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L
a dystrophie maculaire de Stargardt dysfonction [5]. Un de ces adduits (A2E)
(DMS) est certes une maladie dite a un fort pouvoir oxydant et cytotoxique
“rare” (incidence inférieure à sur les cellules de l’EPR.
1/2 000) [1], mais de loin la plus fréquente
des maculopathies héréditaires. Comme Ces dernières années, le diagnostic de
le montre une revue de la littérature, elle DMS a été rendu plus facile notamment
concerne une personne sur 8 000 à 10 000 par les progrès de l’imagerie rétinienne,
soit environ 8 000 patients en France et bousculant avantageusement le dogme
35 000 aux États-Unis. Dans une revue de l’angiographie rétinienne systéma-
américaine de 1 000 patients consécutifs tique et le diagnostic par excès ou par
atteints de maladies ophtalmologiques défaut. Les avancées en génétique oph-
d’origine génétique adressés en centre ter- talmologique permettent également l’ac-
J.-L. BACQUET, tiaire [2], 170 patients avaient une atteinte cès à des protocoles thérapeutiques qui
A. MOUALLEM-BÉZIÈRE imputable à ABCA4, loin devant le syn- sont actuellement en cours d’évaluation
Service d’Ophtalmologie, CHI, CRÉTEIL. drome d’Usher (70 cas) et toutes les autres. clinique (en phase 2/3). Les différentes
stratégies employées sont exposées briè-
Malgré sa description depuis les pre- vement à la fin de l’article.
mières années du xxe siècle [3], le gène
ABCA4 n’a été mis en évidence comme
causal de la DMS qu’en 1995, par l’équipe Quand évoquer une maladie
du Dr Kaplan [4]. Ce gène de très grande de Stargardt ? Que dire au
taille (130 kb, protéine de 2 273 acides patient ?
aminés) code pour un transporteur spé-
cifique aux photorécepteurs assurant De par sa fréquence et l’hétérogénéité de
le transfert d’un dérivé de la vitamine sa présentation clinique, la dystrophie
A isomérisé du photorécepteur à l’épi maculaire de Stargardt doit être évoquée
thélium pigmentaire rétinien (EPR), devant toute atteinte maculaire et/ou réti-
aboutissant à son accumulation en cas de nienne bilatérale et symétrique du sujet
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réalités Ophtalmologiques – n° 264_Septembre 2019
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jeune (pic de fréquence entre 6 et 20 ans) Il faut informer clairement le patient de qu’il ne soit pas surpris de la conduite
et adulte (pour les maculopathies des la suspicion d’une maladie maculaire à tenir ultérieure et convaincu de sa
patients “trop jeunes” pour une DMLA). rare d’origine génétique, qui va néces- prise en charge efficiente, sans lui faire
sairement conduire à d’autres examens perdre la chance de participer à un essai
Les signes fonctionnels habituellement et à un avis spécialisé en centre de réfé- thérapeutique.
mentionnés sont d’abord une baisse rence. Le pronostic de la maladie étant
d’acuité visuelle centrale, volontiers très variable, il faut savoir rester prudent
exprimée comme brutale, à laquelle et exprimer cette variabilité. L’évolution Comment caractériser une
succède une dégradation plus lente. est le plus souvent lentement progres- maladie de Stargardt
Celle-ci peut être remarquée dans le sive et permet de conserver un champ présumée au cabinet ?
cadre scolaire. Des stratégies de compen- visuel périphérique toute la vie (fig. 2).
