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CARACTÉRISTIQUES DES SAVOIRS DES PATIENTS ET LIENS AVEC

LEURS POUVOIRS D’ACTION : IMPLICATION POUR LA FORMATION


MÉDICALE

Olivia Gross, Rémi Gagnayre

ENS Editions | « Revue française de pédagogie »

2017/4 n° 201 | pages 71 à 82


ISSN 0556-7807
DOI 10.4000/rfp.7266
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Revue française de pédagogie
Recherches en éducation
201 | 2017
Recherche, politique et pratiques en éducation :
services rendus et questions posées d’un univers à
l’autre /2

Caractéristiques des savoirs des patients et liens


avec leurs pouvoirs d’action : implication pour la
formation médicale
Characteristics of patient knowledge and its connection with the power to act:
implications for medical training

Olivia Gross et Rémi Gagnayre

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/rfp/7266
DOI : 10.4000/rfp.7266
ISSN : 2105-2913

Éditeur
ENS Éditions
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Édition imprimée
Date de publication : 31 décembre 2017
Pagination : 71-82
ISBN : 979-10-362-0148-6
ISSN : 0556-7807

Distribution électronique Cairn

Référence électronique
Olivia Gross et Rémi Gagnayre, « Caractéristiques des savoirs des patients et liens avec leurs pouvoirs
d’action : implication pour la formation médicale », Revue française de pédagogie [En ligne], 201 | 2017,
mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 24 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/
rfp/7266 ; DOI : 10.4000/rfp.7266

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VA R I A
Caractéristiques des savoirs
des patients et liens avec leurs
pouvoirs d’action : implication
pour la formation médicale
Olivia Gross
Rémi Gagnayre
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Dans le contexte de la démocratie en santé, de nombreux espaces participatifs sont ouverts aux patients
et à leurs proches, pour qu’ils complètent de leur perspective celle des professionnels de santé. Une série
de recherches a été mobilisée afin de contribuer à caractériser cette perspective, à partir de l’analyse des
savoirs des patients, de leur processus d’émergence, de leur valeur et de leur utilité. Cinq types de savoirs,
parfois imbriqués, ont été identifiés : des savoirs expérientiels implicites qui visent une auto-adaptation, des
savoirs expérientiels explicites qui visent une hétéro-adaptation, des savoirs situés qui permettent aux
patients de se constituer en communauté épistémique et des savoirs savants qui soutiennent les précédents
et peuvent leur permettre d’accéder à des savoirs experts. La taxinomie proposée contribue aux travaux
conceptuels sur les savoirs profanes. Elle propose des liens entre les savoirs et les pouvoirs y afférents et
permet de repérer quel savoir solliciter, dans quelles situations pédagogiques.

Mots-clés (TESE) : sciences de la santé, démocratie, maladie, apprentissage tout au long de la vie, acquisition de
connaissances

Introduction tème de santé, 20 000 mandats sont destinés aux usa-


gers du système de santé afin que, par l’intermédiaire
L’engagement des patients en collaboration avec les de leurs représentants élus, ils participent à la politique
professionnels de santé dans le système de santé fran- de qualité et de sécurité des soins des hôpitaux. Dans
çais est un phénomène en croissance et particulière- la lignée du modèle de Montréal (Pomey, Flora, Kara-
ment protéiforme (Gross, 2017). Depuis la loi de 2002 zivan et al., 2015), leur engagement tend à s’étendre
relative aux droits des malades et à la qualité du sys- au-delà du cadre prévu initialement par cette loi. 71-82
En France, leur participation à l’éducation théra- patients pour améliorer certaines actions de santé.
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peutique des malades, ou à leur accompagnement, a Pour ces derniers, « la participation des patients et
été vivement encouragée. Ainsi, la loi portant réforme citoyens est devenue un enjeu sociétal et politique
de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux pour des raisons démocratiques, morales et éthiques,
territoires (2009), plus connue sous l’expression « Hôpi- mais aussi pratiques » (Druais, 2015). Autrement dit,
tal, patients, santé et territoire » a fait émerger la figure au-delà des raisons morales qui renvoient au fait qu’il
de patients co-éducateurs de leurs pairs dans l’éduca- est juste que des personnes concernées par une pro-
tion thérapeutique des patients. Et des postes de coor- blématique participent à sa résolution, ils considèrent
dination commencent à être créés à leur intention, et que si leur participation vaut, c’est qu’elle apporte des
certains hôpitaux, comme c’est le cas des Hospices éclairages uniques. À l’origine, de ces éclairages, on
civils de Lyon, recrutent des usagers comme coordon- reconnaît des savoirs expérientiels (Jouet, Flora
nateurs du développement du partenariat avec les & Las Vergnas, 2010) et il est souvent dit qu’ils sont une
patients. De même, dans le cadre d’une série d’expéri- richesse inestimable, une source d’information pré-
mentations, des anciens usagers de la psychiatrie sont cieuse, pour compléter les savoirs des professionnels
employés par des services psychiatriques pour partici- de santé (Pomey, Flora, Karazivan et al., 2015 ; Pomey,
per aux soins des patients qui y sont suivis (Demailly, Hihat, Khalifa, et  al., 2015) dans une perspective de
2015). Émergent également des « navigateurs de santé croisements des savoirs (Galvani, 1999).
pairs » dont la fonction est d’accompagner, parfois au Toutefois, même dans un pays qui reconnaît la
quotidien, les personnes en difficulté avec le système valeur de l’expérience au point de la diplômer via la
de santé, tels les « compagnons maladies rares » dont procédure de validation des acquis de l’expérience, la
l’activité est financée actuellement par la Direction reconnaissance des savoirs expérientiels des patients
générale de la Santé dans le cadre d’un programme reste compliquée. Peut-être que leur extrême inter-
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expérimental d’accompagnement à l’autonomie en variabilité (d’Arripe & Routier, 2013) ne plaide pas pour
santé en lien avec l’article 92 de la dernière loi de santé leur assise, donc pour leur intérêt. De plus, la science
publique. De plus, de manière plus ou moins formelle, s’étant construite contre le sens commun, l’octroi de
des patients sont également associés aux différentes savoirs seulement expérientiels aux patients pourrait
phases des recherches, dans le cadre de recherches expliquer l’effet paradoxal qui conduit à les discréditer
dites collaboratives. Ce type de recherche commence ou à les cantonner à un statut subalterne.
tout juste à être encouragé en France (notamment Référer les savoirs des patients aux seuls savoirs
dans l’axe 4 de la stratégie nationale de santé) alors expérientiels n’est jamais remis en question, pas
que dans certains pays, comme au Royaume-Uni, les même par les patients eux-mêmes qui pour certains
financements des recherches publiques sont condi- revendiquent être des « experts de l’expérience »
tionnés au choix de cette méthodologie de recherche (Mac  Laughlin, 2009). Les savoirs expérientiels
(NHS, 2014). Enfin émergent des patients-enseignants semblent leur permettre de se distinguer des profes-
(Gross, Ruelle, Sannié et  al., 2017) dont l’intégration sionnels de santé et de se légitimer. Mais attribuer des
dans la formation des professionnels de santé et du savoirs expérientiels aux seuls malades, surtout
social découle des recommandations émises dans le comme c’est le cas pour les différencier de ceux des
rapport « L’an II pour la démocratie sanitaire » (Compa- professionnels de santé, ne résiste pas à l’analyse étant
gnon &  Ghadi, 2014), recommandations récemment donné que la pratique de ces derniers est aussi condi-
reprises dans la stratégie MaSanté2022. tionnée par leurs propres savoirs expérientiels qui
Cette institutionnalisation des patients comme renvoient à leur expérience de soignants (Sackett,
acteurs du système de santé peut sembler être un Rosenberg, Gray et al., 1996).
contrepoint au pouvoir des professionnels de santé. En outre, les patients sont nombreux à interagir
Mais l’engagement des patients n’est pas une prise de avec leurs pairs au sein de communautés virtuelles ou
pouvoir des patients puisque, au contraire, ce qui leur physiques (Akrich &  Meadel, 2009), à se cultiver en
est demandé – et ce qui fait sens pour eux – c’est de santé, notamment sur Internet (Hardey, 1999 ; Romeyer,
compléter de leur perspective, et parfois de contreba- 2008) et à se former au sein d’espaces formels, y com-
lancer, celle des professionnels. Aussi, différentes ins- pris universitaires (Santi, 2016).
titutions et un nombre croissant d’acteurs sont de plus Est-ce que les savoirs acquis dans ces derniers
72 en plus convaincus de l’intérêt de collaborer avec les contextes relèvent encore vraiment de l’expérientiel ?
Où commence et où s’arrête l’expérience ? Ou à quel engagement associatif pour enseigner au sein d’un

