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ARNOLPHE : CHRYSALDE
Venez, Belle, venez, 40 Je m'étonnais aussi de voir son procédé.
Qu’on ne saurait tenir, et qui vous mutinez,
Voici votre Galant, à qui pour récompense ARNOLPHE
5 Vous pouvez faire une humble et douce Quoi…
révérence.
Adieu ; l’événement trompe un peu vos CHRYSALDE
souhaits ; D'un hymen secret ma sœur eut une fille,
Mais tous les amoureux ne sont pas satisfaits. 45 Dont on cacha le sort à toute la famille.
10 AGNES : ORONTE
Me laissez-vous, Horace, emmener de la sorte ? Et qui sous de feints noms pour ne rien
découvrir,
HORACE Par son époux aux champs fut donnée à nourrir.
Je ne sais où j'en suis, tant ma douleur est forte.
50 CHRYSALDE
ARNOLPHE Et dans ce temps le sort lui déclarant la guerre,
15 Allons, causeuse, allons. L'obligea de sortir de sa natale terre.
AGNÈS ORONTE
Je veux rester ici. Et d'aller essuyer mille périls divers
55 Dans ces lieux séparés de nous par tant de
ORONTE mers.
Dites-nous ce que c'est que ce mystère-ci,
20 Nous nous regardons tous sans le pouvoir CHRYSALDE
comprendre. Où ses soins ont gagné ce que dans sa patrie
Avaient pu lui ravir l'imposture et l'envie
ARNOLPHE
Avec plus de loisir je pourrai vous l'apprendre,60 ORONTE
Jusqu'au revoir. Et de retour en France, il a cherché d'abord
Celle à qui de sa fille il confia le sort.
25 ORONTE
Où donc prétendez-vous aller? CHRYSALDE
Vous ne nous parlez point, comme il nous faut Et cette paysanne a dit avec franchise,
parler. 65 Qu'en vos mains à quatre ans elle l'avait remise.
ARNOLPHE ORONTE
30 Je vous ai conseillé malgré tout son murmure, Et qu'elle l'avait fait sur votre charité,
D'achever l'hyménée Par un accablement d'extrême pauvreté.
ORONTE CHRYSALDE
Oui, mais pour le conclure70 Et lui plein de transport, et l'allégresse en l'âme
Si l'on vous a dit tout, ne vous a-t-on pas dit A fait jusqu'en ces lieux conduire cette femme.
35 Que vous avez chez vous celle dont il s'agit?
La fille qu'autrefois de l'aimable Angélique ORONTE
Sous des liens secrets eut le seigneur Enrique. Et vous allez, enfin, la voir venir ici
Sur quoi votre discours était-il donc fondé? Pour rendre aux yeux de tous ce mystère
75 éclairci.
J'étais par les doux nœuds d'une ardeur
CHRYSALDE mutuelle,
Je devine à peu près quel est votre supplice, Engagé de parole avecque cette belle;
Mais le sort en cela ne vous est que propice; 95 Et c'est elle en un mot que vous venez chercher,
Si n'être point cocu vous semble un si grand Et pour qui mon refus a pensé vous fâcher.
80 bien,
Ne vous point marier en est le vrai moyen. ENRIQUE
Je n'en ai point douté d'abord que je l'ai vue,
ARNOLPHE, s'en allant tout transporté et ne Et mon âme depuis n'a cessé d'être émue.
pouvant parler. 100 Ah! ma fille, je cède à des transports si doux.
Oh!
CHRYSALDE
85 ORONTE J'en ferais de bon cœur, mon frère, autant que
D'où vient qu'il s'enfuit sans rien dire? vous.
Mais ces lieux et cela ne s'accommodent
HORACE 105 guères;
Ah mon père Allons dans la maison débrouiller ces mystères,
Vous saurez pleinement ce surprenant mystère. Payer à notre ami ses soins officieux,
90 Le hasard en ces lieux avait exécuté Et rendre grâce au Ciel qui fait tout pour le
Ce que votre sagesse avait prémédité. mieux.
