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Contrôle de gestion et management public : quel retour

d’expérience pour les entreprises ?


L’objectif de ce chapitre est de faire le point sur les enseignements à tirer des tentatives
d’implantation du contrôle de gestion dans les organisations publiques ou parapubliques :
ministères, collectivités, hôpitaux, universités, en particulier pour les entreprises (notamment
industrielles) ou ces pratiques ont pris naissance. En effets, les difficultés rencontrées pour
adapter le contrôle de gestion à un environnement très différent nous éclairent sur les
conditions et les limites d’emploi générales de cet outil.

1. Le retour de la contingence
Les conditions d’emploi des outils de contrôle de gestion, en particulier la comptabilité de
gestion, sont tiennent aussi bien aux caractéristiques de l’environnement d’accueil qu’au
mode d’utilisation de ces outils. Or dans les organisations publiques on se trouve souvent aux
limites des conditions d’emploi de ces outils ce qui permet d’en tester la capacité à s’adapter à
des environnements et des situations très variées ce qui entraine leurs abandons.

1.1 Une inadaptation des outils mis en place aux contraintes opérationnelles,
économiques et politiques
Les tentatives d’implantation de la comptabilité de gestion en coût complet dans le secteur
public (un outil classique du contrôle de gestion) semblent à première vue avoir connu un
succès très mitigé, mais l’échec le plus patent se situe probablement au niveau des mairies qui
a abouti généralement à un abandon de l’outil ou à une utilisation très limitée de celui-ci.
L’échec semble surtout patent pour les gros systèmes en coût complet couvrant l’intégralité de
l’organisation. Mais parallèlement, il semble que, des systèmes plus simples en coût direct
sont mis en place spontanément par certains responsables de service. Trois types de raisons
permettent d’expliquer ce relatif échec : opérationnelles, économiques mais aussi politiques.
En premier lieu, les contraintes opérationnelles. En effet pour de nombreuses activités (mais
pas toutes) la comptabilité analytique ne présente qu’un intérêt très limité. Ensuite, les
contraintes financières sont également souvent ignorées avec un coût d’implantation qui
s’avère souvent très élevé par rapport à l’intérêt des informations apportées par le système.
Enfin les contraintes politiques sont également négligées. Les attentes des élus dont le soutien
est absolument essentiel à l’implantation et à la pérennisation de l’outil, portent en effet plus
sur des outils facilitant la négociation avec les partenaires et la mise en valeur des actions
entreprises.

1.2 Des causes d’échec communes à tout type d’organisation


Il faut souligner que ces constatations ne sont pas nouvelles et s’étendent à l’ensemble des
organisations y compris les entreprises privées. En effet dans certaines situations, le
déploiement de l’outil s’avère trop coûteux eu égard à la valeur des informations récoltées.
Dans d’autres configurations, les informations s’avèrent de faible utilité, d’après Baranger
(1995), il semble vain de vouloir proposer un système unique d’élaboration des coûts dans les
organisations.
Il y a en fait différentes approches à utiliser en fonction des problèmes à résoudre et des
paramètres internes et externes propres à l’organisation. Il importe donc en premier lieu
d’analyser correctement les problèmes posés en prenant en compte les paramètres internes
mais aussi externes. Il s’agit ensuite de déterminer si un outil de mesure de la consommation
de ressources est nécessaire. Le cas échéant il faut sélectionner l’outil ad hoc en fonction de
l’analyse précitée. Une telle démarche aboutit non seulement à des outils différents selon les
organisations concernées mais en allant plus loin à des outils différents selon le problème à
résoudre à l’intérieur de la même organisation.
Il faut le rappeler : les outils classiques du contrôle de gestion comme la plupart des outils de
gestion n’ont pas une vocation universelle. Ils ont des conditions d’emploi qui en limitent la
portée.

2. L’ouverture vers l’extérieur


Outre la comptabilité de gestion, les indicateurs comptables et extra comptables sont un autre
outil classique du contrôle de gestion. Leur mise en œuvre qui privilégie les données fournies
en interne ne donne toutefois qu’une image partielle et souvent fausse de la performance
publique. Parallèlement, on constate également dans le secteur privé, la nécessité de repenser
les outils de contrôle de gestion avec comme objectif un examen de la performance à long
terme des organisations (ou au moins des éléments qui la déterminent).

