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UNIVERSITE DE NANTES

FACULTE DE MEDECINE

Année 2015 N° 042

THESE

pour le

DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE

(D.E.S de MEDECINE GENERALE)

par

Joël RAFFIN

né le 02 juin 1982

Présentée et soutenue publiquement le 19 Octobre 2015

Le stress post-traumatique chez les personnes âgées


Revue de la littérature et étude de 3 cas.

Président du jury: Professeur Gilles BERRUT


Membre du jury : Professeur Rémy SENAND
Membre du jury : Professeur Jean Marie VANELLE
Membre du jury et Directeur de thèse : Docteur Olivier BODIC

1
REMERCIEMENTS

A Monsieur le Professeur Gilles BERRUT


Professeur de Gériatrie, Président du Gérontopôle Pays de la Loire, Chef de pôle
hospitalo-universitaire de gérontologie clinique.

Vous nous faites l’honneur de présider ce jury de thèse et d’accepter de juger


ce travail.
Nous vous remercions de votre sollicitude et de votre disponibilité.
Soyez assuré de notre reconnaissance et de notre profond respect.

2
A Monsieur le Professeur Rémy SENAND
Professeur de Médecine Générale, Directeur du département de Médecine Générale,
coordonateur interrégional de DES de médecine générale.

Vous nous faites l’honneur de participer à ce jury de thèse et d’accepter de juger ce


travail.
Avec nos remerciements, soyez assuré de notre reconnaissance et de notre profond
respect.

3
A Monsieur le Professeur Jean Marie VANELLE
Professeur de psychiatrie

Vous nous faites l’honneur de participer à ce jury de thèse et


d’accepter de juger ce travail.
Avec nos remerciements, soyez assuré de notre reconnaissance et de
notre profond respect.

4
Au Docteur Olivier BODIC
Praticien hospitalier en psychiatrie

Merci d’avoir accepté de diriger ce travail.


Veuillez trouver ici le témoignage de ma reconnaissante
considération accompagnée de mes plus sincères remerciements.

5
A ma famille et à mon épouse qui m’ont soutenu et aidé

A mon ami et confrère Jean Luc PHAROSE

A mes collègues et confrères du service de gériatrie du CH de Cholet.

6
Serment
"Au moment d'être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d'être fidèle aux
lois de l'honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de
promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et
sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans
aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les
protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur
dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les
lois de l'humanité. J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et
de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas le
pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à
l'indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif
du gain ou la recherche de la gloire. Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les
secrets qui me sont confiés. Reçu à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des
foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager
les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais
la mort délibérément. Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de
ma mission. Je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai
et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.
J'apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu'à leurs familles dans l'adversité. Que les
hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ;
que je sois déshonoré et méprisé si j'y manque".

7
Sommaire
Introduction ...................................................................................................................................11
Partie 1 : généralités sur le PTSD ...................................................................................................13

I. Concept du PTSD ................................................................................................................14

A. Naissance du concept ..................................................................................................14


B. Les fondations de l’inconscient traumatique ..............................................................16
C. La névrose de guerre. ..................................................................................................18
D. Vers un système nosographique unifié .......................................................................22

II. Critères diagnostiques du PTSD ..........................................................................................23

A. La notion de stress ......................................................................................................24


B. Le traumatisme psychique ..........................................................................................25
1) Définition du traumatisme selon le DSM ............................................................25
2) Définition du traumatisme selon l’OMS, la CIM ..................................................27
C. Les symptômes du PTSD..............................................................................................27
1) Contexte temporel...............................................................................................28
2) Les critères diagnostiques ...................................................................................28
3) Évolution ..............................................................................................................29

III. Épidémiologie : ...............................................................................................................30

A. Le traumatisme psychique et le PTSD dans la population générale ...........................30


B. Le traumatisme psychique et le PTSD chez les personnes âgées ...............................33
1) Généralités...........................................................................................................33
2) Le traumatisme psychique chez le sujet âgé. ......................................................33
3) Le PTSD chez le sujet âgé. ....................................................................................35

Partie 2 : Support cognitif et neuro-biologique de l’état de stress post traumatique chez la


personne âgée ...............................................................................................................................39

I. Support cognitif : le processus de mémorisation ...............................................................40

A. Les mémoires ..............................................................................................................40


B. Les différentes étapes de la mémorisation .................................................................41
C. Mémoire et personnes âgées ......................................................................................42
D. Mémoire et PTSD ........................................................................................................42

8
II. Support neuro-anatomique ................................................................................................43

A. Support Neuro-anatomique de la mémoire................................................................43


B. Support neuro-anatomique des émotions..................................................................44
1) L’amygdale. ..........................................................................................................44
2) L’hippocampe. .....................................................................................................45

III. Support neuroendocrinologique. ...................................................................................45

A. Au niveau endocrinien : ..............................................................................................45


B. Au niveau neurobiologique : .......................................................................................47
C. Au niveau bio-moléculaire : ........................................................................................47

Partie 3 : Exploitation des données ...............................................................................................49

I. Méthodologie .....................................................................................................................50

A. Méthode de sélection des articles ..............................................................................50


B. Méthode de sélection des cas. ....................................................................................50

II. Les résultats. .......................................................................................................................51

A. État des lieux de la recherche sur le PTSD chez les personnes âgées.........................51
B. Diagnostic et prévalence du PTSD chez les sujets âgés. .............................................53
C. Traumatismes et facteurs favorisants .........................................................................56
1) Le traumatisme initial ..........................................................................................56
2) Après catastrophe ...............................................................................................56
3) Après un conflit armé ..........................................................................................57
4) PTSD en population générale ..............................................................................59
5) Après une chute...................................................................................................59
6) Après un décès ....................................................................................................59
D. L’évolution du PTSD chez la personne âgée................................................................60
E. Les comorbidités .........................................................................................................62
1) La dépression .......................................................................................................63

2) L’anxiété...............................................................................................................63
3) Les troubles cognitifs ...........................................................................................63
4) PTSD et pathologies somatiques .........................................................................65
5) Autres comorbidités anatomiques et biologique ................................................67
F. Prise en charge du PTSD ..............................................................................................67
9
G. Résultats de l’étude de cas (cf annexes) .....................................................................70
1) Concernant le traumatisme. ................................................................................70
2) Concernant les symptômes du PTSD. ..................................................................70
3) Concernant le diagnostic de PTSD .......................................................................71
4) Concernant les comorbidités...............................................................................71

Partie 4 : La discussion ...................................................................................................................73

A. Intérêt de cette thèse :................................................................................................74


B. Principaux résultats .....................................................................................................74
C. Biais et limites .............................................................................................................80
D. Critique de la validité et représentativité ...................................................................81
E. Dans le futur ................................................................................................................82

Conclusion .....................................................................................................................................83
Références .....................................................................................................................................85
Annexes .........................................................................................................................................91

10
Introduction
Depuis la mise en évidence et la caractérisation par le monde médical, et en
particulier par la psychiatrie, de l’état de stress post traumatique (PTSD pour Post
Traumatic Stress Disorder), ce sujet a largement été étudié chez les rescapés de
catastrophes naturelles, les victimes d’agressions et les personnes ayant vécu la guerre
(en tant que civils, combattants ou prisonniers).
La littérature médicale foisonne d’articles et autres documents sur le PTSD et ce
sujet d’étude est loin de se tarir, car il y a de plus en plus de catastrophes naturelles, de
conflits, d’agressions (individuelles ou en groupe via les attentats terroristes) et qu’il
s’agit d’un sujet encore assez récent n’ayant pas encore livré tous ses secrets.
Aujourd’hui, il est reconnu que le PTSD dans la population générale peut
s’accompagner de comorbidités psychiatriques mais aussi physiques, compliquant sa
prise en charge et responsables d’une augmentation des dépenses de santé. (1) (2) (3).
Nous ne sommes pas tous égaux face à un traumatisme psychique et un des
facteurs déterminants dans la constitution du PTSD serait l’âge (4) (5). Cependant,
quand on s’attarde sur l’âge des populations étudiées, on peut vite se rendre compte
que les personnes âgées (PA) sont délaissées dans ce domaine. Bien que ces dernières
ne représentent qu’une partie de la population générale, ce sont les plus importantes
consommatrices de soins et services de santé (6). Or, la population vieillit et le nombre
de personnes âgées ne cesse d’augmenter. Parallèlement les personnes ayant vécu des
traumatismes intenses comme les anciens combattants des dernières guerres coloniales
et d’Asie vont bientôt gonfler les rangs des personnes âgées.
Selon certaines croyances assez répandues, le PTSD est rare voire inexistant chez
les personnes âgées. Toutefois, ces théories qui n’étaient que des allégations et
suppositions ne reposaient sur aucune réalité scientifique ou médicale prouvée faute
d’études sur ce sujet.
Une autre impression clinique qui aujourd’hui fait débat est le lien existant entre
démence et PTSD.
Qu’en est-il donc réellement chez la personne âgée ? Quelle est la prévalence du
PTSD dans cette population ? Quelles en sont les formes cliniques, l’évolution, les
complications chez les personnes âgées? Quelles sont les comorbidités ? Quelles sont
les conséquences sur la qualité de vie ? Y a-t-il des répercutions au niveau sociétal ?

11
Nous tenterons de répondre à ces questions à travers une revue de la littérature
et quelques cas cliniques.

12
Partie 1 : généralités sur le PTSD

13
I. Concept du PTSD
A. Naissance du concept
Le concept de PTSD est récent. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, en 1889
qu’apparaissent les premiers fondements sur lesquels s’assiéra ce concept dans un
traité sur la « névrose traumatique » écrit par le neurologue juif allemand Hermann
Oppenheim.
Mais en fait, la pathologie post traumatique est presque aussi vieille que le
questionnement sur la vie et la mort. L’homme est un être mortel et donc vulnérable sur
le plan physique face à des événements qui sont soit provoqués (du fait de son
évolution dans un monde vivant), soit liés à des accidents ou à des catastrophes
naturelles et par définition non maîtrisables.
Depuis que l’homme est en capacité de garder dans le temps des traces de son
passage sur Terre et tout au long de l’histoire, jusqu’à nos jours, on retrouve des récits
légendaires, de fabuleuses épopées relatant des faits d’armes, des histoires de
conquêtes, des batailles victorieuses mais aussi de violentes défaites.
Dans ces drames et tragédies, la confrontation avec la mort et le sentiment de
perte (d’être chers, de compagnons, d’une partie de son corps, de biens), sont souvent
des points communs à l’origine d’une sorte d’aliénation de l’esprit, sous forme de rêves
ou cauchemars. Ces derniers, faits de scènes passées et/ou de morts, « hantent » les
nuits des protagonistes.
Hérodote (450 ans av J-C) conte dans Histoire, au livre VI, ce qui parait être un cas
clinique de conversion hystérique en lien avec un stress psychique. Epizelos, guerrier
athénien qui est en pleine bataille de Marathon, est soudain frappé de cécité, en plein
combat, après avoir vu un homme de grande taille, en armes, passer sans le toucher
pour tuer son camarade qui combattait à ses côtés. Cette cécité a duré toute la vie de ce
guerrier et était très probablement la manifestation somatique d’un phénomène de
conversion de la peur sur l’organe par lequel il a aperçu sa propre mort.
Hippocrate (400 ans av J-C) fait mention de « rêves traumatiques » dans le traité des
songes.
Lucrèce (40 ans av J-C) dans le De natura rerum décrit les scènes de batailles répétées
vues en rêve par les soldats.

14
Le concept évoluera par la suite soit de façon anecdotique, avec cette notion de
reviviscence de scènes traumatiques chez certains auteurs comme par exemple
l’écrivain Shakespeare, le philosophe Pascal (qui manque de tomber dans la Seine à bord
de son carrosse et qui développera les symptômes de la névrose traumatique décrits
plus tard par Pinel), soit de façon plus scientifique chez les médecins militaires. Très tôt,
ces derniers ont tenté de comprendre le lien entre la violence du traumatisme, la peur
ressentie et les états émotionnels ou d’épuisement psychologique éprouvés par les
anciens combattants.
Ambroise Paré relève en 1572 le témoignage du roi Charles IX, qui est assailli
d’hallucinations et de cauchemars terrifiants au lendemain du massacre de la Saint
Barthélémy qui fit environ 3 000 victimes. Le jeune roi décrit des visions effroyables de
corps à la face hideuse et couverte de sang, aussi bien dans les phases de sommeil que
dans les phases d’éveil.
Philippe Pinel (en 1808), dans Nosographie philosophique répertorie et classe de
nombreuses observations de pathologies psychotromatiques liées à la guerre selon la
sémiologie dominante. Ce sont là les prémices de la « névrose de guerre ».
En 1809, il publie le Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale dans lequel il
décrit l’histoire d’un ancien combattant distingué présentant des signes cliniques de
stress post traumatiques.
Desgenettes, Larrey, Percy, chirurgiens des armées napoléoniennes créent le terme de
« syndrome de vent du boulet » pour désigner l’état de grande stupeur dans lequel
étaient plongés les soldats ayant senti un projectile passer tout près d’eux sans les
toucher.
Henri Dunant, de nationalité Suisse est présent en tant que secouriste bénévole à la
bataille de Solférino en 1859 (célèbre par le sinistre nombre de 40 000 morts en une
journée). Il rapporte dans son récit Un souvenir de Solférino publié en 1862, les horreurs
de la guerre, moment de souffrances physiques et psychiques. Il est épouvanté par cette
dichotomie entre d’un côté les soldats blessés sur le champ de bataille qui attendent
d’être secourus et de l’autre les secouristes qui, impuissants, sont obligés de les
abandonner à une mort certaine. Il obtient en 1901 le premier Prix Nobel de la paix, il
est le fondateur de La Croix Rouge.
Briquet (en 1859) décrit un cas d’hystérie réactionnelle à des peurs, frayeurs et chocs
moraux dans le traité clinique et thérapeutique de l’hystérie.
15
Jacob Mendez Da Costa et Silas Weir Mitchell, médecins dans l’armée nordiste,
s’illustrent lors de la guerre de Sécession. On doit au Dr Da Costa le terme de « cœur de
soldat » ou « cœur irritable », que l’on peut aussi traduire par anxiété cardio-vasculaire,
qu’il décrit chez des soldats n’ayant jamais été blessés mais fortement éprouvés par les
batailles. Il relève des épisodes de palpitations et d’angine de poitrine dûes à
l’épuisement et la frayeur des combats. Son confrère, Dr Mitchell est confronté à une
marée de « blessés nerveux » pour lesquels il doit improviser un hôpital de 400 lits pour
soigner des pathologies d’apparence nerveuses ou épileptiques qui rejoint l’observation
de Briquet faite un an plus tôt sur l’hystérie psychotraumatique convulsive.

B. Les fondations de l’inconscient traumatique


Si jusque là, les conflits, les batailles et les guerres ont permis d’entrevoir, grâce
aux médecins militaires, les prémices du traumatisme psychique, c’est véritablement à
la fin du XIXe siècle que le concept se développera paradoxalement dans la vie civile,
avec les psychiatres et neurologues qui poseront les fondations de l’inconscient
traumatique.
Aux horreurs des différentes guerres font suite les nombreux accidents parfois
spectaculaires liés au nouveau monde industriel et au développement des transports
ferroviaires.
Les américains Putman et Walton définissent en 1884, par le terme de « railway spine »
comme étant une phobie post-commotionnelle secondaire aux accidents du chemin de
fer et en lien avec une « irritation spinale ». Ce terme sera ensuite remplacé par
« railway brain ». L’idée alors répandue était qu’une concussion périphérique (secousse
provoquée par l’accident), entraînait, par un phénomène de diffusion, des microlésions
au niveau de la colonne vertébrale (spine), puis au cerveau (brain) (7).
Le psychiatre Herman Oppenheim comme nous l’avons vu précédemment, utilise le
terme de « névrose traumatique » dans deux ouvrages les Archives médicales de
Westphalie en 1884 et dans le Die Traumatischen Neurosen en 1888. De lui naîtra la
thèse psychogénétique et le terme de « traumatisme psychologique ». Selon lui,
« l’effroi provoque un ébranlement psychique ou affectif tellement intense qu’il en
résulte une altération psychique durable ».

16
Jean Martin Charcot, qui étudie depuis de nombreuses années l’hystérie et qui est un
contemporain d’Oppenheim, s’oppose à cette thèse psychogénétique puis finit par
opter pour la thèse émotionnelle qui permettrait de mieux expliquer les distorsions et
disproportions entre des tableaux cliniques parfois impressionnants et le choc supposé
les avoir provoqués alors que ce dernier semblait minime. Il voit dans cette nouvelle
entité une simple variante de l’hystérie qu’il nomme « hystéro-neurasthénie ».
E. Kraepelin, psychiatre allemand tente une classification des maladies mentales et
entre 1883 et 1915 publie huit éditions de son traité de psychiatrie.
On est alors dans l’après Charcot et bien que celui-ci ait eu une très grande
influence dans le monde de la psychiatrie, le terme de « névrose traumatique » qu’il n’a
pas voulu reconnaître, refait surface.
Pierre Janet en 1889, présente une thèse de doctorat sur « l’automatisme
psychologique » au travers d’une vingtaine de cas d’hystéries et de neurasthénies dont
le cas de Marie qu’il soumet à des sessions d’hypnoses pour lui faire revivre trois
événements traumatiques oubliés. Il leur confère une issue heureuse sous hypnose et
les déleste de la charge traumatique pathogène. Il conclue que les cas observés sont dûs
à un traumatisme psychique oublié de la conscience et évoque l’existence d’une
« dissociation de la conscience », idée reprise par Freud. Il explique que l’événement
traumatique, après avoir provoqué une effraction dans le psychisme et par un système
de rappel de l’événement, qu’il nomme « idée fixe », se fixe tel un « corps étranger ».
Les « idées fixes » se logent alors dans le préconscient, ignoré du conscient.
Sigmund Freud, père du modèle psychanalytique, qui partage les idées de Janet, lui
emprunte l’idée de dissociation de la conscience et considère que toutes les hystéries
trouvent leur origine dans le traumatisme initial qui est le plus souvent sexuel et qui est
l’élément déterminant dans la genèse des troubles. Ce sont les « réminiscences » qui
permettent d’entretenir ces troubles. Il propose une thérapie cathartique par laquelle il
fait revivre l’événement traumatique chargé de tout son poids affectif. En réalité, bien
que le nom de Freud soit resté célèbre, ni lui, ni Janet ne peuvent s’attribuer la primeur
d’une guérison sous hypnose car déjà en 1888, deux médecins militaires, Bourru et
Burot, avaient publié dans les variations de la personnalité le cas de Louis V. qui, soumis
à des séances d’hypnose lui faisant revivre un événement traumatique, avait guéri de
conversions hystériques multiples.

17
Le début du nouveau siècle est frappé par un nouveau conflit qui prend une
dimension mondiale. Apparait alors le terme de « névrose de Guerre », sur lequel Freud
s’est arrêté, tout en le distinguant des autres conversions hystériques. En prenant une
dimension mondiale, la guerre offre un large éventail de sujets soumis à des
traumatismes. Les bases étant posées, la psychiatrie de guerre prend le relais et
apparaissent alors les continuateurs qui vont approfondir le concept de névrose de
guerre.

C. La névrose de guerre.
Honigman, psychiatre allemand, décrit en 1907 la « névrose de Guerre ». Il est étonnant
de voir ce terme apparaitre en Allemagne alors que les conflits existants sont loin des
frontières allemandes à ce moment là. En réalité, la guerre Russo-Japonaise de 1904-
1905 engendre tant de dégâts psychiques chez les combattants que les médecins de la
Croix Rouge russe sont submergés par le flux de patients et sont contraints de faire
appel à des psychiatres de la Croix Rouge Internationale. A la fin du conflit, tous ces
médecins de retour dans leur pays d’origine témoignent de leur vécu du front. C’est
ainsi que Honigman, qui fait partie des psychiatres volontaires de la Croix Rouge
acquiert de l’expérience et décrit cette névrose de guerre comme étant un état
confusionnel ou anxio-confusionnel secondaire à la violence des combats, à l’effroi, à
l’épuisement.
Adam Cygielstrejch, psychiatre polonais, écrit dès 1912 sur les états confusionnels
faisant suite aux explosions d’obus. Aussi, il fait la distinction entre les émotions
brusques et les émotions durables. Les « émotions brusques » surviennent de manière
violente et soudaine et sont liées à des effets immédiats. Alors que les « émotions
durables » surviennent de manière lente parfois avec un délai de latence entre le
traumatisme et l’apparition des symptômes. Ces émotions durables ont des effets plus
« funestes ». En fait, selon sa théorie, une « émotion durable» abaisse le seuil de
résistance de l’organisme qu’il rend plus fragile, vulnérable aux autres événements
traumatiques. L’affection dure longtemps et est rythmée par de nombreuses phases
plus ou moins intenses. Pour lui, la guérison complète chez ces patients est quasiment
impossible. Il embrasse donc l’hypothèse des émotions agissant en fonction de
prédispositions et responsables d’une névrose traumatique.

18
Nous arrivons alors à la première guerre mondiale. Mais pour comprendre
l’évolution de la pensée il faut d’abord comprendre le contexte.

La première guerre mondiale fut extrêmement sanglante : entre 8.6 et 9.5


millions de morts et 21.2 millions de blessés physiques(8). Les livres d’histoire oublient
de compter les « blessés psychiques ». Pourtant, la question de ces soldats partis au
front et qui en reviennent profondément bouleversés est un véritable problème. Les
psychiatres militaires sont débordés par l’afflux de ces soldats qui deviennent inaptes au
combat. Ces soldats présentent des symptômes que l’on tente de nommer, « Hypnose
des batailles » puis « syndrome du vent des obus » ou « shell-shock » et qui prennent la
forme de conversions hystériques, d’une proportion quasi épidémique sur tous les
champs de bataille. Épidémie de surdités hystériques, d’aphasie, de cécité, de paralysies
ou de troubles du comportement comme des ricanements, des hoquets ou des
aboiements. Les termes d’anxiété, de neurasthénie sont oubliés pour celui de « névrose
de guerre » ou « psychonévrose de guerre ». Le conflit traîne en longueur, les soldats
sont de plus en plus éprouvés par les batailles et la pathologie psychiatrique évolue et se
précise. En France, les rapports entre les civils et les soldats ont changé. Pour des
problèmes logistiques, l’ennemi ne vit pas uniquement dans des baraquements ou des
casernes ; il loge chez l’habitant et, aidant parfois aux taches ménagères, il prend peu à
peu la place du père de famille parti au front et dont on n’a pas de nouvelles et qui ne
reviendra peut-être pas. Aux souffrances et à l’effroi des batailles s’ajoute donc la
crainte de perdre l’être aimée ou sa famille. Quant aux soldats capturés, ils développent
une autre forme de troubles que l’on nomme la « psychose des barbelés », associant
dysmnésie, apathie et irritabilité.

