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BARRIOZ Marjorie
Ce travail n’aurait pu être réalisé sans l’aide également d’une grande diversité d’acteurs
appartenant aux milieux économiques, universitaires, ou encore politiques qu’ils
viennent des agglomérations lyonnaise, grenobloise, clermontoise et marseillaise. Ceux-
ci sont trop nombreux pour être cité individuellement. Je les remercie toutefois d’avoir
bien voulu répondre patiemment et aimablement à mes nombreuses questions, malgré
des emplois du temps surchargés.
Merci aux professeurs de l’IEP de Lyon et de l’Université Lyon 2 qui depuis 5 ans nous
ont formés, portés et soutenus dans ce cursus de sciences politiques.
Et une pensée particulière est enfin adressée à l’ensemble des membres de l’équipe du
Labo que j'ai côtoyé quotidiennement, et dont j'ai apprécié la gentillesse et la bonne
humeur. Merci beaucoup pour cet accueil chaleureux.
INTRODUCTION....................................................................................... 1
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................... 80
SOURCES .................................................................................................. 84
TABLE DES MATIERES ........................................................................ 85
ANNEXES.................................................................................................. 88
Ce mémoire est réalisé dans le cadre d’une seconde année de Master de Sciences
Politiques. S’inscrivant dans une mission de stage au sein de l’Agence d’Urbanisme de
Lyon, il trouve son origine dans un questionnement sur la transformation et le
renouvellement de l’action publique. Le désengagement de l’État, la décentralisation
des pouvoirs ont conduit à une montée des incertitudes quant à l’avenir des territoires.
Ainsi aujourd’hui, la réforme des collectivités territoriales est perçue comme un facteur
indispensable au changement. Dès 2008, le rapport Attali proposait la suppression des
départements. La question de la place des métropoles s’est alors rapidement présentée
comme incontournable. En octobre dernier, Jean-Luc Warsmann, missionné sur
l'amélioration et la simplification du droit, rendait au premier ministre un rapport
largement inspiré du cas lyonnais pour envisager la création d’agglomérations qui se
verraient dotées des actuelles compétences des conseils généraux.
Force est de constater que s’adapter à de nouvelles ambitions, tel l’enjeu de la visibilité
internationale, nécessite d’élaborer de véritables stratégies. Le pari réalisé est de
compenser la petite taille de nos métropoles par le développement de leurs fonctions
supérieures et par leur mise en réseau. Alors que l’on « peine à concrétiser un modèle
qui concilierait la petite échelle de l’économie intégrative et la grande échelle de la
globalisation »1, cet élément apparait on ne peut plus actuel.
A l'image de cet exemple, les métropoles se présenteront dès lors comme des terrains
propices à l’expérimentation. S’interroger sur leur place et leurs liens au sein du
territoire national apparait ainsi essentiel pour la compréhension de ces réformes.
1
NEGRIER E., La question métropolitaine. Les politiques à l’épreuve du changement d’échelle
territoriale, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2005, p. 12
2
LE GALES P., «Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine», Revue Française de Science
Politique, Volume 45, Numéro 1, 1995, p.57-95
3
C'est-à-dire au sens Webérien : les détenteurs du monopole de la violence légitime
4
EBERLEIN B., « L'État régulateur en Europe », Revue Française de Science Politique, n°49, 1999, p.
205-230.
5
DONZELOT J., L'État animateur : essai sur la politique de la ville, Éditions Esprit, Le Seuil, Paris,
1994
Les enjeux politiques ont ainsi évolué10. Les villes sont désormais plus visibles
qu’auparavant au plan politique. La notion de gouvernance nous offre alors
véritablement la possibilité d’étudier les transformations des relations Etat-providence
et des métropoles. Le terme de gouvernance est défini comme un domaine d’étude « sur
les nouvelles manières de définir collectivement des objectifs et de coordonner l’action
d’une pluralité d’acteurs pour atteindre des objectifs »11.
6
LE GALES P. « Le desserrement du verrou de l'État ? » Revue Internationale de Politique Comparée,
n°6 (3), 1999, p. 627-653.
7
BAGNASCO, A., LE GALES P. (sous la direction de), Villes en Europe, La Découverte, Paris, 1997.
8
LORRAIN D., « Gouverner les villes, questions pour un agenda de recherche », Pôle Sud, n°13, 2000,
pp.27-40.
9
PAYRE R., Ordre politique et gouvernement urbain, Mémoire d’habilitation à diriger les recherches,
Université Lyon 2, 2008, p. 7
10
Il y a quelques années encore la ressource valorisée d'un élu consistait en sa capacité d'accès au centre.
L'objectif était d'obtenir des financements pour la mise en œuvre de ses politiques, il tendait alors à une
forte proximité locale avec ses électeurs.
11
PINSON G., « Encore un effort pour rendre la gouvernance démocratique! », Place publique,
Septembre/octobre 2008, n°11, pp. 18-24
Face à ces premiers constats, s’interroger sur l’avenir des métropoles apparait pertinent.
Seraient-elles sur le point d’émerger en tant que véritable acteur politique autonome ?
De manière fonctionnelle, cette échelle de décision apparait facilement discernable :
véritable nouvelle scène politique, au cœur des enjeux environnementaux, sociaux ou
encore économiques, elles sont incontournables.
Mais comme le relevait Bernard Jouve et Christian Lefevre « gagner en autonomie par
rapport aux autres niveaux de gouvernement suppose très basiquement de disposer des
moyens juridiques pour ce faire »14. Cette question apparait par ailleurs dans l’air du
temps : la construction de la légitimité de ces territoires a parfois été rendue possible de
manière législative, comme ce fût le cas en Italie15. Cette possibilité fût également
abordée en France lors des débats sur la loi Chevènement, mais l’amendement déposé par
un député socialiste ne fut finalement pas retenu16. Au final aujourd’hui, les métropoles
ne sont pas reconnues comme des communes, des départements ou encore des régions.
Elles ne disposent d’aucune reconnaissance juridique officielle.
12
LE GALES P., « Gouvernance », in Boussaguet, Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses
de Science po, 2004, p.243
13
LE GALES P., «Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine », art. cit, p.57-95
14
JOUVE B., LEFEVRE C., « Le nouvel âge d’or des villes européennes ? », in Métropoles
ingouvernables, Elsevier, Paris, 2002, p. 9
15
MATTINA C., ALLUM F., « La personnalisation du gouvernement municipal en Italie. L'expérience
du maire de Naples », Pôle Sud, Volume 13, Numéro 1, 2000, p. 57 – 70 (La loi est celle n° 81 de 1993,
instituant l’élection au suffrage universel direct du maire dans les communes de plus de 15 000 habitants).
16
JOUVE B., LEFEVRE C., « Le nouvel âge d’or des villes européennes ? », op. cit, p. 13
17
Ibid, p. 4
Ainsi, les grandes villes françaises tendent à être identifiées, à être reconnues comme de
véritables acteurs. Pour cela, différents instruments se révèlent à leur portée : le
développement de coopérations inter municipales en fait parti.
«Les métropoles ne sont pas des espaces isolés »19. Elles n’ont historiquement jamais
cherché à l’être. C’est à partir de la fin du XIXe siècle qu’ont commencé à se
développer les premières relations inter-municipales notamment en France et en Europe
du Nord. Ces dernières prenaient alors la forme de voyages d’études composés d’élus,
d’employés et d’agents techniques20. C’est dans ce cadre que nait à Gand en 1913,
l’Union internationale des villes et pouvoirs locaux. Considéré comme une réponse à
l’incapacité de l’Etat à proposer un cadre juridique opérationnel pour les communes,
elle regroupe trente et un pays. Vingt quatre sont représentés par leur Union nationale
des villes et sept par diverses municipalités. Les activités de l’Union sont multiples. Elle
organise des congrès des conférences, publie ses travaux ainsi qu’un bulletin régulier.
Ses objectifs concernent entre autres le renforcement des pouvoirs locaux et de leurs
associations, la participation des citoyens à la vie publique et la coopération
internationale municipale.
Pour autant, ce n’est qu’à la suite de la seconde guerre mondiale que ces coopérations
prendront toute leur ampleur avec les jumelages et les pactes d’amitiés21. La visée
pacifiste et la volonté d’un dialogue entre les peuples sont alors affirmées.
« Dans les années 1960 et 1970, on peut observer une forme de municipalisation de
l’action internationale. Antoine Vion insiste sur le retrait des subventions
gouvernementales aux organisations de jumelages à partir de 1961 »22. Alors que
l’Union Européenne prend ses marques, les jumelages perdent progressivement leur
18
Ibid, p. 8
19
LEFEVRE C., Gouverner les métropoles, Politiques locales, Paris, 2009, p. 3
20
PAYRE R., “The Importance of Being Connected : City Networks and Urban Government. Lyon and
Eurocities (1990-2005)”, International Journal of Urban and Regional Research, 2008, p.15
21
Ibid
22
PAYRE R., Ordre politique et gouvernement urbain, op.cit, p.123
LA NAISSANCE DE L’INTERREGIONALITE
Alors que les premiers outils d’aménagement du territoire sont définis en 1955, à une
époque où l’on commence à dénoncer la concentration du pôle parisien au détriment des
autres régions23, la D.A.T.A.R créée en 1963 se voit attribuer un rôle de rééquilibrage
du territoire, de part ses missions d’aménagement et d’action régionale.
Dans les années 60, la politique des “métropoles d’équilibre” (IVème plan, 1962-65) et
celle des “villes nouvelles” (Vème plan, 1966-70), permettait à l’Etat un aménagement
du territoire résolument moderniste, ambitieux et fondé sur la croissance. Mais dès les
années 70, cette dynamique fût complètement révisée suite à la récession économique.
Le “développement local” se présente alors comme une solution. En 1982, la
décentralisation parachève cette approche en donnant aux pouvoirs locaux des
compétences accrues. Il s’agit d’agir face à un nouveau contexte international.
Mondialisation des échanges, construction européenne, faiblesse de l’armature urbaine
23
En 1947, Jean François Gravier publiait « Paris et le désert français » aux éditions Le Portelan.
24
DÉCRET N° 63-112 DU 14 FÉVRIER 1963
Il s’agit d’“Exister demain”, expression qui se retrouve dans toutes les bouches aussi
bien dans celles des chargés de missions de la DATAR que dans celles des maires.
Exister face aux autres pays de l’Union européenne, exister face à la capitale.
