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Mémoire bibliographique

Le bet-hedging chez les


insectes parasitoïdes

Pauline Vuarin
M2 Ecologie Fonctionnelle, Comportementale et Evolutive
2009 - 2010

Encadrants : Joan van Baaren et Jacques van Alphen


Laboratoire EcoBio UMR 6553 CNRS

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SOMMAIRE

1. INTRODUCTION ...........................................................................2
2. ACCOUPLEMENTS.......................................................................5
3. SELECTION DE L’HOTE.............................................................6
3.1. SELECTION DE L'HABITAT DE L'HOTE .............................................6
3.2. SELECTION DE L’ESPECE HOTE ......................................................6
3.3. SELECTION DU STADE DE L’HOTE ..................................................8
4. STRATEGIES DE PONTE ............................................................8
4.1. NOMBRE D'ŒUFS PAR PONTE .........................................................8
4.2. SEXE RATIO DES DESCENDANTS .....................................................9
5. STRATEGIES D’EXPLOITATION DES PATCHS D’HOTES
..............................................................................................................10
5.1. EXPLOITATION DES PATCHS ET DEPART .......................................10
5.2. EVITEMENT DU SUPERPARASITISME .............................................11
5.3. EVITEMENT DE LA PREDATION ET DE L'HYPERPARASITISME .........13
6. DISPERSION ET DIAPAUSE.....................................................13
6.1. DISPERSION .................................................................................14
6.2. DIAPAUSE ....................................................................................14
7. DISCUSSION – CONCLUSION .................................................15
METHODES DE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE ............17

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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1. Introduction

La sélection naturelle favorise les stratégies qui maximisent la fitness, c'est-à-dire le


succès reproducteur des individus. Toutefois, la fitness d'un individu peut varier au cours du
temps. Dans un environnement fluctuant, la fitness sur le long terme est mesurée grâce à la
moyenne géométrique de la fitness à travers les générations, plutôt que par la moyenne
arithmétique. La moyenne géométrique est sensible à une variance élevée au sein des valeurs
moyennées, de part le facteur multiplicatif qu’elle comporte. En effet, si la fitness d'une
stratégie donnée est nulle au cours d'une génération, le génotype contrôlant cette stratégie
s'éteindra, même s'il s'agit du génotype le mieux adapté aux environnements précédents ou
futurs. La réduction de la variance de la fitness dans le temps permet donc de maximiser la
moyenne géométrique, au prix d’une diminution de la moyenne arithmétique (Fox & Rauter,
2003 ; Seger & Brockmann, 1987).

Tous les organismes sont confrontés aux fluctuations biotiques et abiotiques de


l’environnement. Le concept de bet-hedging, développé en écologie évolutive à partir de
modèles économiques, suggère que les variations environnementales imprévisibles favorisent
des génotypes qui maximisent la moyenne géométrique de la fitness en réduisant sa variance
(Hopper, 1999 ; Rajon et al., 2009). Un exemple théorique consiste en une espèce d’insecte
vivant dans un environnement fluctuant entre une saison courte et une saison longue. Elle est
composée de trois génotypes : un adapté aux saisons courtes, un autre aux saisons longues, et
un dernier produisant les deux phénotypes dans des proportions qui suivent les fréquences de
chaque saison (figure 1). La moyenne arithmétique de ce génotype polyphénétique est
inférieure à celle du spécialiste des années courtes lorsque ces années sont fréquentes, et
inférieure à celle du spécialiste des années longues lorsque ces années sont fréquentes.
Cependant, le génotype polyphénétique a une moyenne géométrique plus élevée que les
spécialistes quand aucune des deux saisons ne prédomine (Hopper, 1999).
Un individu peut réduire la variance de sa fitness grâce à une physiologie ou à un
comportement particulier. Cette stratégie permet à l’individu ou à ses descendants d'échapper
à de mauvaises conditions dans le temps ou dans l'espace, minimisant ainsi leur risque de
mortalité (Hopper, 1999).

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Plusieurs formes de bet-
hedging sont distinguées dans la
littérature, mais dans ce rapport
nous nous sommes focalisés sur
le bet-hedging diversifié, dans
lequel la réduction de la variance
de la fitness est réalisée par un
seul génotype qui exprime
plusieurs phénotypes pour faire
face aux changements de
l’environnement (Hopper, 1999 ;
Rajon et al., 2009).

Le bet-hedging est susceptible


d’être fréquent chez de nombreux
organismes, notamment chez
l’homme. En effet, un fermier
peut planter différents types de
céréales. Cette diversité lui
permet de s’assurer un revenu stable même en cas d’échec d’une des cultures ou d’un des
marchés céréaliers. Le concept de bet-hedging a également été développé chez les
arthropodes, notamment chez les insectes. Le bet-hedging peut toucher de nombreux traits
d’histoire de vie, dont la diapause (Hopper, 1999). Par exemple, des variations dans la durée
de la diapause entre les individus d'une même génération ont été montrées chez le charançon
de la châtaigne, Curculio elephas (Coleoptera : Curculionidae). Alors que certains individus
se reproduisent après un an, d’autres se reproduisent seulement après deux ans ou plus,
exprimant ainsi une diapause prolongée. La probabilité pour une larve d’entrer en diapause
prolongée dépend de son poids et de sa date d’abandon du fruit. Ces deux éléments dépendent
des conditions environnementales avant l’entrée en diapause, telles que la température ou la
nourriture. Cependant, ces deux facteurs ne peuvent prédire la qualité environnementale de
l’année suivante, celle-ci étant influencée par la sécheresse du sol, la consommation des
larves, ou encore leur attaque par des champignons au cours de l'été (Menu et al., 2002). Les
auteurs ont montré qu’une telle plasticité pour la durée de la diapause maximise la moyenne
géométrique de la fitness (car les descendants d’une même femelle émergent sur deux années,

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et ne peuvent pas tous mourir si les conditions sont défavorables l’une de ces années), et
correspond donc à du bet-hedging.

