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Mémoire de Master 2 de sciences politiques

Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,

la tentative d’une construction interrégionale

Institut d’Etudes Politiques de Lyon

Année 2009-2010 – Université Lumière Lyon 2

BARRIOZ Marjorie

Sous la direction de M. Gilles Pinson


- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,
La tentative d’une construction interrégionale -
BARRIOZ Marjorie

Mémoire de Master 2 de sciences politiques

Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,

la tentative d’une construction interrégionale

Institut d’Etudes Politiques de Lyon

Année 2009-2010 – Université Lumières Lyon 2

Sous la direction de M. Gilles Pinson

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale -
REMERCIEMENTS

Avant de vous laisser découvrir ce travail d’étude et de recherche, je tiens tout


particulièrement à remercier celles et ceux qui ont contribué à sa réalisation :

Je souhaite tout d’abord remercier particulièrement Emmanuel Cellier, chargé de


mission, et M. Frérot, directeur, qui m’ont donné l’opportunité de découvrir le domaine
de l’action publique territoriale à travers une étude dans son intégralité.

Je tiens également à exprimer toute ma gratitude à mon directeur de mémoire, M. Gilles


Pinson, pour son soutien et ses conseils avisés.

Ce travail n’aurait pu être réalisé sans l’aide également d’une grande diversité d’acteurs
appartenant aux milieux économiques, universitaires, ou encore politiques qu’ils
viennent des agglomérations lyonnaise, grenobloise, clermontoise et marseillaise. Ceux-
ci sont trop nombreux pour être cité individuellement. Je les remercie toutefois d’avoir
bien voulu répondre patiemment et aimablement à mes nombreuses questions, malgré
des emplois du temps surchargés.

Merci aux professeurs de l’IEP de Lyon et de l’Université Lyon 2 qui depuis 5 ans nous
ont formés, portés et soutenus dans ce cursus de sciences politiques.

Et une pensée particulière est enfin adressée à l’ensemble des membres de l’équipe du
Labo que j'ai côtoyé quotidiennement, et dont j'ai apprécié la gentillesse et la bonne
humeur. Merci beaucoup pour cet accueil chaleureux.

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La tentative d’une construction interrégionale -
SOMMAIRE

INTRODUCTION....................................................................................... 1

CHAPITRE 1. LES PREMIERES INITIATIVES DE


COOPERATIONS BILATERALES DANS LE GRAND SUD EST...18
I. La naissance d’une dynamique de coopération .................................................. 19
A. Le choix des villes....................................................................................................... 19

B. L’exemple de la coopération Lyon/Marseille ......................................................... 22

II. Un exécutif au cœur des politiques de coopération........................................... 26


A. Des élus locaux, initiateurs de coopérations........................................................... 26

B. Le danger de l’injonctionnisme politique................................................................. 30

CHAPITRE 2 : DES COOPERATIONS BILATERALES TROP


POLITIQUES ? OBSTACLES ET FAIBLESSES D’UNE
CONSTRUCTION TERRITORIALE.................................................... 33
I. Les raisons d’un échec........................................................................................... 34
A. La fragmentation de la volonté politique : d’une dynamique globale aux
décisions singulières. ....................................................................................................... 34

B. L’affichage, les dangers d’une arme politique ........................................................ 36

II. La concurrence des métropoles, nouvelle limite à la coopération ................... 39


A. La prépondérance de la concurrence ........................................................................ 39

B. La persistance d’une forte attente.............................................................................. 45

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La tentative d’une construction interrégionale -
CHAPITRE 3 : VERS UN RENOUVEAU DU GRAND SUD EST ?
RETRAIT DU POLITIQUE ET POSITIONNEMENTS DES
ACTEURS LOCAUX…………………...……….………………............46

I. Un exécutif partagé entre discours et actions .................................................... 48


A. Le nouveau positionnement du cabinet politique ................................................... 48

B. Vers la fin des coopérations bilatérales ? ................................................................. 50

II. Le renouveau des coopérations dans le Grand Sud Est ................................... 53


A. Une démultiplication des contacts ............................................................................ 53

B. Des coopérations moins « stato-centrées » Grand Sud Est ? ................................. 58

CHAPITRE 4 : LA PERSISTANCE D’UN GRAND SUD EST


POLITIQUE DANS LES DYNAMIQUES DE GRANDS PROJETS . 64
I. Dynamique de grands projets et nouvelles coopérations ................................... 65
A. La volonté de coopération de Clermont Ferrand .................................................... 65

B. L’enjeu d’un grand projet initiateur .......................................................................... 67

II. Des enjeux spécifiques vers un mode de coopération inédit............................. 69


A. Mobilisation et mise en mouvement du système d’acteurs ................................... 69

B. Mais cette opportunité est-elle facteur de coopération à long terme ? ................. 73

CONCLUSION GENERALE .................................................................. 75

BIBLIOGRAPHIE.................................................................................... 80
SOURCES .................................................................................................. 84
TABLE DES MATIERES ........................................................................ 85
ANNEXES.................................................................................................. 88

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La tentative d’une construction interrégionale -
INTRODUCTION

Ce mémoire est réalisé dans le cadre d’une seconde année de Master de Sciences
Politiques. S’inscrivant dans une mission de stage au sein de l’Agence d’Urbanisme de
Lyon, il trouve son origine dans un questionnement sur la transformation et le
renouvellement de l’action publique. Le désengagement de l’État, la décentralisation
des pouvoirs ont conduit à une montée des incertitudes quant à l’avenir des territoires.

Ainsi aujourd’hui, la réforme des collectivités territoriales est perçue comme un facteur
indispensable au changement. Dès 2008, le rapport Attali proposait la suppression des
départements. La question de la place des métropoles s’est alors rapidement présentée
comme incontournable. En octobre dernier, Jean-Luc Warsmann, missionné sur
l'amélioration et la simplification du droit, rendait au premier ministre un rapport
largement inspiré du cas lyonnais pour envisager la création d’agglomérations qui se
verraient dotées des actuelles compétences des conseils généraux.

Force est de constater que s’adapter à de nouvelles ambitions, tel l’enjeu de la visibilité
internationale, nécessite d’élaborer de véritables stratégies. Le pari réalisé est de
compenser la petite taille de nos métropoles par le développement de leurs fonctions
supérieures et par leur mise en réseau. Alors que l’on « peine à concrétiser un modèle
qui concilierait la petite échelle de l’économie intégrative et la grande échelle de la
globalisation »1, cet élément apparait on ne peut plus actuel.

A l'image de cet exemple, les métropoles se présenteront dès lors comme des terrains
propices à l’expérimentation. S’interroger sur leur place et leurs liens au sein du
territoire national apparait ainsi essentiel pour la compréhension de ces réformes.

1
NEGRIER E., La question métropolitaine. Les politiques à l’épreuve du changement d’échelle
territoriale, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2005, p. 12

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LA MONTEE EN PUISSANCE DES VILLES

La science politique en France, et notamment l’analyse des politiques publiques, compte


parmi ses nombreux sujets de recherche celui de la place des villes dans la conduite de
l’action publique. Cet intérêt pour les villes s’explique de manière multiple. La plus
forte transformation de l’espace européen depuis deux siècles est certainement son
passage d’une société à dominante rurale à une société urbaine. La dernière décennie a
d’autre part conforté le poids démographique des villes comme leur place essentielle
dans l’organisation spatiale du territoire. Les villes sont devenues des territoires
économiques puissants.

Les villes en tant qu’acteur collectif

Il est aujourd’hui communément admis que l’Etat, en tant qu’Etat bureaucratique


wébérien est concurrencé dans l’exercice de ses sources traditionnelles de pouvoir.
Dans « Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine »2, Patrick Le Galès
insiste véritablement sur l’importance des relations entre villes et Etats pour
appréhender les actuelles transformations de l’action publique locale en Europe. Alors
que jusqu’à présent, les villes s'inscrivaient dans un modèle centre-périphérie,
l'essentiel des relations externes qu'elles développaient les reliaient à l'Etat. Il était alors
le médiateur central, un interlocuteur incontournable dans les relations de villes à villes
mais également de villes à institutions. Aujourd’hui, les auteurs s’accordent pour dire
que les lieux de pouvoirs « naturels »3, ne sont plus les acteurs centraux de la mise en
œuvre des politiques publiques. Nombreuses sont les approches qui ont parlé de
l’évidement de l’État, de la transformation de son rôle en État régulateur4, facilitateur,
animateur5 etc…

A travers l'accès à des financements européens et la mise en œuvre de politiques


urbaines européennes, les villes échappent donc à ce face à face. Le Galès évoque à ce

2
LE GALES P., «Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine», Revue Française de Science
Politique, Volume 45, Numéro 1, 1995, p.57-95
3
C'est-à-dire au sens Webérien : les détenteurs du monopole de la violence légitime
4
EBERLEIN B., « L'État régulateur en Europe », Revue Française de Science Politique, n°49, 1999, p.
205-230.
5
DONZELOT J., L'État animateur : essai sur la politique de la ville, Éditions Esprit, Le Seuil, Paris,
1994

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La tentative d’une construction interrégionale - 2
propos un « desserrement du verrou de l'Etat »6. Les villes disposent dès lors d’une
véritable opportunité historique7. L’Union Européenne ouvre un nouveau guichet, un
nouveau centre. Elle constitue un nouvel espace de négociation au sein duquel les villes
européennes peuvent s’organiser. Les métropoles se voient avantagées et saisissent
rapidement cette opportunité.

Gouverner une ville nécessite désormais la mobilisation de plusieurs types de


compétences : manager des fonctions politiques, productives et territoriales. Cela
signifie qu’il faut à la fois savoir faire preuve de sens politique, mais également avoir un
lien avec le monde économique pour assurer la prospérité du territoire, tout en
parvenant à développer une vision prospective du territoire8.

La multiplicité et la variété des acteurs locaux font alors prendre à la notion de


gouvernance tout son sens. Les gouvernements urbains, « défini comme la capacité des
autorités locales à mettre en œuvre de manière autonome, du fait de leur initiative, des
dispositifs d’action publique contribuant à la régulation des sociétés urbaines »9, ne
cherchent plus à gouverner par la simple imposition de politiques publiques, au
contraire la coordination et la négociation deviennent des démarches incontournables.

Les enjeux politiques ont ainsi évolué10. Les villes sont désormais plus visibles
qu’auparavant au plan politique. La notion de gouvernance nous offre alors
véritablement la possibilité d’étudier les transformations des relations Etat-providence
et des métropoles. Le terme de gouvernance est défini comme un domaine d’étude « sur
les nouvelles manières de définir collectivement des objectifs et de coordonner l’action
d’une pluralité d’acteurs pour atteindre des objectifs »11.

Patrick Le Galès s’emploie quant à lui à définir la gouvernance « comme un processus


de coordination d’acteurs, de groupes sociaux et d’institutions, en vue d’atteindre des

6
LE GALES P. « Le desserrement du verrou de l'État ? » Revue Internationale de Politique Comparée,
n°6 (3), 1999, p. 627-653.
7
BAGNASCO, A., LE GALES P. (sous la direction de), Villes en Europe, La Découverte, Paris, 1997.
8
LORRAIN D., « Gouverner les villes, questions pour un agenda de recherche », Pôle Sud, n°13, 2000,
pp.27-40.
9
PAYRE R., Ordre politique et gouvernement urbain, Mémoire d’habilitation à diriger les recherches,
Université Lyon 2, 2008, p. 7
10
Il y a quelques années encore la ressource valorisée d'un élu consistait en sa capacité d'accès au centre.
L'objectif était d'obtenir des financements pour la mise en œuvre de ses politiques, il tendait alors à une
forte proximité locale avec ses électeurs.
11
PINSON G., « Encore un effort pour rendre la gouvernance démocratique! », Place publique,
Septembre/octobre 2008, n°11, pp. 18-24

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objectifs définis et discutés collectivement. La gouvernance renvoie alors à l’ensemble
d’institutions, de réseaux, de directives, de réglementations, de normes, d’usages
politiques et sociaux, ainsi que d’acteurs publics et privés qui contribuent à la stabilité
d’une société et d’un régime politique, à son orientation, à la capacité de diriger, et à
celle de fournir des services et à assurer sa légitimité »12.

Il s’agit d’une véritable dynamique d'autonomisation et d'hétérogénéïsation qui se crée


alors, elle débouchera sur des programmes d'action différenciés d'une ville à l'autre13.

Face à ces premiers constats, s’interroger sur l’avenir des métropoles apparait pertinent.
Seraient-elles sur le point d’émerger en tant que véritable acteur politique autonome ?
De manière fonctionnelle, cette échelle de décision apparait facilement discernable :
véritable nouvelle scène politique, au cœur des enjeux environnementaux, sociaux ou
encore économiques, elles sont incontournables.

Mais comme le relevait Bernard Jouve et Christian Lefevre « gagner en autonomie par
rapport aux autres niveaux de gouvernement suppose très basiquement de disposer des
moyens juridiques pour ce faire »14. Cette question apparait par ailleurs dans l’air du
temps : la construction de la légitimité de ces territoires a parfois été rendue possible de
manière législative, comme ce fût le cas en Italie15. Cette possibilité fût également
abordée en France lors des débats sur la loi Chevènement, mais l’amendement déposé par
un député socialiste ne fut finalement pas retenu16. Au final aujourd’hui, les métropoles
ne sont pas reconnues comme des communes, des départements ou encore des régions.
Elles ne disposent d’aucune reconnaissance juridique officielle.

Afin de se constituer en un véritable acteur collectif, les métropoles ne peuvent rester


dépendantes de l’Union Européenne, des Etats ou encore des Régions. Elles doivent
aujourd’hui construire leur légitimité. Pour réussir, elles devront convaincre de leur
autonomie par rapport à ces mêmes acteurs17.

12
LE GALES P., « Gouvernance », in Boussaguet, Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses
de Science po, 2004, p.243
13
LE GALES P., «Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine », art. cit, p.57-95
14
JOUVE B., LEFEVRE C., « Le nouvel âge d’or des villes européennes ? », in Métropoles
ingouvernables, Elsevier, Paris, 2002, p. 9
15
MATTINA C., ALLUM F., « La personnalisation du gouvernement municipal en Italie. L'expérience
du maire de Naples », Pôle Sud, Volume 13, Numéro 1, 2000, p. 57 – 70 (La loi est celle n° 81 de 1993,
instituant l’élection au suffrage universel direct du maire dans les communes de plus de 15 000 habitants).
16
JOUVE B., LEFEVRE C., « Le nouvel âge d’or des villes européennes ? », op. cit, p. 13
17
Ibid, p. 4

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 4
« Cette mise en autonomie des métropoles ne peut qu’être le fait des élites urbaines,
porteuses de nouvelles échelles de pouvoir »18. La coopération entre villes apparaît
comme un excellent moyen de parvenir à cette fin.

Métropoles et coopérations bilatérales

Ainsi, les grandes villes françaises tendent à être identifiées, à être reconnues comme de
véritables acteurs. Pour cela, différents instruments se révèlent à leur portée : le
développement de coopérations inter municipales en fait parti.

«Les métropoles ne sont pas des espaces isolés »19. Elles n’ont historiquement jamais
cherché à l’être. C’est à partir de la fin du XIXe siècle qu’ont commencé à se
développer les premières relations inter-municipales notamment en France et en Europe
du Nord. Ces dernières prenaient alors la forme de voyages d’études composés d’élus,
d’employés et d’agents techniques20. C’est dans ce cadre que nait à Gand en 1913,
l’Union internationale des villes et pouvoirs locaux. Considéré comme une réponse à
l’incapacité de l’Etat à proposer un cadre juridique opérationnel pour les communes,
elle regroupe trente et un pays. Vingt quatre sont représentés par leur Union nationale
des villes et sept par diverses municipalités. Les activités de l’Union sont multiples. Elle
organise des congrès des conférences, publie ses travaux ainsi qu’un bulletin régulier.
Ses objectifs concernent entre autres le renforcement des pouvoirs locaux et de leurs
associations, la participation des citoyens à la vie publique et la coopération
internationale municipale.

Pour autant, ce n’est qu’à la suite de la seconde guerre mondiale que ces coopérations
prendront toute leur ampleur avec les jumelages et les pactes d’amitiés21. La visée
pacifiste et la volonté d’un dialogue entre les peuples sont alors affirmées.

« Dans les années 1960 et 1970, on peut observer une forme de municipalisation de
l’action internationale. Antoine Vion insiste sur le retrait des subventions
gouvernementales aux organisations de jumelages à partir de 1961 »22. Alors que
l’Union Européenne prend ses marques, les jumelages perdent progressivement leur

18
Ibid, p. 8
19
LEFEVRE C., Gouverner les métropoles, Politiques locales, Paris, 2009, p. 3
20
PAYRE R., “The Importance of Being Connected : City Networks and Urban Government. Lyon and
Eurocities (1990-2005)”, International Journal of Urban and Regional Research, 2008, p.15
21
Ibid
22
PAYRE R., Ordre politique et gouvernement urbain, op.cit, p.123

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La tentative d’une construction interrégionale - 5
intérêt : le maintien de la paix n’apparait plus comme l’objectif premier. Les élus
cherchent désormais à renforcer le statut et l’image de leur ville. Les coopérations
bilatérales se verront relancées dans les années 1990 avec le développement de ce qu’on
appelle « l’interrégionalité ».

LA NAISSANCE DE L’INTERREGIONALITE

Alors que les premiers outils d’aménagement du territoire sont définis en 1955, à une
époque où l’on commence à dénoncer la concentration du pôle parisien au détriment des
autres régions23, la D.A.T.A.R créée en 1963 se voit attribuer un rôle de rééquilibrage
du territoire, de part ses missions d’aménagement et d’action régionale.

La D.A.T.A.R, actrice de l’aménagement du territoire

Fondée il y a donc près de 50 ans, la D.A.T.A.R. se présente comme « un organisme de


coordination et d’impulsion. Son rôle est à partir des objectifs généraux définis par le
plan, de préparer et de coordonner les éléments nécessaires aux décisions
gouvernementales en matière d’aménagement du territoire et d’action régionale et de
veiller à ce que les administrations techniques ajustent leur actions respectives dans ce
domaine, et fassent converger les moyens dont elles disposent vers des objectifs qui
globalement, dépassent l’action et la responsabilité de chacune d’elles : tâche
intermédiaire, qui requiert de façon constante la possibilité de recourir à l’arbitrage et
à l’autorité du Premier ministre. »24. Elle devient le premier acteur de l’aménagement
du territoire français.

Dans les années 60, la politique des “métropoles d’équilibre” (IVème plan, 1962-65) et
celle des “villes nouvelles” (Vème plan, 1966-70), permettait à l’Etat un aménagement
du territoire résolument moderniste, ambitieux et fondé sur la croissance. Mais dès les
années 70, cette dynamique fût complètement révisée suite à la récession économique.
Le “développement local” se présente alors comme une solution. En 1982, la
décentralisation parachève cette approche en donnant aux pouvoirs locaux des
compétences accrues. Il s’agit d’agir face à un nouveau contexte international.
Mondialisation des échanges, construction européenne, faiblesse de l’armature urbaine

23
En 1947, Jean François Gravier publiait « Paris et le désert français » aux éditions Le Portelan.
24
DÉCRET N° 63-112 DU 14 FÉVRIER 1963

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La tentative d’une construction interrégionale - 6
française, désertification des campagnes, concentration dans les grandes villes,
difficultés économiques et montée du chômage, l’environnement évolue et soulève tout
un certain nombre d’incertitudes.

La prospective renforce le discours de la D.A.T.A.R. qui ne cesse de mettre en avant


certaines marginalités françaises. Cette approche nouvelle et cette prise de conscience
de nos faiblesses, influencent les politiques mises en place. La D.A.T.A.R., consciente
de la nouvelle donne économique reformule sa conception de l’aménagement du
territoire. Elle reprend à son compte le déficit de l’armature urbaine française en
métropoles, mis en évidence par le rapport GUICHARD (1986) et engage une réflexion
dans le but de proposer une alternative.

Dès lors, on assiste à un renouveau de l’action en matière d’aménagement du territoire.


