Vous êtes sur la page 1sur 20

UNIVERSITE DU LITTORAL COTE D’OPALE

ANNEE UNIVERSITAIRE 2021-2022

2E ANNEE DE LICENCE EN DROIT – 2ND SEMESTRE

DROIT CIVIL : DROIT DE LA RESPONSABILITE CIVILE ET SYSTEMES


D’INDEMNISATION

SEANCE N° 3

LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE (II)

I. La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat


Document 1. Cass. 1re civ., 5 novembre 2020, n° 19-10857

II. La condition de dommage prévisible


Document 2. Cass. 1re civ., 28 avril 2011, n° 10-15056
Document 3. Cass. 1re civ. 20 octobre 2014 n°13-21980
Document 4. Cass. com., 4 mars 2008, n° 07-11790
Document 5. Cass. ch. mixte, 22 avril 2005, Bull. civ. n° 4
Document 6. Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-11841

III. L’exonération de responsabilité en matière contractuelle


Document 7. Cass. Ass. plén., 14 avril 2006, Bull. civ. Ass. plén., no 5
Document 8. Cass. 1e civ., 30 octobre 2008
Document 9. Cass. ch. mixte, 28 novembre 2008, Bull. civ. n° 3
Document 10. Cass. 1re civ., 23 juin 2011, Bull. civ. I, n° 123
Document 11. Cass. 1re civ., 11 décembre 2019, n° 18-13.840
Document 12. Cass. 1re civ., 25 novembre 2020, n° 19-21-060

Devoirs maison :
1°. Faire les fiches de jurisprudence des arrêts de la séance n° 3 de TD selon les indications de votre
chargé de travaux dirigés.
2°. Mettre en perspective les solutions retenues dans les arrêts étudiés vis-à-vis des dispositions du droit
réformé du contrat ainsi que de celles de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile
du 29 juillet 2020.
3°. Faire le commentaire de l’arrêt indiqué par votre chargé de travaux dirigés

2
Document 1. Cass. 1re civ., 5 novembre 2020, n° 19-10857
M. E... F..., domicilié [...] , agissant tant à titre personnel qu'ès qualité de représentant légal de sa fille mineure
E... O... I... F... a formé le pourvoi n° U 19-10.857 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2018 par la cour d'appel de
Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme A... J..., épouse F..., domiciliée [...] ,
2°/ à la société BPCE assurances, société anonyme, dont le siège est 88 avenue de France, 75013 Paris, venant
aux droits de la société GCR assurances, venant elle-même aux droits de l'Union européenne d'assurances,
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, dont le siège est 2 rue Robert Schuman, 74984
Annecy cedex 9,
4°/ à la société Thyssenkrupp ascenseurs, dont le siège est zone industrielle Saint-Barthélémy, rue de Champhleur,
BP 50126, 49001 Angers cedex 01,
défenderesses à la cassation.
La société BPCE assurances a formé un pourvoi incident dirigé contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au
présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au
présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh,
avocat de M. F..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société BPCE assurances, de la SCP L.
Poulet-Odent, avocat de la société Thyssenkrupp ascenseurs, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire,
après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech,
conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert,
MM. Jacques, Boyer, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé,
conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de
l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a
rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 mars 2018), M. F..., locataire de la société SCIC résidences, a été blessé
par la porte automatique d'accès au parking de son immeuble, qui ne s'est pas refermée et qu'il a voulu fermer
manuellement.
2. M. F..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure E... O... F...,
et Mme J..., son épouse, ont assigné la société UEA, auprès de laquelle la propriétaire de l'immeuble était assurée,
en réparation de leurs préjudices et la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie, en déclaration de
jugement commun. La société GCE assurances, venant aux droits de la société UEA, a appelé en garantie la
société Thyssenkrupp ascenseurs, chargée de la maintenance de la porte.
Examen des moyens
Sur les deux moyens du pourvoi principal, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision
spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société BPCE assurances, venant aux droits de la société GCE assurances, fait grief à l'arrêt de mettre hors
de cause la société Thyssenkrupp ascenseurs et de rejeter sa demande en garantie dirigée contre celle-ci, alors «
que celui qui est chargé de la maintenance et de l'entretien complet d'une porte automatique de garage est tenu
d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité ; qu'en ayant retenu que la société ThyssenKrupp
3
ascenseurs n'était tenue qu'à une obligation de moyens, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa
rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
5. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison
de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que
l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi
de sa part.
6. Pour mettre hors de cause la société Thyssenkrupp ascenseurs et rejeter la demande en garantie formée contre
elle par la société BPCE assurances, l'arrêt retient que, dans la mesure où, en conformité avec la réglementation,
il peut s'écouler six mois entre deux visites d'entretien et où, durant ces périodes, l'intervention de la société
Thyssenkrupp ascenseurs en raison d'un dysfonctionnement de tout ordre de la porte de garage est conditionnée
par le signalement du gardien de l'immeuble, l'obligation de sécurité pesant sur la société chargée de l'entretien
ne peut qu'être de moyen s'agissant des avaries survenant entre deux visites et sans lien avec l'une de ces visites.
7. En statuant ainsi, alors que celui qui est chargé de la maintenance d'une porte automatique d'accès à un parking
est tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de l'appareil, la cour d'appel a violé le texte
susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident,
la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de garantie formée par la société
BPCE assurances contre la société Thyssenkrupp ascenseurs et qu'il met celle-ci hors de cause, l'arrêt rendu le 15
mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Document 2. Cass. 1e civ., 28 avril 2011


Vu l'article 1150 du code civil ;
Attendu que le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du
contrat, lorsque ce n'est pas par son dol que l'obligation n'est pas exécutée ;
Attendu que pour condamner la SNCF à verser à M. et Mme X..., lesquels avaient pris place, le 3 février 2008, à
bord d'un train dont l'arrivée était prévue à la gare Montparnasse à 11 heures 15 afin de rejoindre l'aéroport de
Paris-Orly où ils devaient embarquer à 14 h 10 à destination de l'île de Cuba, la somme de 3 136, 50 euros en
remboursement de leurs frais de voyage et de séjour, de taxis et de restauration en région parisienne, et de leurs
billets de retour à Saint-Nazaire, ainsi qu'une somme à titre de réparation du préjudice moral en découlant, la
juridiction de proximité, constatant que l'arrivée s'était finalement effectuée à la gare de Massy-Palaiseau à 14 h
26, rendant impossible la poursuite du voyage, a retenu que d'une manière générale, les voyageurs qu'elle
transporte ne sont pas rendus à destination quand ils sont en gare d'arrivée, notamment quand il s'agit de gares
parisiennes et que, dès lors, la SNCF ne saurait prétendre que le dommage résultant de l'impossibilité totale pour
les demandeurs de poursuivre leur voyage et de prendre une correspondance aérienne prévue était totalement
imprévisible lors de la conclusion du contrat de transport ;
Qu'en se déterminant par des motifs généraux, sans expliquer en quoi la SNCF pouvait prévoir, lors de la
conclusion du contrat, que le terme du voyage en train n'était pas la destination finale de M. et Mme X... et que
ces derniers avaient conclu des contrats de transport aérien, la juridiction de proximité n'a pas donné de base
légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 3. Cass. 1e civ., 20 octobre 2014


