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Cours de spiritualité

Chapitre I « Marche en ma Présence »


Genèse 17,1

Cette parole de Dieu à Abraham servira de leitmotiv à l’année qui commence.

Leitmotiv : qu’on retrouve tout au long d’une pièce musicale, sous différentes formes. De même pour nous,
à travers la prière, l’étude, le service des malades, la vie fraternelle, nous chercherons à marcher en
présence de Dieu.

Marcher.
Avec tout ce que cela comporte : quitter, un but à atteindre, un effort, une progression. « Tu avances si tu
marches, mais avance dans le bien, avance dans la foi droite, avance dans la vie pure. Sans t’égarer, sans
reculer, sans piétiner. » (Saint Augustin Sermon 256 ; Constitutions paragraphe 85)

En attendant que nous soyons parvenus au terme de la route – « maintenant notre marche prend fin devant
tes portes, Jérusalem » (Psaume 121) -, nous sommes en chemin, « pèlerins de Dieu », « voyageurs sur la
terre, en route vers la patrie. » (Constitutions paragraphes 76 ; 44)

Marcher : quitter, traverser, parvenir.


Notre vie, de la naissance à la mort, est une longue marche. Nous ne sommes pas les rives qui regardent
le fleuve passer (spectateur), nous sommes l’eau qui avance irrésistiblement (acteur), qui tient compte du
pays traversé, qui se charge d’alluvions. Etre en vie veut dire marcher, avancer, changer, se transformer.

Si nous prenons l’exemple d’Abraham, sa connaissance de Dieu coïncide avec un départ : il quitte tout ce
qu’il connaît : pays, parenté, genre de vie, maison. (Genèse 12,1)

Déjà, avant l’alliance avec Abraham, il est dit des justes qu’ils marchèrent avec Dieu : « Hénoch marcha
avec Dieu. » « Noé marchait avec Dieu. » (Genèse 5,22-24 ; 6,9)

Cela signifie que Dieu est leur compagnon de route, mais aussi leur guide : ils lui font confiance. « Par la
foi, Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage et il partit ne sachant où
il allait. » (Hébreux 11,8)

Dieu prend l’initiative : Il appelle Abraham, et il lui promet une terre et une postérité. (Genèse 12,2 ; 15,1 ;
17,2-9 ; 18)

Abraham croit, et se met en route, concrètement. Si « les grandes aventures sont d’ordre intérieur », elles
nous engagent physiquement dans des choix. (Sainte Thérèse d’Avila)

L’auteur de la lettre aux Hébreux montre que l’objet de la promesse – une postérité, une terre – ne se réduit
pas à des possessions matérielles et terrestres : « C’est dans la foi qu’ils moururent tous sans avoir reçu
l’objet des promesses, mais ils l’ont vu et salué de loin, et ils ont confessé qu’ils étaient étrangers et
voyageurs sur la terre. Ceux qui parlent ainsi font voir clairement qu’ils sont à la recherche d’une patrie. Et

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s’ils avaient pensé à celle d’où ils étaient sortis, ils auraient eu le temps d’y retourner. Or en fait ils
aspiraient à une patrie meilleurs, c’est-à-dire céleste. » (Hébreux 11,13)

Pendant cette année, nous allons donc marcher. Non pas seule !
 avec une communauté,
 avec une responsable qui accompagne, balise et soutient
 avec l’Eglise, et surtout,
 avec Dieu : (Constitutions paragraphes 219 ; 225)

Marche en ma présence. (Genèse 17,1)

« Le mot « présence » suggère quelqu’un, à proximité, vivant, qu’on peut voir, ou toucher, ou
sentir. « Sentir une présence », c’est percevoir qu’une vie est là. Le contraire : l’absence, qui met en
marche l’imagination, la mémoire, mais la personne n’est pas là.

Dieu est.

« Je suis celui qui suis. » (Exode 3,14)


Sa présence emplit l’univers, il ne peut en être absent ; c’est ce qu’on appelle immanence (manere,
demeurer – in, dans.)
Dieu ne se confond pas avec le créé (différence avec le panthéisme où tout est Dieu.)
Voir Saint Augustin et le manichéisme. (Confessions, Livre VII)
Il est le créateur, distinct de son œuvre, qui ne cesse de créer et de maintenir en vie son œuvre, Lui qui est
vie. « En Lui nous avons la vie, le mouvement et l’être. » (Actes des Apôtres 17,28 ; Sagesse 13,1-5 ; 11,
24-25)

Transcendance et immanence.
Il faudrait reprendre tout ce que nous avons déjà dit de Dieu. (Cf. cours de théologie)

 « Dieu est celui qui est. » (Exode 3,14)


 « Alors vous saurez que je suis. » (Jean 8,28)
 « Que vous croyiez que je suis. » (Jean 13,19)

C’est le texte central de la révélation. Pour dire Dieu, on emploie un verbe, indiquant activité, dynamisme,
énergie : le verbe être à tous les temps.

 « Dieu était, est et vient. » (Apocalypse 5,8)


 « Grâce et paix vous soient donnés par « Il est, Il était et Il vient. » (Apocalypse 1,4)

Par sa sainteté, Dieu est séparé. Il n’est pas un élément du monde. Il en est séparé parce qu’il est d’une
richesse surabondante. Et lorsqu’il se manifeste, cela fait tout éclater : Isaïe a les lèvres brûlées. (Isaïe 6,6)
Nul ne peut voir Dieu sans mourir. (Exode 33,20) Mais le paradoxe de la sainteté de Dieu, c’est que celui
qui détruit est celui qui vivifie. L’extrême de la sainteté de Dieu est sa proximité. « Quelle est la grande

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nation dont les dieux se fassent aussi proches de nous chaque fois que nous l’invoquons ? » (Deutéronome
3,7)
Dieu agit. Son regard est créateur parce que c’est un regard d’intelligence, d’amour, de volonté. S’il cessait
de regarder les choses, elles disparaîtraient. (Le commencement de toute prière est de se savoir regardé
par un regard de bonté, d’amour et de force.)

Donc, du fait que Dieu est, il est présent à son œuvre : aux hommes, aux choses et à l’histoire.

« Interroge donc les anciens âges qui t’ont précédé depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre : d’un
bout du ciel à l’autre, y eut-il jamais si auguste parole ? En entendit-on de semblable ? Est-il un peuple qui
ait entendu la voix du Dieu vivant parlant du milieu du feu, comme tu l’as entendue, et soit demeuré en
vie ? Est-il un dieu qui soit venu se chercher une nation au milieu d’une autre ? » (…) (Deutéronome 4,32-
34) « Sache-le donc aujourd’hui et médite le dans ton cœur : c’est Yahvé qui est Dieu, là-haut dans le ciel
comme ici-bas sur la terre, lui et nul autre. » (Deutéronome, 4,39)

Il est le tout-autre et le tout-proche. « Ne crains pas, je suis avec toi », (Jérémie 2,8) auquel fait écho la
parole de Gabriel à Marie : « Le Seigneur est avec toi. Sois sans crainte. » (Luc 2,28-30)

Comme l’avait annoncé le prophète : « car je viens demeurer au milieu de toi » (Zacharie 2,14) et « Yahvé
ton Dieu est au milieu de toi. » (Sophonie 3,17) (On trouve 365 fois dans la Bible « ne crains pas. »)

L’absence ne viendra jamais de Dieu, c’est nous qui pouvons, par le péché, être absents à Dieu.
(Confession de Saint Augustin) « Ils m’ont abandonné, moi la source d’eau vive ! » (Jérémie 2,13) « Si tu
savais le don de Dieu ! » (Cf. La Samaritaine – Jean 4,1)

Si l’on reprend la trame de la présence de Dieu à travers l’histoire humaine, on y trouve différentes formes
de présence :

Dieu créateur fait l’homme à son image et ressemblance. Il a avec lui des relations personnelles. «  Ils
entendirent le pas de Yahvé Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du soir. » (Genèse 1,26)
Par le péché, l’homme devient absent à Dieu : « Adam, où es-tu ? » (Genèse 3,8)

Mais Dieu continue d’être présent à l’homme et veut le ramener vers lui.

C’est le temps des patriarches (qui marchent avec Dieu), puis de l’alliance avec Abraham, Moïse, lui « que
Yahvé connaissait face à face », (Deutéronome 34,10) les rois, l’éducation du peuple que Dieu prépare afin
qu’il reconnaisse un jour, dans le messie, la présence de Dieu lui-même. « Et le Verbe se fait chair et il
habite parmi nous. » Emmanuel. (Jean 1,14)

Par l’Esprit Saint, Jésus continue d’être présent : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du
monde. » (Matthieu 28,20)

Temps de l’Eglise.

Présence eucharistique : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » « et il
aura la vie éternelle. » (Jean 6,56) « Je vais vous préparer une place, je vous prendrai près de moi, afin
que là où je suis, vous soyez aussi. » (Jean 14,1-3)

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Pour nous qu’est-ce que marcher en présence de Dieu ?

1. Marcher avec Lui, ce qui suppose


Qu’on le connaisse et qu’on croie en Lui
(don de la foi, adhésion de notre intelligence, foi en ses promesses)

2. Suivre ses chemins


Par l’obéissance (renoncement, engagement)
Dans la confiance (foi, amour, humilité)

3. S’attacher à lui comme seul bien


Tout attendre de Lui
Tout recevoir de Lui
Tout lui donner.

C’est ce qu’a fait Abraham, notre père dans la foi.


Dieu appelle Abraham, qu’il a choisi, discerné. Abraham entend l’appel de Dieu, il écoute.
Dieu lui promet une terre, une postérité, et pour celui lui demande de tout quitter.
Abraham croit dans la promesse et il obéit en partant et en misant tout sur Dieu. Il marche en présence de
Dieu, son ami, et fait ce qui lui plait : paix avec Lot, détachement
Hospitalité à Mambré
Intercession pour Sodome

Par le sacrifice d’Isaac, il prouve qu’il ne préfère rien à Dieu, et Dieu le comble de promesses et de
bénédictions. « Abraham a vu mon jour et s’est réjoui. » (Jean 8,56)
« Marche en ma présence = tu seras parfait. » (Genèse 17,1) C’est une équivalence. Etre parfait, c’est,
après avoir entendu l’appel, - et cet appel se renouvelle tout au long de notre vie – marcher avec Dieu, à sa
lumière (rôle éminent de la Parole), de sa vie (vie divine reçue au baptême et nourrie par les sacrements),
pour sa gloire (amour oblatif qui englobe tous les frères, fils comme nous du Père.)

Si nous regardons ce que l’Eglise a donné comme but au noviciat, nous trouvons tout cela :

Le but du noviciat est d’initier progressivement les novices :


o Au détachement de tout ce qui n’est pas en rapport avec le royaume de Dieu (quitter – choisir Dieu comme
seul bien) ;
o A la pauvreté ;
o A la prière (tout se reçoit dans la prière) ;
o A l’union habituelle avec Dieu dans la disponibilité à l’Esprit Saint (marche en ma présence) ;
o A s’entraider spirituellement dans une charité franche et ouverte ; (Abraham est père de tout un peuple,
c’est en communauté et en Eglise que nous cheminons. « Chercher Dieu ensemble. »

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Le Christ qu’on adore et nourrit à l’hospice

du Grand Saint Bernard

Par Jean-Marie Lovey C.r.b.


Prieur et maître des novices

La vie religieuse a pris naissance dans l’Eglise, s’est développée au cours des âges selon les modes très
variés des différents instituts et ne se maintiendra à l’avenir qu’en référence au seul Christ Jésus. C’est la
sensibilité différente qui la situe tantôt comme une imitatio Christi (imitation), tantôt comme une sequela
Christi (marche à la suite).

Marche en ma présence. Telle est l’invitation programme que les Chanoines du Grand Saint Bernard
font à ceux qui veulent, dans leur cadre très concret de la montagne, entrer plus avant dans l’intimité de
Dieu.

Cette invitation, chaque religieux essaie de l’accueillir dans sa propre vie, d’abord. Ainsi le temps de
formation est conçu comme une marche à la suite de Jésus. Ensuite, le chanoine du Saint-Bernard,
soucieux de rejoindre les hommes de son temps pour mieux les amener jusqu’à ce sommet qui est le
Christ, emboîtera leurs pas pour aller avec eux sur les traces qu’il s’est exercé à repérer. Ces balises se
laissent reconnaître. Elle ont habituellement la forme d’une croix. C’est la signature que Jésus dépose sur
son passage dans notre histoire humaine.

Marche en ma présence. Invitation toujours ancienne et toujours nouvelle. C’est dans le sillage de
Moïse et de tous nos pères dans la foi qu’il nous est proposé d’aller, d’oser, de risquer l’aventure et la
liberté. Notre vocation est, par ce biais, une vocation de communion avec tout un peuple. Peuple de
croyants en marche « vers une patrie meilleure » (Hébreux 11). Peuple de passants ; peuple de tout-venant
sans acception de personne. La montagne a pris aujourd’hui la forme d’un carrefour pour ces peuples de
différentes races et langues. Elle offre un chemin neuf pour marcher, plus de 3 000 ans après, aux pas de
Moïse, vers de nouveaux Canaan. La montagne demeure un lieu décapant où la nécessité de marche
s’impose avec son expérience de durée, de lenteur, de respect des conditions sur lesquelles l’homme
n’aura jamais une maîtrise totale : l’itinéraire, la météo. Autant de valeurs qui situent l’homme à sa juste
place, lui tout petit dans le vaste univers et pourtant appelé à être partenaire d’une Présence d’Immensité
sur ces routes humaines.

« Marche », avait dit Dieu à Moïse, mais « marche en ma Présence ». Puis, marche, pour exprimer ta
communion avec tous les hommes.

 Marche tout d’abord avec les frères de ta communauté ; ils te sont donnés pour que « vous n’ayez
qu’un cœur et qu’une âme en Dieu. » (Règle de Saint Augustin)

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 Marche avec celui qui ne sait pas où aller ou bien ne sait plus où sa vie le conduit  ; marche ! ses pas
l’ont amené à l’hospice du Grand-Saint-Bernard ou du Simplon. Ne lui demande ni son passeport, ni son
porte-monnaie. Fais un bout de chemin avec lui ; marche.
 Marche avec tous ceux, jeunes ou âgés, pratiquants ou non, qui ont déjà avancé, accompagnés par
les prêtres qui t’ont précédé dans telle paroisse.
 Marche, même si c’est dans le bruit ou la dissonance. Marche avec ces jeunes qui apprennent le
métier des hommes sur les bancs d’école. Marche tantôt en avant pour indiquer le chemin, tantôt en arrière
pour n’en laisser aucun de côté.
 Marche avec l’audace des pionniers qui ont pris le rythme d’une culture, d’une pensée, d’une langue,
d’une vie tellement autre sur la Belle Ile de Taiwan aujourd’hui, et hier encore aux Marches tibétaines.

Oui, marche, nous est-il rappelé, pour exprimer ta communion avec tous les hommes et marche en ma
présence, pour exprimer la communion avec ton Dieu.

 Présence aimantant notre boussole et qui donne la direction de la marche par beau temps comme
dans le brouillard.
 Présence à vérifier au quotidien de la célébration eucharistique et liturgique, simple et belle comme
un chemin de grande randonnée.
 Présence à savourer dans la prière personnelle, dans la contemplation gratuite, même lorsqu’elle est
ardue et désertique comme les pierriers des Alpes.
 Présence divine à honorer – et c’est l’acte de foi suprême – dans le cœur de chaque personne, à
commencer par les confrères que notre ministère nous confiera comme compagnons de route.

« Tout ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait  » (Matthieu 25),
avaient écrit nos anciens confrères sur le pourtour du chœur de l’Eglise du Grand Saint-Bernard. Et plus
haut dans le temps, un autre confrère avait frappé cette formule pour inviter à la double communion avec
les hommes et avec Dieu : « Ici, le Christ est adoré et nourri. » C’est depuis 900 ans la devise de l’hospice.
Hic Christus adoratur et pascitur… Là se résume le charisme de notre fondateur. Or le charisme n’est
pas seulement un savoir-faire, un devoir-faire, parce que dans ce cas, on commettrait une double erreur :
celle de réduire la Vie Religieuse à un aspect purement fonctionnel et celle de définir le charisme
uniquement en fonction de l’homme. Le charisme est d’abord un don. Un don dans sa source. Le
charisme se reçoit. Le charisme de ma communauté me provoque à un questionnement. Et ce
questionnement est moins « Qu’est-ce que je peux faire ? » pour être de cette communauté que « Qu’est-
ce que l’autre attend de moi ? » - et qui me fera participant au charisme originel.

Mon charisme me décentre par rapport à moi-même. Il ne m’appartient pas puisque je n’en suis pas la
source. Il me porte au-delà de moi-même.

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Piste de Travail

Abraham

Genèse 12 – 25 surtout : 12,1-9 ; 14 ; 15 ; 17 ; 18 ; 22


La révélation et la réalisation du Dessein de Dieu commencent historiquement avec Abraham. A travers le
fondateur d’un peuple, Dieu parle à toute l’humanité et l’appelle au Salut.

Désormais, un homme, et par lui, tout un peuple se savent en relation avec le :
 Dieu unique,
 Vivant
 Et vrai.

1. les faits
 Il se sont parlés.
(peu importe comment. Les auteurs sacrés ne s’intéressent qu’à la

Abraham a été  en rencontre entre Dieu et l’homme ; l’essentiel est l’expérience authentique.

relation avec Dieu  La vie d’Abraham a été modifiée par cet appel.
(une vocation est comme une création. Cf. le changement de nom au
chapitre 17)

Le situer dans son temps,


2. Qui est Abraham ? Dans son milieu.

Retrouver dans les textes le


 Dieu Personnel
 Dieu libre, qui engage le dialogue,
Veut manifester sa présence,
Et se fait proche de l’homme.
3. Comment Dieu  Dieu unique
Créateur
apparaît-il dans ce
Transcendant,
dialogue ?
Universel.

 Dieu fidèle

 Dieu qui ne se contente pas de rites,


Mais veut un dialogue d’amitié.

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 Dieu intervient dans l’histoire pour réaliser son dessein.


Il s’engage en faisant une promesse qui a un triple objet.
(Quelles sont ces promesses, quand se réalisent-elles ?)
Noter que le mot hébreu « Dabar » qui signifie aussi bien « chose » que
« parole » met bien en relief cette liaison entre la parole et l’action ; ici,
entre la promesse et sa réalisation.
 Dieu veut créer une communion, une alliance
4. Que dit Dieu ? avec les hommes, en faire ses amis.
(préciser la notion d’alliance)
 Comprendre par là la place et le rôle d’Abraham dans l’histoire du
Salut.
- comment Abraham peut-il être dit « notre père » ?
- comment « tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la
foi, sont inclus dans la vocation de ce patriarche. »

Toute la vie d’Abraham est une marche avec Dieu (cf. Hébreux 11,8-20)
 La foi
- qu’est ce que croire en Dieu ?

- voir d’après la vie d’Abraham, combien la « Parole » est


déroutante pour l’homme, que c’est un appel absolu, de plus en plus
exigeant.

- Remarquer que cette foi est faite d’obéissance et de


confiance, est une expérience concrète qui prend tout l’homme. (Abraham
part « Sans appui et pourtant appuyé » Saint Jean de la Croix)
5. Comment Abraham
 En quoi cette foi est-elle inséparable chez Abraham de l’espérance.
répond-il à la Parole ?
« Dieu a choisi Abraham pour croire en lui et espérer contre toute
espérance en la promesse qu’il lui a faite. Foi et espérance, c’est tout un ; à
celui qui croit, rien n’est impossible, parce que tout est possible à Dieu, et
cela au cœur de l’épreuve qui porterait à désespérer. »
 L’alliance est un engagement d’amour
Abraham devient « l’ami » de Dieu (cf. Isaïe 41,8)
Les relations entre Dieu et l’homme sont si réelles que Dieu donne des
droits à ses amis. (Cf. Genèse 18)

« Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » notre Dieu est le Dieu vivant d’Abraham.
Abraham est à l’origine d’une histoire où Dieu toujours parle et vit

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Recherche sur la Présence de Dieu


A travers les Confessions de Saint Augustin

Présence de Dieu Présence de Dieu L’homme présent


Créateur et providence au cœur de l’homme à Dieu

Livr 2.10.31.3 Livre 2.5.6.21 Livre 5


e I I
I
Livr 11.16 Livre 3 Livre 1.2.3.14.18
e II II
III
Livr 14.15.17.18.19 Livre 8.10 Livre 10
e III III
IV
Livr 1.2.4.5.13 Livre 14.16.18.19.31 Livre 14.16.18.19.27.31
e IV IV
V
Livr 1 Livre 2.3 Livre 1.20.26
e V IV
VI
Livr 5.7.13.18.21.23.26 Livre 1.4.8.26 Livre 16.20.23.24.26
e VI VII
VII
Livr 2 Livre 13.16 Livre 1.2.8.9.19.27.33
e VIII VII VIII
Livr 18.25.32 Livre 1.4.8.25 Livre 2.5.6.32.39.40.65.66.70
e IX VIII X
Livr 7.9.53 Livre 1.3.10.11.22.18.28 Livre 4.28.39
eX IX XI
Livr 3.5 et 59 Livre 1.2.6.35.36.37.38.65.69 Livre 13.23
e XI X XII
Livr 2 et 59.39.40 Livre 3.4.41 Livre 1.3.4.5.6.8.10.14.15.53
e XII XI XIII
Livr 1.2.3.4.5.6.28.33.43.48 Livre 10.21.35

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e XIII XII
Livre 1.4.5.6.8.9.14.15.18.21.
XIII 44.45.46.49.52

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Chapitre II « Désir de Dieu »

Le désir.

Il est constitutif de l’homme. L’homme passe son temps à désirer quelque chose, quelqu’un.
Le désir prouve qu’il nous manque quelque chose : quand le désir est satisfait, on est comblé : repos,
plaisir, joie.
Différents désirs, des plus physiologiques aux plus spirituels. Les premiers sont plutôt des besoins que des
désirs (manger, boire, dormir…) Mais ne peut-on en dire autant des plus spirituels ? (connaître, aimer, être
reconnu, être aimé…) Toujours est-il que l’homme est un être de désir ; ses besoins se conscientisent en
désirs, c’est-à-dire qu’au-delà de la satisfaction de ses besoins, il recherche quelque chose qui va le rendre
heureux. L’idée de bonheur est proprement humain. (Différence avec l’animal qui se contente d’instincts
apaisés : « eux repus, tout s’endort, les petits et la mère »…)

Chez l’homme, le désir est un véritable moteur, une force qui va lui faire faire les choses le plus variées et
les plus difficiles pour obtenir l’objet de son désir.

Qu’est-ce que l’homme recherche en désirant ? L’homme recherche toujours ce qui va le rendre heureux,
donc un bien, ou du moins il désire une chose dont il pense qu’elle va le rendre heureux. On ne peut
désirer le mal, pour soi. Ou, si l’on désire quelque chose de mauvais, c’est parce qu’on le croit bon.
Exemple de l’enfant qui désire attraper une flamme parce qu’il la trouve belle …
Toute notre vie, nous sommes assaillis de désirs multiples, parfois inconciliables ou contradictoires. Et si
nous voulons tous les satisfaire, nous nous apercevons vite que c’est impossible. Il faut faire des choix,
d’abord entre les possibilités contraires (on ne peut être à la fois à Paris et à Brest…), ensuite suivant la
hiérarchie des valeurs qu’on s’est donnée. Plus l’homme s’animalise, plus sa hiérarchie des valeurs est
limitée aux besoins égoïstes et matériels ; plus l’homme se spiritualise – ou plutôt s’humanise – plus il tient
compte des besoins non seulement de son corps, mais aussi de son esprit et de son âme, et de ceux des
autres hommes qui l’entourent. Et c’est à ce niveau qu’il cherchera le bonheur, dans la satisfaction des
désirs les plus humains, les plus spirituels. Parmi ces désirs, il en est un, universel, de tous les temps et de
toutes les cultures : le désir de rencontrer un Bien infini, sous toutes ses formes, bonté, puissance, vérité,
vie, qui, une fois comblé, ne laissera plus de place pour un autre désir : le bonheur parfait. Ce Bien, nous le
savons, n’est autre que Dieu, qui est Amour, Toute-Puissance, Sagesse, Vérité, Beauté suprême.
Voilà donc l’enchaînement logique de notre approche sur le désir : L’homme désire des biens pour être
heureux. Dieu est le souverain Bien, donc le désir de Dieu conduit l’homme au bonheur parfait.

Le désir de Dieu est, dans la vie spirituelle, la vie intérieure, le premier moteur indispensable pour nous
mettre en route, en marche.

D’où vient ce de désir de Dieu ?

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Il faut reprendre le récit de la création. Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre
ressemblance. » (Genèse 1,26) Créés à l’image de Dieu, défigurés par le péché originel, nous conservons
cependant en nous cette empreinte ineffaçable, cette ressemblance filiale. Il y a en nous une mémoire
secrète qui murmure : viens vers le Père !
Dieu sait, lui qui nous a modelés, qu’il est notre bonheur, que nous sommes destinés à vivre avec lui dans
l’amour, dans la paix que rien ne trouble, dans la vérité aimée et possédée.
« Celui qui t’a fait t’exige tout entier, non pas pour s’enrichir, mais pour te rendre heureux. L’homme se doit
à Dieu, et pour être heureux il doit se rendre à celui dont, par sa création, il a reçu d’être ce qu’il est. »
(Saint Augustin)
Il y a donc un désir « naturel » de Dieu. Mais que dire du désir d’un cœur habité par la Trinité, d’un cœur
qui a reçu la révélation de l’amour de Dieu !
« Nous avons dans notre cœur un vide qu’aucune créature ne saurait remplir. Il ne peut être rempli que par
Dieu, qui est notre principe et notre fin. La possession de Dieu remplit ce vide et nous rend heureux. La
privation de Dieu nous laisse dans ce vide et fait que nous sommes malheureux. » (Le Père L. Lallemant)
« Par la foi, nous désirons Dieu, notre seul Bien véritable, et si, nous servant des créatures avec
modération – c’est-à-dire en n’en faisant pas des idoles – nous rapportons tout à la gloire de Dieu, Dieu se
donne à nous pour remplir notre vide et nous rendre heureux.
Mais les créatures veulent nous tenir lieu de bonheur, à commencer par nous-même qui nous prenons
comme seule fin, égoïstement.
Une créature nous dit : viens à moi. Je te remplirai. Nous la croyons, elle nous trompe. Ensuite une autre,
puis une autre nous tient le même langage et nous trompe de la même façon.
Les créatures nous appellent de tous côtés – désirs de la chair, désirs de domination, désirs de plaire et
d’être loués, etc. … et elles nous promettent de nous remplir. Mais toutes leurs promesses ne sont que
mensonges, et cependant, nous sommes toujours prêts à nous laisser tromper. Ainsi, nous ne sommes
jamais vraiment heureux et contents, car les créatures, quand nous nous attachons à elles, nous éloignent
de Dieu et nous jettent dans la tristesse, le trouble, la peine, qui sont les fruits aussi inséparables de la
créature, que la joie, la paix, et le bonheur sont inséparable de Dieu.
Nous nous jetons sur toutes sortes de choses, sans qu’elles nous rassasient. Dieu seul est le souverain
bien qui peut nous rendre heureux. Et nous nous trompons quand nous pensons : si j’étais à tel endroit, si
j’avais tel emploi, si j’étais avec telle personne, je serais heureux ! Une telle est heureuse, elle a tout ce
qu’elle souhaite ! Non, cela est vain. Fussiez-vous comblés par la richesse et le pouvoir, vous ne seriez pas
contentes. Cherchons Dieu, cherchons Dieu uniquement, lui seul peut satisfaire tous nos désirs. Le désir
qu’a notre âme de voir et de posséder Dieu est très grand, et, tant qu’il n’est pas satisfait nous souffrons.
C’est pourquoi il nous faut résolument renoncer à chercher dans les créatures seules notre bonheur, et
même renoncer à tout ce qui, en elles, fait obstacle au dessein de Dieu et à sa gloire. » (Père L. Lallemant)
« C’est cela marcher devant le Seigneur, avoir l’âme droite, marcher dans la vérité, chercher Dieu de tout
son cœur. Si nous ne prenons pas ce chemin, nous ne serons jamais heureuses ni contentes. »

Vous voyez que le désir de Dieu est tout pour nous. Si nous ne le désirons que peu, nous ne le trouverons
que peu, et notre bonheur, dès ici-bas, sera tout petit.

12
Cours de spiritualité

Mais si nous réfléchissons à ce qu’est Dieu : cette immensité d’amour, de beauté, de vie, de sagesse, de
vérité, et si nous réalisons qu’il veut nous unir à lui pour nous partager tout cela, nous sommes insensées,
folles, de ne pas le désirer ! Quand nous préférons ce qui nous est le plus agréable à ce qui est le plus
agréable à Dieu, c’est comme si un roi vendait son royaume pour un verre d’eau ! Cf. l’évangile du riche
insensé : « tu es fou… » (Luc 12,20)
Le désir de Dieu est tout ce qu’il y a de plus raisonnable, puisque «  Dieu nous a fait pour lui et que notre
cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il se repose en lui. » (Saint Augustin)
Mais alors pourquoi, tant de nos contemporains vivent-ils sans Dieu et apparemment bien tranquilles ?
Parce que leurs yeux sont obscurcis par ce que Saint Paul appelle « les satisfactions égoïstes de la chair ».
(Colossiens 3,5) Saint Augustin a exprimé cela autrement : « Deux amours ont fait deux cités. L’amour de
soi jusqu’au mépris de Dieu. L’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. » Nous retrouvons toujours dans le
monde ces deux cités. Cela ne veut pas dire que tous les hommes ne soient pas faits pour Dieu. Si ! Mais
Dieu laisse la liberté à chacun de vivre sa vie au niveau où il le désire, de faire ses propres choix.
« Choisis donc la vie ! » disait déjà l’auteur de Deutéronome. (Deutéronome 30,19) Choisis le bonheur, le
seul, le vrai bonheur : Dieu !
 Désirer Dieu ! Désirer ne faire qu’un avec lui, dès maintenant, par un amour de charité le plus grand
possible.
 Désirer vivre en sa présence, comme Abraham, l’ami de Dieu, comme le fils bien-aimé, comme
l’épouse avec son époux.
 Désirer être sa joie, en le préférant à tout et en faisant toujours ce qui lui plaît, comme une humble
servante.
 Désirer que tous les hommes le connaissent et l’aiment. Désirer sa gloire.
 Désirer le voir face à face, au ciel. (Térésa de Ahumada fuyant avec son frère Rodrigue, à 7 ans, vers
le pays des Maures, dans l’espoir de mourir martyre : « Je suis partie parce que je veux voire Dieu et que
pour cela, il faut mourir ! »)

Saint Augustin : le Désir de Dieu

Apprendre à désirer Dieu, apprends à préparer ce avec quoi tu pourras le voir : «  Bienheureux les cœurs,
purs, parce qu’ils verront Dieu. (Sermon 53,6)

Sans doute tu ne vois pas encore ce que tu désires, mais le désir te rend capable, quand viendra ce que tu
dois voir, d’être comblé. Supposons que tu veuilles remplir quelque chose en forme de poche et que tu
saches la surabondance de ce que tu dois recevoir ; tu étends cette poche ou ce sac ; tu sais combien est
grand ce que tu as à y mettre et tu vois qu’il est étroit. En l’étendant, tu augmentes sa capacité. De même
Dieu en faisant attendre étend le désir ; en faisant désirer, il dilate l’âme ; en dilatant l’âme, il la rend
capable de recevoir. Désirons donc, frères, parce que nous devons être comblés. (Jean 4,6)

Il faut que nous ayons faim et soif, et que cette faim, cette soif, nous portent à demander, à chercher, à
frapper. Car, « heureux ceux qui ont faim et soif de la justice… » (Sermon 61,7)

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Cours de spiritualité

Telle est notre vie : nous exercer en désirant. Or un saint désir nous exerce d’autant plus que nous avons
détaché nos désirs du monde… Vide à fond ce qui doit être rempli. Le bien doit remplir ton âme ; déverse le
mal.
Suppose que Dieu veuille te remplir de miel, si tu es plein de vinaigre, où mettre le miel  ? Il faut répandre le
contenu du vase ; il faut purifier le vase lui-même ; il faut le purifier, fût-ce à force de peiner, à force de
frotter, pour le rendre apte à recevoir cette réalité mystérieuse. Que cette réalité, nous n’arrivions pas à lui
donner son vrai nom, que nous le nommions or, que nous la nommions vin, quelque nom que nous
donnions à ce qui ne peut être nommé, quelque nom que nous prétendions lui donner, son nom est Dieu. (I
Jean 4,6)

Celui-là a beaucoup quitté, frères, qui n’a pas quitté seulement ce qu’il avait, mais encore ce qu’il désirait
avoir. Quel pauvre ne se gonfle des espérances de ce monde ? Qui ne désire augmenter chaque jour ce
qu’il a ? Ces désirs ont été retranchés. Ils s’étendaient, sans bornes. On leur a imposé des limites. Est-ce là
n’avoir rien quitté ? (Psaume 103,16)

Donne-moi un homme qui sache aimer, et il saura de quoi je parle. Donne moi un homme de désir, qui a
faim et soif, voyageur ici bas, qui aspire à la patrie éternelle : donne-moi un tel être, et il me comprendra.
Mais si c’est un cœur froid, il ne pourra pas me comprendre…
Si tu montres à une brebis un rameau vert, tu l’attires, si tu montres à un enfant des noix, tu l’attires. Il
accourt vers ce qui l’attire ; il est attiré par ce qu’il aime. Il est attiré sans aucune contrainte extérieure par
les seuls liens de son cœur.
Si le charme que les voluptés terrestres révèlent aux cœurs aimants exerce sur eux un véritable pouvoir
d’attraction (car il est vrai qu’on est attiré par sa volupté), nierons-nous cette force d’attrait au Christ qui
nous est révélé par le Père ?
Quel est le désir le plus vif de l’âme ? N’est ce pas le désir de la Vérité ? pourquoi donc doit-elle avoir une
faim dévorante, pourquoi doit elle avoir un palais sain capable de discerner le vrai, si ce n’est pour manger
et boire la sagesse, la justice, la vérité, l’éternité… (Jean 26,4-5)

Quelle sera ta prière ? Celle que t’a enseignée le Seigneur, le divin Maître.
Invoque Dieu en tant que Dieu ; aime Dieu en tant que Dieu.
Il n’y a rien de meilleur que lui. C’est lui qu’il faut désirer. Avec ardeur.
Vois comme on invoque Dieu dans les psaumes ! « Une seule chose au Seigneur je demande, la chose
que je cherche. » Quoi donc ? « C’est d’habiter dans la maison du Seigneur, tous les jours de ma vie. » Et
pourquoi ? « Pour contempler le Seigneur. »
Si donc tu veux être l’ami de Dieu, aime-le du plus profond et du plus sincère de ton cœur  ; aspire à lui en
l’aimant, brûle de ce désir, car tu ne peux trouver rien de plus doux, rien de meilleur, rien de plus heureux,
rien de plus durable. Rien n’est plus durable que ce qui est éternel. (Psaume 85,8)

Tout désir qui appelle Dieu en nous est déjà une prière. Ton désir c’est ta prière. Il y a une prière intérieure
qui jamais ne se tait : c’est ton désir. Si tu veux prier sans cesse, ne cesse jamais de désirer. Ce désir

14
Cours de spiritualité

incessant, c’est ta parole. La tiédeur de ton amour sera le silence de ton cœur  ; ton ardeur, le cri de ton
cœur. Si l’amour demeure sans cesse, sans cesse aussi tu cries ; si tu cries sans cesse, sans cesse aussi
tu désires ! (Psaume 37,14)
Si tu sers gratuitement celui qui t’a racheté…, si le souvenir de sa bonté remue ton cœur, brûle du désir
d’être à lui, ne lui demande rien d’autre que lui-même : il te suffit.
Si ambitieux sois-tu, Dieu te suffit. (Psaume 55,17)

Le désir c’est la profondeur du cœur. Nous arriverons à posséder Dieu si nous dilatons ce désir selon toute
sa capacité
C’est vers ce but que tendent et la Sainte Ecriture quand elle est proclamée, et les assemblées du peuple
chrétien, et la célébration eucharistique, et le saint baptême, et les cantiques de louange que nous
chantons à Dieu, et jusqu’à nos discussions.
Tout cela n’a d’autre but que de semer et faire germer le désir dans notre cœur, et de l’agrandir jusqu’à ce
qu’il soit capable de comprendre « ce que l’homme n’a pas vu, ce que son oreille n’a pas entendu, ce que
son cœur n’a pas compris. »
Mais pour cela aimons Dieu ensemble. (Jean 40,10)

Si la sagesse et la vérité n’est pas désirée avec toutes les forces de l’esprit, elle ne peut d’aucune façon
être trouvée. Mais si elle est cherchée autant qu’elle en est digne, elle ne peut se dérober ni se cacher à
ceux qui l’aiment. De là cette parole : « Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et
l’on vous ouvrira. Rien n’est caché qui ne doive être découvert. » (Matthieu 7)
C’est l’amour qui demande, l’amour qui cherche, l’amour qui frappe, l’amour qui découvre, l’amour enfin qui
demeure dans ce qu’il à découvert. (Méditation 17,31)

Chercher Dieu, c’est désirer le bonheur ; trouver Dieu, c’est le bonheur même. (Méditation 11,18)

Tu désires Dieu ; seul Dieu le sait. A qui demandes-tu Dieu, comme on demande le pain, l’eau, l’or, l’argent
ou le blé ? A qui sinon à Dieu lui-même ? A lui qui s’est promis.
Que ton âme dilate ses désirs et, devenue plus grande, qu’elle cherche à comprendre ce que l’œil n’a point
vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui ne s’est jamais trouvé dans le cœur de l’homme. On peut le
désirer, on peut se passionner pour cela, on peut y aspirer ; on peut le méditer, mais on ne peut l’exprimer
par des mots. (Jean 34,7)

Si tu as soif, il est ton eau.


C’est de cette source que nous avons reçu ce que nous possédons déjà, ces gouttes de pluie, cette rosée,
qui, sont tombés sur nous. Si telle est la rosée, que sera la source ?
Rafraîchi par cette rosée, mais aspirant avec ardeur à la source, dis à ton Dieu : « En toi est la source de la
Vie ! »
Cette rosée a fait naître en toi ces désirs ; ils seront rassasiés dans la source. Là nous trouverons tout ce
qui suffit aux désirs de notre cœur. (Sermon 23,10)

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Cours de spiritualité

Que cette terre, autrement dit nous-mêmes, crie donc à Dieu son désir d’être arrosée. (Psaume 42,11)

Nous avons la certitude de cette lumière, nous l’aimons ; à sa clarté nous sortons des choses sensibles
pour entrer dans le monde intérieur, et si la faiblesse de notre esprit n’a pas encore atteint le degré de
pureté qu’il exige, qu’il ne s’en éloigne pas sans une blessure d’amour et les larmes du désir, et qu’il
attende avec patience que la foi achève de le purifier, et qu’une vie sainte lui ouvre les portes de cette
habitation divine. (Jean 91,13)

Là est la source de la vie, dont nous devons être altérés en priant, tant que nous vivons dans l’espérance,
et que nous ne voyons pas ce que nous espérons ; tant que nous sommes sous les ailes de celui dont le
désir nous enivre, désir d’étancher notre soif au torrent de ses délices. Car en lui est la source de la vie,
dans sa lumière seule nous verrons la lumière. Quand nous serons, selon notre désir, rassasiés de ses
biens, nous n’aurons plus rien à demander dans la souffrance, nous n’aurons qu’à jouir de ce qui nous sera
donné. (Lettre 130,27)

Il sera lui-même la fin de nos désirs, lui que nous contemplerons sans fin, aimerons sans satiété, louerons
sans lassitude. (Cité de Dieu 22,30)
Il nous a été dit que nous posséderons Dieu ; lui seul comblera tous nos désirs ; lui seul sera notre
bonheur ; nous ne chercherons rien en dehors de lui ; nous jouirons de lui, en lui seul, nous jouirons en lui
les uns des autres. (Sermon 255,7)

L’impossible bonheur

Qu’entendre par : bien vivre ? « Goûtez les bien d’en haut, non ceux de la terre. » « Aussi longtemps que tu
es terre, tu iras vers la terre » (Genèse 3,19). Aussi longtemps que tu lèches la terre – car en aimant la
terre, il est évident que tu lèches la terre – tu es l’ennemi de celui dont on dit dans le psaume  : «  ses
ennemis lècheront la terre » (Psaume 71,9). Qu’étiez-vous ? – Fils d’hommes. Qu’êtes-vous ? – Fils de
Dieu. « Fils des hommes, jusques à quand ces cœurs lourds ? Pourquoi aimer la vanité et chercher le
mensonge ? » (Psaume 4,3). Quel est le mensonge que vous cherchez ? Je vais vous le dire. Vous voulez
être heureux, je le sais. Citez moi un homme, quel qu’il soit : voleur, criminel, débauché, malfaisant,
sacrilège, souillé de tous les vices, chargé de toutes les turpitudes et de tous les forfaits, qui ne veuille pas
être heureux. Je le sais bien, vous voulez tous vivre heureux. Mais qu’est-ce qui fait le bonheur de
l’homme ? Cela vous ne voulez pas le chercher.
Tu cherches l’or, parce que tu penses que l’or te rendra heureux. Mais l’or ne rend pas heureux… Pourquoi
chercher le mensonge ? Pourquoi veux-tu en ce monde une position élevé ? Parce que tu penses que
l’estime des hommes et les fastes du monde te rendrons heureux. Mais les fastes du monde ne rendent
pas heureux… Pourquoi chercher le mensonge ?
Et tout ce que tu peux chercher d’autre ici, quand tu cherches à la façon du monde, quand tu cherches en
aimant la terre, quand tu cherches en léchant la terre, c’est pour être heureux que tu le cherches ; mais rien
de terrestre ne pourra te rendre heureux. Pourquoi ne cesses-tu de chercher le mensonge ?

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Cours de spiritualité

Qu’est-ce donc qui te rendra heureux ? « Fils des hommes, jusques à quand ces cœurs lourds ? » Vous ne
voulez pas avoir le cœur lourd, et vous le chargez du poids de la terre ! Jusques à quand les hommes
eurent-ils des cœurs lourds ? Les hommes ont eu le cœur lourd jusqu’à ce que le Christ vînt, jusqu’à ce
que le Christ ressuscitât. « Jusques à quand ces cœurs lourds ? Pourquoi aimer la vanité et chercher le
mensonge ? » Pour être heureux, vous cherchez des biens qui rendent malheureux. Vous vous tromper
dans votre recherche, ce que vous cherchez est mensonge.

« Je veux être heureux »

Veux-tu être heureux ? Si tu le veux, je vais te montrer comment être heureux. Suis bien. « Jusques à
quand ces cœurs lourds, pourquoi aimer la vanité et chercher le mensonge ? – Sachez… » Quoi donc ?
« Que le Seigneur a magnifié son saint. » (Psaume 4,4)
Le Christ est venu vers nos misères : il a eu faim, il a eu soif, il s’est fatigué, il a dormi, il a fait des miracles,
il a enduré la souffrance, a été flagellé, couronné d’épines, couvert de crachats, souffleté, il a été fixé au
bois, blessé par la lance, déposé au tombeau, mais, ressuscitant le troisième jour, finie la souffrance, morte
la mort ! Aussi fixez maintenant votre regard sur sa résurrection, car « il a magnifié son saint », au point de
le ressusciter des morts et de lui donner la gloire de siéger à sa droite dans le ciel.
Il te montre par là ce que tu dois goûter, si tu veux être heureux. Ici tu ne peux pas l’être. Dans la vie d’ici,
tu ne peux pas être heureux, personne ne le peut. Tu cherches une bonne chose, mais cette terre-ci n’est
pas le pays de ce que tu cherches. Que cherches-tu ? Le bonheur. Il n’est pas d’ici. Si tu cherchais de l’or
dans un endroit où il n’y en a pas, celui qui sait qu’il n’y a pas là de l’or pourrait te dire : « Pourquoi
creuser ? Pourquoi fouiller la terre ? C’est une fosse pour y descendre, mais non pour y trouver quoi que ce
soit. » Vas tu répondre à ses avertissements : « je cherche de l’or » ? Et lui : « je ne te dis pas : ce que tu
cherches n’est rien ; tu cherches une bonne chose, mais elle n’est pas où tu la cherches. » Il en est de
même pour toi quand tu affirmes : « Je veux être heureux. » Tu cherches une bonne chose, mais elle ne se
trouve pas ici.
Si le Christ a trouvé le bonheur ici, tu l’y trouveras toi aussI. Ce qu’il a trouvé dans ton pays de mort,
écoute-le. En venant ici d’un autre pays, il n’a pu trouver que ce qu’il y ici en abondance : peines, douleurs
et mort ; voilà ce que tu as ici, voilà ce qu’il y a ici en abondance. Il a mangé avec toi ce qui se trouvait en
abondance dans la pauvre maison de ton malheur. Il y a bu du vinaigre, y fut nourri de fiel, voilà ce qu’il a
trouvé dans ta pauvre maison.

Invité à sa table

Mais il t’a invité à sa table magnifique, à sa table du ciel, à sa table des anges où il est lui-même le pain.
Descendant chez toi et trouvant le malheur dans ta pauvre maison, il n’a pas dédaigné de s’asseoir à ta
table, telle qu’elle était, et il t’a promis la sienne. Que nous dit-il ? Croyez, croyez que vous arriverez au
bonheur de ma table, quand je n’ai pas dédaigné le malheur de votre table. Il a pris ton malheur, il te
donnera son bonheur. Oui, il te le donnera. Il nous a promis sa vie. Ce qu’il a réalisé est encore plus
incroyable. Il nous a donné sa mort comme une avance. C’est comme s’il nous disait : je vous invite à ma
vie, là personne ne meurt, là se trouve le vrai bonheur, là la nourriture ne se corrompt pas, là elle refait et
ne manque pas. Voyez où je vous invite. Au pays des anges, à l’amitié du Père et de l’Esprit Saint, à un

17
Cours de spiritualité

repas éternel, à mon amitié fraternelle, enfin je vous invite à moi-même, à ma propre vie. Vous ne voulez
pas croire que je vous donnerai ma vie ? Prenez en gage ma mort.
Maintenant donc que nous vivons dans cette chair périssable, mourons avec le Christ, en changeant de vie.
Vivons avec le Christ en aimant la justice. Nous ne trouverons pas le bonheur, si nous n’allons pas vers lui,
qui est venu à nous, et si nous ne commençons pas de vivre avec lui, qui est mort pour nous. (Saint
Augustin – Lundi de Pâques – pages 74 à 76 ; je ne sais pas de quel livre cela a été tiré)

Le désir de Dieu

Dieu a 12 ans, l’éternel a 12 ans, ce paradoxe nous introduit plus profondément encore dans le mystère
central du salut : Jésus est vraiment hommes et il est vraiment Dieu : vrai Dieu né du vrai Dieu. Son
humanité est évidente pour sa parenté, il va maintenant affirmer sa filiation divine.

La nuit est arrivée et Marie est dans l’angoisse. Cette présence qui l’a comblée au-delà de ce que nous
pouvons imaginer lui est pour la première fois retirée. Elle s’aperçoit que cette absence humaine est aussi
une absence de Dieu. Marie Mère des contemplatifs accompagne-nous dans la nuit.

Marie avait offert son enfant au Temple lors de la présentation, le Père a agréé son offrande ; il est ainsi
des exaucements qui nous surprennent au moment où ils se réalisent. Ayons confiance, c’est Dieu qui agit :
Il ne prend que pour donner davantage.

Pourquoi jésus ne va-t-il pas au-devant de ses parents ? ne dira-t-il pas : Qui cherche trouve ? Pourquoi se
cache-t-il ainsi, pourquoi ce trésor de grâces se dérobe-t-il à ceux qui l’aiment ? Mais ils seront dans
l’étonnement ils vont le retrouver grandi ; Dieu se cache pour que nous le cherchions et le trouvions
davantage.

Trois jours autour de la Ville ils l’ont cherché : l’avez-vous l’Aimé de notre cœur ? Où ont-ils mis le corps de
mon Seigneur ? Cette préfiguration de l’angoisse du samedi saint est aussi anticipation de la joie pascale :
trois jours après ils le retrouvèrent dans le Temple reconstruit de son Corps.

Le Verbe s’est tu pendant douze ans et pour la première fois il parle au nom de Celui qui l’a envoyé auprès
des brebis perdues de la maison d’Israël. Pendant dix-huit ans encore Il se nourrira du silence. Il ne l’a
rompu que parce que le zèle de la maison de Dieu le dévore.

Mon Fils pourquoi as-tu agi de cette manière ? Le pourquoi de Marie résonnera encore au pied de la croix :
Mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? Ce pourquoi n’est pas un reproche envers Dieu mais une
question posée par l’amour à l’intention de ceux qu’elle appelle.

Ce pourquoi est une autre forme du comment de la Vierge. Comme cela se fera-t-il ? Et la réponse qu’elle
provoque est la solution divine à toutes les impossibilités humaines. Elle a perdu son Fils, elle trouve le Fils
de Dieu. Prie pour nous Mère du renoncement.

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Cours de spiritualité

Mais Marie et Joseph ne comprirent pas ce que Jésus leur disait. La Vierge a pourtant vu les desseins de
Dieu, l’Esprit l’avait comblée de ses dons, mais l’heure vient toujours où il faut croire contre toute évidence
dans la nudité aride de la foi. Prie pour nous Marie modèle de notre foi.

19
Cours de spiritualité

Chapitre III : « La Foi »

Par la foi, nous désirons Dieu, notre Bien véritable. Qu’est-ce que la foi ? pour que Saint Paul nous dise
« Le juste vivra de la foi. » (Romains 1,17) et « Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu. Celui qui veut
s’approcher de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il se donne à ceux qui le cherchent. » (Hébreux 1,16)

Et Saint Jean de la Croix : « La foi est le seul moyen pour l’union de l’âme avec Dieu. » (Montée du Carmel
Livre II chapitre VIII)

« Abraham crut en YAHVÉ qui le lui compta comme justice. » (Genèse 15,6)

 Etymologie.
 Foi, fides.
 Fidélité, confidence = confiance.
 Se fier, fiable (XIIe au XXe ) fiabilité (1962)
 Méfiance, défiance, infidélité.

La foi est-elle absolument nécessaire pour nous unir à Dieu ? nos puissances de connaître – sens et
intelligence – ne peuvent-elles nous y conduire seules ?

Les sens – toucher, vue ouie, etc. – nous mettent en contact avec le monde sensible. Or Dieu est pur
esprit. Il n’y a en lui ni corps, ni matière, ni qualités sensibles qui puissent le livrer à la perception de nos
sens. Ceux-ci ne peuvent le saisir lui-même, ni l’atteindre, ni par conséquent nous unir directement à lui.
Cependant il est vrai que l’intelligence et les puissances spirituelles de l’âme, à travers ces données
sensibles, peuvent et normalement doivent, remonter à Dieu : « Oui, vains les hommes qui, en partant des
biens visibles, n’ont pas été capables de connaître Celui qui est, et qui, en considérant les œuvres, n’ont
pas reconnu l’artisan. » (Sagesse 13,1-2)

Percevant par les sens le mouvement, la vie ; la beauté, nous pouvons par le raisonnement ou par
l’émerveillement provoqué, nous élever jusqu’à la connaissance d’un Dieu créateur, infini et providence, le
louer et le remercier. L’intelligence prouve l’existence d’un être subsistant et nécessaire, cause première.
Elle arrive à découvrir quelques perfections de Dieu en lui appliquant les qualités qui sont en ses créatures
et qui doivent se trouver en lui comme dans la cause première.
Cette connaissance naturelle n’est certes pas négligeable et elle aboutit à une certaine union à Dieu par
l’amour qu’elle engendre. Elle reste cependant bien inférieure à celle que Dieu nous propose  : car nous
sommes appelés en effet à connaître Dieu comme il se connaît et à l’aimer comme il s’aime, à entrer dans
l’intimité des trois personnes.
Puissance finie, l’intelligence ne saurait avec ses propres forces connaître directement l’infini. Cette
impuissance de l’intelligence à s’élever jusqu’à la divinité et la vie trinitaire, et à la connaître en elle-même,
nous permet de dire que nous ne connaîtrons Dieu en lui-même que si lui-même se révèle et s’il nous
donne en même temps une puissance surnaturelle capable de recevoir sa lumière.

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Cours de spiritualité

De fait, Dieu s’est révélé et nous a donné la vertu de foi qui est une aptitude à le saisir.

Qu’est ce que la foi ? 1


(texte sur des pages volante – Contemplation et vie mystique pages 446-450)

De la foi nous connaissons la définition que nous donnent la théologie et le catéchisme  : elle est une vertu
surnaturelle théologale par laquelle nous adhérons à Dieu et aux vérités qu’il nous propose sur l’autorité de
Dieu qui nous révèle. 2
Le mot « vertu » signifie ici non une facilité acquise par la répétition des actes, mais une puissance qui rend
capable de poser un acte, dans le cas présent « qui rend capable d’adhérer à Dieu. »
Cette vertu est « surnaturelle. » Elle est donné par Dieu, se surajoute donc à nos facultés naturelles et fait
partie de l’organisme surnaturel reçu au baptême.
La foi est une vertu « théologale », elle nous fait adhérer « à Dieu » qui est l’objet matériel de la foi 3, et,
comme nous adhérons « sur l’autorité de Dieu vérité », Dieu devient aussi le motif ou objet formel de la foi.
Pour traiter de la foi dans ses rapports avec la contemplation et expliquer comment la foi est le seul
« moyen prochain et proportionné » pour s’unir à Dieu, essayons de saisir la genèse d’un acte de foi. 4

Une vérité est proposée, soit le dogme de la sainte Trinité : un seul Dieu en trois Personnes. Je trouve
l’énoncé de cette vérité dans un livre ou, plus ordinairement, je la reçois par l’enseignement oral. C’est par
le sens de la vue ou de l’ouie que la vérité parvient à mon intelligence. « Fides ex auditu : la foi vient de
l’ouie » note l’apôtre ; et il ajoute pour marquer la nécessité de cette intervention de l’activité des sens :
« Comment croiraient-ils à celui qu’ils n’ont pas entendu ? et comment entendront-ils si on ne leur prêche
pas 5 ? »
Parvenue à l’intelligence par l’intermédiaire des sens cette vérité devient l’objet d’un travail intellectuel. Elle
n’est pas évidente par elle-même et ne force pas l’adhésion de l’intelligence tel un principe premier ou une
conclusion syllogistique dont les prémisses seraient déjà admises. L’intelligence doit donc procéder à un
examen pour chercher les signes de vérité. Cet examen porte d’abord sur les termes qui constituent
l’énoncé de la vérité « un seul Dieu… trois personnes », ces termes sont connus ainsi que les idées qu’ils
expriment ; mais le lien qui est affirmé entre ces termes, - lien qui constitue la vérité énoncée, reste
mystérieux. Nulle part dans le domaine connu l’intelligence n’a découvert un être en qui « une seule
nature » réunit « trois personnes » et elle ne voit pas comment trois personnes peuvent s’associer si
intimement dans la vie et les opérations d’une seule nature. Toutefois, je reconnais que l’énoncé de cette
vérité mystérieuse ne comporte en lui-même aucune contradiction. Les affirmations « un » et « trois », qui
semblent s’opposer, ne portent pas sur le même objet : une seule nature et trois personnes. La vérité est
donc croyable et je pourrais y adhérer si un témoignage extérieur me l’imposait avec une autorité

1
On ne cherchera pas ici un exposé complet et didactique de la doctrine catholique sur la vertu et l’acte de foi. Nous
nous bornons à mettre en relief les vérité qui éclairent la doctrine spirituelle de saint Jean de la Croix, dont nous traitons.
2
Le Concile de Trente la définit : « Vertu surnaturelle par laquelle – la grâce de Dieu nous attirant et nous aidant – nous
croyons comme vrai ce que Dieu nous révèle. »
3
« la foi, dit Saint Thomas, a pour objet les choses invisibles qui dépassent la raison humaine (les mystères) ; c’est
pourquoi l’Apôtre dit (Hébreux X,1) que la foi a pour objet les choses non apparentes. » (Somme, IIa, IIae, q. I)
4
Dans l’analyse détaillée de la genèse de l’acte de foi, les opinions des théologiens sont assez différentes. Il suffira à
notre sujet que nous donnions les étapes essentielles et généralement reconnues pour tous comme telles.
5
Romains X, 14-16

21
Cours de spiritualité

suffisante. J’admets en effet bien des faits ou des vérités que je n’ai pas contrôlés, sur le témoignage de
quelqu’un digne de foi.
Dans le cas présent, qui me propose cette vérité ? Et quelle est la valeur de son témoignage ? C’est le
prêtre qui parle au nom de l’Eglise. Je puis et je dois une fois au moins poursuivre mon enquête et
examiner la valeur du témoignage de l’Eglise. Le résultat de mon enquête est celui-ci : L’Eglise, instituée
par Jésus Christ, est divine ; elle a reçu la mission de répandre la vérité révélée et le privilège de
l’infaillibilité assure l’intégrité du dépôt qui lui a été confié. L’Eglise parle donc au nom de Dieu qui parle par
elle. Dieu a le droit de m’imposer des vérités à croire, Il ne peut ni me tromper ni se tromper. D’autre part, il
est tout à fait normal que mon intelligence ne puisse pas comprendre toutes les vérités divines, surtout
celles qui ont trait à sa vie intime. Il est donc raisonnable que j’accepte ce témoignage. Je le dois, en raison
du respect et de la soumission qu’exigent l’autorité de Dieu et tout ce qui vient de lui.
En cette enquête l’intelligence a été puissamment soutenue par les bonnes dispositions de la volonté.
L’enquête est ardue ; surtout ses résultats comportent des risques sérieux pour l’âme. Si le témoignage est
vrai, il faudra accepter la vérité proposée, observer les préceptes qui lui sont connexes, peut-être changer
complètement de conduite.

Sur le travail d’enquête lui-même et sur les bonnes dispositions qui l’ont réalisée, la vertu de foi a exercé
déjà une influence certaine. Elle a éclairé l’intelligence et fortifié la volonté en cette première étape :
« La vertu de foi, dit saint Thomas, donne à l’âme une inclination pour tout ce qui accompagne l’acte, le suit
ou le précède. »6

L’enquête terminée, la vérité en elle-même n’apparaît pas plus évidente que précédemment, donc ne
saurait forcer elle-même l’adhésion. Mais le témoignage se présente avec des garanties de certitude
morale. De plus l’âme possède l’humilité d’esprit pour accepter le témoignage, la confiance affective à
l’égard du témoin pour l’adhésion à son témoignage. La première phase est terminée : tout est prêt pour
l’acte de foi.
Cet acte de foi, d’après saint Thomas, est « un acte de l’intelligence adhérant à la vérité divine sous l’ordre
de la volonté mue elle-même par Dieu au moyen de la grâce 7. »
Cette définition nous montre que l’acte de foi est produit conjointement par l’intelligence qui adhère en se
soumettant, par la volonté qui commande l’adhésion et par la vertu théologale de foi. La vertu infuse de foi
entre en cet acte comme cause principale. C’est elle qui lui donne sa perfection spécifique en le faisant
surnaturel. Nous sommes au point crucial. Essayons d’analyser sans entrer en des subtilités dont nous
n’aurions que faire pour notre sujet.
La vertu de foi fait partie de l’organisme surnaturel donné par le baptême. Tandis que la grâce est une
participation formelle à la vie divine comme connaissance. Elle est, dit saint Thomas, « une lumière
divinement infuse dans l’esprit de l’homme », « certaine empreinte de la vérité première 8. » Elle est une
constante à connaître Dieu comme Il se connaît, à recevoir – selon la mesure limitée de la grâce créée, il
est vrai – mais à recevoir véritablement la lumière du foyer lumineux qui est Dieu Lui-même. Elle est le
regard de notre vie surnaturelle.

6
In IV Sent., Livre VIII, dist. XXIV, q. I, a. 2, sol. 2
7
Somme théologique, IIa, IIae, q. II, art. 9
8
«  Lumen quddam quod est habitus fidei divinitus menti humanae infusum ; lumen fidei est quaedam sigillatio primae
veritatis ». (In Boet. De Trin. Q. 3 art. I, sub 4)

22
Cours de spiritualité

La vertu de foi s’insère dans l’intelligence de la même façon que la grâce dans l’essence de l’âme. La foi
est qualité opérative sur notre faculté de connaître, au même titre que la grâce est qualité entitative sur
l’essence. La comparaison du greffon enté sur le tronc peut éclairer les rapports de la vie surnaturelle fixée
sur la vie naturelle de l’âme. Le greffon vit du tronc dont il utilise les racines et la sève, mais en prolongeant
la tige il produit des fruits qui sont spécifiquement les siens et non ceux du tronc primitif. De même la vertu
de foi fixée sur l’intelligence utilise les données que celle-ci a extraites des perceptions sensibles, mais
surélève et prolonge son activité dans un domaine surnaturel où elle ne saurait pénétrer et lui fait produire
des fruits ou actes surnaturels, qui sont spécifiquement ceux de la vertu de foi. De même que la tige
primitive est taillée et arrêtée en sa croissance pour recevoir le greffon et pour que lui seul se développe et
produise du fruit, de même l’intelligence devant le mystère divin se soumet, s’arrête en quelque sorte en sa
marche pour que la foi qu’elle porte puisse poser son acte et donner son fruit surnaturel.
Comparaison grossière peut-être, mais qui nous montre comme l’activité de la vertu de foi est liée à celle
de l’intelligence et se greffe sur elle pour produire l’acte surnaturel de foi. 9
Ces principes posés, revenons à l’acte de foi dont nous avons analysé tous les préliminaires. L’âme peut
faire désormais l’acte de foi en disant : « Je crois à un seul Dieu en trois Personnes, parce que Dieu l’a
révélé. »
Cet acte d’adhésion au mystère de la sainte Trinité apparaît et se révèle peut-être dans le champ de la
conscience psychologique, comme un simple acte de soumission de l’intelligence à l’autorité de Dieu, sous
la motion de la volonté. L’intervention de la vertu de foi n’est pas d’ordinaire saisie psychologiquement, car
elle est vertu surnaturelle insaisissable expérimentalement en elle-même. On ne peut connaître que la
facilité qu’elle donne ou au contraire l’intensité de l’effort qu’elle exige pour poser son acte.
Mais quelle que soit la perception psychologique ou l’absence de perception, en disant « Je crois… sur
l’autorité de Dieu » l’âme a fait un acte surnaturel, la vertu de foi est entrée en action.
Il faut remarquer en effet qu’aux motifs qui avaient fait accepter la valeur du témoignage s’est substituée
maintenant l’autorité de Dieu. L’intelligence a accepté de se soumettre à cause de la véracité des
Evangiles, des miracles de Notre Seigneur, la foi laisse en quelque sorte ensevelis dans ses fondements
ces motifs raisonnables et pose son acte en s’appuyant sur l’autorité de Dieu.
Mais surtout, cet acte de la vertu de foi, ce greffon surnaturel fixé sur le tronc qu’est l’intelligence, est un
acte surnaturel qui dépasse le champ ordinaire et limité de l’activité de l’intelligence et atteint la vérité
première. Dieu lui-même auquel il adhère et fait adhérer l’intelligence et toute l’âme dans une attitude
d’humble assentiment. Par l’acte de foi l’âme est porté dans « un commerce direct, une union intime avec la
parole interne de Dieu… Et comme cette parole interne n’existait pas seulement au temps de la
9
Ces considérations éclairent nous semble-t-il la discussion sur la nature de l’acte surnaturel de foi : « Certains esprit,
écrit le Père Carrigou-Lagrange, arrivent à considérer notre acte de foi comme un acte substantiellement naturel, revêtu
d’une modalité surnaturelle : « substantiellement naturel » parce qu’il reposerait sur la connaissance naturelle historique
de la prédication de Jésus et des miracles qui l’ont confirmée ; « revêtu d’une modalité surnaturelle » pour qu’il soit utile
au salut. Cette modalité fait penser, on l’a dit souvent, à la couche d’or appliquée sur du cuivre pour faire du doublé. On
aurait ainsi du « surnaturel plaqué » et non pas une vie nouvelle essentiellement surnaturelle. » (Perfect. et Contemplat.,
pages 65-66)
Cette surnaturalité essentielle de l’acte de foi enseignée par saint Thomas et ses commentateurs les Carmes de
Salamanque, et qui nous semble assurée par le motif de la foi (Dieu Vérité) qui est surnaturel, et par la vertu de foi, qui
en est la cause principale, nous semble toute à fait conforme à la doctrine de saint Jean de la Croix et exigée par elle.
Comment expliquer la purification de la foi dans la nuit, et la contemplation infuse qui en est le fruit, si l’acte de foi n’est
qu’un acte naturel de l’intelligence revêtu d’une modalité surnaturelle par la foi ? Tout s’éclaire au contraire si nous en
faisons un acte essentiellement surnaturel produit par la vertu de foi greffée sur l’intelligence, dont elle utilise l’activité
et la soumission.

23
Cours de spiritualité

manifestation de la parole extérieure, mais qu’elle subsiste, en tant que parole éternelle de Dieu, dans un
éternel présent, elle élève notre esprit à la participation de sa vérité et de sa vie surnaturelle, et l’y fait
reposer. » Cette prise de contact avec la Vérité première, la déité elle-même donne à l’âme, selon la parole
de saint Paul « la substance, la réalité de ce qu’elle espère, l’assurance de ce qu’elle ne voit pas :
sperandarum substantia rerum, argumentum non apparenntium 10. » Elle a pu être appelée une véritable
« possession de Dieu à l’état obscur. » (Fin de l’article)

Cet acte de foi, que le travail des facultés a préparé, et qui est le fruit de la vertu de foi, atteint donc la
réalité divine. Mais l’activité de la vertu de foi est trop liée à celle de l’intelligence pour qu’un seul acte de foi
puisse la fixer en son objet divin qui est obscur. L’intelligence est faite pour la lumière  ; après être rentrée
avec la foi dans l’obscur, elle revient d’elle-même aux clartés qui ont servi de base à l’acte de foi et qui sont
données par le langage théologique. Ce n’est d’ailleurs pas pour douter ou pour recommencer une enquête
que l’âme revient aux formules dogmatiques, mais pour travailler avec ses facultés naturelles sur la vérité
divine qui lui est proposée en langage humain.
La foi demande à l’intelligence de pénétrer, d’explorer cette vérité, de l’expliciter à l’aide de raisonnements
et d’analogies, d’en tirer de nouvelles conclusions = théologie.

Mais si l’intelligence ne peut faire œuvre plus noble et plus utile que de se mettre au service de la foi, la foi
par contre ne peut trouver dans l’activité de l’intelligence qu’un secours inférieur à sa nature et à ses
exigences.
La foi est une vertu surnaturelle dont l’objet est Dieu vérité infinie.
L’intelligence est une faculté naturelle qui ne peut travailler que sur des idées ne dépassant pas sa mesure,
qui est finie.
La foi ne trouve donc dans la raison qu’un instrument imparfait. Dieu seul peut, par les dons du Saint Esprit,
maintenir la foi à la hauteur de son objet : Dieu.

Les dons du Saint Esprit sont des passivités produites dans l’âme par la charité et elles deviennent des
points d’appui permanents pour elle. Dieu fait descendre en elle : lumière, saveur, paix, qui maintiennent la
foi éveillée et tendue vers Dieu qui se révèle comme une réalité obscure, parfois presque saisie, le plus
souvent seulement soupçonnée, mais toujours souverainement attirante. Dieu est devenu la lumière de
l’âme. La foi qui, d’après Jean de la Croix, est le seul moyen de s’unir à Dieu, est cette foi vive
contemplative que les dons du Saint Esprit ont fixée paisiblement en son objet : Dieu, et qui s’appuie sur lui.
« Je t’unirai à moi dans la foi et tu connaîtra YHWE. » (Osée 2,22)

Lumière – obscurité de la foi.

L’obscurité vient de la disproportion qui existe entre l’intelligence et l’objet que lui propose la foi. La foi a en
effet pour objet les choses invisibles qui dépassent la raison humaine. C’est comme notre regard quand il
veut fixer le soleil : il est ébloui.
Cette obscurité dans la foi sera d’autant plus grande pour l’âme que celle-ci sera rapprochée de Dieu.
Personne n’a sondé l’abîme de l’infini et expérimenté sa petitesse et sa condition de créature, comme

10
Hébreux 11,1

24
Cours de spiritualité

Marie pourtant exempte de péché et remplie de grâce. Or Marie a connu l’obscurité de la foi, de plus en
plus, jusqu’à la croix.
Plus on s’approche de Dieu par la foi et par la pureté de conscience, plus on perçoit son mystère, où se
mêlent obscurité et lumière. Car la foi nous apporte des lumières merveilleuses sur lesquelles l’intelligence
peut travailler, s’exercer en toute aisance et liberté : si certaines vérités centrales dépassent la raison
naturelle (la Trinité, l’Incarnation), d’autres, qui découlent de celles-là, sont facilement saisies par
l’intelligence et sont lumineuses.

Pourquoi parler de nuit ? Comme nous l’avons vu, Dieu lumière nous éblouit. Mais plus nous pénétrons par
la foi en Dieu et nous y maintenons par les dons du Saint Esprit, plus nous nous approchons de l’aurore. En
la foi il n’y a que lumière et son obscurité est l’effet de la transcendance de la lumière qui envahit notre
intelligence. L’obscurité est donc le signe caractéristique et certain que la foi a atteint son objet.

Obscurité, nuit, ne veulent donc pas signifier doute ou suffisance de la foi. Mais plutôt cette crainte que l’on
a en s’approchant du mystère qu’est Dieu. Une crainte toute pénétrée de confiance et d’amour, une nuit
toute remplie de lumière.

La foi est source de paix et de joie. Cf. Marie à l’Annonciation, à la Visitation : « Bienheureuse celle qui a
cru ! » « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon sauveur ! »
Voici ce qu’en dit Jean Paul II dans son encyclique sur le Saint Esprit :
« L’Esprit Saint qui, par sa puissance, prit sous son ombre le corps virginal de Marie, réalisant en elle le
début de la maternité divine ; rendit en même temps son cœur parfaitement obéissant à l’égard de cette
communication que Dieu fit de lui-même et qui surpassait toute pensée et toute capacité de l’homme.
« Bienheureuse celle qui a cru ! » Voilà la salutation que reçoit Marie de la part de sa parente Elisabeth,
elle aussi « remplie de l’Esprit Saint. » (Luc 1,41) Dans les paroles qui saluent « celle qui a cru » (Luc 1,45),
il semble que l’on puisse voir un contraste lointain (mais en réalité très proche) avec tous ceux dont le
Christ dira qu’ « ils n’ont pas cru. » Marie est entrée dans l’histoire du salut du monde par l’obéissance de la
foi. Et la foi, dans sa nature la plus profonde, est l’ouverture du cœur humain devant le don, devant la
communication que Dieu fait de lui-même dans l’Esprit Saint. » (Lettre encyclique Dominum et
vivificantem n° 51 18 mai 1986, fête de la Pentecôte.)
Saint Paul écrit : « Le Seigneur, c’est l’Esprit, et où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. » (2 Corinthiens
3,17)
Quand le Dieu un et trine s’ouvre à l’homme dans l’Esprit Saint, cette « ouverture » révèle et, en même
temps donne à la créature-homme la plénitude de la liberté. Cette plénitude s’est manifestée de façon
sublime précisément dans la foi de Marie, par  « l’obéissance de la foi » : oui, « bienheureuse celle qui a
cru ! » (Romains 1,5)
Il faudrait citer encore de nombreux passages de l’encyclique sur Marie, Mère du Rédempteur,
(Redemptoris Mater), publiée le 25 mars 1987 pour l’année mariale.

Certitude de la foi.

25
Cours de spiritualité

L’objet de la foi est certain, car c’est sur le témoignage de Dieu vérité qu’elle s’appuie. La vérité de foi est
indépendante de toute perception (qui est sujette à l’erreur) et repose sur Dieu qui ne peut ni se tromper ni
nous tromper.
Dans le croyant, la certitude, c’est la fermeté de l’adhésion à la vérité, fermeté d’adhésion complète, sans
restrictions ni conditions, comportant une soumission parfaite de l’intelligence.
Il y a cependant des degrés dans cette certitude subjective suivant l’appui qui la soutient. La foi en ses
débuts s’appuie, certes, sur l’autorité de Dieu, car sans cela elle ne serait pas surnaturelle, mais plus
encore sur la valeur du témoignage humain et des raisons qui l’accréditent.
Progressivement, l’acte de foi se dégage de ses motifs naturels et raisonnables pour tirer toute sa force du
témoignage de Dieu, de la pure vérité divine. Or nous avons vu qu’elle est mystère, obscurité. Mais cela
même offre un appui sûr et savoureux. « Moins je comprends, plus je crois et plus j’aime. » (Thérèse de
l’Enfant Jésus – Thérèse de Lisieux)

Conclusions pratiques.

1. Puisque la foi atteint Dieu, chaque acte de foi vive, accompagnée de charité, met en contact avec ce
feu consumant qu’est Dieu, assurant à l’âme une augmentation de la grâce, participation à la nature divine.

Quelles que soient les circonstances qui accompagnent cet acte de foi – sécheresse ou enthousiasme, joie
ou souffrance, paix ou tempête, il atteint la réalité ; Dieu et même si je n’expérimente rien de ce contacte en
mes facultés (autrement dit que je n’en ai pas de perception), je sais qu’il a existé et qu’il a été efficace. J’ai
puisé en Dieu à la mesure de ma foi, dans une mesure plus grande même peut-être si la miséricorde de
Dieu est intervenue pour combler mes déficiences et se donner en considérant non mes mérites, mais
seulement ma misère.

2. La foi étant le seul moyen pour atteindre Dieu, toute recherche d’union à Dieu doit donc passer par la
foi. Sacrements. Oraison. Service de Dieu dans mes frères. (« sacrement du frère ») Présence de Dieu en
nous, en nos sœurs et frères.

3. La foi est don de Dieu. L’humilité seule peut prétendre attirer les dons de la miséricorde divine, car
Dieu « résiste aux orgueilleux, mais donne sa grâce au humbles. » (Jacques 4,6 – 1 Pierre 5,5) Pour
parvenir à une foi de plus en plus contemplative – où la raison cède à la pure confiance en Dieu – une
attitude humble sera plus utile que les efforts les plus violents. Cette attitude d’humilité consistera à nous
tenir comme des mendiants devant Dieu.

Elle nous conduira normalement à préférer cette obscurité sereine et paisible où se révèle et se donne
l’infini.

Elle nous apprendra à dresser l’antenne de notre foi au-dessus de toutes nos impressions, agitations,
sentiments, désirs.

4. La foi étant le seul moyen pour atteindre Dieu, dans notre marche vers la présence de Dieu et vers
l’union avec lui, nous ne devons lui préférer aucune lumière naturelle, ni aucun don surnaturel. Ce

26
Cours de spiritualité

détachement de tous les biens constitue l’ascèse contemplative. Chercher « le Dieu de toute consolation et
non les consolations de Dieu. »

Telle fut Marie : comblée de grâces, de lumières, mais qui a marché dans la foi vers l’union totale à Dieu,
une foi paisible et ardente qui semblait ignorer les richesses qu’elle possédait, pour aller toujours plus loin
dans le dessein de Dieu : elle est prise sous l’ombre de l’Esprit.

27
Cours de spiritualité

Chapitre IV : « La Pureté de Cœur »

Nous sommes parties de la présence de Dieu


Présence transcendante et immanente
Découverte dans l’Ecriture et les confessions.

Nous avons vu ensuite le Désir de Dieu


Comme pouvant, seul, nous donner le bonheur
Dieu se révèle et nous éclaire par la Foi
Grâce à laquelle nous nous unissons à lui dans la vérité.
Cela nous conduit à aimer Dieu de toutes nos forces dans la Pureté de cœur.

« Bienheureux les cœurs purs : ils verront Dieu. » (Matthieu 5,8)

Le cœur : au sens biblique, tout l’être, affections, intelligence volonté. L’intime de l’homme, que Dieu voit,
lui qui « sonde les reins et les cœurs ». (1 Rois 8,39) La pureté de cœur dépasse donc infiniment une
pureté légale et extérieure, celle des pharisiens, que, justement, Jésus condamnera si souvent et
sévèrement. (Matthieu 23,25)

Pureté du cœur par rapport aux choses.


Il faut user des choses non en jouir. Saint Augustin : uti, frui. Cf. texte. Notre cœur est trop grand pour se
contenter des biens matériels. « Vous ne pouvez servir deux maîtres… » « Vous ne pouvez aimer Dieu et
l’argent… » (Matthieu 6,24)

Pureté du cœur par rapport aux personnes.

« Aimons-nous les uns les autres puisque l’amour est de Dieu et que quiconque est né de Dieu et connaît
Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu car Dieu est amour. » (1 Jean 4,7)
« Avant toutes choses, aimez Dieu et puis votre prochain. » (1 Jean 47)
« Vivez unanimes en la maison, ayant une seule âme et un seul cœur tournés vers Dieu. » (La Règle de
Saint Augustin)

Comment pouvons-nous aimer Dieu « en lui offrant toutes nos puissances d’aimer » (Constitutions chapitre
13), et aimer nos frères comme nous le demande Saint Jean ?

Il faut partir, là encore, du baptême.


La plongée dans la mort – résurrection de Jésus nous donne de devenir enfant de Dieu et de vivre de sa
vie divine. Nous y recevons un cœur nouveau, car irrigué par la charité, qui n’est autre que l’amour de Dieu,
Dieu lui-même puisque Dieu est amour.
Cette vie nouvelle reçue au baptême, c’est donc la capacité, pour nous, d’aimer Dieu et les autres d’un
véritable amour, bien au-delà de nos capacités naturelles. Ce que nous avons étudié de la foi – lumière

28
Cours de spiritualité

bien au-delà de notre raison naturelle – éclaire ce nouveau don qui nous est fait : aimer avec une énergie,
une pureté, une délicatesse, bien au-delà de nos possibilités humaines. C’est l’amour même de Dieu qui
est infusé dans notre cœur humain et qui déploie, décuple, transcende, transforme notre amour.
De même que la foi, se greffant sur notre intelligence, lui faisait faire une avancée prodigieuse dans la
connaissance de la vérité, de même la charité greffée sur notre cœur lui donne une capacité presque infinie
d’aimer puisque c’est L’Esprit Saint qui, désormais, aime en nous, nous « anime. »

Mais alors tout devrait être archi-simple et facile dans notre vie l’Esprit, comme une source, unifiant toutes
nos puissances d’aimer et les dirigeant vers le Père ?
Oui, s’il n’y avait pas en nous les conséquences du péché originel : « Perte de la grâce sanctifiante et aussi
d’autres dons (immortalité, exemption de souffrances, dispositions intérieure de la raison et de la volonté.)
Quant aux facultés spirituelles, cette détérioration consiste dans l’obscurcissement de l’intelligence à
connaître la vérité (ignorance), et dans l’affaiblissement de la volonté libre, affaiblie devant l’attraction des
biens sensibles et davantage exposée aux fausses images du bien élaborées par la raison sous l’influence
des passions (faiblesse.)
Cette détérioration est relative, non pas absolue : l’homme n’a pas perdu sa volonté libre, il peut donc
accomplir des actes ayant valeur morale, bonne ou mauvaise. Cela n’est possible que par la liberté de la
volonté humaine.
Cependant l’homme tombé n’est pas capable, sans l’aide du Christ, de s’orienter vers les biens surnaturels,
qui constituent sa pleine réalisation et son salut. »

Pour aimer purement, nous aurons donc à nous convertir sans cesse, pour que l’amour répandu dans nos
cœurs par l’Esprit ne soit pas contrarié par l’égoïsme, l’orgueil l’amour propre.
La charité, loin de supprimer l’amour naturel – amour filial, amitié etc. le pénètre et le porte à sa perfection.

L’amitié
La charité répandue par l’Esprit de Jésus en nos cœurs est un amour de bienveillance réciproque. Cette
amitié surnaturelle et divine qui nous unit les uns aux autres et au Christ, dans le partage d’une même vie,
une telle amitié doit-elle s’exprimer autrement que sur le plan purement spirituel de la prière et du partage
d’un même idéal ? L’amitié qui nous unit les unes aux autres dans le Christ doit-elle revêtir un visage
humain ?
Saint Augustin reprochait déjà à certains esprits de son temps de mépriser la sensibilité dans les rapports
avec le prochain, comme s’il y avait quelque chose de répréhensible à être ému devant une grande
souffrance ou devant un geste de confiance. Il faut faire un bon usage de la sensibilité, mais il ne faut pas
la supprimer. Ce n’est pas elle qui doit guider, commander nos actions, notre bienveillance pour les autres.
La sensibilité a besoin d’être guidée, canalisée, modérée, surtout à certaines heures et dans certaines
circonstances. Mais son entrée en jeu dans nos relations humaines est l’indice que notre personnalité
entière se soumet à l’emprise de la charité. Elle donne « un visage humain à l’amour » (Constitution
chapitre 119), comme l’a si bien vécu Jésus : embrassant les enfants, pleurant devant la veuve de Naïm ;
devant Marthe et Marie, ému de compassion pour les foules, etc. …

29
Cours de spiritualité

Il ne faut surtout pas faire de la charité une indifférence anonyme, une politesse sans âme pour tous. Si la
charité du Christ nous habite elle envahit tout notre être : intelligence, cœur, sensibilité, volonté, et elle nous
pousse à agir.
Notre charité fraternelle à l’égard les unes des autres et à l’égard de nos frères deviendra donc service.
C’est à cette condition que notre cœur pourra aimer purement, car cela suppose que nous aimerons d’une
manière oblative, sans égoïsme et sans orgueil, sans désir de posséder l’autre ni de dominer sur lui : à la
manière de Dieu.
Mettant au service de Dieu toutes nos puissances d’aimer, nous lui permettons de servir nos frères avec sa
tendresse à lui. Il utilise alors tous nos dons, toutes les ressources de notre cœur, de notre sensibilité, de
notre imagination, toutes nos forces. (Confession chapitre 13)
Peut-on en arriver là du premier coup ?
Sans doute que non. Nous avons à faire l’apprentissage de l’amour des autres dans deux directions :

- sortir de notre égoïsme naturel pour nous intéresser à nos frères – et à tous – pour les servir
et accepter d’eux cette réciprocité qui est la base de toute relation vraie et réussie. Sortir de notre réserve,
de notre timidité, de nos peurs, pour nous engager dans des relations humaines, et, en communauté, dans
le chemin de l’amitié si chère à saint Augustin. Amitié qui suppose un partage des biens que nous
possédons : biens matériels, biens spirituels, nous entraidant à progresser dans l’amour du Seigneur ; et
cela passe par des choses concrètes : s’entraider dans le service apostolique, dans les travaux
communautaires, dans le silence contemplatif, partager aussi les lumières reçues.
-
- dans les affections que nous avons, pour telle sœur, telle personne, les vivre sous le regard
de Dieu, dans une très grande loyauté et lucidité. Peut-être sommes-nous conscientes alors que notre
sensibilité est trop exigeante, que notre attachement est exclusif. Il faut alors se tourner humblement vers
Dieu et s’efforcer de se déprendre doucement de ce qu’il y a encore d’égoïste dans cette relation, de ce qui
n’est pas désintéressé. Cela se fera plus fort et plus grand. Il est normal d’aimer ceux qui nous font du bien
et il vaut mieux aimer d’une façon encore imparfaite – teintée d’égoïsme – que de ne pas aimer du tout  !
Mais il faut être très lucide avec soi pour toutes nos affections et demander à Jésus de nous guérir, de
convertir notre amour humain fini en charité parfaite et infinie. Cf. Mère Térésa.

Un des tests pour savoir où nous en sommes de l’amitié, la vraie, celle qui est basée sur la charité de Dieu
répandue dans nos cœurs, c’est de nous exercer à servir toutes nos sœurs, tous les malades sans
exception… Si nous réservons notre temps, nos délicatesses, nos sourires, nos pensées à quelques
personnes seulement, c’est que nous ne sommes pas encore assez sous l’action de l’Esprit d’amour qui,
lui, est désintéressé et déborde sur tous les êtres.