25
DUPORT J-P, “Le magistère de la boussole”, La Lettre de la DATAR, n°141 bis, février 1993, p. 2
26
Les sept grands chantiers son le grand nord, la façade atlantique, le grand bassin parisien, le grand est,
le massif central, la région euro-lyonnaise, et espace méditerranéen. MOREL B, « L’interrégionalité,
Une des dimensions phares de cet avant projet était un soutien absolu du CIADT au
développement des interrégionales. La structuration du territoire est perçue comme
dépendant de l’intensité des coopérations s’esquissant à l’échelle du réseau des villes,
des agglomérations et des pays. Pour le comité, ces coopérations doivent être soutenues
non seulement parce qu’elles régulent et tempèrent la concurrence entre territoires, mais
aussi parce qu’elles contribuent à faire évoluer un paysage institutionnel trop segmenté.
Le Grand Sud Est, regroupant notamment les régions Rhône Alpes, Provence Alpes
Côte d’Azur et Languedoc Roussillon27, apparait comme un territoire en émergence.
De part ce nouveau territoire d’action, c’est avec le Grand Delta29 que renoue
l’institution publique. En effet, déjà dans les années 1960, il se présentait comme la
réponse des aménageurs aux nouvelles préoccupations économiques.
Afin d’approfondir cette problématique, trois études sont lancées : la première sur les
aspects urbains et relationnels, une seconde sur les relations internationales et une
dernière sur les interdépendances économiques.
L’objectif premier de ces élus est de se faire entendre. Alliés à deux, trois ou quatre, ils
constituent ainsi un groupe de pression capable de dégager une position commune
permettant de peser plus lourd dans la balance des décisions prises généralement sans
30
MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en Europe : l’exemple du Grand Sud-Est et
de l’axe rhodanien », art. cit, p. 191
31
TESSON F., Les réseaux de villes en France. Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace.
Doctorat de géographie, Université de Pau et des Pays de l’Adour, avril 1996, page 46
32
Ibid, page 63
33
Ibid, page 196
Les coalitions urbaines sont donc constituées d’acteurs, de groupes et d’institutions qui
se reconnaissent des intérêts communs et se reconnaissent mutuellement comme
interlocuteurs, elles ont la plupart du temps pour objectif la production d’une politique
publique.
Les exemples observés ont présenté une très grande diversité dans leurs contextes
régionaux et leur forme de coopération. Des territoires aux enjeux différents, des villes
multiples (démographie, économie, situation géographique…). Les villes se lançant
dans cette dynamique ne sont pas forcément des villes d’avant-gardes, toutes sont
concernées. Les relations politiques ne sont pas non plus des obstacles et la couleur
partisane n’est pas déterminante.
34
Ibid
35
PAYRE R., Ordre politique et gouvernement urbain, op. cit, p. 7
36
BEAL V. et PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », Pôle Sud, n° 30, 2009, p. 21
37
TESSON F., Les réseaux de villes en France Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace, op. cit,
p. 197
MISE EN DEBAT
Problématisation
Le Grand Sud Est, près de 31% du territoire français, se présente comme fort de ces
spécificités territoriales. La qualité de son paysage et de son cadre de vie, la vitalité de
son tissu économique, son tourisme, son industrie, son agriculture, le dynamisme de ses
services aux habitants donnent à ce territoire une réelle attractivité et tonicité. Ce
contexte est une chance mais il sous-tend un nombre important de contrastes
territoriaux, essentiels à la compréhension des enjeux locaux. Ces derniers sont
physiques, climatiques, paysagers ou encore démographiques.
Alors que ces éléments pouvaient apparaître secondaires, il semble cependant qu’ils
aient eu un impact direct sur la configuration de l’action publique du territoire.
Afin de construire une interrégionalité pérenne, l’accent fût donc mis sur les grandes
agglomérations, considérées comme des entités véritablement structurantes du territoire.
Rapidement, la construction du Grand Sud Est fût donc appréhendée par le biais des
coopérations bilatérales entre ses villes.
L’idée est de mettre en lumière les moyens et conditions qui rendent possible
l'émergence et le développement d'une coopération entre métropoles puis de les
Afin d’illustrer notre propos, nous appuierons notre argumentaire par un retour sur trois
axes relationnels. Nous reviendrons ainsi sur les coopérations bilatérales de la
métropole lyonnaise avec les villes de Marseille, Grenoble et Clermont-Ferrand. Toutes
relèvent en effet de particularités bien spécifiques et soulèvent des enjeux précis.
En effet, par la multiplicité de leurs formes, leurs durées parfois relatives et leurs
intensités variables, les coopérations se présentent comme difficilement appréhendables.
En effet, les coopérations entre municipalités et agglomérations n’interviennent pas de
manière impromptue. Elles s’inscrivent dans un contexte historique où un certains
nombres d’éléments positifs ou négatifs peuvent jouer un rôle de facilitateur ou de
freins. Ces éléments, pris dans leur globalité, constituent une sorte de climat dans lequel
s’insère (ou non) la coopération
METHODOLOGIE
L’insertion au sein de mon terrain d’enquête s’est effectuée grâce à l’appui d’un stage à
l’Agence d’Urbanisme de Lyon.
L’agence d’urbanisme de Lyon est une association « loi de 1901 ». Créée en 1978,
celle-ci rassemble près de 25 partenaires intervenant sur l’agglomération lyonnaise et
son aire d’influence (Etat, Communauté d’agglomération, syndicats mixtes, chambres
consulaires…). UrbaLyon se présente comme un outil de prospective, d'observation et
d'expertise, mais aussi d'animation et de dialogue. Elle intervient ainsi dans la
planification, le projet urbain et l'observation, produit des analyses et formulent des
propositions.
La finalité du stage est ainsi d’éclaircir l’enjeu des coopérations bilatérales de la ville de
Lyon. La volonté n’était pas de réaliser un panorama exhaustif des coopérations inter-
métropolitaines dans tous les domaines mais bien d’avoir une vision générale du sujet,
une approche exploratoire. Dans ce cadre, il s’agissait pour moi d’établir, en plus d’un
- Le Grand Sud Est à l’épreuve des coopérations bilatérales,
La tentative d’une construction interrégionale - 13
rapport final, des documents courts et percutants à destination de l’ensemble des
techniciens. L’objectif était d’initier une réappropriation de ces problématiques par les
acteurs locaux.
A partir du mois d’avril 2010, il s’agissait également pour moi de constituer un appui à
certains projets en cours, spécifiquement à la contribution locale pour la ligne à grande
vitesse Paris, Orléans, Clermont-Ferrand, Lyon. L’organisation d’un séminaire de travail
entre agences d’urbanisme (le 15 juin dernier) fût alors réalisée.
Comme le recommande Beaud et Weber40, ces éléments ont été complétés par un certain
nombre d’entretiens semi-directifs. En effet, la démarche du chercheur implique,
comme nous l'enseigne le « Manuel de recherches en sciences sociales »41, un constant
retour sur le terrain. Ainsi, le terrain forge notre analyse, il la modifie, l'affine. La tâche
se présenta comme complexe. Je discernais très rapidement, une forte difficulté à
identifier des interlocuteurs pertinents au sein des mairies ou agglomérations des villes
de Marseille, Grenoble ou Lyon. Malgré leur vif intérêt, les personnes contactées
affirmaient n’avoir que près peu d’informations sur le sujet, mettant ainsi en avant leur
faible recours face à mon sujet d’études. En réalité, avec un peu d’instance auprès de me
interlocuteurs, les langues ont progressivement commencé à se délier. Ils commencèrent
38
De février à juin 2010
39
LAZARSFELD P., BARTON A. “Qualitative Measurement in the Social Sciences.Classification,
Typologies, and Indices”, in D. Lerner, H. D. Lasswell (ed.), The Policy Sciences, Stanford University
Press, 1951
40
BEAUD S, WEBER F, Guide de l’enquête de terrain, Guide Repère, La Découverte, Paris, 2003
41
QUIVY, CAMPENHAUDT, Manuel de recherche en Sciences Sociales, Dunod, Paris, 1995
Comme l’explique Stéphane Beaud, certains d’entre eux ne sont parfois pas assez riches
pour être analysables. D’une durée variable, des entretiens se présentèrent comme
relativement courts (15 minutes) alors que d’autres ont pu durer près d’une heure trente.
Tous n’auront pas été utiles dans ce mémoire, en effet la plupart d’entre eux avaient
pour visée première l’aboutissement de mon stage. Il m’est ainsi apparu plus judicieux
dans ce mémoire de m’attarder sur un nombre restreint d’entretiens afin d’atteindre une
certaine profondeur d’interprétation.
42
Liste des personnes rencontrées en annexes.
De la même façon, ces échanges suscitèrent parfois le récit d’un certain nombre
d’anecdotes, rendu possible par une présence répétée et relativement longue. Ces
anecdotes, si nous pouvons les qualifier comme telles, relataient pour beaucoup un
moment « T » de coopérations. On retrouvera dans ce mémoire l’exemple du partenariat
sur les délocalisations publiques entre les villes de Lyon et de Marseille abordé en
chapitre 2, on citera également l’exemple d’ONU sida43 pour Lyon et Genève. Elles
furent en réalité nombreuses. «Formidables révélateurs et analyseurs de situations
sociales »44, ces dernières ont réellement pu être utilisées comme outils de relance vers
de multiples thématiques.
L’observation participante ne saurait pourtant être efficace sans une capacité à trier les
informations en fonction de leur pertinence, par rapport à ce que l'on attend, à ce que
l'on souhaite démontrer. Dans ce cadre, les sources écrites se sont présentées comme
mon premier support méthodologique. En fonction des coopérations étudiées, il
s’agissait pour moi de reprendre les comptes-rendus de réunions, les échanges
épistolaires en cours ou d’époque, les articles de presse locale et nationale… Cette
démarche m’amena de manière régulière à la documentation de la ville de Lyon ou du
Grand Lyon ou encore aux archives municipales.
Au final, cette étude se présente comme le fruit de sources extrêmement variées. Mais
afin de rendre cette approche méthodologique plus complète, il aurait été pertinent de
mettre en place puis de diffuser un questionnaire. Cette approche m’aurait en effet
permit de toucher un nombre très large d’acteurs concernés et de percevoir leurs
attentes. Pour autant, cette possibilité fût vite écartée car il apparaissait que peu d’entre
eux auraient pris le temps de réaliser cette démarche.
Ces précisions apportées, nous aborderons notre sujet d’étude en quatre temps. Un
premier chapitre sera consacré au développement de premières coopérations bilatérales
dans le Grand Sud Est, il nous permettra d’appréhender immédiatement le contexte et la
place des élus. Dans un second temps, nous chercherons à comprendre les
problématiques soulevées par ces premières initiatives : freins et obstacles à une
coopération réussie. Le troisième chapitre présentera l’état actuel des coopérations, en
mettant l’accent sur le retrait du politique et une démultiplication des acteurs. Enfin, le
quatrième et dernier chapitre viendra en contrepoint des deux précédents en insistant sur
la persistance des politiques généralistes dans les dynamiques de grands projets.
