificiel solitaire pendant lequel le praticien avale tout seul
l’oisillon consacré. (ii) Au sein du couple Éros-Psyché, tel qu’il est
représenté au moyen des figurines en cire parfumée montrant
le dieu de l’amour en train d’essayer d’enflammer sa bien-aimée
habituelle, le πνεῦμα des oiseaux sacrifiés, si proche par son
essence à leur ψυχή374, constitue un double de Psyché − Ψυχή −,
prête elle aussi à se livrer au feu de son amoureux375. Ce sacrifice
souligne, voire « active », le destin de cette figure féminine. Si dans
d’autres passages des PGM c’est elle qui « a bésoin d’être vivifiée
par le souffle d’Éros », ici le rapport semble s’inverser : c’est Éros
qui doit s’emparer de Psyché, de même que du πνεῦμα des oiseaux,
pour être efficace. (iii) Sur le plan social, le praticien bénéficie du
lien privilegié avec l’Éros solaire omnipotent, une relation établie
par le sacrifice d’oiseaux qui « prêtent leurs ailes » au praticien en
animant la statuette du dieu.
Outre la nature solitaire du rite, qui différencie des équivalents
communautaires l’ensemble des sacrifices décrits dans les papyrus
magiques, nous détectons ici un faisceau de caractéristiques qui

374. Voir supra pp. 80-81 et note 226.


375. Signalons que dans certaines pratiques rituelles les statuettes de cire
étaient destinées à fondre (Faraone 1993, 60-80). Cependant rien de tel n’est pres-
crit dans notre recette : cf. IV, 1875-1880, 2360, 3148. La mise au feu de Psyché par
son compagnon est un motif que nous rencontrons dans la plastique : voir par
exemple, Σταμπολίδης, Τασούλας, 2009, nos 99-100 (moulages en terre cuite datant
du Ier-IIe s. av. J.-C., Musée de Délos 74/7061β et 74/7049β) où Psyché, passée à la
broche telle une victime sacrificielle, est en train de se faire rôtir aux flammes
d’un encensoir. Les connotations sexuelles du mot ψυχή (voir supra, note 309) au-
toriseraient aussi une interprétation érotique stricto sensu de ce motif dont le sens
symbolique traverse plusieurs niveaux.
Chapitre IIIb Étrangler des oiseaux pour Éros : PGM XII, 15-95. 121

font la particularité de cette recette, sans constituer pour autant des


inversions de pratiques traditionnelles : tout d’abord, la connaturalité
entre les victimes choisies et la divinité impliquée, élément  qui
permet, par la suite, un jeu d’analogies sans fin dépassant de loin le
but d’une offrande habituelle376. En ce sens, le sacrifice ne vise pas
seulement à faire plaisir au dieu, mais aussi à « mettre en action »
le paradigme mythique représenté par le complexe Éros-Psyché. Si
d’après la recette c’est le πνεῦμα des oiseaux qui « anime » Éros, du
point de vue du praticien-spectateur c’est l’ensemble du sacrifice
qui active la légende du couple mythique, tout en dramatisant
l’effet souhaité377.
Outre le jeu des analogies, c’est celui des mises en contact qui
paraît important : les gestes prescrits, à savoir tendre la main vers
la statuette, étrangler les victimes de sa propre main, ou encore
consommer le dernier oiseau offert dans un parfait isolement, ont
entre autres pour but de tracer un chemin conduisant le praticien
vers le divin, les animaux offerts servant de chaînons intermédiaires
à la liaison ainsi établie.

376. Sur le rôle de l’analogie dans le rituel, voir Versnel 2006, 317-327.
377. Il serait utile de rappeler, à ce propos, qu’en Grèce, lors de la mise à mort
d’un animal dans le cadre de la procédure du serment, le recours à l’analogie et
au contact, ainsi que l’aspect « théâtral » du rite étaient aussi importants que dans
notre recette. Voir, entre autres, Faraone 1993, 60-80, Giorgeri 2001, 426-427, Berti
2006, 204-205.
CONCLUSION

Notre bref parcours à travers les pratiques sacrificielles


«  magiques  » a confirmé que ces rituels, malgré leur caractère
innovant, sont en général construits selon les termes déjà
approuvés d’une « grammaire syncrétique » traditionnelle. Nous
n’avons détecté aucun indice d’inversion consciente et volontaire
par rapport aux usages connus dans le monde gréco-romain de
l’Antiquité tardive. Nous ne pourrions toutefois affirmer que ces
rituels, souvent conçus essentiellement comme des moyens de
contrainte s’inscrivent dans une sorte d’ « idéologie » sacrificielle 
immuable depuis Homère378. Un effort de défendre la religiosité
particulière exprimée par ces rituels en les alignant sur un modèle
de piété donné aurait fini par les priver de tout sens. Ni inversions ni
répliques des pratiques traditionnelles, les sacrifices « magiques »
proposent leurs propres clés d’interprétation.
Dans le présent volume, nous n’avons pas eu l’ambition
d’explorer toutes les «  clés  » qui puissent éclairer les rituels
sacrificiels des papyrus magiques. Parmi celles que nous avons
délibérément omises, mentionnons l’importance de l’écriture qui
pèse sur l’ensemble des pratiques rituelles de notre corpus379. Nous
avons jugé utile de nous pencher sur les choix conditionnant plus
particulièrement la matière à sacrifier et pouvant être interprétés
comme «  inversions  ». En effet, l’omniprésence des parfums, la

378. Voir Graf 2005, 71 ainsi que nos réticences chez Zografou 2008a, 108-201.
379. Voir Zografou 2008a, 201-202.
124 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

préférence pour les fumigations et le choix des oiseaux, surtout des


coqs, en tant que victimes des sacrifices sanglants constituent des
traits qui dessinent une conception du sacrifice particulière ; mais
ils n’ont rien qui puisse se positionner à l’encontre des pratiques
religieuses connues dans le monde méditerranéen. L’écart aurait
diminué encore plus, si nous avions cerné de plus près le champ de
comparaison en confrontant nos rituels à des cultes tantôt du milieu
domestique tantôt des sanctuaires thérapeutiques d’Asclépios.
L’appauvrissement des grands sanctuaires des religions
polythéistes concurrencés par le christianisme est un facteur à
prendre en considération pour expliquer la rareté des sacrifices
animaux et le recours à la pratique beaucoup plus discrète de la
fumigation qui pouvait abréger la procédure rituelle habituelle
pour des raisons de sécurité, d’économie et de commodité.
Le rôle des parfums et des oiseaux dans la pharmacopée a
sûrement conditionné aussi leur prédominance dans notre corpus.
Plus particulièrement, la parenté entre des manuels médico-
magiques comme les Cyranides et les papyrus magiques ne concerne
pas seulement le choix des ingrédients prescrits, mais aussi la
forme et le style, voire le mode de transmission de ces textes. Voilà
encore une question qui mérite d’être étudiée à part.
En dehors de ces données qui conditionnent de façon plus
générale la rédaction de nos recettes, nous avons recherché d’autres
éléments qui puissent donner du sens aux choix sacrificiels en
question.
(i) Parfums et oiseaux sont considérés comme apparentés aux
dieux, une συγγένεια qui garantit l’efficacité des rites contenus
dans les papyrus magiques.
(ii) Le coq blanc, ainsi que les autres espèces qui apparaissent
dans PGM XII, 14-95, sont aussi étroitement liées au Soleil que la
myrrhe et l’encens, parfums employés  très fréquemment dans le
Conclusion 125

