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Brian J. Capper
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Dans cet article, Brian CAPPER * suggère qu’on trouve dès la période du
Nouveau Testament le modèle du ministère tripartite comprenant des
évêques, des prêtres et des diacres, période à laquelle des ministres itiné-
rants visitent des petites églises de maison. Ils ont l’habitude de se réunir
dans la salle à manger des maîtres de maison qui offrent le repas chrétien,
assistés par des domestiques de confiance. Pour les chrétiens de la deuxième
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Dans 1 Corinthiens et dans Romains, les sources les plus anciennes qui
parlent de « ministère » (diakonia) dans l’Église, le ministère n’est pas
réservé aux membres les plus influents de la communauté, mais il est le
service que l’Esprit inspire à chaque croyant : « Il y a diversité de dons de la
grâce, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères (« œuvres de
service », diakonion), mais c’est le même Seigneur ; diversité de modes
d’action (« opérations », energematon), mais c’est le même Dieu qui, en
tous, met tout en œuvre. » (1 Co 12, 4-6) Le « ministère » est « la manifes-
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1. W. TELFER, The Office of a Bishop, Londres/Darton, Longman and Todd, 1962, p. 69.
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du IIe siècle ont confirmé la nécessité de se réunir autour de ceux qui sauve-
gardaient la tradition apostolique.
Le ministère et l’échelle sociale de la communauté
Cette étude montre que la tendance à l’exclusion des laïcs du « minis-
tère » était, de manière significative, une conséquence inattendue d’un
rassemblement plus étroit autour de l’évêque – garant de la tradition aposto-
lique – des communautés chrétiennes très développées au temps d’Ignace et
donc moins faciles à défendre. On soutient fréquemment que la lutte contre
l’hérésie contribuait au renforcement de l’évêque comme seule autorité.
Cependant, on n’a pas démontré que le rassemblement autour d’un évêque ait
provoqué des changements – qui par leur simple nature provoqueraient une
diminution des occasions d’engagement dans le culte et dans la vie publique
de la communauté – du schéma social de l’Église par rapport à sa forme la
plus ancienne dans le Nouveau Testament. Il est de plus en plus clair que les
Églises issues de la mission paulinienne avaient ce qu’on pourrait appeler
aujourd’hui une structure « cellulaire », fondée sur des groupes qui se réunis-
saient dans les maisons des plus riches. Dans chaque ville, l’Église était
constituée de groupes de maison, parrainés par des chrétiens reconnus qui
organisaient chez eux le culte auquel assistaient de petits cercles de croyants.
Dans Romains 16, 3-5 une Église se réunit dans la maison de Prisca et
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2. W. MEEKS, The First Urban Christians, New Haven, Yale University Press, 1983, p. 75.
Gerd THEISSEN a travaillé ultérieurement l’analyse sociale des premières communautés chré-
tiennes définies comme « cellulaires » et créées sous le patronage de certains chefs de maison
importants, voir G. THEISSEN, Studien zur Soziologie des Urchristentums, Tübingen, J.C.B.
Mohr, coll. « WUNT », 1979 ; traduction anglaise The Social Setting of Pauline Christianity,
Edinbourg, T. & T. Clarke, 1982.
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3. Cf. A. MAIURI, Ercolano, I, Rome, 1958, p. 198, 208, 266, 280, 384, 394 ; A. G. McKay,
Houses, Villas, and Palaces in the Roman World, Londres, Thames and Hudson, 1975 ;
H. ESCHEBACH, Pompeji: erlebte antike Welt, Leipzig, Seemann, 1978, p. 312 ; E. E. ELLIS,
Pauline Theology: Ministry and Society, Exeter, Paternoster, 1989, p. 140-141.
4. On pouvait prendre le repas dans la salle à manger adjacente, généralement de plus petite
dimension.
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6. Ibid.
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7. Cf. E. KÄSEMANN, « Ministry and Community in the New Testament », in Essays on New
Testament Themes, Londres, SCM, 1964, p. 63-94.
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fonctions différentes. Dans les Bibles anglaises, elles sont parfois traduites
par helpers (c’est-à-dire « aides », antilempseis ; Chouraqui propose « dons
de secours » qui va dans le sens d’« aide ») et administrators (dans la
Revised Standard Version, « administrateurs » kyberneseis). Ce dernier terme
que la King James Version traduit governments (gouvernements/administra-
tions) signifie littéralement « gouvernails », et semble indiquer le rôle d’ani-
mation de la liturgie. Les « aides » et les « administrateurs » semblent indi-
quer des services naissants dans les communautés locales. Si les
« administrateurs » président à la réunion de la communauté et dirigent le
culte, le terme fait probablement référence aux chefs de maison principaux.