La seconde guerre mondiale est pire en horreur. Riche des enseignements de la


première guerre mondiale, pendant laquelle s’était développée au milieu du conflit la
« psychiatrie de l’avant », l’armée reprend ce concept qui permet de garder les soldats
sur place une semaine en observation avant qu’ils ne soient diagnostiqués en
« exhaustion » (c'est-à-dire épuisement) et qu’ils ne soient évacués. Ce terme
d’exhaustion est une sorte de fourre tout, abolissant toutes nuances cliniques. Pourtant,
on distingue les « combats réactions » des « war neuroses » plus sévères et durables.

19
Les blessures, qu’elles soient physiques ou pas ne sont plus une spécificité du
front et elles s’étendent aux lignes arrières. La population qui est littéralement prise en
otage, doit habiter et vivre avec l’ennemi qui occupe le territoire. Les femmes sont
violées, la population oppressée, sans parler des rafles qui maintiennent la population
dans un état de stress permanent.
Il y a un troisième lieu, qui semble complètement différent du front ou des lignes
arrières et qui, par les atrocités qui y sont perpétrées, génère des blessures psychiques
différentes dans leurs formes voire plus importantes que celles ressenties par les
soldats. Il s’agit des camps de concentration. On décrit alors chez les personnes libérées
(civiles ou militaires) des états d’angoisse, de déréalisation, de désespoir suivis d’un état
dépressif avec une anesthésie affective et enfin un état d’apathie avec une perte de
l’élan vital. Chez les orphelins rescapés et déportés, nombreux sont ceux qui éprouvent
une sorte de culpabilité d’être encore en vie. On appelle ce syndrome, « le syndrome du
survivant », comprenant anxiété, troubles mnésiques (amnésie ou hypermnésie),
cauchemars, plaintes somatiques, dépression, troubles de l’identité.
Dans ce conflit, il y a moins de conversions hystériques mais une très grande
proportion de troubles psychosomatiques. La fin du conflit est marquée par les
explosions des bombes atomiques à Nagasaki et Hiroshima. On voit apparaître chez les
survivants de ce massacre, les « rescapés », des réactions immédiates de « commotion,
inhibition, stupeur » et des réactions différées et à long terme, d’altération de l’image
du corps et/ou de soi, d’altération des facultés de procréation.

En comparaison à ces deux principaux conflits, le monde est dans une paix
apparente. Mais, alors que chacun aspire à une vie paisible et à la reconstruction, on
entend à nouveau résonner les canons dans certaines régions du globe. Il ne s’agit plus
de guerres avec des zones de combats définies, une ligne de front et des soldats qui
s’affrontent face à face en tentant de tenir une position. Le style de combat a changé.
Les guerres précédentes étaient des conflits où la victoire dépendait des forces armées
et de la puissance de l’armement, alors que les nouvelles se font sur un modèle de
guérillas et d’embuscades provoquant un sentiment d’insécurité quotidien. Les soldats
développent la « névrose de guérilla » où on observe une crainte du monde extérieur,
un état d’alerte permanent, mais aussi le sentiment d’échec, de remords, de tristesse et
de culpabilité. Cette névrose de guerre est considérée comme étant la séquelle des
20
« traumatismes psychiques de guerre ». Parallèlement, la guerre du Vietnam et les
guerres post-coloniales ultérieures sont impopulaires. La population n’en comprend pas
le sens et les soldats vivent d’autant plus mal ces batailles qu’ils ont eux aussi
l’impression qu’elles ne servent à rien et qu’elles sont vouées à l’échec. Nombreux sont
ceux qui tombent au front « inutilement ». Ces héros d’autrefois sont aujourd’hui
critiqués et les civils leur tournent le dos.
Les troubles sont dissimulés par les principaux intéressés qui pensent trouver
leur salut dans cette sorte de souffrance, d’autant plus que déclarer une pathologie
psychiatrique, c’est avouer sa faiblesse. Faute de traitement, les anciens combattants
ont souvent recours à l’alcool (9).
Pendant toute cette période, de nombreux psychiatres et psychologues se sont
fait connaître et se sont illustrés : Babinski, Lépine, Lhermitte en France écrivent sur les
« cas » observés lors de la première guerre mondiale (10). Au sortir de cette première
guerre mondiale diverses thérapeutiques sont tentées mais en vain.
S. Freud propose la création de centres de psychothérapie d’inspiration analytique.
Pour lui les « compulsions de répétition » sont un paradoxe avec le principe de plaisir
qu’octroie le rêve. Les phénomènes de répétition sont donc des mécanismes de défense
visant à s’habituer au désagréable. Il définit par ailleurs la névrose traumatique selon
trois axes que sont les symptômes de répétition, les complications psychonévrotiques et
le blocage des fonctions du moi (c'est-à-dire des fonctions de filtration des stimuli
environnementaux...).
R. Grinker et J. Spiegel (psychiatres américains) déterminent que les troubles
psychosomatiques sont non seulement dûs à la violence du combat mais aussi à sa
durée. Ils parlent pour la première fois de « Stress » dans le cadre de la pathologie
psychiatrique(11).
Charles Richet, puis Targowla et plus tard Eitinger étudient les symptômes présentés par
les déportés de la seconde guerre mondiale. D’abord regroupés en « syndrome des
déportés », puis « asthénie des déportés », ils seront rebaptisés par Eitinger « KZ
syndrome » pour Konzentrationsläger syndrome.
Papanek étudie lui la culpabilité chez les enfants déportés que Niederland appellera plus
tard le « syndrome du survivant ».
C.F. Shatan en 1972 est le premier à décrire les symptômes chez les anciens
combattants du Vietnam. Anxiété et méfiance perpétuelles, sentiment de culpabilité,
21
sentiment d’être un bouc émissaire, impression d’être devenu une machine à tuer,
d’avoir perdu toute humanité, d’avoir perdu son ancienne personnalité (qu’il nommera
la « transfiguration de la personnalité ») et d’être incapable d’aimer. Ces soldats sont
souvent agressifs et en perte de lien social. Ils commettent des actes de délinquance, de
violence. Shatan fonde en 1977 le groupe de travail des vétérans du Vietnam. Malgré les
mesures pour prendre en charge les anciens combattants, on dénombre aux États Unis
un nombre de suicides supérieur au nombre de soldats tombés au front lors de la guerre
du Vietnam.

D. Vers un système nosographique unifié


1952, parution de la première version du DSM, rédigée par des psychiatres américains
qui s’affranchissent des hypothèses freudiennes au profit des hypothèses
Kraepeliniennes.(12) On y remplace le diagnostic de névrose traumatique par celui de
« Gross Stress Reaction ». Cependant, cette entité n’intéresse plus grand monde dans
l’après guerre d’autant plus que la communauté scientifique suspecte certains de
simuler leurs troubles. Elle tombe dans l’oubli, si bien qu’elle n’est pas mentionnée dans
le DSM II. Ce qui parait paradoxal puisque les États-Unis sont en pleine guerre du
Vietnam et que les soldats sont confrontés, à ce moment là, à des combats intensifs
dans des conditions très pénibles.
1974, apparait dans la littérature et surtout chez les GI de retour du Vietnam et qui
regagnent une vie civile, « le Post Vietnam syndrome », qui sera très mal pris en charge
puisque non reconnu. Aucun programme n’a donc été anticipé pour accompagner ces
soldats au sortir de la guerre.
Il faut donc attendre les travaux de Shatan sur les Rapgroups pour voir une ébauche de
prise en charge.
1980, rédaction de la troisième version du DSM. Le diagnostic de Post Traumatic Stress
Disorder ou PTSD y figure (en lieu et place de la «névrose traumatique» usitée en
Europe)(13). On y retrouve les critères diagnostiques avec 4 items principaux (la
survenue d’un événement traumatisant, les reviviscences intrusives, l’émoussement
psychique, les symptômes d’une activation neurovégétative tels que les troubles du
sommeil, l’état d’alerte, les troubles de la mémoire et de l’attention). Il est décrit
principalement deux formes. Une forme aigue et une forme chronique ou différée.

22
Les articles traitant du PTSD fleurissent et le monde scientifique a un regain
d’intérêt pour cette pathologie oubliée et mal identifiée mais qui semble toucher une
grande majorité des anciens combattants. Le succès est tel qu’il n’est pas seulement
étudié chez les anciens combattants, mais aussi dans les populations civiles touchées
par des catastrophes naturelles. Grâce à tous ces travaux, les caractéristiques de cette
pathologie se précisent tant et si bien que les auteurs américains sont amenés, à deux
reprises, à modifier les critères diagnostiques (en 1987 dans le DSM-III R, puis en 1994
dans le DSM-IV).
En Europe, la CIM 10 (ou classification internationale des maladies) parait en 1992 et
reprend la plupart des éléments diagnostiques du DSM-III R. Cependant, elle propose
trois diagnostics de troubles psychiatriques secondaires à un événement traumatique :
La réaction aigue à un facteur de stress, l’état de stress post traumatique et la
modification durable de la personnalité après une catastrophe.
Le DSM-IV tend à se rapprocher de la version européenne de la névrose traumatique
mais reste encore très critiquée du monde scientifique car elle impose des critères
diagnostiques trop stricts. Plus tard, en 2000, apparaitra le DSM-IV TR dont les critères
diagnostiques pour le PTSD ne changeront pas.
En 2013 parait le très attendu DSM-V. La communauté médicale espère y trouver une
nouvelle définition du PTSD avec des critères diagnostiques quelques peu différents. Les
auteurs y apportent une certaine souplesse à la notion de traumatisme.

II. Critères diagnostiques du PTSD


Nous avons vu précédemment l’évolution du concept à travers l’histoire. Les
traumatismes de guerre ont joué un rôle fondamental dans cette évolution en offrant
aux psychiatres un très large échantillon de sujets à étudier. Pourtant le PTSD n’est pas
exclusif aux personnes exposées aux horreurs de la guerre. Il a été étendu aux
événements traumatiques pouvant générer un état de stress suffisamment important
pour perturber de façon transitoire ou continue la psyché de l’individu exposé et ainsi
générer un état d’anxiété perturbant son quotidien. Cette entité nosologique si
complexe est donc aujourd’hui nommée et classée, même si elle n’a pas encore livré
tous ses secrets. Elle apparaissait jusqu’en 2013, dans le DSM-IV-TR, sous le nom d’état
de stress post-traumatique et faisait partie des troubles anxieux (14). Dans le DSM-V,

23
elle apparait dans un nouveau chapitre « Trauma- and Stressor-Related Disorders » (15).
Mais qu’est ce que le stress ?

A. La notion de stress
D’un point de vue étymologique, le mot stress vient de l’anglais « stress » (effort
intense) qui nait de la réduction du moyen français « destresce » (contrainte, affliction,
détresse), issu du vieux français « estrece » (étroitesse, oppression), découlant du verbe
latin « stringere » (serrer, comprimer, resserrer). On retrouve donc dans l’étymologie de
ce mot la notion d’une sensation éprouvée par l’individu « stressé », qui est à
différencier de l’angoisse qui est une émotion. D’ailleurs, classiquement, les personnes
stressées ont cette impression d’oppression thoracique, de resserrement au niveau de
la gorge.

C’est une notion un peu vague pour laquelle on retrouve souvent comme
définition : « réaction de l’organisme à une agression ». Dans le langage courant, le
stress désigne à la fois l’agent responsable du problème (la cause), la réaction face à cet
agent (la réaction initiale) et l’état dans lequel est celui qui a subi et réagi (les
conséquences).

C’est en 1936 que ce terme est introduit en médecine par le physiologiste Hans
Selye(16). Il écrira que le stress est « la réponse non spécifique que donne le corps à
toute demande qui lui est faite », c’est « un changement brutal survenant dans les
habitudes d'une personne, jusque-là bien équilibrée et susceptible de déclencher un
bouleversement dans sa structure psychique et somatique ».

D’un point de vu physiopathologique, selon Crocq, le stress est une réponse


normale, neurobiologique, physiologique, d’adaptation et de défense de l’organisme
aux contraintes et agressions que l’on subi chaque jour. Il fait intervenir quatre axes :
catécholaminergique, corticotrope, immunitaire et des peptides opiacés (11).
D’un point de vue psychologique, le stress vient de la perception d’une
inadéquation entre une demande d’adaptation face à un « stressor » (facteur de stress)
et les ressources dont dispose le sujet pour y faire face.

24
À la notion de stress, s’associe donc la notion d’adaptation (ou « coping ») mais
aussi de résilience (qui correspondrait à une phase de récupération et de
reconstruction) qui permettrait au sujet de « rebondir », après un traumatisme pour
retourner à un état normal.

Pour pouvoir évoquer et diagnostiquer un PTSD, la notion de stress n’est pas


suffisante. Il faut deux éléments. Au préalable un sujet ayant été exposé ou ayant vécu
un événement traumatique particulier. Ensuite, un ensemble de symptômes qui
constitue la réaction psychologique à cet événement traumatique. C’est la base du
diagnostic clinique selon le DSM et la CIM.

B. Le traumatisme psychique
1) Définition du traumatisme selon le DSM

Bien que le DSM ait été conçu dans un souci d’unifier les pratiques et dans le but
de fournir un outil, un guide pratique de communication et de classification interne à
l’association Américaine des Psychiatres (APA), il a eu finalement des répercussions au
niveau international et sert aujourd’hui de référence dans de nombreux pays. La notion
de traumatisme psychique apparait déjà dans la première édition du DSM et prendra,
dans le DSM-V, une place très importante. Cependant, l’évolution de ce concept est loin
d’être linéaire et il est intéressant de se s’arrêter là dessus.
Dans le DSM I, dans la catégorie des troubles transitoires de la personnalité, apparait le
diagnostic de « réaction de stress majeure » (« Gross Stress Reaction »), qui n’inclut que
les symptômes transitoires à un stress émotionnel extrême survenant lors de combats
ou de catastrophes civiles.
Dans le DSM II, il y a subsistance du terme de névrose mais non pas la reconnaissance
d’une maladie déclenchée par des traumatismes de guerre. Peut être parce qu’à la
même époque les États-Unis étant engagés dans la guerre du Vietnam, cela les aurait
contraints à indemniser les vétérans. Au delà de cette non-reconnaissance, il y a une
stigmatisation des malades (qui sont jugés comme vulnérables donc faibles)(17). Il est
écrit que « Si le patient a des capacités d’adaptation normales, les troubles devraient
disparaître lorsque le stress diminue. Si les troubles persistent, il convient de rechercher
une autre pathologie mentale »

25
L’état de stress post traumatique apparait dans le DSM III. L’étiquetage des troubles est
revu. On supprime les anciennes théories et on regroupe les symptômes dans de
nouvelles entités syndromiques. Ayant comme support la guerre du Vietnam et ses
milliers de soldats qui en reviennent avec des séquelles traumatiques chroniques, les
auteurs du DSM-III finissent par reconnaitre le « Post-Traumatic Stress Disorder »
comme pathologie qu’ils classent parmi les troubles anxieux.
Les troubles traumatiques sont dorénavant reconnus comme étant secondaires à
un événement traumatique. Il s’agit donc d’un facteur extrinsèque, qui est la guerre
dans le cas des vétérans et ouvre droit alors dans ce cas à des indemnisations. Les
troubles traumatiques ne sont plus liés, comme cela était dit auparavant, à une
vulnérabilité individuelle simplement révélée par des facteurs environnementaux. Il est
même reconnu que le contexte de guerre confronte des personnes ordinaires à des
situations extraordinaires qui sont difficiles à contrôler et que, par ce biais, ces
personnes peuvent se rendre coupables de crimes de guerre.
Dans le DSM IV de 1994, on voit apparaitre le diagnostic de «Acute Stress Disorder » ou
ASD (pour état de stress aigu et ESA en français) qui se distingue du PTSD d’un point de
vue temporel par rapport à l’exposition au traumatisme. En effet, si le PTSD est
maintenant reconnu comme étant l’ensemble des symptômes et manifestations
psychiques survenant après un événement traumatique, il n’est reconnu comme tel que
s’il existe un temps de latence d’un mois entre l’événement traumatique et l’apparition
des symptômes. Cependant, on observe, chez de nombreux traumatisés, des réactions
précoces qui jusque là n’étaient pas prises en compte. C’est pour combler ce vide que
les auteurs du DSM-IV ont diagnostiqué comme étant des symptômes de l’ASD, toutes
les manifestations psychiques survenant dans ce court laps de temps.
Parallèlement, le concept de traumatisme se précise. Déjà dans le DSM III, on
sentait que le PTSD n’était plus l’apanage des anciens combattants. Le DSM étant
amené à se développer, s’enrichir au fur et à mesure, les auteurs ne voulaient pas créer
de liste limitative d’événements traumatiques qui risquait d’oublier certaines
victimes(18). On faisait donc référence à l’intensité de l’événement traumatique et à
l’effroi généré. Dans le DSM-IV, les auteurs ne se sont pas non plus attachés au type de
traumatisme mais plutôt au ressenti de la victime au moment du traumatisme.
Ainsi, pour qu’un événement soit qualifié de traumatique, la victime a du faire
l’expérience d’un événement brutal, intense, ayant suscité un sentiment de peur,
26
d’horreur, d’impuissance. On y rajoute également le caractère menaçant du
traumatisme que ce soit par la mort (ou la menace de mort) ou par l’altération de
l’intégrité physique ou mentale (ou la menace d’une altération de l’intégrité physique).
De plus, la victime n’a pas forcément fait l’expérience directement de ce traumatisme,
mais elle a pu en être simplement témoin (19)
Dans le DSM-V, paru en 2013, les troubles post traumatiques (ASD et PTSD)
apparaissent dans un nouveau chapitre « trauma and stress related disorder » et ne
sont plus considérés comme de simples troubles anxieux. Par contre, les sentiments de
peur intense, d’impuissance ou d’horreur ne figurent plus dans les critères diagnostics.
On y rajoute les événements rapportés (traumatismes liés à l’annonce d’un événement
grave chez un ami proche ou un parent) et les expositions répétées ou extrêmes (ce qui
laisse présager qu’il existe des métiers fréquemment exposés à de telles situations
comme les forces de l’ordre, les pompiers, les psychologues de cellules d’accueil aux
victimes).

2) Définition du traumatisme selon l’OMS, la CIM

Comme pour le DSM III, le sujet présentant un état de stress post traumatique a
été exposé à un événement. Ce qui caractérise cet événement est qu’il est « stressant »,
«exceptionnellement menaçant ou catastrophique ». Il peut être de courte ou de longue
durée et il génère en réponse « des symptômes évidents de détresse » qui pourraient
être retrouvés « chez la plupart des individus ».
La principale différence avec le DSM est la notion de vulnérabilité et de facteurs
prédisposants tels : une personnalité « compulsive », des antécédents de névroses.

C. Les symptômes du PTSD


Pour établir le diagnostic d’état de stress post traumatique, l’exposition à un
événement traumatique (critère A) est primordiale et les symptômes qui se développent
en réponse à cet événement traumatique le sont tout autant. Le PTSD se définit donc
par des symptômes répondant à des exigences particulières comme leur nombre mais
aussi le délai de leur apparition, leur durée, leur évolution dans le temps.

27
1) Contexte temporel

Délai d’apparition des premiers symptômes :


Classiquement, on admet un délai d’un mois de latence minimum entre l’événement et
l’apparition des symptômes de PTSD. Pour la CIM 10, la notion de délai reste vague et
on parle de quelques semaines.
La Durée :
Une durée de moins de trois mois définit un PTSD aigu et au-delà, il s’agit d’un PTSD
chronique dans le DSM. Si les symptômes apparaissent après un temps de latence
supérieur à 6 mois de l’événement traumatique, on parle de survenue différée dans les
DSM. Il n’y a pas de notion de troubles différés dans la CIM 10.

2) Les critères diagnostiques

Ces symptômes sont réunis en syndromes et dans le DSM (version IV et V), il leur
est attribué une lettre allant de B à E. Pour la version américaine, le diagnostic de PTSD
exige un certain nombre de manifestations cliniques ou symptômes par critère. Mais là
encore, il existe des divergences entre les différentes versions. Pour mieux comprendre
nous avons comparé toutes ces versions entre elles dans le tableau 2 (cf annexe).
Selon la CIM 10 :
La CIM 10 met l’accent sur le syndrome de répétition (ou syndrome intrusif) qui
reste l’élément principal du tableau clinique (ce qui est un vestige de l’ancienne
nosologie européenne qui classait ce symptôme comme étant pathognomonique de la
névrose traumatique). La victime revit le traumatisme par des pensées, des images, des
sensations physiques, qui sont intrusives, répétitives et envahissantes. Y sont inclus les
cauchemars relatifs au traumatisme, les réveils nocturnes. Ces souvenirs envahissants
sont communément appelés « flashbacks » ou ecmnésies. En opposition à cette
intrusion, la victime adoptera un mécanisme zapping des pensées, des images, des
sensations et des situations pouvant rappeler le traumatisme ou ses circonstances. C’est
le syndrome d’évitement. On peut alors observer un détachement par rapport aux
autres, une « insensibilité de l’environnement » et un émoussement des affectes. Enfin,
il est décrit un syndrome d’hyperactivation (ou « hyperéveil ») neurovégétative lié à
une sensation, un sentiment exacerbé de menace permanente. La victime est alors
constamment sur le « qui-vive », hyper vigilante, irritable voire en colère (contre soi,

28
contre ses proches ou toutes autres personnes) et peut souffrir dans ce contexte
d’insomnies. Ce syndrome d’hyperactivation neurovégétative peut aboutir à des
troubles anxieux ou dépressifs et à des « idéations suicidaires ».
Selon les DSM :
- 5 symptômes de reviviscence et de répétition se manifestant par des souvenirs
de l’événement (images, pensées, perceptions) répétitifs et envahissants, des
rêves répétitifs, l’impression de revivre l’événement par le biais d’illusions,
d’hallucinations, de flash-back, un sentiment intense de détresse psychique lors
de l’exposition à des indices évoquant l’événement en cause, une réactivité
physiologique lors de l’exposition à des indices évoquant l’événement en cause.
- 7 symptômes d’évitement et d’émoussement de la réactivité générale marqués
par un effort pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations liés au
traumatisme, effort pour éviter les activités les endroits ou les personnes
éveillant des souvenirs du traumatisme, l’incapacité de se rappeler, la perte
d’intérêt pour des activités importantes, le sentiment de détachement ou de
devenir étranger par rapport aux autres, une incapacité à éprouver des
sentiments, le sentiment d’avenir « bouché ». Ce syndrome est scindé en deux
dans le DSM-V ; en 2 symptômes d’évitement et 7 symptômes d’altérations
cognitives et émotionnelles.
- 5 symptômes d’hyperréactivité neurovégétative (au nombre de 6 dans le DSM-
V), caractérisés par des troubles du sommeil (difficultés d’endormissement ou
sommeil interrompu), une irritabilité ou des accès de colère, des difficultés de
concentration, une hypervigilance, des réactions de sursaut exagérées.
Les symptômes durent plus d’un mois et « entrainent une souffrance significative
ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines
importants

3) Évolution

La CIM 10 évoque une possible chronicité mais la guérison reste la règle. En cas
de chronicité, pendant plusieurs années, on considère qu’il s’agit d’une modification
durable de la personnalité.

