QUAND LA FICTION AUGURE DES USAGES
Lille Métropole 2020,
Capitale Mondiale du Design
Grâce à son projet de transformation de
son territoire par le design, la Métropole
Européenne de Lille a obtenu le titre re-
cherché de « Capitale Mondiale du Design
2020 » succédant ainsi à Mexico, Taipei, Le
Cap, Helsinki, Séoul, et Turin.
La Métropole Européenne de Lille est ainsi
la première collectivité française à obtenir
cette distinction de la World Design Orga-
nization (WDO)™, pour son projet nova-
teur de mobilisation du design autour des
enjeux de transformation économique,
écologique et sociale.
La plus grande expérimentation
par le design
Au cœur du projet Lille Métropole 2020
figure le plus grand appel à expérimenta-
tions par le design, jamais lancé. Ces expé-
rimentations, baptisées Proof Of Concept
(POC) sont développées par des collecti-
vités, des entreprises, des acteurs de la
culture et de la recherche, du monde as-
sociatif et accompagnées par des desi-
gners.
Proposer de nouveaux modèles de
production et de consommation respec-
tueux de la planète, travailler au mieux-
être des habitants, associer les citoyens
à la conception et la mise en œuvre des
décisions, recréer des liens entre généra-
tions, avec la nature, sont autant de POC
parmi les 600 idées recueillies.
Design is Capital !
3
La promesse du design
Dans le contexte actuel de redécouverte
de l’attention aux autres, de réinvention de
liens de solidarité, de prise de conscience
écologique, de réhabilitation de l’intérêt
général, la Capitale Mondiale du Design a
plus que jamais l’ambition d’être un labo-
ratoire où s’imagine et s’expérimente un
monde nouveau avec une programmation
en trois grands volets :
◆ Les grandes expositions
“Les usages du monde”
la manufacture : a labour of love à la Gare
Saint-Sauveur et Sens fiction et
Designer(s) du design au Tripostal pour
ouvrir de nouveaux imaginaires nourris
par le design pour penser et reconstruire
le monde
◆ Les Maisons POC
autour de 6 thématiques capitales
« Habiter », « Prendre Soin », « Economie
circulaire », « Ville collaborative », « Action
publique » et « Mobilité »
◆ La Design Week,
du 10 au 18 octobre, qui propose des tri-
bunes sur la contribution du design à la
réparation du monde, accueille des jeunes
talents des écoles de design et le design
intégré.
En faisant le choix positif de l’innovation
et du design, la Métropole Européenne
de Lille mobilise la créativité, la diversi-
té, l’énergie de ceux qui chaque jour la
construisent et la font grandir. C’est le sens
de cette Capitale Mondiale du Design.
 SENS-FICTION
Quand la fiction augure des usages

Pourquoi s’intéresser aux imaginaires,

aux récits d’anticipation et au pouvoir
de la fiction lorsque l’on est designer en
2020 ?

Le design est né pour s’investir aux

cotés des industriels, des scientifiques
et des experts de tous bords afin de
travailler de concert à la conception
des environnements et des artefacts du
quotidien. La discipline, dans sa pratique
même, appelle à une projection des
usages en devenir. L’engagement dans
l’incarnation de futurs désirables est donc
naturel et indéniable. Avoir conscience des
liens, parfois invisibles, qui relient, dans
une trajectoire commune, imaginaires,
industrie, économie, usages et sciences,
aiguise notre regard critique et nous aide,
dans notre métier de designer, à aborder
les défis de notre propre époque.
L’exposition met en lumière l’intrication
entre design et fiction. Les œuvres
littéraires, cinématographiques, ainsi
que les projets de designers sont mis en
relation ; ensemble ils agissent comme
des révélateurs de nos façons d’être au
monde.