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moment l’expérience qui qualifie certains savoirs cède département de médecine générale. Son objectif était
le pas à d’autres types de savoirs ? de caractériser à partir d’observations non partici-
À l’heure où se multiplient les propositions de par- pantes leur perspective telle qu’elle s’exprimait dans

Caractéristiques des savoirs des patients et liens avec leurs pouvoirs d’action
ticipation des patients (notamment dans l’éducation des groupes d’échanges de pratiques réflexives entre
thérapeutique, l’accompagnement, la médiation, la internes (Gross, Ruelle, Sannié et al., 2017 ; Gross, Ruelle,
recherche et la formation médicale et paramédicale), il Khau et al., 2017) ;
devient nécessaire de caractériser plus avant leurs − la troisième a permis, à partir d’une revue de litté-
savoirs. En effet, un des enjeux actuels porte sur le fait rature, d’identifier l’apport et les profils des patients
de recruter le bon profil de patient au bon endroit, co-chercheurs dans les recherches-actions en éduca-
c’est-à-dire de lui proposer l’activité dans laquelle il sera tion thérapeutique (Gross, de Andrade &  Gagnayre,
le plus à l’aise, donc le plus utile. Différentes options se 2017) ;
présentent. Leur identification est actuellement sou- − la quatrième interrogeait le caractère émancipa-
mise à leur statut (membre associatif ou pas, représen- teur d’une formation destinée à des patients au départ
tant d’usager ou pas), ou à leurs compétences réelles peu qualifiés, pour qu’ils deviennent éducateurs de
ou supposées à partir de référentiels établis en amont leurs pairs au sein de programmes d’éducation théra-
de leur recrutement (Pomey, Hihat, Khalifa, et al., 2015). peutique (Gross, Sannié, Traynard et al., 2016) ;
II y a aussi une certaine tension entre le fait de vouloir − enfin, nos observations participantes durant plu-
recruter des patients authentiques (Towle, Farrell, sieurs années au sein de Commissions des Usagers
Gaines et al., 2016), définis comme des patients qui res- (CDU) dans un hôpital de l’Assistance Publique-
semblent à ceux vus au quotidien au cours de l’exercice Hôpitaux de Paris, ainsi qu’au sein d’associations de
médical, et des patients plus engagés, plus efficaces, malades, ont complété ces différents terrains1.
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mais soupçonnés de porter une voix plus militante, et Les matériaux des entretiens et des observations
moins représentative de tous les patients. Ces ques- avaient été conservés, soit au total douze entretiens et
tions se posent avec la même urgence dans d’autres environ trois cents heures d’observations. Une nou-
espaces participatifs que la santé (Blondiaux, 2008 ; velle analyse a été faite afin d’extraire de ces données
Gourgues, Rui & Topçu, 2013). Aussi cet article vise à le corpus propre aux savoirs des patients. L’ensemble
contribuer à dresser une épistémologie des savoirs ainsi constitué ne correspond pas exactement au pro-
dont les profanes – ici les patients – sont vecteurs afin jet initial de ces recherches. La diversité des terrains de
d’interroger leur engagement au regard de leurs types recherche mobilisant différentes situations et diffé-
de savoirs, sachant qu’il n’y a pas de pratiques, donc de rents profils de patients garantit une validité qualita-
compétences, sans savoirs (Perrenoud, 1998). tive à l’analyse rétroactive qui a porté sur ce corpus.
Dans le cadre de cette nouvelle recherche, l’ana-
Méthodologie lyse a été reproduite et croisée avec les travaux propres
aux savoirs et à la formation de soi (Piaget, 1970, 1974 ;
Pour donner un cadre descriptif aux savoirs des Kolb, 1984 ; Haraway, 1991 ; Galvani, 1999). Elle a été
patients, pour cheminer vers une épistémologie fon- adossée au modèle tri-polaire de Pineau (1986) consti-
dée sur leur interaction avec l’environnement et sur les tué de l’auto-formation, de l’hétéro-formation et de
gains en pouvoir qui en résultent, nous nous appuyons, l’éco-formation qui interagissent pour produire le sujet
sur les résultats de quatre recherches qualitatives ados- connaissant. Ces trois dimensions ont servi de grille
sées au paradigme socioconstructiviste menées depuis d’analyse pour organiser les modalités d’émergence
une dizaine d’années : des savoirs des patients. Ces derniers ont fait l’objet
− la première recherche portait sur la figure des d’une analyse thématique réalisée par le chercheur
patients experts. Elle visait à partir d’entretiens com- principal depuis longtemps exposé au phénomène et
préhensifs réalisés auprès de douze personnes à en l’objet d’une supervision par le second chercheur.
déterminer les caractéristiques, notamment sur le plan
de leurs savoirs, compétences et motivation (Gross
& Gagnayre, 2014) ; 1 Le premier auteur de cet article est chercheuse en sciences
de l’éducation et est par ailleurs représentante d’usagers au sein
− la seconde portait sur vingt patients-enseignants
d’un hôpital au nom de l’association agréée dont elle est
recrutés notamment pour leur culture en santé et leur présidente. 73
