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OUVRIR
NOS CANAUX
D’ÉNERGIE
PAR LA
MÉDITATION
D1 JACQUES VIGNE
Voici une réflexion fondamentale sur les
processus en oeuvre dans la méditation tels
qu’ils ont été élaborés depuis 4 500 ans en
Inde et depuis 2 500 ans par le bouddhisme.
Le D r Jacques Vigne y étudie une notion
centrale dans le yoga, peu connue en
Occident, de rééquilibrage des latéralités
corporelles et d’ouverture des canaux
d’énergie, avec ses corrélations neurolo
giques et psychologiques. Il nous enseigne
comment gérer mieux nos émotions et
notre mental afin de développer en nous ce
qu’il appelle un corps vécu, ce corps subtil
que l’on peut métamorphoser grâce à des
pratiques appropriées qu’il détaille avec
précision. Ce livre dense et profond trace
les contours d’une science contemplative
qu’il s’agit d’intégrer dans notre culture
moderne. Le D r Jacques Vigne nous propose
ici un approfondissement de l’héritage
traditionnel, une magistrale synthèse, un
ouvrage novateur sur la gestion de nos états
d’âme et la découverte de notre être.
ISBN : 978-2-35490-094-6
9 782354 900946
Pour en savoir plus sur les éditions du Relié
(catalogue complet, auteurs, titres, extraits de livres,
revues de presse, débats, conférences, etc.),
vous pouvez consulter notre site internet :
http ://www.editions-du-relie.com
O u v r ir n o s c a n a u x
d ’é n e r g i e p a r
LA M ÉDITATION
îo
3000 résidents. Leur tradition est d’élire de façon communau
taire le nouveau gourou après le décès du précédent. Celui qui
est en fonction actuellement, Prem Satsangi, a été élu il y a
moins de dix ans vers l’âge de 60 ans, après une belle carrière
comme professeur d’électronique dans l’École polytechnique la
plus prestigieuse de l’Inde, Ylndian Institute of Technology (HT)
de Delhi. Certes, l’entrée à l’École polytechnique en France est
très sélective, mais celle pour l’école de Delhi l’est plus encore,
puisque c’est l’institution d’ingénieurs la plus prestigieuse pour
une population d’1,2 milliard d’habitants. Y être professeur est
donc réellement une distinction dans le milieu scientifique. De
par cette double vie, le nouveau dirigeant du mouvement ac
corde une importance particulière aux ponts qu’on peut établir
entre science et conscience. Dans le bouddhisme aussi, sous
l’impulsion du Dalaï-lama, du Mind and Life Insitute et de Mat
thieu Ricard, des rencontres de haut niveau entre chercheurs
scientifiques et pratiquants spirituels se sont déroulées depuis
maintenant bientôt un quart de siècle. J’avoue que je n’ai pas
encore eu le temps de lire toute la littérature qui en résulte, mais
je m’y intéresse en tant que psychiatre de formation pratiquant
la méditation, et cela me semble être un élément à la fois du
dharma et du Zeitgeist de notre époque.
Faisons une observation simple à propos de science et
méditation : la science demande toujours des vérifications ex
périmentales, mais en réalité, on peut considérer que des pra
tiques traditionnelles données transportent avec elle plusieurs
siècles, voire plusieurs millénaires de vérification expérimen
tales, par les générations elles-mêmes qui les ont effectuées et
trouvées bonnes. C’est pour cela qu’elles doivent être prises au
sérieux, ne serait-ce justement que par souci d’esprit scienti
fique au sens large.
il
Nous allons parler dans ce livre des émodons, citons
d’emblée, à propos de leur rapport au cerveau, cette réflexion
claire d’un grand spécialiste, Richard Davidson : « Il n’y a pas
d’avantage de centre localisé des émodons qu’il n’y en a pour
le jeu de tennis. »4 Son image n’est pas au hasard, car le pro
cessus même de la réaction émotionnelle implique de nom
breux rebondissements de l’information d’un bout à l’autre du
cerveau, finalement comme une balle de tennis.
On observe par contre des liens finalement assez sim
ples entre les émotions et certains systèmes physiologiques.
On a par exemple étudié la tension artérielle de Matthieu Ri
card pendant qu’on lui passait des photos évoquant des situa
tions émotionnelles. On lui demandait d’évaluer si celles-ci
étaient agréables ou désagréables. On a remarqué que réguliè
rement, les émotions qu’il estimait désagréables correspon
daient à une augmentation de sa tension artérielle, alors que
les autres ne la faisaient pas monter.
L’Occident doit-il intégrer le bouddhisme,
ou est-ce l’inverse?
Physiologie et méditation
A propos du rééquilibrage des latéralités
Corps, émotions
et méditation
Entre Vipassana et Râjayoga
En cheminant avec
Nâgârjuna
Méditations d'un psychiatre et
yogui français dans l ’Himalaya
en lisant le Mâdhyamika
La pensée de Nâgârjuna
en rapport avec l’hindouisme
et la modernité
too
mencé avec les bouddhistes qui se sont mis assez rapidement
à élaborer des représentations du Bouddha lui-même, et en
suite les hindous ont suivi pour figurer leurs dieux dans la
pierre ou le bois. On peut citer parmi d’autres trois livres sur
ce sujet hindouisme-bouddhisme, The Buddhist Transformation
of Yoga, Bhagavad-Gita and Buddhism et enfin Buddhism and
Hinduism, ce dernier de Ram Swarup43.
Réfléchissons maintenant d’un peu plus près à un
exemple de réintégration d’idées-forces du bouddhisme dans
l’hindouisme. Cela s’est fait au IIIe siècle avant l’ère commune
par la Bhagavad-Gîtâ. La tendance ascétique, monastique et
non-violente du bouddhisme mettait de fait en question deux
piliers de la société hindoue, c’est-à-dire la caste des prêtres et
celle des guerriers. Une des argumentations centrales de la Bha-
gavad-Gîtâ est intéressante à ce sujet. Krishna part du fait
qu’on ne peut vivre sans l’action, sans le karma, car il faut bien
manger ou respirer, tout cela est du domaine de l’action bien
sûr ; mais ensuite, il extrapole à l’action rituelle et celle de la
guerre supposée juste, et en conclut finalement qu’elles sont
aussi indispensables, et ainsi il récupère les « parts du marché »
pour les deux groupes influents de la société, c’est-à-dire les
brahmanes et les kshatriyas, et pour ces deux activités dont on
peut honnêtement avoir le droit de vouloir se passer, le rituel
et la guerre sacrée.
Cela fait penser, pour ceux qui connaissent la psycho
logie, à ce qu’on recommande aux vendeurs de porte-à-porte.
Cela s’appelle en anglais le « yes set ». On commence à deman
der aux clients potentiels :
- Savez-vous que nous sommes lundi matin ?
- Oui, bien sûr !
- Savez-vous que ce nous sommes en période de crise écono
mique ?
43. Éditions Voice of India, Delhi.
—Oui, évidemment !
Le vendeur pose ainsi une série de questions au fond banales,
auxquelles le client ne peut répondre que par oui, puis il finit
par glisser la question importante : «Vous achetez notre nou
veau turbo-aspirateur qui nettoie 50% de microbes en plus
dans les moquettes par rapport aux autres appareils sur le mar
ché, nos études scientifiques l’ont prouvé ? » Comme l’inter
locuteur a été conditionné à répondre oui, il répond là aussi
oui, par inertie. C’est le «yes set», et il est refait, ayant acquis
un instrument dont après tout il n’avait guère besoin. Ce rap
prochement simple donne en fait une bonne idée de la contes
tation bouddhiste directe de l’ordre établi de l’hindouisme.
Les idées bouddhistes avaient un fort écho dans la population,
que ce soit sur l’inutilité du rituel pour la Libération, ou, sur la
non-violence, ou encore à cause de leur regard critique sur les
guerres présentées comme justes. Les bouddhistes soulignaient
le fait psychologique que ceux qui voulaient de toute façon
partir au combat cherchaient toujours à présenter cela comme
juste. Les brahmanes et les kshatriyas, apeurés par la perspec
tive de la perte de leur « marché », ont malgré tout fini par réus-,
sir à « vendre » à un public qui n’en avait sans doute pas
complètement besoin leur produit fini, c’est-à-dire le rituel et
la guerre supposée juste.
Il est intéressant de détailler ces mécanismes psycho
religieux de réaction de l’hindouisme au bouddhisme, car l’ar
rivée de ce dernier en Occident est accueillie avec à peu près
les mêmes mécanismes de réaction par le christianisme. Le
cœur de la pratique chrétienne est basé sur le rituel, chasse-
gardée d’un clergé fortement organisé, la messe au moins une
fois par semaine le dimanche. D ’autre part, la base de la pra
tique bouddhiste est la méditation. Beaucoup de gens réalisent
qu’ils ont plus besoin d’une voie de méditation-intériorisation
bien structurée plutôt que d’un rituel et d’une soumission idéo-
logico-théologique à un système clérical. Par ailleurs, l’argu
ment de la guerre juste trouve de moins en moins de preneurs.
On est moins prêt à s’engager de bon cœur dans les troupes
de l’Église qui agiterait le spectre de la peur de se faire massa
crer par les hordes extérieures du matérialisme ou de l’isla
misme. Le public devient trop instruit, trop éduqué et trop
méfiant pour continuer avec le simplisme, voire l’automatisme
de tels schémas. De ce fait, la machine ecclésiastique essaie de
trouver des moyens détournés pour récupérer les choses, et va
peut-être nous sortir une sorte de Bhagavad-Gîtâ chrétienne
pour tenter de retrouver son influence qui s’évanouit : « Nous
aussi nous avons notre type de méditation, notre mystique né
gative et de la connaissance, mais comme on ne peut pas se
passer d’action, ni de guerres, ni de rituels, venez quand même
chez nous, et engagez-vous, rengagez-vous pour servir le
monde en vous soumettant à nos institutions... » Ils vont sans
doute avoir des succès tactiques à court terme, mais on peut
raisonnablement estimer que le mouvement général et à long
terme n’est pas en leur faveur.
Les laboratoires pharmaceutiques cherchent régulière
ment des anti-psychotiques de plus en plus puissants. Au fond,
l’enseignement même du Bouddha, quand on comprend bien
ce qu’il veut dire, est un bon anti-psychotique pour toutes
sortes de délires de toute-puissance : par exemple se fabriquer
un concept de Dieu omnipotent qui doit conquérir la terre en
tière et penser en même temps qu’on a une relation privilégiée
et exclusive avec lui : voilà qui peut être consolant, aider à dé
passer un sentiment d’infériorité et de dépression, mais voilà
aussi qui peut faire glisser insensiblement dans un délire, jus
tement celui de toute-puissance. Il est bon de savoir prendre
cet avertissement de psychologie au sérieux, si on veut éviter
que les violences de demain soient pires que celles d’hier, qui
ont été nombreuses et graves. Quand on a une certaine
connaissance et compréhension de l’histoire, il est intéressant
de voir comment, au fond, les mêmes schémas se répètent.
Certes, malgré ces critiques, la Bhagavâd-Gîtâ reste un beau
manuel en ce qui concerne la spiritualité de l’acdon juste et de
la dévotion à un Dieu personnel. C’est aussi une raison de son
succès durable jusqu’à nos jours.
Dans cet équilibre des forces entre, d’un côté, le jaï
nisme-bouddhisme sans Dieu personnel et créateur, et de l’au
tre le brahmanisme ou le monothéisme, redisons le point
essentiel : la balance est en train de pencher franchement du
côté du jaïnisme-bouddhisme grâce à la science, et c’est cela le
phénomène vraiment nouveau. Le champ d’action du Dieu
unique et tout-puissant se réduit de plus en plus, il a déjà été
chassé du champ des causes des maladies physiques depuis
longtemps, de l’origine du fonctionnement de la nature par la
physique, de la création matérielle du monde par l’astrophy
sique et la biologie, il est de plus en plus évacué de la vie psy
chique elle-même par la psychologie moderne, comme au fond
il l’avait déjà été par la psychologie spirituelle du jaïnisme et du
bouddhisme depuis environ trois mille ans. Ces évolutions ne
sont probablement pas réversibles à long terme.