4 5
 A B O R ATOIRE
LE L
CTION
SENS-FI
4

DESIGN
N
& FICTIO
3

R
LE FUTU 3
GN
SE DESI 2

2
SAPIENS ONTE
AC
SE LA R 1
for Des
ign
1 Fiction ner le futur
1 llection
Co
er le fu
tur
Dessin ur
r le fut
Expose futur
iser le
Scénar

on
e s i g n in Ficti roblématiques tions
2 D n des p s les fic
Ant icipatio ns dan
uotidie
o s u s ages q
N
cula tif
n a s F iction critique et spé
3 Desig comme outil
ig n
Le des

6 7
 1
N S
S A P I E
T E
AC O N
SE LA R
La place de l’imaginaire dans l’odyssée
des futurs.
Depuis quand le futur existe-t-il ? Comment
se raconte-t-il ? Pourquoi croit-on tant
aux histoires ? Existe-t-il des imaginaires
dominants ou émergeants ? Sommes-
nous attirés par les récits dystopiques ?
Ou manquons-nous de récits désirables
? Conscients de la sensibilité comme de
la dépendance de notre espèce envers
les histoires, persuadés de la force
transformative des imaginaires, nous
explorons la relation de l’homo sapiens à
la fiction d’anticipation. Ici, à travers cette
mise en abyme télévisuelle, spécialistes
du langage, anthropologues, historiens,
philosophes, auteurs ou théoriciens
du futur, nous éclairent sur le constat
partagé de la force des imaginaires dans
nos trajectoires communes. A chacun
ensuite de se raconter son histoire.
8 9
Extraits
1. Collectif Zanzibar - Manifeste, 2010
2. Jean-Philippe Pierron - Les puissances
de l’imagination, 2012
3. Edgar Morin - Nous devons vivre avec
l’incertitude, entretien au Journal du CNRS,
Avril 2020
4. Yannick Rumpala - Hors des décombres
du monde, écologie, science-fiction et
éthique du futur, 2019
5. Naomi Alderman - Why We Write About
This Thing Called the Future, 2019
6. John Crowley - The next future, 2011
7. Guillaume Ledit - Les nouvelles frontières
de la SF, in Socialter, avril 2020
8. Nancy Huston - L’espèce fabulatrice,
2008
9. Yuval Noha Harari - Sapiens : A Brief History
of Humankind, 2014
10. Nancy Huston - L’espèce fabulatrice,
2008
11. Sophie Miglietti @ Toucan Toco - Data
Storytelling vs Dataviz ? Comprendre les
différences en 5 min, 2019
12. Antoine Louvard - Pourquoi les êtres
humains se racontent-ils des histoires ?,
in Le Réveil des Imaginaires, Socialter avril-
mai 2020.
13. Jonathan Gottshall - The Storytelling
Animal: How Stories Make us Human, 2012
14. Philippe Corbé - Il y a 80 ans, le canular
radiophonique d’Orson Welles faisait
paniquer l’Amérique. (Un Air d’Amérique,
blog RTL), 2018
15. Alain Damasio dans « La science-
fiction aborde des enjeux planétaires » :
entretien avec trois maîtres de la SF, par
Elisa Thévenet, in Le Monde, 26 mai 2019
16. Philippe Vion Dury - L’éruption imaginaire
qui vient, in Le Réveil des Imaginaires,
Socialter avril-mai 2020.
17. Kim Stanley Robinson - Nous voulons
des utopies ! in Le Réveil des Imaginaires,
Socialter avril-mai 2020.
18. Hubert Guillaud - La SF sert-elle à rendre
la science inéluctable ? in Le Réveil des
Imaginaires, Socialter avril-mai 2020.
19. Nicolas Nova - Futurs ? La panne des
imaginaires, 2014
20. Jean-Paul Engélibert - Fabuler la fin du
monde - La puissance critique des fictions
d’apocalypses, 2019
21. Ursula K. Le Guin - La théorie de la fiction
panier, 1986
22. Timothy Morton - « Pour la pensée
écologique, l’aliénation ne vient pas du
passé mais du futur », Interview par
Raphaël Bourgois, in AOC, mai 2019
23. Philippe Vion Dury - L’éruption imaginaire
qui vient, in Le Réveil des Imaginaires,
Socialter avril-mai 2020
 2 K
R N S B AC
G E
HUGO GERNSBACK, Ville de Luxembourg 1884

