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VISION STRATÉGIQUE DES PME ORIENTÉES RSE - ILLUSTRATION PAR

DEUX ENTREPRISES MAROCAINES

Jalila El Bousserghini, Sandrine Berger-Douce, Youssef Jamal

Management Prospective Ed. | « Revue internationale des sciences de


l'organisation »
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2016/1 N° 1 | pages 69 à 99

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Vision stratégique des PME orientées RSE -
Illustration par deux entreprises marocaines

Jalila ELBOUSSERGHINI

Doctorante, Université Hassan II de Casablanca, FSJES de


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Mohammedia / Université Jean-Monnet de Saint-Etienne.

Sandrine BERGER-DOUCE

Professeure, Ecole des Mines de Saint-Etienne - bergerdouce@emse.fr

Youssef JAMAL

Professeur, Université Hassan II de Casablanca, FSJES de


Mohammedia.

Résumé
Malgré l’intérêt croissant qu’accorde le Maroc à la RSE et au dévelop-
pement durable depuis une décennie, les recherches portant sur la res-
ponsabilité sociale des PME demeurent toujours embryonnaires face à
un intérêt croissant de la thématique dans des pays voisins, qu’ils soient
africains ou européens. Cet article vise à apporter une contribution en
la matière. Il étudie, en mobilisant la notion de vision stratégique, l’in-
tégration stratégique de la RSE dans deux PME marocaines du secteur
des services par le modèle des « 3 E » et une approche par le sensemaking.
Les premiers résultats montrent que la RSE en PME dépend principa-
lement des valeurs et convictions qui façonnent la vision, et guident les
réflexions stratégiques des dirigeants. La RSE apparaît également comme
un moyen qui permet aux PME d’acquérir un avantage concurrentiel du-
rable. Les pistes de recherche que suggère notre travail s’orientent vers
un approfondissement de nos propositions par une étude multisectorielle

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et une investigation sur l’influence des variables culturelles du contexte


marocain quant au choix d’une stratégie RSE, tout en multipliant les cas
des PME responsables.

Abstract
Despite the growing interest granted by Morocco to CSR and sustainable
development in a decade, researches on the social responsibility of SMEs
in Morocco are still embryonic, facing a growing interest in the topic in
neighboring countries, in Africa and Europe. This paper aims to fill this
empirical gap that knows the Moroccan context. It studies, by mobilizing
the concept of strategic vision, the strategic integration of CSR in two
Moroccan SMEs operating in the services sector by the model of the "3 E"
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and the sensemaking approach. The first results show that CSR in SMEs
depends mainly on the values and
​​ beliefs that shape the vision and guide
the strategic thinking of leaders. It also appears as a means which allows
SMEs to gain a sustainable competitive advantage. The research avenues
are moving to deeper analyze of our proposals within a multi-sectoral
study, and an investigation of the influence of cultural variables in the
Moroccan context on the choice of a CSR strategy, with a multiplication
of cases studied.

Introduction
La responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) a longtemps été perçue
comme l’apanage des grandes entreprises et des groupes multinationaux,
laissant de côté les PME (Jenkins, 2009). L’impact économique, social
et environnemental des PME n’est plus négligeable et celles-ci gagnent
progressivement leur place dans les politiques économiques mondiales
comme dans les recherches académiques (Courrent, 2012). La responsabi-
lité sociale des PME connaissait un grand gap théorique et empirique que
les chercheurs tentent de combler depuis une décennie (Berger-Douce,
2011). La spécificité de la RSE en PME suscite un certain intérêt et repose
principalement sur le postulat selon lequel la PME n’est pas la reprise en
miniature de la grande entreprise, mais qu’elle a ses particularités, no-
tamment dans l’étude de la RSE (Russo & Tencati, 2009). Pour satisfaire
pleinement les trois dimensions de la RSE, il est impératif d’orienter en
profondeur la logique, le management et la stratégie de l’entreprise, et
donc la vision stratégique vers une approche de durabilité (Asselineau &
Cromarias, 2011 ; Saulquin & Schier, 2007). Dans ces organisations, tout
comportement, notamment le comportement responsable, s’explique prin-

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entreprises marocaines

cipalement par les caractéristiques du dirigeant (Jenkins, 2004). Pour une


insertion stratégique de la RSE en PME, la vision stratégique du dirigeant
doit intégrer des principes de durabilité. Cette recherche vise à comprendre,
à travers une démarche qualitative exploratoire, comment se construit la
vision stratégique des dirigeants de PME marocaines responsables, en vue
d’une intégration stratégique de la RSE. L’article étudie les cas de deux
PME marocaines responsables. Le choix du contexte marocain se justifie
par le fait que le champ de la responsabilité sociale de l’entreprise y soit
émergent (El Malki, 2014), notamment celle des PME qui y reste toujours
embryonnaire (Benaicha, 2014). Notre article est structuré en deux parties.
La première partie précise les concepts clés et les approches théoriques
guidant l’intégration stratégique de la RSE et sa relation avec la vision des
dirigeants de PME. Nous proposons le modèle des « 3E » (Paturel, 1997)
pour analyser le comportement responsable des dirigeants de PME, et
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l’approche par le sensemaking (Weick, 1989) qui servira de pont pour lier
les pensées responsables des dirigeants aux comportements stratégiques
durables. La seconde partie propose une étude empirique menée auprès
de deux PME marocaines, dont les résultats exploratoires sont discutés.

