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HOMMAGE à JEAN NICOLI le 30 août 2015

En présence de M. le Préfet, des Elus ET DES Repr2sentants des autorités civiles


et militaires ainsi que des Présidents d’associations d’Anciens Combattants et de
leurs porte-drapeaux.

Discours prononcé par le Président de l’ANACR 2B – Sixte Ugolini

Autrefois, jeune instituteur, avant d’entrer en Résistance, il corrigeait les


compositions françaises et s’employait à bien enseigner notre langue aux petits
africains issus d’une autre culture. Il a laissé, dans une malle retrouvée par sa
fille Francette, des cahiers qui nous permettent de comprendre l’action que
Jean Nicoli a menée en faveur de l’enseignement et de la défense de la langue
Française. Disons aussi qu’il n’a jamais oublié la langue corse.

C’est cet aspect de sa vie que nous évoquerons tout à l’heure, ce qui nous
permettra de mieux connaître l’homme qu’il fût.

Mais à cet instant, nous voulons seulement évoquer la figure du martyr. Non
pas simplement parce qu’il fut un martyr. Des martyrs, il y’en a de toutes sortes,
chaque idéologie, même parmi les plus funestes, possède les siens. Le martyr ne
plaide que pour l’homme.

Si nous célébrons aujourd’hui le martyr de Jean Nicoli, c’est parce qu’il le fut au
service d’une noble cause, à laquelle il croyait profondément et que nous
partageons, celle de la Résistance. Jean Nicoli appartient à la Résistance et toute
tentative de récupération, d’où qu’elle vienne, est vouée à l’échec.

Ses écrits antifascistes de 1938 l’avaient déjà désigné comme un opposant


résolu au fascisme italien. La défaite de la France devant les armées nazies,
douloureusement vécue, l’a encouragé à s’engager plus avant dans le combat
contre les défaitistes et les collaborateurs. Il n’était pas irrédentiste. Aussi,
quand l’heure fut venue de réagir à l’occupation étrangère, il entra tout
naturellement en Résistance, comme on va boire à la fontaine, ainsi que l’aurait
dit Pablo Picasso.
Dès la fin de 1942, suite à l’invasion de la Corse par les troupes de Mussolini et
bien que membre du parti socialiste, il rejoint le Front National constitué à
l’initiative des communistes. Il les considère comme les plus actifs et les plus
irréductibles des Résistants. Très rapidement, il fera partie de la direction
départementale du Front National et aura, conformément à l’objectif principal
qui était de préparer la lutte armée, la responsabilité de l’armement.
Responsabilité importante s’il en fut !

A ce titre, il organise la réception et la distribution des armes et munitions


arrivant en Corse par la voie des airs et par la mer. Il fut aussi souvent acteur sur
le terrain de ces opérations, payant chaque fois de sa personne. La fusillade du
Travu où un italien a perdu la vie lui a vraisemblablement coûté la sienne. Selon
ceux qui l’on connu et qui ont témoigné, il était infatigable. Il était partout où sa
présence était nécessaire. C’était aussi un recruteur hors pair parce qu’il
inspirait confiance. Pierrot Orsoni, mon prédécesseur à la tête de L’ANACR 2B
me l’a souvent répété. Tous ceux, dit-on, qui ont approché le patriote intègre
que fut Jean Nicoli sauraient dire l’impression de fierté qu’ils en éprouvèrent.
D’ailleurs les responsables de la Résistance eux-mêmes, l’appelaient le grand
Jean Nicoli.

Et c’est cet homme là, un instituteur de la République, un anticolonialiste


militant, un socialiste convaincu, un antifasciste déterminé, poursuivant sa
quête dans la recherche d’un engagement politique complet en adhérant, trop
tardivement selon lui, au Parti communiste, qui a été exécuté de la façon la plus
barbare qui soit. Condamné à être fusillé par le tribunal militaire italien, il ne l’a
pas été, contrairement à ce qu’affirme le procès verbal de son exécution. Honte
devant l’énormité de l’infamie ? Peut être. Son corps, retrouvé peu après dans
une rudimentaire caisse en bois, ne portait aucune trace de balle. En revanche,
sa tête reposait sur sa poitrine ; il avait été décapité à l’arme blanche par un
peloton d’exécution particulièrement bestial, en réponse à son courage et à sa
détermination. Cette détermination, il l’avait suffisamment affirmée dans ses
dernières lettres, griffonnées sur du papier trouvé dans sa cellule de condamné
à mort, pour que nous l’évoquions en conclusion de notre propos.
Le 29 août à 10 heures du soir, à quelques heures de son exécution qu’il sait
inexorable, il sera exécuté le 30 août au matin, 10 jours avant la libération tant
attendue, il essaye d’analyser l’état d’esprit d’un homme près de la mort.

Au lieu de se lamenter, de se plaindre, d’exprimer des regrets ou d’adresser des


reproches, il exalte le combat pour lequel il va mourir et il exhorte ses enfants à
ne pas porter le deuil mais à sourire fièrement dans la rue. Son courage, il l’a
puisé dans sa foi profonde dans la cause qu’il a épousée. IL l’écrit sans trembler.

Je le cite :

« Si vous saviez comme c’est beau d’être communiste, si vous saviez quel
courage donne notre idée au moment de mourir, si vous saviez le bonheur qui
descend en vous en pensant que vous mourrez pour les spoliés de la terre. Que
mon sang, vous donne du courage. «

Son message, qu’aucun corse digne de ce nom ne devrait plus ignorer, va bien
au-delà des engagements partisans. Il nous concerne tous. Il nous interpelle.
Selon sa volonté, il nous donne, dans cette société qui désormais cultive l’oubli
et prépare consciencieusement la revanche, le courage de poursuivre le combat
et de continuer à résister.

Vive donc le souvenir de Jean Nicoli.


Sixte Ugolini
Président de l’ANACR 2B

- A l’issue de la cérémonie, l’assistance s’est rendue « Salle


Napoléon » pour entreprendre un travail de mémoire afin
d’enrichir l’histoire et mieux connaître et comprendre l’enseignant
que fût Jean Nicoli. Pierre Romani a introduit le débat par
l’intervention que nous publions ci-après. -

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