HU G O G N
- New York City 1967

S E D E S I
R
Hugo Gernsback racontait souvent qu’il C’est d’ailleurs dans l’une de ses

LE FU T U
reçut en cadeau pour son huitième
anniversaire une pile Leclanché, une
sonnette électrique et un cable. Au
premier son de la cloche, au milieu d’un
pluie d’étoiles vertes, Hugo décidait qu’il
se tenait au seuil d’une carrière digne de
sa personne.
Issu d’une famille aisée, passionné des
progrès de la technique, Hugo Gernsback,
au début du XXème Siècle, après des
études peu brillantes et à la mort de son
père, émigre aux Etats-Unis pour breveter
la batterie électrique qu’il avait inventé
pour les besoins de sa famille. La vieille
Europe ne pouvait pas comprendre. Trop
coûteuse à développer, il ne renonce
cependant pas à ses ambitions d’inventeur
et déposera pendant 25 ans près de
80 brevets d’objets connectés pour le
quotidien, comme l’épilateur électrique,
l’héliport, ou la prothèse auditive, …
publications (Science and Invention, Août
1929) que l’on repère pour la première
fois le terme « scientifiction », qui fige
un genre : la mise en fiction des progrès
scientifiques. Il participe largement au
travers de ses magazines - notamment
Amazing Stories et Wonder Stories - à
développer l’âge d’or de la science-fiction
et produit un abondant réservoir de
promesses et de prouesses. il y développe,
par une ambition folle, sa vision à la croisée
de la science, de la fiction et sans le dire,
du design.
La science-fiction telle qu’il l’entend a trois
fonctions : la narration pour l’engouement
des lecteurs, l’information scientifique
pour leur éducation et la description
de nouveaux usages pour inspirer les
inventeurs à concevoir de nouveaux
objets.

Entrepreneur s’il en est, il développe dès

son arrivée aux Etats-Unis une société de
distribution de composants éléctriques
: the Electro Importing Company. Il
devient éditeur pour les besoins de cette
entreprise en concevant des magazines
et des manuels d’électricité afin de
stimuler ses futurs acheteurs. Passionné
de fictions et notamment du merveilleux
scientifique, il intègre dans ces magazines
de vulgarisation scientifiques de
courtes fictions d’anticipations : quoi
de mieux qu’un récit pour convaincre
des transformations à venir de nos vies
promises par les découvertes de la
science ?

10 11
 3
DESIGN
I CT I O N
&F

Exploration des imaginaires du futur au

XXe siècle.

Raconter le futur c’est s’engager sur
la position délicate que prennent les
hommes dans leur environnement. Les
récits d’anticipation spéculent sur un
monde qui pourrait être, ils ne sont donc
pas de simples divertissements sans
conséquence. Ils inspirent et forgent des
trajectoires collectives, l’histoire le prouve,
comme le contenu de cette salle. Nous
vous invitons ici à arpenter ces mondes
parallèles du point de vue des usages
qui pour beaucoup, vous sembleront très
familiers.
Explorons les relations entre imaginaires
du futur (fiction) et conception de nos
environnements de vie (design) et ce, en
trois façons :
• Fiction for design : La fiction au service
de l’industrie
• Design in fiction : Les usages tels que
imaginés dans les fictions d’anticipation
• Design as fiction : la fiction comme outil
spéculatif du designer

12 13
 NOS USAGES QUOTIDIENS DANS LES FICTIONS

LE DESIGN COMME OUTIL

CRITIQUE ET SPÉCULATIF

SCÉNARISER LE FUTUR

COLLECTIONNER LE FUTUR
DESSINER LE FUTUR DE SON INDUSTRIE
2 3

EXPOSER LE FUTUR

ANTICIPATION DES PROBLÈMATIQUES

a s Fic tion
De s i g n
3
on
in Ficti
2 Design
r Desi gn
o n fo
1 Ficti

14 15
Fiction for Design La fiction au service de l’industrie Oil Company • Stewart Warner Corp. • Syd Mead • Timken Axles • Total • US Steel • Utah Radio
Products.