Mais alors, ce n’est plus de l’amitié, si c’est obligatoire et pour tous ? L’amitié ne requiert-elle pas liberté et
choix ?
Oui ! Mais, disciples du Christ, nous avons choisi d’aimer par lui, avec lui et en lui, tous les hommes. Cette
charité universelle n’exclut pas que nous ayons pour telle ou telle personne un sentiment plus fort et plus
doux. Si elle est vécue en présence de Dieu. Cette relation nous sera une aide pour aimer davantage et
pour nous ouvrir à tous les autres. Une telle amitié nous pousse à mieux aimer le Seigneur. Elle ne nous

30
Cours de spiritualité

encombre pas au moment de la prière et ne nous distrait pas de notre devoir d’état. Une relation avec une
personne qui nous conduirait au péché – désobéissance, critique des autres, de l’autorité, égoïsme à deux,
fermeture aux autres, etc. - est à purifier ou a retrancher. Ce qu’il y a d’impur dans une relation, c’est ce qui
nous détourne de Dieu.
Les amitiés ne naissent pas toutes faites, elles se forgent, parfois douloureusement. Il faut apprendre à
accepter les autres tels qu’ils sont, avec leurs défauts, et donc les aimer gratuitement. C’est pourquoi
lorsqu’on idéalise une personne, on se prépare une déception, car nul n’est parfait, sinon Dieu. C’est de lui
seul qu’il faut attendre notre bonheur, le rassasiement de notre cœur, lui, le seul ami véritable. Ce n’est pas
une raison pour s’isoler, car Dieu Trinité nous a fait pour la communion, le partage, l’entraide. Jésus lui-
même a eu des amis, et, parmi eux, des intimes. Pouvons-nous faire mieux et autrement que lui  ? Lui qui a
donné sa vie pour tous les hommes a eu des amis, nous n’avons rien à leur cacher, il n’y a rien à craindre
de ces amitiés. Mais il faut que cette limpidité demeure entre nous et ceux qui ont mission de nous guider.

En conclusion, la pureté de cœur ne tue pas l’amour, mais rend ses ailes à l’amour en dilatant notre cœur à
l’infini et en le purifiant de toute attache au péché.
Toute vie consacrée est ainsi l’exercice quotidien d’une amitié universelle, et même plus : d’une paternité et
d’une maternité universelle, spirituelle. Jésus l’a prouvé : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner
sa vie pour ses amis. » (Jean 15,13) Lui, en nous donnant sa vie, nous a rendu la vie d’enfants de Dieu. Il
est le nouvel Adam.
De même Marie, en coopérant à la mission rédemptrice de son Fils, est la nouvelle, Eve, la mère des
vivants.
C’est ce même amour – l’Esprit répandu dans nos cœurs lors de notre baptême – qui nous rend vraiment
« mères » de ceux que nous aimons, servons, pour lesquels nous donnons notre vie.

Pureté de cœur par rapport à Dieu.

Le Père Lallemant la définit : « N’avoir rien dans le cœur tant soit peu contraire à Dieu et à sa grâce. »
Il ajoute : « Jamais nous n’arriverons à Dieu que nous n’ayons corrigé, retranché ou détruit, en cette vie ou
en l’autre, ce qui est contraire à Dieu.
Il faut remarquer les péchés véniels et les corriger. Ils empêchent notre union avec Dieu. Ils seront cause
d’une purification au purgatoire si nous n’en faisons pas pénitence maintenant. (Mère Yvonne Aimée disait
que chaque jour nous donne la possibilité d’expier les peines dues à nos péchés.) Les péchés causent une
diminution des lumières et des consolations intérieurs, des grâces et des inspirations divines, de la ferveur
et du courage pour résister aux attaques de l’ennemi. De là s’ensuit l’aveuglement, la faiblesse, les chutes
fréquentes, l’habitude, l’insensibilité, pour ceux qui se laissent aller sans scrupule à commettre des péchés
véniels.
Lorsque nous avons péché, dès que nous nous en apercevons, il faut revenir à notre cœur, là où se trouve
Dieu, l’adorer avec amour, lui demander pardon avec confiance, et recommencer à bien faire, sans nous
laisser aller à la tristesse ni à l’inquiétude. » (Mère Yvonne Aimée : les âmes recommenceuses)

Les sacrements – réconciliation et eucharistie – sont les puissants remèdes que Dieu nous donne pour
nous purifier et fortifier.

31
Cours de spiritualité

Se libérer par rapport au jugement d’autrui.


Là est une purification du cœur qui dure toute la vie. Nous sommes étrangement sensibles à l’existence
que nous avons dans la pensée des autres et nous avons une grande peine à nous en abstraire. Le
jugement exprimé ou supposé, les remarques, les silences, tout prend parfois une proportion exagérée en
notre conscience. Il nous faut devenir sensibles à ce que le Christ pense de nous. « Pour moi, je ne me
soucie pas du jugement des hommes. C’est Dieu qui me juge. » (1 Corinthiens 4,3)
Cela ne veut pas dire que nous soyons imperméable aux remarques. Mais le but de nos progrès est de
plaire à Dieu, non de bien agir pour être estimé des autres. Pureté d’intention.

La fièvre du travail.
Ne pas laisser son âme s’engloutir dans le travail. Il est plus facile de se tuer de travail que de posséder
son âme en présence de Dieu. Souvent cette fièvre du travail provient d’un cœur non purifié : le souci du
qu’en dira-t-on, le manque de confiance en Dieu, le désir de briller.
Chercher à accomplir son travail avec Dieu, sous son regard.

Le désir excessif des consolations spirituelles.


Là aussi la purification dure toute la vie. Dieu apprend peu à peu l’âme à le chercher purement, non pas
pour elle, mais pour lui. Là est la purification la plus longue et la plus douloureuse. Savoir rester en paix
dans la nuit. (importance du conseiller spirituel) Savoir qu’il y un temps pour tout : un pour voir, un pour
croire.
Marie n’a pas douté de Dieu en ayant perdu Jésus à 12 ans, ni au Calvaire. Mais elle en a souffert.
La preuve de l’amour véritable, est de rester fidèle à Dieu et à la prière, même et surtout dans son absence.
Reconnaître les inspirations de Dieu, ses desseins, ses volontés, par l’union avec lui qui seul peut nous
fortifier contre les faiblesses.

Conclusion.
Avant tout c’est Dieu qui purifie. C’est donc sur la personne du Christ qu’il faut nous centrer. Le
détachement est l’envers d’un attachement plus grand. Le plus sûr moyen de se détacher, c’est de
s’attacher de toute la force de son amour au Christ.
Dieu nous purifie de l’intérieur en suscitant en nous un plus grand amour. C’est encore l’amour qui nous
détache le plus profondément, le plus véridiquement. On peut même dire que lui seul détache. Cela se
comprend facilement : notre désir s’attache à des objets. Si notre âme est prise par un objet, tous les autres
sont emportés dans son mouvement. S’il n’y a pas un plus grand amour catalyseur de tous les autres, il y
aura toujours des luttes. Ici, le plus grand amour, c’est le désir envahissant de plaire à Dieu en faisant sa
volonté. L’unité du désir crée le silence de l’âme.
En fait, Dieu purifie le cœur par l’épreuve, comme l’or au creuset. Il y a en nous une concurrence si grande
de désirs que Dieu doit nous émonder. Peu à peu il déplace le centre de notre bonheur jusqu’à le faire
consister en ceci : être entre ses mains et faire sa volonté avec amour. Or cela ne se fait d’ordinaire que
par le chemin de la croix.
Il y faut une grande foi. Les vertus théologales sont les grandes ailes qui nous font voler, même dans les
tempêtes. Un cœur pur n’est possible que dans une grande foi. Au fond, il faut être sûr de Dieu et ne pas

32
Cours de spiritualité

douter un instant de lui pour fermer les yeux à bien des choses et ne les ouvrir que sur lui. Sous cette
lumière, la pureté de cœur est le fruit de la foi et de l’amour. (cf. Matthieu 14, 22-23)

User du monde, non en jouir.


(feuille volante correspondant aux pages 26 à 29 de la première épître de saint Jean – sermon de Saint Augustin. L’édition n’est pas notée.)

On appelle monde en effet, non pas seulement cet univers que Dieu a fait, ciel et terre, mer, êtres visibles
et invisibles, mais on appelle monde les habitants du monde, comme on appelle maison aussi bien la
bâtisse que ses habitants. Il nous arrive de vanter la maison et de blâmer les habitants. Nous disons en
effet : c’est une bonne maison, parce que construite en marbre et richement lambrissée ; et, en un tout
autre sens : c’est une bonne maison, personne n’y souffre d’injustice, nul vol, nulle violence. Ce que nous
louons, alors, ce n’est pas la bâtisse, mais ceux qui l’habitent. Pourtant, dans un cas comme dans l’autre,
nous disons « la maison. » Or, tous ceux qui aiment le monde – et qui, en l’aimant, l’habitent, comme
habitent le ciel ceux dont le cœur est en haut, même si leur corps est sur terre – tous ceux donc qui aiment
le monde sont appelés monde. Ils n’ont d’autres désirs que ces trois convoitises, convoitise de la chair,
convoitise des yeux et ambition du monde. Ils désirent manger, boire, coucher ensemble, s’adonner aux
plaisirs de cette sorte. Est-ce à dire qu’on ne puisse user de ces choses avec mesure ? Ou alors, quand on
dit : « N’aimez pas ces plaisirs », faut-il comprendre qu’il faut ne pas manger, ne pas boire, ne pas procréer
d’enfant ? Ce n’est pas cela qu’on veut dire ! Mais vous devez, selon l’intention du Créateur, en user avec
mesure, afin de ne pas vous laisser enchaîner par l’amour de ces choses : de crainte d’aimer pour en jouir
ce qui ne vous est donné que pour en user. Or, vous n’êtes mis à l’épreuve que lorsque l’alternative vous
est proposée : ou ceci, ou cela. Que veux-tu ? la justice ou l’argent ? – Mais je n’ai pas de quoi vivre, je n’ai
pas de quoi manger, je n’ai pas de quoi boire. – mais encore, si tu ne peux te procurer ces biens qu’au prix
d’un péché ? ne vaut-il pas mieux aimer un bien inadmissible que commettre le péché  ? Tu vois de l’or à
gagner, tu ne vois pas que tu risques ta foi. Telle est donc, nous dit Jean, « la convoitise de la chair », c’est-
à-dire la convoitise des choses qui touchent à la chair, nourriture, plaisirs du lits, et autres du même genre.

Comment échapper aux convoitises de la chair ?

Voilà les trois convoitises : aux désirs des hommes nulle autre source de tentation que la convoitise de la
chair, la convoitise des yeux et l’ambition du monde. C’est par ces trois convoitises que le diable à tenté le
Seigneur.
Il l’a tenté par la convoitise de la chair, lorsqu’il lui dit : « Si tu est le Fils de Dieu, dis à ces pierres de se
changer en pains », quand le Seigneur eut faim au sortir de son jeûne. Mais comment repoussa-t-il le
tentateur, enseignant à ses soldats comment combattre ? Fais attention à ce qu’il répond : « L’homme ne
vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
Le Seigneur fut encore tenté par la convoitise des yeux et la perspective du miracle, quand le démon lui
dit : « Jette-toi en bas, car il est écrit : il a donné pour toi des ordres à ses Anges et ils te porteront dans
leurs mains, de peur que ton pied ne heurte la pierre. » Il résista au tentateur, car, s’il avait fait un miracle, il
n’eût pu que paraître ou céder au démon, ou agir par curiosité ; il fit sans doute des miracles, quand il le
voulut et comme Dieu, mais pour guérir des malades. Car s’il avait fait un miracle à ce moment-là, ont eût
pu croire qu’il ne cherchait qu’à accomplir un prodige. Mais pour prévenir cette illusion, vois ce qu’il répond
– et si jamais pareille tentation te menaçait, répète à ton tour ces paroles - : Retire-toi de moi, Satan, car il

33
Cours de spiritualité

est écrit : tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu », autrement dit : Si je fais cela, je tente Dieu. Il dit ce qu’il
a voulu que tu dises. Aux suggestions de l’ennemi qui te dit : Quel homme ! quel chrétien es-tu ! as-tu
jamais fait ne fût-ce qu’un seul miracle ? tes prières ont-elles ressuscité les morts, guéri les fiévreux ? si
vraiment tu comptais pour quelque chose, tu ferais un miracle, réponds en disant : « Il est écrit : tu ne
tenteras pas le Seigneur ton Dieu. » Je ne tenterai donc pas Dieu : comme si faire un miracle était le signe
que j'appartiens à Dieu, n’en point faire, le signe que je ne lui appartiens pas ! Oublierai-je ses paroles :
« Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel » ?
Et comment le démon a-t-il tenté le Seigneur par l’ambition du monde ? Quand il l’éleva sur une hauteur et
lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu m’adores. » Avec un vertige de royaume
terrestre, il prétendit tenter le roi des siècles ! Mais le Seigneur qui a fait le ciel et la terre foulait aux pieds le
diable. Est-ce là chose si extraordinaire que le diable soit vaincu par le Seigneur ? C’est donc que, par sa
réponse au diable, il a voulu t’apprendre à lui répondre : « Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et
ne serviras que lui seul. » (Matthieu 4,1-10)
Fidèles à ces paroles, vous échapperez à la convoitise du monde ; échappant à la convoitise du monde,
vous ne serez sous le joug ni de la convoitise de la chair, ni de la convoitise des yeux, ni de l’ambition du
monde ; et vous donnerez accès à la venue de la Charité, qui vous fera aimer Dieu. Car là où il y a dilection
du monde, il n’y a pas dilection de Dieu. Attachez-vous plutôt à la dilection de Dieu  : ainsi, comme Dieu est
éternel, de même vous aussi demeurerez dans l’éternité. Car, tel on aime, tel on est. Tu aimes la terre ? tu
seras terre. Tu aimes Dieu ? que dirais-je ? seras-tu dieu ? Je n’oserais le dire de moi-même, écoutons les
Ecritures : « J’ai dit : vous êtes des dieux, vous êtes tous les fils du Très-Haut. » (Psaume 81,6) Si donc
vous voulez être des dieux et des fils du Très-Haut, « n’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde. Si
quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde est
convoitise de la chair, convoitise des yeux, et ambition du monde, choses qui ne sont pas du Père, mais du
monde », c’est-à-dire des hommes qui aiment le monde. « Et le monde passe avec ses convoitises : mais
celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement, comme Dieu lui-même demeure éternellement.  » 
(Texte de saint Augustin)

Recherche biblique sur la Pureté de cœur

I Par rapport aux biens


II Par rapport aux personnes
III Par rapport à Dieu.

I Détachement des biens.

Genèse 12 Abraham quitte tout.


Genèse 13 Séparation d’avec Lot. Détachement
Job Riche et juste – pauvre et juste
Qui montera sur la montagne de YAHVÉ ? et qui se tiendra dans son lieu Saint ?
Psaume 24,3
l’homme aux mains nettes, au cœur pur : son âme ne se porte pas vers des riens.
Proverbes 23,4 Ne te fatigue pas à acquérir la richesses, cesse d’y appliquer ton intelligence.

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Cours de spiritualité

Si tu déposes ton or sur la poussière, Shaddaï sera pour toi des lingots d’or et de
Job 22,24
l’argent en monceaux.
Jérémie 9,22 Que le riche ne se glorifie pas de sa richesse !
Jérémie 9,22 Que le riche ne se glorifie pas de sa richesse !
Siracide 5,1 Ne te confie pas en tes richesses et ne dis pas : cela me suffit.
Matthieu 4 L’homme ne vit pas seulement de pain…
Matthieu 13,44 Le trésor et la perle.
Matthieu 26,14 La trahison de Judas
Luc 9,25 Que sert à l’homme de gagner l’univers…
Luc 9,57 Le Fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête.
Luc 10,1 Mission apostolique et pauvreté.
Luc 12,15-31 Gardez-vous de toute cupidité. Le riche insensé. S’abandonner à la Providence.
Luc 14,33 Quiconque ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple.
Luc 16,13-14 Nul ne peut servir 2 maîtres… les pharisiens, amis de l’argent, le narguaient.
Luc 19 Zachée
Luc 21,1 L’obole de la pauvre veuve.
Marc 4,19 Parabole du semeur – les soucis, les richesses, étouffent la plante.
Marc 10,17-31 Le jeune homme riche. Il avait de grands biens…
Actes 2,42 La première communauté chrétienne.
Actes 5,4 Ananie et Saphire.
Colossiens 3,2 Songez aux choses d’en haut et non à celles de la terre.
Jacques 1,9 Le frère d’humble condition, le riche qui passera comme l’herbe.
1 Jean 2,15 N’aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde.
Romains 5,19 Ce que produit la chair : débauche, orgies…

II Par rapport aux personnes


a) Il n’y a qu’un amour

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de
tout ton esprit : voilà le plus grand et le premier commandement. Le second
Matthieu 22,37
lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux
commandements s’attache toute la Loi, ainsi que les Prophètes.
Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres
Jean 13,34
comme je vous ai aimés.

Jean 15,9 Comme le Père m’ai aimé, moi aussi je vous ai aimés.

Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je
Jean 15 ,12
vous ai aimés.

35
Cours de spiritualité

Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. Je


Ezéchiel 36,25-26
vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon Esprit.
L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous
Romains 5,5
a été donné.

Jérémie 31,33 Je mettrai ma loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur.

Jérémie 32,39 Je leur donnerai un seul cœur (…) je mettrai ma crainte dans leur cœur.

Que le Christ habite en vos cœurs par la foi et que vous soyez enracinés,
Ephésiens 3,17
fondés dans l’amour.

Jean 7,38 De son sein couleront des fleuves d’eau vive…

1 Thessaloniciens 3,12 Que le Seigneur fasse croître l’amour que vous avez le uns pour les autres.

Jean 15,13 Nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis.

A ceci nous avons connu l’Amour : Celui-là a donné sa vie pour nous. Et
1 Jean 3,16
nous devons nous aussi donner notre vie pour nos frères.

Colossiens 3,14 Par-dessus tout ayez la charité, lieu de la perfection.

1 Thessaloniciens 4,9-11 Vous avez appris à vous aimer les uns les autres.

1 Corinthiens 3,16 Vous êtes les temples de Dieu et l’Esprit de Dieu habite en vous.

1 Corinthiens 13 Hymne à la Charité.

1 Jean 4,8 Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu car Dieu est amour.

b) pour ne rien préférer à Dieu, la pureté de cœur peut demander un détachement.

Genèse 22 Sacrifice D’Isaac.

1 Samuel 1,28 Anne offrant Samuel.

Luc 2,22 Présentation de Jésus

Exode 13,11-12 Tout premier né sera consacré au Seigneur.

Luc 1,76 Jean Baptiste.

1 Chroniques 28,9 Conseils de David à son fils Salomon.

36
Cours de spiritualité

2 Maccabées 7,20-29 Les martyrs d’Israël – leur mère.

Témoigner de Jésus – renoncer pour le suivre. Accepter les persécutions de sa


Matthieu 10,32-42
propre famille.

Marc 1,20 Quittant leur père, ils le suivirent.

Matthieu 19,27 Le centuple à tout ceux qui ont quitté.

Marc 10,28 Le centuple à tout ceux qui ont quitté.

Luc 9,6 Mettre la main à la charrue sans regard en arrière.

c) Comment aimer les personnes.


 Amour fraternel, universel.

1 Samuel 18,1-4 Amitié de David et Jonathan.

1 Samuel 19 Amitié de David et Jonathan.

Lévitique 19,11..18 Amour du pauvre, de l’étranger

Psaume 122,8-9 Pour l’amour de mes frères, de mes amis, laisse-moi dire : paix sur toi.

Ruth 2,11 Quittant son pays, sa parenté, pour suivre Sara.

Matthieu 5,43-48 Aimer ses ennemis. « Si vous aimez ceux qui vous aiment… »

Prête l’oreille aux pauvres et rends-lui son salut avec douceur. Délivre
Siracide 4,8
l’opprimé. Sois pour les orphelins un père et comme un mari pour leurs mères.

Psaume 41,2-4 Heureux qui pense au pauvre et au faible.

Job 29,12 Car je délivrais le pauvre en détresse et l’orphelin privé d’appui.

L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote et tu
Lévitique 19,34
l’aimeras comme toi-même.
Le fuit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté,
Galates 5,22
confiance dans les autres, douceur…
Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d’autrui. (…) Tout
1 Corinthiens 10,24.34 comme moi je m’efforce de plaire en tout à tous, ne recherchant pas mon
propre intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés.
A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de
Jean 13,35
l’amour les uns pour les autres.
Nous devons nous aimer les autres, loin d’imiter Caïn qui, étant mauvais,
1 Jean 3,11
égorgea son frère.
Prenez garde que cette liberté dont vous usez ne devienne pour les faibles une
1 Corinthiens 89,13
occasion de chute. (…) Ta science alors va faire périr le faible, le frère pour qui

37
Cours de spiritualité

le Christ est mort. (…) afin de ne pas causer la chute de mon frère.
En esprit d’union, dans la compassion, l’amour fraternel, la miséricorde… ne
1 Pierre 3,8-9
rendez pas le mal pour le mal… bénissez.
Vous avez revêtu le Christ : Il n’y a ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre,
Galates 3,28
ni homme, ni femme, car tous, vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus.
Vous avez sanctifié vos âmes, pour vous aimer sincèrement comme des
1 Pierre 13,22
frères. D’un cœur pur aimez vous les uns les autres sans défaillances.
Rejetez donc toute malice et toute fourberie, hypocrisies, jalousies et toutes
1 Pierre 2,1
sortes de médisances.

En toute humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec
Ephésiens 4,2
charité ; appliquez-vous à conserver l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix.

N’ayez de dettes envers personnes, sinon celle de l’amour mutuel. Car celui
Romains 13,8 qui aime a de ce fait accompli la loi. (…) La charité ne fait point de tort au
prochain. La charité est donc la loi dans sa plénitude.
Je vous aime tous tendrement dans le cœur du Christ Jésus ! … que votre
Philippiens 1,8-10 charité croissant toujours de plus en plus s’épanche en cette vraie science et
ce tact affiné qui donneront de discerner le meilleur.
Que votre charité soit sans feinte (…) que l’amour fraternel vous lie d’affection
Romains 12,9-12 entre vous, chacun regardant les autres comme plus méritants (…) prenant
part aux besoins des saints, avides de donner l’hospitalité.
Charité envers les faibles. « Finissons-en donc avec ces jugements les uns sur
Romains 14,1-16 les autres : jugez plutôt qu’il ne faut rien mettre devant votre frère qui le fasse
buter ou tomber. »

Matthieu 7,1 Ne jugez pas. La paille et la poutre.

Jacques 4,11 Ne médisez pas les uns des autres. (…) Qui es-tu pour juger le prochain.

Réjouissez-vous avec qui est dans la joie, pleurez avec qui pleure. Pleins
Romains 12,15.18 d’une égale complaisance pour tous (…) en paix avec tous si possible, autant
qu’il dépend de vous.

Luc 14,13 Lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés…

Luc 6,36 Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.

Vous tous, en esprit d’union, dans la compassion, l’amour fraternel, la


1 Pierre 3,8-9 miséricorde, l’humilité, ne rendez pas mal pour mal. (…) Bénissez, c’est à cela
que vous avez été appelés.

Galates 5,22 Le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité…

38
Cours de spiritualité

 Amour agissant.

Luc 10 Le bon samaritain

Luc 16 Lazare et le mauvais riche

Matthieu 25 Le jugement dernier. « J’étais malade… »

Luc 3,11 Si quelqu’un à 2 tuniques, qu’il en donne une.

Jacques 2,14 La foi et les œuvres

Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-
Matthieu 7,12
mêmes pour eux.
Donne de ton pain à ceux qui ont faim, et de tes habits à ceux qui sont nus. De
Tobie 4,16 tout ce que tu as en abondance, prends pour faire l’aumône ; et quand tu fais
l’aumône, n’aie pas de regrets dans les yeux.
Le jeûne que je préfère : n’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé, héberger
Isaïe 58,7 chez toi les pauvres sans abri, si tu vous un homme nu, le vêtir, ne pas te
dérober devant celui qu est ta propre chair. ?

2 Corinthiens 11,28 Mon obsession quotidienne : le souci de toutes les églises.

 Amour qui pardonne

A l’exemple de Jésus : la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort
Romains 5,7
pour nous alors que nous étions encore pécheurs.

Matthieu 26,50 Jésus à Judas : mon ami !

Luc 23,24 Père, pardonne-leur : ils ne savent ce qu’ils font.

Matthieu 5,43 Aimez vos ennemis et priez vous vos persécuteurs.

Matthieu 18,21 Pardonnez 77 fois…

Supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l’un a


Colossiens 3,13 contre l’autre quelque sujet de plainte ; le Seigneur vous a pardonné, faites de
même à votre tour.
Aigreur, emportement (…) tout cela doit être extirpé. Montrez-vous au contraire
Ephésiens 4,31-32 bons et compatissants les uns pour les autres, vous pardonnant mutuellement
comme Dieu vous a pardonné dans le Christ.

Romains 12,14 Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez, ne maudissez pas.

39
Cours de spiritualité

Proverbes 25,21 Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif donne-lui à boire.

Proverbes 10,12 L’amour couvre toutes les offenses.

2 Samuel 19 David à la mort de son fils Absalon.

 Amour serviteur, jusqu’au don de la vie.

Jean 13 Le lavement des pieds.

Matthieu 20,28 Je suis venu pour servir et donner ma vie en rançon.

Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus :lui de
Philippiens 2,1-11
condition divine…
Cherchez à imiter Dieu comme des enfants bien-aimés, et suivez la voie de
Ephésiens 5,1-2 l’amour, à l’exemple du Christ qui vous a aimés et s’est livré pour nous, s’offrant
à Dieu en sacrifice.

Galates 5,13 Par la charité, mettez-vous au service les uns des autres.

1 Corinthiens 9,19-22 Je me suis fait l’esclave de tous (…) je me suis fait tout à tous.

1 Pierre 4,10 Chacun selon la grâce reçue, mettez-vous au service les uns des autres.

III Par rapport à Dieu.


a) rejeter le péché et ce qui y conduit.

Soyez saints car moi YAWHE votre Dieu, je suis saint # idolâtrie et toutes
Lévitique 19
formes de péché.

Psaume 50,4.9 Purifie-moi de mon péché, ô mon Dieu. Ote mes taches, je serai pur… lave moi.

Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de ma vue vos actions perverses, cessez de


Isaïe 1,16
faire le mal, apprenez à faire le bien.
Ils ne se souilleront plus… je les laverais de leurs infidélités qu’ils ont commises
Ezéchiel 37,23
et je les purifierai.

Hébreux 9,13-14 Combien plus le sang du Christ nous purifiera-t-il des œuvres mortes.

Hébreux 1,3 Le Fils ayant accompli la purification des péchés.

Approchons-nous avec un cœur sincère, les cœurs nettoyés de toutes les


Hébreux 10,22
souillures d’une conscience mauvaise.

40
Cours de spiritualité

Hébreux 6,4-6 Péché contre l’Esprit.

Hébreux 10,26 Péché contre l’Esprit

Matthieu 12,31 Péché contre l’Esprit

Marc 9,42 Si ton œil te scandalise, est pour toi occasion de péché, arrache-le.

Les guérisons faites par Jésus se terminent parfois : va et désormais ne pèche


Evangile
plus.
Ne sois pas indocile à la crainte du Seigneur et ne la pratique pas avec un cœur
Siracide 1,28
double.

Actes 8,21 Simon le magicien dont le cœur n’est pas droit.

Jacques 4,8 Gens à l’âme partagée…

Purifie-moi du mal caché. Préserve ton serviteur de l’orgueil, alors je serai


Psaume 19,13-14
irréprochable et pur d’un grand péché.

Siracide 38,10 Renonce à tes fautes, garde les mains nettes, de tout péché purifie ton cœur.

Joël 2,12 Revenez à moi de tout votre cœur, déchirez vos cœurs.

Ephésiens 4,22 Dépouiller le vieil homme.

Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, azymes de pureté et
1 Corinthiens 5,7-8
de vérité.
Purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, achevant de nous
2 Corinthiens 7,1
sanctifier dans la crainte de Dieu.

Psaume 32 Heureux qui est absous de son péché.

b) pureté d’intention. Se libérer du jugement d’autrui.

1 Samuel 16,7 Dieu ne regarde pas à l’apparence, mais au cœur.

De la gloire, je n’en reçois pas qui vienne des hommes. Comment pouvez-
Jean 5,41.44 vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres et ne cherchez
pas la gloire qui vient du Dieu unique.

Jean 8,50 Je ne cherche pas ma gloire ; il est quelqu’un qui la cherche et qui juge.

Jean 12,43 Ils aimèrent la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu.

Matthieu 6 Aumône, prière, jeûne : en secret, sans ostentation.

Luc 16,15 Ce qui est élevé pour les hommes est en abomination devant Dieu.

Luc 18,9-14 Le pharisien et le publicain.

41
Cours de spiritualité

Luc 6,42 La paille et la poutre.

Aux pharisiens : vous de même, au-dehors vous offrez aux yeux des hommes
Matthieu 23,28 l’apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et
d’iniquité.

Matthieu 23 Hypocrisie et vanité des scribes et des pharisiens.

Luc 20,45 Les scribes jugés par Jésus.

Quel que soit votre travail, faites-le avec âme comme pour le Seigneur et non
Colossiens 3,23-24
pour les hommes.

Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du
Colossiens 3,17
Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père.

Et-ce que je cherche à plaire à des hommes ? Si je voulais encore plaire à des
Galates 1,10
hommes, je ne serais plus le serviteurs du Christ.

Que je me glorifie dans la croix du Christ qui a fait du monde un crucifié pour
Galates 6,14
moi et de moi un crucifié pour le monde.

Cherchant à plaire non pas aux hommes mais à Dieu qui éprouve les cœurs.
1 Thessaloniciens 2,4- Jamais non plus nous n’avons eu un mot de flatterie, ni recherché la gloire
7 humaine, alors que nous pouvions, étant apôtres du Christ, vous faire sentir
tout notre poids.
Le vrai Juif l’est au-dedans et la circoncision dans le cœur, selon l’esprit et non
Romains 2,29 pas selon la lettre : voilà celui qui tient sa louange non des hommes, mais de
Dieu.

Romains 12,2 Culte spirituel.

Que nul ne se glorifie dans les hommes (…) car tout est à vous, mais vous
1 Corinthiens 3,21.23
êtes au Christ et le Christ est à Dieu.
Il m’importe fort peut d’être jugé par vous ou par un tribunal humain. Bien plus,
je ne me juge pas moi-même. Ma conscience, il est vrai, ne me reproche rien,
mais je n’en suis pas justifié pour autant ; mon juge, c’est le Seigneur. Ainsi
1 Corinthiens 4,3-5
donc, ne portez pas de jugement prématuré. Laissez venir le Seigneur ; c’est
lui qui éclairera les secrets des ténèbres et rendra manifestes les desseins des
cœurs. Et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui revient.
Ephésiens 6,5-9 Esclaves, obéissez à vos maîtres (…) comme au Christ ; non d’une
obéissance tout extérieure qui cherche à plaire aux hommes, mais comme des
esclaves du Christ, qui font avec âme la volonté de Dieu. Que votre service
empressé s’adresse au Seigneur et non aux hommes, dans l’assurance que
chacun sera payé par le Seigneur selon ce qu’il aura fait de bien (…) Et vous,
maîtres, agissez de même à leur égard ; laissez de côté les menaces, et dites-

42
Cours de spiritualité

vous bien que, pour eux comme pour vous, le Maître est dans les cieux, et qu’il
ne fait point acception des personnes.

c) contre le désir excessif des consolations spirituelles, vivre de la foi et accepter l’épreuve qui
purifie.

Jean 6,69 Et nous, nous avons cru.

Jean 4,48 Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croirez pas !

Matthieu 12,38 Maître, nous désirons que tu nous fasses voir un signe.

Jean 20,29 Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru.

Jean 6,27 Vous me chercher (…) parce que vous avez mangé du pain et avez été rassasié.

Luc Marie au recouvrement au Temple, à la Croix.

Osée 2,16 Je vais la conduire au désert et lui parler au cœur.

Souviens-toi de tout le chemin que ton Dieu t’a fait faire pendant 40 ans dans le
Deutéronome 8,2.16 désert, afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaître le fond de ton cœur :
allais-tu ou non garder ses commandements ?

Job 5,17 Heureux l’homme que Dieu corrige.

Si je vais vers l’Orient, il est absent ; vers l’Occident, je ne l’aperçois pas. Quand
je le cherche au Nord, il n’est pas discernable, il reste invisible si je me tourne au
Job 23,8-10
Midi. Et pourtant, toute mes démarches, il les connaît. Qu’il ma passe au
creuset : or pur je sortirai.

Job 36,15 Il sauve le pauvre par sa pauvreté, il lui ouvre l’oreille par sa misère.

Job 38,2 à 40,5 Je vais t’interroger et tu m’instruiras…

J’étais celui qui voile tes plans par des propos insensés. Je ne te connaissais que
Job 42,2-6
par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t-ont vu.
« Qui donc êtes-vous pour tenter Dieu en ce jour et pour vous dresser au-dessus
de lui parmi les enfants des hommes ? Et maintenant vous mettez le Seigneur
Tout-Puissant à l’épreuve ! (…) Comment donc pourrez-vous pénétrer le Dieu qui
a fait toutes ces choses, scruter sa pensée et comprendre ses desseins ? (…)
Judith 8,12-18 N’exigez pas de garanties envers les desseins du Seigneur notre Dieu. Car on ne
met pas Dieu au pied du mur comme un homme, on ne lui fait pas de
sommations, comme à un fils d’homme. (…) Dans l’attente patiente de son salut,
appelons-le plutôt à notre secours. Il écoutera notre voix si tel est son bon
plaisir. »
Judith 8,25-27 « Rendons plutôt grâces au Seigneur notre Dieu qui nous met à l’épreuve, tout

43
Cours de spiritualité

comme ce qu’il a fait à Abraham, toutes les épreuves d’Isaac, tout ce qui arriva à
Jacob. (…) Comme il les éprouva pour scruter leur cœur, de même ce n’est pas
une vengeance que Dieu tire de nous, mais c’est plutôt un avertissement dont le
Seigneur frappe ceux qui le touchent de près. »

Genèse 22,1 Sacrifice d’Isaac.

La patience dans l’épreuve fait porter du fruit : « tout sarment qui porte du fruit,
Jean 15,2 mon Père l’émonde pour qu’il en porte davantage. Déjà vous êtes émondés.
(purifiés.)

Jean 12,44 Si le grain de blé ne tombe en terre.

A la suite de l’épreuve endurée par son âme, mon serviteur verra la lumière, il
Isaïe 53,11
sera comblé.

Luc 12,37.47 Notion de serviteur.

Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa


Luc 9,23
croix chaque jour et qu’il me suive.

Matthieu 7,33 Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et le reste vous sera donné par surcroît.

Aucune tentation ne vous est survenue qui passât la mesure humaine. Dieu est
1 Corinthiens 10,13 fidèle. Dieu ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces mais
avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter.
On m’entourait de partout et nul ne me soutenait ; je cherchais du regard un
Siracide 51,7
homme secourable, et rien.
Il vient et les trouve entrain de dormir. (…) Simon, tu n’as pas eu la force de
Marc 14,37
veiller une heure avec moi ?

2 Timothée 4,9 Démas m’a abandonné par amour du monde présent.

Chapitre V : « L’Esprit Saint »

Transition.
Reprenons d’abord les grandes étapes de notre parcours d’année. Nous sommes parties de la présence de
Dieu. Ce Dieu qui nous crée a son image, qui est toujours présent à sa création, à sa créature, qui nous a
fait pour lui, pour marcher en sa présence : c’est notre fin et donc notre bonheur.

Adam, où es-tu ? Après le péché, Dieu prépare son peuple à la venue du Messie sauveur, Dieu avec nous,
Emmanuel, lui qui par sa croix nous rend la dignité de fils de Dieu et par sa résurrection nous entraîne dans
sa gloire.

44
Cours de spiritualité

Dieu a mis en nous le désir de lui ressembler, car lui seul peut combler notre cœur. Plus nous désirons
Dieu, plus il nous attire. Désirer vivre en sa présence, être sa joie, le voir face à face, non seulement nous,
mais tous nos frères.

C’est par la foi que nous nous approchons de Dieu, que nous adhérons à lui. La foi qui « est l’ouverture du
cœur humain devant la communication que Dieu fait de lui-même dans l’Esprit Saint. La foi, lumière et
certitude, venant de Dieu à travers notre nuit. La foi, oui nous donne la vérité, à condition que nous
cherchions Dieu purement et humblement.

La foi nous ayant unis à Dieu, notre cœur est prêt à aimer totalement, de toutes ses forces. Déjà le désir
de Dieu nous a libérés de la jouissance des choses, des biens matériels.
La charité, greffée sur notre cœur, lui donne une capacité presque infinie d’aimer, puisque c’est l’Esprit
Saint qui désormais nous « anime. » Notre cœur libéré de l’égoïsme peut aimer Dieu et tous les êtres sans
exception et met à leur service toutes ses capacités : force, douceur, pardon, tendresse, prévenance,
discrétion, miséricorde, imagination, sagesse, etc. …
Puisque cet amour a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit, nous allons maintenant étudier l’action de
l’Esprit Saint en nous et inventorier ses dons et ses fruits.

Mission de l’Esprit saint dans la construction de l’Eglise.


Lorsqu’on étudie le Nouveau Testament, un point ressort nettement : c’est Jésus qui a fondé l’Eglise, qui a
choisi les apôtres, et Pierre comme leur chef, qui a confié aux apôtres ses pouvoirs. (cf. Matthieu 28,18-19)
L’Eglise, fondée par le Christ, est donc la continuatrice de son œuvre. Elle communique aux hommes de
tous les temps, de toute l’histoire, de tous les pays, le salut que Jésus nous a obtenu, elle fait des hommes
des fils de Dieu, en les incorporant au corps mystique du Christ.
La mission de l’Eglise est donc d’achever Jésus-Christ, de réaliser le Christ total. Le jour de Pâques,
l’humanité nouvelle que le Christ est venu recréer, est pleinement réalisée en lui dans son corps glorieux. Il
y a dans le Christ ressuscité un type d’homme nouveau arrivé à la perfection. Mais cela est réalisé dans le
Christ, comme chef des hommes, nouvel Adam, pour être communiqué à ses membres. L’œuvre de
l’Eglise sera de communiquer cette dignité du Christ, ce qu’il possède dans sa nature d’homme, aux autres
hommes, pour faire d’eux d’autres Christs en les faisant entrer dans l’Eglise, jusqu’à ce que le Christ soit,
non seulement l’individu Jésus-Christ fils de Marie, mais le Christ total, à la fois la tête et les membres du
Corps mystique. (cf. Ephésiens 4,11-16)

Si le Christ est à la fois la source de l’Eglise et son terme, le rôle de l’Esprit Saint dans cette œuvre est
primordial. Nous le constatons dans la révélation : le Christ a dit qu’on n’entrait dans le royaume de Dieu
que sous l’influence de l’Esprit Saint. (cf. Jean 3) Quand il transmet ses pouvoirs aux apôtres pour
continuer sa mission, le don de l’Esprit est lié à cette transmission des pouvoirs. (cf. Jean 15,26-27 ; 16,6)

Il faut l’Esprit pour comprendre le message et pour le transmettre. La Parole est dite par le Fils au nom du
Père, aux hommes, et l’Esprit vient la faire comprendre intérieurement. Le Christ donne l’Esprit aux apôtres

45
Cours de spiritualité

avec le pouvoir de remettre les péchés. Il leur annonce la Pentecôte comme la venue de l’Esprit Saint qui
leur permettra d’être ses témoins. (cf. Luc 24,4-9 ; Actes 1,2)
Plus profondément, l’Eglise verra qu’elle a comme mission de transmettre aux hommes la vie du
Ressuscité. En fait, le Christ nous fait participer à sa vie divine en nous communiquant son Esprit. La vie
intérieure de l’Eglise s’identifie avec la communication de l’esprit.

L’esprit Saint, Amour mutuel du Père et du Fils.


(feuille volante correspondant aux pages 36 à 39 Le Saint Esprit dans l’âme fidèle)

De toute éternité le Père engendre le Fils et l’aime d’un amour infini et immuable. De toute éternité aussi le
Fils procède du Père et l’aime d’un amour pareillement infini et immuable. Et cet amour mutuel du Père
pour le Fils et du Fils pour le Père, c’est précisément le Saint Esprit. « Ipse Spiritus est amor » : c’est
l’Esprit lui-même qui est l’Amour. (Saint Grégoire)
Il est le lien ineffable, qui unit entre eux le Père et le Fils, et qui nous unit au Christ et entre nous dans le
Christ, et qui par le Christ nous conduit au Père, nous entraînant ainsi au sein même de la Trinité.
Le Saint Esprit est en toute vérité notre Esprit, parce que, au témoignage de l’Ecriture, il nous a été donné.
C’est Notre Seigneur lui-même qui, s’adressant à ses disciples au soir de sa Résurrection, leur dit :
« Recevez l’Esprit Saint… (Jean XX, 22)
Mais c’est surtout au jour de la Pentecôte que le Saint Esprit leur fut donné d’une manière sensible  : « Et
tous, dit l’Ecriture, furent remplis de l’Esprit Saint. » (Actes II, 4)
Qu’il s’agisse là d’un don véritable de l’Esprit Saint, et non seulement d’une habitation de ce divin Esprit
dans l’âme sanctifié, les témoignages de la Sainte Ecriture sont là nombreux pour nous en convaincre.
Aux trois mille Israélites, qui, à la suite de la première prédication de Pierre au jour même de la Pentecôte,
se convertissent et demandent ce qu’ils doivent faire : « Repentez-vous, leur répond l’Apôtre, et que
chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ…, et vous recevrez le don du Saint Esprit, car la
promesse est pour vous et pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, autant qu’en appellera le
Seigneur notre Dieu. » (Actes II, 38)
De même, lorsque les Juifs font arrêter les apôtres et leur reprochent d’avoir enfreint la défense qui leur
avait été faite d’enseigner au nom du Christ, Pierre et les Apôtres répondent fièrement : « Il faut obéir à
Dieu plutôt qu’aux hommes. Le Dieu de nos pères à ressuscité Jésus, que vous aviez fait mourir en le
suspendant au bois. Dieu l’a élevé par sa droite comme Chef et Sauveur, pour donner à Israël repentir et
rémission des péchés. Et nous sommes, nous, témoins de ces choses, et aussi l’Esprit Saint, que Dieu a
donné à ceux qui lui obéissent. » (Actes V, 29-32)
C’est parce que Simon le Magicien se rend compte que l’Esprit Saint est donné aux fidèles par l’imposition
des mains des Apôtres, qu’il ose leur proposer de l’argent afin de disposer lui aussi du même pouvoir.
« Cum videret… Simon quia per impositionem manus Apostolorum daretur Spiritus Sanctus, obtulit eis
pecuniam. » (Actes VIII)1

Enfin lorsqu’il sera question d’imposer aux païens convertis le joug de la Loi mosaïque, saint Pierre fera
remarquer aux Apôtres et aux Anciens réunis à Jérusalem que « Dieu, qui connaît les cœurs, ayant
témoigné en leur faveur, en leur donnant le Saint Esprit » a manifesté suffisamment par là qu’il ne fait
1
Simon, voyant que les Apôtres donnaient le Saint Esprit par l’imposition des mains, leur offrit de l’argent.

46
Cours de spiritualité

aucune différence entre les Juifs et les Gentils, et qu’il n’y a dès lors aucune raison d’imposer la Loi aux
disciples qui viennent des Nations, « dans illis Spiritum Sanctum sicut et nobis… » (Actes XV, 8)
Les témoignages de l’Apôtre saint Paul ne sont pas moins explicites. « L’amour de Dieu, écrit-il aux
Romains, a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » (Romains V,5) Et
encore. « Si quelqu’un ne possède pas l’Esprit du Christ, celui-là n’appartient pas au Christ. (Romains VIII,
9)
« Pour nous, écrit-ils aux Corinthiens, nous avons reçu non l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de
Dieu. » (1 Corinthien II, 12)

Et dans sa seconde lettre, il écrit aux mêmes Corinthiens : « Celui qui nous affermit avec vous dans le
Christ, et qui nous a oints, c’est Dieu, lequel nous a aussi marqués d’un sceau, et nous a donné à titre
d’arrhes le Saint Esprit dans nos cœurs. » (2 Corinthiens I, 22)

A titres d’arrhes, c’est-à-dire de gages, comme lorsqu’on donne à quelqu’un par avance une part de son
héritage, en signe qu’on lui réserve la possession de tous ses biens. « Vous avez été marqués, écrit encore
en ce sens saint Paul aux Ephésiens, du sceau du Saint Esprit, qui avait été promis et qui est un gage de
notre héritage, en attendant la pleine rédemption de ceux que Dieu c’est acquis, à la louange de sa gloire. »
(Ephésiens I, 13-14)

Ainsi le témoignage de l’Ecriture est manifeste : l’Esprit Saint est donné à toute âme chrétienne au jour de
son baptême selon l’enseignement des Princes des Apôtres Pierre et Paul eux-mêmes, et il est impossible
d’appartenir au Christ sans posséder son divin Esprit.

Or, note saint Thomas d’Aquin, justement à propos de ce don du Saint Esprit, « Ce qui est donné à
quelqu’un, lui est donné précisément pour qu’il soit à lui, et qu’il en dispose à son gré, car, continue
l’Angélique Docteur, posséder une chose, c’est pouvoir librement en user et en jouir, comme nous voulons :
« Habere autem dicimus id quo libere possumus uti vel frui, ut volumus. » (Somme Théologique I, P. q. 38 a
1) Et c’est dans ce sens, selon le même Docteur, que l’Esprit Saint nous est donné, si bien qu’Il peut être
appelé aussi à bon droit l’« Esprit de l’homme » et par conséquent notre Esprit, de même qu’il est appelé
dans l’Ancien Testament l’Esprit d’Elie (IV, Rég. II,15) et par Dieu même, l’Esprit de Moïse (Nombre XI, 17)

Il est donc bien établi que Celui qui de toute éternité est l’Esprit commun du Père et du Fils, et Dieu même,
est devenu dans le temps par une condescendance inouïe notre Esprit, l’Esprit de l’homme, puisqu’il nous
a été donné, et qu’Il nous appartient et que nous pouvons en disposer, en user et en jouir librement,
comme nous voulons, « libere… ut volumus. » (A. Riaud.)

Les dons du Saint Esprit.

Au baptême, nous recevons par la grâce sanctifiante :

 Les vertus (Théologales : foi, espérance, charité

47
Cours de spiritualité

Cardinales : prudence, justice, force, tempérance)

 Les dons du Saint Esprit.

Les vertus nous donnent de pouvoir agir d’une manière surnaturelle, de pouvoir juger des choses selon les
lumières de la Révélation et agir conformément à ces vues de foi. Elles disposent donc notre intelligence et
notre volonté à l’union avec Dieu, mais sans donner de soi la facilité de penser et d’agir ainsi.
Il faut que des disposition soient doublées d’ « habitudes » saintes, qui ne s’acquièrent, comme tout autre
habitude, que par l’intensité de la répétition des actes, à l’aide des grâces actuelles que Dieu donne à qui
les lui demande d’un cœur désireux de l’aimer et de le servir.
C’est le chemin des vertus chrétiennes.
Mais ce chemin est ardu, et bien peu y persévèreraient s’il n’étaient aidés par les dons du Saint Esprit qui
s’exercent en nous, sans même que nous nous en rendions compte.
Les dons du Saint Esprit sont comme des instincts surnaturels qui nous portent à penser, à juger, et à agir
en toutes circonstances comme le ferait Jésus lui-même. Celui qui se laisse guider par les dons du Saint
Esprit agit toujours et spontanément selon sa nouvelle nature d’enfant de Dieu. C’est vraiment le Fils de
Dieu qui agit en lui par son Esprit et il peut dire en toute vérité : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ
qui vit en moi. » (Galates 2,20)
« On compare ceux qui se conduisent par les dons du Saint Esprit, à un navire qui vogue à pleines voiles,
le vent en poupe ; et ceux qui se conduisent par les vertus et non encore par les dons, à une chaloupe
qu’on fait aller à force de rames, avec bien plus de travail et de bruit, et bien plus lentement. » (Père
Lallemant 200)
Qu’est-ce qui empêche en nous l’action des dons ? Les péchés véniels, car ils s’opposent à la ferveur de la
charité. D’où l’importance de la pureté du cœur, du recueillement, de l’humilité, de la pauvreté de cœur, de
la confiance : la petite voie de Thérèse, dont l’ascenseur équivaut à l’action des dons du Saint Esprit.

Le don que Dieu fait de lui-même dans résurrection, se trouve en même temps
l’Esprit Saint pour le salut. transmise, dans toute sa puissance salvifique,

(La documentation Catholique 15 juin 1986 n° 1920 : Encyclique de Jean


à l’Esprit Saint, celui qui « recevra de mon
Paul II « Dominum et vivifantem » 18 mai 1986) bien1. » Les paroles du texte johannique
11. Le discours d’adieu du Christ au cours du repas montrent que, selon le plan divin, le
pascal se rattache particulièrement à ce « don » et « départ » du Christ est une condition
à ce « don de soi » de l’Esprit Saint. Dans indispensable pour l’ « envoi » et la venue de
l’Evangile de Jean se dévoile, pour ainsi dire, la l’Esprit Saint, mais elles disent aussi que
« logique » la plus profonde du mystère salvifique commence alors le nouveau don que Dieu fait
inclus dans le dessein éternel de Dieu, comme de lui-même dans l’Esprit Saint pour le salut.
extension de la communion ineffable du Père, du
Fils et de l’Esprit Saint. C’est la « logique » divine 12. C’est un nouveau commencement par
qui, à partir du mystère de la Trinité, conduit au rapport au premier commencement, à
mystère de la Rédemption du monde en Jésus l’origine du don que Dieu a fait de lui-même
Christ. La Rédemption accomplie par le Fils dans pour le salut, qui s’identifie avec le mystère
le cadre de l’histoire terrestre de l’homme, même de la création. Voici ce que nous lisons
accomplie en son « départ » par la croix et par la
1
Jean 16,14

48
Cours de spiritualité

dès les premiers mots du Livre de la Genèse : « Au interposé, à partir de la chute originelle, le
commencement, Dieu créa le ciel et la terre…, et péché qui s’oppose à la présence de l’Esprit
l’esprit de Dieu (ruah Elohim) planait sur les de Dieu dans la création et qui, surtout,
eaux2. » Ce concept biblique de création comporte s’oppose au don que Dieu fait de lui-même, à
non seulement l’appel à l’existence de l’être même l’homme pour son salut. Saint Paul écrit que,
du cosmos, c’est-à-dire le don de l’existence, mais précisément à cause du péché, « la
aussi la présence de l’Esprit de Dieu dans la création… fut assujettie à la vanité…, jusqu’à
création, c’est-à-dire le commencement du don que ce jour elle gémit en travail d’enfantement »
Dieu fait de lui-même pour leur salut aux choses et « elle attend avec impatience la révélation
qu’il a créées. Cela vaut avant tout pour l’homme, des fils de Dieu4.
qui a été créé à l’image et à la ressemblance de
Dieu : « Faisons l’homme à notre image, comme 14. C’est pourquoi Jésus dit au Cénacle :
notre ressemblance . » 3
« Faisons » : peut-on « C’est votre intérêt que je parte ; si je pars, je
considérer que le pluriel, employé ici par le vous l’enverrai5. » Le « départ » du Christ par
Créateur en parlant de lui-même, suggère déjà en la Croix à la puissance de la Rédemption – et
quelque façon le mystère trinitaire, la présence de cela signifie aussi une nouvelle présence de
la Trinité dans l’œuvre de la création de l’homme ? l’Esprit de Dieu dans la création : le nouveau
Le lecteur chrétien qui connaît déjà la révélation de commencement du don que Dieu fait de lui-
ce mystère peut aussi en reconnaître le reflet dans même à l’homme dans l’Esprit Saint. « Et la
ces paroles. En tout cas, le contexte du Livre de la preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu
Genèse nous permet de voir dans la création de a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils
l’homme le premier commencement du don que qui cri : Abba ! Père ! », écrit l’apôtre Paul
Dieu fait de lui-même pour le salut dans la mesure dans la Lettre aux Galates6. L’Esprit Saint est
où il a accordé à l’homme d’être à « l’image » et à l’Esprit du Père, comme en témoignent les
« la ressemblance » de lui-même. paroles du discours d’adieu au Cénacle. Il
est, en même temps, l’Esprit du Fils : il est
13. Il semble donc que les paroles prononcées par l’Esprit de Jésus Christ, comme en
Jésus dans le discours d’adieu doivent aussi être témoignent les Apôtres et particulièrement
relues en rapport avec ce « commencement » si Paul de Tarse7. Par l’envoi de cet Esprit
lointain, mais fondamental, que nous connaissons « dans nos cœurs », commence à s’accomplir
par le Livre de la Genèse. « Si je ne pars pas, le ce que « la création attend avec impatience »,
Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, comme nous le lisons dans la Lettre aux
je vous l’enverrai. » En présentant son « départ » Romains.
comme une condition de la « venue » du Paraclet, L’Esprit saint vient au prix du « départ » du
le Christ fait le lien entre le nouveau Christ. Si ce « départ » a provoqué la
commencement du don que Dieu fait de lui-même tristesse des Apôtres8, qui devait atteindre
par l’Esprit Saint pour le salut, et le mystère de la son point culminant dans la passion et dans
Rédemption. C’est là un nouveau commencement,
avant tout parce que, entre le premier 4
Romains 8,19-22
commencement et toute l’histoire de l’homme, s’est
5
Jean 16,7
6
Galates 4,6 cf. Romains 8,15
2
Genèse 1,1-2 7
Galates 4,6 ; Philippiens 1,19 ; Romains 8,11
3
Genèse 1,26 8
Cf. Jean 16,6

49
Cours de spiritualité

la mort du Vendredi saint, à son tour « cette évangile » ou bien « l’évangile de l’Ancien
9
tristesse se changera en joie . » Le Christ, en effet, Testament. » Evoquant la venue d’un
marquera son « départ » rédempteur par la gloire personnage mystérieux, que la révélation
de la résurrection et de l’ascension vers le Père. néo-testamentaire identifiera avec Jésus,
Ainsi donc, la tristesse à travers laquelle Isaïe en associe la personne et la mission
transparaît la joie, voilà ce qu’éprouvent les avec une action spéciale de l’Esprit de Dieu,
Apôtres dans la perspective du « départ » de leur l’Esprit du Seigneur. Voici les paroles du
Maître, un départ qui a lieu  « dans leur intérêt », prophète :
parce que, grâce à lui, viendra un autre « Un rejeton sortira de la souche de Jessé,
10
« Paraclet . » Au prix de la Croix où se réalise la un surgeon poussera de ses racines. Sur lui
Rédemption, par la puissance de tout le mystère reposera l’Esprit du Seigneur, esprit de
pascal de Jésus Christ, l’Esprit Saint vient sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et
demeurer dès le jour de la Pentecôte avec les de force, esprit de connaissance et de crainte
Apôtres, pour demeurer avec l’Eglise et dans du Seigneur : son inspiration est dans la
l’Eglise et, grâce à elle, dans le monde. crainte du Seigneur13. »
De cette manière s’accomplit définitivement ce
nouveau commencement du don que le Dieu un et Ce texte est important pour toute la
trine fait de lui-même dans l’Esprit Saint par Jésus pneumatologie de l’Ancien Testament, car il
Christ, Rédempteur de l’homme et du monde. constitue comme un pont entre le concept
biblique ancien de l’ « esprit », entendu avant
Le Messie, Oint de l’Esprit Saint tout comme un « souffle charismatique », et
15. La mission du Messie s’accomplit aussi jusqu’à l’ « Esprit » comme personne et comme don,
son terme, car elle est la mission aussi jusqu’à son don pour la personne. Le Messie de la lignée
terme, car elle la mission de celui qui a reçu la de David (« de la souche de Jessé ») est
plénitude de l’Esprit Saint pour le Peuple élu de précisément la personne sur laquelle
Dieu et pour l’humanité entière. Littéralement, « reposera » l’Esprit du Seigneur. Il est
« Messie » veut dire « Christ », c’est-à-dire évident que, dans ce cas, on ne peut pas
« Oint », et dans l’histoire du salut, le sens est encore parler de la révélation du Paraclet :
« Oint de l’Esprit Saint. » Telle était la tradition cependant, avec cette allusion voilée à la
prophétique de l’Ancien Testament. En s’y figure du futur Messie s’ouvre, pour ainsi dire,
conformant, Simon Pierre dira dans la maison de la voie sur laquelle est préparée la pleine
Corneille : « Vous savez ce qui s’est passé dans révélation de l’Esprit Saint dans l’unité du
toute la Judée : Jésus de Nazareth…après le mystère trinitaire qui se manifestera
baptême proclamé par Jean ; comme Dieu l’a finalement dans la Nouvelle Alliance.
consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force . » 11

De ces paroles de Pierre et de beaucoup d’autres 16. Cette voie, c’est précisément le Messie.

semblables12, il convient de remonter avant tout à Dans l’Ancienne Alliance, l’onction était

la prophétie d’Isaïe, parfois appelée « le cinquième devenue le symbole extérieur du don de
l’Esprit. Le Messie (plus que tout autre
9
Cf. Jean 16,20
10
Cf. Jean 16,7 personnage oint dans l’Ancienne Alliance) est
1
1 Ac 10,37-38
12
Cf. Luc 4,16-21 ; 3,16 ; 4,14 ; Marc 1,10 13
Isaïe 11,1-3

50
Cours de spiritualité

l’unique et grand Oint du Seigneur lui-même. Il est descendance, dit le Seigneur, dès maintenant
l’Oint en ce sens qu’il possède la plénitude de et à jamais21. »
l’Esprit de Dieu. Et il sera lui-même le médiateur du
don de cet Esprit au Peuple tout entier. Voici en Les textes prophétiques cités ici, nous devons
effet, d’autres paroles du prophète : les lire à la lumière de l’Evangile, de même

« L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi, car le que, pour sa part, le Nouveau Testament

Seigneur m’a consacré par l’onction ; il m’a envoyé reçoit de la lumière admirable de ces textes

porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, panser les vétéro-testamentaire une clarté particulière.

cœurs meurtris, annoncer aux captifs la libération Le prophète présente le Messie comme celui

et aux prisonniers la délivrance, proclamer une qui vient dans l’Esprit Saint, comme celui qui

année de grâce de la part du Seigneur14. » possède la plénitude de cet Esprit en lui et,
en même temps, pour les autres, pour Israël,

L’Oint est aussi envoyé « avec l’Esprit du pour toutes les nations, pour toute l’humanité.

Seigneur » : La plénitude de l’Esprit de Dieu

« Et maintenant le Seigneur Dieu m’a envoyé avec s’accompagne de nombreux dons, les biens

son esprit15. » du salut, destinés spécialement aux pauvres


et à ceux qui souffrent, à tous ceux qui
Selon le Livre D’Isaïe, l’Oint, l’Envoyé avec l’Esprit
ouvrent leur cœur à ces dons, parfois à
du Seigneur, est aussi le Serviteur du Seigneur élu,
travers l’expérience douloureuse de leur
sur qui repose l’Esprit de Dieu :
propre existence, mais avant tout dans la
« Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en
disponibilité intérieure qui provient de la foi.
qui mon âme se complait. J’ai mis sur lui mon
Cela, le vieillard Syméon, « homme juste et
esprit16. »
pieux » sur qui « reposait l’Esprit Saint », en
On sait que le Serviteur du Seigneur est révélé eut l’intuition au moment de la présentation
dans le Livre d’Isaïe comme le véritable Homme de Jésus au Temple, lorsqu’il vit en lui « le
des douleurs : le Messie souffrant pour les péchés salut préparé à la face de tous les peuples »
17
du monde . Et, simultanément, il est celui même au prix de la grande souffrance, celle de la
qui reçoit la mission de porter de véritables fruits de Croix, qu’il devait éprouver en même temps
salut pour toute l’humanité : « Il présentera aux que sa Mère22. La Vierge Marie comprenait
nations le droit18… » ; et il deviendra «  l’alliance du cela encore mieux, elle qui « avait conçu du
peuple, la lumière des nations… 19 » ; « pour que Saint Esprit23», lorsqu’elle méditait en son
mon salut atteigne aux extrémités de la terre . » 20
cœur les « mystères » du Messie auxquels
Car : « Mon esprit qui est sur toi, et mes paroles elle était associé24.
que j’ai mises dans ta bouche ne s’éloigneront pas
de ta bouche, ni de la bouche de ta descendance, 17. Il convient de souligner ici que l’ « Esprit
ni de la bouche de la descendance de ta du Seigneur », qui « repose » sur le futur
Messie, est clairement et avant tout un don
14
Isaïe 61,1-2 de Dieu pour la personne de ce Serviteur du
15
Isaïe 48,16
16
Isaïe 42,1
17
Cf. Isaïe 53,5-6.8 21
Isaïe 59,21
18
Isaïe 42,1 22
Cf. Luc 2,25-35
19
Isaïe 42,6 23
Cf. Luc 1,35
20
Isaïe 49,6 24
Cf. Luc 2,19,51

51
Cours de spiritualité

Seigneur. Mais lui-même n’est pas une personne


isolée et existant par elle-même, parce qu’il agit par
la volonté du Seigneur, en vertu de sa décision ou
de son choix. Même si, à la lumière des textes
d’Isaïe, l’œuvre salvifique du Messie, Serviteur du
Seigneur, implique l’action de l’Esprit accomplie à
travers lui, dans leur contexte vétéro-testamentaire,
la distinction des sujets ou des Personnes divines –
telles que ces Personnes subsistent dans le
mystère trinitaire et seront révélées ensuite dans le
Nouveau Testament – n’est cependant pas
suggérée. Que ce soit en Isaïe ou dans tout
l’Ancien Testament, la personnalité de l’Esprit Saint
est complètement cachée : cachée dans la
révélation du Dieu unique, comme aussi dans
l’annonce prophétique du Messie à venir.

18. Au début de son activé messianique, Jésus


Christ se réclamera de cette annonce que
comprenaient les paroles d’Isaïe. Il le fera à
Nazareth même où il avait passé trente années de
sa vie dans la maison de Joseph le charpentier,
aux côtés de Marie, la Vierge, sa Mère. Quand il
eut l’occasion de prendre la parole à la Synagogue,
ouvrant le Livre d’Isaïe, il trouva le passage où il
était écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi,
parce qu’il m’a consacré par l’onction » et, après
avoir lu ce passage, il dit à l’assemblée :
« Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour
vous qui l’entendez.25 » De cette manière, il
confessait et il proclamait qu’il était Celui qui « a
reçu l’onction » du Père, qu’il était le Messie, c’est-
à-dire Celui en qui demeure l’Esprit Saint, le don de
Dieu lui-même, Celui qui possède la plénitude de
cet Esprit, Celui qui marque le « nouveau
commencement » du don que Dieu fait à
l’humanité dans l’Esprit. 

25
Cf. Luc 4,16-21 ; Isaïe 61,1-2

52
Cours de spiritualité

Don de Sagesse

Le plus précieux, celui que nous devons désirer avec le plus d’ardeur, et demander avec le plus d’instance.
(Cf. Proverbes 8,22-26 ; Siracide 24 ; Sagesse 8,21)

Du latin : sapientia, sagesse. Sapere : goûter. Saveur, savourer. Au baptême, on donne le sel de la
sagesse.

« Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur. » (Psaume 33,9 ; 1 Pierre 2)


Le don de sagesse est une disposition surnaturelle de l’intelligence qui l’incline à n’estimer et ne goûter que
Dieu et ce qui intéresse en quelque chose sa gloire.

Son objet, c’est Dieu et les choses de Dieu. Celui qui est pleinement sous l’action de ce don ne se complait
plus qu’en Dieu, n’éprouve plus de goût que pour Dieu et sa gloire. Tout le reste, - plaisirs, honneurs,
richesses, biens terrestre – lui paraît de bien peu de prix. Il a comme l’évidence que tout est vanité, hormis
aimer Dieu et le servir lui seul.
« Au commencement, les choses divines sont insipides et l’on a de la peine à les goûter ; mais dans la
suite elles deviennent douces et si savoureuses qu’on les goûte avec plaisir.
Au contraire, les choses de la terre, qui flattent les sens, sont d’abord agréables et délicieuses, mais à la fin
l’on y trouve plus que de l’amertume.
Le goût du bien devient comme naturel. » (Père Lallemant 210)

Sagesse et folie. (1 Corinthiens 1-4)


o Le fou : celui qui ordonne toute sa vie par rapport aux créatures. (Jérémie 17,5-8)
o Le sage : celui qui ordonne toute sa vie par rapport au Créateur. (Psaume 1)
« voulons-nous connaître si nous sommes du nombre des sages ou des fous, examinons nos goûts et nos
dégoûts, soit à l’égard de Dieu et des choses divines, soit à l’égard des créatures et des choses de la terre.
D’où naissent nos satisfactions et nos déplaisirs ? En quoi est-ce que notre cœur trouve son repos et son
contentement ? Excellent moyen pour acquérir la pureté de cœur. » (Le Père Lallemant 213)

les fausses sagesses :

o sagesse terrestre : ne goûte que les richesses.


o Sagesse animale : ne goûte que les plaisirs du corps.
o Sagesse diabolique : ne goûte que sa propre excellence. (Matthieu 4)
(Les 3 concupiscences, les 3 tentations de Jésus, les 3 vœux)

La folie qui est sagesse devant Dieu, c’est d’aimer la pauvreté, le mépris, la croix. C’est celle qu’a goûtée
Jésus : « combien j’ai hâte d’être baptisé de ce baptême. » (Luc 12,50)
Jésus a laissé, en tout ce qu’il a touché, comme un parfum, un attrait. Les disciples, les saints ont « couru
après l’odeur de ces parfums. » (Cantiques 1,3-4)
« les apôtres sortaient de l’assemblée du conseil tout joyeux d’avoir été jugés dignes de souffrir pour le
nom de Jésus. » (Actes 5,41)

53
Cours de spiritualité

« Dans la mesure où vous participez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, car l’Esprit de Dieu repose
sur vous. » (1 Pierre 4,13-14 ; Matthieu 5,11-12)
Que Dieu ait choisi la croix pour nous racheter, c’est une folie pour la raison humaine. « Mais ce qui est
folie de Dieu est plus sage que les hommes. » (1 Corinthiens 1,25)
Cette sagesse est révélée par le Père aux petits, donnée par Jésus, lui qui est la sagesse de Dieu.
(Matthieu 11,25 ; Luc 21,15 ; 1 Corinthiens 1,24-30)

Cette vue nette de l’intelligence du tout de Dieu et du rien de la créature – qui ne vient qu’après l’épreuve et
la sécheresse – s’accompagne dans la volonté d’une détermination ferme de ne vivre que pour Dieu et de
tout endurer pour sa gloire et la venue de son règne. ( 1 Corinthiens 4,11)

La béatitude qui répond au don de la sagesse : les pacifiques. (Matthieu 5,9)

La paix, qui est « la tranquillité de l’ordre » vient de ce que tout est ordonné selon le plan de Dieu. C’est ce
que fait la sagesse, qui rapporte tout à Dieu. (Saint Augustin)

De plus, quand on possède la sagesse, on n’est plus touché par les choses qui pourraient troubler le cœur,
car on n’y attache plus d’importance. Le trésor de notre cœur est ailleurs, et cela fait vivre dans une paix
inaltérable. Humilité paisible devant la grandeur et le tout de Dieu.

Le fruit du Saint Esprit qui répond au don de sagesse est celui de la foi.

Plus on goûte les choses de Dieu, plus on s’y attache dans la foi. (Galates 5,22) On en arrive à une
connaissance de Dieu expérimentale et à une sorte d’évidence. On s’unit à lui par la charité, autre fruit de
la sagesse.

Marie, « sedes sapientiae » : siège, trône de la sagesse, parce que l’Esprit repose en elle et l’attire tout
entière, et parce qu’elle est la mère de Dieu, de Jésus, sagesse incarnée. (Litanies la Sainte Vierge)

L’article « sagesse » est à étudier. Voir dans le V.T.B. = vocabulaire théologique biblique

54
Cours de spiritualité

55
Cours de spiritualité

Don d’intelligence

Du latin : intus legere : lire à l’intérieur.

Le don d’intelligence est une disposition surnaturelle de l’esprit qui lui permet de saisir et de pénétrer
comme par intuition les mystères de notre foi, le sens des Ecritures.
Ce mystère, on le connaît depuis longtemps ; cette parole, on l’a entendue, lue, méditée peut-être bien des
fois ; mais voici que, par ce don de l’Esprit Saint, notre esprit en est frappé d’une manière si nouvelle, qu’il
semble qu’on ne les avait jamais véritablement compris jusque là. C’est une découverte merveilleuse.
Cette lumière s’accompagne d’un bonheur profond que personne ne peut soupçonner s’il ne l’a déjà
expérimenté.

Ce don d’intelligence n’a rien à voir avec notre quotient intellectuel. On peut posséder une intelligence très
grande et très brillante, et ne pas avoir le don d’Intelligence ou ne pas le laisser agir en soi. Inversement, il
n’est pas rare de rencontrer des croyants qui sont d’une intelligence et d’une culture très ordinaires, et qui
sont merveilleusement illuminés par le don d’Intelligence.
Autrement dit, ce don ne vient pas couronner un effort intellectuel courageux et prolongé. C’est une
illumination qui vient de l’Esprit Saint, à n’importe quel moment de notre existence et de notre journée :
pendant que l’on prie, ou pendant que l’on mange, sans que rien parfois ne laisse prévoir cette irruption de
lumière en nous.
Nous en sommes éblouis, et parfois hors de nous-même. Et nous voudrions crier au monde entier cette
certitude soudaine qui nous habite et qui nous paraît irréfutable, irrécusable.
Cette lumière ne supprime pas l’obscurité de la foi : elle n’a pas pour but de nous expliquer les pourquoi et
les comment. Mais elle nous rend la vérité comme évidente. Elle nous donne le sens du divin à travers les
objections et obstacles qui le dissimulent, maintient l’âme paisible sous la clarté aveuglante du mystère.
Là encore, la pureté de cœur, l’humilité, nous préparent à accueillir le don d’Intelligence.

La béatitude qui lui correspond est précisément celle des cœurs purs.

« Bienheureux les cœurs, car ils verront Dieu. » (Matthieu 5,8)


Plus nous purifions notre cœur – par le sacrement de réconciliation, par le renoncement, par le désir de
plaire à Dieu, par l’amour – et plus nous voyons Dieu, par et dans la lumière de l’Esprit Saint.

Nous le voyons en toute chose en toute personne, tout s’éclaire et s’unifie dans notre intelligence des
choses de Dieu.
La Parole de Dieu nous devient lumineuse, apaisante, stimulante. Elle nourrit notre cœur et nous n’avons
plus tellement envie de chercher ailleurs.

Le fruit de ce don : la foi.

Une foi de plus en plus vive, et donc peut-être de plus en plus obscure. (cf. ce qui a été dit de la foi,
certitude et obscurité), entraînant une prière de plus en plus simple et passive, où l’attitude d’humilité

56
Cours de spiritualité

confiante devient habituelle. « Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le
royaume des cieux » (Matthieu 18,3), autrement dit : vous ne verrez pas Dieu.
Et encore : « Je te rends grâce, Père, de ce qu’il t’a plu de cacher ces choses aux sages et aux savants, et
de le révéler aux tout-petits. » (Luc 10,2)

***

57
Cours de spiritualité

Recherche Biblique

Lien entre la sagesse et l’intelligence :

Job 28,12-20 Mais l’intelligence où se trouve t’elle ?


Siracide 1,4 Elle vient des temps les plus lointains. (Attribut de Dieu)
Proverbes 3,19 Il a établi les cieux par l’intelligence.
Psaume 147 A son intelligence point de limites.
Isaïe 40,28 Insondable est son intelligence.

Dieu nous en fait don :

C’est le souffle de Shaddaï qui rend intelligent. Le grand âge ne donne pas la
Job 32,8
sagesse, ni la vieillesse le sens du juste.
Psaume 119,100 Plus que les anciens j’ai l’intelligence, tous tes préceptes, je les garde.
Sage 8,21 C’était déjà de l’intelligence que de savoir de qui vient cette faveur.

Il faut la demander :

Daniel 4,31 Au moment fixé, je levai les yeux vers le ciel, l’intelligence me revint.
Psaume 49,4 Ma bouche énonce la sagesse, et le murmure de mon cœur, l’intelligence.
Il scrute la sagesse de tous les anciens… Si telle est la volonté du Seigneur grand,
Siracide 39,1.6.7 il sera rempli de l’esprit d’intelligence… Il acquerra la droiture du jugement et de la
connaissance, il méditera ses mystères cachés.
1 Corinthiens 2,11 Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu.

Personnages marqués par l’intelligence :

Proverbes 14,35 La faveur du roi va au serviteur intelligent.


« Maintenant, que Pharaon discerne un homme intelligent et sage… » « Après que
Genèse 41,33.39 Dieu t’a fait connaître tout cela, il n’y a personne d’intelligent et de sage comme
toi. »

2 Chroniques 30,22 Ezéchias encouragea les lévites qui avaient tous l’intelligence des choses de Yahvé.

Puis il dit aux lévites, eux qui avaient l’intelligence pour tout Israël et qui étaient
2 Chronique 35,3
consacrés à Yahvé.

1 Rois 5,9 Dieu donna à Salomon une sagesse et une intelligence extrêmement grandes …

1 Rois 3,11-12 Parce que tu as demandé pour toi le discernement du jugement, voici que je fais ce

58
Cours de spiritualité

que tu as dit : je te donne un cœur sage et intelligent comme personne ne l’a eu


avant toi.

Siracide 47,14 Comme tu étais sage dans ta jeunesse, rempli d’intelligence ainsi qu’un fleuve.

Daniel 5,11 Il se trouva en lui lumière, intelligence et sagesse pareille à la sagesse des dieux.

Gabriel, donne-lui l’intelligence de cette vision ! »… il me dit : « Fils d’homme,


Daniel 8,16
comprends : c’est le temps de la Fin que révèle la vision. »
Daniel 10,1 Il pénétra la parole, l’intelligence lui en fut donnée en vision.
1 Pierre 1,10-12 Les prophètes ont parlé par l’Esprit du Christ.
Ephésiens 3,4.7.10 L’intelligence du mystère du Christ, son annonce.

Jésus :

Jérémie 23,5 Je susciterai à David un germe juste ; un roi régnera et sera intelligent.
Un rejeton sortira de la souche de Jessé, … sur lui reposera l’Esprit de Yahvé, esprit
Isaïe 11,1-2 de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et
de crainte de Yahvé.
Luc 2,47 Et tous ceux qui l’entendaient étaient stupéfaits de son intelligence.
Matthieu 15,16 « Vous aussi, maintenant encore, vous êtes sans intelligence ?
Luc 24,25 « o cœurs sans intelligence… Il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des écritures.
Osée 14,10 Qui est sage pour comprendre ces choses ? Intelligent pour les connaître ?
Mais qui veut se glorifier, qu’il trouve sa gloire en ceci : avoir de l’intelligence et me
Jérémie 9,23
connaître…
L’intelligence en éveil, soyez sobres et espérez pleinement en la grâce qui doit vous
1 Pierre 1,13
être apportée par la Révélation de Jésus Christ.
Qu’il nous a prodiguée, en toute sagesse et intelligence : Il nous a fait connaître le
Ephésiens 1,8
mystère de sa volonté.
1 Jean 5,20 Il nous a donné l’intelligence afin que nous connaissions le Véritable.

En négatif :

N’y a-t-il plus de sagesse dans Téman, le conseil a-t-il disparu chez les gens
Jérémie 49,7
intelligents.
O galates sans intelligence, qui vous a ensorcelés ? … Etes-vous à ce point
Galates 3,1-3 dépourvus d’intelligence, que de commencer par l’esprit pour finir maintenant dans
la chair ?
Ils parviennent au plein épanouissement de l’intelligence qui leur fera pénétrer le
Colossiens 2,2 mystère de Dieu, dans lequel se trouvent, cachés, tous les trésors de la sagesse et
de la connaissance !
2 Pierre 3,1 Je fais appel à vos souvenirs pour éveiller en vous une saine intelligence.

59
Cours de spiritualité

Romains 16,25 Révélation d’un mystère – porté à la connaissance de toutes les nations.

Attributs de l’intelligence :

La folie fait la joie de l’homme privé de sens, l’homme intelligence va droit son
Proverbes 15,21
chemin.
C’est une eau profonde que le conseil au cœur de l’homme, l’homme intelligent n’a
Proverbes 20,5
qu’à puiser.
Proverbes 28,7 Qui garde la loi est un fils intelligent…
Sagesse 3,15 Impérissable est la racine de l’intelligence.
Sagesse 6,15 Méditer sur elle est en effet la perfection de l’intelligence.
C’est un jeu pour le sot de s’adonner au crime, et pour l’homme intelligent de cultiver
Proverbes 10,23
la sagesse.
Proverbes 17,24 L’homme intelligent a devant lui la sagesse…
Proverbes 14,33 En un cœur intelligent demeure la sagesse.
Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse, l’homme qui acquiert l’intelligence ! car
Proverbes 3,13-14
mieux vaut la gagner que gagner de l’argent.
Combien il vaut mieux acquérir la sagesse que l’or ! L’acquisition de l’intelligence est
Proverbes 16,16
préférable à l’argent.
Proverbes 19,8 Qui acquiert du sens se chérit lui-même, qui garde l’intelligence trouve le bonheur.
Proverbes 2,1-12 Incline ton cœur vers l’intelligence : c’est un résumé de tous les dons.

Parole et intelligence :

Proverbes 16,21 Un cœur sage est proclamé intelligent….


Proverbes 14,29 L’homme lent à la colère est plein d’intelligence.
Proverbes 11,12 L’homme intelligent se tait.
Proverbes 10,13 Sur les lèvres de l’homme intelligent se trouve la sagesse…
Mon fils, soit attentif à ma sagesse, prête l’oreille à mon intelligence, pour suivre la
Proverbes 5,1-2
prudence et que tes lèvres gardent le savoir.
Proverbes 17,10 Un reproche fait plus d’impression sur l’homme intelligent que cent coups sur le sot.
Proverbes 19,25 Reprends un homme intelligent, il comprendra le savoir.
Jusqu’à son heure, il dissimule ses paroles, et tout le monde proclame son
Siracide 1,24
intelligence.

Intelligence et les autres dons :

Proverbes 18,15 Cœur intelligent acquiert la science, l’oreille des sages recherche le savoir.

60
Cours de spiritualité

Principe de la sagesse : la crainte de Yahvé ! la science des saints, voilà


Proverbes 9,10
l’intelligence.
Sagesse 7,22 La Sagesse, en elle est, en effet, un esprit intelligent, saint.
Apprends où est la science, où est la force, où est l’intelligence, pour connaître aussi
Baruch 3,14
où est la longueur de jours et la vie.

61
Cours de spiritualité

Don de science
Le don de science éclaire les choses créées dans leur rapport avec la vérité divine, et les juge sous la
lumière que cette vérité projette sur elles.
Son objet, ce sont donc les choses et les événements du monde crée. Par le don de science, le chrétien,
comme par instinct, juge de toute chose à la lumière de la foi, comme Dieu lui-même.
Or « mes pensées ne sont point vos pensées et vos voies ne sont pas mes voies. Autant les cieux sont
élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-
dessus de vos pensées. » (Isaïe 55,8)
Alors que le monde ne voit les êtres qui peuplent l’univers, personnes et choses, que comme des moyens
de satisfaire sa soif insatiable de richesses, de plaisirs, de puissance, et ignore le véritable amour, qui est
oubli de soi et don à la personne aimée, Dieu lui, qui n’est qu’amour, voit en ces êtres comme autant
d’images et de reflets de sa beauté. Et il aime toutes ses créatures d’un amour infini.

« Tu aimes tout ce qui existe et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque
chose, tu ne l’aurais pas formé. Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne l’avais voulue  ? Tout
est à toi, ami de la vie ! » (Sagesse 11,24-25)

Ainsi les pensées de Dieu ne sont que des pensées de paix, d’amour de salut.
Par le don de science, nous recevons ce regard et ces pensées de Dieu reflet de ses perfections, et une
invitation à la louange :
« Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur ! A lui, haute gloire, louange éternelle ! » (Daniel
3,57)
L’homme devient le chantre de la création. (Cf. François d’Assise.)

C’est encore le don de science qui, nous fait apprécier comme il convient les événements de la vie et du
monde.
Dans le projet de Dieu, tout contribue à la réalisation de son plan créateur et sauveur : notre union à lui,
dans l’amour, pour sa gloire. Par l’esprit de science, nous comprenons que « tout concourt au bien de ceux
qui aiment Dieu », les joies comme les peines, et nous voyons le lien qui existe entre l’épreuve, la mort, et
la vie nouvelle en Dieu.
Quoi qu’il arrive, nous nous abandonnons sans réserve entre les mains du Père, lui qui sait tout et nous
conduit. Cette science de Dieu nous est donnée, en particulier la science de la croix, chemin le plus sûr et
le plus court pour devenir amour comme Jésus.
Ce don donne le discernement des esprits, il nous fait voir comment nous conduire. Il nous donne une
lumière particulière pour voir si nos actions sont ou non inspirées par l’Esprit de Dieu et conformes à sa
volonté. Le don de sagesse nous faisait adhérer à Dieu avec suavité, le don de science nous éclaire pour
que nous saisissions les rapports entre les choses de notre vie et Dieu, entre les causes secondes et la
Cause première.

62
Cours de spiritualité

La béatitude : ceux qui pleurent, les affligés.( Matthieu 5,5)

Car l’Esprit de science nous fait apprécier les occasions de souffrance et de peine (les « trésors » d’Yvonne
Aimée.) Loin d’être scandale et obstacle, elles sont comprises et vécues comme un chemin vers la gloire.
« Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant. » (Psaume 125,5)
Cette science nous montre aussi que nous ne devons attendre notre joie que de Dieu, et que les créatures,
si nous mettons en elles notre espoir, nous décevront et seront source de pleurs.

Le Fruit : la foi.

Par le don de science, la foi grandit et rend plus parfaite la connaissance que nous avons des choses
humaines dans leur relation à Dieu.

***

63
Cours de spiritualité

Recherche Biblique

Sainte Thérèse de l’E. J. J’aime mieux convenir que le tout puissant, fait de grandes choses… lui a
Autobiogr. page 248 montré sa petitesse, son impuissance.
Sainte Thérèse de l’E. J. Il m’a donné l’attrait d’un exil complet, il m’a fait comprendre toutes les
Autobiogr. page 260 souffrances que j’y rencontrerais.

Tout vient de Dieu créateur :

C’est toi à qui le Dieu du ciel a donné puissance, honneur. Dieu t’a fait souverain
Daniel 2,37-38
sur tous.
Psaume 103 Bénis le Seigneur, n’oublie aucun de ses bienfaits.
Psaume 148,5 Qu’ils louent le nom de Yahvé. Lui commande, eux furent créés.
Daniel 2,21 C’est lui donne la science à ceux qui savent discerner.
C’est Yahvé qui donne la sagesse. De sa bouche sortent la sagesse et
Proverbes 2,6
l’intelligence.
Jérémie 27,6 J’ai remis tous ces pays aux mains de Nabuchodonosor, roi de Babylone…
Le Diable lui montra en un instant tous les royaumes de l’univers et lui dit  : « Je
Luc 4,5-6
te donnerai tout ce pouvoir… (or tout est à Dieu)
L’homme a voulu être Dieu. Vous serez comme des dieux qui connaissent le
Genèse 3,4-6
bien et le mal.
Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le
Genèse 3,22-23
mal !
Baruch 3,3.4.6 Oui, tu est notre Seigneur éternellement et nous voulons te louer.
Baruch 3,9-38 Tends l’oreille pour connaître la science.
Job 28,23-27 Dieu seul en a discerné le chemin (de la sagesse) et le lieu où elle se trouve.
Matthieu 25,26 Parabole des talents.
Acte 11,28 Annonce d’une grande famine
Jean 4,29 Jésus à son discernement face à la Samaritaine
Siracide 42,18-19 Dieu a sondé les profondeurs de l’abîme du cœur humain, car Il possède toute
Jérémie 11,20 science.
Psaume 7,10 Il connaît toute chose, il scrute les cœurs et les reins.

Science de la Croix :

Daniel 3,24 Au milieu des flammes, les enfants chantaient : louange à Dieu !
Dans le Nouveau Testament de nombreux textes.
Actes 20,23 Je me rends à Jérusalem. L’Esprit Saint m’avertit que croix et tribulations

64
Cours de spiritualité

m’attendent.
Matthieu 26,22-23 Pierre : « non cela ne t’arrivera pas… » « Passe derrière moi, Satan ! »

Rôle de l’Esprit.

Actes 7,59-60 Etienne prie pour ses persécuteurs. Du mal sortira le bien.