Ce premier chapitre abordera la naissance concrète du Grand Sud Est. Nous verrons
dans un premier temps que les coopérations bilatérales se présentèrent comme le socle
de cette nouvelle construction territoriale puis nous reviendrons sur la question de leurs
mises en œuvre.
45
MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en Europe : l’exemple du Grand Sud Est et
de l’axe rhodanien », art. cit, p. 193
46
Compte rendu de la réunion du 24 septembre 1997 (Coopération Grenoble, Lyon, Marseille), Archive
n° 1921 W 23, Archive Municipale de Lyon
Comment concrétiser le Grand Sud Est ? De multiples projets avaient été précédemment
envisagés. Dans les années 70, l’aire « Lyon, Saint Etienne, Grenoble » fut évoquée,
suivie de la « Voie Dauphine » lors de la présentation du Schéma d’Aménagement
Régional47. Sans succès. Il s’agissait donc d’appréhender de manière nouvelle ce
territoire.
Dans l’esprit collectif, cet espace d’excellence était affaire de villes autant que de
régions. Il s’agissait d’une des premières caractéristiques du Grand Sud Est. Ces
dernières se présentèrent comme le terreau de cette nouvelle initiative territoriale.
Un obstacle essentiel limitait pourtant cette dynamique : leur taille, leur place dans
l’armature urbaine française, le contexte régional qui les poussait à coopérer, étaient
autant de différences qui ne plaidaient pas en faveur d’une unité48. Mais, la
décentralisation notamment, entraine de nouvelles logiques de fonctionnement et
« remet en cause le système pyramidal et hiérarchisé régissant de longue date les
rapports entre les villes françaises»49. Désormais, ce qui compte pour une ville, ce qui
fait sa force et sa puissance, c’est sa capacité à être branchée, reliée aux autres villes.
47
FOURNY M-C, "Le réseau des villes-centres de Rhône-Alpes, un acteur d'une nouvelle construction du
territoire régional", JOUVE B., SPENLEHAUER V., WARIN P. (dir.), La région, laboratoire politique,
Ed La Découverte, 2001, pp. 245-262
48
TESSON F, Les réseaux de villes en France Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace, op. cit,
p. 69.
49
Ibid
50
Les aires urbaines du Grand Sud Est. MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en
Europe : l’exemple du Grand Sud-Est et de l’axe rhodanien », op. cit, p. 196
« Moi ce que j’ai toujours pensé c’est qu’un maire c’est quelqu’un qui
est tout le temps isolé. Il est au sommet et il a personne… Il n’a pas
d’égal dans sa ville en quelque sorte. Là, ils étaient contents. Ils se
retrouvaient entre égaux même si ils avaient pas tous la même
importance. Ils discutaient de leurs affaires et puis, je dis pas que c’était
des résultats merveilleux mais bon c’était quand même pas mal ».
51
FOURNY M-C, "Le réseau des villes-centres de Rhône-Alpes, un acteur d'une nouvelle construction du
territoire régional", art. cit, p. 248
52
LELOUP F, MOYART L et PECQUEUR B, « La gouvernance territoriale comme nouveau mode de
coordination territoriale ? », Géographie Économie Société, Vol. 7, avril 2005, p. 325
Raymond Barre avait été élu maire de la ville de Lyon le 19 juin 1995. Fort de son statut
d’ancien premier ministre, il développa rapidement une vision géostratégique de
l’agglomération lyonnaise. Un agent territorial lyonnais évoquait ainsi la rupture initiée
avec le mandat précédent :
53
Le Diamant Alpin comprend les villes de Turin, Genève et Lyon.
54
BEZES P., L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, L’Harmattan,
Paris, 1994, p. 207
55
Aujourd’hui, Vice-Président à l'Europe et aux relations internationales de la région Rhône Alpes.
56
Ci-joint en annexes.
57
Respectivement Christian Philip et Renaud Muselier
58
Charte de coopération Lyon/Marseille, Boîte n° 1921 W 2, Archives Municipales de la ville de Lyon,
page 3
De manière surprenante, ce sont bien les annexes de cette charte qui se révèlent
particulièrement intéressantes. De véritables prescriptions y sont relevées, telle la
volonté de créer des sous coopérations dans de multiples domaines. Ainsi, est évoquée
la mise en relation d’un certain nombre d’acteurs dans des secteurs aussi variés que les
échanges scolaires, la culture, le sport ou encore l’assainissement et la voirie.
Il est relevé que la charte se verra renforcée par des échanges au sein de rendez-vous
annuels61. Et ce, alors que la réception de ces rencontres se fera de manière alternative
dans l’une des deux villes. Leur organisation sera réalisée par un coordinateur désigné
par Lyon et par Marseille. Un secrétariat permanent chargé de l’application de cette
Charte de Coopération62 est d’autre part annoncé pour une mise en place avant le 1er
juin 1997.
59
Charte de coopération Lyon/Marseille, Boîte n° 1921 W 2, Archives Municipales de la ville de Lyon.
60
Ibid, p. 3
61
Ibid, p. 20
62
Ibid, p. 21
Le Grand Sud Est était lancé, il avait ainsi pour socle les coopérations bilatérales entre
ses grandes métropoles. A l’image de la naissance de la Charte Lyon/Marseille,
l’influence et le rôle du personnel politique dans ces coopérations apparu prépondérant.
Nous reviendrons ainsi sur l’émergence de l’élu local comme nouvel acteur central,
nous aborderons ses motivations et son investissement dans les coopérations bilatérales
puis interrogerons la mise en œuvre de ces coopérations bilatérales.
Anne-Cécile Douillet relevait en 2003 que « les élus locaux – en particulier les élus
municipaux et départementaux – ont acquis, au cours des dernières décennies, une
place croissante dans la mise en forme et la mise en sens de l’action publique locale ;
ils sont devenus plus entreprenants et participent à la recomposition territoriale de
63
MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en Europe : l’exemple du Grand Sud-Est et
de l’axe rhodanien », art. cit, p191
64
GENIEYS W., « Le leadership vu du territoire pour une sociologie de l'action publique des élus locaux
» in SMITH Andy et SORBETS Claude (dir), Le leadership politique et le territoire, les cadres d'analyse
en débat, Presses universitaire de Rennes, 2002, p. 206
L'élu garantit un «Méta projet», de grands principes d'action. Le projet devient une
perspective à long terme, où l’on fait en permanence dialoguer des choix, varier les
ressources. Les choix collectifs effectués sont conçus comme évolutifs et amendables ce
qui tend à une démultiplication des moments de la décision. C'est une méthode que l'on
définira plutôt d'incrémentaliste. Les politiques doivent désormais agir comme des
garants de ces processus de construction. Ils donnent du sens, incarnent et garantissent
le respect de valeurs et de principes d'actions dans les processus de décision, ils mettent
ainsi en place les conditions de coopération entre des acteurs divers67. Ils offrent la
« possibilité d’incarner les transactions de longue durée entre acteurs politiques, mais
aussi la capacité à porter de nouveaux espaces et de nouveaux domaines de
transaction »68. On observait dès lors l’apparition de véritables acteurs charismatiques et
visionnaires, acceptant le pluralisme croissant de la structure du pouvoir des grandes
villes.
Ce constat se présenta comme d’autant plus fort pour les villes de Marseille et de Lyon
de part le passé politique des élus concernés. Pour ces deux métropoles, la figure
recherchée est celle d’un « leader capable de manager des systèmes d'actions dépassant
les frontières des institutions municipales »69. Jean Claude Gaudin était resté ministre de
l’aménagement et de la ville pendant 2 ans (notamment sous le gouvernement Juppé II)
tandis que Raymond Barre avait une expérience de ministre et de premier ministre. Il
s’agissait ainsi pour ces élus de prendre appui sur un territoire électif à forte influence.
Cette « forte personnalisation du pouvoir local, notablement accentuée par la
65
DOUILLET A-C, « Les élus ruraux face à la territorialisation de l'action publique », Revue Française
de Science Politique, vol. 53, n° 4, août 2003, p.592
66
LE GALES P., «Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine», art. cit, p. 72
67
PINSON G., «Projets de ville et gouvernance urbaine. Pluralisation des espaces politiques et
recomposition d'une capacité d'action collective dans les villes européennes », Revue Française de
Science Politique, vol. 56 (4), 2006, p. 619-651
68
NEGRIER E., La question métropolitaine. Les politiques à l’épreuve du changement d’échelle
territoriale, op. cit, p. 128
69
PINSON G, «Projets de ville et gouvernance urbaine, pluralisation des espaces politiques et
recomposition d'une capacité d'action collective dans les villes européennes», art. cit., p. 644
Les coopérations bilatérales ont traduit une transformation assez nette des modes de
légitimation des élus urbains. En effet, alors que les ressources à mobiliser pour l’action
publique urbaine ne venaient pour l’essentiel plus du pouvoir central, il s’agissait pour
le personnel politique de développer de nouveaux modes de légitimation71.
« Les ressources que le maire collecte dans cet investissement sont des
ressources qu’il valorise dans l’action publique urbaine (idées,
stratégies, politiques sectorielles, alignement cognitif entre acteurs des
politiques, constitution et consolidation d’une coalition, etc. »72
Cette considération par les « outputs » ne se présentait pas comme la seule motivation.
La dimension politique (au sens de « politics ») prenait ainsi très largement part dans
l’investissement des élus. Ainsi, la capacité à être désormais identifié comme élu actif
de son territoire, offrait la possibilité d’une « légitimité fondée sur la reconnaissance
des pairs »73 qui pesait de tout son poids dans les coopérations du Grand Sud Est. Un
propos confirmé par une directrice de services du Grand Lyon :
« Pour Marseille, il faut pas se cacher derrière son petit doigt. Une
partie de ces coopérations sont souvent impulsés par des éléments plutôt
politiques. Stratégie, espèce de jeu d’alliance très peu objectivé entre
telle et telle métropole. Des stratégies d’alliances d’autant plus fortes
70
MABILEAU Albert, « Les génies invisibles du local. Faux semblants et dynamiques de la
décentralisation », Revue Française de Science Politique, Volume 47, numéro 3, 1997, p. 354
71
BEAL V. et PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », Pôle Sud 2009/1, n° 30, p. 24
72
BEAL V. et PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », art. cit, p. 24
73
LE SAOUT R., « De l’autonomie fonctionnelle à l’autonomie politique. La question de l’élection des
délégués des établissements intercommunaux », Actes de la recherche en sciences sociales, avril 2004, p.
