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Le Pourquoi du Comment
Tome 2
Le Livre de Poche
2006
« Le premier degré de la folie est de se
croire savant. »
Fernando de Rojas (1465-1541).
Combattre l’obscurantisme
Le tome II de ce Pourquoi du comment vise toujours le même
objectif : éveiller (ou réveiller) la soif d’apprendre et de comprendre.
Avec le doute chevillé au corps, une notion essentielle à celui qui
veut progresser en toute humilité sur le chemin des connaissances.
Cette attitude volontariste refuse à l’évidence les embrigadements
de toute sorte, ceux qui sous-tendent de sournoises manipulations.
En effet, le savoir ne s’accommodera jamais des superstitions,
idolâtries, doctrines, fétichismes, rumeurs, racontars, suppositions
et à-peu-près. Ni de « la » vérité révélée.
Pourtant, en ce début de XXIe siècle, devins, magiciens et
gourous de tout poil continuent de proliférer en parfaite impunité.
Ces charlatans patentés exploitent et monnaient au prix fort
l’ignorance. Pis, ils l’encouragent astucieusement auprès des plus
faibles, donc des plus vulnérables, avec l’insidieuse volonté
d’entretenir l’obscurantisme, source de peur et de soumission. Deux
notions fondamentales au développement du florissant fonds de
commerce de tous ces aigrefins qui ont souvent l’outrecuidance
d’appeler à la rescousse de ronflantes pseudo-sciences fabriquées de
toutes pièces dans leurs arrière-boutiques nauséabondes pour
maintenir l’humanité sous la sujétion de vaines croyances
moyenâgeuses.
Face à une telle démission de l’intelligence, les authentiques
chercheurs, toutes disciplines confondues, doivent se mobiliser
d’urgence s’ils veulent éviter que leurs futures générations de
confrères ne redeviennent un jour de dangereux suspects promis à
de nouveaux bûchers. Qu’ils se souviennent que les empêcheurs de
penser en rond ont toujours été persécutés. Et tous ceux qui
mesurent chaque jour davantage l’étendue des dégâts savent qu’il
nous reste un colossal travail pédagogique à accomplir pour sortir
de cette oppressante situation qui glorifie la bêtise, la passivité, le
mystère, le paranormal ou les « sciences » occultes. Pour s’en
convaincre, il suffit de rappeler que le créationnisme retrouve une
vigueur malsaine. Notamment aux États-Unis, mais aussi en Europe
et en France où quelques thuriféraires provocateurs n’hésitent pas à
relayer ces thèses absurdes.
Halte au délire sectaire !
À l’aube du troisième millénaire, songez que les créationnistes
s’arc-boutent encore sur la Bible, plus précisément sur le Livre de la
Genèse, pour promouvoir leur théorie. En effet, ce dangereux gang
d’illuminés persiste à insulter Charles Darwin (1809-1882) et les
actuels défenseurs de la théorie de l’évolution biologique qu’ils
qualifient de « scientistes » ou de « rationalistes bornés », tandis
que leurs chafouins adeptes zélés osent toujours prétendre que la
Terre, Adam et Ève – mais aussi les dinosaures ! – apparurent
comme dans un rêve éthéré il y a tout juste six mille ans. Pourtant,
personne n’a jamais relevé la moindre allusion à de quelconques
dinosaures (qui ont vécu entre – 230 et – 65 millions d’années)
dans la Bible. Les créationnistes font fi de l’existence de fossiles
antérieurs au Néolithique et de quelques autres broutilles
subalternes. Du même coup, ils résolvent l’énigme de la disparition
des dinosaures : anéantis par le Déluge, faute d’avoir pu embarquer
sur l’Arche de Noé !
Nous sommes évidemment là dans un délire sectaire absolu qui
n’a rigoureusement rien à voir avec une réflexion philosophique sur
la notion de croyance en un principe divin. Franchement, tout cela
ferait rire de bon cœur si nous n’étions confrontés à des
mouvements fort bien organisés qui parviennent à s’immiscer
jusque dans le système éducatif américain. Voire à exiger, procès
retentissants à l’appui, que la thèse créationniste soit enseignée
comme une « science » véritable, au même chapitre que le
darwinisme. Fort logiquement interdit de cursus scolaire par la
justice d’outre-Atlantique en 1987, l’ancien mouvement
créationniste classique refait donc actuellement surface sous les
atours rénovés de l’Intelligent Design (Dessein intelligent). Et il sert
une nouvelle soupe plus « technique » pour repartir à l’assaut de la
démarche scientifique. Comme s’il voulait à tout prix contrecarrer
les avancées de la recherche et interdire à l’esprit humain de
s’interroger sur les lois qui gouvernent l’Univers.
