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Je m’appelle Elisabeth Abram, j’ai 55 ans et je suis exploitante agricole depuis 1990.

La
Patate, j’y suis née dedans, j’y suis tombée quand j’étais toute petite. Je suis montée sur un
tracteur à l’âge de 10 ans et depuis je n’en suis jamais redescendue.
Mes parents étaient agriculteurs tout comme ma grand-mère, et pourtant mes parents ne
voulaient pas que mon frère, ma soeur et moi prennions la relève, car agriculteur, c’est un
métier trop compliqué, trop difficile. J’ai 15 hectares en tout, 6.000m² de serres, 6.000m² de
chenilles nantaises, puis 2 ou 3 hectares de pommes de terre bâchées précoces. Cette année,
j'ai 8 hectares en culture et 6 en rotation.

La Bonnotte, ça ne date pas d’hier, déjà il y a 70 ans, ma grand-mère en cultivait. On a arrêté


un moment d'en faire parce qu’elle trop difficile à cultiver : les pommes de terre sont
attachées en grappe, les unes aux autres, ce qui veut dire que l'arrachage n’est pas
mécanisable. Dans le temps ils passaient avec le cheval et la charrue pour les déterrer, puis
tout le ramassage, comme aujourd'hui, se faisait à la main. On parle beaucoup de la Bonnotte
mais elle ne représente que 2% des pommes de terre produites par la Coopérative.
On croit généralement que la Bonnotte c’est une petite pomme de terre à taille unique. Pas du
tout. Quand on prend un pied de pommes de terre, il y a une partie qui est constituée de
grenailles, une autre de moyennes et une troisième de grosses. En général, il y a autant de
grosses que de grenailles. On ne peut pas faire des pommes de terre toutes identiques, c'est
impossible. Il n’y a pas que la Bonnotte : il y a la Sirtéma en primeur, la Iodéa, et après on
passe en Lady Christelle.

Moi, je ne fais que des pommes de terre: On fait en sorte de décaler les plantations pour
arriver à avoir des pommes de terre primeur du 20 mars au 30 juillet.
Si vous voulez que vos terres soient en bon état, il faut toujours être dedans, sinon c’est
l’herbe qui reprend le dessus. Après les dernières récoltes, on laisse les terres se reposer
jusqu'à la mi septembre. On va alors y retourner, les nettoyer, les desherber et puis y enfuir le
fumier. Ces travaux nous occupent généralement de septembre à novembre. Puis vient le
temps de retracer les sillons. Au mois de novembre, on reçoit nos plans qu’on a commandé au
mois d’aout, c’est le moment de passer à l’intérieur: On met les plans à germer: il faut gérer
l’hygromètrie, la ventilation et la lumière. Au mois de Décembre, on commence à planter
dans les serres et à suivre la croissance des cultures. C'est reparti pour une nouvelle année de
production. On met le système d'irrigation en place, les arceaux et les bâches pour protéger les
cultures du gel. Avec cela, ça fait 10 ans que je n’ai pas trouvé le temps pour des vacances.

A la Coopérative agricole de Noirmoutier, on est 28 coopérateurs. Quand on a décidé d’^tre


coopérateur on s’engage à apporter toute sa production à la coopérative qui est chargée en
autre, de la commercialiser. Quand on est coopérateur on doit suivre un cahier des charges
stricte élaboré par son Conseil d'administration.
Nos pommes de terre nous sont payées en fonction de leur calibre. Le calibre le plus cher
c’est la grenaille qui doit faire moins de 35 mm de diamètre. Puis vient la pomme de terre de
35 qu’on pourrait dire « normale », c'est la moyenne, puis c’est la grosse qui elle est très mal
payée. On peut vivre de l'agriculture, mais pas de la Bonnotte.
On reçoit tous les jours de la coopérative un quota d'arrachage à respecter. Le problème c'est
que nous on essaye de produire le mieux possible mais sans connaître le prix de ce que l’on
vend. On ne connaîtra le salaire de notre travail qu’à la fin du mois de juillet ou au début août.
Là, seulement, on saura si l'année a été bonne et si on a suffisamment d'argent pour pouvoir
continuer...
On ne vit de la pomme de terre que depuis qu’il y a l'irrigation. Avant les anciens comme nos
parents avaient 2 métiers. Il étaient soit marin-patate, soit pêcheur-patate, soit encore saunier-
patate: on ne pouvait pas alors vivre uniquement de la pomme de terre. A l’époque, la
coopérative pourtant existait bien, mais quand il y avait des sécheresses, il n’y avait pas de
patate. Aujourd’hui, on lisse les cultures, pour avoir le calibre qu’on veut.
La qualité de la Bonnotte, c’est le terroir qui la façonne. Le terroir c’est l'air salin de l'hiver,
les embruns de la mer et la terre sablonneuse.
Ici, à Noirmoutier, tous les terrains à pommes de terre sont cultivés. C’est pas compliqué, on
a un manque de terre, il n’y a plus de surface nouvelle à exploiter, alors on optimise tout. Non
seulement, l’île ne s’agrandit pas, mais elle diminue tous les jours.Tous les meilleurs terrains,
c’est les maisons qui les ont pris. On n'a pas le choix. On n’est pas propriétaire des terrains et
on doit libérer toutes les surfaces qu'elles soient cultivables ou non. Qu’on le veuille ou non,
les propriétaires sont seuls les maîtres chez eux.

Un des aspects de ce métier qui demande le plus d’expérience, c’est le tracé des sillons dans
lesquels on va enfouir la semance: Allez tracer des sillons droits dans un champ qui vient
d’être entièrement arasé…Ca ne s’apprend pas dans les livres mais au fils des années, sur le
terrain. Pour y parvenir, on fait comme les marins, on prend un point de repère et puis on va
droit, toujours tout droit. On regarde toujours devant, on ne regarde jamais en arrière. Sur un
terrain de 200 m, je peux vous dire qu’un jour on a essayé avec les GPS qui se mettent sur les
tracteurs. Arrivé en bout de champ, on avait des erreurs de plus de 5cm. quant on trace, on ne
doit pas faire d’erreur car les sillons doivent être espacés avec précision de 1m40. Quand on
passe après avec la charrue qui fait exactement 140 si les sillons sont pas droits on ne peut
rien faire de propre. Je vous le répète, il y a que l'homme qui est capable de faire ça
convenablement. Si, on arrive de vivre de la pomme de terre, c'est en raison de tout ce temps
qu'on passe dans les champs. Si un maçon n’est pas en permanence près de la maison qu’il
doit construire, l’argent de va pas rentrer. Une plante si elle a la soif ce n’est pas deux jours
après qu’il faut lui donner de l’eau.
Pour nous c'est pareil. J'ai une tonne par jour à arracher. Une tonne c’est à peu à peu près 2
sillons. En général un bon ramasseur fait 500kg par matinée. A 2 on doit faire 1 tonne dans la
matinée. Mais avec la bonnote, la cadence de ramassage est divisée par 2 car il faut détacher
les pommes de terres qui sont toutes attachées au même pied. Donc si la bonnotte n’est pas
payée plus cher ça nous intéresse pas. En général un bon ramasseur fait 500kg. A 2 on doit
faire 1 tonne dans la matinée. Dans une matinée de 4 heures on doit faire 4 tonnes, 3 tonnes ½
parce qu’on est 3 équipes. Mais là avec la bonnote, la cadence de ramassage est divisée par 2
car il faut détacher les pommes de terres qui sont toutes attachées au même pied. Donc si la
bonnotte n’est pas payée plus cher ça nous intéresse pas.

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