76
Comme cela fût évoqué par Gilles Pinson et Vincent Béal à propos de Saint Etienne,
l’utilisation électorale de cette ressource peut parfois apparaitre limitée. C’est
notamment le cas dans certain contexte « où la culture locale apparaît plus marquée
par l’entre-soi que par l’ouverture vers l’extérieur »74. Jean Yves Sécheresse évoquait
notamment cette situation quant à la ville de Marseille :
Ainsi, il s’agit de relever que mes entretiens révélèrent qu’à l’époque Jean-Claude
Gaudin apparaissait assez peu enthousiasmé par le projet, ne s’y investissant que pour
« faire plaisir » à son homologue lyonnais. Cet argument laisse à penser que les
motivations des acteurs investis dans la coopération ne se limitaient pas seulement à la
promotion et au développement du territoire Grand Sud Est.
L’originalité de ces dynamiques est donc double. L’élu bénéficie à la fois d’une
légitimation par les « outputs » (produit de l’action publique) mais également d’une
légitimation par les « inputs » (création de soutiens entre élus, assise au sein d’un
parti…).
74
Ibid, p. 16
Ces enjeux politiques eurent un impact sur la charte dès sa signature. Alors que celle-ci
s’inscrivait dans la suite logique du Grand Delta et du Grand Sud Est, sa réception par le
conseil municipal lyonnais se présenta comme mitigée.
En effet, ce 17 février 1997 l’opposition (dont faisait parti Gérard Collomb) réagit de
manière vive. Dans un premier temps, ce sont les modalités de signature qui sont
contestées. Tous déplorent : « qu’il n’y ait pas eu davantage d’informations ni de
discussions préalables à la signature de ce document »75. La possibilité d’une
coopération avec la ville de Marseille fut lui-même discuté :
« Marseille fournit un assez bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire »76,
« On ne peut pas coopérer avec tout le monde et dans toutes les
directions »77.
Autrement dit, le conseil municipal insistait sur la nécessité de faire des choix. Hormis
ces premiers éléments de contestations, ce sont les propos tenus par Yvon Deschamps
qui m’interpellèrent de manière particulière :
« Le hasard a voulu que j’entende, cette après midi, sur une chaine
d’information nationale, quelques mots de commentaires sur cette
charte dont j’ignorais venant ici que nous allions avoir à en débattre »
78
.
Il apparaît ainsi qu’en dehors du cercle exécutif (le maire et des adjoints), qu'aucun
autre élu municipal n’était au courant de la signature de cette charte. La volonté qui se
75
Bruno GOLNISCH, Délibération du conseil municipal – séance du 17 février 1997, transmis par la
Mairie de Lyon.
76
Ibid
77
Ibid
78
Yvon DESCHAMPS au nom de Gérard COLLOMB, Délibération du conseil municipal – séance du 17
février 1997, transmis par la Mairie de Lyon
Raymond Barre créait ici véritablement une cohésion autour de son projet. Il s’agissait
d’une volonté personnifiée qui donnait son sens à la politique publique, une volonté qui
assure l’inscription de la politique sur l’agenda gouvernemental et rendait possible son
inscription financière81. Ainsi pour Philippe Bezes, cette autorité apparaissait comme :
Alors que ce dernier qualifie ces politiques de volontariste, Fabrice Dhûme83 parle quant
à lui d’injonctionnisme. Leurs définitions apparaissent similaires.
La caractéristique de ces policies est de s’appuyer sur un contenu politique fort. Elles
témoignent :
En soi, l’injonction ne constitue pas un problème. Cette démarche peut être jugée
nécessaire pour l’organisation de l’espace politique. Il semble que l’obstacle premier
79
BEZES P, L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, op . cit, p. 206
80
BEZES P, L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, op. cit, p. 206
81
Ibid, p. 207
82
Ibid, p. 212
83
DHUME F., La coopération dans l’action publique, L’Harmattan, Paris, 2006, 330 pages
84
Ibid, p. 231
85
DHUME F., La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 25
C’est aussi le cas pour les élus métropolitains du Grand Sud Est. Bien que les modes de
faire soient multiples, un certain nombre d’agglomérations optent pour des politiques de
coopération menées et encadrées par des élus. Signée en 1997, la charte Lyon Marseille
illustre parfaitement cette tendance. Cette initiative se veut structurante d’un territoire
d’action en devenir mais plus que cela, elle tend à offrir une nouvelle scène politique
aux personnels politiques locaux.
De manière évidente, de telles démarches tendent à soulever dans leur mise en œuvre un
certain nombre de problématiques, parfois difficiles à surmonter. Nous tendrons à
revenir sur ces dernières dans ce second chapitre.
86
Ibid, p.26
La phrase sonnait d’ores et déjà comme une sentence. Malgré l’investissement des deux
villes dans la démarche de coopération, celles-ci durent faire face à un certain nombre
d’obstacles intrinsèques à sa mise en œuvre. Face à toute la complexité d’élaboration du
Grand Sud Est, les coopérations bilatérales en tant qu’instrument d’action publique,
offrent-t-elles véritablement la possibilité d’une organisation pertinente ?
Ce second chapitre reviendra sur les éléments qui ont pu freiner la dynamique du Grand
Sud Est. Nous aborderons tout d’abord les failles inhérentes à la démarche choisie, puis
l’émergence d’enjeux internationaux allant jusqu’à menacer les coopérations bilatérales
au sein du Grand Sud Est.
87
INUDEL : Association Régionale pour l’Innovation Urbaine et le Développement Local
88
INUDEL, Contribution à la réflexion prospective en Rhône-Alpes, Décembre 1995, p. 12
Cette première sous partie reviendra sur l’appropriation de ces coopérations par les
acteurs locaux : agents territoriaux et agents économiques. La difficulté de la
fragmentation de la volonté politique (autrement dit de son application) sera abordée
dans une première sous partie suivie de la question de l’affichage politique, véritable
frein à des coopérations abouties.
L’application d’une coopération est loin d’être aussi simple qu’il n’y parait. En effet, la
volonté du leader politique n’apparait plus suffisante à sa bonne mise en œuvre.
« C’est pas parce que les gens qui sont à la tête des institutions disent il
faut y aller que ça se fait.»
La volonté de l’agent territorial non plus d’ailleurs. Ainsi comme l’évoquait Philippe
Bezes :
Force est de constater que chaque secteur d’activité se présente comme porteur
d’enjeux et de problématiques propres. Dans le cadre de la charte Lyon/Marseille, les
acteurs concernés percevaient pour beaucoup cette dernière comme une charge de
travail supplémentaire. Le manque de temps fût par exemple invoqué. Il paraissait
intéressant de revenir ici de manière illustrative sur deux secteurs d’activités distincts :
l’un économique (la mode), l’autre public (la culture).
La charte de coopération avait été aménagée par secteurs de travail. Loin d’être exclus
de la démarche, les agents territoriaux et acteurs économiques avaient été dans une
certaine mesure associés à la dynamique d’élaboration de la charte.
M. Brivet, Directeur Général de Mode Habillement Rhône Alpes, nous expliquait ainsi
comment il avait été contacté afin d’exposer les points possibles de coopération. Il
s’agissait d’identifier des possibilités, une démarche qui se présentait alors sous la
forme d’un simple listing, d’un catalogue.
L’appropriation fût faible. Au-delà d’un affichage très fort, il n’y avait à priori pas de
correspondance d’acteurs entre les deux régions. C’est ainsi que le secteur en est venu à
prétendre un partenariat pour simplement se conforter à une commande. Ce qu’ignorait
le monde politique, lyonnais comme marseillais, c’est qu’existait une concurrence
explicite entre les deux villes dans ce secteur d’activité.
89
BEZES P, L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, op. cit, p. 220
« Ça voulait pas dire qu’il fallait tout prendre. La ville ignore souvent
qui sont les acteurs secteurs par secteurs ».
« Dans les années 90, il existait des jumelages entre les villes sous cette
forme. Des coopérations très très artificielles qui une fois élaborées se
retrouvaient sans fond ».
D’ores et déjà à l’époque, les coopérations n’étaient en aucun cas gérées par la direction
culturelle, mais bien par chaque musée, chaque opéra, en bref par chaque organisme
selon ses intérêts.
Sur la base de ce constat, il est apparu que l’éclat de la coopération venait avant tout du
discours tenu par les acteurs initiateurs. Alors que sa mise en œuvre interne se présentait
comme complexe, parfois laborieuse et porteuse de conflits, à l’extérieur cette dernière
apparaissait comme relevant de l’évidence et du consensus.
90
Ibid, p 221
Impossible de dire ici s’il s’agissait d’un intérêt journalistique ou d’une volonté
politique. Une interrogation renforcée par les propos de l’ancien Secrétaire Général des
Services du Grand Lyon :
Cette appropriation du sujet par les médias tend à soulever tout un certain nombre de
questions, notamment celle de la dimension symbolique. Cherchait-on réellement à
rendre concrète cette coopération ? Un élément fût d’ores et déjà relevé à cette époque à
propos des délocalisations publiques :
« Pour beaucoup, dès lors qu’elles ont été dites par le premier ministre,
les délocalisations ont déjà eu lieu ; la dimension symbolique de la
politique lui donne une existence sur le long terme, une existence dans
l’opinion et une visibilité politique »93
91
« Lyon-Marseille, un destin partagé », Le Monde, 09/05/1996
92
Articles joint en annexes.
93
BEZES P, L’action publique volontariste. Une analyse des politiques de délocalisation, op. cit, p. 210
L’acte de décider, d’annoncer pouvait dès lors se présenter comme un acte fort et porter
par là-même une première efficacité. Philippe Bezes évoque à ce propos « une politique
de la parole politique »94.
Christian Le Bart revenait dans son article « Les politiques d'image : entre marketing
territorial et identité locale » de manière pertinente sur cet enjeu. Découverte il y a près
de deux décennies par les collectivités, la communication tend désormais à devenir un
véritable outil politique, pour parfaire la démocratie locale, faciliter une réélection ou
encore promouvoir un territoire. La publicité devenait dès lors une arme décisive95.
« Il est possible aux élus d’agir sur l’image du territoire par le biais des
politiques de marketing territorial, à condition bien sûr de choisir les
bonnes cibles, les bons messages, les bons supports »96
« Cette image produit des effets sociaux : les acteurs économiques sont
ainsi plus ou moins attirés par un territoire, selon que celui-ci leur est
ou non connu, selon que les connotations attachés à son nom sont ou
non positives »97.
94
Ibid, p. 209
95
LE BART C, « Les politiques d'image : entre marketing territorial et identité locale ", in R. Balme, A.