Les propos de J. P. DUPORT, délégué à l’aménagement du territoire et à l’action
régionale de 1989 à 1993, vont dans ce sens. En effet, il écrivait en 1993 : “La priorité
doit porter sur le renforcement de la compétitivité du territoire français dans la
compétition internationale....Il faut que dans chaque territoire se créent des structures
d’accueil modernes et dynamiques, chacun d’entre eux développant une identité propre
fondée sur un ensemble de compétences et d’excellences, en bref, que s’exprime dans
chacun d’eux une “offre territoriale” spécifique et attractive”25 .

Il s’agit d’“Exister demain”, expression qui se retrouve dans toutes les bouches aussi
bien dans celles des chargés de missions de la DATAR que dans celles des maires.
Exister face aux autres pays de l’Union européenne, exister face à la capitale.

L’émergence d’un Grand Sud Est

Cette démarche se concrétise notamment par la CIADT (Le Comité interministériel


d'aménagement et de développement du territoire) présidé par le Premier ministre Alain
Juppé. Le 5 novembre 1990, sept grands chantiers d’aménagement du territoire sont
esquissés26. Il s’agit de la première étape de la réflexion de la D.A.T.AR amorcée depuis
l’automne 1990 sur l’interrégionalité.

25
DUPORT J-P, “Le magistère de la boussole”, La Lettre de la DATAR, n°141 bis, février 1993, p. 2
26
Les sept grands chantiers son le grand nord, la façade atlantique, le grand bassin parisien, le grand est,
le massif central, la région euro-lyonnaise, et espace méditerranéen. MOREL B, « L’interrégionalité,

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La tentative d’une construction interrégionale - 7
Le CIADT, réuni en avril 97 à Auch dans le Gers à l’initiative de Jean-Claude Gaudin,
ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, prenait 80
décisions fondatrices. La première fût d'approuver l'avant-projet de schéma national
d'aménagement et de développement du territoire. Un avant projet, en particulier
adressé aux régions, aux départements, ainsi qu'aux principales associations
représentatives des communes, dont l’objectif était de façonner un territoire compétitif,
équilibré et préservé.

Une des dimensions phares de cet avant projet était un soutien absolu du CIADT au
développement des interrégionales. La structuration du territoire est perçue comme
dépendant de l’intensité des coopérations s’esquissant à l’échelle du réseau des villes,
des agglomérations et des pays. Pour le comité, ces coopérations doivent être soutenues
non seulement parce qu’elles régulent et tempèrent la concurrence entre territoires, mais
aussi parce qu’elles contribuent à faire évoluer un paysage institutionnel trop segmenté.

Le Grand Sud Est, regroupant notamment les régions Rhône Alpes, Provence Alpes
Côte d’Azur et Languedoc Roussillon27, apparait comme un territoire en émergence.

« Le point de départ est sans aucun doute le delta du Rhône, mais en


réalité il s’agit d’un ensemble bien plus vaste qui englobe une grande
zone triangulaire du territoire français : le littoral méditerranéen,
l’ensemble des trois régions de programme Sud-Est, plus un peu
d’Auvergne et de Bourgogne jusqu’à une pointe se plaçant au nord de
Lyon »28.

De part ce nouveau territoire d’action, c’est avec le Grand Delta29 que renoue
l’institution publique. En effet, déjà dans les années 1960, il se présentait comme la
réponse des aménageurs aux nouvelles préoccupations économiques.

Afin d’approfondir cette problématique, trois études sont lancées : la première sur les
aspects urbains et relationnels, une seconde sur les relations internationales et une
dernière sur les interdépendances économiques.

stratégie de redéploiement en Europe : l’exemple du Grand Sud-Est et de l’axe rhodanien », Revue de


Géographie de Lyon, volume 72, n°3, 1997, p.191
27
Le Grand sud Est correspond à 31% du territoire français ; 20% de la population ; 24% du PIB ; 26%
des emplois ; 29% des entreprises
28
VEYRET-VERNER G., « Vers une vaste région économique du Sud-Est français : le Grand Delta »,
Revue de Géographie Alpine, Tome 58, N°4, 1970, page 599
29
Ibid, pp. 593-618.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 8
« L’émergence du concept de Grand Sud Est exprime une évolution
significative de la DATAR quant à sa conception interrégionale de
l’architecture territoriale de la France. En sept ans, de 90 à 97, la
DATAR est passée d’une optique qui séparait le grand sud est français
en deux ensemble à une optique qui intègre parallèlement ces deux
ensemble et relance la stratégie du grand delta »30 résumait Morel.

De nouveaux comportements et de nouveaux types de relations s’esquissent alors pour


donner une crédibilité nouvelle aux territoires.

L’élu local, nouvel interlocuteur privilégié

En développant de nouveaux espaces pertinents d’action et de nouvelles perspectives,


l’aménagement du territoire, après avoir été pensé par le haut, cherche indirectement à
donner des responsabilités aux acteurs locaux31. Le territoire doit désormais aussi être
dynamisé à sa base et prendra appui pour cela sur un va et vient permanent entre le local
et le national.

« Ainsi, les maires deviennent des interlocuteurs privilégiés de la


D.A.T.A.R »32.

Une responsabilité qu’ils semblent véritablement être prêts à prendre. Progressivement,


ils deviennent de véritables acteurs du développement. C’est bien là un des
changements majeurs. S’appropriant les discours aménagistes, les élus locaux
réfléchissent à des projets. Ils prennent conscience qu’ils ne sont plus seuls maîtres de
l’avenir de leur commune mais que la coopération avec leurs voisins proches ou plus
éloignés leur permettra d’envisager le développement33.

L’objectif premier de ces élus est de se faire entendre. Alliés à deux, trois ou quatre, ils
constituent ainsi un groupe de pression capable de dégager une position commune
permettant de peser plus lourd dans la balance des décisions prises généralement sans

30
MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en Europe : l’exemple du Grand Sud-Est et
de l’axe rhodanien », art. cit, p. 191
31
TESSON F., Les réseaux de villes en France. Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace.
Doctorat de géographie, Université de Pau et des Pays de l’Adour, avril 1996, page 46
32
Ibid, page 63
33
Ibid, page 196

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 9
eux. Ainsi ils veulent participer au processus de décision34. Ces actions visent également
« à renforcer l’autonomie des gouvernements urbains en contournant le centre par des
alliances infra-nationales»35. En bref, la coopération relève désormais de l’évidence.

« Ces coalitions ne se résument pas aux réseaux de soutiens qu’un élu


peut mobiliser à l’occasion des campagnes. Il s’agit davantage de
réseaux relativement larges constitués d’acteurs, de groupes et
d’institutions, d’horizons politiques et professionnels très divers, tous
intéressés à la définition et à la mise en oeuvre de stratégies et de
politiques urbaines et porteurs de ressources qui peuvent être valorisées
dans ces politiques urbaines »36.

L’alliance est perçue comme un moyen de se développer, elle impose cependant de


nouveaux modes de fonctionnements. Il est indispensable de raisonner à une autre
échelle, de sortir des limites administratives classiques. Il s’agit d’inventer, d’imaginer,
de s’adapter. Dans ce cadre, la concurrence n’est pas niée mais aplanie. « Traversant
les frontières et transgressant la règle de la continuité territoriale, ils sortent du cadre
de l’institution »37.

Les coalitions urbaines sont donc constituées d’acteurs, de groupes et d’institutions qui
se reconnaissent des intérêts communs et se reconnaissent mutuellement comme
interlocuteurs, elles ont la plupart du temps pour objectif la production d’une politique
publique.

Les exemples observés ont présenté une très grande diversité dans leurs contextes
régionaux et leur forme de coopération. Des territoires aux enjeux différents, des villes
multiples (démographie, économie, situation géographique…). Les villes se lançant
dans cette dynamique ne sont pas forcément des villes d’avant-gardes, toutes sont
concernées. Les relations politiques ne sont pas non plus des obstacles et la couleur
partisane n’est pas déterminante.

34
Ibid
35
PAYRE R., Ordre politique et gouvernement urbain, op. cit, p. 7
36
BEAL V. et PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », Pôle Sud, n° 30, 2009, p. 21
37
TESSON F., Les réseaux de villes en France Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace, op. cit,
p. 197

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 10
Cette multiplicité des formes tendrait à faire de cette politique un patchwork impossible
à homogénéiser. Cette lecture nous démontre cependant qu’il est possible de repérer des
initiatives inter-municipales dès lors qu’on s éloigne du classique regard stato-centré. Il
existe en réalité une double structuration : l’une est verticale, du haut (Etat) vers le bas ;
et l’autre est horizontale de municipalité à municipalité.

MISE EN DEBAT

Problématisation

Le Grand Sud Est, près de 31% du territoire français, se présente comme fort de ces
spécificités territoriales. La qualité de son paysage et de son cadre de vie, la vitalité de
son tissu économique, son tourisme, son industrie, son agriculture, le dynamisme de ses
services aux habitants donnent à ce territoire une réelle attractivité et tonicité. Ce
contexte est une chance mais il sous-tend un nombre important de contrastes
territoriaux, essentiels à la compréhension des enjeux locaux. Ces derniers sont
physiques, climatiques, paysagers ou encore démographiques.

Alors que ces éléments pouvaient apparaître secondaires, il semble cependant qu’ils
aient eu un impact direct sur la configuration de l’action publique du territoire.

Afin de construire une interrégionalité pérenne, l’accent fût donc mis sur les grandes
agglomérations, considérées comme des entités véritablement structurantes du territoire.
Rapidement, la construction du Grand Sud Est fût donc appréhendée par le biais des
coopérations bilatérales entre ses villes.

Ainsi, ce mémoire tendra à questionner l’émergence, la mise en œuvre et l’efficacité de


cette nouvelle organisation territoriale. L’organisation collective des villes du Grand
Sud Est a-t-elle été un succès ? Quelles étaient les forces et les faiblesses de ces
coopérations ? Les caractéristiques de leurs mises en œuvre ? Sont-elles toujours
d’actualités ?

L’idée est de mettre en lumière les moyens et conditions qui rendent possible
l'émergence et le développement d'une coopération entre métropoles puis de les

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 11
analyser au regard des éléments sociologiques et contextuels du territoire. En prenant
appui sur le chantier de recherche de la gouvernance, nous voudrions ainsi rendre
compte des difficultés et des obstacles auxquels doivent parfois faire face ces modes
d’action collective.

Marseille, Grenoble, Clermont-Ferrand : 3 villes pour 3 enjeux.

Afin d’illustrer notre propos, nous appuierons notre argumentaire par un retour sur trois
axes relationnels. Nous reviendrons ainsi sur les coopérations bilatérales de la
métropole lyonnaise avec les villes de Marseille, Grenoble et Clermont-Ferrand. Toutes
relèvent en effet de particularités bien spécifiques et soulèvent des enjeux précis.

En effet, par la multiplicité de leurs formes, leurs durées parfois relatives et leurs
intensités variables, les coopérations se présentent comme difficilement appréhendables.
En effet, les coopérations entre municipalités et agglomérations n’interviennent pas de
manière impromptue. Elles s’inscrivent dans un contexte historique où un certains
nombres d’éléments positifs ou négatifs peuvent jouer un rôle de facilitateur ou de
freins. Ces éléments, pris dans leur globalité, constituent une sorte de climat dans lequel
s’insère (ou non) la coopération

Lyon et Marseille sont dotées d’une relation particulière. Entre concurrence et


coopération, les « deux secondes villes de France » ont toujours eu des relations que
nous pourrons qualifiées de particulières. Nombre d’enjeux les rapprochent, nous
tendrons à les présenter dans ce mémoire. Mais nombre d’éléments les séparent
également. En 1996, une très forte tentative de rapprochement entre les deux villes
avaient été initiée par Raymond Barre, maire de Lyon et Jean-Claude Gaudin, maire de
Marseille. Nous tendrons à revenir sur l’importance de cette charte de coopération, sur
son actualité mais surtout sur son impact dans cette relation bilatérale.

Lyon et Grenoble, respectivement capitale de la Région Urbaine de Lyon et du Sillon


Alpin, sont fortes aujourd’hui d’un respect mutuel renforçant le positionnement
économique de la région Rhône Alpes. Malgré leur proximité, il est rapidement apparu
perceptible que ce respect mutuel tendait vers l’ignorance. Alors que ces deux villes
apparaissent dans l’inconscient collectif comme extrêmement proches, quant-est il
réellement ?

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 12
Clermont-Ferrand constituera pour nous un cas pratique fondamentalement différent.
Alors que les enjeux historiques et géographiques y apparaissent extrêmement
différenciés, voire nul, les coopérations se présentent encore une fois comme minimes
entre les deux villes. Nous tendrons alors à interroger un possible facteur déclencheur
de coopérations : la création de la Ligne à Grande Vitesse Paris – Orléans – Clermont
Ferrand – Lyon.

METHODOLOGIE

Présentation du terrain d’enquête

L’insertion au sein de mon terrain d’enquête s’est effectuée grâce à l’appui d’un stage à
l’Agence d’Urbanisme de Lyon.

L’agence d’urbanisme de Lyon est une association « loi de 1901 ». Créée en 1978,
celle-ci rassemble près de 25 partenaires intervenant sur l’agglomération lyonnaise et
son aire d’influence (Etat, Communauté d’agglomération, syndicats mixtes, chambres
consulaires…). UrbaLyon se présente comme un outil de prospective, d'observation et
d'expertise, mais aussi d'animation et de dialogue. Elle intervient ainsi dans la
planification, le projet urbain et l'observation, produit des analyses et formulent des
propositions.

L’objectif de ce stage était d’apporter un point d’appui à M. Emmanuel Cellier, chargé


de la stratégie et de la coopération métropolitaine au sein de la structure. Consacrant la
majeure partie de son temps à la question de la coordination de l’aire métropolitaine
lyonnaise, mon tuteur de stage n’avait guère l’occasion d’approfondir l’enjeu des
relations inter-métropolitaines. L’objet de mon stage s’inscrivait donc précisément dans
ce cadre. Dans une démarche exploratoire, ma mission était alors d’interroger la nature,
l’intérêt, l’opérationnalité et les conditions de réussite des relations nouées avec les
villes de Grenoble, Clermont-Ferrand et Marseille. Il s’agissait ainsi véritablement
d’une démarche autonome à appréhender sous la forme d’une enquête.

La finalité du stage est ainsi d’éclaircir l’enjeu des coopérations bilatérales de la ville de
Lyon. La volonté n’était pas de réaliser un panorama exhaustif des coopérations inter-
métropolitaines dans tous les domaines mais bien d’avoir une vision générale du sujet,
une approche exploratoire. Dans ce cadre, il s’agissait pour moi d’établir, en plus d’un
- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,
La tentative d’une construction interrégionale - 13
rapport final, des documents courts et percutants à destination de l’ensemble des
techniciens. L’objectif était d’initier une réappropriation de ces problématiques par les
acteurs locaux.

A partir du mois d’avril 2010, il s’agissait également pour moi de constituer un appui à
certains projets en cours, spécifiquement à la contribution locale pour la ligne à grande
vitesse Paris, Orléans, Clermont-Ferrand, Lyon. L’organisation d’un séminaire de travail
entre agences d’urbanisme (le 15 juin dernier) fût alors réalisée.

Méthode et biais de cette étude

Il s’agissait ainsi d’une observation participante de 5 mois38. L’enjeu des coopérations


inter-municipales étant vaste, ma mission restait large. Cette dernière m’offrait ainsi un
point d’appui exceptionnel afin d’appréhender les interactions entre acteurs.

« L'observation surprenante »39, comme la nommait Paul Lazarsfeld, se présente comme


forte d’un double apport : je devais m’impliquer sur mon terrain d’enquête, me
l’approprier et d’autre part conserver un certain recul, un certain détachement afin de
pouvoir développer une analyse juste et complète. Il fût dans un premier temps difficile
d’appréhender au mieux le sujet, les premières recherches bibliographiques se
présentèrent minces.

Comme le recommande Beaud et Weber40, ces éléments ont été complétés par un certain
nombre d’entretiens semi-directifs. En effet, la démarche du chercheur implique,
comme nous l'enseigne le « Manuel de recherches en sciences sociales »41, un constant
retour sur le terrain. Ainsi, le terrain forge notre analyse, il la modifie, l'affine. La tâche
se présenta comme complexe. Je discernais très rapidement, une forte difficulté à
identifier des interlocuteurs pertinents au sein des mairies ou agglomérations des villes
de Marseille, Grenoble ou Lyon. Malgré leur vif intérêt, les personnes contactées
affirmaient n’avoir que près peu d’informations sur le sujet, mettant ainsi en avant leur
faible recours face à mon sujet d’études. En réalité, avec un peu d’instance auprès de me
interlocuteurs, les langues ont progressivement commencé à se délier. Ils commencèrent
38
De février à juin 2010
39
LAZARSFELD P., BARTON A. “Qualitative Measurement in the Social Sciences.Classification,
Typologies, and Indices”, in D. Lerner, H. D. Lasswell (ed.), The Policy Sciences, Stanford University
Press, 1951
40
BEAUD S, WEBER F, Guide de l’enquête de terrain, Guide Repère, La Découverte, Paris, 2003
41
QUIVY, CAMPENHAUDT, Manuel de recherche en Sciences Sociales, Dunod, Paris, 1995

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 14
dès lors à développer leurs visions des villes voisines, leurs attentes dans le domaine des
coopérations bilatérales, leurs déceptions ou encore parfois leurs manques d’intérêt pour
la question.

J’effectuais alors un recensement systématique des acteurs individuels ou collectifs


ayant participés de près ou de loin à la mise en place ou à l’entretien d’une coopération.
C’est véritablement un des premiers entretiens qui se présenta comme déclencheur de la
dynamique de travail. Le 18 février 2010 je rencontrais au SGAR Rhône-Alpes, M.
Martinon, chargé d’études. Il me permit alors d’appréhender les premiers mots clés, les
premiers acteurs et les premières dates importantes. La suite de ce travail s’est
concentré sur le suivi de ces pistes et à en découvrir de nouvelles. Ainsi, pendant près
de cinq mois, la démarche utilisée m’a menée à suivre le fil des décisions, les
rebondissements et les conclusions de ces coopérations.

35 entretiens ethnographiques42 furent fixés suite à celui-ci. Réalisés auprès d’acteurs


multiples, ces derniers m’offrirent la possibilité d’approfondir les points de vue des
élus, des agents territoriaux et économiques. Ils se sont rapidement posés comme un
point d’appui essentiel à la réalisation de ce mémoire.

Comme l’explique Stéphane Beaud, certains d’entre eux ne sont parfois pas assez riches
pour être analysables. D’une durée variable, des entretiens se présentèrent comme
relativement courts (15 minutes) alors que d’autres ont pu durer près d’une heure trente.
Tous n’auront pas été utiles dans ce mémoire, en effet la plupart d’entre eux avaient
pour visée première l’aboutissement de mon stage. Il m’est ainsi apparu plus judicieux
dans ce mémoire de m’attarder sur un nombre restreint d’entretiens afin d’atteindre une
certaine profondeur d’interprétation.

On relèvera l’importance de propos cognitifs, parfois peu objectivables, mais qui se


montrait relativement constant dans un certain nombre d’interview. Parce que ces
derniers ne m’apparaissaient que très peu fiables et auraient pu constituer un véritable
biais à cette étude, j’ai choisi d’évincer cette appréhension des coopérations bilatérales
au sein de cette étude. Pour autant, il s’agissait de relever ici le nombre important de
stéréotypes exprimés à propos des quatre villes étudiées. Pour beaucoup, de mes
interlocuteurs la pertinence de ces stéréotypes constituait en soi un frein à la

42
Liste des personnes rencontrées en annexes.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 15
coopération. Plus ou moins fondées, cette dimension m’est tout de même apparue
surprenante.

De la même façon, ces échanges suscitèrent parfois le récit d’un certain nombre
d’anecdotes, rendu possible par une présence répétée et relativement longue. Ces
anecdotes, si nous pouvons les qualifier comme telles, relataient pour beaucoup un
moment « T » de coopérations. On retrouvera dans ce mémoire l’exemple du partenariat
sur les délocalisations publiques entre les villes de Lyon et de Marseille abordé en
chapitre 2, on citera également l’exemple d’ONU sida43 pour Lyon et Genève. Elles
furent en réalité nombreuses. «Formidables révélateurs et analyseurs de situations
sociales »44, ces dernières ont réellement pu être utilisées comme outils de relance vers
de multiples thématiques.