Questions d’analyse :
1°) a- Faites la liste de tous les personnages présents dans cette dernière scène.
Agnès, Alain, Georgette, Oronte, Enrique, Arnolphe, Horace, Chrysalde.
Reportez-vous à la présentation des personnages au début du livre. Quelle remarque pouvez-
vous faire ?
On peut remarquer qu’absolument tous les personnages de la pièce sont présents.
b- Quels sont les deux personnages qui apparaissent pour la première fois ? Expliquez qui ils
sont.
Oronte est le père d’Horace
Enrique est le beau-frère de Chrysalde.
c- Surlignez les indices dans le texte qui permettent de le comprendre.
2°) Situez le passage : expliquez ce qui vient de se passer avant. Dans quel état d’esprit Agnès
se trouve-t-elle avant cette scène? Pourquoi ?
Agnès est désespérée. En effet, on vient d’apprendre par Georgette qu’elle veut se jeter par la
fenêtre. En effet, Horace l’a confiée de nouveau à Arnolphe, le prenant pour son ami, et parce
qu’il ne sait pas qu’il est réalité ce fameux Mr de la Souche qui maltraite Agnès.
7°) Bilan :
Pourquoi peut-on dire qu’il y a dans cette scène un retournement du malheur vers le bonheur
pour Horace et Agnès ?
Si au début de la scène ils étaient désespérés (leur amour semblait parfaitement impossible,
ils étaient trahis de toutes parts), à la fin, au contraire la situation s’arrange pour eux, et leur
mariage est prévu et arrangé par des hommes puissants.
Les trois personnages qui restent : Oronte, Enrique et Chrysalde sont en réalité des
personnages extérieurs au drame qui s’est joué entre Agnès, Arnolphe, et Horace. Ce sont eux
qui viennent tout arranger, mais sans avoir aucune idée de tout ce qui s’est passé avant qu’ils
arrivent.
2°) Observez le jeu d’Agnès.
a- Que semble-t-elle ressentir ? Justifiez en décrivant ses gestes et ses déplacements.
Agnès fait beaucoup de grimaces, elle s’agite beaucoup : et ne semble au comble du bonheur.
Elle est surprise, semble ne rien comprendre, et finit par s’enfuir. Elle ne dit rien, et pourtant
tout ce qui se passe sur scène la concerne. Tout ceux qui ont la parole, le pouvoir, qui décident
pour elle sont des hommes, qu’elle ne connaît pas. Elle est comme un objet prisonnier entre
leurs arrangements. A aucun moment on ne lui demande ce qu’elle en pense, ce qu’elle veut.
b- S’agit-il vraiment d’un retournement du malheur vers le bonheur pour elle ?
Pas vraiment ; ça le sera peut-être un jour, mais pour cela, il faudra d’abord qu’elle se
réapproprie toute son histoire pour être capable de le décider vraiment.
c- Pourquoi selon vous le metteur en scène a-t-il choisi ce jeu pour Agnès ? Quelle réflexion
nous invite-t-il à mener ?
On nous fait réfléchir sur l’indépendance et la volonté d’Agnès : tout se fait sans elle, on
l’utilise pour des convenances personnelles depuis sa plus tendre enfance :
- la paysanne la confie à Arnolphe
- Arnolphe l’éduque pour en faire sa femme
- Enrique décide de la marier au fils d’Oronte sans même avoir fait la connaissance de ce jeune
homme.
A aucun moment elle n’est le sujet de sa vie.
Son départ précipité de la scène montre qu’elle refuse, maintenant qu’elle a atteint cette
sagesse, et cette connaissance d’elle-même, d’être l’objet des projets des autres, et plus
particulièrement des hommes.
Une femme est un être humain à part entière, capable de faire ses propres choix.
→ Il faudra faire un bilan sur la pièce : en lien avec l’interrogation du programme : individu et
pouvoir