65
Cours de spiritualité

Don de Conseil

Il est la mise en pratique concrète des lumières reçues par le don de science. Ce dernier avait une portée
générale, nous faisant juger et apprécier les choses comme le fait Dieu lui-même. Le don de conseil, qui
vient parfaire en nous la vertu de prudence, fait que nous discernons tout de suite et comme instinctivement
ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qu’il faut dire ou ne pas dire, qu’il s’agisse de notre propre conduite ou
de celle des autres si nous en sommes chargés.

Cette vue nette, précise, de ce qu’il convient concrètement de faire ou d’éviter, n’est pas le résultat de
l’étude ou de la réflexion, mais une sorte d’intuition. Aussi, quand nous posons un acte ou disons une
parole sous l’action de ce don, nous ne pouvons pas toujours en expliquer les raisons, tout en ayant la
certitude d’être dans la vérité.

« Lorsqu’on vous conduira devant les synagogues, les magistrats et les autorités, ne cherchez pas avec
inquiétude comme vous défendre ou que dire, car le Saint Esprit vous enseignera à cette heure même ce
qu’il faut dire. » (Luc 12 ,11-12) « Car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera
en vous. » (Matthieu 10,20)
« YAHVÉ dit à Moïse : Va maintenant, je serai dans ta bouche et je t’indiquerai ce que tu devras dire.  »
(Exode 4,12)
« L’Esprit saint et nous mêmes avons décidé… » (Actes 15,26)

l’Esprit de conseil descend dans le concret de notre vie afin de nous conduire selon le dessein de Dieu,
nous faisant choisir la solution la meilleure dans les circonstances données, la meilleure selon Dieu et non
selon notre seul jugement.
Quand on agit sous l’influence de l’Esprit de conseil, on évite :
 La précipitation, qui vient de ce qu’on suit le mouvement de son activité naturelle, sans avoir pris le
temps de consulter le Saint Esprit. On peut alors agir sous l’influence des passions, ce qui met dans le
trouble, le chagrin et l’impatience, et nourrit notre amour-propre, tandis que le don de conseil répand la paix
en noter cœur.
 La témérité, qui est un manque d’attention aux lumières et aux conseils de la grâce  ; on se fie trop à
son seul jugement. On juge de tout, on approuve et on condamne avec une facilité et une prétention
ridicules. On s’estime infaillible, Si nous voulons être enseignés par l’Esprit, il nous faut devenir humbles,
souples et dociles. « Bienheureux les souples en esprit, ils sont les bien-aimés de Dieu. » (Yvonne Aimée
de Jésus)
 La lenteur. Quand, après la maturation nécessaire, la résolution d’agir est prise sous la lumière du
Saint Esprit, il faut l’exécuter par le mouvement du même Esprit.

On voit particulièrement l’action du don de conseil dans la naissance et le développement de l’Eglise


rapportées dans les Actes des Apôtres.

66
Cours de spiritualité

La béatitude : les miséricordieux.

Dieu ne manque pas d’aider de sa lumière ceux qui assistent charitablement les autres dans leurs besoins,
dit Saint Augustin.
Comment douter que celui qui se met à l’école de l’Esprit de conseil n’en vienne à pratiquer les œuvres de
Dieu : la miséricorde. (Cf. le jugement dernier Matthieu 25)

Les fruits : la bonté, la bénignité.

On devient miséricordieux comme le Père céleste est miséricordieux.

***
Recherche Biblique

Juge 1,1 Après la mort de Josué, les Israélites consultèrent Yahvé… Et Yahvé répondit…
1 Samuel 3,9 Elie comprit que c’était Yahvé (don d’intelligence) et il dit à Samuel…
Job 12,13 ; 15,8 A lui le conseil de discernement
Psaume 15,7 Je bénis Yahvé qui s’est fait mon conseil
Je t’instruirai, je t’apprendrai la route à suivre, les yeux sur toi je serai ton
Psaume 31,8
conseil.
Psaume 72,23-24 Par ton conseil tu me conduiras.
(ceux qui ne suivent pas les conseils de Dieu s’égarent) Puisque vous avez
Proverbes 1,24-26
négligé tous mes conseils.
Proverbes 12,15 Conseil sagesse – le sage écoute le conseil
Proverbes 13,10 Qui accepte les conseils trouve la sagesse.
Proverbes 21,30 Il n’y a ni sagesse, ni intelligence, ni conseil devant Yahvé.
Sagesse 8,9 La sagesse, conseillère pour le bien.
Tiens-toi au conseil de ton cœur… que le Très Haut dirige tes pas dans la
Siracide 37,13-15
vérité.
Siracide 42,21 Yahvé n’a besoin du conseil de personne.
Isaïe 9,5 On lui a donné ce nom : Conseiller merveilleux…
Isaïe 28,29 Merveilleux conseil qui fait de grandes choses.
Isaïe 40,18 Qui a dirigé l’esprit de Yahvé, et, homme de conseil, a su l’instruire ?
Actes 8,29 L’Esprit dit à Philippe : avance et rattrape le char.

67
Cours de spiritualité

L’Esprit lui dit : voilà des hommes qui te cherche…Va donc, descends et pars
Actes 10,18
avec eux sans hésiter, car c’est moi qui est ai envoyés…
Actes 11,28 Don de prophétie : (annonce d’une famine)
Actes 13,2 L’Esprit : « Mettez-moi dont à part Barnabé et Saul…
L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d’autres
Acte 15,28
charges…
Actes 20,22-23 Science et conseil : « Enchaîné par l’Esprit je me rends à Jérusalem.
Actes 21,4 Poussés par l’Esprit, ils disaient à Paul de ne pas monter à Jérusalem.
Actes 21,11 Don de prophétie
Romains 11,34
Qui a jamais connu la pensée, qui en fut le conseiller ?
Isaïe 40,13-28
2 Pierre 1,21 Poussé par l’Esprit des hommes ont parlé de la part de Dieu. Don de prophétie
Apocalypse 1,11 Ce que tu vois, écris-le dans un livre pour l’envoyer aux sept Eglises.
Matthieu 4,1 Alors Jésus fut emmené au désert par l’Esprit.
Luc 6,12-16 Toute la nuit en prière avant de choisir les douze.

Don de piété
C’est une disposition surnaturelle de l’âme qui l’incline à se comporter dans ses relations avec Dieu à la
façon d’un enfant très aimant à l’égard d’un père dont il se sait immensément aimé.
L’objet principal de ce don est Dieu lui-même en tant que Père infiniment on et infiniment digne d’âtre aimé.
L’objet secondaire de ce don, c’est tout ce qui a quelque rapport avec Dieu : l’Ecriture, les saints, tous les
hommes.
Ce don « nous donne un esprit d’enfant pour nos supérieurs, un esprit de père pour nos inférieurs, un esprit
de frère pour nos égaux, des entrailles de compassion pour ceux qui sont dans le besoin et dans les peines
et une tendre inclination à les secourir. » (Père Lallemant)

Piété envers Dieu.


Déjà dans l’Ancien Testament, Dieu se présente comme un père, comme une mère. « Tu seras comme un
fils du Très-Haut qui t’aimera plus que ne fait ta mère. » (Siracide 4,11)
Car « Le Seigneur te couronne d’amour et de tendresse. Comme est loin l’Orient de l’Occident, il éloigne de
nous nos péchés. Comme est la tendresse d’un père pour ses fils, tendre est le Seigneur pour qui le craint.
Il sait de quoi nous sommes pétris. » (Psaume 10,2)
« Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous
balancerai sur mes genoux. » (Isaïe 66,12-13)
« Une mère peut-elle oublier son enfant ? Quand même les mères oublieraient, moi je ne t’oublierai pas. »
(Isaïe, 49,15)
Mais c’est surtout dans la nouvelle alliance que se révèle le « trop grand amour » de Dieu pour chacun de
nous :
« Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du (trop) grand amour dont il nous a aimés… » (Ephésiens
2,4), cet « amour du Christ qui surpasse toute connaissance » (Ephésiens 3,19), « sans aucun mérite de

68
Cours de spiritualité

notre part », « parce qu’il nous a aimé le premier » (Jean 4,10), d’une manière absolument gratuite, « non à
cause de nos œuvres » (Ephésiens 2,8-9), c’est « un don de Dieu. » (Ephésiens 2,8)
C’est cet amour qui a amené Dieu à nous donner son propre Fils pour que nous devenions à notre tour fils
de Dieu.
« Voyez quel grand amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu, et
nous le sommes. » (1 Jean 3,1)
« Dieu qui nous a prédestinés, dans son amour, à être ses fils adoptifs par Jésus Christ. » (Ephésiens 1,3-
5)
« En effet, vous n’avez pas reçu un esprit d’esclave pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un
esprit de fils adoptifs qui vous fait vous écrier : Abba, Père ! L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour
attester que nous sommes enfants de Dieu. » (Romains 8,15-16)

Piété envers nos frères.


C’est ce même Esprit répandu dans nos cœurs qui nous fait « pleurer avec ceux qui pleurent, nous réjouir
avec ceux qui sont dans la joie. « Romains 12,15), « supporter avec douceur les défauts et les faiblesses
des autres, nous « faire tout à tous. » (Ephésiens 4,31-32 ; 1 Corinthiens 9,19-22)
Ce don de piété, comme nous devons le mendier, nous qui sommes les « hospitalières de la Miséricorde
de Jésus » ! (Constitutions 132)
« L’Esprit nous donne de voir en chaque homme un frère et un fils de Dieu. Ouvrant notre cœur à la
compassion et à la douceur, donnant un visage humain à l’amour. » (Constitutions 119 ; 120)

Relations fraternelles (Constitutions 89 à 98)

Quand nous voyons les imperfections du prochain, l’Esprit de piété nous fait voir en lui un membre blessé
de Jésus, et nous fait redoubler d’attention et de sollicitude afin de ne pas aggraver son mal mais de le
guérir si possible.

Le don de piété nous fait goûter la présence et la protection des saints, nous donnant pour eux un attrait
plein de douceur.
Le contraire de la piété, c’est la dureté du cœur, qui vient de l’amour déréglé de nous-même  : nous ne
sommes alors sensibles qu’à nos propres intérêts et rien ne nous touche en dehors de nous. Notre cœur
est fermé à la souffrance des autres et indifférent à leurs besoins. Nous les supportons difficilement, leur
gardant rancune ou leur manifestant impatience ou envie.
Cette dureté de cœur nous rendrait également indifférent aux intérêts et à la gloire de Dieu.

La béatitude : les doux.

Les fruits : bonté et douceur.

***

69
Cours de spiritualité

Recherche Biblique

I Le Christ envers Dieu :

2 Samuel 7,14
Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils.
Hébreux 1,5

Quand Jésus s’adresse à Dieu, il l’appelle son Père.

« Mon Père et à l’œuvre et moi aussi. » ; « Il appelait Dieu son propre père, se
Jean 5,18
faisant égal à Dieu. »

Dans la souffrance il se confie à son Père :

Marc 14,36 Gethsémani – « Mon Père, tout t’est possible… »


Matthieu 26,39-42 Non pas comme je veux, mais comme tu veux… »
Luc 23,46 Sur la Croix : « Père, entre tes mains je remets mon esprit… »

Dans l’intercession :

Jean 12,28 Père Glorifie ton nom.


Prière Sacerdotale Jean chapitre 17
Jean 17,1 Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils afin que ton fils te glorifie.
Jean 17,5 Glorifie moi auprès de toi, Père de la gloire que j’avais auprès de toi.
Jean 17,11 Père saint, garde-les dans ton nom que tu m’as donné.
Jean 17,21 Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi.
Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec
Jean 17,24
moi.
Jean 17,25 Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu.

Dans la louange :

Matthieu 11,26 Je te bénis Père Seigneur du ciel et de la terre.


Luc 10,21 Il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint.
Résurrection de Lazare. « Père je te rends grâce de m’avoir écouté, je savais
Jean 11,41
que tu m’écoutes toujours.

Relations du Père et du Fils :

70
Cours de spiritualité

Jean 3,35 Le Père aime le Fils et à tout remis dans sa main.


Il faut que le monde reconnaisse que j’aime le Père et que je fais comme le Père
Jean 14,31
m’a commandé.
Jean 17,24 Père, tu m’as aimé avant la fondation du monde.
Jean 14,10 Je suis dans le Père et le Père est en moi.
Jean 10,15 Mon Père me connaît et je connais mon Père.
Jean 17,13 Et maintenant Père je viens vers toi.

II Piété du Christ envers ses frères :

a) se manifeste par l’annonce que Dieu est Père, don Père des hommes, et que Jésus est le chemin
vers le Père.

Matthieu 23,9 Vous n’avez qu’un Père sur la terre, le Père céleste.
Jean 14,6 Personne ne va au Père si ce n’est par moi.
Jean 14,9 Qui m’a vu a vu le Père.
Tout m’a été remis par mon Père, et personne ne sait qui est le Père sinon le
Luc 10,22
Fils, ni qui est le Fils sinon le Père, et celui à qui le Père veut le révéler.

Jésus le révèle par des paraboles :

S’abandonner à la providence
Matthieu 6,25-34 Regardez les oiseaux du ciel… votre Père céleste les nourrit… Votre Père
céleste sait que vous avez besoin de tout cela.
Luc 11,9-13 Combien plus votre Père céleste donnera t-il de bonnes choses (L’Esprit) à ceux
Matthieu 7,7-11 qui l’en prient.
Son Père l’aperçut, et fut pris de pitié, il court se jeter à son cou… Son père sortit
Luc 15,11-32 l’en prier…Toi mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à
toi. Mais ton frère… il était mort et il est revenu à la vie.

Luc 6,36 Votre Père est compatissant – miséricordieux.

Comment prier le Père :

Matthieu 6,6-9 Quand tu pries… prie ton Père dans le secret… Notre Père qui es aux cieux…

b) manifestée dans sa vie concrète.

Jean 15,9 Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés

71
Cours de spiritualité

Résurrection du fils de la veuve de Naïm.


Luc 7,11-17
Il eut pitié d’elle… puis s’approchant il toucha le cercueil… et il le remit à sa mère.
Guérison de la belle-mère de Simon
Luc 4,38-39
« se penchant sur elle… »
Luc 5,17 Guérison d’un paralytique par le toit – « Jésus enseignait »

Luc 5,29 Repas avec les pécheurs chez Matthieu Lévi


Luc 7,36 La pécheresse pardonnée
Luc 8,40 Guérison de l’hémorroïsse – Résurrection de la fille de Jaïre
Luc 9,37 Démoniaque épileptique
Luc 13,10 Guérison de la femme courbée. « le voyant »

Luc 17,11 Les 10 lépreux – « à la vue »

Luc 18,35 L’aveugle de Jéricho. « Jésus s’arrête »


Luc 19,41 Lamentation sur Jérusalem. « A la vue de la ville, il pleure sur elle. »

Luc 22,47-51 L’arrestation de Jésus. « Guérison de l’oreille. »


Reniement de Pierre
Luc 22,54
« Le Seigneur, se retournant, fixa son regard sur Pierre. »
Luc 23, 9,10 Interrogatoire. Douceur de Jésus. « Il ne répondait rien. »

Luc 23,34 Sur la Croix. « Père, pardonne-leur. »

Jean 5,1-9 Guérison de l’infirme de Bethesda. « Jésus le voyant étendu. »

Jean 8,1 La femme adultère


Jean 9,1 Guérison de l’aveugle-né. « Il vit… »
Résurrection de Lazare
Jean 11,1-44
« Quand il le vit pleurer… Jésus frémit et se troubla… Jésus pleure. »

Transmission :

Père, ceux que tu m’as donnés, … pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en
Jean 17,23-26
eux …

III Comment Jésus nous demande d’Exercer la piété.

Luc 10,29-37 Le bon Samaritain

72
Cours de spiritualité

Don de force
Il ne suffit pas de connaître le bien, il faut encore l’accomplir. Saint Paul a expérimenté douloureusement la
lutte intérieure entre le bien et le mal : « Je sais que nul bien n’habite en moi ; en effet vouloir le bien est à
ma portée, mais non pas l’accomplir, puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne
veux pas. » (Romain 7,18-19)

Réduite aux seules forces de notre nature blessée par le péché originel, nous sommes dans l’incapacité de
persévérer longtemps dans le bien. Heureusement, Dieu, dans son infinie miséricorde, nous donne part à
sa force en Jésus :
« vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes
témoins jusqu’aux extrémités de la terre ? (Actes 1,8) Et saint Paul pourra dire : « Je peux tout en celui qui
me donne la force. » (Philippiens 4,13)

Le don de force nous donne de supporter les plus grandes épreuves et d’entreprendre les plus grandes
choses pour l’amour de Dieu, non pas en mettant notre confiance sur nos propres forces, mais en Dieu, lui
qui choisit « ce qui est faible pour confondre ce qui est fort, ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est,
afin qu’aucune chair n’aille se glorifier devant Dieu. » (1 Corinthiens 1,27-29)

« Au service de Dieu, j’aime mieux me sentir faible que forte, car il porte les faibles, mais laisse marcher les
forts. » (Mère Yvonne Aimée – Yvonne Beauvais)
Donc si nous nous sentons faibles, sans courage, sans force, nous sommes d’autant plus préparées à
appeler et accueillir le don de force. Quand nous nous sentons en possession de nos moyens, débordants
de zèle et d’activité, peut-être oublions-nous de demander l’Esprit de force et Dieu nous laisse marcher tout
seuls, avec nos seules ressources (qui sont tout de même déjà un don de Dieu !)
Mais si nous sentons notre impuissance radicale, si nous acceptons même de nous « complaire en notre
faiblesse » alors nous appellerons l’Esprit de force qui nous fera agir – ou souffrir- par lui même. (cf. 2
Corinthiens 12,10)

Car le don de force s’exerce autant dans l’action – avec tout ce que cela comporte d’élan, de courage, de
persévérance – que dans la souffrance : il faut beaucoup de force pour « pâtir ». Ainsi les martyrs en qui le
don de force se manifeste d’une façon exemplaire. (Cf. Dialogue des Carmélites, avec Blanche de la
Force.)
L’Eucharistie est appelée « le pain des forts » car il est la source vive où les martyrs puisent la force de
confesser le Christ jusqu’au don du sang.

Le contraire du don de force, ce n’est pas la faiblesse, mais la crainte humaine due à un manque de foi en
Dieu, et la lâcheté. Cf. Mère Yvonne Aimée enfant à sa mère qui s’inquiétait trop humainement  : « Tu dis
bien ton « Je crois en Dieu » tous les jours ? Alors, pourquoi t’inquiéter puisque Dieu est Tout-puissant et
qu’il est notre Père ? »

73
Cours de spiritualité

Là se situe aussi tout ce qui relève du respect humain : nous craignons de déplaire aux hommes, et, à
cause de cela, nous nous éloignons de ce qui plaît à Dieu.

La béatitude :
Ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’une personne qui est animée par la force du Saint Esprit a
un grand désir de faire et de souffrir de grandes choses. (Matthieu 5,6)

Les fruits :
o La longanimité pour ne pas se décourager ni se lasser dans l’attente et la pratique du bien.
o La patience pour ne pas se décourager ni se lasser dans la souffrance du mal.

Le don de force est particulièrement nécessaire à tous ceux qui ont à annoncer l’Evangile, à témoigner en
milieu hostile, à confesser leur foi.

***
Recherche Biblique

Collecte du temps ordinaire :


Donne à chacun la claire vision, de ce qu’il doit faire, et la force de l’accomplir.

Luc 1,51 Il a déployé la force de son bras


Jude 25 La force attribut de Dieu
Apocalypse 5,12 ; 7,12 La force attribut de Dieu par Jésus
Philippiens 3,21 … avec cette force qu’il a de pouvoir même se soumettre toutes choses.
Isaïe 9,5 Dieu fort

Dans la vie de Jésus :

Luc 4,14 Jésus plein de la force de l’Esprit retourna en Galilée (après les tentations)
Marc 5,30
Guérison de l’hémorroïsse
Luc 8,46
Toute la foule cherchait à le toucher parce qu’une force sortait de lui qui les
Luc 6,19
guérissait tous.
Vous donc, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la fore
Luc 24,49
d’en haut.
Actes 1,8 Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous.

74
Cours de spiritualité

Le don :

Philippiens 1,19 Secours de l’Esprit dans les difficultés.


Ephésiens 1,18-19 L’extraordinaire puissance pour nous les croyants.

Car en lui habite la plénitude de la divinité, toute puissante. Vous avez cru en la
Colossiens 2,9-12
force de Dieu qui l’a ressuscité des morts.

Qu’il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son
Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur.. A celui dont la puissance
Ephésiens 3,16-20
agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce
que nous pouvons demander ou concevoir…
Acte 6,8 Etienne rempli de force et de puissance.
1 Timothée 1,12 Je rends grâce à celui qui m’a donné la force.
C’est un Esprit de force que Dieu nous a donné. … mais souffre avec moi pour
2 Timothée 1,7-8
l’Evangile, soutenu par la force de Dieu…
C’est pour cette cause que je me fatigue, avec son énergie qui agit en moi avec
Colossiens 1,29
puissance.
L’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier
Romains 8,26
comme il faut.
Dieu est fidèle. Il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos
1 Corinthiens 10,13 forces ; mais avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de
la supporter.

Ephésiens 6,10 Rendez-vous puissant dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force.

Je ne rougis pas de l’Evangile : il est une force de Dieu pour le salut de tout
Romains 1,16
homme qui croit.
Actes 7,51
Vous résistez à L’Esprit Saint
1 Timothée 4,1
2 Timothée 4,17 Le Seigneur m’a empli de force pour que le message soit proclamé.
Romains 15,19 Par la vertu des signes et des prodiges, par la Vertu de l’Esprit de Dieu …
Philippiens 4,13 Je puis tout en celui qui me rend fort.
Psaume 32,16.22 Le secours vient de Dieu seul
Il donne la force à celui qui est fatigué, à celui qui est sans vigueur il prodigue le
Isaïe 40,29-31
réconfort…. Mais ceux qui espèrent en Yahvé renouvellent leur force.

75
Cours de spiritualité

Don de crainte
Le don de crainte, comme celui de piété, résulte du don de sagesse et en est comme la manifestation
extérieure. (Saint Thomas D’Aquin)
Il fait éprouver, en même temps qu’un immense respect pour la grandeur de Dieu et un immense amour
pour sa bonté de Père, une horreur instinctive pour le péché, qui est une atteinte à ce Dieu si bon et
miséricordieux.

Ce qui domine dans l’âme animée par ce don, dit Saint Thérèse d’Avila, parlant d’expérience, « c’est la
crainte d’offenser Dieu notre Seigneur, et un ardent désir de faire en tout sa volonté. »

Cette crainte filiale, bien loin de s’opposer à l’amour parfait, comme la crainte servile, est au contraire un
effet de la délicatesse de l’amour.
Cet Esprit de crainte est sur Jésus, le Messie, lui qui fait toujours ce qui plait au Père. (cf. Isaïe 11,3  ; Luc
4,18 ; Jean 8,29)
C’est aussi sous son influence que Marie dit son Fiat, elle qui magnifie « la miséricorde de Dieu sur ceux
qui le craignent. » (Luc 1,50)
Joseph, « le juste », manifeste cette crainte en obéissant aux ordres d’en haut. (Matthieu 1,18)

Cette crainte filiale, loin de n’être que le commencement de la sagesse, comme la crainte du châtiment et
des jugements de Dieu, en est la plénitude et le couronnement. (Siracide 1,20)
« Avec la crainte du Seigneur, rien ne manque ; la crainte du Seigneur est un paradis de bénédiction ;
mieux que toute gloire, elle protège. » (Siracide 40,26-27)

le don de crainte ne s’appuie pas sur nos propres forces, sur notre vertu. Au contraire, il nous fait réaliser
combien nous sommes pauvres et faibles, tombant facilement dans le péché.
Tout en nous donnant une grande délicatesse de conscience, il nous préserve du découragement et du
scrupule, car il dilate notre cœur dans l’amour, dans la confiance en la miséricordieuse bonté de notre Dieu.

Le sacrement de réconciliation augmente en nous l’effusion du don de crainte, rend notre cœur humble,
aimant et confiant, et affine notre perception du bon plaisir de Dieu, « les yeux levés vers lui comme les
yeux des serviteurs vers la main de leur maître. » (Psaume 122)
La pureté de cœur, don de l’Esprit de crainte, nous rend vraiment paisible et heureux, suivant la béatitude
du psaume :

« heureux l’homme qui craint le Seigneur ! Confiant en lui, son cœur est assuré, il ne craint pas. » (Psaume
111)
Un désir, un signe, suffisent pour que nous accomplissions avec joie et promptitude la moindre volonté de
notre Père.

Cf. le don de crainte dans la vie de Mère Yvonne Aimée de Jésus : sa délicatesse dans l’amour, son
obéissance aux moindres volontés de Dieu.

76
Cours de spiritualité

La béatitude : Ceux qui ont une âme de pauvre.


La crainte filiale de Dieu nous établit dans l’attitude du pauvre qui reçoit tout de son Père et qui lui donne
tout.

Les Fruits :
Modestie, tempérance, chasteté.

Conclusion

Notre être entier est sanctifié par les dons :

 Notre intelligence (sagesse, intelligence, science, conseil)


 Notre volonté (conseil, piété, force, crainte)

Les sept dons sont désirables et nécessaires pour nous rendre saints selon le dessein de Dieu.
Ils ne sont pas la récompense de la vertu éprouvée, mais le don gratuit en réponse à notre appel humble et
confiant.

Cf. Pierre à la confession de Césarée : il reçoit une lumière sur la nature de Jésus par le don d’intelligence
« Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. » (Matthieu
16,13-23)
Peu après, Jésus le traite de « Satan » parce qu’il pense à la façon des hommes et non de Dieu (contraire
du don de science.)
Ainsi Dieu nous fait don de son Esprit alors que nous sommes encore imparfaits. Ce qui attire l’Esprit en
nous, c’est – et nous n’y insisterons jamais assez – la pureté de cœur, le désir de plaire à Dieu, la
conversion incessante. Dans sa pédagogie si douce et si miséricordieuse, Dieu nous donne ces touches de
l’Esprit Saint pour nous encourager 1 dans notre suite du Christ. Ces interventions de Dieu par les dons du
Saint Esprit peuvent devenir si fréquentes et si profondes qu’elles nous établissent dans une dépendance
quasi continuelle de l’Esprit Saint. Dès lors les facultés humaines ne dirigent presque jamais la vie

1
Quand nous percevons son action, ce qui n’est pas toujours le cas.

77
Cours de spiritualité

spirituelle et n’y sont plus habituellement que des instruments. L’activité même des vertus surnaturelles
semblent passer au second plan tellement la vie spirituelle est devenue divine par le mouvement de l’Esprit
qui la nourrit et la guide. C’est dans ce sens que Thérèse de l’Enfant Jésus disait à la fin de sa vie  : « Je
n’ai pas encore une minute de patience ! Ce n’est pas la mienne ! On se trompe toujours ! » Cette
dépendance complète de Dieu qui s’appuie à la fois sur une pauvreté absolue et sur le secours de Dieu,
continuel, constitue la perfection de la grâce filiale et marque le règne parfait de Dieu en nous, car il est
écrit que « tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu, sont fils de Dieu. » (Romains 8,14)

78
Cours de spiritualité

Chapitre VI « La Prière »

Larousse – Prier : conjurer ou honorer la divinité


par les paroles où l’on exprime
ses besoins ou son respect.

La prière adressée à la divinité fait partie de la vie de l’homme, dans tous les temps et sous tous les cieux.
Cela suffirait à prouver que l’homme est un être religieux, qui, normalement, a conscience de l’existence
d’un être supérieur – dont il dépend en quelque sorte – et qui est plus intelligent et plus puissant que lui. Ce
qui provoque chez l’homme le respect et la crainte – parfois, mais plus rarement, l’amour. La divinité est
davantage perçue comme une puissance qui peut déclencher le bonheur ou le malheur pour l’homme. Ainsi
faut-il l’apaiser par des sacrifices si on la pense irritée, et la vénérer pour qu’elle s’occupe de l’homme avec
bienveillance.

Déjà le livre de la Sagesse disait :

« Vains par nature tous les hommes en qui, se trouvait l’ignorance de Dieu, qui en partant des biens
visibles, n’ont pas été capables de connaître Celui qui est, et qui, en considérant les œuvres, n’ont pas
reconnu l’artisan (…) car la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur
auteur. » (Sagesse 13,1-5)
A quoi Saint Paul ajoute :
« Ce qu’on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu en effet le leur a manifesté. Ce qu’il a
d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres, son éternelle
puissance et sa divinité, en sorte qu’ils sont inexcusables, puisque ayant connu Dieu ils ne lui ont pas rendu
comme à un Dieu gloire ou action de grâces. » (Romains 1,1-20)

La prière n’est donc pas un privilège des chrétiens. Elle est une caractéristique et une expression de vie
universellement humaine. Dans toutes les religions, la prière est un mode de communication avec Dieu.
Quand les hommes communiquent entre eux par la voix, on dit qu’ils se parlent  ; quand ils communiquent
avec la divinité, on dit qu’ils prient.
Prier est donc une chose naturelle à l’homme. Cela fait partie de sa vie, de son être, et s’inscrit dans un
contexte cosmologique, politique, social. Pour nous qui savons que l’homme est créé à l’image de Dieu
(qui est essentiellement relation) et qu’il est son enfant, c’est encore plus évident. (cf. Genèse 1,27)
« Ta prière, dit Saint Augustin, c’est la parole que tu adresses à Dieu. » Mais cela veut-il dire que la prière
est forcément une parole ? Non, car, avec ou sans paroles, toute prière est d’abord mentale : Dieu étant
esprit, c’est par l’esprit, la partie spirituelle de notre âme, que nous pouvons l’atteindre, et par des actes
d’intelligence et de volonté.

79
Cours de spiritualité

« On crie vers Dieu, non par la voix, mais par le cœur, et beaucoup, quand leur bouche faisait grand bruit,
n’ont rien pu obtenir, leur cœur étant absent. Si donc tu profères des cris, que ce soit à l’intérieur, où Dieu
les entend. » (Saint Augustin in Psaume 30,10)

Jésus, citant Isaïe, reproche ce vain bruit de paroles :


« Ils m’honorent des lèvres, mais leur cœur est loin de moi. » (Matthieu 15,8)
« Ce cri vers le Seigneur que poussent ceux qui prient est poussé en vain s’il, consiste en un bruit de
parole corporelle sans que le cœur se dirige vers Dieu. Mais si ce cri vient du cœur, même quand se tait
toute parole corporelle, il peut rester ignoré des hommes, non pas de Dieu. Ainsi donc quand nous prions,
soit à haute voix, soit en silence, c’est toujours par le cœur qu’il faut crier vers Dieu.  » (Saint Augustin
Psaume 118, Sermon 29,1)

Toute vraie prière est donc mentale, contrairement à la définition de Larousse. Elle s’exprimera parfois par
des paroles mais pas nécessairement. Cela nous amène à constater que, dans les religions, plus le culte
rendu à la divinité procède du cœur de l’homme, plus il risque d’être spirituel, et plus le culte est extérieur
au cœur de l’homme, plus il risque d’être matériel et de réduire la divinité à une idole.
La prière de Jésus.
Marie et Joseph ont appris à Jésus à prier dès sa petite enfance, lui parlant de Dieu son Père, l’habituant à
vivre sous son regard. La vie d’un Juif pieux baignait dans la présence de Dieu, toute action commençait
par une bénédiction où l’on reconnaissait en Dieu le créateur, l’Unique. Ecoute, Israël… (Deutéronome 6,4)

Pour Siméon le Juste, le monde est soutenu par trois colonnes :


 La Torah
 Le Culte (abodah), la prière, le service
 Les actions inspirées par l’amour : relations familiales, sociales.

La Torah

Est avant tout reçue. Elle utilise le langage que nous connaissons, mais elle dit plus que nous n’en
comprenons. Elle est plus large, plus riche que nos propres pensées.
Puis elle est transmise : voilà notre rôle, non pas pure répétition, mais en l’ayant vécue, assumée. D’où une
grande part de la liberté humaine. (Deutéronome 6,20)
Nous avons à comprendre, développer, actualiser ; la tradition n’est jamais close.
La Parole n’est pas seulement la Bible, mais aussi la tradition. L’explication est parole de Dieu. L’individu
peut le faire, mais en relation avec la communauté.
La « Torah tout entière », c’est l’Ecriture et la Tradition.
La Torah est parfaite. Si nous avions le regard illuminé, vous verrions que tout passage a un sens plénier,
et qu’il n’y a pas de contradiction dans l’Ecriture. (Pour nous chrétiens, vivre de cette Parole, c’est vivre de
Jésus Christ, Parole, Verbe.)(cf. Psaume 19)

Le service, abodah.

80
Cours de spiritualité

Puisqu’il s’agit de Dieu comme maître, le service que nous avons à lui rendre doit être exclusif, d’où la
racine d’abodah : esclave. (cf. Deutéronome 7,6)
La foi fondamentale de Pâques est exprimée par le Hallel : Psaume 113 Halleluya « Louez le Seigneur,
serviteurs du Seigneur », et non plus esclaves de Pharaon, ajoute la tradition rabbinique. C’est le même
mot esclave qui est employé, mais si c’est au service de Dieu, c’est un service d’amour. (Cf. Romains 8,14-
15 ; Jean 15,15)
Ce service exclusif se vit dans toute la vie, à tous les moments. Le peuple Juif est consacré à Dieu, du
matin au soir, il est mis à part, il est sacerdotal. Cependant il y a un temps fort de service, c’est la prière, le
culte. C’est un culte concret rendu à la présence de Dieu dans le Temple (1 Rois 8,29) : point culminant de
l’abodah. (C’est une préparation de tout le peuple à faire culminer le culte dans l’Eucharistie chrétienne, qui
rend présent le Christ.) Actuellement, le Temple n’existant plus à Jérusalem (depuis la ruine en 70), c’est la
prière synagogale qui prépare le peuple Juif à retrouve un jour la présence concrète de Dieu dans le
Temple.

L’action

Si nous avons reçu la Parole, si nous avons servi Dieu, cela nous amène à reconnaître dans les autres la
présence de Dieu, son image.
« Le Seigneur est comme un roi. De même que le roi, lorsqu’il frappe monnaie, a son effigie sur toute les
pièces de monnaie, de même sommes-nous tous à l’image de Dieu, tout en étant unique », dit la Mischana.

Relation entre Torah et abodah : l’étude de la Torah n’est pas seulement un travail intellectuel, mais une
étude concrète : on se met au service d’un maître, c’est une école de vie. A partir de cette école, on
apprend à prier. Le texte en a été très longtemps livré à l’improvisation communautaire.
A son tour, la prière est liée à l’action, elle lui donne son sens.
Le Juif doit être si possible conscient de ce qu’il reçoit du Seigneur et l’en bénir. (Cf. Matthieu 14,19 ;
Matthieu 26,6 ; 1 Corinthiens 11,24) On ne mange pas un morceau de pain sans prononcer une
bénédiction qui aide à se situer par rapport à Dieu : « Béni sois-Tu, Seigneur, qui me donnes ce pain. » Le
pain n’est plus seulement une nourriture, il aide à vivre pour le Seigneur, pour le service des autres.

La prière synagogale existait déjà du temps du Temple, grâce aux Pharisiens, et était ouverte à
l’assemblée, n’étant plus réservé aux prêtres comme c’est le cas dans le Temple. Après 70, destruction du
Temple, cette prière est repensée. Deutéronome II,13 – 10,12. « Servir » ton Dieu de tout ton cœur. Ce
service du cœur, c’est la prière, qui, devient sacrificielle dans la synagogue lorsque le Temple sera détruit.
Prière communautaire, elle est obligatoire et fixée. L’obligation incombe à la communauté, pas à l’individu
(différence avec notre culte chrétien.) Elle est fixée par des formules existant déjà du temps de Jésus, avec
la structure : louange ; demande ; louange. Mais tout le texte n’est pas établi, chacun peut renouveler la
formulation, mais dans le cadre des grandes vérités de la foi.
Le culte comportait matin et après-midi l’holocauste, et un supplémentaire le samedi, sacrifice offert par et
pour la communauté (Jésus s’offrant sur la croix ; par et pour l’Eglise.)
A Pâques, sacrifice de communion offert dans chaque famille.
L’assemblée doit comporter au moins 10 personnes. La prière est exprimée presque toujours au pluriel :
nous, même pour la prière individuelle, fais référence à la communauté.

81
Cours de spiritualité

Prière de louange et prière de demande.

C’est la première qui est la plus haute.


Le Hallel de Pâques : Psaumes 113 à 118. On compte dix manières d’introduire un chant de louange, parmi
lesquelles la plus grande est le Hallelu-yah (Les autres : chant, action de grâce, instrument à corde, etc.)
Yah, première partie du nom propre du Seigneur, la seule qu’on puisse prononcer, jamais le nom en entier.
Pour qu’une louange touche le Seigneur, on ne peut trouver mieux que le nom révélé par le Seigneur – Yah
– qui exprime le mieux son mystère. (Romains 8, théologie de la prière dans l’Esprit Saint. Abba, Père)
Dans la prière communautaire, on doit commencer par la louange et finir par elle. Cette attitude assure la
gratuité de la prière. La prière ne fait aucune mention des mérites, efforts. Le Maître a des serviteurs
inutiles, il ne leur doit aucun salaire. (Luc 17,10) On fait appel à sa bonté, à son amour, à sa grâce. La
seule chose qui convienne vraiment au Seigneur, c’est la louange.

Cependant, la demande a un valeur infinie :


- La demande pour une personne. Exemple Anne, mère de Samuel. Anne appelle le Seigneur
Sabaoth, Dieu des armées (1 Samuel 1,11) C’est la première fois dans la Bible qu’on voit apparaître ce
nom, remarque le Talmud, qui dit : Anne semble dire au Seigneur : Toi qui as tant d’armées, tu n’as pas été
capable de me donner un enfant !
On veut encourager chacun à ne pas perdre confiance et à crier sa douleur devant le Seigneur ; c’est
légitime. L’essentiel est de ne pas couper les liens avec Dieu, même si la prière confine à l’insolence !

- La demande pour le peuple. Exemple Moïse, après le veau d’or.


« Laisse-moi » dit le Seigneur, Or Moïse n’a pas encore ouvert la bouche ! Le Talmud explique : Moïse a
déjà compris que si le Seigneur lui dit « laisse-moi », cela veut dire : si tu ne me laisse pas, je ne vais pas
les exterminer. Aussi Moïse ne laisse pas le Seigneur, il intercède, et jusqu’à la gauche…
Donc le Seigneur est intéressé à la prière de demande, pour soi pour la communauté.

La prière de Bénédiction.

Quantitativement, c’est la plus importante. C’est la forme privilégiée de la prière enseignée par les rabbins.
Celui qui consomme (au sens large) quelque chose sans dire de bénédiction, est soit un voleur, soit un
sacrilège. Il faut reconnaître la source des biens, de tout ce qui nous arrive. La bénédiction comporte la
formulation à la deuxième personne : Béni sois-tu, (Psaume 119,12) formule rare autrement dans l’Ecriture.
La journée de prière hébraïque commence le soir (nous avons gardé cela dans la prière chrétienne : 1ères
Vêpres.)

Soir : Shema Israël


18 bénédictions à voix basse car elles n’accompagnent pas de sacrifice.

Matin : Shema
18 bénédictions accompagnant l’holocauste.
Après-Midi :
18 bénédictions accompagnant l’holocauste.

82
Cours de spiritualité

Shemoneh Esreh – dix huit (19) bénédictions


Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche dira ta louange (Psaume 51,17)

Les trois premières bénédictions.

1. Les pères
Exodes 3,6,15 ; Deutéronome 10,17 ; Néhémie 9,32 ; Genèse 14,19 ; Genèse 15,1

Béni sois-tu, Seigneur, notre Dieu et Dieu de nos Pères, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob ;
Dieu grand, tout-puissant et terrible, Dieu Très-Haut ; Dieu qui fais le bien par amour, qui crées toute chose,
qui te souviens de l’amour des Pères et qui enverras un libérateur aux fils de leurs fils, à cause de ton Nom
et par amour ;

(De Rosh Ha-Shanah à Kippur on intercale : Souviens-toi de nous pour que nous vivions, O Roi qui aimes
la vie, et inscris-nous dans le livre de la vie, à cause de toi, le Dieu vivant.)

O Roi, notre aide, notre sauveur et notre bouclier.


Béni sois-tu, Seigneur, bouclier d’Abraham.

2. La Toute-Puissance
Psaume 147,8 ; Psaume 145,14 ; Psaume 146,7-8 ; Daniel 12,2 ; 1 Samuel 2,6

Tu es tout-puissant pour toujours, Seigneur ; tu ressuscites les morts et donnes, en abondance le salut ;

(A la saison des pluies on intercale : Tu domines le vent et fais tomber la pluie.)

Par amour tu nourris les vivants et par ta grande miséricorde du ressuscites les morts ; tu soutiens ceux qui
tombent, tu guéris les malades, tu libères les captifs et tu maintiens ta fidélité à ceux qui dorment dans la
poussière. Qui est comme toi, maître des puissances, et qui te ressemble, ô Roi, qui fais mourir et qui fais
vivre, qui fais germer le salut ?

3. La sanctification
Isaïe 6,3 ; Ezéchiel 3,12 ; Psaume 146,10

Préparation individuelle : Tu es saint, ton nom est saint et les saints te louent tous les jours, sélah. Béni
sois-tu, Seigneur, Dieu saint ; (De Rosh Ha-Shanah à Kippur on termine ainsi : Béni sois-tu, Seigneur, Roi
saint.)

Répétition communautaire : Nous voulons sanctifier ton Nom dans le monde comme il est sanctifié dans
les hauteurs célestes, ainsi qu’il est écrit par ton prophète : « Et ils se criaient l’un à l’autre et disaient :
Saint, Saint, Saint est le Seigneur Sabaot, toute la terre est remplie de sa gloire  ! Et à ceux-ci
correspondent ceux qui disent : « Béni ! Bénie soit la gloire du Seigneur de son lieu ! »

Et dans tes hagiographes il est écrit : « Le Seigneur règne éternellement, ton Dieu, ô Sion, d’âge en âge.
Hallelu-Yah ! »

83
Cours de spiritualité

D’âge en âge nous dirons ta grandeur et d’éternité en éternité nous proclamerons ta sainteté ; Ta louange
ne quittera jamais notre bouche car tu es Dieu, Roi grand et saint. Béni sois-tu, Seigneur, Dieu saint. (De
Rosh Ha-Shanah à Kippur on termine ainsi : Roi Saint.)

Les treize Bénédictions intermédiaires.

4. Le don gratuit de la Connaissance.

Tu donnes, par grâce, à l’homme, la connaissance, et tu enseignes, à l’être humain, le discernement.


Donne-nous, par ta grâce, la connaissance, le discernement et l’intelligence.

Béni sois-tu, Seigneur, qui donnes, par grâce, la connaissance.

5. La repentance.

Fais-nous revenir à ta Torah, ô notre Père ; Rapproche-nous de ton Service, ô notre Roi, et fais que nous
retournions vers toi avec une repentance parfaite.

Béni sois-tu, Seigneur, qui te complais dans la repentance.

6. Le Pardon.
Isaïe 55,7

Pardonne-nous ô notre Père, car nous avons péché ; efface-nous les fautes que nous avons commises, car
tu es celui qui efface et pardonne.

Béni sois-tu, Seigneur, qui fais grâce, qui multiplies le pardon.

7. La Rédemption
Psaume 119, 153-154 ; Jérémie 50,34

Vois notre misère et défends notre cause ; délivre-nous bientôt, à cause de ton Nom, car tu es un puissant
libérateur.

(Les jours de jeûne communautaire on ajoute : Exauce-nous, Seigneur. Exauce-nous en ce jour de jeûne,
car notre angoisse est grande. Ne considère pas nos transgressions…)

Béni sois-tu, Seigneur, libérateur d’Israël.

8. La guérison
Jérémie 17,14

Guéris-nous, Seigneur, et nous serons guéris ; Sauve-nous et nous serons sauvés, car tu es notre espoir et
l’objet de notre louange. Apporte une parfaite guérison à toutes nos blessures, car tu es Dieu, Roi, et tu
guéris sûrement et miséricordieusement.

Béni sois-tu, Seigneur, qui guéris les malades de ton peuple Israël.

9. La bénédiction des années

84
Cours de spiritualité

Bénis, Seigneur notre Dieu, cette année et toutes ses récoltes ; Donne ta bénédiction à la terre (à la saison
des pluies on dit : Donne la rosée et la pluie en bénédiction à la terre), rassasie-nous de ta bonté et bénis
notre année comme les bonnes années.

Béni sois-tu, Seigneur, qui bénis les années.

10. Le Rassemblement des Exilés


Isaïe 27,13 ; Isaïe 11,12 ; Ezéchiel 20,34 ; Ezéchiel 37,21 ; Siracide 36,11 ; Siracide 51,11 ; Isaïe 56,8

Sonne le grand shofar pour notre libération et dresse l’étendard pour le rassemblement de nos exilés.
Rassemble-nous des quatre coins de la terre.

Béni sois-tu, Seigneur, qui rassemble les bannis de ton peuple Israël.

11. La Restauration des juges.


Isaïe 1,26-27 ; Isaïe 61,8

Restaure nos juges comme autrefois et rétablis nos conseillers comme à l’origine. Délivre-nous de
l’affliction et de la tristesse. Règne seul sur nous, toi Seigneur, avec amour et miséricorde. Justifie-nous
dans ton jugement.
Béni sois-tu, Seigneur, Roi, qui aimes la justice et le droit.
(De Rosh Ha-Shanah à Kippur on termine : … Roi du droit.)

12. La bénédiction des hérétiques.

Que les calomniateurs n’aient plus d’espoir ; que les faiseurs d’iniquité périssent en un instant et que tous
soient rapidement retranchés. Déracine, brise, écrase et subjugue les insolents, bientôt et de nos jours !

Béni sois-tu, Seigneur, qui brises les ennemis et subjugues les insolents.

13. Les justes.

Que ta miséricorde, Seigneur notre Dieu, se répande sur les justes, les pieux, les anciens de ton peuple
Israël, sur le reste de ses scribes, sur les justes convertis et sur nous. Donne une bonne récompense à
tous ceux qui espèrent sincèrement en ton Nom, et donne-nous part avec eux dans le monde futur  ; ainsi
n’aurons-nous pas honte d’avoir espéré en toi.

Béni sois-tu, Seigneur, soutien et espoir des justes.

14. La reconstruction du Temple


Siracide 36,12

Dans ta miséricorde reviens à Jérusalem, ta ville ; Habite en elle comme tu l’as dit, reconstruis-la
prochainement, de nos jours, d’une construction éternelle et rétablis en elle, rapidement, le trône de David.

Béni sois-tu, Seigneur, qui reconstruis Jérusalem.

15. La restauration de la lignée davidique.

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Cours de spiritualité

Fais bientôt croître le rejeton de David et relève sa gloire par ton salut, car c’est en ton salut que nous
espérons tous les jours.

Béni sois-tu, Seigneur, qui fais croître la gloire du salut.

16. L’écoute de la prière.


Psaume 65,3

Ecoute nos voix, Seigneur notre Dieu ; épargne-nous, aie pitié de nous, reçois avec miséricorde et
complaisance notre prière, car tu es Dieu, qui écoutes les prières et les supplications ; tu es notre Roi et tu
ne nous renverras pas les mains vides de devant toi, car tu écoutes avec compassion la prière de ton
peuple Israël.

Béni sois-tu, Seigneur, qui écoutes la prière.

Les trois dernières bénédictions.

17. Le culte

Agrée, Seigneur notre Dieu, ton peuple Israël et sa prière. Rétablis le Culte dans le sanctuaire de ta
maison. Reçois avec amour et complaisance les offrandes d’Israël et sa prière. Agrée toujours le culte de
ton peuple Israël.

Que nos yeux voient ton retour à Sion, effet de ta miséricorde !

Béni sois-tu, Seigneur, qui rétablis ta présence à Sion.

18. Action de grâces.


1 Chroniques 29,13

Nous confessons que tu es le Seigneur notre Dieu et le Dieu de nos Pères, à jamais. Tu es le rocher de
notre vie, le bouclier de notre salut. De génération en génération nous dirons ta louange  : pour notre vie
remise entre tes mains, pour nos âmes que tu gardes, pour les prodiges que tu fais tous les jours pour
nous, pour tes merveilles et tes bontés en tout temps, le soir, le matin et à midi. Dieu bon, ta miséricorde
n’a pas de fin ; Dieu compatissant, ton amour ne s’épuise pas. Notre espoir est en toi à jamais.

(A Purim, à Hanukkah, de De Rosh Ha-Shanah à Kippur, on intercale des actions de grâces spéciales)

Pour tous ces bienfaits, ton Nom, ô notre Roi, sera béni et exalté, toujours et à jamais. Tous les êtres
vivants te rendent grâces, selah ! Ils louent ton Nom, ô Dieu, notre salut et notre aide, selah !

Béni sois-tu, Seigneur, ton Nom est bon et il est juste de te rendre grâces.

19. La bénédiction des prêtres – La Paix


Nombres 6,24-27

O notre Dieu de nos Pères ! Bénis-nous de la triple bénédiction écrite dans la Torah par ton serviteur Moïse
et dire par Aaron et ses fils les prêtres, ton peuple consacré, en ces termes :

Que le Seigneur te bénisse et te garde !


Que le Seigneur t’éclaire de sa face et te donne sa grâce !

86
Cours de spiritualité

Que le Seigneur tourne sa face vers toi et t’apporte la paix !

Répands la paix, le bonheur, la bénédiction, la grâce, l’amour et la miséricorde sur nous et sur tout Israël
ton peuple. O notre Père, bénis-nous tous ensemble de la lumière de ta face, car c’est de la lumière de ta
face que tu nous as donné la Torah de la vie, l’amour compatissant, la justice, la bénédiction, la
miséricorde, la vie et la paix. Il est bon à tes yeux de bénir ton peuple Israël, en tout temps et à toute heure,
par ta Paix.

Béni sois-tu, Seigneur, qui bénis ton peuple Israël par la Paix.

O mon Dieu ! Préserve ma langue de la calomnie et mes lèvres de la duplicité. Fais que mon âme reste
calme en présence de ceux qui me maudissent, et qu’en toute occasion elle soit humble comme la
poussière. Ouvre mon cœur par ta Torah et mon âme poursuivra tes commandements. Anéantis les projets
de ceux qui me veulent du mal et détruis leurs desseins. Fais cela à cause de ton Nom, à cause de ta
droite, à cause de ta sainteté, à cause de ta Torah. Fais cela pour la délivrance de tes amis. Que ta droite
me sauve ! Exauce-moi ! (Psaume 19,15) Agrée les paroles de ma bouche et les pensées de mon cœur, ô
mon rocher et mon libérateur !
Que celui qui fait la paix dans les hauteurs fasse aussi la paix pour nous et pour tout Israël ! Amen. 

Shema Israël.
3 textes bibliques :
o Deutéronome 6,4-9
o Deutéronome 11,13-21
o Nombres 15,37-41

Deutéronome 6,4-9
Ecoute, Israël, l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est Un. Loué soit le Nom de son règne glorieux à tout
jamais !
Tu aimeras l’Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. Et ces paroles que
je t’ordonne aujourd’hui, seront dans ton cœur. Tu les enseigneras à tes enfants, et tu en parleras en
restant dans ta maison, en allant sur le chemin, en te couchant et en te levant. Tu les attacheras comme
symbole sur ta main, et elles seront une parure entre tes yeux. Tu les inscriras sur les poteaux de ta
maison et sur les portes (de tes villes.)

Deutéronome 11,13-21
Il arrivera, si vous obéissez bien à mes commandements que je vous ordonne aujourd’hui, d’aimer l’Eternel,
votre Dieu, et de le servir de tout votre cœur et de toute votre âme  : je donnerai la pluie à votre terre, en
son temps, pluie d’automne et pluie de printemps, et tu récolteras ton blé et ton vin et ton huile. Je donnerai
l’herbe dans ton champ pour ton bétail, et tu mangeras et te rassasieras. Prenez garde que votre cœur ne
soit séduit, que vous ne vous prosterniez devant eux : la colère de l’Eternel s’enflammerait contre vous, il
fermerait le ciel et il n’y aurait plus de pluie, et la terre ne donnerait plus son produit ; et vous disparaîtriez
vite du bon pays que l’Eternel vous donne. Vous placerez mes paroles ci dans votre cœur et dans votre

87
Cours de spiritualité

âme. Vous les attacherez en signe sur votre main, et elle seront une parure entre vos yeux. Vous les
enseignerez à vos enfants en parlant d’elles en restant dans ta maison, en allant sur le chemin, en te
couchant et en te levant. Tu les inscriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes  ; afin que se
prolongent vos jours et les jours de vos enfants, sur la terre que l’Eternel a juré à vos pères de leur donner,
à l’instar des jours des cieux au-dessus de la terre.

Nombres 15,37-41

L’Eternel dit à Moïse (ainsi) : « Parle aux enfant d’Israël et dis leur : qu’il se fassent des franges sur les
bords de leurs vêtements, pour (toutes) leurs générations, et qu’ils ajoutent à la Frange du bord un fil
d’azur. Ce sera pour vous un objet de contemplation, vous le regarderez, et vous vous souviendrez de tous
les commandements de l’Eternel et les exécuterez, et vous ne suivrez pas (les mauvais penchants) de vos
cœurs et de vos yeux auxquels vous aimez céder. Afin que vous vous rappeliez et que vous exécutiez tous
mes commandements et que vous deveniez saints pour votre Dieu. Je suis l’Eternel, votre Dieu, qui vous ai
fait sortir du pays d’Egypte pour être votre Dieu. Je suis l’Eternel, votre Dieu. »

Jésus a-t-il prié ce texte ? oui. Le canon de l’Ecriture était fixé pour l’essentiel, en particulier le
Pentateuque, et la prière du matin ne différait pas de celle récitée actuellement :
o Bénédictions
o Proclamations du décalogue
o Shema
o Bénédictions.

« Ecoute, Israël, l’Eternel est Un. » C’est la proclamation essentielle. Un geste symbolique accompagne
ces paroles qui révèlent un mystère : le Juif met sa man devant ses yeux.
« C’est le Seigneur qui est Dieu, Lui et rien d’autre » Moïse . (Deutéronome 4,39)
« Maintenant je sais que le Seigneur est plus grand que tous les dieux. » (Exode 18,10) dit Jéthro avec sa
mentalité païenne. On voit la différence : Moïse : « Il est, Lui, et rien… » (formule retranchée.)
Le peuple Juif – et nous chrétiens – avons a proclamer cette vérité cette unité divine, et en Jésus, nous
entrons dans ce mystère.

« Tu aimeras l’Eternel »…( Marc 12,28) Jésus répond avec le texte de la prière.

Commentaire rabbiniques :

- « De tout ton cœur » : avec les deux cœurs que tu as, car tu as un cœur divisé en bons et en
mauvais instincts. Commence par unifier ton propre cœur, puis celui des autres.

- « De toute ton âme » : avec ta propre personne, avec ton temps.

- « De tout ton pouvoir » : avec aussi ton argent.

Rien ne doit être exclu pour aimer.

88
Cours de spiritualité

Autre interprétation de Rabbi Aquiba :

- « De toute ton âme : même s’il te prend ta vie. Aimer jusqu’à la mort, au martyre. (Rabbi
Aquiba est mort martyr en récitant le shema.)

beaucoup de Juifs qui ne pratiquaient pas sont morts en déportation en récitant le shema.

***

89
Cours de spiritualité

Recherche Biblique
Prière de Jésus dans le Nouveau Testament

Matthieu 14,23 La nuit, il gravit la montagne à l’écart pour prier.


Marc 1,25 Bien avant le jour.
Luc 5,16 Dans les déserts.
Matthieu 26,30 Après le chant des psaumes – Culte au Temple, à la synagogue.
Matthieu 14,19 ;15,36 ;26,26 Avant les repas. Avant les événements importants.
Baptême « Au moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en
Luc 3,21
prière. »
Luc 6,12 Avant le choix des apôtres, toute la nuit à prier Dieu dans la montagne.
Luc 11,1 Avant l’enseignement du Pater. « Comme il était quelque part à prier. »
Luc 9,18 La confession de Césarée (il priait seul)
Luc 9,28-29 La Transfiguration – il gravit la montagne pour prier.
Matthieu 26,36-44 Gethsémani
Matthieu 27,46 Sur la Crois – le Psaume 21
Luc 23,46 Père en tes mains je remets mon esprit.
Luc 23,24 Pour ses bourreaux. Père pardonne-leur.
Luc 22,32 Pour Pierre. J’ai prié pour toi.
Jean 17,9-24 Pour ses disciples actuels et futurs. « C’est pour eux que je prie. »
Matthieu 26,39 Pour lui-même. « Mon Père, si c’est possible… »
Jean 17,15 Début de la prière sacerdotale – « Père l’heure est venue… »
Hébreux 5,7 Avec de grands cris et dans les larmes.

Sa prière révèle un commerce permanent avec le Père.

Matthieu 11,25-27 Je te bénis Père.


Jean 8,29 Le Père ne me laisse jamais seul… Il l’exauce toujours.
Jean 11,22-42 Père je te rends grâce de m’avoir écouté.
Luc 10,21-22 Toutes les prières commencent par « Père » - Sous l’action de l’Esprit
Romains 8,34 A la droite de Dieu, il intercède pour nous.
Hébreux 7,25 Etant toujours vivant pour intercéder en leur faveur.
1 Jean 2,1 Comme il l’a promis. (Cf. Jean 14,16)
Jean 14,16 Je prierai le Père et il vous donnera un autre paraclet.

90
Cours de spiritualité

Votre pays a besoin des chrétiens


(Documentation catholique du 6-20 septembre 1987 n° 1946)

Discours des audiences générales

Le Fils uni au Père« Abba », Père vérité de la vie intime de Dieu dans sa

Audience générale du 1er juillet(*) profondeur trinitaire : cette connaissance


réciproque du Père et du Fils d’où vient

1. Peut-être n’y a t-il pas de mot qui exprime l’Amour éternel.

davantage l’autorévélation de Dieu dans son Fils 3. Le mot « Abba » appartient au langage
que celui d’Abba, Père. « Abba » est une familial et témoigne de cette particulière
expression araméenne qui a été conservée dans le communion des personnes qui existe entre le
texte grec de l’Evangile de Marc (Marc 14,36). Elle père et le fils qu’il a engendré, entre le fils qui
apparaît précisément là ou Jésus s’adresse au aime son père et qui est aimé de lui. Quand
Père. Et si l’on peut traduire ce mot dans toutes les Jésus employait ce mot pour parler de Dieu, il
langues, cependant, sur les lèvres de Jésus de devait étonner et même scandaliser ses
Nazareth, il permet de mieux comprendre son auditeurs. Un israélite ne l’aurait pas employé
contenu unique, indicible. dans la prière. Seul celui qui affirmait qu’il

2. En effet, non seulement « Abba » exprime la était le Fils de Dieu au sens propre pouvait

louange traditionnelle à Dieu, « Je te bénis, ô Père, parler ainsi de lui, et lui parler, comme Père.

Seigneur du Ciel et de la terre » (cf. Matthieu « Abba », c’est-à-dire : « mon Père »,

11,25), mais, dans la bouche de Jésus, il révèle « Papa. »

aussi la conscience de la relation unique et 4. Dans un texte de Jérémie, on parle de


exclusive qui existe entre le Père et lui, entre lui et Dieu qui attend d’être invoqué comme Père :
le Père. Il exprime cette réalité même à laquelle « Vous me direz : mon Père. » (Jérémie,
Jésus fait allusion d’une manière si simple et en 3,19)C’est comme ne prophétie qui a eu son
même temps si extraordinaire par les paroles accomplissement dans les temps
conservées dans le texte de l’Evangile de Matthieu messianiques. Jésus de Nazareth la réalisée
(Matthieu 11,27) et aussi dans celui de Luc (Luc et dépassée en parlant de lui-même dans son
10,22) : « Personne ne connaît le Fils sinon le rapport avec Dieu comme de celui qui
Père, et personne ne connaît le Père sinon le Fils « connaît le Père », se servant de
et celui a qui le Fils veut bien le révéler. » C’est l’expression filiale « Abba. » Il parle
dire que le mot « Abba », non seulement manifeste constamment du Père, et il invoque le Père,
le mystère du lien réciproque entre le Père et le comme quelqu’un qui a le droit de s’adresser
Fils, mais, d’une certaine manière, résume toute la à lui simplement, avec l’appellation « Abba »,
« mon Père. »
Texte italien dans l’Osservatore Romano du 2 juillet.
(*)

Traduction et titre de la Documentation Catholique.

91
Cours de spiritualité

5. Tout cela a été souligné par les évangélistes. enseigne la prière qui commence par les
Particulièrement, on lit dans l’Evangile de Marc mots « Notre Père » (Matthieu 6,9-13), ou
que, au cours de la prière à Gethsémani, Jésus bien « Père » (Luc 11,2-4). Par la révélation
s’écria : « Abba, Père ! A toi tout est possible, de cette prière, les disciples découvrent leur
éloigne de moi ce calice ! Cependant, non pas ce participation spéciale à la filiation divine, cette
que je veux mais ce que tu veux. » (Marc 14,36) Le filiation dont l’apôtre Jean dira dans le
passage parallèle de Matthieu dit : « Mon Père », Prologue de son Evangile : « A tous ceux qui
c’est-à-dire « Abba », même si le mot araméen l’ont accueilli (c’est-à-dire ceux qui ont
n’est pas cité expressément (cf. Matthieu 26,39- accueilli « Le Verbe qui s’est fait chair »), il a
42). Même quand le texte évangélique se limite au donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu. »
seul « Père » (comme en Luc 22,42, et aussi, dans (Jean 1,12). C’est donc avec raison, selon ce
un autre contexte, en Jean 12,27), le contenu même enseignement, qu’ils prient : « Notre
essentiel est identique. Père. »

6. Jésus a enseigné à ses auditeurs à 8. Mais Jésus fait toujours la distinction


comprendre que dans sa bouche le mot « Dieu », entre « mon Père et « votre Père. » Encore
et en particulier celui de « Père », signifiait après la Résurrection, il dit à Marie de
« Abba », « mon Père. » Ainsi, dès son enfance, Magdala : « Va trouver mes frères et dis-leur :
alors qu’il avait tout juste douze ans, Jésus dit à je m’en vais vers mon Père et votre Père,
ses parents qui le cherchaient depuis trois jours : vers mon Dieu et votre Dieu. » (Jean 20,17).
« Ne saviez-vous pas que je me devais d’être aux Il faut noter de plus qu’on ne lit en aucun
affaires de mon Père ? » (Luc 2,49). Et à la fin de passage de l’Evangile que Jésus ait
sa vie, dans la Prière sacerdotale qui termine sa recommandé de prier avec le mot « Abba. »
mission, il insiste en demandant à Dieu : « Père, Celui-ci concerne exclusivement son rapport
glorifie. » (Jean 17,1) « Père juste, le monde ne t’a filial personnel avec le Père. Mais, en même
pas connu, mais moi je t’ai connu. » (Jean 17,25). temps, l’Abba de Jésus est vraiment celui qui
Déjà dans l’annonce des événements derniers, est aussi « notre Père », comme cela ressort
qu’il fait par la parabole sur « le jugement dernier », de la prière qu’il a enseignée à ses disciples.
il apparaît comme celui qui proclame : « Venez, les Dieu l’est par participation ou mieux par
bénis de mon Père. » (Matthieu 25,34). Ensuite, adoption, comme l’enseigneront les
sur la croix, il prononce ces derniers mots : « Père, théologiens à l’école de saint Paul qui écrit
entre tes mains je remets mon esprit. » (Luc dans sa Lettre aux Galates : « Dieu a envoyé
23,46). Enfin, ressuscité il annonce aux disciples : son Fils… pour que nous recevions l’adoption
« Je vous enverrai celui que mon Père a promis. » de fils. » (Galates 4,4 et suivants ; cf. saint
(Luc 24,49) Thomas III, q. 23, art. 1 et 2)

7. Jésus Christ, qui « connaît le Père » avec 9. C’est également dans ce contexte qu’il
une telle profondeur, est venu pour « faire faut lire et interpréter les paroles qui suivent
connaître son nom aux hommes que le Père lui a de la Lettre de Paul aux Galates : « Que vous
donnés. » (cf. Jean 17,6) Un moment particulier de soyez des fils, la preuve en est que Dieu a
cette révélation du Père est la réponse qu’il donne envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils
à ses disciples quand ceux-ci lui demandent : qui crie ; « Abba, Père ! » (Galates 6,4) Et, de
« Apprends-nous à prier. » (cf. Luc 11,1) Il leur l’épître aux Romains : « Vous n’avez pas reçu

92
Cours de spiritualité

un Esprit d’esclaves, mais vous avez reçu un Esprit Dieu à qui Jésus, avec une intimité
de fils adoptifs par lequel nous crions : Abba, incomparable, disait : « Abba… Mon Père. 
Père ! » (Romains 8,29) nous crions vers Dieu
« Père », « Notre Père », ces mots s’adressent au

mettent en relief le rapport de cette union et


Audience générale du 8 juillet (*)
de cette communion avec celles qui existent
entre le Père et le Fils. Il demande en effet :
1. « Abba, mon Père » : tout ce que nous avons « Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es
dit au cours de notre catéchèse précédente nous en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un
permet de pénétrer plus profondément dans le en nous, afin que le monde croie que tu m’as
rapport unique et exceptionnel du Fils avec son envoyé. La gloire que tu m’as donnée, je la
Père, exprimé dans les Evangiles, que ce soit les leur ai donnée, afin qu’ils soient un comme
Synoptiques ou saint Jean, et dans tout le Nouveau nous sommes un. Moi en eux et toi en moi,
Testament. Si les passages qui mettent ce rapport afin qu’ils soient parfaitement un et que le
en relief (on pourrait dire « à la première monde sache que tu m’as envoyé et que je
personne ») sont plus nombreux dans les Evangile les ai aimés comme tu m’as aimé. » (Jean
de Jean, on trouve cependant dans les 17,21-23)
Synoptiques (Matthieu et Luc) la phrase qui semble 3. En priant pour l’unité de ses disciples et
contenir la clef de cette question : « Personne ne témoins Jésus, dans le même temps, révèle
connaît le Fils sinon le Père, et personne ne cette unité comme la « communion » qui
connaît le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils existe entre lui et le Père : « le Père est
veut bien le révéler. » (Matthieu 11,27 ; Luc 10,22) « dans » le Fils et le Fils est « dans » le Père.
Le Fils, donc, révèle le Père comme celui qui le Cette « immanence » particulière, la
connaît et qui l’a envoyé en tant que Fils pour compénétration réciproque – expression de la
« parler » aux hommes par son intermédiaire (cf. communion des personnes – révèle la
Hébreux 1,2), d’une manière ultime et définitive. mesure de l’appartenance réciproque et
Plus encore : ce Fils unique, le Père l’a « donné » l’intimité de la relation réciproque du Père et
pour le salut du monde afin que l’homme, en lui et du Fils. Jésus l’explique en affirmant : « Tout
par lui, parvienne à la vie éternelle. (cf. Jean 3,16) ce qui m’appartient est à toi et tout ce qui est

2. Très souvent, mais spécialement au cours de à toi est à moi. » (Jean 17,10) C’est une

la dernière Cène, Jésus insiste pour faire relation de possession réciproque dans l’unité

comprendre à ses disciples qu’il est uni au Père de l’essence et, en même temps, c’est une

par un lien d’appartenance particulière. « Tout ce relation de don. De fait, Jésus dit :

qui m’appartient est à toi, et tout ce qui est à toi est « Maintenant, ils savent que tout ce que tu

à moi » (Jean 17,10), dit-il dans la prière m’as donné vient de toi. » (Jean 17,7)

sacerdotale, lorsqu’il prend congé des apôtres pour 4. On trouve dans l’Evangile de Jean les
aller vivre sa Passion. Il demande alors l’unité pour signes de l’attention, de l’émerveillement et
ses disciples actuels et futures par des mots qui du recueillement avec lesquels les apôtres
ont accueilli ces paroles de Jésus au Cénacle
Texte italien dans l’Osservatore Romano du 9 juillet.
(*)
de Jérusalem, à la veille des événements de
Traduction et titre de la Documentation Catholique.

93
Cours de spiritualité

Pâques. Mais, Jésus avait déjà auparavant brebis écoutent ma voix et moi je les
exprimé publiquement, d’une certaine manière, la connais… Mon Père, qui me les a données,
vérité de la prière sacerdotale, au jour de la est plus grand que tous et personne ne peut
Dédicace du Temple. Au défi de ceux qui se les ravir. Moi et le Père, nous sommes un. »
trouvaient là : « Si tu es le Christ, dis-le nous (Jean 10,24-30)
ouvertement », Jésus répond : « Je vous l’ai dit et 5. La réaction des adversaires, en cette
vous ne me croyez pas ; les œuvres que circonstance, est violente : « A nouveau, les
j’accomplis au nom de mon Père, ce sont celles qui juifs amenèrent des pierres pour le lapider. »
me rendent témoignage. » Puis Jésus affirme que A Jésus qui leur demande pour quelles
ceux qui l’écoutent et qui croient, appartiennent à œuvres venant du Père
son troupeau en tant que don du Père : « Mes
6. et accomplies par lui ils veulent le lapider, ils le délivre s’il l’aime. Car il a dit : je suis le Fils
répondent : « Tu as blasphémé et toi qui n’es qu’un de Dieu ! » (Matthieu 27,42-43)
homme, tu t’es fait Dieu. » La réponse de Jésus est 8. A l’heure du Calvaire aussi, Jésus
sans équivoque : « Si je n’accomplis pas les affirme son unité avec le Père. Comme nous
œuvres de mon Père, ne me croyez pas. Mais si je le lisons dans l’épître aux Hébreux : « Tout
les accomplis, même si vous ne croyez pas en moi, Fils qu’il était, il apprit l’obéissance par ses
croyez au moins à mes œuvres, pour que vous souffrances » (Hébreux 5,8) Mais cette
sachiez que le Père est en moi et que je suis dans « obéissance jusqu’à la mort » (cf. Philippiens
le Père. » (cf. Jean 10,31-38) 2,8) était l’expression dernière et définitive de
7. Notons bien la signification de ce point l’intimité de son union avec le Père. En effet,
crucial de la vie et de la révélation du Christ. La selon le texte de Marc, au cours de l’agonie
vérité sur le lien particulier, sur l’unité particulière sur la croix, « Jésus cria : Eloï, Eloï, lama
qui existe entre le Fils et le Père, rencontre sabachthani ? ce qui veut dire : mon Dieu,
l’opposition des juifs : si tu es le Fils au sens qui mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ?
découle de tes paroles, alors toi, tu te fais Dieu (Marc 15,34) Ce cri – même si les mots
bien que tu ne sois qu’un homme. En ce cas, tu révèlent le sentiment d’abandon qu’il
profères le plus grand des blasphèmes. Les éprouvait dans sa psychologie d’homme qui
auditeurs ont donc compris le sens des paroles de souffrait pour nous – était l’expression de
Jésus de Nazareth : comme Fils, il est « Dieu de l’union la plus intime du Fils avec son Père
Dieu », « de la même substance que le Père », dans l’accomplissement de son mandat :
mais c’est bien à cause de cela qu’ils ne l’ont pas « J’ai accompli l’œuvre que tu m’as donné à
reçu et même qu’ils l’ont repoussé de la manière la faire. » (Cf. Jean 17,4) A ce moment, l’unité
plus absolue, de toutes leurs forces. Même si, dans du Fils avec le Père s’est manifestée avec
le conflit d’alors, on n’en vient pas à la lapidation une profondeur divino-humaine définitive
(cf. Jean 10,39), cependant, au lendemain de la dans le mystère de la rédemption du monde.
prière sacerdotale au Cénacle, Jésus sera mis à 9. Au Cénacle encore, Jésus dit à ses
mort sur la croix. Et les juifs présents crieront : « Si apôtres : « Personne ne va au Père sinon par
tu es le Fils de Dieu, descends de la croix ! » moi. Si vous me connaissez, vous connaîtrez
(Matthieu 27,40), et ils commenteront avec aussi le Père. » Philippe lui dit : « Seigneur,
dérision : « Il a mis sa confiance en Dieu, que Dieu montre-nous le Père et cela nous suffit. »

94
Cours de spiritualité

Jésus lui répondit : « Philippe, depuis si longtemps provoquent la violente réaction de ses
je suis avec vous et tu ne m’as pas connu ? Celui auditeurs : « Ils amenèrent des pierres pour le
qui me voit voit le Père. » « Tu ne crois pas que je lapider. » (cf. Jean 10,31) En effet, selon la loi
suis dans le Père et que le Père est en moi ? » de Moïse, le blasphème devait être puni de
(Jean 14,6-10) mort. (cf. Deutéronome 13,10-11)

« Celui qui me voit voit le Père. » Le Nouveau 2. Il est donc important de reconnaître
Testament est tout entier traversé par la lumière de qu’il existe un lien organique entre la vérité de
cette vérité évangélique. Le Fils est « le cette union intime du Fils avec le Père et le
rayonnement de la gloire du Père » et « l’empreinte fait que Jésus le Fils vit totalement « pour le
de sa substance. » (Hébreux 1,3) Il est « l’image Père. » Nous savons en effet que toute la vie,
du Dieu invisible. » (Colossiens 1,15) Il est toute l’existence terrestre de Jésus, est
l’épiphanie de Dieu. Quand il s’est fait homme, constamment tournée vers le Père, est
prenant « la condition d’esclave » et « ce faisant donnée au Père sans réserves. Alors qu’il n’a
obéissant jusqu’à la mort » (cf. Philippiens 2,7-8), il encore que 12 ans, Jésus, fils de Marie, a
est devenu en même temps pour tous ceux qui une conscience précise de sa relation au
l’ont écouté «  le chemin » : le chemin vers le Père, Père et prend une attitude cohérente avec sa
avec lequel il est « la vérité et la vie. » (Jean 14,6) certitude intérieure. Aussi répondit-il aux

Dans la difficile ascèse pour être conforme à reproches de sa mère, quand elle le trouva

l’image du Christ, ceux qui croient en lui, comme le dans le Temple après l’avoir cherché pendant

dit saint Paul, « revêtent l’homme nouveau » et trois jours avec Joseph : « Ne saviez-vous

« se renouvellent par une pleine connaissance de pas que je dois être aux affaires de mon

Dieu. » (cf. Colossiens 3,10), selon l’image de Père ? » (Luc 2,49)

Celui qui est « le modèle. » C’est là le fondement 3. Pour cette catéchèse encore, nous
solide de l’espérance chrétienne. nous référons surtout au texte du quatrième
Evangile, parce que la conscience et l’attitude
qui furent celles de Jésus lorsqu’il avait 12
Le Fils vit « pour le Père »
ans trouvent leur racine profonde dans ce que
Audience générale du 15 juillet(*)
nous lisons au début du grand discours
d’adieu que, selon Jean, il prononça au cours
1. Au cours de notre catéchèse précédente,
de la dernière Cène, au terme de sa vie, alors
nous avons médité sur Jésus Christ comme Fils
qu’il était sur le point de mener à son
intimement uni au Père. Cette union lui permet et
achèvement sa mission messianique.
lui impose de dire : « Le Père est en moi et je suis
L’évangéliste dit de lui que, « son heure étant
dans le Père », non seulement dans une
arrivée…, il savait que le Père lui avait tout
conversation intime au Cénacle mais aussi dans
remis, qu’il était venu de Dieu et qu’il
une déclaration publique durant les cérémonies de
retournait à Dieu. » (Jean 13,3)
la fête des Tentes. (cf. Jean 7,28-29) Et même,
plus clairement encore, Jésus en arrive à affirmer : L’épître aux Hébreux met en relief la même
« Moi et le Père, nous sommes un. » (Jean 10,30) vérité, se référant d’une certaine manière à la
Ces paroles passent pour un blasphème et préexistence même de Jésus Fils de Dieu :
Texte italien dans l’Osservatore Romano du 16 juillet.
(*) « En entrant dans e monde, le Christ dit : tu
Traduction et titre de la Documentation Catholique

95
Cours de spiritualité

n’as voulu ni holocauste ni sacrifices pour les harmonie avec cette seconde interprétation :
péchés. Alors, j’ai dit : voici, je viens pour faire, ô Jésus vit « par le Père », en ce sens que tout
Dieu, ta volonté. » (Hébreux 10,5-7) ce qu’il fait correspond pleinement à la

4. Dans les paroles et les œuvres de Jésus, volonté du Père : c’est ce que le Père fait lui-

« faire la volonté du Père » veut dire : vivre même. C’est précisément à cause de cela

totalement pour le Père. « Comme le Père qui a la que la vie humaine du Fils, son action, son

vie, m’a envoyé… je vis pour le Père » (Jean 6,57), existence terrestre sont si complètement

dit Jésus dans le contexte de l’annonce de tournés vers le Père – Jésus vit « pleinement

l’institution de l’Eucharistie. Accomplir la volonté du pour le Père » - parce qu’en lui, la source de

Père est pour le Christ sa vie même : c’est ce qu’il tout est son éternelle unité avec le Père :

manifeste lui-même par les paroles qu’il adresse « Moi et le Père, nous sommes un. » (Jean

aux disciples après la rencontre avec la 10,30) Ses œuvres sont la preuve de l’étroite

Samaritaine : « Ma nourriture est de faire la volonté communion des personnes divines. En elles,

de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son la même divinité se manifeste comme unité

œuvre. » (Jean 4,34) Jésus vit de la volonté du du Père et du Fils, vérité qui a provoqué tant

Père. C’est sa « nourriture. » d’opposition parmi ses auditeurs.

5. Et il vit ainsi – c’est-à-dire totalement tourné 7. Comme en prévision des

vers le Père – parce qu’il est « sorti » du Père et conséquences futures de cette opposition,

qu’il « retourne » au Père, sachant que le Père «  a Jésus dit, à un autre moment de son conflit

tout remis entre ses mains. » (Jean 3,35) Se avec les Juifs : « Quand vous aurez élevé le

laissant guider en tout par cette conscience, Jésus Fils de l’homme, alors vous saurez que je

proclame devant les fils d’Israël : « Je possède un suis et que je ne fais rien par moi-même,

témoignage qui est plus grand que celui de Jean mais que je dis ce que le Père m’a enseigné.

(c’est-à-dire celui que lui a rendu Jean Baptiste) : Celui qui m’a envoyé est avec moi et il ne m

les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir. Les ‘a pas laissé seul, parce que je fais toujours

œuvres que je fais me rendent témoignage que le les œuvres qui lui sont agréables. (Jean 8,28-

Père m’a envoyé. » (Jean 5,36) Et, dans le même 29)

contexte : « En vérité, en vérité je vous le dis : le 8. Vraiment, Jésus a accompli la volonté
Fils ne peut rien faire de lui-même, mais il ne fait du Père jusqu’au bout. Par sa passion et par
que ce qu’il voit faire par le Père ; ce qu’il fait, le sa mort sur la croix, il a confirmé qu’il faisait
Fils le fait aussi. » (Jean 5,19) Et il ajoute : « toujours ce qui est agréable au Père. » Il a
« Comme le Père ressuscite les morts et leur accompli la volonté divine salvifique pour la
donne la vie, ainsi le Fils lui aussi donne la vie à rédemption du monde, dans laquelle le Père
qui il veut. » (Jean 5,21) et le Fils sont unis parce que, éternellement,
« ils ne font qu’un. » (Jean 10,30) Au moment
6. Le passage du discours sur l’Eucharistie (au
de mourir sur la croix, Jésus « poussa un
chapitre VIème de saint Jean) que nous venons de
grand cri : Père, entre tes mains, je remets
citer : « Comme le Père, qui a la vie, m’a envoyé…
mon esprit. » (cf. Luc 23,46) Ses dernières
je vis pour le Père », est parfois traduit d’une autre
paroles témoignent que, jusqu’à la fin, toute
façon : « Je vis par le Père. » (Jean 6,57) Les
son existence terrestre fut tournées vers le
paroles de Jésus que nous venons de citer sont en
Père. Vivant – comme Fils – « par le Père », il

96
Cours de spiritualité

vivait totalement « pour le Père. » Et le Père, lasser. » (cf. Luc 18,1) La prière était la vie de
comme il l’avait prédit, « ne l’a pas laissé seul. » son âme et toute sa vie était prière. L’histoire
Par le mystère pascal de sa mort et de sa de l’humanité ne connaît aucun autre
résurrection, ces paroles se sont accomplies : personnage qui, avec une telle plénitude – et
« Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors de cette manière – se soit entretenu avec
vous saurez que je suis. » « Je suis » : les mêmes Dieu dans la prière comme le fit Jésus de
mots par lesquels, jadis , le Seigneur – le Dieu Nazareth, Fils de l’homme et en même temps
vivant – avait répondu à la question de Moïse sur Fils de Dieu, « de la substance même du
son nom. (cf. Exode 3,13 et s.) Père.