29
Pour le DSM, l’évolution peut être fluctuante. Le DSM-V y intègre les notions de
dépersonnalisation et de déréalisation.
Dans la littérature on retrouve des évolutions complexes qui seront détaillées
ultérieurement.

III. Épidémiologie :
Les études de prévalence du PTSD en population générale sont plutôt rares. On
retrouve essentiellement dans la littérature, des études de victimologie secondaire à
une catastrophe ou à un événement particulier ou pour une population bien ciblée
(comme les anciens combattants ou les femmes hispaniques victimes d’agressions aux
États-Unis).
A. Le traumatisme psychique et le PTSD dans la population générale
Selon une revue de la littérature de 2000 de A. Jolly (5), on constate que les taux
d’exposition aux traumatismes dans la population générale varient entre 16.3% et 89.6%
d’une étude à l’autre. Cet écart si important entre les études vient probablement de la
méthode de sélection de la population étudiée. Cette revue de la littérature permet de
pointer le fait que, face à un traumatisme, nous ne sommes pas égaux. En effet, on
constate qu’il y a des différences entre les deux sexes et entre les générations à la fois
pour l’exposition au traumatisme et pour le développement du PTSD. Ainsi, il est
observé que:
 Le nombre d’événements traumatiques par sujet, sur une vie entière, est en
moyenne de 4.8.
 L’événement le plus traumatisant est la mort subite d’un membre de la famille ou
d’un proche. Ensuite viennent pour plus de 15% de la population les catastrophes
naturelles, l’accident mettant en jeu la vie, l’agression physique, « l’exposition d’un
tiers » (sous entendu un être cher), le spectacle d’un préjudice grave ou d’un décès.
Pour moins de 15% de la population il s’agit de l’abus sexuel, l’agression physique à
l’âge adulte ou pendant l’enfance, la négligence parentale, les combats militaires.
Hormis les expériences de guerre ce sont les femmes qui font le plus souvent
l’expérience de ce type de traumatismes et pourtant elles sont moins exposées aux
traumatismes psychiques, en général, que les hommes.

30
 Le nombre d’événements traumatiques est plus élevé chez les plus jeunes. Évolution
des mœurs ou oubli des générations plus anciennes ?
 Les femmes sont plus vulnérables au PTSD que les hommes (5% pour les hommes et
11% pour les femmes). La prévalence du PTSD en population générale est en fonction
des études de 6 à 14%.
 Les événements les plus traumatisants (et qui génèrent le plus de PTSD) sont chez
l’homme le viol, le combat militaire, les négligences et les abus physiques dans
l’enfance. Alors que chez la femme ce sont surtout les abus physiques pendant
l’enfance, le viol, la menace armée, l’agression physique.
Cette revue de la littérature de A. Jolly date de 2000 et compare des articles qui
ont été publiés entre 1991 et 1998. Il faut donc aborder ces résultats en prenant du
recul, car le monde a évolué depuis avec les attentats terroristes qui se multiplient un
peu partout dans le monde, déportant ainsi les champs de batailles au cœur des cités et
suscitant une certaine angoisse, un stress qui perdure dans le temps au sein de certaines
populations civiles. Il faut également prendre en compte le nombre de catastrophes
naturelles qui ne cesse d’augmenter (il a triplé depuis 1960) (20). De plus, sur l’ensemble
des articles, un seul avait pour référence le DSM-IV et certains ont utilisé des échelles
diagnostiques non validées. Cependant, ce qui est intéressant à retenir ce sont les
différences observées entre les sexes et les générations, bien qu’on puisse se
questionner sur la notion de vulnérabilité. En effet, la vulnérabilité au PTSD est-elle
synonyme de sensibilité accrue au traumatisme, lequel est inégalement réparti dans la
société?
En Europe, la principale étude de prévalence sur les troubles mentaux (dont fait partie le
PTSD), date de 2004 et a été menée par l’ESEMeD. Les pays concernés sont la France, la
Belgique, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et les Pays Bas. On y objectivait une prévalence
du PTSD de 1.9% sur l’ensemble de la vie alors qu’elle est de 3.5% au cours des douze
derniers mois.(21)
Selon la National comorbidity Survey, la proportion de sujets impliqués dans un
événement traumatique est de 60.7% pour les hommes et de 51.2% pour les femmes.
La prévalence de PTSD dans cette étude de 2005 en population générale est de 6.8% au
cours de la vie(22).
Il existe une étude française publiée en 2008 (1), sur la prévalence des troubles
psychosomatiques en population générale. Elle a inclus 36 000 personnes et a permis
31
d’avoir une idée de la prévalence instantanée du PTSD avec la nomenclature
européenne.
Par rapport à l’exposition sur une vie entière, 30% des personnes sont exposées à un
événement potentiellement traumatique, 10% à des événements traumatogènes et ont
connu des phénomènes de reviviscence, 5% ont un psychotraumatisme et développent
un PTSD par la suite. La prévalence instantanée est de 0.7% dans l’échantillon étudié. Il y
a peu de différences entre les hommes et les femmes puisque parmi les personnes
atteintes il y a 45% d’hommes et 55% de femmes. Certains facteurs de vulnérabilité
apparaissent également dans cette étude tels que l’âge (les personnes présentant un
PTSD sont plus jeunes), le statut marital (elles sont le plus souvent célibataires), le
niveau socio-économique et culturel (qui est généralement plus faible et les sujets font
souvent partie d’une minorité ethnique), le culte religieux (ils étaient moins souvent
croyants). Concernant les comorbidités, la comorbidité psychiatrique est plus
importante dans le groupe souffrant de PTSD complet par rapport à ceux ne présentant
que certains symptômes du PTSD. Plus le retentissement du traumatisme initial est
élevé, plus les comorbidités sont importantes. On observe parmi ces comorbidités les
troubles anxieux, les troubles thymiques et les conduites addictives. Concernant le
recours aux soins, il y a une nette augmentation de la consommation de biens et
services médicaux. Ainsi les personnes ayant un PTSD éprouvent deux fois plus la
sensation d’être malade que celles ayant eu un traumatisme psychique sans PTSD. Ils
ont plus souvent recours à des traitements médicamenteux, à la psychothérapie et à
l’hospitalisation. Tous ceux présentant un PTSD, se sentaient gênés « dans leur relation
avec les autres ». La différence de taux de prévalence entre cette étude et les
précédentes peut s’expliquer de plusieurs façons. Le mode de recrutement se faisait
dans cette étude en sélectionnant des personnes dans la rue. Or les patients souffrant
de PTSD présentent des symptômes d’évitement. De fait, ils éviteront toutes rencontres
au cours desquelles sera évoqué leur traumatisme passé. Il peut donc y avoir un biais de
sélection entrainant une sous estimation de la prévalence. De plus, dans cette étude, les
critères diagnostiques sont différents. Ainsi le traumatisme n’était validé dans cette
étude que si la victime le subissait directement.

32
B. Le traumatisme psychique et le PTSD chez les personnes âgées
1) Généralités

Les données épidémiologiques faites à partir d’études bien menées sur la


prévalence du PTSD chez les personnes âgées sont assez rares voire inexistantes entre
2005 et 2015 en France et dans le Monde et celles qui existent affichent des taux
discordants. Quelles en sont les raisons ?
De façon générale, faire une étude chez la personne âgée rebute et l’âge avancé
est souvent un critère d’exclusion.
Selon d’anciennes croyances, les personnes âgées sont moins exposées au
traumatisme psychique, elles sont moins sensibles aux symptômes du PTSD et le PTSD
guérit avec l’âge.
Les résultats discordants s’expliquent par le fait que d’une région à l’autre, les
sujets ont vécu des événements différents et pour le même événement le vécu n’est pas
semblable selon certains facteurs environnementaux. Enfin, il existe des facteurs
propres aux personnes âgées (biais de mémoire et d’information, comorbidités et
facteurs de confusion) et propres aux études (concernant la façon de recruter les
patients, la taille des échantillons, la méthode d’évaluation) que nous verrons plus en
détail ultérieurement.
A noter que les chiffres retrouvés dans la littérature reflètent la prévalence des
patients souffrants de PTSD selon l’ancienne définition du DSM-IV. Il n’y a pas à l’heure
actuelle d’étude épidémiologique selon la nouvelle définition du DSM-V ou selon la CIM
10.
Une autre difficulté rencontrée pour comparer les études et donc les résultats
c’est l’inhomogénéité concernant la définition de « la personne âgée » dans différents
pays. A partir de quel âge est on considéré comme « vieux » ?

2) Le traumatisme psychique chez le sujet âgé.

Nous avons précédemment abordé la notion de traumatisme psychique à travers


les époques et vu sa définition dans le DSM et la CIM. Cependant, le traumatisme à t’il
un âge ? En d’autres mots, il y a-t-il des spécificités liées à l’âge qui pourraient faire
penser qu’il existe des traumatismes propres aux personnes âgées ?

33
De part sa fragilité et son âge, une personne âgée peut être exposée à de
nombreux traumatismes et a conscience de sa plus grande proximité avec la mort.
Cependant, il faut différentier l’événement traumatique des « traumatismes de l’âge »
qui sont des situations inhérentes au vieillissement (institutionnalisation, perte
d’autonomie, deuils…) (23).
L’ancienne définition du traumatisme selon le DSM-IV était sans équivoque. Le
traumatisme devait s’accompagner d’un sentiment de peur intense, d’impuissance,
d’effroi. Selon Crocq, ces symptômes sont générés parce que les barrières de protection
de l’appareil psychique ont cédé et que le sujet a « rencontré la mort au-delà de toute
représentation»(23).
Selon le DSM-V, il n’est plus besoin de décrire une peur intense, un sentiment
d’impuissance, un sentiment d’horreur pour caractériser un traumatisme psychique
potentiellement lié à un PTSD. La frontière devient donc plus floue entre le
traumatisme de l’âge et le traumatisme de l’âgé. Exemple que l’on voit
quotidiennement dans les hôpitaux : des personnes âgées isolées, sans famille, en perte
d’autonomie, ayant des troubles cognitifs modérés et qui sont admises aux urgences
parce qu’elles ont chuté et sont restées au sol pendant plusieurs heures. Peut-on parler
de traumatisme psychique ? Et si oui, par quel mécanisme ? La chute ?
L’hospitalisation ? L’institutionnalisation qui risque d’en découler ? Et si cette même
personne a, à cause de cette chute et du terrain cognitif particulier, un syndrome post
chute, qui par bien des aspects est une forme d’évitement que l’on active à chaque fois
que l’on tente de la reverticaliser et qui lui font revivre le traumatisme initial ? On
retrouve d’ailleurs dans la littérature récente, que certains auteurs considèrent que le
syndrome post-chute est une forme de PTSD (24).
La « chute », qui est un événement si fréquent chez les personnes âgées, comme
beaucoup d’autres traumatismes de l’âge peut donc, en fonction de certaines situations
et du vécu, générer un traumatisme psychique de l’âgé.
L’exposition au traumatisme serait plus importante chez les personnes âgées à
cause de plusieurs facteurs de vulnérabilité. On retrouve comme facteurs de
vulnérabilité, la perte d’autonomie, le décès récent d’un proche, l’incontinence,
l’isolement,… (23)

34
De plus, les personnes âgées de part leur dépendance et leur fragilité physique et
psychique, peuvent être victimes de maltraitance, de négligences, d’abus de confiance,
de vol à la tire, de cambriolage voire même d’agressions sexuelles (25).
Enfin, n’oublions pas les pathologies organiques qui, à cet âge, peuvent menacer
le pronostic vital.

3) Le PTSD chez le sujet âgé.

Avec l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de personnes âgées


augmente constamment. Or, il est impossible pour l’instant de diminuer leur
vulnérabilité ou de leur garantir une bonne qualité de vie pour ces années gagnées. Les
prévisions démographiques pour les années à venir sont alarmantes. Le PTSD augmente
la consommation de biens et services de santé dans la population générale.
Chez la personne âgée, la plainte est le plus souvent somatique et les personnes
souffrant de PTSD errent parfois pendant des années avec une souffrance psychique
ignorée et non traitée. Il est donc primordial de le dépister et de le prendre en charge de
façon précoce chez les personnes âgées pour le bien être individuel et collectif.
Cependant, les travaux sont assez rares et contradictoires. En étudiant la survenue de
PTSD à un temps T d’un événement aigu (temps différent d’une étude à l’autre et allant
généralement de 3 mois à 2 ans), il a été constaté, dans certaines études, qu’il existait
une différence entre la prévalence du PTSD chez les adultes et celle des personnes plus
âgées. Cette dernière serait plus faible. Dans d’autres études, cette prévalence est
identique quelque soit l’âge. Il y a de nombreuses théories sur la cognition, le
développement mental… pour tenter de démontrer que le PTSD est moins fréquent ou
moins intense chez la personne âgée. Mais les résultats des études ne sont pas
concordants.
La première étude publiée sur la prévalence du PTSD chez les personnes âgées date de
2003. Elle objective un taux de prévalence à 6 mois de 0.9% (26).
Dans l’étude américaine de Kessler de 2005 (22), on retrouve une différence de
prévalence entre les différentes générations. Ainsi la prévalence maximale de PTSD
serait dans la tranche d’âge des 45-50ans.

35
Pourtant, selon certains travaux comme ceux de Clément et Charles (23), les personnes
âgées seraient plus exposées aux événements traumatiques et il n’y a pas de différence
sur le retentissement psychotraumatique en fonction de l’âge.
Cependant, aucune de ces travaux n’a pu démontrer de façon objective que les
personnes âgées étaient différemment exposées à des traumatismes psychiques par
rapport à la population générale.
Parallèlement, avec l’âge, le PTSD revêt une forme toute particulière avec
vraisemblablement, une diminution des symptômes spécifiques tels que les
reviviscences et une augmentation des symptômes relatifs à l’hyper vigilance et aux
mécanismes d’évitement. A contrario apparition de symptômes non spécifiques comme
l’asthénie, le fléchissement thymique, l’usage de substances psychoactives. Or, ces
symptômes aspécifiques correspondent ou sont associés à des troubles et des plaintes
fréquemment retrouvés chez la personne âgée et qui sont quasiment intégrés comme
normes du vieillissement. Il s’agit par exemple : des troubles du sommeil, du
ralentissement psychomoteur, de l’isolement et des conduites d’évitement, de l’anxiété
chronique…
On retrouve dans la littérature également la notion de PTSD incomplet ou sub-
syndromique pour lequel les auteurs admettent des patients ayant vécu un événement
traumatique mais dont les symptômes ne répondent pas aux critères imposés par le
DSM-IV. Cette entité pathologique et diagnostique est nettement plus fréquente que le
PTSD. Elle a le mérite de prendre en compte les personnes exclues arbitrairement parce
qu’elles ne répondent pas à tous les critères du DSM-IV. Ceci amène à la question d’une
évaluation, propre à la personne âgée.
Il est décrit certaines formes et évolutions du PTSD :
 PTSD de Novo. Se dit de la forme de PTSD se développant dans les suites d’un
traumatisme psychique subi après l’âge de 65ans (forme aigüe de la personne
âgée). Cela dépend de la capacité d’adaptation (« coping » de chacun face à un
événement potentiellement traumatisant.
 Le PTSD Chronique. Comme nous l’avons vu, le PTSD est ainsi définit quand il
dure plus de 3 mois. Selon certains auteurs comme Kessler, on observe une
apogée en phase aigüe après le traumatisme, puis une diminution de l’intensité
des symptômes au cours de la vie et enfin une recrudescence à l’âge de la
retraite. Selon cette théorie, des situations liées au vieillissement exacerbent les
36
symptômes du PTSD. Pour d’autres auteurs (23), la chronicisation du PTSD chez
les personnes âgées est favorisée par l’accumulation de traumatismes et de
situations de stress tout au long de la vie. Les comorbidités somatiques ont un
impact considérable dans cette forme car il y a un entrainement mutuel entre
cette entité psychique et l’entité somatique (constituée par les maladies
organiques chroniques).
 Le PTSD Tardif. Il est évoqué quand il existe une phase de latence
« paucisymptomatique » de 6 mois après l’événement traumatique. Les
symptômes du PTSD peuvent alors apparaitre à l’occasion d’une pathologie
organique ou d’un autre traumatisme apparemment beaucoup moins intense
que la première. Le nouveau traumatisme fait alors « écho » au traumatisme
initial et engendre une symptomatologie anxieuse qui pourrait s’apparenter à un
« processus de réappropriation du passé » selon Caleca (27). Cela rejoint la
théorie de P. Janet sur le « corps étranger » ou celle de Briole (28) sur la notion
de cicatrice laissée par le traumatisme initial, constamment réouverte par
d’autres traumatismes au cours de la vie. Ces nouveaux traumatismes sont à
classer en deux groupes (selon clément et Charles (23)) ; les événements
« répétant les circonstances de la rencontre traumatique » que nous pourrions
alors considérer comme des facteurs intrinsèques au traumatisme initial et les
événements à « l’origine d’une perte de l’étayage » équivalents à des facteurs ou
conditions extrinsèques (deuils, institutionnalisation, perte d’autonomie).
 Le PTSD Complexe. Il est ainsi nommé quand s’y associent troubles du
comportement, trouble émotionnel, troubles somatoformes et altération
cognitive. Cette forme serait plus fréquente chez les victimes ayant subi des
traumatismes répétés, le plus souvent sexuels, dans leur enfance ou pendant
l’adolescence. On l’observe également chez les personnes âgées ayant vécu dans
les camps de concentration ou ayant été exposées de façon répétée et/ou
prolongée à des scènes de violence (torture, maltraitance…).

Enfin, on retrouve dans la littérature le lien entre le PTSD et la cognition. Les


performances cognitives diminuent avec l’âge. Ceci a pour conséquence d’affaiblir les
capacités d’adaptation et de rendre le sujet plus vulnérable. Cette vulnérabilité fait le lit
du PTSD (de novo ou retardé). Réciproquement, le PTSD participe à l’affaiblissement des
37
performances cognitives. Dans près de 80% des cas un état de stress aigu ou chronique
précède l’apparition des troubles démentiels. Cette relation entre le PTSD et la
Démence est appuyée dans l’étude de Clément sur « la relation entre événements de
vie, traumatisme et démence » (29).

Le PTSD souffre donc vraisemblablement d’une sous estimation chez les


personnes âgées. Les autres causes de cette sous estimation sont plutôt d’ordre
culturelles. Les personnes âgées ont moins l’habitude de se plaindre de troubles
mentaux et psychiques que les plus jeunes.
Il est donc important de poursuivre le travail de recherche en particulier en
épidémiologie d’autant plus qu’aucune de ces études faites jusqu’ici n’a utilisé les
nouveaux critères du DSM-V pour affirmer ou infirmer le diagnostic de PTSD. Rappelons
également qu’il n’existe à ce jour aucune échelle d’évaluation validée pour les
personnes âgées en France.

38
Partie 2 : Support cognitif et neuro-biologique de l’état de
stress post traumatique chez la personne âgée

39
I. Support cognitif : le processus de mémorisation
Il est difficile de parler de PTSD et de ses symptômes, dont le plus marquant est
la reviviscence des faits, sans parler de la « mémoire » et du processus de mémorisation.

« La mémoire est cette aptitude qui, parce qu’elle permet le souvenir, permet du
même coup à tout être humain de se reconnaître dans un présent qui est le produit de
son histoire et la racine de son avenir. L’élaboration identitaire de chaque être humain
est bien la résultante de la cascade d’évènements survenus depuis sa naissance
comme l’édification d’un savoir-faire et d’un savoir ». Roger GIL (30)

Avant d’aborder le processus de mémorisation lié au stress et entrant en jeu


dans le PTSD, voyons la mémoire et le processus de mémorisation physiologique.

A. Les mémoires
Bien plus qu’une capacité de se souvenir, la mémoire est un des éléments de la
cognition nous permettant d’acquérir, de stocker puis de restituer à la demande, des
informations. Il existe différents types ou systèmes de mémoire (31) dont les supports
neuronaux sont distincts et que l’on distingue par leur contenu, par les modalités
d’enregistrement et par la durée de rétention de l’information.
Ainsi on distingue :
La mémoire à court terme qui correspond à un système de stockage passif et qui ne
permet de garder une quantité limitée d’information que pendant quelques secondes à
quelques minutes. On y retrouve la mémoire de travail. Elle est sensible aux
interférences et dépend donc de l’attention.
La mémoire à long terme qui permet de stocker une information pendant quelques
minutes à quelques années. Selon Squire L. R. (32), on y distingue :
- la mémoire déclarative ou verbale, explicite (savoir que), dont la récupération est
consciente et intentionnelle. Elle se compose de la mémoire épisodique (histoire
autobiographique chargée des repères temporo-spatiaux et émotionnel) et de la
mémoire sémantique (qui correspond au savoir, à la connaissance et à la culture et qui
est décontextualisée)

40
- la mémoire non déclarative ou implicite (savoir comment), qui permet de faire du vélo
ou lacer ses chaussures sans que l’on puisse l’expliquer à autrui. C’est la mémoire
procédurale ou mémoire des automatismes.
A cette classification, on peut y rajouter :
- la mémoire perceptive. Systèmes permettant d’améliorer la perception. Ils sont
impliqués dans le stockage à long terme de la forme et de la structure du stimulus
(indépendamment de sa signification). C’est elle qui permet de se souvenir des voix, des
visages, des lieux.
- la mémoire prospective qui vise à se rappeler de tâches ou actions à réaliser dans le
futur (un rendez-vous chez le médecin, aller faire ses courses…). Elle serait un sous
ensemble de la mémoire épisodique.