corpus, appréciés pour leur caractère sec et, par conséquent, donc
solaire qui s’oppose à la pourriture et à la décomposition.
(iii) Parfums et oiseaux, notamment le coq, ont en plus de fortes
connotations érotiques. Les premiers sont synonymes du charme
amoureux et les seconds participent aux échanges entre amants de
façon aussi symbolique que réelle. Ce caractère érotique convient à
nos recettes non seulement parce qu’un grand nombre d’entre elles
sont des charmes d’amour, mais aussi parce que la relation avec le
divin paraît calquée sur la relation amoureuse, fondée tantôt sur
l’idéalisation et la fusion tantôt sur la contrainte et la dépendance.
(iv) Tant les fumigations que l’offrande de coqs sont liées
aux cultes d’Asclépios. Vu l’importance des rêves et des rituels
d’incubation dans nos recettes, cette association  doit avoir
influer sur les choix sacrificiels de nos papyrus au même point
que l’adaptabilité évidente de l’offrande de parfums et d’oiseaux
domestiques aux besoins des rituels privés prescrits par nos textes.
Il est très intéressant de remarquer que ces critères regardent
autant les parfums que les oiseaux. Or dans le mythe du phénix,
oiseau du Soleil et oiseau des aromates, que les papyrus magiques
n’ignorent pas380, la race ailée et les parfums sont entrelacés
d’une  manière à rappeler les pratiques sacrificielles que nous
venons d’étudier. Le bûcher aromatique, symbole de la mort et de
la renaissance du phénix ne peut qu’évoquer la mise au feu des
oiseaux sur des bois aromatiques, enveloppés des volutes des
parfums fumigés et de l’odeur des fleurs déposées à proximité381.

Reste une dernière question  : du moment où le sacrifice et

380. PGM, V, 252, XII, 231.


381. Sur le rôle des aromates dans le mythe de phénix, voir Hubaux et Leroy
1939, passim, Detienne 2007, 49-57, Lecocq 2009, 113-121.
126 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

notamment le sacrifice sanglant ne constitue aucunement l’acte


central de la plupart de nos recettes, le praticien s’en passant
facilement au profit d’une multitude d’autres procédés rituels,
pourquoi y persiste-t-il ?
En effet, le sacrifice, acte rituel d’une grande autorité, unit
et distingue entre elles les cultures de la Méditerranée382. Il joue
un rôle identitaire, d’abord, au sein du polythéisme, puis dans
la confrontation entre païens et chrétiens383.  Non seulement a-t-
il été  pratiqué au cours des siècles, mais il a aussi été maintes
fois réglementé par des lois religieuses et décrit par des textes
littéraires. Il a constitué alors un capital que les papyrus magiques
ne pouvaient ignorer. Ainsi ils le recomposent et le réinvestissent,
tantôt en l’abrégeant tantôt en l’intégrant dans des procédures
compliquées ou encore en le faisant accompagner de longues
évocations.

L’intégration dans l’une de nos recettes des PGM d’un sacrifice


« littéraire » puisé dans Homère, un livre aussi « sacré » que la Bible
aux yeux du praticien des papyrus magiques, est un procédé qui
révèle l’ancienneté vénérable de l’acte sacrificiel en la joignant à la
valeur exemplaire des vers homériques384. Il s’agit de la citation dans
une σύστασις d’un certain nombre vers homériques provenant de
la fameuse prière de Chrysès, qui met en branle toute l’action de
l’Iliade.

382. Le sacrifice, considéré comme acte constitutif de chaque culture, offre


de la matière à une réflexion comparatiste dès l’Antiquité. Voir, par exemple, le
recensement des coutumes sacrificielles perses par Hérodote, I, 131-132 et les
remarques de Théophraste, sur les habitants de Judée et les Égyptiens, Porphyre,
De l’abstinence, II, 26.
383. Voir Schwendner 2002, 107-118, Collins 2008, 104-131.
384. Sur le statut dont jouissait la poésie d’Homère auprès des praticiens des
papyrus magiques, voir Schwendner 2002, 107-118, Collins 2008, 104-13.
Conclusion 127

385

«κλῦθί μευ, ἀργυρό[τοξ]ε, ὃς Χρύσην ἀμφιβέ[βηκ]ας « Entends-moi, toi à l’arc d’argent,


Κίλλαν τε ζαθέην [Τε]νέδοιό τε ἶφι ἀνάσσεις», toi qui protèges Chrysé et Cilla san-

χρυσοφαῆ, λαῖλ[α]ψ καὶ Πυθολέτα μεσεγκριφι, ctifiée, qui règnes puissamment sur

Λατῶε σιαωθ᾽ Σ[αβ]αώθ, Μελιοῦχε, τύραννε, Ténédos, à l’éclat de l’or, ouragan,


qui a tué Python, mesegkriphi, fils de
πευχρη, νυκτε[ρόφ]οιτε σεσεγγεν βαρφαραγγης
Léto, siaôth, Sabaoth, Meliouchos,
Αρβηθω, πολύμορφε, φιλάρματε, Ἀρβαθιαω,
gouverneur, peuchrê, qui erre pen-
dant la nuit, seseggenbarpharagês
«Σμινθεῦ, εἴ ποτ[έ τ]οι χαρίεντ᾽ ἐπὶ βωμὸν ἔρεψα,
et arbethô Sminthée, si jamais j’ai
ἢ εἰ δή ποτέ τοι κ[ατ]ὰ πίονα μηρί᾽ ἔκηα
pour toi élevé un temple qui t’ait
ταύρων ἠδ᾽ α[ἰγ]ῶν, τόδε μοι κρήηνο[ν] ἐέλδωρ.» fait plaisir, brûlé de grasses cuisses
de taureaux et de chèvres, exauce
mon souhait »385

Dans les vers en question, le sacrifice animal consistant à la


mise au feu de cuisseaux de taureaux et de chèvres, nulle part
pratiquée dans les papyrus que nous étudions, est évoqué par le
prêtre d’Apollon comme souvenir d’un acte passé. On s’attendrait
donc à ce que cet acte rituel soit doublement «  évaporé  »,
premièrement par sa qualité de souvenir, deuxièmement en tant
que représentation littéraire. Or, ce n’est pas du tout le cas : intégré
dans notre λόγος magique, il n’en ressort que doublement efficace,
l’écoulement des siècles et la «  sacralité  » du texte homérique lui
conférant une autorité incontestable.
Dans le texte homérique, l’évocation des sacrifices offerts
par Chrysès fonctionne comme un argument convaincant qui
mobilise Apollon386. La réaction du dieu, qui se meut sans retard

385. PGM VI, 30-38. C’est nous qui employons des caractères gras.
386. Homère, Iliade, I, 37-41, cf. Hitch 2009, 112-115, Pulleyn 1997, 16-18., Chapot
et Laurot 2001, 31-32 (G1).
128 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

pour satisfaire la demande de son prêtre,  est décisive : Ὣς ἔφατ᾽


εὐχόμενος, τοῦ δ᾽ ἔκλυε Φοῖβος Ἀπόλλων, | βῆ δὲ κατ᾽ Οὐλύμποιο
καρήνων χωόμενος κῆρ, | τόξ᾽ ὤμοισιν ἔχων ἀμφηρεφέα τε
φαρέτρην, « Il dit ; Phoebos Apollon entend sa prière et il descend
des cimes de l’Olympe, le cœur en courroux, ayant à l’épaule, avec
l’arc, le carquois aux deux bouts bien clos »387. Lié à son maître
tant par sa fonction que par son nom même,  Chrysès, le prêtre
d’Apollon qui « protège Chrysé », réussit, rien qu’avec ses paroles, à
convaincre le dieu d’exaucer sa demande - et cela à deux reprises388.
Il attire ainsi la peste au camp des Achéens, puis l’écarte à son gré.
Ses paroles s’apparentent d’autant plus à une formule magique
puissante, qu’elles se répètent en grande partie dans sa seconde
prière : parmi les cinq vers, trois sont repris tels quels. Aux yeux
de notre praticien, ce personnage ne peut qu’apparaître enveloppé
d’une aura quasi divine : il devient le prototype du « magicien »
réussi. En répétant les mots propres du prêtre chéri d’Apollon, le
praticien, paré, suivant les prescriptions, des attributs apolliniens
(bâton prophétique, branche de laurier) s’identifie au dieu et fonde
ses espoirs de réussite sur un antécédent mythique majeur.