9. Nous lisons dans l’épître aux Hébreux des 2. Néanmoins, des passages des
expressions on ne peut plus réconfortantes : Evangiles mettent en relief la prière de Jésus,
« Aussi Jésus peut-il sauver de manière parfaite déclarant explicitement que « Jésus priait. »
ceux qui, par lui, s’approchent de Dieu, car il est Cela se produisait à divers moments du jours
toujours vivant pour intercéder pour eux. (Hébreux et de la nuit, et en des circonstances
7,25) Celui qui, « comme Fils de la substance diverses. En voici quelques-uns : « Au matin,
même du Père », vit « par et pour le Père », a alors qu’il faisait encore nuit, il se leva, sortit
révélé à l’homme la voie du salut éternel. Prenons, et s’en alla dans un lieu désert et, là il priait. »
nous aussi, cette voie et progressons sur cette (Marc 1,35) Il le faisait non seulement au
route, participant à cette vie pour le Père, dont la début du jour (la « prière du matin ») mais
plénitude dure pour toujours dans le Christ. aussi au cours de la journée et le soir, et
spécialement la nuit. Nous lions en effet :
« Des foules nombreuses venaient pour
La prière du Fils à son Père
l’écouter et qu’il les guérisse de leurs
Audience générale du 22 juillet(*)
maladies. Mais Jésus se retirait en des
endroits solitaire pour prier. » (Luc 5,15-16)
1. Jésus Christ est le Fils uni intimement au
Et, une autre fois : « Après avoir renvoyé la
Père ; le Fils qui, totalement, « vit pour le Père »
foule, il partit dans la montagne, seul, pour
(cf. Jean 6,57) ; le Fils dont toute l’existence
prier. Le soir venu, il était encore là, seul. »
terrestre est donnée sans réserve au Père. A ces
(Matthieu 14,23)
thèmes que nous avons développés au cours de
3. Les évangélistes soulignent le fait que
nos dernières catéchèses est étroitement lié celui
la prière accompagne les événements d’une
de la prière de Jésus, sujet de notre catéchèse
importance particulière dans la vie du Christ.
d’aujourd’hui. Car c’est bien dans la prière, en effet,
« Quand tout le peuple eut été baptisé, alors
que le fait que le Fils soit intimement uni au Père,
que Jésus, ayant lui aussi reçu le baptême,
donné à lui, tourné vers lui de toute son existence
se tenait en prière, le ciel s’ouvrit… » (Luc
humaine, trouve son expression particulière. Cela
3,21) Suit la description de la théophanie qui
signifie que le thème de la prière de Jésus est déjà
eut lieu pendant le baptême de Jésus au
contenue implicitement dans les thèmes
Jourdain. De manière analogue, la prière sert
précédents, et c’est pourquoi l’on peut bien dire
d’introduction à la théophanie sur la
que Jésus de Nazareth « priait sans jamais se
montagne de la Transfiguration : « Il prit avec
Texte italien dans l’Osservatore Romano du 23 juillet.
(*)
lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la
Traduction et titre de la Documentation Catholique

97
Cours de spiritualité

montagne pour prier. Et, pendant qu’il priait, son de sa mission : la gloire de Dieu et le salut
visage fut transfiguré. » (Luc 9,28-29) des hommes. Et il ajoute : « En cela consiste

4. La prière constituait aussi la préparation à la vie éternelle : qu’ils te connaissent, toi,

des décisions et à des moments de grande l’unique vrai Dieu, et celui que tu as envoyé,

importance pour la mission messianique du Christ. Jésus Christ. » « Je t’ai glorifié sur la terre, j’ai

Ainsi, au moment de commencer son ministère accompli l’œuvre que tu m’as donné de faire.

public, il se retire dans le désert pour jeûner et prier Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi

(cf. Matthieu 4,1-11 et par.) ; et encore, avant de de cette gloire que j’avais auprès de toi avant

choisir ses apôtres « Jésus se retira sur la que le monde fût. » (Jean 17,3-5)

montagne pour prier et il passa la nuit en prière. 7. Poursuivant sa prière, le Fils, pour ainsi
Quand il fit jour, il appela à lui ses disciples et il en dire, rend compte au Père de sa mission
choisit douze, à qui il donna le nom d’apôtres. » terrestre : « J’ai fait connaître ton nom aux
(Luc 6,12-13) De même, avant la confession de hommes que tu as tirés du monde pour me
Pierre dans les environs de Césarée de Philippe : les donner. Ils étaient à toi et tu me les a
« Alors que Jésus se trouvait dans un lieu à l’écart donnés et ils ont observé ta parole.
pour prier et que ses disciples étaient avec lui, il Maintenant, ils savent que tout ce que tu m’as
leur posa cette question : qui dit-on que je suis ? Ils donné vient de toi. » (jean 17,6-7) Il ajoute
répondirent : pour certains, Jean le Baptiste, pour ensuite : « Je prie pour eux, je ne prie pas sur
d’autre Elie, pour d’autre encore un des anciens le monde par pour ceux que tu m’as donnés,
prophètes qui est ressuscité. Alors il leur parce qu’ils sont à toi. » (Jean 17,9) Ce sont
demanda : mais vous, qui dites-vous que je suis ? ceux qui ont « accueilli » la parole du Christ,
Prenant la parole Pierre répondit : le Christ de ceux qui « ont cru » que le Père l’a envoyé.
Dieu. » (Luc 9,18-20) Jésus prie surtout pour eux parce qu’ « ils

5. La prière avant la résurrection de Lazare est sont dans le monde tandis que moi je viens à

profondément touchante : « Alors, Jésus leva les toi. » (Jean 17,11) Il prie pour qu’ils soient

yeux et il dit : Père, je te rends grâce de ce que tu un », pour « qu’aucun d’eux ne se perde » (et

m’as exaucé. Je savais bien que tu m’exauces ici le Maître mentionne le « fils de perdition »),

toujours, mais j’ai parlé ainsi à cause de la foule qui pour qu’ils « aient en eux la plénitude de la

m’entoure, pour qu’ils croient que tu m’as joie. » (cf. Jean 17,13) Dans la perspective de

envoyé. » (Jean 11,41-42) son départ, alors que les disciples devront
demeurer dans le monde et être exposés à la
6. Il faudrait citer ici en entier la prière au cours
haine parce qu’ « ils ne sont pas du monde »,
de la dernière Cène (ce que l’on appelle la Prière
tout comme leur Maître, Jésus prie : « Je ne
sacerdotale.) Nous essayerons de réfléchir au
te demande pas de les ôter du monde mais
moins sur quelques passages qui n’ont pas encore
de les garder du Mauvais. » (Jean 17,15)
été cités dans nos catéchèses précédentes.
Comme ceux-ci : « Ayant levé les yeux au ciel, 8. Toujours lors de sa prière au Cénacle,

(Jésus) dit : Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils Jésus demande pour ses disciples :

pour que ton Fils te glorifie. Puisque tu lui as donné « Consacre-les dans la vérité. Ta parole est

tout pouvoir sur toute chair, qu’il donne la vie vérité. Comme tu m’as envoyé dans le

éternelle à tous ceux qui est le but donnés. » (Jean monde, moi aussi je les ai envoyés dans le

17,1-2) Jésus prie pour ce qui est le but essentiel monde. Pour eux, je me consacre moi-même,

98
Cours de spiritualité

pour qu’ils soient eux aussi consacrés dans la 11. Il semble que les parles de la Lettre aux
vérité. » (Jean 17,17-19) Puis Jésus embrasse Hébreux se réfèrent particulièrement à cette
dans cette prière les futures générations de prière. « Au cours de sa vie terrestre, il offrit
disciples. Surtout, il prie pour l’unité, afin « que le des prières et des supplications avec de
monde, sache que tu m’as envoyé et que je les ai grands cris et des larmes à celui qui pouvait
aimés comme tu m’as aimé. » (Jean 17,23) Vers la le libérer de la mort. » Et ici l’auteur de la
fin de sa prière, Jésus revient sur les pensées lettre ajoute qu’il « fut exaucé à cause de sa
principales énoncées précédemment, mettant piété. » (Hébreux 5,7) Oui, même la prière de
encore davantage en relief leur importance. Dans Gethsémani fut exaucée car, dans cette
ce contexte, il demande pour tous ceux que le Père prière aussi – avec toute la vérité de l’attitude
lui a donné qu « là où je suis, ils soient avec moi, et humaine devant la souffrance – se fait surtout
qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée, car sentir l’union de Jésus avec le Père, dans
tu m’as aimé dès-avant la création du monde. » cette volonté de racheter le monde qui est à
(Jean 17,24) l’origine de sa mission salvifique.

12. Certainement, Jésus priait dans les


9. Vraiment, la « Prière sacerdotale » de Jésus
diverses circonstances qui découlent de la
est la synthèse de cette autorévélation de Dieu
tradition et de la loi religieuse d’Israël, par
dans le Fils, qui se trouve dans les Evangiles. Le
exemple quand, à l’âge de 12 ans, il monta
Fils parle au Père au nom de cette unité qu’il forme
avec ses parents au temple de Jérusalem (cf.
avec lui. (« Toi, Père, tu es en moi et moi en toi : 
Luc 2,41) ; ou quand, comme le rapportent
Jean 17,21) Et, en même temps, il prie pour que se
les évangélistes, il entrait « selon son
répandent parmi les hommes les fruits de la
habitude, dans la synagogue, le samedi. » (cf.
mission salvifique pour laquelle il est venu dans le
Luc 4,16) Il faut cependant accorder une
monde. Il révèle ainsi le mysterium Ecclesiae qui
attention spéciale à ce que les évangiles
naît de sa mission salvifique, et il prie pour son
disent de la prière personnelle du Christ.
développement futur au milieu du « monde. » Il
L’Eglise ne l’a jamais oubliée et retrouve dans
ouvre la perspective de la gloire à laquelle sont
le dialogue personnel du christ avec Dieu la
appelés avec lui tous ceux qui « accueillent » sa
source, l’inspiration, la force de sa prière. En
parole.
Jésus orant s’exprime en effet de la manière
10. Si, dans la prière lors de la dernière Cène, on
la plus personnelle le mystère du Fils, qui vit
entend Jésus parler au Père comme son Fils
totalement « pour le Père », en union intime
« consubstantiel », dans la prière à Gethsémani qui
avec lui.
suit peu après, c’est surtout sa vérité de Fils de
l’homme qui est mise en relief. « Mon âme est triste
à en mourir. Restez ici et veillez » (Mar 14,34), dit-il L’action de grâces du Fils à son Père
aux siens en entrant dans le jardin des Oliviers. Audience générale du 29 juillet(*)
Resté seul, il se jette à terre et les mots de sa
prière prouvent la profondeur de sa souffrance. Il 1. La prière de Jésus en tant que Fils
dit en effet : « Abba, Père ! A toi, tout est possible. « sorti du Père » exprime d’une manière
Eloigne de moi ce calice ! Cependant non pas ce
(*)
Texte italien dans l’Osservatore Romano du 30
que je veux mais ce que tu veux. » (Marc 14,36) juillet. Traduction et titre de la Documentation
Catholique

99
Cours de spiritualité

particulière le fait qu’il « va au Père. » (Cf. Jean, m’avoir exaucé. » (Jean 11,41) A la
28) « Il va » et il conduit au Père tous ceux que le multiplication des pains, près de
Père « lui a donnés. » (Cf. Jean 17) En outre, il Capharnaüm, « Jésus prit les pains et, après
laisse à tous le patrimoine durable de sa prière avoir rendu grâce, il les distribua à ceux qui
filiale : « Quand vous priez, dites : Notre Père. » étaient assis, puis il fit de même avec les
(Matthieu 6,9 ; Luc 11,2) Comme le montre cette poissons. » (Jean 6,11) Enfin, lors de
formule enseignée par Jésus, sa prière au Père est l’institution de l’Eucharistie, Jésus, avant de
caractérisée par quelques notes fondamentales : prononcer les paroles de l’institution sur le
c’est une prière toute de louange, pleine d’un pain et le vin, « rendit grâce. » (Luc 22,17 ; cf.
abandon infini à la volonté du Père et, en ce qui aussi Marc 14,23 ; Matthieu 26,27) Cette
nous concerne, pleine d’imploration et de demande expression est employée pour le calice de
de pardon. C’est dans ce contexte que rentre d’une vin, alors que pour le pain on parle aussi de
manière particulière la prière d’action de grâces. « bénédiction. » Mais, pour l’Ancien

2. Jésus dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du Testament, bénir Dieu a aussi le sens de

ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et rendre grâce, en plus de celui de « louer

aux savants et de l’avoir révélé aux tout-petits. » Dieu », de « confesser le Seigneur. »

(Matthieu 11,25) Par l’expression « Je te bénis », 4. La prière d’action de grâces prolonge la
Jésus veut signifier la gratitude pour le don de la tradition biblique qui s’exprime spécialement
révélation de Dieu, étant donné que « personne ne dans les psaumes : « Il est beau de louer le
connaît le Fils sinon le Père, et personne ne Seigneur et de chanter ton Nom, Dieu Très-
connaît le Père sinon le Fils et celui à qu le Père Haut… Tes merveilles me comblent de joie,
veut bien le révéler. » (Matthieu 11,27) Même la Seigneur, j’exulte pour l’œuvre de tes
prière sacerdotale (que nous avons analysée au mains. » (Psaume 91,2-5) « Célébrez le
cours de notre catéchèse précédente), si elle a le Seigneur, car il est bon, éternelle est sa
caractère d’une grande demande que le Fils miséricorde. Que le disent les rachetés du
adresse au Père au terme de sa mission terrestre, Seigneur… Qu’ils rendent grâce au Seigneur
est en même temps traversée par un sens profond pour sa miséricorde, pour ses prodiges en
de l’action de grâces. On peut même dire que faveur des hommes. Qu’ils lui offrent des
l’action de grâces constitue le contenu essentiel, sacrifices de louange (zebah todah). »
non seulement de la prière du Christ, mais de son (Psaume 106, 1.2.21.22) « Célébrez le
intimité existentielle avec le Père. Au centre de tout Seigneur parce qu’il est bon, parce
ce que Jésus dit et fait, se trouve la conscience du qu’éternelle est sa miséricorde… Je te rends
don : tout est don de Dieu, créateur et Père. Et la grâce parce que tu m’as exaucé, tu m’as
gratitude, l’action de grâces sont une réponse sauvé… Tu es mon Dieu, et je te rends grâce,
adéquate à ce don. tu es mon Dieu et je t’exalte. » (Psaume
117,1.21.28) « Que rendrai-je au Seigneur
3. Il faut prêter attention aux passages
pour tous ses bienfaits ? je t’offrirai des
évangéliques, spécialement à ceux de saint Jean,
sacrifices de louange et j’invoquerai le Nom
où cette action de grâces est clairement mise en
du Seigneur. » (Psaume 115,12.17) « Je te
relief. Il en est ainsi, par exemple, de la
loue, parce que tu m’as fait comme un
résurrection de Lazare : « Père, je te remercie de
prodige ; merveilleuses sont tes œuvres, tu

100
Cours de spiritualité

me connais au plus intime de moi-même. (Psaume todah) Les communautés chrétiennes, dès
138,14) « O Dieu, mon roi, je t’exalte, je veux bénir les temps les plus anciens, unissaient la
ton nom toujours et à jamais. » (Paume 144,1) célébration de l’Eucharistie à l’action de

5. Nous lisons également dans le livre du grâces, comme le montre un texte de la

Siracide : « Bénissez le Seigneur pour toutes ses Didaché (écrit composé entre la fin du 1er

œuvres. Magnifiez son Nom, proclamez ses siècle et le commencement du II ème,

louanges… Vous exprimerez ainsi votre action de probablement en Syrie, peut-être à Antioche

grâces : « Comme toutes les œuvres du Seigneur même) : 

sont magnifiques ! » Tout ce qu’il a décidé se « Nous te rendons grâce, ô notre Père, pour
réalisera en son temps. Il n’y a pas lieu de dire : la vie et pour la connaissance que tu nous a
qu’est-ce que ceci ? Pourquoi cela ? Parce que révélées en Jésus Christ, ton serviteur… »
tout a été créé dans un but. » (Siracide « Nous te rendons grâce, ô Père saint, pour
39,14.15.21) L’exhortation du Siracide à « bénir le ton saint Nom, que tu as fait habiter en nos
Seigneur » a un ton didactique. cœurs, et pour la connaissance, la foi et
6. Jésus a recueilli cet héritage si significatif de l’immortalité que tu nous as révélées en
l’Ancien Testament, explicitant, dans la ligne de la Jésus Christ ton serviteur. » (Didaché 8,2-3 ;
bénédiction – confession – louange, la dimension 10,2)
de l’action de grâces. Aussi peut-on dire que nous 8. Le chant d’action de grâces de l’Eglise,
trouvons le moment culminant de cette tradition qui accompagne la célébration de
biblique au cours de la dernière Cène, quand le l’Eucharistie, naît du plus profond de son
Christ institue le sacrement de son Corps et de son cœur et même du cœur même du Fils, qu
Sang la veille d’offrire ce Corps et ce Sang dans le vivait d’action de grâces. On peut bien dire
sacrifice de la croix. Comme l’écrit saint Paul : « Le que sa prière, et même toute son existence
Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du terrestre, s’est faite révélation de cette vérité
pain et, après avoir rendu grâce, il le rompit et dit : fondamentale énoncée dans la Lettre de
ceci est mon Corps livré pour vous, faites ceci en Jacques : « Tout cadeau de valeur et tout don
mémoire de moi. » (1 Corinthiens 11,23-24) De parfait viennent d’en haut, du Père des
même les évangélistes synoptiques, à leur tour, lumière. » (Jacques 1,17) En vivant d’action
parlent d’action de grâces sur le calice : « Puis il de grâces, le Christ, Fils de l’homme,
prit le calice et rendit grâce, il le leur donna et ils en « nouvel Adam », détruisait à la racine même
burent tous. Et il leur dit : Ceci est mon Sang, le le péché qui, sous l’influence du « Père du
Sang de l’Alliance, versé pour vous. » (Marc 14,23- mensonge », avait été conçu dans l’esprit du
24 ; cf. Matthieu 26,27 ; Luc 22,17) « premier Adam. » (cf. Genèse 3) L’action de
grâces restitue à l’homme la conscience du
7. L’original grec de l’expression « il rendit
don octroyé par Dieu « depuis le
grâce » est eucharistèsas ( d’où : Eucharistie) Ainsi
commencement » et, en même temps,
donc, le sacrifice du Corps et du Sang, institué
exprime la disponibilité à rendre à son tour ce
comme le très saint Sacrement de l’Eglise,
qui a été reçu : se donner soi-même, et toute
constitue l’accomplissement et en même temps le
chose, de tout son cœur à Dieu. C’est comme
dépassement de ses sacrifices de bénédiction et
une restitution, parce que tout a en lui son
de louange dont nous parlent les psaumes. (zebah
commencement et sa source.

101
Cours de spiritualité

« Gratias agamus Domino Deo nostros » : c’est était déjà annoncée d’une certaine manière.

l’invitation que l’Eglise place au centre de la liturgie On en trouve un présage particulier dans les

eucharistique. Dans cette exhortation aussi paroles d’Isaïe auxquelles Jésus se réfère au

résonne avec force l’écho de l’action de grâces début de son activité messianique à

dont vivait sur la terre le Fils de Dieu. Et la voix du Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur

Peuple de Dieu y répond par un humble et grande moi ; c’est pourquoi il m’a conféré l’onction et

témoignage choral : « Dignum et iustum est », il m’a envoyé pour annoncer aux pauvres la

« Cela est juste et bon. » joyeuse nouvelle, pour proclamer aux


prisonniers la libération et aux aveugles le
retour à la vue, remettre en liberté les
Jésus vient dans la puissance de l’Esprit
opprimés et prêcher une année de grâce de
Audience générale du 5 août(*) la part du Seigneur. » (Luc 4,17-19 ; cf. Isaïe
61,1-2)
1. « Je suis sorti du Père et je suis venu dans le
Ces paroles concernent le Messie, mot qui
monde ; maintenant, je quitte ce monde et je m’en
signifie « consacré par l’onction » (Oint),
vais vers le Père ; » (Jean 16,28) Jésus Christ a
c’est-à-dire celui qui vient dans la puissance
conscience qu’il tire son origine du Père : il est le
de l’Esprit du Seigneur. Jésus affirme devant
Fils parce qu’il vient du Père. Comme Fils, il est
ses compatriotes que ces paroles se
venu dans le monde, envoyé par le Père. Cette
rapportent à lui-même : « Aujourd’hui s’est
mission (missio), qui repose sur l’origine éternelle
accomplie cette Ecriture que vous avez
du Christ Fils du Père, est enracinée en lui. Aussi,
entendue de vos oreille. » (Cf. Luc 4,21)
en cette mission, le Père révèle-t-il le Fils et rend
3. Cette vérité sur le Messie qui vient
témoignage au Christ comme à son Fils, alors que
dans la puissance de l’Esprit saint trouve sa
le Fils révèle le Père. Car personne « ne connaît le
confirmation lors du baptême de Jésus dans
Fils sinon le Père, et personne ne connaît le Père
le Jourdain, toujours au début de son activité
sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le
messianique. Le texte de Jean qui nous
révéler. » (Matthieu 11,27) Le fils, qui « est sorti du
rapporte les paroles du Baptiste est
Père », exprime et confirme sa propre filiation en
particulièrement dense : « J’ai vu l’Esprit
tant qu’il « révèle le Père » devant le monde. Et il le
descendre du ciel comme une colombe et se
fait non seulement par les paroles de l’Evangile
poser sur lui. Moi, je ne le connaissais pas,
mais aussi par sa vie, par le fait qu’il vit totalement
mais celui qui m’a envoyé baptiser par l’eau
du Père, et cela jusqu’au sacrifice de la croix.
m’avait dit : « L’homme sur lequel tu verras
2. Cette mission salvifique du Fils de Dieu
descendre et demeurer l’Esprit, c’est lui qui
comme homme s’accomplit « dans la
baptise dans l’Esprit Saint. » Et moi j’ai vu et
puissance » » de l’Esprit Saint. C’est ce
j’atteste que celui-ci est le Fils de l’homme. »
qu’attestent de nombreux passages des Evangiles
(Jean 1,32-34)
et de tout le Nouveau Testament. Dans l’Ancien
Jésus est donc le Fils de Dieu, celui qui est
Testament, la vérité sur la relation étroite entre la
« sorti du Père et qui est venu dans le
mission du Fils et la venue de l’Esprit Saint (qui est
monde » (cf. Jean 16,28) pour apporter
aussi sa « mission ») était cachée, même si elle
L’Esprit saint, « pour baptiser dans l’Esprit
Texte italien dans l’Osservatore Romano du 6 août.
(*)

Traduction et titre de la Documentation Catholique Saint » (cf. Marc 1,8) c’est-à-dire pour

102
Cours de spiritualité

instaurer la réalité nouvelle de la nouvelle Dieu permit que Jésus soit tenté par l’Esprit
naissance donnée par Dieu aux fils d’Adam des ténèbres, de manière à remporter sur lui
accablés par le péché. La venu du Fils de Dieu la première victoire messianique. (Cf. Luc 4,1-
dans le monde, sa conception humaine et sa 14) Même au cours de son activité publique,
naissance virginale se sont accomplies par l’œuvre Jésus manifeste à plusieurs reprises cette
de l’Esprit Saint. Le Fils de Dieu s’est fait homme et même puissance de l’Esprit Saint à l’égard
il est né de la Vierge Marie par l’œuvre du Saint des possédés. Lui-même le met en relief par
Esprit, par sa puissance. ces paroles : « Si je chasse les démons en

4. Le témoignage que Jean rend à Jésus de vertu de l’Esprit de Dieu, c’est que le

Nazareth comme Fils de Dieu est en relation étroite Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous. »

avec le texte de l’Evangile de Luc où nous lisons (Matthieu 12,28) La conclusion de tout le

que, à l’Annonciation, Marie s’entend dire qu’elle combat messianique contre les forces des

« concevra et mettra au monde un fils qui sera ténèbres a été l’événement pascal : la mort

appelé Fils du Très-Haut. » (Cf. Luc 1,31-32) Et sur la croix et la résurrection de celui qui est

quand elle demande : « Comment cela se fera-t-il ? venu du Père dans la puissance de l’Esprit

Je ne connais point d’homme », elle reçoit cette Saint.

réponse : « L’Esprit Saint descendra sur toi et la 6. Après l’Ascension également, Jésus est
puissance du Très-Haut te prendra sous son demeuré dans la conscience de ses disciples
ombre. Celui qui naîtra de toi sera saint et on comme celui que « Dieu a consacré dans
l’appellera Fils de Dieu. » (Luc 1,34-35) l’Esprit Saint et la puissance. » (Actes 10,38)

Si donc « la sortie du sein du Père et la venue Ils se rappelaient que grâce à cette

dans le monde » (cf. Jean 16,28) du Fils de Dieu puissance, les hommes, en écoutant

comme homme (le Fils de l’homme) s’est l’enseignement de Jésus, louaient Dieu et

accomplie dans la puissance de l’Esprit Saint, cela disaient : « un grand prophète a surgi parmi

manifeste le mystère de la vie trinitaire de Dieu. Et nous et Dieu a visité son peuple » (Luc 7,16),

cette puissance vivifiante de l’Esprit Saint est « Jamais un homme n’a parlé comme cet

confirmée dès le début de l’activité messianique de homme » (Jean 7,46), et ils attestaient que,

Jésus, comme le montrent les textes de l’Evangile, grâce à cette puissance, Jésus

que ce soient ceux des Synoptiques (Marc 1,10 ; « accomplissait des miracles, des prodiges et

Matthieu 3,16 ; Luc 3,22) ou ceux de saint Jean des signes » (cf. Actes 2,22), de sorte que

(Jean 1,32-34) « toute la foule cherchait à le toucher, parce


qu’une force sortait de lui qui les guérissait
5. Déjà dans l’Evangile de l’enfance, quand il
tous. » (Luc 6,19) En tout ce que Jésus de
est dit de Jésus que « la grâce de Dieu était sur
Nazareth, le Fils de l’homme, faisait et
lui » (Luc 2,40), la présence sanctifiante de l’Esprit
enseignait, se réalisaient les paroles du
Saint est indirectement mise en évidence. Mais
prophète Isaïe (cf. 42,1) à propos du Messie :
c’est depuis le moment du baptême au Jourdain
« Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon
que les Evangiles parlent bien plus expressément
Bien-aimé en qui j’ai mis ma complaisance.
de l’activité du Christ dans la puissance de l’Esprit :
Sur lui, je mettrai mon Esprit. » (Matthieu
« Sitôt après (le baptême), l’Esprit le poussa au
12,18)
désert », dit Marc. (Marc 1,12) Et au désert, après
une période de quarante jour de jeûne, l’Esprit de

103
Cours de spiritualité

7. Cette puissance de l’Esprit Saint s’est 8. Donc Jésus Christ, le Fils de Dieu, vient
manifestée totalement dans le sacrifice rédempteur dans le monde par l’œuvre de l’Esprit Saint
du Christ et dans sa Résurrection. Vraiment, Jésus et, comme Fils de l’homme, il accomplit
est le Fils de Dieu que « Le Père a consacré et totalement sa mission messianique en vertu
envoyé dans le monde. » (Cf. Jean 10,36) de la force du Saint Esprit. Mais, si Jésus
Répondant à la volonté du Père, il s’offre lui-même Christ agit par cette puissance au cours de
à Dieu par l’Esprit, comme victime sans tache, et toute son activité salvifique et, à la fin, lors de
cette victime purifie notre conscience des œuvres sa Passion et de sa Résurrection, alors c’est
de mort, afin que nous puissions servir le Dieu l’Esprit Saint lui-même qui révèle qu’il est le
vivant. (Cf. Hébreux 9,14) Ce même Esprit Saint, Fils de Dieu. De sorte qu’aujourd’hui, grâce à
comme en témoigne l’apôtre Paul, « a ressuscité l’Esprit Saint, la divinité du Fils, Jésus de
Jésus d’entre les morts » (Romains 8,11) et, par Nazareth, resplendit devant le monde. Et
cette « résurrection d’entre les morts », Jésus « personne ne peut dire – comme l’écrit saint
Christ reçoit la plénitude de la puissance Paul – « Jésus est Seigneur », sinon sous
messianique et est définitivement révélé par l’Esprit l’action du saint Esprit. » (1 Colossiens 12,3)
Saint comme « Fils de Dieu avec puissance «  
(littéralement : « constitué Fils de Dieu avec
puissance selon l’Esprit de sanctification par la
résurrection d’entre les morts. ») (Romains 1,4)

104
Cours de spiritualité

Une formation à la prière


(Article du cardinal Danneels (Documentation
Catholique n° 2111 (page 229) 1995)

La formation théologique n’est pas un but en


soi : elle doit conduire à la prière. Il ne s’agit
pas seulement de comprendre, il faut aussi
apprendre à prier.

Prier c’est respirer, sortir de soi-même, se


rendre vulnérable devant le Seigneur et vivre
dans une atmosphère du « Oui. »

Il est important d’apprendre aussi les


différentes formes de prière :

- la prière dans la vie, qui n’est rien d’autre


qu’une attitude de disponibilité totale envers
le Seigneur ;

- la méditation des Ecritures. Voici une


petite méthode très simple pour apprendre à
prier avec l’évangile. Il suffit de se poser deux
questions : « Que dit le Christ ? Que m’offre-t-
il dans ce passage ? et : Qu’attend-il de
moi ? » Dans chaque passage, il y a une
promesse, un don et il y a une exigence, un
appel ;

- la Prière des Heures. L’apprentissage de la


prière des psaumes libère du petit cercle
dans lequel on risque de ronronner : la
supplication, la louange … Le Psautier, avec
ses 150 psaumes, nous apprend à jouer sur
tous les registres de l’orgue et pas seulement
sur l’un ou l’autre. Il ne faut pas
nécessairement prendre toute la Prière des
Heures telle qu’elle est structurée. Il s’agit
surtout de se laisser apprivoiser par le
Psautier ;

- le rosaire ou le chapelet. Cette prière toute


simple, que l’on appelle le « Psautier du
pauvre », nous apprend à entrer dans les
attitudes d’âme de Marie, en faisant passer
tous les mystères du Christ dans son cœur ;

105
Cours de spiritualité

- la prière liturgique : L’Eucharistie en particulier, réunion biblique ou de partage spirituel qui se

mais aussi la célébration de la Réconciliation et termine par un temps d’adoration, ni même

des autres sacrements. Il est très important que les de liturgie d’adoration. Cela constitue un

membres des équipes pastorales ne soient pas grand appauvrissement. Nous sommes pris

seulement informés de l’architecture extérieure dans un véritable goulot : tout doit se faire au

d’une liturgie (enchaînement des parties, cours de l’Eucharistie, dans laquelle on veut

formulation des intentions, animation de par ailleurs tout mettre…

l’assemblée…) Il faut qu’ils aient le sens de - susciter un pèlerinage de la communauté


l’architecture intérieure de la liturgie, de ce qu’est – pas nécessairement loin, vers un sanctuaire
réellement l’Eucharistie, de la dynamique qui du voisinage, par exemple – appartient aussi
l’habite : les rites d’apprivoisement entre Dieu et à cette culture de la prière. Cette démarche à
l’homme (liturgie pénitentielle), le don de la parole l’avantage d’arracher la communauté à son
de Dieu et la réponse des hommes (credo, petit horizon pour la tremper dans un peuple
intercession), « le cœur à cœur » (la prière en marche et nous rappeler notre condition
eucharistique, où il n’est plus question que du de pèlerins ;
Père, du Fils et de l’Esprit Saint et de l’Eglise) et - fonder des groupes de prière dans la
« le corps à corps » (la communion 1) paroisse ou créer des occasions de se
rencontrer dans la prière ;
Que faire ?
- encourager la prière domestique, à la
Que faire pour développer ce sens de la prière que maison. C’est tout un domaine dont on ne
l’équipe pastorale devrait avoir particulièrement à parle pratiquement pas. Inviter les fidèles à
cœur ? Voici quelques suggestions : créer un coin de prière chez soi et donner un
- promouvoir une culture de la prière au sein de temps réservé à Dieu ; prière du matin et du
la communauté, car on prie très peu dans notre soir, avant et après le repas, partage
Eglise. Il faut augmenter le taux de prière, susciter d’Evangile en couple, prière avec un enfant…
le désir de réconciliation avec Dieu et réapprendre 
le sens du silence ;

-soigner la prière dans les réunions. Que celle-ci


ne soit pas simplement une formalité, une fenêtre
que l’on ouvre et ferme après la rencontre, mais
une disponibilité réelle à la volonté de Dieu.
Combien de fois se demande-t-on, au début d’une
réunion : « Que veut Dieu pour le bien de l’homme
et que veut-il, ici et maintenant ? » On se dit plus
souvent : « Que voulons-nous ici pour le bien de
Dieu ? »

- déployer la grande variété des formes de


prière. Il n’y a pratiquement plus de vêpres, ni de

1
A dimanche ? Rendez-vous à l’église. Message de Pâques
1993 du cardinal Danneels

106
Cours de spiritualité

Chapitre VII « La prière de Marie »

Marie, fille d’Israël

Elevé dans la foi juive la plus pure, dans le respect de la Loi, dans le culte extérieur mais aussi intérieur et
spirituel, Marie, selon la Tradition, s’offrit à Dieu dès sa jeunesse, comme le fait entendre don propos de
virginité à l’Annonciation. (CF. Amos 5,21 ; 1 Samuel 15,22 ; Psaume 40,9 ; 69,31-32)

Le code deutéronomique parlait des premiers-nés qui devaient être consacrés à Dieu ; il s’agit du mâle, du
premier-né parmi les fils que l’on rachète, comme le sera Jésus. (Cf. Exode 13,1 ; 13,12)
Au seuil de la nouvelle alliance, où il « n’y a plus ni homme ni femme » (Galates 3,28) , Marie est toute
consacrée à Dieu avec l’attitude intérieure que décrit le Siracide : « Glorifie le Seigneur avec générosité et
ne sois pas avare des prémices que tu offres. Chaque fois que tu fais une offrande, montre un visage
joyeux et consacre la dîme avec joie. Donne au Très-Haut comme il t’a donné, avec générosité, selon tes
moyens. Car le Seigneur paie de retour, il te rendra au septuple. » (Siracide 35,7)

La nouvelle Eve – à l’image de Dieu et à sa ressemblance – (Genèse 1,26) vit dans l’intimité de Yahvé,
comme Eve au Paradis terrestre ; elle n’est pas séparée de lui par le péché originel : elle en a été
« préservée par une grâce venant déjà de la mort de son Fils. » (Collecte du 8 décembre) Marie vit
continuellement sous le regard de Dieu, en sa présence, dans l’amour, (Genèse 3,10) et elle n’éprouve
jamais le besoin de se cacher car elle ne revendique pas d’être comme Dieu. Etre une créature aimée de
Dieu, animée de son Esprit, à son service, voilà tout son bonheur. (Cf. Genèse 3,5)

Quelle est sa prière ? Cette de toute famille juive pieuse. Les psaumes, le shema, qu’il faut relire en se
mettant à la place de Marie…
Sa prière est aussi la conversation incessante de son cœur avec Yahvé. Si Abraham était « l’ami de Dieu »
(Daniel 3,35), si Yahvé « connaissait Moïse face à face » (Deutéronome 34,10) que dire de Marie !

Dans cette conversation-contemplation de Marie, plusieurs lignes de force :


- une conscience aiguë de la grandeur de Dieu ;
- une note particulière de joie, d’allégresse. (Comment serait-elle triste, puisqu’elle est
« comblée de la faveur divine. » Elle est « plus jeune que le péché » avec cette allégresse propre à la
jeunesse.)
- une disposition fondamentale et permanente à faire la volonté du Très-Haut : elle se définit
comme « la servante. »
- une intercession très pure pour son peuple dont elle ne se sépare pas, intercession qui est
déjà une médiation maternelle. Le titre de « Mère en Israël » donné à Débora s’applique encore bien plus à
elle.

107
Cours de spiritualité

Nous retrouvons tout cela dans les récits de l’Annonciation et de la Visitation.( Luc 1,26-38) A la parole de
l’ange qui lui assure qu’elle est comblé de la grâce divine, que Yahvé le Seigneur est avec elle, elle
s’humilie, elle s’interroge. « Toute troublée, elle se demandait ce que signifiait cette salutation. » Quand
Marie « s’interroge », je traduis : Marie « prie » et demande en dialogue avec son Dieu ( Cf. Luc 18,1): elle
prie sans cesse, comme le demandera Jésus. Ce n’est pas par elle-même ni en elle-même qu’elle va
trouver une réponse, mais en Dieu. (Idem pour : elle conservait tous ces événements et les méditait dans
son cœur.)
Ce n’est pas au niveau psychologique que Marie se place – le retentissement que provoque en elle
l’annonce de l’ange – mais au plan théologal, dans la relation de la créature à son Créateur.
Ses deux paroles suivantes montrent en effet quelqu’un de bien réaliste, d’engagé : « Comment cela se
fera-t-il » et « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole. »

Le Magnificat trahit la prière habituelle de Marie :

- par les citations de psaumes : 34 ; 111 ; 103 ; 107 ; 89 ; 98


- par ses références aux prières de l’Ancien Testament : 1 Samuel 2,1-10 ; Isaïe 6,10 ;
habaquq 3,19 
- par son caractère de louange joyeuse avec laquelle elle se donne tout entière : Luc 1,38.48
- par sa relation étroite avec son peuple pour lequel elle intercède : Luc 1,48.54-55

Marie, Mère de Jésus et de l’Eglise.

Il faudrait méditer la prière de Marie après l’incarnation :

 A Bethléem.
 A la présentation de Jésus au Temple : elle offre son premier-né, il est pour le Seigneur.
 Avec Jésus enfant, et avec Joseph
 Au recouvrement au Temple.
 Dans la vie cachée à Nazareth
 A Cana, dans la vie publique ; elle « écoute la parole »
 Au Calvaire
 Au Cénacle.

La prière de Marie au ciel.

Dans le « Je vous salue, Marie », nous disons « Sainte Marie, prie pour nous » Donc Marie prie au ciel.
Comme toute créature rachetée par le sang du Christ, elle prie au nom de Jésus, par lui, avec lui et en lui.
Jésus est « le seul médiateur » (Jean 16,23.26), toute grâce nous vient de lui. « Il n’y pas d’autre nom par
lequel nous devions être sauvés. » (Cf. 1 Timothée 2,5 ; Actes 4,12)

108
Cours de spiritualité

La place et le rôle de Marie au ciel nous sont bien expliqués par le Père René Laurentin dans le texte
suivant extrait de son livre : Court traité sur la Vierge Marie. On peut aussi se référer à son ouvrage  : Une
année de grâce avec Marie, paru en 1987 à l’occasion de l’année mariale.

Au-delà du voyage.
Constatation paradoxale : en entrant dans la gloire, Marie semble perdre quelque chose. En quittant la
condition terrestre et voyagère, elle perd la capacité de mériter. Mais ce n’est là une privation qu’en
apparence. Si la Mère de Dieu perd cette faculté, c’est que ses mérites sont à leur comble, c’est que sa
destinée est accomplie.
Tout le reste est manifestement positif.

« Toujours avec le Christ. » (1 Thessaloniciens 4,17)


D’abord elle retrouve son Fils après une longue séparation : celle de la vie publique et celle du temps qui
suivit sa mort sur la Croix. Désormais, la réunion est définitive. Elle est sans ombre. Mais ne connaît plus
son Fils, à travers les signes terrestres, obscurs et limités, mais dans le face à face de la divinité. Elle le
connaissait comme Dieu à travers son humanité. Maintenant, elle connaît son humanité à travers sa divinité
même.

Connaissance maternelle.
En cette dernière étape, la maternité spirituelle de Marie connaît son dernier achèvement. Dès avant
l’Annonciation, la Vierge avait, disions-nous, une âme de Mère à l’égard des hommes. Sa grâce maternelle
a reçu de nouveaux fondements à l’Incarnation, puis au Calvaire, parallèlement à la grâce capitale du
Christ et en sa dépendance. Tandis que le Christ, en s’incarnant, devenait radicalement chef des hommes,
Marie devenait radicalement leur Mère. Tandis qu’il devenait formellement leur chef en méritant avec lui ; et
le Christ avait choisi cette « heure » pour proclamer sa mission maternelle. (Jean 19,25-27) Cette maternité
était devenue effective à la Pentecôte, lorsque le régime de la grâce était entré en vigueur. Au ciel, elle
devient consciente. Auparavant, Marie, plongée dans l’obscurité de la foi, ne savait pas le pouvoir et l’effet
de son intercession. Elle ne connaissait pas, comme le Christ (Jean 10,12), chacune des brebis du
troupeau. Maintenant elle connaît en Dieu chacun de ses enfants. Elle les avait aimés en son Fils d’un
amour universel mais indistinct : Dans la vision bienheureuse, elle les connaît de façon individuelle et
personnelle, d’une connaissance maternelle plus intime que celle des autres saints.
Un dernier trait révèle la chaleur et l’intimité de cette connaissance : par son corps, ressuscité comme celui
du Christ, Marie garde à notre égard une connaturalité physique et une capacité affective dont les autres
saints sont aujourd’hui privés, selon l’opinion commune.

Activité maternelle.
La maternité céleste de Marie implique donc une connaissance très parfaite de ses enfants  : parfaite en
son principe parce qu’elle procède de la vision divine, parfaite en son intégrité, parce que l’harmonique
sensible de toute connaissance humaine y trouve sa pleine résonance. Mais être mère e n’est pas
seulement connaître, c’est aussi agir. En quoi consiste l’action de Marie à l’égard de ses enfants  ? C’est
une question difficile et disputée.

109
Cours de spiritualité

Un point est fortement attesté par la Tradition. La Mère de Jésus exerce une intercession universelle, une
intercession vivante, qui procède de l’amour. Une mère ne connaît pas ses enfants à la façon dont un
savant enregistre froidement des phénomènes. Sa connaissance est toute pleine d’intentions, de désirs,
comme celle de l’artiste à l’égard de ses œuvres, avec cette différence que les œuvres sont ici des
personnes. Mais ces désirs de Marie à l’égard de ses enfants, ce sont les désirs même de Dieu. Et c’est un
anthropomorphisme dérisoire que d’opposer la justice divine à la miséricorde maternelle de Marie. La prière
miséricordieuse de la Vierge est efficace parce qu’elle est l’expression même de l’amour du Dieu de
miséricorde.
Est-ce à dire qu’elle soit inutile ? Non pas. Car Dieu, dont la puissance n’a besoin de personne, s’est plu,
par un dessein tout de délicatesse, à faire de la Rédemption l’œuvre des hommes, en sorte que le salut soit
tout entier, et à chacune de ses étapes, au plan céleste comme au plan terrestre, labeur humain en même
temps que divin : il se fait homme pour sauver les hommes ; il associe une femme à sa mission salvifique ;
il remet l’Eglise aux mains de simples hommes : les apôtres et leurs successeurs, et se plait à leur faire
accomplir des œuvres « plus grandes » que les siennes (Jean 14, 12 ; cf. 4,38) ; il fait mériter à chaque
homme son propre salut, etc. Le rôle accordé à l’intercession de la Vierge et des saints manifeste le même
propos tout de délicatesse à l’égard des hommes. Dans cet ordre, Marie dépasse les saints, car en son
cœur, comme en celui de son Fils, l’amour divin trouve une résonance parfaite : résonance pur, parce que
Marie est sans péché, pleine, parce qu’elle est pleine de grâce, sensible et chaude, parce qu’elle est déjà
glorifiée intégralement âme et corps. Enfin , Marie est femme et cela donne à son intercession une nuance
irremplaçable. Comme le cœur du Christ donne l’harmonique viril de l’amour divin, le cœur de Marie en
donne l’harmonique féminin et maternel. Dieu se plait donc à écouter ce double écho de ses propres
intentions dans la liberté humaine. Et c’est pourquoi il accorde tant de prix à l’intercession de la sainte
humanité du Christ et de la personne de la Vierge qui lui est si étroitement et si harmonieusement liée.
Comme la prière céleste du Christ et en cette prière même, celle de Marie a donc, par la disposition de
Dieu, une efficacité véritable et universelle. Quel est le mode de cette efficacité ? sans entrer dans les
discussions que soulève cette question 1, on peut proposer quelques précisions positives. L’amour de Marie
pour ses enfants est, nous l’avons vu, plein de désirs et d’intentions qui reflètent dans son cœur de femme
comblée de grâce, les désirs même de Dieu. Elle redit à Dieu ce qu’elle souhaite comme lui, un peu comme
une femme se plait à dire à son mari et celui-ci à entendre d’elle une pensée chère, un vœu secret de son
cœur. Dans quelle mesure ses désirs atteignent-ils des hommes ? Par leur vertu propre, ils les atteignent
intentionnellement, c’est-à-dire en pensée, mais non pas réellement, c’est-à-dire en action. Car les souhaits
humains, si ardents qu’ils soient, n’apportent pas en eux-mêmes le principe de leur réalisation. Dieu seul
peut accomplir les vœux surnaturels de Marie pour ses enfants. Faut-il donc se représenter une action en
deux temps ? Comme nous voyons dans la Bible Bethsabée confier sa demande à David, puis le laisser
agir (I Rois 1), Marie prierait, puis assisterait en spectatrice au déploiement de la puissance divine. Cette
représentation matérielle et terrestre méconnaîtrait la communion spirituelle et céleste qu’implique la vision
béatifique. Il faut se méfier ici de l’imagination. Comme nous avons refusé de dissocier les intentions de
Marie et celles de Dieu, gardons-nous de dissocier l’action de Dieu et celle de Marie. Le ciel, c’est en effet,
1
Sur le mode de causalité de Marie au ciel, on trouvera un status quaestionis dans G. Roschini, Mariologia, 1947, t. 2,
pars. 1, p. 408-421 ; E. Druwé, la médiation universelle dans Maria I, p. 558-559 , etc. Les deux thèses en présence sont
causalité physique et morale ; mais il y a bien des nuances diverses : causalité intentionnelle, dispositive, instrumentale,
etc. Signalons d’heureuses notations dans l’article de M.J. Nicolas, Essai de synthèse mariale, dans Maria I, p. 739-740,
ainsi que dans J. Bur, Médiation mariale, Paris, Desclée de Brouwer, 1955.

110
Cours de spiritualité

pour Marie comme pour tous les élus, mais au degré le plus élevé, une communauté parfaite, une intériorité
totale avec Dieu. N’imaginons donc pas entre elle et lui un dialogue aux réponses successives, et comme
le jeu d’une balle qu’on se renvoie. Comme l’intention de Dieu inspire et pénètre de l’intérieur l’intercession
de Marie, la vertu de Dieu lui est pareillement intérieure. La puissance divine comble cette impuissance et
cette stérilité qui sont celles des souhaits humains. Dans cette intimité totale et réciproque, les souhaits de
Marie atteignent leur effet, non seulement de façon intentionnelle, mais de façon réelle, car la puissance de
Dieu inspire et pénètre sa prière, et donne à ses désirs, qui sont, comme tous les désirs, des actions
inchoatives et esquissées, d’atteindre leur but. Nous ne saurions préciser davantage le mode de cette
interpénétration, évidemment fort différente de celle qui existe dans le cas des sacrements ; mais il semble
qu’il convienne à une mère d’atteindre ainsi ses enfants, non seulement en intention, mais réellement, et
qu’il soit difficile d’expliquer autrement l’expérience si souvent attesté de la « présence de Marie » dans la
vie des chrétiens.

« Médiation. 2 »

On s’étonnera peut-être de ne pas avoir entendu parler en tout cela de la « médiation mariale. » De fait, il
ne serait pas nécessaire d’en parler explicitement si cette question n’avait pris tant d’importance. En effet,
ce mot, polyvalent dans la tradition, recouvre de façon souvent équivoque, divers aspects de la mission de
Marie dont nous avons déjà parlé en d’autres termes.
Sa médiation, ce fut d’abord la très pure intercession de sa prière avant l’Annonciation : intercession déjà
maternelle, car Marie, mieux que Débora, méritait d’être appelée « Mère en Israël. » (Juges 5,7) en effet, la
médiation qu’Israël avait exercée depuis Abraham en faveur du monde pécheur (Genèse 18,17-23) atteignit
en elle sa plus haute efficacité.
Puis, ce fut le rôle de lien qu’elle exerça à l’Incarnation : sa sainteté fut un pont entre le Dieu saint et
l’humanité pécheresse ; par elle le Verbe put entrer sans souillure dans la race souillée. C’est à ce moment

2
Sur la « Présence » de Marie, voir E. Neubert, L’union mystique à la Sainte Vierge, dans la Vie Spirituelle 50 (1937),
p. 15-29 ; Gregorio de Jésus Crucificado, OCD, la acclon de Maria en las almas, dans Estudios marioanos 11 (1951), p.
255-278. S. Matellan, Presencia de Maria en la experencia mistica, Madrid, Coculsa, 1962, S. Ragazzini, Maria vita
del anima, Roma, Desclée, 1960.
On trouve les premières expressions de cette présence chez les homélistes byzantins : « De même que vous avez
demeuré corporellement avec ceux du temps passé, ainsi vous vivez avec nous en esprit  ; la puissante protection dont
vous nous couvrez est un signe de votre présence parmi nous. » Saint Germain de Constantinople (Sermo I, in Dorm.,
3, PG 98, 344 D. Cf. 345 A et 345 C.) « Qu’y a-t-il de plus doux que la Mère de Dieu ? Elle captive mon esprit, elle a
ravi ma langue, je me la représente jour et nuit . » Saint Jean Damascène, S. 3 in Dorm., 19, PG 97, 752 BC.
« Douce est sa mémoire, mais plus douce sa présence » (cujus felix memoria, sed felicior est presentia), écrit un auteur
antérieur à la fin du XII ème siècle, qui est peut-être Pierre Damien, Liber salutatorius, ms. De La Bib. Nat. Nouv.
Acquisitions latines 186, éd. J. Leclercq, dans Eph. Liturg., 72 (1958), p. 33.
Ce phénomène spirituel est fréquent à partir de Saint Bernard. Au XVIIème siècle on le trouve même à Port-Royal chez
Marie-Claire Arnauld, qui appelle Marie « la seule voie par laquelle je puis espérer la miséricorde de Dieu » et ajoute
aussitôt : « Je suis la plupart du temps tout occupée d’elle et ne vivant que sous son ombre » (Lettre à Monsieur Singlin
dans Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal, Utrecht, 1942, t. 3, p. 471. Les façons d’exprimer cette présence
sont très diverses : « Marie ne me quitte pas. Quoiqu’elle ne soit pas visible, je sens sa présence et sa protection » (Marie
Colette du Sacré-Cœur, 1857-1907, citée par J.-J. Navatel, Sœur Marie-Colette du Sacré-Cœur, religieuse clarisse du
monastère de Besançon, Paris, Gigord, p. 208) « Je ne la vois pas, mais je la sens comme le cheval sent la main du
cavalier qui le mène. » (Vénérable Cestac, cité par Bordarrampé, Le Vénérable L.-E. Cestac, Paris, Gigord, 1925, p.
458.) Il s’agit pour l’essentiel, non d’une présence sensible, mais d’une présence de l’ordre de la foi et de la charité  : une
reconnaissance du rôle de Marie dans la communion des saints.
On doit soigneusement distinguer cette présence de la présence créatrice de Dieu : Dieu nous fait exister, il nous actue
selon la grâce. Sans son action nous cesserions d’être. La présence de Marie n’opère rien de si radical. Elle est de l’ordre
de sa communion d’intention et d’agir avec Dieu dans la gloire céleste.

111
Cours de spiritualité

que Marie est médiatrice au sens le plus significatif du mot : intermédiaire entre la corruption humaine et la
transcendance divine pour l’Incarnation du Fils de Dieu.
Lorsque le Verbe s’est fait homme, il devient « seul Médiateur. » (1 Timothée 2,5) Dès lors, la médiation de
Marie prend une signification nouvelle : elle ne prépare plus la médiation du Christ, mais l’accompagne en y
participant de l’intérieur. Même là où sa médiation semble prendre une sorte de consistance propre :
lorsqu’elle joue ce rôle de lien que nous avons vu entre le Christ et l’Eglise. Sans doute les conditions
matérielles de la vie terrestre lui donnent encore un rôle qui peut être appelé en un sens médiateur : c’est
elle qui porte Jésus incarné en elle à sa cousine Elisabeth et à Jean Baptiste  ; c’est elle qui le remet entre
les bras de Siméon. C’est elle encore qui intercède à Cana pour lui faire observer ce fait matériel que le vin
est venu à manquer. Sans doute le rôle que Marie exerce en tout cela garde-t-il quelque chose de la
pérennité qui est celle des mystères de la vie du Christ. Mais au ciel, dans la gloire, les limitations qui
étaient le fait du Christ-enfant ou du Christ-homme, ces limitations qui appelaient son intervention
médiatrice se trouvent dépassées. Désormais elle est moins médiatrice auprès du médiateur qu’en Lui et
par Lui. Non seulement toute les ressources qu’elle engage en sa médiation sont d’abord et intégralement
un don « du seul Médiateur », mais toute sa situation d’intermédiaire se trouve dépassée par son état de
communion totale, d’intériorité totale à l’égard du Christ. Le mot médiation n’a donc plus qu’un sens relatif.
En définitive, la « médiation universelle » de Marie, au sens qui prévaut aujourd’hui, n’est qu’un autre nom
de sa maternité universelle à l’égard des hommes. Et cette dernière expression présente des avantages sur
la précédente : elle est plus concrète, plus biblique (Jean 19,25-27 ; elle est enseignée plus formellement
par le Concile 3 ; elle manifeste de manière plus obvie le fondement du rôle de Marie à l’égard des
hommes ; elle évite de heurter le texte paulinien sur le Christ seul Médiateur. On pourrait ajouter qu’elle
parle mieux au cœur des hommes. Elle paraît donc simple. Et pourtant, elle a sa complexité. La maternité
de Marie à l’égard des hommes n’a pas le même fondement que sa maternité à l’égard du Christ. Car Marie
a mis Jésus au monde corporellement, et c’est spirituellement, car par adoption, qu’elle est devenue Mère
de ses autres enfants. Si elle est spirituellement « Mère des membres que nous sommes… elle n’est pas
Mère en esprit de notre chef le Sauveur ; elle en est plutôt née spirituellement », dit saint Augustin. L’unité
indéniable qui existe entre ces deux maternités tient à l’unité de la mission de Marie, à la manière dont la
grâce s’épanouit en elle, aux virtualités maternelles du cœur féminin pour cette double tâche, enfin à l’unité
des hommes dans le Christ… (Développement de la destinée de Marie – Court traité sur la Vierge Marie du
Père René Laurentin p. 150-154.)

3
Le Concile a été très discret sur la médiation. Il insiste sur le fait que le Christ est «  seul Médiateur » (Constitution sur
l’Eglise, n°s 60 et 63), et se borne a justifier, brièvement et parmi d’autres, l’application à Marie du titre de
« médiatrice » : « C’est pourquoi la Bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Eglise sous les titres d’Avocate,
d’Auxiliatrice, Aide et Médiatrice ; ce qui s’entend de manière à ne rien enlever, à ne rien surajouter à la dignité et à
l’efficacité du Christ seul Médiateur. » Sur la question de la médiation dans le texte conciliaire, voir René Laurentin, La
Vierge au concile, Paris, 1965, Lethielleux, chapitre 6 § 2, p. 115-129.

112
Cours de spiritualité

La Prière Von de Marie par Adrienne Speyr

Le Père Dominique Auzenet, recteur de la basilique et du centre spirituel de Notre-Dame du Chêne, dans
la Sarthe, nous invite à retrouver la Prière à Marie a travers les œuvres spirituelles d’une grande mystique
contemporaine, spécialement dans « Le monde de la Prière » et « La Servante du Seigneur. » Mais qui
était Adrienne von Speyr, l’inspiratrice du célèbre théologien Urs von Balthasar.

En 1988, mourait à Bâle, en Suisse, le grand théologien Urs von Balthasar. Né à Lucerne en 1905, prêtre
en 1936, nommé cardinal quelques jours avant sa mort, il est l’auteur d’une œuvre considérable. La pièce
maîtresse en est la trilogie : La Gloire et la Croix – La Dramatique divine – et Théologique. Une grande
mystique fut associée à l’élaboration de sa pensée, comme de leur œuvre commune : un Institut séculier
d’inspiration johannique et ignatienne. Elle est trop peu connue. C’est Adrienne von Speyr. Née en 1902,
protestante, médecin, elle eut deux mariages successifs, entra dans le Catholicisme en 1940, avec la
rencontre du Père H. Balthasar. Pendant 25 ans, il sera son confesseur et le témoin de son extraordinaire
charisme de prière, de prophétie et d’interprétation des Ecritures. Adrienne laisse une œuvre immense  : 60
volumes ! Commentaire, verset par verset, de l’ensemble du Nouveau Testament, des Prophètes et des
Psaumes.

Cette prodigieuse activité scripturaire et mystique est menée de front par Adrienne von Speyr avec sa
profession médicale, marquée par l’oubli de soi et la compassion sans limites pour autrui. Jusqu’à ce que la
maladie et la cécité lui font reconnaître et témoigner « la joie de n’avoir plus rien devant soi que Dieu seul. »
Les deux œuvres celle du théologien et celle de la mystique vont demeurer inséparables comme les « deux
moitiés de la même lune. » Adrienne, consumée du désir de voir la Vérité tout entière, réalise sa « pâque »
en la f^te de sainte Hildegarde de Bingen, illustre médecin et mystique aussi, au 13 e siècle, le 17
septembre 1967. Se reporter à l’article important du Dictionnaire de Spiritualité 1989 (notre N.d.I.R.)

Nous sommes habitués à faire une approche de la prière mariale en tant que prière avec Marie.
Cependant, on peut aussi essayer de saisir ce que fut la prière de Marie elle-même pendant sa vie
terrestre. Nous allons pour cela méditer quelques écrits d’Adrienne Von Speyr.

1. De l’annonce à la naissance de Jésus

A l’annonciation : la prière du oui.


« Elle dit oui, pleine qu’elle est de sa grâce divine, mais elle demande aussi : « Comment est-ce possible,
puisque je ne connais pas d’homme ? » Cela la caractérise comme étant une jeune fille calme, normale,
instruite, sage, qui en même temps se donne totalement. Qui calcule humainement et qui jette tout dans le
plateau de la balance divine. « Qu’il me soit fait selon ta parole. » Le naturel et le surnaturel sont en
équilibre. Lucidité et ravissement, le monde tous les jours et le monde de Dieu ont leur place en elle. L’un
n’exclut pas l’autre, l’un parachève l’autre. » (MP1 89-90)

Lors de la Visitation : la prière de louange

1
MP = Le monde de la Prière, Culture et Vérité, Brepols, 1995

113
Cours de spiritualité

« Marie commence par glorifier Dieu et met dans cette louange toute la joie de son âme. Elle a toujours
glorifié Dieu dans le silence et le fera ainsi tant qu’elle vivra. Mais il appartient à sa mission qu’elle le fasse
une fois en public, devant des témoins. Dieu a besoin ici de sa confession. Elle doit répondre à ce
qu’Elisabeth perçoit chez elle, et cette réponse lui est inspirée par le Père lui-même ; elle contient tout le
message de la Mère à Elisabeth, et à travers celle-ci à l’humanité. » (SS2 55)

Pendant la grossesse : elle prie le Père et l’Esprit pour lui.


« Elle sait qu’il est le Messie et elle lui consacre, à lui et à son œuvre, beaucoup de prière. Déjà maintenant
elle prie le Père et l’Esprit pour lui, afin qu’il puisse disposer par elle d’un trésor de prière, lorsqu’il sera
homme à côté d’elle. Afin qu’il ne se sente pas trop seul. Pour que la distance entre sa divinité et son
humanité lui paraisse en quelque sorte supportable en raison de se trésor de prières. Pour qu’il ne se
heurte pas partout à des obstacles. Pour qu’en elle et en saint Joseph il n’ait pas seulement des êtres
humains sur lesquels il puisse se reposer et qui sont là pour lui, mais pour qu’il obtienne par eux deux une
relation de prière avec le Père, différente de sa vision du Père, simplement une prière mise à disposition,
une prière qui comprend dans la foi. » (MP 91-92)

A la naissance : joie et contemplation


«  La prière à la naissance du Fils appartient à ce qu’il y a de mystérieux, car ce par quoi la femme passe
normalement d’une manière purement corporelle, se déroule chez la Mère du Seigneur dans la prière. (…)
Dieu prend les paroles de sa prière et les fait éclater en quelque sorte par son Verbe divin. Elle participe à
un événement en elle qui est prière et qui est la naissance du Verbe, et elle renaît dans ce Verbe qui naît. »
(MP 93)
« La prière qui débute comme dans l’anxiété, avec le sentiment de n’être pas à la hauteur, est en quelque
sorte guidée à travers les phases d’une naissance normale, pour déboucher dans une prière d’exultation,
de joie débordante, de gratitude, mais aussi de contemplation étonnée. C’est donc cela ton Enfant  ! » (MP
93-94)

2. Pendant l’enfance

La fuite en Egypte : entre le danger et la sécurité


« Marie est à la fois rassurée et inquiète. Inquiète non pas pour ce qui la concerne, mais à cause de la
menace qui a pesé sur l’Enfant et parce qu’elle doit s’en remettre à Joseph de ce qui, jusqu’ici, lui revenait.
Elle a dit oui à l’ange et a ainsi assumé une responsabilité. Mais le voyage, avec tout ce qu’il comporte,
d’inattendu et de subit, est à présent confié à Joseph. Et elle doit réapprendre à se confier à un être
humain, après s’être confié à l’ange, à l’Esprit, au Père et à l’Enfant. » (MP 95)
« Et chaque pensée qui lui vient dans la prière, chaque vision qu’elle reçoit en priant, chaque contemplation
qu’elle fait, oscille entre le danger du chemin terrestre et l’infinie sécurité en Dieu, entre cet Enfant sans
défense qui lui est confié et la conduite de tous les hommes par le Messie. » (MP 96)

L’enfance de Jésus : la prière chrétienne dans la famille

2
SS = La Servante du Seigneur, Lethielleux, 1979

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Cours de spiritualité

« Dans cette vie en commun, c’est une prière où elle prie Dieu de les bénir tous les trois, pour que l’Enfant
soit vraiment à sa bonne place, dans les mains qu’il faut, et qu’il apprenne de Joseph et d’elle, comme
homme et comme Dieu, ce qui l’attend. » (MP 95)
« Elle adore le Dieu trinitaire et le Fils qui s’est fait homme. Sans cesse, elle doit prendre sa maternité au
sérieux, être à l’égard de l’Enfant ce qu’une mère doit être et, néanmoins, prendre au sérieux la divinité de
Jésus, Et, dans sa prière, elle sait parfaitement qu’elle introduit quelque chose de nouveau : la prière
chrétienne dans la famille. Elle lui est confiée, c’est un don de Dieu et cela représente pour elle une joie qui
prend dignement place parmi les joies d’être Mère de Dieu et d’avoir auprès d’elle l’Enfant divin. » (MP 97)
« Et Marie doit demander à Dieu le Père de lui donner l’esprit l’incitant à rencontrer humainement le Fils,
comme il le désire, à initier ainsi l’Enfant à sa vie humaine, comme peut le faire une mère digne, et à lui
ouvrir en même temps les sens à tous les désir du Fils, de sorte qu’elle y réponde. » (MP 97)
« En priant, elle laisse Dieu disposer continuellement de son âme. (…) Elle vit près d’une source dont elle
sait qu’elle est alimentée par son Fils. Et elle l’accepte comme une chose qui va de soi, comme le Fils a
accepté son lait et sa sollicitude. C’est un échange humain, mais qui s’effectue en Dieu. Et elle accepte
l’humano-divin du Fils, pour le donner dans sa prière et à Dieu et aux hommes. » (MP 98)

Après la recherche du garçon de 12 ans : Vers une prière adulte


« Ce fut un profond bouleversement dans sa vie lorsqu’elle et Joseph perdirent l’Enfant et ne le
retrouvèrent qu’au bout de trois jours. Un bouleversement qui n’était pas comparable à la visite de l’ange  : il
était beaucoup plus terrifiant. Tout en sachant qu’elle retrouverait le Fils, la Mère, dans cette perte, reçut un
avant-goût de la croix qui se reflétait curieusement dans sa prière. D’un côté, c’était la prière de la
confiance : il est Dieu et il a suivi des chemins divins. Mais c’était aussi la prière de l’angoisse  : il lui est
confié, et il ne sait pas où il est. » (MP 99)
« Et après l’événement, quand Dieu demande la reprise de la vie quotidienne, la prière de tous les jours
reprend, assurée en Dieu. Mais l’adoration du Fils a changé. Il est le Dieu qui dispose. Le Dieu qui sait tout.
Le Dieu qui doit aller son chemin et aucun être humain ne peut comprendre ce chemin, qui doit rester fidèle
à sa mission et il semblera peut-être à la Mère que sa propre mission vole en éclats en regard de la mission
du Fils. La vie commune agréable, ordonnée, a cessé. » (MP 99)
« L’adoration doit subsister, comme adoration d’un Dieu dont la divinité est maintenant mieux comprise et
qui, pour cette raison, est devenu plus insaisissable. Adoration également d’un Dieu dont le Père exige
quelque chose de difficile. (…) Elle doit reconnaître que le Fils fait la volonté du Père et quel poids il lui
faudra porter. Et elle doit remercier pour ce poids, pour le Fils et pour elle et pour les hommes. C’est la
prière d’une adulte qui est dirigée par l’Esprit. » (MP 100)

3. Pendant la Vie Publique

A Cana : la prière de la foi


« Sa qualité naturelle de femme et sa foi surnaturelle forment les deux éléments intérieurs qui entreront
dans le miracle qu’il va faire. Ainsi s’adresse-t-elle au Fils, d’une part avec ce que la femme chez elle a
remarqué : « Ils n’ont plus de vin », et d’autre part avec ce qu’elle sait comme croyante et n’exprime pas :
Tu peux y remédier. Or, en un premier temps, le Fils n’est pas enclin à accéder à sa prière. Mais la Mère
insiste. La voici qui s’adresse aux serviteurs : « Faites ce qu’il vous dira. » Elle croit, elle a confiance, et

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Cours de spiritualité

dans cette foi confiante, elle sait avec certitude quelle peut avoir cette foi. Si elle insiste au point de paraître
opiniâtre, ce n’est pas pour une raison personnelle, mais pour une raison ecclésiale. Elle inaugure son rôle
d’Epouse, c’est-à-dire celui de l’Eglise suppliante. » (SS 119)
« La première démarche de sa prière est de montrer ce qui manque. L’ayant fait, elle confie l’affaire au
Seigneur et n’y revient pas une seconde fois. Si, cependant, elle persévère, comme le réclame son rôle de
Femme, ce n’est plus en s’adressant au Seigneur mais aux serviteurs de la maison pour leur désigner le
Seigneur. Ainsi sa médiation est double : après avoir dit au Seigneur ce qu’elle avait à dire – apparemment
sans succès – elle s’adresse aux croyants, cherchant à éveiller en eux une foi plus vive. » (SS 120)
« Le Seigneur seul opère le miracle, mais non sans l’accompagnement de la foi, la foi de sa Mère et des
serviteurs, qu’il comble comme les urnes qui recueillent sa grâce. Cette foi est, elle aussi, son présent et
son miracle. » (SS 121)

Seule à Nazareth : le ministère de la prière.


« Durant les années passées avec son Fils, il était si près d’elle que sa prière était visiblement –
visiblement pour elle – entretenue par sa présence. Elle participait à sa prière et lui à la sienne. (…)
Maintenant qu’il est parti, sa prière est devenue un ministère. Avec la charge qu’un ministère apporte, avec
ses exigences incontournables. (…) Elle sait peu de choses à son sujet. Elle le voit rarement et n’a pas
beaucoup de nouvelles. LE travail qu’il accomplit, sa vie active, elle ne peut pas se les représenter
exactement. (…) Elle ne voit que la charge monstrueuse qui a été placée sur ses épaules ; elle se sent
seule et elle sait que l’aide qu’elle peut fournir à présent ne peut être que celle de la prière. Celle-ci doit
donc avoir plus un caractère de régularité, de devoir à remplir. Elle doit accompagner les heures du Fils
quelle ne connaît plus. » (MP 101)
« Et le divin du Seigneur, ainsi que le divin de sa mission, est passé pour elle au premier plan. Ce qui est
du Père, de l’Esprit et du Fils, (…) ce divin est pour elle plein de mystère. Le premier mystère de Dieu,
qu’elle a personnellement éprouvé, s’est passé dans son corps. A présent le centre du mystère s’éloigne
toujours plus, inscrit dans la vie du Fils qui lui est devenue lointaine. » (MP 102)
« Elle avait le Fils auprès d’elle et elle n’a pas encore l’Eucharistie ; il vit quelque part et elle apprend en
dépit de tout à vivre en sa présence. » (MP 103)

4. Sous la croix : Compassion et Déréliction

« C’est à présent une prière sans parole qui n’appartient qu’à la peur. C’est de là qu’elle part pour finir dans
le Fils.  Le Père et le Saint Esprit lui sont enlevés. Elle voit son Fils suspendu devant elle, et Mère, elle est
au bout de sa force (…) Elle le contemple et vit sa mort. (…) Elle se trouve tellement emporté par Dieu et
impliquée dans la croix qu’elle ne peut que compatir, rien d’autre. Et sa prière est celle de la compassion,
rien d’autre non plus. » (MP 103)

« C’est la nuit, la nuit de son divin Fils ; c’est à sa nuit à lui et non à la sienne qu’elle participe. Elle ne voit
aucun fruit. Pendant qu’il meurt, elle ne voit pas qu’il sauve l’humanité. Cette fin, elle ne la voit pas comme
quelque chose de fini et de limité, mais comme une fin éternelle. Une fin sans fin (…) Oui, a-t-elle dit une
fois à un ange qui lui demandait d’être la Mère du Messie, de l’accompagner jusqu’au bout. A ce qui se
passe aujourd’hui, elle a dit oui. Oui à toutes ces choses atroces et apparemment oui aussi à cette mort.

116
Cours de spiritualité

Son oui lui semble incompréhensible. (…) Et pourtant, à présent, à la croix, c’est comme si elle avait
toujours su que tel serait l’effet de son oui. » (MP 104)
« Les disciples n’ont pu empêcher ce qui se passe à présent ; c’était plus fort qu’eux. Par contre, la Mère
par son oui, a tout déclenché et libéré. Sa grossesse, son enfantement, sa fécondité y ont conduit. Une
responsabilité pèse sur elle ; non pas comme si elle disait maintenant : « je n’aurais pas dû dire oui », mais
parce qu’elle voit que son oui allait nécessairement jusqu’à la croix. » (MP 104)
« Et cette prière, ce comportement, cette angoisse ne trouvent aucune réponse. Elle ne se sent ni
protégée, ni considérée, ni sollicitée d’aucune façon de faire quelque chose. Et lorsqu’elle regarde le Fils,
c’est comme si elle ne le voyait pas, parce qu’il ne peut pas répondre à son regard. (…) Aucune ne dit
« Vois, je suis près de toi », « Regarde je souffre avec toi. » C’est une dualité en tant que solitude accrue. »
(MP 105)
« Elle a goûté jusqu’à la lie l’abandon et la déréliction. Et pourtant elle sait qu’il est Dieu et, comme Dieu,
survivra à toute destruction, à toute mort. Elle ne peut pas s’imaginer la résurrection ; elle ne se fait aucune
idée de l’avenir. Elle n’a que la foi, plus forte que toute mort. Elle sait aussi que quand, dans le temps,
l’Enfant lui fut donné, ce n’était pas là l’origine de son Fils. L’Enfant n’avait pas été créé à la conception. Le
Fils éternel, qui était depuis toujours, était descendu dans son sein. Grâce à cela, elle comprend que même
la mort ne peut mettre un terme à sa vie. Il vivait avant qu’elle le portât, ainsi vit-il encore après avoir
disparu. » (SS 151)

5. Dans la lumière de Pâques

Après la Résurrection : la fête de la joie


« Elle est encore sous le coup de tout ce qu’elle a vécu, dans un état physique de complet épuisement qui,
cependant, soudainement se transforme, et c’est presque en chancelant qu’elle entre dans ce nouveau
monde, chancelant de joie et de gratitude et de ne pouvoir comprendre. Cette impossibilité de pouvoir
comprendre ressemble au signe près à celle qu’elle a éprouvée dans la croix. Pour pouvoir ressentir une
telle joie dans sa prière. » (MP 105)
« Sa joie est si grande que, pas un instant, elle ne reste en elle, mais se communique. Elle la donne au Fils,
elle la donne aux Apôtres, elle la donne tout particulièrement à Jean, elle la donne à quiconque sur son
chemin, même à l’inconnu. » (MP 106)
« Le oui est accompli : le fruit est parfait. L’ange et elle sont de nouveau en dialogue ; le Saint Esprit
l’inspire, le Fils écoute attentivement et, en prêtant l’oreille, il retrouve une nouvelle fois encore le chemin
vers le Père, le chemin de sa mission, pour la rédemption de l’humanité. (…) Pâques devient ainsi sa fête à
elle. » (MP 107)

A l’Ascension : la lumière de l’éternité


« Elle voit avec ses yeux de chair ce qui se passe ; mais en voyant ce que des yeux humains peuvent voir,
elle doit renoncer à cette vision pour ne plus voir que ce que lui inspire la vision divine. Elle voit Dieu
monter au ciel. Elle voit cette splendeur, cet Etre infini qui était venu de l’éternité pour vivre en homme
parmi nous et qui, à présent, est repris comme neuf dans la lumière de l’éternité. (…) A cet instant, elle sait
que tout est vrai. Vrai d’une vérité qui n’appartient qu’à Dieu. (…) Pâques était une promesse de fruit. A
présent, dans l’Ascension, le fruit est là, rayonnant, surabondant. » (MP 107-108)

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Cours de spiritualité

« A présent, dans la prière, Dieu la tient dans une région qui vit de la résurrection du Fils. Les valeurs, une
fois encore, se sont déplacées ; le centre de gravité se trouve dans le Fils, qui est au ciel. » (MP 108)

Au Cénacle : la fécondité ecclésiale


« Le Fils qui a rejoint le Père fait de nouveau descendre sur elle l’Esprit Saint, afin qu’en la couvrant une
seconde fois de son ombre, le corps entier et concret de l’Eglise prenne naissance. Avant la Pentecôte, la
Mère était toute attente et toute Avent en vue de la répétition spirituelle de sa première conception. Et c’est
la descente effective en puissance. » (SS 158)
« C’est pourquoi, elle représente – au-delà de sa qualité de Mère et d’épouse – le sein de l’Eglise. Elle l’est
du fait de sa maternité ; par son oui spirituel, elle a conçu le Fils tout entier, avec tout ce qu’il est et tout ce
qui, d’après son Evangile, ne fait qu’un avec lui. (…) C’est pourquoi elle devient maintenant le sein de
l’Eglise. Car, en tant que Mère, elle est la fécondité infinie et pleinement conforme, et en tant qu’Epouse,
elle est le lieu où l’Eglise dans l’absolue pureté s’adapte parfaitement à l’Epoux. (SS 156-157)
Adrienne Von Speyr

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Cours de spiritualité

Chapitre VIII « L’Oraison »

« N’aie qu’une chose en tête : qu’il y ait dans ton cœur un désir simple, profond de Dieu. »
(auteur du Nuage de l’inconnaissance)

Si j’ai pris comme exergue cette phrase d’un auteur anonyme, c’est qu’elle illustre bien notre propos. Car je
voudrais diviser notre réflexion en 3 parties :

 Comment se préparer à l’oraison.


 Comment faire oraison.
 Comment vivre après l’oraison.

Dans les 3 cas, je réponds : en priant. Ce n’est pas une boutade, dans la mesure où l’on comprend, avec
Saint Augustin, que « ton désir, c’est ta prière. » Si donc nous avons un désir simple, profond, constant de
Dieu, nous prions sans cesse.
Ce désir, il doit être dans notre cœur (cœur au sens de volonté aimante), et notre intelligence n’a qu’une
chose à faire : servir, nourrir ce désir, tout faire pour que ce désir occupe notre cœur.

Comment se préparer à l’oraison.


- d’abord en demandant inlassablement le goût de la prière.
« Tu m’as séduit, Yahvé, et je me suis laissé séduire. » (Jérémie 20,7)
Si nous avons assez naturellement, comme nous en avons parlé au début, une relation avec Dieu, elle
risque vite de tourner court. Nous nous bornerons peut-être à rechercher les faveurs de Dieu, à utiliser sa
protection. En temps de cataclysme ou de guerre, combien retrouvent le chemin de l’église et de la prière…
Cela permettra parfois de renouer un vrai et durable dialogue avec Dieu ; pour d’autres, ne fois le danger
écarté, ils retourneront « qui à leur négoce, qui à leurs champs », sans plus se soucier de Dieu. Le dialogue
est rompu, l’homme est centré à nouveau sur lui-même.
Demander inlassablement le goût de la prière, c’est demander d’accéder à une prière qui soit une véritable
relation d’amour de personne à personne, relation qui engage profondément notre être dans une
communication, un échange, dans un non-retour et dans une aventure qui nous emmène loin. Si je
demande le goût de la prière, je risque de l’obtenir… et cela peut – va – bouleverser ma vie, mais dans le
sens d’un engagement libérateur. Cela va me faire sortir du formalisme et des obligations – j’ai eu ma
messe ; j’ai fait mes prières – je suis en règle – il n’y a pas de règle quand on aime, car « l’amour ne se
paie que par l’amour. » (Cf. Romain 13,10)
Ce goût de la prière n’est pas forcément un sentiment agréable, encore que Dieu l’accorde souvent quand
on commence à pratiquer la prière. Il nous apprivoise ainsi…
Mais c’est surtout une inclination de notre volonté aimante, une attirance exercée sur la partie la plus
spirituelle de notre être. Dieu nous attire, nous ne saurions trop, au début, expliquer comment. Plus il nous

119
Cours de spiritualité

attire, plus nous répondons en passant du temps à le contempler dans l’amour, et plus le goût de Dieu se
fait grand, quoique peut-être non senti, et, pour finir, dans la foi pure.
Le don de piété nous prépare en enlevant toute crainte et en nous donnant l’ « esprit des fils . » Le don de
sagesse nous comble de ce goût de Dieu qui nous tiendra de longs moments en fidélité devant lui, dans
une paix qui surpasse tout sentiment.
Ce goût de la prière nous tient en éveil pour ne pas manquer les rendez-vous.

- se préparer en purifiant son cœur.


« Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu. » Pour pouvoir contempler le Seigneur à l’oraison, il faut s’y
acheminer en déblayant les obstacles.
Rappelez-vous ce qu’on a dit de la pureté de cœur :

Aller simplement et droitement à Dieu de tout son cœur et agir pour lui plaire, aimer les autres en Lui.
Pureté de cœur ne veut donc pas dire impeccabilité, absence de péchés et d’imperfections, mais désir
profond et constant d’être à Dieu, de l’aimer comme l’Unique, en se relevant après chaque chute et en
courant se jeter en Lui.
Comme l’épouse indolente et endormie du Cantique, notre négligence et notre faiblesse sont parfois les
meilleurs appuis de notre quête de Dieu : « tournant le dos, il avait disparu. » (Cantique 5,3-6) Alors nous le
cherchons dans l’humilité et la confiance. C’est une excellente préparation à l’oraison. (le fait que nous
souffrons de l’absence de Dieu est le signe que nous ne sommes pas dans la tiédeur.)
« Et moi qui m’était dit : comment te placerai-je au rang des fils ?
je te donnerai une terre de délices, l’héritage le plus précieux d’entre les nations. Je me disais  : vous
m’appellerez « mon Père » et vous ne vous séparerez pas de moi. Mais comme une femme qui trahit son
compagnon, ainsi m’avez-vous trahi, maison d’Israël, oracle de Yahvé.
Sur les monts chauves, un cri s’est fait entendre : pleurs et supplications des enfants d’Israël ; car ils ont
gauchi leurs voies, oublié leur Dieu. – Revenez, fils rebelles, je veux guérir vos rébellions !  - Nous voici,
nous venons à toi, car tu es Yahvé notre Dieu.» (Jérémie 3,19-22)

- se préparer par la lectio divina et tout ce qui nourrit notre foi. Si nous négligeons de meubler
notre esprit par les choses de Dieu, nous contentant de nous distraire par des connaissances profanes ou
superficielles, nous aurons du mal, au moment de l’oraison, à penser à autre chose. C’est pourquoi il nous
est demandé de n’user que modérément des mass-médias. Si nous n’avons plus le temps de lire es livres
solides, de réfléchir et d’étudier, nous serons vite à sec pendant l’oraison, et Dieu ne fera pas forcément
des miracles pour remédier à notre légèreté.

Comment faire oraison.


La prière n’existe pas. Il n’y a que des êtres priants.
Chaque être étant unique, il n’y a pas une façon de prier, mais autant que d’individus. « L’oraison n’est
qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec Dieu dont on se sait aimé.»
(Sainte Thérèse d’Avila) Sur ce chemin qui conduit à la rencontre d’amour, on ne peut que baliser.

Le début de la prière.

120
Cours de spiritualité

Saint Ignace conseille de se reposer un peu l’esprit avant d’entrer en prière. Une détente intérieure est
nécessaire pour pouvoir être présent. La respiration calme, profonde, consciente, favorise cette détente en
relâchant les tensions musculaires inutiles (spécialement au niveau des épaules) et en supprimant le
« vagabondage cérébral. » La posture du corps n’est pas négligeable : c’est avec tout son être que l’on
prie. Ni relâché, ni contracté le corps exprime une vigilance, un éveil en même temps qu’un repos.

Trois attitudes intérieures au début de la prière :

1. la paix profonde du cœur.

La paix de Jésus peut jouir de la paix. La paix est l’état normal de celui qui est habité par la Trinité et qui le
sait. Paix sensible ou désertique dans la foi. « Que rien ne te trouble… » disait Thérèse D’Avila. Depuis que
le Christ est ressuscité, il n’y a plus d’échec. « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu. » (Romains
8,28) « Que votre cœur cesse de se troubler. » (Jean 14,27) Le grand obstacle à la paix et à la joie, c’est la
peur. « Devant lui nous apaiserons notre cœur si notre cœur venait à nous condamner, car Dieu est plus
grand que notre cœur. » (Jean 3,20) « Il n’y a pas de crainte dans l’amour, au contraire, le parfait amour
bannit la crainte. » (Jean 4,18)
Donc au début de la prière, il faut revenir à notre cœur, pour y rencontrer le Dieu d’amour et de paix.
« Revenez à votre cœur : pourquoi courir loin de vous et périr par votre faute ? Pourquoi suivre les chemins
de la solitude ? Vous vous égarez dans vos courses vagabondes, revenez ! Où ? Au Seigneur. Mais c’est
trop tôt : reviens d’abord à ton cœur. Tu vagabondes au dehors, en exil, loin de toi-même  : tu ne te connais
pas toi-même et tu cherches à connaître celui par qui tu as été fait ? Reviens, reviens à ton cœur. » (Saint
Augustin in Jean 18, 10)

C’est tout le sens du mot « recueillement. » Se recueillir, rassembler tous ses sens et ses facultés pour les
faire se reposer dans la paix du cœur, sous le regard de Dieu, afin qu’ils s’unifient dans le silence et se
disposent à Dieu.
Si l’on persévère dans ce recueillement, Thérèse d’Avila affirme qu’on en retirera rapidement profit : au
bout de quelque temps, « dès que l’âme se mettra à prier, elle verra ses sens se recueillir comme les
abeilles qui retournent à leur ruche et y entrent pour faire le miel. » (Thérèse d’Avila : Chemin de la
Perfection XXX.)

2. fixer son esprit : sortir de soi.

Autrement dit, se mettre en présence de Dieu, en fixant son regard intérieur sur lui, sur Jésus, dans une
simple vue de foi et d’amour. Attention à l’imagination qui fait de Dieu sa chose : il y a va et vient entre
lecture et prière ; par la lectio et l’étude, j’ai reçu de Dieu l’objet de ma foi.
Dès le début de la prière, avoir ce désir profond, désintéressé, de contempler Dieu, de le connaître un peu
mieux pour mieux l’aimer, de le regarder avec émerveillement, adoration, reconnaissance. Cela nous
décentre de nous-même, de nos préoccupations, de nos états d’âme. Non pas que cela n’intéresse pas
Dieu : tout, en nous, l’intéresse, et il vient pour tout sauver. Mais nous risquons, si nous commençons par
nous regarder, de ne pas sortir de cette contemplation narcissique, et elle sera stérile, car le salut vient de
Dieu.

121
Cours de spiritualité

Etre là dans la foi, simple présence aimante occupée de la Présence. On ne pense qu’aux absents ; il ne
s’agit pas de « penser » à Dieu : Il est là.
Tout le but de 1. la paix profonde du cœur, le recueillement, était de faire de nous quelqu’un de présent,
de centré, d’unifié, au sein même de sa pauvreté. Le but de 2. est de tourner ce que nous sommes vers
Celui qui est.

3. demande de l’Esprit, de ses dons.

« Vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier Abba ! Père ! l’Esprit en personne se
joint à notre esprit… » (Romains 8,15)
« Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba ! Père ! » (Galates 4,4-8)
Jésus avait dit à la Samaritaine : « L’heure vient où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en
vérité. Car le Père cherche les adorateurs qui le prient. » (Jean 4) La prière n’est donc pas liée à un lieu
particulier, mais à la présence de l’Esprit dans le cœur du fidèle. La prière est un « oui » à Dieu, inspiré en
nous par l’Esprit. Même quand la prière n’est pas formulée, elle se déroule en nous. C’est cette prière –
cette vie – à laquelle nous sommes invitées, sans jamais nous lasser. (cf. lettre du prieur des Augustin
1987)

Puisque c’est l’Esprit qui prie en nous, « nul ne peut dire : Jésus est Seigneur, sinon par l’Esprit Saint » (1
Corinthiens 12,3), cela signifie que toute prière est bonne. Il n’y a pas de barème pour la prière : bonne ;
moyenne ; mauvaise ! du moment qu’elle est sous l’action de l’Esprit. Notre seule activité sera donc de
demander à l’Esprit de prier en nous, et cette demande est toujours exaucée. Mais cette action est si
secrète, si invisible à nos yeux de chair, si mystérieuse pour nous même, qu’il faut bien se garder de faire
des comparaisons entre priants. Que chacun l’implore – pour soi et pour les autres – dans une humble
confiance : viens, Esprit créateur ! viens prier en nous, Esprit Saint ! et qu’il se laisse ensuite conduire.

Reprendre chacun des dons du Saint Esprit en les appliquant à l’oraison.

Pendant l’oraison.
Il y a une dynamique de la prière tout au long de la vie :
o Manière méditative
o Manière contemplative
o Manière liturgique
o Manière universelle (cf. retraite du Père Laplace)

Pour l’oraison, manière méditative et contemplative.

L’appel des premiers disciples en Jean 1,35-40 nous servira de canevas.

1. Jean le Baptiste montre Jésus ; voici l’agneau de Dieu.


2. Les deux disciples entendent ses paroles.
3. Et suivent Jésus.

122
Cours de spiritualité

4. Que cherchez-vous ?
5. Maître, où demeures-tu ?
6. Venez et voyez.
7. Et ils demeurent auprès de lui.

1. la Parole de Dieu nous aide à fixer notre esprit sur Dieu, et en particulier sur l’humanité de Jésus
(Jean 12,44 ; 10,30) (si importante pour Thérèse d’Avila.) Objectivation de notre foi. Un texte lu lentement,
sans curiosité intellectuelle : Dieu me parle.

2. Laisser la Parole descendre en notre cœur pour y réfléchir paisiblement et l’intérioriser. Rumination
intérieure de la Parole, comme Marie méditant dans son cœur (et non dans sa tête.) Peu à peu se constitue
en moi une sagesse (sapere : goûter, savourer), grâce à la Parole méditée, confrontée avec d’autres
Paroles, confrontée à mon expérience, aux événements de ma vie.

3. Cela me donne le désir de suivre Jésus, d’entrer plus avant dans son mystère pour l’aimer.

4. Dialogue, dont Jésus a l’initiative : Que cherches-tu ? L’oraison n’est pas un monologue. Dieu
intervient pour m’attirer à lui, pour purifier mon désir, ma recherche.

5. Toi. Mon maître, celui qui seul peut m’indiquer la Vérité, la Vie. Toi que je suis disposée à aimer plus
que tout est à servir, car toi seul es.