Les « aides » étaient vraisemblablement leurs assistants lorsqu’une assistance
était nécessaire, notamment lors du repas, pour servir celui-ci, et peut-être
pour l’administration charitable qui y est associée. Il se peut que les fonc-
tions d’aide et d’administrateur anticipent celles de « diacre » et
d’« évêque ». Bien que Paul reste dans le domaine purement rhétorique, sa
seconde liste s’approche plus d’une description précise de la communauté
telle qu’elle fonctionnait à l’époque. Loin d’exclure le contexte des fonctions
établies, la manifestation de l’Esprit s’opère à travers lui.
Néanmoins, la plupart des opinions s’accordent sur le fait que les Églises
de Paul, à l’époque où il écrivit ses lettres, ne présentaient qu’une structure
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ne s’est jamais appelé diakonos 11. Dans la Diaspora, les « dirigeants » n’ont
pu que rarement être appelés « anciens » 12. Burtchaell est conscient que les
différences de terminologie rendent sa tâche considérablement plus difficile,
mais il cherche à surmonter ces difficultés en insistant sur le besoin d’un
modèle pour toutes les communautés chrétiennes autour de la Méditerranée
et sur la plausibilité d’une synagogue identique en termes de structure sociale
globale. Cependant, la structure sociale ne correspond pas plus que la termi-
nologie. Dans le culte chrétien, les « anciens y jouaient un rôle important,
mais les « dirigeants » de la synagogue ne jouaient aucun rôle dans le culte,
constituant plutôt l’autorité judiciaire à l’intérieur du groupe ethnique.
L’évêque chrétien est toujours assisté par un certain nombre de diacres, le
dirigeant de la synagogue, son équivalent, ne bénéficie que d’un seul assis-
tant. Le fait que la structure sociale de la synagogue n’offre qu’une corres-
pondance limitée avec celle de l’Église chrétienne ne peut que souligner les
divergences terminologiques 13.
Le ministère tripartite et la structure sociale des premières Églises.
Si la synagogue n’est pas le modèle de la structure du ministère tripartite,
quel est-il ? Nous ne devons pas chercher hors du cadre du christianisme des
premiers temps pour comprendre la structure de l’ordre chrétien, mais plutôt
dans le cadre de ses propres structures sociales caractéristiques. Le ministère
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11. Cf. H.W. Beyer, article « Diakonos », in Theological Dictionary of the New Testament
(ensuite abrégé TDNT) vol. II, G. KITTEL et al., éd., Grand Rapids, Eerdmans, 1964, p. 88-93,
voir en particulier p. 91.
12. Voir A. E. HARVEY, « Elders », Journal of Theological Studies, ns, 25, 1974, p. 318-
332. R. A. CAMPBELL, « Les anciens de l’Église de Jérusalem », Journal of Theological Studies,
ns, 44, 1993, p. 511-528, rejette le modèle de la synagogue pour les anciens chrétiens, voir en
particulier p. 513. Voir aussi F. Young, The Theology of the Pastoral Letters, Cambridge, CUP,
1994, p. 109-110.
13. A. E. HARVEY en arrive au même jugement dans sa critique de Burtchaell in Journal of
Theological Studies, ns, 44, 1993, p. 678-679.
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14. A. VON HARNACK, The Mission and Expansion of Christianity in the First Three
Centuries, vol. I, New York, Harper, 1961, p. 319-368 ; The Constitution & Law of the Church
in the First Two Centuries, Londres, Williams & Norgate, 1910, p. 23-25.
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15. Les Pères apostoliques I, Doctrine des Apôtres. Épitre de Barnabé, texte grec et traduc-
tion française par Hippolyte HEMMER, Gabriel OGER et A. LAURENT, Paris, Librairie Alphonse
Picard, 1919, p. 7.
16. Les autres critiques de Harnack, dans J. A. Robinson, « The Christian Ministry in the
Apostolic and Sub-Apostolic Periods », in Essays on the Early History of the Church and the
Ministry, H. B. SWETE, éd., Londres, Macmillan, 1921, p. 57-92, sont moins convaincantes.