Faure, A. Mabileau, Les nouvelles politiques locales, Presses de Sciences-Po, 1999, p. 416
96
Ibid
97
Ibid
Le Grand Sud Est est né et s’est développé en parallèle de la mondialisation telle que
nous la connaissons aujourd’hui. Cette dernière influença simultanément un certain
nombre de domaines : finance, commerce, production, technologies, et eut bien
évidemment une influence sur la construction territoriale. La dimension concurrentielle
joua ainsi véritablement un rôle dans l’émergence et la réussite du Grand Sud Est, à
l’image de cet extrait de Jean-Pierre Gaudin :
A. La prépondérance de la concurrence
La notion de concurrence reste toujours en suspend, même dans une coopération. Cette
dimension fût ainsi présente tout au long de l’application de la charte Lyon/Marseille
« Reste que sur certains dossiers, les deux villes sont en concurrence
notamment dans ce qui touche au développement économique et à
l’attraction des investissements étrangers. Marseille a intérêt à tisser
des liens, mais sans doute avec des villes moins proches
géographiquement que ne peut l’être Lyon.».
98
DHUME F, La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 301
99
GAUDIN J-P, « Politiques urbaines et négociations territoriales. Quelle légitimité pour les réseaux de
politiques publiques ? », Revue Française de Science Politique, Volume 45, Numéro 1, 1995, p. 38
La concurrence entre les villes, présente depuis le Moyen Age, avait longtemps été
encadrée par les états nations. L’affaiblissement de ces derniers (évoqué dans
l’introduction) a logiquement relancé cette dimension au sein des territoires
métropolitains. Ainsi, alors que l’Etat keynésien, tendait à maintenir le plein emploi et
à favoriser une forte consommation, il dû s’adapter au nouveau système économique.
Avec la crise des années 70, la compétitivité du territoire national s’insérant dans une
économie désormais mondialisée est devenue un objectif. Dans ce cadre, les métropoles
ont rapidement joué un rôle majeur.
100
PAYRE R., Ordre politique et gouvernement urbain, op. cit, p. 120
101
MOTTE A., Les agglomérations françaises face aux défis métropolitains, Anthropos Ville, avril 2007,
p. 242
Les coopérations bilatérales entre les villes de Lyon et Grenoble ont complètement été
guidées par cette appréhension de concurrence entre les espaces, elles constituent ainsi
un excellent exemple.
1. La coopération Lyon/Grenoble
Dans l’imaginaire collectif, les coopérations entre les deux villes se présentent comme
très accentuées, comme très suivies. En réalité, les liens (à l’exception des pôles de
compétitivité) se présentaient comme assez faibles.
Aujourd’hui, persiste une concurrence entre les deux grandes villes Rhônalpines.
Grenoble, capitale d’envergure régionale, n’a pas d’institutions, ni de représentations
commerciales reconnues nationalement, une situation qui influe sur les relations entre
les deux villes et tend à les freiner. La ville a de tout temps évoqué le souhait de
s’affranchir de Lyon afin d’asseoir son propre développement. Nous pouvons ainsi citer
une anecdote évoquée à plusieurs reprises lors des entretiens : celle des changements de
trains. Les voyageurs se rendant à Grenoble se voient, sauf exception, dans l’obligation
de changer de train et d‘emprunter une correspondance à la gare de Lyon Part-Dieu.
Une situation, mise en cause, par un certain nombre d’interlocuteurs estimant que
l’envergure de la ville de Grenoble devait leur permettre d’éviter cette contrainte. De la
même façon, nous relèverons la volonté de ne pas réduire la durée du trajet en TER
102
Ibid
« Au final, développer des relations avec Lyon ne fait pas parti des
intentions de Grenoble, elle se tourne vers autre chose ».
Lorsque l’une des deux villes voit ses intérêts satisfaits, la coopération bilatérale se
présente désormais directement menacée. Fabrice Dhûme revenait sur le sujet en ces
termes :
« Par ailleurs, ce n’est pas la non réalisation des intérêts qui porte fin à
la coopération. C’est d’abord l’inverse, du fait que la coopération est
relative à un projet. D’une part, la fin des coopérations arrive
tendanciellement avec la réalisation des intérêts. Et d’autre part, la non
réalisation tend plutôt à appeler plus de coopération »103.
Une illustration flagrante de cet argumentaire apparut lors de mon étude : celle de la
Mission Lyon/Marseille sur les délocalisations publiques : tout commence avec le
développement d’une mission de prospective en vue d’implantation des délocalisations
publiques à la demande de Raymond Barre. Le département des délocalisations
publiques fût ainsi créé. Il était composé de 5 à 6 personnes et dirigé par M. Jean-Marc
Roumillac. L’objectif était alors de valoriser la ville de Lyon dans un objectif de
lobbying.
103
DHUME F., La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 248
L’accord fût donc acté. Le principe était simple : les deux villes présentaient une seule
candidature pour deux. Une seule équipe préparait alors ces dossiers : « la Mission Lyon
– Marseille » dirigée par M. Jean-Marc Roumilhac (Aderly). Celle-ci était composée de
13 lobbyistes, recherchant auprès des institutions européennes et internationales, les
projets de délocalisations et de création d’institutions. Ensemble, Lyon et Marseille
convenaient alors de mettre en avant l’une ou l’autre des deux villes selon le projet.
Près de 45 organismes se sont ainsi implantés à Lyon ces dernières années. Il s’agit de
reconnaitre que Marseille a moins bénéficié de ce dispositif (la ville a cependant obtenu
le musée des arts et tradition populaire ainsi que le centre européen de la santé
humanitaire). Cet état de fait s’expliquait par la faible expérience dans ce domaine de la
cité phocéenne.
104
GUY MARIE S, SEZNEC E., « Lyon et Marseille s‘allient pour renforcer leur image en Europe », La
Tribune, 24.04.02
Suite à la présentation de son projet, Marseille fut retenue. Une décision très mal
accueillie à Lyon : pour les acteurs politiques et économiques lyonnais, sans l’accord de
coopération signé entre les deux villes, Marseille n’aurait jamais rien su de cette
délocalisation. Lyon aurait donc gagné. Ce scénario se renouvela une seconde fois avec
l’Institut de recherche pour le développement.
Entre temps, Gérard Collomb était élu à la tête de la mairie de Lyon. Ce dernier fut
rapidement invité par Jean Claude Gaudin à Marseille. Le maire lui fit alors comprendre
que la ville de Marseille n’avait plus besoin de celle de Lyon, les deux villes n’avaient
donc plus d’intérêt à travailler ensemble sur ce point. Marseille avait acquis assez
d’expérience pour être indépendante et avait à présent une très bonne compréhension
des mécanismes institutionnels.
Très nettement, la coopération est parfois perçue dans une approche d’économie
politique, dans une visée de la demande et de l’offre, des besoins et des intérêts.
105
DHUME F, La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 245
Malgré ces multiples difficultés, persiste toujours une forte attente technique. Nombre
d’agents territoriaux relevaient ainsi dans ce domaine un manque dans leur travail. A
l’image d’une chargée d’étude à Euroméditéranée qui évoquait trouver fortement
dommageable l’état des relations entre Lyon et Marseille :
Un certain nombre de villes dont Marseille tend à solliciter de manière régulière la ville
de Lyon ainsi que la communauté urbaine. Il en est de même pour l’agence
d’urbanisme. Lyon n’est cependant pas forcément intéressée, d’autres priorités étant
avancées.
Au vue de ces éléments, le domaine « des affaires générales » apparaît peu propice à la
coopération. Dans un premier temps, il semble parfois manquer de contenu. D’autre
part, la fragmentation et les enjeux liés au monde politique tendent à la menacer. Un
interlocuteur évoquait ainsi à ce propos « l’erreur du tout politique ».
« On retrouve ici l’idée que des liens forts peuvent s’avérer au final
contre productifs »106
La coopération pour elle-même n’a en soi que peu d’avenir. Elle n’existe durablement
que si elle parvient à être médiée par un autre objet, pour réaliser quelque chose. Les
liens faibles, contribuant à éviter l’enfermement, apparaitront dès lors plutôt privilégiés.
Le premier constat réalisé est ainsi la nécessité d’un objet thématique qui porterait la
coopération, il en serait le moteur. Cet objet ôté, rien ne resterait et la coopération ne
pourrait tourner à vide.
106
LOILIER T, Innovation et territoire, Revue Française de Gestion, n° 200, 2010, p. 21
Face à ces difficultés, il apparaît avéré que le choix de ces coopérations bilatérales ne
sera pas le moteur de la dynamique Grand Sud Est. Bernard Morel tendait à pousser
cette interrogation: le Grand Sud Est se présente-il donc comme une réalité ou
seulement une volonté politique ? Ainsi, il définissait cette construction territoriale
comme :
Malgré cet « espace jugé virtuel », force est de constater une nécessité au
rapprochement, un besoin toujours exprimé par les personnes rencontrées. Une nouvelle
stratégie d’action va alors se mettre en place, elle sera abordée dans un troisième
chapitre.
107
MOREL B, « L’interrégionalité, stratégie de redéploiement en Europe : l’exemple du Grand Sud-Est et
de l’axe rhodanien », art. cit, p. 195
Cette idée très puissante entre les années 90 et 2000 d’avoir des relations efficaces,
concrètes et directes entre les grands décideurs va, face à ces difficultés, apparaitre
désormais beaucoup moins prégnante. Les coopérations bilatérales initiées dans les
années 90, pour l’émergence d’un Grand Sud Est, vont pour beaucoup s’essouffler.
Cette nouvelle dimension sonnait-elle pour autant le glas de ces coopérations ? Ou celui
du Grand Sud Est ?
Voilà la question à laquelle nous tenterons de répondre dans ce troisième chapitre. Pour
cela, nous nous concentrerons ici sur les acteurs qui, au quotidien, créaient ou créent
encore aujourd’hui des liens plus ou moins forts avec leurs homologues. Nous
constaterons que le personnel politique va progressivement tendre vers un nouveau
positionnement alors que d’autres deviendrons quant à eux quasiment incontournables
pour la construction et le maintien de coopérations bilatérales dans le Grand Sud Est.
108
TESSON F, Les réseaux de villes en France. Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace, op.
cit, p. 198
« On n’ a plus les moyens pour ces postes. Sans compter les phénomènes
de mode évoqués tout à l’heure… »
Cet élément est à appréhender en parallèle d’un enjeu tout aussi complexe : le temps de
la coopération est souvent long et lent. Il s’agit :
Si aujourd’hui aucun agent territorial n’est identifié pour répondre à la question des
coopérations inter-métropolitaines, cela signifie-t-il que ce sujet ne fait plus parti des
attributions actuelles des gouvernements municipaux ? Comme nous allons le voir par
la suite, non pas nécessairement.