6. Viens et vois. Détachement de tout pour le suivre. Sortie de soi.

7. Demeurer. On s’attache à la réalité profonde de la personne. C’est Dieu qui agit. Contemplation.

La prière contemplative me conduit à l’émerveillement : amour contemplatif. Savoir regarder pour aimer.
L’amour voit clair.

« Demeurer. Les délices de Dieu, c’est d’être avec quelqu’un. La prière est toujours difficile et pourtant elle
est vitale. L’homme refuse de dépendre, donc il faut toujours se forcer pour s’arrêter. Chaque arrêt «  pour
Dieu » est un combat. On peut :

o prier avec plaisir : c’est bien.


o prier pour le plaisir qu’on y trouve : c’est de la gourmandise spirituelle.
o être là dans la foi, par amour, simple présence. »

L’ennui dans la prière. Puisque la prière est souvent difficile, on peut y voir notre dose quotidienne de
désert. Je la conduirai au désert et là je parlerai à son cœur ... La véritable prière comme au cœur de
l’ennui. Tant qu’on ne s’est pas ennuyé devant Dieu, on risque de ne pas pénétrer dans la profondeur de
Dieu. C’est une prière « ennuyée » qui a sauvé le monde au jardin des oliviers. Durer, malgré le grand désir
de partir.
Je vais à la prière simplement pour être présent à Dieu et me donner davantage à son amour.
A quelque âge de la vie que l’on parvienne, il faut toujours revenir à cette attitude  : la Vérité se reçoit et
Dieu se révèle.

123
Cours de spiritualité

Affectivité Spirituelle et Purification de la Sensibilité

Le but de la prière n’est pas d’avoir de belles idées sur Dieu, mais d’en venir à ne trouver de plaisir qu’en
Lui et dans l’accomplissement de sa volonté. Le fait de la prière pose donc le problème de la sensibilité,
puisqu’il faut en venir à « sentir » et à « goûter. » Disons que le lieu de la prière, c’est le « cœur », au sens
scripturaire du mot, c’est-à-dire cette part de l’homme où il est lui-même et se donne tout entier.

Il faut d’abord dire qu’il n’est pas normal que dans la prière rien ne se passe ou qu’elle soit accomplie par
pur devoir ou comme un pur exercice de règlement. Elle doit naître d’un besoin de l’être. Que dire de deux
époux qui ne se rencontreraient que par devoir ? La sécheresse n’est pas un état normal. Si elle existe, il
faut s’en inquiéter et en chercher les causes.

La normale, c’est de demander les dons spirituels qui permettent de goûter Dieu profondément. L’Eglise ne
cesse de nous les faire demander : « délectationibus impleri. » cf. Les innombrables collectes ou post-
communions où nous demandons la saveur, la joie, etc., de toute manière le sentiment, fut-ce celui du
péché, qui est encore une manière de sentir Dieu. Saint Ignace ne parle pas autrement. Il assigne comme
but à la prière de « rassasier » l’âme, « non par l’abondance de la science » mais « par la saveur et le goût
des choses à l’intérieur du cœur. » Liturgie et Exercice ne font là que se situer dans la ligne de l’Ecriture :
« Quam dulcia facibus meis… » « Tibi dixit cor meum… »

Le goût de Dieu dans la prière est nécessaire pour l’équilibre de la vie du chrétien ; à plus forte raison l’est-
il pour l’équilibre de toutes les vies consacrées à Dieu par la virginité. L’homme ne s’équilibre que dans
l’amour et le don de soi. A plus forte raison si l’objet de ce don, c’est le Créateur et nul autre que lui. Il y a
dans certaines vies sacerdotales de grands dangers de déséquilibre, parce qu’elles n’ont pas appris à aller
à Dieu avec toute leur être en particulier à trouver en Lui leur équilibre affectif. Des années ont pu se
passer sans grand heurt à l’abri des murs d’un séminaire. Attendez le contact avec la réalité. La sensibilité
ignorée ou mal menée réclame son dû. Le mal vient de très loin : de l’ignorance ou de la peur des réalités
humaines les plus fondamentales. Le dessèchement ou l’irréalisme n’est de ce point de vue que la moins
triste conséquence de cette ignorance.

Il ne faut donc pas avoir peur de sa sensibilité, mais l’éduquer et la purifier. Comment ? Non en en fuyant
les expressions ou les manifestations, mais en évitant toute complaisance ou repli sur soi. Le plaisir qui
accompagne le don de soi est voulu par Dieu ; mais si ayant remarqué ce plaisir je cherche à le faire naître
de nouveau pour lui-même sans qu’aucun objet le suscite, je commets une impureté. Il faut donc que
j’apprenne dans la prière à vouloir Dieu pour Lui-même. De ce point de vue sont utiles les difficultés
rencontrées en tout genre. Elles m’assurent que je ne vais pas à la prière pour les idées ou les sentiments
que j’y trouve, mais pour Dieu, quels que soient les sentiments dont la prière s’accompagne. De ce point de
vue, même l’oraison la plus sèche développe en moi l’affectus fidei. Elle accroît en moi le désir que j’ai de
Dieu. Je vais à la prière, simplement pour être présent à Dieu et me donner davantage à son amour. Je ne
prends nullement mon parti de ma dureté et de ma sécheresse ; je supplie Dieu de m’enflammer de son
amour ; mais je ne m’affole pas des difficultés que j’éprouve.

124
Cours de spiritualité

Ainsi, dans mes rapports avec Dieu, comme dans mes rapports avec les hommes, j’en viens à distinguer le
sentiment vrai de la pure émotivité, où trop souvent nous enfermons la prière. C’est un premier exercice
de discernement. Il se produit par cet attachement de plus en plus grand à Dieu aimé pour Lui-même. Le
cœur, loin de s’y rétrécir ou de s’y dessécher, s’y épanouit et c’est en toute vérité qu’il dit, même dans la
nuit la plus obscure, avoir trouvé un bonheur qui ne lui fait envier aucun de ceux de la terre, même des plus
légitimes.

Saint Ignace a tout résumé dans la formule : « Sentire ac gustare res interne. » La loi de toute sensibilité,
et surtout la sensibilité spirituelle, c’est l’objet ou la « chose. » Ainsi la vraie prière, loin d’être repli sur soi,
est au contraire, comme l’amour vrai, sortie de soi. Si elle replie, c’est un signe clair qu’elle n’est pas désir
de Dieu, mais recherche de soi, quelles qu’en puissent être les effusions sensibles.
Père Jean Laplace.

Après l’oraison.

« Le Saint Sacrement, fête en laquelle le même Sauveur adoré, voilé au Saint Sacrement sous les espèces
du pain, est servi, honoré, caché en la personne des Pauvres. » (Règlement de 1665 – Cf. Constitutions
1631 § 222)
« Je n’ai pu te recevoir dans l’Hostie, je vais te retrouver chez tes pauvres, que Tu as consacrés comme tu
as consacré l’hostie. » (Mère Yvonne Aimée de Jésus – Yvonne Beauvais)
« Quand je suis en contemplation, c’est Dieu qui m’aide. Quand je viens au secours du prochain, c’est moi
qui aide Dieu. » (Mère Yvonne Aimée de Jésus – Yvonne Beauvais le 20 septembre 1929)

o « Ainsi éclairée » : je suis la Lumière du monde, qui me suit ne marche pas dans les ténèbres.
(Constitutions 79 ; cf. Constitutions 41-44)
o « unifiées » : Dieu seul
o « transformées » : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » (Galates 2,20)
o « dociles à son Esprit » : vivre en Fils, et faire la volonté de Dieu.
o « partager la miséricorde » : notre témoignage, devenir un autre Christ.

« le vrai esprit intérieur de notre Institut consiste dans une dévotion qui soit commune et non singulière,
saintement et religieusement active et non lâche et fainéante, il faut qu’elle soit autant intérieure que
sincère et généreuse, accompagnée d’une grande pureté d’intention et d’union intime avec Dieu, tendant
toujours paisiblement et continuellement à faire sa très sainte volonté, particulièrement dans la ponctualité
aux observances régulières et surtout les spirituelles, et dans les exercices continuels de l’hospitalité
envers les Pauvres, de telle manière que dans cet intérieur rempli de Dieu, la grâce fasse paraître au
dehors la paix et la tranquillité jointes à une douce et humble gravité dans toutes les actions et occupations
extérieures où notre vocation nous engage, d’où il est facile de connaître qu’une personne qui
s’embarrasse, se noie et se perd dans l’action n’a pas l’esprit de notre Institut, non plus que celle qui sen
retire sous prétexte de s’appliquer davantage à sa propre perfection. » (Anciens Règlements page 12)

125
Cours de spiritualité

« Que les sœurs soient averties que l’Oraison qui ne porte à la mortification est sujette à illusion, et que la
vraie obéissance et soumission intérieure et extérieure aux volontés de ceux qui nous gouvernent est la
vraie marque que nous ne sommes point trompées en nos exercices spirituels. Qu’elles sachent aussi que
la mesure de leur avancement ne doit point être tirée des goûts, ou des connaissances ou des sentiments
qu’elles pourraient avoir à l’oraison, mais plutôt de la force qu’elles se font à elles-mêmes, de la pratique
des vertus et de l’observation de nos Règles. » (Constitutions de 1631 § 92)

126
Cours de spiritualité

Prier à l’école de Saint Ignace de Loyola1


(ou quelques points de repère pour la prière)

Avant la prière, se fixer un cadre :

- Choisir un texte dans la Bible : le lire pour le comprendre et le mémoriser.


- Choisir le lieu où je vais prier
- Choisir l’heure et la durée de la prière.

Entrée dans la prière :

- En allant au lieu de la prière, ou au seuil de ce lieu, penser à ce que je vais faire : je vais à
un rendez-vous avec le Seigneur et il m’attend déjà.
- A l’arrivée, je fais un geste et/ou une parole de « bonjour », je me mets en présence du
Seigneur.
- Je choisis une position de mon corps où je suis bien.
- Prière préparatoire : je dis au Seigneur que je désire être tout entier (cœur, intelligence,
volonté, mémoire, corps…) présent à Lui pendant ce temps de prière.
(je peux m’inventer une petite formule et/ou un geste qui me serviront pour ouvrir ainsi chacune de mes
prières.)
- Je me représente par l’imagination le lieu où se passe la scène de l’Ecriture avec laquelle je
vais prier, comme si je plantais le décor, sans les personnages (eux entreront plus tard.)
- Je demande au Seigneur ce que je veux : la grâce désirée, en rapport avec le texte.

Méditation de la Parole :

- Je laisse revenir à ma mémoire la page d’Ecriture Sainte que j’ai lue.


 je suis attentif aux personnes : qui sont-elles ?
 j’entends ce qu’elles disent : je me le répète.
 Je regarde ce qu’elles font : je me le redis.
- Je prends mon temps.
- Je laisse s’imprimer en moi tel mot qui résonne, tel geste qui me touche, tel détail qui me
revient : je les laisse s’impressionner en mon cœur comme sur une pellicule photographique au moment de
l’exposition.

1
Avec l’aimable autorisation des rédacteurs, nous reproduisons un article paru dans le n° 94 de la revue Vocations d’Ille
de France.

127
Cours de spiritualité

- Si je sens que je commence à avoir envie de parler moi-même au Seigneur à partir de ce qui
se passe en moi, je le fais très librement.
Si je sens que j’éprouve un sentiment, je le laisse venir, je me laisse faire, puis je continue.
- Si je me rends compte que je m’égare, tranquillement, je reviens à ma préparation, au point
où j’en étais avant de m’éloigner …

Colloque final :

- Je parle au Seigneur, comme un ami parle à son ami.


Je lui dis simplement que sa Parole écoutée et méditée, me pousse à lui répondre, ce qui monte de mon
cœur à mes lèvres (une demande, un merci, la confidence de quelque chose qui me tient à cœur.)

Conclusion :

- Je lui dis merci pour ce temps qu’il m’a donné de passer avec Lui.
- Je conclu par un Notre Père ou tout autre prière connue ou inventée.
- Je mets un terme à ce temps de prière par un geste (signe de croix…)
- Je dis « au revoir » et « à tout de suite » en quittant le lieu de prière.

Après le temps de la prière :

Je peux prendre quelques notes à partir desquelles je pourrai dialoguer avec mon accompagnateur
spirituel :

- Qu’est-ce qui m’a aidé à prier ?


- Qu’est-ce qui m’a touché dans ce texte de la Parole de Dieu ?
- Qu’est ce que ça a provoqué en moi : joie, dynamisme, tristesse. 

128
Cours de spiritualité

Des repères sur ton chemin


(Denis Colmet Daage)

Prier avec l’Ecriture


à l’école de Saint Ignace

La prière.
A travers l’Ecriture, le Seigneur nous parle et nous
adresse un message de Bonne Nouvelle. Quoi de Dès lors, on doit être en mesure d’adresser
plus naturel donc que de l’utiliser pour prier. cette phrase à Dieu : «Seigneur, parle, ton
Toutefois, il est nécessaire, selon saint Ignace, de Serviteur écoute » ou encore « Seigneur, que
procéder avec rigueur. Pour y parvenir, il propose veux-tu que je fasse ? » Il s’agit de la mise en
une méthode qui comporte trois temps. Bien que présence de Dieu, qui se caractérise par le
ceux-ci se composent d’éléments parfaitement silence, le signe de croix et l’appel à l’Esprit
définis, une grande liberté est laissée. Saint.

Les textes deviennent un moyen de découvrir le Après cela, il convient de déterminer la grâce
Christ, car les scènes de l’Evangile sont qu’on veut demander au cours de la prière.
transformées en scènes de la vie de tous les jours
au cours de la prière. Ensuite intervient la composition du lieu qui
peut s’accompagner d’une relecture du texte.
La préparation. Par exemple, ont peut imaginer la crèche
pour la méditation de la Nativité, se
Cette étape débute avant même d’entrer en prière. représenter les personnages, ce qu’ils disent,
En effet il est bon d’avoir déjà lu le texte une fois (la leur regard et leurs gestes. Une fois le
veille, par exemple) pour s’imprégner. L’autre point tableau présent à l’esprit, on se place dans ce
important consiste à séparer ce temps de prière du lieu et on s’interroge sur ce que le Seigneur
reste des activités de la journée. Pour ce faire, il veut dire. A défaut de parvenir à imaginer la
faut déterminer le moment le plus propice (ex : le scène, cette étape peut se traduire par l’arrêt
matin ou le soir) : le lieu où l’on peut rencontrer sur un mot ou le fait de goûter une phrase.
plus facilement le Christ (dans sa chambre, dans
une chapelle…) ; le temps qu’on consacrera et qu’il Parfois, on peut avoir des moments de
est nécessaire de respecter, car, jusqu’au dernier sécheresse, mais il ne faut pas perdre
instant, il peut se produire « quelque chose » ; et confiance car la prière ne se mesure pas à la
enfin, la position qui permettra d’être le plus chaleur des sentiments ; c’est d’abord un peu
réceptif (assis, debout, prosterné…) de temps donné gratuitement au Seigneur.

129
Cours de spiritualité

La prière se termine par le colloque, c’est-à-dire la


prière du cœur à cœur qui peut se traduire par une
louange ou une offrande. Enfin, on pourra réciter
une prière telle que le Notre Père ou « Seigneur,
prends et reçois toute ma liberté. »

La relecture

Cette étape consiste à relever les éléments qui


nous ont le plus marqués au cours de la prière et
qui nous serviront de guide dans notre vie. Mais la
prière ne s’achève réellement que lorsqu’on en
récolte les fruits.

Saint Ignace ne propose là qu’un moyen parmi


d’autres pour prier. Comme toute méthode, elle doit
être dépassée et aménagée au goût de celui qui
désire l’appliquer.

130
Cours de spiritualité

Prier dans sa chambre

Jésus nous demande de prier, le verrou tiré sur la porte de notre chambre. (Matthieu 6,6) Et tous les saints
nous ont dit, à leur manière, la place irremplaçable de la prière personnelle et prolongée dans leur vie
d’union à Dieu : « Tous les biens, disait Thérèse d’Avila, me sont venue par l’oraison. » Cette prière secrète
et silencieuse est d’autant plus nécessaire que nos activités sont multiples. Pour parvenir à prier au cœur
même de nos travaux, comme Paul nous y exhorte (1 Thessaloniciens 5,17), il est indispensable de se
retirer régulièrement dans un lieu silencieux pour un cœur à cœur véritable avec Dieu. Jésus Lui-même le
faisait (Marc 1,35) ; le disciple ne doit pas se considérer comme plus fort que le maître !

Nous répondrons aux différentes questions que l’on peut se poser au sujet de l’oraison sous forme d’un
chandelier à sept branches.

1. Nous avons le droit de consacrer beaucoup de temps à la prière.

Pour se mettre sérieusement à l’oraison, il faut d’abord être bien convaincu qu’on en a le droit, que ce n’est
pas du temps volé à ses frères. Devant l’immensité des misères à soulager et du travail à faire, beaucoup
de chrétiens n’osent pas prendre trop de temps pour prier. Il ne faut le faire, pensent-ils que pour recharger
les batteries de son moteur spirituel, c’est-à-dire pour permettre au Seigneur de faire passer dans notre
cœur le dynamisme de son courage et de son amour.

Notons qu’une telle conception de la prière pour insuffisante qu’il soit pourrait déjà nous pousser à prier
longuement. Il faut du temps pour que les batteries se rechargent ; il faut du temps pour que notre Potier
Divin – c’est le langage de la Bible – puisse pétrir de ses Mains très douce et très puissantes la pauvre
argile que nous sommes ; il faut du temps pour que notre Chirurgien Divin puisse nous guérir en profondeur
et greffer en nous un cœur nouveau !

Mais, à ne considérer la prière que sous cet aspect, ou oublie la gratuité du rendez-vous d’amour que le
Seigneur nous propose d’avoir avec Lui, quand Il nous demande de venir à sa rencontre.

Nous ne sommes pas des mercenaires dont le Seigneur n’apprécierait que la rentabilité apostolique ; nous
sommes ses enfants, les membres de son Epouse, l’Eglise, qu’il aime d’un amour nuptial. Nous ne
devons donc pas aller seulement prier dans le but d’être de meilleurs instruments au service de l’extension
de son Royaume ; nous devons y aller aussi – et même d’abord ! – pour la joie de Le rencontrer et de nous
laisser aimer par Lui.

Autrement dit, nous ne devons pas aller seulement vers Dieu pour mieux aimer nos frères ; nous avons le
droit et le devoir d’y aller pour L’aimer ! Source de tout amour, Il est aussi – et même d’abord – le Dieu
infiniment Bon et infiniment Aimable que nous avons le droit et le devoir d’aimer pour Lui-même.

131
Cours de spiritualité

L’oubli de cette Vérité fondamentale est l’origine du mépris avec lequel beaucoup de chrétiens regardent
ceux et celles qui consacrent une bonne partie de leur semaine à prier : ce sont des « égoïstes », des
« inutiles », pensent-ils : « ils devraient s’activer davantage. » Ces chrétiens tombent tout simplement dans
l’erreur de l’activisme, c’est-à-dire dans la mentalité qui s’imagine que la valeur d’une vie est
proportionnelle au nombre d’activités exercées ou de réunions organisées.

Les Béatitudes de l’Evangile et le chapitre 13 de la 1 ère Lettre aux Corinthiens nous disent pourtant haut et
clair que la valeur d’une vient de la qualité d’amour qu’une personne fait passer dans sa vie, quels que
soient le genre et le nombre de ses motivités.

Si nous ne tombons pas dans l’erreur de l’activisme, nous saurons répondre à tous les slogans par
lesquels Satan – se déguisant en ange de lumière – essaye de détourner les chrétiens de la pratique de
l’oraison :

« Je n’ai pas le temps » !


On trouve toujours le temps de faire ce qui paraît indispensable : faire sa toilette, téléphoner à une amie,
etc. … Et puis, si nous consacrons un quart d’heure à Dieu par 24 heures, il nous en reste 95 !

« Je n’ai pas un tempérament fait pour la contemplation » 


La contemplation n’est pas réservée à des tempéraments calmes ! Il ne manque pas de saints qui, tel le
Curé d’Ars, étaient particulièrement nerveux !

« Dans la prière on ne rencontre que soi. »


C’est confondre une déviation possible de la prière – la gourmandise spirituelle – avec la pratique de la
prière authentique.

« Si c’était important, il y aurait beaucoup de chrétiens à faire oraison. » Or, il n’y pas beaucoup de
chrétiens à faire oraison. Donc ce n’est pas tellement important. » !
Ce raisonnement est un véritable « sophisme » et Satan les affectionne ! C’est-à-dire que les deux
premières propositions du syllogisme sont vraies, mais qu’on en tire une conclusion fausse. C’est vrai qu’il
n’y a pas beaucoup de chrétiens à faire oraison. La conclusion à en tirer ? Ne soyons pas étonnés qu’il y ait
si peu de chrétiens fervents et que toute l’Eglise en pâtisse !

« J’ai commencé, mais c’est trop difficile » !


Effectivement, la prière, comme le véritable amour, est une activité difficile. Raison de plus pour suivre les
humbles conseils qui nous sont donnés par les aînés qui nous ont précédés sur ce chemin… et pour
persévérer ! N’oublions pas non plus qu’il ne s’agit pas tant de « réussir » « son » oraison que de laisser le
Christ envahir notre cœur pour y faire passer « sa » prière !

« Ce n’est pas à mon âge que vais m’y mettre. »


il n’est jamais trop tard pour retrouver une nouvelle jeunesse !

132
Cours de spiritualité

Bref, soyons bien persuadés que l’oraison est l’un des grands sommets de notre existence et que, si c’est
un luxe, c’est un luxe auquel le Seigneur Lui-même nous invite : « Venez à l’écart dans un lieu désert et
reposez-vous un peu. » (Marc 6,31)

2. Nous avons le droit de choisir des conditions qui favorisent la persévérance.

Jésus Lui-même se retirait la nuit, dans un lieu solitaire, pour prier. Ici encore ne pensons pas pouvoir
nous dispenser d’un certain nombre de moyens que Jésus a utilisés et, à sa suite, des millions de
chrétiens au cours des âges.

 Un lieu calme, silencieux, solitaire, où l’on est à peu près sûr de ne pas être dérangé. « Quand tu
veux prier, dit Jésus, ferme la porte de ta chambre. » (Matthieu 6) Aménager au besoin un coin de prière
dans sa chambre, afin que les yeux puissent se poser sur une icône, un poster, une statue. Ne pas
dédaigner de temps en temps les paysages qui facilitent la contemplation : Jean de la Croix emmenait
souvent ses novices dans la campagne pour y faire oraison.

 Une position dans laquelle on puisse durer un certain temps… le « petit banc de prière » permet par
exemple à beaucoup de priants de rester à la fois détendus et éveillés dans l’oraison. Mais l’on peut aussi
s’asseoir sur une chaise ou se planter bien droit devant Dieu ! Il peut même arriver que l’on soit obligé de
rester allongé : enfermés dans leur plâtre, les allongés de Berck… sont « invités à l’attention », disait Paul
Claudel.

 Une attitude et des gestes des mains qui traduisent, soutiennent et favorisent les différentes attitudes
spirituelles de l’âme : adoration, louange, offrande.

 Une heure où l’on est habituellement bien éveillé et où il y un certain silence dans sa chambre… ou à
la chapelle.

Même si l’on est obligé de changer souvent l’heure de son oraison en fonction de ses occupations, prévoir
cette heure et s’y préparer comme on « s’habille le cœur » en vue d’un rendez-vous d’amour ou d’amitié.
Ne pas hésiter à se lever parfois la nuit pour rejoindre le Seigneur dans le grand silence de la nuit.
Ne pas hésiter non plus à prolonger parfois très longtemps ce rendez-vous de la prière, notamment dans
ses jours de loisirs.

 Une montre à proximité, mais pas devant les yeux ! Il n’est pas possible de fixer le minimum
nécessaire à chacun. Rappelons seulement que plus on est occupé, plus il faut du temps pour faire taire
ses soucis et laisser le Seigneur nous redire son Amour. Rappelons aussi que le Seigneur rend toujours au
centuple le temps qu’on lui consacre.

3. L’importance de la préparation.

133
Cours de spiritualité

1. la préparation lointaine.

Toute la vie doit être une préparation à ce « sommet » : il est normal qu’on ait beaucoup de mal à
s’occuper de Dieu dans la prière, si on ne pense jamais à Lui dans le reste de ses occupation ! Il est
également normal qu’on ait beaucoup de distractions dans l’oraison, si l’on y arrive «  la tête vide. » Même
si – nous allons le dire bientôt – l’oraison ne doit pas être le prolongement d’une réflexion sur le Mystère de
Dieu, elle doit être précédée et préparée par une lecture spirituelle régulière. Les moines font chaque
matin leur « Lectio Divina » ; le Curé d’Ars faisait deux fois par jour une lecture spirituelle ! Et il disait qu’il
fallait s’appliquer à faire chaque jour une lecture « pieuse », tout comme on s’applique chaque jour à
prendre ses repas.

2. la préparation prochaine.

Ne pas passer sans transition d’une activité fiévreuse à l’oraison. Savoir se détendre quelques instants ou
quelques minutes, suivant les cas : écouter un chant, faire « un tour », marcher et respirer lentement.
Essayer de baisser le rideau de son « magasin souvenirs », se redire qu’on a le droit de se rendre à cette
rencontre gratuite avec « Lui » !

3. la préparation immédiate.

Commencer par un geste accompli très lentement et dans lequel j’exprime mon désir de consacrer à Dieu
ce moment de prière.
Adopter la position qui me convient le mieux.
Prononcer lentement une formule de prière que je connais par cœur ou que j’invente pour établir le
dialogue avec l’une des Personne de la Sainte Trinité ou avec les Trois : « Tu es là, Seigneur : moi aussi. »
Redire au Seigneur que je suis là pour Lui, pour Lui permettre de me faire goûter son Amour dans les
profondeurs de mon cœur et de m’y transformer. Je ne commence pas cette oraison pour en ramener de
belles idées susceptibles de servir à ma prochaine catéchèse ou pour y éprouver des émotions religieuses.
Cette « déclaration d’intention », cette « pureté d’intention » est essentielle. L’important, quand on prie,
n’est pas de se plaire à soi-même, mais de plaire à Dieu : « Je n’attends rien d’autre de cette oraison,
Seigneur, que ce que Tu en veux toi-même ! »
Demander à Jésus de venir prier en moi. Demander au Père de répandre en moi son Esprit, cet Esprit
qui nous vient par Jésus, pour que je puisse, dans ce même Esprit, redire inlassablement : Abba !
Me rappeler que je prie en union avec toute l’Eglise : Je suis aidé par la prière de tous les saints du ciel et
de la terre ! Je vais être utile à toute l’Eglise !

4. Le cœur à cœur de l’Oraison.

La prière est essentiellement un dialogue d’amour entre l’âme et Dieu : « Un ami qui parle à un ami et qui
sait se taire pour l’écouter » (Ignace de Loyola)
« L’oraison n’est rien d’autre, à mon avis, qu’un commerce d’amitié où l’on s’entretient souvent et seul à
seul avec Celui dont nous savons qu’il nous aime. » (Thérèse d’Avila)

134
Cours de spiritualité

Dans cette rencontre, c’est évidemment Dieu qui joue le rôle essentiel : Il est déjà là quand nous
commençons l’oraison : Il nous attend ! Et c’est Lui qui va faire le travail essentiel : Il agit à l’intérieur de
notre cœur pour nous « recueillir » en Lui.

Quelle collaboration puis-je apporter à cette action de Dieu en moi ?


Je puis me livrer à l’une des trois composante de tout dialogue :

1. Tantôt j’écouterai le Seigneur me redire personnellement aujourd’hui l’une des paroles de la Bible :
« Tu as du prix à mes yeux et Moi, je t’aime… Zachée, descends vite : il faut qu’aujourd’hui j’aille demeurer
chez toi… Demeurez dans mon Amour… Je suis venu chercher des adorateurs qui adorent le Père en
esprit et en vérité ! »
Je n’ai pas d’autre message à recevoir du Seigneur que ceux qu’il nous a donnés une fois pour toutes dans
la Bible. Les « inspirations » de l’Esprit Saint ne sont pas des messages personnels qui « s’ajouteraient »
aux messages de la Bible : l’Esprit Saint a pour mission de faire retentir dans le fond de notre cœur les
paroles éternelles de la Bible – paroles éternelles mais qui sont adressées à chacun de nous aujourd’hui !

2. Tantôt je répondrai au Seigneur, je lui parlerai :

 En utilisant des versets de psaumes ou des refrains de chants que je connais par cœur ou que je
relis dans un livre.

 En inventant une prière spontanée.

 En reprenant lentement la prière de Jésus : « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi,
pécheur ! »

 En me livrant à une conversation à bâton rompus avec le Seigneur : je Lui présente mes soucis, mes
désirs, mes projets, mes joies…

 En m’exhortant à la prière : « O mon âme, bénie le Seigneur, n’oublie aucun de ses bienfaits ! »

 En reprenant les mots fondamentaux de la prière : « S’il Te plaît, Seigneur ! Pardon ! Merci !
Seigneur, je T’aime ! »

3. Tantôt je me tiendrai en silence près de Lui ou en Lui : ce silence est toujours le « sommet »
d’une rencontre profonde entre deux amis. Ma prière devient alors :

 Un simple échange de regards, « Ton seul regard fait ma béatitude ! »

 Un simple cœur à cœur : « Mon Dieu, je T’aime ! »

 Une paisible respiration : je me laisse emporter par l’Esprit vers le Père (expiration) et je me
laisse envahir par l’Esprit (inspiration.)

Remarquons qu’une prière authentiquement chrétienne comporte forcément des moments où Dieu
m’apparaît comme quelqu’un d’extérieur à moi, comme un Visage plein de tendresse en train de me
regarder et de m’aimer, et des moments où Dieu m’apparaît comme l’Océan dans lequel je désir
m’engloutir à la façon de la goutte d’eau qui s’immerge dans la mer. Cette alternance est tout à fait
normale. Le Dieu biblique est à la fois transcendant et immanent, le Tout-Autre devant lequel je me tiens et

135
Cours de spiritualité

l’Omniprésent dans lequel je suis invité à me plonger. Les psaumes ne cessent de redire que je dois
« Chercher la face de Dieu » ; mais ils me rappellent aussi que je dois me réfugier en Lui comme en un
« Bouclier », comme en une « Forteresse imprenable », que je peux et dois m’abandonner en Lui comme
un enfant dans les bras de sa mère.

Les psychologues se plairont à remarquer que, d’un côté, nous avons une image plus « paternelle » de
Dieu (Le « Visage » qui nous regarde et qui exige de nous amour et fidélité) et, de l’autre, une image plus
« maternelle » (l’Océan dans lequel nous sommes invités à nous immerger.)

5. La fin de l’Oraison.

Il est important de ne pas la « bâcler »…

 Ne pas la terminer avant l’heure prévue : ne pas atterrir avant l’ordre de la tour de contrôle…

 Retenir un verset, une pensée, une phrase d’évangile qui m’aidera à rejoindre le Seigneur
plus facilement tout au long de ma journée et à parvenir peu à peu à la prière continuelle.

 Présenter à Dieu le travail que je vais faire, lui ouvrir mon agenda, lui parler des personnes
que je vais rencontrer, lui demander de les aimer en moi. Me rappeler que le Seigneur se plait autant à me
voir travailler qu’à me voir sur mon banc de prière : « Chaque chose en son temps » !

 Ne pas juger mon oraison. Ce qui compte, ce n’est pas l’impression de paix ou d’aridité que
j’ai ressentie pendant l’oraison, mais l’action de Dieu dans les profondeurs de mon être, ce «  cœur
nouveau » qu’Il m’a donné, sans que je ressente au niveau de ma sensibilité. On ne dira jamais assez que
l’essentiel est de se livrer tout entier à l’action mystérieuse de Celui qui est toujours présent « tout au fond
de notre cœur. »

6. La difficile persévérance.

Ne nous imaginons pas qu’il suffise de bien suivre tous les conseils précédents pour ne plus avoir de
difficultés à prier. Il arrive qu’on aille à la prière comme à une danse – la danse trinitaire évoquée par
l’icône de Roublev – ; mais il arrive aussi qu’on y aille comme à un combat : le combat de Jacob avec
l’ange !

A la suite de l’Evangile qui revient souvent sur la nécessité de « durer » dans la prière (la parabole de l’ami
importun ; « demandez, cherchez, frappez… », les grands maîtres spirituels ont tous insisté sur la
nécessité absolue et sur la difficulté de la persévérance : en un sens elle est l’effort essentiel à accomplir et
à reprendre sans cesse : « Parfois, à peine appliqué à l’oraison, tu prieras bien ; d’autres fois, après de
longs efforts, tu n’atteindras pas le but. C’est pour que tu cherches davantage et que ta conquête soit
inviolable. » (Evagre le Pontique, disciple de Saint Grégoire de Nysse) Lorsque notre prière se fait difficile,
elle devient en effet une vraie prière de « pauvre. »
« On demandait à l’abbé Agathon : Père, quelle est dans la vie la vertu qui exige le plus d’efforts. Il répondit
à ses frères : Croyez-moi, j’estime qu’il n’y a rien qui demande plus d’effort que de prier Dieu. Car chaque
fois que l’homme veut prier, les ennemis cherchent à l’en détourner ; ils savent que l’on ne peut résister que

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Cours de spiritualité

si l’on prie Dieu. Et, quelque genre de vie vertueuse que l’homme poursuive, il trouvera son repos, s’il y
persévère ; quant à la prière, elle réclame le combat jusqu’au dernier soupir. »
Au chapitre XIX de son Autobiographie, Thérèse d’Avila nous explique que « le plus insidieux des pièges »
que Satan lui ait tendu a été de la détourner de la pratique de l’oraison, sous prétexte qu’elle n’avait pas le
courage de donner à Dieu ce qu’Il lui demandait : le renoncement aux mondanités du parloir. Elle écrit son
livre pour supplier ses lecteurs de ne pas céder au même piège.

Qu’on se rappelle aussi le message de Notre-Dame dans toutes ses apparitions : « Priez, mes enfants,
mais priez donc, priez sans cesse » ! (Message de Pontmain) C’est comme un écho de la parole d’Isaïe
62,6 : « O vous qui remémorez tout à Yahvé, point de répit pour vous. Ne lui laissez point non plus de répit,
jusqu’à ce qu’Il restaure Jérusalem » !

7. Les retombés de l’oraison sur la vie

Plus j’aurai le courage « de brûler » du temps pour Dieu – gratuitement, plus je m’apercevrai qu’à long
terme toute ma vie en bénéficiera. Car Dieu rend toujours au centuple, dès cette vie, ce qu’on Lui donne. Il
ne se laisse jamais vaincre en générosité !

Voyons rapidement l’interaction qui se produit entre vie et prière :

1. la pratique régulière de l’oraison me pousse à l’action :

 J’ai d’avantage envie de faire découvrir aux autres que le Seigneur est Bon…

 J’aborde avec une âme de victorieux les multiples difficultés que je rencontre dans mon action.

 Je donne à Dieu la possibilité de me communiquer ses lumières : mon action peut alors s’accomplir sous la
mouvance de l’Esprit.

2. La pratique régulière de l’oraison transforme mon action, par le fait qu’elle me permet de parvenir peu
à peu à la prière continuelle, selon le précepte de l’Evangile (Luc 18,1) et de Paul ( Théssaloniciens 5,17) ;
du coup,

 Mon regard sur le monde et les événements devient évangélique : les autres, je les
regarde avec le regard même de Jésus, mon travail, je l’accomplis sous le sourire de Dieu, mes épreuves,
je les vis en enfant bien-aimé du Père, mes souvenirs, je les évoque en pensant à la Miséricorde de Dieu,
mes projets d’avenir, je les remets entre ses mains…

 Ma sérénité intérieure finit par transparaître sur mon visage (Cf. la transfiguration du
visage du Père de Foucauld.)

 Il arrive même que j’aille plus vite dans mon travail !

3. L’action vécue de cette manière relance ma vie de prière :

 J’éprouve le besoin de prier à partir des merveilles de générosité ou des misères que
je rencontre : prière d’action de grâce ou de supplication.

137
Cours de spiritualité

 Je présente spontanément au Seigneur « la pauvreté » de mon amour fraternel et les


limites de mon action.

 Je demande au Seigneur de rectifier, de purifier mon cœur : dans le feu de l’action, je


me laisse souvent vaincre par le démon de la vanité, de la jalousie ou de la mauvaise agressivité…

Ainsi la prière n’est pas le contrepoids de mon action, mais « le poids de toute action » (Cardinal
Etchegaray, Lourdes, octobre 1979)  (Ce document avait été donné à Sœur Maryvonne Carof lorsqu’elle
était à la maison de repos Sainte Thérèse)

Les Retraites

Pourquoi faisons-nous des retraites ?

On peut donner, je pense, comme réponse celle-ci : c’est pour nous mettre d’une façon plus prolongée à
l’écoute de Dieu – « Je vais la conduire au désert et là je parlerai à son cœur. » C’est l’exergue qui est mis
au chapitre des retraites dans nos Constitutions. –

Ecouter ce que Dieu a à nous dire c’est la première étape, le but de la retraite c’est d’écouter Dieu pour
ensuite nous convertir.

Comment nous convertir si nous ne savons pas ce que Dieu nous demande ? C’est pourquoi nous avons lu
comme lecture de la Parole de Dieu l’explication de la parabole du Semeur. Jésus lui-même nous a
expliqué le sens de la parabole.

La première étape de la retraite, c’est donc de laisser tomber la parole dans notre cœur, comme le grain
qui tombe – mais ce grain n’est accueilli vraiment et durablement que dans la bonne terre – Il y a presque
une passivité à avoir au début. Comme la terre qui recueille le grain, la terre ne fait aucun mouvement
quand le grain tombe sur elle, elle l’accueille. Ou bien quand la pluie tombe et mouille la terre, la terre se
contente de recevoir. Pour nous c’est un peu pareil – Accueillir la Parole, ce n’est pas d’abord une affaire
de volonté, de tendre notre esprit, de vouloir beaucoup réfléchir, parler à Dieu –

Je crois qu’il faut d’abord une ouverture humble et confiante, de tout notre être à ce que Jésus, par son
Esprit, veut nous dire – Au début d’une retraite, il faut parfois 1 jour ou 2 pour nous établir dans cette
disponibilité intérieure à ce vide, cette vacuité de l’esprit – Nous avons tendance au début à vouloir par
nous-mêmes, à nous tendre, par désir de bien faire, à rester au plan cérébral quand nous recevons la
Parole.

Or, il faut que cela descende plus profondément en nous. Mais cette Parole de Dieu est efficace, elle ne
revient pas sans avoir porté du fruit – C’est là la 2 ème étape : ce que Dieu nous dit fait la lumière en nous et
nous pousse à changer de vie.

138
Cours de spiritualité

La Parole apporte avec elle une grâce de conversion, la force nécessaire pour que nous changions notre
façon de penser, notre façon de parler, notre façon d’agir et de réagir.

La Parole est lumière et puissance, et pourtant elle ne nous contraint pas, elle nous séduit plutôt, elle
incline notre cœur vers Dieu, Dieu ne nous force jamais.

Par antithèse, ce que n’est pas une retraite ; on peut peut-être dire : une retraite, ce n’est pas une 3ème
semaine de vacances, bien qu’il y ait cependant une possibilité de se reposer un peu physiquement
pendant une retraite puisque le lever est plus tardif et qu’on peut davantage prendre l’air – mais il ne faut
pas confondre une retraite avec une 3ème semaine de vacances, l’optique n’est pas tout à fait la même – Ce
n’est pas non plus un temps d’introspection, de scrupule, ni de bavardage avec nous-mêmes ni avec Dieu,
ni de rêveries. Ce n’est pas un temps où l’on peut faire ce que l’on n’a pas pu faire au cours de l’année  :
des rangements, du grand ménage, ce n’est pas non plus prévu pour ça – Ce sont des choses qu’on peut
peut-être faire mais dans la mesure où elles seraient le meilleur moyen de nous unir à Dieu pendant la
retraite, mais non pas comme une fuite de la prière.

Je crois que là nous avons toutes l’expérience que parfois nous avons peur de la prière, de la solitude, de
nous ennuyer, nous nous lançons dans les activités de ménage ou autres pour nous détendre. C’est peut-
être à voir chacune avec son tempérament, il ne faut pas se dire : une retraite, tant mieux, je vais pourvoir
faire telle ou telle chose que je n’ai pas pu faire cette année.
Ce n’est pas non plus un temps où l’on se met à dévorer des livres de spiritualité ou des biographies qu’on
n’a pas eu le temps de lire, ou parce que l’on a peur d’être devant Dieu tout simplement et qu’on préfère
avoir le cerveau bien rempli d’idées pour ne pas s’ennuyer.
Le temps de la retraite est le temps où l’on se met paisiblement, c’est important ce mot, en situation
d’écouter le Maître qui nous enseigne comme Marie de Béthanie, sans peur et sans tension. Qu’avons-
nous à craindre de notre Père ?

Donc dans un climat aussi d’humilité et de confiance, comme un enfant qui se laisse instruire, comme une
épouse qui se laisse aimer et qui ne cherche qu’une chose : rendre heureux le Seigneur pendant 8 jours.
Cela suppose qu’on s’oublierait totalement et qu’on ne serait plus centrée sur soi.

Pratiquement, cela demande un certain nombre de conditions, j’en ai trouvé environ 5 que je n’ai pas mis
par ordre d’importance, elles vont toutes ensembles. Des conditions d’ascèse :

 Le silence intérieur et extérieur, il faut parfois 1 ou 2 jours comme je le disais pour que le silence
intérieur s’établisse.

 La régularité pour être aux observances, aux offices, aux repas, aux conférences.

 La fidélité à un programme qu’on se fait pour ne pas vivre dans le caprice et la fantaisie, c’est
peut-être une sagesse de s’établir sois-même un certain programme pour tout le temps libre qu’on a dans
la journée pour ne pas que ce soit l’idée du moment, le sentiment du moment qui change et qui nous fasse
faire ceci ou cela tous les jours au gré de n’importe quoi – cela avec souplesse.

139
Cours de spiritualité

 La mortification qui est à chercher chacune selon ce que le Seigneur lui inspire. Je ne veux pas
parler de mortifications extérieures importantes, non, mortifier peut-être la vue, le désir de tout savoir, le
jugement sur les autres, des tas de petites choses.

2ème condition : la prière évidemment.

La prière liturgique d’abord qui fait qu’on sera fidèle aux Offices, qu’on les préparera de son mieux,
soigneusement.

L’Oraison – On parle souvent de 3 heures d’oraison par jour pour une retraite – là aussi, c’est
à voir suivant ce que l’on peut vivre – Plus on prie, plus c’est facile de prier – moins on prie,
plus c’est difficile – On l’a toutes expérimenté.

Pour cette Oraison aussi, il faudrait peut-être s’établir soi-même un certain programme de
temps et de lieu. Peut-être de temps en temps dans le jardin, peut-être de temps en temps au
chœur mais pas n’importe quoi tous les jours : pas 3 heures un jour, 1/2 heure le lendemain, 1
heure le surlendemain. Essayer de tenir à une certaine présence de fidélité devant Dieu.

Dans la prière j’ajouterais volontiers la méditation quotidienne de la Passion du Sauveur – quelques


moments – peut-être un chemin de Croix – peut-être une autre façon, mais nous remettre tous les jours
devant cette Passion – c’est bon pendant une retraite – ainsi que le rosaire, qui est une façon aussi de
méditer la Passion et les autres Mystères.

3ème condition : l’Ecoute de la Parole et tout enseignement qui nous est donné – les Conférences – La
Parole que nous entendons au Chœur, que nous proclamons par les Psaumes – la Lectio Divina – Ce
serait le temps privilégié pendant une retraite de faire comme je disais au début, non pas lire tout un livre
de spiritualité mais de faire une Lectio Divina, une lecture méditée, savoureuse très simple, très paisible
pour que la Parole descende en nous, que cela ne reste pas au plan des idées mais que cela descende en
notre cœur. Si vous ne l’avez expérimenté, je vous donne une idée : celle de lire de cette façon les 4
évangiles – du débuté à la fin – quelques chapitres tous les jours – ni trop vite ni trop lentement. Cela
donne une vision tout à fait nouvelle de la personne de Jésus, de son enseignement, de ce qu’Il nous
demande.

Cette lecture de l’Evangile peut se faire sans trop vite se l’appliquer à soi-même au plan pratique. Quand on
a lu quelques passages, ce n’est pas le moment de se dire : et moi, qu’est-ce que je dois faire maintenant –
mais laisser descendre en nous le texte, laisser vivre le texte – et peu à peu le Seigneur Lui-même dans sa
lumière, nous montre ce que nous devons changer dans notre vie.

4ème condition : Un climat intérieur d’humilité et de charité.

Par la bienveillance intérieure et extérieure – Comment pourrions-nous rencontrer Dieu si nous avons une
attitude intérieure de jugement de sévérité, de rancune, d’indifférence ou de mépris vis à vis des autres.
Nous nous classerions du côté des Pharisiens de l’Evangile et ceux-là n’accueillent pas la Parole et ne se
convertissent pas.

140
Cours de spiritualité

Donc ce climat intérieur de bienveillance, de charité, et d’humilité est très important à l’égard de toutes les
Sœurs avec qui l’on vit par le service effectif aussi – Habituellement, en retraite, nous donnons au moins 1
heure dans nos emplois ou 1 heure de service communautaire. Pour celles qui n’ont pas d’emplois ou qui
n’auraient pas besoin d’aller dans leur emploi, qu’elles remplacent par 1 heure de service communautaire :
ménage ou autre.

5ème condition : La vérité. C’est peut-être le moment de vivre en vérité avec soi-même, et aussi le moment
de voir avec la Prieure notre emploi du temps tout au long de l’année – Ce n’est pas forcément pendant la
retraite qu’il faudrait faire cela, mais puisque la coutume veut que la prieure reçoive chaque sœur, c’est
une occasion de revoir nos engagements : comment nous vivons notre vie religieuse, notre vie de prière
d’abord et de recherche de dieu, notre participation aux Offices, à la Messe, si nous sommes dispensée de
l’Office ou de la Messe de Communauté ou de tel Office, c’est peut-être bon au moment de la retraite de le
revoir avec la prieure parce que les conditions ont pu changer – On peut avoir une santé déficiente à un
moment et puis, être en meilleure santé un an après et pouvoir faire autre chose, ou l’inverse – Je pense
qu’une dispense n’est pas acquise pour la vie durant, sans exception. C’est bon de le revoir. Egalement, si
on a le temps de faire son Oraison habituellement, le temps de faire sa lecture.

Pour la vie communautaire, c’est le moment de revoir la participation aux repas – aux réunions
communautaires – aux récréations – de faire le point. Comment l’ont vit ses relations avec la famille – les
détentes – les vacances – ce dont on a besoin au point de vue détente, puisque c’est un peu à chacune
selon ses besoins.

Enfin pour la vie apostolique, c’est le moment de revoir son emploi, s’il y a des difficultés d’horaires ou
autres et les différents engagements et relations que nous avons avec l’extérieur.

Et pour finir, ce temps de retraite pourra être si nous l’avons vécu ainsi, un vrai temps de repos. Ce n’était
pas le but au départ de nous reposer, mais si notre cœur est dans la paix parce qu’il ne recherche que la
volonté de Dieu, notre cœur et notre esprit se détendent, il n’y a plus de tiraillement en nous et c’est ça le
vrai repos. Tout l’être en bénéficie et souvent, à la fin d’une retraite, on se sent renouvelé, non seulement
dans notre esprit, notre cœur, mais tout notre être parce que nous sommes décentrées de nous-mêmes –
moins égoïstes – centrées sur Dieu – bienveillantes pour les autres – Ce sont les conditions d’une bonne
santé.

Il est extrêmement important que les sœurs qui ne sont pas en retraite soient silencieuses – C’est leur
façon de manifester leur charité ; qu’elles respectent la prière des retraitantes et leur solitude. Et quand on
va dans son emploi, que ce soit une prolongation de la prière c’est-à-dire la contemplation et le service de
Jésus présent dans les malades, dans les familles, dans les membres de l’Equipe. Le temps que l’on donne
à la clinique ou ailleurs, ce n’est pas le moment où on se défoule, c’est le moment où l’on continue à
contempler le Seigneur et à le servir – Ainsi cette heure ne nuit pas à la recherche de Dieu mais la favorise.

141
Cours de spiritualité

Conférence – Retraite de Mère Yvonne Aimée

Mes Sœur,

Les retraites, vous le savez nous sont données pour que nous nous retrempions dans la vie intérieure, pour
que nous regardions loyalement où nous en sommes de nos efforts (je ne dis pas de nos succès) dans le
travail de notre sanctification.

Quand nous avons reçu l’appel de Dieu, Dieu a enrichi notre âme d’une grâce spéciale – une nouvelle
grâce nous a été donnée le jour de notre prise d’habit – une bien plus grande le jour de notre profession –
mais notre âme ne s’enrichit réellement que si nous coopérons généreusement aux grâces du Bon Dieu.
Les retraites sont des grâces. Dieu est prêt. Il attend même avec un amour impatient que nous Lui
réclamions ce dont nous avons besoin pour mieux L’aimer, et mieux le servir.

Mieux L’aimer, tout est là. Mais si beaucoup savent en paroles le reconnaître et le dire, il y en a trop qui ne
comprennent pas que pour mieux aimer il est absolument nécessaire de vivre intensément une vie
intérieure.

Toute activité qui ne développe pas en nous cette vie intérieure, n’a pas grande valeur. Notre nature
sensible nous attire d’une manière souvent excessive vers les choses visibles, tangibles – et cependant il
existe un domaine invisible incomparablement plus beau et meilleur que celui que nous percevons et dont
nous jouissons et souffrons.

Nous pouvons jouir d’être dans un emploi où notre activité se dépense, ou qui nous plait. Nous pouvons
souffrir d’être dans un emploi qui nous plaît moins, et nous paraissons moins utile. Notre sensibilité se met
en action suivant nos goûts, notre tempérament – mais la sagesse, la vérité consiste à habiter par la
pensée ou la volonté dans ce monde invisible (notre âme) plus réel que le monde visible, car notre activité
extérieure ne doit être que le prolongement ou l’expression de notre vie intérieure.

C’est au centre de notre âme que par l’Amour s’opère la rencontre avec Dieu.

Donc nous pouvons aimer notre vie active si nous aimons la vie intérieure notre activité est bonne,
méritante, si nos heures de prières, si notre vie régulière, si notre vie intérieure est loyalement
sauvegardée.

Une religieuse par exemple qui se ferait chérir de ses malades par son dévouement à toute épreuve et qui
négligerait soit en les disant par routine – dans les chemins – n’importe comment et n’importe quand ses

142
Cours de spiritualité

prières – les plaçant en second d’une façon habituelle – cette religieuse n’aurait pas le sens religieux – elle
n’aurait pas compris la vie intérieure – elle n’aimerait pas Dieu en vérité.

La retraite est toujours faite pour nous rappeler le vrai sens de notre vie religieuse – se renoncer pour
trouver Dieu.

Dieu est le foyer de lumière et de chaleur – On peut plaire à ses malades en les choyant – on peut plaire
aux créatures en les gâtant, en les flattant, on peut même leur faire un bien passager par notre amabilité,
notre dévouement, notre patience – mais on ne peut leur être utile à l’âme – on ne peut gagner des grâces
on ne peut se sanctifier que dans a mesure de notre vie intérieure.

Chercher Dieu – c’est chercher à vivre de plus en plus en Lui – de Lui – c’est aimer à se replonger dans les
choses divines – c’est aimer la volonté de Dieu dans chaque point de la Règle, non pas seulement dans les
points qui nous vont mieux – qui nous portent vers ce qu’on aime le mieux – mais c’est être fidèle à tout.

o Fidèle pour aller dans emploi.


o Fidèle pour en partir à l’heure.
o Fidèle pour soigner avec amabilité, patience et générosité tous ses malades.
o Fidèle sans exception sans tenir compte de ses sympathies.
o Fidèle pour aller au réfectoire, au chœur.
o Fidèle pour faire ses prières avec piété, calme et ne pas prendre la déplorable habitude de les dire
partout dans les chemins pour s’avancer. (On peut le faire par extraordinaire – pas par habitude.) Bien sûr
on peut prier dans les chemins, on peut dire son chapelet – mais en général pas son Office, pas sa lecture.
J’ai vu quelques unes avec leur livre d’Office ou leur livre de lecture monter, descendre des escaliers – aller
et venir de la clinique à la communauté et vice versa, ne faites pas cela – ce n’est pas respectueux. Si
vraiment vous avez à avancer vos prières vous pouvez dire votre chapelet, vos litanies, vous pouvez
pensez à Dieu, sans livre. Fidélité = égale amour.

Mais la fidélité ne consiste pas non plus à n’aimer que la partie de notre vie qui nous tient en prières ou au
chœur – vous le comprenez – je veux seulement vous dire que toute action extérieure ne peut être
profitable à nous comme au prochain que dans la mesure ou nous estimons et développons notre vie
intérieure.

Il n’y a pas de fleur qui puisse vivre sans tige ; que nos œuvres soient l’efflorescence mais que notre vie
intérieure soit la tige remplie de sève vigoureuse.

La sainteté intérieure qui doit être notre but – doit être la racine de notre apostolat – aucune activité, je le
répète ne peut être comparée en importance et en utilité au travail de notre vie intérieure.

C’est en cela que notre activité, nos projets, nos préoccupations journalières différent de celles des gens du
monde. Pour nous religieuses, que nous le voulions ou non, nous sommes ou des âmes de lumière, ou des
pierres d’achoppement – non pas visiblement toujours, mais en fait… Si notre vie intérieure est nulle ou

143
Cours de spiritualité

tiède, le bien apparent que nous faisons n’est que de courte durée, car Dieu n’est pas assez notre centre. Il
faut donc absolument réagir suivant nos tendances.

Suis-je tentée de négliger mes prières pour l’activité ? Je veillerai à les soigner davantage.

Suis-je tentée de ne pas être généreuse, attentive, renoncée dans mon emploi ? Je veillerai à voir Dieu et
sa volonté dans tout ce que me demande l’obéissance.

Soignons tout ce que Dieu nous demande, nos exercices de piété à leurs heures, notre travail ou nos
récréations – tout est volonté de Dieu.

Efforçons-nous pendant cette période de retraite, d’apporter plus de soin, plus de régularité, plus de
dévotion dans tous nos exercices religieux, plus d’exactitude dans tout ce que nous aurons à faire.

Il est vrai, je le sais, que le temps nous est mesuré bien souvent – nous avons de l’imprévu – mais il faut
s’accommoder du temps comme Dieu nous le donne – et n on pas accommoder le temps comme il nous
plaît.

Dieu ne mesure pas les bienfaits de l’union avec Lui au temps que nous mettons à Le rechercher. Un
instant peut suffire à nous mettre en contact avec Dieu. Nous devons multiplier ces « prises de contact »
jusqu’à en faire une habitude, de manière à ce que la rencontre avec Dieu ne cesse pas. Alors tout ce que
nous ferons comme activité sera fécond. De plus, une âme qui se tient ainsi en contact avec Dieu, arrive à
penser comme Dieu, elle devient meilleure, miséricordieuse, indulgente, surtout elle devient plus humble,
elle a plus de lumières et plus de force.

L’âme qui place la prière comme base de son activité, sauvegarde en elle la pureté d’intention. Travaillant
par amour, elle déteste la complaisance en soi. Loin de pouvoir se faire remarquer, se faire estimer ou se
faire aimer, elle concentre en Dieu ses pensées, ses désirs, ses affections, et s’il y a parfois un léger retour
d’amour propre, elle en conçoit immédiatement un regret et repentir.

Si l’âme « extérieure » se trouve exposée à de multiples dangers, l’âme intérieure se sent avec assurance
entre les mains de Dieu. Ni agitation, ni fièvre, ni accaparement dans le travail. L’âme vraiment intérieure et
aimante n’agit pas avec égoïsme, ni avec personnalité. Elle sait de plus se réserver les corvées, car il y en
a dans chaque emploi – les rangements, les balayages peuvent être moins intéressants que les soins
proprement dits mais l’âme qui aime a justement la délicatesse dans les procédés. Elle s’oublie parce
qu’elle pense à Dieu. Elle se renonce parce qu’elle aime Dieu et le prochain plus qu’elle-même.

L’âme unie à Dieu fait plus de bien par une simple parole qu’une autre par de beaux et longs
raisonnements, car l’âme remplie de l’Esprit de Jésus sanctifie par son exemple, et cela presque sans le
savoir. Participant à la bonté divine, elle répand la bonté et la paix. Elle rayonne parce qu’elle se renonce
au point d’aimer ce qui ne lui est pas agréable.

144
Cours de spiritualité

Elle agit surnaturellement parce qu’elle est surnaturelle. Le talent, le zèle ne sont rien au point de vue
surnaturel si Dieu ne les inspire pas. C’est dans le calme et la paix que notre vie éternelle se développe,
non dans le mouvement.

145
Cours de spiritualité

Prier devant le Saint Sacrement

La prière devant le Très Saint Sacrement exposé doit obéir aux règles de toute oraison, puisque ces règles
sont valables pour toutes nos rencontres avec le Seigneur. Il faut donc :

1. Attendre cette heure d’adoration comme un grand moment de notre semaine et nous y préparer
comme à un rendez-vous d’amour.

2. Commencer cette heure par :

- un geste calme et prolongé : prosternement devant la Présence adorable, signe de croix tout
en regardant le Corps du Christ crucifié pour chacun de nous, mains ouvertes tendues vers l’Ostensoir tout
en pensant qu’elles recevront la Sainte Hostie lors de notre prochaine communion.
- Ou une prière vocale très courte, lentement récitée : « Mon Seigneur et mon Dieu »,
« Agneau de Dieu… »

3. Adopter une attitude corporelle que je puisse conserver un certain temps et qui favorise par
conséquent mon recueillement intérieur.

4. Etablir sans retard le contact avec le Seigneur Jésus : « Tu es là, Seigneur » « Tu me regardes, tu
m’attends », « Tu veux me rappeler ton Amour et me communiquer ta Vie. »

5. Poser un acte de volonté très précis pour orienter toute mon heure : « Je ne viens pas chercher des
émotions sensibles ni des idées originales qui satisfassent ma sensibilité ou mon esprit ; je viens Te
permettre de me donner ce que Tu veux donner aujourd’hui. Un point, c’est tout » !

6. « Aide-moi, Seigneur, à rester là devant Toi, exposé à ton Amour et à ton Action. »

7. En solidarité avec toute l’Eglise que je veux aider par ma prière… et dont la prière me soutient !

Les thèmes privilégiés

Il va sans dire que personne ne se croira obligé de prier tous ces thèmes en une heure ! … ni de suivre cet
ordre. Par ailleurs plusieurs thèmes indiqués ici se recoupent, tandis que d’autres ne sont pas signalés.

1. Trois attitudes ou je me situe plutôt face au Seigneur

1.Jésus nous regarde

C’était la façon dont priait le vieux paysan qui fait l’admiration du Curé D’ars : « Je l’avise et Il m’avise. »
Je veux écouter le Seigneur me redire : « Comme le Père m’a aimé. Moi aussi, je vous ai aimé : demeurez
dans mon Amour. » (Jean 15,9) « Assieds-toi, comme Marie à Béthanie, et laisse-toi aimé. » (Cf. Luc
10,39) « Venez à Moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et Moi, je vous soulagerai.  »
(Matthieu 11,28) « Je suis tout proche de vous, comme je l’étais des disciples d’Emmaüs. »

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Cours de spiritualité

Je veux répondre au Seigneur : « Emmanuel », « Dieu tout proche. » Seigneur Jésus, Tu es vivant. »
« Nous célébrons Ta résurrection ! »
« Le regard de mon Dieu, son ravissant sourire, voilà mon Ciel à moi. » (Thérèse de Lisieux)

2.Jésus nous rappelle sa Passion

La Sainte Hostie est le mémorial vivant de la Passion de notre Sauveur. C’est le Christ qui nous met dans
les mains son Corps livré pour nous, « afin que nous en fassions mémoire. »
Je peux écouter le Seigneur me redire : « Ceci est mon Corps livré pour vous : faites cela en mémoire de
Moi. » (Luc 22,19) « O mon peuple, que t’ai je fait ? En quoi t’ai Je contristé ? Répond moi. Qu’aurai-Je dû
faire pour toi que Je n’ai point fait ? » (Liturgie du Vendredi Saint)
Je peux regarder le Crucifix qui se trouve au-dessus de l’autel, contempler longuement les mains et les
pieds cloués, la tête couronnée d’épines et redire avec Saint Paul : « Je vis dans la foi au Fils de Dieu qui
m’a aimé et c’est livré pour moi. » (Galates 2,20)
Je peux chanter au Seigneur :

« Ton sang, Seigneur, fut pour nous répandu,


ton Corps, Seigneur fut pour nous crucifié,
que tant d’amour ne soit pas méconnu
et que ton Nom soit partout sanctifié ! »

« Et regardant Ta croix, ô mon Maître, apprends-moi


comment n’aimer, mon Dieu, n’aimer que toi ! »

« Je veux T’aimer sans cesse


de plus en plus,
protège ma promesse
Seigneur Jésus. »

« Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus,


mais nous célébrons aussi ta Résurrection… »

3.Jésus est le Roi de gloire adoré par toute la terre

Il est l’Agneau Immolé devant lequel se prosternent tous les anges et tous les saints du ciel (Apocalypse 5)
Je veux m’unir à cette liturgie éternelle en chantant :

« Toi seul es saint, toi seul es Seigneur,


Toi seul est le Très-Haut, Jésus Christ »

« Joyeuse Lumière,
Splendeur éternelle du Père,
Saint et bienheureux Jésus Christ ! »

« Seigneur Jésus, Tu es vivant,


en toi la joie éternelle ! »

« Alléluia, le Christ est vivant ! »

147
Cours de spiritualité

2. Des attitudes ou je me laisse envahir par la vie du Seigneur

Le Seigneur est présent sous les apparences du pain pour Se donner à nous en nourriture : Il veut nous
communiquer toute la Vie divine qui est en Lui. Si le Bon Pasteur veut être Lui-même la nourriture de ses
brebis, c’est afin de leur communiquer la vie en surabondance. (Jean 10,10) « Exposés au Très Saint
Sacrement », nous nous préparons à recevoir les richesses insondables qui sont dans le Christ. 
(Ephésiens 3,8)

1. Jésus nous communique sa vie

Il est vraiment le Christ, le Messie, Celui qui est tellement « Oint » ; imbibé de l’Esprit vivifiant de Dieu, qu’Il
peut le répandre abondamment sur touts ceux qui s’approchent de Lui avec confiance. Sa chair glorieuse
est toute pénétrée des énergies de l’Esprit. Par sa résurrection, le Christ est devenu « un Etre spirituel
donnant la vie. » (1 Corinthiens 15,45)

Je peux écouter le Seigneur me redire :

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. » (Jean 6,54)
« Si tu savais le don de Dieu… Il t’aurait donné de l’eau vive. » (Jean 4,10)
« Fais-toi capacité ; Je me ferai torrent. » (Le Christ à Catherine de Sienne)

Je peux me préparer à ma prochaine communion en disant au Seigneur :

« Viens, Seigneur étancher notre soif, viens, Jésus, apaiser notre faim ! »
« Maranatha, Viens, Seigneur Jésus ! »
« Tu es là au cœur de nos vies ; Et c’est Toi qui nous fais vivre ! »
« Quand nous serons nourris de son Corps et de son Sang, que nous soyons remplis de l’Esprit Saint. »
(Prière eucharistique n° III)

2. Jésus nous guérit en profondeur

Pour que nous puissions recevoir pleinement cette vie divine que le Christ nous communique, il faut qu’Il
purifie notre cœur. Mais précisément Il vient aussi et même d’abord pour cela.
Il est « Jésus », le « Sauveur », le Chirurgien seul capable d’extirper de notre cœur le mal profond qui s’y
trouve.
Ecoutons le Seigneur nous redire :
« Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu
appeler les justes, mais les pécheurs. » (Marc 2,17)
« Emu de compassion, Jésus étendit la main sur le lépreux, le toucha et lui dit  : « Je le veux, sois purifié ! »
Et aussitôt la lèpre le quitta et il fut purifié. » (Marc 1,41-42)
Supplions le Seigneur en répétant avec confiance :
« Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi, pécheur ! »
« O Seigneur, guéris-nous, O Seigneur, sauve-nous, Donne-nous la paix ! »
« Seigneur, je ne suis pas digne… mais dis seulement une parole… »

3. Jésus est source inépuisable de grâce pour le monde

148
Cours de spiritualité

Ma prière devant le Très Saint Sacrement peut très bien se faire prière d’intercession pour tous les besoins
de l’Eglise et du monde. Je regarde alors l’Ostensoir en me souvenant que Saint Jean nous présente le
Cœur du Christ transpercé au Calvaire comme la Fontaine annoncée par le prophète Zacharie (13,1) et
qui doit s’ouvrir à Jérusalem pour laver tous les péchés du monde. Je tends les mains vers cette Fontaine
pour que débordent sur le monde les grâces dont il a tant besoin : je me tiens en somme au pied de la
Croix comme l’Eglise le fait le Vendredi Saint dans sa grande prière universelle.
Si je fais cette heure d’adoration dans le silence de la nuit, je pense spontanément à tous ceux qui
voyagent en avions, sur l’autoroute ou en chemin de fer, à tous ceux qui travaillent au fond de la mine ou
en usine, à ceux qui n’arrivent pas à dormir parce qu’ils souffrent physiquement ou moralement, aux
malades et à ceux qui les veillent… Je pense aussi à la prière nocturne des moines et des moniales, à celle
des adorateurs de Montmartre..
« La Passion de Notre Seigneur, disait le Curé d’Ars, est comme un grand fleuve qui descend d’une
montagne et ne s’épuise jamais. »

« Rocher nouveau d’où sort le Fleuve de la vie,


tu es venu abreuver ceux qu croient en Toi,
et tu laissas s’ouvrir ton cœur.
O viens, Seigneur Jésus !
Fontaine intarissable. »

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à Moi,


et qu’il boive, celui qui croit en Moi. »

Selon le mot de l’Ecriture :


« De son sein couleront des fleuves d’eau vive. »
« Jésus parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en Lui. » (Jean 7,38-39)

4.Jésus est source de notre charité fraternelle

Prier pour mes frères et sœurs qui sont au loin c’est bien… Mais ils ne doivent pas me faire oublier mon
prochain « le plus proche. »
J’écoute le Seigneur me redire :
« Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés » (Jean 13,34), mais je me rappelle surtout qu’il a
dit cela le soir de la Cène, après avoir institué la Sainte Eucharistie. Pour que je puisse vivre le
« commandement nouveau » de la charité fraternelle. Il a institué le « sacrement nouveau » de
l’Eucharistie. Alors je le supplie de venir aimer tous ceux vers lesquels Il m’envoie.

5. Jésus est source de notre audace apostolique et de notre joie.

C’est le Christ Jésus qui m’envoie en mission vers le monde et qui promet à tous ses disciples de rester
avec eux jusqu’à la fin des temps dans cette mission d’évangélisation. (Matthieu finale) C’est Lui qui
continue à susciter dans son Eglise des vocations missionnaires pour que la Bonne Nouvelle de sa
Présence et de son Amour soit connue par toute la terre.

« Allez par les chemins, L’Esprit vous conduira

149
Cours de spiritualité

criez mon Evangile. Sur des routes


Allez, pauvres de tout, nouvelles.
Partager votre joie Allez, ne craignez pas,
Je demeure avec vous. »

Ecoutons le Seigneur nous redire :


Et chantons-Lui :
« Envoie tes messagers, Seigneur, dans le monde entier,
Envoie tes messager, pour qu’il chante ta Gloire, alléluia. »

Demandons-Lui aussi d’être pour nos frères une épiphanie de son Visage par la qualité de notre sourire, de
notre joie. Et cette joie parfaite, Lui seul peut nous la donner :
« Demeurez dans mon Amour… Je vous dis cela pour que Ma joie soit en vous et que votre joie soit
complète. » (Jean 15,10-11)
« Seigneur, je viens vers Toi mendier Ta joie. »

6. Jésus est source de notre patience dans l’acceptation de la croix.

Prince des martyrs, Jésus nous donne la force de porter nos croix à sa suite. C’est Lui qui veut venir en
nous porter Lui-même les croix dont Il permet l’existence dans nos vies.
La force qu’Il nous donne n’est pas une espèce de super vitamine spirituelle qui nous permettrait d’être plus
courageux que les païens, d’avoir plus d’entrain face à la souffrance.
La force qu’Il nous donne « se déploie dans la faiblesse », comme Il l’explique à Saint Paul (2 Corinthiens
12,9), c’est-à-dire que le chrétien doit s’attendre à être aussi démuni, aussi pauvre que les autres, quand
une épreuve lui arrive. Le Chrétien sait seulement, d’une certitude absolue, que Jésus est avec lui et en lui
pour porter cette croix : Il lui donne seconde après seconde la patience dont il a besoin.
C’est pourquoi Thérèse de Lisieux faisait remarquer, un jour qu’elle avait surpris quelqu’un en train
d’admirer sa patience : « Je n’ai pas encore eu une minute de patience. Ce n’est pas ma patience à moi ;
On se trompe toujours. »
« Seigneur, Tu m’as toujours donné la force du lendemain,
et, bien que faible aujourd’hui, je crois ! »

3. Trois attitudes ou je me laisse attirer par le Seigneur

Il y a d’autres moments où je me plonge dans le Seigneur – comme la goutte d’eau dans l’océan – en
pensant avec bonheur que le Seigneur est l’Océan sans limites dans lequel je peux m’enfoncer toujours
plus.

1. Jésus est le centre de tous les cœurs : Il nous attire à Lui.

Depuis notre baptême, nous sommes « dans le Christ », comme Saint Paul le répète si souvent. Chacune
de nos oraisons, chacune de nos communions permet au Seigneur Jésus de nous saisir davantage
(Philippiens 3,12), de nous rendre davantage dans ses mains toutes puissantes de Ressuscité.

Je peux écouter le Seigneur me redire :

150
Cours de spiritualité

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en Moi et Moi en lui » et passer mon heure
d’adoration à « demeurer en Lui. »

Je peux aussi Lui demander de m’attirer toujours plus à Lui, de m’incorporer davantage en Lui, jusqu’au
jour où Il m’emportera définitivement dans l’Océan sans rivages de son Amour. Je peux Lui demander de
réaliser sa promesse :

« Une fois élevé de terre, J’attirerai tous les hommes à Moi. » (Jean 12,32)

151
Cours de spiritualité

Et je pense avec joie que plus je me laisse attirer par le Seigneur, plus j’entraîne vers Lui tous ceux et
toutes celles qui me sont unis par les liens mystérieux de la Communion des Saints : Thérèse de Lisieux le
comprend en méditant les paroles du Cantique : « Attirez-moi, courrons à l’odeur de vos parfums. » « Il
n’est donc même pas nécessaire de dire : « En m’attirant, attirez les âmes que j’aime ! » Cette simple
parole : « Attirez-moi » suffit. Seigneur, je le comprends, lorsqu’une âme s’est laissé captiver par l’odeur
de vos parfums, elle ne saurait courir seule : toutes les âmes qu’elle aime sont entraînées à sa suite. Cela
se fait sans effort, sans contrainte : c’est une conséquence naturelle de son attraction vers vous. »

2. Avec Lui et en Lui Jésus nous emmène vers le Père.

Le Christ Jésus rend présent sur nos autels le Mystère de son Corps et de son Sang pour que nous
puissions nous associer à l’Offrande éternelle de Lui-même qu’Il ne cesse de faire à son Père dans le ciel.
Et Il nous communique son Esprit pour que, dans l’élan de cet Esprit, nous puissions dire « Abba ! »

Je peux écouter le Seigneur me redire :

« Je suis venu chercher des adorateurs qui adorent le Père en esprit et en vérité. » (Jean 4,23)
« Quand vous prierez, vous direz « Père. » (Luc 11,2)
Je peux reprendre devant le Très Saint Sacrement exposé telle ou telle partie de la Grande prière
eucharistique :
« Père, que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta Gloire.  » « Père que ton Nom soit
sanctifié. » « Père, il est juste et bon de Te rendre gloire, de T’offrir notre action de grâce toujours et en tout
lieu, par Jésus, le Christ, notre Seigneur. »
Nous pouvons aussi reprendre le cantique d’action de grâce de la Vierge Marie, en demandant au Seigneur
Jésus de venir chanter Lui-même en nous cette louange au Père : « Magnifique est le Seigneur, tout mon
cœur pour chanter Dieu… »

3. Au dernier jour le Seigneur Jésus reviendra dans sa Gloire et rassemblera en lui tous les hommes
de bonne volonté.

En regardant l’Hostie nous pensons avec admiration à ces bras tout-puissants du Christ Jésus capables de
rassembler un jour en Lui tous les hommes qui peuplent l’Univers et nous Lui chantons : « O Seigneur,
rassemblez dans votre Eglise tous nos frères qui peuplent l’univers ! »

Le Seigneur reviendra Tiens ta lampe allumée


Il l’a promis Ton âme claire
Il reviendra la nuit qu’on n’ l’attend pas Qu’il y ait de la lumière pour ses pas
Le Seigneur reviendra Tiens ta lampe allumée
Il l’a promis Ton âme claire
Ne sois pas endormi cette nuit-là Pour qu’il n’ait pas de peine à te
trouver.

Dans ma tendresse je crie vers Lui


Mon Dieu, serait-ce pour cette nuit ?

152
Cours de spiritualité

Des quatre points de l’horizon


Les peuples sont en marche
Pour prendre place en la maison
Que, par nous, Tu prépares.

Au dernier jour, Jésus reviendra dans sa gloire métamorphoser le cosmos tout entier dont Il est déjà « Le
Seigneur. » (1 Corinthiens 15,28) Alors ce n’est pas seulement un peu de pain et de vin, fruit de la terre et
du travail des hommes, qui deviendront Corps et Sang du Christ, c’est le monde tout entier transformé par
le travail des hommes dont le Christ glorieux s’emparera définitivement pour le diviniser, pour le
transfigurer : « Dieu deviendra tout en tous. »

« Quand la trompette sonnera, je revivrai et face à face Te verrai !


Seigneur Jésus, exauce-moi,
Je veux sans fin vivre avec Toi ! »

A la fin de notre prière devant le Très Saint Sacrement, n’oublions pas de :

 rendre grâce au Seigneur pour le travail qu’Il a fait en nous. Exposé au soleil de son Amour et arrosés par
la Source d’eau vive, les rameaux de la Vigne se sont développés et vont porter plus de fruits.

 nous préparer par le désir à notre prochaine communion : « Viens, Seigneur, Jésus. »

 conserver dans le cœur et sur les lèvres le mot qui résume toute notre prière « Jésus ! »

Ce mot que la Vierge Marie nous aide à prononcer avec confiance et beaucoup d’amour.

Jesu, dulcis memoria O Jésus, de douce mémoire


Dans vera cordis gaudia Qui nous mets au cœur la vraie joie,
Sed super mel et omnia Oui, plus que le miel et plus que
Ejus dulcis praesentia. tout,

Nil canitur suavius Que ta présence est chose douce !

Nil auditur jucundius Rien à chanter de plus aimable,


Nil cogitur dulcius Qu’entendre de plus agréable,
Quam Jesus, Dei Filius ! A quoi penser qui soit plus doux
Que ton Nom, Jésus, Fils de Dieu !

 (Ce document avait été donné à Sœur Maryvonne Carof lorsqu’elle était à la maison de repos Sainte
Thérèse)

153
Cours de spiritualité

Chapitre IX : « L’Espérance »

D’après : j’espère en Jésus Christ de J.G. Ranquet

« L’Objet de l’espérance est un bien future difficile, et cependant possible. » (Saint Thomas d’Aquin : la
Somme)

L’espérance est une vertu infuse théologale par laquelle, nous appuyant sur la toute-puissance aidante de
Dieu, nous espérons Dieu qui sera notre béatitude, et les moyens nécessaires pour y parvenir.
La foi nous découvre Dieu, l’espérance le désire et espère l’atteindre. Comme la foi, l’espérance est une
vertu théologale qui a Dieu pour objet et pour motif : c’est lui que nous espérons parce que sa toute-
puissance nous sera aidante.

Le bonheur que Dieu promet à l’homme n’est pas à séparer de Dieu lui-même. Non pas quelque chose de
lui, mais lui tout entier dans toute sa beauté et sa vie. De cette saisie de Dieu-béatitude, nous n’avons sur
terre que l’avant goût, juste assez pour nous mettre en route et avancer. Une fois le terme atteint,
l’espérance cessera. Espérer porte donc sur Dieu béatitude en tant que non encore atteint mais désiré et
approché. (Père Ranquet 68)
Or Dieu seul peut conduire jusqu’à Dieu ; seul il peut nous élever jusqu’à ce bonheur qui est en nous si
appelé et si étranger. Seul Dieu est assez puissant pour rendre possible notre entrée dans la joie. La toute
puissance secourable de Dieu qui éclate en Jésus Christ fait donc partie intégrante de l’objet de
l’espérance.
Ce que j’espère, c’est tout ensemble la joie de Dieu et le secours indispensable pour y parvenir.
« Ce qu’il a promis, Dieu est assez puissant pour l’accomplir. » (Romains 4,21)

L’absence de l’objet que l’on espère crée le désir et le mouvement de l’espérance vers lui :
« C’est en espérance que nous avons été sauvés ; mais voir ce que l’on espère, ce n’est plus espérer ; ce
que l’on voit en effet, pourquoi l’espérer ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous
l’attendrons avec constance. »
Ceci met en relief le caractère dynamique de la vertu d’espérance. La foi découvre, la charité possède dans
l’étreinte ; l’espérance est toute tendue vers l’objet qu’elle connaît par la foi et qu’elle ne possède pas dans
toute la mesure du désir de la charité. L’espérance est la vertu de marche dans la vie spirituelle. Elle est
vertu de l’action.
A chaque pas que nous avons à faire en direction de sa joie, Dieu proportionne une mesure
correspondante de lumière, de force, de grâce. Il monnaie sa toute puissance secourable jaillie de la grâce
du Christ. Cette grâce nous ravitaille tout le temps. C’est le pain de chaque jour demandé à Dieu dans le
Pater : viatique, pain de la route, reçu dans l’Eucharistie. Ce don de Dieu sans cesse offert doit être reçu
sans cesse par les êtres libres que nous sommes. Ici l’acte d’espérance devient vraiment notre acte, acte

154
Cours de spiritualité

humain, posé sous notre responsabilité. Notre fidélité consiste à laisser libre passage à a force de Dieu, la
toute puissance divine nous donnant à tout instant la force qu’il faut, vers la béatitude. (Père Ranquet 84)

L’acte d’espérance revêt donc deux aspects indissociables : un aspect passif, un aspect actif.

- celui qui espère accueille au plus profond de lui-même la toute puissance de Dieu, telle
qu’elle lui est communiquée ici et maintenant. Attitude d’annonciation qui ouvre sans cesse à la force du
Christ l’âme qui laisse le Verbe se faire chair dans sa vie. Celui qui espère a vaincu la peur.

- Celui qui espère est aussi actif, magnanime ; il met en œuvre ce vouloir et ce faire que Dieu
donne. C’est un effort pour être pleinement docile à l’Esprit, pour brancher sans cesse ses pauvres forces
sur les forces du Christ, pour recevoir de lui ce qu’il est en train de donner.

Passivité active, que l’on retrouve dans les expression de saint Paul :
« afin de gagner le christ et d’être trouvé en lui. » (Philippiens 3,8)
« Je poursuis ma course par tâcher de le saisir, ayant été moi-même saisi. » (Philippiens 3,12)

Les obstacles à l’espérance.

- découragement, désespérance. On constate son indigence et on s’en accable. « mauvais


pauvre. » On oublie la toute puissance secourable de Dieu.

- Présomption. On constate sa richesse et on se suffit. Vaine gloire et orgueil. « Mauvais


riche. »

Dans les deux cas, on se coupe de Dieu et c’est un isolement mortel.


« Je porte ma grâce dans un vase d’argile » (2 Corinthiens 4,7) : voilà contre la présomption, l’humilité (cf.
saint Pierre après son triple reniement.)
« Je peux tout en celui qui me donne la force » ( Philippiens 4,13) Voilà contre le désespoir, la
magnanimité, la confiance (cf. Judas)

Quel que soit le nombre de ses années, est adulte dans l’espérance celui qui, au-delà du découragement et
de la présomption, dans la facilité, dans l’épreuve ou dans la brume de ses journées, pose sur Dieu et sur
l’homme un regard de plus en plus profond et de plus en plus paisible. Il sait Dieu plus inédit, plus déroutant
que prévu, et l’homme aussi. Il sait un peu mieux « ce qu’il y a dans l’homme », il ne s’étonne ni du meilleur
ni du pire, et il aborde les autres avec cette confiance sans illusion, sans naïveté, qui est une part de la
confiance qu’il place en Dieu. Dieu et l’homme, il les dévisage de plus en plus en Jésus Christ dont la
Personne vivante envahit de plus en plus son horizon.
Il habite désormais la semaine sainte ; tout se centre et se ramasse dans ces trois jours :

 Tout doit être frappé de la mort du Christ

 Tout en lui doit revivre de la résurrection du Christ.

La mort sera son dernier acte d’espérance, comme Moïse sur de Mont Nébo en vue de la Terre Promise.
(Père Ranquet 124)

155
Cours de spiritualité

Acte d’espérance :

Mon Dieu,
j’espère avec une ferme confiance,
en m’appuyant sur les mérites de Jésus Christ,
ta grâce en ce monde
et le bonheur éternel dans l’autre,
parce que tu l’as promis
et que tu tiens toujours tes promesses.

L’espérance s’appuie sur la confiance, et son fruit est un parfait abandon.

***

156
Cours de spiritualité

Passage de commentaire des Psaumes 121, 142, 143 par saint Augustin

Psaume 121

Le psaume que nous allons commenter, ou plutôt celui qui décrit le pèlerinage en ce psaume,
chante la Jérusalem de l’attente. C’est en effet un cantique des degrés : je l’ai souvent dit, ces
degrés qui descendent, ils montent.
Le pèlerin veut monter. Où monter ? Au ciel. Que trouvera-t-il ? Désire-t-il atteindre le soleil, la
lune, les étoiles ? Non. Le ciel est une Jérusalem éternelle, où demeurent les anges, avec qui
nous vivrons. Sur cette terre, nous sommes en exil, loin d’eux. En route, nous poussons des
soupirs, dans la patrie nous tressaillerons d’allégresse. Au cours de notre voyage, nous
trouvons des compagnons : déjà ils ont vu la cité et nous adjurent d’y porter nos pas. Ils ont
arraché à David un cri de joie : « J’ai tressailli, quand il me fut dit : nous irons dans la maison
du Seigneur. »
Courons, courons, « nous irons dans la maison du Seigneur. » Courons sans nous lasser : là-
bas il n’est pas de lassitude. Courons vers la maison du Seigneur et tressaillons d’allégresse
avec ceux qui nous ont appelés, qui les premiers ont contemplé notre patrie : « Nous irons
dans la maison du Seigneur », crient-ils de loin à ceux qui les suivent. Marchez, courez,
même. Les apôtres ont vu cette maison et nous hèlent : marchez, suivez ! Nous irons dans la
maison de Dieu.
Que répond chacun de nous ? Les paroles entendues m’ont fait tressaillir : « Nous irons dans
la maison du Seigneur. » Prophètes et apôtres ont mis mon cœur en émoi ; tous m’ont dit :
« Allons dans la maison du Seigneur. » 

Psaume 142
Fais-moi entendre, dès le matin, ta grâce

Je suis dans la nuit, mais j’espère en toi, Seigneur, jusqu’à ce que soit passé l’iniquité des
ténèbres. « Alors, comme le dit saint Pierre, la parole des prophètes prend pour nous une
nouvelle force, et sur elle vous avez raison de fixer vos regards, comme une lampe qui brille
en un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à poindre et que l’Etoile du matin se lève dans
vos cœurs. » (2 Pierre 1,19)
L’apôtre appelle « matin » le jour qui doit suivre la fin du monde, où nous sera dévoilé l’objet
de notre foi en ce monde. « Au matin », tu exauceras ma voix, au matin, je me tiendrai devant
toi et te contemplerai. « Fais-moi comprendre au matin ta miséricorde, car en toi, j’ai mis mon
espérance. » Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous attendons dans la
patience. » (Romain 8,25) La patience, la nuit : la joie viendra avec le jour.