B Exposer le futur

A cette époque glorieuse - où le progrès exploitent par le divertissement, en

technique équivaut à une ascension
sociale rendue accessible par la
consommation - les marques investissent
C
un nouveau format : l’exposition, et
A invitent ses potentiels clients à faire
B
l’expérience sensible du futur. Celui-ci
devient une usine à rêve que les marques
attraction. Ces expositions renouvellent le
genre des expositions universelles ; elles
étaient jusqu’alors des démonstrations
d’inventions technologiques, elles
anticipent désormais par le truchement
de la mise en scène, les promesses
concrètes de transformation des usages.

Extraits :
A Collectionner le futur New York World’s Fair, 1939-1940 • General Motors Motorama, 1949-1961 • Ideal Home
Exhibition, 1956 • Monsanto House of the Future, 1957 • American National Exhibit Moscow,
Le passage d’un siècle à l’autre est une proposent aux consommateurs de 1959 • Westinghouse All Electric House, 1959 • Seattle World’s Fair, 1962 • New York World’s
opportunité pour communiquer sur le collectionner des images de futur. Ces Fair, 1964-1965 • House of Tomorrow Philco-Ford Corporation, 1967.
futur. Il en fut ainsi en 1900 : se projeter collections augurent de nos usages
un siècle plus tard permettait de actuels et mettent en scène le futur
marquer les esprits avec ce futur absolu de la vie quotidienne (mobilité, santé, C Scénariser le futur
que représentait l’An 2000. Le futur est communication, alimentation, loisirs, etc.).
un moyen de capitaliser sur le rêve et Ces anachroniques goodies attestent A partir des années 1970, le paradigme des de récit se répend particulièrement: le
l’imaginaire, de s’évader des contraintes d’une croyance absolue en un progrès foires prend un nouvel axe et, passage à scénario d’usage. Ne pouvant augurer ni
du présent, d’imaginer un monde meilleur. technologique hors de la nature. Le la postmodernité attestée, les marques s’engager dans un futur global tellement
Alors que se structure progressivement futur, ses promesses de confort et n’arrivent plus à vendre un futur qui les dissonances cognitives sont grandes,
l’industrie l’agro-alimentaire en ce début d’émancipation, deviennent une habitude chante par le progrès technologique. On les marques rétrecissent les focales et
du XXème siècle, les acteurs économiques de consommation. passe des promesses d’un futur plutôt parlent de bénéfices au quotidien: une
lointain aux produits de demain; Il ne s’agit femme d’affaire rentre plus vite chez elle
Extraits Collections : donc plus de vendre le monde de demain grace à un taxi volant; un homme attablé
Série Vieillemard, 1899 • Au Bon Marché, 1909 • Chocolat Lombart, 1912 • Margarine Echte en soit, mais de s’adresser à chacun à son bureau travail grace à des outils
Wagner, 1930 • Byrrh, 1930 • Westminster Tobacco 1938 • Whisky Seagram, 1943-1947 • des individus dans leur quotidien. Les technologiques, etc. Les rares scénarios
Chocolat Aiglon, 1953 • Chocolat Cantaloup, 1954. marques axent leurs récits du futur sur de transformations hollistique de nos
des petits détails, des usages particuliers quotidiens existent mais sont traités en
A Dessiner le futur de son industrie facilités grace à des objets et des animations, comme si ce medium, plus
solutions concrètes. Dès lors une forme distant et onirique, était moins engageant.
Pendant la seconde guerre mondiale en réseaux. Ces entreprises commandent
et juste après, une autre approche, à la à des illustrateurs des visions du futur qui Extraits :
croisée de l’innovation, de la conquête des attestent que leurs industries incarnent Corning - Une journée en verre, 2011 • COOP x Carlo Ratti Associatti - Future Food District,
marchés et de la communication, émerge. - et construisent - au mieux le futur de 2015 • Lacoste - Le Tennis de l’Avenir en 2083, 2011 • Samsung - Future Home, 2015 • Toyota
Elle émane en général de l’industrie lourde, nos usages. La prophétie devient alors - E-Palette, 2015 • Ikea x Ideo - Concept cuisine 2025, 2015 • Near Future Laboratory x Boris
des fournisseurs d’énergie ou de services utilitariste. Design Studio - Catalogue Ikea Dans Un Avenir Proche, 2015 • JLL - Lieu de travail du futur :
Comment travaillerez-vous en 2030 ? ,2016 • Nissan x Foster&Partners - La station service
Extraits : du futur, 2016 • Electrolux - Electrolux Design explore la smart home de l’avenir, 2017 • Uber
America’s Independent Electric Light and Power Companies • American Railroads • Bendix • - Uber Air concept, 2017 • Hyundai - Mobility vision ,2017 • SPACE10 - Space on wheel, 2018 •
Boeing • Bohn • Don Davis • General Electric • NatOilGeaSea • Rick Guidice • Socony Mobile SPACE10 x Effekt architects, 2019 • Toyota x BIG Bjark Ingels Group - Woven city, 2020.