Pour chaque expression d’un savoir, différentes die, l’expérience n’est qu’en partie un événement social
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questions ont guidé l’analyse  : à quoi réfèrent-ils ? car elle est aussi intime : la maladie est sans conteste
qu’est ce qui fonde leur valeur ? à quoi servent-ils ? l’épreuve par excellence dont il est inutile de rappeler
Cette dernière question provenant du postulat de ici à quel point elle relève d’une tragique angoisse
l’existence d’un lien entre les savoirs et le pouvoir d’ac- existentielle ;
tion (Stehr, 2000). − de la vie quotidienne avec la maladie. Dans ce
domaine, les savoirs peuvent être réflexifs et servir à
Résultats l’agir, et notamment à l’agir au quotidien pour sa santé.
En effet, si on peut savoir sans savoir y faire, pour réussir
Cinq types distincts de savoirs pouvant être acquis et il faut savoir comment on réussit (Le Boterf, 2003). Cela
véhiculés par les patients ont été identifiés (par est encore plus vrai quand il s’agit de réussir souvent,
« patient », nous entendons aussi bien malade que ce qui est le lot des malades chroniques. Le métier de
proche de malade). Pour asseoir la validité externe de patient (Tourette-Turgis, 2015) convoque un processus
ces résultats, ceux-ci ont été présentés dans différents de métacognition qui sert aux patients à devenir
contextes (des enseignements et des communications conscients de ce qu’ils savent pour pouvoir prendre
dans des contextes associatifs) à des groupes de soin d’eux-mêmes, et servir leurs compétences d’au-
patients qui s’y sont reconnus et se les sont appropriés to-soins ou d’adaptation à la maladie (d’Ivernois
facilement. & Gagnayre, 2001).
De plus, toujours d’après nos résultats, leurs savoirs
Les savoirs expérientiels implicites vont au-delà de l’expérience intime avec la maladie
des patients : pour un pouvoir d’agir puisqu’ils renvoient également :
sur soi fondé sur les savoirs de l’épreuve − au parcours de soins. Les savoirs expérientiels qui
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portent sur le parcours de soins s’adossent à leur vécu
La maladie est vue comme une occasion d’apprentis- de l’effectivité des parcours de soins, tant il est vrai que
sages (Tourette-Turgis, 2015). Les savoirs que l’on y l’accès aux soins et aux droits est marqué à la fois par
acquiert sont dits d’ordre expérientiel, en référence aux des difficultés qui ne sont pas éprouvées par ceux qui
savoirs identifiés dans le cadre de l’andragogie (Kolb, ne le vivent pas, et par la nécessité de développer des
1984). Leur processus de construction se caractérise par compétences pour s’orienter où il le faut quand il le
des épisodes d’auto-formation basés sur des expé- faut ;
riences concrètes que la répétition des faits met à − à la relation de soins. Les savoirs des patients qui
l’épreuve pour en tirer du sens, des hypothèses, des renvoient aux relations de soins concernent leur per-
règles, puis enfin des actions adaptées. Il s’agit donc de ception de cette relation. Émanant de ceux qui au sein
savoirs dont la visée est l’action juste, considérée cette relation sont en position de demande, ces savoirs,
comme telle à partir de ce qui fonctionne (Piaget, 1970). comme les précédents, leur sont éminemment
En ce sens, il s’agit de savoirs empiriques, fonctionnels, spécifiques.
qui permettent une emprise sur le monde, tout en étant Ces savoirs expérientiels ont permis aux patients
idéalement sans cesse remodelés par lui. Il est dit qu’ils d’opérer un tri entre ce qui fonctionne et ce qui ne fonc-
renvoient à l’expérience intime qui lie un malade par- tionne pas pour eux. Dans certains cas, ils restent impli-
ticulier à sa maladie particulière (Barrier, 2012), à sa cites, c’est-à-dire qu’ils sont difficilement transmis-
propre trajectoire de soins et aux répercussions de ses sibles et valorisables car tous les patients n’ont pas
problèmes sur sa vie personnelle (Pomey, Flora, Karazi- repéré parmi leurs savoirs ce qui vaut et ce qui ne vaut
van et  al., 2015). Ces éléments confirment que ces pas pour autrui, ni ce qui en fait un objet spécifique au
savoirs ne peuvent avoir la prétention de s’inscrire dans regard des savoirs des professionnels. Ne les ayant pas
une perspective généralisante. Mais ils n’épuisent pas soumis à l’épreuve de la généralisation, ils sont donc
la question des liens entre ces expériences et les dans l’incapacité d’en discerner la valeur, et encore
savoirs-pouvoirs qui en découlent. D’après nos résul- moins pour qui et dans quel contexte. Par conséquent,
tats, les savoirs expérientiels des malades, qui renvoient ce type de savoirs a besoin d’un soutien maïeutique
à des savoirs de l’épreuve, sont liés à leur expérience : pour émerger et être repéré. Ce sera l’objet d’entre-
− de la vulnérabilité. Pour Dewey (1938), l’expérience tiens, de questionnaires, ou encore de groupes de
74 est un événement social. Dans le contexte de la mala- paroles sous forme de discussions portant sur le vécu
en lien avec la maladie et sur des analyses de de patients ne porte pas seulement sur la conscience