En fait, le créationnisme s’attache à figer les consciences dans le
fixisme. Cette thèse défendue par Carl von Linné au milieu du
XVIIIe siècle prône notamment l’invariabilité des espèces issues de
la création divine. À l’évidence, il y a chez les adeptes de cette
théorie de l’immobilisme la crainte de comprendre, de chercher et
de découvrir. Ils se complaisent finalement dans le confort douillet
du refus de tout chambardement de leurs schémas archaïques. Par
peur bien sûr, mais aussi pour entretenir sciemment l’angoisse
autour d’eux et pour maintenir sournoisement l’humanité dans
l’ignorance. Comme s’il fallait l’empêcher d’avancer vers la liberté
de conscience et d’action. C’est-à-dire vers une conception du
monde qui dérange pas mal de petits pouvoirs réels ou mesquins
qui régissent l’organisation de la société civile et des religions.
Aussi convient-il de relever le défi de la connaissance. En toute
modestie, mais avec une détermination sans faille. Ainsi, ce livre n’a
pas d’autre ambition que d’accompagner le lecteur dans la
compréhension de quelques notions fondamentales, qu’il s’agisse
d’histoire, de civilisation, d’espace ou de sciences. Une approche qui
encourage chacun à approfondir tel ou tel domaine en fonction de
ses propres centres d’intérêt. Car les pages qui suivent ne proposent
pas l’arrogant étalage d’un hypothétique savoir. Bien au contraire !
Il suffit d’ailleurs de commencer à chercher des réponses à de
banales questions pour se ranger immédiatement aux côtés de ceux
que la modestie grandit et pour fuir les cuistres infatués. Car, face
aux multiples facettes de la connaissance, aussi bien que devant les
insoupçonnables champs inexploités qui restent encore à déchiffrer,
il n’y a aucune place pour les mirliflores bouffis de suffisance qui ne
se plaisent qu’à pérorer. À l’inverse, la seule attitude authentique se
nourrit aux sources du doute et de l’humilité. Car un cerveau
humain en éveil ne s’emmure jamais dans de stériles convictions. Il
s’enrichit de nouvelles analyses et peut potentiellement accepter
l’idée que l’autre a peut-être raison. C’est un adepte gagné au camp
de la tolérance. Dans ces conditions, il pourrait sembler légitime de
laisser l’humain assouvir son appétit de connaissances. Pourtant,
certains apprentis sorciers ont toujours pensé qu’il convenait plutôt
de le laisser croupir dans l’ignorance. Pour mieux l’asservir. Pour le
réduire à l’esclavage, puis à la domesticité.
Certes, en ce début de XXIe siècle, la raison, le savoir et la logique
commencent à avancer. Pas à pas, ces notions pénètrent les rouages
de l’esprit humain et contribuent à atténuer les comportements
superstitieux. Il n’en reste pas moins vrai que peurs, croyances et
angoisses collectives empoisonnent encore les différents aspects de
la vie quotidienne, qu’il s’agisse des relations sociales,
professionnelles ou familiales. Tout se passe comme si les avancées
du génie humain ne parvenaient toujours pas à anéantir des
craintes venues de la nuit des temps. Tout simplement parce que les
suppôts de l’obscurantisme s’évertuent sans relâche à barrer la
route aux humanistes qui prêchent le libre accès du plus grand
nombre à la culture et à l’éducation.
En fait, trop d’humains ont peur du lendemain. Car ils fuient la
remise en question de leurs certitudes et évitent de confronter leurs
convictions à de nouvelles hypothèses. Ils vivent en vase clos. Dans
le confort d’une prétendue vérité, unique, entière, indivisible,
imposée et immuable. Mais si jamais un paramètre vient troubler ce
fragile équilibre, plutôt que de chercher des explications solides, ils
s’en remettent aux mains des illusionnistes. Quelles que soient
leurs fringantes parures, ces dangereux mentors se disent porteurs
d’une solution ; voire détenteurs d’infaillibles secrets qui les hissent
au rang de médiateurs entre le vivant et le surnaturel. Et, comme
tous ces serviteurs d’un impénétrable au-delà promettent un
lointain paradis ou laissent habilement pointer une lueur
d’espérance susceptible de résoudre les difficultés de l’instant, ces
escrocs ne manquent évidemment pas d’adeptes fanatisés.