2.1 Une utilisation simpliste des indicateurs inadaptée à la réalité du processus de


production et entraînant de nombreux effets pervers.
La possibilité d’utiliser des indicateurs extra-comptables est très séduisante en management
public car on peut les utiliser comme substitut du chiffre d’affaires pour estimer la valeur
créée par l’organisation. Pourtant en pratique, leur utilisation semble entraîner, dans de
nombreuses organisations publiques des effets pervers assez importants pouvant entraîner une
remise en cause de l’utilisation de ces outils.
Ces effets pervers y sont encore amplifiés du fait de l’impossibilité de se référer à une mesure
simple de la performance financière. On constate en effet une focalisation sur des indicateurs
de résultat, voire d’activité, en nombre limité et pas toujours représentatifs de la performance
publique qui a souvent un caractère multidimensionnel, à ce niveau il ne s’agit pas tant de
transformer des moyens en résultat que de transformer des intrants en impacts, ce qui
implique, une vision élargie du processus de production public, à la fois en aval et en amont.
Les indicateurs d’impact doivent permettre d’apprécier le résultat réel d’une action publique
par rapport aux objectifs initiaux mais également d’en apprécier les effets collatéraux positifs
ou négatifs. Ceci impose de prendre un certain recul dans la mesure mais également d’obtenir
des informations externes à l’organisation donc plus délicates à obtenir.
Concernant les intrants, on peut les définir comme une traduction de la demande venant de
l’extérieur de l’organisation ou du service qui vont permettre d’apprécier à la fois le volume et
la composition de cette demande. En aval, en se focalisant sur des indicateurs de résultat sans
mesurer l’impact à long terme des mesures prises, on présuppose l’efficacité de la politique
suivie et l’on est très mal renseigné sur les effets collatéraux. La mesure de l’impact,
évidemment plus délicate, permet la focalisation sur l’indicateur au détriment de la
performance à long terme, bien également de mieux appréhender les effets collatéraux d’une
politique.
En amont, en ne mesurant pas les intrants (c’est-à-dire la demande sociale appréciée de façon
qualitative mais aussi quantitative), on prend le risque de mal apprécier les moyens réellement
nécessaires à la prise en compte d’une telle demande. Cette absence de prise en compte des
intrants risque également de donner une image déformée de la performance des agents.
Il est à noter que la mesure de l’impact dans le secteur public est traditionnellement dévolue à
un autre outil : l’évaluation de politique publique qui privilégie les études qualitatives et
quantitatives « externes ».

2.2 Un modèle prof table à tout type d’organisation mais impliquant la mise en place
de nouveaux circuits d’information
En dehors du fait que les entreprises de service prennent une place croissante dans l’activité
économique, même les activités de production comportent aujourd’hui une forte dimension de
service (respect des délais, qualité, service après-vente). De plus au niveau industriel et en
particulier pour ce qui est des process à la commande ou des process flexibles, il y a
également une interaction très forte entre producteur et utilisateur pour ce qui est de la
définition du produit/service rendu. C’est ainsi que les caractéristiques de la demande et
l’évolution de ces caractéristiques vont avoir une influence considérable sur l’ensemble des
processus de l’organisation.
Concernant l’impact, il va permettre au contrôleur de gestion d’estimer la mesure des
conséquences à long terme des actions de l’organisation et en particulier les effets sur l’image
de l’organisation et la valeur de ses marques. Ceci va permettre d’en anticiper les
conséquences financières à long terme.
Par contre, la prise en compte des intrants et la détermination de l’impact dans la mesure des
performances de l’organisation implique pour le contrôle de gestion de disposer de sources
d’informations externes fiables sous formes d’enquêtes quantitatives régulières menées par les
services concernés. Cependant malgré la pertinence de ce modèle il n’est pas toujours
souhaitable pour le manager d’une organisation Dès lors celui-ci est toujours tenté
d’instrumentaliser les outils du contrôle de gestion de façon à atteindre ses propres objectifs.

