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Table des matières

§ I Le Covid-19 et l’application traditionnellement restrictive de la force majeure par la cour


de cassation dans sa définition...................................................................................................... 1
§2 Le covid-19 et l’invocation de la responsabilité de plein droit dans le temps ................................2
§ 3 L’avant big bang du droit : la similitude avec la théorie de Jean Carbonnier................................2

Faut-il laisser continûment des suppliques vers le Ciel comme au temps de Habbaquq ou
choisir d’exprimer une profonde reconnaissance au personnel de santé ? On peut choisir
une sorte d’hétéronomie qui est d’ailleurs biblique, pour emprunter le terme du doyen Jean-
Carbonnier.
Pour ne pas faire ici un décompte macabre du nombre de décès ou de contaminés par
régions du monde, il faut simplement se contenter fort tristement d’un constat de lourd bilan
sur tous les continents.
Après le mal du covid-19, new deal universel et inattendu, après deux mois de confinement
chez soi, le monde reprendra un nouvel ouvrage ; ou certains tenteront de tisser le fil à
l’endroit où il s’est coupé ce 12 mars 2020 quand les autorités publiques annonçaient un
report des formalités de déclarations sociales pour les entreprises, et partant une fermeture
progressive des lieux publics.
En tant que citoyen, on s’est demandé quelle serait la charge du droit ou la forme du droit ?
Sans même attendre la fin du confinement prévue pour le 11 mai, il a été mis à la disposition
du public l’information selon laquelle aucun licenciement n’est conseillé tandis qu’il a été mis
à la disposition des entreprises la bonne nouvelle de la mise en place d’un fonds de
solidarité pour celles qui seraient en difficulté.
Il se pose donc la question de l’impact du covid-19 sur l’exécution des contrats de travail.

§ I Le Covid-19 et l’application traditionnellement restrictive de la force majeure par la


cour de cassation dans sa définition
S’agit-il d’une force majeure ? Autrement, il se pose la question de savoir s’il s’agit d’une contrainte
par nature. La nature des choses est immuable, d’une immutabilité parménidienne. Le sujet est
délicat, car cette thèse postulerait une possibilité de répétition. Ce serait comme si la terre payait un
lourd tribut pour un mal commis. Postuler une hypothèse contraire, c’est admettre involontairement
le caractère aléatoire du remède d’autant qu’aucun vaccin n’a été encore trouvé.

Notion jurisprudentielle et factuelle visant à protéger l’irresponsabilité, la force majeure est définie
sous l’empire de l’ancien article 1148 du code civil par la chambre sociale comme un événement
extérieur, imprévisible et irrésistible i.
Le premier critère n’est plus retenu depuis un arrêt de la cour de cassation du 14 avril 2006 1. En
l’espèce, un fabricant n’a pu livrer une machine à concevoir pour les besoins d’une activité
professionnelle en raison de son état de santé et de son décès. La qualification de force majeure a
été retenue, et les défenderesses héritières du défunt ont été exonérées de l’obligation de faire
exécuter le contrat. A la faveur de la réforme faite par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
la définition a été codifiée à l’article 1218 du code civil «Il y a force majeure en matière contractuelle
lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu

1Cass, Ass., pl., 14 avril 2006, n° 02-11168, publié au bulletin.


lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées,
empêche l’exécution de son obligation par le débiteur…  »

Le Covid-19 relève-t-il de la qualification de force majeure ? En matière de pandémies et de maladies,


il existe peu de cas dans lesquels les décisions de justice ont été favorables à la reconnaissance d’un
cas de force majeure. En ce sens, la bacille de la peste ii, l’épidémie de grippe aviaire iii, le virus la
dengueiv et du virus du chikungunyav n’ont pas été jugés comme constitutives d’événements de force
majeure.