La sagesse de Nâgârjuna et sa modernité
HO
de prévenir sa violence potentielle en insistant sur la nécessité
de dépasser les notions spirituelles et métaphysiques exclusives
et rigides. Au fond, il soutient que les multiples erreurs concep
tuelles dans le champ spirituel et métaphysique pourraient se
résumer à une seule : « absolutiser le relatif ». Dans ce sens, il
y a un parallèle évident, en positif, avec la critique de l’idolâtrie
dans le monothéisme. Cette critique peut être bonne quand on
reste dans le domaine mystique, mais éminemment dangereuse
quand elle est pervertie par une idéologie politico-religieuse et
quand eüe se traduit par l’agression des temples et de la religion
des autres pour les détruire. On absolutise le relatif, et on ido
lâtre alors en fait un livre-fondateur d’une idéologie à tendance
totalitaire. L’attachement idolâtre est au fond toujours là et
bien présent dans le système de fonctionnement monothéiste,
malgré ses déclarations emphatiques et émotionnelles visant
au contraire. Simplement, il s’est reporté vers un objet plus
subtil, mais donc de ce fait encore plus pénétrant, plus enva
hissant, et donc plus difficile à dépasser : les croyants parleront
de doctrine, les critiques d’idéologie totalisante, donc au bout
du compte totalitaire, visant à soumettre le monde entier à une
pensée unique. Cela a été, et est toujours, le drame non seule
ment des intégrismes, mais aussi, ne nous le cachons pas, des
orthodoxies monothéistes, en particulier chrétiennes et musul
manes. Les juifs, quant à eux, sont moins préoccupés en pra
tique par l’obsession d’imposer leur religion à un monde qui
n’en veut pas vraiment.
En un sens, cette étude même représente un défi au
monothéisme exclusif qui s’est manifesté en Inde en particulier
par la destruction des bibliothèques, monastères et centres de
savoir bouddhistes par les vagues successives d envahisseurs
musulmans ou islamistes, on ne sait pas trop comment les ap
peler. Sans doute ils ont brûlé avec le reste de la bibliothèque
de l’université de Nalanda le texte sanskrit de Nagarjuna com
mentant la Prajnâparamita. Il a de toute façon disparu. Cepen
dant, il s’est conservé dans sa version chinoise et a été retraduit
en anglais vers 1960. C’est cette version dont nous nous
sommes principalement servi pour cette étude, il s’agit donc en
quelque sorte d’une résurrection.
On peut certes remettre en question le polythéisme en
faisant remarquer qu’adorer la forme particulière d’un dieu
peut donner quelques pouvoirs magiques spécifiques, mais
ceux-ci créent un attachement et reviennent donc à un piège.
Cette notion est bien connue. Ce qui est moins connu, c’est
qu il existe dans le monothéisme un attachement beaucoup
plus intense, développé à cause du culte d’un Dieu unique sup
posé tout-puissant, qui donne en miroir aux fidèles le senti
ment personnel - le délire intime pourrait-on dire si l’on est
plus critique - d’être tout-puissants. Le tout est bien sûr re
couvert régulièrement de façon soit naïve soit perverse de
grandes déclarations d’humilité. Même dans le christianisme
ou on cherche à s’éloigner un tant soit peu du concept de Dieu
autoritaire, on développe celui de Dieu Père de toutes les na
tions. Ce Père reste en réalité non seulement autoritaire, mais
réellement violent, pour ceux qui osent dire qu’ils n’ont pas
d’intérêt particulier à croire qu’il existe ou qu’il faille l’aimer.
L’archétype même de père est ambivalent, il peut rentrer en
compétition vive avec ses enfants et chercher à s’en venger en
les détruisant. N oublions pas que les dictateurs se présentent
régulièrement comme « père de la nation » : celle-ci, à leur avis,
ne pourrait vivre sans eux.
Le nombre de gens qui ont péri (sans comptabiliser
ceux qui n’ont pas pu naître) à l’invasion et à la conversion for
cée au catholicisme de l’Amérique latine et centrale par les es
pagnols et portugais au xvic siècle a été environ 85 millions.
C est l’évaluation que donne par exemple des études améri
caines et un auteur qui en a fait une l’analyse précise, l’historien
et anthropologue brésilien Ribeiro. Ce dernier n’inclut dans les
85 millions pour une période de 150 ans que les indiens des
Andes et de l’Amérique centrale, ü faut donc ajouter ceux de
la forêt et des plaines. Si l’on compte le déficit démographique
(calculé par rapport au développement normal d’une popula
tion), le chiffre monte probablement à 200 millions. Cela a été,
à ma connaissance, le plus grand génocide de l’histoire hu
maine. Ce fait mérite plus qu’une note en bas de page. Il doit
donner à penser et à méditer.
Nâgârjuna critique de façon implacable le sectarisme
philosophique et religieux. Il avait vu ses propres moines en
souffrir, et gaspiller leur énergie intellectuelle et spirituelle dans
des querelles au fond stériles, causées en réalité par la recherche
de pouvoir beaucoup plus que de réalisation intérieure. Dans
une comparaison célèbre qu’il reprend du Bouddha, il dit que
la parole n’est que le doigt qui montre la lune, mais pas la lune
elle-même. On pourrait voir là-dedans une remise en question
profonde des religions du Livre, qui sont fondées non seule
ment sur une parole fixée, mais encore de façon plus rigide sur
de la parole figée en écrit.
Une bonne psychothérapie des délirants est de les sui
vre dans leurs hallucinations jusqu’à un certain point, puis de
les stopper et de leur montrer comment les propos dissociés
se contredisent eux-mêmes. C’est la méthode qu a suivie Nâ
gârjuna de façon très systématique avec les constructions théo
riques en vigueur à son époque. Celui qu’on a surnommé le
second Bouddha a été, et est toujours par ses écrits percutants,
un vrai psychothérapeute des hallucinations dogmatiques-sec
taires. Il a fait passer de l’air frais dans tout ce qui enferme,
que ce soient les temples, les églises, les chapelles, ou toute
« boîte d’allumettes » conceptuelle quelle qu’elle soit.
On raconte au Japon, à propos de cette psychothérapie
par la contradiction interne, l’histoire suivante. Un jeune homme
avait une fiancée qui était malheureusement décédée de maladie.
Sur son lit de mort, il lui avait promis fidélité et de ne jamais se
marier, mais au bout de quelques mois, il s’est mis à avoir une
nouvelle petite amie. Cela ne s’est pas passé sans culpabilité, à
tel point qu’il a fini par délirer. Il croyait qu’un spectre venait
chaque nuit le menacer et l’envoyer en enfer à cause du viol de
sa promesse. Personne ne réussissait à le guérir, jusqu’au mo
ment où on a appelé un vieux moine. Il a compris la situation,
ne lui a pas fait la morale, mais lui a demandé une seule chose :
de poser une question au spectre : « Quand je prendrai une poi
gnée de riz dans la cuisine, combien contiendra-t-elle de
grains ? » « Ensuite, lève-toi, vas dans la cuisine, compte le nom
bre de grains de riz ; si le chiffre est exact, suis tout ce que dit
le spectre, s’il est inexact, ne l’écoute plus !»
« Ce qui importe à propos du dharma ultime n’est pas
d en parler ou non, mais de s’agripper ou non à la parole aux
objets désignés par cette parole. »50 Voilà qui est une mauvaise
nouvelle pour les intégristes de tout acabit qui idolâtrent leurs
livres sacrés tout en maudissant le reste du monde en tant
qu’idolâtres. Nâgârjuna va encre plus loin dans sa critique de
ces mécanismes psychologiques quand il affirme : « Une unité
qui est forgée de l’extérieur est artificielle ; elle ne fait qu’aug
menter la souffrance ; et l’unité qui efface l’individualité dans
le monde annule l’essence même de ce qui doit être intégré,
elle ignore la personnalité complètement. Cela crée aussi une
souffrance plus grande. »51 C’est une réflexion qui, au fond,
coupe l’herbe sous les pieds des grandes religions prosélytes
qui veulent imposer au monde à propos de leur fondateur une
unité en réalité artificielle.
Certes il y a eu des saints dans le monothéisme qui ont
pratiqué les vertus jusqu à 1héroïsme, comme le dit la formule
consacrée des procès de canonisation dans le catholicisme. Ce
pendant, il y a une vertu qu’ils ont régulièrement oublié de dé
velopper, c’est une réelle tolérance pour les autres croyances.
La tendance générale chez ces saints, à de rares exceptions près,
50. Id. p.274.
51. Id. p.277.
a été d’aggraver plutôt par leur piété exaltée le sectarisme exis
tant déjà dans la société de leur époque.
Revenons au nombre du génocide d’Amérique latine
qui revient à 15 fois l’Holocauste des juifs durant la seconde
guerre mondiale : il a eu comme inspiratrice 1Église catholique,
et ses théologiens, principalement Thomas d’Aquin, le « Doc
teur angélique », qui affirmait clairement dans sa Summa théo-
logica que les hérétiques devaient être « éliminés du monde par
la mise à mort ».52 On pourrait faire remarquer avec une pointe
d’ironie qu’il est passé par bien des détours et complications
intellectuelles d’une Somme théologique pour parvenir à cette
conclusion plutôt simpliste. C’est la définition même du sec
tarisme dans toute sa brutalité. Il a donc une lourde responsa
bilité, en particulier dans le génocide des Indiens qui 1a suivi
deux siècles et demi plus tard. Dans ce sens, il est triste de voir
qu’il reste le théologien de référence de l’institution catholique.
Souvenons-nous qu’en réalité les conquistadors n’ont fait
qu’exécuter les ordres des théoriciens-théologiens. C’est d’ail
leurs l’excuse classique des bourreaux dans les régimes totali
taires, exécuter les ordres, et les opposants du même coup...
Par derrière tout cela, il y a aussi du point de vue psycholo
gique, et métaphysique l’ombre d un Dieu Père tout-puissant
des chrétiens. Evidemment, les croyants essaieront de l’exemp
ter de toute faute en disant qu’il n’est qu’Amour. Voilà qui est,
reconnaissons-le, une manœuvre plutôt naïve, et dans certains
cas perverse, pour éviter de poser les vrais questions, en par
ticulier celle de la violence d’une croyance à tendance exclusive.
Ce qui est choquant, c’est non seulement les chiffres en eux-
mêmes, mais le fait qu’il n’y ait pas eu, comme nous 1avons
dit, l’ombre d’un procès de Nuremberg pour condamner les
coupables, c’est-à-dire en clair le pouvoir portugais et espagnol
avec comme inspiratrice idéologique la papauté. C’est comme
Voie du milieu,
Râjayoga et Svara-yoga
65. Thich Nhat Hanh, Old Path, White Clouds, Full Circle, Delhi, p.279 et en
français sous le titre de Siddhartha.
66. Id. p. 35.
« interplanétaire » au-delà du centre du front et on amène la
conscience à se fondre dans le point-soleil. Pour fixer les idées,
on peut situer celui-ci à un ou deux mètres en haut et en avant
du front. Il ne reste plus alors qu’à laisser agir d’elle-même
1énergie propre à ce point qui est la clé de voûte de notre corps
subtil. On peut ainsi prendre en quelque sorte un bain de soleil
dans ses rayons bienfaisants, et obtenir une relaxation du corps
physique faisant écho à une libération de l’esprit : c’est le sep
tième et dernier facteur d’éveil, le lâcher-prise.
Lâcher à la fois l’ego et le non-ego
1) Nâgârjuna, l’Alchimiste
Phase 1 :
Se représenter un soleil au-dessus et en avant. À l’intérieur, Nâ
gârjuna est assis en position de lotus avec un léger sourire et
un dais de sept cobras au-dessus de la tête. Il réside dans une
mandorle de vacuité. Celle-ci rayonne dans toutes les direc
tions, y compris vers le corps du méditant. Ce corps, avec
toutes les sensations qui s’y agitent dans tous les sens, est pareil
à un chariot agité par les cahots, transportant un énorme sac
de billes de plomb sur une route de terre inégale. Ce sac est
sans cesse chahuté-cahoté à cause des trous et ornières de la
route. Soudain, Nâgârjuna effectue une moûdrâ (geste) mys
térieuse : le rayon de soleil qui descendait vers le corps se trans
forme d’un instant à l’autre en baguette magique, et tout à coup
les billes de plomb ballottées se transforment en or immobile.
Le corps demeure dans l’or immobile.
Le corps demeure...
Or immobile.
Phase 2 :
Percevoir maintenant que, en plus d’une lumière provenant de
Nâgârjuna, il y a aussi un son continu qui s’en dégage. On peut
l’entendre comme un a- ou un om continu, mais le mieux est
encore de faire comme si c’était le bruissement du silence,
nâda, qui pouvait avoir son origine à cet endroit. Nâgârjuna
l’Alchimiste se transforme en Nâdârjuna, Silence brillant. Le
son tenu mais continu se répand comme l’onde circulaire dans
un étang où l’on a lancé une pierre, et la partie de cette onde
qui touche notre corps le rééquilibre, le paralyse, l’immobilise
instantanément. Finis les bruits de bavardages !
Un silence lisse. Un lissage intérieur....