B. Les différentes étapes de la mémorisation


La mémorisation est un processus complexe permettant de transformer une
information visuelle, auditive, tactile… perçue, en message nerveux qui peut être stocké
puis restitué au moment voulu. La qualité et l’intensité de ce message (et du souvenir)
dépendront de plusieurs facteurs dont le type et la qualité du stimulus (liée au bon
fonctionnement des organes des sens), la qualité du support (liée à l’intégrité de la
structure cérébrale et à son bon fonctionnement) et à des facteurs intrinsèques
(capacité d’attention, de concentration, état émotionnel) et des facteurs extrinsèques
ou environnementaux.
On distingue trois principales étapes :
- L’encodage. Est une phase de traitement de l’information permettant de transformer
un stimulus auditif, visuel ou autre en message nerveux, en une représentation mentale.
- La consolidation (ou stockage). Étape visant à classifier, emmagasiner. L’efficacité de
ce système est renforcée par la répétition de l’information. C’est le principe de
l’apprentissage. Elle est fortement influencée par la charge affective. Plus cette charge
affective est importante et meilleur sera le stockage.
- La récupération: qui permet de mobiliser ses souvenirs pour les restituer.

41
C. Mémoire et personnes âgées
Le vieillissement normal peut s’accompagner d’un déclin cognitif, cependant,
selon certains auteurs, le déclin mnésique serait plutôt dû à une diminution des
capacités attentionnelles et/ou à une altération de l’état psycho affectif, ou encore à la
baisse des capacités sensorielles (33)(34). Sans entrer dans le détail des pathologies
organiques et démentielles, il est observé, au cours du vieillissement normal de
nombreuses modifications concernant:
- l’anatomie du cerveau qui perd 2% de son volume (en particulier dans les régions
frontales et hippocampiques) tous les 10ans.(35)
- la vitesse de l’influx nerveux qui diminue de moitié.
- la baisse de concentration de neuromédiateurs et de leurs récepteurs. (36) (37)
Ces changements ont des répercussions sur les différents types de mémoire et la
cognition. A noter que parmi les autres éléments de la cognition, les capacités
d’attention et les fonctions exécutives (la planification, la flexibilité, l’inhibition…) sont
les premières concernées par ce déclin. Ceci participe à une diminution des capacités de
traitement de nouvelles informations (38).
La qualité du stimulus (incluant sa perception et son traitement) diminue donc
avec l’âge, mais on remarque également une réduction de l’ensemble des performances
mnésiques. Cette altération mnésique touche principalement la mémoire de travail et la
mémoire épisodique. Avec le temps, les détails de la mémoire épisodique se perdent et
la plupart des souvenirs épisodiques se transforment en connaissances générales (sorte
de sémantisation des souvenirs qui s’en trouvent décontextualisés) (39)(40).
La mémoire sémantique et la mémoire procédurale restent longtemps
épargnées. Mais même si le stock est intact, l’accès à ce stock est de plus en plus
difficile.

D. Mémoire et PTSD
Certains pensent qu’il existerait un autre type de mémoire : la mémoire
émotionnelle. Pour Barrois par exemple, il existe une voie mnésique différente des
autres et qui serait dédiée à la constitution de souvenirs traumatiques (ce qui diffère des
autres types de mémoire utiles à l’apprentissage) (41).

42
Le processus de mémorisation serait facilité et augmenté par les émotions qui
accroissent les facultés d’attention et seraient modulées par un système
neurobiologique spécifique au stress. Ce souvenir ainsi généré peut avoir une forte
connotation négative. Cependant du fait de son importance, il y a une sorte de
réactivation de l’information pour permettre sa consolidation. Toutefois, des
mécanismes d’inhibition seraient mis en jeu lors de l’encodage de ces informations et
l’accessibilité à ces souvenirs (à forte charge émotionnelle négative) diminuerait pour
empêcher qu’ils n’envahissent et ne perturbent la psyché. Le PTSD serait une perte des
capacités de contrôle et d’inhibition des ces souvenirs qui deviennent intrusifs (42).

II. Support neuro-anatomique


A. Support Neuro-anatomique de la mémoire.
Plusieurs régions cérébrales sont impliquées dans l’élaboration, le traitement, la
préservation des « souvenirs ». L’ensemble de ces structures, interconnectées entre
elles, forment le « centre de la mémoire ». (Cf annexe schéma 1 )
Grâce aux différentes observations faites, à la fois en psychologie expérimentale ou
encore chez des patients atteints de pathologies cérébrales et en imagerie
fonctionnelle, on dispose d’une cartographie des différentes structures entrant en jeu
dans la mobilisation des souvenirs et l’utilisation de la mémoire. Le processus de
mémorisation (notamment la consolidation), étant un procédé s’inscrivant dans la
durée, il est difficile à objectiver par l’imagerie. Ainsi, les différentes mémoires
emprunteraient des réseaux neuronaux à certaines régions précises du cerveau:
- la mémoire de travail résulterait de l’activité des lobes frontaux (en particulier le
cortex préfrontal) et pariétaux.
- la mémoire épisodique dépendrait de la face interne des lobes temporaux, de
l’hippocampe et du thalamus.
- la mémoire sémantique serait plutôt gérée par le néocortex et la partie antérieure
des lobes temporaux.
- la mémoire procédurale se localiserait au niveau du cervelet et des NGC (Noyaux
gris centraux), en particulier au niveau du striatum.
- la mémoire émotionnelle serait sous la dépendance de l’amygdale.

43
La mémorisation résulte de la plasticité synaptique (modification des connexions
entre neurones) et à la création d’un réseau spécifique de neurones. La consolidation
d’une information consisterait à activer régulièrement les réseaux neuronaux qui lui
sont propres (31).

B. Support neuro-anatomique des émotions.


1) L’amygdale.

L’amygdale est une structure anatomique essentielle se trouvant au centre du circuit


neuronal qui supporte les émotions comme la peur et la mémoire émotionnelle. Il
existerait une latéralisation hémisphérique des émotions. Mais à l’heure actuelle, cette
hypothèse est au stade de la théorie et nous nous intéresserons principalement aux
mécanismes et fonctionnement du circuit de la peur.
Il existe deux circuits de la peur (43): Une voie courte reliant directement le thalamus à
l’amygdale que l’on appelle la voie thalamo-amygdalienne et une voie longue dans
laquelle s’interpose le cortex qui est la voie thalamo-cortico-amygdalienne. Ses autres
afférences sont l’hippocampe et le cortex préfrontal. L’amygdale est au centre de ces
voies et permet d’apporter une réponse émotionnelle adaptée à un stimulus.
Pour mieux comprendre, reprenons l’exemple de F Ledoux(43) qui met en scène
un promeneur dans un bois qui aperçoit une image floue d’un objet au sol ressemblant
à un serpent. Le fait qu’il le perçoive comme pouvant être un serpent et donc comme
une menace est médié par la voie thalamo-amygdalienne qui génère une réaction
corporelle de peur (avant même que cette image ne soit réellement identifiée comme
étant un serpent). Parallèlement, le thalamus envoie un message, via la voie longue
(thalamo-cortico-amygdalienne), au cortex visuel pour un décryptage et une
confirmation de cette première information imprécise. L’image sera comparée au
contenu de la mémoire explicite (dont les supports sont, le cortex et l’hippocampe).
- S’il s’agit d’un serpent, le cortex renforce le message initial envoyé à l’amygdale et
celui-ci déclenche les manifestations corporelles de peur (fuite ou défense). Cette
réponse dépend des noyaux du système nerveux sympathique du tronc cérébral et
de l’hypothalamus (qui va être responsable de la sécrétion d’hormones de stress
par l’hypophyse). A cette réaction en réponse à la perception d’un danger, va se

44
créer également « l’expérience émotionnelle » via les efférences de l’amygdale vers
le cortex.
- Si au contraire, le cortex infirme l’existence du serpent et identifie un simple
morceau de bois, la fonction amygdalienne est freinée et les expressions
corporelles de peur sont alors interrompues.
L’amygdale est ainsi impliquée dans la réponse aux stimuli émotionnels qu’ils
soient positifs ou négatifs.

2) L’hippocampe.

Dans ce circuit des émotions, il permet l’apprentissage de la « dangerosité »


d’un objet, d’un être vivant, ou d’une situation. Il est responsable de l’encodage du
contexte et de la « recollection » (rappel des faits et des détails contextuels qui les
accompagnent) (44). Après un stress aigu, le « stressor » sera jugé comme étant
dangereux mais les éléments environnementaux (objets, situation, lieu) seront
également estampillés avec la même connotation. C’est la base du conditionnement
mais aussi du syndrome d’évitement dans le PTSD.
Les émotions facilitent donc l’encodage et la stabilisation des souvenirs.

III. Support neuroendocrinologique.


Il s’agit d’un champ d’étude pour mieux comprendre le PTSD et de façon
générale la réponse de l’organisme au stress à l’échelle moléculaire et cellulaire.

A. Au niveau endocrinien :
Lors d’un stress aigu, il y a libération de catécholamines (dopamine,
noradrénaline et adrénaline) au niveau du système nerveux central et périphérique pour
permettre, par la stimulation musculaire, une réponse de « fight or flight ». A côté de
cette réponse d’urgence au stress, il y a une stimulation au niveau de l’hypothalamus,
du cortex cérébral, de l’hippocampe qui va permettre de compléter cette réponse au
stress (45). Il y a donc activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, lors d’un
stress, conduisant à la libération de CRF qui va stimuler l’antéhypophyse (pour la
libération d’ACTH) et le cortex surrénalien (pour la libération de cortisol). Ce cortisol a
un rôle essentiel dans la régulation du métabolisme, dans la réponse immune… Le
45
cortisol, quand il est secrété, inhibe l’hippocampe mais, quand il l’est de façon très
importante et répété, il devient toxique sur les structures neuronales et provoque au
niveau hippocampique, une atrophie. Ce mécanisme est pour le moment inconnu, mais
la responsabilité est imputée au cortisol au vu du nombre de récepteurs
minéralocorticoïdes et glucocorticoïdes au niveau de l’hippocampe. Parallèlement,
l’augmentation des minéralocorticoïdes et des glucocorticoïdes est corrélée à une
diminution de l’efficience mnésique.
Il existe des facteurs environnementaux qui influencent la sécrétion de cortisol.
Ainsi, toujours dans le domaine animal, il a pu être mis en évidence que les petits qui
étaient séparés de leur mère à un moment critique de leur développement avaient tout
au long de leur vie une dysrégulation de leur système dopaminergique, une plus grande
sécrétion d’ACTH et de cortisol (en réponse à un stress) et une plus grande sensibilité
aux stress. Chez l’homme, il a été déterminé qu’une mauvaise qualité de soins
maternels dans l’enfance est un facteur prédictif d’une plus grande sensibilité au stress
et à une baisse de l’estime de soi(46). Or, on observe que ceux qui avaient un petit poids
de naissance et qui ont par la suite eu une mauvaise qualité de soins maternels étaient
plus à risque d’avoir un petit volume hippocampique. Il est intéressant de noter que le
poids de naissance dépend de plusieurs facteurs dont le stress prénatal qui peut être
responsable d’un retard de croissance intra utérin. Ce qu’il faut retenir de ces
expériences est que le volume hippocampique est très certainement déterminé tôt dans
la vie et que le petit volume hippocampique, qui est le plus souvent observé chez les
personnes ayant une faible estime d’eux et/ou qui vivent en permanence dans un état
de stress, peut tout aussi bien être soit la cause de cette fragilité, soit la conséquence.
A noter qu’il existe de nombreux facteurs limitant cette atrophie
hippocampique :
- l’hippocampe lui même qui, comme nous l’avons vu, inhibe l’axe hypothalamo-
hypophyso-surrénalien.
- les hormones sexuelles féminines (en particulier l’œstrogène), qui auraient un
rôle protecteur et empêcheraient toute agression au niveau des hippocampes
jusqu’à la ménopause. Ce rôle protecteur disparaitrait par la suite, rendant les
femmes, après la ménopause, aussi vulnérables que les hommes à une altération
du volume de leur hippocampe.

46
La question concernant le lien entre un petit volume hippocampique et la survenue d’un
PTSD est donc tout à fait légitime.

B. Au niveau neurobiologique :
Comme nous l’avons vu, de nombreuses structures cérébrales sont activées lors
d’un stress. La communication entre ces structures, la transmission des messages et la
mise en jeu de la plasticité synaptique dépendent de la libération de
neurotransmetteurs tels que le glutamate (ainsi qu’une protéine, la syntaxine qui va
amplifier la libération de glutamate). Cette activation multiple, va permettre d’évaluer la
situation dite dangereuse, de générer une réponse motrice adaptée et contribue à
l’encodage mnésique de l’événement. Cette hyperactivation est inhibée par le
neurotransmetteur GABA.
La balance excitation/inhibition dépend de certains systèmes. La dopamine par
exemple, module la réponse motrice corticale alors que la noradrénaline et la
sérotonine agissent sur la perception du stress et sur les processus mnésiques. La
noradrénaline (qui permet l’encodage émotionnel et la consolidation mnésique), a un
rôle essentiel au niveau du locus coeruleus et intervient dans le niveau d’alerte, la
vigilance, l’attention et la réponse cardiovasculaire à un stimulus menaçant.
Les études chez les animaux ont permis de mettre en évidence une activité
neuronale au niveau du système limbique (dont fait parti l’hippocampe) au bout de 30 à
60 minutes après un stress. Les structures du système limbique interagissent avec l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien de différentes façons. Ainsi l’amygdale aurait
plutôt une fonction excitatrice alors que l’hippocampe serait plutôt inhibiteur.
Ainsi, la réaction neurobiologique à un stress aigu n’est pas la même que celle
répondant à une situation de stress chronique(47). (cf schéma 2 en annexe)

C. Au niveau bio-moléculaire :
Il a été constaté que les patients ayant des antécédents psychiatriques avaient
de nombreuses affections somatiques et une mortalité prématurée faisant suspecter un
vieillissement biologique accéléré. La longueur des télomères étant un bon marqueur de
ce vieillissement biologique, certains chercheurs se sont intéressés à leur
raccourcissement dans certaines cellules comme les leucocytes chez les patients atteints

47
de troubles psychiatriques (dont le PTSD). À noter qu’en situation de stress, il y a,
comme nous l’avons déjà vu, libération de cortisol et que ce cortisol est toxique même à
l’échelle de l’ADN(48). Certaines études ont pu mettre en évidence un raccourcissement
significatif des télomères chez les patients atteints de PTSD. Cependant, il convient de
rester prudent quant aux conclusions que l’on pourrait y apporter, car comme nous
l’avons vu précédemment, le PTSD peut être favorisé par un stress chronique survenant
au début du développement. On peut donc penser que ce stress initial soit responsable
du vieillissement biologique accéléré.

48
Partie 3 : Exploitation des données

49
I. Méthodologie
A. Méthode de sélection des articles
La bibliographique a été faite à partir de plusieurs moteurs de recherches comme
Springer, Medline, science direct, la base de données Cochrane. Utilisation des termes
MeSH : elderly et PTSD ou « post traumatic stress » dans le titre, l’abstract et/ou les
mots clés. Les termes « aging », « aged », n’ont pas été utilisés car trop vague et non
discriminants. Exemple, des articles traitant du PTSD chez les adultes d’âge moyen
traduits « middle aged », ou des articles sur les cas de violence chez les enfants qui
développent des troubles de la personnalité et autres troubles psychiatriques
vieillissants traduits par « aging ». Les termes ont été recherchés dans le titre, le résumé,
les mots clés des articles, MeSH major topic. N’ont été retenus que les articles en anglais
ou en français publiés ces dix dernières années.

B. Méthode de sélection des cas.


Les patients sont sélectionnés lors de leur passage dans la filière gériatrique
(c'est-à-dire court séjour gériatrique, soins de suite et consultation mémoire) de
l’hôpital de Cholet entre les mois de janvier et septembre 2015. Les patients ont été
orientés et présélectionnés s’ils manifestaient spontanément aux praticiens et autres
personnes de l’équipe médicale ou à la psychologue du service de gériatrie des
symptômes d’hyper activité neurovégétative (troubles du sommeil, hypervigilance…),
des symptômes d’intrusion (reviviscences, cauchemars récurrents,…), des symptômes
évoquant un évitement ou des symptômes de stress, de dépression, secondaires à un
épisode aigu de leur vie. Les critères d’inclusion : hommes ou femmes de plus de 65 ans
ayant été exposés au cours de leur vie à des événements qu’ils jugent suffisamment
traumatisants pour avoir ou avoir eu des répercussions sur leur vie, dans le domaine
familial, social, professionnel ou tout autre domaine inhérent à leur fonctionnement. Les
critères d’exclusion étaient l’âge (moins de 65 ans) et l’incapacité de retracer les
éléments biographiques à cause de troubles mnésiques importants (que ce soit dans le
cadre d’une pathologie psychiatrique ou démentielle). Les sujets ayant accepté de
participer à l’étude ont tous signé une feuille de consentement et ils ont tous été reçus
en entretien individuel. En plus de cet entrevu, les sujets ont tous rempli un
questionnaire d’évaluation du PTSD (la PCL) et de la mémoire (avec un MMS). Sur
50
l’ensemble de cette période, 7 sujets répondaient aux critères d’inclusion. 3 sujets ont
été sélectionnés et 4 sujets ont été exclus. Absence de consentement pour 3 sujets et un
des sujets présentait un syndrome confusionnel ne permettant pas de retracer les
éléments de sa biographique.

II. Les résultats.


A. État des lieux de la recherche sur le PTSD chez les personnes âgées.
Sur springer :
46 560 résultats sur PTSD ou « post traumatic stress ».
9388 résultats avec elderly mais aucun article.
Sur medline :
27 295 articles pour PTSD ou Post traumatic stress dans mesh major topic et title.
21 articles avec PTSD et elderly et 12 articles avec Post traumatic stress et elderly
diminués à 21 sur ses 10 dernières années (dont 1 retrouvé dans la base de science
direct).
Sur science direct:
6 798 articles sur PTSD ou « post traumatic stress » dans le « title, abstract et
keywords ».
43 articles pour PTSD et Elderly et 26 articles pour Post traumatic stress et elderly.
Chiffre diminué après regroupement en se limitant à ces 10 dernières années, à 44.
Sur ces 44 articles, 4 sont de 2015 et 1 est en presse.
Sur le site de la cochrane :
9 053 articles pour PTSD ou « post traumatic stress » dans le titre, abstract et keywords.
4 articles avec elderly dinminués à 3 pour ses 10 dernières années. Sur les 3 articles 2
étaient déjà retrouvés dans les bases de données de science direct et medline.

L’article faisant référence au PTSD et à la personne âgée le plus ancien date de


1994 « Sleep disorders in the elderly: Depression and post-traumatic stress disorder »
de José Guerrero, Marc-Antoine Crocq (49).

Le plus récent « Prevalence of Posttraumatic Stress Disorder in Aging Vietnam-


era Veterans: VA Cooperative Study #569, The Course and Consequences of

51
Posttraumatic Stress Disorder in Vietnam-era Veteran Twins » de Jack Goldberg et
al(50).

65 articles ont donc été retrouvés sur la période s’étendant de 2005 à nos jours.
Exclusion d’un article en allemand, de l’article le plus récent (car il ne s’agit pas de sa
version définitive), de cinq articles hors sujet, de cinq articles non spécifiques du PTSD,
de neuf articles non spécifiques de la personne âgée et d’un article que nous n’avons pu
obtenir. Au total, 43 articles ont été inclus.

La répartition des publications sur les 10 dernières années ne montre pas de


tendance particulière avec le temps, alors que le nombre d’articles sur le stress et le
PTSD en population générale augmente.

Tableau 1. Répartition des publications sur le PTSD et les personnes âgées entre 2005 et
2015

Sur les 43 articles sélectionnés, 5 étaient en rapport avec une catastrophe


naturelle contre 12 qui traitaient du PTSD chez des vétérans. Aucun article ne traitait
spécifiquement de catastrophe naturelle avant 2011.

Pourtant entre 2005 et 2011 le monde a connu quelques caprices de la nature


particulièrement meurtriers. On retiendra par exemple : L'ouragan Katrina en 2005 qui
ravagea le sud des États-Unis faisant 1 800 morts. Le typhon Ewiniar en 2006

52
provoquant des inondations catastrophiques en Corée du Nord faisant 54 700 morts. Ou
encore en 2008, le cyclone Nargis faisant plus de 138 000 morts en Birmanie, et le
tremblement de terre de Wenchuan et celui de Chine de magnitude 7,9 avec 87 149
morts. Le séisme à l’Aquila (Italie) en 2009, le Typhon de Morakot ayant touché les
philippines, Taiwan, le sud de la Chine en 2009, un tremblement de terre à Haïti ayant
fait plus de 220 000 morts en 2010, et un autre en Chine la même année dans la
province de Qinghai, et la tempête Xynthia ayant ravagé les cotes françaises en 2010.
N’oublions pas le séisme de 2011 ayant touché la côte pacifique du Tohoku (au Japon) et
ayant engendré l’accident nucléaire de Fukushima.

A noter également que sur la totalité des études sélectionnées, seulement 14 ont
mentionné un diagnostic de PTSD via une interview (physique ou téléphonique), alors
que 10 utilisaient exclusivement des échelles d’évaluation.