Le juteux marché de la
supercherie
Magiciens de l’Antiquité, mais aussi sorciers devins ou
guérisseurs du Moyen Âge, vendaient des miettes de plaisir, de joie
ou de bonheur, selon le degré de l’extase intimement recherchée par
une clientèle fidèle et charmée. À l’aube du troisième millénaire,
rien n’a changé. Les naïfs chalands ne manquent toujours pas. Ils
continuent de se repaître de platitudes, de paillettes, d’exubérances,
de boniments, de discours abscons, de promesses frauduleuses, de
logorrhées flatteuses… Angoissés et désespérés, ils se jettent
docilement dans les bras des nouveaux marchands du Temple qui
s’empressent, par exemple, de vendre aux plus crédules le hasard et
le mystère d’une force supérieure susceptible de leur transmettre la
chance, l’amour ou la fortune. D’autres vantent impunément les
mérites de leurs crèmes et méthodes amincissantes, de leurs gélules
aphrodisiaques et autres produits miracles contre le vieillissement.
Remèdes qui firent les beaux jours des plus anodins aspects de la
magie blanche du Moyen Âge.
Quant à l’éternel et universel besoin de connaître l’avenir, il n’en
finit pas de faire recette. Au point de s’affirmer, de décennie en
décennie, comme l’un des plus opulents marchés de la supercherie.
Astrologues, numérologues, voyants, marabouts, cartomanciennes
et chiromanciennes ne se contentent même plus de consulter par
téléphone. Ils conjuguent sans scrupule le virtuel au surnaturel et
recrutent désormais sur le réseau Internet. Ni vu ni connu ! Trois
clics et quelques dizaines d’euros plus tard suffisent à ces perfides
gougnafiers pour générer un salmigondis de lieux communs qui
défie le plus élémentaire bon sens.
Aujourd’hui, Lucifer et ses bandes d’audacieuses ballerines
sardoniques ne donnent plus de sabbats les soirs de pleine lune !
Toutefois, malgré les progrès de la science et de la médecine, les
postures superstitieuses persistent. Jeteurs de sorts, radiesthésistes,
Nostradamus d’opérette (en quête de reconnaissance universitaire),
rebouteux de bacs à sable et guérisseurs en tout genre exercent
toujours leurs lucratives turpitudes en plumant promptement les
gogos de leurs grigris. Fondée hier sur le terreau de l’illettrisme,
leur indécente activité continue de prospérer en flattant la naïveté et
en propageant la bêtise.
Il faut donc combattre toutes ces formes d’endoctrinement,
toutes ces chimères qui se tapissent ici ou là dans l’occultisme, la
divination, le spiritisme, l’envoûtement, l’incantation, l’ésotérisme,
les gesticulations, le mystère et les dogmes. Pour chasser ces
importuns, une seule solution : promouvoir par tous les moyens
l’éducation et le savoir, sous toutes les formes possibles, existantes
et à inventer. Seul l’accès à la connaissance permettra effectivement
à l’humanité de progresser. Car commencer à apprendre débouche
invariablement sur d’inédites questions et sur d’inconnus territoires
qu’il faudra s’employer demain à conquérir et à défricher.
Certes, pour comprendre les bribes d’un sujet, pour appréhender
son histoire et ses acteurs, il faut parfois accepter de marcher d’un
pied hésitant. Avec l’humilité qui sied au vrai curieux et rarement
en droite ligne. Mais cet apprentissage qui ouvre les yeux sur
d’innombrables rivages inexplorés conduit obligatoirement vers
l’émerveillement. Plus possible de renoncer. Le goût d’apprendre
devient jubilation, le besoin de transmettre et d’échanger s’installe.
Dès que le bonheur simple de la découverte l’emporte, confusion et
idées reçues refluent aussitôt. À condition que la vigilance sache
aussi rester de mise à chaque instant. Y compris face à ceux qui
pourraient pourtant bénéficier d’emblée d’un inaltérable crédit de
sympathie spontanée.
Chacun l’aura compris, le dessein de ce nouvel ouvrage peut se
résumer en une inextinguible volonté de promouvoir les vertus de
la raison, de la démarche scientifique et du savoir. De simplissimes
notions qui sauront peut-être sauver l’humanité dans la mesure où
elles enfantent beaucoup d’autres bienfaits. Et n’oublions jamais
que tout individu qui prend conscience de son ignorance fait déjà un
grand pas en direction du savoir. Cherchez, découvrez, apprenez et
transmettez… Il en restera toujours quelque chose d’utile.
Vie quotidienne