3. La politisation des outils de contrôle de gestion


Toutefois cette dimension politique est également présente dans les organisations du secteur
privé, le contrôle de gestion pouvant là aussi être instrumentalisé au service des jeux
d’acteurs. À ceci s’ajoute une utilisation accrue par les décideurs du secteur privé des outils
de contrôle de gestion à des fins de communication externe.

3.1 Des organisations politiques devant arbitrer entre les différentes parties
prenantes
En particulier la tutelle étatique joue souvent un rôle d’apporteur de ressources essentiel à
l’instar des actionnaires du secteur privé. De ce fait, les rapports de certaines organisations
publiques à la tutelle sont essentiels et demandent la mise en place d’outils de gestion
permettant de valoriser les activités de l’organisation.
On constate très souvent une focalisation des décideurs politiques du secteur public sur
l’utilisation des outils de contrôle de gestion comme instrument d’influence avec un objectif
de communication essentiellement, l’aspect contrôle interne étant du ressort des cadres
administratifs de la ligne hiérarchique. En outre, la décentralisation de la fonction contrôle de
gestion (particulièrement avancée dans les hôpitaux) est un autre facteur contribuant à la
politisation des outils de contrôle de gestion. Le contrôleur de gestion mis à la disposition
d’une direction opérationnelle selon un schéma classique d’identification va avoir tendance à
défendre en priorité les intérêts de celle-ci et de son directeur qu’il est censé épauler.
Un mode de prise de décision, type de structure chargée de l’application et mode d’utilisation
des outils comptables sont liés et vont varier ensemble en fonction de deux paramètres : (1)
les incertitudes ou les désaccords quant aux représentations que se font les acteurs des
relations de cause à effet (le mode de production), ces représentations pouvant d’ailleurs être
erronées ; les incertitudes ou les désaccords quant aux objectifs que doit poursuivre
l’organisation, (2) les intérêts ou les visions des parties prenantes pouvant être très divergents.
Comme on va le voir, ce modèle bien adapté aux caractéristiques des organisations publiques
est également largement applicable aux organisations du secteur privé.

3.2 Une utilisation politique des outils de contrôle de gestion transposable au secteur
privé
Là encore, les spécificités des organisations publiques ne sont qu’apparentes. Au moins les
problématiques qui les touchent se trouvent partiellement transposées au secteur privé. En
premier lieu, la priorisation de l’actionnaire n’est réellement valable qu’au niveau de la
direction générale. En effet, à des niveaux inférieurs les dirigeants ont leur logique et leurs
intérêts propres. Or, du fait de la décentralisation de la fonction et selon un phénomène
d’identification bien connu, on peut penser que la loyauté des contrôleurs de gestion va plus à
leur unité de rattachement et à ses dirigeants qu’au siège. On est bien alors dans des
conditions ou le contrôle de gestion peut être utilisé comme machine à argumentaire ou à
justification.
Le contrôle de gestion est bien alors instrumentalisé par l’équipe de direction de l’usine, son
objectif principal étant de servir de « machine à argument » vis-à-vis de la société mère. En
deuxième lieu, dans les entreprises privées également, on peut constater une montée en
puissance du volet « communication externe » du contrôle de gestion. Il s’agit d’abord de
respecter les contraintes légales.
En effet, les exigences se sont accrues dans le domaine financier et économique. Il s’agit
ensuite et surtout de tenir compte du poids et de l’influence grandissants des parties prenantes
(actionnaires, communication environnementale, clients …) .

Conclusion
Au terme de ce retour d’expérience, au-delà des préconisations sur l’utilisation des outils de
gestion, se pose également le problème du positionnement du contrôle de gestion par rapport
aux autres services et composantes de l’organisation quelle que soit sa nature. En effet, à
défaut outre les problèmes liés à une information non adaptée, le danger est que les services
opérationnels développent leur propre instrumentation de gestion indépendante du contrôle de
gestion avec les problèmes de cohérence interne inhérents à ce genre de situation. Dès lors se
pose le problème de la répartition des tâches avec le contrôle de gestion traditionnellement
plus tourné vers l’interne. Enfin nous avons vu que la dimension politique du contrôle de
gestion ne peut être ignorée par le contrôleur de gestion.

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