157
Cours de spiritualité

Que faire ici-bas, en attendant que vienne le matin ? Il ne nous suffit pas d’espérer, il nous faut
agir. Pourquoi agir ? Le psalmiste dit : « De mes mains, j’ai cherché, la nuit. » Qu’est-ce à
dire : « de mes mains » ? Par de bonnes œuvres, en sa présence.
Marche donc à la lumière des prophètes, marche dans l’attente de ce qui nous est promis,
marche à la parole de Dieu. Tu ne vois pas encore le Verbe qui au commencement était Dieu
près de Dieu ; marche à la lumière de la condition d’esclave, elle te mènera à la condition de
Dieu : en toi est la fontaine de la vie.

Prière
Le jour nous précède et nous courons derrière lui, dans l’impatience de notre attente,
Seigneur, en tâtonnant dans les ténèbres. Donne-nous l’espérance qui enfante le jour. Amen.
Saint Augustin prie les psaumes du Père Hamann

Psaume 143
Seigneur, tu es mon espérance

Espère jusqu’à la fin de la nuit, jusqu’à ce que finisse la vie présente, jusqu’à ce qu’une nuit
enveloppe tout le genre humain, au déclin de ce siècle. Pourquoi jusque-là ? Parce que, après
cette nuit, l’espérance aura fait place à la réalité. « Voir ce que l’on espère, dit l’Apôtre, ce
n’est plus espérer, car ce qu’on voit, pourquoi l’espérer ? Mais si nous espérons ce que nous
ne voyons, pas nous l’attendons dans la patience. » (Romains 8,24-25)
Si donc nous devons attendre dans la patience ce que nous ne voyons pas encore, espérons
jusqu’à la nuit, c’est-à-dire jusqu’à la fin, soit de notre vie soit du monde. Passée cette nuit, se
réalisera ce que nous espérons. Et alors, sans désespoir aucun, nous n’aurons plus besoin
d’espérance. Le désespoir peut être gravement répréhensible : nous disons d’un homme, avec
horreur, il a perdu l’espérance.
Actuellement nous devons encore vivre dans l’ espérance, mais quand la réalité sera venu, à
quoi bon l’espérance ? « Ce que l’on voit, pourquoi l’espérer encore ? » Il viendra, le Seigneur
notre Dieu, manifester au genre humain cette condition dans laquelle il avait été crucifié, dans
laquelle il est ressuscité, afin que croyants et impies puissent la contempler. Les uns, à cette
vue, seront dans la joie de trouver enfin ce qu’ils avaient cru avant de le voir, les autres seront
couverts de confusion, de n’avoir point cru ce qu’alors ils verront.
Ils seront transportés de joie ceux qui s’entendront dire : « Venez, les bénis de mon Père,
recevez le royaume qui vous a été préparé, dès le commencement du monde. » (Matthieu
25,41.43) En possession du royaume, les élus n’auront plus l’espérance, la nuit passera à son
tour ; mais jusqu’à ce moment, depuis la veille du matin, notre âme espère dans le Seigneur. »
(Psaume 129,6)

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Cours de spiritualité

Chapitre X : « Consécration »

Consécration Baptismale

« Le Christ seigneur a fait du peuple nouveau un royaume, des prêtres pour Dieu sont Père. (Hébreux 5,1-
5 ; Apocalypse 1,6 ; 5,9-10) Les baptisés par la régénération et l’onction du Saint Esprit sont consacrés
pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint, pour offrir, par toutes les activités du chrétien,
autant de sacrifices spirituels, et proclamer les merveilles de Celui qui des ténèbres les a appelés à son
admirable lumière. (1 Pierre 2,4-10) C’est pourquoi tous les disciples du Christ persévérant dans la prière et
la louange de Dieu doivent s’offrir en victimes saintes, agréables à Dieu, porter témoignage du Christ sur
toute la surface de la terre et rendre raison de l’espérance qui est en eux d’une vie éternelle. (1 Pierre 3,15)
(Cf. Lumen Gentium n° 10)

« Activités, prière, vie conjugale et familiale, détentes, épreuves : offrandes spirituelles rejoignant l’oblation
du Corps du Christ. C’est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu
dans la sainteté de leur vie, un culte d’adoration. » (Cf. Lumen Gentium n° 34)

Le baptême est une consécration, la consécration fondamental qui nous scelle d’une appartenance
indélébile à Jésus Christ. Les premiers baptisés étaient appelés les « saint. » Le baptisé, dans le monde
sans être du monde, est doté de cette noblesse insurpassable : la filiation divine. Dans le royaume définitif,
la hiérarchie éternelle sera baptismale, et établie selon le plus ou moins grand essor pris par la grâce de
notre baptême. (Cf. Père Ranquet consécration baptismal et consécration religieuse. n° 15)

La vocation à la perfection de l’amour atteint tout le peuple des baptisés. En langage du nouveau
testament, le terme « être parfait » signifie purement et simplement être du Christ, entrer dans la nouvelle
alliance. (Cf. Père Ranquet consécration baptismal et consécration religieuse. n° 33)

La perfection chrétienne (jeune homme riche) désigne la pleine maturité chrétienne et à cette perfection le
baptême nous consacre. Nulle trace dans le Nouveau Testament de distinction préceptes – conseils, si on
entend par là un minimum imposé à tous et un maximum proposé à quelques uns. La réalité pascale doit
être le fait de tous les re-nés, de tous les frères et sœurs du Christ.
Cet absolu de l’amour, auquel tous sont conviés, tous ont le pouvoir de le vivre au niveau de la vie
concrète. (Cf. Père Ranquet consécration baptismal et consécration religieuse. n° 34)

L’univers est tout entier ressaisi par la victoire du Sauveur. Contre le platonisme qui a imprégné la mentalité
des religieux, s’affirme la saine vigueur de l’évangile : dans le quotidien, par le quotidien, dans le matériau
que lui offrent les travaux et les jours, le laïc, par la sève divine qui monte en lui depuis son baptême et sa

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Cours de spiritualité

confirmation, a « de quoi aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et son prochain
comme lui-même. » (Cf. Père Ranquet consécration baptismal et consécration religieuse. n° 35)

L’appel universel à la sainteté, à la perfection, dans la nouvelle alliance, a une exigence qui est celle de la
loi de grâce, qui est tout d’amitié et donc de liberté. (Cf. Père Ranquet consécration baptismal et
consécration religieuse. n° 37)
Un nouveau mode, pour l’amitié divine, loin de s’opposer au premier – les préceptes – les développe  :
l’amitié prend le ton du conseil. Préceptes de l’amour et conseils de l’amour sont proposés à tous les
chrétiens. (Cf. Père Ranquet consécration baptismal et consécration religieuse. n° 41)
Le conseil n’est pas un plus mais un comment. (Cf. Père Ranquet consécration baptismal et consécration
religieuse. n° 42)
Quand le conseil prend la forme du régime stable, reconnu par l’Eglise, c’est la vie religieuse. (Cf. Père
Ranquet consécration baptismal et consécration religieuse. n° 43)

Appartenance

Le vœu de chasteté veut être attachement et appartenance totale au Christ. Jésus a connu les formes
humaines d’amour compatibles avec son appartenance au Père. Son amour filial était parfait, intense ;
contrairement à l’amour conjugal qui donne droit sur l’autre l’amour filial n’atteint pas l’appartenance.
De même Jésus a connu l’amitié. Chez lui qui est tout au Père, l’amitié ne prend aucun droit, elle n’en
donne aucun ; elle est accueil et don ; elle ne domine pas ; elle est gratuite. Jésus est libre dans ses
amitiés.
L’amour conjugal seul est jaloux parce qu’il atteint l’appartenance ; mais une amitié jalouse est un amour
camouflé.
Jésus a eu trois privilégiés parmi ses apôtres. Il les a aimés d’une manière « particulière » mais pas
exclusive ; il les a aimés chacun, il s’est donné et livré à tous, sans jamais être prisonnier de l’affection de
certains, pas plus que son affection pour sa mère n’a jamais entamé quoi que ce soit de son appartenance
au Père.
Ainsi pour nous, au plan de l’appartenance, notre cœur consacré ne doit pas être partagé, nous devons
toujours donner la préférence au Christ. Si nous renonçons à fonder un foyer, c’est pour vivre une
appartenance totale au Seigneur, une dépendance totale de lui, et non pour vivre en dépendance de
quelque personne si chère qu’elle soit et si profonde que soient les liens qui nous unissent à elle, lien de
famille ou d’amitié. (Sœur Marie Colette DUFLOS. Session sur la Consécration pages 22 et ss.)

Je vous exhorte à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu : c’est là le culte spirituel
que vous avez à rendre. (Romains 12,1)

Ne savez-vous pas que votre corps est un temps du Saint Esprit qui est en vous et que vous tenez de
Dieu ? Et que vous ne vous appartenez pas ? Vous avez été bel et bien achetés ! Glorifiez donc Dieu dans
votre corps. (I Corinthiens 6,19)

160
Cours de spiritualité

Que nul ne se glorifie dans les hommes ; car tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le
monde, soit la vie, soit la mort, soit le présent, soit l’avenir. Tout est à vous  ; mais vous êtes au Christ, et le
Christ est à Dieu. (I Corinthiens 3,23)

Le chef de tout homme, c’est le Christ ; le chef de la femme, c’est l’homme ; et le chef du Christ, c’est Dieu.
(I Corinthiens 11,3)

Que chacun de vous sache user du corps qui lui appartient avec sainteté et respect sans se laisser
emporter par la passion comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu. (I Thessaloniciens 4,4)

Mariage

Le consentement matrimonial est l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se
reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable pour constituer le mariage. (Canon 1057)

Du mariage valide (conclu ou consommé Canon 1061) naît entre les conjoints un lien de par sa nature
perpétuel et exclusif. (Canon 1134)

Chaque conjoint possède devoirs et droits égaux en ce qui concerne la communauté de vie conjugale. –
Canon 1135)

Cet amour conjugal, le Seigneur, par un don spécial de sa grâce et de sa charité, a daigné le guérir, le
parfaire et l’élever. Associant l’humain et le divin, un tel amour conduit les époux à un don libre et mutuel
d’eux-mêmes. (Gaudium et Spes 48-49)

Cf. Henri Caffarel : Prends Marie ton épouse. (à la fin du chapitre)

L’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec
Dieu. L’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet amour et s’abandonne à
son Créateur. (Gaudium et Spes 19)

La vie Consacrée

La vie consacrée par la profession des conseils évangéliques est la forme de vie stable par laquelle les
fidèles, suivant le Christ de plus près, sous l’action de l’Esprit Saint, se donnent totalement à Dieu aimé par
dessus tout, pour que, dédiés à un titre nouveau et particulier pour l’honneur de Dieu, pour la construction
de l’Eglise et le salut du monde, ils parviennent à la perfection de la charité dans le service du Royaume de
Dieu, et, devenus signes lumineux dans l’Eglise, ils annoncent déjà la gloire céleste. (Canon 573)

161
Cours de spiritualité

Le conseil évangélique de chasteté, assumé à cause du Royaume des cieux, qui est signe du monde à
venir et source d’une plus grande fécondité dans un cœur sans partage, comporte l’obligation de la
continence parfaite dans le célibat. (Canon 599)

Le conseil évangélique de pauvreté à l’imitation du Christ qui, de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous,
comporte en plus d’une vie pauvre en fait et en esprit, laborieuse et sobre, étrangère aux richesses de la
terre, la dépendance et la limitation dans l’usage et la disposition des biens selon le droit propre de chaque
institut. (Canon 600)

Le conseil évangélique d’obéissance, assumé en esprit de foi et d’amour à la suite du Christ obéissant
jusqu’à la mort, oblige à la soumission de la volonté aux Supérieurs légitimes qui tiennent la place de Dieu,
lorsqu’ils commandent suivant leurs propres constitutions. (Canon 601)

La vie fraternelle, propre à chaque institut, qui unit tous les membres dans le Christ comme dans une
même famille particulière, doit être réglée de façon à devenir pour tous une aide réciproque pour que
chacun réalise sa propre vocation. Qu’ainsi par la communion fraternelle, enracinée et fondée dans
l’amour, les membres soient un exemple de la réconciliation universelle dans le Christ. (Canon 602)

En tant que consécration de toute la personne, le religieux accomplit sa pleine donation comme un sacrifice
offert à Dieu par lequel ; toute son existence devient un culte continuel rendu à Dieu dans la charité.
(Canon 607)

Notre consécration religieuse nous livre entièrement à Dieu pour être ordonnées au service du Seigneur à
un titre nouveau et particulier.

Librement nous nous livrons à Lui sans réserve pour toute notre vie.(Constitutions n° 10)

Consécration de toute la personne : esprit, volonté, corporéité.

C’est tout cela que Dieu consacre parce que, répondant à son appel, je le lui offre entièrement et
définitivement.

Intelligence

Tout ce qui en moi est de l’ordre de la pensée appartient à Dieu.

Déjà par la consécration baptismale, le chrétien, de par son activité intellectuelle, fait une offrande
spirituelle agréable à Dieu.

Le consacré n’a même plus à offrir : c’est le domaine de Dieu. C’est Dieu qui consacre – qui rend sacré et
qui reçoit comme sacrifice – toute mon activité pensante. Je l’ai offert librement et il en a fait sa part.

162
Cours de spiritualité

Cela signifie que, non seulement je n’utiliserai jamais volontairement mon intelligence pour pécher
(précepte), mais que je me servirai d’elle uniquement pour plaire à Dieu (conseil) dans le cadre défini par la
vie religieuse. (vœu) Exemple : don d’écrivain, de chercheur scientifique, d’enseignement, etc. … Je les
utiliserai seulement dans l’obéissance, si Dieu me fait signe de m’en servir, avec un total désintéressement.

Imagination, mémoire.

Cela aussi est consacré par Dieu et à lui. Je ne m’en sers plus d’une façon autonome. Elles sont relatives à
l’existence de Dieu qui m’a choisie pour lui appartenir totalement. Ce n’est pas une restriction de mes
facultés mais plutôt une orientation. Tout est ordonné à l’amour et au service de Dieu. Tout est à lui et pour
lui et en lui.
Si ma mémoire me rappel tel fait heureux ou malheureux, consacrée à Dieu je ne peux plus me rappeler ce
fait sans le relier aussitôt à Dieu pour qui tout est présent et qui m’aimait hier comme il m’aime aujourd’hui.
Ce souvenir, j’en fais donc l’occasion d’une action de grâces, car il s’inscrit dans « l’éternel et bienveillant
dessein de Dieu sur moi. » Dieu en a fait quelque chose de sacré, de saint, et moi je le lui abandonne.
Mon imagination va aller dans le sens où Dieu est mon unique trésor, mon unique nécessaire, «  mon Dieu
dont je suis sûre. » Abandonnant les craintes stériles, je vais tendre vers les réalités d’en haut, là où est le
Christ, et, me fondant sur l’Ecriture, je vais « imaginer » – sans images ! – « ce que l’œil n’a pas vu, ce qui
n’est pas monté au cœur de l’homme » mais que Dieu m’a révélé : ces biens immenses, éternels : Dieu lui-
même, pour moi, et pour les autres.

Toute connaissance va tourner à l’amour exclusif de Dieu.

Cœur, volonté.

Par la consécration baptismale, je reçois en moi l’Esprit d’amour, l’Esprit de Jésus, pour aimer le Père
comme un enfant, et les autres comme des frères.
Par la consécration religieuse, je reçois la capacité de n’appartenir qu’à Dieu seul et donc de renoncer à
l’appartenance conjugale, pour aimer Dieu d’un amour sponsal, réponse et participation à l’amour du Christ
pour son corps qui est l’Eglise, et anticipation de la vie éternelle.
Je reçois aussi l’amour fraternel pour chacune des sœurs de la communauté, pour chaque homme de ce
monde.
Donc, laisser Dieu consacrer mon cœur et ma volonté, toutes mes puissances d’aimer, c’est leur donner un
accroissement presque infini, et à l’égard de Dieu et à l’égard des autres.

Corporéité.

163
Cours de spiritualité

Par le baptême, mon corps est temple de Dieu et capable d’être nourri par l’Eucharistie, jusqu’au jour où il
ressuscitera glorieux.
Par la consécration religieuse, il y a une mise à part pour Dieu seul, ce qui exclut tout égoïsme  : « mon »
temps,  « ma » santé, « mon » sommeil, cela n’existe plus, c’est à Dieu. Il veut donc se servir de mes
mains, de mes pieds, de ma langue et de mes yeux, etc. … non pas qu’il agisse comme un despote… mais
il se fait tellement nous, et il nous fait tellement lui par la consécration religieuse, qu’il ne nous quitte jamais.
Il rend « sacré , et sacrifice » tout ce que nous vivons au plan corporel : santé ou maladie, activité ou
vieillesse. Si j’ai la migraine, il souffre en moi ; si je jouis du soleil, il glorifie en moi l’auteur de tout bien. 24
heures sur 24, je suis consacrée à Dieu, aussi bien quand je dors que lorsque je prie ou travaille. Quand j’ai
du temps libre, il n’est pas dérobé à Dieu : je l’utilise avec le même profit spirituel si je sus dans
l’obéissance, et que je vis cela en présence de Dieu. Si Dieu me fait signe par les événements, je quitte ce
que je fais : Dieu m’attend ailleurs.

« Tout est à vous ; mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu. » (I Corinthiens 3,23)

Marie épouse Joseph

Comment celle qui avait découvert l’éminente grandeur de la virginité put-elle accéder à la demande de
Joseph lui proposant le mariage ? Serait-ce seulement parce que les mœurs du temps l’imposaient ? Cette
hypothèse est décevante. On n’imagine pas Marie entrant dans le mariage à contrecœur, comme dans un
pis-aller. Elle dut certainement voir dans la demande de Joseph une volonté de Dieu. La seule question
qu’elle se posa, et qu’elle lui posa, fut celle-ci : Pourra-t-elle rester vierge après le mariage ? Autrement dit,
Joseph accepte-t-il de s’engager lui même dans cette voie de la virginité ? – S’il ne l’avait pas envisagé
jusqu’alors, son oui à la proposition de Marie est bien plus haute preuve d’amour envers elle, en même
temps qu’envers Dieu, qu’il ait pu lui donner.

Ainsi Marie ne vit pas de contradiction entre son engagement de virginité et ce mariage. Vierge, elle ne
s’appartient plus, elle est à Dieu, et Dieu qui dispose d’elle l’engage dans un mariage, dont, il est vrai, elle
ne peut encore saisir l’admirable destinée. Que sa volonté soit faite ! Chacun des époux n’aura pas de désir
plus vif, d’ambition plus ardente que d’aider l’autre à progresser dans l’appartenance sans réserve à Dieu.
Ils se marièrent. On estime assez généralement que Joseph devait avoir dix-huit ans et Marie, quatorze
ans. Quel extraordinaire jeune couple ! Extraordinaire, non seulement par ses qualités humaines et
surnaturelles, mais par son mystère. Ce sont les deux êtres les plus parfaitement consacrés à Dieu qui
jamais vivront sur terre, et en même temps les plus parfaitement mariés, unis par le plus parfait amour. Au
service de la plus admirable fécondité. Car cet amour ne sera pas un monde clos  ; il sera tout orienté, sans
qu’ils sachent encore comment, vers le salut des hommes.
Quoi qu’il en soit du rite par lequel les Juifs, au temps de Jésus, contractaient mariage, Joseph et Marie,
chacun pleinement libre et consentant, se donnèrent l’un à l ‘autre et pour toujours, fermement décidés à
rester vierges dans le mariage. – C’est le consentement, en effet, qui fonde le mariage au dire de saint

164
Cours de spiritualité

Thomas et de toute la théologie à sa suite. A condition de voir dans ce consentement «  l’union indivisible
des esprits » ou, selon une expression aujourd’hui préférée, le don des personnes, total, exclusif, définitif.
Cette dernière façon de dire a le mérite de bien souligner que, dans le mariage, l’homme et la femme
engagent la totalité de leur être, âme et corps, d’où s’ensuit une totale appartenance réciproque.

En fut-il ainsi de Joseph et de Marie ? sans aucun doute. La décision qu’ils avaient prise de rester vierges
ne pouvait impliquer une réserve dans le don – autrement le mariage n’eût pas été véritable. Chacun donc
s’est donné à l’autre totalement et chacun a reçu l’autre, corps et âme. Ainsi se trouve réalisé tout ce qui
est vrai d’une union humaine, mais d’une manière suréminente.
Marie est le bien de Dieu : c’est des mains de Dieu que Joseph la reçoit – avec quelle tendresse, quelle
vénération ! – dans une allégresse certainement plus vive encore que celle de David, son grand ancêtre,
lorsqu’il introduisit l’Arche d’Alliance à Jérusalem (2 Samuel 6) Et Marie, de son côté, accueille avec des
sentiments identiques le don de Joseph.
Ce que saint Paul dira par la suite aux gens mariés est vrai de Joseph et de Marie  : « Ce n’est pas la
femme qui dispose de son corps, mais le mari. Pareillement, ce n’et pas le mari qui dispose de son corps,
c’est la femme. » (1 Corinthiens 7,4) Mais qu’est-ce que cela peut bien signifier entre es deux époux
décidés à rester vierges dans le mariage ? Demandons la réponse à Bossuet. Il a su l’exprimer en termes
délicats et forts : « Marie appartient à Joseph, et Joseph à la divine Marie ; si bien que leur mariage est très
véritable, parce qu’ils se sont donnés ?… Ils se donnent réciproquement leur virginité, et sur cette virginité
ils se cèdent un droit mutuel. Quel droit ? De se la garder l’un à l’autre. Oui, Marie a droit de garder la
virginité de Joseph, et Joseph a droit de garder la virginité de Marie. » Plus Joseph aimait la pureté de
Marie, « plus il voulait la conserver, premièrement en sa sainte épouse, et secondement en lui-même, par
une entière unité de cœur : si bien que son amour conjugal, se détournant du cours ordinaire, se donnait et
s’appliquait tout entier à garder la virginité de Marie. »
Une certaine déception, cependant, pointe en nous à la lecture de cette grande page : pourquoi Bossuet
s’en est-il tenu à ces termes négatifs, « garder », « conserver » ? Chacun des deux époux fait bien mieux
que de garder la virginité de l’autre, il y voit un « talent » à lui confié par Dieu pour le faire fructifier.
Cette virginité par laquelle ils immolent leur pouvoir de transmettre la vie et d’acquérir une descendance, ils
la vivent à deux, heureux d’avoir à présenter ensemble à leur Dieu cette offrande commune. Mais, au
départ, ils étaient loin de soupçonner la fécondité miraculeuse qui donnerait à leur mariage virginal sa
perfection unique.

Ils s’aiment

Ce n’est pas l’amour, mais le consentement, nous venons de le voir, qui au dire des théologiens fait le
mariage. Oui, mais qu’est-il ce consentement, sinon le don mutuel, total, exclusif, que deux être se font de
leur personne parce qu’ils s’aiment, et pour accomplir une œuvre d’amour ? Si l’amour est absent, l’union
de l’homme et de la femme est comme vidée de sa substance, n’est plus qu’un corps sans âme.

Que l’amour tienne la place d’honneur dans le mariage de Joseph et de Marie, nul n’en saurait douter. Mais
comme on se sent maladroit pour oser en parler ! Faudrait-il se contenter d’affirmer : ils s’aiment de l’amour

165
Cours de spiritualité

le plus parfait qu’on puisse imaginer, comme aucun couple ne s’aimera jamais, et puis se taire – le silence
étant le meilleur moyen de célébrer un tel amour ?… (Cf. Henri Caffarel : Prends Marie ton épouse. pages
126-129)

Virginité et Amour

Joseph et Marie se sont abstenus de l’union charnelle. C’est là une affirmation constante de l’Eglise. Les
grands docteurs et le Magistère, s’appuyant sur l’Ecriture, l’ont soutenu avec une extrême vigueur, la
vigueur de celui qui défend un bien de toute première importance, un bien sacré. C’est donc que la virginité
de Joseph et de Marie est un caractère fondamental, essentiel, de leur union. D’aucuns en concluent que
leur mariage est sans commune mesure avec les autres et que, par conséquent, il est inutile sinon
dangereux de le proposer comme modèle aux foyers chrétiens. Mais leur conclusion est indue. Ils se
méprennent sur la signification de cette virginité. Commençons donc par la comprendre correctement.
Elle est à la fois une réalité concrète et une réalité spirituelle : elle est abstention du don charnel, et il
importe de ne pas méconnaître ce premier aspect. Mais elle tire toute sa valeur morale et religieuse du
motif qui inspire cette abstention : leur volonté d’exclusive appartenance à Dieu. Chacun de ces deux
aspects est riche d’enseignements pour le foyers chrétiens, encore que le second soit l’essentiel.

Virginité, abstention du don charnel

Les théologiens ont tiré grand profit de la réflexion sur le mariage de Joseph et de Marie. Non sans peine
d’ailleurs. Deux données étaient au départ certaines : la décision de la virginité perpétuelle de Marie, et son
mariage avec Joseph. Elles pouvaient paraître contradictoires. Après recherches et longs débats, le
principe de solution est enfin apparu. C’est le consentement, c’est-à-dire la volonté de s’appartenir l’un à
l’autre qui fait le mariage. Principe qui finira par s’imposer également aux législations civiles, et dont on ne
dira jamais trop la valeur civilisatrice. Aussi bien l’union charnelle n’est-elle pas rigoureusement nécessaire
pour qu’il y ait mariage valide.
Quelles lumières le foyer chrétien peut-il en retirer pour sa vie quotidienne  ? Une première, capitale : si
l’essence du mariage réside, non pas dans le don physique mais dans la volonté d’appartenance mutuelle,
dans l’union des personnes en tant qu’esprits, c’est à ce niveau que l’homme et la femme trouveront la
plénitude à laquelle leur amour aspire ; c’est donc d’abord et avant tout à ce niveau qu’ils doivent instaurer
entre eux dialogue, échange, union. Les mariages où la chair a la primauté, non seulement sont
vulnérables et instables, mais déçoivent nécessairement. L’homme ne vit jamais longtemps tranquille au
plan de la chair sans que son âme exclue se révolte.
Comprenons bien l’exemple de Joseph et de Marie : il n’est aucunement une condamnation du don charnel
dans le mariage. Au foyer chrétien, dont la vocation normale est d’avoir des enfants – ce que le foyer de
Joseph et de marie lui-même rappelle – , ce don trouve toute sa raison d’être. De plus, ne pas lui
reconnaître son importance pour entretenir et approfondir l’union des cœurs serait présomption, tentation
d’angélisme. La chair méprisée ne tarde pas à prendre sa revanche.

166
Cours de spiritualité

Mais pour Joseph et Marie l’union physique n’était pas nécessaire : d’une part, l’enfant pour lequel Dieu les
voulut mariés leur fut donné autrement ; d’autre part, ces deux êtres si transparents l’un à l’autre n’en
avaient nul besoin pour progresser dans l’intimité des cœurs et des âmes.
Ce que nous devons en retenir, nous autres « charnels », c’est que la sexualité n’a pas la part
prépondérante dans la réalisation de la communauté conjugale. Ben plus, c’est une mise en garde contre
risque d’enlisement que la vie sexuelle comporte. « Mise en garde » : l’expression est trop négative ; mieux
vaux dire : invitation à la chasteté, étant bien entendu que chasteté n’est pas continence, abstention du don
charnel, mais maîtrise de la chair, mais intégration et assomption du dynamisme sexuel. Quand celui-ci est
saisi par l’esprit et pénétré de charité, il n’est plus alors un ennemi dans la place, mais il contribue pour sa
part à l’essor spirituel de la personnalité. Et il y contribue sur le plan même de l’amour, de l’échange
conjugal. Car tout l’art consiste, pour l’homme, à faire l’éducation de son corps afin qu’il devienne un moyen
toujours plus parfait de connaissance, d’expression, de communion. Ce n’est d’ailleurs pas seulement, ni
principalement, dans l’acte charnel qu’il joue ce triple rôle. Les ressources du corps sont multiples pour faire
communiquer les esprits, pour nouer et nourrir le dialogue entre l’homme et la femme : le regard dont la
puissance d’expression est si grande, les paroles (leur contenu et leur intonations), le sourire (qui est plus
de l’âme que du corps), une main qui s’abandonne… Et ici, nous rejoignons sans peine Joseph et Marie On
se plait à penser à l’extraordinaire qualité de leur dialogue : ils avaient renoncé à l’acte charnel mais non
pas, certes, à ces multiples moyens grâce auxquels l’homme et la femme se reconnaissent, se rencontrent,
se découvrent en profondeur, communiquent et communient.
Il n’est pas exclu que les époux chrétiens en viennent à renoncer aux relations charnelles, à l’exemple de
Joseph et de Marie, temporairement ou définitivement. Saint Augustin nous assure que la continence n’était
pas rare parmi les foyers qui l’entouraient : « Nous savons, dit-il dans un de ses sermons, qu’un grand
nombre de nos frères, qui produisent des fruits de grâce, s’abstiennent au nom du Christ, et d’un mutuel
consentement, de tout rapport charnel, sans renoncer pour autant à la charité conjugale. Au contraire, plus
ils résistent à la convoitise de la chair, plus leur amour se fortifie. » Mais que les époux n’oublient jamais
une loi, sans cesse rappelée par les maîtres spirituels : l’esprit, pour résister aux revendications d’une chair
mortifiée, doit recourir diligemment aux énergies divines, aux grâces des sacrements, et singulièrement du
sacrement du mariage. Il faut beaucoup de prière et de charité pour s’abstenir de la chair  ; mais en retour,
cette abstinence aide à croître, et dans la prière, et dans la charité.

Virginité, volonté d’appartenance à Dieu

Le second aspect de la virginité de Joseph et de Marie est bien plus éclairant encore pour les époux
chrétiens. C’est, disions-nous, en vue d’une totale appartenance au Seigneur que Marie et Joseph lui
vouèrent leur virginité. Nous sommes là au bord du grand mystère de leur intimité avec Dieu. Mais pourquoi
ne pas tenter de soulever un coin du voile ? Nous connaissons, par des confidences directes ou littéraires,
la psychologie d’une être qui vit un grand amour, pour qui un autre est toute sa raison de vivre, qui est prêt
à tout sacrifier à cet autre qui lui est tout. Ces grandes passions, où l’âme est encore plus engagée que la
chair, sont de grandes méprises, parce que les amants cherchent au plan humain ce qui ne peut se trouver
qu’au plan de Dieu : lui seul, en effet, est cet absolu dont le cœur de l’homme a soif. Mais, précisément, ces
passions ont le mérite de faire entrevoir ce que devraient être nos rapports avec Dieu.

167
Cours de spiritualité

Pour Marie et pour Joseph, dès leur jeunesse, Dieu est leur raison de vivre. Il est tout pour l’un, comme
pour l’autre. « Tu m’as séduit, Yahvé ! » auraient-ils pu dire – et peut-être l’ont-ils dit – à la suite du
prophète Jérémie, et à plus juste raison que lui encore. Captif de Dieu, chacun ne dispose plus de lui-
même, ne poursuit plus ses propres intérêts mais la seule gloire du Seigneur ; le mobile de tous ses actes
est de plaire à celui à qui il appartient. Chacun vit, avant la lettre, l’exhortation de saint Paul aux Romains :
« Offrez vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, c’est là le culte spirituel que vous avez à
rendre. » (Romains 12,1) Tel est l’aspect foncier, intérieur, de la virginité de Marie et sans aucun doute de
celle de Joseph.
Mais alors, quelle disponibilité de cœur leur reste-t-il pour s’engager dans le mariage, pour aimer un autre
être ? Aucune, si par « disponibilité » on entend l’aptitude à se donner quand on veut et à qui l’on veut.
Totale, si l’on parle de souplesse enter les mains de Dieu, d’aptitude à faire ce qu’il désire. C’est bien Dieu,
en effet, qui orienta Marie et Joseph l’un vers l’autre, qui les donna l’un à l’autre. Aimer l’autre, ce n’est pas
alors aimer « à côté » de Dieu, mais c’est d’abord aimer Dieu, puisque c’est lui prouver son amour en
accomplissant ce qui lui plait. L’autre serait-il moins aimé parce qu’on l’aime ainsi pour l’amour de Dieu, en
Dieu ? Il l’est plus encore, puisque chacun aime l’autre de toute la force de son désir de plaire à Dieu. «  La
force par laquelle je t’aime n’est pas différente de celle par laquelle tu existes. » (Claudel) Et en retour
chacun reçoit l’autre des mains du Seigneur, non pas comme un don sur lequel on referme jalousement les
bras, mais comme un don qui aussitôt devient offrande. Tel m’apparaît l’amour conjugal – le plus parfait
qu’on puisse concevoir – entre Marie et Joseph, ces deux êtres consacrés à Dieu.
Arrive-t-il que des chrétiens se marient, je ne dis pas avec un amour aussi parfait mais du moins avec des
dispositions semblables ? Probablement. Mais en fait cette virginité du cœur, cette totale appartenance à
Dieu qui était à la base du mariage de Joseph et de Marie se présente plus généralement aux époux
comme le sommet vers lequel il leur faut tendre. Un homme et une femme, à vingt ans, se donnent l’un à
l’autre dans le mariage ; ils aiment le Christ et sont bien décidés à le servir, mais si leur amour de chrétiens
invite à l’aimer comme un maître, peut-être comme un ami, il n’est pas encore parvenu à ce degré de
maturité où l’on comprend qu’il faut se livrer à lui totalement. L’amour de charité continuant de grandir, un
jour vient où ils entendront eux aussi l’invitation au don sans partage – J’en ai plus d’une fois reçu la
confidence. – Une telle exigence intérieure d’abord les surprendra. « Il est trop tard, pensent-ils, engagés
dans le mariage nous ne sommes plus libres d’y répondre. » Heureux alors s’ils comprennent, s’ils sont
aidés à comprendre, que dans la vie conjugale aussi il existe un « deuxième appel. » il n’est certes pas
question pour eux d’abandonner conjoint et enfants, ni nécessairement de renoncer à toute vie charnelle. Il
n’empêche que le « quitte, et suis-moi », adressé par le Christ à Pierre, à André, à Lévi, à Saül et à tant
d’autres, leur est lancé à eux aussi. Ce qui constitue l’essence profonde de la virginité, voici qu’ils ont à le
vivre, eux aussi. Toute vocation chrétienne, en effet, tend vers la virginité, en tant que celle-ci est don sans
réserve, totale appartenance au Christ. Quand les deux époux ont évolué de concert, leur union prend alors
un nouveau visage et trouve grande lumière à contempler le mariage virginale de Joseph et de Marie.
Quand un seul des époux entend l’appel du Christ, qu’il n’aille pas s’imaginer qu’avant d’y répondre il doit
« attendre, l’autre, sous peine de s’éloigner de lui moralement. On ne s’éloigne jamais des êtres quand on
se rapproche de Dieu. On ne frustre jamais ceux qu’on aime quand on se donne à Dieu.
Des lecteurs seront peut-être pris de panique en écoutant parler d’un tel amour, comme s’il constituait, par
son élévation même, une menace pour leur amour conjugal, leur pauvre amour si vulnérable et si imparfait

168
Cours de spiritualité

mais qui du moins a le mérite d’offrir à leur cœur un peu de chaleur humaine. Qu’ils se rassurent ! Depuis
quand l’amour de charité exclurait-il les tendresses de la terre ? Il n’est incompatible qu’avec le péché. Loin
de déshumaniser, il « surhumanise. »
Comme ils sont humains, les époux chrétiens qui, à l’exemple des époux de Nazareth, s’aiment de charité !
En eux toutes les possibilités du cœurs s’épanouissent : l’admiration et la compassion, la force et la
douceur, la générosité et l’humilité, l’exigence et la patience. L’amour de charité, en effet, qui élimine peu à
peu le poison de la « convoitise », fait l’unité entre les tendances diverses de la personnalité, il les assume
toutes, les purifie, les intensifie. Il les prend à son service et leur communique cet impérieux besoin de se
manifester qui est sa première caractéristique. Etait-il inhumain, le saint qui écrivait cette page à l’intention
des chrétiens mariés : « L’amour et la fidélité jointes ensemble engendre toujours la privauté et la
confiance ; c’est pourquoi les saints et les saintes ont usé de beaucoup de réciproques caresses en leur
mariage, caresses vraiment amoureuses, mais chastes ; tendres, mais sincères… Le grand saint Louis,
également rigoureux à sa chair et tendre en l’amour de sa femme, fut presque blâmé d’être abondant en
telles caresses ; bien qu’en vérité il méritât plutôt louange de savoir démettre son esprit martial et
courageux à ces menus offices requis à la conservation de l’amour conjugal ; car bien que ces petites
démonstrations de pure et France amitié ne suffisent pas à lier les cœurs, elles les approchent néanmoins
et servent d’un agencement agréable à la mutuelle conversation » (Saint François de Sales ?)

En bref, et pour nous résumer, la virginité de Joseph et de Marie qui, à première vue, semblait les isoler sur
un sommet inaccessible, les fait apparaître au contraire singulièrement proches des époux chrétiens. Ils
sont des amis qui invitent à l’ « intégration » et à la conversion profonde du dynamisme charnel. De plus, ils
laissent entrevoir une mystérieuse « virginité du cœur », et bien des époux sont tout étonnés de découvrir
qu’ils y aspiraient au plus intime d’eux-mêmes.

Une fécondité spirituelle

Ce n’est pas en dépit de leur virginité mais à cause de cette virginité qu’une fécondité miraculeuse a été
accordée au foyer de Joseph et de Marie. Cette fécondité, quoique unique, comporte un enseignement
singulièrement précieux pour les époux chrétiens ; elle leur révèle qu’ils sont appelés à bien autre chose
qu’à la multiplication de l’espèce humaine. En effet, au mariage nouveau, au mariage-sacrement qui est le
leur, correspond une fécondité nouvelle. Il s’agit de donner le jour à des êtres dont le Christ veut faire ses
frères, à qui il veut communiquer sa vie, en qui il veut vivre.
Mais qu’ils soient modestes, qu’ils apprennent, en contemplant le mariage virginal de Joseph et de Marie,
qu’un fils de Dieu ne peut être engendré que par Dieu. Jésus ne reçut de Marie que sa nature humaine. Et
encore en dehors des lois habituelles de la conception : il fallait en effet que sa génération temporelle elle-
même soit reconnue comme étant l’œuvre de Dieu.
Dieu a besoin des époux chrétiens pour multiplier ses enfants. Mais tandis qu’au foyer de Nazareth est n é
le Sauveur, au foyer chrétien naît ce-qui-a-besoin-d’être-sauvé. Que les époux n’en soient pas attristés ! Ils
font ce qui leur revient : engendrer des fils d’homme ; Dieu, s’il recourent à lui, fera ce qui lui revient : par la
vertu du baptême, ces enfants de la terre deviendront ses propres enfants.

169
Cours de spiritualité

Ainsi Dieu ne délègue à personne le pouvoir d’engendrer ses enfants. En revanche, il délègue l’éducation.
Aussi bien les époux chrétiens ont-ils l’admirable mission d’élever des enfants de Dieu, et cette mission est
sans commune mesure avec les responsabilités humaines de l’éducation. Mieux que dans les livres, c’est
au foyer de Nazareth qu’ils apprendront comment se comporter avec ces frères et ces sœurs de Jésus qui,
sous leur toit, sont appelés à croître en âge en en sainteté. Dieu sans doute ne fera pas de miracles en leur
faveur, pas plus qu’il n’en fit au foyer de Nazareth après la conception de Jésus, mais dans la mesure où
leur union sera disponible à son amour et à sa grâce, comme ce fut le cas de celle de Joseph et de Marie, il
travaillera par eux à faire s’épanouir en leurs enfants la vie même de son Fils – à condition bien sûr que les
enfants s’y prêtent. Coopérateur de Dieu, tel est le mot qui définit la mission des parents.

A fécondité nouvelle, paternité et maternité nouvelles.

Joseph et Marie, penchés sur l’enfant qui vient de naître, éprouvent profondément le sentiment qu’ils
doivent protéger cette vie fragile, mais en même temps comme ils se sentent petits devant lui ! Il n’y a rien
de possessif dans leur amour de parents, car cet enfant n’est pas le fruit de leurs œuvres mais le Fils d’un
Autre.
Un semblable renversement de perspective va s’opérer au foyer chrétien. En l’enfant de leur chair, depuis
qu’ils l’ont amené des fonts baptismaux, père et mère découvrent l’enfant d’un Autre : c’est le bien de Dieu,
c’est un fils de Dieu confié à leurs soins pour qu’ils veillent sur sa croissance physique et morale, mais
d’abord sur l’éclosion et l’épanouissement en lui de « l’homme nouveau. »
Leur amour pour lui s’en trouve radicalement transformé. Il est fait d’une grande révérence, car cet enfant
n’est pas d’abord ce qu’ils voient mais ce qu’ils croient. Il est fait aussi de dévouement, mais au sens
religieux du terme. L’éducation chrétienne est une manière de culte : elle est service de Dieu en l’enfant –
« Ce que vous faites à l’un de ces tout-petits, c’est à moi que vous le faites. » (Matthieu 25,40)
Joseph et Marie, devant leur enfant qui dormait dans la pauvre maison, s’interrogeaient souvent sur sa
mystérieuse destinée. De même les parents chrétiens savent que tout frère du Christ est, lui aussi, un
envoyé de Dieu aux hommes, et qu’ils doivent l’aider à prendre conscience de sa vocation personnelle…
(Cf. Henri Caffarel : Prends Marie ton épouse. )

170
Cours de spiritualité

Chapitre XI « Vacances et vie spirituelle »

« Les journées de vacances sont destinées à renouveler nos forces physiques et spirituelles. »
(Constitutions n° 106)

le but : nous donner des forces neuves, faire surgir en nous une vitalité nouvelle. On ne parle pas de
repos… il n’est qu’un moyen au service d’une vie plus pleine, plus libre. Nous sommes faits pour la vie  ;
« Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a tout créé pour l’être. Ce
qui naît dans le monde est bienfaisant et l’on n’y trouve pas le poison qui fait mourir. La puissance de mort
ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle. Dieu a créé l’homme pour une existence
impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. » (Sagesse 1,13-15 ; 2,23)

C’est ainsi que je vois ce temps des vacances. Une période – trop courte à notre gré… mais c’est aussi ce
qui fait leur force – où notre être tout entier devient un peu plus à l ‘image du Dieu vivant.
Dépaysement, changement d’habitudes, cessation des activités professionnelles, absence de contrainte
horaire, vie plus proche de la nature, occupations pour lesquelles on a du goût, non-rentabilité, gratuité,
convivialité, rencontres fraternelles, découverte des autres, etc. … Tout cela contribue à opérer une
détente, une paix profonde, un regard neuf capable de s’émerveiller devant les dons que sont les choses et
les êtres.

Au lieu de vivre un peu à la superficie de notre être, agités, tendus, pressés, ne prenant pas garde à ce qui
nous entoure, le temps des vacances nous offre le privilège sans prix de pouvoir être plus présent à nous-
même, plus capable d’entrer paisiblement en relation avec les autres. Plus présentes à nous-mêmes, dans
le sens où saint Augustin l’a si bien vécu et expliqué : c’est en rentrant en soi que l’on y découvre Dieu. Il
ne s’agit donc pas du tout d’une introspection solitaire, mais de « rentrer à la maison » si nous en sommes
sortis, et d’y retrouver l’hôte principal : la Trinité.
Si le Seigneur a fait la création si belle, s’il a voulu les simples joies humaines du sommeil, du repos, des
repas, de l’activité corporelle et intellectuelle, des rencontres, et j’en passe… c’est pour que nous en usions
comme les enfants de la maison, et non comme des esclaves.
« Si le Christ vous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres. » (Galates 5,1) Tout cela est bon,
et il faut le recevoir comme venant de la main de notre Père, lui rendant grâce : « Tout vient de toi, ô Père
très bon », avec cette orientation fondamentale de notre esprit et de notre cœur : « nous t’offrons les
merveilles de ton amour. »
Ainsi nous serons vraiment libres – « Vous avez été appelés à la liberté » – car « tout est à vous. »
« Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire votre égoïsme. Vivez sous la conduite de
l’Esprit de Dieu, alors vous n’obéirez pas aux tendances égoïstes de la chair. » (Galates 5,13-18)
« Laissez-vous conduire par l’Esprit. » C’est la seule Loi des vacances. Celui-ci nous entraînera à
l’adoration, à la louange, à la reconnaissance, dans la paix, la charité, la joie : tous les fruits de l’Esprit.

Les vacances seront ainsi un temps de vie nouvelle, parce que, décentrée de nous-même, nous trouverons
notre centre de gravité en Dieu, source jaillissante de vie. Cela nous aidera à accepter les autres tels qu’ils

171
Cours de spiritualité

sont, à leur laisser un espace de liberté indispensable à leur épanouissement, à les supporter dans leurs
imperfections, à se réjouir de leurs qualités, à nous harmoniser dans l’équilibre entre la solitude et les
échanges.

Concrètement, la vie de groupe suppose un « savoir-vivre », fait de respect de l’autre et de saine liberté.
Il peut être bon de se mettre d’accord sur quelques impératifs : messe, repas, cuisine. Le soir, il n’y a pas
de « grand silence », ce qui n’empêche pas de respecter le repos des autres. Le matin, on convient de ne
faire aucun bruit jusqu’à telle heure.
L’office est prié soit en particulier, soit en commun, comme on préfère. L’oraison peut se faire sous bien des
modes.
« Je me repose avec mes amis sans que rien ne m’inquiète car je sens que Dieu est là, que c’est vers lui
que je me jette en toute sécurité et que c’est en lui que paisiblement je me repose. » (Constitutions n° 104)
Voilà le véritable repos qui refera nos forces !

Chapitre XII « Membres les uns des autres – croissance spirituelle »

« Dieu a voulu que tous les hommes constituent une seule famille et se traitent mutuellement comme des
frères. (Gaudium et Spes 24)
A cause de cela, l’amour de Dieu et du prochain est le premier et le plus grand commandement.
Il est bien évident que cela est d’une extrême importance pour des hommes de plus en plus dépendants les
uns des autres et dans un monde sans cesse plus unifié.

Quand Jésus prie le Père « pour que tous soient un comme nous sommes un » (Jean 17,21) il ouvre des
perspectives inaccessibles à la raison et il nous suggère qu’il y a une ressemblance entre l’union des
personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour. L’homme, seule créature que
Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même.

« Que chacun considère son prochain, sans aucune exception, comme un autre lui-même, tienne compte
avant tout de son existence et des moyens qui lui sont nécessaires pour vivre dignement. (Gaudium et
Spes 27)

Nous avons l’impérieux devoir de nous faire le prochain de n’importe quel homme et, s’il se présente à
nous, de le servir activement. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères… »
(Matthieu 25)

« Premier-né parmi beaucoup de frères, Jésus, après sa mort et sa résurrection, a institué, entre tous ceux
qui l’accueillent par la foi et la charité, une nouvelle communion fraternelle : elle se réalise en son propre
Corps qui est l’Eglise. En ce Corps, tous, membres les uns des autres, doivent s’entraider mutuellement,
selon la diversité des dons reçus. »

Constitutions 85 à 90

172
Cours de spiritualité

« Dans la foi, stimulées par le témoignage de nos sœurs, nous marchons ensemble vers Dieu et
communions à sa vie.
Si nous nous aimons les unes les autres, Dieu demeure en nous ; en nous son amour est accompli. »
« L’unité est un don reçu du Seigneur, confié à chacune pour le faire grandir. »
Lorsqu’on parle de corps, on parle nécessairement de croissance ( # cadavre). Or on ne grandit pas seul,
on ne grandit que dans une relation : en réponse à un appel, en accordant sa foi à une parole. Un enfant ne
devient homme qu’en réponse à la parole de ses parents qui l’appelle à grandir, à entrer en relation avec
d’autres. C’est en faisant confiance à leur parole qu’il entrera dans a société des hommes.

Celui qui n’a pas de relations vraies ne grandira pas, et en parlant de relations je pense aussi bien aux
relations interpersonnelles qu’à l’insertion dans des groupes ou des communautés constituées. (Cf. les
enfants loups)

On a pu dire que les âges de la foi coïncidaient avec les âges de la relation. Chacun de nous reproduit
dans sa relation à Dieu les caractères de sa relation à autrui : possessivité ou oblativité, agressivité ou
confiance, et réciproquement.
L’exemple des saints est là pour nous rappeler qu’on ne grandit dans la foi qu’en grandissant dans l’amour
et la charité.
Or l’amour ne grandit qu’en dépassant le contexte fusionnel et narcissique dans lequel on naît. On voulait
à deux ne faire plus qu’un, parce qu’on a peur d’être seul. On aime parce qu’on voudrait tellement être
aimé… Or l’amour ne mérite ce nom que lorsqu’il tend à dépasser ce climat fusionnel pour devenir amour
de l’autre pour lui-même, dans le respect et l’acceptation de sa différence.

Grandir dans la relation passe par accéder à l’altérité. Il y a là un passage à faire qui touche à quelque
chose qui est au cœur du désir humain. L’homme est un être de désir et il rêve d’être tout, d’être tout à la
fois, et que tout se rapporte à lui. Il a tendance à se rapporter aux choses et aux autres à partir de lui pour
se retrouver lui-même ans les choses et dans les autres. Au sens le plus primitif du désir humain, ce qui
intéresse l’homme dans l’autre, c’est ce qui dans cet autre lui parle de lui-même ; pour satisfaire son
narcissisme fondamental, il aspire à se retrouver dans les autres ; il tend à ramener l’autre à lui-même.
Accéder à l’altérité, c’est aller à l’inverse de ce mouvement, de cette tendance.

Dieu qui se révèle en Jésus Christ est un Dieu qui parle et qui affirme son altérité, qui a une parole qu’on ne
peut pas dire à sa place, bien que nous soyons tentés de reconstruire la Parole de Dieu, de parler à sa
place quand nous prions avec la Parole de Dieu !
La parole de Dieu est là, elle nous précède et résiste à nos interprétations. C’est bien cette altérité qui nous
est signifiée quand Dieu nous dit : « Vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos
voies. »
Il ne se laisse pas réduire et asservir. Il ne nous réduit pas non plus ni ne nous asservit.
Rencontrer Dieu est toujours une aventure pleine d’imprévus où il faut continuellement accepter de perdre
celui que l’on croyait avoir trouvé. C’est le désir même de Dieu qui nous conduit à faire l’expérience de

173
Cours de spiritualité

l’absence de Dieu. C’est la fidélité aux exigences de l’amour qui conduit les mystiques à l’expérience de la
nuit. Jésus n’a-t-il pas dit aux douze : Il vous est bon que je m’en aille. (Jean 16,7)
Grandir dans une relation, c’est accepter les morts que la rencontre de l’autre me fait vivre.

Vous voyez que dans la croissance de corps que nous formons – le monde, l’Eglise, la communauté, le
noviciat – l’expérience de nos relations humaines et de notre relation à Dieu est somme toute la même.
Le sens et l’acceptation de la différence – passage obligé pour accéder à l’altérité – ne sont pas donnés. Ils
se conquièrent tout au long de l’histoire personnelle de chacune. Le mot conquête ne signifie pas une
attitude volontariste, mais un vouloir enraciné dans l’appel que Dieu nous fait à devenir de plus en plus
image de la Trinité.
Et si, au premier paragraphe des relations fraternelles, Romains 5,5 est cité, ce n’est pas un hasard ! C’est
l’Esprit qui opère en nous cette conversion de l’égocentrisme à l’oblativité.

Le Milieu Divin de Theillard de Chardin

Mon Dieu, je vous l’avoue, j’ai bien longtemps été, et je suis encore, hélas réfractaire à l’amour du prochain.
Autant j’ai ardemment goûté la joie surhumaine de me rompre et de me perdre dans les âmes auxquelles
me destinait l’affinité bien mystérieuse de la dilection humaine – autant je me sens nativement hostile et
fermé en face du commun de ceux que vous me dites d’aimer. Ce qui dans l’Univers, est au-dessus ou au-
dessous de moi (sur une même ligne, pourrait-on dire), je l’intègre facilement dans ma vie intérieure  : la
matière, les plantes, les animaux, et puis les Puissances, les Dominations, les Anges, – je les accepte
sans peine, et je jouis de me sentir soutenu dans leur hiérarchie. Mais « l’autre », mon Dieu, – non pas
seulement  « le pauvre, le boiteux, le tordu, l’hébété », mais l’autre simplement, l’autre tout court, – celui qui
par son Univers en apparence fermé au mien semble vivre indépendamment de moi, et briser pour moi
l’unité et le silence du Monde, – serais-je sincère si je vous disais que ma réaction instinctive n’est pas de le
repousser ? et que la simple idée d’entrer en communication spirituelle avec lui ne m’est pas un dégoût ?
Mon Dieu, faites pour moi, dans la vie de l’Autre, briller votre Visage. Cette lumière irrésistible de vos yeux,
allumée au fond des choses, elle m’a déjà jeté sur toute œuvre à poursuivre, sur toute peine à traverser.
Donnez-moi de vous apercevoir, même et surtout, au plus intime, au plus parfait, au plus lointain de l’âme
de mes frères.
Le don que vous me demandez pour ces frères, – le seul don qui soit possible à mon cœur, – ce n’est pas
la tendresse comblée de ces affections privilégiées que vous disposez dans nos vies comme le plus
puissant facteur créé de notre croissance intérieure, c’est quelque chose de moins doux, mais d’aussi réel
et de plus fort. Entre les hommes et moi vous voulez que, votre Eucharistie aidant, se manifeste la
fondamentale attraction (déjà obscurément pressentie par tout amour, dès qu’il est fort) qui fait
mystiquement de la myriade des créatures raisonnables une sorte de même Monade en Vous Jésus Christ.
Bien supérieure à une simple sympathie personnelle, vous voulez que m’attirent vers « l’Autre » les affinités
combinées d’un monde pour lui-même et de ce monde pour Dieu.
Vous n’exigez en cela, de moi, rien de psychologiquement impossible, – puisque, dans la foule étrangère et
innombrable, ce n’est jamais qu’un même Etre personnel, le vôtre, que je suis invité à chérir.

174
Cours de spiritualité

Vous ne m’obligez pas non plus, vis-à-vis du Prochain, à d’hypocrites protestations d’amour, puisque la
quête de mon cœur ne pouvant atteindre votre Personne qu’au fond de ce qu’il y a de plus individuellement
et concrètement personnel dans chaque autre, c’est bien à cet autre lui-même, et non à quelque entité
vague autour de lui, que s’adresse ma charité.
Non, vous ne me demandez rien de faux ni d’irréalisable. Mais simplement par votre Révélation, et votre
Grâce vous forcer ce qu’il y a de plus humain en nous à prendre enfin conscience de soi-même.
L’Humanité dormait, – elle dort encore, – assoupie dans les joies étroites de ses petits amours fermés. Une
immense puissance spirituelle sommeille au fond de notre multitude, qui n’apparaîtra que lorsque nous
saurons forcer les cloisons de nos égoïsmes, et nous élever par une refonte fondamentale de nos
perspectives, à la vue habituelle et pratique des réalités universelles.
Jésus, Sauveur de l’activité humaine, à laquelle vous apportez une raison d’agir, – Sauveur de la peine
humaine, à laquelle vous apportez une valeur de vie, – soyez le salut de l’unité humaine, en nous forçant à
abandonner nos petitesses, et à nous aventurer, appuyés contre Vous, sur l’océan inconnu de la charité.
 (Theillard de Chardin)

La simplicité

Simple : s’oppose à composé, complexe, compliqué.

La loi de Yahvé est parfaite, réconfort pour l’âme,


Le témoignage de Yahvé est véridique, sagesse du simple. (Psaume 19,8)
Le simple accueille la parole, le témoignage de Dieu, la loi, et cela le rend sage. Dieu est sage et simple.
Merveille que ton témoignage, aussi mon âme le garde.
Ta parole en se découvrant illumine et les simples comprennent. (Psaume 119,130)
La simplicité s’oppose à l’orgueil.
Cette simplicité manqua à Eve :
J’ai bien peur qu’à l’exemple d’Eve que le serpent à dupée par son astuce, vos pensées ne se corrompent
en s’écartant de la simplicité envers le Christ. ( 2 Corinthiens 11,3)
Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de
l’avoir révélé aux tout-petits. (Matthieu 11,25)

 Est-ce que l’homme est complexe ?


 Est-ce une pauvreté ou une richesse ?

Nous sommes d’autant plus homme que nous n’avons plus de sentiments, d’idées, de richesses d’affection.
Mais tout ceci n’a de sens et de vérité que si c’est unifié par le dynamisme de la vie et de la personnalité.
Sinon, on est tiraillé.

 Dieu est-il simple ou complexe ?

175
Cours de spiritualité

Il est simple ; sa simplicité est faite de toutes les perfections, mais unifiés. Il « est » vérité, amour, beauté,
justice, miséricorde, etc. … Il est simple parce qu’il est Esprit, incorporel, indivisible, transcendant à l’ordre
du changement du devenir. Il est l’éternel. En lui pas l’ombre d’une variation. Il est. Il ne devient pas, il ne
change pas.

Et nous ? Dans toute action humaine, il y a une certaine dualité : conflit entre la chair et l’esprit, entre le vieil
homme et le nouveau, possibilité de mentir. Nos motivations avouées ne sont pas toujours les vraies. Dans
nos facultés spirituelles même, une chose est de comprendre autre chose est d’aimer ; une chose est de
voir la lumière, autre chose est de suivre cette lumière. L’être humain n’est pas d’une simplicité absolue.
Elle existait, magnifique encore, en l’homme sortant des mains de Dieu. Par le péché, Adam et Eve, pour
qui, jusque là, Dieu était tout, se sont arrêtés à un autre objet que Dieu et s’en sont servi pour désobéir.
Leur vue n’est plus simple, leur cœur n’est plus entièrement droit, ils ont mis en parallèle la créature avec le
Maître unique ; pire encore, ils ont préféré la créature. Voilà la tragique dualité.

Je sens deux hommes en moi, dit saint Paul. Deux ? une multitude ! Tout à l’heure, l’imperturbable
simplicité contrée sur son vrai centre ; actuellement, la complexité chaotique d’une vie à centre d’attraction
multiples. Pour qu’un homme composé d’éléments divers reste beau, harmonieux, il faut que ces éléments
soient ramenés à l’unité. L’homme deviendra simple quand toutes ses richesses diverses seront unifiées
par un seul but : plaire à Dieu, faire sa volonté. (Cf. Père Plus – la Simplicité)

Comme Jésus, dont le seul but est d’obéir au Père.


Comme Marie, obéissante au souffle de l’Esprit.
Comme Joseph.

Si vous ne devenez comme de petits enfants…


La vertu de simplicité exclut tout retour inutile sur soi.
Elle consiste en une certaine transparence de l’être, un parfait naturel en toute circonstance et devant
toute personne, un don de fraîcheur, de joie disponible et franche, de candeur qui n’est pas naïveté mais
crédit accordé aux autres et à Dieu.

La simplicité envers Dieu.


C’est quand on a compris l’unique nécessaire : Dieu seul.
L’âme simple ne cherche pas la perfection : elle cherche à aimer et de tout son cœur : c’est différent. Dans
le désir de perfection, il y encore le regard tourné vers nous. Dans la simplicité, on est décentré de soi et
polarisé par Dieu. D’où l’importance de la contemplation.

La simplicité envers le prochain.


C’est se tenir devant tous tel qu’on est devant Dieu.

La simplicité envers soi-même. C’est la pureté d’intention.


La simplicité apporte le calme, la paix.

176
Cours de spiritualité

La spiritualité Augustinienne

« Aujourd’hui comme hier, le Christ nous rassemble pour faire de nous les témoins de sa contemplation et
de sa miséricorde. A l’exemple de la première communauté de Jérusalem et selon la Règle de Saint
Augustin, nous cherchons Dieu ensemble, n’ayant « qu’un cœur et qu’une âme » tournés vers Lui et vers
nos frères. » (Constitutions n° 2)

Dieu de mon cœur, Dieu ma douceur. Vie de ma vie. O ma joie lente à venir ! Des mots d’amour
d’Augustin à Dieu. Il est l’homme qui a le plus bavardé avec Dieu. Après avoir fixé son esprit en Dieu par la
prière du soir il avait l’habitude, au lit, de mener des conversations avec Dieu avant de s’endormir, et de
nouveau au réveil. Il était impatient d’être heureux et il a trouvé le bonheur en aimant Dieu. Non comme
nous dirions un peu trop vite : Mon Dieu, je vous aime, et ce n’est pas vrai. Lui, il s’est obstiné.

Tout ce que je sais, c’est que partout ailleurs qu’en vous, non seulement hors de moi, mais en moi,
je n’éprouve que malaise.

Ce que peut nous apporter saint Augustin, c’est la passion pour Dieu. Elle seule rend notre vie sensée et
dense, non par choix entre plusieurs vérité mais par choix de la vérité. Nous venons de Dieu, nous sommes
en Dieu, il est en nous et nous allons vers lui. Tout ce que nous vivons sans lui est une vie à côté de la vie.
Que nous soyons arrivés à l’âge de la télévision et de l’ordinateur change beaucoup de choses, mais pas
celle-là : nous sommes faits pour être heureux avec Dieu et par Lui. Le projet augustinien pour une vie
d’homme est simple, fou et vrai : réussir une intimité avec Dieu dès maintenant dans les difficiles conditions
de la vie sur la terre. Nous n’avons que quelques années pour tenter cela et l’occasion ne nous en sera
jamais plus donnée.

La spiritualité augustinienne est tout entière dans une seule conviction à partir de laquelle ont peut avancer,
créer, tenter, chercher, trouver et encore chercher. C’est une spiritualité de racine et de source  : croire
indéracinablement qu’il faut aimer, et tout vire à partir de là.

Où il y a la charité, il y a tout. Où elle manque, il n’y a rien.

Spirituellement, nous nous battons sur des terrains secondaires pour éviter le terrible combat : aimer,
même quand c’est fou et impossible. Dans toute vie et à chaque instant, il faudrait faire tel pas d’amour,
remporter telle victoire par l’amour. Refuser, c’est refuser de vivre. Un manquement à la charité, ce n’est
pas une chose entre autres choses, c’est la destruction de tout à la racine de tout.

Les deux fronts de l’amour.

Le combat pour ne jamais refuser d’aimer se mène sur deux fronts. Là encore, la spiritualité augustinienne
est simple, mais peut ouvrir d’immenses espaces : avec Dieu, il faut se remettre inlassablement en sa

177
Cours de spiritualité

présence ; avec nos frères, il faut oser inlassablement l’amitié = la fraternité.

Vivre en présence de Dieu, s’élever vers Dieu, aura été la hantise d’Augustin. L’oraison augustinienne est
vite présentée : c’est un effort d’union d’amour à la Trinité qui habite en nous. La clé : Jean 14,23 : Si
quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera, et nous ferons en lui notre demeure.
Nous devenons alors un temple, et le jardin de Dieu, dans le souvenir de l’Eden  : Dieu se promène en
nous s’il y trouve les larges espaces de la charité.

Image qui nous fait songer aux étroitesses aux largeurs de notre cœur, à l’être immense que l’amour
pourrait faire de nous.

Mais j’ai trop dit Dieu jusqu’à présent. Pour Augustin, aimer Dieu en nous c’est aimer le Père, le Fils et
l’Esprit. Une rencontre vraie de Dieu est une rencontre trinitaire. Ce n’est pas à nous d’imaginer autre
chose, d’essayer d’autres rencontres. Il n’y a qu’une seule porte et un seul chemin : la rencontre de Jésus
qui nous conduit toujours vers le Père et nous donne l’Esprit.

« Aime tous les hommes, même tes ennemis ; non parce qu’ils sont tes frères mais pour qu’ils soient tes
frères : en sorte que tu brûles d’amour fraternel, soit pour celui qui est déjà ton frère, soit pour ton ennemi
afin qu’à force d’amour tu en fasses ton frère. Chaque fois que tu aimes un frère, tu aimes un ami. »
(Augustin sur la 1ère Epître de Saint Jean X, 7)

La rencontre d’amour de la Trinité dans l’oraison et dans la continuelle remise en sa présence, fait de nous
un être aimant qui cherche partout des amitiés. Etrangement absente chez beaucoup de chrétiens, la
recherche de l’amitié est la marque la plus authentique de l’augustinien. Augustin a toujours cherché des
amis et les échanges profonds, chaleureux de l’amitié. Pour lui, un monastère c’est une communauté
d’amis, de frères en quête de Dieu. On doit y vivre aussi intensément l’amitié que l’intimité avec Dieu, les
deux charités se nourrissant l’une et l’autre.

Comme il est agréable pour des frères d’habiter ensemble ! (Psaume 133) – Ce cri du psaume à
engendré les monastères. C’est en écoutant cela que des frères ont fortement désiré d’habiter ensemble.

Ici, la spiritualité augustinienne pourrait aider à réaliser la chose que les hommes désirent le plus et pour
laquelle il restent si inexpérimentés : bien vivre ensemble. En famille, au travail, dans un immeuble ou un
village. Le premier mot de la Règle de Saint Augustin c’est : puisque vous devez vivre ensemble,
essayer avant tout de vivre bien d’accord.

Saint Benoît consacre ses frères à la paix, Saint Dominique à la vérité, Saint François à la joie dans la
pauvreté. Saint Augustin consacre ses frères à la charité fraternelle.

André Sève

178
Cours de spiritualité

Dans la Règle, remarquer le terme « frère » employé exclusivement :


I, 7 ; III, 4 ; V, 3.4.5.7.8.9.11 ; VI, 2 ; VII, 1.2.3

Chapitre XIII : « La Lectio Divina »

Selon une anecdote, Frédéric II von Hohenstaufen, désireux de déterminer quelle pouvait être la langue
primitive de l’humanité, fit placer en un lieu retiré de tout jeunes orphelins. Il veilla a ce que ces enfants ne
manquent de rien et interdit à quiconque de leur parler. Ainsi, pensait-il, on verrait, grâce à l’emploi
spontané qu’ils en feraient, laquelle des trois langues réputées les plus anciennes : l’hébreu, le grec ou le
latin était, en vérité, la plus antique. Mal lui en prit. Loin de s’ouvrir d’eux-mêmes au mystère de la parole,
ces orphelins moururent tous. 1

Le langage est autre chose qu’une réalité produite ou un simple moyen de transmettre une information. Le
fait de parler ou d’échanger est un acte vital dont la privation entraîne la mort. La parole est une condition
d’existence. Je n’existe qu’en communication avec les autres, et, selon mon être de croyant, qu’en
communication avec Celui qui m’interpelle pour que je vive éveillé : « Matin après matin, le Seigneur me fait
dresser l’oreille pour que j’écoute, comme les disciples » (Isaïe 50,4). Cet appel, pourquoi l’étouffer ? Il
somme chacun d’être à l’écoute de Celui qui se tait à proportion de notre bavardage. Il constitue tout
croyant héritier de la promesse  « en faveur d’Abraham et de sa descendance pour toujours. » Lié à une
multitude d’hommes et de femmes, dont l’aventure vécue tisse l’histoire de L’Israël vivant qui traverse les
siècles, je me reconnais solidaire d’une peuple, d’une tradition qui, loin d’oublier, se porte garant  : « la
caractéristique de la pensée religieuse juive n’est pas d’accepter un concept de Dieu, mais de pouvoir
énoncer un souvenir de moments d’illumination par la présence de Dieu. Israël n’est pas un peuple qui
définit, mais un peuple qui témoigne : ‘vous êtes mes témoins’ (Isaïe 43,10) »2

Pareille communion avec les écoutant-Dieu place sur notre chemin celle qui n’est sortie de l’ombre
qu’appelée par Dieu : Marie, la fille d’Israël. L’écoute absolue de la parole reçoit en elle la forme totale que
donnent à cette audition, son cœur, et son corps. Elle conçoit la Parole faite chair non par une quelconque
mainmise puisqu’en elle « le non-savoir-faire sut faire Dieu »3, mais dans l’allégresse d’un consentement à
une vie qui le dépasse : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jean 2,5). Marie reprend, face à son enfant, la
formule dont Israël se servait pour ratifier l’Alliance avec Dieu : « Tout ce que Yahvé a dit, nous le mettrons
en pratique »4. Ouverture illimitée de la Mère où se désigne sans autre explication la Seigneurie de Celui
qui ne serait pas le plus grand si, étant ce qu’il est, il n’avait pas la liberté souveraine de devenir ce qu’il
n’est pas : Dieu fait-homme. « Ne pas être contraint par le très grand, s’enfermer dans le tout-petit, cela,
c’est divin »5.

1
Dans «Le Monde et la Personne », Ricardo Guardini, Seuil, 1966, 150
2
A. Heschel, « Dieu en quête de l’homme », Seuil, 1968,154.
3
A. Porchia, « Voix », Fayard, 1979
4
Cf. Exode 19,8 ; 24,3-7 ; Deutéronome 5,27 ; Josué 24,24 ; Esdras 10,12 ; Néhémie 5,12
5
En exergue de « l’Hypersion » d’Holderlin.

179
Cours de spiritualité

Entourés d’une telle nuée de témoins, nous recevons aujourd’hui la parole que Dieu adresse à son Eglise.
Le « « Prends et lis », entendu par Augustin au moment de sa conversion ne nous reste pas étranger. Le
moine se reconnaît au cœur de disciple. Les tout premiers mots de la Règle de saint Benoît : « Ecoute,
mon Fils, les préceptes du Maître et prête l’oreille de ton cœur » n’ont valeur d’invitatoire que parce qu’ils
sont une incitation permanente à nous tourner vers l’Autre. Auditeur de la parole, il entend comme tout
chrétien se ménager une plage d’écoute. La lectio divina ou lecture cordiale de la Bible définit cet espace
de ce temps pour Dieu.

Un espace pour la parole

« Si vous revenez vers Dieu de cœur et d’âme


pour vivre, dans la vérité, devant lui,
alors il reviendra vers vous
et jamais plus ne cachera sa face. » (Tobie 13,6)

Revenir vers lui, convertir notre cœur, demeurer ferme dans al conviction que si nous le cherchons en
esprit et vérité, Dieu ne nous dérobera pas son visage, autant d’attitudes foncières qui servent à orienter la
lectio. Cette reconnaissance du Seigneur nécessite que nous sachions faire halte. N’est-il pas significatif
qu’au plan de l’amour humain déjà, les équipes des foyers Notre Dame s’imposent comme règle de vie, et
à grand frais parfois, le « devoir de s’asseoir. » Impossible de tenir une direction commune si l’on ne prend
pas le temps de vérifier ensemble l’itinéraire de marche. Cette disponibilité correspond assez exactement à
ce qu’est un loisir. Personne ne conteste l’opportunité d’un tel temps d’arrêt pour la vie d’un couple.
Pourquoi refuserait-on a priori que le croyant pût s’accorder un tel loisir pour Dieu ? Soutenir cela, c’est
prendre acte que la gratuité dont s’accompagnent certaines de nos activités s’applique avec bonheur à
cette relation, d’un type particulier certes, qu’est l’écoute de la parole de Dieu. Que la lectio divina s’inscrive
dans un espace de gratuité laisse deviner ce qu’elle est en vérité. Une volonté de se soumettre à un
regard ; un désir de vivre avec gratitude en présence de quelqu’un par la médiation d’un texte.

Une page, en tout point admirable, de Charles Péguy décrit ce que devrait être une vraie lecture, les
conditions d’une vraie lecture. L’auteur n’est pas dupe : il sait combien est onéreux l’acte de lire. Aussi
imagine-t-il la situation concrète d’un lecteur potentiel rendu apte à lire effectivement ! « Car nous sommes
tellement pressés de travail de toute(s) part(s) dans la vie ordinaire, assaillis, assiégés ; bloqués des
nécessités de l’existence que nous ne lisons jamais que pour travailler ; quand nous sommes malades, et
alors seulement, et seulement de ces sortes de maladies, qui laissent la tête libre et saine, et cependant
forcent à garder le lit et interdisent formellement de travailler, alors par exception, par une sorte de trêve,
provisoirement (au lieu qu’il faudrait que ce fût essentiellement) nous redevenons momentanément ce qu’il
ne faudrait jamais cesse d’être, des lecteurs ? » Quels lecteurs donc ?

« Des lecteurs purs, qui lisent pour lire, non pour s’instruire, non pour travailler ; de purs lecteurs, qui d’une
part sachent lire et d’autre part qui veuillent lire, qui enfin tout uniment lisent, et lisent tout uniment  ; des
homes qui regardent une œuvre tout uniment pour la voir et la recevoir, pour s’en alimenter, pour s’en

180
Cours de spiritualité

nourrir, comme d’un aliment précieux, pour s’en faire croître, pour s’en faire valoir, intérieurement,
organiquement, nullement pour travailler avec, pour s’en faire valoir, socialement, dans le siècle ; des
hommes aussi, des hommes enfin qui sachent lire, et ce que c’est que lire, c’est-à-dire que c’est entrer
dans 6; dans quoi, mon ami ; dans une œuvre, dans la lecture d’une œuvre, dans une vie, dans la
contemplation d’une vie, avec amitié, avec fidélité, avec même une sorte de complaisance indispensable,
non seulement avec sympathie, mais avec amour ; qu’il faut entrer comme dans la source de l’œuvre ; et
littéralement collaborer avec l’auteur ; qu’il ne faut pas recevoir l’œuvre passivement ; que la lecture est
l’acte commun, l’opération commune du lisant et du lu, de l’œuvre et du lecteur, du livre et du lecteur, de
l’auteur et du lecteur »6

Le terme de recreatio, pris selon toute son acception, dégage les composantes d’un tel loisir pour Dieu. Il
signifie tout à la fois « détente » au sens de récréation, et « renouvellement » au sens de recréation. La
lectio divina est une récréation s’ouvrant à une recréation.

Le mot de récréation ne surprendra pas la personne qui s’adonne à la lectio. Elle ne sera pas dupe de
l’image qu’il connote. LE « récréatif » n’a pas pour synonyme « facilité ». Le temps de la lectio ne répond à
aucune nécessité ou visée utilitaire ; il est ordonné à la découverte d’un plus grand amour. Cet « exercice
de lecture » que Péguy envisage au prix d’ « une sorte de trêve, provisoirement » est pour un croyant
l’espace qu’il se réserve pour être-avec. Cela, il faut l’affirmer à temps et à contre-temps, moins aux autres
qu’à soi-même ! Le loisir d’être-avec-le-Seigneur est le seul luxe du croyant. Bien inamissible qui ne lui sera
jamais ôté pourvu que chaque jour il cherche à l’inventorier de nouveau ! Cette conquête jamais achevée
est une disposition à écouter : la faculté de se laisser enseigner.

Celui qui ouvre

Qui pourrait ouvrir « Le livre aux sept sceau » dont parle l’Apocalypse (5,4) ? Nul, en dehors de Jésus
Christ et de son Esprit, n’est capable d’ « apprendre à connaître le cœur de Dieu dans les paroles de
Dieu » comme l’écrit saint Grégoire le Grand. Ce que ce maître de l’expérience spirituelle a parfaitement
mis en valeur dans ses Homélies sur Ezéchiel. Lisant le passage où le prophète compare l’Ecriture à un
livre fermé : « Je regardai : une main était tendue vers moi, tenant un volume roulé : on le déploya devant
moi, il était écrit à l’intérieur (Ezéchiel 2,9-10) »7, il commente :

« Le livre de la sainte Ecriture est écrit au-dedans par l’allégorie, au-dehors par le simple sens littéral…
Nous connaissons déjà une partie de ces choses cachées par l’intelligence spirituelle, déjà nous avons
reçu le gage de l’Esprit Saint ; nous ne les connaissons pas encore pleinement et cependant nous les
aimons du fond du cœur, et parmi les multiples sens spirituels que déjà nous connaissons, nous sommes
nourris de l’aliment de vérité »8 « Le volume roulé, c’est le langage obscur de l’Ecriture sainte, qui est roulé
par la profondeur de son contenue de sorte que son sens n’est pas pénétré facilement par tout le monde »

6
Charles Péguy, « Œuvres en prose », Clio, la Pléiade, 102-103
6

7
Textes traduits par P. Catry, dans « Collectanea Cisterciensia, » T. 34, 1972, 185 s.s.
8
Sur cette exégèse, voir : Cl Dagens, « Saint Grégoire le Grand », 1997, 233-234

181
Cours de spiritualité

(Ibid.). « Le livre est déployé quand ce qui avait été dit d’une manière obscure est ouvert à l’intelligence. Ce
livre roulé, la vérité le déploya quand (Jésus) fit aux disciples ce qui est écrit : ‘Alors il leur ouvrit l’esprit à
l’intelligence des Ecritures’ (Luc 24,25) » (Ibid.)

« Il faut remarquer que le prophète ajoure : ‘j’ouvris la bouche et il me fit manger le volume’ (Ezéchiel 3,2)…
Nous ouvrons notre bouche quand nous préparons nos sens à l’intelligence de la Parole sacrée. Il n’est pas
en notre pouvoir de prendre cette nourriture si celui qui a donné l’ordre de manger ne nous nourrit pas lui-
même. Celui qui nous donne en son temps notre mesure de blé nous donne lui-même à manger de sorte
que comprenant aujourd’hui de la Parole ce que nous ignorions hier, comprenant aussi demain ce
qu’aujourd’hui nous ignorons, nous recevions chaque jours notre nourriture par la grâce de l’économie
divine. Le Dieu tout-puissant tend comme la main à la bouche de notre cœur chaque fois qu’il nous ouvre
l’intelligence et introduit dans nos sens la nourriture de la parole sacrée. Il nous nourrit du livre quand, selon
son économie, il ouvre un sens à l’Ecriture sainte et remplit nos pensées de sa douceur. » (Idid.)

Christ illumine l’intelligence en lui faisant don de son Esprit, de son Esprit qui est Don  : « L’Esprit sonde
tout, même les profondeurs de Dieu. Qui donc parmi les hommes connaît ce qui est dans l’homme, sinon
l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même ce qui est en Dieu, personne ne le connaît, sinon l’Esprit de
Dieu. Pour nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous
connaissions les dons de la grâce de Dieu » (1 Corinthiens 2,10-12). Seul celui qui est, à la fois, le « propre
du Père » et le « propre du Fils »9 ouvre la voie vers le Père et le Fils. Il n’est pas celui que l’on voit mais
celui qui fait voir. En cela, il est comparable à la lumière qui ne se dit jamais elle-même mais rend
perceptible la réalité que l’on découvre par elle. L’Esprit oriente donc le regard croyant vers Celui qui le
donne, vers Celui qui existe comme Source. De là les perspectives illimitées que déploie la Bible, le Livre
par excellence, jaillissement en mots humains du cœur de Dieu. Jamais nous n’en finirons de connaître la
parole de Dieu, de naître à la vérité toute entière (Jean 16,13), car «  les paroles de Dieu progressent avec
celui qui les lit » – « Divina eloguia cum legente crescunt ! »10

Le don de l’Esprit, livré sur la croix, offert au jour de l’affranchissement définitif de la mort, émane du
Ressuscité : « Recevez l’Esprit Saint » (20,22) ! Ce « recevoir » est en sa lettre même un « prendre » :
« Prenez l’Esprit Saint ! » Si le Seigneur a l’absolue initiative de donner l’Esprit, – et c’est peut-être la le
propre de Dieu en ce sens que Dieu seul est en livrant son esprit, – cette donation s’effectue sur le mode
d’un recevoir actif de notre part. Au point précis où l’Esprit « parle » à notre esprit, le temps pour Dieu
se convertit en un temps de Dieu, la récréation coïncide avec la récréation.

Tel un glaive

La vraie génération atteint et transforme toutes les fibres de l’être. Parce que « Dieu attend là où sont les
racines » (R.M. Rilke), nul ne verra jaillir l’étincelle de vérité à moins de s’exposer jusqu’à nos racine. Non
que nous prétendions allumer par nous-mêmes ce feu, mais parce que la lumière, venue soudain éclairer le
cœur, trouve sa mesure (ou sa démesure) en une compréhension nouvelle par laquelle, rendus humbles,

9
Saint Athanase d’Alexandrie, « 4ème Lettre à Serapion, » 4 (PG 26,641)
10
Hom, in Ez. 1.7.8 (Pl 76,843), cité par Cl Dagens, oc, 69

182
Cours de spiritualité

nous saisissons à la vue de ce que nous discernons notre propre aveuglement. « Me dit que je suis
aveugle, ce que je vois. » (A. Porchia)

Ce qui compte, ce n’est pas tellement notre courage pour faire face (nous en manquons totalement) que
l’invitation du Seigneur a s’engager plus avant. Ce n’est pas nous qui sommes capables de scruter son
mystère, c’est lui qui nous incite à pénétrer en un nouveau champ de compréhension : « Si tu savais le don
de Dieu et celui qui te parle » ; ce n’est pas nous qui désirons sortir de nos petites habitudes, c’est lui qui
nous avertit, fait renaître le désir : « J’ai encore bien des choses à dire mais, actuellement, vous n’êtes pas
à même de les supporter. » Ce qui importe finalement, – à quoi il faut s’agripper, – c’est l’avenir que Jésus
prédit, qu’il donne lui-même à sa parole dès qu’elle est reçue par un cœur qui écoute.

Or la parole agit comme un glaive. Une sorte de transfixion se produit afin que soient libérées la vérité de la
parole et la vérité de ce que nous sommes. Le rideau qui nous emmure, c’est nous-même. Sortir de cet
aveuglement, ce n’est pas tendre de tout soi-même vers la lumière, car, au demeurant, la citadelle que
nous sommes demeurerait inchangée ! C’est consentir à ce que la lumière vienne refigurer nos propres
ténèbres, atteigne en nous le tréfonds. Dieu n’aime pas le personnage que nous nous flattons d’être. Il
rejoint l’assoiffé qui cherche à tromper sa soif et se prostitue pour n’importe quel ersatz. Affronter la parole
créatrice, c’est se laisser recréer par elle, vouloir qu’elle nous touche là où nous sommes vulnérables. Ce
que Péguy nommait le point de mouillature à la grâce !

« Les ‘honnêtes gens’ ne mouillent pas à la grâce. Ils ne présentent point cette ouverture que fait une
affreuse blessure, une inoubliable détresse, un regret invincible, un point de suture éternellement mal joint,
une mortelle inquiétude, une invisible arrière anxiété, une amertume secrète, un effondrement
perpétuellement maqué, une cicatrice éternellement mal fermée. Ils ne présentent point cette entrée à la
grâce qui est essentiellement le péché. Parce qu’ils ne sont pas blessés, ils ne sont plus vulnérables. Parce
qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte rien. Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte
pas ce qui est tout. La charité même de Dieu ne panse point celui qui n’a pas des plaies. C’est parce qu’un
homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C’est parce que la face de Jésus était sale que
Véronique l’essuya d’un mouchoir. Or celui qui n’est pas tombé ne sera jamais ramassé ; et celui qui n’est
pas sale ne sera pas essuyé. »11

La vulnérabilité humaine face à la parole créatrice – et dont la grâce se sert – est d’ordre ontologique. Elle
touche à notre solitude originaire. Elle est un trait constitutif de l’existence. « Blesser le cœur, c’est le
créer » écrit A. Porchia. Point question de songer seulement aux métamorphoses sans lesquelles un petit
d’homme n’atteindra jamais sa taille d’adulte, – métamorphoses qui, dans l’ordre animal, voient « la chenille
devenir chrysalide, la chrysalide, papillon » sans que le papillon se souvienne « ni de la chrysalide, ni de la
chenille. »12 Ce qui est en jeu maintenant ne vise ni la dissolution du désir mégalomane au cœur de
chacun, ni la franche reconnaissance, après bien des luttes et résistances, de la loi qui structure tout
individu : cette conversion au fini qui me donne d’être ce que j’ai toujours été. Il s’agit de la rencontre avec
l’excessif de la création : le mal et le malheur. La réalité est là : inexpliquée, inexplicable. N’est-ce pas en
11
Charles Péguy, « Œuvres en prose, Notes conjointes », la Pléiade, 1333-1334.
12
André Malraux, « Lazare », Gallimard, 1974,245.

183
Cours de spiritualité

ce défi lancé à toute explication que la parole se fraye un passage ? « Mes voies ne sont pas vos voies. »
Sans jeu de mots, l’accès est dans l’excès. Ce qui importe à cette heure – qui rejoint étrangement l’ Heure,
ce ne sont plus nos pseudo-raisonnements jetés aux oubliettes, mais la Parole seule – au-delà de tout
discours.13 Silencieuse, non pas muette.