1. Cadre conceptuel et théorique


1.1. Vision stratégique et RSE en PME : rapprochement des
concepts
En PME, la stratégie est fortement liée à la vision du dirigeant (Filion,
1996a ; Messeghem & Varraut, 1998), qui est à la fois considérée comme
le point de départ et le point d’ancrage de la stratégie (Bayad & Garand,
1998). Pour une intégration stratégique de la RSE, les principes de durabilité
doivent être ancrés dans la vision des dirigeants des PME (Asselineau &
Cromarias, 2011 ; Saulquin & Schier, 2007), ce qui invite à une approche
par la notion de vision stratégique.
1.1.1. Essai de définition du concept de vision stratégique
La vision stratégique, vision organisationnelle ou simplement vision, sont
tous des termes considérés généralement comme synonymes (Cossette,
2004) qui demeurent ambigus malgré l’intérêt qu’ils suscitent (Allain,
1999 ; Cossette, 2004 ; Schmidt, 1993). Dans le domaine de la PME et de
l’entrepreneuriat, la vision stratégique revêt une grande importance du
fait qu’elle permet d’expliquer les actions stratégiques et de mettre l’accent
sur le caractère non formel spécifique à la PME (Allain, 1999 ; Smida &
Condor, 2001). Filion (1991) est le premier à définir ce concept comme
étant « une image projetée dans le futur de la place qu’on veut voir occuper
éventuellement par ses produits sur le marché, ainsi que l’image du type

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d’organisation dont on a besoin pour y parvenir », ou également comme


« un rêve réaliste et réalisable » (Filion, 1996b). Pettigrew (1979) considère
la vision stratégique comme un ensemble de représentations actuelles,
de facteurs jugés importants pour un avenir désiré de l’entreprise (Cos-
sette, 2004). Quant à Verstraete (1996), il évoque l’importance de la bonne
interprétation du dirigeant de la réalité pour une vision stratégique en
congruence avec l’environnement. Smida et Condor (2001) ont recours à
« la métaphore de l’ophtalmologie » pour appréhender la vision stratégique
qui dépend de la capacité des dirigeants à voir leur organisation et leur
environnement avec efficience, et la comparent aux capacités visuelles
dont le champ couvrirait l’organisation et son environnement.
En stratégie, la vision est considérée comme la base de la pensée stratégique
dans les entreprises (Lima, 2003). Elle renvoie à une image de l’organisa-
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tion telle qu’on veut qu’elle devienne dans l’avenir, elle peut contenir les
produits, les services, les marchés, les idéaux… (Westley & Mintzberg,
1989). C’est une réflexion du dirigeant sur « ce que sera l’environnement
concurrentiel, à y situer son entreprise et à développer une idée centrale,
stratégique, vers laquelle il compte la diriger » (Bayad & Garand, 1998).
La vision stratégique ne se limite pas à « l’idée vague de prédiction du
futur », mais elle se rapporte à la perspicacité du dirigeant, qui se fonde
sur son expérience, ses réussites et échecs précédents (Carrière, 1990),
et qui concerne son habileté à imaginer un futur pour son organisation
(Bayad & Garand, 1998).
1.1.2. Manifestation de la vision stratégique au niveau organisationnel
Les dimensions de la vision des dirigeants de PME sont conçues diffé-
remment par les chercheurs. Filion (1996b) aborde une dimension externe
qui est la place qu’on veut voir occuper par son produit ou service sur
le marché, une dimension interne qui se réfère au type d’organisation
dont on a besoin pour y parvenir, et des visions complémentaires qui
sont des activités de gestion définies pour soutenir la réalisation de la
vision. Quant à Messeghem & Varraut (1998) et Smida & Condor (2001),
ils proposent une autre dimension qu’ils estiment être négligée et qu’ils
qualifient de « temporelle ». Les auteurs s’attardent sur l’importance de
cette dimension du fait que toutes les entreprises de petite taille ne se
limitent pas forcément au court terme, et que le dirigeant disposerait d’un
champ de vision plus ou moins long selon ses capacités à visionner un
espace plus ou moins proche.
Au niveau de l’organisation, le leadership et le partage de la vision sont
des conditions nécessaires à sa concrétisation. Le premier suscite la trans-
formation des visions personnelles en une seule vision partagée, ce qui
donne une raison d’être et une énergie d’apprendre au sein de l’entreprise

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Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

(Schmidt, 1993). Certains auteurs ne considèrent une vision stratégique


que lorsqu’elle est partagée (Bayad & Garand, 1998 ; Filion, 1996b ; Sch-
midt, 1998 ; Westley & Mintzberg, 1989). Pour Filion (1996b), le partage
consiste en un passage du processus individuel au processus collectif,
et à « préparer la planification stratégique, car c’est engager les cœurs et les es-
prits dans une démarche qui les amènera à l’action ». Smida & Condor (2001)
expliquent la vision stratégique par la mobilisation des équipes autour
d’un objectif ambitieux qui assurera le développement de l’entreprise.
La vision stratégique est une image concrète qui engage le dirigeant et
mobilise les individus et les poussent à se comprendre par l’imagination
afin de partager des idées et des ambitions tacites (Schmidt, 1993).
1.1.3. Vision stratégique et RSE : quels liens ?
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Pour les questions relatives aux problématiques de développement du-
rable, la PME a un comportement différent de la grande entreprise. Le
principal élément explicatif de l’intégration de la RSE dans la PME est le
dirigeant, avec ses motivations, ses valeurs éthiques et sociales ainsi que
sa perception de l’impact de la RSE sur la gestion de l’entreprise (San-
tos, 2011). L’intégration de la RSE en PME dépend donc de la présence
des principes de durabilité chez le dirigeant, et repose sur une vision
consensuelle qui interpelle une convergence entre les objectifs des diffé-
rentes parties prenantes (Biwolé & al., 2007 ; Fisher & al., 2009 ; Capron
& Quairel-Lanoizelée, 2010). Les auteurs abordent également la nécessité
d’un style de leadership pour une meilleure intégration de la RSE, ce qui
implique l’engagement personnel et visible des dirigeants à travers la
création d’un climat de travail incitant les employés à suivre le processus,
à intégrer les préoccupations des parties prenantes et à marquer dans ses
actions locales sa préoccupation de l’environnement global. L’instauration
d’une approche RSE implique une réflexion à tous les niveaux de l’orga-
nisation (Asselineau & Cromarias, 2011). Asselineau & Cromarias (2011)
mettent en évidence la possibilité de considérer la RSE comme « la clé de
voûte » qui définit une vision d’entreprise caractérisée par la cohérence,
et qui soit une source d’émergence de nouveaux avantages compétitifs
durables en plus des avantages commerciaux (Porter & Kramer, 2006),
et non seulement vécue comme une contrainte supplémentaire par les
coûts qu’elle génère (Berger-Douce, 2007 ; Lefebvre & Radu-Lefebvre,
2012). Les dirigeants qui manquent d’une compréhension stratégique de
la RSE ont plus tendance à reporter les coûts des pratiques qui peuvent
être menés à une augmentation lorsque l’entreprise serait plus tard jugée
« d’atteinte de son obligation sociale » (Porter & Kramer, 2006).