16 17
Design in Fiction Les usages tels qu’ imaginés dans les fictions d’anticipation
D Nos usages quotidiens dans les fictions
Les récits d’anticipation, se révèlent
- au-delà de leur statut d’œuvres ou
de divertissement - comme étant
l’expérience d’autres réalités possibles
: contraintes qui nous sont étrangères,
logiques socio-économiques divergentes,
milieux naturels inexistants, distances
incommensurables, gravités variables…
Littérature, bande-dessinée, cinéma
et séries constituent notre terrain de
recherche. Ces récits d’anticipation
E Anticipation des problèmatiques
Les fictions d’anticipation sont des
spéculations sur des mondes qui pourraient
être. Elles révèlent les problématiques
d’aujourd’hui. Elles fonctionnent comme
un miroir déformant de nos réalités en
extrapolant des conséquences. Elles
sont souvent considérées comme des
pares-feux, des avertissements afin de
porter un regard critique face à certaines
évolutions de nos façons d’être au monde.
Elles fonctionnent souvent aussi comme
18
D F
permettent d’envisager d’autres mondes
que le nôtre - et d’y expérimenter de
nouveaux usages ! Nous nous intéressons
ici à mettre en relation les usages du
quotidien tels que mis en scène dans les
récits d’anticipation. Habiter, prendre soin
de soi, s’alimenter, travailler, se déplacer….
Autant de pratiques quotidiennes qui sont
représentées dans ces récits du futur de
manière (trop) souvent identiques : nos
imaginaires seraient-ils en panne ?
des outils - d’éducation ou d’acceptation -
face aux problématiques anticipées.
Nous agençons dès lors des extraits de
fictions qui, pour nous designers, illustrent
les problématiques qui sont désormais
essentielles pour répondre aux enjeux
qui sont les nôtre : Réalités alternatives,
société de notation, augmentation de
l’humain, design du vivant, agentivité de la
machine.
Design as Fiction La fiction comme outil spéculatif du designer
F Le Design comme fiction
S’inscrivant dans une forte tradition technologiques ou sociétaux, par le biais
de fictions créées par des designers, d’objets ou de dispositifs ; à la manière des
notamment les radicaux italiens, les accessoires des films de science-fiction. Il
années 1990 voient naître un mouvement ne s’agit pas de trouver une application à
de designers et d’artistes qui se saisissent partir d’une technologie ou d’un matériau,
de la fiction, créent des objets et des mais au contraire de questionner un
scénarios d’usages spéculatifs. Le design nouveau comportement, de comprendre
critique est un moyen de réinvestir la quelles conséquences sur les usages
liberté des futurs. Son principe est de pourraient avoir certaines innovations
matérialiser les changements possibles, technologiques.
Extraits :
Haus-Rucker-Co - Mind Expander, 1967 • Kac Eduardo - A-Positive, 1997 • Studio Makkink
& Bey - Extrusion Bench, 1998 • MVRDV - Pig City, 2001 • James Auger & Jimmy Loizeau -
Audio tooth implant, 2001 • James Auger & Jimmy Loizeau - Augmented animals, 2001 • Elio
Caccavale - Utility pets, 2004 • Studio Makkink & Bey - 4050 Slow Car, 2006 • James Auger
& Jimmy Loizeau - Afterlife, 2009 • Art Orienté Objet - Que le cheval vive en moi !, 2011 •
Ludwig Zeller - New needs in an augmented world, 2011 • Ai Hasegawa - I wanna deliver
a shark, 2012 • Julien Prévieux - What shall we do next, 2014 • Near Future Laboratory -
Curious rituals, 2014 • Near Future Laboratory - TBD Catalog, 2014 • Doris Maria Feurstein -
Orgument : upgrade your organ, 2014 • Agi Haines - Hemorrhaging robot, 2014 • Agi Haines
- Transfigurations, 2015 • Simone Rebaudengo and Haque Design+Research - Addicted
toaster, 2015 • Simone Rebaudengo - The teacher of algorithms, 2015 • Tim Clark and
Frank Kolkman - Black gold, 2015 • Superflux - Uninvited Guests, 2015 • Keiichi Matsuda -
Hyper-reality, 2016 • Magali Barbé - Strange beasts, 2017 • Greenpeace - ORIZON Immobilier
Prédictif, 2017 • Bernhard Hopfengärtner - Moving parts, 2018 • Near Future Laboratory
- Carte AV GVA, 2019 • Superflux - Better care, 2019 • Superflux - Mitigation of shock, 2019
• Antoine Loeff Barthélémy - Manufacture poétique d’iceberg artificiels, 2019 • Keiichi
Matsuda - Merger, 2019
19