2) La forme est dans le vide, le vide est dans la forme
Pour celui qui s ’agrippe, le nirvâna est le monde, pour celui qui ne
s ’agrippe pas, le monde est le nirvâna.
Nous l’avons vu, il y a deux méditations centrales dans le mâ-
dhyamika, le fait de se désagripper (agraha, anupalambha, anu-
pâdâna,) et celui de suivre la Voie du milieu (madhyamâ
pratipat). La symétrie même du V majuscule dans l’alphabet
latin nous suggère que la Voie converge vers l’axe du milieu...
On peut combiner les deux méditations en les incarnant dans
le corps de la façon suivante :
Sentir dans chaque articulation du corps, du côté de la narine
fermée, un point qui s’ouvre. Ou encore, pour préciser, on iden
tifie les cinq endroits les plus sensibles à la tension-fermeture
du côté de la narine fermée, et on les ouvre : en plus de la narine
elle-même, il y a les paupières, les mâchoires, en particulier dans
la zone postérieure des molaires et des dents de sagesse, les ais
selles, les espaces intervertébraux au niveau cervical et dorsal.
Ouvrir ceux-ci peut être effectué facilement en inclinant le haut
de la colonne et en tournant la tête très légèrement du côté op
posé à la narine fermée. Quant à ce qui est d’ouvrir l’aisselle,
un geste peut aider : soulever vers l’extérieur le bras du côté de
la narine fermée à environ 30°, le coude étant à peu près plié.
On tend alors les mains et on amène en dessous d’un majeur,
le majeur de l’autre côté. Pour être précis, le contact entre les
deux majeurs s’effectue au-dessous de l’articulation interpha-
langienne distale, c’est-à-dire la plus proche de l’ongle.
Au niveau des yeux, il ne faut pas hésiter à induire une franche
dissymétrie, l’œil du côté de la narine fermée étant bien ouvert,
celui du côté de la narine ouverte presque fermé. C’est ainsi que
l’effet de rééquilibrage sera maximum. Lorsque ces cinq pra
tiques sont suffisamment ressenties, le corps du côté de la narine
fermée est déjà bien « dé-grippé », comme des boulons rouillés
qu’on a finalement réussi à désolidariser de leur vis alors qu’ils
étaient grippés par la rouille. On s’est séparé d ’upâdâna, l’hypo-
lepsie, on l’a traitée en quelque sorte. L’énergie se met alors à
s’écouler naturellement en montant dans le canal central qui cor
respond, en ce qui concerne le corps subtil, à la « voie du mi
lieu ». Son nom en yoga, sushumna, signifie « paix intense », de
la même racine que shânti.
6) Stopper le disque rayé
Quand on dit que l ’Absolu est sans limites, ces limites correspon
dent aux « extrêmes » qu 'ilfaut effacer par la poursuite de la Voie
du milieuf ’
Commencer par bien percevoir les muqueuses presque collées
de la narine obstruée en les considérant comme les « ex
trêmes », et le fil d’air qui se faufile en entrant comme un cou
rant d’or qui monte en les décollant, et donc correspond à la
Voie du milieu. Bien sûr, cette visualisation d’ouverture ascen
dante peut être ensuite reportée dans le canal central égale
ment, c’est un lieu où on la sent assez naturellement.
14) Embrasser le monde
88. Pour plus de détails, on pourra se référer à mon livre Le mariage intérieur
en particulier aux premiers chapitres de la partie sur l’Inde où se trouve abor
dée l’ouverture des canaux d’énergie.
89. Batchelor Stephen, Le bouddhisme au-delà des croyances, DDB, 2008.
tone. Il représente la loi naturelle, il n’y a pas lieu d’en être soit
triste, soit gai, on en prend simplement note. Après la fin de
l’expiration, on reste poumons vides, et on a la vision accélérée
du processus des feuilles qui s’entassent, vieillissent, se trans
forment en compost, et finalement nourrissent les pousses, et
même la poussée entière du printemps.
29) Le diamant perdu qui s’est transformé
en vacuité rayonnante de sagesse-compassion
C ’est par le pouvoir de l ’œil de sagesse que l ’on peut rester libre
du fait de s'agripper exclusivement, soit à ce qui est composé ou à
ce qui est non composé, soit au mondain ou à ce qui le transcende,
soit à ce qui est souillé, ou à ce qui ne l ’est pas. Ainsi, c ’est en ne
s ’agrippant pas qu ’on pérégrine dans toutes les choses. On ne
s 'agrippe pas à ce qui est déterminé quand on ne perd pas de vue
la vérité du dharma non exclusif. Cela, l ’œil de la sagesse le per
metf
Nous avons déjà vu le rapport entre la connaissance supé
rieure, prajnâ, et le troisième œil. Le texte ci-dessous confirme
ce lien, et le Shastra évoque en fait cinq yeux pour la connais
sance, selon le degré de « pénétrance » du regard : - les deux
yeux physiques ;
- l’œil du deva, de la vue divine, au sens de raffinée, qui a la
capacité de regarder directement les réalités subtiles ;
—l’œil de prajnâ, la sagesse qui est capable d’aller au-delà des
extrêmes et d’emprunter la voie du juste milieu ;
- celui du dharma, de la compassion qu’ont les bodhisattvas et
qui leur permet d’adapter les vérités absolues aux capacités re
latives de chacun des auditeurs pris en particulier ;
- et enfin le cinquième œil, le suprême, celui du Bouddha, qui
intègre et synthétise tous les types de regards précédents.
Pour une pratique de méditation, on peut se représenter l’œil
subtil au centre du front, et l’œil du Bouddha au niveau du
« point-soleil » un ou deux mètres en haut et en avant du front.
En s’aidant éventuellement du cycle respiratoire, on monte
l’échelle à cinq degrés et on la redescend, balayant ainsi les dif
férentes possibilités de regards et de connaissances.
31) Lâcher de ballons lumineux
Râjayogâlankâra
L’ornement du Râjayoga
Cheveux de lumière
Milarépa disait :
Au début, rien ne vient,
Au milieu, rien ne se maintient,
A la fin, rien ne reste.
Il exprimait ainsi cette vacuité d’existence propre et figée qui
sous-tend l’impermanence.
Pratique
Sentir le début comme l’inspiration par la narine fermée, le mi
lieu comme le passage de l’attention dans la zone inférieure du
front, et la fin comme l’expiration à travers la narine ouverte.
Pour fixer les idées, le point stable à partir duquel on observe
l’instabilité pourrait être le troisième œil au milieu du front.
Méditation : cœur de plomb, cœur d’or
Préparation
Sentir la pointe du cœur qui repose sur la gauche du dôme du
diaphragme. Percevoir que dans la seconde moidé de l’expira
tion, l’énergie se rassemble dans ce cœur qui glisse un peu plus
vers la gauche et vers l’avant, comme s’il s’enlisait. Ce glisse
ment est augmenté par le diaphragme qui se bombe à la fin de
l’expiration. Ressentir que cela est relié à une augmentation lé
gère, mais immédiate de l’anxiété, ainsi qu’à une tension de
l’œil gauche et dans le plancher de l’orbite gauche, avec même
un début d’envie de pleurer du côté gauche. En fait, il y a une
isomorphie entre dôme du diaphragme et plancher de l’orbite,
ainsi qu’entre œil et cœur : en particulier l’œil gauche repose
sur le plancher de l’orbite comme la pointe du cœur sur le dia
phragme.
Pratique
Elle vise à se dégager de cette anxiété certes légère, mais persis-
tante-insistante, qui survient en fin d’expiration à cause de l’ac
cumulation des sensations dans la zone du cœur à gauche.
Sur l’inspiration faire monter le souffle par la narine fermée en
sentant qu’elle s’ouvre, sur l’expiration le faire descendre par la
narine ouverte en sentant qu’elle se resserre quelque peu.
Dans un second temps, sentir-visualiser le cœur physique à
gauche comme s’il était de plomb, sur l’inspiration on le soulève
non sans difficulté, sur l’expiration on va le déposer délicatement
sur la zone du diaphragme symétrique, c’est-à-dire à droite et un
peu en arrière. Si on peut faire suivre la fin de l’expiration d’un
arrêt, même bref, cela marquera, ancrera comme d’habitude
mieux la sensation, ici l’image d’un cœur reposant sur le dia
phragme à droite et un peu en arrière. Pour développer cette
méditation en faisant évoluer quelque peu l’archétype, le cœur
d’or peut devenir un œuf d’or (le cosmos est appelé en Inde
brahmânda, « l’oeuf de Brahma », ou encore hiranya-garbha, « la
matrice d’or»), A son tour, l’œuf d’or peut devenir un grand
œuf de Pâques en chocolat, bel et bien caché sous le feuillage
au fond du jardin pour que les enfants le trouvent au matin de
la Résurrection - si toutefois cette jolie coutume aux racines
probablement préchrétiennes parle à l’esprit du pratiquant.
Dans un troisième temps, on fait un même genre de travail, mais
au niveau du visage : sentir l’œil gauche comme un œil de plomb,
le soulever non sans difficulté du plancher de l’orbite où il est
lourdement collé —tout en ouvrant la narine gauche si celle-ci
est fermée et le déposer du côté droit, où il devient œil d’or.
Dans un quatrième temps, on peut se servir de l’isomorphie
entre les deux pentes latérales du diaphragme et les deux
cuisses en position de méditation de type lotus. À ce moment
on partira du cœur de plomb au milieu de la cuisse gauche et
on ira le déposer, transmuté en cœur d’or, au milieu de la cuisse
droite.
Dans un cinquième temps, une visualisation supplémentaire
peut aider à rééquilibrer l’influence du cœur physique à
gauche : on considère celui-ci comme un patient grincheux-
geignard-pleurnichard. Le cœur subtil à droite, qu’on se repré
sente au niveau du diaphragme ou à celui de la cuisse,
correspondra alors à l’infirmier musclé qui veut le bien du pa
tient, mais qui justement pour cela l’invite fermement à cesser
de se lamenter.
Variante au niveau des yeux
Lors de la troisième phase, on peut percevoir que le plancher de
l’orbite à gauche n’est pas solide, il estons cesse déstabilisé par
la perception sous-jacente des battements du cœur : de même,
quand il y a un courant d’eau qui passe sous une masse de sable,
cela produit le phénomène des sables mouvants. Au contraire,
le plancher de l’orbite du côté droit n’a pas ce problème, il est
comme un rocher sur lequel on peut s’asseoir en toute sécurité ;
de là, on regarde avec soulagement les sables mouvants tout
proches dans lesquels on a failli être englouti. On peut dévelop
per cette image en revenant à l’archétype de la maison construite
sur le sable, à gauche, et de celle construite sur le roc, à droite,
ou encore de Jean qui pleure, à gauche, et de Jean qui rit, à droite.
De fait, on pourrait considérer que le cœur à gauche est comme
une glande lacrymale, et qu’à chaque systole, il verse une larme...
Pour aller dans le même sens, quand on est proche des pleurs,
la glande lacrymale gauche est plus tendue et gonflée que la
droite ; c’est comme si la première larme allait jaillir d’abord à
gauche.
Méditation « Verticalitude »,
ou quelques pratiques à propos de l’axe central
Méditations brèves
Tenir la route
La méditation est une ligne droite. Laisser son éner
gie-conscience être piégée par la tension dans la narine fermée
et la pommette avoisinante, c’est comme déraper et tomber
dans le fossé.
La fougère qui pousse vers le ciel
Ressentir-visualiser, on pourrait presque dire aussi
« sentir-revisualiser » son corps, en particulier l’axe vertébral,
comme une fougère qui pousse. La pointe supérieure de la
plante qui se déroule sera ressentie comme l’ouverture de la
narine presque fermée.
« Spirambule »
Le funambule est un champion qui réalise l’exploit de
pouvoir marcher sur une corde tendue. Le « spirambule » réus
sit un exploit encore bien plus extraordinaire : demeurer sur la
corde raide de l’attention au souffle, être constamment
conscient de son inspir et de son expir, sans basculer dans
l’abîme de la distraction. Dans ce sens, une Upanishad déclare
sans ambages : « L’inattention, en vérité, est pire que la mort ! »
La convergence des cotons dans la lumière
Visualiser-ressentir les cuisses comme de grands rou
leaux de coton léger et lumineux. Sur l’inspiration, les aspirer
via le canal central jusqu’au troisième œil, et de là, sur l’expira
tion, les « souffler », sous une taille plus réduite, vers le point
soleil (environ un ou deux mètres en haut et en avant du front)
où ils se fondront l’un dans l’autre en même temps que dans
la masse solaire.
L ’ascension des verrous
En lotus, sentir que la rencontre des chevilles et des
mains correspond à deux verrous, deux cadenas superposés.