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1.2. Approches théoriques : de la pensée du dirigeant au


comportement responsable
La vision du dirigeant guide sa perception de l’organisation (salariés,
compétences, savoir-faire, ressources, instruments de gestion, domaines
d’activités stratégiques) et de l’environnement (parties prenantes externes,
environnement législatif, réseaux formels et informels), et peut être consi-
dérée comme une donnée stratégique à l’adoption des pratiques de RSE
dans l’entreprise (Biwolé et al., 2007). Le passage de la pensée responsable
au comportement stratégique responsable n ­ écessite une mobilisation
théorique embrassant le processus de collecte de l’information, son in-
terprétation et la formulation de réponses par des stratégies durables
(Hahn & al., 2015). Nous commençons par une analyse de la pensée
responsable du dirigeant par le modèle des « 3 E » (Paturel, 1997), et de
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sa traduction en un comportement responsable grâce à l’approche du
sensemaking (Weick, 1989).
1.2.1. Approches relatives à la pensée managériale responsable : une analyse
par le modèle des « 3 E »
La vision du dirigeant détermine ses intentions déclarées ou cachées
de prendre en considération de façon simultanée les trois pôles du dé-
veloppement durable (économique, environnemental et social) (Spence
& al., 2007). Pour éclairer ce postulat, Spence & al. (2007) ont mobilisé
trois perspectives théoriques : l’approche entrepreneuriale, la théorie des
parties prenantes et l’approche par les ressources. Le point de départ de
notre analyse est l’approche entrepreneuriale. Celle-ci fait référence à
la création de nouvelles organisations, en ne se limitant pas à la simple
création d’une nouvelle entité, mais englobe également le développement
des organisations existantes (Berger-Douce, 2007 ; Covin & Slevin, 1991 ;
Messeghem, 2001 ; Lumpkin & Dess, 1996 ; Shane & Venkataraman, 2000 ;
Verstraete & Saporta, 2006). Elle est considérée comme « particulièrement
riche pour la conceptualisation de l’engagement des PME dans la voie du
développement durable » (Biwolé & al., 2007). Nous partons du postulat
selon lequel l’intégration de la RSE dans les PME est une action entre-
preneuriale par la richesse qu’elle crée : « les processus entrepreneuriaux
peuvent être mis en œuvre pour développer à la fois les résultats écono-
miques, et la performance globale qui inclut des objectifs non-financiers
et la satisfaction des parties prenantes » (Courrent & Spence, 2014), et
par son caractère potentiellement créateur de valeur (Hattabou & Louitri,
2011 ; Spence & al., 2007). Ainsi, le modèle des « 3 E », conçu par Paturel
(1997) pour les projets entrepreneuriaux apparaît comme une grille de
lecture pertinente pour étudier le « couple projet-entrepreneur » (Paturel
& Masmoudi, 2005), et qui est « projet RSE-dirigeant » dans la présente

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recherche. D’après ce modèle, le projet entrepreneurial se situe dans l’in-


tersection entre les 3 E : E1 : l’Entrepreneur (le porteur de projet) et ses
aspirations ; E2 : les ressources et les compétences possibles à intégrer à
l’Entreprise et E3 : les possibilités offertes par l’Environnement (Paturel,
2007). Nous proposons d’appliquer ce modèle au projet d’intégration de
la RSE par les dirigeants de PME.
– E1 : exige un rapprochement du porteur de projet et de ses aspirations
(Paturel, 2007). E1 explique le rôle incontournable du dirigeant et de sa
vision dans le projet entrepreneurial qui est l’intégration des pratiques
responsables en PME. Le dirigeant et sa vision constituent les principaux
éléments explicatifs de l’instauration de la RSE. La définition de celle-ci
s’aligne avec les actions du dirigeant, du fait qu’il soit lié à son entreprise
de « manière presque fusionnelle » (Paradas, 2007). L’approche entre-
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preneuriale permet un rapprochement des traits de ces dirigeants par le
paradigme des traits individuels (Jaziri & Paturel, 2009). Selon Jaziri &
Paturel (2009), ce paradigme examine les traits personnels du créateur
de projet avec ses valeurs, ses ancrages culturels, ses traits psycholo-
giques, ses expériences, son niveau d’étude, ses liens familiaux et son
âge. Il illustre le lien existant entre l’intégration de la RSE dans les PME
et leurs dirigeants, et tient compte de l’influence de l’environnement sur
le développement de l’activité entrepreneuriale (Jaziri & Paturel, 2009),
d’où le deuxième élément qui est l’environnement (E2).
– E2 : renvoie au fait que l’entreprise est une entité ayant des capacités et des
ressources limitées qu’elle doit gérer. En étudiant la vision stratégique du
dirigeant, il est indispensable de prendre en considération des ressources
et compétences des PME (Paturel, 2007). Celles-ci sont économiquement
vulnérables et sont connues par leurs ressources et compétences limitées
(Santos, 2011 ; Spence & al., 2007). Elles sont dépendantes à l’égard des
acteurs de l’environnement qui sont les apporteurs de ces ressources. La
prise en compte des attentes sociales et environnementales des teneurs
des ressources apparaît fortement comme une condition de survie pour
les PME (Quairel & Auberger, 2005). La théorie de la dépendance à l’égard
des ressources soutient ces propos, et permet d’analyser la relation entre
le dirigeant et les parties qui lui fournissent des ressources cruciales lui
assurant sa survie (Quairel & Auberger, 2005 ; Paradas, 2006). En interne,
l’entreprise peut dépendre des ressources de ses employés, et pour les
acquérir elle met en place des pratiques responsables pour créer un cadre
de travail convivial. En externe, et en tant que système ouvert, l’entreprise
a un besoin permanent d’informations, de ressources financières et maté-
rielles pour mener à bien ses activités (Aka & Labelle, 2010 ; Vives, 2006).