sation pour les tâches utilisant la macula Pour en dire plus sur l’évolution, les 1. Interrogatoire orienté
(lecture, ordinateur) sont souvent mises examens complémentaires sont indis-
en place spontanément par les patients pensables, notamment l’électrorétino- L’interrogatoire doit s’enquérir du
jeunes. Tous les autres signes de rétinite gramme (ERG). Une enquête familiale et mode d’installation et de l’anamnèse
pigmentaire et de dystrophie des cônes moléculaire est indiquée. de la baisse d’acuité visuelle, de la pré-
doivent être recherchés : héméralopie, sence d’antécédents généraux (contre-
photophobie, troubles de vision des Tous ces éléments doivent être énoncés indications à un traitement pharmaco-
couleurs (fig. 1). clairement sans effrayer le patient afin logique) et des explorations ophtalmo-
logiques antérieures. On demandera
également les études, la formation, la
profession du patient. Tous les signes
fonctionnels doivent être recherchés :
scotomes, photophobie, difficultés
d’adaptation à l’obscurité et héméra-
lopie, tâches rendues difficiles voire
impossibles, nécessité d’aide.
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le calibre vasculaire et la coloration de tique de cet examen, au profit de l’image- mono et binoculaire, vision des couleurs
l’anneau neurorétinien. rie rétinienne moins invasive proposée 15 Hue à la recherche d’argument pour
plus haut. un diagnostic différentiel, en particulier
L’acuité visuelle de loin et de près a une d’une dystrophie cônes-bâtonnets avec
grande valeur pronostique et permet la Le silence choroïdien de Bonnin est atteinte du champ visuel périphérique.
rédaction de certificats visant à la mise en un signe à la sensibilité médiocre [8, 9]
place d’aides (compensation du handi- (autour de 62 %) sans être tout à fait Le scotome central est ainsi quantifié
cap, dossier à la maison départementale spécifique. Il est par ailleurs transi- par sa taille et sera surveillé et correlé au
des personnes handicapées [MDPH]). toire dans l’histoire de la maladie, dis- handicap fonctionnel. La dychromatop-
paraissant avec l’atrophie rétinienne. sie est classiquement d’axe rouge-vert,
3. Arbre généalogique L’angiographie peut cependant être utile au contraire des autres maculopathies.
au stade très débutant lorsque le fond Les explorations électrophysiologiques
Le relevé des antécédents familiaux est d’œil est encore normal (fig. 4). restent indiquées afin d’exclure un dia-
indispensable et montre bien souvent un gnostic différentiel et à but pronostique.
cas isolé. Le diagnostic présumé de DMS 6. Faut-il prescrire des examens
doit faire établir un arbre généalogique complémentaires ? 7. La prescription de correction optique
avec les liens de parenté entre membres et de substituts vitaminiques
de la famille et les occurrences de mala- Les examens habituels devant toute
dies rétiniennes familiales. Un lien de dystrophie maculaire et/ou rétinienne La correction optique doit être prescrite
consanguinité doit être recherché, en par- présumée doivent être prescrits à but dia- en tenant compte des recommandations
ticulier entre les parents du patient pré- gnostique, pronostique et d’évaluation du de photoprotection communes à tous les
sumé. Habituellement, aucun autre cas handicap : champ visuel de Goldmann en patients atteints de maculopathie d’ori-
familial n’est mentionné (transmission gine génétique ou toxique : verres por-
récessive autosomique, cas sporadique), teurs d’un filtre thérapeutique (Lumior 2
sauf dans le cadre très différent de l’en- à l’intérieur, ORMA RT3 à l’extérieur).
quête autour d’un patient atteint de DMS. Des verres loupes avec une addition
variable selon l’âge peuvent permettre
4. Quelle imagerie rétinienne ? au patient une lecture moins fatigante,
en fonction des activités de la vie quoti-
L’imagerie rétinienne peut être réalisée dienne de celui-ci.
le jour même avec un OCT en mode
spectral-domain et une autofluores- Les recommandations alimentaires
cence en lumière bleue. Ces modalités classiques sont également délivrées
complémentaires s’appuient respective- (alimentation riche en poisson gras, en
ment sur la réflectivité des couches réti- légumes verts). Les substituts alimen-
niennes et la mise en évidence de dépôts taires ne font pas l’objet de recomman-
sous-rétiniens hyperautofluorescents Fig. 3 : La rétine péripapillaire est épargnée par les dations aujourd’hui. La prise exogène
évocateurs du diagnostic. flecks hyperautofluorescents. de vitamine A doit être rigoureusement
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Une autre piste prometteuse est l’oligo- 2. Stone EM, Andorf JL, Whitmore SS 12. Schulz HL, Grassmann F, Kellner U et al.