109
DHUME F, La coopération dans l’action publique, op. cit, p. 232
110
Ibid, p. 233
Comme l’exprime ces propos, le cabinet serait le seul à même à appréhender ces jeux
d’acteurs complexes :
La coopération n’est ainsi plus déléguée à un acteur/animateur précis. Face à des enjeux
bien particuliers, la notion de confiance semble devenue incontournable. L’élu souhaite
maîtriser de manière totale ses liens et sa communication extérieure de peur de voir cet
outil lui échapper et entrer dans une dynamique qu’il ne maîtriserait plus entièrement111.
Nous observons ainsi une appropriation des coopérations bilatérales par le cabinet
politique des mairies et agglomérations concernées.
Pour autant, la prise en main réelle de ces questions apparaît minime. Ces éléments
(absence d’interlocuteurs identifiés et appropriation parle cabinet de ces enjeux) ont
progressivement tendu à marginaliser les coopérations bilatérales. Ce retrait nouveau du
politique ira ainsi jusqu’à fortement menacer l’aboutissement du Grand Sud Est.
111
TESSON F, Les réseaux de villes en France Recherche sur le rapport de l’élu local à l’espace, op. cit
p. 198
La situation marseillaise peut être considérée comme similaire : les coopérations ne sont
pas la priorité. Comme l’évoquait le directeur du Développement Economique et des
Affaires Internationales de Marseille Provence Métropole, la communauté urbaine reste
encore relativement jeune (juillet 2000), et loin d’être aboutie :
C’est sans compter sur la différence de couleur politique entre la mairie (Gaudin/UMP)
et l’agglomération (Castelli/PS) qui tend encore à complexifier toute initiative :
Les changements politiques sont également une variable forte. Ils influent sans nul
doute sur la construction des coopérations bilatérales pouvant ainsi aller jusqu’à y
mettre fin.
Gérard Collomb fût élu à la tête de la ville de Lyon mais également du Grand Lyon en
2001. Comme évoqué plutôt, ce dernier avait d’ores et déjà été assez peu enthousiasmé
par la signature de la Charte Lyon/Marseille, qu’il jugeait peu pertinente. Chargée des
coopérations avec les villes européennes, un agent territorial évoquait ainsi cette
période :
Le retrait des acteurs politiques dans les coopérations bilatérales aura une influence non
négligeable dans leur mise en œuvre. Progressivement, on constate que le politique
n’apparait plus comme une variable essentielle à une bonne coopération inter-
métropolitaine. Bien au contraire.
Un propos renforcé par la directrice d’un service du Grand Lyon, les coopérations se
font de manière renouvelée sur des problématiques beaucoup plus spécifiques :
« Quand une ville s’intéresse aux Vélov, elle veut voir le mec qui a créé
les Vélov, pas un généraliste ».
Cette première sous partie tendra à mettre en évidence le rôle nouveau des acteurs, à la
fois publics et privés qui œuvrent eux aussi à l’internationalisation de villes. Loin d’être
exclus de cette dynamique, ils ont progressivement appréhendé les intérêts possibles de
ces coopérations jusqu’à s’approprier ces questions.
« Les relations entre les acteurs politiques et les milieux économiques sont souvent
marquées du sceau de la méfiance, voire de la défiance »112. Bien que ces deux entités
se côtoient de manière régulière, elles semblent mal se connaître au point même d’avoir
parfois des propos négatifs sur l’un et l’autre.
Les acteurs économiques relèvent souvent une incompréhension des élus comme de
leurs services quant à leur logique et à leurs problématiques quotidiennes. Le monde
politique est perçu comme dépendant d’échéances fixes, celles des mandats, mais
surtout comme étant toujours en état de conflit. Pour toutes ces raisons, ils tendent à se
méfier du jeu et des acteurs politiques, qu’ils estiment peu fiables et ce quelle que soit
l’appartenance partisane.
A l’image des élus, les entreprises ont pris conscience qu’elles pouvaient tirer du
territoire divers avantages compétitifs. Elles développent désormais avec celui-ci une
relation quasi marchande. Ainsi, les acteurs économiques se sont approprié l’enjeu des
coopérations bilatérales. De multiples illustrations vinrent appuyer nos propos, nous
reviendrons ici rapidement sur trois d’entre elles :
a) Ports :
112
LEFEVRE C. Le système de gouvernance de l’Ile de France, Rapport effectué pour l’Institut pour la
recherche et la Direction du développement territorial de la Caisse des Dépôts et Consignations, Paris,
février 2009, p. 8
Aujourd’hui, la promotion des deux ports se fait de manière collective. D’autant que le
PAM est membre actif du capital de Lyon Terminal à hauteur de 27%. Une association :
« Sud Logistique » fût créée. Ainsi, le PLEH et le PAM sont désormais en contact
constant.
Il s’agit de relever ici que cette démarche s’est faite sans l’aide des collectivités
territoriales. Une très forte coopération est ainsi aujourd’hui en place entre les deux
ports de la ville. Marseille et Lyon pourront, ensemble, se présenter comme une
véritable plate forme de distribution vers l’Europe et le bassin méditerranéen.
b) Mobile Monday :
Le second exemple est celui des Mobile Monday. Les acteurs Marseillais et Lyonnais
voulaient prendre part au développement de services mobiles et organiser notamment
des journées consacrées à leur démocratisation. Ainsi, les acteurs de la téléphonie
mobile de Lyon s’associèrent à PACA Mobile Center (Centre mutualisé européen
permettant de tester plusieurs centaines de mobiles). Cette coopération se concrétise
actuellement par des journées de rencontres (ou journées des mobilités) appelées les
Mobile Monday.
113
Le 18 juillet de 2002, la CNR, gestionnaire du port mais aussi partie prenante de l’aménagement du
Rhône, VNF (Voies Navigables de France) et le Port autonome de Marseille signent un premier « Contrat
de progrès fluvial ». L’objectif est une progression du trafic sur l’axe Rhône-Saône.
114
Le 30 mars 2003, François Mongin (directeur des douanes) ; Jean-Pierre Billat (directeur du Pam),
Michel Margnes (président du CNR) et Matthieu Duval (président de Lyon terminal) signent un protocole
de partenariat. La visée est une densification du trafic sur le bassin Rhône Saône Méditerranée ainsi
qu’une augmentation du fluvial et du ferroviaire dans les pré/post acheminements des ports de Marseille
et Lyon.
115
Ensemble le PAM et le PLEH construisent leur promotion : six grandes enseignes de la distribution
s’engagent à développer le fret fluvial sur l’axe Rhône Saône dans le cadre d’un accord avec la CNR et
VNF (et sous l’égide du Préfet de Rhône-Alpes). Le gain économique et écologique apparait très
important.
c) Club Top 20 :
Le troisième et dernier exemple est sans doute le plus éloquent. Le Club Top 20
rassemble plus de 70 entrepreneurs de l’agglomération marseillaise. Il est structuré
autour d’un Bureau de dix membres et d’une assemblée plénière. Né en 2006 de la
volonté commune de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Marseille Provence,
il propose aux décideurs un espace de réflexion et d’actions pour soutenir les projets de
développement de la métropole.
Ce Club, libre de toute opinion politique, s'est assigné l’objectif d'être force de
propositions pour faire entrer la métropole Marseille Provence dans le cercle des vingt
premières métropoles européennes. L’un des objectifs publics du Club est la volonté
d’initier un rapprochement avec la ville de Lyon.
116
Mobile Monday : http://www.mobilemondayfrance.org/
Mobile Monday méditerranée : http://www.momomed.org/index.php
Paca mobile center : http://www.pacamobilecenter.com/
Dans ses analyses sur la bureaucratie, Max Weber critiquait sévèrement ce qu’il
nommait « le régime des fonctionnaires », c’est-à-dire l’usurpation par les
fonctionnaires du pouvoir politique117. Cette prévision weberienne ne s’est pas réalisée
aussi radicalement118, pour autant il s’agit de relever dans cette seconde sous partie une
véritable évolution de leur place dans la gestion des coopérations bilatérales.
D’une simple fonction d’exécutants, les fonctionnaires ont acquis une certaine capacité
de production de la coopération, une autonomie. Pour certains, cette évolution
s’explique par l’apparition de nouvelles problématiques locales associées à des budgets
de plus en plus restreints :
Une nouvelle approche, bien moins institutionnalisée que les coopérations bilatérales, se
présenta comme une solution : le « best practice »119 . Le best practice est défini comme
un « transfert de modèle de développement urbain »120. Ce mode de coopération se
présente aujourd’hui comme très fréquent au sein des collectivités étudiées :
Loin de se fonder sur la notion de proximité, le best practices part du principe qu’il
existe des démarches ou des réalisations urbaines exemplaires. Il s’organise autour de
l’organisation de voyages et de visites ou encore de colloques professionnels. Cette
nouvelle façon d’envisager les coopérations et de créer des contacts réguliers avec les
autres villes françaises ne s’est pas initiée de manière autonome, elle est fortement liée
au statut même de la fonction publique territoriale et à ses évolutions récentes.
117
LE SAOUT R, « Intercommunalité et mutation des liens entre directeurs des services municipaux et
maires », Revue française d’administration publique, n° 128, avril 2008, p. 765
118
Ibid, p. 766
119
« Bonnes pratiques »
120
ARAB N, « À quoi sert l’expérience des autres ? Bonnes pratiques » et innovation dans
l’aménagement urbain », Espaces et sociétés, avril 2007 n° 131, p. 34
Ce modèle témoigne d’une grande souplesse. En pratique, cela est très largement
perceptible. Les agents territoriaux peuvent désormais de manière aisée changer de
postes ou encore de territoires, une dimension non négligeable dans l’appréhension des
coopérations bilatérales. En effet, cette situation tend à construire des liens privilégiés
entre certains acteurs administratifs et techniques de collectivités différenciées. En
gardant le contact, avec leur hiérarchie, avec d’anciens collègues ou encore avec leurs
successeurs, chaque agent territorial tend à créer, parfois à son insu, un véritable
prémisse de coopération. Ils participent directement à son élaboration. Ainsi, l’objectif
de ces contacts est moins une reproduction à l’identique (pouvant conduire à une
homogénéisation) que celui de l’apprentissage et de la connaissance123. L’enjeu est
véritablement un transfert de savoirs, non absolus, sur des problématiques particulières.
121
COLMOU Y., « Les collectivités locales : un autre modèle », Pouvoirs, n° 117, février 2006, p. 27-37.