Qui plus est, ce passage souligne le pouvoir du verbe de


se substituer en partie aux actes rituels, qu’il s’agisse de mots
prononcés ou écrits, empruntés ou non à une source d’une autorité
aussi grande que celle d’Homère389. Du moment où Chrysès se

387. Homère, Iliade, I, 43-45, trad. C.U.F.


388. Homère, Iliade, I, 37-42 et 451-456.
389. Cela rappelle l’emploi d’extraits liturgiques que nous rencontrons non
seulement dans le culte qui a lieu dans les synagogues, mais aussi dans les adju-
rations juives, après la destruction du Temple. Voir Shaked 2005, 5 ainsi que 15-16
où l’auteur conclut : « Talking of the temple sacrifice brings it to life and makes it
present, whether this is done in the liturgy or in magic ».
Conclusion 129

fie au seul pouvoir de ses paroles pour obtenir des faveurs si


importantes, il est légitime de se demander si l’acquisition d’un don
analogue n’était pas recherchée par les utilisateurs de certaines
prescriptions détaillées et compliquées – notamment celles qui
comprennent des listes d’ingrédients, comparables aux longues
énumérations de noms divins accompagnés de nomina barbara. Ces
paroles pouvaient-elles agir, dans certains cas, indépendamment
de l’exécution de l’acte qu’elles décrivent ?
APPENDICES*

I. Des oiseaux pour Éros


PGM XII (P. Lugd. Bat. J 384 V), 15-95

Π[ά]ρεδρος Ἔρως· Ἔρωτος τελετή, καὶ ἀφιέρω[σ]ις καὶ κ[α]τασκευή· 15


πο[ι]εῖ δὲ πράξε[ι]ς ταύτας καὶ ὀνει[ρο]πομπείαν, ἀγρυπνίαν ποιεῖ κ[α]ὶ διαλ-
λάσσει κ[ακ]οδαίμο[νο]ς, [ἐ]ὰν ὀρθῶς αὐτῷ χρήσῃ κα[ὶ] ἁγνῶς. ἔστιν γὰρ ἔχων
πᾶσαν πρᾶξιν. λαβὼν [κηρὸ]ν [τ]υρρηνικ[ὸ]ν μεῖξον αὐτῷ π[ᾶν] γένος ἀρω-
μάτων καὶ πο[ί]ησον Ἔρωτα δακτύλων [ὀκ]τὼ μῆκος λαμπαδηφόρο[ν,] ἔχοντα
βά[σ]ιν μακράν, ἔκδεξ[ι]ν [τ]ῶνδε. [ἡ δ᾽ ἀριστε]ρὰ χεὶρ κρατείτω τόξο[ν] καὶ
βέλος. καὶ Ψυχὴν τέλεσον ταὐτὸν ὡς Ἔρωτα. π̣ [άντα ταῦτ]α ἀποτ[ε]λέσας 20
ἀφιέρωσον ἡμέρας γ’. παραθήσεις δὲ αὐ[τῷ] παντοῖα γένη καρ[πῶν νέω]ν πό-
π[α]νά τε ζ’, στροβ[ί]λους ζ’, τραγημάτων πᾶν γ[έ]νος, λύχνους ἀμιλτώ[τους ζ’]
καὶ [τρί]α μικρὰ δίπα[λ-]τα, πινακίδας, τόξα, μῆλα φο[ι]νίκια, κρατῆρα κεκρ[α]-
μένον ο[ἰ]ν[ο]μέλιτι. εἶτα τα[ῦτ]α ποιήσας καὶ παραθείς, ὡς ὑ[π]όκειται, ποιή-
σεις τὸν Ἔρωτα ἐπὶ τρ[α]πέζης πανκάρπου ἐχούσης τοὺς ζ λύχνους καιομένους 25
λευκῷ ἐλαίῳ καὶ ὅσα προσγέγραπται, ὥστε πείθειν τὸν θαυμαστὸν Ἔρωτα. πρώτῃ
μὲν ἡμέρᾳ ἐπιθέντος σου αὐτὸν ἐπὶ τὴν τράπεζαν καὶ κοσμήσαντος, ὡς προγέ-
γραπται—γράφω δέ σοι κατ᾽ εἰδὸς ἀφθόνως, ἵν᾽ εἰδῇς καὶ μηδὲν ἐπιζητῇς—
ποίησον βωμὸν καθαρόν—τοῦτ᾽ ἔστιν, πλίνθους ὠμὰς δύο λαβὼν ποίησον κέ-
ρατα δ’, ἐφ᾽ οἷς [ἐπ]ι[τί]θης ξύλα κάρπιμα— καὶ λαβὼν τῇ πρώτῃ ἡμέρᾳ 30
ἀπόπνιξον ζῷα ζ’· ἕνα ἀλε[κτ]ρυόνα, ὄρτυγα, βασίλισκον, περιστεράν, τρυγόνα
καὶ τὰ ἐνπεσόντα σοι [νε]οσσὰ δύο. ταῦτα δὲ πάντα μὴ θύε, ἀλλὰ κατέχων εἰς
τὴν χεῖραν ἀποπ[νίξ]εις ἅμα προσφέρων τῷ Ἔρωτι, μέ[χ]ρις οὗ ἕκαστον τῶν
ζῴων ἀποπνιγῇ καὶ τ[ὸ] πν[εῦ]μα αὐτῶν εἰς α[ὐτὸν ἔλθῃ, καὶ τότε ἐπιτίθει εἰς
τὸν βωμὸν τὰ ἀπο[πνι]γ[έν]τα [σ]ὺν ἀρώμασιν πα[ν-] τοίοις. τῇ δὲ δευτέρᾳ ἡμέρᾳ 35
νοσσάκιον ἀρρενικὸν π[ρὸ]ς τὸν Ἔρωτα ἀπόπνιγε καὶ ὁλοκα[ύσ]τει, τῇ δὲ γ’
ἡμέρᾳ ἕτερον νοσσάκιον βω[μ]ῷ εἰσ[θές]. ποιῶν τὴν τελετὴν κατάφαγε τὸν

* C’est nous qui employons des caractères gras.