Sur l’inspiration, monter ces verrous vers le troisième œil et
sur l’expiration, sentir que la porte de là-haut s’ouvre, et laisse
rentrer à flot une lumière qui nous inonde.
Pomme ridée, lifting et cure de jouvence
Quand on a tendance à somnoler en méditation, le
corps physique se tasse et le corps subtil suit, en devenant ra
tatiné comme une vieille pomme ridée. Dans cette situation,
l’état mental en vient rapidement à se dégrader. C’est le mo
ment de citer le proverbe : « Ciel pommelé, femme fardée,
pomme ridée, ne sont pas de longue durée. »
Dans la tristesse, la « dépressivité », les traits du visage
tombent sur les côtés et aggravent les effets de l’âge. C’est aussi
le corps vécu qui a tendance dans son ensemble à s’affaisser,
reproduisant au niveau subtil la voussure de la colonne verté
brale et la ptose des organes. La méditation revient alors au
contraire à un « lifting » du corps subtil. L’ouverture des canaux
est comme un ascenseur, un « lift » qui trouve son chemin vers
le haut. En pratique, on peut ressentir-visualiser une montée
d’énergie dans les colonnes latérales du visage, c’est-à-dire les
deux axes passant par le coin des lèvres et celui des yeux. En
suite, on élargit cette ascension aux colonnes latérales du tronc,
en le redressant et en ouvrant les épaules. Voilà qui représente
une bonne cure de jouvence, et gratuite qui plus est.
Mal-être, bien-être et Être
Entre, par-delà la fatigue d’exister (le côté gauche, où
le cœur battant exprime l’anxiété de l’instinct de conservation)
et la peur de ne plus vivre (le côté droit, où le silence du foie
peut être interprété comme une immobilité mortuaire), il s’agit
de se diriger vers le repos ascendant de l’être (l’axe central où
une énergie monte continûment vers le troisième œil). Cet état
d’être ascendant correspond à un état qui tient à la fois du
fleuve et de l’océan, du mouvement et de l’immobilité, de l’ou
verture de l’embouchure et de la joie de l’union.
Jean qui sourit
Nous avons évoqué ci-dessus le lien entre le côté
gauche du visage et ce qu’on pourrait appeler « Jean-qui-
pleure », ainsi que le côté droit avec « Jean-qui-rit ». Ceci est
particulièrement sensible au niveau des pommettes. En médi
tation, on n’en reste pas à cette observation, mais on agit en
faisant converger les deux courants en provenance des pom
mettes et des deux demi-visages vers le troisième œil. Là, on
voit apparaître, comme par un coup de baguette magique,
au-dessus d’un nuage blanc, le visage complet de «Jean-qui-
sourit ».
Les cobras amoureux
Au début de la pratique du lotus, on a tendance à vivre
les jambes comme coincées et sources de souffrance : mais si
on comprend qu’elles sont enlacées étroitement comme des
cobras amoureux, alors leur tension pénible deviendra étire -
ment d’aise, comme un bâillement, et leur souffrance se trans
mutera en délivrance. Dans une seconde phase, on peut visua
liser que les cobras amoureux se redressent, et on obtient la
représentation classique du yoga avec les deux serpents enlacés
qui montent jusqu’au troisième œil. Il s’agit bien sûr aussi de
l’archétype du caducée.
L’ouverture de la narine fermée et du troisième œil
Printemps, automne
Le cœur à gauche et la narine fermée sont comme des
arbres. Sur l’inspiration, le vent d’automne passe à travers leurs
frondaisons, et sur l’expiration, les feuilles sont emportées
jusqu’au « tas » au fond du jardin, c’est-à-dire le centre du front
; là, elles sont brûlées au fur et à mesure par le jardinier de la
conscience. C’est ainsi qu’on assure une énergie renouvelable
dans le corps vécu et que les déchets deviennent lumière. Rap
pelons qu’en sanskrit, chitâ, le bûcher, est pratiquement le
même mot que chittâ, la conscience, et que chitrinî, le nom de
l’enveloppe la plus interne du canal central. Cette parole signifie
aussi « merveilleuse ».
Le vent d’automne peut également devenir brise prin
tanière. Les deux arbres seront alors des cerisiers et leurs fleurs
emportées par le souffle iront s’accumuler dans la zone centrale
du front, l’autel au dieu de la lumière - quel que soit le nom
qu’on puisse lui donner. Pour préciser la visualisation, les deux
cerisiers seront des arbres inversés (cf. la Bhagavad-Gîtâ, où
l’être humain est présenté comme un arbre retourné) avec les
branches et les fleurs au niveau des « attracteurs », c’est-à-dire
le cœur à gauche et la narine fermée, et les pieds ainsi que les
racines au centre du front. Ainsi, l’autel au dieu de la lumière
sera au pied de l’arbre, ce qui correspond à l’archétype habituel.
La lampe à acétylène
L’énergie qui monte sur l’inspiration de la pommette
du côté de la narine fermée, libérée par la sensation de détente,
se dirige vers le troisième œil comme un courant d’acétylène,
et à l’expiration elle s’unit au courant « d’air » en symétrique
de la narine ouverte, pour engendrer une flamme vive. C’est
la lampe frontale du mineur qui s’apprête à explorer la profon
deur des boyaux de l’inconscient, ou encore l’endoscope du
« chirurgien spirituel » qui s’apprête à pratiquer une exérèse de
la tumeur de l’ego, quand il s’aperçoit que celui-ci s’est déve
loppé de façon maligne.
Trou blanc, trou noir
Le cœur à gauche est comme une étoile, avec son
bouillonnement d’énergie continue et une certaine force d’at
traction. On pourrait parler de « trou blanc ». Le cœur à droite
est comme un trou noir, imperceptible au début, mais avec une
force d’attraction finalement beaucoup plus grande que son
homologue à gauche.
Nous avons parlé de deux attracteurs, le cœur à gauche
et la narine fermée, qui agissent comme des frondes à l’an
cienne en faisant tourner autour d’elles la « pierre » de l’énergie.
Le méditant est alors un petit David : il sait lâcher cette pierre
au bon moment pour qu’elle aille frapper directement le centre
du front, c’est-à-dire toucher à la tête le Goliath de l’ego et le
vaincre.
Eclipse totale
Le point de concentration, par exemple le centre du
front, est souvent visualisé comme une étoile, un soleil. Pour
intensifier la sensation d’absorption, on peut aussi le percevoir
comme un soleil en éclipse totale, c’est-à-dire un disque noir
entouré d’un anneau éblouissant. On peut aussi utiliser une
image analogue : un énorme trou noir en train d’avaler des mil
liers d’étoiles. Ces expressions « éclipse totale » ou « trou noir »
pourront éveiller chez certains des peurs. Cependant, qu’y a-t-
il de si dangereux à installer quelque part en nous une « pou
belle à problèmes » et de les y jeter au fur et à mesure qu’ils
remontent à la surface ?
La désinhibition de la séparation
Intuitivement, je sens qu’il doit y avoir un lien entre
l’ouverture de la narine fermée et la désinhibition du centre du
sentiment de séparation dans le corps. On sait déjà que celui-
ci est désinhibé non seulement dans l’amour, mais dans la co
lère aussi. Il l’est donc également, c’est probable, dans le
sectarisme qui est un mélange particulièrement toxique
d’amour et de colère. Le monothéisme a malheureusement été
loin dans ce sens-là : « Tous ceux qui ne veulent pas être
convertis de force à “l’amour” de notre Dieu unique —auquel
toute la terre appartient bien évidemment, puisque c’est Lui
qui nous l’a dit dans nos textes sacrés indiscutables - méritent
d’être tués » Pourtant, la désinhibition du sens de séparation
est aussi à la base de l’élan spirituel authentique. Tout dépend
du niveau auquel on place cette désinhibition. Sur un plan vrai
ment subtil, ou bien sur le plan grossier des conquêtes mili
taires et de l’impérialisme. C’est pour cela que le chemin
spirituel reste un tout, et qu’on peut difficilement isoler une
technique, aussi valable soit-elle, d’un effort global de discipline
de soi, de purification de l’esprit et de recherche de non-vio
lence en priorité par rapport à toutes sortes de croyances et
d’idées de toute-puissance.
Histoires de cobras volants
On dit dans le yoga qu’il existe un cobra blanc lové
dans le bassin ; il cherche la « fente entre les rochers » pour re
monter, s’envoler vers le troisième œil. On pourrait aussi ef
fectuer le même type de visualisation à propos de la « fente »
dans la narine presque fermée. Et de façon intéressante, dans
l’Égypte ancienne, un des symboles principaux du pouvoir du
pharaon était l’uraeus, justement un cobra lové en train de se
redresser et s’envoler, cette fois-ci au niveau du troisième œil.
L’axe central: In m edio stat virtus
Petite roue, grande roue
Le cœur physique à gauche est comme une petite roue
qui tourne sur elle-même dans ses anxiétés, etc. Il attire la co
lonne thoracique légèrement vers lui, et elle devient déviée vers
la gauche, comme un arc de roue. Le cœur subtil à droite est
au contraire stable comme la roue du Dharma. Plus précisé
ment, il correspond au moyeu vide d’une roue dont un arc est
la colonne thoracique, cette fois-ci légèrement inclinée sur la
droite. Cela évoque la célèbre parole de Lao-tseu : « C’est parce
que le moyeu est vide que la roue peut tourner. »
Le galérien et l ’amiral
Le cœur à gauche est comme un galérien, qui doit sui
vre le « boum-boum » du contremaître, jouant de son tambour
qui donne le rythme aux rameurs, en l’occurrence le nerf
vague. Le cœur subtil à droite est comme l’Amiral, qui, lui, sait
vers où vogue la galère. C’est le vrai maître, on aimerait pouvoir
dire comme les Anglais, « the admirable Admirai ».
Le Centaure tire sa flèche vers la gauche
Nous avons vu que la colonne vertébrale et l’axe cen
tral subtil ont tendance à dévier légèrement, comme la cour
bure d’un arc, vers le cœur à gauche. C’est-à-dire que, pour
suivre ce symbole, la flèche sera tirée vers la droite. Quand on
met la force de sa concentration dans le cœur subtil à droite,
la courbure de l’arc s’inverse. C’est comme si la flèche de l’arc
était dirigée vers la gauche. À ce moment-là, le Centaure aura
son corps de cheval à peu près jusqu’au niveau du foie.
Savoir extraire de l ’accordéon l ’accord parfait
La colonne vertébrale modifie régulièrement son
orientation, même si ce n’est que d’un peu, comme un accor
déon dont on est en train de jouer. Normalement, cet « accor
déon » s’infléchit vers le cœur à gauche, mais on aura de vraies
chances de trouver l’accord parfait, la mélodie de l’amour vrai,
quand on saura l’incliner régulièrement vers le cœur prânique
à droite. Puissent les accordéonistes du silence partir à la re
cherche de l’accord divin, et le monde danser au son de leurs
mélodies aussi subtiles que le tracé des constellations dans le
ciel...
Prendre ses distances
Les deux cœurs forment un couple : ils ne peuvent se
séparer, ce serait la mort, mais ils ne s’accordent pas si bien
pour autant. La solution consiste en une prise de distance in
térieure. Quand, dans un ménage, on s’aperçoit que l’autre est
un(e) véritable hystérique, mais qu’on ne veut pas le laisser
tomber, par exemple par sens de l’engagement, la solution sage
est la prise de distance intérieure. Dans notre analogie, cela se
traduit par un rééquilibrage interne du tronc. L’attention prend
ses distances par rapport à l’agitation perpétuelle à gauche et
se met à s’appuyer sur le cœur subtil à droite. De l’extérieur,
rien n’a changé, le ménage tient ensemble, mais de l’intérieur,
l’état d’esprit est tout à fait différent, il est bien plus paisible.
Du « sac de nœuds » à la roue du Dharma
Nous avons vu que le cœur à gauche, se nouant régu
lièrement à chaque systole, attirait l’attention anxieuse, et sur
tout, qu’à la fin de l’expiration, la colonne vertébrale avait
tendance à pencher vers la gauche, et les espaces interverté
braux à se pincer dans ce sens, un peu comme une mère s’in
cline du côté de son enfant malade. Ainsi, chaque espace in
tervertébral légèrement pincé devient un nœud secondaire, en
écho-miroir du nœud principal qu’est le cœur. La résultante de
tout ce méli-mélo est que l’espace du thorax à gauche est vécu
par le préconscient corporel comme un sac de nœuds. Pour
sortir de ce sac de nœuds qui, dans les moments difficiles, peut
tourner au nœud de vipères, une solution simple : l’absorption
dans le cœur subtil a droite. Celui-ci sera ressenti comme le
moyeu de la roue du dharma, kha (signifiant « interstice central,
moyeu »), qui, lorsqu’il est bien vécu, tourne au sukha, le « bon
heur », littéralement le « bon moyeu, la qualité d’une affaire qui
tourne bien ». L’inflexion à gauche de la colonne passe à droite,
afin que par effet de rééquilibrage des deux déviations oppo
sées, le geyser de l’énergie puisse jaillir dans l’axe central tout
droit et se diriger en une érection qui mène directement vers
l’union avec la lumière au troisième œil.