122
Ibid, p. 30
123
Ibid, page 35
Ces nouveaux protagonistes développent, comme évoqué plus tôt avec les best
practices, une volonté de coopérations plus efficaces. Les liens noués désormais vont se
présenter comme différenciés, comme variés et propres aux caractéristiques de chaque
ville :
« On y observe par exemple que si Barcelone apparaît comme un
modèle d’excellence, cette excellence est aussi accordée, par les mêmes
villes, au cas lyonnais tant pour ses réalisations que pour ses modes
d’organisation. De la même façon, alors que Lyon et Barcelone sont
d’abord citées par les Lillois, Bâle et Zurich le sont surtout par les
Genevois et Grenoble par les Nantais»124.
Afin d’éviter un enfermement, une certaine ouverture au-delà du Grand Sud Est a été
jugée nécessaire. La proximité géographique n’est désormais plus la règle. Une autre
proximité, dissociée de l’espace, émerge alors. Elle fût ainsi évoquée par Thomas
Lollier :
Alors que les agents territoriaux lyonnais tendaient à identifier en France, Lille,
Bordeaux, ou Strasbourg comme possible modèle ; les Marseillais évoquaient quant à
eux Lyon de manière privilégiée. A l’échelle européenne, un écart est lui aussi
prégnant : Lyon s’identifiant à Barcelone ou encore à Manchester et Marseille à Anvers
ou Hambourg.
Existerait ainsi tout un panel de proximités non spatiales. Les aspects culturels ou
encore cognitifs furent ainsi évoqués lors des entretiens à de nombreuses reprises,
notamment à l’égard de la ville de Marseille :
124
ARAB N. « A quoi sert l’expérience des autres ? Bonnes pratiques et innovation dans l’aménagement
urbain », art. cit, p. 36
125
LOILIER T, « Innovation et territoire », art. cit. p. 23
Pour travailler avec quelqu’un, il faut donc qu’il nous plaise. Une nouvelle conception
des coopérations se développe donc. Beaucoup sont informelles mais certaines se
présentent comme très institutionnalisées. Le politique n’apparaît pas absent de ces
démarches. Il tend à s’y investir, notamment par un soutien aux initiatives (verbal et/ou
financier).
En France, l'impulsion des réseaux de villes n’est pas seulement venue des villes elles-
mêmes. En effet, un appui de l’Etat, d’abord discret, fût affirmé dès 1996. Mesurant
l’importance de ces réseaux pour une bonne régulation territoriale, la Délégation à
l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) reconnut ce mode
d’organisation dans la Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire.
126
HURE M., « La création d’un réseau de villes : circulations, pouvoirs et territoires : le cas du club des
villes cyclables (1989-2009) », Métropoles, n°6, 2009, p. 220
127
TESSON F, Les Expériences françaises de réseaux de villes : des dynamiques pour de nouveaux,
territoires, op. cit, p.28
Les réseaux se verront renforcés dans les années 2000 : les relations inter-municipales
sont donc essentiellement centrées sur ces structures. Désormais, l’espace de référence
de la ville internationale n’est plus uniquement lié au territoire qu’elle contrôle.
128
HURE M, « La création d’un réseau de villes : circulations, pouvoirs et territoires : le cas du club des
villes cyclables (1989-2009) », art-cit. p. 216-225
129
MOLIN J-L, Lyon : la métropole déploie ses ailes à nouveau, Thèse Université Lumière Lyon 2, Mai
1996, p. 128
130
PAYRE R., "The Importance of Being Connected : City Networks and Urban Government. Lyon and
Eurocities (1990-2005)”, art-cit, p.8
131
Ibid
132
BRUNET R., « L’Europe des réseaux » in PUMAIN D., SAINT JULIEN T. Urban networks in
Europe, Congresses and colloquia, 1996, p. 142
133
MOLIN J-L, Lyon : la métropole déploie ses ailes à nouveau, op-cit, p.127
134
Ibid
Depuis les premières initiatives des années 90, s’est véritablement posée la question de
la place des élus dans la construction du Grand Sud Est. Les élus ont-ils la capacité de
créer de véritables liens et ainsi de dynamiser le territoire ?
Au final, on ne peut pas dire que le Grand Sud Est dispose d’un pilote unique, ni même
de procédure, de gouvernance et de coordination véritablement stabilisées. Les agents
territoriaux et acteurs économiques tendent désormais à s’investir eux mêmes dans cette
dynamique par des actions beaucoup plus sectorielles. Il s’agit d’un nouveau partage
des rôles. Les politiques tendent désormais à les accompagner dans ce processus. Ils
offrent un soutien, un cadre favorable, preuve de leur confiance. Des mécanismes moins
autoritaires sont mis en œuvre :
En plus des obstacles évoqués précédemment, une nouvelle dimension peut expliquer
cette évolution. Les élus dépendent d’un périmètre d’action fixe, d’un horizon temporel,
des priorités dues à leurs programmes ainsi que d’un champ de compétences. Des
limites dont ne souffrent pas les autres acteurs locaux. Cet avantage leur offre des
opportunités, des marges de manœuvre, beaucoup plus grandes qu’ils tendent désormais
à s’approprier.
135
BEAL V., PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », art. cit, p. 24
Loin de marquer la fin du Grand Sud Est et de ses coopérations bilatérales, le retrait du
personnel politique s’est ainsi vu estompé par l’investissement de nouveaux acteurs
locaux. Une interrogation s’affirma alors rapidement. Cette évolution, exprimée lors de
la majorité des entretiens réalisés, signifiait-elle pour autant, une disparition totale de
l’initiative politique ?
Nous verrons dans ce quatrième et dernier chapitre que les élus tendraient, notamment
dans le cadre du lancement de grands projets, à initier des méthodes de travail
similaires.
Cette initiative fût perceptible par un certain nombre d’effets d’annonce « Clermont-
Ferrand a vocation à entrer dans l’archipel lyonnais » affirmait Claude Timbal, « à
devenir la Grenoble de l’ouest » disait Serge Godart. Un certain nombre de personnes
rencontrées évoquèrent même la possibilité de créer un ensemble métropolitain de
dimension européenne incluant notamment Lyon, Grenoble et Saint-Etienne. Cette
volonté fût également largement visible par les expressions employées lors des
entretiens réalisés pour cette étude : « nos amis lyonnais », « nos chers voisins »…
Le choix de se tourner vers Lyon et Rhône Alpes fût inscrit dans les différentes
démarches prospectives et documents d’orientation. Ainsi le Projet d’Aménagement et
de Développement Durable du SCoT de l’agglomération clermontoise évoque page 30 :
Lyon centrant ses intérêts vers le Sud (Méditerranée) ou encore vers l’Est (Italie du
Nord), ne s’était quant à elle jamais véritablement intéressée à son Ouest. La ville
comme l’agglomération se présentèrent dans un premier temps comme plutôt passives,
ne voyant pas forcément leurs intérêts dans une telle coopération.
Rapidement, je distinguais cependant dans mon étude que des coopérations étaient
d’ores et en place (CLARA, CCI, CESR, ENITA/Ecole vétérinaire de Lyon…). Des
possibilités étaient d’autre part largement envisageables dans de multiples domaines :
l’université et la recherche, la santé et le médical, le transport, le milieu industriel ou
encore dans l’agroalimentaire.
Pour autant, Lyon et son agglomération, malgré un discours approbateur, tendait vers la
passivité.
Bien qu’à ce stade du projet aucun tracé ou même fuseau n’ait été présenté, que seul un
périmètre géographique fût délimité, ce grand projet offre aujourd’hui la possibilité
d’un rapprochement certain entre Clermont-Ferrand et Lyon.
Depuis 2008 les principales collectivités du sud du tracé, se sont donc associées pour
proposer une vision commune du projet :
Une table ronde s’est tenue à Saint Etienne en novembre 2008, suivie en décembre de la
même année par une conférence de presse. L’enjeu principal du travail mené en
partenariat par les 10 collectivités était de promouvoir auprès de RFF et de l’Etat de
manière argumentée et solidaire des options de passage. Cette démarche de travail
débuta par des réunions entre collectivités, entre les trois agences d’urbanisme
136
Loi Grenelle 1 ; article 12
137
Le préfet coordinateur est le préfet de la Région Auvergne.
Par cette démarche, l’Etat au centre de la dynamique d’un grand projet joue, peut-être à
sa propre insu, un rôle d’initiateur, de légitimateur. A l’heure de la décentralisation et de
la globalisation, à l’heure de la gouvernance, il reste donc un acteur important des
politiques publiques. Alors qu’il s’était révélé précédemment assez en retrait de ces
coopérations, se limitant à un soutien moral, l’enjeu que représente une ligne à grande
vitesse comme celle de POCL va largement le réintroduire comme acteur central.
2. Un Etat légitimateur
D’une manière évidente, l’Etat s’est bel et bien présenté dès lors comme l’initiateur
d’un rapprochement important. Sa position tend à légitimer une coopération qu’il juge
prometteuse. Cette légitimation a une grande importance car la plupart du temps, les
expériences de coopérations sont des innovations institutionnelles ou organisationnelles.
138
Acte du colloque du 13octobre 2009 : La LGV POCL (projets, attentes, enjeux), Entretien avec
Christian Avocat, Président de Grand Roanne Agglomération, p. 8
139
LEFEVRE C, Les coopérations métropolitaines en Europe. Pour un rayonnement des métropoles
françaises, DATAR, Juin 2004, p. 29
Suite à ces démarches, la possibilité d’une coopération plus aboutie fût rapidement
abordée. Il s’agissait dès lors d’initier en parallèle de la Ligne à Grande Vitesse POCL,
une dynamique de coopération inter-métropolitaine pérenne et efficace. Celle-ci
permettant un rapprochement avec Clermont-Ferrand ouvrira la porte d’une nouvelle
coopération bilatérale entre deux métropoles du Grand Sud Est.
140
BEAL V. et PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire urbain entre
stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », art. cit, p. 21
Le premier objectif fût de donner corps à la métropolisation. Pour cela, les lyonnais
devaient envisager l’opportunité POCL comme une véritable structure d’aménagement.
POCL se présenterait dès lors comme un véritable alibi pouvant faire avancer la
dynamique de métropolisation.
Une mise en connexion des acteurs sur les questions métropolitaines fut ainsi évoquée.
141
Voir en Annexes
142
Acte du colloque du 13octobre 2009 : La LGV POCL (projets, attentes, enjeux), Entretien avec
Michèle Vullien, Vice Présidente du Grand Lyon, p. 12
- les déplacements
- l'aménagement du territoire
143
Voir en annexes
L’intérêt se présente cependant comme tout autre. Plus que par une ouverture à la ville
de Clermont-Ferrand, l’opportunité passe avant tout par une ouverture à la façade
atlantique dont la métropole est actuellement privée.