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pratiques. de leurs savoirs, mais aussi sur la conscience de leur
Un retour sur les expériences, notamment guidé environnement. Cela demande d’avoir les mots pour
lors de groupes de parole, peut faciliter la prise de recul le dire dans les schèmes d’intelligibilité de leurs inter-

Caractéristiques des savoirs des patients et liens avec leurs pouvoirs d’action
nécessaire pour que les participants prennent locuteurs. Et cela peut demander une certaine culture
conscience de leurs savoirs expérientiels. Ce mode en santé en particulier quand ces interlocuteurs sont
cognitif est dit réfléchi car l’analyse permet de com- des professionnels de santé et qu’il faut à la fois se faire
prendre rétrospectivement l’expérience (Chevrier comprendre d’eux, avoir une idée de ce qui leur paraît
& Charbonneau, 2000) et de lui donner du sens (Tar- pertinent et de ce qu’ils sont prêts à entendre.
dieu, 2015). Ils permettent aussi de faire émerger le Quand on veut communiquer avec des personnes, il
général derrière le particulier, ou encore la règle qui faut pouvoir rentrer dans leur sphère de repères (G.,
doit servir à guider l’action. À ces conditions, ces patient-expert, recherche 1).
savoirs peuvent devenir explicites. Vous faites un métier difficile. Vous êtes confrontés à
la souffrance, à la frustration. Les gens vont mal et
Les savoirs expérientiels explicites attendent beaucoup de vous. Et il y a des enjeux de
vie ou de mort. L’idée ce n’est pas de vous dire ce qu’il
des patients : pour un pouvoir d’agir
faut faire mais de mettre des mots sur ce qui est dif-
sur autrui fondé sur le kairos ficile. Sur le papier on distingue toutes les souffrances,
physiques, morales, psychologiques, mais dans la vie
Au contraire des savoirs expérientiels implicites, nos tout est groupé (M., patient-enseignant, recherche 2).
résultats montrent que les savoirs expérientiels expli-
cites ne visent pas l’auto-adaptation mais l’hété- Aussi, les patients qui ont ce type de savoirs
ro-adaptation, c’est-à-dire l’influence sur autrui. Ce qui peuvent avoir besoin de culture en santé, et en ce cas
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nécessite des savoir-faire spécifiques et le recours à des chercher à l’acquérir de manière autodirigée au sein
savoirs en partie autres. d’espaces éducatifs formels et/ou informels.
Les patients ayant développé des savoirs expérien- Au sein d’espaces formels tels ceux dédiés à l’édu-
tiels explicites sont en capacité d’exprimer leurs savoirs cation thérapeutique ou dans d’autres espaces plus
– ou certains d’entre eux – de la bonne manière, au bon informels comme ceux où prend place l’entraide
moment, à la bonne personne. Le discernement du mutuelle, ces savoirs servent à influencer les appren-
moment opportun pour agir de la bonne manière ren- tissages des autres patients pour qu’ils gagnent en
voie à la notion aristotélicienne de kairos. Le kairos ainsi qualité de vie ou en libertés de bien-être. Ce processus
que leur pouvoir d’agir caractérisent ce profil de renvoie à la pair-émulation (Gardien, 2010) qui peut
patients. Pour ce qui est du pouvoir d’agir, dans les s’exercer d’un pair vers un autre, et parfois réciproque-
situations dont il est ici question, il renvoie en particu- ment, quand un individu s’engage pour soutenir le
lier à une de ses composantes qui est l’influence sur pouvoir d’agir d’un autre, ce qui participe rétrospecti-
autrui (Bravo, Edwards, Barr et al., 2015). Il s’agit donc vement à donner du sens à ses savoirs de l’épreuve.
de la compétence à influer dans le sens escompté sur Ces savoirs sont également nécessaires pour
autrui. L’émotion liée à la vulnérabilité est contenue, témoigner de parcours de vie auprès des profession-
apprivoisée, pour que les savoirs expérientiels expli- nels de santé en formation initiale ou continue. Ils n’en
cites qui portent sur les événements passés soient demeurent pas moins des savoirs expérientiels car ces
traduits dans un ici et maintenant : « il faut traverser la patients puisent toute leur légitimité dans leurs his-
vaste carrière du temps pour arriver au centre de l’oc- toires de vie individuelles. Ce sont elles seules qui
casion » (Baltazar Gracián, cité par Jankelevich & Ber- donnent sens à leurs messages. Selon nous, ces savoirs
lowitz, 1978). Il s’agit de faire le tri entre tous les savoirs peuvent être qualifiés d’explicites car ils s’expriment à
expérientiels pour mobiliser le plus utile pour atteindre bon escient et de manière autonome.
l’objectif fixé. Cela passe par transmettre ses savoirs de À noter toutefois que leur spontanéité n’est pas
manière efficace et utile, ou par les exprimer de toujours aussi réelle qu’elle le paraît : le sens du kairos
manière à être écouté. Le kairos n’est rien sans le savoir comme la capacité à influer sur autrui peuvent avoir
qui permet de le capter, aussi, comme évoqué, il ne besoin d’espaces éducatifs pour émerger et s’exercer.
s’agit pas seulement d’habilités communicationnelles, L’élaboration d’autobiographies raisonnées (Desroche,
mais de discernement. La métacognition de ce groupe 1990) au sein de ces espaces y contribue fortement. 75
Ces autobiographies servent alors d’outils pour porter tinguent de ces derniers à plus d’un titre. D’une part,
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des messages. ils se construisent contre les phénomènes locaux, les