thérapie antisens [14] visant à moduler et al. Clinically focused molecular Mutation spectrum of the ABCA4 gene
investigation of 1000 consecutive fam- in 335 Stargardt disease patients from
l’épissage lorsque l’une des mutations ilies with inherited retinal disease. a multicenter German cohort - Impact
causales se situe dans un intron, à Ophthalmology, 2017;124:1314-1331. of selected deep intronic variants and
l’instar d’autres gènes où les mutations 3. Stargardt K. Über familiäre, progres- common SNPs. Investig Opthalmol Vis
introniques sont causales (comme sive Degeneration in der Maculagegend Sci, 2017;58:394-403.
CEP290 dans l’amaurose congénitale de des Auges. Albrecht Von Græfes Arch 13. L u LJ, L iu J, A delman RA. Novel
Für Ophthalmol, 1909;71:534-550. therapeutics for Stargardt disease.
Leber [15]).
4. Gerber S, Rozet JM, Bonneau D et al. A Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol,
gene for late-onset fundus flavimacu- 2017;255:1057-1062.
La thérapie pharmacologique est aussi latus with macular dystrophy maps to 14. Garanto A, Collin RWJ. Design and in
envisagée avec des agonistes de la vita- chromosome 1p13. Am J Hum Genet, vitro use of antisense oligonucleotides
mine A empêchant la formation d’A2E 1995;56:396-399. to correct pre-mRNA splicing defects
pro-oxydant et permettant le fonction- 5. Allikmets R, Singh N, Sun H et al. A pho- in inherited retinal dystrophies. In:
toreceptor cell-specific ATP-binding BOON CJF, WIJNHOLDS J, eds. Retinal
nement du cycle visuel (fenrétinide, transporter gene (ABCR) is mutated in Gene Therapy, 2018;1715:61-78.
emixustat) [12]. Cette dernière straté- recessive Stargardt macular dystrophy. 15. Collin RW, Den Hollander AJ, Van Der
gie fait l’objet d’une étude de phase 3 Nat Genet, 1997;15:236-246. Velde-Visser SD et al. Antisense oligo-
concernant la progression de l’atrophie 6. S ouied E, C oscas G. Dystrophies nucleotide (AON)-based therapy for
rétinienne avec l’emixustat. Une autre héréditaires de la macula. EMC - leber congenital amaurosis caused by a
Ophtalmologie, 2003:1-20 [Article frequent mutation in CEP290. Mol Ther
étude (OPH2005) évalue l’intérêt d’un 21-249-A-10]. Nucleic Acids, 2012;1:e14.
anticorps anti-C5 par voie intravitréenne 7. Lopez-Saez MP, Ordoqui E, Tornero P
afin de bloquer l’activation du complé- et al. Fluorescein-induced allergic reac-
ment impliqué dans la progression de tion. Ann Allergy Asthma Immunol,
l’atrophie. 1998;81:428-430.
8. Bonnin MP. [The choroidal silence sign
in central tapetoretinal degenerations
Ceci appuie le fait qu’il est important examined by fluorescein]. Bull Soc
que les patients soient référencés dans Ophtalmol Fr, 1971;71:348-351.
un centre de référence afin de pouvoir 9. Fish G, Grey R, Sehmi KS et al. The dark
être inclus dans ces études et bénéficier choroid in posterior retinal dystrophies.
de protocoles thérapeutiques. Br J Ophthalmol, 1981;65:359-363.
10. L ois N, H older GE, B unce C et al.
Phenotypic subtypes of Stargardt mac-
ular dystrophy-fundus flavimaculatus.
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2014;23:6797-6806. 2015;36:39-42. publiées dans cet article.