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RISO N°1 - Mai 2016

– E3 : fait référence à l’environnement de l’entreprise. Tout projet de PME,


notamment l’intégration de la RSE, « ne recevra le feu vert que si l’envi-
ronnement y est favorable » (Paturel, 2007). Concernant l’environnement
concurrentiel et le positionnement sur le marché, la place occupée par
la RSE dans la stratégie des entreprises a été appréhendée par Martinet
& Reynaud (2004). À travers une analyse des différents modèles straté-
giques, les auteurs distinguent quatre approches stratégiques de la RSE :
elle pourrait être une réponse aux tendances externes (tendances lourdes)
(1), une représentation des valeurs des dirigeants et de leur sensibilité
à la RSE (2), une prise en compte de l’impact sur la communauté et le
bien-être social (3), ou la quête d’un avantage concurrentiel en réduisant
les coûts et en augmentant la qualité par des pratiques responsables
(4). Le positionnement de la RSE dans la stratégie des PME dépend de
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la perception par leurs dirigeants du rôle des pratiques responsables
en faveur des parties prenantes, ce qui renvoie à la théorie des parties
prenantes proposée par Freeman en 1984. Cette théorie présente l’organi-
sation comme « une constellation d’intérêts coopératifs ou concurrents »
(Hattabou & Louitri, 2011). Elle stipule que l’entreprise doit tenir compte
dans son processus de décision de ses parties prenantes, et que sa res-
ponsabilité sociale réside dans sa capacité de répondre à leurs attentes
(El Malki, 2014). En raison de ses spécificités, la PME ne peut influencer
ou être influencée que par les parties prenantes significatives pour elle,
c’est-à-dire celles qui ont un impact direct sur son fonctionnement et sa
survie (Aka & Labelle, 2010), en lien avec l’effet de proximité (Torrès, 2000)
caractéristique de ces entreprises. Spence & al. (2007) expliquent que « la
visibilité d’une partie prenante dépend de la combinaison de trois attributs : le
pouvoir d’influencer l’entreprise, la légitimité de sa relation avec l’entreprise et
l’urgence de ses revendications. La présence d’un seul de ces attributs signifie
que la demande sera perçue comme peu importante par le dirigeant. À l’opposé,
le cumul des trois attributs contribuera à donner aux exigences de la partie pre-
nante un caractère prioritaire ». Selon Santos (2011), les parties prenantes
les plus significatives pour les PME sont leurs employés, clients et four-
nisseurs, suivies d’autres organisations comme les ONG, les écoles et
universités et les institutions étatiques… L’importance d’une partie pre-
nante par rapport à une autre dépend de la vision qu’en a le dirigeant.
Perrini & al. (2007) remettent en cause l’applicabilité de cette théorie aux
PME, et proposent la théorie du capital social pour expliquer la relation
de l’entreprise avec son environnement, du fait de l’aspect personnalisé
qui caractérise la relation entre le dirigeant et ses parties prenantes, et
qui peut être analysée comme une relation de dépendance à l’égard des
ressources (Quairel & Auberger, 2005).

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Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

Ce triple ancrage théorique initié par le modèle des « 3 E », reflète la spé-
cificité de la RSE des PME qui réside dans la pensée du dirigeant. La PME
est caractérisée par un mode de fonctionnement fortement marqué par la
proximité en interne de l’entreprise, ou dans ses relations avec les parties
prenantes externes (Bonneveux, 2009). La pensée du dirigeant est« une
donnée stratégique à l’adoption de la RSE », elle détermine « son mode
de gouvernance entrepreneurial commandé par ses objectifs, sa culture,
ses compétences et ses valeurs (qui définissent sa vision), guide sa per-
ception de l’organisation (salariés, compétences, savoir-faire, ressources,
instruments de gestion, domaines d’activités stratégiques) et de l’envi-
ronnement (parties prenantes externes, environnement législatif, réseaux
formels et informels) » (Biwolé & al., 2007). D’après Cossette (2004), elle
est le seul et l’unique facteur déterminant des stratégies en PME qui ne
dépendent ni des menaces et opportunités de l’environnement, ni des
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forces et faiblesses de l’organisation. Les décisions stratégiques comme
l’intégration de la RSE sont prises par les dirigeants et viennent de leurs
modèles mentaux (Basu & Palazzo, 2008). Dans ce sens, afin de pouvoir
se projeter dans le futur et construire une vision stratégique, le dirigeant
est censé avoir une capacité d’adaptation à l’environnement, qui dépend
de sa capacité à pouvoir sélectionner, transmettre et interpréter les infor-
mations qui parviennent de cet environnement (Gueguen, 2009 ; Wood,
1991) pour leur donner du sens (Hahn & al., 2015), prendre les décisions
adéquates et agir. La RSE oblige les entreprises à traiter simultanément des
préoccupations considérées comme « divergentes mais interconnectées »
(Hahn & al., 2015), aux niveaux économique, social et environnemental.
Ainsi, les dirigeants font face à l’ambiguïté des enjeux, des moyens et
des implications de ces questions dans leurs organisations (Hahn & al.,
2015). Les approches relatives à l’intégration de la vision des dirigeants
des principes de durabilité se réduisent à l’analyse de leur pensée et ne
la traduisent pas en comportement stratégique responsable. L’accent doit
ainsi être mis sur la façon dont le dirigeant crée du sens à travers des
indices provenant de son environnement, et qui se traduisent par des
comportements responsables, d’où l’intérêt de mobiliser l’approche du
sensemaking (Weick, 1989) pour compléter cette analyse.
1.2.2. L’approche par le sensemaking : passerelle entre la pensée et le
comportement responsable
Le sensemaking (ou la fabrication du sens) étudie la relation entre le sens et
l’action (Laroche & Steyer, 2012). C’est le processus par lequel les indivi-
dus développent leurs représentations cognitives de leur environnement
(Basu & Palazzo, 2008). Il est caractérisé par une subjectivité puisqu’il
dépend de l’individu qui le réalise, et par lequel celui-ci élabore des ré-
ponses aux questions « Que se passe-t-il ? » et « Que dois-je faire ? », en