Le Bouddha est celui qui a « mis en branle la roue du
dharma », dharma-chakra-parivartra. Un sens possible de cette
appellation suggère cet éveil du cœur subtil à droite. Le vécu
corporel habituel a tendance à verser dans la sinistrose, telle
ment il est fasciné par ce cœur à gauche qui gigote perpétuel
lement de façon apeurée, voire parfois paniquée. A chaque fin
d’expiration, le méditant doit être assez adroit pour dévier l’axe
central à droite plutôt qu’à gauche. Comme nous l’avons dit,
le résultat de ce rééquilibrage ne se fera pas attendre. L’axe cen
tral redeviendra bien droit, avec une énergie montante, pendant
que le mental suivra fidèlement le mouvement et deviendra
upright, comme disent les Anglais, littéralement « droit vers le
haut », c’est-à-dire droit, honnête, debout, bien d’aplomb,
convenablement soutenu par des « montants », uprights, du
sens moral intérieur.
Dans ce sens, nous pouvons relever une image inté
ressante : upright signifie aussi de façon abrégée upright piano,
le piano droit. Le grand avantage de celui-ci est qu’il tient
moins de place dans un appartement qu’un piano à queue.
Ainsi en va-t-il du méditant qui sait revenir à la posture juste
et bien droite : son ego tient moins de place dans l’appartement
des relations humaines, et c’est tant mieux pour tout le monde.
O bruit doux de la pluie
[Ces images me sont venues, allongé sur mon lit dans l’ermi
tage de l’Himalaya, au milieu de la nuit, en écoutant une averse
de mousson.]
Chaque goutte qui tombe est un nœud qui s’en va, qu’il
soit relié à un souvenir du passé ou à une anxiété pour le futur.
Le lac limpide de la conscience calme s’emplit petit à petit. La
terre mouillée du soi s’imbibe progressivement de l’énergie li
bérée. Tout ceci donne envie de répéter Verlaine, non sans le
contredire :
O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits,
Pour un cœur qui se réjouit,
O le bruit de la pluie !
Le bruissement de la pluie rend sonore l’espace ; la
conscience s’y fond et s’y oublie elle-même. On pourrait donc
aller plus loin en s’exprimant de cette manière : « Pour un cœur
qui s’oublie, ô le bruit de la pluie ! »
Le Tuteur, Dakshinamûrti
Quand un arbre penche de trop d’un côté, on lui met
un tuteur. L’arbre vertébral penche trop du côté gauche, il faut
donc lui mettre un tuteur bien solide drpcôté droit, par une
forme d’absorption de l’attention, de résorption du mental
dans la zone du foie. Pour être précis, il est utile de distinguer
deux cas de figure : si la narine gauche est fermée, le corps sera
dévié dans ce sens jusqu’en haut, il faudra donc visualiser-res-
sentir le tuteur jusqu’en haut également. Si c’est la narine droite
qui est fermée, le tuteur montera simplement jusqu’à la limite
du tronc et du cou.
Le tuteur est aussi une forme de maître spirituel, de gou
rou, « celui qui a du poids » et qui par sa force de gravité même at
tire à lui, tout comme la planète Jupiter, énorme, a pu capter de
nombreux satellites. L’archétype du maître réalisé qui transmet la
connaissance suprême en silence est Dakshinamûrti (la statue, mûrti,
de la droite, dakshina). Lorsque l’énergie est tellement absorbée-
résorbée dans le cœur subtil à droite, que tout s’y immobilise, c’est
alors que Dakshinamûrti, la statue, la pétrification, la « statufication
» à droite se révèle.
Dakshina veut aussi dire l’offrande qu’on fait aux brah-
mines pour les remercier de leurs rituels, ou au gourou en gra
titude pour son enseignement. En fait l’offrande est effectuée
avec la main droite, d’où le nom. Pour aller dans ce sens mais
plus profondément, on pourrait dire que la concentration sur
le cœur subtil à droite représente la meilleure offrande au gou
rou, car elle stabilise notre mental et révèle le Soi sous-jacent.
C’est évidemment ce que souhaite un maître spirituel le plus
pour son disciple.
Dakshina signifie aussi « sud », car on s’oriente dans la
tradition indienne en faisant face à l’est, et c’est donc à droite
que se trouve le sud. C’est la région des morts, le lieu où le so
leil s’immobilise au zénith, c’est l’arrêt sur image du film du
mental, c’est la cessation du soi dans le Soi.
Râmana Mahârshi exprimait dans son attitude corpo
relle même sa méditation régulière sur le cœur subtil à droite,
en tournant la tête à 45° environ vers sa droite, et en dirigeant
les yeux vers sa gauche pour pouvoir quand même regarder en
face de lui son interlocuteur. Dans cette position, on sent bien
l’éveil de la colonne latérale droite, c’est-à-dire de pingala. Et
pour aller dans le sens de notre comparaison, on pourrait dire
que cela aide à bien enfoncer solidement le tuteur dans le sol.
Le spectacle laser
Envoyer ces sensations qui naissent au niveau des
jambes, du bassin et du ventre vers la tête, aussi directement
qu’un rayon laser puissant qui irait éclairer les nuages. A ce mo
ment-là, la foule dispersée des sensations sera comme hypno
tisée et unifiée par le spectacle, et restera « la bouche ouverte »
d’admiration, l’arrêt du mental associé à la « bouche-bée » pou
vant être le début de la béatitude : c’est ce qu’on recherche, on
aura alors une bonne méditation. Si on veut préciser l’image,
on pourrait dire que le point de contact de la langue et du palais
en khecharî correspondra à la rencontre du laser ascendant
avec le plafond nuageux.
Le visage animal
Associer un visage humain donné à un visage animal
donné représente un travail profond sur les archétypes, on
pourrait presque dire les totems. Il s’agit d’un antidote au désir
de l’autre qui idéalise, et fait croire que l’objet sera comme un
remède à notre souffrance dépourvu de tout effet secondaire.
Ainsi par exemple, par des tests simples, on peut prouver qu’un
bébé qui est sur le point de téter le sein maternel cesse de voir
et d’entendre le monde extérieur. Le désir dissipe littéralement
celui-ci. De même que le bébé est le roi de la famille, le bébé
intérieur, si l’on n’y fait pas attention, a été et reste le roi de
notre mental. Il voudra toujours le sucre de la satisfaction
comme une drogue, même s’il risque fort de se rendre malade
à long terme. Le désir ayant tendance à gonfler les qualités de
l’objet, l’antidote principale de ce désir restera le « dégonflage »
- l’aiguille du discernement qui perce le ballon de baudruche
de l’investissement libidinal.
Merveilles du son naturel et de l ’esprit ordinaire
Niguma, la dame de sagesse, a initié de grands maîtres
du bouddhisme tantrique indien vers le XIe siècle, juste avant
que celui-ci ne soit transmis au Tibet Elle expliquait qu’elle
avait reçu directement ses enseignements du son du silence.
La vibration de ce son s’est mise à baigner et imprégner ses
activités quotidiennes :
J'ai entendu ces paroles, son naturel, sans naissance,
Chantées par le grand porteur de Vajra (Vajradhara),
corps de gloire,
Félicité immense, libre et spontanée....
La voie spirituelle est pour Niguma une ligne de crête
entre deux abîmes : celui de la tension produites par la concen
tration, et celui de la dissolution provoquée par la distraction.
Nul ne connaît le sens caché des tantras
Pourtant dévoilé par ces seuls mots :
« Non-méditation et non-distraction ».
La grande évasion
Méditations étymologiques
et poétiques
Du sens des sons à l 'essence du sens
Khecharî-vidyâ
La connaissance de la pratique
du redressement de la langue
Le contexte historique
99. Vigne Jacques, Soigner son âme, Albin Michel/Spiritualités, 1996, 2007.
Conseils donnés dans la Khecharî-vidyâ pour la pratique
L’éveil au-delà
de la gauche et de la droite
Chapitre 11
La guérison autocatalytique
des émotions et la
méditation
Les neurones miroirs ont été mis en évidence par Giaccomo Riz-
zulatti en Italie à l’Université de Parme au début des années 90.
Ils permettent non seulement l’imitation des gestes de l’autre,
mais en reproduisant de façon discrète et intériorisée les mou
vements de son visage, ils rendent aussi capables de comprendre
les émotions et à plus long terme les intentions de l’autre. Les
primates aussi ont cette possibilité de « singer » l’autre sponta
nément. Il est clair que c’est cette capacité qui permet l’empathie.
Il y a plusieurs régions anatomiques qui peuvent abriter des neu
rones miroirs. Une de ces zones est particulièrement importante,
il s’agit de l’aire de Broca, liée au langage. Cela peut se compren
dre, car l’enfant apprend à parler en reliant les sons qu’il entend
au mouvement des lèvres et de la bouche de sa mère par exem
ple. Une bonne capacité d’imitation est donc une condition sine
qua non pour un bon apprentissage du langage. Ceux qui pour
une raison ou pour une autre en sont dépourvus n’arriveront pas
à cette acquisition. Signalons par ailleurs qu’on a pu identifier
des centres importants en lien avec l’émotion d’empathie, il s’agit
de l’amygdale, de l’insula et du cortex temporal supérieur.
Les traditions dévotionnelles ont su utiliser naturelle
ment les neurones miroirs : en effet, elles s’identifient à une di
vinité donnée ayant en général, une forme humaine. Même chez
les monothéistes, les chrétiens ont des représentations de Jésus
et de la Vierge, sans compter les saints et les démons. Dans l’is
lam et le judaïsme qui sont plus stricts, l’identification au maître
spirituel peut avoir une fonction analogue, et dans l’hindouisme
et le bouddhisme, il y a à la fois les représentations des dieux,
des bouddhas et des bodhisattvas, avec la figure du maître spiri
tuel qui reste aussi très importante.
Deux auteurs ont fondé leur anthropologie sur la capa
cité d’imitation, Marcel Jousse dont nous avons déjà parlé avec
son anthropologie du geste, et René Girard. Pour celui-ci, l’imi
tation du désir pour un objet est la source de nombreux conflits
des sociétés humaines. De plus, l’imitation de la violence d’un
des membres du groupe par les autres pour éliminer le bouc
émissaire est responsable des épidémies d’agressivité. Il s’agit
aussi d’une loi de base du fonctionnement des sociétés humaines.
Les neurones miroirs sont importants théoriquement,
pour comprendre comment les mouvements perçus à l’extérieur
peuvent être reproduits en nous et entraîner une stimulation des
gènes qui fabriquent de nouvelles protéines, et peuvent conduire
à des changements durables dans le cerveau. Ainsi, les neurones
miroirs seront impliqués de façon essentielle dans le processus
de neuroplasticité. Leur sensibilité aux stimuli extérieurs est tel
lement importante qu’on pense qu’ils continuent à fonctionner
même dans certains types de coma. A ce moment-là, on pourra
les utiliser en rééducation, même si le contact conscient avec le
patient n’est pas possible.
Les effets de groupe, que ce soit en psychothérapie ou
en méditation lors de sessions de pratique en commun, sont à
l’évidence liés aussi aux neurones miroirs. Dans le gourou yoga,
la méditation sur le maître spirituel consiste à se voir en miroir
de lui. Les Tibétains ont, par exemple, une méditation où l’on
visualise trois rayons de couleurs différentes, l’un qui unit le troi
sième œil du méditant avec celui du gourou, le second qui unit
les deux centres de la gorge et le troisième les deux du cœur.
Dans une méditation hindoue qui va dans le même sens, on peut
aussi se représenter en face de son maître comme un frère ju
meau dans l’utérus de la mère. On est donc inclus dans une sorte
d’œuf, on suit en montant l’enchaînement des chakras dans le
corps du gourou, on sort par le haut, on fait un demi-cercle, et
on rentre en redescendant à travers ses propres chakras dans son
axe central. Il s’agit typiquement d’une mise en situation de mi
roirs, qui facilite le transfert de l’énergie entre maître et disciple.