L’observation participante ne saurait pourtant être efficace sans une capacité à trier les
informations en fonction de leur pertinence, par rapport à ce que l'on attend, à ce que
l'on souhaite démontrer. Dans ce cadre, les sources écrites se sont présentées comme
mon premier support méthodologique. En fonction des coopérations étudiées, il
s’agissait pour moi de reprendre les comptes-rendus de réunions, les échanges
épistolaires en cours ou d’époque, les articles de presse locale et nationale… Cette
démarche m’amena de manière régulière à la documentation de la ville de Lyon ou du
Grand Lyon ou encore aux archives municipales.

Comme nous l’avons évoqué précédemment, dans ce cadre la naissance et l’assise


progressive des réseaux de villes a été très largement étudié en analyse des politiques
publiques notamment sous un angle socio-historique. Pour autant, je découvrais très
rapidement le faible impact de mes recherches sur ces mêmes coopérations inter-
municipales hors réseaux. Les lectures réalisées touchant de manière proche au sujet se
tournent en effet de manière récurrente vers l’internationalisation/européanisation des
villes. Les travaux de recherche portant sur la gouvernance ou encore la territorialisation
ne se sont que très peu intéressée aux coopérations bilatérales semblables à la Charte
Lyon/Marseille.
43
La délocalisation d’Onu Sida de Genève pour Lyon avait quasiment été actée. La vie lyonnaise était
moins chère, les loyers également alors que la qualité de vie était la même. L’ONU était très intéressé. La
réaction du canton de Genève fût immédiate, il offrit des locaux gratuits ainsi qu’un certain nombre de
nouveaux avantages à l’organisme international. ONU Sida resta finalement à Genève, un épisode qui
resta longtemps dans l’esprit collectif de deux villes concernés.
44
BEAUD S., « L’usage de l’entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour l’entretien ethnographique »,
Politix, N°35, 1996, p. 243

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 16
Afin d’appréhender l’aspect historique de la question, je me suis tournée vers la presse
locale et régionale. Ces relations, fortement relayées dans les années 90, ont laissé place
aux notions de rivalité et de concurrence, à des classements, entre Lyon et les autres
métropoles européennes.

Au final, cette étude se présente comme le fruit de sources extrêmement variées. Mais
afin de rendre cette approche méthodologique plus complète, il aurait été pertinent de
mettre en place puis de diffuser un questionnaire. Cette approche m’aurait en effet
permit de toucher un nombre très large d’acteurs concernés et de percevoir leurs
attentes. Pour autant, cette possibilité fût vite écartée car il apparaissait que peu d’entre
eux auraient pris le temps de réaliser cette démarche.

Ces précisions apportées, nous aborderons notre sujet d’étude en quatre temps. Un
premier chapitre sera consacré au développement de premières coopérations bilatérales
dans le Grand Sud Est, il nous permettra d’appréhender immédiatement le contexte et la
place des élus. Dans un second temps, nous chercherons à comprendre les
problématiques soulevées par ces premières initiatives : freins et obstacles à une
coopération réussie. Le troisième chapitre présentera l’état actuel des coopérations, en
mettant l’accent sur le retrait du politique et une démultiplication des acteurs. Enfin, le
quatrième et dernier chapitre viendra en contrepoint des deux précédents en insistant sur
la persistance des politiques généralistes dans les dynamiques de grands projets.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 17
CHAPITRE 1. LES PREMIERES INITIATIVES DE
COOPERATIONS BILATERALES DANS LE
GRAND SUD EST

Mise en position centrale de carrefour entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, la


région Rhône-Alpes entrait avec le Grand Sud Est de plein pied dans la dynamique de
construction de l’interrégionalité. Lyon s’y plaçait également en très bonne place avec à
l’évidence un rôle structurant pour l’armature du pays45.

Très rapidement, la volonté de faire « émerger un sillon de l’intelligence économique »,


s’inscrivant « dans la logique de constitution d’un espace euro régional sud-européen
capable de faire contrepoids à l’Europe du milieu »46, s’est affirmée. Comment celle-ci
fût-elle initiée ? Par quels moyens et quels acteurs ?

Ce premier chapitre abordera la naissance concrète du Grand Sud Est. Nous verrons
dans un premier temps que les coopérations bilatérales se présentèrent comme le socle
de cette nouvelle construction territoriale puis nous reviendrons sur la question de leurs
mises en œuvre.

45
MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en Europe : l’exemple du Grand Sud Est et
de l’axe rhodanien », art. cit, p. 193
46
Compte rendu de la réunion du 24 septembre 1997 (Coopération Grenoble, Lyon, Marseille), Archive
n° 1921 W 23, Archive Municipale de Lyon

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 18
I. La naissance d’une dynamique de coopération

Comment concrétiser le Grand Sud Est ? De multiples projets avaient été précédemment
envisagés. Dans les années 70, l’aire « Lyon, Saint Etienne, Grenoble » fut évoquée,
suivie de la « Voie Dauphine » lors de la présentation du Schéma d’Aménagement
Régional47. Sans succès. Il s’agissait donc d’appréhender de manière nouvelle ce
territoire.

A. Le choix des villes

Dans l’esprit collectif, cet espace d’excellence était affaire de villes autant que de
régions. Il s’agissait d’une des premières caractéristiques du Grand Sud Est. Ces
dernières se présentèrent comme le terreau de cette nouvelle initiative territoriale.

Un obstacle essentiel limitait pourtant cette dynamique : leur taille, leur place dans
l’armature urbaine française, le contexte régional qui les poussait à coopérer, étaient
autant de différences qui ne plaidaient pas en faveur d’une unité48. Mais, la
décentralisation notamment, entraine de nouvelles logiques de fonctionnement et
« remet en cause le système pyramidal et hiérarchisé régissant de longue date les
rapports entre les villes françaises»49. Désormais, ce qui compte pour une ville, ce qui
fait sa force et sa puissance, c’est sa capacité à être branchée, reliée aux autres villes.

47
FOURNY M-C, "Le réseau des villes-centres de Rhône-Alpes, un acteur d'une nouvelle construction du
territoire régional", JOUVE B., SPENLEHAUER V., WARIN P. (dir.), La région, laboratoire politique,
Ed La Découverte, 2001, pp. 245-262
48
TESSON F, Les réseaux de villes en France Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace, op. cit,
p. 69.
49
Ibid

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 19
Figure 1: Les aires urbaines du Grand Sud Est50

50
Les aires urbaines du Grand Sud Est. MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en
Europe : l’exemple du Grand Sud-Est et de l’axe rhodanien », op. cit, p. 196

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 20
C’est à l’échelle de Rhône-Alpes que la première déclinaison concrète de cette
démarche se développa en 1992. Initié par Michel Noir, « La conférence des villes
centres des agglomérations de Rhône-Alpes » réunissait les 8 villes structurantes de la
Région : Lyon, Grenoble, Saint Etienne, Valence, Annecy, Chambéry, Roanne, Bourg
en Bresse. De 90 à 2000, le réseau est une priorité. Il devient ainsi incontournable pour
les élus, pour les agents territoriaux comme pour les agences d’urbanisme :

« On a travaillé énormément pour le réseau des huit villes Rhône-Alpes


avec les deux autres agences d’urbanisme de RA »

Le projet se présente comme éminemment politique, il réunit des personnalités


nationales : Raymond Barre, maire de Lyon, Jean Auroux, maire de Roanne, Louis
Besson, maire de Chambéry ou encore Bernard Bosson, maire d’Annecy51. Ainsi, plus
que de tendre vers une indéniable meilleure structuration territoriale, le réseau favorise
le contact entre les maires :

« Moi ce que j’ai toujours pensé c’est qu’un maire c’est quelqu’un qui
est tout le temps isolé. Il est au sommet et il a personne… Il n’a pas
d’égal dans sa ville en quelque sorte. Là, ils étaient contents. Ils se
retrouvaient entre égaux même si ils avaient pas tous la même
importance. Ils discutaient de leurs affaires et puis, je dis pas que c’était
des résultats merveilleux mais bon c’était quand même pas mal ».

Forte de ces premiers résultats, la conférence des villes centres de Rhône-Alpes se


présenta comme vecteur de nouvelles initiatives. La réussite de ce réseau devait être
encouragée et poursuivie. A cette image, l’interrégionalité avait pour objectif de créer
des liens entre les multiples enjeux tout en réfléchissant à une organisation territoriale
cohérente52. C’est dans ce cadre qu’est né un processus de coopération entre les villes de
Lyon et Marseille, un processus fondateur et déterminant pour l’avenir du Grand Sud
Est.

51
FOURNY M-C, "Le réseau des villes-centres de Rhône-Alpes, un acteur d'une nouvelle construction du
territoire régional", art. cit, p. 248
52
LELOUP F, MOYART L et PECQUEUR B, « La gouvernance territoriale comme nouveau mode de
coordination territoriale ? », Géographie Économie Société, Vol. 7, avril 2005, p. 325

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 21
« Et Barre a pensé qu’il fallait étendre ça. Il a commencé par
Marseille. »

B. L’exemple de la coopération Lyon/Marseille

Raymond Barre avait été élu maire de la ville de Lyon le 19 juin 1995. Fort de son statut
d’ancien premier ministre, il développa rapidement une vision géostratégique de
l’agglomération lyonnaise. Un agent territorial lyonnais évoquait ainsi la rupture initiée
avec le mandat précédent :

« Quand Raymond Barre est arrivé… Barre en fait la gestion de la ville


ça l’intéressait pas beaucoup. Et donc il s’intéressait à d’autres
domaines, notamment à la prospective ».

Il s’agissait de faire connaître la ville à l’échelle nationale comme internationale, une


nouvelle perspective territoriale qui concordait en tout point avec l’ambition
interrégionale affirmée de la DATAR :

« La Datar donne l’ambition plus d’une France en réseau


interrégional. Et en parallèle, une ville comme Lyon qui a aussi ce
raisonnement se combine. Alors cette vision de la Datar : les lyonnais,
se sont dit cette idée de Grand Sud Est, c’est formidable ».

De nouvelles ambitions sont très largement perceptibles, en plus de la conférence des


villes centres de Rhône-Alpes, on évoquera une candidature pour les jeux olympiques
d’été de 2004, l’accueil du G7 et un accent tout particulier mis sur le Diamant Alpin53.
Mais il s’agit de relever que ces initiatives ne sont pas propres à Raymond Barre. Moins
qu’un changement idéologique, il s’agit avant tout de la mise en avant d’un nouveau
mode d’action :

(Ces initiatives) « …relèvent au tout début des années 90 de la nécessité


ressentie par la société globale de retrouver une dynamique sociale, de
sortir d’un immobilisme que la politique Rocard n’avait pu vaincre »54.

53
Le Diamant Alpin comprend les villes de Turin, Genève et Lyon.
54
BEZES P., L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, L’Harmattan,
Paris, 1994, p. 207

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 22
Cette dynamique fût renforcée par une dimension qui devint l’un des axes central des
deux mandats de l’élu. Alors que Bernard Soulage55, élu grenoblois, s’intéressait lui
aussi fortement à ces problématiques, c’est lui qui pour la première fois proposa une
démarche de rapprochement entre les villes de Lyon, Grenoble et Marseille.

« Et donc au départ, il disait oh la la, il faut qu’on fasse quelque chose


ensemble… avec Marseille. Donc je pense que c’est peut-être un peu lui
qui a eu l’idée. Et Barre bien sûr s’y est tout de suite intéressé. C’est
parti comme ça.».

L’enthousiasme fût immédiat et l’information très rapidement transmise au Directeur


Général Adjoint, M. Guy Barriolade.

« Ensuite, Soulage m’appelle et me dit Raymond Barre souhaite


rapprocher Lyon, Grenoble et Marseille. En fait, il disait Raymond
Barre souhaite mais je pense que lui aussi était particulièrement
intéressé par la question.».

M. Barriolade et M. Gondard, son homologue marseillais réalisèrent une première prise


de contact, réussie. Suite à une première série de rencontres informelles, Grenoble, était
évincée de la dynamique de coopération pour des raisons liées à des conflits de
personnalités.

Dès lors, le processus s’accéléra rapidement. La démarche de rapprochement entre Lyon


et Marseille fût rendue publique le 9 mai 1996 par la publication par Jean-Claude
Gaudin et Raymond Barre d’un article commun « Lyon-Marseille, un destin partagé »56
dans Le Monde. La rencontre des deux premiers adjoints lyonnais et marseillais57 le 11
octobre suivant, laissait d’ores et déjà entendre les intentions des deux maires : un
rapprochement qui permettrait « de mieux faire face aux nouveaux enjeux politiques,
économiques et sociaux inhérents au développement des échanges européens et
mondiaux »58.

55
Aujourd’hui, Vice-Président à l'Europe et aux relations internationales de la région Rhône Alpes.
56
Ci-joint en annexes.
57
Respectivement Christian Philip et Renaud Muselier
58
Charte de coopération Lyon/Marseille, Boîte n° 1921 W 2, Archives Municipales de la ville de Lyon,
page 3

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 23
Ainsi, une Charte de coopération fût signée par chacun des élus respectifs, le vendredi
14 février 1997 à Marseille. Cette dernière fût suivie d’une déclaration commune de
coopération signée le 27 juin 1998.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 24
FOCUS : La Charte de coopération Lyon-Marseille59

La charte de coopération Lyon/Marseille est un document d’une vingtaine de pages. Il


est convenu par celle-ci « de coordonner les efforts des deux villes et de s’engager dans
un certain nombre de secteurs sur des politiques communes visant à renforcer la place
et le rôle de leur territoire dans l’espace européen »60.
La Charte s’articule autour de deux thèmes principaux :
- le développement économique et l’emploi (dont un des cinq volets porte sur les
relations internationales)
- le développement et l’optimisation des services publics locaux

On relèvera que le document se présente comme chargé de bonnes intentions. Peu


d’actions concrètes sont évoquées et l’importance du conditionnel apparait flagrante :
« Il s’agit d’échanger » ; « D’autres échanges sont envisagés » ; « La coopération se
fera … » ; « Ce sont des domaines qui se prêtent bien à des échanges » ; « Il serait
souhaitable de confronter les expériences.. ».

De manière surprenante, ce sont bien les annexes de cette charte qui se révèlent
particulièrement intéressantes. De véritables prescriptions y sont relevées, telle la
volonté de créer des sous coopérations dans de multiples domaines. Ainsi, est évoquée
la mise en relation d’un certain nombre d’acteurs dans des secteurs aussi variés que les
échanges scolaires, la culture, le sport ou encore l’assainissement et la voirie.

Il est relevé que la charte se verra renforcée par des échanges au sein de rendez-vous
annuels61. Et ce, alors que la réception de ces rencontres se fera de manière alternative
dans l’une des deux villes. Leur organisation sera réalisée par un coordinateur désigné
par Lyon et par Marseille. Un secrétariat permanent chargé de l’application de cette
Charte de Coopération62 est d’autre part annoncé pour une mise en place avant le 1er
juin 1997.

59
Charte de coopération Lyon/Marseille, Boîte n° 1921 W 2, Archives Municipales de la ville de Lyon.
60
Ibid, p. 3
61
Ibid, p. 20
62
Ibid, p. 21

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 25
II. Un exécutif au cœur des politiques de
coopération

Le Grand Sud Est était lancé, il avait ainsi pour socle les coopérations bilatérales entre
ses grandes métropoles. A l’image de la naissance de la Charte Lyon/Marseille,
l’influence et le rôle du personnel politique dans ces coopérations apparu prépondérant.

Comme l’écrivait Bernard Morel, les constructions territoriales d'aménagement du


territoire « sont des inventions d'objets géographiques qui s'inscrivent dans des
stratégies politiques»63. Il apparaissait donc indispensable de s’intéresser dès ce premier
chapitre à la place des élus municipaux. Pourquoi et comment se sont-ils approprié le
Grand Sud Est ?

Nous reviendrons ainsi sur l’émergence de l’élu local comme nouvel acteur central,
nous aborderons ses motivations et son investissement dans les coopérations bilatérales
puis interrogerons la mise en œuvre de ces coopérations bilatérales.

A. Des élus locaux, initiateurs de coopérations

La décentralisation et la déconcentration ont ces dernières années accentuées les


pouvoirs du représentant communal tout en modelant le cadre de ses fonctions. Nous
tendrons dans cette première sous partie à revenir sur les propos de William Genieys qui
évoquait ainsi des transformations « modifiant la nature même du pouvoir local »64.

1. La nouvelle place des maires dans l’aménagement du territoire

Anne-Cécile Douillet relevait en 2003 que « les élus locaux – en particulier les élus
municipaux et départementaux – ont acquis, au cours des dernières décennies, une
place croissante dans la mise en forme et la mise en sens de l’action publique locale ;
ils sont devenus plus entreprenants et participent à la recomposition territoriale de

63
MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en Europe : l’exemple du Grand Sud-Est et
de l’axe rhodanien », art. cit, p191
64
GENIEYS W., « Le leadership vu du territoire pour une sociologie de l'action publique des élus locaux
» in SMITH Andy et SORBETS Claude (dir), Le leadership politique et le territoire, les cadres d'analyse
en débat, Presses universitaire de Rennes, 2002, p. 206

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 26
l’action publique »65 Le rôle même de l'autorité publique s’était alors vu modifiée.
Désormais, elle tend à prendre la forme d'une activité de soutien et de cadrage des
interactions66. Son rôle est beaucoup plus nodal car elle possède des ressources lui
donnant la capacité de créer des liens.

L'élu garantit un «Méta projet», de grands principes d'action. Le projet devient une
perspective à long terme, où l’on fait en permanence dialoguer des choix, varier les
ressources. Les choix collectifs effectués sont conçus comme évolutifs et amendables ce
qui tend à une démultiplication des moments de la décision. C'est une méthode que l'on
définira plutôt d'incrémentaliste. Les politiques doivent désormais agir comme des
garants de ces processus de construction. Ils donnent du sens, incarnent et garantissent
le respect de valeurs et de principes d'actions dans les processus de décision, ils mettent
ainsi en place les conditions de coopération entre des acteurs divers67. Ils offrent la
« possibilité d’incarner les transactions de longue durée entre acteurs politiques, mais
aussi la capacité à porter de nouveaux espaces et de nouveaux domaines de
transaction »68. On observait dès lors l’apparition de véritables acteurs charismatiques et
visionnaires, acceptant le pluralisme croissant de la structure du pouvoir des grandes
villes.

Ce constat se présenta comme d’autant plus fort pour les villes de Marseille et de Lyon
de part le passé politique des élus concernés. Pour ces deux métropoles, la figure
recherchée est celle d’un « leader capable de manager des systèmes d'actions dépassant
les frontières des institutions municipales »69. Jean Claude Gaudin était resté ministre de
l’aménagement et de la ville pendant 2 ans (notamment sous le gouvernement Juppé II)
tandis que Raymond Barre avait une expérience de ministre et de premier ministre. Il
s’agissait ainsi pour ces élus de prendre appui sur un territoire électif à forte influence.
Cette « forte personnalisation du pouvoir local, notablement accentuée par la

65
DOUILLET A-C, « Les élus ruraux face à la territorialisation de l'action publique », Revue Française
de Science Politique, vol. 53, n° 4, août 2003, p.592
66
LE GALES P., «Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine», art. cit, p. 72
67
PINSON G., «Projets de ville et gouvernance urbaine. Pluralisation des espaces politiques et
recomposition d'une capacité d'action collective dans les villes européennes », Revue Française de
Science Politique, vol. 56 (4), 2006, p. 619-651
68
NEGRIER E., La question métropolitaine. Les politiques à l’épreuve du changement d’échelle
territoriale, op. cit, p. 128
69
PINSON G, «Projets de ville et gouvernance urbaine, pluralisation des espaces politiques et
recomposition d'une capacité d'action collective dans les villes européennes», art. cit., p. 644

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 27
décentralisation »70, était en leur faveur car elle leur offrait la possibilité de maintenir
leur visibilité.

