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Transport en Afrique

Note technique
Programme de politiques de transport en Afrique subsaharienne Note 38 Mars 2005

Développement du BTP et le secteur routier


Efficacité des conseils nationaux du bâtiment et des travaux publics

Par Stephen Brushett et Subhash Seth

RÉSUMÉ

La présente note examine les objectifs, les programmes, l’impact et les enseignements tirés des
activités des trois conseils nationaux du bâtiment et des travaux publics (CNBTP) créés à ce jour,
en Tanzanie, au Malawi et en Zambie. Ces conseils ont pour caractéristiques communes d’être
fondés sur un partenariat public-privé et une législation qui définit leur structure, et certains de
L’objectif de cette série de
leurs pouvoirs et responsabilités statutaires. Si les activités des conseils couvrent l’ensemble du
notes techniques est de
partager l’information sur
secteur, celles-ci sont principalement axées sur les travaux et l’entretien routiers, qui contribue
les études et les travaux du largement à la croissance de l’emploi et au développement des entreprises. A partir de là, trois
SSATP. Les vues expri- questions sont ici posées : a) Dans quelle mesure ces structures ont-elles réussi à atteindre leurs
mées sont celles des au- objectifs ? b) l’expérience montre-t-elle que ce modèle pourrait s’appliquer à plus grande échelle ?
teurs et ne reflètent pas et c) aurait-on de toute façon assisté à la même évolution en leur absence ?
nécessairement la position
de la Banque mondiale ou CONTEXTE
de ses institutions affi-
liées. Les programmes d’appui au développement d’un secteur puissant ont toujours été perçus comme
étant un élément important de la restructuration du secteur routier préconisé par le SSATP dès le
Stephen Brushett est spé- début des années ‘80. Une série de documents publiés dans le cadre de l’Initiative de gestion de la
cialiste principal en trans- route (IGR), montrent comment mettre en œuvre des réformes qui encouragent la création de peti-
port et Subhash Seth est tes entreprises locales d’entretien routier1. À l’époque, grâce à la restructuration des administra-
ingénieur à la Banque tions routières, de nouveaux débouchés commençaient à se créer dans le secteur privé où peu à
mondiale. peu s’installait un environnement favorable à une gestion efficace de la route. Depuis lors, le re-
Pour obtenir des rensei- cours à l’entreprise pour les travaux d’entretien, le démantèlement ou la réduction des travaux
gnements sur ces notes, effectués en régie, ainsi que la commercialisation ou même la vente pure et simple des parcs
veuillez contacter le d’engins et de matériels devenaient pratique courante ; le nouveau modèle a été adopté depuis de
SSATP, Région Afrique manière quasi universelle dans les pays qui ont engagé des réformes.
de la Banque mondiale à
l’adresse suivante : Le SSATP estime qu’il faut remettre à l’honneur le secteur du bâtiment et des travaux publics
(BTP), cette fois-ci en mettant l’accent sur l’impact que les réformes – et les actions menées – ont
eu sur le secteur routier. Deux facteurs de motivation entrent ici en jeu.
ssatp@worldbank.org
D’abord, on est de plus en plus conscient qu’en créant des emplois, une entreprise de travaux pu-
blics joue son rôle dans les stratégies de réduction de la pauvreté en Afrique. Ensuite, nombre de
pays ont l’impression que les progrès en direction de la création d’entreprises locales accusent un

1
Lantran, Jean-Marie, Série Entretien routier à l’entreprise, volume 1, “Programme de promotion des entreprises africaines pour
l’entretien des routes” (décembre 1990), volume 2, “Contrats de travaux d’entretien routier” (mars 1991), volume 3, “Société de loca-
tion de matériel” (décembre 1991) ; volume 4 “Gestion des petits contrats, Conseils pratiques pour simplifier et améliorer la gestion
des petits contrats de travaux et services publics” (avril 1993) ; volume 5, “Entretien routier et environnement” (août 1994).