On connaîtra sans doute le principe des méditations ti
bétaines d’empathie, comme celle de « prendre et donner » par
exemple : au lieu de chercher à résoudre ses problèmes person
nels dans son petit coin, on prend en charge en quelque sorte en
miroir le même type de problèmes tel qu’il est répandu dans le
monde, on imagine que, bien que très noirs, ces difficultés sont
aussi peu denses que des nuages, alors que nous sommes nous-
mêmes stables comme la montagne. On peut aussi se représenter
un soleil à l’intérieur de soi, qui avale et consume les fumées
noires provenant des souffrances des autres. Une autre manière
de pratiquer en miroir l’empathie est de savoir se réjouir de la
réussite des autres. Le réflexe de jalousie souvent nous empêche
de le faire de bon cœur.
En parlant de miroir et d’écho, nous pouvons faire re
marquer que la parole n’est pas simplement son, mais aussi ré
sonance : l’enfant apprend en miroir de la mère, et quand on
parle, on fait résonner les autres en miroir et écho. De même
que, quand on fait vibrer une coupe de cristal, d’autres coupes
peuvent entrer en résonance, de même la parole, et très proba
blement l’état vibratoire du cerveau en général, peut faire rentrer
les autres en résonance. Ces phénomènes sont aussi reliés à la
loi d’interdépendance chère aux bouddhistes. Evidemment, du
point de vue scientifique, il reste à déterminer de quels « champs
vibratoires » il s’agit : peut-être un mélange d’interactions vi
suelles et auditives, plus le champ électromagnétique. Il se peut
que celui-ci agisse directement sur la libération des vacuoles pré-
synaptiques, qui sont extrêmement fines et donc sensibles à une
influence extérieure.
Rossi fait remarquer que l’action de la psychothérapie
passe essentiellement par une décompartimentation de nos fonc
tions psychophysiologiques qui sont d’habitude trop séparées :
nous avons les sensations d’un côté, les émotions de l’autre, les
images mentales d’un troisième et les messages provenant de la
réalité extérieure d’un quatrième, et tous ces compartiments
communiquent mal. « Les gens ont des symptômes ou des pro
blèmes quand ils se sentent emprisonnés dans une modalité ou
assujettis à une autre, d’une manière qui les empêche d’utiliser le
génie naturel contenu dans leur nature. » 118
L’ouverture des canaux et la libre circulation de l’énergie
dans ceux-ci grâce au Râjayoga sont une forme de décomparti
mentation. En cela, elle est thérapeutique. Pour élargir la com
paraison, nous pourrions faire remarquer que les grandes civili
sations antiques se sont souvent développées le long d’axes
fluviaux permettant justement la communication entre des tribus
qui, au départ, étaient plutôt isolées et primitives : nous avons
eu l’Egypte ancienne avec le Nil, la Mésopotamie avec le Tigre
et l’Euphrate, ainsi que la civilisation de Mohenjo-Daro avec l’In-
dus et la Sarasvatî. De nos jours, nous avons un nouveau type
de fleuve qui facilite la communication entre les « tribus » sépa
rées du globe, il s’agit de l’internet...
Au moment d’achever ce chapitre, nous pouvons donner
une image significative à propos de l’utilité des méditations de
rééquilibrage des latéralités. Demandons-nous par exemple quelle
distance pouvons-nous faire en marchant à cloche-pied : certai
nement, pas plus de 50 ou 100 m. Par contre, si nous utilisons
normalement et en alternance nos deux jambes pour marcher,
nous pouvons partir pour un grand pèlerinage et a priori arriver
au but plusieurs milliers de kilomètres plus loin...
Rappelons que l’ouverture des canaux est traditionnel
lement le début d’une grande aventure spirituelle. Mon maître
Vijayânanda était au départ médecin généraliste en France et il
est devenu yogui en Inde, il a pratiqué la méditation pendant 75
ans. Il disait parfois, à propos de l’application hâtive de certaines
pratiques de méditation à la thérapie, que cela revenait à « utiliser
un couteau en or pour éplucher les pommes de terre ». Dans ce
sens, pour les pratiquants spirituels en général, mais en particulier
pour les thérapeutes qui souhaitent avoir une ouverture spiri
tuelle, il est important de se souvenir régulièrement de la pers
pective de libération complète. Le patriarche du zen Houeï-Neng
était sur le point d’envoyer ses moines pour transmettre un en
seignement, et il leur a donné au moment de leur départ ce
conseil : «Pensez à parler de l’Essentiel, sinon les gens croiront
que vous l’avez oublié ! »
Chapitre 12
La gauche et la droite
dans l’univers,
le corps et la culture
Méditation, éthique
et science contemplative
Les psychologues qui ont une vision holistique voient que les
émotions positives donnent une bonne santé à long terme à
soi-même, et qu’elles aident aussi à la bonne santé des autres.
Ainsi, elles sont capables de fournir une base solide pour une
éthique universelle. Daniel Goleman est un célèbre spécialiste
américain des émotions ; il a développé l’idée d’intelligence
émotionnelle. Il s’est aussi intéressé à la méditation bouddhiste.
Il parle, en jouant sur les mots entre l’anglais et le sanskrit, de
body dharma, de loi juste du corps, sachant qu’aussi Bodhi-
dharma a été le moine indien qui a introduit le bouddhisme en
Chine. Ces lois, récemment découvertes à propos des interac
tions corps-mental à travers différents canaux, sont maintenant
rassemblées dans une nouvelle science qui a pris forme à partir
des années 80, la psycho-neuro-immuno-endocrinologie.
Commençons par une série d’exemples sur la manière
dont les émotions affectent la santé.134 William Redford de
Duke University aux Etats-Unis a fait une première étude dans
ce sens : il a évalué pour leur sentiment d’hostilité 2 000 ou
vriers et les a réexaminés après 25 ans, en estimant leur santé
générale, et évidemment leur taux de mortalité. 20 % de ceux
avec un niveau bas d’hostilité étaient morts, tandis que 30 %
de ceux qui avaient un haut niveau d’hostilité étaient décédés
de différentes causes, y compris d’accidents. Ceci signifie qu’un
haut niveau d’hostilité avait accru le risque de mort de 50 %
après un quart de siècle. Le même auteur a fait le même type
d’études avec d’autres groupes, et parfois, il a trouvé un ac
croissement encore beaucoup plus grand, jusqu’à 500 %.
Si un sujet a déjà eu une attaque cardiaque et qu’il est
en plus sujet à des accès de colère, il a deux ou trois fois plus
de chances de mourir après 10 ans que l’autre groupe qui a le
même problème de fond, les crises cardiaques, mais pas d’accès
de colère.
On a prouvé que la dépression gêne la convalescence
de maladies sérieuses, comme les crises cardiaques, les cancers
du sein ou les fractures de la hanche chez les personnes âgées.
Freidman, de l’Université de Californie à Irvine, a fait une
« méta-étude » d’une centaine d’études précédentes sur les
émotions et la santé. Sa conclusion est que les émotions néga
tives doublent le risque de maladies graves.
Même le simple fait de réprimer ses émotions augmente
notablement l’asthme, l’hypertension, la grippe et les rechutes
de cancer du sein. Du point de vue de l’immunité, on a observé
une relation régulière et proportionnelle entre le nombre de cel
lules tueuses et l’augmentation du temps de pratique de la mé
ditation. Ces cellules constituent des liens importants pour un
bon fonctionnement de toute l’immunité.
147. Davidson Richard, The Emotional Life ofyour Brain, Hudson Street Press
(Penguin group, New York), mars 2012.
148. Rossi Ernest http://www.emestrossi.com/ebook/ A Creative Dialogue with
our Genes- Therapeutic Hypnopsis & Réhabilitation.
systématique de centres de retraites où pourront se ressourcer
les employés du gouvernement ou des services privés, en par
ticulier ceux exposés davantage au stress comme le personnel
de santé, d’éducation, ou les travailleurs sociaux en contact
quotidien avec la précarité.
Pour ceux qui voudraient plus de détails sur les com
munications du congrès, je donne mes notes en anglais, dis
ponibles sur mon site, et j’espère en avoir aussi une version
française, au moins pour les communications principales149150.
L’élan général de ce congrès sur les sciences contem
platives de Denver allait dans le sens de quelque chose de vrai
ment nouveau, mais fondé sur des bases traditionnelles
étudiées et réinterprétées avec les instruments élaborés de la
modernité. C’est un travail qui avait été rarement effectué à
une si grande échelle et avec autant de coordination. Il n’est
pas né en un seul jour, mais a été le fruit de 20 ans de matura
tion du Mind and Life Institute et du Dalaï-lama, qu’il faut donc
remercier pour cette belle réussite. Il y a des événements où
l’on sent clairement que l’avenir de l’humanité est en construc
tion : ce Congrès de Denver en avril 2012 en fait partie.
149. Ryan Tim, A Mindful Nation - How a Simple Practice Can Help Us Reduce
Stress, Improve Performance, and Recapture the American Spirit, Hayhouse,
2012. On pourra prendre connaissance de la description du livre sur le site de
l’éditeur http://www.hayhouse.com
150. www.jacquesvigne.fr.st
Chapitre 15
Bien s’endormir
pour bien s’éveiller
156. Lissoni, P., Decreased toxicity and increased efficacy of cancer chemothe-
rapy using the pineal hormone melatonin in metastatic solid tumour patients with
poor clinical status, European Journal of Cancer, 1999, 35(12), p. 1688-92.
et Lissoni, P., Increased survival time in brain glioblastomas by a radioneuroen-
docrine strategy with radiotherapy plus melatonin compared to radiotherapy
alone, Oncology, 1996, 53(1), p. 43-6.
La vision du sommeil dans les Upanishads
J’ai déjà parlé de cette question dans mon livre Soigner son âme
- méditation et psychologie 157, dont tout le chapitre 2 est consa
cré au sommeil. Mais nous pouvons reprendre ici certains
points importants et les développer un peu différemment pour
montrer toute l’expérience spirituelle et métaphysique qu’on
peut effectuer autour du sommeil. L’Upanishad la plus an
cienne, la Brihad-ârawyaka, réfléchit en profondeur sur le som
meil (4. 3.7-14)158 :
Quand quelqu ’un s ’endort, il prend comme tout bagage avec
lui le matériel de ce monde qui contient tout, et c ’est lui qui le
met en morceaux, c ’est lui qui le reconstruit, il rêve grâce à
son propre éclat, grâce à sa propre lumière aussi, et cette per
sonne devient auto-illuminée... C'est elle qui projette pour
elle-même tout ce qu 'elle voit dans le rêve...
A ce sujet, on a les vers suivants :
« Laissant tomber pendant le sommeil ce qui est physique,
sans sommeil, il regarde par-dessous [les sens] endormis.
Après avoir ramené à lui la lumière, Elle retourne à sa place,
La Personne d ’or, le Cygne unique.
Il fait garder son nid d ’en dessous par le souffle, l ’Immortel
procède hors du nid, Il va où bon lui semble - l'Immortel, La
Personne d ’or, le Cygne unique. »
Dans l'état de sommeil, allant plus haut ou plus bas, Etant
un dieu, Il se fabrique toutes les formes, à un moment, profi
tant pour ainsi dire du plaisir avec les femmes, à un autre,
pour ainsi dire riant ou même contemplant des visions terri
bles. Les gens voient Son terrain de jeu ; mais Lui, personne
ne le voit.
Si on réussit à être conscient qu’on rêve, comme dans le
rêve lucide, à ce moment-là on a une expérience de ce Soi qui voit
sans être vu, qui est le témoin du tout, que ce soit les événements
157. Vigne Jacques, Soigner son âme, Albin Michel / Espaces libres, 2003.
158. J’ai refait la traduction des textes d’après la version classique anglaise de Ro
bert Ernest Hume, The Thirteen Principal Upanishads, Oxford University Press,
Bombay, Delhi, 1921, 1985.
dans le rêve ou dans la vie éveillée. Cet aigle de la conscience té
moin se repose dans son nid au moment du sommeil :
De même qu ’un faucon, qu ’un aigle, après avoir volé long
temps dans l ’espace, se fatigue, replie ses ailes, et est amené
à retourner à son nid, ainsi cette personne se hâte pour re
venir à cet état où, endormie, elle ne désire pas de désirs et
ne voit pas de rêve. (Br-Ar JJp 4. 3. 19)
Le fait d’être a-kâma-kâmî, de ne pas désirer de désirs,
est mis en rapport, dans la même Upanishad, avec la progres
sion vers des niveaux de félicités de plus en plus intenses. Il
faut aussi, pour réussir cette progression, connaître les Ecri
tures. Sinon l’absence de désir risque de donner lieu à une éner
gie mal dirigée, et de faire tourner en rond sur soi-même
comme dans le cas de la simple frustration ou du refoulement.