B. Diagnostic et prévalence du PTSD chez les sujets âgés.


Le PTSD est une souffrance psychique. Cependant, la souffrance physique est le
plus souvent placée au premier plan et constitue la plainte du patient consultant son
médecin généraliste. A l’inverse, suite à une souffrance physique une personne peut
développer un PTSD de Novo ou faire ressurgir des douleurs psychiques anciennes et
activer ou réactiver un PTSD latent. « Avec l’augmentation de l’espérance de vie et du
nombre de démences, la question clinique de l’état de stress post-traumatique chez la
personne âgée est un enjeu majeur de santé publique » (51). Cependant, il existe peu
d’études sur la relation entre le trauma, le PTSD et l’utilisation des soins de santé (52).
L’étude sur l’état de stress post-traumatique chez le sujet âgé de E. Charles (53)
comme celle sur le vieillissement traumatique de Y. Auxéméry (51) nous renseignent
sur la présentation clinique du PTSD mais aussi sur l’évolution et les comorbidités. Ce
qui est à retenir de l’étude de Y. Auxéméry est qu’il n’y a pas de différence par rapport à
la répercussion psycho traumatique en fonction de l’âge. Cependant, le PTSD revêt une
forme particulière chez les personnes âgées car il y a une diminution des reviviscences,
une augmentation de l’hypervigilance et des mécanismes d’évitement. Parallèlement, il
y a une augmentation des symptômes non spécifiques comme l’asthénie, le
fléchissement thymique, l’anxiété chronique. Dans l’étude de Bleich et al. (54) il est

53
retrouvé (de façon non significative) une prédominance de l’engourdissement
émotionnel et de la dépersonnalisation (dans le groupe d’âge des 64-74ans).
Contrairement à l’étude précédente, on retrouve (dans le groupe des plus de 74 ans)
davantage de troubles du sommeil, de souvenirs intrusifs, d’hypervigilance et moins de
symptômes d’évitement et de désengagement.
Il est difficile d’évaluer le PTSD chez la personne âgée car la présentation
clinique, les symptômes, l’évolution, ne sont pas identiques par rapport à ce que l’on
observe chez les plus jeunes. On constate que le taux de prévalence du PTSD chez la
personne âgée est plus faible et est probablement sous estimé à cause de la nature des
études (études rétrospectives avec leur contrainte mémorielle dans cette population
souffrant assez fréquemment de troubles de la mémoire) et à cause de la mortalité dans
cette population (qui est probablement plus élevé chez ceux qui ont un PTSD sévère).
Certains auteurs incriminent également les représentations et les mentalités de cohorte,
qui font que pour toute une génération, il est difficile d’avouer des difficultés d’ordre
psy de peur d’être catalogué comme « fou » (55).
Il existe de nombreux tests utilisés pour évaluer le PTSD dans la population
générale. Cependant ces tests ont été élaborés pour une population bien particulière
qui est celle des anciens combattants. Aucune échelle n’a été validée pour l’évaluation
du PTSD chez les personnes âgées civiles. Le gold standard reste donc l’entretien avec
un clinicien (ou CAPS pour « Clinician Administered PTSD Scale ») (56). Pourtant, on
retrouve dans de nombreuses enquêtes, différentes échelles pour diagnostiquer le PTSD
ou son intensité.
La prévalence du PTSD évaluée par le CAPS est estimé à 3.3% chez les séniors de
65 à 74 ans et de 10.1% chez ceux ayant entre 75 et 79 ans (56). Le « CAPS », bien que
plus sensible et plus spécifique que la plupart des échelles existantes est fortement
chronophage et couteux en opérateurs (or les professionnels aguerris au diagnostic du
PTSD sont peu nombreux).
Une seule étude sur les 43 évalue la sensibilité et la spécificité d’une échelle
d’évaluation chez la personne âgée. Cependant la population étudiée reste limitée aux
anciens combattants. Ainsi le PCL (« PTSD Check List ») a été étudié dans l’étude de
Yeager et al (56) en le comparant au CAPS dans différents groupes d’âges. Il ne permet
pas de confirmer le diagnostic mais indique la présence de symptômes évocateurs du
PTSD. Le PCL est une échelle qui évalue 17 symptômes du PTSD et chacun de ces 17
54
items est soumis à un score allant de 1 (pas du tout) à 5 (extrêmement) selon l’échelle
de Likert (56). Le score total va donc de 17 à 85. Dans la plupart des études, un score
seuil de 43 est retenu. Bien que le PCL n’ait pas la même sensibilité et spécificité selon
l’âge, le taux de concordance entre ce test et le CAPS était de 100%. On remarque que
plus le seuil et l’âge sont bas, plus la sensibilité est élevée et à contrario, plus le seuil et
l’âge sont élevés, plus la spécificité est grande. On retiendra pour les personnes de plus
de 65 ans, qu’un seuil à 24 correspond à une sensibilité à 76% et une spécificité à 80% ;
un seuil à 34 correspond à une sensibilité à 53% et une spécificité à 95% et un seuil à 43
correspond à une sensibilité à 35% et une spécificité à 98%.
Dans l’article de Schinka et al. (57) les auteurs nous rappellent la faille de ce test qui
n’intègre pas les critères A, E, F du DSM-IV, mais ils confirment que c’est bien la seule
échelle validée pour le moment dans l’étude du PTSD.
Les échelles d’évaluation existantes ne sont pas dénuées d’intérêt ! À priori
certaines pourraient être utilisées pour identifier des cas susceptibles de développer un
PTSD retardé. Exemple de l’article de Chen et al. (58) dans lequel il a été utilisé le « PTSD
Symptôm Scale Interview » ou PSS-I et où on retrouve un taux plus élevé de PTSD
retardé chez ceux ayant les scores les plus élevés. Dans le même ordre d’idée, le MMPI
permet le dépistage, le Mississipi PTSD scale permet d’évaluer la sévérité (55)
Certains articles s’affranchissent du DSM et des règles diagnostiques du PTSD.
Bien que non reconnue, une sous entité du PTSD est retrouvée dans ces articles et force
est de constater que cette forme incomplète a des conséquences non négligeables sur la
santé des victimes (que ce soit par rapport à leur qualité de vie ou par rapport à
l’émergence de comorbidités que l’on retrouve classiquement avec la forme complète
du PTSD). Ex de l’article de Glück et al. (59) qui a étudié le PTSD chez les personnes
âgées en Autriche et a comparé les traumatismes de guerre avec ceux pouvant survenir
sur une vie entière. Ils y décrivent une forme de PTSD avec des symptômes qui ne
répondent pas en totalité aux critères diagnostics du DSM IV mais que l’on rencontre
plus fréquemment hors contexte de guerre. 1 symptôme B et 1 symptôme C ou D
suffisent à en faire le diagnostic. En combinant ces deux formes de PTSD, on retrouve un
taux de prévalence de 11%. Comme pour la forme complète, cette entité sub-
syndromique ou incomplète se complique de dépression, d’anxiété voire de
somatisation, d’anxiété phobique, d’idéation paranoïaque et de psychose.

55
C. Traumatismes et facteurs favorisants
1) Le traumatisme initial

Il existe peu de données sur la prévalence de l’exposition au traumatisme et le


PTSD chez la personne âgée (en dehors des guerres et catastrophes naturelles). Une
enquête nationale Australienne (60) révèle qu’il y a une discordance entre l’exposition à
un traumatisme sur une vie entière et l’apparition d’un PTSD. Il y aurait aussi selon
l’étude une diminution de la prévalence dans les catégories d’âge plus élevées, quelque
soit le sexe. Cependant, la prévalence du traumatisme est différente selon le sexe. Les
auteurs ont constaté qu’il y avait chez les femmes une courbe en U inversé d’exposition
alors que pour les hommes cette courbe est linéaire sur toute une vie.
T. Selma (61) explique que le traumatisme n’a pas d’âge mais qu’il résonne de
manière différente en fonction de l’âge. Elle distingue deux types d’impacts
traumatiques. Le premier est direct et touche de façon spécifique la victime. Il y a
effraction de la psyché avec « expérience de sa propre finitude» et la « découverte des
limites de ses propres valeurs et adaptations ». Le deuxième, qu’elle nomme « par
ricochet » se transmet de proche en proche.

2) Après catastrophe

Les enquêtes après catastrophe sont très intéressantes dans le sens où elles renseignent
sur les populations ayant la même unité de temps et d’espace et qui ont partagé un
événement dont le vécu est quasiment le même. Elles offrent un autre regard
permettant d’identifier les facteurs favorisant l’apparition de symptômes du PTSD.

Les facteurs favorisant un PTSD après une catastrophe naturelle sont :


Pour l’étude de Kun et al. (62), l’appartenance à une minorité ethnique,
l’importance des dommages, le chômage ou l’absence de revenu, l’isolement social, « la
perte » (que ce soit d’un être cher ou de biens matériels). C’est d’ailleurs cette perte qui
serait le facteur de risque le plus important et qui influencerait le plus l’apparition de
PTSD.
Pour l’étude de Chen et al. Au décours du typhon de Marakot (63), les facteurs
de risque après ajustement étaient le fait d’être de sexe féminin, la délocalisation

56
(impliquant la perte de son foyer et de son toit), le sentiment d’avoir une moins bonne
santé et le décès d’un membre de la famille.
Pour l’étude de Zhang et al. (64), ce serait les antécédents de maladie, le sexe
féminin, l’âge (les personnes d'âge moyen et les personnes âgées) et l’appartenance à
une minorité ethnique. Dans ce même article, on différencie les facteurs de risque de
PTSD des facteurs altérant le vécu du traumatisme. Ainsi, le traumatisme lié au
tremblement de terre a été vécu comme « plus intense » pour les personnes qui ont
vécu un deuil, ont eu des blessures, ont subi une perte de biens et d'effets, une perte
de revenu, et ceux qui ont eu une peur initiale très intense. Ces personnes étaient plus
susceptibles également de présenter des symptômes du PTSD et la probabilité de
développer un PTSD était la plus forte chez elles. Il se dégage dans cet article des
facteurs de risque communs entre le PTSD et certaines comorbidités. Ainsi on retrouve
les blessures corporelles, la perte de moyens de subsistance, la peur initiale.
Pour l’étude de Ron (65) les symptômes de PTSD les plus importants ont été
retrouvés chez les personnes âgées et les femmes.
Les facteurs de risque les plus fréquents sont donc le sexe féminin, de faibles
conditions sociales, l’intensité du traumatisme. Dans une catastrophe naturelle, la perte
d’un être cher ou de son foyer est commune à quasiment tous les survivants. Ils ne
deviennent donc des facteurs de risque conséquents qu’après ajustement (64).

Les facteurs favorisant un PTSD chronique après une catastrophe naturelle sont :
Une dépression initiale (faisant suite au traumatisme), le jeune âge et le stress au
travail (58).
Pour l’étude de Zhang et al. (66) c’est principalement l’intensité de la peur au
moment du tremblement de terre. Un bon soutien social serait en revanche un facteur
protecteur.

Le facteur favorisant un PTSD retardé était le grand âge (58)

3) Après un conflit armé

Aux États-Unis, 25% des personnes âgées sont des anciens combattants (67). A
l’horizon 2020, 50% des anciens combattants auront plus de 65 ans. On estime qu’un

57
million de vétérans âgés ont vécu des symptômes de PTSD (55). Peut-être est-ce la
raison pour laquelle on retrouve plus d’articles traitant de PTSD chez les anciens
combattants. Pourtant, selon l’étude de Glaesmer et al.(68), il y a plus de traumatismes
et de PTSD liés à la vie civile que pendant la guerre (conclusion différente par rapport à
une autre étude du mêmes auteur (69)).
Dans une enquête sur le PTSD chez les anciens combattants menée par Frueh et al. (70),
on note que les anciens combattants de plus de 65 ans ont les taux d’exposition les plus
élevés aux combats (suivi des groupes de 45 à 64 ans puis le groupe des 18 à 44 ans). Il
n’y a pas de différence significative quant à l’exposition aux traumatismes vie entière
pour tous les âges. Concernant le PTSD, il y a une prédominance du PTSD chez les 45-64
ans (18.6%), suivi des 18-44ans (13.3%). Son taux n’est plus que de 6.3% chez les plus de
65 ans. Parallèlement on note une prédominance des troubles psychiques (autres que le
PTSD) chez les 45-64 ans, suivi des 18-44 ans. Et on dénombre plus d’incapacités liées au
service et plus de pensions d’invalidité chez les plus jeunes. Les personnes plus âgées
avaient une meilleure santé mentale. Concernant la santé physique, il n’y a pas de
différence significative entre les différents groupes d’âge.
L’enquête d’Owens et al. (55) nous confirme que le PTSD est plus fréquemment
retrouvé chez les plus jeunes mais que les plus âgés avaient des préoccupations plus
physiques. Dans cette même enquête, les auteurs étudient la prévalence du PTSD selon
la guerre car l’exposition au traumatisme et le vécu n’est pas identique d’un conflit à
l’autre. En effet, on constate que les vétérans de la guerre de Corée avaient un PTSD
plus « sévère » que ceux ayant eu l’expérience de la seconde guerre mondiale. En
comparaison, il y avait également plus de suicides chez ceux ayant fait la guerre de
Corée. Chez ceux qui ont fait la guerre du Vietnam, on note un fort sentiment de
culpabilité et un PTSD là encore plus sévère que chez ceux ayant fait la seconde guerre
mondiale.
L’équipe de Ruzich et al. (71) constate que les vétérans qui déclarent que le
combat était le pire événement traumatique de toute leur vie étaient plus à risque
d’avoir un PTSD avec des symptômes retardés et peu réversibles. Ce PTSD de forme
retardé survient en lien avec le vieillissement ou à l’occasion de la perte d’un être cher.
Ils font la distinction entre les anciens combattants qui ont eu des symptômes « post
combat » de ceux ayant eu des symptômes de PTSD mais qu’ils ont tenus au secret
malgré leur souffrance psychique (de peur d’être jugés ou parce qu’ils minimisent les
58
symptômes). Dans les deux cas, il y a une souffrance psychique et quelque soit son
origine elle doit être la préoccupation première des praticiens suivant les vétérans.
Chez ceux ayant été fait prisonniers de guerre, on constate que la prévalence du
PTSD dépend de l’âge au moment de la capture. Ceux qui étaient jeunes au moment de
la capture sont plus susceptibles de développer un PTSD.

4) PTSD en population générale

La prévalence du PTSD serait de 2.2% à 12 mois et de 3.9% au cours de la vie


(72). De nombreuses études estimaient que de faibles revenus étaient un facteur de
risque de PTSD. Dans l’étude de Glaesmer et al.(68) on note qu’en population générale,
la relation entre le facteur de risque et l’avènement du PTSD n’est pas toujours linéaire.
En effet, pour le facteur de risque « faible revenu », il y a une fourchette intermédiaire
qui serait plus à risque, à la fois d’être exposé à un traumatisme psychique et d’avoir un
PTSD (décrivant ainsi une courbe en U). Il s’agit des personnes touchant entre 1250 et
2500 €.
Toujours en population générale, l’article de Tsolaki et al. (73) différencie le vécu
et la représentativité de l’événement traumatique en fonction du sexe. Les événements
traumatiques les plus fréquemment signalés par les hommes étaient les accidents de la
route, les lésions cérébrales traumatiques et les difficultés financières, alors que chez les
femmes c’étaient la mort d'un membre de la famille, les changements de
l'environnement et la maladie d'un proche.

5) Après une chute

Une enquête sur le PTSD post chute (74), révèle que les facteurs prédictifs de
PTSD étaient l’intensité de la peur initiale, la capacité ou non à maintenir une posture
droite et la répétition des chutes. Un PTSD était retrouvé plus fréquemment chez les
plus jeunes. Les scores de PCL étaient plus élevés chez ceux qui avaient des antécédents
de chutes et ceux qui n’avaient pas pu se relever seul.

6) Après un décès

Le décès d’un proche aussi douloureux soit-il n’était pas reconnu dans le DSM-IV
comme étant un événement traumatisant pour entrainer un PTSD. De ce fait, il y a

59
relativement peu d’articles sur le PTSD après le décès d’un être cher alors que, comme
nous le verrons plus tard, le décès d’un proche est un facteur de risque de PTSD. Dans
deux études d’O’Connor et al. (75) (76), nous retrouvons des données sur le PTSD chez
les endeuillés. Dans la première, il est retrouvé une prévalence de PTSD chez les
endeuillés de 16% (contre 4% dans le groupe contrôle). Dans la deuxième, où les
auteurs ont fait une comparaison entre le PTSD et les symptômes du deuil pathologique
ou plutôt sur le « prolonged grief disorder » (ou PGD), on constate que les symptômes
du PGD sont liés à la détresse de séparation (préoccupations nostalgiques, sentiment de
vide) et à la détresse traumatique (difficulté à accepter le décès, colère et amertume
contre le décédé, difficulté de s’investir dans de nouvelles relations…). Or il y a une forte
corrélation entre anxiété de séparation et symptômes d’intrusion, d’évitement car pour
éviter de penser à l’être disparu, le sujet va éviter d’avoir des activités relatives au
défunt et une forte corrélation entre détresse traumatique et intrusion. Selon les
auteurs, la corrélation entre le PTSD et le PGD est si forte qu’il existe un chevauchement
entre les symptômes de ces deux entités. La prise en charge pourrait donc être
identique pour les deux. Dans une autre étude de O’Connor (77), les auteurs soulignent
le fait que chez certaines personnes, le décès de leur conjoint est l’élément le plus
stressant de leur vie et que le taux de mortalité était plus important chez les endeuillés.
Les facteurs prédictifs de PTSD dans ce contexte sont le faible réseau social (et ce même
si la famille est nombreuse), la brutalité de la survenue du décès (ou du moins la non
"prévisibilité" du décès), le fait d’être du sexe masculin, la peur de sa propre mort.

D. L’évolution du PTSD chez la personne âgée


Il existe différentes formes de PTSD qui sont fonction de l’évolution des
symptômes et de l’intervalle de temps entre leur apparition et l’exposition au
traumatisme psychique. Or, toutes les personnes soumises à un événement traumatique
ne développent pas de PTSD. Dans l’article de Montfort et Tréhel (78), on retrouve un
taux allant de 11 à 48% de personnes développant un PTSD après une exposition à un
événement traumatique. Il n'y a pas de lien entre l'intensité, la fréquence, la gravité de
l'événement et les troubles qu'ils induisent. Les auteurs exposent donc comment les
victimes « font face » (mettent donc des mécanismes de défenses) pour éviter
l’apparition d’un PTSD. Il y aurait deux théories principales sur la façon d’y faire face qui

60
s’opposent. La première est celle centrée sur le problème. L’effort psychique vise à
diminuer ou résoudre le problème. C’est la stratégie de « coping » actif (penser
positivement, réévaluer positivement le facteur de stress...). La deuxième est celle
centré sur les émotions. L’effort fourni vise à diminuer la détresse émotionnelle. Le sujet
met alors en place des stratégies d'évitement. Or, ceux adoptant cette stratégie
d'évitement sont plus à risque de développer le PTSD (la stratégie d’évitement étant liée
à un psycho traumatisme plus grave). En fait l'acceptation est la stratégie la plus
répandue. Après vient le « coping » actif, puis la reformulation positive, la planification,
la suppression des activités concurrentes, le désengagement par utilisation de substance
et la religion. Il y a donc plus une tendance à la résolution du problème qu'à celle visant
à diminuer la détresse émotionnelle.
Dans une enquête sur l’impact des attentats terroristes, chez les personnes
âgées, de Bleich et al. (54), on remarque que le mécanisme de « coping » le plus courant
est la recherche des êtres chers. Il existe également comme mécanisme, le
désengagement avec la consommation de tabac, d’alcool, de tranquillisants.
Le PTSD survient quand les facultés de « coping » du sujet sont dépassées. Cela
peut être comparé à la perception de gaz et on décrit trois phases (58):
La phase d’alarme (avec la focalisation de l’attention sur une situation menaçante), qui
correspond à l’événement traumatisant, la phase de résistance (avec la mobilisation des
capacités cognitives pour résoudre le problème) et la phase d’épuisement qui survient
quand le « stressor » est trop intense et/ou agit pendant trop longtemps et qui précède
donc les premiers symptômes du PTSD.
Dans une revue de la littérature, Hiskey et al. (79) émettent des hypothèses
quant à la survenue de PTSD retardé qui peut survenir à l’occasion d’un événement
somatique (différent et moins intense que le traumatisme initial). L’hypothèse de la
vulnérabilité selon laquelle un traumatisme grave laisse une blessure émotionnelle qui
rend le sujet psychologiquement plus sensible à une "adversité". Et l’hypothèse
"développementale" qui suggère quant à elle que les défis de la vie s'accumulent avec
l'âge et que les personnes âgées ont plus tendance à faire de la rétrospection (et moins
tendance à se projeter dans le futur). Le PTSD survient chez ceux qui n'arrivent pas à
interrompre leurs bouffées "mémorielles" et/ou à y faire face. Il s'agit en quelque sorte
d'un échec de répression.

61
Chez les anciens combattants, on retrouve un PTSD retardé quand il y a une
similitude entre la maladie et le stress du temps de guerre car ces événements peuvent
activer le sentiment de vulnérabilité lié au traumatisme initial(55).
L’enquête de Chen et al. (58) sur le PTSD, menée à 3 et 6 mois, au décours du
typhon de Morakot en 2009 à Taiwan, dans une minorité ethnique, renseigne que la
prévalence du PTSD diminue à distance de la catastrophe, passant ainsi de 29.2% (à 3
mois) à 15.9% (à 6 mois). 8% des personnes n’ayant aucun signe de détresse psychique
initiale ont développé un PTSD retardé. 26.6% évoluaient vers une rémission complète.
Par ailleurs, il y a une évolution croisée entre le PTSD et la dépression. Évolution vers
une dépression à 42,8% des cas, vers un PTSD associé à une dépression dans 28,6% des
cas. Alors que la prévalence du PTSD diminue, celle de la dépression augmente.

E. Les comorbidités
Certaines comorbidités sont si importantes qu’elles peuvent masquer les
symptômes de PTSD (et être responsables d’un sous diagnostic du PTSD). Les
symptômes du PTSD peuvent également être masqués par des pathologies liées à l’âge
telles que l’anxiété qui peut être associée à la démence (55). Dans 80% des cas, le PTSD
chez les anciens combattants est associé à une autre comorbidité (anxiété, dépression,
consommation d’alcool) (55). L’équipe de Ruzich et al. (71) constate que chez les
anciens combattants développant un PTSD tardif, il existe des symptômes autres que
ceux décrits pour le PTSD en population générale (Ex du stress psychosocial).
Les trois principales comorbidités en population générale sont la dépression,
l’anxiété et l’abus de substances.
Dans l’enquête de Zhang et al sur le tremblement de terre de Wenchuan (64) on
retrouve une corrélation entre PTSD, dépression et anxiété. La prévalence du PTSD était
de 26.3%, celle de l’anxiété était de 49.8% et celle de la dépression était de 49.6%. Le
PTSD, l'anxiété et la dépression ont des facteurs de risque communs comme le fait
d’être une femme, d’être une personne âgée, appartenir à une ethnie, la présence de
blessures physiques, la perte des revenus, et une peur initiale intense.