épiphénomènes, tout en s’enrichissant à leur aune.
Parler de sa maladie, c’est l’entrée en matière pour
Éminemment sociaux, ils sont bien plus stabilisés que
rentrer en contact (R., patient en formation d’éduca-
tion thérapeutique, recherche 4). les savoirs expérientiels, puisque ce qui les guide, c’est
la quête d’unité et l’action coordonnée. De plus, le pou-
Sachant que les lieux dédiés à la formation qui voir d’agir communautaire qui en résulte est fondé sur
visent le développement de ces savoirs doivent rester une lecture critique de l’environnement (Alinsky, 1946 ;
des espaces de production de savoirs avant que d’être Freire, 2001) :
des lieux de transmission de savoirs (Galvani, 2016). On avait la loi la plus restrictive du monde en ce qui
concernait la greffe ! Avec un seuil des donneurs
Les savoirs situés des patients : vivants qui était un inventaire à la Prévert des gens
pour un pouvoir d’agir sur le monde qui étaient autorisés à donner, par exemple… avec
interdiction des dons croisés, avec plein de choses
fondé sur l’esprit critique qui étaient extrêmement rétrogrades. On voulait que
ça évolue (Y., présidente d’association, recherche 1).
D’après nos observations, dans les collectifs associatifs
ou au sein de communautés diverses et variées, les Une liberté dogmatique résulte de cette lecture
patients échangent entre eux sous forme de « dialo- critique : « certains professionnels de santé publique
gues herméneutiques » (Galvani, 2016) au cours des- consultés soutiennent que, libre de toute contingence
quels ils revisitent leurs savoirs expérientiels. L’expé- administrative, corporative, politique ou économique,
rience collective de l’épreuve de la maladie permet un le citoyen, une fois correctement informé par les
retour au commun basé sur la conscientisation (Freire, experts des données probantes, se trouve probable-
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2001), soit le repérage des situations injustes (Renault, ment plus libre dans ses jugements sur l’arbitrage des
2004). Partir des expériences collectives, les croiser valeurs en conflits » (Massé, 2005).
avec les bonnes pratiques, revisiter les normes avec un
regard critique, permet de se forger un point de vue Je ne catégorise pas cet événement indésirable
comme vous. Il ne s’agit pas d’une erreur de médica-
collectif, soit une forme d’épistémè collective.
ment mais d’une erreur sur la personne (M., représen-
Les savoirs ainsi produits sont des savoirs situés tant d’usager, observation participante au sein d’une
dont des épistémologues ont montré qu’ils remet- commission des usagers).
taient en cause toute notion d’objectivité portée par
une seule partie des acteurs d’une réalité (Haraway, D’autre part, ces savoirs ne se manifestent pas de
1991). Pour les patients, comme avant eux pour les la même manière que les savoirs expérientiels : le passé
autres groupes auprès desquels ces savoirs ont été des patients qui mobilisent les savoirs situés est mis à
identifiés, l’identification des savoirs permet de conce- distance : au contraire de ce que l’on constate dans le
voir une action collective, coordonnée, qui vise à trans- cadre des savoirs expérientiels explicites, ils font le
former le monde pour répondre aux besoins constatés. moins possible référence à leur histoire personnelle.
Il s’agit donc de passer de « ce qui fonctionne et ne Ils se posent plutôt en fer de lance de leur communauté
fonctionne pas » à ce qui pourrait fonctionner : dont ils se présentent comme représentatifs puisque
leur voix s’élève en son nom pour délivrer un récit
Le principe général, c’est de se dire qu’on veut essayer socialement construit :
de faire que les malades soient acteurs de leur mala-
die, autrement dit qu’ils ne soient pas que passifs, pas C’est vraiment cette notion de porte-parole. Je ne me
que patients d’ailleurs, et qu’ils essaient de formuler sens pas à l’aise de représenter un groupe, si on n’a
leurs besoins, leur manière de voir les choses, qu’ils pas fait un travail en amont qui consiste à élaborer
mettent en avant les questions qui sont pas forcément ensemble quel est le discours, les positions qu’on veut
soulevées par les scientifiques, c’est d’être collabora- tenir (H., président d’association, recherche 1).
tif, imaginatif, c’est d’aider à faire avancer les choses
(H., président d’association, entretien semi-directif,
recherche 1). Les patients les plus engagés au niveau collectif
ont des savoirs situés. Leur épistémologie commune
Les savoirs situés visent comme les savoirs expé- permet que, de la même manière que les profession-
76 rientiels explicites à influer sur le réel, mais ils se dis- nels vont interpréter un événement à partir d’une grille
de lecture qui renvoie à leurs logiques, ils y réagissent patients, pour leur faire revisiter certaines normes afin

VA R I A
à partir de leurs propres logiques qui sont stabilisées de faire émerger des construits collectifs et partagés,
d’un patient à l’autre. D’après nos résultats (Gross, des prises de position collectives, et de soutenir
Ruelle, Khau et al., 2017), ils procèdent par énaction l’émergence d’une communauté épistémique et de