Pour des futurs alternatifs
Explorer ainsi les fictions qui ont modelé
l’imaginaire du siècle passé nous montre
non seulement que la réalité a parfois
déjà dépassé la vision, mais aussi que peu
de nouveaux thèmes d’anticipation sont
apparus ces dernières décennies, malgré
l’évolution du monde.
Est-il toujours aussi judicieux de perpé-
tuer le mythe de la conquête de Mars, la
fascination des mégapoles, ou le culte
des humanoïdes, lorsque la planète est en
danger, et que les terriens se cherchent
un nouveau destin ?
Qui ne vit pas tiraillé par ces paradoxes
dont l’issue semble, individuellement et
collectivement, insurmontable ?
20
Les apocalypses qu’on nous promet ne
sont-elles pas la conséquence de ces
rêves déchus, ou ne devraient-ils pas tout
au moins nous inciter à changer de cap ?
Quelles alternatives avons-nous pour nous
projeter dans un futur moins noir que celui
qui semble poindre avec fatalité ? Nous
pensons que d’autres visions du futur
existent ou sont à inventer, et qu’il faut
continuer à mettre à profit la force perfor-
mative des récits pour ré-enchanter nos
modes d’existence. La dernière partie de
l’exposition est dédiée à la création des
futurs désirables.
4
R AT O I R E
L E L A B O
I CT I O N
SENS-F
Le design en quête de nouveaux imaginaires.
Les champs narratifs et fictionnels ont apocalypses de plateforme, indispensable
été utilisés avec succès au cœur du pour concevoir avec un nouvel élan le
XXème siècle. De ces récits populaires monde de demain.
naquirent des vocations, des destinées, et
une forte croyance commune en l’avenir Retrouver la force performative des récits
indispensable pour fédérer une société. sur nos usages : Sens-Fiction a été créé
La convergence d’ambitions entre les dans cet esprit collectif et visionnaire
différents acteurs de l’innovation, grâce qui réunit industriels, entrepreneurs,
à l’instauration d’une croyance sans faille ingénieurs, créateurs et penseurs, pour
dans les technologies, a créé un élan sans imaginer des futurs désirables.
précédent.
Cette époque est révolue. D’autres enjeux
nous font face. Ils nous engagent à revoir
la place et le sens de notre présence au
monde. L’usage des imaginaires demeure,
lui, à l’heure des effondrements et des
21