77
RISO N°1 - Mai 2016

sélectionnant des indices qui sont isolés des autres par l’attention qu’il
leur porte (Laroche & Steyer, 2012). Les auteurs soulignent que l’enjeu
principal est de comprendre le choix de ces indices en s’appuyant sur des
cadres hérités du passé (idéologies, systèmes de croyances, traditions et
histoires diverses qui circulent dans l’organisation), et en les confrontant
aux indices recueillis pour que l’individu arrive à construire le sens qu’il
donne à la situation. La relation du sens avec l’action est double ; le sens
aide à organiser l’action, et celle-ci rend possible le sens (Maurel, 2010). Les
indices reçus se confrontent aux cadres hérités du passé, donnent du sens
à la situation et donnent naissance à l’action. Cette dernière se transforme
aussitôt en une expérience qui agit sur les cadres hérités constructeurs
de sens. La vision stratégique, placée au centre de notre réflexion, sert
de point de départ ainsi que de point d’ancrage de la stratégie (Bayad
& Garand, 1998), elle s’articule par le processus du sensemaking et ex-
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plique l’action (Carrière, 1990). Cette dernière est également déterminée
par l’élaboration de sens, qui à son tour, découle de l’action. Laroche &
Steyer (2012) expliquent que « l’élaboration du sens et action sont un seul et
même processus, l’une entraînant l’autre, l’autre menant à l’une. En agissant,
l’individu vérifie l’adéquation du sens créé. Si « ça marche », c’est que le sens est
pertinent, adéquat. Le raisonnement suivi est alors intégré dans un répertoire
d’actions… (« quand on fait A, il se produit B »). L’individu pourra s’y référer
la prochaine fois qu’il rencontrera des indices similaires, comme à un guide
pour déterminer les actions adéquates et orienter les interprétations futures ».
La vision stratégique, le sensemaking et l’action interagissent.
L’approche par le sensemaking peut expliquer le comportement respon-
sable en fonction de l’aptitude des dirigeants à intégrer la RSE dans leur
vision, ce qui définira leur relation avec leurs parties prenantes et avec
leur environnement (Basu & Palazzo, 2008). Ces auteurs proposent une
vue tridimensionnelle du processus du sensemaking pour une meilleure
compréhension de l’intégration de la RSE, dépendant essentiellement de
la variété des perceptions et des choix de la responsabilité des dirigeants
(Wood, 1991), notamment en contexte de PME. Basu & Palazzo (2008)
distinguent les dimensions cognitive, linguistique et conative, chacune
caractérisée par des sous-dimensions (Figure 1), détaillée ci-après.

78
Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

Figure 1 - RSE : Dimensions du processus du sensemaking


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Source : Adapté de Basu & Palazzo (2008).
– La dimension cognitive (ce que l’entreprise pense) implique une réflexion
sur la relation de l’organisation avec ses parties prenantes, une vue sur
l’environnement au sens large (exemple : le bien-être commun), ainsi
qu’une participation justifiée à des activités spécifiques qui pourraient
avoir un impact sur ses relations clés. Elle repose sur deux éléments que
nous reprenons ci-après.
• L’orientation de l’identité, qui est « un ensemble de principes, valeurs
et croyances chargées d’émotions qui lient plusieurs individus et les aident à
donner du sens à leur environnement » (Basu & Palazzo, 2008). Elle justifie
le comportement de l’entreprise à l’égard de ses parties prenantes et de
son environnement, et défend l’importance accordée à certaines parties
prenantes plus que d’autres. La vision du dirigeant influence le type de
relation que l’entreprise renoue avec ses parties prenantes, ce qui déter-
mine la nature de ses activités responsables (Basu & Palazzo, 2008).
• La légitimité, qui est une ressource « symbolique » que l’entreprise est
censée gérer (Quairel & Auberger, 2005 ; Paradas, 2007). Elle est considérée
par Wood (1991) comme l’un des principes de la RSE, et par Suchman
(1995) comme « une représentation généralisée selon laquelle les actions
d’une organisation sont désirables, justes ou appropriées à l’intérieur d’un
système socialement construit de normes, de valeurs, ou de croyances et
définitions » (Paradas, 2007).
– La dimension linguistique (ce que l’entreprise dit) comprend les diffé-
rentes façons qui expliquent les raisons de l’engagement de l’entreprise