2. Des coopérations vectrices de ressources et de légitimation pour les


grands élus

Les coopérations bilatérales ont traduit une transformation assez nette des modes de
légitimation des élus urbains. En effet, alors que les ressources à mobiliser pour l’action
publique urbaine ne venaient pour l’essentiel plus du pouvoir central, il s’agissait pour
le personnel politique de développer de nouveaux modes de légitimation71.

Les coopérations bilatérales pouvaient ainsi se présenter comme vecteur de ressources


devenues indispensables :

« Les ressources que le maire collecte dans cet investissement sont des
ressources qu’il valorise dans l’action publique urbaine (idées,
stratégies, politiques sectorielles, alignement cognitif entre acteurs des
politiques, constitution et consolidation d’une coalition, etc. »72

Cette considération par les « outputs » ne se présentait pas comme la seule motivation.
La dimension politique (au sens de « politics ») prenait ainsi très largement part dans
l’investissement des élus. Ainsi, la capacité à être désormais identifié comme élu actif
de son territoire, offrait la possibilité d’une « légitimité fondée sur la reconnaissance
des pairs »73 qui pesait de tout son poids dans les coopérations du Grand Sud Est. Un
propos confirmé par une directrice de services du Grand Lyon :

« Pour Marseille, il faut pas se cacher derrière son petit doigt. Une
partie de ces coopérations sont souvent impulsés par des éléments plutôt
politiques. Stratégie, espèce de jeu d’alliance très peu objectivé entre
telle et telle métropole. Des stratégies d’alliances d’autant plus fortes

70
MABILEAU Albert, « Les génies invisibles du local. Faux semblants et dynamiques de la
décentralisation », Revue Française de Science Politique, Volume 47, numéro 3, 1997, p. 354
71
BEAL V. et PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », Pôle Sud 2009/1, n° 30, p. 24
72
BEAL V. et PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », art. cit, p. 24
73
LE SAOUT R., « De l’autonomie fonctionnelle à l’autonomie politique. La question de l’élection des
délégués des établissements intercommunaux », Actes de la recherche en sciences sociales, avril 2004, p.
76

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 28
que les relations entre les hommes sont bonnes ou pas bonnes. Assez
étonnamment quand on est à cette échelle là, on est plutôt dans une
certaine irrationalité. Cela fait partie du paysage.

Comme cela fût évoqué par Gilles Pinson et Vincent Béal à propos de Saint Etienne,
l’utilisation électorale de cette ressource peut parfois apparaitre limitée. C’est
notamment le cas dans certain contexte « où la culture locale apparaît plus marquée
par l’entre-soi que par l’ouverture vers l’extérieur »74. Jean Yves Sécheresse évoquait
notamment cette situation quant à la ville de Marseille :

« Les coopérations avec Marseille sont liés à la capacité de Marseille à


lier des coopérations. Marseille a-t-elle seulement des liens avec
n’importe qui ? Regardez seulement les relations qu’elle a avec Aix.
Marseille n’a pas de réseau. Ils ne sont pas lancés dans les stratégies
actuelles adoptées par les autres villes ».

Ainsi, il s’agit de relever que mes entretiens révélèrent qu’à l’époque Jean-Claude
Gaudin apparaissait assez peu enthousiasmé par le projet, ne s’y investissant que pour
« faire plaisir » à son homologue lyonnais. Cet argument laisse à penser que les
motivations des acteurs investis dans la coopération ne se limitaient pas seulement à la
promotion et au développement du territoire Grand Sud Est.

L’originalité de ces dynamiques est donc double. L’élu bénéficie à la fois d’une
légitimation par les « outputs » (produit de l’action publique) mais également d’une
légitimation par les « inputs » (création de soutiens entre élus, assise au sein d’un
parti…).

74
Ibid, p. 16

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 29
B. Le danger de l’injonctionnisme politique

Ces stratégies de légitimation, véritable vecteur de motivation pour l’investissement des


élus peuvent dans certains cas se révéler porteurs d’effets négatifs.

1. Une charte menée par un groupe d’acteurs restreint

Ces enjeux politiques eurent un impact sur la charte dès sa signature. Alors que celle-ci
s’inscrivait dans la suite logique du Grand Delta et du Grand Sud Est, sa réception par le
conseil municipal lyonnais se présenta comme mitigée.

En effet, ce 17 février 1997 l’opposition (dont faisait parti Gérard Collomb) réagit de
manière vive. Dans un premier temps, ce sont les modalités de signature qui sont
contestées. Tous déplorent : « qu’il n’y ait pas eu davantage d’informations ni de
discussions préalables à la signature de ce document »75. La possibilité d’une
coopération avec la ville de Marseille fut lui-même discuté :

« Marseille fournit un assez bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire »76,
« On ne peut pas coopérer avec tout le monde et dans toutes les
directions »77.

Autrement dit, le conseil municipal insistait sur la nécessité de faire des choix. Hormis
ces premiers éléments de contestations, ce sont les propos tenus par Yvon Deschamps
qui m’interpellèrent de manière particulière :

« Le hasard a voulu que j’entende, cette après midi, sur une chaine
d’information nationale, quelques mots de commentaires sur cette
charte dont j’ignorais venant ici que nous allions avoir à en débattre »
78
.

Il apparaît ainsi qu’en dehors du cercle exécutif (le maire et des adjoints), qu'aucun
autre élu municipal n’était au courant de la signature de cette charte. La volonté qui se

75
Bruno GOLNISCH, Délibération du conseil municipal – séance du 17 février 1997, transmis par la
Mairie de Lyon.
76
Ibid
77
Ibid
78
Yvon DESCHAMPS au nom de Gérard COLLOMB, Délibération du conseil municipal – séance du 17
février 1997, transmis par la Mairie de Lyon

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 30
voulait générale semblait en réalité en fait particulière dans son élaboration79. La
politique, au sens de policy, avait été menée par un groupe restreint.

2. La coopération comme affirmation d’une volonté politique

La coopération Lyon/Marseille se présentait ainsi comme l’affirmation d’une volonté


politique, comme « l’affirmation de « fins » d’un projet idéologique qui détermine une
orientation »80.

Raymond Barre créait ici véritablement une cohésion autour de son projet. Il s’agissait
d’une volonté personnifiée qui donnait son sens à la politique publique, une volonté qui
assure l’inscription de la politique sur l’agenda gouvernemental et rendait possible son
inscription financière81. Ainsi pour Philippe Bezes, cette autorité apparaissait comme :

« une ressource jugée indispensable pour mener à bien le programme »82

Alors que ce dernier qualifie ces politiques de volontariste, Fabrice Dhûme83 parle quant
à lui d’injonctionnisme. Leurs définitions apparaissent similaires.

« Il s’agit d’une expression circonstanciée d’une volonté incarnée par


un leader politique sur un mode autoritaire et manifestée par des
décisions »84.

La caractéristique de ces policies est de s’appuyer sur un contenu politique fort. Elles
témoignent :

« d’un rapport de commande qui est significatif d’une tendance à la


disparition de la démocratie dans l’organisation de la gestion des
problèmes publics »85.

En soi, l’injonction ne constitue pas un problème. Cette démarche peut être jugée
nécessaire pour l’organisation de l’espace politique. Il semble que l’obstacle premier

79
BEZES P, L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, op . cit, p. 206
80
BEZES P, L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, op. cit, p. 206
81
Ibid, p. 207
82
Ibid, p. 212
83
DHUME F., La coopération dans l’action publique, L’Harmattan, Paris, 2006, 330 pages
84
Ibid, p. 231
85
DHUME F., La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 25

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 31
vienne du fait qu’une politique de coopération injonctionniste puisse parfois manquer de
contenu :

« En effet, l’injonction au partenariat « exige » de la coopération tout en


situant celle-ci sur un mode improductif – parce qu’elle la conçoit hors
situation consensuelle »86.

Conclusion du premier chapitre :

Les années 70, 80 et 90 se présentent comme des décennies où l’enjeu coopératif


devient prépondérant. Etre reconnu, « être branché », est une priorité.

C’est aussi le cas pour les élus métropolitains du Grand Sud Est. Bien que les modes de
faire soient multiples, un certain nombre d’agglomérations optent pour des politiques de
coopération menées et encadrées par des élus. Signée en 1997, la charte Lyon Marseille
illustre parfaitement cette tendance. Cette initiative se veut structurante d’un territoire
d’action en devenir mais plus que cela, elle tend à offrir une nouvelle scène politique
aux personnels politiques locaux.

De manière évidente, de telles démarches tendent à soulever dans leur mise en œuvre un
certain nombre de problématiques, parfois difficiles à surmonter. Nous tendrons à
revenir sur ces dernières dans ce second chapitre.

86
Ibid, p.26

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 32
CHAPITRE 2 : DES COOPERATIONS
BILATERALES TROP POLITIQUES ?
OBSTACLES ET FAIBLESSES D’UNE
CONSTRUCTION TERRITORIALE

En décembre 1995, l’INUDEL87 dans un rapport intermédiaire pour la préfecture de


Rhône Alpes, revenait en ces termes sur la coopération bilatérale entre Lyon et
Marseille : « pour qu’un bi-pôle Lyon-Marseille réussisse à émerger, il faut qu’il
s’appuie sur un matériau de départ, à savoir les réseaux d’acteurs travaillant dans la
proximité, ou partageant des spécialités communes. Aucune coopération de ce type ne
peut se décréter par le seul effet d’une volonté politique »88.

La phrase sonnait d’ores et déjà comme une sentence. Malgré l’investissement des deux
villes dans la démarche de coopération, celles-ci durent faire face à un certain nombre
d’obstacles intrinsèques à sa mise en œuvre. Face à toute la complexité d’élaboration du
Grand Sud Est, les coopérations bilatérales en tant qu’instrument d’action publique,
offrent-t-elles véritablement la possibilité d’une organisation pertinente ?

Ce second chapitre reviendra sur les éléments qui ont pu freiner la dynamique du Grand
Sud Est. Nous aborderons tout d’abord les failles inhérentes à la démarche choisie, puis
l’émergence d’enjeux internationaux allant jusqu’à menacer les coopérations bilatérales
au sein du Grand Sud Est.

87
INUDEL : Association Régionale pour l’Innovation Urbaine et le Développement Local
88
INUDEL, Contribution à la réflexion prospective en Rhône-Alpes, Décembre 1995, p. 12

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 33
I. Les raisons d’un échec

La coopération initiée, il s’agissait donc à présent de la mettre en œuvre. Cette étape se


présenta rapidement comme complexe. Ce qui s’imposait auparavant comme un tout
cohérent devait désormais être appréhendé de manière fragmentée. Chaque secteur,
chaque service, s’est ainsi vu dans la nécessité de s’approprier cette politique de
coopération, de l’envisager et de l’adapter à son contexte institutionnel et cognitif.

Cette première sous partie reviendra sur l’appropriation de ces coopérations par les
acteurs locaux : agents territoriaux et agents économiques. La difficulté de la
fragmentation de la volonté politique (autrement dit de son application) sera abordée
dans une première sous partie suivie de la question de l’affichage politique, véritable
frein à des coopérations abouties.

A. La fragmentation de la volonté politique : d’une


dynamique globale aux décisions singulières.

L’application d’une coopération est loin d’être aussi simple qu’il n’y parait. En effet, la
volonté du leader politique n’apparait plus suffisante à sa bonne mise en œuvre.

« Souvent c’est ce qui se passe : le villes se rapprochent et ensuite les


politiques se tournent vers les fonctionnaires et ils leur demandent de
trouver des sujets de coopération. On dit qu’on a des choses à faire et
après seulement on regarde quoi. Etonnamment, c’est assez rarement
l’inverse. C’est un peu caricatural mais un peu vrai quand même ».

« C’est pas parce que les gens qui sont à la tête des institutions disent il
faut y aller que ça se fait.»

La volonté de l’agent territorial non plus d’ailleurs. Ainsi comme l’évoquait Philippe
Bezes :

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 34
« L’homogénéité construite par le volontarisme de l’annonce est
dissoute dans la mise en œuvre »89.

Force est de constater que chaque secteur d’activité se présente comme porteur
d’enjeux et de problématiques propres. Dans le cadre de la charte Lyon/Marseille, les
acteurs concernés percevaient pour beaucoup cette dernière comme une charge de
travail supplémentaire. Le manque de temps fût par exemple invoqué. Il paraissait
intéressant de revenir ici de manière illustrative sur deux secteurs d’activités distincts :
l’un économique (la mode), l’autre public (la culture).

La charte de coopération avait été aménagée par secteurs de travail. Loin d’être exclus
de la démarche, les agents territoriaux et acteurs économiques avaient été dans une
certaine mesure associés à la dynamique d’élaboration de la charte.

M. Brivet, Directeur Général de Mode Habillement Rhône Alpes, nous expliquait ainsi
comment il avait été contacté afin d’exposer les points possibles de coopération. Il
s’agissait d’identifier des possibilités, une démarche qui se présentait alors sous la
forme d’un simple listing, d’un catalogue.

Malgré cette initiative, la coopération ne se présenta pas forcément comme un succès.


Des contacts furent effectivement créés entre les deux villes, une opération conjointe
« Affaire de mode » fût même lancée. Cet évènement, qui avait pour ambition de se
tenir alternativement dans l’une des deux villes, eut lieu en 2003 et ne fût jamais
renouvelé.

L’appropriation fût faible. Au-delà d’un affichage très fort, il n’y avait à priori pas de
correspondance d’acteurs entre les deux régions. C’est ainsi que le secteur en est venu à
prétendre un partenariat pour simplement se conforter à une commande. Ce qu’ignorait
le monde politique, lyonnais comme marseillais, c’est qu’existait une concurrence
explicite entre les deux villes dans ce secteur d’activité.

« Il y a une défiance permanente entre les deux villes. Cela va au delà


de la volonté politique ».

89
BEZES P, L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, op. cit, p. 220

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 35
Ce climat se présentait loin d’être favorable à une coopération saine. Les pouvoirs
publics, n’avaient su, dans ce cadre appréhender de manière juste les enjeux liés au
domaine de la mode.

« Ça voulait pas dire qu’il fallait tout prendre. La ville ignore souvent
qui sont les acteurs secteurs par secteurs ».

Le service des affaires culturelles se présente également comme un excellent exemple


de cette difficile fragmentation d’une politique de coopération généraliste. Le directeur
du service fût assez surpris de ma démarche et de mes questions sur le sujet.

« Dans les années 90, il existait des jumelages entre les villes sous cette
forme. Des coopérations très très artificielles qui une fois élaborées se
retrouvaient sans fond ».

D’ores et déjà à l’époque, les coopérations n’étaient en aucun cas gérées par la direction
culturelle, mais bien par chaque musée, chaque opéra, en bref par chaque organisme
selon ses intérêts.

« La première chose recherchée est l’intérêt professionnel. Les intérêts


politiques peuvent parfois être contradictoires et peuvent même gêner.».

La dynamique de rapprochement fût donc difficile à mettre en place. Les « micro


logiques sectorielles »90 comme les appellent Philippe Bezes, détiennent ainsi un
pouvoir (conscient ou inconscient) non négligeable. Loin de la logique généraliste et
collective, la coopération est appréhendée en fonction des intérêts locaux. Plus que
jamais, l’art de gouverner semble ainsi relever de l’appréhension du passage entre
théorie et pratique.

B. L’affichage, les dangers d’une arme politique

Sur la base de ce constat, il est apparu que l’éclat de la coopération venait avant tout du
discours tenu par les acteurs initiateurs. Alors que sa mise en œuvre interne se présentait
comme complexe, parfois laborieuse et porteuse de conflits, à l’extérieur cette dernière
apparaissait comme relevant de l’évidence et du consensus.

90
Ibid, p 221

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 36
En effet, la presse, et ce depuis l’article du 9 mai 1996 publié dans le Monde91, relayait
de manière régulière les avancées et reculs de la coopération et se montrait on ne peut
plus enthousiaste. A l’image de ces titres92, les articles foisonnaient :

o « Marseille se rebiffe », Le Progrès, 24.04.96


o « Lyon et Marseille jettent les bases du Grand Sud Est », Le Monde, 7.11.96
o « Lyon-Marseille : vivre le futur à deux », Le Progrès, 15.12.97
o « Les atouts internationaux de l’axe Lyon/Marseille », Figaro Méditerranée,
01.02.97, p. 25
o « Le sommet des villes de la Méditerranée » Lyon cité, n° 28, 03.98, p.14
o « Lyon a signé une charte d’alliance », Le Progrès, 17.07.98, p. 9
o « Lyon et Marseille filent le parfait amour », Le Progrès, 20.09.99
o « Lyon et Marseille s’allient pour renforcer leur image en Europe », La
Tribune, 24.04.2002

Impossible de dire ici s’il s’agissait d’un intérêt journalistique ou d’une volonté
politique. Une interrogation renforcée par les propos de l’ancien Secrétaire Général des
Services du Grand Lyon :

« Parce qu’en fait les journalistes, ils écoutaient beaucoup Barre. Il


suffisait qu’on dise Barre va vous parler et ils accouraient. C’était
marrant, hein ».

Cette appropriation du sujet par les médias tend à soulever tout un certain nombre de
questions, notamment celle de la dimension symbolique. Cherchait-on réellement à
rendre concrète cette coopération ? Un élément fût d’ores et déjà relevé à cette époque à
propos des délocalisations publiques :

« Pour beaucoup, dès lors qu’elles ont été dites par le premier ministre,
les délocalisations ont déjà eu lieu ; la dimension symbolique de la
politique lui donne une existence sur le long terme, une existence dans
l’opinion et une visibilité politique »93

91
« Lyon-Marseille, un destin partagé », Le Monde, 09/05/1996
92
Articles joint en annexes.
93
BEZES P, L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, op. cit, p. 210

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 37
Cette affirmation apparaît très largement transposable aux coopérations bilatérales. En
effet, la charte Lyon/Marseille était sans nul doute porteuse d’une forte dimension
symbolique. Il s’agissait alors pour les villes (et pour leur maire) d’être reconnues
comme acteurs émergents et légitimes de la scène territoriale et politique, française et
internationale.

L’acte de décider, d’annoncer pouvait dès lors se présenter comme un acte fort et porter
par là-même une première efficacité. Philippe Bezes évoque à ce propos « une politique
de la parole politique »94.

Christian Le Bart revenait dans son article « Les politiques d'image : entre marketing
territorial et identité locale » de manière pertinente sur cet enjeu. Découverte il y a près
de deux décennies par les collectivités, la communication tend désormais à devenir un
véritable outil politique, pour parfaire la démocratie locale, faciliter une réélection ou
encore promouvoir un territoire. La publicité devenait dès lors une arme décisive95.

« Il est possible aux élus d’agir sur l’image du territoire par le biais des
politiques de marketing territorial, à condition bien sûr de choisir les
bonnes cibles, les bons messages, les bons supports »96

« Cette image produit des effets sociaux : les acteurs économiques sont
ainsi plus ou moins attirés par un territoire, selon que celui-ci leur est
ou non connu, selon que les connotations attachés à son nom sont ou
non positives »97.

Au final, comme l’évoquait un chargé d’études du SGAR Rhône Alpes, l’efficience de


la coopération ne passait alors pas seulement par sa mise en œuvre concrète :

« Le psychologique, le symbolique est parfois plus important que le


fond ».

Le moment de sa publication apparaît également essentiel. C’est à cet instant que la


coopération devient assumée, portée et incarnée par les deux maires. Cette étape devient

94
Ibid, p. 209
95
LE BART C, « Les politiques d'image : entre marketing territorial et identité locale ", in R. Balme, A.
Faure, A. Mabileau, Les nouvelles politiques locales, Presses de Sciences-Po, 1999, p. 416
96
Ibid
97
Ibid

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 38
une phase de personnalisation où la coopération tend à devenir symbolique. De manière
volontaire ou non, « l’injonction à coopérer a virtualisé la coopération »98. Cette
apparence de coopération et de coordination peut contribuer à en décrédibiliser l’idée au
motif de son inconsistance. Pour autant, cet élément ne sera pas le seul contribuant
progressivement à mettre en péril la construction d’un Grand Sud Est des métropoles.