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont confié à la société AT océan indien, exerçant sous l'enseigne
Demeco (la société ATOI), le déménagement de leurs meubles et véhicules de l'île de La Réunion à Montpellier,
que la société ATOI a empoté les objets le 22 juin 2007 dans un conteneur confié à la société CMA CMG,
4
transporteur maritime, que celle-ci a procédé à l'embarquement le 28 juin 2007 pour un débarquement prévu au
port de Fos-sur-Mer, que le 10 août 2007, le conteneur a été déchargé par la société Prolog international puis
transporté à Montpellier, où ont été constatés de très importants dommages de moisissures et d'humidité, que la
Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF), qui avait partiellement indemnisé les époux X..., a exercé
un recours subrogatoire contre le déménageur, le transporteur maritime, la société chargée du débarquement et
cinq sociétés d'assurances, de droit belge, auprès desquelles la garantie avait été souscrite, les sociétés Avero
Belgium, Nateus, Belmarine, Fortis Corporate Insurance, et Verheyen (les assureurs), auxquels les époux X... ont
demandé une indemnisation complémentaire ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société ATOI et la seconde branche du moyen unique du pourvoi
incident des assureurs rédigés en termes identiques, réunis et qui sont préalables :
Attendu que la société ATOI et les assureurs font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum, à payer à la MAIF
la somme de 76 911,70 euros, alors, selon le moyen, que la faute lourde suppose une négligence d'une extrême
gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il
avait acceptée ; qu'en jugeant que la faute du transporteur commise lors de la préparation du chargement,
consistant en l'omission d'assurer la ventilation nécessaire à l'intérieur du conteneur et de placer des absorbeurs
d'humidité, caractérisait une faute lourde, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la totalité des biens transportés avait subi l'avarie de l'humidité prolongée
ayant généré des moisissures au cours du trajet et qu'une partie importante s'avérait irrécupérable, l'arrêt retient
que l'importance de la faute se déduit en partie de ces conséquences mais qu'elle réside également dans le
comportement du professionnel lequel a, de façon flagrante, manqué de réflexion dans la préparation du
déménagement en négligeant des paramètres importants, puis, dans sa mise en oeuvre, manqué aux règles de l'art,
en omettant d'assurer la ventilation nécessaire à l'intérieur du conteneur et de placer des absorbeurs d'humidité
que l'expert qualifie pourtant d'usuels ; que l'arrêt ajoute que, selon l'expert, le lieu et la durée de l'escale en
Malaisie ainsi que les conditions d'humidité et de température habituelles dans ce pays sont des éléments connus
ou prévisibles, et que la société ATOI est un professionnel exerçant en milieu insulaire et dans des zones
tropicales, de sorte que les spécificités des déménagements par voie maritime lui sont connues, ce qui rend son
comportement d'autant plus inexcusable ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé une négligence d'une extrême
gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du déménageur, maître de son action, à l'accomplissement de la
mission contractuelle qu'il avait acceptée, constitutive d'une faute lourde ; que le grief n'est pas fondé ;
Et attendu que la troisième branche du moyen unique du pourvoi principal des époux X... et de la MAIF et la
première branche du moyen unique du pourvoi incident des assureurs ne sont pas de nature à permettre l'admission
du pourvoi ;
Mais sur les deux premières branches du moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article 1150 du code civil ;
Attendu que la faute lourde, assimilable au dol, empêche le contractant auquel elle est imputable de limiter la
réparation du préjudice qu'il a causé aux dommages prévus ou prévisibles lors du contrat et de s'en affranchir par
une clause de non-responsabilité ;
Attendu que, pour limiter à la somme de 76 911,70 euros la condamnation de la société ATOI, in solidum avec
les assureurs, envers la MAIF, subrogée dans les droits des époux X... et débouter ceux-ci du surplus de leurs
demandes, la cour d'appel , après avoir caractérisé, à la charge de la société ATOI, une faute lourde à l'origine de
l'inexécution de son obligation, retient qu'en l'absence de faute dolosive, seuls les préjudices prévus ou prévisibles
lors de la conclusion du contrat peuvent donner lieu, en application des dispositions de l'article 1150 du code civil,
à une indemnisation au titre de la responsabilité contractuelle, la faute lourde étant inefficace pour évincer la
limitation aux préjudices prévisibles résultant de l'application de ce texte; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a
violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité à la somme de 76 911,70 euros
la condamnation de la société ATOI, in solidum avec les sociétés d'assurance Avero Belgium, Nateus, Belmarine,
5
Fortis Corporate Insurance, et Verheyen envers la MAIF, subrogée dans les droits des époux X... et débouté la
MAIF et les époux X... du surplus de leurs demandes, l'arrêt rendu le 22 mai 2013, entre les parties, par la cour
d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Document 4. Cass. com., 4 mars 2008, n° 07-11790


Met hors de cause sur sa demande la société Raffaelli Transports ;
Attendu, selon l’arrêt déféré, que la société Sony ayant confié l’acheminement de palettes de matériel Hi-fi à la
société Bourgey Montreuil, cette dernière a confié l’opération à la société transports Joyau (société Joyau) qui, en
dépit de l’interdiction de sous-traitance qui lui en a été faite par la société Bourgey Montreuil, a sous-traité le
transport à la société Raffaelli ; que la marchandise ayant été dérobée tandis que le camion la transportant était
stationné sur une aire d’autoroute, la société Générali France assurances, aux droits de laquelle se trouve la société
Générali IARD (société Générali), subrogée dans les droits de l’ayant droit de la marchandise pour l’avoir
indemnisé, a assigné la société Joyau, qui a appelé en garantie la société Raffaelli, en indemnisation de son
préjudice ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société Générali reproche à l’arrêt d’avoir condamné la société Joyau à lui payer une somme
limitée à 3 854,46 euros, alors, selon le moyen, que constitue une faute lourde le comportement du voiturier qui,
en raison de sa gravité, rend prévisible la réalisation du dommage ; qu’en écartant la faute lourde de la société
Raffaelli après avoir relevé que le véhicule, muni d’une simple bâche, contenant du matériel haute fidélité, était
resté stationné une nuit complète, sur une aire de stationnement d’autoroute sans surveillance, la cour d’appel n’a
pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses constatations et a violé l’article 1150 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que le chauffeur de la société Raffaelli avait garé son camion sur une aire d’autoroute
qui n’était pas réputée dangereuse, à côté de nombreux camions sans qu’aucune information ne lui ait été fournie
quant à la nature particulière des marchandises transportées, la cour d’appel a pu en déduire que la société Raffaelli
n’avait commis aucune faute lourde dans l’accomplissement de sa mission ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le moyen relevé d’office, après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles 1150 du code civil et L. 133-1 du code de commerce ;
Attendu que le transporteur qui a été chargé de transporter une marchandise en s’étant vu interdire toute sous-
traitance par l’expéditeur et qui sous-traite l’opération, se refusant ainsi, de propos délibéré, à exécuter son
engagement, commet une faute dolosive qui le prive du bénéfice des limitations d’indemnisation que lui ménage
la loi ou le contrat ;
Attendu que pour limiter la condamnation de la société Joyau à la somme de 3 854,48 euros, l’arrêt retient que
s’agissant de la faute personnelle qu’aurait commise la société Joyau en sous-traitant l’opération de transport, il
résulte de la confirmation d’affrètement intervenue entre la société Bourgey et la société Joyau que s’il est indiqué
“sous-traitance interdite” cette seule mention non assortie de mise en garde ni de spécificités quant à la nature
particulière des marchandises transportées ne constitue pas une obligation essentielle du contrat ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il a donné acte à la société Bourgey Montreuil de
son désistement, l’arrêt rendu le 7 novembre 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en
conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers, autrement composée ;

6
Document 5. Cass. ch. mixte, 22 avril 2005, Bull. civ. n° 4
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 7 février 2003), que le 31 décembre 1998, la société Dubosc et
Landowski (société Dubosc) a confié à la société Chronopost un pli destiné à la ville de Vendôme, contenant son
dossier de candidature à un concours d’architectes ; que le dossier qui aurait dû parvenir au jury avant le 4 janvier
1999, a été livré le lendemain ; que la société Dubosc, dont la candidature n’a pu de ce fait être examinée, a
assigné la société Chronopost en réparation de son préjudice ; que cette dernière a invoqué la clause limitative
d’indemnité pour retard figurant au contrat-type annexé au décret du 4 mai 1988 ;
Attendu que la société Dubosc fait grief à l’arrêt d’avoir condamné la société Chronopost à lui payer seulement
la somme de 22,11 euros, alors, selon le moyen, “que l’arrêt relève que l’obligation de célérité, ainsi que
l’obligation de fiabilité, qui en est le complément nécessaire, s’analysent en des obligations essentielles résultant
de la convention conclue entre la société Dubosc et la société Chronopost ; que l’inexécution d’une obligation
essentielle par le débiteur suffit à constituer la faute lourde et à priver d’effet la clause limitative de responsabilité
dont le débiteur fautif ne peut se prévaloir pour s’exonérer de la réparation du préjudice qui en résulte pour le
créancier ; qu’en décidant que faute d’établir des faits précis caractérisant la faute lourde du débiteur, le créancier
ne peut prétendre qu’à l’indemnisation du prix du transport, la cour d’appel a violé les articles 1131, 1134, 1147
et 1315 du Code civil, 8, alinéa 2, de !a loi du 30 décembre 1982, 1 et 15 du contrat messagerie établi par le décret
du 4 mai 1988” ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article 1150 du Code civil et du décret du 4 mai 1988 portant approbation du
contrat-type pour le transport public terrestre de marchandises applicable aux envois de moins de trois tonnes
pour lesquels il n’existe pas de contrat-type spécifique que, si une clause limitant le montant de la réparation est
réputée non écrite en cas de manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat, seule une faute
lourde, caractérisée par une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur
de l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle, peut mettre en échec la limitation
d’indemnisation prévue au contrat-type établi annexé au décret ; Qu’ayant énoncé à bon droit que la clause
limitant la responsabilité de la société Chronopost en cas de retard qui contredisait la portée de l’engagement pris
étant réputée non écrite, les dispositions précitées étaient applicables à la cause, et constaté que la société Dubosc
ne prouvait aucun fait précis permettant de caractériser l’existence d’une faute lourde imputable à la société
Chronopost, une telle faute ne pouvant résulter du seul retard de livraison, la cour d’appel en a exactement déduit
qu’il convenait de limiter l’indemnisation de la société Dubosc au coût du transport ; D’où il suit que le moyen
n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Dubosc et Landowski aux dépens ;