62
1) La dépression

Dans l’enquête de Chen et al. (58), on retrouve des facteurs de risque de


dépression retardée (le sexe féminin, le grand âge, l’altération de l'état de santé, la
solitude, la perte de l’emploi les difficultés financières et relationnelles) alors que le
principal facteur de risque de dépression chronique était d’être un homme.
La vulnérabilité des femmes à avoir un syndrome dépressif après un événement
traumatique est également retrouvée dans l’enquête de Zhang et al (64).
Le PTSD se complique donc très fréquemment d’une dépression. T. Selma (61)
explique pourquoi et comment le clinicien arrive à passer à côté du diagnostic de PTSD
dans les cas de dépression. Le clinicien se focalise sur les symptômes spécifiques de la
dépression qui sont parfois communs à ceux du PTSD. Le PTSD est d’autant plus ignoré
que le patient ne parle pas spontanément de souvenirs intrusifs ou de mécanismes
d’évitements.

2) L’anxiété

Elle est estimée à 30.5% alors que le PTSD est lui estimé à 26%, deux mois après
une chute selon l’enquête de Bloch et al (74). Après une chute il y a souvent des
difficultés de réadaptation. À ce tableau à priori plutôt moteur, s’ajoute un fardeau
psychologique (la perte de confiance, la diminution de sa propre estime et l’altération
de l’image corporelle, l’insécurité, la perte d’autonomie, la mise en place de processus
d’évitement).

3) Les troubles cognitifs

L’enquête de Y. Auxéméry (51) nous apprend que face à un événement


traumatique, chacun tente de faire barrage pour que le vécu de cet événement ne
génère pas un trop plein d’émotions susceptibles de dépasser les capacités d’absorption
de sa propre éponge psychique. Mais pour cela, il est impératif que les capacités
cognitives soient intègres car c’est grâce à elles que se développe le phénomène
« d’adaptation au stress » (on parle d’augmentation des « capacités de coping » quand
un précédent traumatisme a été surpassé). Cependant, les performances cognitives
diminuent avec l’âge. Ceci a pour conséquence d’affaiblir les capacités d’adaptation et
de rendre le sujet plus vulnérable. Cette vulnérabilité fait le lit du PTSD (de novo ou

63
retardé). Réciproquement, le PTSD participe à l’affaiblissement des performances
cognitives. Dans près de 80% des cas un état de stress aigu ou chronique précède
l’apparition des troubles démentiels. La survenue de troubles mnésiques qui touchent
préférentiellement les faits récents, provoquent une recrudescence des souvenirs
autobiographiques (par investissement personnel ou aidé par un tiers) avec le risque de
réactiver ou de voir ressurgir des souvenirs jusque là enfouis ou refoulés. Or, chez une
personne ayant perdu ses repères spatio-temporels, ce genre d’exercice intellectuel
peut devenir périlleux puisque ces souvenirs peuvent être vécus comme de nouveaux
événements pour lesquels il n’y a pas encore eu de résolution psychique et qui ont un
fort potentiel traumatogène.
Une méta-analyse de 11 articles (80) permet de mettre en exergue que les pires
performances cognitives étaient attribuées au groupe de personnes âgées souffrant de
PTSD (donnée confirmée dans l’étude de Yehuda et al. (81)). Il y a une diminution de
l’attention, une altération des capacités d’apprentissage chez les anciens combattants
ayant un PTSD par rapport à ceux qui n’en ont pas. Il y a un effet également sur la
mémoire mais seulement après ajustement. En revanche, il n’y a pas de différence chez
les victimes de catastrophes et ces différences entre groupe sain et groupe avec PTSD ne
sont pas retrouvées dans les populations plus jeunes. Il a été établi que les différences
entre les groupes peuvent être attribuées à de nombreux facteurs tels que l’âge au
moment de l’exposition, l’événement traumatique, la durée d’exposition, la nature ou le
type de traumatisme. Le PTSD chez les personnes âgées est associé à un risque accru de
voir se développer une démence en accélérant le vieillissement cognitif. Les troubles
cognitifs exacerbent les symptômes d’intrusion par diminution des capacités de
concentration. Or, ces intrusions incessantes nuisent aux capacités cognitives. Ce
dysfonctionnement psychique et cognitif s’auto-entretien. C’est pour cette raison que
l’on peut considérer que les déficits cognitifs sont à la fois facteurs de risque et
conséquences du PTSD.
L’étude de Tsolaki et al (73) montre que la plupart des personnes atteintes de
démence ont vécu un événement stressant d'une gravité exceptionnelle avant
l'apparition de la démence.
Quant à l’enquête de Goodman et al. (82) elle permet d’étudier les
détériorations neurocognitives chez les patients ayant une schizophrénie et de
comparer ceux qui ont un PTSD à ceux qui n’en n’ont pas. On remarque que dans le
64
groupe PTSD, il y a de moins bonnes performances sur la vitesse de traitement et
l'exploration visuelle, la mémoire de reconnaissance, et l'état mental général. Il y a une
plus grande sévérité des effets secondaires induits par les antipsychotiques (qui ne sont
pas associés à des différences dans les performances cognitives). Dans le groupe
témoin sans PTSD, il y a de meilleures performances pour les tests qui mesurent la
perception visuo-spatiale, la planification, les stratégies visuo-spatiales, les compétences
organisationnelles et de construction. Le PTSD peut donc contribuer à la gravité de la
déficience neurocognitive chez les patients schizophrènes chroniques âgés.
Le travail de Hasegawa (83), nous permet de faire le lien entre les
bouleversements neurobiologiques et les troubles cognitifs. Il est établi que la β
amyloïde peut supprimer la plasticité synaptique ou inhiber le « long-term
potentiation » qui est la base moléculaire de la mémoire. En période de stress, il y a
libération d’acide homocystéique qui va permettre transitoirement d’accumuler la β
amyloïde dans la cellule. Cela a donc pour effet d’améliorer la mémorisation en situation
de stress. Cependant, comme nous l’avons vu dans les articles précédents, les conditions
de stress chronique sont plutôt corrélées à un déclin cognitif ! En fait chez la personne
âgée, l’homocystéine augmente, ce qui va provoquer la production d’acide
homocystéique. Or, cet acide homocystéique va subir une hyperméthylation et
favoriser la production d’α synucleine. Sous l’effet de ces deux molécules la β amyloïde
a tendance à former des agrégats intra cellulaires nocifs pour la cellule et responsables
de son dysfonctionnement voire de sa mort. Cette mort cellulaire est donc responsable
du déclin cognitif.

4) PTSD et pathologies somatiques

Dans l’enquête de Y. Auxéméry (51), il est fait mention d’une « somatisation »


chez les patients souffrant de PTSD, qui devient la plainte principale et qui serait
responsable d’une errance diagnostique avec le risque d’une chronicisation du PTSD.
Cette somatisation induit une surconsommation des soins et services de santé. Chez les
personnes âgées, les symptômes de PTSD sont moins francs alors que des symptômes
aspécifiques comme la consommation de substances psychoactives deviennent
prépondérants.

65
Dans l’enquête de Glaesmer et al. sur la relation entre traumatisme, PTSD et
utilisation des soins de santé (68) dans laquelle étaient comparés 3 groupes, un groupe
de traumatisés avec PTSD, un groupe traumatisé sans PTSD et un groupe sans
traumatisme, il apparait qu’il n’y a pas de différence significative entre les différents
groupes sur l’utilisation globale des soins de santé. Par contre, les personnes ayant de
façon générale un traumatisme (avec ou sans PTSD) ont plus souvent recours aux
spécialistes, et à l’hospitalisation. Cependant, c’est dans le groupe sans traumatisme
qu’il y a le plus de visites chez le psychiatre. D’après cette équipe, le PTSD ne serait pas
directement responsable de l’augmentation des dépenses de santé. Il aurait plutôt le
rôle de médiateur en entrainant une fragilité de l’état de santé générale et donc une
morbidité physique. Indépendamment du fait que le traumatisme psychique soit au
cœur de la survenue et du diagnostic de PTSD. On observe des différences significatives
entre les sujets traumatisés et les non traumatisés par rapport à la survenue de
pathologies médicales comme l’HTA et les maladies cardiovasculaires, les maladies
cancéreuses, l’asthme, les douleurs rachidiennes, l’ostéoporose, les gênes gastriques,
des troubles thyroïdiens(68).
L’équipe de Van Zelst et al. (84) a elle aussi étudié l’impact du PTSD (forme
complète et incomplète) sur la consommation médicale et le degré de satisfaction des
soins médicaux. Notons que dans cette étude, la prévalence du PTSD (forme complète)
est de 2% dans l'échantillon étudié (ce qui représente 0.9% de la population du
Danemark) et la prévalence du PTSD (forme incomplète) est de 17% (soit 13% de la
population du Danemark). Il n'y a pas de différence entre les groupes selon l'âge, le
statut marital, l'urbanisation, l'éducation, mais les femmes sont les plus représentées
dans le groupe PTSD et PTSD sub-syndromique. En comparant les 3 groupes (PTSD, PTSD
sub-syndromique et sujet sain), on constate que les personnes avec PTSD ont le plus de
limitations fonctionnelles et de maladies chroniques et plus de jours d'incapacité. Les
seuils de significativité sont atteints, dans ce même groupe, pour le nombre de jours
restés au lit (incapacité et nombre de jours au lit sont deux entités de l'état général). Par
ailleurs, le groupe PTSD sub-syndromique a le plus d'activités mais a le réseau social le
moins étoffé. En somme, le groupe PTSD utilise plus de soins médicaux mais a une
perception ou un ressenti négatif vis à vis des soins prodigués.

66
5) Autres comorbidités anatomiques et biologique

Dans une étude sur le raccourcissement des télomères de Jergovic et al. (85), on
retrouve la notion de vieillissement biologique accéléré chez les personnes soumises à
un stress chronique. Mise en évidence de la réduction des CD8 et diminution de la
production spontanée de l’IL2 et IFNγ dans le groupe atteint d’un PTSD. Il y a donc une
diminution des fonctions immunitaires.
Yehuda et al.(81) mettent en évidence une diminution significative du volume
hippocampique gauche chez les sujets qui ont développé un PTSD qui fait écho aux
traumatismes de guerre. Dans la même enquête, est étudiée la différence d’excrétion
urinaire de cortisol. Il existe une différence significative d’excrétion urinaire du cortisol
entre le groupe avec et celui sans PTSD. On constate en effet une diminution de
l'excrétion urinaire dans le groupe des PTSD. Parallèlement, il est mis en évidence dans
le groupe des PTSD que ceux ayant des troubles de l'humeur ont une excrétion de
cortisone supérieure à ceux qui n'en ont pas. Enfin, il semble exister un lien entre l'âge
du premier traumatisme psychologique et la sensibilité des récepteurs glucocorticoïdes,
ce qui alimente la thèse de la vulnérabilité qui augmente la probabilité de développer un
PTSD après un traumatisme psychologique survenant plusieurs années après le
traumatisme initial.

F. Prise en charge du PTSD


Pour le traitement et la prise en charge du PTSD nous retrouvons :
Trois articles traitant spécifiquement de la thérapie cognitivo-comportementale
(TCC) et quatre articles évoquant son utilisation. Ce traitement qui est le traitement de
choix du PTSD jusqu’à nos jours, existe sous plusieurs formes. De façon générale, il s’agit
d’un procédé, qui est fondé sur un renforcement des connaissances sémantiques qui
permet de recontextualiser les pensées et les resynchroniser par rapport à la biographie
du sujet(51). De leur coté, Owens et al (55) retrouvent des bénéfices de la thérapie de
groupe assez mitigés. Peu d’efficacité de ce procédé sur les symptômes de façon
objective mais une sensation subjective d’effet positif décrite par les patients et une
amélioration des interactions sociales.
L’équipe de Thorp et al. (86) expose la thérapie d’exposition prolongée utilisée
pendant 6 semaines chez les anciens combattants ayant un PTSD. Les résultats de cette

67
thérapie sont plutôt encourageants car il y a une diminution significative des symptômes
du PTSD.
Clapp et Beck (87) présentent plusieurs types de TCC dont la thérapie
d’exposition (qui consiste à faire revivre l’événement par l’évocation des souvenirs via
une exposition contrôlée), la thérapie cognitive (qui vise à isoler les pensées
dysfonctionnelles) et la thérapie de groupe qui est tout à fait intéressante car elle
permet aux victimes de tisser des liens sociaux au sein du groupe.
L’étude d’un cas, un vétéran ayant un PTSD et ayant essayé plusieurs
thérapeutiques nous est rapporté par Markowitz (67). Ce patient qui avait des
symptômes d’évitement, de reviviscence/ intrusion, d’hyperactivité neurovégétative,
avec anxiété présentait également une histoire de dépression qui avait jalonnée son
existence. Il se plaignait également d’une baisse d’énergie, de sentiments de culpabilité
en lien avec le fait qu’il ait survécu à la guerre et pas ses camarades. Un traitement par
antidépresseur a été tenté mais en vain. Par la suite, dans sa prise en charge, il a pu
expérimenter une technique cognitivo-comportementale (l’exposition graduelle) qui a
été efficace. La TCC est une technique de choix dans l’arsenal thérapeutique du PTSD
d’autant plus quand la peur est l’émotion prédominante et que l’évitement est le
mécanisme d’adaptation primaire.
Deux articles sur le VRET. Étudié et utilisé dans les études de Bloch et al. (88) et
(89), cette technique qui a déjà fait ses preuves dans de nombreux cas de PTSD (post
AVP ou chez les anciens combattants), consiste à mettre le patient en situation ; en
l’exposant progressivement à une situation de stress similaire au traumatisme qu’il a
vécu initialement grâce à la réalité virtuelle. Ce procédé est actuellement testé chez les
personnes présentant un syndrome post chute qui, par bien des aspects peut être
assimilé aux symptômes du PTSD.
Un article sur l’EMDR (Eye movement desensitization and reprocessing).
Technique peu utilisée chez les personnes âgées car au-delà de 70 ans on considérait
qu’il y avait un déclin cognitif qui rendrait inefficace ce type de traitement. Or l’EMDR
est validé chez les personnes même en cas de déclin cognitif. On note dans l’étude de
Mikhailova (90) que les femmes âgées, ayant un PTSD, soumises à ce traitement ont
une diminution de l’anxiété, du nombre de plaintes somatiques et une amélioration de
leur sommeil.

68
Un article sur le témoignage vidéo, de Strous et al. (91), chez des patients
hospitalisés au long cours dans une unité de psychiatrie et ayant dans leur histoire de
vie vécu l’Holocauste, montre l’efficacité de cette technique sur les symptômes du PTSD
(que ce soit pour un PTSD complet ou pour une forme incomplète) et sur la sévérité des
symptômes d’évitement.
Un seul article, celui de Mohamed et Rosenheck (92), traite spécifiquement du
traitement médicamenteux et quatre articles évoquent ce même traitement.
Mohamed et Rosenheck partent du constat que les prescriptions (nombre et posologies)
de médicaments psychotropes diminuent avec l’âge et qu’il y avait une différence selon
que les patients étaient pris en charge initialement en cliniques spécialisées ou pas.
Ils ont donc étudié dans une population d’anciens combattants le taux d’utilisation des
psychotropes par molécules. Ainsi, ils ont pu relever une utilisation d’antidépresseurs à
88.3% (avec une préférence pour les ISRS à 84.8%), d’anxiolytique, hypnotique, sédatifs
à 61.2% et d’antipsychotiques à 32.9%. Il existe des facteurs orientant vers le choix
d’une molécule. Pour les antidépresseurs il s’agit de comorbidités psychiatriques (mis à
part le syndrome bipolaire et la schizophrénie), pour les anxiolytiques il s’agit des
troubles anxieux et la notion d’hospitalisation précédente en psy (alors que l’âge
constituait un facteur réducteur) et enfin pour les anti-psychotiques, il s’agit des
antécédents de schizophrénie (les chances de recevoir ce traitement étaient alors
multipliées par 11), des troubles bipolaires, mais aussi la maladie d’Alzheimer et autres
démences. La plus grande majorité des patients était traitée par un traitement
médicamenteux quand ils étaient pris en charge en « centre spécialisé en santé
mentale » Mais quelque soit la molécule utilisée ou le prescripteur, il y a une diminution
des prescriptions avec l’âge.
Owens et al. (55) décrivent une efficacité des IMAO et des imipraminiques chez
les jeunes sur les symptômes intrusifs mais absence de résultats concluant des ISRS chez
les vétérans. Auxéméry, quant à lui, propose un traitement médicamenteux par ISRS et
benzodiazépines, avec cependant une mise en garde quant à l’utilisation des
benzodiazépines qui peuvent provoquer une agitation paradoxale, une confusion, une
augmentation du risque de chutes, et la majoration des troubles cognitifs (51)
Selon certains articles tel que celui de Markowitz (67), on évoque la foi religieuse
qui serait une façon de transcender la souffrance personnelle.

69
G. Résultats de l’étude de cas (cf annexes)
1) Concernant le traumatisme.

Les trois sujets, estiment qu’ils ont été confrontés à des épisodes traumatisants.
Cependant, seules Mme R. (le cas n°1 qui a vécu une expérience dans laquelle sa vie a
été réellement et directement menacée et qu’elle a vécu comme telle) et Mme B. (le cas
n°2) qui a vécu un événement dans lequel la vie d’un être cher était menacée dans un
contexte d’impuissance voire d’effroi) répondent au traumatisme selon la définition du
DSM-IV. M.C., cas n°2, dit bien ne jamais avoir ressenti que sa vie ait été en danger. En
revanche ils répondent tous à cette définition du traumatisme selon le DSM V. Les
critères d’inclusion de La CIM 10 étant plus flous, il est difficile de pouvoir dire si le
diagnostic de PTSD est validé pour M.C., cas n°2.
Mme R (cas n°1) et M. C. (cas n°2), ont été les plus exposés et ce à plusieurs
reprises pendant toute leur vie. L’exposition aux traumatismes a commencé dans
l’enfance puisque tous deux ont été battus par leur père. Pour ces deux individus, les
traumatismes sont liés à leur condition sociale. On constate également que pour Mme
R.(cas n°1), le traumatisme initial ayant pu entrainer un PTSD s’est étalé dans le temps.
Mme R (cas n°1) a expérimenté les conséquences tragiques d’une véritable misère
sociale et a été maltraitée pendant toute son enfance. Le cas de M.C. (cas n°2) est assez
particulier car il rattache tous les événements de sa vie au traumatisme initial qu’il
identifie comme étant le départ d’Algérie et le fait de tout laisser derrière lui.
Mme B (le cas n°3) a eu trois traumatismes différents. Un lié à l’accident de
travail, un faisant suite au décès de son mari et enfin le dernier étant secondaire à sa
perte d’autonomie matérialisée par les chutes successives. Cependant, celui qu’elle
considère comme étant le plus important est le décès de son mari et celui qui semble
avoir le plus de répercussion aujourd’hui est celui lié aux chutes et à la perte
d’autonomie.

2) Concernant les symptômes du PTSD.

Tous les sujets ont décrit des symptômes d’hyperactivité neurovégétative.


Cependant Mme R (le cas n°1) n’avait à priori pas de symptômes en lien avec son
traumatisme.

70
Mme B (le cas n°3), n’a aucun symptôme de reviviscence. Elle présente des
symptômes de PTSD mais ils ne sont pas liés à un événement particulier. Exemple pour
la perte d’autonomie, elle fait des efforts pour éviter d’y penser. Quant aux symptômes
d’hyperactivation neuro-végétative, on ne peut dire à quel traumatisme il pourrait être
relié ou s’il s’agit bien d’une conséquence d’un des traumatismes. On peut
éventuellement considérer que la tentative de suicide est un événement majeur en lien
avec un élément important de sa biographie qui est à priori la perte d’autonomie, mais
qui pourrait aussi être secondaire à une dépression faisant écho au décès de son mari et
au fait qu’elle se retrouve seule, sans espoir, sans avenir, dans un contexte de perte
d’autonomie et de troubles mnésiques débutants.
M.C. (cas n°2), présente plusieurs des symptômes du PTSD selon le DSM-IV.
Les symptômes répertoriés par patients sont dans le tableau 3 dans l’annexe.

3) Concernant le diagnostic de PTSD

Selon les critères du DSM-IV, on ne retiendra le diagnostic de PTSD pour aucun


des 3 patients.
Mme R (Cas n°1) présente des signes d’hyperactivation neuro-végétative qui
semblent être plutôt liés à sa relation actuelle avec son mari qu’à un traumatisme.
S’agissant de M.C. (cas n°2), il ne remplit pas les conditions du critère A.
Quant à Mme B. (cas n°3), bien qu’il y ait une souffrance psychique évidente,
nous ne retenons pas le diagnostic de PTSD qui ne remplit les critères d’aucun modèle
d’évaluation (DSM ou CIM).
En revanche selon le DSM-V et plus ou moins la CIM 10, M.C. (cas n° 2) est
diagnostiqué comme ayant un état de stress post traumatique.

4) Concernant les comorbidités.

Troubles anxio-dépressifs :
Mme R (cas n°1) et M.C. (cas n°2) avaient tous les deux un traitement par
antidépresseur et benzodiazépine. Mme B (cas n°3) n’avait qu’un traitement par
benzodiazépines (ce qui peut paraitre paradoxal vu qu’elle était hospitalisée pour
tentative de suicide et souffrance psychique). Pour les trois sujets, les benzodiazépines
étaient plutôt prescrites pour des troubles du sommeil.

71
Troubles cognitifs :
Mme B. (cas n°3) avait le score MMS le plus bas. Mme R (cas n°1) qui semble avoir les
symptômes les plus sévères du PTSD a également une altération mnésique. Ces deux
patientes ont tout à fait conscience de leurs troubles mais Mme R. (cas n°1) semble plus
gênée dans son quotidien par ses troubles mnésiques. Il en est de même pour M.C. (cas
n°2) chez qui il n’a pu être objectivé de troubles cognitifs et qui est pourtant à l’origine
de l’orientation dans la filière mémoire. En effet, il a spontanément demandé une
évaluation de sa mémoire à son médecin traitant sur une impression de déficit
mnésique.
Pathologies somatiques :
M.C. (cas n°2) était le seul à avoir des plaintes somatiques récurrentes. Il se plaignait
d’éruptions cutanées avec prurit que nous n’avons pu constater.