II. La concurrence des métropoles, nouvelle limite


à la coopération

Le Grand Sud Est est né et s’est développé en parallèle de la mondialisation telle que
nous la connaissons aujourd’hui. Cette dernière influença simultanément un certain
nombre de domaines : finance, commerce, production, technologies, et eut bien
évidemment une influence sur la construction territoriale. La dimension concurrentielle
joua ainsi véritablement un rôle dans l’émergence et la réussite du Grand Sud Est, à
l’image de cet extrait de Jean-Pierre Gaudin :

« L’idée qui consiste non pas à opposer mais à lier ensemble


coopération et concurrence est intéressante car elle souligne bien les
interdépendances en cause. Les coopérations vont rarement sans
quelques compétitions, et les concurrences se gèrent finalement
souvent à travers des compromis» 99.

A. La prépondérance de la concurrence

La notion de concurrence reste toujours en suspend, même dans une coopération. Cette
dimension fût ainsi présente tout au long de l’application de la charte Lyon/Marseille

« Reste que sur certains dossiers, les deux villes sont en concurrence
notamment dans ce qui touche au développement économique et à
l’attraction des investissements étrangers. Marseille a intérêt à tisser
des liens, mais sans doute avec des villes moins proches
géographiquement que ne peut l’être Lyon.».

98
DHUME F, La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 301
99
GAUDIN J-P, « Politiques urbaines et négociations territoriales. Quelle légitimité pour les réseaux de
politiques publiques ? », Revue Française de Science Politique, Volume 45, Numéro 1, 1995, p. 38

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 39
« S’il n’y a pas de concurrence directe, il y a une certaine rivalité. Il y a
même une sorte de jalousie, un orgueil fort du côté de Marseille comme
du côté de Lyon ».

La concurrence entre les villes, présente depuis le Moyen Age, avait longtemps été
encadrée par les états nations. L’affaiblissement de ces derniers (évoqué dans
l’introduction) a logiquement relancé cette dimension au sein des territoires
métropolitains. Ainsi, alors que l’Etat keynésien, tendait à maintenir le plein emploi et
à favoriser une forte consommation, il dû s’adapter au nouveau système économique.
Avec la crise des années 70, la compétitivité du territoire national s’insérant dans une
économie désormais mondialisée est devenue un objectif. Dans ce cadre, les métropoles
ont rapidement joué un rôle majeur.

« Elles sont les premières exposées à la nécessité de rendre leur


territoire attractif »100.

Partie prenante de la mondialisation, les métropoles devaient désormais nécessairement


être reconnues à l’échelle internationale. Il importe aujourd’hui d’être compétitif, c'est-
à-dire à la fois performant et surtout attractif. La ville doit se faire connaître à l’extérieur
de ses frontières. D’autre part, la compétitivité est maintenant nécessaire pour
l’obtention de nouvelles ressources distribuées à la fois par l’Etat et par l’Union
européenne.

« La compétitivité et l’attractivité territoriale constituent également une


injonction faite au territoire par les niveaux nationaux et européens
d’interventions publiques »101

La compétitivité devenait le référent majeur des sociétés occidentales, il en a résulté


une modification des concurrences entre territoires qui eut une influence non
négligeable dans la construction du Grand Sud Est. Les régions urbaines sont désormais
en compétition à l’échelle européenne, voire mondiale. Leur attractivité dépend de leur
capacité à affirmer leur différence donc leur visibilité. C’est dans ce sens que Gilles
Pinson développe la notion de différenciation : les villes en concurrence les unes avec
les autres cherchent à se spécialiser, à valoriser leurs singularités.

100
PAYRE R., Ordre politique et gouvernement urbain, op. cit, p. 120
101
MOTTE A., Les agglomérations françaises face aux défis métropolitains, Anthropos Ville, avril 2007,
p. 242

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 40
« Globalement, il s’agit désormais d’identifier, de construire, de
maintenir et de renouveler des ressources localisées dans lesquelles
certains acteurs économiques voudront pouvoir puiser102.

Les coopérations bilatérales entre les villes de Lyon et Grenoble ont complètement été
guidées par cette appréhension de concurrence entre les espaces, elles constituent ainsi
un excellent exemple.

1. La coopération Lyon/Grenoble

La première initiative de rapprochement entre les deux villes phares de Rhône-Alpes


date de 1966 : l’OREAM (Organisme régional d’Etude et d’Aménagement d’Aire
Métropolitaine) se présentait alors comme un travail collectif réalisé sous la tutelle de
l’Etat. En 1988, le rapport Carrière évoquait de nouveau la nécessité de liens renforcés
entre Grenoble et Lyon, notamment par la création de la Voie Dauphine. Plus
récemment, en 2003, une candidature commune du Sillon Alpin et de la Région Urbaine
de Lyon dans le cadre de l’appel à la coopération métropolitaine, était lancée. Cette
dernière fût rapidement abandonnée.

Dans l’imaginaire collectif, les coopérations entre les deux villes se présentent comme
très accentuées, comme très suivies. En réalité, les liens (à l’exception des pôles de
compétitivité) se présentaient comme assez faibles.

Aujourd’hui, persiste une concurrence entre les deux grandes villes Rhônalpines.
Grenoble, capitale d’envergure régionale, n’a pas d’institutions, ni de représentations
commerciales reconnues nationalement, une situation qui influe sur les relations entre
les deux villes et tend à les freiner. La ville a de tout temps évoqué le souhait de
s’affranchir de Lyon afin d’asseoir son propre développement. Nous pouvons ainsi citer
une anecdote évoquée à plusieurs reprises lors des entretiens : celle des changements de
trains. Les voyageurs se rendant à Grenoble se voient, sauf exception, dans l’obligation
de changer de train et d‘emprunter une correspondance à la gare de Lyon Part-Dieu.
Une situation, mise en cause, par un certain nombre d’interlocuteurs estimant que
l’envergure de la ville de Grenoble devait leur permettre d’éviter cette contrainte. De la
même façon, nous relèverons la volonté de ne pas réduire la durée du trajet en TER

102
Ibid

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 41
(Train Express régional), de crainte de voir les bassins d’emploi des deux villes se
confondre.

« Au final, développer des relations avec Lyon ne fait pas parti des
intentions de Grenoble, elle se tourne vers autre chose ».

Lyon et Grenoble, respectivement capitale de la Région Urbaine de Lyon et du Sillon


Alpin, sont fortes aujourd’hui d’un respect mutuel renforçant le positionnement
économique de la région Rhône Alpes. Malgré leur proximité, ce respect mutuel tendait
vers l’ignorance. Ainsi, la concurrence frappant les deux villes est apparue déterminante
dans leur rapport à l’espace et aux coopérations. Comme nous allons le voir ensuite,
cette nouvelle dimension a développé un autre effet sur les coopérations bilatérales.

2. La Satisfaction des intérêts : l’exemple de la Mission


Lyon/Marseille

Lorsque l’une des deux villes voit ses intérêts satisfaits, la coopération bilatérale se
présente désormais directement menacée. Fabrice Dhûme revenait sur le sujet en ces
termes :

« Par ailleurs, ce n’est pas la non réalisation des intérêts qui porte fin à
la coopération. C’est d’abord l’inverse, du fait que la coopération est
relative à un projet. D’une part, la fin des coopérations arrive
tendanciellement avec la réalisation des intérêts. Et d’autre part, la non
réalisation tend plutôt à appeler plus de coopération »103.

Une illustration flagrante de cet argumentaire apparut lors de mon étude : celle de la
Mission Lyon/Marseille sur les délocalisations publiques : tout commence avec le
développement d’une mission de prospective en vue d’implantation des délocalisations
publiques à la demande de Raymond Barre. Le département des délocalisations
publiques fût ainsi créé. Il était composé de 5 à 6 personnes et dirigé par M. Jean-Marc
Roumillac. L’objectif était alors de valoriser la ville de Lyon dans un objectif de
lobbying.

103
DHUME F., La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 248

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 42
Cette initiative se présenta rapidement comme un succès : Lyon bénéficia d’une
quarantaine de délocalisations publiques. Ainsi, le département contribuait au
développement de la ville.

La commune de Marseille porta rapidement un vif intérêt pour le projet. Jean-Claude


Gaudin interrogea alors Raymond Barre sur la possibilité, dans le cadre de la charte de
coopération en cours, de créer une alliance entre les deux villes sur le sujet.

Face à la concurrence des grandes agglomérations européennes, l’exécutif jugea


nécessaire de s’allier dans ce domaine si décisif pour une visibilité internationale.
Comme l’expliquait Laurence Eymieu, ancienne adjointe au maire de Marseille :

«Un des objectifs du rapprochement avec Lyon est aussi de


contrebalancer l’influence de la région parisienne »104.

L’accord fût donc acté. Le principe était simple : les deux villes présentaient une seule
candidature pour deux. Une seule équipe préparait alors ces dossiers : « la Mission Lyon
– Marseille » dirigée par M. Jean-Marc Roumilhac (Aderly). Celle-ci était composée de
13 lobbyistes, recherchant auprès des institutions européennes et internationales, les
projets de délocalisations et de création d’institutions. Ensemble, Lyon et Marseille
convenaient alors de mettre en avant l’une ou l’autre des deux villes selon le projet.

Au final, la mission Lyon-Marseille promouvait donc l’installation des délocalisations


publiques dans le sud est de la France plutôt que dans l’une ou l’autre des deux villes.
La coopération, sans nul autre équivalent, fût ainsi un véritable succès entre 2000 et
2004. L’équipe prospectait. Ensuite seulement, le directeur réalisait un choix entre la
ville de Lyon ou celle de Marseille.

Près de 45 organismes se sont ainsi implantés à Lyon ces dernières années. Il s’agit de
reconnaitre que Marseille a moins bénéficié de ce dispositif (la ville a cependant obtenu
le musée des arts et tradition populaire ainsi que le centre européen de la santé
humanitaire). Cet état de fait s’expliquait par la faible expérience dans ce domaine de la
cité phocéenne.

104
GUY MARIE S, SEZNEC E., « Lyon et Marseille s‘allient pour renforcer leur image en Europe », La
Tribune, 24.04.02

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 43
C’est avec le projet Ubifrance/Centre Français du Commerce extérieur (CFCE), alors en
pleine restructuration, que la coopération s’envenima quelque peu : la décision fût prise
de délocaliser en province le centre français du commerce extérieur.

Rapidement, les deux villes se présentèrent comme intéressées. Lyon valorisait un


nombre très important d’entreprises tandis que Marseille se présentait comme une ville
de commerce historique. La situation se présenta comme difficile et les deux villes
réalisèrent chacune un dossier de candidature. Il s’agissait alors du premier coup de
canif dans l’accord signé entre les deux villes.

Suite à la présentation de son projet, Marseille fut retenue. Une décision très mal
accueillie à Lyon : pour les acteurs politiques et économiques lyonnais, sans l’accord de
coopération signé entre les deux villes, Marseille n’aurait jamais rien su de cette
délocalisation. Lyon aurait donc gagné. Ce scénario se renouvela une seconde fois avec
l’Institut de recherche pour le développement.

Entre temps, Gérard Collomb était élu à la tête de la mairie de Lyon. Ce dernier fut
rapidement invité par Jean Claude Gaudin à Marseille. Le maire lui fit alors comprendre
que la ville de Marseille n’avait plus besoin de celle de Lyon, les deux villes n’avaient
donc plus d’intérêt à travailler ensemble sur ce point. Marseille avait acquis assez
d’expérience pour être indépendante et avait à présent une très bonne compréhension
des mécanismes institutionnels.

Le changement de gouvernement (passage à droite) renforça son argumentaire. En effet,


dans le domaine des délocalisations publiques, c’est bien l’enjeu des relations qui
prime. Or quand le gouvernement change, les personnes en poste changent également,
les compteurs sont ainsi remis à zéro pour l’ensemble des villes lobbyistes.
Aujourd’hui, la mission Lyon-Marseille est au point mort. La MIPRA s’occupe des
délocalisations publiques de la ville de Lyon.

Très nettement, la coopération est parfois perçue dans une approche d’économie
politique, dans une visée de la demande et de l’offre, des besoins et des intérêts.

« Ce serait en fait le manque qui motiverait voire obligerait à la


coopération »105.

105
DHUME F, La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 245

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 44
B. La persistance d’une forte attente

Malgré ces multiples difficultés, persiste toujours une forte attente technique. Nombre
d’agents territoriaux relevaient ainsi dans ce domaine un manque dans leur travail. A
l’image d’une chargée d’étude à Euroméditéranée qui évoquait trouver fortement
dommageable l’état des relations entre Lyon et Marseille :

« Elles pourraient coopérer sur un certain nombre de thématiques.


L’enjeu du développement durable par exemple serait propice à de
multiples discussions ».

« La confrontation de différents regards pourrait être intéressante, en


cela l’absence de liens entre les deux villes est un manque réel ».

Un certain nombre de villes dont Marseille tend à solliciter de manière régulière la ville
de Lyon ainsi que la communauté urbaine. Il en est de même pour l’agence
d’urbanisme. Lyon n’est cependant pas forcément intéressée, d’autres priorités étant
avancées.

Conclusion du second chapitre :

Au vue de ces éléments, le domaine « des affaires générales » apparaît peu propice à la
coopération. Dans un premier temps, il semble parfois manquer de contenu. D’autre
part, la fragmentation et les enjeux liés au monde politique tendent à la menacer. Un
interlocuteur évoquait ainsi à ce propos « l’erreur du tout politique ».

« On retrouve ici l’idée que des liens forts peuvent s’avérer au final
contre productifs »106

La coopération pour elle-même n’a en soi que peu d’avenir. Elle n’existe durablement
que si elle parvient à être médiée par un autre objet, pour réaliser quelque chose. Les
liens faibles, contribuant à éviter l’enfermement, apparaitront dès lors plutôt privilégiés.
Le premier constat réalisé est ainsi la nécessité d’un objet thématique qui porterait la
coopération, il en serait le moteur. Cet objet ôté, rien ne resterait et la coopération ne
pourrait tourner à vide.

106
LOILIER T, Innovation et territoire, Revue Française de Gestion, n° 200, 2010, p. 21

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 45
Cela nous pousse à nous interroger sur la construction du Grand Sud Est ? Les
coopérations bilatérales se présentent-elles comme le moyen le plus opportun ?

Face à ces difficultés, il apparaît avéré que le choix de ces coopérations bilatérales ne
sera pas le moteur de la dynamique Grand Sud Est. Bernard Morel tendait à pousser
cette interrogation: le Grand Sud Est se présente-il donc comme une réalité ou
seulement une volonté politique ? Ainsi, il définissait cette construction territoriale
comme :

« Un espace virtuel qui se dessine autour de caractéristiques communes


et dont la transformations en « territoire » reçoit des soutiens politiques
de plus en plus nombreux »107.

Malgré cet « espace jugé virtuel », force est de constater une nécessité au
rapprochement, un besoin toujours exprimé par les personnes rencontrées. Une nouvelle
stratégie d’action va alors se mettre en place, elle sera abordée dans un troisième
chapitre.

107
MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en Europe : l’exemple du Grand Sud-Est et
de l’axe rhodanien », art. cit, p. 195

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 46
CHAPITRE 3 : VERS UN RENOUVEAU DU
GRAND SUD EST ? RETRAIT DU POLITIQUE ET
POSITIONNEMENTS DES ACTEURS LOCAUX

Cette idée très puissante entre les années 90 et 2000 d’avoir des relations efficaces,
concrètes et directes entre les grands décideurs va, face à ces difficultés, apparaitre
désormais beaucoup moins prégnante. Les coopérations bilatérales initiées dans les
années 90, pour l’émergence d’un Grand Sud Est, vont pour beaucoup s’essouffler.

Cette nouvelle dimension sonnait-elle pour autant le glas de ces coopérations ? Ou celui
du Grand Sud Est ?

Voilà la question à laquelle nous tenterons de répondre dans ce troisième chapitre. Pour
cela, nous nous concentrerons ici sur les acteurs qui, au quotidien, créaient ou créent
encore aujourd’hui des liens plus ou moins forts avec leurs homologues. Nous
constaterons que le personnel politique va progressivement tendre vers un nouveau
positionnement alors que d’autres deviendrons quant à eux quasiment incontournables
pour la construction et le maintien de coopérations bilatérales dans le Grand Sud Est.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 47
I. Un exécutif partagé entre discours et actions

Face aux obstacles évoqués précédemment, l’investissement du personnel politique


dans le Grand Sud Est et dans les coopérations bilatérales va tendre à s’amoindrir. Mais,
cela se présentera comme une véritable évolution, évolution sur laquelle nous
reviendrons dans cette première sous partie.

A. Le nouveau positionnement du cabinet politique

Dans les mairies ou agglomérations, il n’existe aujourd’hui plus d’agents territoriaux


chargés des coopérations avec les autres villes françaises. Ce constat fût sans nul doute
le premier de cette étude de 5 mois. Alors qu’étaient salariés des responsables de
réseaux de villes, alors qu’il existe une direction des relations internationales, aucun
interlocuteur responsable de cette question à plein temps ou de manière partielle n’a pu
être identifié. En effet, les cabinets tendent désormais à s’exprimer et à travailler eux-
mêmes sur ces problématiques.

1. Une absence d’interlocuteurs identifiés

Cette situation est nouvelle, symptomatique de l’évolution des coopérations bilatérales


ces dix dernières années ; en effet jusqu’au début des années 2000, un chargé de
mission, ou parfois même le directeur général des services lui-même, était responsable
de ce poste. Le choix de confier l’animation à une personne dont le poste était
permanent constituait une preuve de confiance non seulement dans l’outil coopératif
mais également dans ces bénéfices. Ce chargé de mission assurait en quelque sorte la
pérennité d’un lien entre les deux villes, devenant rapidement indispensable. Bien
qu’attaché à une collectivité, son avantage était d’avoir une part d’indépendance. La
réussite de la coopération était son objectif premier108.

Aujourd’hui, ces postes n’existent plus. La première raison apparaît de manière


évidente : force est de constater que les collectivités font aujourd’hui face à de multiples
difficultés, notamment financières. Suite à la décentralisation, leurs prérogatives se sont

108
TESSON F, Les réseaux de villes en France. Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace, op.
cit, p. 198

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 48
largement vues étendues alors même que leur budget restait stable, une situation
amenant de manière logique, ces dernières à faire des choix.

« Est-ce qu’on est prêt à financer un poste ? Ce dernier sera toujours


mis en balance avec d’autres priorités ! »

« On n’ a plus les moyens pour ces postes. Sans compter les phénomènes
de mode évoqués tout à l’heure… »

Cet élément est à appréhender en parallèle d’un enjeu tout aussi complexe : le temps de
la coopération est souvent long et lent. Il s’agit :

« D’un temps composite, fait de présence et d’absence, d’action et de


latence, de parole et de silence, etc » 109.

Le temps de la coopération ne relève pas d’une suite logique et nécessite donc un


investissement différencié selon les périodes de travail. Ainsi, « à une échelle plus
large, la coopération intégrerait des temps non coopératifs »110. Le chargé de mission se
voit faire face à des temps que l’on pourra qualifier de creux. Cela rend d’autant plus
difficile la création d’un tel poste.

Si aujourd’hui aucun agent territorial n’est identifié pour répondre à la question des
coopérations inter-métropolitaines, cela signifie-t-il que ce sujet ne fait plus parti des
attributions actuelles des gouvernements municipaux ? Comme nous allons le voir par
la suite, non pas nécessairement.

2. Une appropriation nouvelle par le cabinet

La place des collaborateurs d’élus dans ces dynamiques de coopérations inter-


métropolitaines est rapidement apparue comme essentielle lors de mon étude. Ma
démarche fût ainsi de contacter les cabinets des différentes villes concernées. Une
évolution se discerna assez rapidement : les cabinets, et notamment celui du Grand
Lyon, tend désormais à s’approprier la question des coopérations. De multiples
arguments sont dans ce cadre mis en avant, mais la dimension phare reste la question de
la complexité des organisations métropolitaines :

109
DHUME F, La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 232
110
Ibid, p. 233

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 49
« Et puis c’est vrai que… Ce qu’il y a de sur c’est qu’on voit que
l’ensemble des collaborations, de groupements des échelles
apparaissent difficile à comprendre, difficile à appréhender. Il y a
l’agglo Lyon, la CAPI, Saint Etienne, l’Eurométropole et puis il y a
encore d’autres choses. On doit être une dizaine à appréhender
vraiment ça : Scot, RUL, réseaux de villes, relations bilatérales. Au-delà
de ça, il y a encore les relations avec Genève, il y a les relations
européennes. En fait, c’est une superposition de couches, de toiles
d’araignées. Ce n’est pas si clair et pas partagé du tout. Cela reste des
constructions intellectuelles, embryonnaires et pragmatiques ».