132 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

νεοσσὸν μόνος, ἄλλος δὲ μηδεὶς συν[έστω. ταῦ]τ᾽ οὖν ποιήσας ἁγνῶς καὶ καθα-
ρῶς, ἁπάντων ἐπιτεύξῃ. λό[γος πρῶτ]ος λεγόμενος σὺν τῇ θυσίᾳ·
«Ἐπικαλοῦμαί σε, [τ]ὸν ἐν τῇ καλῇ κοίτῃ, τ[ὸν] ἐν τῷ ποθεινῷ οἴκῳ· δια- 40
κόνησόν μοι καὶ ἀ[π]άγγειλον ἀεί, ὅτι ἄν σοι εἴπω, καὶ ὅπο[υ ἂν] ἀποστέλλω,
παρομοιούμενος θεῷ (ἢ [θ]εᾷ), οἵῳ ἂν σέβωνται οἱ ἄνδρες καὶ αἱ γυναῖ[κ]ες,
λέγων πάντα τὰ ὑπογραφόμενα ἢ λεγόμενα καὶ παρατιθέμενά σοι ταχύ.
[ἔ]φθασε τὸ πῦρ ἐπὶ τὰ εἴδωλα τὰ μέγιστα, καὶ κατέπιεν ὁ οὐρανὸς τὸν 44
κύκλον μὴ [γ]ινώσκων τοῦ ἁγίου κανθάρου λε[γο]μένου Φωρει. κάνθαρος, ὁ πτερο-
φυὴς μεσουρανῶν τύρραννος, ἀπεκεφαλίσθη, ἐμελίσθη, τὸ μέγιστον καὶ ἔνδοξον
α[ὐ]τοῦ κα[τ]εχρει<ώ>σατο, καὶ δεσπότην τοῦ οὐρανοῦ συνκατακλείσαντες ἤλλα-
ξαν· ὣς σὺ διακονήσεις μοι, πρὸς οὓς θέλω ἄνδρας καὶ γυναῖκας.
ἧκέ μοι, ὁ δεσπότη[ς] τοῦ οὐρανοῦ, ἐπιλάμπων τῇ οἰκουμένῃ, διακόνησόν 49
μοι εἴτε πρὸς ἄνδρας καὶ γυναῖκας, μικρούς τε καὶ μεγάλους, καὶ ἐπαναγκάσῃς
ἀεὶ αὐτοὺς ποιεῖν πάντα τὰ [γ]εγραμμένα ὑπ᾽ ἐμοῦ.
ἧκέ μοι, ὁ δεσπότης τῶν μορφῶν, καὶ διέγειρόν μοι ἄνδ[ρ]ας καὶ γυναῖκας,
ἀνάγκασον αὐτοὺς ποιῆσαι τῇ σ<ῇ> ἀεὶ ἰσχυρᾷ καὶ κρατ<αι>ᾷ δυνά[μει] πάντα
τὰ ὑπ᾽ ἐμοῦ γραφόμενά τε καὶ λεγόμενα εισαφσαντα φουρει αρναι· συ̣συν φρεω
ριωβαιοσοι σὺ εἶ ατεφθο αωρε̣ λ Ἀδωναί, καὶ ποίησον αὐτοὺς ἐνφόβους, ἐντρόμους, 54
ἐπτοημένους, τὰς φρένας ἐνοχλ[ήσ]ας διὰ τὸν φόβον σου, καὶ ποίει τῷ δεῖνα
ἅπαντα τὰ προγεγραμμένα. ἐὰν δέ μου παρακούσῃς, κα[τα]καήσεται ὁ κύκλος,
κ[α]ὶ σκότος ἔσται καθ᾽ ὅλην τὴν οἰκουμένην, καὶ ὁ κάνθαρος κ[ατα]βήσεται,
ἕως ποιήσε[ι]ς μ[ο]ι π[ά]ν[τ]α, ὅσα γράφω ἢ λέγω, ἀπαραβάτως· ἤδη ἤδη,
ταχὺ [τ]α[χ]ύ.»
[λόγος] δεύτερος, λεγόμενο[ς] ἐπὶ [τ]ῆς θυσίας·
«ἐξορκίζω σε κατὰ τοῦ κατέχοντος τὸν κ[ό]σμ[ο]ν καὶ ποιήσαντ[ο]ς τὰ τέσ- 59
σαρα θεμέλια καὶ μίξαντος τοὺς δ ἀνέμους.
σὺ εἶ [ὁ ἀσ]τράπτων,
σὺ εἶ ὁ βρον[τ]ῶν,
σ[ὺ] εἶ ὁ σείων,
σ[ὺ] εἶ ὁ πάντα στρέψας καὶ ἐπανορθώσας [π]άλιν.
ποίησον στρέφεσθ[αι πάντ]ας ἀνθρώπους τε καὶ πάσας γυναῖκας ἐπὶ [ἔ]ρωτά
μου, τοῦ δεῖνα (ἢ τῆς δεῖνα), ἀφ᾽ ἧς ἂν παραι[τ]ῶ ὥρας ἐν τούτῳ τῷ παραφίμῳ,
κατ᾽ ἐπιτα[γ]ὴν τοῦ ὑψίστου θεοῦ Ἰάω Ἀδωνεαὶ αβλα[ν]αθαναλβα· σὺ εἶ ὁ περιέχων
τὰς Χάριτας ἐν τῇ κορυφῇ λαμψρη, σὺ εἶ ὁ ἔχων ἐν τῇ [δε]ξιᾷ τὴν Ἀνάγκην 64
βελτεπιαχ, σὺ εἶ ὁ διαλύων καὶ δεσμεύων σεμεσιελαμπεκριφ· ἐπάκουσόν μου ἀπὸ τῆς
σήμερον ἡμέρας καὶ εἰς τὸν ἅπαντα χρόνον.»
λόγος γ’ ἐπὶ τῆς αὐτῆς θυσίας·
«ἐπικαλοῦμαι ὑμᾶς, θεοὶ οὐράνιοι καὶ ἐπίγειοι καὶ ἀέρ<ι>οι καὶ ἐπιχθόνιοι,
Appendices 133