Dans ce rapport, nous nous sommes intéressés au bet-hedging chez les insectes
parasitoïdes. Un parasitoïde est un organisme se développant sur ou dans un autre organisme
hôte. Il en tire sa subsidence et le tue comme résultat direct ou indirect de son développement.
Les adultes mènent une vie libre et seuls les stades immatures se développent en parasites
(Eggleton & Gaston, 1990). Les parasitoïdes se situent ainsi à l’interface entre la prédation et
le parasitisme: ils sont prédateurs dans le sens où ils tuent leur hôte, et parasites dans le sens
où ils n’ont besoin que d’un seul hôte pour se développer (Godfray, 1994).
Peu d’études traitent du bet-hedging chez les insectes parasitoïdes. En effet, la synthèse de
Hopper (1999) sur le bet-hedging chez les insectes, basée sur 114 articles au total, n'en
comporte que six sur les parasitoïdes. Chez ces organismes, il existe un lien direct entre le
comportement de ponte et la fitness, et ils ont ainsi fait l’objet de nombreuses études en
écologie comportementale. Du fait de ce lien, ils ont été davantage étudiés dans une approche
d’optimisation de la moyenne arithmétique de la fitness par la sélection naturelle. Bien que de
nombreux auteurs aient étudié une grande variété des traits d’histoire de vie des parasitoïdes,
leurs relations avec leurs hôtes ou encore leurs stratégies d’exploitation de ces hôtes, la
relation entre ces éléments et l’imprévisibilité environnementale n’a pas forcément été
recherchée ni mise en évidence par la littérature. Le bet-hedging est pourtant susceptible
d’intervenir à différents niveaux de la vie des parasitoïdes, maximisant ainsi la moyenne
géométrique de leur fitness. Le travail de ce rapport a donc consisté à étudier la littérature
pour mettre en évidence des cas où une variance forte a été relevée pour certains traits, et pour
rechercher des comportements inattendus, inexpliqués, ou encore ne reflétant pas l’optimalité,
qui pourraient montrer l’existence d’éventuelles stratégies de bet-hedging non explicitées par
les auteurs.

Nous avons ainsi recherché des stratégies de bet-hedging aux différentes étapes de la vie
des parasitoïdes. Dans une première partie, nous abordons les accouplements. Nous nous
intéressons ensuite à la sélection de l'hôte dans une deuxième partie, aux stratégies de ponte
dans une troisième partie, et à l’exploitation des patchs d’hôtes dans une quatrième partie.
Enfin, nous terminons en nous penchant sur la dispersion et la diapause.

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2. Accouplements

L'évolution des accouplements multiples chez les femelles (polyandrie) a fait l'objet de
nombreuses études ces dernières années. Alors que l'avantage en termes de fitness est évident
pour les mâles car chaque nouvel accouplement leur permet d'augmenter le nombre de leurs
descendants, les bénéfices pour les femelles peuvent se manifester de plusieurs manières. Ces
bénéfices pourraient être matériels d'une part (cadeaux nuptiaux, réserve en sperme, soin
paternel...), ou génétiques d'autre part (acquisition de bons gènes ou augmentation de la
diversité génétique au sein d'une ponte) (Yasui, 1998 ; Burton-Chellew et al., 2006).
Plusieurs auteurs ont relié ce dernier point au bet-hedging pour expliquer l'évolution des
accouplements multiples chez les femelles, et deux hypothèses de bet-hedging génétique ont
ainsi été développées. La première s'intéresse à la fitness des femelles au sein d'un même
environnement: le bet-hedging génétique favoriserait l'évolution de la polyandrie en réduisant
la probabilité que tous les œufs d'une femelle soient fertilisés par un mâle de faible qualité. Si
les femelles n'ont pas la capacité de déterminer la qualité génétique du mâle, elles réduiraient
ainsi leurs erreurs d'évaluation en s'accouplant avec plusieurs mâles, susceptibles de posséder
de « bons » gènes. La seconde hypothèse s'intéresse à la fitness des femelles dans des
environnements variables: le bet-hedging génétique favoriserait l'évolution de la polyandrie
en réduisant la probabilité que tous les œufs d'une femelle soient fertilisés par un mâle mal
adapté à l'environnement actuel. Dans un environnement fluctuant, les femelles ne peuvent
prédire les « bons » gènes requis pour leurs descendants et n'ont pas de critères de sélection
concernant les mâles. Les accouplements multiples seraient alors avantageux pour la femelle
car ils permettraient d'augmenter la diversité génétique des descendants, assurant ainsi qu'au
moins une partie d'entre eux survivrait (Fox & Rauter, 2003 ; Yasui, 1998).
Jacob et Boivin (2004) ont étudié les accouplements multiples chez les femelles
parasitoïdes Trichogramma evanescence (Hymenoptera : Trichogrammatidae). Les résultats
ont montré que les femelles reçoivent suffisamment de sperme par un seul accouplement, et
qu’elles n’obtiennent pas de bénéfices matériels grâce aux accouplements multiples
(accumulation ou réapprovisionnement de sperme par exemple). Cependant, les femelles ne
pouvant distinguer un mâle vierge d’un mâle dont les réserves en sperme sont épuisées, elles
pourraient s’accoupler à plusieurs reprises pour maximiser la probabilité de se reproduire avec
un mâle contenant encore du sperme, ou pour obtenir des bénéfices génétiques (variation ou

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qualité génétique) (Jacob & Boivin, 2004). Les accouplements multiples sont donc
susceptibles de correspondre à du bet-hedging chez cette espèce.