Les fictions désirables.
RF Studio et son Bureau des Usages
expérimentent une démarche de création
collaborative, où récit et design se
conjuguent pour imaginer des trajectoires
alternatives. Nous investissons ici
notre rôle de designer et de cellule de
recherche pour réenclencher la culture
des futurs et anticiper de nouvelles
façons d’être au monde. Ainsi, auteurs de
fictions, experts, opérateurs du quotidien
et designers se sont réunis dans un
laboratoire dématérialisé pour contribuer
à l’émergence d’autres futurs.
Pour ce faire, 5 axes de transformation, 5
trajectoires de valeurs, ont été identifié.
Ils nous paraissent aussi puissants
qu’incontournables pour contribuer à
nous émanciper des effondrements,
apparemment inéluctables. Ces futurs
s’incarnent dans des fictions inédites,
à travers des témoignages sonores
de personnages qui - depuis le futur -
nous interpellent et attestent - par leur
22
expérience de vie – d’une transformation
du monde.
Illustration : Ugo Bienvenu
« Au milieu des vivants »
Une piste de futur alternatif, mis en apprécier et respecter le vivant ?
récit par Jean Echenoz, auteur ; avec la Faut-il créer de nouveaux artefacts, de
participation de Marie-Angèle Hermitte, nouveaux protocoles de relations et de
directeur de recherche honoraire au communication avec les animaux et les
CNRS, François Bouteau, écophysiologiste, végétaux ? Explorons les usages et les
membre du laboratoire interdisciplinaire moyens propices à créer un ensemble
des énergies de demain, université Paris- d’espèces vivantes qui coexistent et se
Diderot, et l’aimable contribution de Veolia respectent.
et ses collaborateurs : Frédéric Haas,
directeur de la communication Veolia
Eau - Hauts de France et Gregory Saunier,
directeur général adjoint de Iléo.
Vers une symbiose des vivants.
L’homme moderne s’est pensé en
dehors de la nature. Cette distanciation
a enclenché une logique d’exploitation
et un affaiblissement de la biodiversité.
Comment alors renouveler nos rapports
aux autres formes de vie ? Comment
organiser des systèmes plus égaux entre
vivants humains et vivants non-humains ?
Comment apprendre à mieux comprendre,
23
 Illustration : Ugo Bienvenu

Illustration : Ugo Bienvenu

« L’instinct matériel »
Une piste de futur alternatif, mis en récit
par Catherine Dufour, auteur ; avec la
participation de Samuel Bernier, designer
industriel, Antoine Asfar, ingénieur-
entrepreneur, Dominique Bourg, … et
l’aimable contribution de Leroy Merlin et
ses collaborateurs : Christophe Sapena,
designer, Carole Boudeau, sociologue,
Hélène Destombes, responsable des
etudes consommateurs, Olivier Lamblin,
designer.
Vers un nouveau rapport à la
consommation.
Alors que notre schéma productif est
devenu essentiellement consumériste,
la possession d’artefacts n’a pas pour
autant satisfait notre quête de bonheur.
S’il ne s’agit pas de prôner le frugalisme, ni
d’éluder la nature humaine d’entreprendre,
il est en revanche opportun d’augurer
d’un nouveau rapport aux objets et à leur
consommation. Cette réinvention positive
passe par la redéfinition de nos besoins et à
la manière de les produire, dans le respect
de notre environnement. Pourrions-nous
envisager, face à l’obsolescence, une
production durable, réparable, évolutive
? Et si les déchets étaient à l’avenir des
ressources ? La compréhension et le
respect des cycles de vies des matières
et des produits serait-elle une approche
suffisamment puissante pour diminuer la
pollution ? De l’écoconception au design
open-source, de l’entreprenariat aux
habitudes de consommation : explorons
de nouvelles façons de produire et de
consommer.
« L’emploi du temps »
Une piste de futur alternatif, mis en récit initier de nouveaux métiers ? Plutôt que
par Maylis de Kerangal, auteur ; avec d’envisager sa fin, explorons de nouvelles
participation de Tom et Jean-François Rial, modalités du travail à même de réconcilier
maraîchers et entrepreneurs. individu et collectif, ville et campagne,
salaire et passion.
Vers une redéfinition du sens du travail.
Face à l’automatisation généralisée, le
travail a peu à peu perdu le sens de sa
vocation première, glissant vers une
somme de tâches à effectuer sans
valeur ajoutée, sans compréhension du
résultat. La présence de l’intelligence
artificielle aux côtés des machines nous
amène plus encore à reconsidérer le
travail humain et ses mutations. Va-t-on
modifier notre manière d’occuper notre
temps ? L’engagement, la quête de sens
et de valeurs, la coopération vont-ils
participer au réenchantement du monde
professionnel ? La reconnexion à la terre,
au temps long ne présagent-ils pas d’une
nouvelle relation au travail ? Une maîtrise
raisonnée des technologies va-t-elle