Caractéristiques des savoirs des patients et liens avec leurs pouvoirs d’action
(Varela, Thompson & Rosch, 1993), à partir des valeurs pratiques.
communes qui les animent  (la dignité, l’autonomie,
l’équité, la participation…). Les savoirs savants et experts
En ce sens, ils représentent une communauté épis- des patients : pour un pouvoir d’agir
témique dans l’acception qu’en donne Haas (1992) car sur les choses, fondé sur les connaissances
ils partagent les mêmes savoirs, les mêmes valeurs, les
mêmes objectifs. C’est ce qui justifie notamment leurs Enfin, dans le contexte facilitant propre à la société du
mandats comme représentants des usagers du sys- savoir (UNESCO, 2005), certains patients, décrits
tème de santé puisqu’ils parlent spontanément d’une comme des « e-patients » (Ferguson & Frydman, 2004)
même voix. Comme nous l’avons constaté à partir de ou comme des patients-experts (Gross &  Gagnayre,
nos observations, toute analyse d’une plainte déposée 2014a), accèdent à des savoirs savants définis comme
par un usager par exemple générera les mêmes ana- des connaissances générales et abstraites (d’Arripe
lyses d’un représentant d’usager à l’autre. Les direc- & Routier, 2013). Ces savoirs concernent un domaine de
tions hospitalières ont souvent tendance dans cette la santé (organisation des soins, droits des malades,
situation à chercher à se protéger d’éventuelles actions développement des médicaments, etc.), une maladie
judiciaires et à estimer que l’émotion des plaignants en particulier, ou un groupe de maladies et leurs
discrédite leur parole. Les représentants d’usagers vont traitements.
pour leur part comprendre leur émotion, penser à leur Les patients les acquièrent de manière autonome,
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résilience ainsi qu’à l’effectivité des actions correctrices autodirigée, en particulier lors d’interactions avec des
(qui d’ailleurs contribuent à la résilience des plaignants experts et en se documentant. Les savoirs savants des
qui sont nombreux à déclarer dans leurs plaintes qu’ils patients n’ont pas forcément de spécificité particulière
ne font part de leurs déboires que pour qu’ils soient par rapport aux savoirs véhiculés par d’autres types
évités à d’autres). d’acteurs sociaux, à la limite près que, dans le domaine
Dans d’autres espaces, ils peuvent réinterroger les médical, il est rare que des personnes sans culture
savoirs dominants, soit les normes scientifiques ou médicale initiale accèdent pleinement aux savoirs aca-
professionnelles, car les faits ont pour eux une valeur démiques. Néanmoins, cela peut servir leur intuition
qui prédomine sur celle des preuves scientifiques. scientifique, comme cela a été le cas pour K. qui a initié
Ainsi, ils excellent dans le rôle de lanceur d’alerte, que et développé une thérapie médicamenteuse :
ce soit concernant des effets indésirables liés aux trai- Je pense que les gens qui sont successful sur le plan
tements, des symptômes non répertoriés, de nou- de la science, c’est des gens qui font comme moi : qui
veaux besoins en termes de droits ou d’organisation papillonnent très très loin de la source de la connais-
des soins… : sance. Si tous avaient cette ouverture, ce papillonne-
ment… (K., patient-expert, entretien semi-directif,
Je voyais d’autres usagers avec lesquels j’essayais de recherche 1).
mettre en commun cette idée d’où ça venait, qu’on
devenait de plus en plus maigres avec des trous dans Comme les précédents, ces savoirs leur servent à
les joues (M., patient-expert, recherche 1). agir, soit de manière individuelle, soit de manière plus
collective :
Il peut parfois être utile de soutenir le développe-
En 96, c’était… j’étais parmi ceux qui n’étaient pas
ment de savoirs situés au sein d’espaces éducatifs.
morts mais je me disais que je ferais toujours partie
Ainsi, dans le cadre d’un programme de patients-en- de ceux qui seraient en première ligne, qui auraient
seignants auprès des internes en médecine générale toujours un train de retard par rapport à la population
comme dans celui d’une licence de sciences sanitaires qui viendra après. Je me disais que j’aurais toujours à
et sociales destinée aux médiateurs de santé pairs à faire avec l’incertitude et que, dans ce contexte, il
faudra m’emparer de la dernière étude car je serai
l’UFR de Santé Médecine et Biologie humaine (SMBH)
toujours à court de stratégies (M., patient-expert,
de Bobigny-Université Paris 13, il est prévu des temps entretien semi-directif, recherche 1).
pour questionner les savoirs expérientiels des 77
Il n’y a pas 50 000 solutions, en matière de recherche savoir expérientiel, si le fait que les savoirs situés qui se
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scientifique, il faut aller à la source, parce que, si on construisent en réponse aux besoins constatés dans les
est à l’aval de tout ce que les gens produisent, on n’a