La Commission européenne, la Banque mondiale et la CEA


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retard par rapport à d’autres aspects du programme de réfor- babwe. La Tanzanie avait déjà créé une structure similaire en 1979.
mes, et que les entreprises étrangères profitent de manière De cette rencontre s’est dégagé un large consensus sur la nécessité
disproportionnée des conditions créées par l’accroissement du d’adopter les mesures suivantes à l’échelon régional et national : a)
volume et de la valeur des marchés de travaux et d’entretien définir clairement un mécanisme de coordination pour la mise en
routiers découlant des réformes. œuvre d’une politique nationale de travaux publics ; b) étendre le
rôle des entreprises et des consultants nationaux en formant des
SECTEUR DU BTP – STRUCTURE ET OBSTACLES partenariats public-privé ; c) identifier les problèmes en réalisant
des études approfondies sur le secteur du BTP; et d) élaborer des
En Afrique subsaharienne, le secteur des travaux routiers est programmes et des plans d’action précis pour répondre à ces pro-
en général dominé par de grandes sociétés étrangères, dont blèmes. En février 1996 était créé le Southern African Regional
certaines opèrent en partenariat ou en association avec des
Construction Industry Council (SARCIC), le conseil régional pour
entreprises nationales. Les moyennes entreprises sont souvent l’Afrique australe, mais sans réel suivi au niveau régional. Les ini-
peu nombreuses, quelques unes sont entièrement nationales et tiatives nationales se sont elles avérées plus probantes : le Malawi
d’autres ont leur siège dans des pays voisins (Afrique du Sud, créait un CNBTP en 1996 ; celui de la Zambie a été établi en 1995
Zimbabwe et Kenya dans le cas de l’Afrique australe). Au pour mettre en œuvre une politique nationale de travaux publics qui
cours des dernières années, le nombre de petites entreprises a
venait d’être approuvée (son entrée en vigueur ne date que de
considérablement augmenté en raison essentiellement du re- 2003). L’Afrique du Sud a toutefois le programme le plus robuste
classement des unités de travaux en régie après compression de la région, le développement du secteur étant devenu un élément
du personnel. Rares sont les pays où d’efficaces programmes
central de sa stratégie pour assurer l’autonomie économique de
d’appui ont été mis en place pour assurer un niveau relative- l’ensemble de la population.
ment constant d’activités pour ces petites entreprises. Cela dit,
le Lesotho fournit un bon exemple de ce qui peut se faire à cet
CNBTP – A) OBJECTIFS ET STRUCTURES DE GESTION TYPES
égard2. Toutefois, leur taux de création et de disparition a ten-
dance à être très élevé. Seule une poignée de petites sociétés a De façon générale, un CNBTP a pour objectif de stimuler le déve-
pu se hisser au niveau d’une moyenne entreprise, objectif de loppement du secteur. Ce qui ne veut pas dire que cet objectif se
bien des pays, dont le Malawi. traduise de la même façon, comme on peut le constater dans le cas
de la Tanzanie, du Malawi et de la Zambie. Au Malawi, la loi nº 19
L’accès des petites entreprises aux marchés n’est pas garanti
de 1996 portant création du CNBTP fait spécifiquement mention de
dû en partie au processus de passation des marchés – fré-
l’enregistrement des entreprises et de la formation (voir Encadré 1).
quence des appels d’offres, taille des marchés ou encore
En Zambie, dans la loi nº 13 de 2003 créant le Conseil national de
conditions imposées par les organismes routiers. Ces diffi-
la construction, l’énoncé des objectifs couvre les mêmes domaines
cultés ont tendance à être exacerbées par une série d’autres
que la loi malawienne, mais en précisant qu’il revient au Conseil
problèmes rencontrés par les entreprises nationales, notam-
d’assurer la réglementation du secteur et d’assurer la création
ment les petites ou nouvelles entreprises. Ces problèmes sont
d’une école de bâtiment et de travaux publics... En Tanzanie, la loi
de plusieurs types : a) difficulté d’accès aux équipements ; b)
nº 20 de 1979 portant création du CNBTP ne mentionne pas spéci-
accès limité au capital ou aux facilités de crédit ; et c) manque
fiquement les objectifs, mais on les perçoit au travers des fonctions
de formation dans le domaine des affaires ou de connaissan-
ces techniques et managériales. Lorsque ces problèmes ne
sont pas résolus, les entreprises ne peuvent remplir les condi- Encadré 1 – Les objectifs d’un CNBTP : l’exemple du Malawi
tions des appels d’offres. … prévoit la création d’un Conseil national du bâtiment et des
travaux publics pour promouvoir et développer le secteur au
LA SCACII – UNE NOUVELLE APPROCHE Malawi, pour assurer l’enregistrement des individus engagés
Tout ceci pour dire qu’il reste beaucoup à faire. C’est pour- dans le secteur, pour coordonner la formation des individus
quoi la création d’une structure adaptée et qui réponde aux engagés dans ce secteur…
besoins des parties prenantes s’est peu à peu imposée. L’idée
de créer un conseil national du bâtiment et des travaux publics énumérées dans le texte. Une des caractéristiques principales d’un
a essentiellement pris forme lors de la conférence sur la Sou- conseil est qu’il constitue effectivement des partenariats public-
thern African Construction Industry Initiative (SACII) qui privé, offrant un forum où les problèmes du secteur peuvent être
s’est tenue en 1993 et à laquelle ont participé les ministres de exposés et résolus. Cette réalité se reflète dans les structures de
sept pays membres de la SADC, le Lesotho, le Malawi, le gestion des CNBTP généralement décrites de manière assez détail-
Mozambique, la Namibie, le Swaziland, la Zambie et le Zim- lée dans les textes de loi. Au Malawi par exemple, le conseil se
compose de 20 membres nommés par le ministre, dont 15 provien-