72
Partie 4 : La discussion

73
A. Intérêt de cette thèse :
De nombreuses pathologies dans la population gériatrique sont ignorées par
manque de connaissances et d’intérêt. L’état de stress post traumatique est une
pathologie de découverte récente dont les conséquences à l’échelle individuelle et
sociétale sont graves. Depuis peu, la communauté scientifique s’est rendu compte que
l’état de stress post traumatique dans la population gériatrique n’était pas un mythe. Il
existe assez peu d’enquêtes spécifiques à l’état de stress post traumatique en
population gériatrique (comparativement aux travaux réalisés en population générale)
et quasiment toutes sont faites hors du territoire français. Nous manquons donc
cruellement de connaissances pour diagnostiquer et prendre en charge efficacement
cette pathologie chez nos anciens.
Or, avec le vieillissement de la population, la population gériatrique prend de
l’ampleur et les projections futures sont alarmantes. Il devient donc important
d’anticiper le développement et l’apparition de certaines pathologies, avant qu’elles ne
deviennent un sérieux problème de santé publique.
Le PTSD n’est il pas sous estimé dans cette population ? Et s’il l’est, quelle en est
la raison? Quelles sont les particularités dans cette population et comment en faire le
diagnostic ? Quel est l’impact d’une telle pathologie à l’échelle individuelle et sociétale ?
Comment prendre en charge ceux qui en souffrent?
Cette revue de la littérature, appuyée de l’étude de quelques cas cliniques, tout
en mettant en avant les travaux déjà réalisés permet de porter une critique constructive
visant à s’approprier les subtilités de cette pathologie pour mieux cerner et comprendre
l’état de stress post traumatique chez la personne âgée, en vue de proposer des pistes
de réflexions et de recherches futures

B. Principaux résultats
Concernant les données épidémiologiques. Il manque de données sur la prévalence des
traumatismes psychiques et le PTSD chez la personne âgée, mais vraisemblablement les
personnes âgées sont tout autant, voire plus exposées que les personnes plus jeunes.
Ceci est assez logique quand nous prenons en compte la fragilité liée au grand âge. On
peut également se poser la question des traumatismes liés ou spécifiques au grand âge
(exemple de la chute pouvant se compliquer du syndrome post chute qui est considéré

74
comme étant une forme de PTSD). Quoi qu’il en soit, il y a très probablement une sous
estimation de la prévalence des traumatismes dans le grand âge.
La prévalence du PTSD est très différente d’un pays à l’autre. La principale étude
menée en France et dans d’autres pays Européen remonte à douze ans. Elle objectivait
un taux de PTSD à 1.9% sur une vie entière alors que les autres études dans le monde
donnent des scores allant de 6 à 14% en population générale. Contrairement aux
fausses idées reçues, le taux de PTSD ne diminue pas avec l’âge. Il y a probablement une
sous estimation du PTSD dans cette population et ce pour plusieurs raisons :
- Des symptômes qui se mêlent à des troubles fréquemment objectivés dans le grand
âge (tels que les troubles du sommeil, le repli et l’isolement social).
- Des symptômes qui se confondent ou qui sont masqués par les symptômes des
comorbidités. Ou qui le sont à cause d’une somatisation qui apparait au premier
plan.
- Des symptômes et un traumatisme qui sont cachés par les patients. À cause de la
nature même de cette pathologie et du vestige du passé. Les anciens combattants
du Vietnam qui ont été stigmatisés, la peur qu’ont les sujets d’être jugés comme
« fous » quand ils déclarent avoir des symptômes d’ordre psychiatrique. Le
caractère parfois intime de certains événements traumatiques (exemple des
personnes âgées maltraitées par leurs enfants ou petits enfants ou victimes
d’agressions sexuelles). Il a été constaté dans la littérature que les entretiens
téléphoniques garantissaient une sorte d’anonymat qui favorisait les échanges.
- Un défaut de mémoire et d’accès à des éléments de la biographie en cas de troubles
cognitifs ou une aphasie en lien avec des troubles neurologiques (et/ou cognitifs).
Prenons l’exemple de Mme B. (cas n°3) qui n’a pas abordé sa tentative d’autolyse
en lien avec sa perte d’autonomie malgré le fait que nous avions cette information et
que nous avons orienté nos questions.
D’autre part, les études qui sont faites dans cette population ont souvent des
échantillons de trop petites tailles pour être représentatifs. De plus, il est difficile de les
comparer car les populations étudiées ne sont pas semblables. Et il y a d’autres
éléments qui nuisent à la validité interne des études comme les critères d’évaluation et
diagnostiques (quelle référence choisir ? DSM 3, 4 ou 5, CIM 10 ?) Enfin, les études
épidémiologiques n’ont pas le même « langage ». En effet, certaines font des

75
estimations de prévalence à 3 mois, à 6 mois, à 1 an alors que d’autres le font sur une
vie entière.
Il est donc évident qu’il manque d’études de prévalence bien conduites et
comparables pour déterminer le taux actuel de PTSD dans la population gériatrique et
établir des projections en fonction de la croissance démographique.
Concernant les facteurs favorisants. Il en existe qui facilitent l’apparition du PTSD, après
un traumatisme. Ces facteurs sont principalement chez les personnes âgées : le fait
d’être une femme et l’intensité de la peur initiale. Le niveau socio-économique, le
réseau social, la perte d’un être cher seraient également déterminants dans le
phénomène de coping qui permettrait à l’individu de faire face à l’événement
traumatique. Cette notion de perte est récurrente qu’il s’agisse de la perte d’un être
cher, de biens, des revenus (pour les populations jeunes), dans la plupart des articles.
On retrouve ce sentiment de perte très fort chez M.C. (cas n°2), qui a dû tout
abandonner en quittant son village natal un peu comme s’il avait perdu une partie de
son identité. Quant à Mme R. (cas n°1), on comprend par ses propos qu’elle a perdu sa
dignité, son corps (dont elle essaie maladroitement de reprendre le contrôle dans la
cours d’école en montrant son sexe à celui qu’elle a choisi), son enfance et son identité
(car elle ne sait pas qui est son père)…
La encore, il manque des données de la littérature car les résultats des différentes
enquêtes sont divergents. De plus, elles ont toutes été faites dans un contexte
particulier de guerre ou de catastrophe naturelle.
Concernant le diagnostic du PTSD chez la personne âgée. Ce diagnostic est très difficile à
établir et nous avons pu le constater à la fois dans la littérature et avec nos trois cas. Il
semblerait que le syndrome d’hyperactivation neuro-végétative soit le plus constant
chez la personne âgée. Cependant, comme nous l’avons dit et comme vous le savez, le
grand âge est un moment de la vie où s’expriment de nombreux symptômes liés au
vieillissement. Or, on constate qu’il y a un chevauchement entre ces symptômes du
vieillissement et ceux du PTSD (en particulier ceux du syndrome d’hyperactivation
neurovégétative), mais également entre les symptômes du PTSD et ceux des
comorbidités comme la dépression, la démence... Il devient difficile dans ces conditions
de dépister les signes de PTSD d’autant plus que le patient ne va pas se plaindre
spontanément d’éléments quasi pathognomoniques, comme du syndrome d’évitement,
et que sa principale plainte sera plutôt d’ordre somatique. Il convient de rester vigilant
76
devant des plaintes multiples et récurrentes qui peuvent être parfois les seuls signes
évocateurs d’une souffrance psychique. On peut également voir chez les personnes
âgées des signes aspécifiques comme la dépersonnalisation ou la consommation
d’alcool « en particulier chez les vétérans (93) ».
Nous disposons de critères diagnostiques très pointus avec le DSM alors qu’ils
sont plus flous dans la CIM. Cependant, ces critères sont en perpétuelle évolution et ne
sont pas les mêmes en fonction de la référence utilisée. Depuis 2013, est paru le DSM-V
et pourtant nous retrouvons de nouveaux articles utilisant encore le DSM-IV comme
référence. Le monde médical a besoin de références et de normes pour identifier les
pathologies, catégoriser les malades et adapter au mieux les traitements. Cependant, ne
créons nous pas un risque d’ignorer de vrais malades en imposant des normes strictes
pour une pathologie psychiatrique aussi complexe ? Et que faisons-nous des patients
n’ayant pas la pathologie selon les critères diagnostiques mais qui sont en souffrance ?
Nous ne pouvons les ignorer ! Que pouvons-nous leur proposer comme diagnostic et
comme prise en charge ?
Il existe des outils diagnostiques mais rappelons qu’ils ont été développés pour
étudier le PTSD chez les vétérans. Le PCL est un outil intéressant car il reprend les
critères diagnostiques du DSM-IV. Il en existe une nouvelle version basée sur le DSM-V
avec plus d’items. A part le PCL, aucune échelle n’a été validée dans la population
gériatrique et il n’existe pas d’étude l’ayant validée dans cette population dans la langue
française. A travers les cas que nous avons étudiés, nous avons pu voir quelques
faiblesses de cette échelle dans une telle population :
- Les difficultés de compréhension avec la nécessité qu’il y ait une personne pour
expliquer les questions. Ex de Mme R. (cas n°1) qui a fait de nombreuses ratures
car elle était indécise par rapport à la réponse à donner et qu’il a fallu
accompagner avec le risque d’induire des réponses qui ne sont pas le reflet de la
réalité.
- La multiplicité des traumatismes et la non spécificité des symptômes. Exemple
des symptômes d’hyperactivation neurovégétative présents chez Mme R. (cas
n°1) mais qui sont plutôt spécifiques de sa relation conjugale actuelle. Ou
l’exemple de M.C. (cas n°2) qui présente lui aussi des symptômes
d’hyperavtivation neurovégétative mais qui seraient plutôt en lien avec la peur
d’être à nouveau sollicité par sa famille.
77
On observe d’ailleurs une discordance entre le score de PCL et le diagnostic
clinique pour Mme R (cas n°1).
Le diagnostic de PTSD chez les personnes âgées est donc un exercice difficile qui
ne peut se faire que par une analyse fine de chaque situation par un professionnel
expérimenté et non par un simple recueil des événements traumatiques et des
éventuels symptômes, réalisé par le personnel d’une maison de retraite ou par des non
professionnels comme il a pu être proposé dans plusieurs études.
Concernant l’évolution du PTSD chez les personnes âgées. Il semblerait que l’évolution
préférentielle du PTSD chez la personne âgée soit la forme retardée avec un
traumatisme que l’on pourrait qualifier de bénin par rapport au traumatisme initial mais
qui agirait comme la « goutte d’eau qui fait déborder le vase ». En réalité, le PTSD
retardé est plus complexe que cela et on pourrait plutôt prendre l’image d’un barrage
qui s’est fissuré à l’occasion du traumatisme initial et qui, pendant des années a pu
résister aux intempéries et autres événements ayant pu fragiliser sa structure et qui, un
beau jour, après le énième coup de vent fini par céder. Ce barrage matérialise la
capacité de notre psyché à faire face à des bouffées émotionnelles qui sont
constamment créées et entretenues par des « stressors » ou facteurs de stress, que l’on
subit tout au long de la vie.
L’idéal serait de repérer ces fissures avant que le barrage ne cède. Cependant, les
moyens manquent et doivent encore être développés. Comme nous venons de le voir, il
existe des outils mais ils ne sont pas suffisamment performants et manquent de
spécificité. De plus ils ne sont utiles que quand les premiers symptômes de PTSD sont
présents. Ils ne peuvent et ne doivent donc être utilisés que pour dépister des patients
ayant des symptômes pour éventuellement les orienter vers un spécialiste. On
remarque qu’ils sont également utilisés pour le suivi des patients ayant une prise en
charge thérapeutique. Cependant, chaque étude utilise une échelle différente. Il
faudrait donc choisir une échelle ou en développer une pour permettre de suivre
certains programmes thérapeutiques. Cela permettrait également de comparer
l’efficacité de différentes techniques entre elles.
Cette évolution retardée complique le diagnostic de PTSD dans cette population
car il est difficile pour le patient et le professionnel de santé de faire le lien entre
l’événement initial qui a pu être traumatisant et les symptômes actuels. D’autant plus
quand ces symptômes ne sont pas évidents et qu’ils sont masqués par des comorbidités.
78
Concernant les comorbidités. Les principales comorbidités du PTSD chez les personnes
âgées sont la dépression, l’anxiété, la somatisation et les troubles cognitifs. Elles
peuvent apparaitre de façon concomitante aux symptômes du PTSD, le masquant alors
et rendant son diagnostic difficile ou survenir après une certaine période d’évolution,
compliquant et altérant grandement la qualité de vie mais aussi l’autonomie des
personnes âgées. Dans l’étude des cas, les principales comorbidités que nous avons
identifiées étaient l’anxiété et la dépression. Le cas de l’anxiété est assez particulier car
on pourrait s’attendre à ce qu’il soit présent dans tous les cas de PTSD ! Le danger est de
rester focalisé dessus de le traiter exclusivement avec des benzodiazépines (avec le
risque d’effets secondaires relatifs à cette classe notamment au niveau cognitif). Il
existait par ailleurs une plainte mnésique spontanée chez M.C (cas n°2) qui n’a pas été
objectivée. Il en est de même pour Mme R (cas n°1) chez qui il a été effectivement
objectivé des troubles mais qui ne présentait pas de PTSD. Il serait intéressant de savoir
quelle est la plainte exacte de M.C. (cas n°2). Sa plainte vient-elle de la difficulté de
remémorisation de l’événement traumatique initial ?
Comme nous avons pu le voir précédemment, il y aurait un lien entre les soins
apportés dans l’enfance, l’estime de soi et le volume des hippocampes. Il reste encore
des progrès à faire dans ce domaine car les résultats des premières études tendent à
penser qu’un faible niveau de soins dans l’enfance pourrait rendre les sujets plus
vulnérables et sensibles aux traumatismes. Comme nous pouvons le constater dans
l’étude des cas, ceux ayant le plus de symptômes de PTSD sont ceux ayant été maltraités
dans leur enfance.
Concernant la prise en charge. Il existe, fort heureusement des prises en charge
prometteuses notamment certaines techniques de TCC (qui est une thérapeutique qui a
déjà fait ses preuves en population générale, à propos desquelles nous ne disposons que
de très peu de données chez les personnes âgées) et le VRET qui, s’il fait la preuve de
son efficacité pourrait révolutionner la prise en charge des patients chuteurs ayant un
syndrome post chute. Nous avons pu constater que sur les 3 cas que nous avons
étudiés, M.C. (cas n°2), avait « le devoir de mémoire » (94). Mme R (cas n°1), bien que
nous n’ayons pas retenu pour elle de diagnostic de PTSD avait, elle aussi ce besoin de
témoigner. Ils avaient besoin pour se soulager de raconter leur histoire. Mme R. (cas
n°1) désirait l’écrire et en faire un roman alors que M.C. (cas n°2) en parle facilement et

79
à n’importe qui mais, ne veut surtout pas l’écrire car il a peur de faire ressurgir, en
écrivant, des détails et des souvenirs enfouis.
du fait d’être sous diagnostiqués, beaucoup de patients, n’ont aucune prise en
charge. Mais on remarque également que même quand un diagnostic est établi, les
patients sont souvent sous traités. Est-ce par peur d’utiliser des traitements chez les
personnes âgées? Est-ce par manque d’informations des professionnels de santé ?
Si beaucoup de progrès sont faits quant à la prise en charge des patients ayant
un PTSD, qu’en est-il de ceux ayant une forme sub-syndromique ? Mme R. (cas n°1) par
exemple, est désireuse d’avoir un suivi et demande à pouvoir revenir en consultation
régulièrement pour discuter et parler de son expérience. Elle dit avoir la sensation
d’être mieux au fil des rencontres. Cela étaye certaines études que nous avons vues
précédemment et qui comparent l’utilisation des biens et services médicaux chez les
patients ayant eu un événement traumatisant(51) (68) (84).
Bien que complexe, une prise en charge adaptée est indispensable. Comme nous
avons pu le voir le PTSD se complique de comorbidités qui altèrent la qualité de vie des
personnes âgées et entraine une surconsommation des bien et services médicaux. Au-
delà de la somatisation, nous avons pu constater dans la littérature qu’il y avait un
vieillissement biologique accéléré dans les cas de stress chronique. Pour l’instant les
recherches n’en sont qu’à leur début mais si ces théories se confirment, nous pourrions
incriminer le PTSD, qui est une forme de stress chronique, comme facteur participant au
développement et l’apparition de certaines infections, des maladies auto-immunes, des
maladies cardio-vasculaires, neurologiques, voire peut être même des cancers.

C. Biais et limites
Sélection des articles :
Nous nous sommes appuyés sur des mots clés (PTSD, Elderly, Post traumatic
stress), fournis par le Mesh pour la recherche bibliographique. Cependant nous n’avons
pas utilisé les termes « aging » ou « aged » qui étaient peu discriminants et non
spécifiques aux personnes âgées (pour exemple « aging » + « PTSD » sur science direct
donnent plus de 700 articles et beaucoup d’articles parlent de PTSD vieillissant, de
traumatisme chez les enfants qui ont vieilli…). Nous avons pu obtenir un nombre
intéressant de travaux mais nous nous sommes rendu compte au fil de nos lectures qu’il

80
existait de nombreux articles qui ne répondaient pas aux critères de recherche et qui
étaient pourtant fort intéressants. A contrario certains articles initialement sélectionnés
n’étaient finalement pas suffisamment spécifiques du PTSD et/ou de la PA et d’autres
avaient été rédigés par le même auteur et traitaient quasiment du même sujet avec
sensiblement la même population.
Sélection des sujets :
De nombreux patients souffrant de PTSD ont très probablement été hospitalisés
dans notre service sans que nous ayons pu en faire le diagnostic. Il y a plusieurs raisons à
cela et la première est la nature du service. Il s’agit d’un service de court séjour et bien
que le dépistage de pathologies psycho-comportementales et cognitives soit une
préoccupation quotidienne pour tous nos patients, les contraintes de temps
d’hospitalisation nous empêchent d’aller au bout des investigations cognitives au cours
de l’hospitalisation. La deuxième raison est qu’aucun des praticiens n’avait été formé et
n’avait l’habitude de dépister et diagnostiquer le PTSD. Enfin la troisième raison est le
fait comme nous l’avons dit que les patients ne se plaignent pas spontanément de leur
trouble. Cependant, il ne s’agit pas d’une enquête de prévalence et le témoignage des
patients retenus a une valeur qualitative et non quantitative.
L’âge seuil de 65 ans a été retenu car la plupart des articles traitent de la
personne âgée à partir de 65 ans. De plus nous accueillons en consultation mémoire les
patients à partir de l’âge de 65 ans. Mais la question de l’âge seuil est un véritable
problème pour comparer les études entre elles.
Sélection des références :
Pour comparer nos données à celles des autres articles, nous avons utilisé les critères du
DSM-IV, car la plupart des articles l’ont utilisé. Toutefois, nous avons également travaillé
avec les critères du DSM-V et de la CIM 10. Cependant, même entre la CIM 10 et le
DSM-V il persiste des différences qui gênent au diagnostic et à la compréhension du
PTSD chez la personne âgée.

D. Critique de la validité et représentativité


De nombreux articles, voire quasiment tous, manquaient d’effectifs pour obtenir
des résultats suffisamment fiables pour permettre une extrapolation à la population. Il y
a très peu d’articles enquêtant hors conflit ou catastrophe naturelle.

81
Le mode de recrutement des échantillons dans certains articles est discutable.
D’autant plus quand on sait que les personnes souffrant de PTSD présentent un risque
plus élevé de vivre seules et sont susceptibles de mettre en place des mécanismes
d’évitement pour ne pas aborder le sujet en lien avec l’événement traumatique.
Enfin, dans de nombreux articles, les auteurs ont utilisé des échelles d’évaluation
non validées pour diagnostiquer un PTSD. D’autres n’ont pas précisé comment ils en
avaient fait le diagnostic et d’autres encore ont réalisés les entretiens par des personnes
non qualifiées ou non expérimentées.

E. Dans le futur
Il faut continuer à étudier le traumatisme qui semble avoir des spécificités dans
le grand âge et faire une vraie enquête épidémiologique sur le PTSD chez la personne
âgée en France. Cela risque d’être fastidieux et onéreux mais nous ne pouvons nous
permettre d’ignorer cette pathologie comme elle a été ignorée pendant des années
chez les vétérans du Vietnam (population dans laquelle on dénombre plus de décès liés
aux conséquences de la guerre avec des vagues de suicides, qu’à la guerre elle-même).
Les personnes âgées sont fragiles et nous nous devons d’améliorer leur qualité
de vie, d’autant plus quand il s’agit d’une pathologie qui risque de devenir un problème
de santé publique dans les prochaines années.
Pour permettre de dépister et traiter de façon optimale cette pathologie, nous
devons élaborer des outils d’information, d’aide au diagnostic et les mettre à disposition
de professionnels de santé.