79
RISO N°1 - Mai 2016

dans des pratiques de responsabilité sociale, sur lequel se base le partage


des points de vue avec les collaborateurs (Basu & Palazzo, 2008). Elle se
fonde sur la justification et la transparence :
• La justification reflète la façon dont l’entreprise explique ses relations
avec son environnement, et renvoie potentiellement à la manière avec
laquelle elle interprète ses relations avec ses parties prenantes et ses res-
ponsabilités envers la société (Basu & Palazzo, 2008). La justification peut
se faire par la communication sur les pratiques responsables ou par le
reporting, qui demeurent faiblement significatifs car ils ne représentent
pas une preuve fiable d’engagement en termes de RSE, et pourrait n’être
qu’un simple « greenwashing » (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2010).
• La transparence complète la justification. Elle fait référence à la com-
munication de l’entreprise sur ses pratiques responsables qui ne doit pas
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mettre l’accent uniquement sur les résultats favorables, mais également
présenter des aspects défavorables. Elle peut se manifester par des justifi-
cations scientifiques, légales, économiques ou éthiques, ou des reportings
qui mettent le point sur des réalisations concrètes mais aussi des résultats
indésirables (Basu & Palazzo, 2008).
– La dimension conative (comment l’entreprise passe à l’action) renvoie
à l’effort et la volonté d’agir, et implique la posture (la position) du com-
portement que les dirigeants adoptent, en cohérence avec les activités
menées (Basu & Palazzo, 2008). Elle repose sur les trois éléments repris
ci-dessous.
• La posture de l’organisation reflète sa façon d’agir qui peut être une
considération ou une réponse aux attentes (Wood, 1991). La RSE in-
vite l’entreprise à s’adapter en modifiant en profondeur la logique, la
stratégie, le management et l’organisation, pour satisfaire pleinement
les trois dimensions du développement durable (Asselineau & Cro-
marias, 2011 ; Asselineau & Piré-Lechalard, 2009 ; Martinet & Payaud,
2008). Asselineau & Piré-Lechalard (2009) ont distingué quatre catégo-
ries possibles de comportements stratégiques à l’égard de la RSE : (1)
« Les organisations génétiquement programmées », qui ont un rôle de
pionnier en matière de RSE. Elles sont créées autour d’un projet cohérent
impliquant les différentes dimensions du développement durable. (2)
« Les entreprises sympathisantes », qui s’inspirent des « génétiquement
programmées » et intègrent de façon volontariste et crédible les aspects
du développement durable, mais sans les considérer comme exemplaires
en ce domaine. (3) « Les entreprises opportunistes », qui utilisent des
« stratégies manipulatrices » (Capron & Quairel-Lanoizelée, 2010) et se
servent du développement durable essentiellement à des fins promotion-
nelles, à destination des parties prenantes (« greenwashing »). Et (4) « Les

80
Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

entreprises rétives », qui utilisent des « stratégies d’évitement » (Capron


& Quairel-Lanoizelée, 2010), et qui ne s’engagent que pour satisfaire à
des contraintes légales, sociétales ou à la demande de donneurs d’ordres.
• La cohérence fait référence à l’intégration stratégique des principes de
durabilité dans l’entreprise. Elle est nécessaire pour approcher le com-
portement responsable (Basu & Palazzo, 2008). L’entreprise agit d’une
« manière stratégiquement cohérente » quand elle intègre la RSE dans
ses discours stratégiques et dans ses processus (Basu & Palazzo, 2008 ;
Freeman & Gilbert, 1988).
• L’engagement signifie l’attachement ou la détermination à atteindre un
but. Il prend la forme d’un leadership organisationnel qui sert de force
motrice, et se manifeste au niveau de plusieurs types d’activités agissant
sur la chaine de production, et pas uniquement au niveau des pratiques
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détachées de l’activité de l’entreprise (Basu & Palazzo, 2008).
L’engagement des dirigeants dans la responsabilité sociale provient de
leurs valeurs, croyances, principes, émotions et sentiments, ainsi que
de la perception de leur légitimité dans l’environnement d’affaires. Le
dirigeant détermine les parties prenantes les plus influentes et adapte
ainsi les pratiques responsables déployées. C’est la dimension cognitive
du sensemaking. Les dirigeants expriment ces considérations par le par-
tage en interne, la communication et le reporting, qui sont présentés dans
la dimension linguistique. C’est ainsi qu’un comportement stratégique
responsable se met en place et donne lieu à la dimension conative. Celle-
ci se transforme aussitôt en une expérience qui enrichit aussi bien les
dimensions cognitive et linguistique que la vision stratégique (Figure 2).
Figure 2 - Schéma des relations entre vision stratégique,
comportement responsable par l’approche du sensemaking

Source : Elbousserghini, Berger-Douce et Jamal.

81
RISO N°1 - Mai 2016

Dans une seconde partie, à travers l’étude de cas de deux PME marocaines,
nous repérons les éléments clés du processus d’intégration des principes
de RSE dans la vision stratégique des dirigeants.

2. Etude empirique
2.1. Méthodologie et présentation du terrain
2.1.1. Choix méthodologiques
Cette recherche vise à comprendre comment la RSE s’intègre stratégi-
quement dans la vision des dirigeants de PME marocaines, question peu
appréhendée par les chercheurs en contexte marocain, notamment par
l’approche du sensemaking. Nous explorons ainsi un phénomène nou-
veau, d’où la pertinence de mobiliser une étude qualitative exploratoire
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(Wacheux, 1996). Dans une approche abductive, la recherche se base sur
les études de cas (Yin, 2003). Nous avons ainsi retenu les cas de deux
entreprises marocaines impliquées dans des pratiques responsables qui
intègrent la RSE différemment, opérant dans le secteur des services et ayant
des structures approximativement semblables. Une première labellisée
RSE par la CGEM1, et une deuxième impliquée dans la RSE identifiée
par son engagement dans des pratiques sociales et environnementales.
Des entretiens semi-directifs (enregistrés) d’une durée de 160 minutes
en moyenne ont été menés auprès de deux dirigeants. L’entretien débute
par un premier volet relatif aux dirigeants, à leurs formations, à leurs
expériences et leurs arrivées à la tête de leur entreprise respective. L’en-
tretien se poursuit par le volet dédié à leur environnement d’affaires,
ses évolutions, ses opportunités et menaces. Par la suite, les dirigeants
évoquent des aspects relatifs à leurs produits et services, l’organisation
de leur entreprise (processus de production, politiques commerciales et
financières, programmes RH…), son évolution dans le temps, et comment
ils construisent mentalement des images idéales d’un futur souhaité.
L’objectif est d’obtenir une description fine de la vision stratégique des
dirigeants. Enfin, des questions directes sont posées sur les pratiques
responsables de l’entreprise, leurs retombées, les motivations et les freins
des dirigeants afin de décrire leur perception de la RSE et de la labellisa-
tion. Dans l’objectif de limiter les biais de l’entretien, nous avons mené
des entretiens semi-directifs avec des responsables de ces entreprises.
Nous avons échangé avec chaque employé individuellement dans un

1 La Confédération Générale des Entreprises Marocaines : est le


représentant du secteur privé auprès des pouvoirs publics et des institutionnels
au Maroc. Elle s’exprime au nom de ses 33 000 membres et veille à assurer un
environnement économique favorable pour le développement des entreprises.