Comme l’exprime ces propos, le cabinet serait le seul à même à appréhender ces jeux
d’acteurs complexes :

« Gérard Collomb et le cabinet ont une vue d’ensemble, une perception


complète et logique de ces échelles ».

La coopération n’est ainsi plus déléguée à un acteur/animateur précis. Face à des enjeux
bien particuliers, la notion de confiance semble devenue incontournable. L’élu souhaite
maîtriser de manière totale ses liens et sa communication extérieure de peur de voir cet
outil lui échapper et entrer dans une dynamique qu’il ne maîtriserait plus entièrement111.
Nous observons ainsi une appropriation des coopérations bilatérales par le cabinet
politique des mairies et agglomérations concernées.

B. Vers la fin des coopérations bilatérales ?

Pour autant, la prise en main réelle de ces questions apparaît minime. Ces éléments
(absence d’interlocuteurs identifiés et appropriation parle cabinet de ces enjeux) ont
progressivement tendu à marginaliser les coopérations bilatérales. Ce retrait nouveau du
politique ira ainsi jusqu’à fortement menacer l’aboutissement du Grand Sud Est.

111
TESSON F, Les réseaux de villes en France Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace, op. cit
p. 198

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 50
1. Un argumentaire général insistant sur l’enjeu des priorités de
travail

Comme le relevait la directrice des politiques d’agglomération du Grand Lyon, les


coopérations bilatérales sont aujourd’hui mises en balance avec d’autres priorités :

« Et puis après… Et ça c’est le nerf de la guerre ! C’est où est ce qu’on


met les priorités, quoi ! ».

« En plus, en ce moment, il y a période de crise, on revient sur ses bases,


c’est normal. Faut d’abord assurer le manger et les couverts, assurer
ces compétences de bases… »

Et effectivement, la priorité aujourd’hui, est la question de la gouvernance


métropolitaine. Ainsi le 9 février dernier, à la Cité du Design de Saint Etienne, les trois
présidents d’agglomérations de Saint-Étienne Métropole, du Grand Lyon et de la
Communauté d’agglomération Porte de l’Isère (CAPI) ont signé une convention de
coopération de trois ans. Cette Euro-métropole se présente comme une nouvelle entité
inter-métropolitaine en pleine construction.

La situation marseillaise peut être considérée comme similaire : les coopérations ne sont
pas la priorité. Comme l’évoquait le directeur du Développement Economique et des
Affaires Internationales de Marseille Provence Métropole, la communauté urbaine reste
encore relativement jeune (juillet 2000), et loin d’être aboutie :

« La focalisation, c’est la création d’une métropole marseillaise qui


aille de Fos à Aix. Marseille n’est pas prête ».

« On est juste tellement pris dans nos problèmes quotidiens, la


coopération avec Lyon n’est pas la priorité ».

C’est sans compter sur la différence de couleur politique entre la mairie (Gaudin/UMP)
et l’agglomération (Castelli/PS) qui tend encore à complexifier toute initiative :

« Et il sera impossible de passer outre le politique pour créer ce genre


de coopération. Il faut attendre que l’ordre revienne ».

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 51
A l’unanimité, la construction d’une scène de gouvernance aboutie est indispensable à
la production d’une action collective cohérente. Avant même la construction d’une
coopération bilatérale, il importe que les différents systèmes de gouvernance disposent
de lieux, de structures, d’instruments et mécanismes de régulation. Une bonne
gouvernance permet aux acteurs locaux de se connaitre, de débattre et d’échanger ; de
sélectionner leur priorité et de réguler les conflits. Ce n’est qu’une fois ce lieu
d’échange viable, que pourra naître un intérêt vers l’extérieur et donc vers les
métropoles voisines.

Difficultés ou nouveaux projets métropolitains, l’évolution des intérêts tendrait donc à


être marquée par un retournement vers soi, vers son territoire au détriment des
coopérations vers l’extérieur. Ainsi, alors que les coopérations bilatérales demandent un
investissement plus important que les réseaux de villes, une obligation à être existant et
constant, elles sont aujourd’hui délaissées par le personnel politique.

2. Coopération et bouleversement d’un système : les ambitions d’un


nouveau maire

Les changements politiques sont également une variable forte. Ils influent sans nul
doute sur la construction des coopérations bilatérales pouvant ainsi aller jusqu’à y
mettre fin.

Gérard Collomb fût élu à la tête de la ville de Lyon mais également du Grand Lyon en
2001. Comme évoqué plutôt, ce dernier avait d’ores et déjà été assez peu enthousiasmé
par la signature de la Charte Lyon/Marseille, qu’il jugeait peu pertinente. Chargée des
coopérations avec les villes européennes, un agent territorial évoquait ainsi cette
période :

« Mais quand Collomb et Daclin sont arrivés, il ont eu la volonté de


recentrer les choses. Il y avait près de 45 jumelages avant ! Ils ont
cherché où était les vrais priorités ».

« Avec arrivée de J-M Daclin et de Collomb, plutôt que de travailler en


bilatéral, l’accent est mis sur le réseau des villes ».

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 52
Une appréhension des coopérations qui se confirmera lors de ses deux mandats : du
point de vue de ce nouveau gouvernement municipal, elles sont désormais considérées
comme datées.

II. Le renouveau des coopérations dans le Grand


Sud Est

Le retrait des acteurs politiques dans les coopérations bilatérales aura une influence non
négligeable dans leur mise en œuvre. Progressivement, on constate que le politique
n’apparait plus comme une variable essentielle à une bonne coopération inter-
métropolitaine. Bien au contraire.

A. Une démultiplication des contacts


Loin d’être délaissés, ces enjeux vont se voir appropriés par toute une série d’autres
acteurs. Ainsi, certaines des personnes rencontrées évoquaient à ce propos une
démultiplication des contacts :

« J’aurais tendance à dire plutôt que d’entretenir des postes


généralistes, il y aurait une démultiplication des contacts par thème, sur
des sujets plus pointus.»

Un propos renforcé par la directrice d’un service du Grand Lyon, les coopérations se
font de manière renouvelée sur des problématiques beaucoup plus spécifiques :

« Les relations entre collectivités se spécialisent. Les relations portent


de plus en plus sur des choses très très précises. C’est pas à des
généralistes à qui on a envie de parler ».

« Quand une ville s’intéresse aux Vélov, elle veut voir le mec qui a créé
les Vélov, pas un généraliste ».

Cette première sous partie tendra à mettre en évidence le rôle nouveau des acteurs, à la
fois publics et privés qui œuvrent eux aussi à l’internationalisation de villes. Loin d’être
exclus de cette dynamique, ils ont progressivement appréhendé les intérêts possibles de
ces coopérations jusqu’à s’approprier ces questions.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 53
1. La prise de relais par les acteurs économiques

« Les relations entre les acteurs politiques et les milieux économiques sont souvent
marquées du sceau de la méfiance, voire de la défiance »112. Bien que ces deux entités
se côtoient de manière régulière, elles semblent mal se connaître au point même d’avoir
parfois des propos négatifs sur l’un et l’autre.

Les acteurs économiques relèvent souvent une incompréhension des élus comme de
leurs services quant à leur logique et à leurs problématiques quotidiennes. Le monde
politique est perçu comme dépendant d’échéances fixes, celles des mandats, mais
surtout comme étant toujours en état de conflit. Pour toutes ces raisons, ils tendent à se
méfier du jeu et des acteurs politiques, qu’ils estiment peu fiables et ce quelle que soit
l’appartenance partisane.

A l’image des élus, les entreprises ont pris conscience qu’elles pouvaient tirer du
territoire divers avantages compétitifs. Elles développent désormais avec celui-ci une
relation quasi marchande. Ainsi, les acteurs économiques se sont approprié l’enjeu des
coopérations bilatérales. De multiples illustrations vinrent appuyer nos propos, nous
reviendrons ici rapidement sur trois d’entre elles :

a) Ports :

Nombre de personnes rencontrées lors de mes entretiens m’évoquèrent la nécessité de


créer une coopération entre le port lyonnais Edouard Herriot et le Port autonome de
Marseille (PAM). En 2002, lorsque les services de l’Etat rendirent leurs conclusions sur
le Grand Sud Est, l’enjeu portuaire était perçu comme déterminant. Le GSE relevait la
nécessité de promouvoir le rôle de l’ensemble des ports du Sud dans la desserte
portuaire du littoral méditerranéen français. Optant pour le pari d’une façade
méridionale qui soit une véritable porte d’entrée de l’Europe du Sud, il fallait
impérativement renforcer la compétitivité des moyens et grands ports. Pour cela, les
directions de l’équipement avec l’appui des SGAR évoquèrent la nécessité de disposer
d’une structure de coordination et de concertation constituée de représentants de toutes
les parties intéressées (ports, CCI, partenaires éco, état, collectivités locales).

112
LEFEVRE C. Le système de gouvernance de l’Ile de France, Rapport effectué pour l’Institut pour la
recherche et la Direction du développement territorial de la Caisse des Dépôts et Consignations, Paris,
février 2009, p. 8

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 54
Ce que ces acteurs ignoraient, c’est que le port Edouard Herriot travaille étroitement
avec le port de Marseille, et ce depuis un certain temps. C’est parce que les deux ports
se trouvaient en perte de vitesse face à leurs concurrents nord européens (Rotterdam,
Anvers…) qu’ils décidèrent de réagir. La démarche débuta en 1997 avec la création
d’une navette ferroviaire. De multiples partenariats furent créés dans ce sens : le Contrat
de progrès fluvial (2002)113, le Contrat de partenariat (2003)114, ou encore l’Accord de
développement du fret fluvial-axe Rhône Saône (2008)115.

Aujourd’hui, la promotion des deux ports se fait de manière collective. D’autant que le
PAM est membre actif du capital de Lyon Terminal à hauteur de 27%. Une association :
« Sud Logistique » fût créée. Ainsi, le PLEH et le PAM sont désormais en contact
constant.

Il s’agit de relever ici que cette démarche s’est faite sans l’aide des collectivités
territoriales. Une très forte coopération est ainsi aujourd’hui en place entre les deux
ports de la ville. Marseille et Lyon pourront, ensemble, se présenter comme une
véritable plate forme de distribution vers l’Europe et le bassin méditerranéen.

b) Mobile Monday :

Le second exemple est celui des Mobile Monday. Les acteurs Marseillais et Lyonnais
voulaient prendre part au développement de services mobiles et organiser notamment
des journées consacrées à leur démocratisation. Ainsi, les acteurs de la téléphonie
mobile de Lyon s’associèrent à PACA Mobile Center (Centre mutualisé européen
permettant de tester plusieurs centaines de mobiles). Cette coopération se concrétise
actuellement par des journées de rencontres (ou journées des mobilités) appelées les
Mobile Monday.

113
Le 18 juillet de 2002, la CNR, gestionnaire du port mais aussi partie prenante de l’aménagement du
Rhône, VNF (Voies Navigables de France) et le Port autonome de Marseille signent un premier « Contrat
de progrès fluvial ». L’objectif est une progression du trafic sur l’axe Rhône-Saône.
114
Le 30 mars 2003, François Mongin (directeur des douanes) ; Jean-Pierre Billat (directeur du Pam),
Michel Margnes (président du CNR) et Matthieu Duval (président de Lyon terminal) signent un protocole
de partenariat. La visée est une densification du trafic sur le bassin Rhône Saône Méditerranée ainsi
qu’une augmentation du fluvial et du ferroviaire dans les pré/post acheminements des ports de Marseille
et Lyon.
115
Ensemble le PAM et le PLEH construisent leur promotion : six grandes enseignes de la distribution
s’engagent à développer le fret fluvial sur l’axe Rhône Saône dans le cadre d’un accord avec la CNR et
VNF (et sous l’égide du Préfet de Rhône-Alpes). Le gain économique et écologique apparait très
important.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 55
« Les Mobile Monday Méditerranée auront désormais lieu à Lyon
deux fois par an et rassembleront les entreprises Marseillaises et
Lyonnaises », précisent les deux entités dans un communiqué de
presse.

L’objectif est de développer la filière mobile dans le quart Sud-Est de la France. On


citera des partenaires aussi divers que multiples : Blackberry, SFR, Orange,
Euroméditerranée ou encore PACA. En plus de rassembler régulièrement les différents
acteurs des mobiles quelques fois par an, l’objectif des Mobile Monday Méditerranée
est également d’encourager la création et le développement de sociétés en rapport avec
ce marché à Lyon ou à Marseille116.

c) Club Top 20 :

Le troisième et dernier exemple est sans doute le plus éloquent. Le Club Top 20
rassemble plus de 70 entrepreneurs de l’agglomération marseillaise. Il est structuré
autour d’un Bureau de dix membres et d’une assemblée plénière. Né en 2006 de la
volonté commune de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Marseille Provence,
il propose aux décideurs un espace de réflexion et d’actions pour soutenir les projets de
développement de la métropole.

Ce Club, libre de toute opinion politique, s'est assigné l’objectif d'être force de
propositions pour faire entrer la métropole Marseille Provence dans le cercle des vingt
premières métropoles européennes. L’un des objectifs publics du Club est la volonté
d’initier un rapprochement avec la ville de Lyon.

Ces illustrations nous permettent d’observer la mobilisation nouvelle des acteurs


économiques sur leurs territoires. Mais, ils ne vont pas être les seuls à orienter leurs
actions vers de nouvelles coopérations, les agents territoriaux vont à leur tour
s’approprier le sujet.

116
Mobile Monday : http://www.mobilemondayfrance.org/
Mobile Monday méditerranée : http://www.momomed.org/index.php
Paca mobile center : http://www.pacamobilecenter.com/

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 56
2. La prise de relai par les agents territoriaux

Dans ses analyses sur la bureaucratie, Max Weber critiquait sévèrement ce qu’il
nommait « le régime des fonctionnaires », c’est-à-dire l’usurpation par les
fonctionnaires du pouvoir politique117. Cette prévision weberienne ne s’est pas réalisée
aussi radicalement118, pour autant il s’agit de relever dans cette seconde sous partie une
véritable évolution de leur place dans la gestion des coopérations bilatérales.

D’une simple fonction d’exécutants, les fonctionnaires ont acquis une certaine capacité
de production de la coopération, une autonomie. Pour certains, cette évolution
s’explique par l’apparition de nouvelles problématiques locales associées à des budgets
de plus en plus restreints :

« Comment faire quand on a beaucoup de problèmes, pas beaucoup


d’idées, et pas de moyens ? »

Une nouvelle approche, bien moins institutionnalisée que les coopérations bilatérales, se
présenta comme une solution : le « best practice »119 . Le best practice est défini comme
un « transfert de modèle de développement urbain »120. Ce mode de coopération se
présente aujourd’hui comme très fréquent au sein des collectivités étudiées :

« Chaque service a plus de reflexes maintenant à faire du benchmark :


ils vont prendre contact avec telle ou telle ville qu’on considère dans le
même groupe au niveau européen donc de fait on ouvre des relations.
Chacun peut donc être amené à être en contact avec d’autres villes ».

Loin de se fonder sur la notion de proximité, le best practices part du principe qu’il
existe des démarches ou des réalisations urbaines exemplaires. Il s’organise autour de
l’organisation de voyages et de visites ou encore de colloques professionnels. Cette
nouvelle façon d’envisager les coopérations et de créer des contacts réguliers avec les
autres villes françaises ne s’est pas initiée de manière autonome, elle est fortement liée
au statut même de la fonction publique territoriale et à ses évolutions récentes.

117
LE SAOUT R, « Intercommunalité et mutation des liens entre directeurs des services municipaux et
maires », Revue française d’administration publique, n° 128, avril 2008, p. 765
118
Ibid, p. 766
119
« Bonnes pratiques »
120
ARAB N, « À quoi sert l’expérience des autres ? Bonnes pratiques » et innovation dans
l’aménagement urbain », Espaces et sociétés, avril 2007 n° 131, p. 34

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 57
La fonction publique territoriale est née d’une rupture, celle de la décentralisation. Et
l’une des principales spécificités de cette dernière est de se présenter à la fois comme
une fonction publique mais également comme un marché de l’emploi121.

« En effet, les élus choisissent librement leurs agents, et tout


particulièrement leurs proches collaborateurs, dans les cadres
d’emplois adéquats. Les lauréats des concours sont inscrits sur une liste
d’aptitude, mais ils doivent, comme dans le monde de l’entreprise, se
lancer dans une démarche de recherche d’emploi auprès des employeurs
publics territoriaux. Il y a bien une offre et une demande d’emplois qui
doivent se rencontrer sur un marché »122.

Ce modèle témoigne d’une grande souplesse. En pratique, cela est très largement
perceptible. Les agents territoriaux peuvent désormais de manière aisée changer de
postes ou encore de territoires, une dimension non négligeable dans l’appréhension des
coopérations bilatérales. En effet, cette situation tend à construire des liens privilégiés
entre certains acteurs administratifs et techniques de collectivités différenciées. En
gardant le contact, avec leur hiérarchie, avec d’anciens collègues ou encore avec leurs
successeurs, chaque agent territorial tend à créer, parfois à son insu, un véritable
prémisse de coopération. Ils participent directement à son élaboration. Ainsi, l’objectif
de ces contacts est moins une reproduction à l’identique (pouvant conduire à une
homogénéisation) que celui de l’apprentissage et de la connaissance123. L’enjeu est
véritablement un transfert de savoirs, non absolus, sur des problématiques particulières.

B. Des coopérations moins « stato-centrées » Grand Sud


Est ?

Ainsi, le personnel politique se présente désormais en retrait de ces coopérations


bilatérales au profit des agents territoriaux et des acteurs économiques. Ces nouveaux
acteurs vont induire une nouvelle dimension non négligeable dans ces coopérations
bilatérales : la redéfinition de la proximité. Progressivement, cette dernière va tendre à
mettre véritablement en péril la construction d’un territoire Grand Sud Est.

121
COLMOU Y., « Les collectivités locales : un autre modèle », Pouvoirs, n° 117, février 2006, p. 27-37.
122
Ibid, p. 30
123
Ibid, page 35

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 58
1. L’émergence d’une nouvelle proximité

Ces nouveaux protagonistes développent, comme évoqué plus tôt avec les best
practices, une volonté de coopérations plus efficaces. Les liens noués désormais vont se
présenter comme différenciés, comme variés et propres aux caractéristiques de chaque
ville :
« On y observe par exemple que si Barcelone apparaît comme un
modèle d’excellence, cette excellence est aussi accordée, par les mêmes
villes, au cas lyonnais tant pour ses réalisations que pour ses modes
d’organisation. De la même façon, alors que Lyon et Barcelone sont
d’abord citées par les Lillois, Bâle et Zurich le sont surtout par les
Genevois et Grenoble par les Nantais»124.

Afin d’éviter un enfermement, une certaine ouverture au-delà du Grand Sud Est a été
jugée nécessaire. La proximité géographique n’est désormais plus la règle. Une autre
proximité, dissociée de l’espace, émerge alors. Elle fût ainsi évoquée par Thomas
Lollier :

« Deux individus (ou organisations) sont ainsi susceptibles de se


considérer comme proches parce qu’ils (elles) partagent des valeurs,
s’appuient sur des règles de coordination identiques, partagent une base
de connaissances précises, parlent la même langue, s’échangent très
régulièrement des e-mails… »125

Alors que les agents territoriaux lyonnais tendaient à identifier en France, Lille,
Bordeaux, ou Strasbourg comme possible modèle ; les Marseillais évoquaient quant à
eux Lyon de manière privilégiée. A l’échelle européenne, un écart est lui aussi
prégnant : Lyon s’identifiant à Barcelone ou encore à Manchester et Marseille à Anvers
ou Hambourg.