καὶ ἐξορκίζω κατὰ τοῦ κατέχοντος τὰ δ θεμέλια ἐπιτελέσαι μοι, τῷ δεῖνα (ἢ τῇ


δεῖνα), τόδε πρᾶγμα καὶ δοῦναί μοι χάριν, ἡδυγλωσσίαν, ἐπ[αφ]ροδισίαν πρὸ[ς] 69
πάντας ἀνθρώπους καὶ πάσας γυναῖκας τὰς ὑπὸ τὴν κτίσι[ν], ἵνα μοι ὦσι ὑπο-
τεταγμένοι εἰς πάντα, ὅσα ἐ[ὰν] θέλω, ὅτι δοῦλός εἰμι τοῦ ὑψίστου θε[ο]ῦ [τ]οῦ
κατέχοντο[ς] τὸν κόσμον καὶ παντοκρ[ά]τορος Μαρμαριὼθ λασιμιωληθ αραα̣σ.σ.
Σηβαρβ[α]ώθ νοω αωι ωιηρ. (ἄρτυμα.) α̣ [ααα]α̣ ηηηηηηη ωωωωωωω. παραγγέλλ[ω
τῷ] ἐπὶ τούτων <τῶν> τεταγμέ[νω]ν λεγομένῳ Ἔρωτι, ὅ[τ]ι <ἐγώ> εἰμι 74
θεὸς θεῶν ἁπάντων Ἰάων Σαβαὼθ Ἀδωναὶ Ἀ[βρασὰ]ξ Ἰαραββαι θω̣υριω θανακερμηφ
πανχοναψ.»
Οὗτοι <οἱ> λόγοι γίνωνται καὶ λέ[γωντα]ι ἐπὶ τὰς γ ἡμέρας, ἵνα ἀποδοῖς
τὴν πρᾶξιν τελέως. ὅταν δὲ πέμπεις, εἰς ἃ χρῄζεις, λέγε μόνον τοῦτον τὸν
λόγον, ἄρας τὸν Ἔρωτα ἀπὸ τῆς τραπέζης καὶ τὰ παρακείμενα αὐ[τῷ], 78
<καὶ> γράφε ἐν πιττακιδίῳ, περὶ ὧν χρῄζεις. λόγος γραφόμενος ἐν τῷ πιτ-
τακίῳ·
«Σὺ εἶ ὁ νήπιος, ὁ ζῶν θεός, ὁ ἔχων μορφὴν <—> Σαμμὼθ Σαβαὼθ Ταβαὼθ
σορφη σεουρφουθ μουι σι σρω Σαλαμα γωυθ εθειμηους Οὔ σειρι Ἑσειῆ ε Φθᾶ Νούθ
σαθαη Ἶσις
αχθι εφανουν, βιβιου βιβιου, σφη σφη, ασηηαηι’, πορευθεὶς <εἰς> πάντα τόπον καὶ
πᾶσαν οἰκίαν, ὅπου σε πέμπω, πρὸς τὸν δεῖνα τῆς δεῖνα (ἢ τὴν δεῖνα τῆς δεῖνα), 85
παρομοιωθείς, ᾧ σ[έ]βεται θεῷ (ἢ θεᾷ), ἀνάγκασον αὐτὸν ποιῆσαι τόδε πρᾶγμα
—ὅσα θέλεις, γράφε εἰς τὸ πιτ[τ]άκιον σὺν τῷ λόγῳ—, ἐγερθείς, ἔκθαμβος. ὁρκίζω σε κατὰ
τοῦ <ἁγίου> καὶ κατ᾽ ἐπιτίμου ὀνόματος, ᾧ ἡ πᾶσα κτίσις [ὑ]πόκειται· πασιχθων
ιβαρβου θαρακτιθεανω βαβουθα κωχεδ Ἀμήν· γενέσθω τόδε πρᾶγμα ἤδη ἤδη. <—>
ἐρυθρᾶ<ς> θαλάσσης, ὁ ἐκ τῶν δ’ μερῶν τοὺς ἀνέμους συνσείων, ὁ ἐπὶ τοῦ λω-
τοῦ καθήμενος καὶ λαμπυρίδων [τ]ὴν ὅλην οἰκουμένην· καθέζῃ γὰρ κορκοδει- 88
λοειδής· ἐν δὲ τοῖς πρὸς νότον μέρεσ[ι]ν δράκων εἶ πτεροειδής· ὣς γὰρ ἔφυς τῇ
ἀληθείᾳ· ιωιω βαρβαρ Ἀδωναὶ κομβαλιωψ θωβ ιαρμιωουθ· ἧκέ μοι, κλῦθί μου ἐπὶ
τήνδε τὴν χρείαν, ἐπὶ τήνδ[ε] τὴν πρᾶξιν, μέγιστε Ἁρσαμῶσ[ι] μουχα λ[ι]νου χα ἅρ-
παξ Ἀδωνεαί. ἐγώ εἰμι, ᾧ συνήντησας ὑπὸ τὸ ἱερὸν ὄρος καὶ ἐδωρήσω τὴν τοῦ 93
μεγίστου ὀν<όματός> σου γνῶσιν, ἣν καὶ τηρήσω ἁγνῶς μηδενὶ μεταδιδούς, εἰ
μὴ τοῖς σοῖς συνμύσταις εἰς τὰς σὰς ἱερὰς τελετάς ιαρβαθατρα μνηψιβαω χνημεωψ·
ἐλθὲ καὶ παράστα εἰς [τ]ήνδε τὴν χρείαν καὶ συνέργησον.»
134 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