17. Cette interprétation, quoique décriée, traduit probablement bien le sens du texte. Les
textes cités en 1 Tm 5, 18 (Dt 25, 4 et 24, 15) avaient auparavant des liens importants avec le
soutien des apôtres (cf. 1 Co 9, 9, 14 ; Lv 19, 13; Mt 10, 10 ; Lc 10, 7). Le mot habituellement
traduit par « honneur »pourrait signifier « honoraires ». Cf. F. YOUNG, The Theology of the
Pastoral Letters, Cambridge, CUP, 1994, p. 105-106.
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18. Cf. Bengst HOLMBERG, Paul and Power, Lund, CWK Gleerup, 1978, p. 97.
19. Cf. J. D. G. DUNN, Jesus and the Spirit, Londres, SCM, 1975, p. 280.
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20. L’apôtre qui souhaite rester trois jours est un faux prophète (XI.4-5). Le prophète qui
mange de la nourriture commandée en état d’extase ou demande de l’argent en état d’extase est
un faux prophète (XI.9, 12).
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1 Co 12, 28 n’ont pas pu se voir refuser ce droit. Ceux-ci étaient des indivi-
dus d’un charisma remarquable qui pouvaient se déplacer de communauté en
communauté et jouir des mêmes droits que les apôtres ; leur statut quasi
apostolique est confirmé dans Éphésiens 2, 20, où ils constituent avec les
apôtres la fondation de l’Eglise. On apprend des « enseignants » qu’ils
étaient itinérants dans la Didachè XI.1 et qu’ils devaient être « reçus » si leur
doctrine était conforme. En XIII.2, un « vrai enseignant » a droit à sa nourri-
ture comme « tout prophète véridique » cité en XIII.1 (cf. XI.10). Dans la
Didachè, la fluidité de la terminologie, apôtre, prophète, enseignant peut
s’expliquer par ce qui était commun à ces individus : le droit à l’entretien de
la part de la communauté.
Les maîtres de maison
On n’a pas encore accordé assez d’importance aux réunions de maison
des premières communautés dans l’étude de l’origine du ministère tripartite.
Au contraire, la synagogue et les associations religieuses gréco-romaines pri-
vées ont été privilégiées 21. Cependant, il est peu probable que ces formes
aient eu une place significative lors des premières années, car de telles struc-
tures se rapportent plutôt à un cadre public dans lequel les réunions de
groupe se déroulent dans une salle à cet effet 22. Il semble qu’à une occasion
Paul loua un lieu pour prodiguer son enseignement : l’école de Tyrannos à
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21. Surtout par E. HATCH, The Organisation of the Early Christian Churches, Londres,
Longmans, Green & Co., 1881.
22. Bien qu’il y ait des démonstrations de rassemblements des associations religieuses dans
des maisons, Wayne MEEKS est généralement assez négatif sur la pertinence de l’influence de
ces associations sur la forme publique des Églises chrétiennes, The First Urban Christians,
New Haven, Yale University Press, 1983, p. 77-80.
23. E. E. ELLIS, op. cit., p. 141, pense que la première référence au bâtiment d’église est
faite par Clément d’Alexandrie, Stromata 7.5 (env. 200 apr. J.-C.). Il est probable qu’avant cela,
des maisons privées avaient été agrandies et aménagées pour des réunions ou modifiées pour
pouvoir être utilisées dans leur intégralité comme une église lorsque des communautés chré-
tiennes en prennent possession.
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28. Ibid., p. 107. C. K. BARRETT, op. cit., p. 37, commente de manière plus pragmatique :
« Les peu nombreux […] qui ont de l’argent, une éducation, de l’influence ; qui sont habitués à
diriger […] qui possèdent de grandes maisons plaisantes […] surtout s’ils s’étaient engagés
dans l’Église lors des premières années, et ont, après avoir longuement fréquenté Paul, acquis
une solide compréhension de la croyance et des pratiques chrétiennes seront amenés à devenir
des dirigeants […]. C’est sensé […], c’est socialement inévitable. » Peut-être que ce commen-
taire n’accorde pas assez d’importance aux intentions de Paul.
29. Cf. B. REICKE, TDNT VI, p. 700-701 ; W. BAUER, W. F. ARNDT et F. W. GINGRICH, A
Greek-English Lexicon of the New Testament and Other Early Christian Literature, Chicago,
University of Chicago Press, 1979, p. 707.