24 25

« Les sens communs »
Une piste de futur alternatif, mis en récit
par Xabi Molia, auteur, avec la participation
de Yves Citton, philosophe et essayiste,
et l’aimable contribution de Entreprises
et Cités et ses collaborateurs : Jean-
Pierre Letartre, Président d’Entreprises
et Cités et Sébastien Duprez, directeur
du développement, marketing & de transmettre, de s’informer ? Nos
communication. Elvira Shvekher,
Facilitatrice – Animatrice de parcours
de co-développement, Alex Marchal,
Directeur Général Batixis, Thierry Dujardin,
Directeur Général d’Entreprises et Cités.
Vers une société plus collaborative, pour
le bien commun.
La modernité a privilégié la satisfaction
des besoins individuels, en fragilisant le
pouvoir du collectif. Or, le partage et la
mise en commun accroissent la valeur
de notre capital social, culturel, humain
et économique. La prise de conscience
actuelle des défis de l’anthropocène et
26
Illustration : Ugo Bienvenu
Illustration : Ugo Bienvenu
« En corps humain »
l’évolution des technologies permettent Une piste de futur alternatif, mis en récit leurs performances ? Ne devrions-nous
une réinvention des usages en par Benjamin Abitan, auteur ; avec la pas prôner la diversité, la différence, la
communs : circuits courts, transmission participation du Pr. Jacques Marescaux, singularité comme des valeurs essentielles
des connaissances, gestion des biens professeur en chirurgie. de la beauté humaine ? La compréhension,
partagés. Autant d’enjeux incontournables par chacun, de son organisme, va-t-elle
pour un monde futur viable. Dès lors, faut-il Vers une résurgence de l’humanité dans favoriser l’automédication, la médecine
transformer notre manière d’apprendre, les corps. à distance, la médication de proximité ?
Dès lors, d’autres perspectives d’avenir se
usages, nos modes de vies vont-ils L’imaginaire du XXe siècle a privilégié une dessinent pour le corps humain.
adopter massivement la mise en partage évolution des corps modifiés, augmentés,
des ressources et des biens ? Les théories voire parfois remplacés par le biais
des communs peuvent-elles transformer des technologies - transhumanisme ;
nos certitudes quant à la propriété ? s’éloignant peu à peu de ce qui fait son
Les technologies seront-elles à même humanité.
d’amplifier le mouvement ? Cherchons par Face à cette vision de l’homme augmenté,
le design à diffuser dans les usages cet d’autres perspectives ne seraient -
élan en commun. elles pas plus désirables ? Ne vaudrait-
il pas mieux défendre l’idée d’un
épanouissement de l’être humain, fier de
ce qu’il est ? Les avancées de la science
et des technologies ne devraient-elles pas
promouvoir l’amélioration de la santé, de la
longévité de la vie pour tous, du bien-être
des humains, plutôt qu’amplifier toujours
27
 RF Studio - Bureau des Usages

Commissariat général
RF Studio - Bureau des Usages
Ramy Fischler
Scott Longfellow

Commissaires associés
Patrick Gyger
Irène Langlet
Claire Luna
Nicolas Minvielle
Nicolas Nova
Daniel Kaplan

Lille Métropole 2020, Capitale Mondiale du Design

Damien Castelain, Président du Comité d’Organisation

Denis Tersen, Directeur général
Caroline Naphegyi, Directrice des programmes

16 SEPT. 2020 — 15 NOV. 2020

LE TRIPOSTAL, LILLE

www.sens-fiction.org
#SENSFICTION #RFSTUDIO