Ceci en vérité, cette forme de la personne est au-delà des dé
sirs, libre du mal et sans peur. De même qu ’un homme, quand
il embrasse safemme bien-aimée, ne connaît plusrien ni à l'in
térieur ni à l ’extérieur, de même cette personne, quand il em
brasse l ’A me intelligente, ne connaît plus rien ni à l'intérieur
ni à l'extérieur. En vérité, c 'est la forme véritable dans la
quelle le désir est satisfait, dans laquelle le sujet est son propre
désir, dans laquelle il est sans désir et sans chagrin. (4. 3. 21)
Cette expérience d’union dans le sommeil, quand elle est
consciente, même hyper-consciente, devient donc pur samâdhi.
A ce moment-là, on a une expérience de subjectivité pure où
il n’y a plus d’objet, il n’y a plus que le sujet : c’est comme si
tous les objets étaient dévorés par ce feu de la conscience qui
se répand partout, il n’y a plus que Lui, c’est-à-dire le Soi :
En vérité, bien qu 'Il ne voit pas avec les yeux, Il voit réelle
ment, bien qu 'Il ne voit pas ce qu 'on voit d'habitude ; car
n ’y a pas de cessation de la vue de Celui qui voit, car Celui
qui voit est impérissable. Ce n 'est pas cependant une autre
chose, autre que Lui-même ou séparée, qu 'Il peut voir. (Bri-
had-âranyaka Upanishad 4. 3. 19, 21, 23)
Râmana Mahârshi rapproche l’état de rêve de l’état
d’éveil en disant tout simplement : « Le premier est bref, le se
cond est long, voilà toute la différence. » Quand il était enfant,
le sage n’avait pas d’attrait spécial pour la spiritualité, mais il
avait une caractéristique intéressante : il pouvait s’endormir
profondément pendant la journée, même au milieu de ses amis
qui jouaient, et ceux-ci s’amusaient même à le secouer dans
son sommeil, mais rien n’y faisait, il ne se réveillait pas. Il est
possible que cette intensité de l’expérience du sommeil pro
fond se soit transformée —après sa conversion par une expé
rience de mort apparente à l’âge de 15 ans dans la maison
familiale à l’ombre du grand temple de la Déesse à Madurai -
en une hyperconscience immergée dans l’unité, c’est-à-dire en
samâdhi.
En pratique, cela change certainement la qualité de l’en
dormissement si on fait l’expérience à ce moment-là de son
essence lumineuse. Dans ce sens, les Italiens n’ont-ils pas une
jolie manière de souhaiter bonne nuit ? Ils peuvent dire sim
plement sonno d ’oro, « sommeil d’or »... Cela rappelle le cygne
d’or qui rejoint son nid supérieur au cœur du soleil. Le terme
hamsa, le cygne, correspond aussi au mantra qui est le plus
proche du va-et-vient de la vague du souffle. On peut ressen-
tir-visualiser ce souffle comme une vague d’or qui tend petit à
petit, dans le processus d’endormissement, à réaliser son unité
avec l’océan d’or sous-jacent...
Sommeil et pratique spirituelle : où est le juste milieu ?
Dernières pensées
Détachement
Entre les foules des regrets du passé et celle des soucis
du futur, l’ermitage du présent, la solitude du seul instant.
Les formations mentales peuvent être comme des tu
meurs cancéreuses. Il y a des pistes thérapeutiques qui tentent
d’enrayer ces tumeurs en privant l’organisme de certains com
posés dont elles ont besoin pour se développer. De même, ces
pensées-tumeurs ont besoin de notre intérêt, de notre attache
ment-attention pour croître. Si nous leur ôtons cet aliment in
dispensable, elles dépériront et nous deviendrons quant à nous
un bon spécialiste de « l’oncologie subtile ». Nous saurons par
exemple irradier les pensées-tumeurs débutantes avec le rayon
nement de la vacuité On pourrait appeler ce rayon de la « vue
vide» le « rayon zéro » ou encore le « rayon oméga ». C’est un
rayon qui a le pouvoir de traiter les néoplasies dès qu’elles appa
raissent, les empêchant ainsi de métastaser.
Les Chinois ont appellé leurs thérapeutes traditionnels
du nom de « médecins aux pieds nus », les Philippins font des
miracles avec leurs guérisseurs aux mains nues : on peut opérer
quant à soi des merveilles dans son monde intérieur en suivant
la méditation traditionnelle d’observation, celle de « l’esprit à
l’attention nue ».
Les perceptions désagréables comme la douleur phy
sique, ou au contraire trop agréables de type désir sont comme
un début de passion amoureuse : le mental oscille plutôt péni
blement entre le fait de s’y abandonner ou celui d’y résister.
Nous abritons en nous un grand patient maniaco-dé
pressif, et il a pour nom « ego ». Il est pris dans un cercle vi
cieux, car c’est ce trouble bipolaire lui-même qui donne à cet
ego sa force, et au fond son impression illusoire d’exister.
Jusqu’à quand jouerons-nous à l’infirmerie psychiatrique d’ur
gence, accueillant les rechutes régulières de toujours le même
patient, à savoir l’ego en crise ?
Quand on est confortable dans un cocon conceptuel,
on a des chances non négligeables d’y rester jusqu’à sa mort,
comme un papillon qui ne serait jamais né. La vie n’est-elle pas
plus que ce petit confort « plutôt cocon » ?
Trop souvent, la vie à deux oscille entre les deux pôles
du couple désir-colère. La maturité affective, c’est justement que
la vie de couple puisse aller au-delà de ce couple-ci, pour de
meurer tranquillement dans les jardins suspendus d’une stabilité
heureuse. Précisons aussi que ces jardins suspendus ne sont pas
un mythe, ils peuvent nous accueillir pour peu que nous sa
chions trouver le chemin qui y mène.
Quand une voiture tombe dans le fossé, elle est immo
bilisée d’un seul coup d’un seul. Il y a entre chaque pensée un
fossé, qui a le pouvoir de stopper net le véhicule du mental.
Entre chaque cycle respiratoire, il y a ce « fossé » de l’arrêt
après la fin de l’expiration. C’est une forme de petite mort.
D ’ailleurs, en allemand, der Graben signifie « le fossé » et das
Grabe, « la tombe ».
Pensées passées : cadavres. Pensées futures : fantasmes.
Pensée présente : funamabule en équilibre au-dessus d’un tas de
cadavres d’un côté et d’un fouillis de fantasmes de l’autre. Ce fu
nambule est tellement vaporeux et sur un fil tellement fin que,
disent certains sages, il n’a pas d’existence propre.
L’activisme fébrile provient généralement, et contraire
ment aux apparences, d’une paresse de la conscience, d’une mol
lesse à prendre ses distances par rapport à une attraction
automatique pour le mouvement. Il faut bien sûr ajouter à cela
l’inertie de l’imitation et de la grégarité, qui vous pousse à bou
ger simplement parce que la plupart des gens bougent ; on pour
rait parler en d’autres termes du « syndrome de la fourmilière ».
En latin, mens et manus sont deux termes très proches.
En effet, le mental est comme une main, mais enduite de miel
ou de confiture. Tout ce qu’il touche, il a tendance à y coller.
D ’où l’importance de Ya-grahya, du non-attachement comme
une sorte de thérapie de base de cette tendance.
C’est le fait de vouloir posséder les objets qui trans
forment ces objets en démons qui nous possèdent. Les dé
mons n’ont pas d’existence propre et indépendante en dehors
de cette relation entre les objets et nous. Beaucoup de religions
alimentent leurs fantasmes violents en se fabriquant une dé-
monologie, mais le bouddhisme dans sa forme originale et le
védânta ont ceci de remarquable qu’ils ont réussi à établir au
contraire une « a-démonologie ».
Désirer, c’est phagocyter. Sommes-nous capables de
faire ce premier pas de l’Évolution, montant ainsi au-dessus
du « stade phagocytaire », celui de l’amibe primitive ?
Il y a certains sauvages de la forêt vierge qui coupent
les oreilles des gens, d’autres leur nez, mais un bon méditant
est encore plus féroce que cela : il tranche le bout du nez des
émotions perturbatrices dès qu’elles osent le montrer... Son
mantra est « coupe, coupe » !
r La vraie méditation revient à une révolution coperni-
cienne. A la place d’être centré sur la « terre », c’est-à-dire l’ob
jet de l’émotion, on se focalise sur le « soleil », c’est-à-dire
l’émotion elle-même.
L’attention juste est comme un papillon posé sur une
fleur balancée par le vent : cette fleur peut être la respiration, un
courant de sensation dans le cadre d’une pratique donnée de mé
ditation, le son intérieur pulsatile, etc... A priori, faire attention
et papillonner sont des notions contradictoires. Cependant, on
peut pratiquer l’union des contraires : par exemple, il est possible
de poser sur la fleur du souffle une attention légère, vive, colorée
et neuve comme un beau papillon.
Le résultat psychosomatique du stress chronique, c’est
la détresse (en anglais, di-stress). Le stress vient du fait qu’on
se pose trop de contraintes, en lien avec des désirs réels ou
imaginaires, d’où tensions. Cependant, c’est fatiguant d’avoir
un corps-mental aussi rigide, aussi contracté, aussi « précon
traint » que du béton. D ’où l’importance de desserrer progres
sivement l’étau. Avant de devenir profond, immense, immobile
comme l’océan, apprenons à être fluide comme le ruisseau, le
torrent, le fleuve, et même relativement apaisé comme le lac.
Un bon sujet de réflexion pour les tibétains : shiné, la
méditation apaisante par excellence, a pratiquement la même
consonance que le mot « Chinois », leurs voisins responsables
du génocide récent... Pourra-t-on faire suivre un traitement
apaisant, de « shiné-thérapie » aux Chinois ? Le Dalaï-lama ne
désespère pas de cela. Pour continuer sur cette lancée, « Chine
» signifie « milieu », sous-entendu l’Empire du milieu. Or, la
voie principale du bouddhisme tibétain est celle du Madhya-
mika, c’est-à-dire la voie du Juste milieu. Les Chinois de demain
sauront-ils retrouver leur vocation profonde du juste milieu,
s’accommoder d’une autonomie réelle du Tibet et ainsi remon
ter leur image de marque internationale en abandonnant leur
position extrême d’état policier et persécuteur ? 166
166. Voir à ce sujet le livre bien documenté et plein d’énergie de Robert Thurman
qui fréquente le Dalaï-lama depuis plus de quarante-cinq ans : Why the Dalai
Lama Matters, Atria Books-Beyon Words Publishing, New-York, 2008.
Absolu
Etre capable de lâcher ses références est un signe de
déférence... pour l’Absolu.
Il n’y a pas besoin d’être prophète envoyé par Dieu pour
mettre en évidence certaines erreurs religieuses ou folies collec
tives. Il suffit de se fonder sur un solide bon sens, devenir en
quelque sorte un « prophète du bon sens ». Et ce sens commun
est en réalité la meilleure arme pour désamorcer toutes sortes
de conceptions erronées, en particulier celle des intégristes.
Tous les pratiquants spirituels ont besoin de développer
l’enthousiasme. Ce terme vient de theos, qui donne en compo
sition thous, et signifie « dieu à l’intérieur ». Pour les bouddhistes
qui n’ont jamais eu besoin d’un dieu personnel pour expliquer
la formation du monde tel qu’il est, ainsi que l’esprit humain et
la libération, mais qui croient cependant que chacun a la nature
de l’Eveil et du Bouddha, il faudrait sans doute créer un nouveau
terme du genre « embouddhiasme »... Bien sûr, le terme a pre
mière vue paraît incongru, mais n’est-ce pas encore plus incon
gru de dépendre, pour une qualité intérieure aussi fondamentale
que l’enthousiasme, d’une notion hypothétique ? Rappelons que
seulement 22 % de la population française croient encore en un
dieu personnel, unique et créateur. Ce phénomène probable
ment irréversible devrait nous amener à mettre à jour notre vo
cabulaire. Il s’agit plus que d’une question de mots, ce qui est
visé est une maturation globale du genre humain à travers une
modification de sa représentation du monde et des termes à tra
vers lequel il l’exprime.
Le Bouddha a utilisé une image célèbre, celle de
l’homme blessé par une flèche qui n’a pas besoin de savoir la
caste ou le nom de famille de l’archer, mais doit d’abord ôter
cette flèche et se soigner. Quand on y pense sérieusement, cette
comparaison à elle seule peut remettre en cause les fondements
même de la psychanalyse. Sa méthode, on pourrait même dire
parfois son dogme, est de rechercher automatiquement les causes
des souffrances présentes dans le passé, souvent dans l’enfance.
L’intuition du Bouddha pencherait plutôt en faveur des thérapies
cognitives, en particulier la troisième vague qui intègre au traite
ment la méditation et insiste sur l’expérience du présent.