L’univers n’est ni tout beau, ni tout bon. Chacun parfois, dans la déchirure de l’instant proche de l’éclair, a
l’intuition, et comme le pressentiment, d’écrire une parabole, et le monde lui-même. Nul ne connaît
l’interférence de ces traits vivants qui s’inscrivent jour après jour, enlacent leur figure et constituent la trame
du réel. Le dernier mot de l’histoire, de toute histoire, n’appartient à personne, car nul ne détient la parole
ultime sur la création. Elle seul donnerait le sens qui nous échappe. Au moins respectons l’expérience de
ces êtres, tellement perméables au destin de la parole, qu’ils portent sans désespérance la fragilité du
cœur humain. La leur, celle des autres. Ils n’éprouvent pas le besoin de crier pour appeler à l’aide. Ils
s’imprègnent du silence de Celui qui se taît. Ils croient que la transfiguration est à l’œuvre jusque dans la
défiguration, que la blessure est une auréole de la gloire en Christ ressuscité. « Si le cœur que la blessure
d’amour touche est déjà blessé par les plaies de ses misères et de ses p échés, elle le laisse aussitôt
blessé d’amour et les plaies qui lui venaient d’une autre cause deviennent des plaies d’amour. »14

Leur lectio, débordant la lettre de l’Ecriture, acquiert l’intensité d’un regard, dévisage la face de Celui qui a
tout rendu possible » en se faisant homme, en mourant et en ressuscitant. »15 Refigurés, ces hommes et
ces femmes attestent la tendresse de Dieu, manifestée en Jésus Christ. Ils sont des paroles vivantes. Les
voir, c’est voir. Alors le cœur se met à comprendre. Loin d’être des rebuts d’humanité, ils accueillent jusque
dans leur détresse – qui ferait blasphémer tout autre ou l’avilirait mortellement – la puissance du Salut,
l’exaucement du Salut. Pour eux et pour la multitude.

« Incomprise, abandonnée même par son mari, ayant enterré six enfants mais non son naturel sociable,
étrangère pour ses sœurs, ses belles-sœurs, ridicule, travaillant stupidement gratis pour les autres –
Matriona n’avait pas accumulé d’avoir pour le jour de sa mort. Une chèvre blanc sale, un chant bancal, des
ficus… Et nous nous qui vivions à ses côtés, n’avions pas compris qu’elle était ce juste dont parle le
proverbe et sans lequel il n’est village qui tienne.
Ni ville.
Ni notre terre entière. »16

Le moment de la lectio

Moment de vérité, la lectio agit par décantation. Il faut affronter le bouillonnement qui nous habite, admettre
la loi du flux et du reflux en sorte que, déposées au rivage les scories du cœur ; nous gagnions des eaux
moins troublées où l’agitation n’est plus le maître mot de notre activité. A l’opposé, il faudra peut-être
surmonter l’impression d’étale, de calme plat ou la volonté s’amollit pour que nous n’en venions pas, au
cours de la lectio, à songer d’avantage à l’occupation suivante qu’au Dieu trop lointain.

13
Cf. Philippe Némo, « Job et l’excès du mal », Grasset, 1978
14
Saint Jean de la Croix, « La vive flamme d’amour », strophe II.
15
Saint Grégoire le Grand, « Dialogues », IV, 42 (PL 77,100)
16
A. Soljenitsyne, « La maison de Matriona », Julliard, 1965,60

184
Cours de spiritualité

Le champ étant libre, la lectio ne requiert aucune disposition particulière même si, en son fond, elle engage
et tient ensemble toutes nos facultés. Elle n’est pas une œuvre d’érudition. Son but n’est pas d’apprendre
quelque chose, – ce qui en serait plutôt une conséquence. Elle conduit doucement le lecteur silencieux à se
déprendre de lui-même, à devenir auditeur de la parole, à se recevoir d’un autre, de l’Autre.

« Le silence que le Seigneur exige de façon si pressante est la condition fondamentale de toute action
efficace des apôtres, de toute transmission de la parole de Dieu. Leur action ne peut naître que de la
contemplation. Mais la suspension des paroles humaines et des bruits ne vise pas à une sorte d’expérience
mystique du calme, du silence, du mutisme, c’est la préparation exigée pour entendre la parole de Dieu. De
même que la contemplation a une primauté sur l’action, la parole de Dieu a, dans la prière, la primauté sur
la parole humaine. Le silence est nécessaire pour que la parole de Dieu devienne perceptible. Et Dieu, en
accordant aux hommes sa parole, en engageant avec eux conversation, leur montre la qualité divine de
cette parole : son infinité, qui empêche qu’elle puisse être entièrement exprimée par les paroles humaines.
Il leur fait comprendre la profondeur de la parole divine, qu’aucune parole humaine n’épuisera jamais. S’il
en allait autrement, la parole de Dieu ne serait pas plus grande que celle de l’homme. L’expérience de ce
Dieu toujours plus grand ne se fait que par la contemplation. »17

Il arrivera parfois que nous fassions l’expérience de ce qu’Adrienne von Speyr nomme la « double
fermeture de la parole. »18 Soit parce que la parole est fermée sur elle-même : nous la prononçons sans en
saisir le sens ; soit parce qu’elle nous enferme en elle-même. Bien qu’elle déborde notre cœur, elle le
touche en ce débordement même. Le sillage que crée l’étrave du navire appartient au bateau déjà hors
d’atteinte des flots où s’imprime la trace véridique de sa présence. Tel est le Seigneur  : toujours au-delà de
la lumière qu’il fait poindre en notre esprit. En somme, une fermeture par défaut : nous ne saisissons que la
lettre du texte ; une fermeture par excès : nous sommes compris et nous nous comprenons en Celui qui est
toujours plus grand.

Point n’est besoin de vouloir forcer l’issue, cela n’a pas de sens. La grâce récuse la nécessité. Elle est don.
Demeurer vaille que vaille, ne pas rougir des humbles moyen qui sont les nôtres, tel est notre lot. L’un lira à
haute voix et lentement le texte choisi, l’autre le transcrira sur une feuille blanche ; celui-ci se laissera
guider par la polysémie des mots, celui-là écoutera la parole ainsi qu’une symphonie, notera les
réminiscences, évoquera les correspondances avec d’autres partitions des deux testaments. Un autre
tapissera la mémoire de son cœur des belles pages de la Bible qu’il récitera telle une parole qu’il enfante
lui-même. Voies d’approche multiples sans écart réel par rapport au centre, multiplicité des axes de
découverte qui ramène au point central puisque leur déroulement n’a d’autre but que de maintenir l’écoute,
de permettre à la parole de retentir au fond de soi.

Le pain de la parole

17
Texte d’Adrienne von Speyr dans : « Adrienne von Speyr » par Hans Urs von Balthasar, éd. Paul. , 1976,286
18
Adrienne von Speyr, « L’expérience de la prière », Lethielleux, 1978, 28-30

185
Cours de spiritualité

Il ne s’agit pas de parler la parole (de la faire bavarder !) mais de la laisser se dire elle-même en nous. En
fin de compte il s’agit de recevoir une parole qui est annoncée ben plus qu’énoncée, d’une bonne nouvelle
qui vient à nous plus que d’une information neuve à ficher coûte que coûte. Or il faut avoir longuement
ruminé la parole pour qu’elle demeure en écho toujours perçu au plein même de nos explications. Celles-ci
ne devraient avoir d’autre but que de dégager la gangue, faire apparaître le noyau, libérer la semence,
désigner la source en s’effaçant. Hélas ! il est des paroles parlées qui ne sont plus, qui ne peuvent plus être
des paroles parlantes. Sur la pointe des pieds, la parole a déserté la place. Elle s’en est allée. On égrène
des mots ; la vie, elle, est ailleurs.

Au fond, il faut consentir à être vaincu par la parole. Nous ne la découvrons qu’au moment où elle nous
découvre à nous-même : ‘Ne parle de sa parole propre que la blessure. » (A. Porchia) Il y a entre elle et
nous mariage, – alliance dans la vérité qui se dévoile. Moins un savoir qu’un connaître. Touche si intime
que, parlant d’elle, nous continuons a parler de nous-même. Non que l’homme veuille se substituer à Dieu,
mais Dieu se manifeste dans la vérité de e qu’il nous fait être.

Si ensuite, nous avons à parler de ces textes aimés, nous en parlerons comme d’une parole qui est vie, qui
met à genoux dans l’instant où elle éclaire : « Quand je dis ce que je dis, c’est parce que m’a vaincu ce que
je dis. » (A. Porchia) D’une parole qui est devenue tellement nôtre que la répéter, c’est dire quelque chose
qui tient à ce que nous sommes : « je sens que je me répète quand je répète l’autre. Non quand je me
répète. » (Ibid.) D’une parole que nous aimons pour l’avoir découverte nous-même : « Se découvre pour toi
ce que tu découvres pour toi, non ce que d’autres découvrent pour toi. » (Ibid.) Alors se vérifie la beauté de
l’expression : le pain de la parole. Il est dans l’Esprit une nourriture, c’est-à-dire une parole parlante.

« O vous tous qui avez soif, venez vers l’eau.


Vous-même qui n’avez pas d’argent, venez.
Pourquoi dépenser de l’argent pour ce qui n’est pas du pain,
votre gain pour ce qui ne rassasie pas ?
Ecoutez, écoutez-moi et vous mangerez ce qui est bon,
vous vous délecterez de mets savoureux.
Tendez l’oreille et venez vers moi,
écoutez et que vive votre âme !
De même que la pluie et la neige descendent du ciel
et n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre,
sans l’avoir fécondée et fait germer,
pour qu’elle donne la semence au semeur et le pain a celui qui mange,
ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche ;
elle n e retourne pas vers moi sans effet,
sans avoir exécuté ce que je voulais
et fait réussir ce pour quoi je l’avais envoyée. » 19

19
Isaïe 55,1-3. 10-11 (Traduction Osty)

186
Cours de spiritualité

Ce pain de la parole ne change pas de nature si, loin de rassasier, il creuse notre faim. Ni Dieu ne grandit
parce qu’il est mieux perçu en sa présence, ni nous-mêmes ne devenons plus obscurs à ses yeux parce
qu’il cesse d’être reconnu en nos cœurs. Rien n’arrête le Seigneur ; Son regard bouscule, défie nos
distinctions, sonde l’impénétrable. « Pour toi, la ténèbre n’est pas ténèbres, et la nuit comme le jour
illumine ! » (Psaume 138)

La lectio est un long pèlerinage. Qui craint de tourner les pages du Livre – de perdre la saveur des sources
jaillies naguère en eaux vives – n’avancera pas sur le sentier de Dieu. Je ne suis pas en marche à la
recherche d’oasis, mais des oasis naissent sur la longue route en quête de Celui qui a eu l’initiative  :
« Viens, suis-moi. » Après tout, Jésus lui-même qui se déclare le pain des hommes a éprouvé jusqu’au
vertige la soif : sitio. L’important n’est donc pas de n’avoir plus faim. Il est de garder au cœur un désir neuf,
– tellement neuf que rien ne vienne entraver notre route vers Dieu, pas même le rappel de ce qui a été !
« Qui cherche en son bien un plus grand bien, perd son bien. » (A Porchia) Le plus souvent, le pain de la
parole est ressenti comme un jeûne à endurer. Privation qui, loin de stopper notre course, est une invitation
à poursuivre la marche. Dieu n’est pas Celui qui s’est donné. Il est Celui qui vient toujours.

Activité éminemment personnelle, la lectio reçoit sa pleine dimension dans le partage. Déjà le Talmud
insiste sur la grandeur de l’étude de la Torah dès lors que cette recherche accepte de se confronter avec
l’existence, quelle conduit le lecteur à agir. « Si les actions de l’homme dépassent sa sagesse, sa sagesse
sera durable ; si la sagesse dépasse les actions, elle ne durera pas », dit Rabbi Hanina ben Dosa. 20 La
célébration eucharistique, entendue comme écoute de la Parole et pain rompu, offre à la lectio son meilleur
prolongement. Non contents de se rendre soi-même attentif au texte biblique, nous entendons avec des
frères et des sœurs la parole que Dieu distribue à l’assemblée. Celle-ci naît de l’écoute. La parole fait la
communauté parce que la communion dans l’écoute offre à la parole, non plus dite mais reçue, son corps
réel.

Tel « le silex qui cache le feu en lui. »21 La parole demande à flamboyer. Elle est génératrice d’une flamme
qui ne demande qu’à éclairer. Elle n’a pas d’autre finalité. « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il
nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? » Elle vient pour cela : étendre à travers le monde un
incendie. Quelle trouve seulement les êtres en recherche. Peu importe s’ils avancent la tête basse dès lors
qu’ils acceptent de poursuivre leur marche. Elle mêlera sa voix à leurs interrogations pourvu qu’ils sachent
nommer sans faux-fuyant la vérité qui les scandalise, confesser leur murmure, se libérer de leurs craintes.
Elle ne refusera pas d’entendre le récit de nos peurs et de nos refus si, conversant avec elle, nous l’invitons
à demeurer au milieu de nous : « Reste avec nous car le jour baisse ! »

Au soir de Pâques, c’est-à-dire au terme d’une journée que n’avait pas ensemencée la lumière du
Ressuscité, en une auberge d’Emmaüs, le Verbe devenu pain vivant accepta de s’asseoir et de prolonger
l’entretien avec des pèlerins dont les yeux étaient comme empêchés de voir. Quand à la fraction du pain,
au partage, ils reconnurent le visage de Celui qu’ils nommaient en vain, de ce Jésus dont les propos
venaient d’étoiler leur nuit, d’embraser leur cœur, ils se levèrent aussitôt et s’en retournèrent à Jérusalem
20
Cité par A. Heschel, dans « Le tourment de la vérité », Cerf, 197 ? , 50.
21
Saint Grégoire le Grand , « Hom in Ez » II, 10,1 (PL 76,1058)

187
Cours de spiritualité

annoncer la Bonne Nouvelle, – la Parole redevenue parlante ! Ils savaient désormais qu’en écoutant, ils
avaient entendu ; et qu’ayant entendu, ils devenaient eux-mêmes les témoins retrouvés du Dieu Vivant.

Frère Marie de la Chapelle


Moine de Tournay

188
Cours de spiritualité

Lectio Divina
Dom Le Gall

Lire pour aimer.


Pour l’Ecriture, on devrait parler d’écouter, plutôt que de lire. Audire libenter : écouter volontiers, avec joie.

Avoir une oreille sélective. Quand on est religieuse, on ne lit pas n’importe quoi, on n’écoute pas n’importe
quoi. Mes brebis écoutent ma voix. Elles le suivent parce qu’elles le connaissent, elles fuient un étranger.
Depuis qu’il nous a appelées, nous connaissons sa voix. Connivence. Notre élan sur la route dépend
étroitement de la finesse de notre écoute.
Laisser tomber toutes nos défenses dès que c’est la voix du Pasteur. Dis-moi qui tu lis, je te dirai qui tu,
aimes.
Tripode indispensable dans la vie religieuse : liturgie ; oraison ; lectio. La première sacrifié est toujours la
lectio. En prendre l’habitude et ne pas en souffrir est très dangereux. La lectio conditionne la qualité du
reste.
Parfois on lit sans joie, sans profit apparent, pour prouver l’amour. On investit dans la foi.

Lire constamment e dans tous les sens l’Ecriture. A vie divine, lecture divine. Notre pâture privilégiée, notre
pâturage, c’est la Parole de Dieu. (Les 4 constitutions de Vatican II sont comme nos 4 Evangiles  : Lumen
Gentium, la révélation divine, la sainte liturgie, Gaudium et Spes)
Dei Verbum 21
La théologie n’est qu’une introduction modeste à entrer dans le mystère des Ecritures.
La liturgie de la Parole conduit à la liturgie eucharistique.
La lectio par excellence est celle que nous entendons ensemble à l’office et à la messe. C’est le plat du
jour… La Parole a été écrite à partir et pour la liturgie. Rien cependant ne remplace la lecture continue.

Code de droit canonique 663.2,3. Il prescrit la lectio, située entre la messe et l’oraison. (contre l’expression
« oraison mentale » ; la prière est essentiellement affaire de cœur ouvert pour recevoir en pauvre le
mystère de Dieu, sa paix, sa joie, son amour.)
La liturgie nous offre des morceaux choisis, à la messe, à l’office, et on apprend ainsi à lire la Bible car la
liturgie est maîtresse d’oraison et de lectio.

La liturgie est la source du véritable esprit chrétien.


(si on avait le choix entre le missel et la bible à emporter en prison, on choisirait, nous catholique, le
missel ; pour le protestant, sola scriptura, il choisirait la bible. Pour nous, Ecriture et tradition. Non pas seul,
mais en Eglise.)

Voir les textes de la liturgie dans leur contexte ; donc la lecture continue de la Bible est indispensable. Non
pas une Bible condensée (digest), mais toute la Bible. Le digest est caractéristique de notre époque,
toujours pressé. (multi questionnaire aux examens) Il faut lire la Bible régulièrement et dans tous les sens.
Thérèse de Lisieux se nourrissait de plus en plus de l’Ecriture.

189
Cours de spiritualité

Parfois on lit pour avoir lu. Il faut lire pour lire. La lectio est une nourriture à consommer tout de suite, et non
à emporter. Lire tranquillement.
C’est une lecture gratuite.
Lecture continue, de A à Z, au moins une fois dans sa vie.
Lecture suivant les saisons liturgiques et suivant les saisons de l’âme. Alterner peut-être l’Ancien
Testament et le Nouveau Testament ; stéréophonie. Notre jugement personnel fait partie de la volonté de
Dieu, dans le choix que nous faisons des différents livres de la Bible. Se baigner tous les jours dans la
Parole de Dieu.
Au noviciat : les psaumes, l’évangile, Saint Paul. Quand on a commencé à lire, aller jusqu’au bout.
La Bible est comme une forêt, traversée d’allées majestueuses, grandioses, mais aussi d’une multitude de
sentiers. Il n’y a qu’un moyen de connaître une forêt, c’est de s’y enfoncer, de s’y perdre parfois. C’est ainsi
qu’on fait d’étonnante découvertes.
Laisser les textes s’appeler les uns les autres ; rapprochements spontanés auxquels l’Esprit Saint n’est pas
toujours étranger. Rien ne vaut les « bretelles » qu’on se confectionne soi-même.

Ne pas tirer les textes à soi, mais se laisser attirer à eux. (« Qu’est-ce que je vais bien « tirer » de ce
texte ? ») On ne tire pas à soi l’Ecriture comme si on lui faisait violence. Ce n’est pas nous qui jugeons
l’Ecriture, c’est elle qui nous juge. Nous sommes devant elle comme un indigent que la Bible peut faire
vivre. Elle n’est pas un arsenal d’où l’on tire des arguments pour appuyer nos idées, ni un coffret de nos
gourmandises spirituelles. Ampleur de l’Ecriture. Situer nos préférence dans la totalité de la Bible. Il s’agit
de rentrer dans la pensée de Dieu vivant. On ne va pas très loin si on reste prisonnier de ce que l’on
comprend. Cela vaut aussi pour l’oraison. Se laisser mener là où Il veut.

Lire avec toute sa vie.


Lire suppose qu’on expose sa vie à la Parole. Nous comprenons mieux alors qui nous sommes pour Dieu
et ce que nous devons être. En lisant Dieu, on est capable de lire dans son cœur et dans le cœur des
autres. La fréquentation de l’Ecriture nous amène à lire avec toute notre vie, mais notre vie est aussi une
clef pour la Bible. Lectio ou oraison ne sont pas une bulle dans notre journée. Faire feu de tout bois est un
grand principe de vie spirituelle : sécheresse, joie, même le péché. Il y a des seuils de vie spirituelle que
nous ne franchirons pas si nous n’acceptons pas ce que nous sommes. La misère est ce qui nous
appartient en propre, la miséricorde est ce qui appartient à Dieu. La rencontre des deux est l’union de
l’Epoux et de l’épouse. Cela nous conduit à la parrhésia : liberté par rapport à Dieu. La Parole est faite pour
nous guérir, même si cela fait mal au début.

Pour comprendre l’Ecriture de l’intérieur, il faut avoir une expérience humaine. La vie est une clef pour
comprendre la Parole. La psalmodie doit rencontrer en nous une expérience spirituelle et humaine. Sinon
c’est que notre vie n’est pas à la hauteur des psaumes. Avoir fait l’expérience de la détresse qui nous jette
dans l’abandon dans le cœur de Dieu. Il y a des versets de psaumes que nous ne comprendrons que si
nous sommes passés au creuset de la souffrance venue de nous, des autres, de Dieu, souvent les trois
sont mêlés. Ceci est vrai aussi pour la joie. Une expérience d’amitié par exemple jette de vives lumières sur

190
Cours de spiritualité

la Bible. (L’amitié au monastère requiert deux conditions : la transparence avec les supérieurs, la discrétion
par rapport à la communauté.)

***

Notes glanées ailleurs.

Prends et lis. Lecture cordiale de la Bible.


Loisir pour Dieu : une volonté de se soumettre à un regard, un désir de vivre avec gratitude en présence de
quelqu’un par la méditation d’un texte.
Récréation ; le loisir d’être avec le Seigneur est le seul luxe du croyant. Ezéchiel 3,2 J’ouvris la bouche et il
me fit manger le volume. La lectio conduit doucement le lecteur silencieux à se déprendre de soi-même, à
recevoir d’un autre, de l’Autre. 

Dom Le Gall
Malestroit 16-18 janvier 1989

191
Cours de spiritualité

La « Lectio Divina »

Texte signalé par le Père Basile d’Oelenberg

I. Place et rôle de la « Lectio Divina » dans la Tradition de la Spiritualité Chrétienne.

Qui dit lecture, dit livre. Qui dit livre, dit, pour un croyant, Bible. (Bible, en grec, veut dire livre) Qui dit Bible,
dit Parole de Dieu, annonce le Dieu vivant, qui seul parle, et la foi en ce Dieu vivant. Qui dit foi dans le Dieu
vivant, dit : commencement de l’amitié entre Dieu et l’homme, et cela est tout le christianisme, qui est foi en
la Parole de Dieu incarnée, admet la « lectio divina » comme pièce maîtresse de sa spiritualité. Car s’il est
vrai que la foi naît d’abord non d’un livre lu mais d’une parole entendue, non d’une «  lectio » mais d’une
« praedicatio » (Romains 10,17), non d’une parole écrite mais d’une parole prononcée avec la force d’un
événement toujours nouveau ; il est vrai aussi que le peuple de Dieu a fixé par écrit la parole brûlante, a
réuni en livres les oracles prophétiques, et que le Livre des Ecritures conserve dans l’Eglise, tel le vase qui
dans l’Arche d’Alliance conservait la manne incorruptible, la Parole incorruptible et toujours vivante de Dieu.
Il faudra savoir user de ce livre pour son salut et non pour sa perte, pour trouver le chemin vers Dieu et non
pour s’égarer, mais qu’il faille en user, l’ouvrir et le scruter, cela ne peut seulement être mis en question
pour un croyant. N’éprouve-t-il pas, dans le mouvement spontané et l’ardeur de sa foi elle-même,
l’attraction étrange de ce livre où l’on peut retrouver le Seigneur qu’un jour on a rencontré sur le chemin de
la vie et auquel on s’est donné tout entier ? Origène disait :
« Qu’est-ce que la conversion ? Si nous tournons le dos à toutes les choses du monde et que,
par l’étude, par nos actes, par notre esprit, par notre effort, nous nous consacrions, à la parole
de Dieu, que nous méditions sa Loi jour et nuit, que, oubliant tout le reste, nous soyons
disponibles pour Dieu et prenions à cœur ses Témoignages, c’est tout cela que signifie : être
converti au Seigneur. » (Homélie 12 in Exode.)

La spiritualité chrétienne n’est pas autre chose que la spiritualité du baptême vécue dans la logique pascale
qui forme son noyau essentiel. Le mouvement de la conversion qui nous fait nous détourner du péché, du
mensonge, des futilités, nous applique nécessairement au Dieu saint et vrai, et c’est dans sa Parole en
particulier que nous le rencontrons. Se convertir, se tourner vers le Seigneur, c’est donc finalement se
fiance à sa parole : « Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais ; ta parole était mon ravissement et
l’allégresse de mon cœur. » (Jérémie 15,16) Le début du psaume 1 apparaît alors comme l’idéal mystique
de tout croyant et reviendra comme un leitmotiv sous la plume de tous les écrivains chrétiens : « Heureux
est l’homme, celui-là qui ne va pas au conseil des impies, ni dans la voie des égarés ne s’arrête, ni au banc
des rieurs ne s’assied, mais se plaît dans la Loi de Yahvé, mais murmure sa Loi jour et nuit ! » La nostalgie
du croyant, dès là qu’il a connu Dieu et entendu sa parole, ce sera, comme le disait Origène, « oubliant tout
le reste, être disponible pour Dieu » (« omissis omnibus, Deo vacare ») ; le prophète osée exprime cette
nostalgie d’Israël en terme inoubliables : « C’est pourquoi je vais la séduire, la conduire au désert et parler
à son cœur. » (Osée 2,16) La foi tend secrètement, d’elle-même, vers l’eschatologie, vers cette écoute
éternelle du Verbe qui est la Parole substantielle et béatifiante du Dieu vivant.

192
Cours de spiritualité

Il est clair que ce mouvement spontané de la foi doit s’accommoder d’une condition terrestre qui l’oblige à
un long détour et à une infinie patience. La plupart des chrétiens, dans le monde, n’ouvriront le livre unique
qu’à de rares moments, lorsqu’ils pourront oublier un instant les préoccupations de la vie terrestre et aussi
« omissis omnibus, Deo vacare. » Quand cela sera ? sinon chaque semaine à ce jour régulier qui est par
excellence le « jour du Seigneur » ! « Vacare Deo » : avoir des loisirs pour Dieu, consacrer du temps à
Dieu, c’est très exactement le rôle et la signification du dimanche dans le rythme de la vie chrétienne. Il y a
six jours de la semaine qui son consacrée au travail humain et aux paroles humaines ; le septième jour est
consacré au Seigneur et à le rencontrer, tant dans sa Parole quand dans l’Eucharistie. Quand d’après saint
Jérôme (Ep. 22,35) la règle de saint Pacôme prescrivait aux moines « chaque dimanche, de ne s’adonner
qu’à la prière et aux lectures », elle ne faisait qu’appliquer plus intensément à la vie monastique ce qui
devrait être un idéal de tout chrétien.

Mais précisément qu’est-ce qui caractérise et différencie les moines primitifs ? C’est qu’il sera pour eux
tous les jours dimanche ! Non pas au sens où le dimanche est l’abstention du travail : sur ce point les
moines obéiront eux aussi à la loi universelle du travail des six jours ; mais au sens où le dimanche est
avant tout le temps consacré à la lecture de la Parole de Dieu. Les moines sont ceux qui ne peuvent pas
supporter de ne pas se nourrir continuellement de cette parole, ceux qui essayent de vivre à la lettre, dès
ici-bas, ce qui signifiait mystiquement leur conversion : un oubli des choses du monde pour ne plus
embrasser que la Parole de Dieu. La « lectio divina » devient ainsi, dès l’origine, la pièce majeure de
l’organisation monastique.

(Glanons quelques témoignages (D’après Dr D. Gorce. La « Lectio divina » des origines du cénobitisme à
saint Benoît et Cassiodore, Paris 1925)

- Saint Antoine, le père du monachisme, demandait aux disciples qui venaient se mettre à
son école « de prier souvent, de réciter des psaumes avant de s’endormir et après le réveil, de ruminer
dans leur esprit des commandements de l’Ecriture et de garder le souvenir des exemples des saints de
façon que, l’âme stimulée par les préceptes divins, ils puissent imiter leur zèle. » (Gorce, page 66)

- La règle de Saint Pacôme : « la méditation de l’Ecriture est… la sève du grand arbre
monastique, la clef de voûte de l’édifice pacômien, le garant de sa solidité aussi. Elle est le moyen
ascétique, par excellence, de ne pas perdre de vue le Christ un seul instant du jour, et de garder sa
présence le long des nuits. Le cénobite pacômien est le type accompli du juste, «  ayant son plaisir dans la
Loi de Dieu et la méditant jour et nuit. » (Gorce page 79)

Remarquons comment la règle de Saint Pacôme subordonne à la prière et à la lecture les autres exercices
corporels d’ascèse : « C’est le canon de l’Eglise que nous jeûnions seulement deux jours, afin que nous
ayons la force d’accomplir ce qui nous est ordonné, que nous ne nous relâchions pas, je veux dire  : la
prière continuelle, les veilles, la méditation de la Loi de Dieu. » (Ibid. pages 71-72)

- Saint Jérôme, d’une façon toute personnelle mais sur l’exemple de ces Anciens, a repris cet
idéal d’une vie toute centrée sur la Parole de Dieu : son installation à Bethléem, ses travaux exégétiques
n’ont pas eu d’autre fin que de mieux pénétrer la vérité de cette Parole. Il voudrait «  que le sommeil vous

193
Cours de spiritualité

surprenne les livres sacrés à la main et, si votre tête s’incline sous la fatigue, qu’elle tombe sur la page
sainte. » (Gorce page 55)

- Il n’y a pas que les moines pour se consacrer à la « lectio divina » : des évêques comme
Saint Ambroise, Saint Augustin et tant d’autres n’ont pas d’autre spiritualité.

- Le célèbre moine Cassien, au IVème siècle, nous exprime la joie qui rayonne d’une telle
spiritualité (cf. Conférences, SC n° 42, 54 et 64) :

« Recueillies avec empressement (les paroles sacrées), soigneusement déposées et étiquetées dans les
retraites de l’âme, munies du cachet du silence, il en sera d’elles comme de vins au parfum suave, qui
réjouissent le cœur de l’homme. Mûries par de longues réflexions et dans les lenteurs de la patience, vous
les verserez du réceptacle de votre poitrine avec des flots de senteurs embaumées ; telle une fontaine sans
cesse jaillissante, elles surabonderont des conduits de l’expérience, et des canaux inondants des vertus ;
elles sourdront de votre cœur, comme d’un abîme en fleuves intarissables » (t. II, SC n° 54, page 201)

- Enfin la règle de Saint Benoît fait entrer la « lectio divina » dans la structure monastique et,
par là, dans la spiritualité de tout l’Occident chrétien : lecture collective à l’Office, notamment à Complies, et
au réfectoire ; lecture personnelle qui durait environs 2 heures en hiver, 4 en été et le dimanche quasi
entier.

Que lisait-on ?

La bible, bien sûr : seule origine de la « lectio divina. »


Mais la Parole de Dieu est difficile et parfois obscure, il faut l’interpréter selon son sens vrai. (cf. Actes 8,31)
C’est ainsi qu’à côté de la Bible, la « lectio divina » comprendra aussi les commentaires qu’en on donné
les Pères. La Règle de saint Benoît, par exemple, précise (RSB 9) que la lecture portera sur « les livres de
l’Ecriture Sainte, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, comme aussi sur les « expositions » (= les
commentaires) faites par les Pères et Docteurs très célèbres orthodoxes et catholiques. » De même saint
Jérôme : (Ep. 13,17 ; cité par D. Gorce page 248) : « Quelle joie d’obéir à nos Pères dans la foi, à ceux qui
sont faits pour nous conduire ; qu’il est bon, après la règle des Ecritures, de se laisser guider par eux au
lieu de prendre pour maître sa propre présomption. »

Une troisième catégorie d’ouvrages entre dans la bibliothèque de toute « lectio divina » : c’est la vie et
l’enseignement des saints. Ne sont-ils pas comme les commentaires vivants de l’Evangile ? Saint
Grégoire le Grand déclare (in Ez. 1,10,38 : PL 76/901) :

« La vie des Saints nous fait connaître ce qu’il nous faut comprendre dans le livre de la Sainte
Ecriture. Leur geste vécu nous livre le sens de ce que le texte des deux Testaments nous dit
en ses divers messages. »

On voit que ces enseignements et ces exemples des saints, tout comme les commentaires des Pères, ne
chercheront à aucun moment à se substituer à la lecture de la Bible elle-même, mais seront toujours au
service de sa meilleur compréhension : le texte sacré reste le texte majeur et privilégié de la « lectio
divina. »

194
Cours de spiritualité

Comment lisait-on ?

Voici comment Dom Jean Leclercq (L’Amour des lettres et le désir de Dieu, Cerf 1957) répond :

« Au Moyen-Age comme dans l’antiquité, on lit normalement, non comme aujourd’hui,
principalement avec ses yeux, mais avec ses lèvres, en prononçant ce qu’on voit, en le
parlant, et avec ses oreilles, en écoutant les paroles qu’on prononce… On se livre à une
véritable lecture acoustique legere signifie en même temps audire. » (page 21)
« Ce mâchonnement répété des paroles divines est parfois évoqué par le thème de la nutrition
spirituelle : le vocabulaire est alors emprunté à la manducation, à la digestion et à cette forme
très particulière de la digestion qui est celle des ruminants, aussi la lecture et la méditation
sont-elles parfois désignées par ce mot, si expressif, de ruminatio… Méditer, c’est s’attacher
étroitement à la phrase qu’on se récite, en peser tous les mots, pour parvenir à la plénitude de
leur sens : c’est s’assimiler le contenu d’un texte au moyen d’une sorte de mastication qui en
dégage la saveur. » (page 72)
« Pour les Anciens, méditer c’est lire un texte et l’apprendre « par cœur » au sens le plus fort
de cette expression, c’est-à-dire avec tout son être : avec son corps, puisque la bouche le
prononce, avec la mémoire qui le fixe, avec l’intelligence qui en comprend le sens, avec la
volonté qui désire le mettre en pratique. » (p. 23)

Pourquoi lisait-on ?

La question n’est pas oiseuse. En effet si, à l’origine, la préoccupation de tous ceux qui s’adonnaient à la
« lectio divina » est identique (saint Jérôme dira que la lecture est « ad delectationem et instructionem
animae », Ep. 130, 15), la tradition percevra peu à peu deux voies distinctes ; c’est vers la charnière du
XIIème siècle que l’on distingue l’écartement des deux voies à partir du tronc commun de la « lectio divina » :

- la voie nouvelle, promise à un grand développement, est celle qui aboutit à la «  théologie
scolastique », c’est-à-dire celle qui s’enseigne dans les écoles universitaires. Cette voie est jalonnée par
les étapes méthodologiques : lectio- quaestio – disputatio. On cherche à élucider des « questions »
théologiques et à élaborer un savoir rationnel de la foi. C’est une étude où l’on cherche à savoir pour
savoir.

- La voie ancienne se prolonge dans ce que Dom Jean Leclercq appelle la « théologie
monastique. » Cette voie à pour Jalons : lectio – oratio – meditatio – contemplatio. « Le grand mot n’est
plus quaesitur, mais desideratur ; ce n’est plus sciendum, mais experiendum. » (p.13) C’est encore une
recherche, mais pas simplement d’une vérité intellectuelle, c’est la recherche d’une Personne, du Dieu
vivant.

Cette distinction n’existait guère au plan des méthodes et des genres littéraires à l’époque des Pères de
l’Eglise. Même quand un saint Augustin cherche une réponse à une question d’ordre intellectuel touchant la
foi, il ne cesse de mêler à sa recherche le désir savoureux de Dieu, d’exploser en action de grâces ou de
méditer longuement les mystères divins. Aujourd’hui la distinction existe dans nos vies : il y a d’une part
l’étude, d’autre part la « lectio divina » : il nous faut les assumer toutes deux, ne jamais sacrifier l’une à
l’autre mais vivifier sans cesse l’une par l’autre. Il y aura des moments où nous irons pour étudier  ; d’autres
où nous lirons pour rencontrer Dieu et dialoguer avec Lui. Notre foi exige ces deux types d’activité.

195
Cours de spiritualité

II. La « Lectio Divina » comme Sacramental de notre Amitié avec Dieu.

Le Christ est médiateur entre Dieu et nous : d’une part il est le Révélateur du Père et celui qui fait
descendre jusqu’à nous le salut ; d’autre part il est notre Tête, celui qui nous fait monter jusqu’à son Père.
Sa présence active de médiateur nous est signifiée et réalisée, depuis son Ascension, par toutes les
médiations « in mysterio » à travers lesquelles continue à s’accomplir le salut qui descend de Dieu et nous
fait monter vers Lui. Ces médiations, ce sont avant tout les sacrements, mais aussi les sacramentaux,
c’est-à-dire toutes ces réalités dans l’Eglise qui, par la vertu de la foi, nous donnent Dieu et nous permettent
de nous donner à Lui. Or la Parole de Dieu est le premier et le principal de ces sacramentaux.

1. La « lectio divina » comme visite de Dieu vers nous

Par sa Parole, Dieu vient à nous et nous parle.

- Il parle pour nous instruire, au sens fort du mot : pour nous former, nous éduquer selon ses
mœurs divines, nous naturaliser au monde de ses mystères (cf. 1 Corinthiens 10,11 ; 2 Timothée 3,14-17)

- Parce qu’elle est de Dieu, cette parole a une autorité singulière : elle exige à chaque instant
ouverture, soumission, volonté positive de la recevoir et de régler d’après elle sa conduite. Audire entraîne
obaudire : écouter veut dire obéir ! Cette reconnaissance d’autorité que l’homme lui manifeste, accorde à
cette parole dans son cœur une force, un relief saisissants. On ne cherche pas seulement à en dégager
vaguement le sens général, on la scrute, on revient à ses formules originelles, à son vocabulaire, à ses
images : le texte sacré est une présence divine vigoureuse et concrète que l’on ne doit pas chercher à
échanger contre quelques idées abstraites qui le résumeraient ou quelques notions clarifiées (pensons-
nous) qui le feraient oublier.

- Mais pour entendre la parole de Dieu, il faut « être de Dieu. » (Cf. Jean 6,45 ; 8,47) Dieu ne
vient que chez celui qui secrètement l’a accueilli. De la sorte, lire la Parole divine, c’est se souvenir de
Dieu plutôt que d’apprendre du nouveau. La « lectio divina » éveille cette mystérieuse mémoire de Dieu qui
fait le fond de notre être : comme si depuis toujours il nous disait, dans l’intime de l’âme (mais peut-être
n’écoutions-nous pas !) cette chose qui tout d’un coup nous est dite à voix haute par les paroles du livre (cf.
Cassien, t. II, SC n° 54, p. 92-93

- Les paroles de Dieu chantent en nous au point que finalement notre expérience intérieure et
la parole du livre s’harmonisent plus étroitement : nous trouvons dans la parole de quoi exprimer ce que
nous ressentons, et la parole soulève toujours plus de souvenirs sacrés. La visite de Dieu devient une
demeure et la lecture s’accompagne d’une « garde de la parole. » (cf. Jean 14,21 & 23)

2. La « lectio divina » comme sacrifice spirituel de nous vers Dieu.

Cassien disait : « Si vous voulez parvenir à la science véritable des Ecritures, hâtez-vous d’abord d’acquérir
une humilité de cœur inébranlable. » (t. II, SC n° 54, p. 195) Mais, comme pour beaucoup d’activités
spirituelles, s’il est vrai qu’il faut en un certain sens être déjà pur pour les exercer, il est vrai aussi, en un

196
Cours de spiritualité

autre sens, qu’elles contribuent elles aussi à nous purifier. Ainsi de la « lectio divina. » (Cf. Jean 15,3 ;
17,17)

La Parole de Dieu nous purifie parce qu’elle nous fait accéder au plan de l’esprit, nous arrachant aux
pensées charnelles ou trop terrestres. La parole de Dieu, si nous savons nous en entourer comme d’un
horizon intensément proche, constituera pour nous une véritable atmosphère purifiante, elle nous permettra
de respirer toujours à la hauteur de Dieu.

En outre, la Parole de Dieu nous purifie parce qu’elle nous contrait à l’obéissance, à l’acceptation des
jugements de Dieu sur nous. (Cf. Hébreux 4,12-13)

Cette purification fait de nous une hostie sans tache : habités par l’Esprit de Dieu, nous sommes déjà en
acte de passage vers Dieu, en état de sacrifice spirituel. Par la « lectio divina » nous offrons à Dieu : un peu
de notre temps, notre intelligence, notre bonne volonté, notre être pacifié par la lecture, et tout cela dans
l’exercice actuel des vertus théologales.

Dans cette perspective de notre remontée vers Dieu par la « lectio divina », il est un thème qui revient
constamment sous la plume des anciens : c’est celui de la componction, que la lecture allume et alimente.
« La componction est une action de Dieu en nous, un acte par lequel Dieu nous réveille, un choc, un coup,
une piqûre, une sorte de brûlure. Dieu nous excite comme par un aiguillon : il nous « point » avec
insistance (com-pugere), comme pour nous transpercer. L’amour du monde nous endort ; mais comme par
un coup de tonnerre, l’âme est rappelée à l’attention de Dieu. » (Dom Jean Leclercq, p. 35) La brûlure au
cœur des pèlerins d’Emmaüs est le plus bel exemple biblique de cette componction qu’éveille la révélation
des Ecritures. (Voir un beau commentaire en se sens dans la Vie Spirituelle, avril 1959, p. 365-366) Cette
componction joue un rôle capital dans l’équilibre affectif des moines : elle leur fait aimer les Ecritures d’un
amour à la fois chaste et sensible, qui fait d’eux des êtres pacifiés et joyeux, nullement refoulés et tristes !

Conclusion :

Qui dit amitié, dit échange et dialogue. Or, c’est bien cela qu’opère la « lectio divina » entre nous et Dieu.
Un apophtegme est courant chez les Pères : « Quand tu pries, tu parles à Dieu ; quand tu lis, c’est lui qui te
parle. » (Cf. saint Cyprien, ad Donatum, c. 15 ; saint Jérôme, Ep 22,25) A la vérité, c’est toute la “lectio
divina” qui est comme une lecture “priée”, enveloppée de prière.

Finalement, la “lectio divina” est notre nourriture spirituelle, autrement mais conjointement avec l’Eucharistie
(thème des deux Tables), et, comme l’Eucharistie est le sacrement de notre amitié avec Dieu, la «  lectio
divina » en est le sacramental. « La chair du Christ étant une vraie nourriture et son sang un vrai breuvage,
notre seul bien dans la vie présente est de manger cette chair et de boire ce sang, non seulement dans le
mystère de l’autel, mais aussi dans la lecture des Ecritures. » (Saint Jérôme, cité par D. Gorce, p. 341)

III. La « Lectio Divina » comme pédagogie de notre communion avec l’Eglise et sa


Tradition.

La « lectio divina » nous permet de cultiver l’amitié avec Dieu. Mais elle porte en elle toute une autre
dimension qu’il convient d’expliciter : elle fait communier avec la Tradition de l’Eglise. Loin de développer

197
Cours de spiritualité

une piété individualiste, elle doit ouvrir l’âme à une spiritualité de communion.

1. « Lectio divina » et histoire du Peuple de Dieu.

La « Lectio divina » enracine dans la Parole de Dieu. Mais cette Parole est aussi histoire, et histoire dont le
croyant à son tour fait partie. Se plonger dans cette histoire, c’est découvrir le fil de sa propre histoire. La
« lectio divina » développe le sens de la solidarité des croyants dans l’unique peuple de Dieu depuis
Abraham. C’est une véritable adoption qui s’opère, une naturalisation des nouveaux venus dans la patrie
spirituelle des Anciens.

La « lectio divina » réalise ce qui est dit du nouvel Elie en Malachie 3,24 : elle ramène le cœur des fils vers
les pères. Nous ne pouvons pas lire et relire les pages de l’Ancien Testament sans entrer dans une
familiarité fraternelle avec tous les hommes de Dieu : Abraham, Jacob, Moïse, Samuel, David… Ce sont
vraiment les Pères dans la foi. Il y a plus qu’une solidarité historique, une véritable connivence mystique
s’ébauche entre eux et nous. Ils ne sont pas seulement les modèles que nous aurions à imiter du dehors,
mais nous communions avec eux du dedans ; d’ailleurs, comment et en quoi les imiter, eux qui sont si loin
de nous par les siècles et par les mœurs, sinon dans leur attitudes théologales ? c’est ainsi par exemple
que nous comprendrons et chercherons à imiter le cœur obéissant d’Abraham attentif à la Parole de Dieu.

La vie chrétienne n’est pas faite pour être vécu dans l’isolement : elle n’est même pas possible dans ces
conditions ! Au contraire, c’est affermir notre foi que de reprendre une conscience vive de la solidarité qui
nous lie aux membres du Peuple de Dieu dans l’histoire du salut. Bien des impatiences nous seraient
évitées, bien des épreuves s’éclaireraient pour nous, bien des sacrifices prendraient tout leur sens  ! La
Parole de Dieu nourrit notre foi pas seulement parce qu’elle est la Parole de Dieu, mais parce qu’elle est
Parole de Dieu dont se sont déjà nourris nos Anciens dans la foi. La Bible est tellement une histoire qu’il n’y
a pas une seule de ses pages qui n’exige, pour être reçue comme Parole de Dieu, un minimum de
communion avec ceux à qui elle a été d’abord adressée. Il faut nous sentir « enveloppés de la si grande
nuée de témoins » dont parle Hébreux 12,1 et la « lectio divina » nous fait pénétrer dans cette nuée. (Cf.
Hébreux 11)

Nous disions, au chapitre II, que la « lectio divina » réveillait en nous la mémoire de Dieu : précisons
maintenant qu’elle le fait en entretenant la mémoire des œuvre de Dieu et des hommes de Dieu à travers
l’histoire sacrée. Notons deux expressions caractéristiques de ce processus de mémorisation spirituelle, au
sein de la tradition historique du Peuple de Dieu :

- La spiritualité du Deutéronome : Le Deutéronome est le témoin d’un effort de retour aux


sources (réforme de Josias en 622) : il insiste beaucoup sur cette nécessité de relire sans cesse la parole
primitive de Dieu au Sinaï. Voici ses exhortations pressantes en ce sens : imprègne-toi de la Parole divine
(Deutéronome 6,4-9) ; garde-toi d’oublier (Deutéronome 8,11) ; médite (Deutéronome 4,32-40) ; transmets
à tes descendants (Deutéronome 4,9-10). Cette Parole vaut pour toutes les générations (Deutéronome
29,13-14) ; elle sera écrite afin de pouvoir être relue plus tard (Deutéronome 31,9-13) ; le livre rapproche de
nous la Parole (Deutéronome 30,11-14).

- La spiritualité de la tradition sacerdotale. Après l’exil, Israël obéit à Deutéronome 30,1-5.


Le milieu sacerdotal s’est fait l’initiateur fervent de cette relecture du passé, dans la piété et la

198
Cours de spiritualité

« componction. » C’est à cette époque que le livre sacré se constitue et que ce dégage l’idée d’un canon
des Ecritures ; on peut dire que la véritable naissance de la « lectio divina » s’est effectuée dans ces
siècles post-exiliens. Lire : Psaume 119 (idéal de la lecture méditée de la Loi) ; Siracide 44, et suivants
(fresques des anciens héros d’Israël) ; Néhémie 9 (prière qui annonce les prières « paradigmatiques » de la
synagogues et les obsécrations de nos litanies ; nous pouvons y puiser le secret d’une prière à la fois
biblique et très personnelle.)

Ainsi la « lectio divina » opère-t-elle une véritable continuité spirituelle à travers les générations successives
du Peuple de Dieu : le passé le plus lointain de cette histoire reste présent, dans sa substance théologale,
à l’actualité de chaque nouvelle époque.

2. « Lectio divina » et pédagogie spirituelle.

Toute spiritualité tient dans le verset de Michée 6,8. mais ce qui semple si simple ne l’est pas toujours : les
voies spirituelles sont ardues, pleines de difficultés. Comment y marcher sans s’égarer ?

- Le thème de la Sagesse dans l’Ancien Testament : La sagesse, c’est l’art de vivre qui
permet à un homme d’accomplir heureusement sa tâche ou sa vocation (un artisan, un fonctionnaire
royal…) : pour obtenir cet art de vivre, il faut interroger les anciens et leur expérience, apprendre les
maximes où ils l’on condensée. Ainsi pour vivre selon la loi de Dieu, il faut aussi un art et une sagesse.
Dieu seul la donne, mais ceux qui l’ont reçue en abondance la transmettent aux autres : une tradition
sapientielle naît qui se transmet par la lecture et la méditation (Baruch 3,9-4,4  ; Proverbes 2,1-11 ; 4 ;
Siracide 6,18-37 ; 24,23-24). Les scribes et docteurs de la Loi étaient la corporation chargée de transmettre
et d’expliquer cette sagesse.

- Dans le Nouveau Testament : La Sagesse qui « est apparue sur la terre et a conversé chez
les hommes » (Baruch 3,38) est le Christ lui-même. Désormais il est lui seul la voie (Jean 14,6), il est
l’unique Maître (Matthieu 23,10) et l’Esprit saint qu’il envoie est l’unique pédagogue. Les temps
messianiques sont arrivés, qui accomplissent l’oracle de Jérémie 31,33… (cf. Jean 6,45). Il suffit de se
laisser instruire par le Christ et l’Esprit Saint : c’est lui le Maître intérieur qui conduit le juste « par des voies
droites. » De fait, tous les Saints ont écouté et suivi cet appel intérieur qui les instruisait plus distinctement
et plus sûrement que les livres des hommes.

Et pourtant, ils ont aussi lu et scruté les livres des hommes, leurs anciens dans la foi et dans la vie
spirituelle. Y a-t-il donc une contradiction ? Non ! Saint Jean dit (1 Jean 2,20-21) : « Quant à vous, vous
avez reçu l’onction venant du Saint (– L’esprit donné par Jésus) et tous vous possédez la science. Je vous
écris, non que vous ignoriez la vérité, mais parce que nous la connaissez… » Saint Jean se fait le
pédagogue de ses chrétiens non pas comme à l’égard de ceux qui ne sauraient rien des voies spirituelles,
mais parce que, connaissant ces voies grâce à l’Esprit qui habite en eux, cette connaissance leur sera
éclairée, rendue plus fructueuse par sa parole autorisée d’Apôtre et d’Ancien. Le Christ et l’Esprit nous
parlent intérieurement mais non sans que cette parole intérieure n’ait été provoquée par un enseignement
extérieur (c’est toute la structure sacramentelle de l’Eglise que l’on retrouve ici : la parole extérieure d’un
prédicateur, d’un « directeur », est nécessaire, mais son fruit intérieur, c’est l’Esprit Saint qui le réalise en
nous ; cf. Actes 16,14)

199
Cours de spiritualité

De plus, il est souvent difficile de discerner ce qui est appel intérieur du Seigneur et imagination
personnelle, illusion voire tentation du démon : nous cherchons spontanément la garantie de l’expérience
des Saints (cf. Galates 2,2). Enfin l’humilité profonde sans laquelle il n’est pas d’authenticité spirituelle,
nous pousse à ne pas nous fier exclusivement à notre sens propre, même si nous avons l’impression que
c’est une inspiration du Seigneur : nous sommes poussés à interroger les docteurs autorisés de la vie
spirituelle.

Cassien (T. I, SC n° 42, p. 130-131)

« Voici que le Christ appelle par lui-même l’apôtre Paul et lui parle sans intermédiaire. Ne
pouvait-il sur-le-champ lui révéler le chemin de la perfection ? Il aime mieux l’adresser à
Ananias et c’est de sa bouche qu’il lui ordonne d’apprendre la vérité… Nous avons là une
preuve bien manifeste que le Seigneur ne montre à personne le chemin de la perfection si,
ayant auprès de qui s’instruire, on méprise la doctrine des anciens et leur règle de vie, sans
faire cas de cette parole, qui voudrait être pourtant observée avec zèle : interroge ton père et il
te l’apprendra ; tes anciens, et ils te le diront ! »

La « lectio divina » nous permet de nous nourrir de ce qu’il y a de meilleur chez ces anciens. Chacun de
nous est conduit personnellement par l’Esprit Saint et ces voies, si elles ne sont jamais étrangères les unes
aux autres, sont néanmoins fort diverses : cela explique que nous puissions préférer telle tradition
spirituelle à telle autre, tel auteur à tel autre, une véritable liberté règne ici et c’est encore l’Esprit Saint qui
nous incline du dedans ici plutôt que là. Mais quelle que soit notre voie personnelle, fût-elle très originale,
nous avons constamment à apprendre les Anciens, spécialement des plus grands parmi eux, des témoins
les plus universels de la tradition. Remarquons par exemple que, pour s’être ouvert (par Cassien, en
particulier) à la tradition du monachisme oriental, le monachisme bénédictin n’a rien perdu de son originalité
propre ; ou que le Père de Foucauld, en recherche de sa voie personnelle et très originale, a retrouvé le
grand courant de la spiritualité du désert. Les voies de Dieu sont toujours uniques en chaque être, et
pourtant elles se ressemblent étrangement : cf. Philippiens 1.3, 15-16).

3. « Lectio divina » et communion des Saints.

La communion des Saints est la communion qui unit intimement les croyants dans ce Bien commun,
indivisible et partagé entre tous, qu’est le Don de Dieu, c’est-à-dire le salut en Jésus et l’Esprit Saint dont ils
vivent tous.

Tout d’abord la « lectio divina » intensifie notre participation à cette communion dans la mesure même où
elle nous permet d’être davantage assimilés au Christ et pénétrés par l’Esprit ; dans la mesure où elle nous
fait davantage prendre à cœur l’espérance du Peuple de Dieu, ses joies et ses épreuves. (cf. supra § III,1.)

Mais la « lectio divina » favorise aussi certains aspects plus sensibles de cette communion des Saints.
Ceux qui s’y adonnent, deviennent amoureux des mêmes Ecritures, instruits et formés par les mêmes
paroles : une similitude profonde de pensée et de sensibilité, une affinité spirituelle toute spéciale se
développent entre eux. Pour parler des choses spirituelles, ils ont un vocabulaire commun, une thématique
et une problématique communes : une sorte de culture spirituelle les rassemble tous. Au Moyen-Age par
exemple, leurs écrits étaient pleins de réminiscence et d’harmoniques bibliques qui les faisaient se
comprendre à demi-mots.

200
Cours de spiritualité

Ce même amour de la Parole de Dieu amenait des échanges nombreux et variés entre eux : ils s’écrivaient
(Saint Jérôme et Saint Augustin), ils allaient se voir parfois de très loin, afin de jouir ensemble de la Parole
de Dieu. La « collatio » ou conversation sur un thème biblique avait sa place dans la structure monastique.
D’après Saint Jérôme (Ep. 22,35 ; cité par D. Gorce p. 334, n° 1) : « Après la neuvième heure tous les
moines se rassemblent, on chante les psaumes, on récite les Saintes Ecritures comme à l’accoutumée, et,
les prières étant achevées mais tous demeurant sur place, l’un d’entre eux, qu’ils appellent père, entame la
conversation ». Quoi de plus expressif de la communion des Saints que de voir des frères parler ensemble,
avec joie et avec amour, de la Parole de Dieu qu’ils essayent ensemble de mettre en pratique ? La Parole
de Dieu est le lien par excellence de la « societas sanctorum », et la « lectio divina » est le moyen concret
de rendre ce lien étroit et effectif, voir sobrement et saintement affectif.

Saint Grégoire :

« La parole divine a de quoi exercer les gens cultivés par ses mystères, et, souvent, de quoi
réconforter les simples par de claires leçons. Dans son sens manifeste, elle présente de quoi
nourrir les tout-petits ; dans ses profondeurs, elle garde de quoi ravir d’admiration les esprits
les plus élevés. On peut bien risquer la comparaison d’un fleuve aux eaux tantôt guéables,
tantôt profondes, tel qu’un agneau puisse y marcher et un éléphant y nager.  » (Morales sur
Job, dédicace, 4 ; SC n° 32 p. 120-121)

IV. Conditions concrètes d’une « Lectio Divina » fructueuse.

Pour être fructueuse, la « lectio divina » doit être : une lecture ; une lecture réelle ; une lecture sapientielle ;
une lecture en Eglise.

1. Une lecture

Notre époque ne sait plus guère ce que c’est que lire. Nous dévorons à la hâte du papier imprimé, souvent
écrit lui-même à la hâte (magazines, Digest…) et nous appelons cela « lire », mais c’est une erreur.

Pour savoir lire, il faut d’abord avoir le sens de ce qu’est un texte : un monument vivant, un message, un
témoignage qui mérite un infini respect. Un auteur véritable a mis dans les pages de ce texte le meilleur de
sa pensée, la substance de sa vie ; il faut concentrer en soi ce qu’on a de meilleur pour aborder et pénétrer
une telle confidence.

Cela exige des conditions concrètes :

- Du calme : ne pas vouloir faire de sa lecture une course contre la montre ! prendre son
temps, entrer dans une sorte d’éternité, car tout vrai texte a quelque chose qui est au-delà du temps (et que
dire alors de la Parole de Dieu !)

- Du silence : extérieur et intérieur.

- De l’attention : nous souffrons aujourd’hui d’une grande incapacité à fixer notre attention, le
résultat est que nous restons à l’écorce des textes sans atteindre leur moelle. Il faut guérir de cette maladie
par tous les moyens : attitude du corps, qualité de la lumière, lenteur de la lecture, ressaisissement de
l’âme…

201
Cours de spiritualité

- Un effort pour saisir le relief des mots, le rythme propre du style, le souffle qui passe dans
un texte. Il faut faire revivre le texte (intérêt, pour cela, de la lecture à haute voix.)

2. Une lecture réelle

C’est à dire qui ne s’enchante pas des mots mais s’efforce de rejoindre la réalité (la réalité et pas
seulement « l’idée » : on n’aura pas forcément besoin de dépouiller le texte de sa poésie, si riche dans la
Bible, mais cette poésie ne servira qu’a exprimer avec plus de vigueur saisissant la réalité elle-même.) Il
s’agit d’atteindre le vrai visage message de l’auteur, d’avoir conscience de sa gravité et de ce qui est en
jeu.

Il s’agit d’atteindre à une vraie présence de Dieu, ou à une vraie connaissance de son œuvre et de nous-
même. C’est un mauvais signe quand la « lectio divina » équivaut à un temps de rêverie, fût-elle pieuse.
Elle doit au contraire, au-delà de l’aspect de retrait du monde qu’elle présente extérieurement, nous donner
la certitude qu’elle nous a rapprochée de la vérité de Dieu et de la vérité de la vie des hommes, qu’elle
nous a engagés plus profondément et plus lucidement à leur égard.

3. Une lecture sapientielle

Le mot a plusieurs sens. Il signifie une lecture :

- faite avec discernement : il n’y a pas de texte qui n’ait besoin de commentaire ou
d’introduction critique, car il faut replacer, l’auteur dans son époque, l’œuvre dans la circonstance qui l’a fait
naître, le texte dans son contexte, il faut expliquer un vocabulaire toujours nuancé d’un auteur à l’autre. La
Bible elle-même n’échappe pas à cette nécessité et, pour faire une bonne « lectio divina », il faut un
minimum de connaissance critique et exégétique du texte sacré (par exemple les introductions et notes de
la Bible de Jérusalem) : voir ce que donne la Bible quand elle est lue par certaines sectes !

Cet effort est plus nécessaire encore quand on lit des auteurs humains, même les Pères de l’Eglise. Il y a
toujours de la gangue autour de ces minerais : des questions obscures ou dépassées, parfois même des
erreurs comme chez Origène. On ne peut lire sans discernement ni critique, cela ferait plus de mal que de
bien.

De plus, même si l’auteur est clair et sûr en lui-même, c’est nous peut-être qui ne sommes pas prêts à
recevoir telle nourriture trop forte. Il faut savoir prendre ce qui nous convient et ne pas prétendre à ce qui
nous dépasse, spécialement chez des auteurs mystiques qui sont passés par des voies dont nous sommes
encore loin…

De même y a-t-il, dans la vie des Saints et même des plus grands, tels épisodes, telles de leurs pratiques,
qu’il ne peut s’agir d’imiter. Le discernement est nécessaire, ne serait-ce que pour imiter réellement ce que
Dieu nous demande d’imiter en eux.

N.B. A propos de la Bible, il faut observer les deux principes suivants :

- Ne pas lui demander ce qu’elle n’a pas à nous apporter. Par exemple la pédagogie de Dieu à
l’égard de son Peuple constitue une indication précieuse sur la façon dont il conduit aussi les âmes
individuelles (richesse, par exemple, du thème du désert) ; mais il y a des difficultés personnes, des mises
au point psychologiques, que la Bible ne nous donnera pas, ou bien il y a des applications de l’Evangile à

202
Cours de spiritualité

nos conditions concrètes d’existence que le texte sacré ne livre pas de façon immédiate dans son sens
littéral. L’Antiquité chrétienne a parfois exagéré en voulant tout tirer de la Bible, utilisant à cet effet des sens
allégoriques ou accommodatrices tirés par les cheveux…

- Inversement, ne pas demander ailleurs pour notre vie spirituelle ce que la Bible seule peut
nous apporter. Il y a eu, à certaines époques, une littérature de dévotion qui, de fait, suppléait à la Bible,
qu’on ne lisait plus. Des ouvrages de piété qui prétendraient faire oublier la Bible ou se substituer à elle ne
devraient pas avoir place dans une bibliothèque d’authentique « lectio divina. »

- Savourée et contemplative. Souvenons-nous de ce que disaient les Anciens à propos de la


« lectio divina » : ils savouraient les textes sacrés « in palatum cordis » (cf. Job 12,11) ; ils prenaient le
temps de les laisser chanter en eux (Psaume 119,54) : « tes paroles ont chanté en moi… » ; ils les
trouvaient plus doux que le miel de leurs lèvres (psaume 119,103). Ce n’étaient pas là de belles hyperboles
vide, c’était une façon imagée de traduire une expérience réelle quoique ineffable. Il y a une joie spéciale à
goûter la Parole de Dieu, à en percevoir lentement les richesses cachées, à en aspirer tout le suc.

Mais pour recevoir cette joie, il faut, d’une part aimer Dieu, et, d’autre part, n’être pas pressé :

- Aimer Dieu : celui qui n’aime pas Dieu ne verra qu’un ennuyeux pensum dans une lecture qui
ne parle que de lui ; son palais est altéré par la maladie et les plus doux aliments lui paraissent fades ou
amers. « Si quelqu’un désire acquérir la connaissance des choses qu’il lit, qu’il aime ; autrement, celui qui
n’aime pas s’approche en vain pour entendre ou lire les vers d’amour, parce qu’un cœur glacé ne peut
comprendre des paroles embrasées. » (Saint Bernard, cc 79) Saint Thomas rattache le don de sagesse à
la charité : c’est elle qui nous fait goûter et savourer (sapientia, sapor = saveur) les choses de Dieu.

- Ensuite il faut n’être pas pressé : car un palais même sain ne peut non plus goûter les mets ci
ceux-ci sont avalés trop vite ! Il faut jeter l’ancre dans le golfe des Ecritures…

Si l’on observe ces lois, on franchira alors les étapes de la vie spirituelle, telles que le Moyen-Age les avait
formulées. Le plus célèbre itinéraire est celui de la « Scala claustralium » (l’Echelle des cloîtres, de Gigues
II, prieur de Chartreuse, vers 1150) : on part de la « lectio », celle-ci se prolonge en « meditatio », tourne
peu à peu à l’ « oratio » ou prière et s’épanouit enfin dans la « contemplatio » : la « lectio » cherche, la
« meditatio » trouve, l’ « oratio » demande, la « contemplatio » savoure (littéralement : « contemplatio
degustat » : déguste ! …)

La contemplation est ce moment où le regard cesse de papillonner ou simplement de passer d’une chose à
l’autre, mais s’arrête : non comme certains regards fixes, obsédés, hagards et durcis, mais au contraire
comme une regard en arrêt devant un objet, une splendeur une présence qui l’investit tout entier, où il
plonge librement et souplement pour mieux s’en pénétrer et dont il ne cesse de ce rassasier. Les yeux
intérieurs ont trouvé la beauté qui les retient, l’intelligence, la vérité quêtait, le cœur a trouvé son Ami et son
Maître, l’âme a trouvé son Dieu. Plus qu’un regard d’ailleurs, la contemplation est un toucher, une étreinte.
L’âme est comme un oiseau qui a trouvé son nid et s’y blottit, comme à Béthanie, Marie aux pieds de
Jésus. On perçoit non seulement des « objets », même très beaux, mais des valeurs » ; les mots
évangéliques, les paroles divines servent de supports permanents à ces valeurs. C’est même cela qui
différencie la contemplation chrétienne de toute contemplation esthétique : un beau coucher de soleil nous

203
Cours de spiritualité

met aussi en arrêt et en dégustation, mais c’est simplement un objet qui nous charme ; au contraire, une
parole du Christ, par exemple, nous révélant le Père, nous fait entrer dans le brûlant mystère de Dieu où
nous sentons déjà que nous nous consumons, engagés tout entiers.

- Ouverte et assimilée : ouverte : il faut s’y ouvrir à fond. C’est Dieu ici qui parle : « Seigneur,
parle, car ton serviteur écoute. » Aucune réserve, aucune réticence, aucune méfiance de notre part : pas
de cœur « fermé » comme celui des Pharisiens à l’égard de Jésus.

- Assimilée : il s’agit d’aller jusqu’au bout des exigences que cette Parole nous dévoile. Ne
pas se contenter de lire, mais vouloir vivre ce qu’on lit : cf. Jacques 1,22-25. Bien plus, d’ailleurs, que de
vouloir formuler une résolution précise après chaque lecture, il s’agit de laisser la Parole travailler notre
cœur, en ayant foi dans sa puissance germinative. Telle est la vraie sagesse : pas seulement de beaux
principes ni de belles conceptions, mais l’art de vivre effectivement et humblement selon la vérité que Dieu
nous a fait connaître, l’art de « vibrer à la parole de Dieu. » (Isaïe 66,2 : « Celui sur qui je jette les yeux – dit
Yahvé – c’est le pauvre et le cœur contrit qui vibre à ma Parole. »)

4. Une lecture en Eglise


Dans sa Parole, Dieu me parle aujourd’hui à moi personnellement. Certains en déduiraient naïvement que
je n’ai qu’à me mettre à genoux, ouvrir la Bible n’importe où et recevoir du ciel un oracle qui me concerne
directement. Un saint François a fait cela, au moment décisif de sa vocation, mais ce n’et pas l’attitude
régulière de la « lectio divina » et elle finirait par friser l’illuminisme.

Le premier et l’unique destinataire de la Parole de Dieu, c’est le Peuple de Dieu. Quand cette Parole
m’atteint moi directement, c’est d’une façon actuelle, mais non pas inédite. Je n’apprends d’elle ce que
Dieu veut de moi et pou moi qu’à partir de ce qu’il a voulu de mes pères dans la foi et pour eux. En moi,
c’est le Peuple de Dieu qui continue à écouter la Parole, à la fois ancienne et nouvelle, qui continue à se
souvenir de son Dieu et à se convertir à Lui. La Parole de Dieu intervient avec une incidence directe dans
ma vie parce que, devenu membre du Peuple de Dieu par la foi et le baptême, j’en suis devenu légitime et
authentique destinataire. Dès le commencement, en effet, si Dieu adressait sa parole à son peuple, c’était
aussi à tous ceux qui au cours des siècles croiraient en Lui et entreraient dans ce peuple (cf. Jean 17,20 ;
Actes 2,39.) J’ai donc le droit de me l’approprier, mais dans la mesure seulement où j’ai d’abord
réveillé en moi la conscience d’appartenir au Peuple de Dieu, à l’Eglise du Christ : c’est cette
conscience qui est la seule « oreille » capable d’entendre véridiquement, comme à elle adressée, la Parole
divine.

Une conséquence immédiate est qu’une spiritualité fondée sur la « lectio divina » ainsi comprise, ne peut
être qu’objective et universelle : on ne peut guère y cultiver l’illuminisme, l’individualisme, le sens propre,
le particularisme pieux qui peut si facilement engendrer l’orgueil. On marche dans la caravane commune,
on subit les épreuves communes, on savoure les joies communes, mais « commun » ne signifie nullement
ici vulgaire et superficiels, c’est au contraire ce qu’il y a de plus haut, de plus pur, de plus personnel ; le
mystère du Christ qui s’est fait tout à tous, commun à tous, communion pour tous.

204
Cours de spiritualité

Mais alors une dernière découverte s’offre à nous : cette « lectio divina » entraîne irrésistiblement dans le
grand courant de la liturgie, qui est son débouché naturel et son estuaire. La « lectio divina » est vraiment
fructueuse lorsqu’elle redonne le goût savoureux de la liturgie, qu’elle en approfondit les sens et qu’elle s’y
épanouit. Ce n’est pas un hasard si les activités spirituelles de la vie monastique se partageaient finalement
entre la « lectio divina » et l’Office divin : elles s’appellent l’une l’autre. L’Office rappelle que la Parole de
Dieu nous rassemble en corps et s’adresse à un peuple ; la « lectio divina », que la Parole de Dieu
s’adresse aussi à l’intime de chaque membre de ce peuple et lui parle cœur à cœur. La vraie spiritualité
chrétienne est à la fois profondément personnelle et authentiquement communautaire, parce qu’elle
assimile et reproduit le mystère du Verbe de Dieu qui est l’Unique auprès du Père dans une intimité
ineffable, et qui s’est fait aussi le frère d’une multitude autour du Père dans une communion unanime.

205
Cours de spiritualité

Lectio Divina

Définition
Mot clé  = la parole
Autres type de réponse = consultation de la Révélation
o Lecture
o Nourriture
o Dieu qui me parole
o Fréquentation de la Parole

Lecture.
- Lente
- Paisible
- Recueillie : de la Parole de Dieu ou de qui est direct – en lien avec.
- Alimentation de base
- Une lecture avec le christ
- Qu’as tu à me dire ?
- Lectio vient du mot cueillir = cueillette de Dieu

Meditatio
Mot clé  = Assimilation
o Rumination
o Réflexion
o Approfondissement en vue de la mise en œuvre à l’application dans la vie.

 La murmurer, la garder, la tourner, la retourner, la ruminer et la bercer.


 M’imprégner de cette Parole.
 Méditation = démarche plus active que la lectio.

Oratio

2 mots clés = Dialogue avec Dieu pour répondre – consentir à la Parole


Attente de Dieu – C’est le temps de la digestion

Un cri pour demander la foi, c’est-à-dire la certitude que cette parole m’est utile – se laisser saisir par
Jésus.

Contemplatio

Mot Clé = Amour


C’est le temps de cette transformation en cette Parole. Plus besoin de piocher, ni de suppléer, l’eau coule.
***

206
Cours de spiritualité

Progression – lien entre = Lectio – meditatio – oratio – contemplatio. Quand la lectio divina est faites dans
des dispositions intérieures d’humilité, de paix et de silence, souvent l’Esprit Saint fait « briller » un passage
qui nous « accroche » et nous porte à le « ruminer » et à le transformer en prière d’adoration, de louange
d’action de grâce.
***
Lectio et Etude
La caractéristique de la lectio est la gratuité. Je pars à la découverte de quelqu’un que j’aime. Pas de
recherche intellectuelle, mais on savoure la Parole.
 La lectio s’adresse au cœur.
 L’Etude s’adresse à l’intellect.
La lectio n’a d’autre but que d’aimer et se laisser aimer.
Les études permettent d’approfondir cours et enseignements reçus
La lectio est plus intime on s’arrête quand on veut. La lectio s’épanouit directement en prière.

I tinéraires vocationnels dans la « lectio divina »

Cardinal Carlo Maria Martini, archevêque de Milan

Je suis très heureux de participer, quoique brièvement, à ce congrès sur les Vocations au
sacerdoce et à la vie consacrée. Le thème qui m’a été confié touche à mon expérience des
itinéraires vocationnels dans la Lectio divina. J’en donnerai un exemple concret, en laissant de
côté tous les problèmes à caractère théorique qui sont largement abordés dans d’autres
conférences plus systématiques. Je me limiterai donc à partager mon expérience en relevant
son aspect particulier et concret.

Quelques réflexions préliminaires Lectio divina. Ensuite, je décrirai cet itinéraire


vocationnel spécifique que j’ai débuté et
En me référant au titre proposé « le rapport entre la dirigé, au cours des huit dernières années et
Lectio divina et les itinéraires vocationnels », je qui a touché, jusqu’à maintenant, plus d’un
voudrais avant tout, dire ce que j’entends par

207
Cours de spiritualité

millier de jeunes. Il s’agit donc d’une expérience filles. Déjà plus d’un millier de jeunes du
dans le vécu. diocèse ont parcouru ce chemin que je
décrirai en sept temps :
Définissons tout débord la Lectio divina pour nous  avant tout, je dirai le pourquoi du nom
entendre sur le sens à donner à ce mot. « Groupe Samuel.
J’emprunte la définition au document intitulé  deuxièmement, les conditions
« l’interprétation de la Bible dans l’Eglise. » publié nécessaires à ce cheminement.
le 15 avril 1993, par la Commission Biblique
 troisièmement, comment cela ce
Pontificale. Ce document dit vers la fin : « La Lectio
déroule.
divina est une lecture, individuelle ou
 quatrièmement, quelle est la dynamique
communautaire, d’un passage plus ou moins long
de la Lectio divina à l’intérieur de ce
de l’Ecriture accueillie comme Parole de Dieu et se
cheminement.
développant sous la motion de l’Esprit en
méditation, prière et contemplation. » On pourrait  cinquièmement, quels sont les fruits.

s’expliquer longuement sur cette description, mais  sixièmement, quels sont les obstacles.
partons de cette manière de définir la Lectio divina  et enfin quel est l’impact global de la
qui me semble très précise, complète et Lectio divina dans les itinéraires vocationnels.
exhaustive. Le même paragraphe stipule encore :
le but de la Lectio divina est de « susciter et 1. Pourquoi du nom « Groupe Samuel »
d’alimenter « un amour effectif et constant » de la
Sainte Ecriture, source de vie intérieure et de
Ici je serai très bref, presque télégraphique,
fécondité apostolique, favoriser aussi une meilleur
parce que le temps dont je dispose est limité.
intelligence de la liturgie et assurer à la Bible une
Le prénom est évident, il vient du premier
place plus importante dans les études théologiques
livre de Samuel, qui apprend à discerner
et la prière. » ici, j’ajouterai : « et aussi favoriser les
l’appel de Dieu, en le distinguant des voix
cheminements vocationnels. »
humaines. Nous avons pris aussi en
considération les chapitres suivants où
Voilà donc le thème spécifique qui m’a été
Samuel devient peu à peu prophète religieux
assigné » : exposer de quelle façon la Lectio divina
et prophète civil, réalisant une « carrière
et les diverses initiatives qui en émanent,
vocationnelle qui touche à tant d’aspects des
contribuent à la recherche et au choix d’une
vocations qui se présentent aux jeunes. D’où
vocation. J’ai dit que je répondrai à travers une
le nom « Groupe Samuel », mais il est
expérience concrète, mais on pourrait en raconter
évident que ce que nous avons fait en partant
tant ! Une fut pour moi très significative : celle qui
de la figure de Samuel, peut-être fait avec
j’ai nommée « Le groupe Samuel », une
beaucoup d’autres figures bibliques.
expérience qui remonte à huit ans et que je vis
depuis les débuts, auxquels j’ai participé de plus
2. Quelles sont les conditions nécessaires
près. Après la première année que j’ai suivie pas à
à ce cheminement ?
pas, cette expérience est maintenant poursuivie
par mes collaborateurs, et chaque année y
La première condition nécessaire pour
participent environ deux cents jeunes garçons et
entreprendre ce cheminement, c’est d’avoir

208
Cours de spiritualité

entre 17 et 25 ans, environ. Exigence nécessaire : plus difficile à accepter n’était pas celle de
ne pas avoir fait un choix vocationnel précis ; ainsi supprimer la télévision mais celle de
nous excluons ceux qui ce sont déjà orientés vers supprimer l’inquiétude, l’angoisse du futur,
le sacerdoce ou la vie consacrée, ou bien encore pour vivre en paix, devant Dieu, le choix de
dans le mariage. Pour ces garçons et filles qui sa route.
n’ont pas encore choisi, voici la condition sine qua
non : une disponibilité « de 360° » à la volonté de 3. Comment se déroule et s’est déroulé ce
Dieu, c’est-à-dire être disposés à accepter ce que parcours ?
le Seigneur leur demandera dans la suite de leur
vie. C’est la condition préliminaire à l’entrée en Les jeunes ont été appelés à participer à des
cheminement. Seconde condition : accepter un rencontres mensuelles, le dimanche après
cheminement d’une année de recherche midi – un dimanche par mois – de 16 heures
vocationnelle avec l’évêque. Troisième condition : à 21 heures. C’est à peu près le temps
accepter les règles, par exemple : avoir, si on n’en nécessaire pour deux Lectio divina : une sur
a pas encore, un conseiller spirituel qui suive toute le premier livre de Samuel qui dure une heure
l’année de cheminement ; participer fidèlement aux et demie, suivie d’une prière ; une autre,
rencontres mensuelles ; diminuer, jusqu’à comme je le dirai, sur la parabole du Semeur.
pratiquement supprimer, l’utilisation de la télévision Deux temps que nous avons suivis pendant
pendant l’année, signe de bonne volonté pour faire les sept rencontres. Le reste du temps était
un cheminement sérieux. Quatrième condition : partagé en moments d’instruction, d’adoration
bannir toute anxiété à propos de son propre avenir eucharistique prolongée, de rencontres par
vocationnel en se remettant avec confiance entre groupes. Les groupes (7 ou 8 jeunes) sont
les mains de Dieu. restés toujours les mêmes pour stimuler
l’harmonie et la connaissance réciproque
Voici donc évoquées quelques exigences parmi entre des garçons et des filles qui ne se
d’autres. Vous pourriez me poser cette question : connaissaient pas. Une réflexion commune
« Existe-t-il des garçons et des filles comme ceux- sur la Lectio divina et la méditation
là ? » Je vous répondrai que je découvre beaucoup personnelle dégageait les questions qui
de jeunes, garçons et filles, très bien disposés. La m’étaient rapportées par écrit. Je répondais à
première année, j’ai lancé moi-même l’appel lors la fin de la rencontre, dans un climat de
d’un rassemblement de jeunes à la cathédrale, au dialogue, à l’ensemble du groupe. Ensuite, je
mois de septembre 1989. Deux cents jeunes ont restais disponible pour des contacts
répondu immédiatement : je suis disponible à 360°, personnels.
je suis disponible pour entreprendre ce
cheminement. J’en ai choisi environs cent soixante 4. Quelle est la dynamique de la Lectio
et ils ont persévéré avec une absolue fidélité. divina dans ce contexte ?

La difficulté principale qu’ils évoquaient, mais nous Je suis parti de ce critère : pour le
y reviendrons, résidait dans le dépassement de discernement d’une vocation solide, il faut
l’inquiétude. Ils se sont employés à observer les faire trois choses :
règles, mais ils ont tous reconnu que la règle la

209
Cours de spiritualité

 purifier le cœur de tout péché, mortel ou met en contact avec Jésus, et éclaire cette
véniel, de tout jugement préconçu ou de pré- découverte : c’est le Seigneur, Lui qui est
compréhension, de toute inclination inconsciente ressuscité, qui est à l’origine de tout don de
erronée. Sans un travail exigeant de purification, la soi, de toute capacité à se libérer des peurs.
recherche de la volonté de Dieu est confuse ou C’est Lui qui suscite de se donner. Voilà la
accidentelle. dynamique substantielle de la Lectio divina.
 pour faire une recherche vocationnelle, il faut
vivre dans l’harmonie le plan divin de salut et le 5. Quels sont les fruits ?
dessein de Dieu et relier, petit à petit, sa propre vie
à l’écoute de la Parole. Aujourd’hui, nous cherchons toujours à
 apprendre à lire ses propres motions repérer les fruits de cette expérience à travers
intérieures et faire un discernement. des entretiens, oraux ou écrits, avec les
jeunes. Avant de commencer l’expérience, je
La Lectio divina s’est révélée très efficace, d’abord demande à tous, de m’écrire une lettre dans
pour faire émerger les résistances, les peurs, les laquelle ils me disent leurs intentions, leurs
obstacles manifestes ou cachés à la lumière de la attentes, leurs obstacles. Mes collaborateurs,
Parole de Dieu, qui éclaire tout, quand quelqu’un et moi-même, rencontrons les jeunes durant
s’efforce de prier et de faire silence pendant un l’année. Pour constater le fruit, nous
temps prolongé. La méditation sur la parabole du demandons, à la fin de l’année, une lettre dite
Semeur a aussi été utile. En passant en revue les « lettre de fructification » dans laquelle
différents types de terrain, j’ai cherché à aider les chaque jeune peut raconter ce qu’il a vécu, ce
jeunes à prendre conscience des obstacles face à qu’il a expérimenté, ce qu’il a décidé. Le fruit
un choix : « Qu’est ce qui bloque mon choix ? » est une décision forte qui concerne le
« Pourquoi ai-je si peur et tant de préjugés ? » Royaume de Dieu.
« Qu’est-ce qui m’empêche de regarder la réalité,
de me concentrer sur un choix unique ? » La Lectio Ayant suivi dans ce cheminement plus d’un
divina, ensuite, est ce qui fait émerger les millier de jeunes garçons et filles, je me suis
résistances et les obstacles. Elle fait entrer dans le peu à peu fait une idée plus claire sur les
plan divin du salut. C’est en observant ce plan divin fruits et sur les obstacles. Voici quelques
dans la vie de Samuel, qu’on découvre la manière fruits.
par laquelle Dieu appelle, suit, stimule, aide,
soutient, fait passer à travers les épreuves… et  certains sont de type immédiat : avant
ainsi on se met en harmonie avec le plan de Dieu. tout, la découverte que la Lectio divina faite
La Lectio divina aide enfin à discerner les systématiquement, avec une guide, mois
mouvements du cœur. Par la suite, cette démarche après mois, est l’apprentissage d’une
plus personnelle sera confiée à la rencontre avec le méthode qui pourra ensuite se faire tout seul.
directeur spirituel.  Ensuite, beaucoup soulignent : « j’ai
finalement appris à mettre un peu d’ordre
Cette dynamique de la Lectio divina fait partie dans ma vie et par dessus tout dans mon
intégrante du processus de choix vocationnel. De esprit », une sorte de fruit d’ordre mental.
manière résumée, on pourrait dire : la Lectio divina Pour les garçons et filles, même les meilleurs,

210
Cours de spiritualité

qui sont très troublés, impulsifs, instinctifs, qui n’ont je fais seulement un choix symbolique après
jamais eu une discipline de l’esprit, c’est un point cette année. » Naissant aussi des choix de
de départ pour une vie ascétique de l’esprit et déjà vie dans le mariage dans l’optique du
un grand fruit. Royaume, avec l’intention de fonder une
 Autre fruit important : la découverte de la famille ouverte à l’accueil et au bénévolat,
direction spirituelle régulière. Beaucoup c’est donc un choix vocationnel fort. J’ai enfin
comprennent, pour la première fois, ce qu’est une des chiffres qui concernent la première
direction spirituelle. année, et qui sont relatifs aux « lettres de
 Très important encore, la capacité à fructification. » Nous avons reçu 145 lettres
reconnaître et de dépasser les épreuves de la vie venues des 174 participants (83 %) – il y un
spirituelle. En ce mettant à vivre une vie selon certain nombre de jeunes qui, à la fin de
l’Esprit, les jeunes comprennent que l’on passe à l’année, ne donnent pas signe de vie – mais
travers bien des épreuves, des obscurités, des certains m’écrivent six mois après, quand ils
désolations, des aridités… Ils entrent ainsi dans la croient avoir compris et ont clarifié ce qu’ils
dynamique de la vie spirituelle, ils la découvrent et avaient à discerner.
en prennent conscience. Ce n’est plus une chose Choix de vie signalés dans ces lettres :
étrangère, elle devient seulement question de - pour le mariage, comme engagement
persévérance et est naturelle. D’une rencontre à fort pour le Royaume de Dieu : 31/145
l’autre, je donne des travaux et des moyens de - pour le séminaire : 10,
vérification. Ainsi, ce n’est pas seulement lors des - pour une vie consacrée masculine ou
rencontres mensuelles mais pendant une année féminine : 24 ( 4 garçons, 20 filles),
entière que se vivent des activités spirituelles - pour « le Cénacle », c’est-à-dire pour
spécifiques. le vœu de chasteté pendant 6 mois, avec un
 En dernier lieu, le fruit le plus désiré de cette engagement fort à poursuivre le
année intense de Lectio divina : la naissance de cheminement : 29,
vocations très diversifiées : entrées chaque année - année de bénévolat social : 5,
dans le séminaire diocésain ou dans les noviciats, - bénévolat dans le domaine de la
choix de vie monastique masculine ou féminine, charité, c’est-à-dire avec un engagement fort
choix de bénévolat qualifié, une année ou deux à de disponibilité au moins pour un an : 29,
donner, ou encore ce que j’appelle les « choix - coopération missionnaire : 4,
symboliques. » Si, en fin d’année, on vérifie avec le - bénévolat dans l’évangélisation,
conseiller spirituel qu’il reste des choses à clarifier, comme éducateurs de jeunes, en donnant
j’invite le jeune à partir, au moins, avec un choix beaucoup de son temps libre : 16,
symbolique fort, par exemple : le choix fort d’une - choix de responsabilités diocésaines
expérience de bénévolat pour un temps déterminé, dans la pastorale des jeunes : 6
ou bien, l’initiative que nous appelons « le - changement de travail parce que
Cénacle » vivre pendant six le vœu de chasteté, l’année de Lectio divina leur a permis de
éventuellement à renouveler tant qu’on n’est pas comprendre qu’ils s’étaient trompés dans
déterminé clairement dans un choix entre mariage l’orientation de leur travail : 3 (intéressant !)
et célibat. Plusieurs me disent : « je ne suis pas
encore en mesure de faire un choix définitif, alors,

211
Cours de spiritualité

- trois ont enfin choisi l’engagement politique Plusieurs voudraient que ce soit l’évêque qui
comme étant leur vocation particulière. leur indique leur vocation. Je leur redis que
cela ne me regarde pas, que c’est à chacun
Vous le voyez donc, les choix sont variés, certaines de choisir pour soi, et cela les épouvante. Au
sont définitifs, d’autres temporaires mais peuvent fond, la difficulté fondamentale, c’est la
devenir définitifs après un, deux ou trois ans. Je crainte devant une décision définitive, on la
reçois encore des lettres de ceux qui sont venus, il repousse sans fin… peur de se tromper ! Ou
y a deux ou trois ans, et tous disent, finalement, bien, d’autres encore voudraient que la
qu’ils sont arrivés à un choix définitif, un choix de volonté de Dieu soit tout de suite claire. Ces
vocation et de consécration forte. Voilà ce que je garçons et filles, bien sous tous rapports, sont
peux dire concernant les fruits. théoriquement disponibles mais extrêmement
indécis. C’est un signe des temps et un appel
6. Quels sont les obstacles ? à beaucoup les aider, même à 20, 22 et 24
ans. Cette peur persiste et il convient de les
Vous le comprenez, ils sont nombreux. Ces jeunes aider au-delà de l’année normale. De toutes
doivent faire de gros sacrifices : être libre un manières, il est important qu’un changement
dimanche après-midi par mois, abandonner tous de cap soit intervenu dans leur vie. Avec
les autres engagements et les divertissements, l’aide de la direction spirituelle et une vie
celui qui a une copine doit renoncer à sortir avec intérieure plus profonde, ils arriveront
elle (ou à l’inverse) et faire le choix d’une discipline finalement à un choix. S’il est si difficile pour
spirituelle. Par dessus tout, il y a deux obstacles. les jeunes de faire des choix définitifs, au
moins dans notre contexte occidental
Le premier je l’ai déjà indiqué : l’angoisse qu’on européen, c’est aussi parce qu’ils ne sont pas
n’arrive pas à dépasser, la peur de se tromper pressés par les urgences : la famille assure le
dans le choix : « je ne veux pas me tromper. » confort, ils poursuivent des études…
Comme il n’y a pas d’urgence grave, ils ne font pas d’exhortations, pas d’instructions, même s’il y
le saut, ils ne se jettent pas à l’eau. L’exemple de a quelques aspects. La Lectio divina permet
Pierre qui se jette à l’eau parce qu’il a vu le d’entrer dans une prière fervente devant
Seigneur, est l’exemple qui parfois les touche. A un Jésus, selon le plan de Dieu qui se révèle à
certain moment de la vie, il faut se jeter à l’eau, moi dans le texte biblique. L’Ecriture apparaît
sauter de la barque ; si quelqu’un veut vivre dans ce cheminement comme la clé, que ce
toujours en sécurité et s’il se trompe de choix, il soit pour entrer dans le monde de Dieu, dans
rate sa vie. C’est le refrain que je répète le cœur du Christ et ses intentions, ou pour
continuellement. entrer dans mon monde enchevêtré, l’éclairer
et percevoir ma vie comme une réponse à un
7. Quel est l’impact de la Lectio divina ? appel.