II. La Myrrhe amère


PGM IV (P. Bibl. Nat. Suppl. gr. n° 574), 1496-1595

<Ἀγωγὴ> ἐπὶ ζμύρνης ἐπιθυομένης· ἐπιθύων ἐπὶ ἀνθράκων δίωκε τὸν


λόγον. λόγος· σὺ εἶ ἡ Ζμύρνα, ἡ πικρά, ἡ χαλεπή, ἡ καταλλάσσουσα τοὺς μα- 1500
χομένους, ἡ φρύγουσα καὶ ἀναγκάζουσα φιλεῖν τοὺς μὴ προσποιουμένους τὸν
Ἔρωτα. πάντες σε λέγουσιν Ζμύρναν, ἐγὼ δὲ λέγω σε σαρκοφάγον καὶ φλο- 1505
γικὴν τῆς καρδίας. οὐ πέμπω σε μακρὰν εἰς τὴν Ἀραβίαν, οὐ πέμπω σε εἰς
Βαβυλῶνα, ἀλλὰ πέμπω σε πρὸς τὴν δεῖνα τῆς δεῖνα, ἵνα μοι διακονήσῃς πρὸς
αὐτήν, ἵνα μοι ἄξῃς αὐτήν. εἰ κάθηται, μὴ καθήσθω, εἰ λαλεῖ πρός τινα, μὴ
λαλείτω, εἰ ἐμβλέπει τινί, μὴ ἐμβλεπέτω, εἰ προσέρχεταί τινι, μὴ προσερχέσθω,
εἰ περιπατεῖ, μὴ περιπατείτω, εἰ πίνει, μὴ πινέτω, εἰ ἐσθίει, μὴ ἐσθιέτω, εἰ
καταφιλεῖ τινα, μὴ καταφιλείτω, εἰ τέρπεταί τινι ἡδονῇ, μὴ τερπέσθω, εἰ κοι-
μᾶται, μὴ κοιμάσθω, ἀλλ᾽ ἐμὲ μόνον, τὸν δεῖνα, κατὰ νοῦν ἐχέτω, ἐμοῦ μόνου
ἐπιθυμείτω, ἐμὲ μόνον στεργέτω, τὰ ἐμὰ θελήματα πάντα ποιείτω. μὴ εἰσέλθῃς
αὐτῆς διὰ τῶν ὀμμάτων, μὴ διὰ τῶν πλευρῶν, μὴ διὰ τῶν ὀνύχων μηδὲ διὰ 1525
τοῦ ὀμφαλοῦ μηδὲ διὰ τῶν μελῶν, ἀλλὰ διὰ τῆς ψυχῆς, καὶ ἔμμεινον αὐτῆς
ἐν τῇ καρδίᾳ καὶ καῦσον αὐτῆς τὰ σπλάγχνα, τὸ στῆθος, τὸ ἧπαρ, τὸ πνεῦμα, 1530
τὰ ὀστᾶ, τοὺς μυελούς, ἕως ἔλθῃ πρὸς ἐμέ, τὸν δεῖνα, φιλοῦσά με καὶ ποιήσῃ
πάντα τὰ θελήματά μου, ὅτι ἐξορκίζω σε, Ζμύρνα, κατὰ τῶν τριῶν ὀνομάτων 1535
Ἀνοχω, Ἀβρασάξ, Τρω καὶ τῶν ἐπακολουθοτέρων καὶ τῶν ἰσχυροτέρων Κορ-
μειωθ, Ἰάω, Σαβαώθ, Ἀδωναί, ἵνα μοι τὰς ἐντολὰς ἐπιτελέσῃς, Ζμύρνα· ὡς ἐγώ 1540
σε κατακάω καὶ δυνατὴ εἶ, οὕτω ἧς φιλῶ, τῆς δεῖνα, κατάκαυσον τὸν ἐγκέφα-
λον, ἔκκαυσον καὶ ἔκστρεψον αὐτῆς τὰ σπλάγχνα, ἔκσταξον αὐτῆς τὸ αἷμα, 1545
ἕως ἔλθῃ πρὸς ἐμέ, τὸν δεῖνα τῆς δεῖνα. ὁρκίζω σε κατὰ τοῦ μαρπαρκουριθ·
νασααρι· ναιεμαρε παιπαρι νεκουρι. βάλλω σε εἰς τὸ πῦρ τὸ καόμενον καὶ ὁρκίζω 1550
σε κατὰ τοῦ παντοκράτορος θεοῦ ζῶντος ἀεί· ὁρκίσας σε καὶ νῦν ὁρκίζω σε
Ἀδωναί· Βαρβαρ Ἰάω· Ζαγουρη· Ἁρσαμωσι· αλαους· καὶ σαλαως· ὁρκίζω σε τὸν στηρί- 1555
ζοντα ἄνθρωπον εἰς ζωήν· ἄκουε, ἄκουε, ὁ μέγας θεός, Ἀδωναῖε εθυια, αὐτο- 1560
γενέτωρ, ἀείζων θεέ, ειωη· Ἰάω αϊω αιω φνεως σφιντης Ἀρβαθιάω Ἰάω ιαη ιωα
αι ὁ ὢν Οὐὴρ γονθιαωρ Ῥαραηλ· αβρα· βραχα· σοροορμερφεργαρ· μαρβαφριουϊριγξ Ἰάω 1565
Σαβαώθ, Μασκελλι Μασκελλω (ὁ λόγος) αμονσωε· Ἀνοχ· ριγχ· φνουκενταβαωθ· 1570
σουσαεφινφεσηχ· μαφιραρ· ανουριν· Ἰβαναωθ· Ἁρουὴρ· Χνουφ· Ἀνοχ· βαθι· ουχ Ἰάρ- 1575
βας· βαβαυβαρ· Ἐλωαί· ἄγε μοι τὴν δεῖνα τῆς δεῖνα πρὸς ἐμέ, τὸν δεῖνα τῆς δεῖνα, 1580
ἐν τῇ σήμερον ἡμέρᾳ, ἐν τῇ νυκτὶ ταύτῃ, ἐν τῇ ἄρτι ὥρᾳ μουλωθ· φοφιθ· φθωιθ·
[Φ]θωύθ· πενιων· ἐπικαλοῦμαι καὶ σέ, τὸν τὸ πῦρ κρατοῦντα Φθαν Ἀνοχ, εἰσάκου- 1585
σόν μου, ὁ εἷς, μονογενὴς μανεβια βαϊβαϊ· χυριρωου· θαδειν, Ἀδωναί· Ἐροὺ νουνι
μιωωνχ· χουτιαι Μαρμαραυώθ· ἄξον τὴν δεῖνα τῆς δεῖνα πρὸς ἐμέ, τὸν δεῖνα 1590
τῆς δεῖνα, ἄρτι, ἄρτι, ἤδη, ἤδη, ταχύ, ταχύ.» λέγε δὲ καὶ τὸν κατὰ πάντων λόγον. 1595
Appendices 135

III. La Myrrhe assistante des dieux


PGM XXXVI (P. Osl. I, 1), 333-360

Ἀγωγὴ ἐπὶ [ζ]μύρνης. λέγε τὸν λόγον [κ]αὶ [βάλε ἐπὶ τὴν] πλάκαν τοῦ βα-
λανίου, ἔστιν δὲ ὁ λόγος οὗτος· ‘Ζμύρνα, Ζμύρνα, ἡ παρὰ θεοῖς διακονοῦσα, ἡ πο̣τα- 335
μοὺς κ[αὶ] ὄρη ἀναταράξασα, ἡ καταφλέξασα τὸ ἕλος τοῦ Ἀχαλδα, ἡ κατακαύ-
σασα τὸν ἄθεον Τυφῶν<α>, ἡ σύμμαχος τοῦ Ὥρου, ἡ προστάτις τοῦ Ἀνούβεως,
ἡ καθοδηγὸς τῆς Ἴσιδος· ὁπόταν σε βάλω, Ζμύρνα, ἐπὶ τὸν στρόβιλον τῆς πλα- 340
κὸς τοῦ βαλανίου τούτου, ὡς σὺ κάῃ, οὕτως καὶ σὺ καύσεις τὴν δ(εῖνα), ὅτι σε
ἐξορκίζω κατὰ τῆς κραταιᾶς καὶ ἀπαραιτήτου Ἀνάγκης Μασκελλι Μασκελλω, Φνου-
κενταβαώθ, ὀρεοβαζάγρας, ῥηξίχθων, ἱππόχθων, πυρίχθων, πυριπαγανυξ, λεπεταν λεπεταν 345
μαντουνοβοη καὶ κατὰ τῆς τούτου Ἀνάγκης λακι λακιω λακιω[υδ] λακιωυδα· ἄξον, καῦ-
σον τὴν δεῖνα (κοινά, ὅσα θέλις), ὅτι σε ἐξορκίζω κατὰ τῶν κραταιῶν καὶ με-
γάλων ὀνομάτων· θειλωχνουιθι πεσκουθι τετοχνουφι σπευσουτι Ἰάω, Σαβαώθ, Ἀδωναί, 350
παγουρη, ζαγουρη, Ἀβρασάξ, Ἀβραθιάω, Τερηφαήλ, μουισρω, Λειλαμ, Σεμεσιλαμ, θοοου
ϊιε ηω Ὀσιρ Ἀθομ χαμνευς φεφαων φεφεωφαϊ φεφεωφθα. ἔγειρε σεαυτήν, Ζμύρνα,
καὶ ὕπαγε εἰς πάν<τα> τόπον καὶ ἐκζήτησον τὴν δεῖνα καὶ ἄνοιγον αὐτῆς τὴν 355
δεξιὰν πλευρὰν καὶ εἴσελθε ὡς βροντή, ὡς ἀστραπή, ὡς φλὼξ καομένη, καὶ
ποίησοναὐτὴν λεπτήν, χ[λωρ]άν, ἀσθενήν, ἄτοναν, ἀδύναμον ἐκ π[αντ]ὸς [τοῦ
σ]ώματος αὐτῆς ἐ[νεργήματος,] ἕως ἐκπηδήσασα ἔλθῃ πρὸς ἐ̣μ̣[έ, τὸν δεῖνα τῆς]
δεῖνα (κοινά, ὅσα θέλις), ἤδη ἤδη, ταχὺ ταχύ. 360
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Index 155

I. Index général

abeille : 48. brébis : 71.