Document 6. Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-11841


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2008), que la société Faurecia sièges d’automobiles (la société
Faurecia), alors dénommée Bertrand Faure équipements, a souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel
intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ; qu’elle a choisi le logiciel V
12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu’un contrat de
licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés
Faurecia et Oracle, tandis qu’un contrat de mise en oeuvre du “programme Oracle applications” a été signé courant
juillet 1998 entre ces sociétés ; qu’en attendant, les sites ibériques de la société Faurecia ayant besoin d’un
changement de logiciel pour passer l’an 2000, une solution provisoire a été installée ; qu’aux motifs que la solution
provisoire connaissait de graves difficultés et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société Faurecia a cessé
de régler les redevances ; qu’assignée en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société Oracle avait
cédé ces redevances, la société Faurecia a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné cette dernière aux
fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les parties ; que la
7
cour d’appel a, par application d’une clause des conventions conclues entre les parties, limité la condamnation de
la société Oracle envers la société Faurecia à la garantie de la condamnation de celle-ci envers la société
Franfinance et rejeté les autres demandes de la société Faurecia ; que cet arrêt a été partiellement cassé de ce chef
(chambre commerciale, financière et économique, 13 février 2007, pourvoi n° Z 05-17.407) ; que, statuant sur
renvoi après cassation, la cour d’appel, faisant application de la clause limitative de réparation, a condamné la
société Oracle à garantir la société Faurecia de sa condamnation à payer à la société Franfinance la somme de 203
312 euros avec intérêts au taux contractuel légal de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 2001 et capitalisation
des intérêts échus dans les termes de l’article 1154 à compter du 1er mars 2002 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Faurecia fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1°/ que l’inexécution, par le débiteur, de l’obligation essentielle à laquelle il s’est contractuellement engagé
emporte l’inapplication de la clause limitative d’indemnisation ; qu’en faisant application de la clause limitative
de responsabilité après avoir jugé que la société Oracle avait manqué à l’obligation essentielle tenant à la livraison
de la version V 12 en 1999, laquelle n’avait pas été livrée à la date convenue, ni plus tard et que la société Oracle
ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait empêchée d’accomplir ses obligations, ni
aucun cas de force majeure, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi
les articles 1131, 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ qu’en jugeant que la clause limitative de responsabilité aurait été prétendument valable en ce qu’elle aurait
été librement négociée et acceptée et qu’elle n’aurait pas été imposée à Faurecia, la cour d’appel s’est prononcée
par un motif inopérant, violant ainsi les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ;
3°/ qu’en jugeant que la clause, qui fixait un plafond d’indemnisation égal au montant du prix payé par Faurecia
au titre du contrat des licences n’était pas dérisoire et n’avait pas pour effet de décharger par avance la société
Oracle du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation,
la cour d’appel a violé les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ;
Mais attendu que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de
l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que l’arrêt relève que si la société Oracle a manqué à une
obligation essentielle du contrat, le montant de l’indemnisation négocié aux termes d’une clause stipulant que les
prix convenus reflètent la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait, n’était pas
dérisoire, que la société Oracle a consenti un taux de remise de 49 %, que le contrat prévoit que la société Faurecia
sera le principal représentant européen participant à un comité destiné à mener une étude globale afin de
développer un produit Oracle pour le secteur automobile et bénéficiera d’un statut préférentiel lors de la définition
des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d’Oracle pour la version V 12
d’Oracles applications ; que la cour d’appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de
toute substance l’obligation essentielle de la société Oracle et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen
n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Faurecia fait encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, qu’après avoir constaté
que la société Oracle n’avait pas livré la version V 12, en considération de laquelle la société Faurecia avait signé
les contrats de licences, de support technique, de formation et de mise en oeuvre du programme Oracle
applications, qu’elle avait ainsi manqué à une obligation essentielle et ne démontrait aucune faute imputable à la
société Faurecia qui l’aurait empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d’appel
a jugé que n’était pas rapportée la preuve d’une faute d’une gravité telle qu’elle tiendrait en échec la clause
limitative de réparation ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations, violant les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil ;
Mais attendu que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle
essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que les deuxième et quatrième moyens ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
8
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Faurecia sièges d’automobiles aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Oracle France la somme de 2 500
euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le
premier président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix.

Note - D. Mazeaud, « Les clauses limitatives de réparation : la fin de la saga ? », D. 2010, pp. 1832 et s.
1 - Bien fol celui qui affirmera que l'arrêt, rendu le 29 juin 2010 par la chambre commerciale de la Cour de
cassation, constitue à coup sûr l'épilogue de la fameuse saga jurisprudentielle relative au sort réservé aux clauses
de responsabilité qui aménagent la sanction de l'inexécution d'une obligation essentielle (1) ! Non pas que cette
décision souffre de la moindre ambiguïté quant à son sens et à sa portée, tant sa lettre est claire et son esprit
lumineux, mais chaque observateur sait que, dans ce domaine, souvent Cour de cassation a varié, comme en
témoigne suffisamment un rapide résumé des épisodes précédents pour ceux des lecteurs du Recueil qui auraient
manqué le début de ladite saga.
2 - Episode n° 1 : l'« illustrissime » arrêt Chronopost dans lequel la Cour de cassation (2) a, au nom de la cause,
réputé non écrite la clause limitative de réparation, stipulée en faveur du transporteur rapide, qui fixait un plafond
dérisoire de réparation en cas de manquement à son obligation essentielle de ponctualité, de célérité et de fiabilité,
parce qu'elle « contredisait la portée de l'engagement pris » par celui-ci. La leçon de ce premier arrêt était donc
que les clauses qui fixent un plafond dérisoire de réparation en cas de manquement à une obligation contractuelle
essentielle doivent être réputées non écrites, parce qu'en réduisant excessivement la sanction de l'inexécution,
elles permettent au débiteur de se soustraire à son engagement en toute impunité.
Episode n° 2 : les arrêts rendus par une chambre mixte en 2005 (3), puis par la chambre commerciale en 2006 (4)
et 2007 (5), par lesquels la Cour de cassation a décidé que devaient être supprimées du contrat les clauses
limitatives de réparation au seul motif qu'elles aménageaient les suites de l'inexécution d'une obligation
essentielle. Avec cette nouvelle règle, le sort de la clause limitative ne dépendait plus de son effet sur l'engagement
souscrit par le débiteur, mais uniquement de l'objet du manquement visé par la clause ; il suffisait que celui-ci
réside dans une obligation essentielle pour que la clause soit boutée hors du contrat.
Episode n° 3 : cette jurisprudence, qui sonnait le glas des clauses limitatives de réparation en droit commun, et a
fortiori celui des clauses élusives de responsabilité (étant entendu que les unes et les autres n'ont plus droit de cité
dans les contrats de consommation depuis le décret du 18 mars 2009 (6)), a par la suite connu un certain
fléchissement avec de nouvelles décisions de la chambre commerciale (7) qui ont laissé entendre qu'une clause
qui aménage la sanction de l'inexécution d'une obligation essentielle n'est plus fatalement réputée non écrite et
que, pour qu'il en soit ainsi, il faut qu'elle emporte une contradiction avec la portée de l'engagement souscrit par
le débiteur. Concrètement, une clause limitative de réparation est menacée d'être supprimée du contrat, non pas
lorsqu'elle porte sur l'inexécution d'une obligation essentielle, mais parce qu'elle vide de toute substance cette
obligation.
3 - Statuant sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris (8), entrée en résistance contre la
jurisprudence liberticide susvisée, précisément contre l'arrêt du 13 février 2007 (9), l'arrêt rendu le 29 juin dernier
était donc attendu avec impatience puisqu'il appartenait au fond à la chambre commerciale de décider de l'avenir
des clauses qui aménagent la sanction de l'inexécution d'une obligation contractuelle essentielle. Deviendraient-
elles de simples leurres contractuels privés de la moindre efficacité ou redeviendraient-elles un précieux
instrument de gestion du risque d'inexécution, sous réserve qu'elles ne privent pas l'obligation essentielle de sa
substance ?
Tel était, en somme, l'enjeu pour la Cour de cassation qui, en l'espèce, devait donc statuer sur la validité d'une
clause limitative de réparation qu'invoquait un contractant dont le manquement à son obligation contractuelle