Vous l’avez compris, tout est fondé sur la Lectio En conclusion, je dirais : mon expérience me
divina. Se mettre devant Jésus qui se révèle à moi montre qu’il existe encore aujourd’hui des
dans sa Parole et m’appelle ; se mettre en esprit de garçons et des filles très généreux, honnêtes
prière personnelle ; pas de sermons, pas et disponibles. Il y en a beaucoup,

212
Cours de spiritualité

évidemment ce n’est pas la masse. Ces jeunes ont naissent aussi des vocations. L’important,
peur, ils tremblent devant des choix irrévocables. c’est d’utiliser une méthode de façon à ce
Ce mot « irrévocable », même dans le choix du qu’elle soit menée au maximum de sa valeur,
mariage, créé une grande peur. Il faut les aider, les comme le dit l’encyclique Dei Verbum (n°
soutenir. La Lectio divina systématique est, ou peut 21) : « Que la Parole de Dieu devienne de
être, un instrument (pas unique) formidable de plus en plus l’aliment spirituel du peuple de
proposition, de soutien, de réconfort et Dieu. Qu’elle soit pour ses membres la
d’accompagnement. Le « Groupe Samuel » n’est source d’une vie de foi, d’espérance et de
qu’une des multiples formes d’utilisation de la charité, mais aussi un message pour toute
Lectio divina dans le cadre des vocations. Il existe l’humanité.
l’école de la Parole et tant d’autres formes d’où

213
Cours de spiritualité

La Lectio Divina
Bernardo Olivera
(C’est une lettre très intéressante, mais je ne sais pas d’où elle vient. Elle est tirée d’un livre pages 362 à 369.)

Prélude

1. L’Esprit inspire l’Ecriture, c’est pourquoi il est présent et parle par elle. S’il inspire, il « expire »
également.

2. l’Ecriture « expire » la vie par l’inspiration de l’Esprit, c’est pourquoi elle est la respiration du moine
chrétien.

3. Tout ce Livre vivant converge dans le Christ. Les divines Ecritures constituent un livre unique : le
Christ. Il est la Parole abrégée, vive et efficace.

4. Toute l’Ecriture se rapporte au mystère du Christ : préfiguré dans l’Ancien Testament et présent dans
le Nouveau, intériorisé par chaque chrétien et accompli dans la gloire.

5. Parce Dieu est infini, infinie aussi est sa Parole : l’Ecriture contient des mystères infinis, son sens est
insondable.

6. Le sens littéral du texte doit toujours être le point de départ : la lettre renseigne sur les faits et
présente les personnes ; l’histoire est le fondement.

7. l’Esprit nous transporte au-delà de la lettre, notre vie théologale nous ouvre les portes des différents
sens :
- allégorique, qui édifie la foi en faisant découvrir le Christ et son Eglise ;
- tropologique, qui nous apprend à œuvrer dans la vérité de l’amour ;
- anagogique, qui nous oriente et nous attire vers ce que nous espérons encore.

8. L’Evangile est la bouche du Christ toujours prête à nous offrir un baiser d’éternité.

9. l’Evangile est corps et sang du Christ ; le prier et en vivre signifie le manger et le boire.

10. l’Evangile est force de Dieu parce qu’il nous indique le chemin et nous donne la force pour le suivre.

11. Ici on trouve la vie véritable, et mon esprit ne possède et ne veut rien d’autre que la lecture priante de
ces mystères !

12. L’Eglise est l’unique caisse de résonance de la Parole de Dieu. En tant que Corps du Christ, elle est
elle-même Parole. L’Ecriture nous donne vie dans l’Esprit quand elle est accueillie dans le contexte de la
tradition et du magistère.

214
Cours de spiritualité

13. Notre Lectio divina doit prolonger la parole au-delà de la Liturgie afin de nous préparer à une
célébration fructueuse de celle-ci.

14. Le cénobite comprend le sens profond de la Parole seulement quand il vit en communion et dans la
concorde avec ses frères.

15. La conversatio monastique doit créer un climat biblique qui permette à tous et à chacun d’être
protagonistes dans le dialogue du salut.

16. L’humus de l’humilité est la bonne terre où la Parole produit des fruits abondants.

17. Seul celui qui se recueille accueille, seul celui qui demeure dans le silence entend les battements du
cœur de Dieu.

18. Nous parlons à Dieu quand nous prions avec amour, nous écoutons Dieu quand nous lisons sa
Parole avec foi.

19. Quand notre persévérance et notre assiduité à la Lectio nous crucifie dans le Livre, nous comprenons
la folie du Père très bon.

20. Pour connaître le Christ crucifié, il faut être crucifié pour le monde.

21. « Me voici, que Dieu écrive en moi ce qu’il veut », a dit Marie. Quand notre cœur est une lettre écrite
par Dieu, toutes les lettres de Dieu résonnent dans notre cœur.

22. Celui qui vit la Bonne Nouvelle offre au monde des raisons pour vivre et mourir.

Premier Mouvement : riposato

23. La Lectio divina est :


- Une lecture méditée, de la Bible surtout, prolongée en oraison contemplative.
- Une lecture de Dieu avec des yeux d’épouse et un cœur d’Eglise.
- Lecture gratuite pour accueillir l’Auteur de la grâce.
- Lecture transformante qui nous évangélise et nous convertit en évangélisateurs.
- Relation interpersonnelle dans la foi et l’amour, avec le Christ qui nous parle, dans l’Esprit qui nous
enseigne, et dans le regard du Père qui nous regarde.
- Pèlerinage avec les paroles vers le mystère de la Parole.
- Assimilation accueillante de la Vérité salvifique au moyen du dialogue avec le Sauveur.
- Foi amoureuse qui cherche la Face de Dieu afin d’anticiper sur ce qui est espéré.
- Immersion, compénétration, divinisation, émersion.

24. La Lectio est divine :


- Car on lit Dieu dans son Verbe et avec son Esprit.
- Parce qu’elle nous place devant le Mystère et le rend présent dans le cœur.
- Quand on écoute Dieu qui parle et qu’on goûte sa présence.

215
Cours de spiritualité

25. Puisque la Lectio divina est dialogue, elle est en même temps accueil, don de soi et communion.
Accueil dans l’écoute et la réflexion, don de soi et communion. Accueil dans l’écoute et la réflexion ; don de
soi dans la réponse ; et rencontre dans la communion.

26. Myriam de Nazareth, en dialogue avec Gabriel, nous offre un exemple séduisant de Lectio vere
divina.

27. La Lectio divina étant vie, elle est aussi mouvement. Mouvement dans lequel on peut distinguer
différents mouvements ou expériences : lecture, méditation, oraison, contemplation…

28. Lecture, méditation, oraison, contemplation… c’est ce qui arrive si nous laissons le temps que cela
vienne.

29. La gratuité de la Lectio divina diffère de l’utilité de l’étude. L’étude essaye de conquérir la Parole, la
Lectio divina se livre et se soumet à elle.

30. La Lectio divina diffère aussi de la lecture spirituelle. Cette dernière peut avoir comme but
l’acquisition du savoir, la base de convictions ou l’encouragement pour un don de soi plus généreux. Le but
de la première est l’union avec Dieu dans la foi et l’amour.

Deuxième mouvement : corragioso ed ampio ma non troppo

31. La Lectio divina n’est généralement pas immédiatement gratifiante. C’est une activité et une passion
de longue haleine. On ne moissonne pas le lendemain du jour où l’on a semé ! La petite chenille ne se
transforme pas immédiatement en papillon !

32. Rien de plus purifiant que de supporter le mutisme de la Parole. Mais qui sait espérer est
récompensé.

33. Si tu te laisses posséder par la Parole, tu écouteras même son silence.

34. Dans la Lectio divina, il y place aussi pour les Pères de l’Eglise et ceux de Cîteaux, leurs écrits
confirment et élargissent le message biblique ; par leur esprit chrétien, ils sont des guides sûrs
d’interprétation fidèle (droite ?) ; et par leur sainteté de vie, ils nous apprennent à vivre et nous aident à
dialoguer dans l’Esprit Saint.

35. D’autres livres peuvent aider dans la mesure où ils nous permettent d’assimiler le Mystère et d’être
transformés par lui.

36. Quand le débutant dit : pour moi tout est Lectio divina, il faut comprendre que pour lui la Lectio divina
n’est rien.

Troisième mouvement : adagio pero continuo

216
Cours de spiritualité

37. Recueille-toi et rends-toi compte : c’est Dieu qui veut te parler et attend ta réponse !

38. Les diverses expériences ou moments de la Lectio divina s’unifient en un mouvement unique de
l’esprit. Ils peuvent coexister et se superposer, et peuvent même alterner dans un ordre toujours
changeant. Celui qui marche fait beaucoup de mouvements, mais tous se fondent en une seule action :
marcher.

39. La pratique assidue assouplit les rigidités. Celui qui fait peu d’exercices, les renforce et avance
maladroitement. Celui qui ne fait pas d’exercices, n’avance pas du tout.

40. La Lectio divina est pour le moine et la moniale une pratique quotidienne, à un moment privilégié, en
prenant tout le temps nécessaire pour entamer un dialogue avec le plus fidèle des amis.

Lecture

41. Lire est une forme d’écoute qui permet toujours de revenir sur ce qui a été entendu. Ecouter, c’est
être et laisser être ; sans écoute, il n’y a pas de relation interpersonnelle.

42. Si tu lis pour lire et non pour avoir lu, alors ta lecture est paisible, reposée et désintéressé.

43. Ne perds pas de temps à chercher un texte qui te convienne, choisis-en un par avance, les lectures
liturgiques du jour par exemple, ou bien suis un thème, ou encore lis à la suite toute la Bible.

44. Le sot cède à la tentation de dire : je connais déjà ce texte ! Le sage sait qu’une chose est de
connaître la formule chimique de l’eau et une autre de goûter cette eau près d’une source, à midi, un jour
d’été.

45. Si tu ne comprends pas ce que tu lis, demande au Seigneur de t’aider à comprendre. Et le Seigneur
t’aidera ; recherche le contexte de ton texte, compare avec des textes parallèles, recherche les mots clés,
détermine le message central…

46. Si tu as bien lu tu pourras dire ce que le texte dit.

Méditation

47. Méditer est mastiquer et ruminer, car c’est : répéter, réfléchir, se souvenir, interpréter, pénétrer…
Celui qui médite ainsi la Parole se transforme selon la Parole et se convertit en médiateur de la Parole.

48. Si le texte lu ne te dit rien, aime la Parole au-delà des paroles et ne crains pas de te livrer sans
réserves. Et si le texte est dur et que tu l’appliques à ton voisin, essaye de le relire à la première personne.

49. Il n’y a pas de méditation sans distraction. Retourne donc à la lecture, arrête-toi aux mots clés.

50. Quand le texte te parle au cœur tu as atteint et reçu un fruit précieux de la méditation.

217
Cours de spiritualité

Oraison

51. L’oraison, pendant la Lectio divina, peut prendre de multiples formes : louange, demande, action de
grâces, componction…

52. Tu as écouté en lisant et méditant, tu peux maintenant parler en priant. Si tu sais déjà ce que le texte
dit et te dit : que peux-tu Lui dire ?

53. Le silence est aussi une réponse, pour celui qui prie dans l’oubli de soi, comme pour Celui qui sait
tout.

Contemplation

54. Contempler est admirer et se taire dans le Temple qu’est le Christ ressuscité.

55. Contempler est rencontrer la Parole au-delà des paroles.

56. Contempler est vivre dans le Ressuscité, enraciné dans cet « ici » de cette terre, en s’élançant vers
l’au-delà des cieux.

57. La contemplation est vision. Le contemplatif voit la résurrection dans la croix, la vie dans la mort, il
voit le Ressuscité dans le Crucifié.

58. la contemplation est la soif que cause l’absence apparente, ou la satiété de la présence mutuelle…

59. Le contemplatif ne sait que dire, simplement parce qu’il sait.

Quatrième mouvement : codetta

Collatio

60. La Collatio est contribution ou apport et confrontation ou dialogue. Il faut apporter du bois pour la
méditation du feu pour l’oraison, de la lumière pour la contemplation, une motivation pour l’action…

Action

61. L’action se réfère, avant tout, à la conversion de son propre cœur, en agissant comme disciple et
sous la discipline de la Vérité révélée pour notre salut.

Collaboration

62. Toute bonne œuvre est collaboration avec Celui qui fait bien toute chose. Celui qui collabore avec Lui
travaille et prie avec tous.

218
Cours de spiritualité

Postlude

63. La Bible n’est pas seulement destinée à nous informer au sujet de Dieu mais à nous transformer
selon la forme du Christ.

64. L’Ecriture est la parole qui informe en nous donnant forme chrétienne.

65. La conception virginale de la Vierge Mère est un mystère de Rédemption et aussi un modèle à
imiter : concevoir la Parole dans les entrailles du cœur en embrassant la volonté du Père nous convertit en
frère, sœur et mère.

66. La Parole et les paroles sont pour l’homme et non l’homme pour les paroles parce que l’homme est
pour la Parole.

67. Celui qui a progressé dans la Lectio expérimente la nécessité de moins de paroles et de plus de
Parole.

68. Celui qui a été transformé par la Parole pourra la lire dans les événements de chaque jour et dans
ces signes des temps qui sont des voix de Dieu manifestées au moyen des plus profondes aspirations
humaines.

69. Celui qui a la vérité révélée gravée dans les entrailles de son cœur n’a plus besoin du texte sacré et
est pour les autres une Bible vivante.

70. Si tu désires connaître et rejoindre le Christ, tu y parviendras plus vite en Le suivant qu’en Le lisant.

Arrivé à ce point de ma lettre, je me rends compte que j’ai écrit plus que je n’avais pensé, mais
certainement moins que ce que le sujet mérite. Il y a beaucoup d’aspects de la Lectio divina qui ont été
laissés de côté et d’autres dont je n’ai jamais eu l’expérience.

Nous savons tous qu’un de nos « vices » principaux est l’activisme. Dom Gabriel en parlait déjà, en 1995,
et dans les rapports des maisons pour le dernier chapitre général cela est apparu très souvent. Il s’agit d’un
vice dangereux car il perturbe l’otium monastique. « atomise » le désir de vie éternelle, trouble la recherche
continuelle du visage de Dieu et, finalement, fausse la nature même de la vie contemplative.

Je connais une arme puissante pour attaquer et vaincre cette activité dénaturée : l’équilibre et l’alternance
entre Lectio divina, liturgie et travail. Et la meilleur manière de s’assurer cet équilibre c’est de donner à la
Lectio divina une place prioritaire. Credete expertibus !

Permettez-moi aussi de partager avec vous quelques mots de Gilbert, abbé de Hoyland, qui m’ont
interpellé profondément durant les premières années de ma vie monastique et ont conservé pour moi,
jusqu’à maintenant, toute leur charge prophétique.

219
Cours de spiritualité

« Vous qui priez en passant et qui vous attardez à lire ; vous qui êtes pleins de ferveur pour la
lecture et devenez tout tièdes quand il s’agit de prier ; remarquez donc ceci ; la lecture doit
servir la prière, y préparer le cœur […]. Quand tu lis tu apprends quelque chose au sujet du
Christ ; mais quand tu pries, tu entretiens un colloque familier avec lui. Et quelle grâce plus
grande de parler avec lui plutôt que de parler de lui ! » (Cantique 7,2)

Mais en réalité le grand maître de la Lectio est Guillaume, abbé de Saint Thierry. Ses oraisons méditatives
sont un témoignage éloquent de son application à la lecture et de son cœur plein de désir et de
contemplation divine. Mettez-vous à son école et, en bon disciple de l’unique Maître, il fera de vous d’autres
maîtres.

Cette lettre reste sans conclusion. Chacun de vous doit la continuer. Mais, je vous en prie, que personne ne
lui donne une conclusion. Laissons-la inachevée comme signe d’une recherche qui se poursuit jusqu’à
parvenir au but de l’Infini.

Je vous demande de prier pour moi et vous assure de mon souvenir constant dans le sacrifice de ma
prière. Très affectueusement, en Marie et saint Joseph.

Bernardo Olivera
Abbé général.

220
Cours de spiritualité

Chapitre XIV « Liturgie »

La liturgie est liée indissolublement à l’Ecriture Sainte. Elle et l’actualisation de l’Ecriture.

La liturgie est la mise en œuvre de la Rédemption. De la Trinité à la Trinité par l’Incarnation rédemptrice et
l’Eglise.

La liturgie : cœur trinitaire, cœur christologique, cœur ecclésial. C’est par les mystères sacramentels que
l’Eglise entre dans le Mystère. (Lumen Gentium, fin du n° 4) Unité à partir de la Trinité (devise de Dom le
Gall.)

Dans la Parole de Dieu, l’Eglise célèbre les mystères du Christ pour le salut du monde. Ce qui réalise la
communion, la Koïnonia de l’Eglise, de la communauté, ce sont la Parole et les sacrements.
Le plus dangereux, ce ne sont pas nos péchés, c’est le marasme dans lequel nous mettent nos péchés. Cf.
David, l’homme au cœur droit, qui reconnaît son péché, le serviteur de Dieu.

Sacra Liturgia 1 à 13
On a éventré le parfum de la liturgie, son mystère, son art, en voulant la purifier.

Sens du sacré, côté divin de la liturgie. « Divine liturgie » orthodoxe, sainte liturgie romaine. Un poème dit
plus par ce qu’il suggère. Romano Guardini, Maurice Zundel. Le poème de la sainte liturgie.

Qu’est-ce qu’on célèbre dans certaines liturgies, Dieu ou l’homme ? Or la communion entre les hommes ne
se fait que par la communion avec Dieu. Une liturgie authentique donne envie de prier, on en sort avec le
goût de Dieu. Eviter de parler après les offices pour garder le parfum de Dieu. Il faudrait que cela nous
coûte de parler après la liturgie.

La liturgie favorise et fait grandir le sens du sacré ; soin du chant, fleurs, cierges. Evoquer Dieu, laisser
Dieu à sa place, révérence, adoration, glorification de Dieu.

« Que les évêques ne se contentent pas de corriger les abus, mais expliquent clairement à leur peuple les
fondements théologiques de la liturgie et des sacrements. » (Conclusion du synode de 1985)

Les catéchètes doivent acheminer aux mystères (catéchèse mystagogique), au Mystère.

Les fruits de la réforme liturgique : simplicité, beauté, profondeur, intelligence des rites, accès au texte
biblique. Le synode termine en disant que la plus grande grâce du siècle fut le concile.

Liturgie des heures.


Elle est en majeure partie composée d’Ecriture Sainte.

Messe.
L’introït est emprunté aux psaumes.
Salutation du prêtre : Saint Paul 2 Corinthiens
Kyrie : prière des pauvres dans toute la Bible.
Gloria : la Nativité
Collecte : rassemble les diverses demandes en s’inspirant de l’Ecriture.

221
Cours de spiritualité

Lectures : Parole de Dieu proclamée avec solennité.


Psaume Responsorial  et Verset : tirés des psaumes.
Homélie : actualisation des lectures au profit de l’assemblée. Elle aide les fidèles à entrer dans l’Ecriture.
Credo : tissu résumant l’Ecriture.
Prière du prêtre « humble et pauvre » de Daniel.
Lavabo : psaume 50
Préfaces (il y en a environ 80, très belles, pour l’oraison)
Sanctus : Isaïe
Canon : le cœur est le récit de l’institution.
Notre Père : Matthieu.
Prière pour la paix : prend appui sur la parole de Jésus : je vous donne la paix.
Agnus : Jean « Heureux les invités… » « Seigneur je ne suis pas digne … » (Matthieu)
Antienne de communion : psalmique ou tirée de l’Evangile.
La messe est donc truffée d’Ecriture sainte.

L’Ecriture naît dans et pour la liturgie.

Les psaumes, lutte pour Dieu ; il y a une évolution entre le 1er psaume (Heureux l’homme qui médite) et le
149e où les rois sont enchaînés. (Cf. introduction aux psaumes par Chouraqui.)

Quand on reçoit une Parole en plein cœur (« spot ») il faut y revenir dans l’action de grâce, dans l’oraison,
toute la journée. Ne pas laisser s’éteindre cette lumière.( « Un moment » vous avez voulu jouir de sa
lumière.)

Les Psaumes, indissolublement paroles divines et paroles humaines. Réponse parfaite de l’homme à Dieu,
et dans tous les registres humains. Tout l’humain passe dans les psaumes, mais livré à Dieu, lancé à Dieu,
prié. Ils ont été chantés par l’Homme Dieu, par Marie. Un cœur à nu est proche de la vérité divine. Les plus
grandes œuvres artistiques sont souvent nées dans un moment de détresse.

Le silence est l’aboutissement normal de la musique. Il y a des musiques nées dans la sérénité (Bach),
d’autres dans l’échec, dans la souffrance.

Dieu seul est humain. (Père Bro) Lui seul sait ce qu’il y a dans l’homme. «  Les tutoyeurs de Dieu » comme
Gide appelle les psalmistes. Rien n’est plus digne de Dieu que le salut de l’homme.

Il faudrait chanter les psaumes comme si nous les composions au fur et à mesure.

Avant l’office, station : se détendre devant le Seigneur (et au début de l’oraison : les premières minutes sont
les plus importantes.)

Dom Le Gall
Malestroit les 16-18 janvier 1989

Structure de la liturgie dans son intégralité.

222
Cours de spiritualité

Constitution n° 46 : « Par l’oblation du pain et du vin (…) bénir le Seigneur qui nous crée et nous sauve
inlassablement. »

La liturgie, c’est bénir le Seigneur. Ceci vient de la bénédiction juive. L’homme est un être fait pour dire
merci. Nous ne pouvons nous épanouir que dans la joie. La création tout entière est sortie des bénédictions
divines. Bénédiction : bien dire, dire du bien. Quand Dieu dit, il fait. Dabar : dire et faire.

Prière eucharistique n° 4

Le Psaume 103 chante à quel point nous sommes bénis : « Il bénira la maison d’Israël… Nous, les vivants,
bénissons Dieu. » Bénis de Dieu, nous pouvons le bénir.

La liturgie est d’abord un acte de Dieu, dans lequel nous entrons. Il dit à Abraham : je te bénirai. Nous
devons aussi bénir les autres. Le Psaume 108 condamne le méchant en ces termes : il aimait la
malédiction, elle vient à lui ; il n’aimait pas la bénédiction, elle le quitte.

Envoyez de l’amour, bénir, et le bien vient à notre rencontre. « Là où il n’y a pas d’amour, mettez de
l’amour, et vous récolterez de l’amour. » (Saint Jean de la Croix) De Dieu nous n’avons pas à craindre de
malédictions, sinon médicinales. Les damnés sont ceux qui se maudissent. Dieu bénit jusqu’au bout. Plus
on se sait béni de Dieu, plus on bénit. (Cf. les 18 bénédictions juives. Baruch.)

« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous bénis par toutes sortes de bénédictions
spirituelles au ciel, dans, le Christ. »(Ephésien 1)

Bénis : c’est un passif. Dans la vie spirituelle, nous sommes apparemment passifs. « Tous ceux qui sont
agis par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. » (Romains 8) Nous avons là toute la vie spirituelle. Nous
recevons d’abord, et c’est en recevant d’une façon vitale, vivante, que nous emboîtons le pas à Dieu.

La liturgie dans l’Ancien Testament. Dom le Gall pages 85-88 prière d’Esdras reconnaissant l’agir divin
envers son peuple, même si celui-ci n’a pas été sans péché. Les psaumes jettent en Dieu tout l’humain.
Les bénédictions font de toute la vie une liturgie. L’eucharistie est une immense bénédiction actualisatrice
nouvelle et éternelle.

La liturgie n’est pas le tout de la vie ecclésiale. Pas de liturgisme. Elle est cependant le sommet, le centre et
la source. (Sacra Liturgia) Nous naissons comme chrétiens dans une liturgie : le baptême.

Assemblée de premiers-nés comme si chacun était unique.

La liturgie, rencontre de Dieu et de son peuple, pour la célébration de l’Alliance.

Jésus, Dieu et homme, synergie humano-divine.

Le péché originel, viol de Dieu : avoir la connaissance de Dieu sans relations avec lui. Dieu trouve
consolation dans l’homme de son repos (Genèse 5,29), Noé qui se laisse faire par Dieu.

Le vœu d’obéissance, docilité continuelle à l’Esprit Saint. C’est héroïque à cause de la durée.

Dieu se souvient. Le mémorial est d’abord l’affaire de Dieu. Arc en ciel. Le péché originel de l’alliance
noachique : la tour de Babel, qui réitère le péché originel d’Adam et Eve. Les hommes violent le ciel. L’anti-
type de Babel, c’est Pentecôte. L’Esprit Saint opère l’unité des langues. Jour par excellence de la
naissance de la liturgie ecclésiale.

223
Cours de spiritualité

Abraham devient fécond à partir de son amitié avec Dieu.

Que le Père accepte que le Fils se livre à la mort, quelle profondeur dans son amour  ! Dieu nous le livre,
nous le donne. La réparation à cause du péché est une voie de la théologie, mais pas la seule.

Joseph : peu de relations avec Dieu ; c’est toute sa vie qui est la manifestation de la providence de Dieu
pour son peuple.

Moïse est le garçon d’honneur qui va chercher l’épouse en Egypte pour la fiancer à Dieu au Sinaï. Il est le
Jean Baptiste de l’Ancien Testament. Cf. aussi Isaac et Rébecca. Yahvé fait sortir son peuple pour se l’unir
au Sinaï.

Temps des fiançailles que l’exode au désert, préfigurant les noces de l’Agneau évoquées dans
l’Apocalypse. Quand elle arrive au lieu des épousailles, son Dieu lui propose son alliance « Je vous ai
portés sur des ailes d’aigles pour vous amener jusqu’à moi. »

La liturgie constitue un mémorial de ce que Dieu est, de ce qu’il a fait et fera pour son peuple. Zacharie  : se
souvenir.

Le Deutéronome est le Saint Jean de l’Ancien Testament.

Quand notre souvenir se joint au souvenir de Dieu, le présent, le passé et l’avenir sont télescopés. En vie
spirituelle, importance du moment présent. Ezéchiel est une clef pour comprendre comme le culte est
devenu spirituel lors de l’exil. La gloire de Dieu repose sur les captifs souffrant à Babylone. «  Il m’est bon
d’avoir été humilié », avec un cœur ouvert, tout est possible alors. Rien de plus dangereux que le cœur
orgueilleux et fermé.

Comparer Isaïe 53 et Ezéchiel

Les exilés sont ceux qui passent (pâque) dans la vie de Dieu. Le dernier chant du serviteur – Isaïe 53 –
s’applique à un juste. Sacrifice de réparation Isaïe 53,12.

Sacré : caractère de ce qui est inviolable en raison d’un lien ou contact avec le divin.

 Sacré immanent : Dieu nous touche, nous maintient dans l’existence


 Sacré transcendant : nous tendons vers Lui, vers le sacré qu’Il est, à travers les séparations, des
passages.

Le rôle du prêtre est, non de tuer la victime (c’était fait par de jeunes Israélites), mais de l’offrir.

Homélie vient du grec : s’entretenir familièrement. Ce n’est pas un sermon ni un cours.

Toute mort humaine est insérée dans la mort du Christ si on n’y met pas d’opposition.
Notre rôle de témoin : « Ma doctrine n’est pas de moi », mais Jésus dit quand même ma doctrine. On
attend de nous un coefficient de présence dans le témoignage, sans occulter la vérité.

Dom Robert Le Gall

224
Cours de spiritualité

Auray 3-4 novembre 1987

Bibliographie.

Printemps de la liturgie : Lucien Deiss Levain 1979 « Entre les origines et le Vème siècle » pages 10 à 29
Louis Bouyer « Eucharistie Théologie et spiritualité de la prière eucharistique » 1966 chapitre 4 et 5
Jérémias : « La dernière Cène »
Jean Corbon : Liturgie de source : Cerf
Dom Robert Le Gall : Dictionnaire de Liturgie : « La liturgie dans l’Ancien Testament »

225
Cours de spiritualité

Le Silence

« Pour Toi, Dieu de Sion, même le silence est louange »


Psaume 65

I Approche Naturel et Biblique

Expérience : quelle définition donneriez-vous du silence ? (en quelques mots)

Communément, faire silence = se taire.

On arrête un bruit, une parole, volontairement ou non, consciemment ou non, et à la place, surgit « autre
chose. »
Exemple : Silence gêné
Emerveillé
Méprisant
Menacent
Indifférent
Respectueux, etc. …

Il y a un aspect de rupture, permettant la découverte d’autres réalités : on quitte la route nationale pour
s’enfoncer dans un chemin de terre, et peu à peu on entend le chant des grillons et mille autres bruits ;
ceux-ci existaient avant mais on ne pouvait les percevoir.

Silence de la nuit où les moindres bruits prennent tant de relief. Le silence total est hallucinant et
insupportable : on l’appelle un « silence de mort », parce qu’on n’y entend plus bruire la vie. (Expérience de
la grotte) Dans ce sens, « le silence » = le shéol ; la mort.

Le silence n’est donc pas un moins, mais un plus


Il n’est pas un vide, mais un plein.

(la définition trouvée tout-à- l’heure va-t-elle dans ce sens ?)

le silence permet donc d’entendre la vie. Cette vie révèle une présence, pas de fumée sans feu.

Présence végétale, animale, spirituelle.

C’est déjà un acte éminemment humain que d’écouter vivre le cosmos. Savoir accueillir la douceur et la
force, le murmure et la bourrasque, etc. … (la mer…)

Pour communier à la nature, il faut être en paix avec soi-même, sorte de silence…

Mais le silence permet surtout de découvrir les présences spirituelles :


o Soi-même
o L’autre.

226
Cours de spiritualité

Soi-même : au plan somatique (cela exige un très grand silence) ;


Au plan psychique, spirituel (la partie éternellement vivante, suspendue au souffle créateur de Dieu.)

L’Autre : Le silence est cet oubli de soi qui nous décentre de nous-même et nous permet de rencontrer
l’autre par l’écoute, l’accueil, le respect de son individualité. Laisser l’autre résonner en soi. Se laisser
résonner en Lui. Pouvoir rester longtemps ensemble en silence, sans gêne ni indifférence, est la preuve et
le fruit de la communion.

Cet « autre » qu’est Dieu, le silence le fait découvrir : au creux de notre être, quand on s’y enfonce
profondément ; il est notre souffle, notre principe vital.
Mais Dieu est aussi révélé : La Bible nous parle du silence qui prépare, accompagne et suit dans l’histoire
et dans sa rencontre avec l’homme. C’est la « révélation d’un mystère enveloppé de silence aux siècles
éternels. » (Romains 16,25)

Quand Dieu va visiter l’homme.

o La terre garde le silence : « Silence devant lui, terre entière » (Habaquq 2,20. Ce silence prépare la
théophanie qui suit : (Habaquq 3,3-15 (Laudes, vendredi II)

o «Silence devant le Seigneur, car le jour de Yahvé est proche. » (Sophonie 1,7)

o « Iles, faites silence devant moi… » (Isaïe 41,1)

o « Silence ! toute chair, devant Yahvé, car il se réveille et sort de sa sainte demeure. » (Zacharie
2,17)

Quand il est venu.

o Silence de crainte et de respect signifiant l’adoration de l’homme. (Exode 15,16 (Laudes, samedi I ;
Luc 9,36 : après la théophanie du Thabor ;

o Repos comblé dans l’humilité : Psaume 131,2 : « Je tiens mon âme en paix et en silence. »

o Méditation des choses de Dieu : « Quant à Marie, elle conservait avec soin tous ces souvenirs et
les méditait dans son cœur. » « Et sa Mère gardait fidèlement tous ces souvenirs en son cœur. » (Luc
2,19.51 ; Psaume 118 (tous les jours, à l’heure médiane)

Il y a dans la Bible bien d’autres endroits où il est question du silence :

o Silence de Dieu : Il connaît les siens même avant de leur parler. « Avant de te former au ventre
maternel, je t’ai connu. » (Jérémie 1,5) « Pourquoi gardes-tu le silence quand l’impie engloutit un plus juste
que lui ? » (Romains 8,29)Il se tait devant le triomphe de l’impiété. (Habaquq 1,13) Il ne répond plus à la
prière de Job. « Je crie vers Toi et tu ne réponds pas ; Je me présente et tu restes distrait. » (Job 30,20) Ce
silence est un châtiment (Isaïe 64,2), il signifie l’éloignement du Seigneur, il équivaut à un arrêt de mort et
annonce le « Silence » du shéol où Dieu et l’homme ne se parlent plus. (Psaume 94,17 ; 115,17) (Vêpres
du dimanche) Le dialogue cependant n’est pas définitivement interrompu, car le silence de Dieu peut être
aussi un reflet de sa patience aux jours d’infidélité, des hommes. « Moi je me suis tu et j’ai fermé les
yeux… » (Isaïe 57,11)

227
Cours de spiritualité

o Silence de l’homme : Il traduit la honte après le péché. « J’ai parlé à la légère ! que te répondrai-
je ? » (Job 40,4 ; Romains 3,19 ; Matthieu 22,12) La confiance dans le salut. (Lamentations 3,26 ; Exode
14,14) Il signifie que devant l’injustice des hommes, le Christ a remis sa cause à Dieu. « Ma Jésus se
taisait. » (Matthieu 26,63)

II Approche spirituelle et liturgique.

Le « silence liturgique » ou « silence sacré. »

La présentation générale du Missel romain, faisant suite à la constitution apostolique « Missale romanum »
(3 avril 1969), en parle en ces termes :

« Un silence sacré, qui fait partie de la célébration, doit aussi être observé en son temps. (cf.
Sacra Liturgia § 30) Sa nature dépend du moment où il trouve place dans chaque célébration.
Car, dans la préparation pénitentielle et après l’invitation à prier, chacun se recueille ; après
une lecture ou l’homélie, on médite brièvement ce qu’on a entendu ; après la communion, le
silence permet la louange et la prière intérieure. » ( § 23)

A son tour, la présentation générale de la Liturgie des heures dit ceci :

« Puisque, en général, dans les actions liturgiques, on doit veiller à ce qu’on « observe aussi
en son temps un silence sacré » (Sacra Liturgia § 30), on ménagera la possibilité de moments
de silence dans la célébration de la liturgie des Heures elle-même. » (§ 201)

Avec réalisme et prudence, pour faciliter au maximum la résonance dans les cœurs et la voix
de l’Esprit Saint, et pour unir plus étroitement la prière personnelle à la parole de Dieu et à la
prière officielle de l’Eglise, il est permis de ménager un intervalle de silence même après
chaque psaume, après la reprise de l’antienne, selon la coutume des anciens, et surtout si,
après le silence, on ajoute une des collectes psalmiques ; ou encore après les lectures,
qu’elles soient brèves ou longues, et avant ou après le répons.
On veillera cependant à ce qu’un tel silence n’amène pas à déformer la structure de l’office,
ou n’apporte aux participants du désagrément ou de l’ennui. » (§ 202)

« Dans la méditation solitaire, on est plus libre de s’arrêter à méditer une formule qui suggère
un élan spirituel, sans que l’office perde pour autant son caractère de prière publique. » (§
203)

Nous allons rapidement analyser ces textes du magistères et en voir les applications pratiques.

A. A la Messe :

Le silence au cours de la célébration est appelé « silence sacré. » Cela indique déjà la valeur et le poids de
son contenu. Ce n’est pas un temps morts, vide, inutile, mais un espace qui nous relie à Dieu, qui est

228
Cours de spiritualité

rempli de la présence de Dieu, et qui doit donc se vivre avec certaines dispositions intérieures et
extérieures.

Au cours de l’Eucharistie, on rencontre à plusieurs reprises ce silence liturgique ou sacré :

- dans la préparation pénitentielle, il permet à chacun de s’examiner. Ce n’est pas un silence


d’évasion individuelle, mais la possibilité d’une prière profonde et personnelle dans le cours même de la
célébration.

- après la Prière universelle, et après chaque invitation du célébrant à prier. Suit alors un
silence suffisamment prolongé pour laisser à chacun le temps de formuler ses demandes. Pourquoi, sinon,
le prêtre dirait-il : « prions », s’il se mettait aussitôt à prier seul à haute voix ? (Ce n’est pas un pluriel de
majesté.)

- après les lectures et l’homélie : on médite brièvement ce qu’on a entendu.

- après la communion, prière en silence, mais communautaire. On a trop souvent identifié :

 prière vocale avec prière liturgique et communautaire


 prière silencieuse avec prière libre et spontanée.

Ici, le silence « permet la louange et la prière intérieure. » On peut nourrir sa prière du chant de communion
et en particulier de son antienne qui a été proposée à tous.

B. A l’Office

On retrouve à l’office le « silence sacré. » Il est proposé – noter aussi le « avec réalisme et prudence » – un
intervalle de silence :

- même après chaque psaume,


- après la reprise de l’antienne, surtout si le psaume se conclut par une collecte psalmique (cf.
Psautier de la Bible de Jérusalem)
- après les lectures, brèves ou longues,
- avant ou après le répons, sans que cela n’amène à déformer la structure de l’office ou n’apporte
du désagrément ou de l’ennui…

Voilà pourquoi il est bon de comprendre le but de ces silences liturgiques :

- faciliter au maximum la résonance dans les cœurs de la voix de l’Esprit Saint.

Nous retrouvons ici ce que nous avons découvert dans la Bible : la venue de Dieu se prépare et se
prolonge par le silence. Quel silence ? Une disposition intérieure à écouter.

« Le silence intérieur réclame d’abord l’oubli de soi pour apaiser les voix discordantes et maîtriser le souci
obsédant. Il rend possible notre conversation avec Jésus Christ. »

Il exige aussi beaucoup de bienveillance pour autrui : comment écouter en soi la voix de l’Esprit si on
est continuellement mécontent des autres, agacé par eux, si on leur prête des intentions, si on les
condamne, si on s’épuise à les vouloir autres qu’ils ne sont… ? «  Si maladroite que soit parfois notre
louange, il importe avant tout quelle demeure un lieu de pacification intérieure. Les remarques non
constructives viennent atténuer paix et joie. » (Roger Schütz. « Unanimité dans le pluralisme. »)

229
Cours de spiritualité

Il permet de garder le sens du mystère. La ferveur ne peut se nourrir de la seule explication. A elle seule
l’intelligence ne peut pas saisir le mystère du Christ. C’est pourquoi il est si important de laisser résonner en
soi la voix de l’Esprit. Le silence de l’âme est « une prière, un désir et déjà une possession par Dieu. »

- unir plus étroitement la prière personnelle à la Parole de Dieu et à la prière officiel de l’Eglise.
Les intervalles de silence permettent en effet d’harmoniser notre besoin légitime de prière personnelle et
les exigences requises par la prière du groupe. Ils permettent aussi à la Parole de Dieu de nous atteindre
chacun au creux de notre vie, nous provoquant à une conversion personnelle (avec aussi la conséquence
qu’une même Parole écoutée et méditée ensemble aura toute chance d’opérer une conversion
communautaire. )

Si une communauté rassemblée pour prier est ainsi attentive à écouter son Dieu, il en découlera forcément
une absence de bruits : le silence extérieur est un fruit du dialogue avec Dieu. Demander à des gens de ne
pas faire de bruit ne peut que les ennuyer ou les agacer, si leur esprit et leur cœur n’est pas pris par
quelque chose de plus captivant. Au lieu du schéma habituellement proposé : silence extérieur, silence
intérieur, écoute de Dieu, je crois qu’il faut penser : conversation avec Dieu, silence intérieur, silence
extérieur. La qualité de vie contemplative d’une communauté en prière se perçoit à la densité de son
silence. C’est aussi le fruit d’une communion : rappelons-le, les temps de silence, au cours des
célébrations, ne sont pas faits pour s’évader ni s’isoler, mais pour nous rassembler dans l’unique mystère
de Dieu.

Pour conclure, on peut dire que le silence est Accord :


 Avec Dieu,
 Avec soi,
 Avec les autres.

« Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. »


1 Samuel 3,10

Lucernaire

Le lucernaire est une prière qui avait lieu le soir, au moment et à l’occasion de l’allumage des lampes, chez
les Juifs de et dans l’antiquité chrétienne.

L’office du soir tire son origine d’un usage juif : la bénédiction de la lampe, au coucher du soleil. Ce rite
consista tout d’abord en une simple action de grâce, à laquelle s’ajoutent un ou plusieurs psaume, une
monition diaconale, une prière litanique, une hymne et une bénédiction finale. Jusqu’au IV ème siècle, ce
lucernaire fut, de la sorte, une prière d’action de grâce pour le bienfait de la création ou de la rédemption,
avec une demande de secours pour le temps de la nuit.

230
Cours de spiritualité

L’hymne « Joyeuse lumière » date du IIIème siècle (Tradition apostolique d’Hyppolite) et elle est chantée
chaque soir dès le V ème siècle. Les Ières Vêpres du dimanche étaient particulièrement solennelles, et le
Lucernaire se prolongeait en une longue veillée qui mettait l’église dans une atmosphère pascale (c’est
probablement du lucernaire qu’est venu le cierge pascal.)

La lampe, le luminaire sont : signe de joie


Rappel d’une présence sacrée
Symbole de la prière dont ils témoignent ou à laquelle ils invitent.

La lampe est symbole de la présence divine


- « c’est toi, Seigneur, ma lampe »
- Dieu qui nous éclaire par sa Parole
Par ses commandements
Par son Fils

Symbole de la présence humaine


- signe de fidélité
de continuité de la prière
de témoignage : le chrétien doit briller comme un foyer de lumière. 

Bibliographie : Introduction à la liturgie Martimort page 795 et passim

V.T.B. (Vocabulaire Théologique et Biblique) : Lampe – Lumière

L’Encens

1. Les offrandes d’Encens

Elles tiennent une place importante dans tous les cultes païens de l’Antiquité et le rituel juif de l’Ancien
Testament ne fait pas exception.

L’encens est une résine aromatique, tirée du tronc de divers arbres qui poussent dans les régions sub-
tropicale. C’est donc une matière précieuse, un raffinement dans le culte, d’ailleurs commun à toutes les
religions orientales.

Pour faire l’offrande d’encens, on prenait des charbons sur l’autel des parfums, ou des holocaustes,
(rappelez-vous, dans Isaïe, 6,6 le Séraphin qui prend une braise sur l’autel pour purifier les lèvres du
prophète) et on répandait sur la braise la poudre aromatique ; on portait le tout sur l’autel des parfums,
devant le Saint des Saints.

231
Cours de spiritualité

Cette offrande des parfums devait se faire le matin et le soir de chaque jour. Si vous relisez Luc 1, 8-12,
vous verrez que c’est pendant cette action que Zacharie eut la vision de l’Ange du Seigneur « debout, à
droite de l’autel de l’encens. »

Le Lévitique prévoit que l’encens accompagne l’oblation (Lévitique 2, 1-2) et qu’il sera déposé sur les pains
de proposition (Lévitique 24,5-7)

Dans l’Apocalypse, au Temple du Ciel, le même rite continue de s’accomplir, servi par les anges, mais la
vision n’est que symbolique : ce sont les prières des saints qui sont offertes. (Apocalypse 8,3-5 ; 5,8)

Malgré ces antécédents bibliques, l’Eglise d’Occident tarda longtemps à faire brûler de l’encens dans la
liturgie, peut-être parce que ce geste avait une signification idolâtrique dans le paganisme ambiant.

L’Orient n’avait sans doute pas de si désagréables souvenirs. A Jérusalem, dès la fin du IVème siècle,
l’usage de l’encens est attesté et il se répand largement dans la suite (et dans la liturgie actuelle.)

A Rome, l’encens et les brûle-parfums ont été largement utilisés dans le culte des morts où cet usage était
traditionnellement admis.
Il fut employé aussi pour assainir, embaumer l’atmosphère, et pour vénérer les lieux, les objets du culte,
spécialement :
- Le Livre de la Parole,
- L’Autel,
Qui représentent tous deux le Christ.

2. Signe et symbolisme

L’encensement est, en effet, un signe


 D’adoration
 De vénération

Le fait que l’encens soit une matière assez précieuse et coûteuse montre aussi qu’il est bon et normal
d’offrir à Dieu ce que la nature produit de plus beau, de plus raffiné. Il y a là une dimension de gratuité dans
le culte qu’il nous est bon d’expérimenter (Cf. Marie de Béthanie et le nard précieux.)

L’Orient a d’instinct ce sens du gratuit et aussi se sens du symbole, car l’encens symbolise aussi la prière
qui monte vers Dieu : Psaume 140,2, comme la fumée monte vers le ciel. Peut-être notre esprit un peu trop
cartésien a-t-il besoin de s’effacer pour que nous nous laissions « saisir » par ces symboles : de la fumée
qui monte,
une odeur qui emplit le sanctuaire,
le geste des mains qui offrent l’encens.

3. Dans notre liturgie

Nous connaissons l’encensement au cours de la messe (cf. Lévitique 24 ; l’encens déposé sur les pains
de proposition, l’encensement des oblats)

Encensement de l’autel qui symbolise le Christ,

232
Cours de spiritualité

de l’Evangéliaire,
des personnes.

En dehors de la messe : Encensement du corps d’un défunt, de la tombe, etc. … (dès le IV ème siècle, pour
marquer le caractère triomphal des funérailles chrétiennes, victoire remportée sur la mort.)

C’est un signe de respect pour tout ce qui participe, de près ou de loin, en réalité ou symboliquement, à la
grâce rédemptrice du Christ Sauveur.

Au cours de l’Office : Offrande de l’encens pour rappeler le culte juif que Jésus a vécu et exprimer
l’offrande de notre prière, de nos personnes, en sacrifice de louange. 

Bibliographie :
Dictionnaire de la Foi chrétienne : les Mots page 258
Dictionnaire biblique. Dhelly page 333
Introduction à la Liturgie. Martimort page 165-166 et passim
Les institutions de l’Ancien Testament. R. de Vaux page 285. 301

Dans la Bible

Jérémie 17,26
Exode 30,34-38 ; 30, 7-8
Isaïe 60,6 Luc 1,9
Lévitique 2,1-2 ; 16,12-13 ; 24,5-7 2 Chroniques 26,16-18
Malachie 1,11 Apocalypse 8,3-5 ; 5,8
Psaume 140,2

Symbolisme naturel et biblique de l’Eucharistie

I Le Pain

A Symbolisme du pain

1. Le pain est, au moins dans les pays de civilisation méditerranéenne, la nourriture par excellence. Le
pain est donc ce qui fortifie, ce qui réconforte. Il est donc avant tout un symbole nature de force. (Psaume
103,15 ; Genèse 18,5 Abraham ; I Rois 19,4-8 Elie)

2. Une autre annonce prophétique du pain eucharistique dans l’Ancien Testament, beaucoup plus
importante, est celle de la manne. (Exode 16,4 ss ; Nombre 11,4-9) Cet événement est repris dans la
Tradition qui lui donne une place importante. (Deutéronome 8,3 ; Sagesse 16,20-21 ; Psaume 77,24-25 ;
Psaume 104,40.)

233
Cours de spiritualité

3. Il existe une autre ligne de symbolisme du pain, moins spontanée et beaucoup moins développée : le
pain est le résultat du travail de l’homme, il est même en quelque sorte le premier produit fabriqué par
l’homme et, en conséquence, il est comme le résumé et le symbole du travail humain.

Or ce travail humain est caractérisé par le fait qu’il demande un effort, c’est un travail pénible et la Bible
nous apprend que ce caractère pénible du travail est la punition du péché originel. (Genèse 3,19) Le pain
devient ainsi le symbole de la peine de l’homme.

Bien que l’idée soit un peu différente, on peut rapprocher de cela l’idée de renoncement, de souffrance et
de mort nécessaires pour le progrès de la vie que le Christ voit symbolisée dans le grain de blé. (Jean
12,24 « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas… »)

4. Le pain est symbole d’unité. Ceci n’est pas nettement souligné dans la Bible. Par contre, nous lisons
dans la Didaché (IIème siècle) un texte magnifique et vénérable soulignant l’unité du morceau de pain fait du
mélange d’une quantité de grains.

B. le pain de froment.

La matière de l’Eucharistie est nécessairement du pain de froment. L’Eglise l’exige absolument. La raison
en est tout simplement que le Christ à la Cène a lui-même utilisé du pain de froment. Nous somme ici
devant un cas particulier où le Christ a précisé la matière exacte du sacrement. Le pain a été choisi parce
que nourriture commune, par excellence. On voit bien par l’ensemble de l’ordre sacramentel que le Christ a
choisi les éléments courants, les plus immédiatement parlants.

C. le pain azyme.

C’est-à-dire non fermenté, sans levain.


Doit-on utiliser pour l’Eucharistie du pain ordinaire ou du pain azyme ?

a) Il est certain que le repas pascal d’après la législation juive devait se prendre avec du pain
azyme, en souvenir des événements de l’Exode. (Exode 12,8 ; 12,15-20 ; Lévitique 23,5-6)

b) Il est donc très vraisemblable que Jésus à la Cène a utilisé du pain azyme. Ce n’est pas une
certitude cependant. Les textes évangéliques disent seulement : « du pain ». D’autre part, le rituel du repas
pascal était très précis et on fait remarquer que le Christ a dérogé à ce rituel en plusieurs points,
probablement parce qu’à son époque on ne l’observait plus d’une façon aussi rigoureuse. Par exemple, il
est demandé que le repas pascal se prenne debout, le bâton à la main. Il est manifeste que, à la Cène, le
Christ et ses apôtres ont mangé allongés sur des divans bas, selon la coutume romaine. Ceci semble
résulter de plusieurs passages de l’Evangile. (Jean 13,4 « Jésus se lève de table… » ; Jean 13,25 « Le
disciple, se penchant alors vers la poitrine de Jésus… » Jean 14,31 « Levez-vous, partons d’ici. »

D’ailleurs, il n’est pas absolument certain que la Cène ait été le repas pascal. En effet, d’après Jean 18,28
« Les Juifs n’entrèrent pas au prétoire pour ne pas se souiller et pouvoir ainsi manger l’agneau pascal », il

234
Cours de spiritualité

semble bien que le repas pascal

On peut donc seulement dire qu’il est probable que Jésus s’est servi de pain azyme à la Cène.

c) Ce qui est certain c’est que l’Eglise primitive s’est servie de pain ordinaire pour l’Eucharistie et
c’est la coutume aujourd’hui encore en Orient. (sauf chez les Arméniens.)

En Occident, l’introduction du pain azyme est tardive-vers le IXème siècle. Il n’est devenu obligatoire qu’à
partir du XIème siècle. Cette modification a été faite, semble-t-il, par souci archéologique et aussi pour des
raisons de commodité. Le pain azyme est plus blanc et plus beau, il fait moins de miettes et surtout il se
conserve mieux.

d) Là dessus de superposé le symbolisme de l’azyme (I Corinthiens 5,7-8) « Débarrassez-vous du


vieux levain pour être une pâte nouvelle… »)

Sur le ferment comme symbole de méchanceté, Matthieu 16, 6 ss « Méfiez-vous du levain des
Pharisiens »)

Il y a donc dans le Nouveau Testament une tradition selon laquelle le levain, et donc le pain levé, a un sens
péjoratif. Ce qui semble une justification par le symbolisme de l’Ecriture, de l’usage eucharistique du pain
azyme. Mais à y regarder de plus près, on troue aussi dans l’Evangile un symbolisme inverse : le ferment
est principe de dynamisme et de vie. (Matthieu 13,33) « Le royaume des cieux est semblable au levain
enfoui dans trois mesures de farine jusqu’à ce que tout ait levé. »

e) De toutes façons, ces symbolismes sont lointains et peuvent se prendre en divers sens. Le plus
décisif contre le pain azyme – pour les gens d’aujourd’hui du moins – ce pain n’a pas l’air d’être du pain.
Ce qui est tout de même une considération importante pour une signe. Ajoutons que le pain azyme se prête
mal à la fraction et son usage a été une des causes de l’abandon de geste absolument capital.

II. Le Vin
Le vin présente un symbolisme plus riche et plus complexe que le pain. Certes le vin n’est pas la boisson la
plus courante (ce serait plutôt l’eau), mais il est la boisson la plus appréciée – du moins dans la civilisation
méditerranéenne. Il est certain que l’usage du vin est encore moins universel que celui du pain. Ceci
appellerait donc des remarques analogues à celles qui ont été faites ci-dessus sur la matière de
l’Eucharistie en Extrême-Orient par exemple. Mais, ceci dit, le vin est – du moins pour les peuples qui le
connaissent – un symbole très riche.

a) Vin, symbole de la joie ; ce qui est lié à l’expérience, très commune, de l’ivresse et de l’euphorie
qu’elle procure.

1. Et ceci se voit dans la Bible, au moment de l’ivresse de Noé (Genèse 9,20-21). D’ailleurs ce
symbolisme est appliqué à l’action divine parmi les hommes. (Psaume 64,10) « Tu visites la terre et tu
l’enivres. »

235
Cours de spiritualité

C’est l’idée que la présence de Dieu est une joie débordante qui dépasse la raison humaine normale.
L’idée que le vin est cause de joie est dans toute la Bible (Les ligues anti-alcooliques ne peuvent trouver de
fondement scripturaire à leur doctrine.) (Psaume 103, 15) « Le vin qui réjouit le cœur de l’homme. » (Juges
IX, 13) « Mon vin qui réjouit les dieux et les hommes. » (Ecclésiastique XXI, 27-28) « Le vin c’est la vie pour
l’homme. Il a été créé pour la joie des hommes. Gaîté du cœur et joie de l’âme, voilà le vin… »
(Il faut noter cependant que ce dernier texte fait partie d’un plaidoyer pour l’usage modéré du vin et contre
l’ivresse.) Voir encore (Ecclésiastique XXXII, 6 ; XL, 20) « Le vin et les boissons fortes mettent la joie au
cœur, mieux encore, l’amour de la sagesse. »

2. Ce dernier texte nous introduit à un nouveau plongement symbolique.

Vin, symbole de sagesse : (Proverbes IX, 2-5) « La Sagesse… a abattu ses bêtes, préparé son vin. Elle a
dressé sa table… Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai préparé. » (Ecclésiastique 24,17) « Je
(La Sagesse) suis comme une vigne aux pampres charmants et mes fruits sont des produits de gloire et de
richesse. »

3. Dès lors le vin est symbole de renouvellement, de jeunesse c’est le thème du vin nouveau, pris
d’abord comme image de la prospérité. Ainsi (Proverbes III, 10) « Les cuves déborderont de vin nouveau. »
Mais qui devient dans le Nouveau Testament le symbole de l’Alliance Nouvelle (Marc 11,22) «  Personne ne
met de vin nouveau dans de vieilles outres mais à vin nouveau, outres neuves » ; et surtout le miracle à
Cana (Jean II ; Luc 12 en particulier au verset 10) « Tout le monde sert d’abord le bon vin et quand les
gens sont gais, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ? »

4. Le vin est, par là même, un symbole eschatologique. Il est promesse de joie, d’abondance, de
renouvellement. (Zacharie X, 7) « Leur cœur se réjouira comme par le vin, leurs fils regarderont joyeux leur
cœur jubilera en Yahvé. » La même idée est souvent reprise : abondance du vin comme signe des temps
messianiques. (Osée 11,24) « Je répondrai aux cieux et eux répondront à la terre et la terre répondra au
blé, au vin, à l’huile fraîche… » (Jérémie 31,12) « Ils afflueront vers les bénédictions de Yahvé, vers le blé,
le vin nouveau et l’huile. » (Amos IX, 14) « Voici venir des jours : Les montagnes laisseront couler le vin
nouveau, toutes les collines en seront ruisselantes. » Cette portée eschatologique du vin est reprise par le
Christ en (Matthieu XXVI, 29) « Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne
jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père.  » Cette phrase, qui suit
immédiatement dans l’Evangile, l’institution de l’Eucharistie nous est une affirmation précieuse de
l’aboutissement de cette ligne symbolique dans le rite sacramentel lui-même.

En bref, le vin est donc symbole de joie – d’ivresse – de renouvellement et de la béatitude éternelle.

b) D’autre part, peut-être en raison de sa couleur rouge, le vin est, aussi, symbole de souffrance.

1. Ainsi l’expression : le sang de la grappe. (Deutéronome XXXII, 14) « .. pour boisson le sang de la
grappe qui fermente. » (Genèse 49,11) « Il lave son vêtement dans le vin, son habit dans le sang des
raisins. »

236
Cours de spiritualité

L’image et sa richesse symbolique est magnifiquement développée dans l’oracle prophétique d’Isaïe 63,1-
6 :

« Quel est celui qui arrive d’Edom en habits tachés de pourpre ? … Pourquoi te drapes-tu de
rouge et vêts-tu comme un fouleur au pressoir ? – A la cuve, j’ai foulé solitaire. Des gens de
mon peuple nul n’était avec moi. Alors, dans ma colère, je les ai foulés, je les ai piétinés dans
ma fureur. Leur jus a giclé sur mes habits et j’ai taché tous mes vêtements… L’année de ma
Rédemption était échue. Je regardai : point d’aide… Alors ma fureur me soutint. J’écrasai les
peuples dans ma colère et je fis ruisseler à terre leur jus. »

2. Parallèlement à cela, sens sacrificiel du vin. Déjà l’ivresse de Noé suit la conclusion de la
première Alliance, mais aussi l’Alliance mosaïque comporte des offrandes de vin. (I Samuel 1,24) «  Anne
emmena Samuel avec elle, ainsi qu’un taureau de trois ans, une mesure de farine et une outre de vin et
elle entra au Temple de Yahvé. »

Voir les libations rituelles de vin dont parlent : (Osée IX, 4) « Ils ne feront plus à Yahvé des libations de vin,
ils ne lui offriront plus de sacrifices… » (Exode XXIX, 40) « Avec le premier agneau tu offriras un dixième de
mesure de leur de farine… et une libation d’un quart de setier de vin. » (Nombre XV, 5-10)

c) Dans cette ligne, c’est surtout la coupe ou le calice qui a pris traditionnellement un sens sacrificiel.

1. Dans la Bible on trouve souvent l’expression : la coupe de la colère de Dieu. (Isaïe 51,17) « Toi qui
as bu de la main de Yahvé la coupe de sa colère, le calice du vertige, tu l’as bu, tu l’as vidé.  » (Jérémie
13,13) « Voici que je vais remplir d’ivresse tous les habitants de ce pays, les rois qui occupent le trône de
David, les prêtres et les prophètes, et tous les habitants de Jérusalem … » ; (Jérémie 25,15-17) « …
Prends de ma main cette coupe de vin de colère et fais-la boire à toutes les nations…  » ; (Jérémie 51,7 )
Babylone était une coupe d’or aux mains de Yahvé, elle enivrait la terre entière, les nations s’abreuvaient
de son vin, c’est pourquoi elles devenaient folles. Soudain Babylone est tombée, s’est brisée… » ;
(Ezéchiel 23,32-34) « Tu boiras la coupe de ta sœur, coupe profonde et large, qui fera rire et se moquer,
tant sa contenance est grande. Tu seras remplie d’ivresse et de douleur. Coupe de désolation et de
dévastation… » ; (Zacharie 12,2) « .. Je fais de Jérusalem une coupe de vertige pour tous les peuples
alentour… » (Psaume 74,9) « Yahvé a en main une coupe, où fermente un vin épicé ; il en versera, ils en
suceront la lie, ils boiront, tous les impies de la terre… » (Psaume 59,5) « Tu nous fis boire un vin de
vertige… » Ce thème est repris en (Apocalypse 14,9-10 « … Lui aussi boira le vin de la fureur de Dieu, qui
se trouve préparé, pur, dans la coupe de sa colère. » ; (Apocalypse 15,7) « Puis, l’un des quatre Vivants
remit aux sept Anges sept coupes en or remplies de la colère du Dieu qui vit pour les siècles des
siècles…. »

2. Parallèlement coupe signifie symbole du destin, usage très répandu parmi les devins pour faire
leur divination. D’où l’idée que la coupe égale : le sort. (Psaume 10,6) « Il a fait pleuvoir sur les impies des
charbons de feu, de soufre, et dans leur coupe un vent de flamme. » (Psaume 15,5) « Yahvé » est ma part
d’héritage et ma coupe. » Ce n’est donc pas toujours un destin tragique.

237
Cours de spiritualité

3. Pour la conjonction de ces deux idées : la coupe de la colère et cette coupe qu’est la destinée, à
nombreuses reprises nous avons dans l’Evangile l’utilisation par le Christ de ce symbole de la coupe pour
désigner sa Passion. (Matthieu 20,22-23) « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? – Nous le
pouvons, dirent-ils. – Soit, vous boirez ma coupe… » Au jardin des oliviers (Matthieu 26,39 et 42) « Mon
Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. » (Jean 18,11) « Remets ton glaive dans le
fourreau. La coupe que m’a donnée le Père, ne la boirai-je pas ? »

Donc, en même temps que le vin est symbole de joie, le vin et surtout la coupe symbolisent la colère de
Dieu, le destin, et, dans l’Evangile, la Passion du Christ.

d) D’autre part, le vin est le produit de la vigne.

1. Or la vigne a un passé symbolique très riche dans la Bible, elle est le symbole d’Israël. (Isaïe 5,1-7)
« Que je chante à mon ami le chat de son amour pour sa vigne… » ; (Jérémie 2,21) « Je t’avais plantée
comme un cep de choix… » ; (Ezéchiel 15,1-8 ;17,3-10 ;19,10-14) ; (Osée 10,1) « Israël était une vigne
luxuriante. » (Psaume 79,9-17) « Il était une vigne, tu l’arraches d’Egypte… »

2. Ce thème est repris dans l’Evangile : Matthieu 20,1-16 : parabole des ouvriers envoyer à la vigne ;
Matthieu 21,28.31 : parabole des deux fils envoyés à la vigne. Et surtout Matthieu 21,33-34 : parabole des
vignerons homicides, résumé de l’histoire d’Israël jusqu’à la passion du Christ. Enfin le texte qui transporte
à l’Eglise ce symbolisme de la vigne : (Jean 15,1-6) « Je suis le vrai cep et mon Père est le vigneron… » La
vigne devient donc le symbole des chrétiens unis au Christ.

3. Le vin est donc symbole de participation à la vie de la vigne et d’une participation commune. Boire le
vin, c’est faire partie d’une communauté, d’un corps, dont le vin est comme la sève qui circule entre les
membres. De même que le pain réunit en lui plusieurs grains de froment, de même le vin est quelque
chose qu réunit en soi le produit d’une multitude de grains. D’ailleurs le texte de la Didaché cité plus haut,
continue en faisant allusion au vin : « Au sujet de l’Eucharistie, bénissez ainsi : Nous te bénissons pour la
sainte vigne de David… »

Donc en résumé, le vin est symbole de joie


symbole de souffrance, de pénitence.
A la limite, il désigne la Passion du Christ.
Comme produit de la vigne : symbolisme de la vigne, c’est-à-dire de la sève qui circule dans le corps que
forme le peuple d’Israël, l’Eglise réunie au Christ.

III Le Repas

a) Le repas est avant tout un symbole fraternel universel. Il ne s’agit pas seulement de se nourrir, de
manger du pain et de boire du vin, il s’agit de manger ensemble, à la même table, de partager ensemble le
même repas. Ce symbolisme du repas est absolument naturel. Dans toutes les civilisations, le repas est

238
Cours de spiritualité

par excellence l’occasion de la rencontre, de l’échange, de l’intimité. La phrase d’une si profonde


intensité (d’Apocalypse 3,20) n’est que l’expression chrétienne de ce symbolisme du repas : « Voici que je
me tiens à la porte et je frappe… »

Ceci va beaucoup plus loin que les symboles d’unité que nous avons relevés dans la constitution même du
pain et du vin. Il ne s’agit plus seulement d’observer que le pain unique est le produit d’une multitude de
grains de blé et le vin d’une multitude de grappes de raisins, il s’agit ici du geste immédiatement parlant de
rompre le pain pour le partager avec l’autre, de faire passer de mains en mains et de bouche en bouche la
même coupe de vin, en un mot de partager la même table. Saint Paul exprime magnifiquement ce signe
d’unité. (I Corinthiens 10,17) « un seul pain à nous tous qui ne formons qu’un seul Corps, car tous nous
avons part au même pain. »

D’où l’importance capitale du geste de la fraction du pain, typique du repas pris en commun. Ce geste,
accompli par le Christ à la Cène, est si caractéristique du repas eucharistique que c’est en le voyant faire
que les disciples d’Emmaüs reconnaissent le Christ (Luc 24,35) et que ce cette expression «  fraction du
pain » servit à désigner l’Eucharistie dans l’Eglise primitive. (Actes des Apôtres 2,42 ; 20,7 ; 27,35)

Quant à la coupe qu’on se passe, elle est symbole d’alliance largement utilisé chez beaucoup de peuples.

b) Symbole fraternel, le repas est par là même symbole de joie et de fête. (Cantique 5,1) « Mangez,
amis, buvez, enivrez-vous, mes biens-aimés ! (Deutéronome 12,7) « Vous mangerez en présence de
Yahvé et vous vous réjouirez. »

Le Christ lui-même reprend cette idée. (Luc 5,33) « Pourquoi tes disciples ne jeûnent ils pas ?… »

C’est pourquoi le repas apparaît comme le résumé des promesses de Yahvé. (Psaume 21,22) « Les
pauvres mangeront et seront rassasiés. » (Psaume 22,5) « Devant moi tu apprête une table et ma coupe
déborde. » (Luc 6,21) « Heureux vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. »

D’où la portée eschatologique du repas. La Sagesse invite tous les hommes au festin. (Proverbes 9,2-5)
« … Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai préparé ! » (Ecclésiastique 24,19) « Venez à moi
vous qui me désirez et rassasiez-vous de mes produits… Ceux qui me mangent auront encore faim et ceux
qui me boivent auront encore soif… »

L’image du festin messianique revient à plusieurs reprises dans la Bible. « Yahvé prépare pour tous les
peuples un festin de viandes grasses, un festin de viandes grasses et juteuses, de bons vins…  » (Isaïe
55,1-3) « Ecoutez-moi et vous mangerez de bonnes choses, vous vous délecterez de mets succulents.
Vous tous qui avez soif, venez aux eaux… Achetez et consommez sans argent. »

Cette image du repas eschatologique est reprise dans l’Evangile. (Matthieu 8,2) « Je vous le dis en vérité,
beaucoup viendront du Levant et du Couchant prendre place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans
le royaume des cieux. » Et aux disciples. (Luc 22,29-30) « Et moi je dispose pour vous du Royaume. Vous
mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume. »

A cette promesse fait écho (Apocalypse 3,20) qui évoque sous l’image du repas tout à la fois la communion
eucharistique, la présence du Christ par la grâce dans l’âme, et le repos de la béatitude.

Citons encore les paraboles du festin des noces : (Matthieu 22,3 ; Luc 14,15-24) et surtout le repas des
noces de Cana, (Jean 2,11), première manifestation de Jésus par laquelle il inaugure sa mission, et qui se

239
Cours de spiritualité

présente donc comme la réalisation du repas messianique. Portée extrêmement grande de ce mystère de
Cana, qu’il ne faut pas considérer uniquement comme un texte mariologique. La Vierge intervient dans ce
miracle, mais la signification est beaucoup plus ample : c’est l’éclatement de la gloire messianique de
Jésus.

c) Dimension sacrificielle du repas.

1. Dans beaucoup de religions, la religion juive en particulier, le repas est un rite sacrificiel. Il est
l’achèvement et la consommation du sacrifice, les fidèles mangeant la chair de la victime offerte. (Lévitique
6,9) « Aaron et ses fils mangèrent le reste sous forme de pains sans levain… »

2. Mais le repas sacrificiel le plus important dans la Bible est celui de l’Agneau pascal (Exode 12,1-4)

3. Notons encore le « sacrifice » de Melchisédech qui consiste uniquement en une oblation et un repas
de pain et de vin. (Genèse 14, 18-20)

d) Tout ce symbolisme du repas vient aboutir dans l’Evangile où les repas du Christ tiennent une
place importante.

La Cène, Cana, dont il a déjà été question ; et bien d’autres repas : Luc 7,36-50 au cours duquel une
pécheresse essuie les pieds de Jésus, Jean 12,1 à Béthanie.

On peut remarquer qu’un grand nombre d’enseignements de Jésus sont donnés au cours de repas ou à
l’occasion de repas : (Luc 11,37 ; 14,1-34 ; 15,2 ; Matthieu 9,10-13)

Parmi toutes les scènes de repas de l’Evangile, il faut relever plus particulièrement les miracles de
multiplication des pains. Leur importance tient à ce que les gestes de Jésus y préfigurent et annoncent
implicitement ceux de la Cène et donc de la Messe (au point que le texte du canon à introduit dans le récit
de l’institution tel détail emprunté aux récits de multiplication des pains.) (Matthieu 14,13-21 ; 15,32-39 ;
Jean 6,11)

Le début de cet épisode, Matthieu 15,32, présente Jésus comme le père de famille plein de miséricorde et
d’attention pour ses enfants qui ont faim :

« J’ai pitié de cette foule… » « … Je ne veux pas les renvoyer à jeun, ils pourraient défaillir en
route. »

Jésus apparaît donc ici en filigrane comme le bon berger qui conduit son troupeau vers les pâturages. Ce
thème qui présente le repas comme le symbole du gouvernement miséricordieux de Dieu sur les hommes
est abondamment développé dans la Bible : (Psaume 22,1-3 ; Isaïe 49,9-10 ; Ezéchiel 34,11-16 : « Voici
que j’aurai soin moi-même de mon troupeau… »

240
Cours de spiritualité

L’annonce de l’Eucharistie dans les miracles de multiplication des pains est souligné dans l’Evangile de
Jean chapitre 6, qui commence par le récit de la multiplication des pains et se prolonge par le discours sur
le pain de vie : 6,26-27.

Le Christ se présente alors comme le pain véritable : verset 35 :

« Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n’aura jamais faim, qui croit en moi n’aura plus jamais
soif. »

En fin il annonce explicitement sa Passion et l’Eucharistie : verset 51 :


« Et le pain que, moi, je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. »

Parmi les repas du Christ que nous relate l’Evangile, il faut faire une mention spéciale des repas du Christ
ressuscité. Il est remarquable en effet que presque toutes les apparitions du Christ ont eu lieu au cours d’un
repas ou donne lieu à un repas.

Apparition aux disciples d’Emmaüs qui reconnaissent le Christ à la fraction du pain.


Apparition aux apôtres relatée juste après : (Luc 24,41-43 ; Marc 16,14 ; Jean 21,1-23 : sur les bords du lac
de Tibériade)

C’est encore à table que nous retrouvons Jésus et ses apôtres au moment où il va les quitter le jour de
l’Ascension : (Actes 1,4)

Aussi bien, comprend-on que pour les premiers disciples, ce souvenir des repas pris avec Jésus ressuscité
ait gardé une extrême importance et que ces repas aient été irrésistiblement évoqués pour chaque repas
eucharistique. Nous en trouvons la trace dans le témoignage vibrant de Pierre Actes 10,40-41 :

« Dieu l’a ressuscité le troisième jour et lui a donné de se manifester, non à tout le peuple,
mais aux témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui
après sa résurrection des morts. »

Conclusion

En résumé, si le pain présente un symbolisme assez simple, celui de la nourriture de base qui donne la
force, le vin est en même temps un symbole de joie débordante – et par là une image de la béatitude – et
un symbole de souffrance, et en fin de compte de la passion du Christ.

Le geste du repas amplifie ces deux lignes symboliques :

- une part il est signe de fête et image eschatologique,


- d’autre part il est lié au sacrifice dont il est fréquemment le rite terminal comme repas sacrificiel de
communion à la victime.

241
Cours de spiritualité

Mais tout ceci repose sur une valeur symbolique plus fondamentale et universelle : le repas est signe
d’unité, d’échange, de partage fraternel. Enfin, pour un chrétien, le geste du repas est chargé du souvenir
des repas du Christ qui, à la lecture de l’Evangile, apparaissent un peu comme le symbole même de
l’Incarnation : Dieu, en Jésus, venu partager la vie des hommes en ce qu’elle a de plus intime, lui qui est
passé parmi nous, mangeant et conversant avec nous.

La signification de l’Eucharistie va plus loin ; certes. Présence réelle du Christ vivant, actualisation efficace
du sacrifice de la Croix, l’Eucharistie, déborde cette base symbolique. Mais puisque Jésus a choisi pour
sacrement suprême le signe d’un repas, d’une nourriture et d’une boisson, c’est à partir de cette base
symbolique et sans jamais l’oublier qu’il faut tenter de pénétrer plus avant dans le mystère.

Cours du Père Revel


Les Sacrements

242
Cours de spiritualité

Table des matières :

Chapitre I « Marche en ma Présence » 1

Genèse 17,1___________________________________________________________________1
Marcher.______________________________________________________________________________1
Dieu est.______________________________________________________________________________2
Transcendance et immanence.____________________________________________________________2

Pour nous qu’est-ce que marcher en présence de Dieu ?__________________________________3

Le Christ qu’on adore et nourrit à l’hospice 4

du Grand Saint Bernard 4


Marche en ma présence. Telle est l’invitation programme que les Chanoines du Grand Saint Bernard font à
ceux qui veulent, dans leur cadre très concret de la montagne, entrer plus avant dans l’intimité de Dieu.___4

Abraham 6
1. les faits_____________________________________________________________________________6
2. Qui est Abraham ?____________________________________________________________________6
3. Comment Dieu apparaît-il dans ce dialogue ?_______________________________________________6
4. Que dit Dieu ?_______________________________________________________________________7
5. Comment Abraham répond-il à la Parole ?_________________________________________________7

Chapitre II « Désir de Dieu » 9


Le désir.______________________________________________________________________________9

Saint Augustin : le Désir de Dieu_________________________________________________11


L’impossible bonheur___________________________________________________________________13
« Je veux être heureux »________________________________________________________________13
Invité à sa table_______________________________________________________________________14

Le désir de Dieu_______________________________________________________________14

Chapitre III : « La Foi » 16


Qu’est ce que la foi ? __________________________________________________________________16
Lumière – obscurité de la foi._____________________________________________________________20
Conclusions pratiques.__________________________________________________________________21

Chapitre IV : « La Pureté de Cœur » 22

« Bienheureux les cœurs purs : ils verront Dieu. » (Matthieu 5,8)______________________22


Pureté du cœur par rapport aux choses.____________________________________________________22
Pureté du cœur par rapport aux personnes._________________________________________________22
L’amitié______________________________________________________________________________23
Pureté de cœur par rapport à Dieu.________________________________________________________24

243
Cours de spiritualité

Se libérer par rapport au jugement d’autrui.__________________________________________________25


La fièvre du travail._____________________________________________________________________25
Le désir excessif des consolations spirituelles._______________________________________________25
Conclusion.__________________________________________________________________________25
User du monde, non en jouir._____________________________________________________________26
Comment échapper aux convoitises de la chair ?_____________________________________________26

Recherche biblique sur la Pureté de cœur_________________________________________27


I Détachement des biens._______________________________________________________________27
II Par rapport aux personnes___________________________________________________________28
II Par rapport aux personnes___________________________________________________________28
III Par rapport à Dieu._________________________________________________________________33

Chapitre V : « L’Esprit Saint » 37


Transition.___________________________________________________________________________37
Mission de l’Esprit saint dans la construction de l’Eglise.________________________________________37
L’esprit Saint, Amour mutuel du Père et du Fils.______________________________________________38

Les dons du Saint Esprit._______________________________________________________39


Le don que Dieu fait de lui-même dans l’Esprit Saint pour le salut.________________________________40
Le Messie, Oint de l’Esprit Saint__________________________________________________________41

Don de Sagesse_______________________________________________________________44
Sagesse et folie. (1 Corinthiens 1-4)_______________________________________________________44
les fausses sagesses :__________________________________________________________________44

Don d’intelligence_____________________________________________________________46

Recherche Biblique 47

Don de science_______________________________________________________________50

Recherche Biblique 51

Don de Conseil 52

Recherche Biblique 53

Don de piété 53
Piété envers Dieu._____________________________________________________________________54
Piété envers nos frères._________________________________________________________________54

Recherche Biblique 55

Don de force 58

Recherche Biblique 59

Don de crainte 61

244
Cours de spiritualité

Conclusion___________________________________________________________________62

Chapitre VI « La Prière » 63

La prière de Jésus.____________________________________________________________64
La Torah_____________________________________________________________________________64
Le service, abodah.____________________________________________________________________64
L’action______________________________________________________________________________64
Prière de louange et prière de demande.____________________________________________________65
La prière de Bénédiction.________________________________________________________________65

Shemoneh Esreh – dix huit (19) bénédictions______________________________________66


Les trois premières bénédictions.__________________________________________________________66
Les treize Bénédictions intermédiaires._____________________________________________________66
Les trois dernières bénédictions.__________________________________________________________68

_______________________________________________________________________________

Recherche Biblique____________________________________________________________71

Prière de Jésus dans le Nouveau Testament_______________________________________71

Votre pays a besoin des chrétiens________________________________________________72

Discours des audiences générales_______________________________________________72


Le Fils uni au Père« Abba », Père_________________________________________________________72
Le Fils vit « pour le Père »_______________________________________________________________75
La prière du Fils à son Père______________________________________________________________76
L’action de grâces du Fils à son Père______________________________________________________78
Jésus vient dans la puissance de l’Esprit____________________________________________________80

Une formation à la prière_______________________________________________________83

(Article du cardinal Danneels (Documentation Catholique n° 2111 (page 229) 1995)_____________83

Chapitre VII « La prière de Marie » 84

Marie, fille d’Israël_____________________________________________________________84


Marie, Mère de Jésus et de l’Eglise._______________________________________________________85
La prière de Marie au ciel._______________________________________________________________85
« Médiation.  »________________________________________________________________________87

La Prière Von de Marie par Adrienne Speyr________________________________________89


1. De l’annonce à la naissance de Jésus____________________________________________________89
2. Pendant l’enfance___________________________________________________________________90
3. Pendant la Vie Publique_______________________________________________________________91
4. Sous la croix : Compassion et Déréliction_________________________________________________91
5. Dans la lumière de Pâques____________________________________________________________92

245
Cours de spiritualité

Chapitre VIII « L’Oraison » 94


Comment se préparer à l’oraison._________________________________________________________94
Comment faire oraison._________________________________________________________________95
Pendant l’oraison._____________________________________________________________________96

Affectivité Spirituelle et Purification de la Sensibilité________________________________98


Après l’oraison._______________________________________________________________________99

Prier à l’école de Saint Ignace de Loyola_________________________________________100

(ou quelques points de repère pour la prière)_____________________________________100

Des repères sur ton chemin____________________________________________________102

Prier dans sa chambre________________________________________________________103


1. Nous avons le droit de consacrer beaucoup de temps à la prière.______________________________103
2. Nous avons le droit de choisir des conditions qui favorisent la persévérance._____________________104
3. L’importance de la préparation.________________________________________________________105
4. Le cœur à cœur de l’Oraison._________________________________________________________105
5. La fin de l’Oraison.__________________________________________________________________106
6. La difficile persévérance._____________________________________________________________107
7. Les retombés de l’oraison sur la vie_____________________________________________________107

Prier devant le Saint Sacrement_________________________________________________116


Les thèmes privilégiés_________________________________________________________________116
1. Trois attitudes ou je me situe plutôt face au Seigneur_______________________________________116
2. Des attitudes ou je me laisse envahir par la vie du Seigneur__________________________________117
3. Trois attitudes ou je me laisse attirer par le Seigneur_______________________________________119

Chapitre IX : « L’Espérance » 122


Passage de commentaire des Psaumes 121, 142, 143 par saint Augustin_________________________124

Chapitre X : « Consécration » 126


Consécration Baptismale_______________________________________________________________126
Appartenance________________________________________________________________________127
Mariage____________________________________________________________________________127
La vie Consacrée_____________________________________________________________________128
Intelligence__________________________________________________________________________128
Imagination, mémoire._________________________________________________________________129
Cœur, volonté._______________________________________________________________________129
Corporéité.__________________________________________________________________________129

Marie épouse Joseph_________________________________________________________130

Virginité et Amour____________________________________________________________131

Une fécondité spirituelle_______________________________________________________134

246
Cours de spiritualité

Chapitre XI « Vacances et vie spirituelle » 135

Chapitre XII « Membres les uns des autres – croissance spirituelle » 136

La simplicité_________________________________________________________________138

La spiritualité Augustinienne___________________________________________________139
Les deux fronts de l’amour._____________________________________________________________140

Chapitre XIII : « La Lectio Divina » 141

Lectio Divina________________________________________________________________149

La « Lectio Divina »___________________________________________________________151
I. Place et rôle de la « Lectio Divina » dans la Tradition de la Spiritualité Chrétienne._________________151
II. La « Lectio Divina » comme Sacramental de notre Amitié avec Dieu.___________________________154
III. La « Lectio Divina » comme pédagogie de notre communion avec l’Eglise et sa Tradition.__________155

Chapitre XIV « Liturgie » 173

Le Silence___________________________________________________________________177
I Approche Naturel et Biblique_________________________________________________________177
II Approche spirituelle et liturgique._____________________________________________________178

Lucernaire__________________________________________________________________180

L’Encens____________________________________________________________________181

Symbolisme naturel et biblique de l’Eucharistie___________________________________182


I Le Pain___________________________________________________________________________182
II. Le Vin___________________________________________________________________________184
III Le Repas________________________________________________________________________186

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