Vous êtes sur la page 1sur 2

Makédonski Katia

Version anglaise, Margaret Atwood, Alias Grace (1997)

1859.
Les invitées portent des toilettes d’après-midi, des robes fermées sur le devant avec des rangs de
boutons, et des crinolines rigides en dessous. C’est un miracle qu’elles puissent s’asseoir tout à fait, et
quand elles marchent, rien ne peut entrer en contact avec leurs jambes cachées sous ces vastes jupes,
excepté ces dernières dans leur mouvement ainsi que les bas qui les habillent.
Elles étaient comme des cygnes, glissant sur des pattes invisibles ; ou comme des méduses dans les
eaux de la cô te pierreuse qui se trouvait près de notre maison, quand j’étais petite, bien avant que j’ai fais
le long et douloureux voyage à travers l’océan. Elles avaient la forme de cloches et étaient décorées de
volants, voguant gracieusement et gentiment au-dessus de l’eau ; mais si elles étaient rejetées par la mer
sur la plage et séchaient au soleil, rien ne restait de leur aspect. C’était la nature même de ces dames :
majoritairement composée d’eau.
Il n’y avait pas ces crinolines en fil de fer quand j’ai été amenée ici pour la première fois. C’était du
crin de cheval, les structures rigides n’étaient pas à la mode. Quand je les ai vu engoncées dans cet
accoutrement, je me suis réformée et j’ai vidé l’eau sale. Elles étaient comme des cages à oiseaux ; mais
qu’est ce qui y était emprisonné ? Les jambes, les jambes des femmes ; ces jambes étaient enfermées de
telles manières qu’elles ne pouvaient s’échapper et aller se presser contre les pantalons des messieurs. La
femme du gouverneur ne dit jamais jambes, néanmoins les journaux disaient jambes quand ils parlaient de
Nancy, avec ses jambes mortes sortant du baquet.
Les dames-méduses n’étaient pas le seul événement. Le mardi, nous avons la Question de la
Femme, et la libération par rapport à ceci ou cela, l’auto-critique des individus, les eeux sexes confondus ;
et le mercredi, le Cercle Spirituel, histoire de prendre le thé et de discuter de la la mort, ce qui est un
réconfort pour la femme du Gouverneur du fait de la mort de son très jeune fils. Mais surtout il y a les
dames. Elles s’assoient sirotant de fragiles tasses, et la femme du Gouverneur fait résonner une petite
cloche de Chine. Elle n’aime pas tant être la femme du gouverneur, elle aimerait mieux que le Gouverneur
gouverne autre chose qu’une prison. Il a d’assez bons amis qui l’ont fait gouverneur, mais pas pour une
autre tâche que celle qu’il assure.
Elle se tient donc là , et elle doit tirer le maximum de la position sociale qu’elle occupe et de ses
réalisations, mais être aussi une instance effrayante, comme une araignée, mais aussi représenter la
charité, et je suis l’une de ses réalisations. J’entre dans la chambre et je me prosterne et je me déplace,
bouche cousue, tête baissée, et j’emmène les tasses ou je les dispose, cela dépend ; et elles me fixent sans
en avoir l’air, cachées sous leurs coiffes. La raison pour laquelle elles veulent me voir, c’est que je suis une
meurtrière reconnue. Cela a été mis par écrit. Quand j’ai vu cela pour la première fois, j’étais très étonnée,
car elles disaient “chanteur reconnu”, “poétesse reconnue”, “médium reconnue” et “actrice reconnue”, mais
qu’y a t-il à célébrer à propos d’une meurtrière ? La même chose finalement, meurtrière est un mot fort qui
vous colle à la peau. Il y a une odeur qui y est attachée - capiteuse et écrasante, comme des fleurs mortes
dans un vase. Parfois la nuit, je le chuchotais pour moi-même. Meurtrière, meurtrière. Cela se meut avec
désinvolture, comme une jupe de taffetas se déplace sur le sol.

Vous aimerez peut-être aussi