9
essentielle était avéré. A dire vrai, même si l'arrêt commenté n'est pas franchement innovant, tant en ce qui
concerne la règle selon laquelle « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la
portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur » que celle aux termes de laquelle « la faute lourde ne
peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la
gravité du comportement du débiteur », il est probable qu'il fera date. En effet, il fixe avec une grande netteté les
contours de la contradiction illégitime (I) et de la faute lourde (II) susceptibles de neutraliser une clause de
responsabilité qui aménage les suites de l'inexécution d'une obligation contractuelle essentielle.
I - La contradiction illégitime
4 - On ne peut pas reprendre d'une clause ce que l'on a promis de l'autre !
Telle est au fond l'idée appliquée par la Cour de cassation dans cet arrêt qui marque indiscutablement un retour à
l'esprit de la jurisprudence inaugurée par la chambre commerciale en 1996 (10) et qui constitue un ralliement à la
lettre de la décision rendue par celle-ci le 18 décembre 2007 (11). Non seulement, en effet, seules les clauses qui
privent de sanction l'inexécution d'une obligation contractuelle essentielle et lui ôtent alors sa force contraignante
sont réputées non écrites, mais encore c'est lorsqu'une clause a « pour effet de vider de toute substance l'obligation
essentielle » qu'est caractérisée « la contrariété entre ladite clause et la portée de l'engagement souscrit » (12)
par le débiteur. Même si on retiendra sans doute de cet arrêt qu'il a restauré la prévisibilité des clauses de
responsabilité en droit commun et renforcé la sécurité juridique, son intérêt est aussi d'ordre pédagogique. En
premier lieu, la Cour de cassation met au point, de façon limpide, la règle (A) qui règne désormais en la matière.
En second lieu, la motivation de son arrêt offre de très utiles informations sur la mise en oeuvre (B) de celle-ci.
A - La règle mise au point
5 - « (...) Seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation
essentielle souscrite par le débiteur ». Avec cette formule, il est clair qu'à l'instar des juges du fond de la cour de
Paris, la Cour de cassation opte définitivement pour l'éviction de la règle liberticide, qui irriguait le pourvoi, selon
laquelle la liberté contractuelle bute inéluctablement sur l'obligation essentielle. Elle retient une règle de validité
infiniment plus nuancée et plus subtile sur laquelle la liberté ne vient pas s'échouer mais qui en neutralise les
excès et les dérives. Une règle morale en somme, en vertu de laquelle s'engager à exécuter une obligation
contractuelle essentielle et s'affranchir, via une clause de responsabilité, des conséquences de son inexécution ne
vaut !
6 - On comprend donc sans peine que la Cour de cassation réinsuffle une importante dose de vitalité aux clauses
de responsabilité en mettant fin à la séquence jurisprudentielle des années 2005-2007 puisqu'il ne suffit plus
désormais que la clause litigieuse aménage la sanction du manquement à une obligation essentielle pour être
neutralisée, il est nécessaire qu'elle vide cette obligation de sa substance et contredise, dès lors, la portée de
l'engagement souscrit par le débiteur. Le critère qui doit conduire le juge à décider si la clause est valable ou
réputée non écrite ne réside pas dans la nature de l'obligation dont elle aménage la sanction de l'inexécution, mais
dans l'effet que produit la clause sur la portée de l'engagement contractuel du débiteur. En définitive, on peut
dorénavant tenir probablement pour acquis que la liberté contractuelle a retrouvé des lettres de noblesse dans
notre domaine et qu'elle bute, non plus sur le caractère essentiel de l'obligation inexécutée, mais sur l'exigence du
maintien du caractère obligatoire et contraignant de l'engagement souscrit par le débiteur qui se prévaut de la
clause. Lorsque l'effet de la clause consiste à désactiver l'engagement souscrit, à neutraliser le caractère
contraignant de l'obligation essentielle, à enlever sa force à l'obligation en privant de sanction son inexécution,
elle doit être réputée non écrite parce qu'elle permet au débiteur de ne pas exécuter son obligation essentielle.
7 - A priori, il en va concrètement ainsi, outre évidemment les clauses d'allègement d'une obligation essentielle,
d'une part, des clauses élusives de responsabilité qui excluent la responsabilité du débiteur alors même qu'il est
avéré qu'il n'a pas exécuté son obligation essentielle. Une telle clause qui dispense le débiteur d'exécuter son
obligation essentielle prive de toute évidence celle-ci de sa substance ; elle la frappe d'inconsistance, elle la prive
de toute force en excluant toute sanction en cas de manquement. D'autre part, il en ira aussi ainsi, et pour les
mêmes raisons finalement, des clauses qui fixent un plafond dérisoire de réparation parce qu'elles dispensent,
faute de sanction effective, le débiteur de l'exécution de son obligation essentielle.
10
On relèvera que le domaine ainsi esquissé de la règle mise au point par la Cour est en phase avec son inspiration
causaliste. En effet, au nom de la cause, ne sont annulés que les engagements contractuels souscrits en l'absence
de contrepartie ou moyennant une contrepartie illusoire ou dérisoire. Dès lors, seules les clauses qui privent, en
cas de manquement du débiteur à son obligation essentielle, l'engagement du créancier d'une contrepartie ou d'une
contrepartie réelle doivent être réputées non écrites, à savoir les clauses qui ont pour objet d'exclure toute
responsabilité du débiteur et les clauses qui, en fixant un plafond de réparation dérisoire, ont ce même effet.
Reste à observer comment cette règle est concrètement mise en oeuvre en l'espèce.
B - La mise en oeuvre de la règle
8 - La motivation de l'arrêt commenté révèle que la Cour a parfaitement acté l'idée que les clauses limitatives de
réparation ne sont pas toujours le produit d'un rapport de forces inégales et le ferment d'une injustice contractuelle
qui se cristallise dans le montant dérisoire du plafond de réparation, mais qu'elles constituent aussi parfois le fruit
d'une répartition librement négociée des risques de l'inexécution
Pour refuser, contrairement à ce que suggérait le pourvoi, de réputer non écrite la clause limitative de réparation
prévue en cas de manquement du débiteur à son obligation essentielle, la Cour, en se retranchant derrière les
constatations des juges du fond, paraît procéder en deux temps.
9 - Dans un premier temps, elle se livre à un examen spécifique de la clause appréhendée isolément. A cet égard,
elle reprend les motifs de la cour de Paris qui portaient sur le contexte et le contenu de la clause litigieuse. Les
juges du fond avaient en effet relevé, d'une part, que le plafond de réparation avait été négocié via « une clause
stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque », d'autre part, que « le montant » de ce plafond,
qui correspondait au prix payé par le créancier, n'était pas dérisoire. En somme, à ce seul stade du test de licéité
de la clause, il apparaît que celle-ci ne vide pas l'obligation de sa substance et ne contredit pas l'engagement du
débiteur, parce qu'elle a été librement négociée dans la perspective, comme sa lettre l'indiquait, d'une répartition
des risques regardée comme équitable par les contractants.
10 - Dans un second temps, la licéité de la clause est appréciée à l'aune de l'économie générale du contrat, à savoir
non plus isolément mais en contemplation de son environnement contractuel. Le message de la Cour de cassation
semble alors être qu'il convient, pour décider si elle est valable ou si elle doit être réputée non écrite, de rechercher
si, indépendamment de son seul contenu et du contexte dans lequel elle a été stipulée, la clause litigieuse a une
contrepartie, une justification, une... cause. Autrement dit, le juge doit, pour se prononcer, se demander si le
contrat qui comporte la clause litigieuse est un contrat sur mesure, dont l'économie générale a été conçue en
contemplation de la clause litigieuse, et dont le contenu serait donc différent en l'absence de celle-ci. C'est bien
ainsi qu'avait procédé la cour de Paris qui avait relevé que le débiteur avait, en contrepartie de la clause limitative,
consenti une remise de 49 % au créancier, auquel était en outre accordé toute une série d'avantages et de «
privilèges » au cours de l'exécution du contrat. Et la chambre commerciale approuve les juges du fond d'avoir
déduit de cette analyse globale du contrat la validité de la clause litigieuse, qui était causée par la situation
contractuelle spécifique du créancier et le statut que lui accordait le contrat, tant et si bien que la clause ne vidait
pas de sa substance l'obligation essentielle du débiteur et ne contredisait donc pas la portée de son engagement.
11 - En définitive, il n'est pas interdit de penser que même les clauses élusives de responsabilité, comme les
clauses limitatives de réparation qui fixent un plafond dérisoire d'indemnisation, ne sont peut-être pas vouées
inéluctablement à être supprimées du contrat. Certes, il existe en présence de telles clauses une très forte
probabilité, si ce n'est une véritable présomption de contradiction illégitime, mais il n'en reste pas moins que le
débiteur pourrait réactiver la clause litigieuse en apportant la preuve que cette contradiction, qui apparaît illégitime
si l'on s'en tient à une simple appréciation isolée de la clause, n'est qu'apparente et s'efface si on contemple cette
clause à travers le prisme de son environnement contractuel, par référence à l'économie générale du contrat dont
elle constitue un des éléments parmi d'autres, dont certains peuvent représenter sa juste contrepartie et constituer
sa cause.
Pour conjurer le mauvais sort que réservait le demandeur au pourvoi à la clause limitative de réparation, la Cour
de cassation a dû aussi prendre parti sur la notion de faute lourde.