3. Sélection de l’hôte

3.1. Sélection de l'habitat de l'hôte


Alors que certains parasitoïdes sont spécialistes d’un habitat ou d’une espèce hôte, d’autres
sont généralistes, c'est-à-dire qu’ils peuvent parasiter plusieurs espèces hôtes, qui se
développent dans le même ou dans différents habitats (Godfray, 1994).
Le parasitoïde Leptopilina clavipes (Hymenoptera: Figitidae) est généraliste, et s’attaque
aux larves de plusieurs espèces du genre Drosophila (Diptera: Drosophilidae) qui sont
retrouvées dans différents habitats. En effet, Drosophila phalerata se développe sur des
champignons, Drosophila subobscura sur des plantes et des fruits en décomposition, ainsi que
sur des champignons, et Drosophila melanogaster sur des fruits fermentés. Pannebakker et al.
(2008) ont comparé la survie et le comportement de sélection de l'hôte entre deux populations
de L. clavipes, une originaire du nord-ouest de l'Europe (Pays-bas), et l'autre du sud de
l'Europe (Espagne). Lors de tests de choix, les auteurs ont présenté aux femelles des paires de
larves des trois espèces hôtes présentes dans les deux régions, mais se développant sur des
substrats différents. Les résultats ont montré que les parasitoïdes espagnols sont plus
généralistes et acceptent tous les hôtes proposés, tandis que les parasitoïdes hollandais sont
plus spécialistes et acceptent surtout les hôtes se développant sur des champignons
(Pannebakker et al., 2008). Par ailleurs, il existe un gradient d’imprédictibilité de l’habitat du
nord vers le sud. Les habitats du sud sont effectivement plus touchés par la sécheresse et les
champignons y sont plus rares. Chercher dans différents habitats et accepter des hôtes moins
profitables dans ces conditions devient alors adaptatif. Des divergences dans les stratégies
plus ou moins généralistes, entre populations, suggèrent ainsi que les parasitoïdes peuvent
avoir recours à du bet-hedging lors de la sélection de l'habitat de l'hôte.

3.2. Sélection de l’espèce hôte


Les parasitoïdes généralistes peuvent s’attaquer à plusieurs espèces hôtes, mais ils ont
souvent une espèce hôte préférentielle, qui procure les meilleurs bénéfices en termes de
fitness. Cependant l’acceptation d’espèces moins profitables est souvent constatée. Cela

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pourrait permettre au parasitoïde d’assurer sa reproduction malgré la disparition de son hôte
préférentiel.
Grâce à des modèles théoriques, Lapchin (2002) a déterminé le niveau optimal de
spécialisation dans plusieurs situations : lorsqu’une espèce hôte est attaquée par deux espèces
de parasitoïdes, et lorsqu’une espèce de parasitoïde est capable d’attaquer deux espèces hôtes.
Dans chaque cas, des environnements de différents degrés de prédictibilité ont été simulés.
Lorsque l’environnement est variable, le généralisme de la résistance de l’hôte et la
spécialisation de la virulence du parasitoïde sont favorisés, car les parasitoïdes peuvent choisir
leurs hôtes mais les hôtes ne peuvent choisir leurs ennemis. Dans ce cas, la stratégie la plus
efficace pour le parasitoïde est d’être capable d’attaquer les deux espèces hôtes, bien qu’ayant
une meilleure fitness dans l’un des deux (Lapchin, 2002). Nous pouvons assimiler la
spécialisation partielle du parasitoïde à une forme de bet-hedging, car elle lui permet de ne
pas trop diminuer sa fitness quand l’hôte préférentiel devient rare. Brassil (2007) a également
montré à partir d’un modèle théorique que lorsque l’abondance des hôtes varie au cours du
temps, la stratégie optimale de recherche d’un parasitoïde est altérée et évolue vers une
stratégie généraliste. Il conclut aussi que la sélection favorise les généralistes dans un
environnement variable, idée que nous relions à nouveau au bet-hedging.
Le parasitoïde Leptopilina boulardi (Hymenoptera: Cynipoidea), retrouvé à la fois dans
des zones méditerranéennes et dans des zones africaines tropicales, parasite des larves de
plusieurs espèces du genre Drosophila (Diptera: Drosophilidae). Les drosophiles peuvent
résister à l'attaque du parasitoïde en encapsulant ses œufs, causant ainsi leur mort, mais la
capacité d’encapsulation varie selon les espèces. La virulence du parasitoïde contre
Drosophila melanogaster, c'est à dire sa capacité à éviter la résistance, varie avec sa
répartition géographique. Alors que les populations méditerranéennes sont très virulentes
contre leur hôte principal Drosophila melanogaster, les populations congolaises le sont
moins, mais se développent avec succès dans une espèce africaine tropicale, Drosophila
yakuba (Dubuffet et al., 2006). Les auteurs ont alors réalisé des tests de préférence au
laboratoire, afin de comparer le choix de femelles issues d'une lignée méditerranéenne
(Tunisie) avec le choix de femelles issues d'une lignée africaine (Congo). Bien que les
femelles issues de Tunisie pondent davantage dans D. melanogaster (93,9%) que dans D.
yakuba (74,0%), et que les femelles issues du Congo pondent davantage dans D. yakuba
(91,4%) que dans D. melanogaster (77,7%), les femelles des deux populations acceptent de
pondre dans les larves des deux espèces hôtes (Dubuffet et al., 2006). L'acceptation d’un hôte
différent de l'hôte préférentiel suggère du bet-hedging chez L. boulardi.