82
Conclusion
Quand on parle d’état de stress post traumatique, les personnes (professionnels de
santé ou pas), imaginent une angoisse secondaire à un événement stressant qui survient
quand les capacités d’adaptation sont dépassées. Cependant, cet état de stress post
traumatique tel que défini aujourd’hui est bien plus complexe qu’une simple angoisse. Il
a fallu beaucoup de temps pour que cette entité soit reconnue par le monde scientifique
et c’est à l’occasion des grandes guerres que ce monde a connu, que ses caractéristiques
se sont dévoilées. C’est ce passé tumultueux qui en fait aujourd’hui une entité
nosologique toute récente complexe, évolutive et qui n’a pas fini de livrer ses secrets.
Malheureusement, malgré les progrès de la médecine et notamment dans le domaine
psychiatrique et neurologique, elle souffre encore de préjugés sans doute influencés par
la peur de devoir prendre en charge et indemniser des malades que la société a elle-
même créés. Étudiée jusqu’ici dans les populations d’anciens combattants on s’est
aperçu qu’elle ne leur était pas réservée et qu’elle pouvait être tout aussi grave dans les
populations non soumises aux horreurs de la guerre. Cependant ce n’est qu’en 2003 que
la communauté scientifique s’est intéressée pour la première fois à la prévalence du
PTSD chez les sujets âgés. Le socle commun à tous les PTSD est le traumatisme. Ce
traumatisme est chez la personne âgée, comme dans la population générale, une
réalité, d’autant plus que toutes les personnes de plus de 75 ans ont connu dans leur
enfance la guerre. Avec le vieillissement de la population il est important de savoir
quelle est la prévalence du PTSD chez la personne âgée. Il est tout aussi important de
pouvoir le reconnaitre et le traiter voire le prévenir.
Cette revue de la littérature sur les dix dernières années avec quelques cas l’illustrant, a
permis de voir qu’il manque encore cruellement des données chez la personne âgée.
Cependant il est clair que le PTSD lié au vieillissement a des caractéristiques
particulières. Or, les conséquences et les comorbidités (telles que la dépression,
l’anxiété, la démence, la somatisation) liées au PTSD sont suffisamment graves pour
altérer la qualité de vie de nos anciens et générer des dépenses de santé qui
deviendront un véritable problème de santé publique dans les prochaines années. Il est
donc important de poursuivre les études avec des cohortes suffisantes pour une
représentativité fiable afin d’établir une prévalence avec une projection dans le futur, de

83
déterminer ses caractéristiques pour affiner le diagnostic de cette pathologie dans le
grand âge, de créer des échelles d’évaluation adaptées et d’améliorer la prise en charge.

84
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91. Strous RD, Weiss M, Felsen I, Finkel B, Melamed Y, Bleich A, et al. Video testimony of long-
term hospitalized psychiatrically ill Holocaust survivors. Am J Psychiatry. déc
2005;162(12):2287‑94.
92. Mohamed S, Rosenheck R. Pharmacotherapy for Older Veterans Diagnosed With
Posttraumatic Stress Disorder in Veterans Administration. Am J Geriatr Psychiatry. oct
2008;16(10):804‑12.
93. Jolly A. Données épidémiologiques. Neuropsy News Numéro Spéc Syndr
Psychotraumatiques. 2003;20‑2.
94. Ferenczi T. Devoir de mémoire, droit à l’oubli ? Editions Complexe; 2002. 294 p.

89
95. Organisme Mondiale de la Santé. Évaluation et prise en charge des affections
spécifiquement liées au stress: module guide d’intervention mhGAP. 2013 [cité 7 sept
2015]; Disponible sur: http://apps.who.int/iris/handle/10665/112734

90
Annexes

91
Schéma1. Le cerveau et les différentes structures de la mémoire

Face latérale (à gauche) et face interne (à droite) de l'hémisphère cérébral droit. © Inserm, F. Koulikoff

92
Schéma 2. Effet du stress chronique sur le cerveau

93
CIM 10 (95) DSM-IV DSM-V
Réexpérience du Réexpérience du
traumatisme traumatisme
Critère B
(Au moins 1 (Au moins 1
1) Symptômes de manifestation /5) manifestation sur 5)
reviviscence Évitement et
émoussement des Évitement
Critère C affects (au moins 1
2) Symptômes (au moins 3 manifestations /7)
d’évitement manifestations /7)
Hyperréactivité Altérations cognitives
neurovégétative et émotionnelles
Critère D
3) Symptômes (au moins 2 (au moins 2
d’hyperactivation manifestations /5) manifestations /7)
neurovégétative Hyperréactivité
neurovégétative
Critère E
(au moins 3
manifestations /6)
Tableau 2. Classification des symptômes de l’état de stress post traumatique.

94
Cas n°1 Cas n°2 Cas n°3
Symptômes du PTSD selon le DSM-IV
Mme R. M.C. Mme B.

Souvenirs répétitifs et envahissants Oui Oui non

rêves répétitifs Non Non Non

Critère B
épisodes dissociatifs oui oui Non
Évitement
sentiment intense de détresse
Oui Oui Non
psychique

réactivité physiologique Oui Oui Non

efforts pour éviter les pensées Oui Oui Non

efforts pour éviter les activités Oui Oui Non

incapacité de se rappeler d’un


Oui Non Non
aspect important du traumatisme
Critère C réduction nette de l’intérêt pour des
Évitement Oui Oui Non
activités importantes

sentiment de détachement d’autrui Oui Oui Oui

restriction des affects Oui Non Non

sentiment d’avenir « bouché » Non Non ?

difficultés d’endormissement ou
Oui Oui Oui
sommeil interrompu

Critère D irritabilité Non Non Non


Activation
neuro- difficultés de concentration Oui Non Non

végétative
hypervigilance Non Oui Non

réaction de sursaut exagérée Non Oui Non

Tableau 3 Symptômes de PTSD selon le DSM-IV pour chaque cas


95
Cas n°1. Mme R. 70ans
Histoire de vie :
Patiente faisant partie d’une fratrie de 7 enfants, elle déclare avoir été maltraitée et
violée à plusieurs reprises pendant son enfance.
Alors que ses frères et sœurs mangeaient à table, elle partageait la gamelle du
chien et n’avait que des miettes à manger. À plusieurs reprises sa mère l’a menacée de
mort et elle s’est sentie réellement en danger car sa mère proférait régulièrement ce
genre de menace à ses compagnons envers qui elle donnait des coups de couteau dans
le dos. Elle ne se souvient que de deux moments dans toute son enfance où sa mère a
eu un geste d’affection (une fois où elles ont dansé ensemble et une autre quand elle lui
a prodigué de soins après une morsure).
Elle n’a jamais su qui était son vrai père car sa mère a eu plusieurs compagnons
successifs mais elle suppose qu’il s’agit d’un officier allemand avec qui sa mère a vécu
un certain temps (et elle a beaucoup de mal à accepter la possibilité d’avoir des origines
allemandes d’autant plus que sa mère était collaboratrice en temps de guerre et qu’elle
a dénoncé de nombreux juifs). Parmi les compagnons de sa mère, plusieurs ont abusé
d’elle. Par ailleurs, sa mère la vendait régulièrement à des inconnus pour une bouteille
d’alcool. Les souvenirs d’abus sexuels sont vagues mais elle se souvient avoir été
souvent dans le noir sous les draps. Pendant son enfance elle dormait très mal et
surveillait quand sa mère montait les marches d’escaliers.
Ce n’est qu’à l’âge de 5 ou 6 ans que, devant un problème anal (prolapsus,
béance, incontinence ?), elle a vu un médecin qui a suspecté un abus sexuel et a fait un
signalement. Les enfants de cette famille ont alors été retirés à leur mère par la DASS et
placés dans un orphelinat pendant deux années. Pendant cette période elle a assisté au
décès de son frère qui est mort dans ses bras sans qu’elle ne comprenne ce qui lui
arrivait. Après cette période, à l’orphelinat, les enfants ont été séparés et accueillis dans
différentes familles d’accueil. Elle estime avoir été exploitée dans cette famille d’accueil
mais au moins elle se sentait en sécurité.
Elle n’a quasiment pas été à l’école pendant son enfance et pendant plusieurs
années, elle était vraiment déscolarisée. Mais elle se souvient que pendant sa scolarité il
lui arrivait de montrer ses organes génitaux aux garçons qui lui plaisaient. Plus tard, à 15
ans elle a intégré un pensionnat et a bénéficié de formations pour la cuisine, le
repassage, le ménage, la couture…
96
A l’âge adulte, elle a rencontré l’homme qui a été pendant longtemps son mari et
lui a donné ses enfants mais qu’elle n’a jamais vraiment aimé. Elle se souvient d’un
épisode qu’elle juge particulièrement traumatisant : quelques semaines après son
mariage. Elle raconte qu’un soir, au moment où elle s’apprêtait à dormir, son mari lui a
demandé de « passer sous les draps ». Sur le coup, elle n’avait pas compris pourquoi
mais son mari a insisté et l’a presque forcée à avoir un rapport bucco-génital. Elle
témoigne avoir eu l’impression d’être revenue en arrière, à l’époque de son enfance et
avoir vécu à nouveau les scènes de viol. Régulièrement, par la suite, pendant sa vie
maritale, elle a eu des rapports non consentis et n’a jamais éprouvé de plaisir avec cet
homme. Pourtant, elle est restée 19 ans avec lui et a eu cinq enfants. Deux de ses
enfants ont été malades à leur naissance ; le troisième a eu des soins intensifs et a
échappé de peu à la mort. Elle a eu également de nombreuses fausses couches et a fini
par avoir une ligature des trompes. Elle déclare que son mari frappait les enfants et la
menaçait régulièrement de coups de couteaux. Durant cette relation, elle a, à son tour,
été famille d’accueil et soupçonne son mari de l’époque d’avoir abusé d’une des filles
dont elle avait la charge. Elle a eu des relations extraconjugales avec un homme marié.
Et après son divorce, elle a connu plusieurs histoires amoureuses compliquées. Mais
n’est jamais restée seule. Il y a 23 ans, elle a rencontré son mari actuel. Elle dit avoir eu
pitié de lui à l’époque. Il y a quelques années, ce couple a été victime d’une agression à
leur domicile. Elle raconte qu’une de ses filles se droguait et que dans ce contexte, un
dealer s’était présenté au domicile pour leur réclamer de l’argent. Aujourd’hui, elle a
une relation fusionnelle avec ses enfants. Elle explique que cette relation fusionnelle
est: « peut-être pour combler un trou que je n’ai pas eu avec ma mère »

Antécédents médicaux : HTA, syndrome des jambes sans repos, fracture du poignet,
dépression, tentative de suicide.

Cognition :
Patiente suivie en consultation mémoire. Dernier MMS à 21/30. Le bilan
neuropsychologique (réalisé dans le cadre du bilan de troubles cognitifs), révèle un
syndrome dysexécutif cognitivo-comportemental, témoignant d’une souffrance
frontale. Il est évoqué une dégénérescence fronto-temporale débutante.

97
Concernant le langage, elle passe souvent du coq à l’âne et fait très régulièrement des
digressions.

Thymie :
Elle a souvent eu des épisodes dépressifs et a fait des tentatives de suicide à plusieurs
reprises. Elle est traitée par Fluoxétine et Bromazepam depuis plusieurs années.
Actuellement, elle est anxieuse et présente une tristesse de l’humeur. Elle dit être
quelqu’un de « faible » qui n’aime pas « contrarier les autres ».

Symptômes de PTSD :
Elle présente des symptômes d’évitement. Elle n’est retournée sur les lieux de son
enfance qu’une seule fois et ne souhaite pas y retourner. Elle parle assez facilement de
son histoire et souhaite écrire un roman sur son histoire de vie. Son mari est friand
d’émissions sur la deuxième guerre mondiale, ce qu’elle a du mal à tolérer. Elle est
angoissée, surveille constamment l’heure mais surtout parce que son mari est possessif
et qu’il surveille ses faits et gestes. Un peu pour les mêmes raisons elle a un réseau
social peu étoffé.
En revanche, elle n’a pas de symptôme de reviviscence ou d’intrusion (ni en phase
d’éveil, ni en phase de sommeil).

Le score PCL est de 59 avec des réponses données lors du test en complète
contradiction avec ce qu’elle avait allégué pendant l’interview. Il s’agit essentiellement
des symptômes d’intrusion qu’elle avait minimisés lors de l’entretien. On constate
également plusieurs erreurs lors de la passation de ce test et des difficultés de
compréhension de certains items.

98
99
Cas N°2 M C. 81 ans
Histoire de vie : M. C est né et a grandi en Algérie. Issu d’une famille recomposée, il est
le benjamin d’une fratrie de 6 enfants (dont 2 d’une première union).
Dans son enfance, il a eu un épisode infectieux (qu’il considère aujourd’hui comme
ayant été très grave). Il explique que cet événement infectieux est survenu à l’âge de 10
ans et qu’il s’agissait d’une pleurésie contre laquelle les médecins à l’époque n’avaient
que peu de solutions, mis à part un traitement antibiotique expérimental dont ils
n’étaient pas sûrs de l’efficacité. Son pronostic vital était donc engagé et c’est l’une de
ses sœurs, de laquelle il est très proche) qui a veillé sur lui pendant cette période.
Son père, officier de police, était violent avec ses enfants. Mais malgré cette violence, il
ne s’est pas senti en danger de mort. Il est décédé quand M. C. avait 23 ans. Peu après le
décès de son père, un de ses frères a exigé un loyer pour que sa mère et lui puissent
rester dans la maison familiale sous peine d’être mis à la rue.
A l’âge de 24 ans, il a, comme l’avaient fait ses ainés, fui son pays natal. Un de ses frères
qui habitait déjà dans la région Nantaise les attendait sa mère et lui. Il a donc voyagé
avec sa mère et il garde un souvenir quasiment intact de son périple pour la France. Il
souligne le fait que ce départ, même s’il n’a pas entrainé de peur intense, de sentiment
d’être en danger, était très traumatisant et il relate plusieurs scènes de ce voyage qu’il
revoit constamment et dont il a besoin de raconter.
Une des scènes les plus marquantes était ses adieux à sa sœur (celle qui l’avait veillé
quand il était malade), sur le port. Cette sœur est restée avec son mari et n’a regagné la
France que bien plus tard.
Une autre scène est celle de son arrivée à Marseille où il a retrouvé plusieurs anciens
villageois qui étaient partis plus tôt et s’étaient déjà installés. Ces personnes qu’il avait
côtoyées pendant des années « subitement ne le reconnaissaient plus ». Il fait mention
tout particulièrement d’un homme de son ancien village qui lui a vendu des places
d’autocar et il lui reproche de l’avoir escroqué en lui vendant le trajet le plus long et
donc le plus cher. Il raconte être parti de Marseille le jeudi, être passé par Lyon et être
arrivé à Nantes le samedi soir. Après un certain temps chez son frère, il a trouvé du
travail et un appartement. Il a rencontré la femme qu’il a épousée et avec qui il est
marié jusqu’à aujourd’hui. Il raconte alors que ses frères et sœurs voyant sa stabilité (vie
maritale, finances…) n’ont pas cessé de profiter de lui et cela a commencé à peine
quelques mois après son mariage.
100
Le premier épisode est celui avec son frère qui vivait à Lisbonne et qui du jour au
lendemain, «sans prévenir, a débarqué avec sa femme et ses enfants » chez lui. Il a dû
imposer cela à sa femme pendant plusieurs mois, dit-il. Par la suite il y a eu beaucoup
d’abus, plusieurs demandes d’argent pour des raisons diverses et assez souvent futiles
et non justifiées ainsi que de nombreuses menaces. M.C. a peu de contact avec sa
famille et il redoute quand le téléphone sonne, que ce soit une nouvelle demande
d’argent ou de nouvelles menaces de sa famille.

C’est lors de son passage en court séjour gériatrique qu’il s’est plaint spontanément de
troubles du sommeil et d’un passé douloureux à propos duquel il avait beaucoup de
chose à raconter.

Antécédents médicaux : Pleurésie, Maladie de Raynaud, hypercholestérolémie, hernie


discale, cholécystectomie.

Cognition :
M. C. a été vu une fois en consultation mémoire mais aucun suivi n’a été mis en place
car il a obtenu un score de 30/30 au MMS, 7/7 à l’horloge.
Par ailleurs, il n’a aucun trouble du langage.

Thymie : Ce patient est constamment angoissé. Il a une anxiété généralisée et bien qu’il
ait deux enfants, s’inquiète constamment pour sa fille.
Il a un traitement par Sertraline qu’il prend depuis des années. Des tentatives de
sevrage se sont soldées par des échecs. Il n’y a pas de fléchissement thymique réel mais
il semble que les sourires, qu’il esquisse par moment, sont forcés.

Symptômes de PTSD :
Les symptômes d’hyperactivité neurovégétative (est constamment sur le qui vive, a des
troubles du sommeil…) et d’intrusion sont fortement présents. En revanche, il y a peu de
symptômes d’évitement. Bien que le contact soit facile avec ce patient qui cherche
constamment une oreille attentive à son histoire, il a peu d’amis. Ses loisirs sont plutôt
des activités solitaires (bricolage, mots fléchés, lecture).
Le score PCL est de 45 avec une bonne corrélation avec le témoignage.
101
102
Cas N° 3 Mme B 92 ans
Histoire de vie :
Mme B. a grandi non loin de Cholet. Son enfance et toute son histoire jusqu’à l’âge
adulte sont sans particularité.
Elle a travaillé à l’usine Thomson CSF à Cholet en tant que Bobineuse et a eu à cette
occasion un accident de travail. Selon elle, elle aurait eu un accident de travail au cours
duquel elle a été brulée au 2eme degré au niveau de ses deux mains. Cela a occasionné
un arrêt maladie de 2 mois pendant lequel elle a été hospitalisée. Aujourd’hui, ce
souvenir se réactive à chaque fois qu’elle voit du feu et elle fait simplement attention
quand elle doit manipuler des allumettes.
Elle s’est mariée, a eu une fille et deux petites filles.
Son mari, qui est de deux ans son ainé, est décédé à l’âge de 60 ans d’une pathologie
pulmonaire. Elle n’a jamais su ce qu’il avait exactement mais il s’agissait d’une maladie
d’évolution rapide et en fin de vie, son mari aurait eu de nombreuses hémoptysies. Elle
dit que cela a été pour elle un traumatisme car elle est restée longtemps à son chevet et
ce, jusqu’au dernier moment, sans pouvoir rien faire pour l’apaiser. Elle ne s’est jamais
remariée. Elle vit seule au domicile et préfère rester ainsi.
Depuis deux ans, elle fait des chutes. La première s’est produite à l’aéroport de Nantes.
Elle dit que cela est survenu par maladresse et qu’elle est tombée dans un trou. Cette
première chute était assez sévère car elle a eu un traumatisme crânien et a été prise en
charge à l’hôpital de Nantes. Selon elle, suite à cette chute elle a une cicatrice à la joue
gauche qui la défigure. En réalité, à l’examen clinique il n’y a aucune lésion cutanée ou
cicatrice de la face. Par la suite, elle a fait de nombreuses chutes au domicile mais elle
refuse d’utiliser une canne car elle estime ne pas en avoir besoin pour le moment.
Toutes ses chutes sont d’allure mécanique. A sa dernière chute, elle n’a pas réussi à se
relever seule et est restée au sol pendant plusieurs heures. Elle raconte qu’elle a été
hospitalisée pour un bilan de chute et qu’elle est en soins de suite pour de la
rééducation.
En réalité, cette chute est survenue il y a de cela plusieurs mois (10 mois) et le motif
d’hospitalisation actuel est une tentative d’autolyse. En effet, elle a fait deux IMV en une
semaine (à deux reprises elle a pris trois comprimés de Xanax). Elle avait rapporté très
clairement à la psychologue et au médecin qui l’avaient prise en charge que son geste
était motivé par ses fréquentes chutes et sa perte d’autonomie. Pourtant, même en
103
orientant les questions, elle n’a pas abordé le sujet de la tentative de suicide. Bien au
contraire, elle minimise ses symptômes en disant que durant toute sa vie, elle a connu
des « hauts et des bas », mais n’a jamais eu de dépression.
Concernant son devenir, elle souhaite rentrer chez elle sans aide. Elle a peu de loisirs et
dit qu’elle aurait aimé danser mais ce qui l’en empêche c’est qu’aujourd’hui elle est
seule. Elle se définit comme quelqu’un de timide, réservée. Elle a déjà pensé à une
entrée en maison de retraite mais elle refuse d’être en chambre double (bien que
depuis qu’elle est prise en charge en SSR, elle partage sa chambre avec une voisine avec
laquelle elle s’entend très bien.

Antécédents : HTA, accident de travail, chute, tentative d’autolyse.

Cognition : dernier MMS à 20/30. Elle a conscience d’avoir quelques troubles


mnésiques.

Thymie : Pas de trouble thymique selon elle. Par contre elle a des troubles du sommeil.
Ces troubles sont assez anciens et se manifestent par des réveils précoces. Pas de notion
de cauchemars.

Symptômes de PTSD :
Concernant l’accident de travail, il y a des symptômes discrets d’évitement.
Il en est de même pour le décès de son mari. Elle semble éviter tout nouvel
investissement relationnel.
Concernant les chutes, je ne retrouve pas de symptôme de PTSD à proprement parler
mis à part les troubles du sommeil.
Le Score PCL est de 40

Le fait de ne pas parler de sa TA, peut il être considéré comme un syndrome


d’évitement ? Il en est de même pour la cicatrice du visage. Cela, peut-il correspondre à
un syndrome d’intrusion ?

104
105
106
NOM :RAFFIN PRENOM :Joël

Titre de Thèse :
Le stress post traumatique chez les personnes âgées
Revue de la littérature et étude de 3 cas.

RESUME
L’état de stress post traumatique est une entité nosologique complexe, de découverte
récente, qui n’a pas fini de livrer ses secrets. Étudiée jusqu’ici essentiellement dans les
populations d’anciens combattants, on s’est aperçu qu’elle ne leur était pas réservée et
qu’elle pouvait être tout aussi grave dans les populations non soumises aux horreurs de
la guerre. Cette pathologie, chez la personne âgée a fait l’objet de nombreuses
croyances non fondées et encore de préjugés sans doute influencés par la peur de
devoir prendre en charge et indemniser des malades que la société a elle-même créés.
Nous savons aujourd’hui que cette pathologie chez les personnes âgées n’est pas qu’un
mythe. Cependant ce n’est qu’en 2003 que la communauté scientifique s’est intéressée
pour la première fois à la prévalence du PTSD chez les sujets âgés. Malheureusement,
nous disposons de peu d’études par rapport à cette pathologie chez les personnes âgées
et les résultats dont nous disposons sont divergents. Malgré tout, il semblerait que cette
pathologie ait une présentation et une évolution particulière dans cette population et
soit sous-diagnostiquée. Or, les conséquences en terme de complications, comorbidités,
dépenses de santé sont réelles et altèrent la qualité de vie de nos anciens. Par cette
revue de la littérature sur les dix dernières années, illustrée par l’étude de 3 cas, nous
avons tenté d’identifier les caractéristiques et subtilités de cette pathologie dans le
grand âge pour mieux la comprendre, affiner son diagnostic, créer des échelles
d’évaluation adaptées et améliorer sa prise en charge.

MOTS – CLES : PTSD, Post-Traumatic Stress Syndrome Disorder, elderly, ESPT, État de
Stress Post Traumatique, revue de la littérature, personnes âgées, syndrome post chute.

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