11
II - La faute lourde
12 - On ne peut pas se prévaloir d'un contrat auquel on a gravement manqué !
Telle est au fond l'idée qui sous-tend l'influence néfaste de la faute lourde sur une clause de responsabilité dont le
débiteur réclame le bénéfice et que reprenait à son compte le demandeur au pourvoi, mais en se fondant sur l'objet
du manquement (A) imputable au débiteur. Argument qui connaît le même sort que le précédent puisque la Cour
de cassation profite de cet arrêt pour revenir à une conception subjective de la faute lourde, fondée sur la gravité
du comportement du débiteur (B).
A - L'objet du manquement
13 - Pour neutraliser la clause limitative de réparation, le demandeur au pourvoi avait « ressorti de ses cartons »
une jurisprudence qui avait prospéré avant le début de la saga Chronopost et l'exploitation de la notion de cause
pour mettre fin aux clauses de responsabilité abusives entre professionnels, et qui se traduisait par une
objectivisation de la faute lourde. Naguère, en effet, la Cour de cassation avait décidé que le débiteur commettait
une faute lourde, qui emportait la neutralisation des clauses élusives de responsabilité et des clauses limitatives
de réparation, lorsque l'inexécution qui lui était imputable avait pour objet une obligation contractuelle considérée
comme essentielle (13), fondamentale (14) ou substantielle (15). La liberté contractuelle était alors d'autant plus
mise à mal par cette définition objective de la faute lourde que la notion d'obligation essentielle est insaisissable,
et que la volonté des contractants suffit à imprimer un tel caractère à une obligation objectivement accessoire.
A la fin du XX siècle, cohabitaient donc deux conceptions de la faute lourde. La conception subjective, d'une part,
fondée sur l'attitude du débiteur, dans laquelle elle est classiquement définie comme la négligence d'une extrême
gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qui
lui a été confiée. La conception objective, d'autre part, assise sur l'attente légitime du créancier et dont le centre
de gravité réside dans l'objet du manquement.
14 - A l'aube du XXI siècle, le destin de cette extension de la notion de faute lourde faisait débat.
D'abord, on pouvait légitimement la considérer comme caduque en raison de la règle initiée par la chambre
commerciale de la Cour de cassation en 1996 et prorogée ensuite avec le succès que l'on sait, qui la privait de sa
raison d'être.
Ensuite, certains auteurs s'étaient élevés contre ce gauchissement de la notion. Christian Larroumet, par exemple,
critiquait l'objectivation de la faute lourde en ces termes : « (...) une imprudence ou une négligence dans
l'exécution d'une obligation, quel que soit le caractère essentiel de cette obligation, n'est pas nécessairement une
faute lourde. Le critère de la faute lourde ne se trouve pas dans l'importance de l'obligation inexécutée, mais
dans le comportement du débiteur » (16).
Enfin, la Cour de cassation, elle-même, semblait revenir sur sa propre jurisprudence dont on a compris qu'elle
n'avait plus guère d'intérêt, comme le révèlent les arrêts qu'elle avait rendus, dans l'affaire Chronopost, en 2005
(17). Statuant sur la notion de faute lourde susceptible de faire échec au plafond légal de réparation dont se
prévalait le transporteur rapide, elle avait affirmé que « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation
d'indemnisation prévue par le contrat-type ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle,
fût-elle essentielle » et que « seule une faute lourde caractérisée par une négligence d'une extrême gravité
confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission
contractuelle, peut mettre en échec la limitation d'indemnisation prévue au contrat-type établi annexé au décret
». Restait tout de même à savoir si la sentence sonnait définitivement le glas de la conception objective de la faute
lourde ou si sa portée devait être limitée, réservée aux seules clauses limitatives réglementaires prévues dans un
contrat-type, établi par décret ? Sur ce point, le doute était d'autant plus permis qu'il avait été entretenu par l'arrêt
du 18 décembre 2007 (18) qui, à la question de savoir si le manquement à une obligation essentielle constitue une
faute lourde privant d'efficacité un plafond conventionnel de réparation, avait botté en touche (19). Tel n'est pas
le cas de l'arrêt commenté dans lequel la Cour de cassation prend très clairement et nettement position.
B - La gravité du comportement

12
15 - Pour balayer l'argumentation quelque peu désespérée du demandeur au pourvoi qui se raccrochait avec
l'énergie du désespoir à une jurisprudence dont la caducité était pourtant probable, la Cour de cassation décide
que « la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle,
mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».
Comme l'avaient donc justement prédit certains, cette « déformation », opportune lors de la période « pré-
Chronopost », de la notion de faute lourde mais « qui n'avait plus d'intérêt que pour les plafonds de responsabilité
d'origine légale, a été abandonnée par une chambre mixte du 22 avril 2005 » (20).
La notion de faute lourde est donc désormais recentrée sur la gravité du comportement imputable au débiteur et
fondée sur l'idée simple mais juste que l'incurie et l'impéritie du débiteur dans l'accomplissement de sa mission
contractuelle excluent, à titre de sanction, qu'il puisse tirer profit d'une clause modérant la sanction d'une telle
faute.
L'ordre règne donc désormais dans le régime des clauses de responsabilité.