expériences collectives empruntent majoritairement à
jamais d’anticipation, on est que suiveurs. Comme ce
qui nous intéresse, c’est d’avoir une action politique, l’expérience ou aux connaissances des normes exo-
qui dit action politique dit un minimum d’anticipation gènes qui permettent de statuer sur le caractère injuste
(H., président d’association, recherche 1). des situations, ou à un esprit critique qui a le potentiel
de les libérer des dogmes. Comme la théorie a besoin
Les patients qui ont des savoirs aboutis de cet ordre de l’expérience, les savoirs expérientiels ont besoin de
utilisent le vocabulaire consacré dans le domaine en se frotter aux savoirs savants (Dewey, 1938 ; Vygotski,
question, ce qui est logique car les concepts scienti- 1997). Les savoirs de l’expérience peuvent en effet pro-
fiques se transmettent par le langage (Vygotski, 1997). fiter des savoirs introduits par le haut  : ainsi, l’expé-
Dans une de leur forme accomplie, les savoirs rience vécue gagne à être confrontée à certaines
savants sont traduits en savoirs experts (Perrenoud, normes, en particulier à celles de l’ordre de l’éthique ou
1998 ; Johsua, 1998). Les savoirs experts ont pour du droit (Nussbaum, 2001 ; Panet & Duray-Soundron,
sources de production les situations-problèmes 2008). C’est parce que le consentement aux soins est
(Cheneval-Armand &  Ginestié, 2009). C’est ainsi que un droit que certaines pratiques peuvent être remises
certains patients s’engagent pour développer des solu- en question. Mais encore faut-il connaître les droits.
tions techniques qui répondent aux besoins qu’ils ont D’où l’importance de la transmission de savoirs formels,
pu constater. Ces patients agissent comme des « pro- y compris dans le cadre de pédagogies émancipatrices,
sumers » (Ritzer &  Jurgenson, 2010), soit comme des en particulier dans l’élaboration des savoirs situés.
consommateurs qui produisent des produits pour leur Certains patients accumulent des savoirs expérien-
propre besoin, voire même plutôt comme des « lead- tiels, des savoirs situés et des savoirs savants qui inte-
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users » (Béji-Bécheur & Gollety, 2007) qui sont des pro- ragissent entre eux comme avec l’environnement
sumers qui mettent à disposition de leurs pairs le pro- social. Leur vulnérabilité est devenue une force (Barrier,
duit ainsi créé. 2010), y compris sur le plan cognitif au point que cer-
tains patients soient animés par une passion cognitive
Discussion (Gross & Gagnayre, 2014b) qui les pousse à produire
des savoirs émancipateurs (Roux, Charvolin & Dumain,
Limites de l’étude et de l’analyse 2009) en ce sens qu’ils questionnent les savoirs (et
savoir-faire) introduits par le haut. Sans doute en effet
Faire parler le terrain est un art autant qu’une science que ce qui différencie le plus ces savoirs entre eux, ce
(Lévi-Strauss, 1962). La proximité des auteurs avec leur n’est pas tant leurs processus de production que leurs
sujet et la durée de recueil des données, sur une manifestations et leurs objectifs. Si continuum il y a,
période de dix ans, ont facilité l’analyse. La réalité cap- c’est d’ailleurs au niveau de ces dernières dimensions
turée semble correspondre aux faits. Néanmoins, cette et non au niveau des savoirs eux-mêmes. Les savoirs
étude conceptuelle et exploratoire gagnerait à être expérientiels implicites diffèrent des savoirs expérien-
reproduite. Ceci devrait être fait en tenant compte des tiels explicites car les premiers visent l’adaptation des
résultats obtenus qui indiquent l’importance de réali- modes de fonctionnement individuels (Chevrier
ser les études auprès de différents profils de patients, & Charbonneau, 2000) tandis que les seconds visent
profils déterminés à partir de leur niveau d’engage- une hétéro-adaptation, c’est-à-dire une influence sur
ment au service de la collectivité et de l’élaboration autrui pour que lui s’adapte en fonction d’eux. Les
plus ou moins collective de leurs savoirs. savoirs situés pour leur part visent à compléter les
savoirs professionnels et académiques en interrogeant
L’inscription de ces savoirs dans le champ la réalité autrement que les acteurs traditionnels, tan-
de la complexité et dans le rapport dis que les savoirs savants et experts sont utilisés pour
savoirs/pouvoirs enrichir les autres savoirs et/ou pour agir directement
sur le monde de la santé. Aussi y aurait-il, d’après nos
Théoriquement, on peut discuter si l’accès à l’expé- résultats, un lien entre les modalités d’émergence des
rience d’autrui qui facilite le passage des savoirs impli- savoirs et les pouvoirs qu’ils facilitent, ce qui amorce-
78 cites aux savoirs explicites demeure de l’ordre d’un rait une explication des liens itératifs entre savoirs et
pouvoirs. Si le lien entre le savoir et le pouvoir est bien mouvements, et partant de là de patients auxquels il