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3.3. Sélection du stade de l’hôte
Le choix du stade de l'hôte dans lequel les femelles parasitoïdes pondent influence leur
fitness. En effet, les jeunes stades résistent moins à l'attaque du parasitoïde que les stades
âgés, mais sont plus sensibles et exposés plus longtemps à la prédation, pouvant causer la
mortalité des descendants parasitoïdes qu'ils contiennent (Colinet et al., 2005).
L’endoparasitoïde solitaire Aphidius ervi (Hymenoptera: Aphidiidae) dépose ses œufs dans
différents stades du puceron Myzus persicae (Homoptera: Aphididae). Les hôtes de stade
intermédiaire (entre 5 et 7 jours) sont plus souvent parasités, car les stades plus jeunes sont
associés à une mortalité élevée, probablement liée aux blessures causées par la ponte (piqûre
et/ou injection de venin), et les stades plus âgés à des mécanismes de défense tels que des
coups de patte et des réponses immunitaires plus élevées contre le parasitisme. Cependant, A.
ervi accepte de pondre dans l’ensemble des stades de l’hôte malgré cette préférence, et ses
descendants sont capables de se développer quelque soit l’âge de l’hôte (Colinet et al. 2005).
En ne limitant pas leur ponte aux stades préférentiels, les femelles pourraient ainsi avoir
recours à une stratégie de bet-hedging.
Un phénomène similaire a été observé chez d'autres espèces de parasitoïdes. En effet, une
étude a été réalisée sur la capacité du parasitoïde Aphidius colemani (Hymenoptera:
Aphidiinae) à parasiter différents stades de son hôte Aphis gossypii (Hemiptera: Aphididae).
Bien que les deux premiers stades soient majoritairement parasités, les femelles sont
également capables de déposer leurs œufs dans les quatre stades (Lykouressis et al., 2009).
Les jeunes stades semblent donc correspondre aux stades préférentiels, mais ils représentent
aussi les stades les plus exposés à la prédation et au superparasitisme. Les femelles ne
possédant pas d’informations sur la probabilité de ces évènements, pondre dans tous les stades
leur permettrait de compenser la mortalité liée aux jeunes stades préférés, et pourrait
correspondre à du bet-hedging

4. Stratégies de ponte

4.1. Nombre d'œufs par ponte


Le nombre optimal d’œufs par ponte a dans un premier temps été étudié chez les oiseaux
par Lack en 1947. Lorsque le nombre d’œufs par ponte augmente, la survie de chaque
descendant jusqu’à l’âge adulte diminue, et un nombre intermédiaire d’œufs maximise alors le

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nombre de jeunes survivants, qui représente une bonne mesure de la fitness des parents
(Charnov & Skinner, 1984 ; Charnov & Skinner, 1985 ; Skinner, 1985).
Cette théorie a ensuite été appliquée aux parasitoïdes par Charnov et Skinner (1984,
1985), et notamment aux parasitoïdes grégaires, chez lesquels plusieurs individus peuvent se
développer ensembles sur un même hôte (se différenciant ainsi des parasitoïdes solitaires)
(Godfray, 1994). Contrairement aux oiseaux, il existe de fortes variations dans la taille des
adultes reproducteurs, la taille affectant leur espérance de vie et leur fécondité. Les auteurs
ont alors calculé la fitness totale qu’une femelle pourrait obtenir en fonction du nombre
d’œufs par ponte. Sous l’hypothèse de Lack, la sélection naturelle devrait favoriser le nombre
d’œufs qui maximise cette valeur de la fitness. Cependant, les auteurs ont calculé cette valeur
pour deux espèces de parasitoïdes : Trichogramma embryophagum et Nasonia vitripennis, et
les femelles de ces deux espèces déposent moins d’œufs par ponte que le nombre prédit par
l’hypothèse de Lack (Charnov & Skinner, 1984 ; Charnov & Skinner, 1985). Plusieurs raisons
à ce phénomène de non optimalité ont été proposées. Les femelles pourraient déposer moins
d’œufs en raison du risque de prédation encouru pendant la ponte, des effets négatifs de la
ponte sur leur longévité, ou encore dans le but de parasiter un plus grand nombre d’hôtes
(Skinner, 1985). Toutefois, le bet-hedging n’a jamais été proposé comme explication
alternative à ce nombre d’œufs inférieur au nombre optimal, et aucune expérience n’a cherché
à le mettre en évidence.

4.2. Sexe ratio des descendants


La théorie de la « local mate competition » (LMC) a été formulée par Hamilton en 1967
pour les espèces dont les descendants s'accouplent au sein du patch natal avant leur
dispersion. Lorsque les descendants sont issus d'une seule femelle dans un patch, il est
adaptatif pour cette dernière de produire davantage de femelles et de limiter ainsi la
compétition entre les frères. En revanche, l'augmentation du nombre de femelles qui pondent
dans un patch entraîne l'augmentation de la compétition entre mâles non apparentés. La
sélection naturelle favorise alors les femelles qui produisent plus de mâles, qui pourront
également fertiliser les filles des autres femelles. Cette théorie prédit ainsi que la sexe ratio
dans un patch, c'est-à-dire le pourcentage de mâles, est fonction du nombre de femelles qui y
pondent (Grillenberger et al., 2009 ; Rabinovich, 2000).
Toutefois, trois facteurs pourraient conduire une femelle à produire des mâles
supplémentaires lorsqu’elle pond seule dans le contexte de la LMC. En effet, un contrôle
imparfait de l’allocation de la sexe ratio pourrait engendrer un risque que certaines pontes ne

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contiennent que des descendants femelles, qui n’auront aucune opportunité de reproduction et
donc une fitness nulle. Produire des mâles supplémentaires réduirait alors ce risque. Les mâles
peuvent également mourir au cours de leur développement ou à cause de maladies. Des mâles
supplémentaires pourraient ainsi être produits pour assurer la fertilisation des femelles malgré
la disparition de l’un des mâles. Enfin, la capacité d’insémination d’un mâle pourrait être
limitée (réserve en sperme, temps). Les femelles pourraient alors produire plus qu’un mâle
lorsqu’elles produisent un nombre de femelles supérieur à celui que le mâle pourrait
inséminer. Une augmentation du nombre de mâles est ainsi attendue avec l’augmentation de
la stochasticité dans l’allocation de la sexe ratio, avec l’augmentation de la mortalité des
mâles, et avec l’augmentation du nombre d’œufs par ponte. (Hardy et al., 2000). Dans ces
conditions, augmenter le nombre de mâles pourrait être considéré comme une forme de bet-
hedging.