(1) Pour un bilan de cette saga avant l'arrêt commenté, V., entre autres, GAJC, 12 éd., 2008, n° 157 et 166-167 ;
P. Delebecque et D. Mazeaud, Les clauses de responsabilité : clauses de non responsabilité, clauses limitatives de
réparation, clauses pénales, in Les sanctions de l'inexécution des obligations contractuelles, Bruylant, LGDJ,
2001, p. 361 s. ; G. Loiseau, Le crépuscule des clauses limitatives de réparation, RLDC, mai 2007, p. 6 s. ; D.
Mazeaud, Clauses limitatives de réparation : les quatre saisons, D. 2008. 1776. Adde, le dossier spécial consacré
à cette question in RDC 2008. 979 s., avec les contributions de C. Aubert de Vincelles, P. Delebecque, T. Génicon,
O. Deshayes, D. Houtcieff et D. Mainguy.
(2) Com. 22 oct. 1996, n° 93-18.632, D. 1997. 121, note A. Sériaux, 145, chron. C. Larroumet, et 175, obs. P.
Delebecque ; GAJC, 12 éd., 2008, n° 157 ; RTD civ. 1997. 418, obs. J. Mestre, et 1998. 213, obs. N. Molfessis ;
RTD com. 1997. 319, obs. B. Bouloc ; CCC 1997. Comm. 24, obs. L. Leveneur ; Defrénois 1997. 333, obs. D.
D. Mazeaud; JCP 1997. I. 4002, obs. M. Fabre-Magnan et 4025, obs. G. Viney et II. 22881, obs. D. Cohen.
(3) Cass., ch. mixte, 22 avr. 2005, n° 03-14.112, D. 2005. 1864, note J.-P. Tosi, 2748, obs. H. Kenfack, et 2836,
obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2005. 604, obs. P. Jourdain, et 779, obs. J. Mestre et
B. Fages ; RTD com. 2005. 828, obs. B. Bouloc ; JCP 2005. II. 10066, obs. G. Loiseau ; RDC 2005. 651, avis R.
de Gouttes, 673, obs. D. Mazeaud, et 752, obs. P. Delebecque ; RLDA, sept. 2005, p. 8, note G. Viney.
(4) Com. 21 févr. 2006, n° 04-20.139, D. 2006. 717, obs. E. Chevrier ; RTD civ. 2006. 322, obs. P. Jourdain ;
RTD com. 2006. 909, obs. B. Bouloc ; CCC 2006. Comm. 103, obs. L. Leveneur ; RDC 2006. 694, obs. D.
Mazeaud ; 30 mai 2006, n° 04-14.974, D. 2006. 1599, obs. X. Delpech, 2288, note D. Mazeaud, 2638, obs. S.
Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson, et 2007. 111, obs. H. Kenfack ; RTD civ. 2006. 773, obs. P. Jourdain ;
RTD com. 2007. 224, obs. B. Bouloc ; RDC 2006. 1075, obs. Y.-M. Laithier, et 1224, obs. S. Carval ; 13 juin
2006, n° 05-12.619, D. 2006. 1680, et 2007. 111, obs. H. Kenfack ; RTD civ. 2006. 773, obs. P. Jourdain ; RTD
com. 2007. 224, obs. B. Bouloc ; JCP. 2006. II. 10123, obs. G. Loiseau.
(5) Com. 13 févr. 2007, n° 05-17.407, D. 2007. 654, obs. X. Delpech et 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B.
Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2007. 567, obs. B. Fages ; Defrénois 2007. 1042, obs. R. Libchaber ; JCP 2007. I.
185, obs. P. Stoffel-Munck, et II. 10063, obs. Y.-M. Serinet ; RDC 2007. 707, obs. D. Mazeaud, et 746, obs. S.
Carval ; 5 juin 2007, n° 06-14.832, D. 2007. 1720, obs. X. Delpech et 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B.
Fauvarque-Cosson RTD civ. 2007. 567, obs. B. Fages ; RTD com. 2008. 174, obs. B. Bouloc ; CCE 2007. Comm.
151, obs. P. Stoffel-Munck ; JCP 2007. II. 10145, obs. D. Houtcieff ; RDC 2007. 1121, obs. D. Mazeaud, et 1144,
obs. S. Carval.
(6) Art. R. 132-1, 6°, c. consom.
(7) Com. 18 déc. 2007, n° 04-16.069, D. 2008. 154, obs. X. Delpech, et 1776, chron. D. Mazeaud ; RTD civ.
2008. 310, obs. P. Jourdain ; JCP 2008. I. 125, obs. P. Stoffel-Munck ; RDC 2008. 262, obs. T. Génicon, et 287,
obs. G. Viney ; 4 mars 2008, n° 07-11.790, D. 2008. 844, obs. X. Delpech et 2009. 972, obs. H. Kenfack ; RTD

13
civ. 2008. 490, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2008. 845, obs. B. Bouloc ; Dr. et patr. févr. 2009, obs. P. Stoffel-
Munck ; 9 juin 2009, n° 08-10.350, RDC 2010. 1359, obs. D. Mazeaud.
(8) Paris, 26 nov. 2008; JCP 2009. I. 123, obs. P. Stoffel-Munck ; RDC 2009. 1010, obs. T. Génicon.
(9) Préc., note 5.
(10) Préc., note 2.
(11) Préc., note 7.
(12) Com. 18 déc. 2007, préc.
(13) Civ. 1, 18 janv. 1984, RTD civ. 1984. 727, obs. J. Huet ; Civ. 2, 9 mai 1990, n° 89-10.172, RTD civ. 1990.
667, obs. P. Jourdain.
(14) Civ. 1, 15 nov. 1988, D. 1989. 349, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1990. 666, obs. P. Jourdain.
(15) Civ. 1, 2 déc. 1997, n° 95-21.907, D. 1998. 200, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 1998. 673, obs. J. Mestre ; JCP
1998. I. 144, obs. G. Viney.
(16) Droit civil, Les obligations , Le contrat, Economica, 2003, spéc. n° 625.
(17) Cass., ch. mixte, 22 avr. 2005, préc.
(18) Préc.
(19) Sur ce point, V. notre chronique préc., spéc. n° 17.
(20) A. Bénabent, Droit civil, Les obligations, Domat, Montchrestien, 2007, spéc. n° 412-2. »

Document 7. Cass. Ass. plén., 14 avril 2006


Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 12 novembre 2001), que M. X... a commandé à M. Y... une
machine spécialement conçue pour les besoins de son activité professionnelle ; qu'en raison de l'état de santé de
ce dernier, les parties sont convenues d'une nouvelle date de livraison qui n'a pas été respectée ; que les examens
médicaux qu'il a subis ont révélé l'existence d'un cancer des suites duquel il est décédé quelques mois plus tard
sans que la machine ait été livrée ; que M. X... a fait assigner les consorts Y..., héritiers du défunt, en résolution
du contrat et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1) qu'en estimant que la maladie dont a souffert M. Michel Z... avait un caractère imprévisible, pour en déduire
qu'elle serait constitutive d'un cas de force majeure, après avoir constaté qu'au 7 janvier 1998, date à laquelle M.
Michel Y... a fait à son cocontractant la proposition qui fut acceptée de fixer la date de livraison de la commande
à la fin du mois de février 1998, M. Michel Y... savait souffrir, depuis plusieurs mois, d'une infection du poignet
droit justifiant une incapacité temporaire totale de travail et se soumettait à de nombreux examens médicaux, la
cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé, en conséquence, l'article
1148 du code civil ;
2) qu'un événement n'est pas constitutif de force majeure pour le débiteur lorsque ce dernier n'a pas pris toutes les
mesures que la prévisibilité de l'événement rendait nécessaires pour en éviter la survenance et les effets ; qu'en
reconnaissant à la maladie dont a souffert M. Michel Y... le caractère d'un cas de force majeure, quand elle avait
constaté que, loin d'informer son cocontractant qu'il ne serait pas en mesure de livrer la machine commandée
avant de longs mois, ce qui aurait permis à M. Philippe X... de prendre toutes les dispositions nécessaires pour
pallier le défaut de livraison à la date convenue de la machine commandée, M. Michel Y... avait fait, le 7 janvier
1998, à son cocontractant la proposition qui fut acceptée de fixer la date de livraison de la commande à la fin du
mois de février 1998, soit à une date qu'il ne pouvait prévisiblement pas respecter, compte tenu de l'infection au
poignet droit justifiant une incapacité temporaire totale de travail, dont il savait souffrir depuis plusieurs mois, la
14
cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé, en conséquence, l'article
1148 du code civil ;
Mais attendu qu'il n'y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit,
le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ; qu'il en
est ainsi lorsque le débiteur a été empêché d'exécuter par la maladie, dès lors que cet événement, présentant un
caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution, est constitutif d'un cas
de force majeure ; qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que seul Michel Y... était en mesure de réaliser
la machine et qu'il s'en était trouvé empêché par son incapacité temporaire partielle puis par la maladie ayant
entraîné son décès, que l'incapacité physique résultant de l'infection et de la maladie grave survenues après la
conclusion du contrat présentait un caractère imprévisible et que la chronologie des faits ainsi que les attestations
relatant la dégradation brutale de son état de santé faisaient la preuve d'une maladie irrésistible, la cour d'appel a
décidé à bon droit que ces circonstances étaient constitutives d'un cas de force majeure ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
(…)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 8. Cass. 1e civ., 30 octobre 2008


Attendu que la société Figeac Aéro, ayant passé un contrat le 25 octobre 2002 avec la société EDF, a subi deux
coupures de l'énergie électrique nécessaire à son activité industrielle, les 15 et 24 juin 2004, dues à des
mouvements sociaux motivés par le projet de privatisation de son fournisseur, et a été assignée en paiement de
factures arriérées ; qu'elle a reconventionnellement sollicité l'indemnisation de son préjudice ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1147 et 1148 du code civil ;
Attendu que, pour débouter la société Figeac Aéro de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué retient
que les ruptures dans la fourniture d'énergie, bien que prévisibles puisqu'annoncées publiquement, étaient
irrésistibles, inévitables et insurmontables dans les conditions de leur survenance et que dans le domaine
contractuel, dans de telles circonstances d'irrésistibilité, l'imprévisibilité n'est pas requise ;
Qu'en statuant ainsi, alors que seul un événement présentant un caractère imprévisible, lors de la conclusion du
contrat, et irrésistible dans son exécution, est constitutif d'un cas de force majeure, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen et celle unique du
second moyen : CASSE ET ANNULE »