82
Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

bureau fermé, d’une durée qui varie entre 25 et 45 minutes afin d’ap-
puyer les propos des dirigeants concernant notamment l’évolution des
entreprises et leurs pratiques responsables. Nous avons également assuré
une observation non participante du contexte et des différents acteurs
(Wacheux, 1996) en faisant des visites sur les sites, et en échangeant à
plusieurs reprises avec les dirigeants et les employés. Les dirigeants ont
choisi de mener les entretiens en français. Avec les employés, nous avons
opté pour des entretiens en français et en arabe dialectal marocain pour
assurer une bonne formulation des idées et une expression plus libre.
Après les avoir retranscrits, nous avons fait appel à un traducteur as-
sermenté pour vérifier notre traduction de l’arabe vers le français. Nous
avons également mobilisé des données secondaires internes et externes
(sites Internet, rapports internes, conventions signées, rapports officiels,
articles de presse régionale et nationale…). Afin d’étudier en profondeur
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les données collectées, la méthode d’analyse de contenu est adoptée.
Après avoir retranscrit les entretiens, nous avons procédé à la technique
du codage des données recueillies pour réduire leur complexité (Miles &
Huberman, 2003). Il s’agit d’attribuer des codes à un segment de texte du
discours des personnes interrogées afin d’entamer le processus d’analyse
des données et de tirer des conclusions (Saubesty, 2006).
2.1.2. Contexte de la recherche : état des lieux du développement durable
au Maroc
Au Maroc, le débat sur la RSE est aujourd’hui omniprésent, tant dans les
discours du milieu des affaires que dans le monde académique (Hattabou
& Louitri, 2011). L’introduction de la RSE s’est faite par les filiales des
groupes multinationaux et leurs partenaires locaux qui avaient intégré
une démarche responsable (Hniche & Aquesbi, 2015). La mondialisation
de l’économie a ainsi imposé un nouvel ordre aux entreprises maro-
caines, marqué par l’ouverture des marchés et l’apparition de nouveaux
concurrents internationaux (El Abboubi & El Kandoussi, 2009). Il était
donc impératif d’assurer une mise à niveau des conditions d’accueil des
investissements étrangers, en fournissant des efforts pour la promotion
de la RSE dans les pratiques managériales, afin de profiter des oppor-
tunités qui se présentaient (Bourakkadi & Zouiten, 2014). À l’instar de
nombreux pays, le Maroc a engagé des réformes dans ce sens à savoir :
la promulgation d’un nouveau code du travail en 2004, le durcissement
de la législation environnementale, la mise en œuvre du plan d’action de
lutte contre la corruption, et un engagement politique fort concrétisé par
l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) lancé par
le Roi Mohamed VI en mai 2005, ainsi que le message royal aux Intégrales
de l’Investissement durant la même année considéré comme« hautement
symbolique de l’engagement des autorités marocaines en faveur de la

83
RISO N°1 - Mai 2016

RSE et du développement durable » (Hniche & Aquesbi, 2015). Toutefois,


malgré ces efforts, l’intégration des normes sociales et environnemen-
tales dans les systèmes de management des entreprises marocaines reste
problématique, en particulier pour les PME (Hattabou & Louitri, 2011).
2.1.3. Description des cas
Le terrain d’investigation est constitué de deux PME marocaines res-
ponsables du secteur des services. Le choix du secteur tertiaire se justifie
par son importance et sa forte contribution à l’évolution de l’économie
marocaine (54 % du PIB marocain selon le Ministère de l’Economie et des
finances marocain). Trois critères ont guidé notre sélection de PME : la
taille de l’entreprise définie par la CGEM par un chiffre d’affaires inférieur
ou égal à 200 Mdhs2, un style de management spécifique (le dirigeant
est créateur et propriétaire, la petite taille, la centralisation de la gestion,
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la stratégie intuitive ou peu formalisée, le système d’information peu
complexe ou peu organisé, la proximité) (Torrès, 2000), et des pratiques
de responsabilité sociale. Les caractéristiques des cas étudiés sont pré-
sentées dans le Tableau 1.
Tableau 1 - Caractéristiques de l’échantillon étudié
Date de Âge du Chiffre Nombre
Créateur Activité
création dirigeant d’affaires d’employés

Dirigeant Transport des


A 2006 73 ans 22 mdhs* 50
actuel produits pétroliers

Dirigeant Gardiennage et
B 2011 35 ans 4 mdhs** 40
actuel sécurité privée

* 20 millions d’euros.
** 2,2 millions d’euros.
– Le dirigeant de l’entreprise A est un directeur retraité d’une grande
compagnie pétrolière mondiale et ancien secrétaire général des compa-
gnies pétrolières au Maroc. Il a été incité par ses anciens patrons après son
départ en retraire, à créer l’entreprise pour transporter leurs matières dans
les normes mondiales de sécurité. Juste après la création de l’entreprise,
il s’est engagé dans un processus de labellisation RSE. Cette entreprise
est la seule PME parmi les huit premières entreprises labellisées RSE par
la CGEM au Maroc en 2008.
– Après avoir eu une première expérience de six ans en France dans le
domaine de la sécurité privée, le dirigeant de l’entreprise B s’installe

2 20 millions d’euros.