5. Stratégies d’exploitation des patchs d’hôtes

5.1. Exploitation des patchs et départ


Pour les parasitoïdes dont les hôtes sont distribués en patchs, c’est à dire de manière
agrégative, le théorème de la valeur marginale, initié par Charnov en 1976, prédit la durée
optimale de résidence dans un patch. Le parasitoïde devrait quitter un patch lorsque son gain
de fitness instantané dans ce patch devient inférieur au gain moyen qu’il pourrait obtenir sur
l’ensemble des patchs du milieu (Muratori et al., 2008). Toutefois, lorsqu'il existe un risque
que certains patchs disparaissent de l'environnement, et avec eux des hôtes, les parasitoïdes
peuvent quitter le patch plus tôt par rapport à une exploitation optimale.
Cronin et Strong (1993) ont mis en évidence ce phénomène chez le parasitoïde Anagrus
delicatus (Hymenoptera: Mymaridae), qui se développe sur l'espèce hôte Prokelisia
marginata (Homoptera: Delphacidae) vivant sur les feuilles de Spartina alterniflora. En effet,
au laboratoire, les femelles contiennent en moyenne 33 œufs matures à l'émergence mais ne
parasitent que 6 hôtes (déposant ainsi seulement 18% de leurs œufs), avant de quitter les
patchs qui contiennent 81 hôtes. Dans la nature, le taux de parasitisme est plus bas puisque les
femelles contiennent en moyenne 19 œufs matures mais n'en déposent que 10,7% par patch,
ce taux variant avec les saisons (de 4% en hiver à 26% en été). Dans les deux cas, les femelles
quittent les patchs alors qu'ils contiennent encore de nombreux hôtes convenables et
disponibles, et avant d’avoir épuisé leurs réserves en œufs. Elles visitent ainsi plusieurs patchs

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au cours de leur vie, et présentent des taux de ponte sous optimaux. Les auteurs relient ce
comportement au fait que la plante sur laquelle se développent les hôtes perd 20 à 30% de ses
feuilles avant que les parasitoïdes ne puissent éclore. Un tel risque peut donc favoriser les
femelles qui répartissent leurs œufs à travers plusieurs patchs, réduisant ainsi le risque de
mortalité totale de leurs descendants (Cronin & Strong, 1993). Il est alors possible de qualifier
cette stratégie d'exploitation de bet-hedging, car elle permet d'éviter la perte de tous les
descendants en s'assurant qu'au moins une partie survivra à l'imprévisibilité
environnementale.
Une stratégie similaire a été trouvée chez un autre parasitoïde. En effet, Anaphes victus
(Hymenoptera : Mymaridae) parasite les œufs de l’hôte Listronotus oregonensis (Coleoptera :
Curculionidae), qui sont déposés sur des plantes exposées à de basses températures
hivernales. Les larves du parasitoïde ne peuvent tolérer des températures inférieures à -23°C.
La couverture de neige peut alors constituer une bonne protection contre le froid. Toutefois,
A. victus ne peut prédire, lors de la ponte à l’automne, quelles plantes seront recouvertes par la
neige au cours de l’hiver. En effet, le vent balaye la neige régulièrement, exposant certaines
zones directement à la température extérieure qui peut atteindre -35°C. Pour éviter de perdre
tous leurs descendants, les femelles changent alors leur comportement et augmentent la
dispersion de leurs pontes, parasitant moins d’oeufs par site, mais dans plus de sites (Hance et
al., 2007). Cette stratégie pourrait correspondre ici aussi à du bet-hedging.

5.2. Evitement du superparasitisme


Le superparasitisme se produit lorsqu’une femelle parasitoïde pond dans un hôte déjà
parasité par une autre femelle de la même espèce. Chez les parasitoïdes solitaires, cela aboutit
systématiquement à la mort d’une des deux larves, car un seul parasitoïde adulte peut émerger
par hôte. Chez les parasitoïdes grégaires, où plusieurs parasitoïdes peuvent émerger d’un
même hôte, il n’y a pas de compétition directe entre les larves en présence. Toutefois, la
notion de superparasitisme peut être appliquée lorsque plusieurs femelles pondent dans le
même hôte, car les larves se partagent alors la ressource, mais émergent avec une taille réduite
(et donc une fitness réduite) (Godfray, 1994). Lorsqu'une femelle parasitoïde dépose ses œufs
sur ou dans un hôte, elle ne peut prédire si une autre femelle attaquera cet hôte. Les
parasitoïdes sont donc également susceptibles de quitter un patch plus tôt par rapport à une
exploitation optimale lorsqu'il existe un risque de superparasitisme par des femelles
congénères.