2 nent du secteur privé. Neuf membres issus du privé y sont à titre de
Seth, Subhash, Training of Small Scale Contractors for Ru- représentants des associations professionnelles du secteur. Le
ral Road Maintenance in Lesotho, Note technique nº 36 (mars Conseil zambien comprend 15 membres dont huit appartiennent au
2004).
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secteur privé ; par contre, en Tanzanie 12 des 18 membres Le Conseil a pour tâche difficile de satisfaire les besoins d’une di-
sont des représentants du secteur public. versité de clients, mais aussi de régler certains conflits potentiels
entre les fonctions. Peut-on s’attendre à ce que le même organe soit
habilité à enregistrer les entreprises (et qu’il ait la discipline de le
CNBTP – B) FONCTIONS ET PROGRAMMES TYPES faire) tout en promouvant les entreprises locales ? Le Conseil peut-
Les fonctions d’un conseil tombent globalement dans les ca- il réaliser des études objectives – par exemple sur l’utilisation de
tégories énumérées ci-après. L’Encadré 2 fournit plus de dé- matériaux locaux dans la construction routière – alors même que
les parties intéressées y sont représentées ?
Encadré 2 — Fonctions d’un CNBTP telles que stipulées Comme on pouvait s’y attendre, les conseils n’ont
dans les législations (liste non exhaustive) pas toujours été en mesure de mettre sur pied des
programmes pouvant réunir toutes les fonctions
9 Promouvoir et développer le secteur du BTP énoncées. Le manque de capacités au sein du secré-
9 Faciliter l’accès des entreprises nationales aux ressources tariat d’une taille plutôt modeste en est principale-
9 Promouvoir la recherche, le développement et les matériaux locaux ment la cause. Cette situation est due en partie à des
9 Promouvoir les normes de sécurité problèmes d’autofinancement, malgré l’important
9 Définir et diversifier les catégories d’enregistrement des entreprises appui budgétaire des bailleurs de fonds et du Gou-
9 Recommander les conditions d’enregistrement des entreprises vernement au démarrage de leurs activités. C’est
étrangères pourquoi, les conseils ont préféré se concentrer sur
9 Assurer la formation, et coordonner la formation assurée de des programmes susceptibles de générer des recettes
l’extérieur rapidement et répondre aux besoins exprimés par les
9 Fournir des informations, des conseils et de l’aide organisations clientes. L’une des questions auxquel-
9 Publier des informations techniques et commerciales les il faut répondre est celle de savoir dans quelle
9 Examiner le processus d’adjudication des marchés mesure un conseil devrait entreprendre directement
9 Surveiller et évaluer le secteur des programmes ou des travaux en recourant à
9 Exercer un contrôle disciplinaire d’autres parties ou organismes. Contrairement aux
9 Standardiser le contrôle de qualité, les documents relatifs aux avis et aux attentes, les conseils ont plutôt opté pour
contrats et le processus de passation des marchés une formation interne et décider, dans le cas du Ma-
9 Fournir des services de conseil et d’assistance technique au secteur lawi, d’offrir des services commerciaux de location
9 Fournir des conseils au gouvernement sur les questions liées au d’équipements (à la demande expresse du Gouver-
développement de l’industrie de la construction nement).
9 Surveiller les coûts de construction, participer aux conférences et
séminaires ou prendre des dispositions dans ce sens CNBTP – C) IMPACT À CE JOUR
9 Évaluer la performance des entreprises et tenir des registres
9 Fournir des données sur la taille et la répartition des entreprises Le nombre d’entreprises nationales enregistrées se-
9 Promouvoir la construction de logements à prix modéré rait clairement un indicateur de succès. De manière
générale aussi bien que dans le secteur routier, le
nombre d’enregistrements s’est accru dans les trois
tails sur le nombre de fonctions prévues dans les trois législa- pays. Ce qui n’est pas étonnant les conseils ayant tout intérêt à en-
tions mentionnées. registrer les entreprises. Faut-il en déduire que les entreprises na-
1) Fonctions de réglementation déléguée par l’État, notam- tionales obtiennent une part croissante des marchés ? Les indica-
ment pour l’enregistrement des entreprises et la perception teurs sont contrastés, mais plutôt positifs ; mais ce qui tient plus à
des frais y afférents. la disponibilité des financements et des mesures prises par les or-
2) Activités de développement en vue de faire mieux connaître ganismes routiers qu’aux conseils eux-mêmes. Dans le secteur rou-
les intérêts des principaux clients, en réalisant par exemple tier ou ailleurs, l’offre d’entrepreneurs formés et le nombre de pla-
des programmes de formation à l’intention des entreprises et ces dans les programmes de formation ont sans aucun doute aug-
en fournissant des services de location d’équipements. menté. Cet aspect positif est en un sens le résultat des efforts entre-
pris par les conseils pour reprendre les programmes existants. Et
3) Activités de conseil menées par exemple auprès des pou- même si ce succès ne constitue pas un avantage additionnel, il leur
voirs publics (sur la passation des marchés publics, les normes assure une plus grande pérennité, surtout si les conseils sont en
de l’industrie, etc.) ou des clients (accès aux financements, mesure de demander aux participants de couvrir la totalité ou une
gestion des affaires). partie du coût. Pour ce qui est de la location d’équipements,
4) Diffusion d’informations par le biais de conférences, de l’expérience se limite au Malawi où le CNBTP a montré qu’il était
bulletins et d’études. capable de mieux gérer un parc de niveleuses que l’autorité publi-
que qui en était responsable. Ce service devrait toutefois être éven-
tuellement confié à une entreprise privée de location. L’impact des
4