Document 9. Cass. ch. mixte, 28 novembre 2008, Bull. civ. n° 3


Par arrêt du 13 mars 2008, la première chambre civile a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier
président a, par ordonnance du 28 octobre 2008, indiqué que cette chambre mixte serait composée des première,
deuxième et troisième chambres civiles, de la chambre commerciale, financière et économique et de la chambre
sociale ;
La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Odent, avocat
de la SNCF ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Balat, avocat des consorts X... ;
Le rapport écrit de M. Petit, conseiller, et l’avis écrit de M. Domingo, avocat général, ont été mis à la disposition
15
des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l’audience publique du 14 novembre 2008, où étaient présents
: M. Lamanda, premier président, M. Weber, Mmes Favre, Collomp, MM. Bargue, Gillet, présidents, M. Petit,
conseiller rapporteur, M. Peyrat, Mmes Lardet, Tric, MM. Mazars, Pluyette, Assié, Gridel, Bailly, Bizot, Gallet,
Blatman, Albertini, Chollet, Kriegk, conseillers, M. Domingo, avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;
Sur le rapport de M. Petit, conseiller, assisté de Mme Lemoine, greffier en chef au service de documentation et
d’études, les observations de Me Odent, de Me Balat, l’avis de M. Domingo, avocat général, auquel les parties
invitées à le faire, n’ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 9 novembre 2005), que Frédéric X..., âgé de quinze ans, passager d’un
train express régional, a été mortellement blessé en tombant sur la voie après avoir ouvert l’une des portes de la
voiture et alors qu’il effectuait une rotation autour de la barre d’appui située au centre du marchepied ; que ses
ayants droit ont fait assigner la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF) en réparation des
préjudices matériels et moraux causés par cet accident ;
Attendu que la SNCF fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que le comportement délibérément dangereux de la victime
n’était pas de nature à l’exonérer entièrement de sa responsabilité, alors, selon le moyen, que le comportement
aberrant d’un voyageur, qui refuse de respecter les consignes de sécurité de la SNCF et s’expose lui-même au
danger, est de nature à exonérer entièrement le transporteur de toute responsabilité ; qu’en l’espèce, la cour
d’appel, qui a décidé que le comportement du jeune Frédéric X..., qui avait délibérément ouvert les portes d’un
train en marche, avant d’exécuter des acrobaties sur la barre de maintien (rendue glissante par suite de la pluie)
située sur le marchepied du train, du côté de la voie, n’était pas de nature à exonérer entièrement la SNCF de sa
responsabilité, dès lors qu’une telle attitude n’était ni imprévisible, ni irrésistible, a violé l’article 1147 du code
civil ;
Mais attendu que le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs d’une obligation de sécurité de résultat, ne
peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute d’imprudence de la victime que si cette faute, quelle
qu’en soit la gravité, présente les caractères de la force majeure ; qu’ayant relevé que les portes du train ne
comportaient pas de système de verrouillage interdisant leur ouverture de l’intérieur lorsque le train était en
marche et que la SNCF et son personnel naviguant étaient parfaitement informés de cette absence de système de
verrouillage sur ce type de matériel, qu’il n’était pas imprévisible que l’un des passagers, et notamment l’un des
nombreux enfants et adolescents qui empruntent ce train régulièrement pour faire le trajet entre leur domicile et
leurs établissements scolaires, ouvre ou tente d’ouvrir l’une des portes des voitures dont le mécanisme quasi
automatique est actionné par une simple poignée qu’il suffit de tourner de 45° environ et que l’ouverture
intempestive par un passager d’une porte donnant sur la voie est évitable, notamment par la présence d’agents de
contrôle à même d’intervenir dans tout le train sans se heurter comme en l’espèce au blocage des portes de
communication, la cour d’appel a pu retenir que la faute de la victime, n’étant ni imprévisible ni irrésistible pour
la SNCF, ne présentait pas les caractères de la force majeure et en a déduit à bon droit que celle-ci n’était pas
fondée à prétendre s’exonérer de sa responsabilité ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SNCF aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 2 500 euros aux consorts
X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son
audience publique du vingt-huit novembre deux mille huit.

16
Document 10. Cass. 1re civ., 23 juin 2011, Bull. civ. I, n° 123
Sur le moyen unique :
Attendu qu’Eric X..., passager d’un train, ayant été mortellement blessé de plusieurs coups de couteau par M.
Y..., sa mère Mme Z... a assigné ce dernier ainsi que la SNCF en réparation de son préjudice moral ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (Grenoble, 5 janvier 2010) d’avoir rejeté sa demande dirigée contre la
SNCF alors, selon le moyen :
1°/ que le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs d’une obligation de sécurité de résultat de les
conduire sains et saufs à destination, ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en apportant la preuve d’un cas
de force majeure, à savoir de circonstances imprévisibles et irrésistibles ; que les agressions de voyageurs dans
un train sont prévisibles ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait décider que l’agression mortelle de Eric X... dans
le train Grenoble-Lyon par un voyageur, au demeurant démuni de titre de transport, était imprévisible, au motif
inopérant du trouble de comportement de l’agresseur, sans violer l’article 1148 du code civil ;
2°/ que d’autre part, l’agression de Eric X... étant survenue au moment de la coupe du monde de football de 1998
dans une région où se déroulaient des matches, l’afflux de population et de supporters qui devaient alors emprunter
les transports imposait à la SNCF de prendre des mesures exceptionnelles de précaution, notamment en renforçant
son personnel de contrôle et de surveillance ; qu’il résulte des propres constatations de la cour d’appel que la
SNCF n’avait pris aucune mesure particulière pour la protection des voyageurs lors du parcours ferroviaire vers
Saint-Etienne où devait se dérouler un match de football et que l’agresseur, anglais, monté dans le train sans titre
de transport n’avait pas été contrôlé ; qu’ainsi faute de déduire de ces constatations qu’en l’absence de toute
preuve ou allégation de quelconques mesures de prévention, il y avait lieu d’écarter l’existence d’un cas de force
majeure faute d’irrésistibilité de l’agression, la cour d’appel a derechef violé l’article 1148 du code civil ;
Mais attendu qu’après avoir constaté que M. Y... s’était soudainement approché d’Éric X... et l’avait poignardé
sans avoir fait précéder son geste de la moindre parole ou de la manifestation d’une agitation anormale, la cour
d’appel a estimé qu’un tel geste, en raison de son caractère irrationnel, n’eût pu être empêché ni par un contrôle
à bord du train des titres de transport, faute pour les contrôleurs d’être investis du pouvoir d’exclure du train un
voyageur dépourvu de titre de transport, ni par la présence permanente d’un contrôleur dans la voiture, non plus
que par une quelconque autre mesure à bord du train ; qu’elle en a déduit à bon droit que l’agression commise par
M. Y... présentait pour la SNCF un caractère imprévisible et irrésistible ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience
publique du vingt-trois juin deux mille onze.