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Visser (1995) a testé l'influence de la compétition intraspécifique chez l’endoparasitoïde
grégaire Aphaereta minuta (Hymenoptera: Braconidae), et notamment sur le nombre d'œufs
déposés par les femelles dans leurs hôtes, des larves de Drosophila hydei (Diptera:
Drosophilidae). Cette étude a consisté à garder des femelles seules ou en groupe de quatre,
avant de les introduire seules dans un patch contenant des hôtes non parasités. Les femelles
groupées avant l'expérience déposent des pontes 0,74 fois plus petites que celles des femelles
seules. Cette diminution de 14% du nombre d'œufs déposés, réalisée sans compétition directe
entre les femelles, est interprétée par l'auteur comme la réponse de ce parasitoïde à la
rencontre de congénères avant l’expérience. Cette étude a ainsi montré que les décisions de
ponte peuvent être ajustées au niveau de compétition. Ce potentiel est adaptatif lorsque le
niveau de compétition dans l’environnement naturel varie à une échelle temporelle ou
spatiale, ce qui a été démontré comme étant le cas sur un site naturel. La réduction du nombre
d'œufs se traduit par une augmentation de la taille des parasitoïdes émergents, et par une
augmentation de la fitness des femelles chez A. minuta (Visser, 1995). Ces éléments nous
permettent d’envisager l’ajustement du nombre d’œufs par ponte comme du bet-hedging.
Dans certains cas, c’est la femelle elle-même qui serait responsable du superparasitisme. Il
existe effectivement un risque pour une femelle, lorsque le patch est déjà largement exploité,
de rencontrer de nouveau un hôte qu’elle a elle-même parasité. D’autres auteurs ayant
travaillé sur l'exploitation incomplète des patchs par Anagrus delicatus (Hymenoptera:
Mymaridae) proposent une explication différente de celle de Cronin et Strong (1993). En
effet, cette espèce ne possèderait pas de capacité discriminatoire (Rosenheim & Mangel,
1994), c’est à dire la capacité pour une femelle de reconnaître les hôtes déjà parasités des
hôtes sains (van Baaren et al., 2004). Un départ précoce des patchs permettrait alors de
compenser cette incapacité et d'éviter l'auto-superparasitisme, dont le coût est élevé à la fois
en temps et en œufs. Ce coût serait suffisant pour expliquer un départ précoce d'après le
modèle (Rosenheim & Mangel, 1994). Cependant, les auteurs expliquent eux-mêmes que
plusieurs hypothèses ont été proposées concernant cette exploitation incomplète, dont celle de
Cronin et Strong (1993). A. delicatus pourrait également n’exploiter que les hôtes de la qualité
la plus élevée, ou partir précocement pour éviter que les stades immatures ne soient attaqués
par des prédateurs. Nous pouvons alors envisager qu'un départ précoce des patchs pour éviter
la mort des descendants associée à l'auto-superparasitisme, ou à la chute des feuilles, peut
constituer dans les deux cas une stratégie de bet-hedging. En effet, cela permettrait aux
femelles d'éviter la perte de la totalité de leurs descendants, et donc de maximiser leur fitness.

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5.3. Evitement de la prédation et de l'hyperparasitisme
Les hôtes parasités par des parasitoïdes peuvent subir de la prédation, entraînant
également la mort des descendants des parasitoïdes, ou de l'hyperparasitisme, qui se produit
lorsque la larve issue d'un œuf déposé par une première femelle parasitoïde est attaquée par la
larve issue d'un œuf déposé secondairement par une femelle d’une autre espèce de parasitoïde
(Godfray, 1994). Il peut ainsi être avantageux pour une femelle de quitter un patch plus tôt
lorsqu'elle est dans l'incapacité de prédire le risque de prédation ou d'hyperparasitisme.
Concernant la prédation, une étude a été réalisée sur l'effet de la présence d'un prédateur,
Macrolophus caliginosus (Hemiptera: Miridae), sur le temps de résidence dans un patch du
parasitoïde Aphidius colemani (Hymenoptera: Aphidiidae). Ces deux espèces peuvent être
retrouvées simultanément sur des patchs de pucerons. Les femelles A. colemani expriment
une tendance plus forte à quitter le patch en présence du prédateur, et investissent moins de
temps dans des activités telles que le repos par exemple. Les auteurs concluent que leurs
observations peuvent témoigner d'une stratégie adaptative d'exploitation chez A. colemani
(Martinou et al., 2009). Nous pouvons assimiler cette stratégie à du bet-hedging, puisqu'en
quittant les patchs plus tôt, les femelles visitent plus de patchs et répartissent davantage leurs
oeufs à travers les patchs, limitant ainsi l’impact de la prédation.
Concernant l'hyperparasitisme, Mackauer et Völkl (1993) ont étudié l'interaction entre des
parasitoïdes de la famille Aphidiidae (Hymenoptera) et des pucerons. Les auteurs ont montré
que dans les systèmes naturels, la plupart de ces parasitoïdes déposent moins d'œufs par patch
que le nombre d'hôtes disponibles. Ce phénomène pourrait résulter de l'attaque des
descendants par des hyperparasitoïdes, qui peuvent causer la mort de 50% d'entre eux. Si la
probabilité de mortalité des descendants augmente avec le nombre d'œufs par ponte, suite à
leur agrégation plus facilement détectable par les hyperparasitoïdes, il devient adaptatif pour
une femelle de disperser ses œufs plutôt que de maximiser le nombre de pontes dans un patch
de forte densité d'hôtes (Mackauer & Völkl, 1933), stratégie que nous pouvons encore une
fois considérer comme du bet-hedging.

6. Dispersion et Diapause

La dispersion et la diapause sont considérées comme deux réponses alternatives aux


conditions environnementales défavorables (Valera et al., 2006 ; Lalonde & Roitberg, 2006 ;
Hanski, 1988), et pourraient être envisagées comme des formes de bet-hedging.

13
6.1. Dispersion
Afin de s’affranchir de la variabilité environnementale, ou lorsque l’habitat devient
défavorable, il peut devenir adaptatif de disperser vers de nouveaux habitats. Le parasitoïde
Anagrus delicatus (Hymenoptera: Mymaridae) par exemple, disperse régulièrement entre
différents habitats, et colonise même de nouveaux sites. Ces dispersions sur de longues
distances ont également été mises en évidence chez d’autres espèces du même genre (Antolin
& Strong, 1987). Certaines espèces de parasitoïdes pourraient également être emportées par le
vent à l’intérieur de leurs hôtes. Chez les pucerons par exemple, des dispersions ont été mises
en évidence sur plusieurs centaines de kilomètres en Inde (Riley et al., 1995). Nous pouvons
alors imaginer que des pucerons parasités puissent être emportés par le vent, et constituer
ainsi un moyen indirect de dispersion pour les parasitoïdes. Que la dispersion du parasitoïde
soit directe ou indirecte, elle pourrait correspondre à une forme de bet-hedging s’il existe une
probabilité que l’habitat devienne défavorable, en permettant d’éviter la mort des individus
qui dispersent.