VA R I A
établi (Foucault, 1975), souligner que ces liens sont devient aisé de reprocher de porter des revendications
itératifs, c’est rappeler que les cinq types de savoirs individuelles, ou des perspectives singulières, sans
identifiés se construisent et se valident en fonction des intérêt pour les étudiants. Les orientations proposées

Caractéristiques des savoirs des patients et liens avec leurs pouvoirs d’action
pouvoirs d’action ou d’influence qu’ils permettent visent à éviter l’effet « âne de Buridan » susceptible
d’acquérir sur la vie quotidienne, sur les autres et le d’intervenir dans ce contexte d’injonctions
monde. La vérité sert non seulement à organiser le paradoxales.
monde, mais aussi à prendre du pouvoir sur lui, ce qui À partir de ce qui précède, nous insistons sur le fait
peut aller bien au-delà d’une simple maîtrise cognitive que si les patients ont leur place comme enseignants
puisque cela peut aller jusqu’à penser et participer à dans la formation médicale et paramédicale, c’est pour
sa reconfiguration. Ainsi, comme cela a été montré par leurs savoirs (Lechopier, 2015) et que cela concerne
ATD Quart Monde, les savoirs introduits par le bas (soit tous les types de savoirs, comme dans tous les autres
les savoirs expérientiels ou situés des patients) champs qui sont ouverts à l’engagement des patients.
peuvent, s’ils sont invoqués, tenir le rôle de « savoirs Cela revient à mettre en actes le paradigme de l’ap-
d’émulation » afin d’être des « ballons d’oxygène » proche centrée sur le patient et cela permet de s’ins-
(Wresinsky, cité par Roy, 2016) qui ont le pouvoir de crire dans l’une des recommandations de la Déclara-
fertiliser les savoirs dominants. tion de Vancouver qui incite à veiller à recruter comme
enseignants ou formateurs une diversité de profils de
De l’utilité de tous ces types de savoirs patients (Towle, Farrell, Gaines et al., 2016).
pour améliorer la qualité des soins : Les savoirs situés émergent de manière privilégiée
l’exemple de la formation médicale dans des collectifs qui peuvent être associatifs. De plus,
les savoirs situés sont la condition de la représentati-
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Il serait possible de discuter l’apport de nos résultats vité dans le sens où ils expriment un point de vue col-
dans divers secteurs d’activité des patients mais celui lectif. Quand on veut éviter que des perspectives idio-
que nous prenons est celui de la formation médicale syncrasiques ne s’expriment, c’est le type de savoirs
dans la mesure où nous expérimentons ce type d’ap- qu’il convient de convoquer. Les patients qui ont des
plication au quotidien au sein de notre université. savoirs situés sont ceux que l’on peut recruter pour
Se pose avec une grande acuité la question du pro- contribuer aux cours sur la relation de soins ou pour
fil des patients à intégrer comme enseignants, forma- apporter la perspective des patients sur la qualité des
teurs, auprès des étudiants en médecine, y compris soins. Cette dernière perspective est en effet tout à fait
dans des pays où leur engagement dans la formation stabilisée : celle qui a été identifiée à partir des ensei-
médicale est plus courant (Gutteridge &  Dobbins, gnements réalisés au sein de l’UFR SMBH par des
2009). Ce champ d’intervention des patients s’institu- patients recrutés pour leurs savoirs situés (Gross,
tionnalise en France où, dans la lignée d’une expéri- Ruelle, Khau et al., 2017) résonne notamment avec celle
mentation (Gross, Ruelle, Sannié et  al., 2017 ; Gross, qui est promue par les patients engagés dans l’amélio-
Ruelle, Khau et al., 2017), de nombreuses équipes péda- ration de la qualité des soins aux États-Unis (Ferguson
gogiques se saisissent de ce thème. Comme dans de & Frydman, 2004). La résistance concernant l’apparte-
nombreux autres espaces propices à l’engagement des nance des patients au milieu associatif est un frein aux
patients, les équipes sont tiraillées entre leur souhait modalités d’intervention qui nécessitent des savoirs de
de recruter des « vrais patients » représentatifs de ceux cet ordre, alors qu’ils sont les seuls savoirs représenta-
que les médecins voient en consultation et celui d’éta- tifs puisqu’ils sont le fruit d’un processus lors duquel
blir des référentiels de compétences exigeants qui leur ils ont pu monter en généralité.
semblent nécessaires pour tenir cette fonction péda- En revanche, l’émergence des autres types de
gogique. De plus, on constate sur le terrain que les savoirs ne dépend pas de collectifs. Ceci est un argu-
équipes pédagogiques hésitent à recruter les patients ment supplémentaire pour multiplier les modalités
au sein des mouvements associatifs, sans doute par d’implication des patients, car il s’agit de partir des mis-
crainte des liens d’intérêt avec l’industrie du médica- sions pour établir le profil des patients à recruter, profil
ment, ou par peur d’intégrer des savoirs militants au à établir en fonction de leurs savoirs. Et non pas de
sein de l’institution universitaire. Ce qui les conduit à décider des profils en amont des missions. Et cela sans
privilégier le recrutement de patients coupés de ces oublier que les patients, pas plus que les professionnels 79
de santé, ne sont omniscients. Certains peuvent avoir 1977). Afin d’éviter un réductionnisme médical (Dalga-
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des savoirs savants dans un domaine et des savoirs larrondo, 2008) qui soit totalisant, voire autocratique,
expérientiels dans un autre. Il convient donc de réinter- son régime de vérité devrait systématiquement être
roger pour chaque sujet traité où se situent les per- co-construit avec tous ceux qui le vivent.
sonnes, tout en leur donnant des opportunités d’évo- La taxinomie proposée contribue aux travaux
lution. Ainsi, les savoirs expérientiels implicites des conceptuels sur les savoirs profanes et l’intégration des
patients sont utiles pour entraîner les futurs soignants acteurs issus de la société civile dans les actions por-
à mener des entretiens cliniques, comme dans le cas tées par les professionnels. Elle permet aussi de déter-
des « health mentors » (Towle, 2014). Quant aux patients miner quels profils recruter à quelle tâche. Dans la
qui ont des savoirs expérientiels explicites, ce sont eux santé, il s’agit de recruter des patients, non pas en
qu’il convient de recruter pour témoigner auprès des fonction de leur statut, de leur expérience de la mala-
étudiants de leur vécu expérientiel dans les quatre die, ou de quelque autre critère, mais en fonction de
domaines identifiés, sachant que ce type d’interven- leurs savoirs afin qu’ils participent à l’amélioration de
tions est très apprécié des étudiants (Turner, Sheldon, la qualité des soins. Afin de multiplier les sources de
Coles et al., 2000). Enfin, certains patients, sous condi- rétroaction, il s’agit de concevoir différents types de
tion d’avoir des savoirs savants, spécialisés, peuvent sollicitations de manière à recruter différents profils de
également participer à l’ingénierie pédagogique sujets épistémiques. Procéder ainsi est vertueux et
(Pomey, Flora, Karazivan et al., 2015) et contribuer à l’en- équitable puisque c’est considérer que leur contribu-
seignement de notions théoriques (Renard, Alliot-Licht, tion est utile dans le cadre d’une médecine participa-
Gross et al., 2014). tive, quels que soient leurs types de savoirs. Certains
de ces savoirs sont idiosyncrasiques, tandis que
Conclusion d’autres ont une portée plus générale et ont le poten-
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tiel d’enrichir les savoirs académiques et/ou profes-
Les patients sont des sujets épistémiques produits par sionnels. Tous visent à soutenir, en contrepoint à la
leur expérience de la maladie, expérience qui pour vulnérabilité initiale liée à la maladie, les pouvoirs
nombre d’entre eux est mise en lien avec celles de leurs d’agir individuels ou communautaires, de manière à
pairs, et pour certains avec des savoirs collectivement influer sur la santé individuelle, celle d’autrui, ou sur la
construits et confrontés aux savoirs savants ou profes- qualité du système de santé.
sionnels. Ces savoirs, lorsqu’ils sont convoqués dans le
Olivia Gross
système de santé, contribuent à le transformer. Sous
Université Paris 13-Sorbonne Paris Cité, laboratoire
réserve que les espaces qui les accueillent soient réel-
Éducations et Pratiques de santé (EA3412)
lement participatifs, les régimes de vérité qui en olivia.gross@univ-paris13.fr
découlent peuvent devenir plus démocratiques.
Sachant que, dans le cadre de ces régimes, « la vérité Rémi Gagnayre
est liée circulairement à des systèmes de pouvoir qui Université Paris 13-Sorbonne Paris Cité, laboratoire
la produisent et la soutiennent, et à des effets de pou- Éducations et Pratiques de santé (EA3412)
remi.gagnayre@univ-paris13.fr
voir qu’elle induit et qui la reconduisent » (Foucault,

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