Deux boîtes
Les religions dévotionnelles proposent une boîte ma
gique censée sauver, mais elle devient trop souvent une boîte de
Pandore, surtout quand le vin de la dévotion tourne au vinaigre
du sectarisme, voire de la guerre ethnico-religieuse, encore bien
fréquente de nos jours. Un trop grand nombre de conflits sont
encore ainsi, dans un monde qui se dit moderne mais peine au
fond à le devenir pour de bon. La prochaine « sortie » de la boîte
de Pandore, la prochaine poussée d’hubris, de démesure, risque
d’être une guerre sainte nucléaire, qui serait évidemment l’absur
dité des absurdités. Il y a donc urgence. Le bouddhisme propose
quant à lui en guise de boîte une boîte à outil pour (se) réparer
et (se) reconstruire. Dans un monde en évolution qui a fait des
progrès de géant grâce à la technologie, la boîte à outil est sûre
ment une meilleure option que la boîte de Pandore...
Un clin d’œil de la langue française pour cesser de nous
faire croire à la solidité des phénomènes, qu’ils soient extérieurs
ou intérieurs : le terme même « solide » commence par les deux
mêmes lettres que « sot »... Quand la « sot-lidité » devient liqui
dité, elle cesse d’être sotte, c’est-à-dire de se présenter comme
ce qu’elle n’était pas en réalité.
Le méditant habile envers lui-même se contente de la
détente.
La nature de notre esprit est à la fois claire et empa
thique : en anglais, clarity et charity ne diffèrent que d’une lettre.
Entre deux personnes :
De mental à mental : communication
D ’arrêt du mental à arrêt du mental : communion.
Le déclic
Quand on est engagé dans une relation amoureuse qui
ne marche plus très fort, après avoir « coincé » sur quelqu’un
comme on dit familièrement, il arrive souvent un déclic au fond
de soi-même. On comprend qu’il n’est pas bon de continuer, et
à ce moment-là s’enclenche le processus de détachement. Le
mouvement de la sâdhanâ est analogue à cela. Déjà s’apercevoir
qu’on a « coincé » par rapport à son corps dans un lien au moins
aussi fort que le lien amoureux. Ensuite, ressentir le « déclic » qui
vous fait décoincer. Troisième et dernière phase, appliquer les
conséquences de ce déclic à sa pratique de méditation et à sa vie
quotidienne, c’est-à-dire être réellement à distance de toutes ces
émotions perturbatrices qui proviennent du corps. Soit dit en
passant, cela laissera alors la place pour que des émotions posi
tives puissent remonter et se manifester naturellement.
L’altruisme authentique-empathique, le souhait d’offrir
les mérites de sa pratique aux autres n’est pas comme la dissolu
tion d’un morceau de sucre dans un lac immense où il se perdrait,
mais plutôt comme le Big-Bang où, en une fraction de seconde,
une masse énorme d’énergie s’est condensée en particules élé
mentaires de matière. Ensuite, celle-ci, en un temps beaucoup
plus long, a fini par donner les atomes, les molécules, les acides
aminés et la vie sur notre terre.
Glossaire
(Les a finaux brefs sont prononcés en sanskrit, mais pas en hindi
actuel.)
Âjhâ : centre d’énergie qu’il vaut mieux situer dans sa
concentration directement au centre du front plutôt qu’entre
les sourcils, ce dernière emplacement étant souvent associé à
la tension et au stress, voire à la colère.
amrita : Littéralement « immortalité », mais ce terme
est utilisé également pour désigner le nectar de l’expérience
yoguique en général, en en particulier celle qui provient de la
langue retournée vers le palais, khecharî, qui permet de goûter
des saveurs diverses et variées jusqu’à l’obtention d’une saveur
unique, qui correspond aussi à cet amrita.
Anâhata chakra : le centre du cœur, là où le son inté
rieur ne peut être « retiré », hata, car il y résonne continûment.
ânanda : Joie sans objet, félicité qui est au-delà de la
dualité bonheur-malheur. Une des qualités fondamentales de
l’Absolu, avec l’être (sat) et la conscience (chit). Ma rayonnait
tellement Yânanda que Bhaiji lui a donné le nom de « pénétrée
d’ânanda », Ananda mayî.
âsana : Posture de yoga.
Atmâ (ou Atman) : Le Soi, en général transcrit par une
majuscule, bien qu’il n’y ait pas de majuscule en sanskrit. Selon
le contexte, peut aussi signifier « soi-même ».
avidyâ : L’ignorance fondamentale par laquelle le
monde existe, incluant aussi toute connaissance qui n’est pas
la connaissance du Soi.
Bindu : Point de concentration mobile, en général dans
le plan sagittal (médian qui sépare la droite et la gauche du corps).
On dit que l’univers est né de la division d’un bindu initial.
bhakti : Dévotion, amour pour Dieu et le guru.
Bhakti-Yoga : Correspond à la voie de la dévotion, in
cluant le plus souvent la récitation du mantra-, elle se distingue
de la voie de la Connaissance, le Jnâna-Yoga, faisant intervenir
l’observation du mental. Le Karma-Yoga désigne le service dés
intéressé. En pratique, il est souvent associé à la Bhakti.
bhajan : Chant religieux.
bhâva : De la racine sanskrite signifiant « être, devenir ».
Etat d’être, état émotionnel qui laisse transparaître à l’extérieur
un peu de l’expérience spirituelle.
bhedana : percée des chakras par l’énergie qui monte.
brahmachârin : Litt. « celui qui se déplace dans l’Ab
solu » ; plus couramment, celui qui observe le célibat, qu’il soit
étudiant, non encore marié ou moine novice.
brahmane : (Souvent traduit par brahmine, pour le dis
tinguer du Brahman, l’Absolu.) Membre de la caste indienne
chargée de la tradition religieuse.
Brahma-randhra : L’orifice de Brahma(n), au sommet
de la tête ou parfois décrit comme un peu en avant, par où
l’âme sort au moment de la mort. Il y a deux localisations se
condaires aussi, au-dessus du périnée, là où l’énergie s’engage
dans le canal central, et derrière la luette, quand elle entame la
dernière étape de son ascension. Synonyme de brahma-dvara,
« la porte de Brahma(n) ».
Chakra : Centre d’énergie vitale ; on en décrit en géné
ral sept, correspondant de façon ascendante à la sublimation
par le yogui de l’énergie vitale en énergie spirituelle.
Darshan : Signifie à la fois vision d’un Dieu (cf. la vi
sion de la forme cosmique de Krishna par Arjuna au chap. XI
de la Bhagavad-Gîtâ) ou le fait de voir un sage, qu’on s’entre
tienne ou non avec lui.
Dharma : Loi juste, le fondement même de la nature et
de la société. On dit dans le Mahâbharata: «Là où il y a le
dharma, il y aura la victoire. »
Dharmashâlâ : Gîte pour pèlerins, une institution cou
rante en Inde.
Guru : Enseignant spirituel; s’il a atteint la Réalisation,
on l’appelle sad-guru.
H ara : Un nom de Shiva.
Hari : Un nom de Vishnu, qui s’est incarné en Rama
et Krishna, entre autres.
Idâ : Le canal droit qu’on peut se représenter par exem
ple comme montant de la hanche droite vers le troisième œil.
Ishvara : Le Dieu créateur et personnel, équivalent au
saguna-Brahman (l’Absolu avec qualités), qui est au-dessous
du nirguna-Brahman (l’Absolu sans qualités).
Jalandhara : posture de la tête inclinée avec le menton
qui se rapproche du creux de la gorge.
Kalâ : durée de temps correspondant à une journée lu
naire, croissant de lune, et symboliquement l’expérience yo-
guique qui croît progressivement vers la Réalisation, évoquée
par la pleine lune.
Kâla : le temps, associé à l’aspect noir, kâla aussi, de la
Nuit primordiale.
Kâlî : Un aspect de la Mère divine particulièrement ho
noré au Bengale; elle est à la fois protectrice et terrifiante.
karma : Action, ou résultat des actions antérieures. Les
événements qui arrivent à quelqu’un sont dus à son karma; son
libre arbitre lui permet de choisir la façon, positive ou négative,
avec laquelle il va réagir.
Khecharî : Le redressement de la langue, qui peut être
de deux types : habituel dans la méditation, quand la pointe va
toucher l’arrière du palais dur, ou forcé dans le hatha-yoga
quand avec l’entraînement on fait passer la langue bien plus à
l’arrière.
khîr : Riz bouilli dans du lait, avec du sucre et souvent
de la cardamome; un des desserts favoris dans les familles in
diennes.
kîrtan : Chant religieux.
Lîlâ : Le jeu, en particulier de Dieu qui agit d’une façon
qui échappe souvent à notre raison, et du guru qui joue le jeu
de la dualité avec son disciple, alors qu’il sait que, fondamen
talement, il est un avec lui.
Lakshmi : Epouse de Vishnu, déesse de la richesse et
de la maison.
mahâ-mâyâ : La Grande Illusion, à l’origine du monde
manifesté; également, un des noms de Kâlî.
mahâtma : Personnalité religieuse éminente.
mantra : Sons sacrés transmis par les sages (rishi) des
temps anciens. Dans la bhakti, on se concentre sur le Nom de
la divinité qu’on adore, afin de réussir à ce que le Nom et Celui
qui est nommé ne fasse plus qu’un.
mudrâ : Geste symbolique relié à une divinité ou à un
état d’être particulier.
Nâda : son en général, et en particulier son du
silence.
nâdis : canaux d’énergie.
Nâthas : le plus grand ordre ascétique de l’Inde médié
vale, dont les pratiques incluaient le hathayoga.
Padma : Lotus.
pandit : Savant spécialiste de sanskrit et des Ecritures.
Ils sont en général mariés, contrairement aux sannyâsin.
Parabrahman : La Suprême Réalité.
Pingalâ : Le canal droit qu’on peut se représenter par
exemple comme montant de la hanche droite vers le troisième
œil.
Prâna : Energie, en particulier perçue sous forme de
courants de sensations à l’intérieur du corps.
pranâm : Prosternation devant ses parents, un sage ou
une statue de dieu.
pranava : Le son OM, qui est la vibration primordiale
à la base de l’univers manifesté. Le Son du silence unique qui
est le fondement de tous les bruissements qu’on entend quand
on se met à écouter le silence.
prasâd : Nourriture acceptée par un sage ou par le prê
tre au nom de la divinité, et redistribuée ensuite aux fidèles.
pûjâ : Prière rituelle, en principe matin et soir dans une
famille religieuse ou dans un temple en activité.
Rudra : Aspect terrifiant de Shiva.
Sâdhaka : Celui qui pratique une sadhanâ.
sâdhanâ : Pratique spirituelle à long terme.
sâdhu : Littéralement « homme bon », moine, souvent
errant. En pratique, on trouve parmi les sâdhu un mélange
d’aspirants sincères et de mendiants qui prennent l’habit
orange simplement pour améliorer le revenu de leurs quêtes.
Sahaja : spontané.
Shakti : Energie divine, épouse de Shiva, au centre
d’une forme religieuse courante au Bengale, le Shaktisme.
samâdhi : Enstase. En général, le yogui en samâdhi n’est
pas conscient du monde extérieur, sauf s’il s’agit de l’état su
prême, très rare, de sahaja-samâdhi, où l’expérience d’unité
complète peut être maintenue également dans la vie courante.
Le nirvikalpa (« sans alternative » ou « sans associations
d’idées » est supérieur au savikalpa samâdhi).
samskâra : Conditionnements fondamentaux venant des
vies antérieures ou de cette vie-ci; ils sont comme des germes
qui se développent dès que les circonstances sont favorables.
Seule la Connaissance complète peut stériliser ces germes.
sannyasin : Moine; également sujet qui a atteint le qua
trième et dernier stade de l’existence, où il quitte le monde
pour aller vivre en solitude.
Shastra : Ecritures sacrées hindoues.
Siddhi : Perfection, accomplissement.
Sushumnâ : L’axe central, signifiant étymologiquement
« paix intense » : quand l’énergie y pénètre, le mental s’apaise
complètement.
Vidyâ : Connaissance.
Yantra : Diagramme géométrique correspondant à un
mantra. Le centre, appelé bindu, correspond au divin, le carré
extérieur à l’aspirant spirituel, et les portes à la possibilité de
passage de l’un à l’autre
Table des matières
Introduction............................................................... 5
Première partie : ............................................ 23
Rééquilibrage des latéralités et
claire vision intérieure
I. Physiologie et méditation.................................... 24
IL Corps, émotions et méditation,........................ 50
Entre Vipassana et Râjayoga
Deuxième partie : .......................................... 85
En cheminant avec Nâgârjuna