6.2. Diapause
La diapause constitue une forme de dispersion temporelle. Elle correspond à une période
de dormance au cours de laquelle le développement est suspendu, et est déterminée par des
facteurs génétiques et environnementaux. Elle permet aux organismes de survivre lorsque les
conditions sont défavorables au développement et à la reproduction, pendant l’hiver par
exemple. Chez beaucoup de populations d’insectes, certains individus d’une même génération
manquent une ou plusieurs opportunités de reproduction en restant plus longtemps en
diapause que les autres (au cours d’une période favorable comme l’été par exemple),
exprimant ainsi une diapause prolongée. Les stratégies de diapause, et particulièrement la
diapause prolongée, sont considérées comme des réponses adaptatives à l’imprévisibilité de
l’environnement (Ringel et al., 1998 ; Hanski, 1988, Rajon et al., 2009 ; Valera et al.,
2006 ; Lalonde & Roitberg, 2006). Elles sont même reliées au bet-hedging par certains
auteurs. En effet, bien qu’elles soient coûteuses (pertes d’opportunités reproductives et
prédation pendant la dormance), les stratégies de diapause évitent à tous les individus portant
le même génotype de rencontrer simultanément un environnement peu propice à leur survie
ou à leur reproduction (Rajon et al., 2009 ; Ellers & van Alphen, 2002). Le bet-hedging
pourrait alors se manifester sous deux formes : par des variations dans la durée de la diapause,
ou par l’expression d’une diapause prolongée.

14
Concernant le premier cas, des manipulations expérimentales de la durée de la diapause
ont été réalisées chez le parasitoïde Asobara tabida (Hymenoptera : Braconidae). La durée de
la diapause a un effet négatif sur la survie des pupes des femelles, mais réduit également la
fitness des femelles adultes émergentes (diminution du poids sec, des réserves énergétiques et
des réserves en œufs). Afin de réduire les effets négatifs de la diapause, le parasitoïde peut en
minimiser la durée en y entrant tardivement et en y sortant précocement, mais il s’expose
alors davantage aux mauvaises conditions environnementales. De ce fait, des variations dans
la durée de la diapause entre les individus sont attendues, et pourraient suggérer une forme de
bet-hedging (Ellers & van Alphen, 2002). L’étalement dans le temps de la sortie de diapause
des descendants permettrait d’avoir au moins une partie d’entre eux qui émergent lorsque les
conditions sont les plus favorables, maximisant ainsi leurs chances de survie et la fitness de
leurs parents. Nous pouvons effectivement assimiler ce phénomène à une stratégie de bet-
hedging. Les variations de durée de diapause ont également été reliées au bet-hedging chez
d’autres insectes (Rajon et al., 2009, Menu et al., 2002).
Concernant le second cas, lorsque la diapause du parasitoïde est synchronisée sur celle de
l’hôte, il ne peut s’agir de bet-hedging, puisque la diapause du parasitoïde est directement
influencée par celle de son hôte. En revanche, lorsque la diapause du parasitoïde et celle de
l’hôte sont découplées, et que le parasitoïde exprime une diapause prolongée, le bet-hedging
peut exister. Par exemple, le pourcentage de diapause prolongée de l’hôte Kaltenbachiola
strobi (Diptera : Cecidomyiidae) atteint 51%, alors qu’il est inférieur à 20% pour son
parasitoïde Cydia strobilella (Lepidoptera : Tortricidae) (Wermelinger et al., 1995). Cette
désynchronisation pourrait être assimilée à du bet-hedging chez ce parasitoïde.

7. Discussion – Conclusion

Le bet-hedging est un concept complexe et difficile à définir. En effet, Seger et


Brockmann (1987) expliquent que cinq définitions différentes sont utilisées pour caractériser
le bet-hedging. Toutefois, ils ne réservent ce terme de qu’à deux d’entre elles : une réduction
de la variance de la fitness d’un individu au prix d’une diminution de sa fitness espérée
(moyenne arithmétique), et une diversification de phénotypes exprimée par un seul génotype.
Nous nous sommes également restreints à ces définitions dans ce rapport. De plus, plusieurs
formes de bet-hedging sont distinguées, mais elles sont parfois contestées. Hopper (1999)
parle effectivement de deux catégories : le bet-hedging diversifié d’une part (correspondant à