C’est non plus des personnalités mais une opportunité qui déclenche ici la coopération.
La coopération pourra-t-elle se pérenniser ? Les grands projets ne peuvent en effet
suffire à entretenir un lien pérenne. Pour se faire, il faudra que la convention territoire
partenaire donne lieu à des activités de plus longue haleine sur lesquelles pourront
reposer la coopération.
Mais la perspective de ce nouveau barreau est - ouest pose question : n'est-ce pas pour
Lyon courir trop de "lièvres" à la fois alors que la LGV Rhin-Rhône attend sa
réalisation depuis plus de 15 ans ? Que la LGV Lyon-Turin reste encore suspendue à de
graves problèmes de financement ? Et que l'on cherche une solution accessible au plan
budgétaire et technique pour dénouer le nœud ferroviaire lyonnais ?
144
Acte du colloque du 13octobre 2009 : La LGV POCL (projets, attentes, enjeux), Entretien avec
Michèle Vullien, Vice Présidente du Grand Lyon, p. 12
De sorte que la coopération dans le Grand Sud Est se présente comme « le fruit d’une
production locale unissant institutions publiques et institutions de la société civile »146.
145
DEVISME L., DUMONT M., ROY E, « Le jeu des « bonnes pratiques » dans les opérations urbaines,
entre normes et fabrique locale», Espaces et société, n°131, avril 2007, p.18
146
PINSON G., VION A., « L'internationalisation des villes comme objet d'expertise », Pôle Sud, n° 13,
novembre 2000, p. 99
Ce travail de recherche, qui a été mené durant cinq mois, a permis, avec toutes les
limites que ce délai suppose, de faire émerger un certain nombre de constats, de
pratiques et de représentations. Mais, avant de rappeler l’ensemble des éléments qui
nous permet d’arriver aux conclusions que nous présenterons plus loin, il semblait
pertinent d’effectuer un rapide retour sur les différents biais de notre travail.
Il s’agit de reconnaitre également que le rôle de l’Etat, bien qu’il fût rapidement abordé,
ne fût pas un élément déterminant de cette enquête. Alors que le SGAR ou encore la
D.A.T.A.R publiaient des études sur le sujet et tendaient à soutenir des dynamiques de
rapprochements, il aurait été pertinent d’appréhender son rôle, et donc de s’interroger
sur ce soutien. Mais nous nous sommes ici uniquement concentrés sur le rôle des
acteurs locaux.
Cette étude qui m’a littéralement passionnée par son aspect historique se présente ainsi
comme tronquée. Ces choix furent réalisés en fonction des attentes de mon tuteur et de
l’agence d’urbanisme mais également en fonction de mes centres d’intérêts personnels.
Ils font de ces résultats, des résultats non exhaustifs.
Alors que depuis une vingtaine d’année, elle tend à s’imposer comme un nouveau cadre
d’analyse de l’action publique locale, les premiers travaux de recherche sur le sujet
portaient sur la transformation du rôle de l’Etat et la perte de sa centralité. La
gouvernance relevait l’importance d’une ouverture vers d’autres acteurs : elle insistait «
sur la nécessité de recourir à de nouveaux types de partenariats, plus souples, moins
hiérarchiques et dirigistes, avec des acteurs de la société civile »148. Il s’agissait donc
d’un véritable défi. En effet, les structures locales avaient vocation à inventer de
nouvelles méthodes d’élaboration de leurs politiques publiques. Cette évolution récente
a conduit les gouvernements urbains à s’organiser. Comme nous l’avons vu, ce fût
notamment le cas à partir des années 90 dans le Grand Sud Est par le biais des
coopérations bilatérales.
Cette étude tend à démontrer que ce défi ne fût pas si facile à appréhender sur le terrain,
ne serait-ce qu’en ce qui concerne les élus. Ces coopérations, présentées comme de
véritables instruments d’action publique avaient pour objectif une prise en charge
beaucoup plus localisées des problèmes publics sur des territoires d’actions jugés
pertinents. Elles devaient donner aux élus un cadre, un levier d’action pour leurs projets
territoriaux.
Les démarches et modalités d’action se sont pourtant présentées comme ambiguës mais
également comme extrêmement diverses selon les territoires et ce parfois malgré la
bonne volonté des structures concernées. Ainsi, les effets escomptés de la dynamique
urbaine du Grand Sud Est n’apparaissent pas aussi consensuels. Ce mémoire tente à
mettre en avant les obstacles auxquels ont dû faire face les acteurs locaux. La
147
JOUVE B., "La gouvernance urbaine: nouvelle catégorie d’action des politiques urbaines", Revue
Internationale de sciences sociales, n° 193, 2008, p.2
148
Ibid
Pour autant, l’une des dimensions essentielles sur laquelle voulait mettre l’accent cette
étude était celle d’un processus devenu progressivement collectif. Comme le relevait
Patrick Le Galès à propos de la métropole parisienne :
50 ans après le Grand Delta, 20 ans après le Grand Sud Est, ce territoire, loin d’être
abouti, semble désormais faire sens, voire relever de l’évidence.
A l’image de cet extrait, il est certain que les coopérations bilatérales entre les villes du
Grand Sud Est pourront se présenter dans un avenir proche comme déterminantes pour
le dynamisme du territoire. Loin d’être actuellement dépassées, nous pouvons au
contraire, comme le faisait Mme Chambre Foa, les comparer à des synapses. «Elles se
construisent, s’épuisent, sont parfois en sommeil, mais elles sont toujours là ». Toujours
d’actualités, elles pourront être réactivées en temps et en heure, elles devront cependant
sans nul doute alors être en partie repensées dans leurs éléments fondamentaux.
149
ESTEBE P. et LE GALES P., « La métropole parisienne : à la recherche du pilote ? », Revue française
d’administration publique, n°107, mars 2003, p. 354
Nous avons abordé ici Marseille, Grenoble et Clermont-Ferrand. Pour autant, Genève
ou encore la Bourgogne ont été également abordé dans le cadre de cette étude. Il
apparaît qu’aujourd’hui le Grand Lyon ne développe pas dans ce cadre de véritables
lignes directrices jouant un peu sur tous les plans. Cette « étape du choix » se révèle
déterminante pour toute la suite de la coopération. Il est apparu évident, qu’elle ne
dépend pas seulement d’enjeux politiques, mais également de critères géographiques,
économiques ou encore culturels. Comment définir un « bon périmètre » ?
C’est ce qui explique la banalité du constat une coopération ne se décrète pas. C’est
l’espace dans lequel se déploie la coopération et la matière qui fait la coopération. Il ne
suffit donc pas de préparer un terrain en cherchant les conditions optimales : chaque
situation est singulière.
Cette étude m’a conduit à fortement m’interroger sur les concepts de concertation, de
négociation ou encore de coopération. Quelles sont exactement la nature de ces
contributions ? Quelles sont leur portées juridiques ? Le politique n’est plus aussi
présent, il soutient, il légitime beaucoup plus qu’auparavant. Il semble qu’aujourd’hui
l’ensemble des autres acteurs font la coopération. Nous revenons encore une fois à la
notion de gouvernance. Il existe, par une absence de clarté dans ce domaine, un risque
de dissolution de la responsabilité et de la légitimité de chaque acteur.
Relevons ainsi que tout l’apport d’une coopération qu’elle quelle soit est la capacité
d’un collectif à repenser les cadres d’interprétation de la réalité dans lequel il évolue.
Autrement dit l’atout principal de la coopération ne réside pas dans la production
concrète d’une solution, mais dans sa faculté à la redéfinition, à la remise en cause d’un
problème et de sa solution. Cet élément pose réellement la question de savoir à partir
d’où commence la réussite d’une coopération.
Méthodologie :
Généraliste :
- ARAB N, « À quoi sert l’expérience des autres ? Bonnes pratiques et innovation dans
l’aménagement urbain », Espaces et sociétés, n° 131, avril 2007
- BEAL V. et PINSON G., « Du petit chose au 5th best mayor in the world. Un maire
urbain entre stratégies de légitimation et recherche de ressources pour l’action », Pôle
Sud, n° 30, 2009
- BRUNET R., « L’Europe des réseaux » in PUMAIN D., SAINT JULIEN T. Urban
networks in Europe, Congresses and colloquia, 1996
- DEVISME L., DUMONT M., ROY E, « Le jeu des « bonnes pratiques » dans les
opérations urbaines, entre normes et fabrique locale», Espaces et société, n°131, avril
2007
- JOUVE B., LEFEVRE C., « Le nouvel âge d’or des villes européennes ? », in
Métropoles ingouvernables, Elsevier, Paris, 2002
- JOUVE B., "La gouvernance urbaine: nouvelle catégorie d’action des politiques
urbaines", Revue internationale de sciences sociales, n° 193, 2008
- LE BART C., « Les politiques d'image : entre marketing territorial et identité locale ",
in R. Balme, A. Faure, A. Mabileau, Les nouvelles politiques locales, Presses de
Sciences-Po, 1999
- LE SAOUT R., « Intercommunalité et mutation des liens entre directeurs des services
municipaux et maires », Revue française d’administration publique, n° 128, avril 2008
- LORRAIN D., « Gouverner les villes, questions pour un agenda de recherche », Pôle
Sud, n°13, 2000
- MOLIN J-L, Lyon : la métropole déploie ses ailes à nouveau, Thèse Université
Lumière Lyon 2, Mai 1996
- MOTTE A., Les agglomérations françaises face aux défis métropolitains, Anthropos
Ville, avril 2007
- PAYRE R., “The Importance of Being Connected : City Networks and Urban
Government. Lyon and Eurocities (1990-2005)”, International Journal of Urban and
Regional Research, 2008
- PINSON G., VION A., « L'internationalisation des villes comme objet d'expertise »,
Pôle Sud, n° 13, novembre 2000
- TESSON F., « Les réseaux de villes en France Recherche sur le rapport de l’élu local à
l’espace », Doctorat de géographie, Université de Pau et des Pays de l’Adour, avril
1996
Article de presse
Entretiens
INTRODUCTION....................................................................................... 1
LA MONTEE EN PUISSANCE DES VILLES................................................................ 2
LA NAISSANCE DE L’INTERREGIONALITE............................................................. 6
Problématisation.......................................................................................................... 11
METHODOLOGIE......................................................................................................... 13
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................... 80
SOURCES .................................................................................................. 84
TABLE DES MATIERES ........................................................................ 85
ANNEXES.................................................................................................. 88
Les entretiens :
- Quelques entretiens (retranscriptions ou comptes-rendus)
- Liste des entretiens réalisés
- Tableau bilan des entretiens