Abrasax : 58, 59157, 61, 90. brique : 22, 78, 108.
abstinence (de viande) : 66. caille : 98, 108, 110, 112.
Adonai : 58-59. cannelle : 39, 51.
Adonis : 59. Carastro, M. : 33.
alectryonomancie : 91269. Casabona, P. : 28.
âme : 58, 63, 81, 87, 103-105309, 110-111, cèdre (huile de -) : 65181. 
118-119. cervelle : 27, 68.
Ammon : 41. Chou : 48.
analogie (principe d’-) : 55146, 121377. cire : 12, 35, 48, 71197, 78, 81, 107, 117-
âne (sauvage) : 67188, 71, 77. 118, 120.
Anochô : 58, 59157. codification : 43.
ânti : 61. cœur : 41, 57-58, 62-63, 70-71, 104309.
Aphrodite : 59, 94, 98, 99296, 104309, 105, colombe : 84232, 108, 111, 113, 114.
113. communication (avec les dieux) : 2036,
-Courotrophos : 98292. 47, 52-53, 117.
-Pandémos : 94. coq : 68, 70-71, 75-77, 80, 82, 88-89, 90-
Apollon : 16, 1928, 29, 82, 85238, 89, 93- 92, 94, 96-100, 108, 110-114, 118364,
94, 99296, 127-128. 124-125.
-Maléatas : 97289. corbeau : 71.
Apulée : 104307, 105-106. corps
Arabie : 57, 60162, 61. -de l’animal : 26, 68-70, 81, 90-91, 117.
Aristophane : 83228, 84234, 85, 110. -de la divinité : 41, 47-48, 58.
Aristoxène : 66. culte/service journalier : 49, 54, 93.
armoise : 39, 65181. Cumont, F. : 88.
aspersion : 46, 113. Dardanos (épée de -) : 50, 103306, 104309.
assistant divin : 1828, 1932, 73, 79, 101- décapitation : 79.
103, 109. Deonna, W. : 44.
autel : 22, 26, 28-31, 34-35, 46-47, 49, 69, Detienne, M. : 44.
77-78, 95, 99, 108-109, 114, 116-117. Diogène Laërce : 89.
ba : 87. Dionysos : 54143, 98.
Babylon : 12, 57, 61. Dioscoride : 37, 62.
bétél : 51. Dufault, O. : 20.
Betz, H. D. : 11, 20, 109328. Dunand, F. : 49.
bile : 68. Égypte, égyptien  :  111, 12-13, 15, 17,
bitume : 48. 1827, 1928, 20, 2140, 30, 35, 37, 40-49,
Bodson, L. : 87. 51133, 57152, 59157, 159, 60-61, 63176, 66185-
bois aromatiques cf. ξύλα : 36, 46, 68, 70193, 71, 73, 76, 79-80, 81226, 82227,
67188, 125. 83, 86-88, 92-95, 99-100, 107, 116.
Borgeaud, P. : 49. Eitrem, S. : 118.
156 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

embaumement : 49, 63. ibis : 76, 86, 93.


encens : 28-29, 32-33, 38-39, 45-47, 50- Idoménée : 91.
51, 61, 63176. Ilithyie : 95.
encensoir  : 22, 26, 31-32, 44, 54, 78, incubation : 50, 72, 92, 94, 125.
120375, 124. inversion  (par rapport au sacrifice
encre : 2654, 38-39, 55, 64-65, 113. traditionnel)  : 23, 71, 82, 99, 116,
Eros : 27, 50, 60164, 64, 73, 81-82, 85, 101- 121, 123.
111, 114-121. Isis : 38, 41, 59-61, 71197, 94-95, 107321.
Eschine : 45, 51. ka : 81226.
espace Kronos : 41.
-rituel/sacré : 21, 24, 31, 46, 50, 78. lâcher/libérer un oiseau : 80, 100298.
étranglement : 79, 115-117. lampe : 22, 34, 72, 78, 106317, 108.
Euménides : 100298 laurier : 39, 51, 82, 128.
faucon : 71196, 76, 80223, 86-87, 93. Leucothoé : 45.
fleurs : 22, 35, 46, 48, 78, 125. libation : 22, 32, 49-50, 72201, 78.
fosse : 78. LiDonnici, L. R. : 39, 43109.
fumée : 26, 29, 33, 34, 36, 39, 46-47, 53, lion : 89, 90261.
58, 69, 71198. Maât : 50.
Galien : 37. Mehl, V. : 46.
gâteaux sacrificiels : 22, 44116, 78, 108. Mên : 89256.
Gordon, R. : 37-38. métempsychose : 87, 89256.
Graf, F. : 52, 69, 71, 115, 118364. miel : 27, 41, 48, 97-98, 108.
graisse : 39, 68. Mithra : 16, 89.
grive : 97-98. Moïse 
Hadrien : 27. - (livre sacré de-) : 51, 74, 80-81, 113.
Hécate : 32. myrrhe : 31, 33, 3481, 38-39, 55-65, 124,
Heinrichs, A. : 11. 134-135.
Héka : 1827. nard : 39.
Hélios : 41, 60, 103. natron : 49.
Héphaistos : 43. nomina barbara : 82, 129.
Héra : 41. Nuit : 85, 110.
Hermès  : 19 (28), 32, 38, 41, 71197, 73, œuf : 85, 110.
103, 109329. oie : 77, 95-96, 98-99296, 110.
Hérodote : 61, 67186, 79. oliban : 48.
historiola : 15, 60164, 104. ongles : 58, 63, 68.
holocauste : 2651, 67188, 77, 79, 95, 109, opium : 50.
115. Oracles Chaldaïques : 16.
homéopathie verbale : 70193. Orphique, orphique : 44113, 45, 66, 67186,
Homère, homérique  : 28, 3175, 47124, 100298, 103306.
123, 126-128. - Hymnes Orphiques : 2446.
Horus : 48, 61, 86, 93, 107. Osiris : 48, 59-60, 107321.
huppe : 70 (195). Ouphôr : 73202.
Hymnes Orphiques : 2446. Ovide : 45, 58.
Iaô : 58, 59158. pain : 2756, 49.
Index 157

Panchrates : 27. -consommation de la victime  : 22,


papyrus de Derveni : 100298. 25, 47, 49, 67188, 68, 79219, 81, 88251,
Pausanias : 91, 95, 111. 89, 109, 115, 121.
perdrix : 99296. -procession : 46, 93.
pharmacopée : 28, 37, 39, 63176, 69, 124. -sanglant : 2343, 24, 36, 45-46, 47124,
phénix : 91, 92270, 125. 50, 66, 68, 78, 124, 126.
pie : 98. -végétal : 22, 2344, 26, 29, 36, 66, 68,
pigeon  : 31, 39, 77, 80, 94277, 99296-110, 78.
113-114, 116. sang : 58, 81, 115, 117.
pintade : 95-96. menstruel : 66.
planètes : 51, 53. de pigeon/colombe : 31, 39, 113.
Platon : 83230, 110. de serpent : 42
Platon le Comique d’Héphaistos : 43
- Phaon : 97-98. de Geb : 48
Pline : 62. Séléné : 38, 41, 60.
Plutarque : 37, 79, 84232, 97. serpent : 42, 90 (261), 112343.
poule/poulet : 94, 96, 98-99. similia similibus : 55.
Pnouthis : 20. soleil, solaire : 40, 59, 88-89, 106319, 107,
poisson : 66, 70193, 83-84232, 87. 112.
porc/porcelet : 30, 67188, 68189, 71197, 77, Soleil : 16, 38, 45, 51, 60-61, 70193, 82, 92,
96. 124-125.
Porphyre : 29. Stafford, E. : 97.
Pount (pays de -) : 61. statue/image/figurine : 22, 27, 42-43,
Preisendanz, K. : 11, 15. 49-50, 73202, 85238-86, 99, 101-102,
Procle : 89. 107-108,
pureté : 12, 45, 67, 76, 113349. 116-117, 119-121.
purification : 22, 41, 94. styrax : 39, 50-51.
Pyrrhus : 97. sympathique
Pythagoricien/pythagoricien : 44115, 45, -chaîne (lien, série) : 16, 53, 70, 89.
67116, 68, 88251, 90. taupe : 71.
Rê : 48. Tefnout : 48.
règlements cultuels  : 24, 54143, 93-94, térébinthe (résine de -) : 48.
98, 126. Théophraste : 1518, 29, 44-45, 62.
roitelet : 108, 112, 114. théurgie, théurgique : 51137.
Sabaoth : 58-59, 127. tombeau : 40, 78.
Saloustios : 81. trépied : 22.
Sarapis : 16, 94. Trô : 58, 59157.
Sarapieia : 30. vâche : 71.
septième bœuf : 96. vin : 27, 46, 72201, 77, 108.
Seth-Typhon : 60, 68. voces magicae : 13, 1410, 17.
Sol Invictus : 89258. Zeus : 16, 41, 86239, 93.
souffre : 94. Zivie, C. : 49.
sacrifice 
158 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