15
la deuxième définition des auteurs précédents), et le bet-hedging conservatif d’autre part
(lorsque la dispersion du risque est effectuée par un seul phénotype). Cependant, l’auteur
explique lui-même que le bet-hedging conservatif, qui s’exprime par une migration ou une
diapause obligatoires par exemple, correspondrait plus à une aversion au risque qu’à du bet-
hedging. Nous avons d’ailleurs choisi de ne traiter que la deuxième forme, à la vue de ces
éléments et des exemples trouvés dans la littérature. Les auteurs de ces deux publications
s’accordent même à dire que le concept de bet-hedging a parfois été appliqué à tort, et qu’il a
rarement été démontré expérimentalement (Seger & Brockmann, 1987 ; Hopper, 1999).
Dans la majorité des cas où nous avons recherché du bet-hedging, c'est-à-dire aux
principales étapes de la vie d’un parasitoïde, nous avons proposé d’interpréter certains
comportements ou certaines stratégies de ces parasitoïdes en terme de bet-hedging. Toutefois,
dans la plupart de ces études, les auteurs ne l’ont pas mis en avant, et n’ont même réalisé
aucune expérience dans ce but. C’est pourquoi il est préférable de manipuler ce concept avec
prudence, et de ne pas considérer le bet-hedging comme une explication exclusive. Au
contraire, le bet-hedging pourrait constituer une hypothèse alternative, une interprétation
parmi d’autres, pour expliquer une stratégie qui ne semble pas optimale, un comportement
inattendu, ou des variations entre individus pour un trait par exemple. Il pourrait alors s’avérer
intéressant d’étudier précisément le bet-hedging chez les insectes parasitoïdes, afin d’en
comprendre les mécanismes et les implications tant écologiques qu’évolutives.
Nous allons ainsi avoir l’occasion de tester ces hypothèses au cours de mon stage de
recherche de Master 2. En effet, nous allons comparer deux populations du parasitoïde
Leptopilina heterotoma (Hymenoptera : Eucoilidae), l’une étant retrouvée au nord de la vallée
du Rhône, et l’autre au sud de cette vallée. Cette dernière est envahie depuis 30 ans par une
population d’une autre espèce de parasitoïde, Leptopilina boulardi (Hymenoptera : Figitidae),
qui s’avère être un compétiteur supérieur. Les deux populations présentent des traits d’histoire
de vie différents, qui sont susceptibles de modifier leur comportement (Communication
personnelle : van Baaren). Les femelles du sud présentent une fécondité supérieure à celle des
femelles du nord, car leurs descendants subissent également davantage de mortalité suite à la
compétition avec L. boulardi. Les femelles du sud pourraient alors disperser davantage leurs
œufs à travers plusieurs patchs, afin d’éviter la perte de la totalité de leurs descendants si ce
patch est rencontré par une femelle de L. boulardi. Le but du stage sera alors de tester cette
hypothèse de bet-hedging chez L. heterotoma.

16
Méthodes de recherche bibliographique

Afin de rechercher les différentes publications scientifiques utilisées pour écrire ce


mémoire bibliographique, j’ai utilisé BiblioVIE, le portail d’information scientifique des
unités CNRS en sciences biologiques, et tout particulièrement la base de données Web of
Science. J’ai également eu recours aux moteurs de recherche Google scholar et ScienceDirect.
Dans un premier temps, j’ai réalisé ma recherche en utilisant des associations de mots clés
directement liés à mon sujet de mémoire, tels que « bet-hedging » et « parasitoids », « risk-
spreading » et « parasitoids », ou encore « stochasticity » et « parasitoids ». Toutefois, peu de
publications traitent directement du bet-hedging chez les parasitoïdes. J’ai alors élargi mes
recherches à des publications plus générales sur le bet-hedging, dans le but d’y trouver des
définitions et des exemples, même s’ils se basaient sur d’autres modèles biologiques. Ensuite,
je me suis surtout intéressée à des publications relatives aux éléments de la vie des
parasitoïdes, même si le bet-hedging n’y était pas mentionné. Enfin, certaines publications
m’ont été suggérées par mes encadrants, et m’ont permis de compléter mes recherches
bibliographiques.

17
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20
Résumé
Dans un environnement variable, le bet-hedging consiste à adopter un comportement ou une
stratégie particulière, qui permet à un individu ou à ses descendants d’échapper à des
conditions environnementales défavorables. En réduisant la variance de la fitness, c'est-à-dire
le succès reproducteur, une stratégie de bet-hedging se traduit par la maximisation de la
moyenne géométrique de cette fitness, au prix d’une diminution de la moyenne arithmétique.
Toutefois, ce concept a été peu étudié chez les insectes parasitoïdes. Nous avons alors
recherché d’éventuelles stratégies de bet-hedging aux principales étapes de la vie de ces
organismes, depuis leurs accouplements, en passant par la sélection de leurs hôtes et leurs
stratégies de ponte, et jusqu’à leur exploitation des patchs d’hôtes. Enfin, nous nous sommes
également intéressés à la dispersion et à la diapause. Nous avons ainsi trouvé dans la
littérature plusieurs exemples de variations entre individus pour certains traits, ou de
comportements ne reflétant pas l’optimalité, qui pourraient relever du bet-hedging. Dans
certains cas, les auteurs ont proposé quelques explications à ces éléments, mais n’ont presque
jamais suggéré le bet-hedging, ni réalisé d’expérience pour le mettre en évidence. Cependant,
le concept de bet-hedging étant difficile à définir et à manipuler, nous suggérons de ne pas le
considérer comme une explication exclusive mais comme une hypothèse parmi d’autres.

Mots clés : insectes parasitoïdes, environnement variable, bet-hedging, succès reproducteur,


explication alternative

Abstract

In a variable environment, bet-hedging consists in adopting a particular behaviour or strategy


which allows an individual, or its offspring, to escape from unfavourable environmental
conditions. By reducing variance in fitness, a bet-hedging strategy involves an increase in
geometric mean fitness, at the cost of arithmetic mean fitness. Nevertheless, this concept has
seldom been studied in insect parasitoids. We have then look for potential bet-hedging
strategies at the different life stages of these organisms, from their mating, by way of their
host selection and their oviposition strategies, and until their patch exploitation strategies.
Finally, we have been interested in dispersal and diapause. We have thus found in the
literature several examples of variations between individuals for some traits, or non optimal
behaviours, which could correspond to bet-hedging. In some cases, the authors have proposed
some explanations for these elements, but have almost never suggested bet-hedging or
realised experiments in order to demonstrate it. However, bet-hedging is a concept difficult to
define and manipulate, so we suggest not considering it as an exclusive explanation but as one
hypothesis among others.

Key words: parasitoid insects, variable environment, bet-hedging, fitness, alternative


explanation

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