Existerait ainsi tout un panel de proximités non spatiales. Les aspects culturels ou
encore cognitifs furent ainsi évoqués lors des entretiens à de nombreuses reprises,
notamment à l’égard de la ville de Marseille :

124
ARAB N. « A quoi sert l’expérience des autres ? Bonnes pratiques et innovation dans l’aménagement
urbain », art. cit, p. 36
125
LOILIER T, « Innovation et territoire », art. cit. p. 23

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 59
« Il y a parfois de vrais fossés culturels, qui n’ont rien à voir avec la
géographie. Un manque de connaissance. Ce déficit culturel peut
handicaper des opportunités de partenariats ».

Pour travailler avec quelqu’un, il faut donc qu’il nous plaise. Une nouvelle conception
des coopérations se développe donc. Beaucoup sont informelles mais certaines se
présentent comme très institutionnalisées. Le politique n’apparaît pas absent de ces
démarches. Il tend à s’y investir, notamment par un soutien aux initiatives (verbal et/ou
financier).

2. L’exemple des réseaux de villes

Les réseaux de villes se voient désormais privilégiés. Le réseau se présente comme un


véritable laboratoire de circulation126, il s’agit « à la fois d’échange, de solidarité, de
souplesse, de solidité ainsi que de dynamisme et d’efficacité, sans hiérarchie, ni
contrainte »127.

En France, l'impulsion des réseaux de villes n’est pas seulement venue des villes elles-
mêmes. En effet, un appui de l’Etat, d’abord discret, fût affirmé dès 1996. Mesurant
l’importance de ces réseaux pour une bonne régulation territoriale, la Délégation à
l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) reconnut ce mode
d’organisation dans la Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire.

A ce moment précis, la grande majorité se présentait comme sectoriels. Les villes se


réunissaient sous la bannière de thématiques communes. Ce fut par exemple le cas pour
le réseau des villes minières, portuaires, des villes marquées par la présence des secteurs
aéronautiques, de la défense, de l'automobile ou encore de la construction navale. Enfin,
on observa l’émergence de réseaux spécifiquement centrés sur les thématiques des

126
HURE M., « La création d’un réseau de villes : circulations, pouvoirs et territoires : le cas du club des
villes cyclables (1989-2009) », Métropoles, n°6, 2009, p. 220
127
TESSON F, Les Expériences françaises de réseaux de villes : des dynamiques pour de nouveaux,
territoires, op. cit, p.28

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 60
grandes villes tel le Club des villes cyclables128, le réseau des villes éducatrices ou le
réseau européen des villes numériques.

Certains, comme Eurocités, disposent d’une structure centrale et de personnels


permanents. Créé en 1989 par les six capitales européennes les plus en vue en Europe
(Barcelone, Birmingham, Francfort, Lyon, Milan et Rotterdam), Eurocité est l’un des
réseaux les plus connus. L’objectif initial de sa constitution était clair : mettre à
l’agenda de l’Europe la question des villes. Plus qu’un réseau, il se définit également
comme un véritable lobby129. Il fallait « montrer par la tenue de ce type de
manifestation que les villes sont des acteurs majeurs des échanges de biens, de
personne, de services, d’échanges qui font l’Europe »130. Aujourd’hui, Eurocités met
l’accent sur le transfert d’expériences et réuni près de 120 métropoles131.

Les réseaux se verront renforcés dans les années 2000 : les relations inter-municipales
sont donc essentiellement centrées sur ces structures. Désormais, l’espace de référence
de la ville internationale n’est plus uniquement lié au territoire qu’elle contrôle.

« L’évolution des pouvoirs territoriaux en Europe a contribué à


l’émergence d’un autre mode qui tend à considérer les villes comme des
quasi-Etat, des îles au milieu des mers où s’engloutissent les régions, et
qui ne communiqueraient qu’entre elles »132.

Ces réseaux, ces interconnexions deviennent un moyen de reconnaissance essentiel pour


leur légitimité. « Villes internationales et réseaux deviennent deux notions intimement
liées »133. En effet, « la ville internationale est une ville branchée, une ville en
réseau »134.

128
HURE M, « La création d’un réseau de villes : circulations, pouvoirs et territoires : le cas du club des
villes cyclables (1989-2009) », art-cit. p. 216-225
129
MOLIN J-L, Lyon : la métropole déploie ses ailes à nouveau, Thèse Université Lumière Lyon 2, Mai
1996, p. 128
130
PAYRE R., "The Importance of Being Connected : City Networks and Urban Government. Lyon and
Eurocities (1990-2005)”, art-cit, p.8
131
Ibid
132
BRUNET R., « L’Europe des réseaux » in PUMAIN D., SAINT JULIEN T. Urban networks in
Europe, Congresses and colloquia, 1996, p. 142
133
MOLIN J-L, Lyon : la métropole déploie ses ailes à nouveau, op-cit, p.127
134
Ibid

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 61
Le Grand Sud Est apparaît dès lors dépassé : trop peu ambitieux, trop restrictif.
L’investissement des acteurs locaux dans ce projet apparaît largement moindre que lors
des années 90. Pour beaucoup, l’espoir de voir le Grand Sud Est comme un territoire
européen reconnu et compétitif apparaît révolu.

Conclusion du troisième chapitre :

Depuis les premières initiatives des années 90, s’est véritablement posée la question de
la place des élus dans la construction du Grand Sud Est. Les élus ont-ils la capacité de
créer de véritables liens et ainsi de dynamiser le territoire ?

Au final, on ne peut pas dire que le Grand Sud Est dispose d’un pilote unique, ni même
de procédure, de gouvernance et de coordination véritablement stabilisées. Les agents
territoriaux et acteurs économiques tendent désormais à s’investir eux mêmes dans cette
dynamique par des actions beaucoup plus sectorielles. Il s’agit d’un nouveau partage
des rôles. Les politiques tendent désormais à les accompagner dans ce processus. Ils
offrent un soutien, un cadre favorable, preuve de leur confiance. Des mécanismes moins
autoritaires sont mis en œuvre :

« Ce qui caractérise les leaders urbains, c’est la nécessité dans laquelle


ils se trouvent d’introduire de la coordination dans des systèmes
d’acteurs pluralistes, au sein desquels les ressources sont
dispersées »135.

En plus des obstacles évoqués précédemment, une nouvelle dimension peut expliquer
cette évolution. Les élus dépendent d’un périmètre d’action fixe, d’un horizon temporel,
des priorités dues à leurs programmes ainsi que d’un champ de compétences. Des
limites dont ne souffrent pas les autres acteurs locaux. Cet avantage leur offre des
opportunités, des marges de manœuvre, beaucoup plus grandes qu’ils tendent désormais
à s’approprier.

135
BEAL V., PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », art. cit, p. 24

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 62
En parallèle, de nouvelles organisations coopératrices se développent. « Moins
territoriaux », les réseaux se présentent souvent comme plus diffus, moins constants,
exigeant de la part des acteurs locaux moins d’investissements.

Ce dernier chapitre nous démontrera que quelques exceptions demeurent. L’ensemble


des acteurs locaux peuvent encore dans le Grand Sud Est être collectivement concerné
et investi dans une dynamique de coopération.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 63
CHAPITRE 4 : LA PERSISTANCE D’UN GRAND
SUD EST POLITIQUE DANS LES DYNAMIQUES
DE GRANDS PROJETS

Loin de marquer la fin du Grand Sud Est et de ses coopérations bilatérales, le retrait du
personnel politique s’est ainsi vu estompé par l’investissement de nouveaux acteurs
locaux. Une interrogation s’affirma alors rapidement. Cette évolution, exprimée lors de
la majorité des entretiens réalisés, signifiait-elle pour autant, une disparition totale de
l’initiative politique ?

Nous verrons dans ce quatrième et dernier chapitre que les élus tendraient, notamment
dans le cadre du lancement de grands projets, à initier des méthodes de travail
similaires.

Les coopérations bilatérales entre Clermont-Ferrand et Lyon illustreront nos propos. Ce


territoire du Grand Sud Est avait quelque peu été omis dans ces premières années.
Aujourd’hui, cette dimension se voit relancée grâce à la Ligne à Grande Vitesse (LGV)
Paris/Orléans/Clermont-Ferrand-Lyon. Le projet, initiateur d’une mobilisation des
acteurs locaux va rapidement se présenter comme un vecteur de fort rapprochement
entre les deux villes.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 64
I. Dynamique de grands projets et nouvelles
coopérations
Clermont-Ferrand, de part sa distance géographique, a pendant longtemps été isolée de
toutes coopérations. En effet, Limoges et Poitiers ont depuis longtemps privilégié la
façade atlantique. A la fin des années 90, une importante énergie fût consacrée à un
rapprochement avec Paris. Un investissement finalement assez peu bénéfique, la
capitale n’y percevant pas forcément ses intérêts. Progressivement, une nouvelle
dynamique émergea avant de faire aujourd’hui quasiment l’unanimité.

A. La volonté de coopération de Clermont Ferrand

Face à la force économique et à la visibilité européenne de la ville de Lyon, la volonté


de « s’accrocher à la locomotive lyonnaise » s’affirma. Un agent territorial du Grand
Lyon renforçait ainsi ces propos :

« Aujourd’hui, ils se disent que Lyon dépote : aéroport, ville


européenne, ouverture à l’est… Ils sont intéressés ».

Cette initiative fût perceptible par un certain nombre d’effets d’annonce « Clermont-
Ferrand a vocation à entrer dans l’archipel lyonnais » affirmait Claude Timbal, « à
devenir la Grenoble de l’ouest » disait Serge Godart. Un certain nombre de personnes
rencontrées évoquèrent même la possibilité de créer un ensemble métropolitain de
dimension européenne incluant notamment Lyon, Grenoble et Saint-Etienne. Cette
volonté fût également largement visible par les expressions employées lors des
entretiens réalisés pour cette étude : « nos amis lyonnais », « nos chers voisins »…

Le choix de se tourner vers Lyon et Rhône Alpes fût inscrit dans les différentes
démarches prospectives et documents d’orientation. Ainsi le Projet d’Aménagement et
de Développement Durable du SCoT de l’agglomération clermontoise évoque page 30 :

« … espérer, à échéance de 10 ans, que les complémentarités


développées avec Lyon dans de nombreux secteurs amèneront à penser
le développement à une échelle métropolitaine élargie incluant Lyon,
Saint-Etienne et Clermont-Ferrand »

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 65
Autrement dit, comme M. Michel Doly, président du Conseil Economique et Social
d’Auvergne, l’exprimait, il apparaissait désormais évident pour l’ensemble des acteurs
locaux auvergnats que :

« Le développement de Clermont en tant que métropole régionale ne


pouvait pas se faire sans Lyon ».

Lyon centrant ses intérêts vers le Sud (Méditerranée) ou encore vers l’Est (Italie du
Nord), ne s’était quant à elle jamais véritablement intéressée à son Ouest. La ville
comme l’agglomération se présentèrent dans un premier temps comme plutôt passives,
ne voyant pas forcément leurs intérêts dans une telle coopération.

Rapidement, je distinguais cependant dans mon étude que des coopérations étaient
d’ores et en place (CLARA, CCI, CESR, ENITA/Ecole vétérinaire de Lyon…). Des
possibilités étaient d’autre part largement envisageables dans de multiples domaines :
l’université et la recherche, la santé et le médical, le transport, le milieu industriel ou
encore dans l’agroalimentaire.

Pour autant, Lyon et son agglomération, malgré un discours approbateur, tendait vers la
passivité.

« Il y a une différence de taille évidente : Rhône Alpes n’a pas autant


besoin de l’Auvergne que l’Auvergne a besoin d’elle ».

« Il s’agit de reconnaitre que Lyon possède la « suffisance des riches ».


Ils n’ont pas besoin de l’Auvergne. Pour autant, ils nous perçoivent
favorablement, une coopération forte avec nous pourrait leur permettre
d’agrandir leur hinterland. De toutes les manières, ce ne sera pas Lyon
qui sera moteur de cette démarche. Les changements de culture sont très
longs à se faire. Ils sont notamment portés par la jeunesse. De part les
études supérieures, les barrières entre ces deux territoires tombent : des
lyonnais viennent étudier à Clermont et vice versa ».

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 66
B. L’enjeu d’un grand projet initiateur

Une nouvelle dynamique de travail tendit progressivement à modifier cette situation. En


août 2009, un projet de LGV répondant à une fonctionnalité Paris-Orléans/Clermont
Ferrand/Lyon, associée à une logique de barreau est ouest a été intégrée dans la liste du
programme supplémentaire des projets de LGV inscrit dans la loi Grenelle 1136 pour un
horizon au-delà de 2020. La logique de RFF et de l’Etat était double : La LGV Paris
Lyon, saturée dès 2025, nécessitait un dédoublement ; en parallèle, l’espace central
français apparaissait oublié.

Bien qu’à ce stade du projet aucun tracé ou même fuseau n’ait été présenté, que seul un
périmètre géographique fût délimité, ce grand projet offre aujourd’hui la possibilité
d’un rapprochement certain entre Clermont-Ferrand et Lyon.

1. La prise de conscience d’un intérêt commun

En vue de la saisine de la commission nationale du débat public (CNDP), le préfet


coordinateur137 invita les collectivités territoriales à préparer une ou des contributions
locales pour fin 2010 présentant leurs attentes en termes de fonctionnalité.

Depuis 2008 les principales collectivités du sud du tracé, se sont donc associées pour
proposer une vision commune du projet :

- Les régions Auvergne et Rhône Alpes

- Les départements de l’Allier, de la Loire et du Puy de Dôme

- Les agglomérations Clermont Communauté, Grand Lyon, Grand Roanne


agglomération, Saint Etienne Métropole et Vichy Val d’Allier.

Une table ronde s’est tenue à Saint Etienne en novembre 2008, suivie en décembre de la
même année par une conférence de presse. L’enjeu principal du travail mené en
partenariat par les 10 collectivités était de promouvoir auprès de RFF et de l’Etat de
manière argumentée et solidaire des options de passage. Cette démarche de travail
débuta par des réunions entre collectivités, entre les trois agences d’urbanisme

136
Loi Grenelle 1 ; article 12
137
Le préfet coordinateur est le préfet de la Région Auvergne.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 67
(Clermont-Ferrand, Saint-Etienne, Lyon) d’ailleurs très investies dans le projet. Comme
l’évoquait Christian Avocat, président du Grand Roanne Agglomération, il s’agissait
véritablement d’une prise de conscience d’intérêts communs.

« Il faut rechercher le fil conducteur qui permet à plusieurs territoires


de mettre en avant la convergence de leurs attente, la cohérence de leurs
projets, et leur propre cohésion interne. Je crois que c’est autour de ces
3 vertus cardinales que nous devons nous mobiliser »138.

Par cette démarche, l’Etat au centre de la dynamique d’un grand projet joue, peut-être à
sa propre insu, un rôle d’initiateur, de légitimateur. A l’heure de la décentralisation et de
la globalisation, à l’heure de la gouvernance, il reste donc un acteur important des
politiques publiques. Alors qu’il s’était révélé précédemment assez en retrait de ces
coopérations, se limitant à un soutien moral, l’enjeu que représente une ligne à grande
vitesse comme celle de POCL va largement le réintroduire comme acteur central.

2. Un Etat légitimateur

D’une manière évidente, l’Etat s’est bel et bien présenté dès lors comme l’initiateur
d’un rapprochement important. Sa position tend à légitimer une coopération qu’il juge
prometteuse. Cette légitimation a une grande importance car la plupart du temps, les
expériences de coopérations sont des innovations institutionnelles ou organisationnelles.

La légitimation de l’Etat peut se traduire par diverses manières : symbolique par la


reconnaissance d’une bonne pratique ou financière par l’octroi de financements
spécifiques. Il s’agit véritablement d’une conception du développement en bottom up.
L’Etat demeure le grand légitimateur, celui qui en fin de compte reconnaît et justifie le
processus139.

138
Acte du colloque du 13octobre 2009 : La LGV POCL (projets, attentes, enjeux), Entretien avec
Christian Avocat, Président de Grand Roanne Agglomération, p. 8

139
LEFEVRE C, Les coopérations métropolitaines en Europe. Pour un rayonnement des métropoles
françaises, DATAR, Juin 2004, p. 29

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 68
La Ligne à Grande Vitesse se présente dès lors comme un déclencheur ou un
entrepreneur de la coopération, comme un projet au sens où l’entendait Gilles Pinson et
Vincent Béal :

« Ce contexte, devenu davantage pluraliste et incertain, incite les élus


urbains et leurs suiveurs à intégrer des coalitions d’acteurs fédérés
autour d’un projet, à mettre en commun des ressources d’expertise,
techniques et financières et à décliner ce projet en politiques urbaines
concrètes »140.

A ce stade de la mobilisation des acteurs, l’enjeu majeur était de définir un argumentaire


explicitant les raisons pour lesquelles ces territoires souhaitaient valoriser un tracé
privilégié. Une démarche fondée sur la base d’entretiens avec les acteurs clés des
territoires fût alors lancée. Elle permit aux multiples entités concernées de se rencontrer
de manière plus régulière.

II. Des enjeux spécifiques vers un mode de


coopération inédit

Suite à ces démarches, la possibilité d’une coopération plus aboutie fût rapidement
abordée. Il s’agissait dès lors d’initier en parallèle de la Ligne à Grande Vitesse POCL,
une dynamique de coopération inter-métropolitaine pérenne et efficace. Celle-ci
permettant un rapprochement avec Clermont-Ferrand ouvrira la porte d’une nouvelle
coopération bilatérale entre deux métropoles du Grand Sud Est.

A. Mobilisation et mise en mouvement du système d’acteurs

Le 15 juin dernier, les agences d’urbanisme de Clermont-Ferrand, de Lyon, de Saint-


Etienne, d’Orléans et d’Ile de France se réunissaient à Lyon pour un atelier de travail
sur le thème « Lyon Métropole 2050 : et si l'avenir s'écrivait aussi à l'ouest ? Un grand

140
BEAL V. et PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », art. cit, p. 21

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 69
pari pour une métropole multipolaire"»141. L'objectif de cet atelier était d'expliciter les
arguments qui militent pour la réalisation d'une ligne à grande vitesse Paris
/Orléans/Clermont-Ferrand/Roanne/Lyon au regard des enjeux d'aménagement de l'aire
métropolitaine lyonnaise.

Cependant, avant de considérer le projet POCL comme secondaire pour l'aire


métropolitaine lyonnaise, le sentiment général était que toutes les voies argumentaires
n'avaient pas été explorées.

1. Vers une mise en connexion inter-métropolitaines

Le premier objectif fût de donner corps à la métropolisation. Pour cela, les lyonnais
devaient envisager l’opportunité POCL comme une véritable structure d’aménagement.
POCL se présenterait dès lors comme un véritable alibi pouvant faire avancer la
dynamique de métropolisation.

La création d’une plaque métropolitaine lyonnaise intégrant Saint-Etienne,


l’Eurométropole, était un élément nouveau pouvant inciter le Grand Lyon à s’intéresser
à l’ouest du territoire régional et au-delà au centre est français. Etait également affirmée
une volonté d’accéder à la dynamique bluebelt.

Une mise en connexion des acteurs sur les questions métropolitaines fut ainsi évoquée.

« Offrir une alternative rapide, attractive, crédible pour relier nos


territoires en liaison intercités est donc très important pour nous, de
même que développer un réseau maillé dans nos agglomérations142.

141
Voir en Annexes
142
Acte du colloque du 13octobre 2009 : La LGV POCL (projets, attentes, enjeux), Entretien avec
Michèle Vullien, Vice Présidente du Grand Lyon, p. 12

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 70
Figure 2 : La LGV POCL et espaces métropolitains. Carte réalisée par l'Agence
d'urbanisme/Juin 2010

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 71
En premier lieu le Schéma Directeur de la Région Ile de France (SDRIF) serait
concerné ; puis le pôle Orléans/Tours (non encore structuré) ; la plaque urbaine
clermontoise (en cours) et enfin le pôle métropolitain lyonnais. Cette structuration par
plaques avait de grandes chances de favoriser les coopérations.