Document 11. Cass. 1re civ., 11 décembre 2019, n° 18-13.840


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 décembre 2017), le 3 juillet 2013, Mme C..., munie d'un titre de
transport, circulait sur la ligne ferroviaire reliant Nice à Cagnes-sur-Mer, dans un compartiment bondé, lorsqu'elle
a été victime d'un écrasement du pouce gauche à la suite de la fermeture d'une porte automatique.
2. Le 16 juillet 2014, elle a assigné la société SNCF mobilités (la SNCF) aux fins de la voir déclarée entièrement
responsable de son préjudice et condamnée à lui payer une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
La caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-maritimes a été appelée en la cause.
Examen du moyen
Sur le moyen unique

17
Énoncé du moyen
3. La SNCF fait grief à l'arrêt de la déclarer entièrement responsable de l'accident dont a été victime Mme C... et
de la condamner à réparer l'entier préjudice subi par celle-ci, alors que, « en vertu de l'article 11 du règlement
(CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des
voyageurs ferroviaires, qui s'applique aux voyages et services ferroviaires fournis après son entrée en vigueur, le
4 décembre 2009, la responsabilité des entreprises ferroviaires relative aux voyageurs et à leurs bagages est régie
par le règlement sans préjudice du droit national octroyant aux voyageurs une plus grande indemnisation pour les
dommages subis ; qu'il résulte de cette disposition d'harmonisation maximale que le droit interne n'a pas vocation
à se substituer au régime de responsabilité instauré par le règlement, mais seulement à le compléter lorsqu'il
permet une plus grande indemnisation, c'est-à-dire au seul stade de l'évaluation du dommage ; que le règlement
prévoyant la possibilité pour le transporteur de se prévaloir d'une faute même simple de la victime, il s'oppose à
l'application du droit français interne, tel qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon
laquelle seule la faute de la victime revêtant les caractères de la force majeure peut être opposée à cette victime ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel a néanmoins jugé que l'article 26.2, b), du règlement du 23 octobre 2007, qui
n'envisage qu'une faute simple du voyageur, est donc de nature à limiter la responsabilité du transporteur et par
conséquent à limiter l'indemnisation du voyageur par rapport au droit interne français, qui est plus exigeant sur
les facultés d'exonération de ce transporteur" pour décider que seul l'article 1231-1 du code civil pouvait
s'appliquer à la réparation du dommage subi par Mme C... ; qu'en décidant ainsi que l'article 11 du règlement
permettait d'évincer l'application de ce texte au profit du droit interne, dont le régime était plus favorable à la
victime, tandis que l'article 11 n'autorise pas une telle éviction, la cour d'appel a violé les articles 11, 26.2, b), du
règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, L. 2151-1 du code des
transports, et 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, devenu 1231-1 du même code depuis
l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 11 du règlement CE n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, et 26
de son annexe I, L. 2151-1 du code des transports et 1147 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à
celle issue de l'ordonnance n° 2016–131 du 10 février 2016 :
4. Selon une jurisprudence constante, rendue au visa du dernier de ces textes, le transporteur ferroviaire, tenu
envers les voyageurs d'une obligation de sécurité de résultat, ne peut s'exonérer de sa responsabilité contractuelle
en invoquant la faute d'imprudence de la victime que si cette faute, quelle qu'en soit la gravité, présente les
caractères de la force majeure (1re Civ., 13 mars 2008, pourvoi n° 05-12.551, Bull. 2008, I, n° 76 ; Ch. mixte, 28
novembre 2008, pourvoi n° 06-12.307, Bull. 2008, I, n° 3).
5. Toutefois, aux termes du premier, sans préjudice du droit national octroyant aux voyageurs une plus grande
indemnisation pour les dommages subis, la responsabilité des entreprises ferroviaires relative aux voyageurs et à
leurs bagages est régie par le titre IV, chapitres I, III et IV, ainsi que les titres VI et VII de l'annexe I du règlement
n° 1371/2007.
6. Et selon le deuxième, le transporteur est responsable du dommage résultant de la mort, des blessures ou de
toute autre atteinte à l'intégrité physique ou psychique du voyageur causé par un accident en relation avec
l'exploitation ferroviaire survenu pendant que le voyageur séjourne dans les véhicules ferroviaires, qu'il y entre
ou qu'il en sorte et quelle que soit l'infrastructure ferroviaire utilisée. Il est déchargé de cette responsabilité dans
la mesure où l'accident est dû à une faute du voyageur.
7. Ces dispositions du droit de l'Union, entrées en vigueur le 3 décembre 2009, sont reprises à l'article L. 2151-1
du code des transports, lequel dispose que le règlement n° 1371/2007 s'applique aux voyages et services
ferroviaires pour lesquels une entreprise doit avoir obtenu une licence conformément à la directive 2012/34/UE
du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen
8. Il en résulte que le transporteur ferroviaire peut s'exonérer de sa responsabilité envers le voyageur lorsque
l'accident est dû à une faute de celui-ci, sans préjudice de l'application du droit national en ce qu'il accorde une
indemnisation plus favorable des chefs de préjudices subis par la victime.
9. Il y a lieu, en conséquence, de modifier la jurisprudence précitée.
10. Pour accueillir les demandes de Mme C..., l'arrêt retient que l'article 11 du règlement n° 1371/2007 pose un
principe général de responsabilité du transporteur ferroviaire au-dessous duquel les Etats membres ne peuvent
18
légiférer, ainsi qu'un principe de droit à indemnisation. Il ajoute que l'article 26, § 2, b), de l'annexe I, qui
n'envisage qu'une faute simple du voyageur, est de nature à limiter la responsabilité du transporteur et, par suite,
l'indemnisation du voyageur au regard du droit interne français, plus exigeant sur les conditions d'exonération du
transporteur ferroviaire. Il en conclut que seul l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle
issue de l'ordonnance du 10 février 2016, trouve à s'appliquer.
11. En statuant ainsi, alors que les dispositions du règlement devaient recevoir application, la cour d'appel a violé
les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre
2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel
de Montpellier ;
Condamne Mme C... aux dépens ;
Rejette la demande de la société SNCF mobilités formée en application de l'article 700 du code de procédure
civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être
transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience
publique du onze décembre deux mille dix-neuf.

Document 12. Cass. 1re civ., 25 novembre 2020, n° 19-21-060


La société Chaîne thermale du soleil, société par actions simplifiée, dont le siège est 32 avenue de l'Opéra, 75002
Paris, a formé le pourvoi n° J 19-21.060 contre le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal d'instance de
Manosque, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. L... H...,
2°/ à Mme F... H...,
domiciliés tous deux [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la
société Chaîne thermale du soleil, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme H..., et l'avis de M. Lavigne,
avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président,
M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller,
MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le
Gall, Kloda, Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme
Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de
l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a
rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Manosque, 27 mai 2019), rendu en dernier ressort, par acte
du 15 juin 2017, M. et Mme H... ont souscrit un contrat d'hébergement auprès de la société Chaîne thermale du
soleil (la société) pour la période du 30 septembre 2017 au 22 octobre 2017 pour un montant total de 926,60 euros,
payé le 30 septembre 2017. Le 4 octobre, M. H..., hospitalisé en urgence, a dû mettre un terme à son séjour. Mme
H... a quitté le lieu d'hébergement le 8 octobre.
2. Soutenant n'avoir pu profiter des deux dernières semaines de leur séjour en raison d'une circonstance revêtant
les caractères de la force majeure, M. et Mme H... ont assigné la société en résolution du contrat et indemnisation.
Examen du moyen
19
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société fait grief au jugement de prononcer la résiliation du contrat à compter du 9 octobre 2017 et de la
condamner au paiement d'une certaine somme, alors « que, si la force majeure permet au débiteur d'une obligation
contractuelle d'échapper à sa responsabilité et d'obtenir la résolution du contrat, c'est à la condition qu'elle
empêche l'exécution de sa propre obligation ; qu'en retenant que l'état de santé de M. H... était constitutif d'une
situation de force majeure de nature à justifier la résolution du contrat et la condamnation de la société à lui
reverser les sommes perçues, quand ces difficultés de santé ne l'empêchaient aucunement d'exécuter l'obligation
dont il était débiteur, mais uniquement de profiter de la prestation dont il était créancier, le tribunal d'instance a
violé l'article 1218 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. M. et Mme H... contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il serait contraire aux arguments
développés par la société devant le tribunal d'instance.
5. Cependant la société a contesté l'application de la force majeure dans ses conclusions.
6. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1218, alinéa 1, du code civil :
7. Aux termes de ce texte, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle
du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent
être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
8. Il en résulte que le créancier qui n'a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la
résolution du contrat en invoquant la force majeure.
9. Pour prononcer la résiliation du contrat à compter du 9 octobre 2017, après avoir énoncé qu'il appartenait aux
demandeurs de démontrer la force majeure, le jugement retient que M. H... a été victime d'un problème de santé
imprévisible et irrésistible et que Mme H... a dû l'accompagner en raison de son transfert à plus de cent trente
kilomètres de l'établissement de la société, rendant impossible la poursuite de l'exécution du contrat
d'hébergement.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que M. et Mme H... avaient exécuté leur obligation
en s'acquittant du prix du séjour, et qu'ils avaient seulement été empêchés de profiter de la prestation dont ils
étaient créanciers, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 27 mai 2019, entre les parties, par le
tribunal d'instance de Manosque ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal
judiciaire d'Aix-en-Provence ;

20

Vous aimerez peut-être aussi