services de conseil s’est avéré limité. Au Malawi par exemple, trement des entreprises, ce qui est compatible avec les autres fonc-
des documents types d’appel d’offres préparés spécialement tions. Cependant, l’accent devrait essentiellement porter sur la
pour les petits marchés n’ont jamais servi. Le Conseil tanza- promotion des besoins du secteur. Par contre, rien ne prouve qu’ils
nien a toutefois été plus efficace à cet égard. En ce qui soient le meilleur moyen de réglementer le secteur.
concerne les services à la clientèle, rien n’indique qu’un
ii) Action ou facilitation. Les CNBTP devraient s’attacher princi-
conseil ait réussi à proposer un modèle capable de s’attaquer
palement à éliminer les obstacles et les goulets d’étranglement, de
aux causes profondes du problème des finances et de gestion.
même qu’ils devraient profiter des réseaux étendus de leurs mem-
Par contre, la diffusion d’informations s’est améliorée, no-
bres pour réaliser leurs objectifs. Mais ils ne devraient intervenir
tamment en Zambie. Ce qui a certainement permis d’accroître
directement dans la mise en œuvre qu’en dernier recours.
la participation des entreprises nationales aux appels d’offres,
sans nécessairement leur garantir un meilleur taux de succès iii) Entreprise nationale ou étrangère. Les entreprises nationales
lors de l’adjudication des marchés. sont manifestement au cœur du problème. Malgré les différences,
tout au moins dans le cas du Malawi et de la Zambie, les pays et les
ÉVALUATION PRÉLIMINAIRE DE LEUR EFFICACITÉ bailleurs de fonds ont encouragé fortement les passations de mar-
chés réservés ou les partenariats entre les entreprises nationales et
La question maintenant est de savoir ce que nous pouvons
étrangères, et ainsi faciliter l’accès des entreprises nationales aux
tirer comme conclusion lorsqu’il s’agit de l’efficacité de ces
plus gros marchés à financement étranger. L’idéal toutefois serait
conseils et si l’expérience est à reproduire. L’idée de partena-
de se concentrer sur les marchés d’entretien routier et de bénéficier
riat public-privé pour le développement du secteur est bonne.
du découpage des marchés, en améliorant les marges de préférence
D’autres pays se demandent s’il y aurait lieu de s’engager
nationale et en révisant les critères de qualification.
dans la même voie – ce qui est le cas du Mozambique et du
Lesotho. Cela étant, l’utilité du Conseil en tant que forum est
CONCLUSION
fonction de l’existence ou non d’un cadre de politique appro-
prié (déjà existant dans une certaine mesure dans le cas des S’agissant du secteur routier, les politiques de transport et la ré-
trois pays), d’une vision stratégique claire et d’un plan forme des organes de gestion et de financement du secteur seront
d’activités (qui manque dans les trois pays). Un conseil devra certainement les principaux moteurs de promotion des entreprises
à l’avenir établir des indicateurs de performance et prioriser nationales, surtout pour l’entretien routier. Les CNBTP sont de
plus clairement ses activités. De la même façon, il lui faudra nature à contribuer à ce processus, en menant par exemple des acti-
s’attaquer aux questions suivantes qui sont apparues durant vités de promotion bien ciblées pour faciliter les conditions de par-
les premières expériences : ticipation des entreprises nationales aux appels d’offres et les aider
à remporter des marchés.
i) Réglementation ou promotion. Les CNBTP pourraient
continuer de remplir certaines fonctions liées à l’enregis-

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