2. La naissance d’une coopération avec Clermont Ferrand

En effet, elle se présenta rapidement comme porteur d’autres initiatives. La possibilité


d’une entrée de Clermont-Ferrand au sein de la métropole lyonnaise n’est aujourd’hui
pas envisageable pour le Grand Lyon. Pour autant, afin de nouer des liens privilégiés
avec Clermont Métropole, une convention « territoire partenaire »143 a été envisagée.
Elle s’appuierait sur quatre thématiques :

- les déplacements

- l'économie et l'enseignement supérieur

- l'aménagement du territoire

- la culture, les sports et les loisirs.

Les motivations de la ville de Clermont-Ferrand restent facilement appréhendables. La


plaque métropolitaine clermontoise (Clermont, Issoire, Thiers et Vichy) se présente
aujourd’hui comme un espace de projet. Les objectifs sont multiples : sortir le territoire
de son enclavement relatif (Paris à 2h, Lyon à 1h), agir contre le déficit d’image ou
encore concourir au défit démographique. Pour la ville, cette « convention territoire
partenaire » permettrait de sceller une véritable coopération et de répondre à l’ensemble
des possibilités proposées.

Lyon s’est montrée intéressé, bien que moins en attente.

« Le Grand Lyon soutient ce projet et est très heureux de s’ouvrir sur


ces territoires de l’Ouest. Dans le contexte de la mondialisation, Lyon et

143
Voir en annexes

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 72
Clermont-Ferrand forment un seul et même ensemble. Nos destins sont
liés144.

L’intérêt se présente cependant comme tout autre. Plus que par une ouverture à la ville
de Clermont-Ferrand, l’opportunité passe avant tout par une ouverture à la façade
atlantique dont la métropole est actuellement privée.

B. Mais cette opportunité est-elle facteur de coopération à


long terme ?

Le projet « Paris – Orléans – Clermont-Ferrand – Lyon » se présente ainsi pour l'aire


métropolitaine lyonnaise comme l’opportunité d'ouvrir son réseau grande vitesse vers la
plaque métropolitaine clermontoise (420 000 habitants) et les villes de l'ouest français.

C’est non plus des personnalités mais une opportunité qui déclenche ici la coopération.
La coopération pourra-t-elle se pérenniser ? Les grands projets ne peuvent en effet
suffire à entretenir un lien pérenne. Pour se faire, il faudra que la convention territoire
partenaire donne lieu à des activités de plus longue haleine sur lesquelles pourront
reposer la coopération.

Mais la perspective de ce nouveau barreau est - ouest pose question : n'est-ce pas pour
Lyon courir trop de "lièvres" à la fois alors que la LGV Rhin-Rhône attend sa
réalisation depuis plus de 15 ans ? Que la LGV Lyon-Turin reste encore suspendue à de
graves problèmes de financement ? Et que l'on cherche une solution accessible au plan
budgétaire et technique pour dénouer le nœud ferroviaire lyonnais ?

Conclusion du quatrième chapitre :

Ainsi les dynamiques de grands projets tendent à conduire à la persistance de


coopérations généralistes. Le projet permet un objectif politique fort, un cadre de
réflexion.

«Le projet est l’occasion et le prétexte de la connexion. Celui-ci


rassemble temporairement des personnes très disparates, et se présente

144
Acte du colloque du 13octobre 2009 : La LGV POCL (projets, attentes, enjeux), Entretien avec
Michèle Vullien, Vice Présidente du Grand Lyon, p. 12

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 73
comme un bout de réseau fortement activé pendant une période
relativement courte, mais qui permet de forger des liens plus durables
qui seront ensuite mis en sommeil tout en restant disponibles » 145.

Au final, le politique n’apparaît donc pas si désinvesti. Constituant une nouvelle


impulsion pour le Grand Sud Est, la ligne LVG POCL comme le projet transline tend à
relancer leur intérêt pour le projet.

De sorte que la coopération dans le Grand Sud Est se présente comme « le fruit d’une
production locale unissant institutions publiques et institutions de la société civile »146.

145
DEVISME L., DUMONT M., ROY E, « Le jeu des « bonnes pratiques » dans les opérations urbaines,
entre normes et fabrique locale», Espaces et société, n°131, avril 2007, p.18
146
PINSON G., VION A., « L'internationalisation des villes comme objet d'expertise », Pôle Sud, n° 13,
novembre 2000, p. 99

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 74
CONCLUSION GENERALE

Ce travail de recherche, qui a été mené durant cinq mois, a permis, avec toutes les
limites que ce délai suppose, de faire émerger un certain nombre de constats, de
pratiques et de représentations. Mais, avant de rappeler l’ensemble des éléments qui
nous permet d’arriver aux conclusions que nous présenterons plus loin, il semblait
pertinent d’effectuer un rapide retour sur les différents biais de notre travail.

BIAIS RENCONTRÉS LORS DE CETTE ENQUETE DE


TERRAIN

En premier lieu, il s’agit de rappeler que le choix de s’intéresser de manière prioritaire


aux coopérations bilatérales et à leurs évolutions a laissé dans cette étude une place
marginale aux comportements individuels des acteurs. Nombre d’entre eux n’ont pu être
rencontrés et nombre de sous-coopérations n’ont pu être approfondies. Alors que la
démarche de recherche eut quelques difficultés à être lancée, je me trouvais au bout
d’un mois à peine dans la nécessité de faire des choix, de privilégier certaines pistes
menant à terme cette étude à un résultat non exhaustif.

Il s’agit de reconnaitre également que le rôle de l’Etat, bien qu’il fût rapidement abordé,
ne fût pas un élément déterminant de cette enquête. Alors que le SGAR ou encore la
D.A.T.A.R publiaient des études sur le sujet et tendaient à soutenir des dynamiques de
rapprochements, il aurait été pertinent d’appréhender son rôle, et donc de s’interroger
sur ce soutien. Mais nous nous sommes ici uniquement concentrés sur le rôle des
acteurs locaux.

Cette étude qui m’a littéralement passionnée par son aspect historique se présente ainsi
comme tronquée. Ces choix furent réalisés en fonction des attentes de mon tuteur et de
l’agence d’urbanisme mais également en fonction de mes centres d’intérêts personnels.
Ils font de ces résultats, des résultats non exhaustifs.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 75
BILAN DE CETTE ETUDE

La gouvernance territoriale se présente comme « un processus par le biais duquel se


met en place progressivement un rééquilibrage dans l’exercice du pouvoir urbain, a
priori, au détriment des Etats et des institutions urbaines (élus et technocraties locales)
et au profit des acteurs issus de la société civile »147

Alors que depuis une vingtaine d’année, elle tend à s’imposer comme un nouveau cadre
d’analyse de l’action publique locale, les premiers travaux de recherche sur le sujet
portaient sur la transformation du rôle de l’Etat et la perte de sa centralité. La
gouvernance relevait l’importance d’une ouverture vers d’autres acteurs : elle insistait «
sur la nécessité de recourir à de nouveaux types de partenariats, plus souples, moins
hiérarchiques et dirigistes, avec des acteurs de la société civile »148. Il s’agissait donc
d’un véritable défi. En effet, les structures locales avaient vocation à inventer de
nouvelles méthodes d’élaboration de leurs politiques publiques. Cette évolution récente
a conduit les gouvernements urbains à s’organiser. Comme nous l’avons vu, ce fût
notamment le cas à partir des années 90 dans le Grand Sud Est par le biais des
coopérations bilatérales.

Cette étude tend à démontrer que ce défi ne fût pas si facile à appréhender sur le terrain,
ne serait-ce qu’en ce qui concerne les élus. Ces coopérations, présentées comme de
véritables instruments d’action publique avaient pour objectif une prise en charge
beaucoup plus localisées des problèmes publics sur des territoires d’actions jugés
pertinents. Elles devaient donner aux élus un cadre, un levier d’action pour leurs projets
territoriaux.

Les démarches et modalités d’action se sont pourtant présentées comme ambiguës mais
également comme extrêmement diverses selon les territoires et ce parfois malgré la
bonne volonté des structures concernées. Ainsi, les effets escomptés de la dynamique
urbaine du Grand Sud Est n’apparaissent pas aussi consensuels. Ce mémoire tente à
mettre en avant les obstacles auxquels ont dû faire face les acteurs locaux. La

147
JOUVE B., "La gouvernance urbaine: nouvelle catégorie d’action des politiques urbaines", Revue
Internationale de sciences sociales, n° 193, 2008, p.2
148
Ibid

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 76
coopération, promue dan les années 90, est apparu ainsi comme beaucoup moins
évidente à institutionnaliser dans la pratique. Bien qu’un territoire d’action pertinent ait
été défini, les représentations et perceptions des acteurs semblent encore influencer les
réelles logiques de l’aménagement du territoire.

Pour autant, l’une des dimensions essentielles sur laquelle voulait mettre l’accent cette
étude était celle d’un processus devenu progressivement collectif. Comme le relevait
Patrick Le Galès à propos de la métropole parisienne :

« Si chacun va à l’action en ordre plutôt dispersé, on peut faire


l’hypothèse que tous partagent, plus ou moins une même représentation
du territoire qui s’est forgée au fil des différents débats et
documents »149.

50 ans après le Grand Delta, 20 ans après le Grand Sud Est, ce territoire, loin d’être
abouti, semble désormais faire sens, voire relever de l’évidence.

« L’enjeu du Grand Sud Est, est celui d’une coopération réussie. En


France, seul Lyon pourra devenir une métropole. Il faudra que
Marseille, Grenoble, Clermont Ferrand se mettent derrière elle pour la
tirer vers le haut. Il devrait y avoir des échanges plus importants entre
ces villes. Tout le monde devrait se mettre derrière Lyon et profiter ainsi
de son positionnement »

A l’image de cet extrait, il est certain que les coopérations bilatérales entre les villes du
Grand Sud Est pourront se présenter dans un avenir proche comme déterminantes pour
le dynamisme du territoire. Loin d’être actuellement dépassées, nous pouvons au
contraire, comme le faisait Mme Chambre Foa, les comparer à des synapses. «Elles se
construisent, s’épuisent, sont parfois en sommeil, mais elles sont toujours là ». Toujours
d’actualités, elles pourront être réactivées en temps et en heure, elles devront cependant
sans nul doute alors être en partie repensées dans leurs éléments fondamentaux.

149
ESTEBE P. et LE GALES P., « La métropole parisienne : à la recherche du pilote ? », Revue française
d’administration publique, n°107, mars 2003, p. 354

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 77
PERSPECTIVES DE QUESTIONNEMENTS

5 perspectives de questionnement pourront alors être soulevées :

Doit-on coopérer avec tout le monde ?

Nous avons abordé ici Marseille, Grenoble et Clermont-Ferrand. Pour autant, Genève
ou encore la Bourgogne ont été également abordé dans le cadre de cette étude. Il
apparaît qu’aujourd’hui le Grand Lyon ne développe pas dans ce cadre de véritables
lignes directrices jouant un peu sur tous les plans. Cette « étape du choix » se révèle
déterminante pour toute la suite de la coopération. Il est apparu évident, qu’elle ne
dépend pas seulement d’enjeux politiques, mais également de critères géographiques,
économiques ou encore culturels. Comment définir un « bon périmètre » ?

Y a-t-il un modèle de coopération ?

La représentation schématique donne l’illusion que la coopération est un ensemble


cohérent. Pour autant, il s’agit d’un objet difficilement saisissable. Elle dépend d’un
caractère situé (contexte politique et économique, national et local, personnalités
concernées…). La coopération ne peut donc s’exporter ou s’importer.

Y a-t-il des situations privilégiées à la coopération ?

C’est ce qui explique la banalité du constat une coopération ne se décrète pas. C’est
l’espace dans lequel se déploie la coopération et la matière qui fait la coopération. Il ne
suffit donc pas de préparer un terrain en cherchant les conditions optimales : chaque
situation est singulière.

Qui fait les coopérations ?

Cette étude m’a conduit à fortement m’interroger sur les concepts de concertation, de
négociation ou encore de coopération. Quelles sont exactement la nature de ces
contributions ? Quelles sont leur portées juridiques ? Le politique n’est plus aussi
présent, il soutient, il légitime beaucoup plus qu’auparavant. Il semble qu’aujourd’hui
l’ensemble des autres acteurs font la coopération. Nous revenons encore une fois à la
notion de gouvernance. Il existe, par une absence de clarté dans ce domaine, un risque
de dissolution de la responsabilité et de la légitimité de chaque acteur.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 78
Quelle est la productivité d’une coopération ?

La coopération est toujours prise entre l’exigence du concret et le risque du virtuel.


Dans l’esprit des acteurs, il faut produire des objets qui témoigneront de l’efficacité de
la coopération (et donc de sa productivité). Cette veille est d’une certaine manière une
pression interne que se met toujours le groupe.

A l’image de ces propos d’un collaborateur de Raymond Barre,

« J’ose pas vous dire non, la coopération Lyon/Marseille n’a rien


apporté. Non pas grand-chose en fait. Je vais presque vous dire une
banalité : ce qui est important c’est que ça existe, que les gens se
rencontrent, qu’ils soient sortis un peu de leur ambiance ».

Relevons ainsi que tout l’apport d’une coopération qu’elle quelle soit est la capacité
d’un collectif à repenser les cadres d’interprétation de la réalité dans lequel il évolue.
Autrement dit l’atout principal de la coopération ne réside pas dans la production
concrète d’une solution, mais dans sa faculté à la redéfinition, à la remise en cause d’un
problème et de sa solution. Cet élément pose réellement la question de savoir à partir
d’où commence la réussite d’une coopération.

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 79
BIBLIOGRAPHIE

Méthodologie :

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- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


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- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 81
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- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 83
SOURCES

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- 2090 WP 9 : Protocole d’accord Lyon-Marseille 2003-2005 du 13/11/02 :


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territoire. Possibilité d’une méridienne des métropoles : entre Lyon, Marseille et
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- 1815 WP 26 : Charte Lyon/Marseille/Barcelone/Gènes du 09/07/1998. Dossier


de promotion du bipôle Lyon Marseille auprès des organismes publics et
parapublics nationaux et internationaux. Coopération décentralisée Lyon
Marseille (Aderly).

Article de presse

Entretiens

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 84
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION....................................................................................... 1
LA MONTEE EN PUISSANCE DES VILLES................................................................ 2

Les villes en tant qu’acteur collectif ............................................................................. 2

Métropoles et coopérations bilatérales.......................................................................... 5

LA NAISSANCE DE L’INTERREGIONALITE............................................................. 6

La D.A.T.A.R, actrice de l’aménagement du territoire................................................. 6

L’émergence d’un Grand Sud Est ................................................................................. 7

L’élu local, nouvel interlocuteur privilégié................................................................... 9

MISE EN DEBAT .......................................................................................................... 11

Problématisation.......................................................................................................... 11

Marseille, Grenoble, Clermont-Ferrand : 3 villes pour 3 enjeux. ............................... 12

METHODOLOGIE......................................................................................................... 13

Présentation du terrain d’enquête................................................................................ 13

Méthode et biais de cette étude ................................................................................... 14

CHAPITRE 1. LES PREMIERES INITIATIVES DE


COOPERATIONS BILATERALES DANS LE GRAND SUD EST ... 18
I. La naissance d’une dynamique de coopération ....................................................... 19

A. Le choix des villes....................................................................................................... 19

B. L’exemple de la coopération Lyon/Marseille ......................................................... 22


II. Un exécutif au cœur des politiques de coopération................................................ 26

A. Des élus locaux, initiateurs de coopérations........................................................... 26

1. La nouvelle place des maires dans l’aménagement du territoire ..................... 26


2. Des coopérations vectrices de ressources et de légitimation pour les grands
élus ....................................................................................................................... 28

B. Le danger de l’injonctionnisme politique................................................................. 30


1. Une charte menée par un groupe d’acteurs restreint........................................ 30

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 85
2. La coopération comme affirmation d’une volonté politique ........................... 31

CHAPITRE 2 : DES COOPERATIONS BILATERALES TROP


POLITIQUES ? OBSTACLES ET FAIBLESSES D’UNE
CONSTRUCTION TERRITORIALE.................................................... 33
I. Les raisons d’un échec............................................................................................. 34
A. La fragmentation de la volonté politique : d’une dynamique globale aux
décisions singulières. ....................................................................................................... 34

B. L’affichage, les dangers d’une arme politique ........................................................ 36


II. La concurrence des métropoles, nouvelle limite à la coopération.......................... 39

A. La prépondérance de la concurrence ........................................................................ 39


1. La coopération Lyon/Grenoble ........................................................................ 41
2. La Satisfaction des intérêts : l’exemple de la Mission Lyon/Marseille........... 42

B. La persistance d’une forte attente.............................................................................. 45

CHAPITRE 3 : VERS UN RENOUVEAU DU GRAND SUD EST ?


RETRAIT DU POLITIQUE ET POSITIONNEMENTS DES
ACTEURS LOCAUX .............................................................................. 46
I. Un exécutif partagé entre discours et actions ......................................................... 48

A. Le nouveau positionnement du cabinet politique ................................................... 48


1. L’absence d’interlocuteurs identifiés............................................................... 48
2. Une appropriation nouvelle par le cabinet ....................................................... 49

B. Vers la fin des coopérations bilatérales ? ................................................................. 50


1. Un argumentaire général insistant sur l’enjeu des priorités de travail............. 51
2. Coopération et bouleversement d’un système : les ambitions d’un nouveau
maire .................................................................................................................... 52
II. Le renouveau des coopérations dans le Grand Sud Est.......................................... 53

A. Une démultiplication des contacts ............................................................................ 53


1. La prise de relais par les acteurs économiques ................................................ 54
2. La prise de relai par les agents territoriaux...................................................... 57

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 86
B. Des coopérations moins « stato-centrées » Grand Sud Est ? ................................. 58
1. L’émergence d’une nouvelle proximité........................................................... 59
2. L’exemple des réseaux de villes ...................................................................... 60

CHAPITRE 4 : LA PERSISTANCE D’UN GRAND SUD EST


POLITIQUE DANS LES DYNAMIQUES DE GRANDS PROJETS . 64
I. Dynamique de grands projets et nouvelles coopérations......................................... 65

A. La volonté de coopération de Clermont Ferrand .................................................... 65

B. L’enjeu d’un grand projet initiateur .......................................................................... 67


1. La prise de conscience d’un intérêt commun.................................................. 67
2. Un Etat légitimateur......................................................................................... 68
II. Des enjeux spécifiques vers un mode de coopération inédit.................................. 69

A. Mobilisation et mise en mouvement du système d’acteurs ................................... 69

1. Vers une mise en connexion inter-métropolitaines.......................................... 70


2. La naissance d’une coopération avec Clermont Ferrand ................................. 72

B. Mais cette opportunité est-elle facteur de coopération à long terme ? ................. 73

CONCLUSION GENERALE .................................................................. 75


BIAIS RENCONTRÉS LORS DE CETTE ENQUETE DE TERRAIN............. 75
BILAN DE CETTE ETUDE ............................................................................... 76
PERSPECTIVES DE QUESTIONNEMENTS ................................................... 78

BIBLIOGRAPHIE.................................................................................... 80
SOURCES .................................................................................................. 84
TABLE DES MATIERES ........................................................................ 85
ANNEXES.................................................................................................. 88

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 87
ANNEXES

Vous pourrez trouver sur le CD ci-joint :

Les entretiens :
- Quelques entretiens (retranscriptions ou comptes-rendus)
- Liste des entretiens réalisés
- Tableau bilan des entretiens

Quelques articles de presse

Exemple de notes de synthèse réalisées dans le cadre du stage :


- Chronologie de la coopération Lyon/Marseille
- La coopération portuaire
- L’essor des coopérations bilatérales
- La Charte de coopération Lyon/Marseille
- Lyon/Marseille. Coopération et délocalisations publiques

Extraits de la Charte Lyon/Marseille

Rencontre LGV Pocl du 15.06.10

Powerpoint : Présentation de mes conclusions à l’agence le 16.06.10

- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,


La tentative d’une construction interrégionale - 88
- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,
La tentative d’une construction interrégionale - 89
- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,
La tentative d’une construction interrégionale - 90

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