30. Exemple, Flavius Josèphe (Vita 168) et 1 Maccabées 5, 19, utilisent le verbe concer-
nant le gouvernement de la communauté (ici plethos, qui est un terme technique désignant la
communauté qui se réunit en conseil pour prendre des décisions), cf. BAUER-ARNDT-GINGRICH,
op.cit., p. 668 et comparer avec l’utilisation de l’hébreu rab dans la « Règle de la communauté
de Qumran » (1QS) V, 2, 9, 22 ; VI, 19.
31. E. BEST, A Commentary on the First and Second Epistles to the Thessalonians, 2e éd.,
Londres, Black, 1977, p. 223-224.
32. Cf. E. VON D OBSCHÜTZ , Die Thessalonicher-Briefe, Göttingen, Vandenhoeck &
Ruprecht, 1909 ; M. DIBELIUS, An die Thessalonicher I, II: An die Philipper, Tübingen, J.C.B.
Mohr, 1937 ; E. BEST, op. cit., Londres, Black, 1955 ; cf. Wayne MEEKS, op. cit., p. 134, 234.
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en Rm 16, 1-2 pour désigner l’attention de Phoebé pour l’Église et pour Paul
lui-même, a comme signification technique attestée : « protectrice » 33. Pour
Wayne Meeks, le contexte social suggère le sens de « patron » ou de
« protecteur » dans 1 Th 5, 12, mais le passage implique aussi l’attention et
« le droit de gouverner » 34. Un indice qui pourrait expliquer la variété des
nuances peut être explicité par les autres utilisations de ces mots souvent en
relation avec les fonctions d’« évêque » et de « diacre » dans les lettres
pastorales. Le terme n’est pas utilisé pour désigner le rôle de ces officiers
dans la communauté, mais pour montrer le bon usage de leur autorité au sein
de leurs maisons, qualification nécessaire pour occuper ces fonctions dans
l’Église (1 Tm 3, 4-5. 12). Le terme n’est utilisé que dans les lettres pasto-
rales et il se rapporte au rôle des anciens dans l’église (1 Tm 5, 17). Pour
l’ancien, l’Église était tout simplement une extension de sa propre maison,
car il l’y accueillait. Nous sommes ici au cœur du sujet. Le chef de la maison
a une position d’autorité (en fait, une autorité considérable 35), il pourvoit aux
besoins de tous ceux qui se trouvent dans sa maison (famille, esclaves et
domestiques), et de par son statut social et de par sa richesse il est le patron
et le protecteur de tous. Les premières maisons-Églises pauliniennes jouis-
saient du patronage et de la protection de personnalités locales au rang social
important qui soutenaient l’Évangile, et elles reconnaissaient leur autorité.
Ces maîtres de maison/patrons de l’Église représentent la classe d’évêques-
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conclusion de la liste de Paul plutôt terne : celui qui partage, celui qui donne
son aide, celui qui exerce la charité. Alors que la rhétorique peut faire des
répétitions, l’analogie de Paul avec le corps humain, ici comme en 1 Co 12,
devrait représenter la variété des dons de l’Esprit, les différentes fonctions de
chaque membre du corps et nous ne devrions donc pas nous attendre à voir
Rm 12, 8 conclure par une liste de synonymes.