§2 Le covid-19 et l’invocation de la responsabilité de plein droit dans le temps


L’invocation de la responsabilité de plein droit ou responsabilité objective du débiteur d’une
obligation contractuelle renvoie à une responsabilité sans faute comme c’est le cas pour la
responsabilité des parents du fait de leurs enfants, celle des artisans du fait de leurs apprentis, celle
des commettants du fait de leurs préposés et celle des instituteurs du fait de leurs élèves. Mais à
quel moment exactement on peut considérer que le Covid-19 est une force majeure ? C’est le 30
janvier que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré le virus comme une pandémie à
répercussion mondiale. Cependant, il s’agit d’une déclaration purement et simplement, sans effet
juridiquevi.
En territoire métropolitain, c’est le 14 mars que le ministre Edouard Philippe a déclaré la fermeture
des lieux publics. Mais l’acte juridique qui fonde en réalité l’invocation de la force majeure est
d’abord l’arrêté du 9 mars 2020 interdisant les rassemblements de mille personnes sauf cas de cas de
nécessité de continuité de la vie de la nation puis l’arrêté du 14 mars 2020 interdisant les
rassemblements de 100 personnes. Ainsi, l’organisateur d’une manifestation dont le nombre de
participants dépasse ces effectifs peut invoquer si besoin devant le juge un cas de force majeure.
En cas de rupture définitive du contrat, le juge pourrait décider d’une rupture abusive ou d’une
condamnation de versement de salaires restant à payer avant la fin du contrat. Encore qu’il s’agit
d’un temps de pause du droit pendant lequel la justice tourne au ralenti.

§ 3 La nuit du droit : la similitude avec la théorie de Jean Carbonnier


La nuit du droit se retrouve chez le doyen Jean-Carbonnier. Il cite d’ailleurs Héraclite  : « Les hommes
à l’état de veille ont un seul monde, qui leur est commun ; dans le sommeil, chacun s’en retourne à
son propre monde. »2 Il s’agit du temps des non-perquisitions et de la fin de la journée judiciaire.
Mais ce temps, à la différence de celui-ci qui a duré deux mois, est très court. «  Dans ce vide
juridique, dans ce désert social, l’homme retourne à un état de nature, à un état de pré-droit, de non-
droit.3» Cette nuit du droit est synonyme de relâchement. Comme le dit si bien Ferdinand Cyrille
Gamele, « Tout relâchement est en deux temps. » : l’apogée du délire et la marche clopin-clopant.

A L’apogée du délire
L’image qui convient bien à la situation est celle du droit comme du bon vin bonifié qui coule un jour,
qu’importe la date, que ce soit un 11 mai fin de confinement ou que ce soit tous les jours.

B La marche clopin-clopant
Il se peut que l’on parvienne au paroxysme de l’effervescence. C’est là que dans un décor planté,
s’en suive une démarche décalée. La démarche décalée est celle d’une justice ralentie. Pendant le

2 J. Carbonnier, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, P. 65.
3Idem P. 64.
confinement, bien de tribunaux du travail sont restés fermés. Parmi les quelques-uns ouverts, il y a
les juridictions du référé.

L’après confinement est l’opportunité de télétravailler, avec à la clé des changements dans le droit
du travail. Il se pose la question de savoir si le fait de télétravailler depuis des Etats étrangers n’est
pas en soi une violation du droit du travail.

§ 4 Une absence de violation dans le cadre du télétravail


La violation est le non- respect des dispositions légales, règlementaires ou jurisprudentielles.
L’absence de violation se justifie par le fait que l’accomplissement de la tâche se trouve sous l’empire
de la loi d’un Etat précisément.
i Cass. Soc. 12 février 2003, pourvoi n°00-46.660, 01-40. 916, 99-42.985, Bull.
ii Paris, 25 sept. 1996, n°12/08159.
iiiBesançon, 8 janv. 2014, n° 12/0229.
iv Nancy, 22 nov. 2010, n° 09/00003.
vBasse-Terre, 17 déc. 2018, n°17/00739.
vi https://www.who.int/fr/news-room/detail/27-02-2020-a-joint-statement-on-tourism-and-covid-19---unwto-and-who-
call-for-responsibility-and-coordination

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