II. Index des termes grecs

ἀγωγή : 27, 55-57, 73, 134-135. ἑρμηνεύματα/μεθερμηνεύματα : 42.


ἄδων : 59. ἐπῳδαί : 31-33.
ἀλεκτρυών/ἀλέκτωρ : 72-77, 2652, 89- Ἔρως : 27, 73-74, 101, 106-110, 116,
97, 108, 131. 119370, 131, 133, voir aussi index
ἀναρρύειν : 30. général, s. v. Eros.
ἀναλαμβάνειν 1516, 27-28, 111. εὐωχεῖσθαι : 2651.
ἀπογεύεσθαι, ἀπόγευσις : 25, 2652, 75. ζμύρνα/σμύρνα/μύρρα : 31, 38, 55-56,
ἀπόλυσις : 50. 64, 134-5, voir aussi index général,
ἀποπνίγειν, -εσθαι : 73-74, 108-109, s. v. myrrhe.
116, 131. - στακτή : 64.
ἀρτεμισία 43, voir aussi index général ζμυρνίζειν/σμυρνίζειν : 39, 64179.
s. v. armoise. ζμυρνομέλαν : 64.
ἀσινής 76206. θύειν, θυσία : 22, 25-26, 28-30, 33-34,
ἀτμίς/ἀτμός : 34. 36, 50, 52, 72-75, 85, 89, 95-96, 131-
βαλανεῖον : 3584, 56, 135. 132 voir aussi index général, s. v.
βάσανος : 52. sacrifice.
βασιλίσκος/βασιλεύς  : 73, 77, 90261, θυμιᾶν : 29.
108, 112, 131. θυμίασμα : 73.
βοτανήαρσις : 40. θυμιατήριον : 31, 78, voir aussi index
βωμός  : 28, 30-31, 36, 72-75, 95, 108- général, s. v. encensoir.
109, 116, 127, 131, voir aussi index θυμιάματα : 35-36, 46, 75.
général, s. v. autel. θυμός : 118.
γοητεία : 18, 20. θύος : 44116.
διαβολή : 73, 76. καπνίζειν : 33-34, voir aussi index
εἰστιθέναι/ἐπιτιθέναι : 26, 28, 32, 73, général, s. v. fumée.
108, 109328, 116, 131. καρδία : 41, 57, 70, 118, 134.
ἔμπυρα : 55. κατά : 32-33.
ἐνπνευμάτωσις : 119. καταγράφω : 32.
ἐμψυχοῦν : 27, 50, 119. καταδέω : 32.
ἐπάναγκος : 52139. κατατίθω : 32.
ἐπιθύειν : 22, 25-33, 3685, 56-57, 72-75, καταχθόνιος-καταχθονία : 32.
134. κατεσθίειν : 2551.
ἐπίθυμα : 22, 25-28, 31, 33, 37-39, 51- κνίση : 47124.
52, 56, 65, 71, 113, 119370. κολλύριον/κολλούριον : 15, 25, 27-28,
- ἀγαθοποιά : 27, 52. 39.
- ἐπαναγκαστικά : 27, 52. κόπτειν : 1516, 28.
- συγγενικά συνγενικά : 51. κούκουφος : 70195.
ἐπιθυσιᾶν : 30. κῦφι : 27, 37, 63176.
ἐπίθυσις : 30. λίβανος/λιβανωτός : 28, 32-34, 38-39, 50,
ἐπισπένδων : 32. voir aussi index général, s. v. encens.
Index 159

- ἄτμητος : 38. περιστερά/περιστερός : 73-74, 94, 108,


- σταγονιαῖος : 38. 113-114, 131, voir aussi index
λιβανωτίζειν : 33-34, 39. général, s. v. pigeon.
μάγος, μαγεία, μαγικός : 19-20, 100298. περσικός ὄρνις : 88, voir aussi index
μιγνύναι : 28. général, s. v. coq.
(συν)μύστης : 1828, 20, 133. πέψις : 45.
νεοσσός : 74, 109, 115, 132. πλακοῦς : 98.
νοσσάκιον : 74, 109, 131. πνεῦμα : 44114, 73, 75, 80-81, 108, 114,
ξύλα, voir aussi index général, s. v. 117-121, 134.
bois aromatiques. πόπανον : 29, 78, voir aussi index
- ἀμπέλινα : 36. général, s. v. gâteaux sacrificiels.
- ἀρκεύθινα : 36. προθύεσθαι : 98.
- ἐλάϊνα : 3685. πτερόν : 110.
- ἰτέινα : 36, 67188. πυξίς : 1516, 27.
- κάρπιμα : 36, 108, 131. σκευή : 22, 26-27.
- κυπαρίσσινα : 36. σπλάγχνα : 67188, 134.
- ὀποβαλσάμινα : 36. στρόβιλος : 35, 56151.
ὁλοκαυτοῦν : 67188, voir aussi index συνευωχεῖσθαι : 2651.
général, s. v. holocauste. σύνθημα : 51.
ὸνάγριον : 67188, voir aussi index σύμβολον : 51.
général, s. v. âne. σύστασις : 74, 126.
ὀρτυγοκοπίαι : 112. τέλειος : 72, 76.
ὄρτυξ : 73, 77, 108, 112, 131, voir aussi τράγημα : 35, 131.
index général, s. v. caille. τροχίσκος : 28.
ὀρχίλος/ὄρχιλος/τροχίλος : 112343, τρυγών : 73, 84234, 108, 112, 114355, 131, voir
113, voir aussi index général, s. v. aussi index général, s. v. tourterelle.
roitelet, τύραννος : 113, 127.
cf. βασιλίσκος. φρήν : 118, 132.
ὀσμή/ὀδμή : 36, 44114, 133. φυλακτήριον : 52139, 118364.
πάρεδρος : 1828, 72-73, 79, 81, 101-102, φύσις : 104309.
105313, voir aussi index général, s. v. ψυχή : 1930, voir aussi index général,
assistant divin. s. v. âme.
παράθεσις : 66183, 78, 79216, 105, 108. χαρακτῆρες : 13.
πέρδιξ : 70194, 98, voir aussi index χοῖρος/χοιρίδιον : 67188, 96, voir aussi
général, s. v. perdrix. index général, s. v. porc/porcelet.
160 Papyrus Magiques Grecs. Le mot et le rite. Autour des rites sacrificiels

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