Le sens de maître de maison, hôte et président des réunion pour ho proïs-
tamenos en Rm 12, 8 permet une interprétation plus riche, et révèle en fait
que Paul pense à l’ordre précis du culte lors des réunions chrétiennes. La
charité pour les pauvres faisait partie intégrante des repas des premiers chré-
tiens. Cela distingue en fait l’aumône chrétienne de l’aumône de la syna-
gogue citée par des sources rabbiniques, pour lesquelles de l’argent destiné à
acheter de la nourriture était porté aux pauvres la veille du Shabbat 38. Les
chrétiens faisaient la chose autrement, ils s’occupaient de leurs pauvres lors
des repas dans les maisons privées utilisées pour leurs réunions. Ce processus
tient sûrement son origine du repas de Jésus avec « les collecteurs d’impôts
et les pêcheurs » (Lc 7, 30-32 ; 19, 7) et on peut aussi l’observer tôt dans les
Actes (Ac 6, 1), où le service (quotidien) à toute personne dans le besoin
(2, 45 ; 4, 35) consistait en repas (quotidiens) pris dans des maisons privées
(Ac 2, 46). La réunion commençait probablement par un discours suivi du
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Comme tous ceux qui sont nommés ont des noms grecs, ils ne semblent
pas avoir été nommés pour le service des pauvres de toute la communauté de
Jérusalem mais seulement pour le groupe des « Hellénistes ». Il semble que
la distinction entre « Hellénistes » et « Hébreux » dans Actes 6, 1 ne soit que
linguistique. Tous ceux qui habitaient en Palestine à cette époque connais-
saient des rudiments de grec. Les chrétiens « hellénistes » semblent ne pas
connaître l’araméen et donc de ne pas être intégrés dans la première commu-
nauté des disciples de Jésus dont le culte était pratiqué en araméen 39. À
l’inverse, ils restèrent dans le contexte des communautés-synagogues ayant
des liens forts avec la Diaspora. Ces synagogues sont mentionnées pour la
première fois dans les Actes à cet endroit (6, 9). Deux de ceux qui sont
nommés parmi les Sept réapparaissent dans des rôles de prédication et
d’enseignement. Étienne enseigne de manière dérangeante dans des syna-
gogues hellénophones (6, 8-8, 1). Philippe évangélise la Samarie (8, 4-13).
Leur rôle semblait donc se composer de diverses tâches pratiques : charité
auprès des pauvres, enseignement, évangélisation et direction de l’entière
communauté des chrétiens d’expression grecque.
La détresse des veuves hellénistes advint probablement parce que les
communautés hellénistes grandissaient à une certaine distance de la première
communauté, dans le contexte des synagogues hellénophones. La solution
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39. Cf. M. HENGEL, Between Jesus and Paul, Londres, SCM, 1983, p. 1-29, 133-156.
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40. On peut penser à des vêtements, tels que ceux que Tabitha confectionnait à Joppé,
Actes 9, 36-43. On peut comparer la « distribution quotidienne »avec le processus de repas
communautaires dans les camps esséniens décrits par PHILON, Hypothetica, 11, 8-13. Ici chaque
membre travaillait en dehors de la communauté et rapportait son salaire pour le joindre aux
fonds communs à la fin de la journée de travail. Puis, le superviseur du camp prend l’argent et
achète tout ce dont la communauté a besoin, y compris de la nourriture pour le repas du soir,
durant lequel la distribution doit être faite. Dans le contexte de cette description, il y a
une insistance particulière sur le soutien des personnes âgées et malades, celles-ci ne pouvant
apporter leur contribution mais ayant tout de même le droit de participer au repas de la commu-
nauté, comme dans Actes 6, 1.
41. Cf. Brian J. CAPPER « The interpretation of Acts 5.4 » Journal for the Study of the New
Testament 19, 1983, p. 117-131 ; « The New Covenant in Southern Palestine at the Arrest of
Jesus » in The Dead Sea Scrolls as Background to Post-Biblical Judaism and Early
Christianity, James R. Davila, éd., Studies on the Texts of the Desert of Judah XLVI,
Leiden/Boston, Brill, 2003, p. 90-116 ; « The Church as New Covenant of Effective
Economics : The Social Origins of Mutually Supportive Christian Community » in
International Journal for the Study of the Christian Church 2, 2002, p. 83-102 ; « Community
of Goods in the Early Jerusalem Church » in Aufstieg und Niedergang der Römischen Welt,
H. TEMPORINI & W. HAASE, éd., série II, vol. 26, part 2, Berlin, De Gruyter, 1995, p. 1730-
1774.
42. PHILON, De la vie contemplative, p. 70-71.
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ses instructions aux Corinthiens : « Pour la collecte en faveur des saints […].
Le premier jour de chaque semaine, chacun mettra de côté chez lui ce qu’il
aura réussi à épargner, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour recueillir
les dons. » Le texte n’a pas de sens si on considère « épargner » comme
faisant référence à des économies privées, personnelles, une accumulation du
croyant individuellement en attendant l’arrivée de Paul. Le « premier jour de
la semaine » était le jour où les chrétiens se rassemblaient et où on procédait
à une collecte publique. Dès lors l’Église dispose de fonds, rendant inutile la
collecte après l’arrivée de Paul 44. Comme les seuls locaux dont disposent les
chrétiens étaient les maisons des maîtres les plus aisés, ces fonds étaient stoc-
kés sous leur surveillance. On peut voir un indice sur les fonctions finan-
cières de ces maîtres de maison lorsque Paul s’adresse spécifiquement aux
« épiscopes et diacres » à Philippes (Ph 1, 1), car sa lettre se termine par des
remerciements attentionnés pour le soutien matériel (4, 10-20), et il se peut
que les finances déterminent une bonne partie de l’argumentation précédente
de la lettre 45. Les membres ayant ces fonctions sont probablement les anti-
lempsis et kyberneseis de 1 Co 12, 28. Rappelons que la Revised Standard
Version traduit le nom du groupe précédent par helpers (aides), car antilam-
banein peut signifier « se charger de, aider, venir au secours de 46 ». Dans la
conclusion de son discours aux Éphésiens, où Paul fait des commentaires sur
les finances de l’Église (Ac 20, 33-36), le verbe fait référence au secours aux
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44. Pour plus d’arguments sur cette opinion voir E. E. Ellis, op. cit., p. 94-95.
45. Cf. Brian J. CAPPER, « Paul’s dispute with Philippi : Understanding Paul’s Argument in
Phil. from his Thanks in 4, 10-20 », Theologische Zeitschrift 49 (1993) p. 193-214.
46. BAUER-ARNDT-GINGRICH, op. cit., p. 74.
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47. Cf. E. M. M EYERS et James F. S TRANGE , Archaeology, the Rabbis, and Early
Christianity, Londres, SCM, 1981, p. 58-61, 128-130.
48. C. H. KRAELING, The Christian Building (Excavations at Dura-Europos, Final Report),
VIII, Part II, M. I. ROSTOTZEFF et al., éd., Londres, Oxford University Press, 1943 sqq., p. 7-30.
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49. J. B. LIGHTFOOT, Excursus « The Christian Ministry » in Les Épîtres de Saint Paul,
Philippiens, Londres, Macmillan, 1888, p. 181-269.
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que plus les itinérants prenaient de l’âge, plus ils étaient enclins à s’établir à
un endroit pour des périodes de plus en plus longues, ou même
définitivement 52. Il n’est pas difficile d’imaginer que les deux processus, la
promotion hiérarchique d’anciens, locaux très respectés, ainsi que la sédenta-
risation d’itinérants de renom, ont tous deux contribué à la création
d’évêques monarchiques de même statut. Certains évêques monarchiques
étaient probablement des itinérants âgés qui s’étaient établis dans une ville
faisant partie de leur ancien domaine de mission. Ils auraient automatique-
ment joui d’une autorité supérieure à celle des anciens-évêques et auraient
conservé leur droit au soutien communautaire. D’autres étaient probablement
promus par acte délibéré du rang d’ancien-évêque à celui de gardien de tous
les chrétiens de la ville ; ils auraient été payés, car leurs responsabilités
seraient devenus autrement plus importantes 53.
Ainsi, le contexte social nous aide à expliquer l’émergence de la hiérar-
chie tripartite des fonctions dans l’Église. L’ordre tripartite existait bien dans
les Églises des premières décennies : une classe itinérante, une classe de
maîtres de maison/anciens-évêques et une classe de domestiques servant lors
du repas chrétien. Cet ordre devint la hiérarchie de l’évêque monarchique, de
son conseil des anciens, et des diacres servant à l’eucharistie et venant en
aide aux pauvres. Cette transition impliqua non seulement la création d’une
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52. Cela a pu être un facteur très important dans le processus qui a engendré la classe des
évêques monarchiques.
53. Il est possible que le groupe des anciens-évêques ait cherché des hommes plus jeunes,
disposant de l’énergie nécessaire pour diriger les communautés réunies dans une ville.
F. M. YOUNG soutient cette opinion qui fait de l’évêque monarchique un élu des anciens : « On
EPISKOPOS and PRESBYTEROS », Journal of Theological Studies, ns, 45, 1994, p. 142-148. Ce
développement est cependant moins plausible si on considère l’autorité presque tyrannique que
revendiquait l’évêque monarchique plus tard. Celui-ci devait être une figure d’un certain rang
social pour présider les anciens lors des réunions de la communauté.
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54. La question de la virgule est souvent débattue. Pour une étude judicieuse du passage,
partageant l’opinion exprimée ici, voir A. M. Lincoln, Ephesians, Dallas, Tex., Word, 1990,
p. 253-254.
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