84
Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

au Maroc pour créer sa propre affaire dans ce même secteur d’activité.


Il estime que la stratégie proactive en matière de RSE des entreprises
françaises dans lesquelles il a eu ses premières expériences profession-
nelles, l’a incité à intégrer des pratiques responsables dans la gestion de
sa propre affaire.
2.2. Analyse des résultats et discussion
2.2.1. Présentation et analyse des résultats
• L’entreprise A
L’objectif de sa création était de donner l’exemple et concevoir un nouveau
mode de gestion des entreprises de transport de matières dangereuses.
Ayant une longue expérience dans le secteur, le dirigeant a développé
un important carnet d’adresses et a acquis une réputation qu’il consi-
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dère comme la principale source de compétitivité. Il perçoit le label RSE
comme un équivalent systématique à la responsabilité sociale, un moyen
d’évaluation « interne » pour s’autocontrôler et montrer que son person-
nel bénéficie de tous ses droits afin de pouvoir le fidéliser. Le dirigeant
considère la fidélisation des salariés comme un atout dans le domaine
de la sécurité routière, car plus la personne accumule les formations
et acquiert de l’expérience, plus elle devient experte dans le domaine :
« quelqu’un qui a 10 ans d’expérience avec vous dans la rigueur, dans le respect
de la qualité, dans le respect de l’environnement… c’est un investissement im-
portant… il est devenu un spécialiste, il était avec moi depuis 10 ans, et a suivi
toutes les formations… j’ai besoin de le garder. C’est un investissement dans la
fidélisation du personnel, et la fidélisation du personnel est très importante dans
notre activité ». La RSE permet la fidélisation des salariés (Luetkenhorst,
2004), et la labellisation apparaît comme « une technique de mobilisation »
des salariés pour améliorer leur implication (Nicolas, 2004).
L’entreprise A bénéficie d’un portefeuille important de clients, une partie
prenante incontournable avec laquelle le dirigeant entretient des rela-
tions de confiance depuis plusieurs années. Ces clients l’ont choisi pour
sa rigueur et sa connaissance du métier, ce qui impose au dirigeant de
veiller à sa réputation, de « défendre sa notoriété pour sauvegarder son hon-
neur ». « La réputation est un statut social » qui entre dans le cadre de
la recherche de légitimité par des pratiques RSE (Quairel & Auberger,
2005). Le dirigeant acquiert une légitimité par « la bonne réputation »
qui provient de son comportement responsable, et qui lui permet de
pérenniser et de développer son activité (Wood, 1991). Les convictions
religieuses jouent également un rôle important dans l’intégration des
pratiques responsables (Rice, 2006), et permettent au dirigeant de déclarer
avoir une « fibre sociale » qu’il a transmise à ses salariés par le partage. Il

85
RISO N°1 - Mai 2016

s’engage à « servir autrui » par des actions pour l’intérêt des populations
déshéritées en participant à des caravanes médicales, ou de transport
de dons alimentaires avec ses véhicules. Ces actions s’organisent sous
la forme d’événements coordonnés par des associations. Le dirigeant
affirme que ces événements sont appréciés par le personnel qui s’est en-
gagé volontairement à rechercher des actions de ce type. Ceci contraste
avec les propos d’un responsable interrogé qui affirme : « le directeur a des
relations avec une association qui fait des œuvres de charité… On n’y participe
pas, c’est le directeur qui le fait ». Il est donc à noter l’absence d’attractivité
de ces activités pour les salariés, ce qui risque d’entraver le processus de
partage de certaines valeurs en interne (Filion, 1996b). Celui-ci s’effectue
par « l’imposition » à l’ensemble de l’entreprise, dixit le dirigeant qui insiste
sur son comportement en donnant l’exemple, et qui voit là un moyen
infaillible d’implication du personnel dans la culture de l’entreprise : « il
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faut que mon personnel me voit moi-même donner l’exemple… le partage des
valeurs en interne est facile, si vous les imposez dès le départ… c’est pour cela je
vous dit qu’il faut que le patron donne l’exemple du respect des autres, du respect
des règles qu’il a lui-même instaurées ». Le leadership par l’exemple est une
compétence essentielle du dirigeant de PME, qui complète le partage de la
vision et l’engagement des collaborateurs (Pettersen, 2005). D’après notre
observation, le dirigeant profite de chaque contact avec les employés pour
expliquer, corriger et motiver. L’échange se base sur un management de
proximité (Torrès, 2000), et se fait de manière informelle et personnelle,
ou par « ajustement mutuel » au sens de Mintzberg (1996) qui se traduit
par un échange informel aboutissant souvent à une efficacité des relations
(Nicolas, 2004). À l’exception de la liste des entreprises labellisées RSE
publiée par la CGEM, il n’est mentionné sur aucun support de commu-
nication (presses, papier en-tête, reporting…) que l’entreprise A a des
pratiques responsables. Le dirigeant refuse toute sorte de communication
à ce sujet, et précise que la RSE et le label sont un moyen de s’assurer que
son entreprise a de bonnes pratiques vis-à-vis de son personnel et de sa
communauté, ce qui lui procure un sentiment de conformité aux normes :
« nous ne communiquons absolument pas sur ce label, sur aucun document de
la société il n’est mentionné qu’on est labellisé de la CGEM, le label c’est pour
moi, parce que moi je veux qu’on contrôle et qu’on continue à aller dans le bon
chemin… je ne le mets nulle part, je le mets dans mon bureau parce que je suis
fier de l’être ». Ceci illustre les résultats de Paradas (2006) qui stipulent
que le dirigeant "ne représente qu’une partie prenante parmi d’autres"
(Swajkowski, 2000) qui cherche, à travers la RSE, une autosatisfaction.

86
Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

• L’entreprise B
L’attachement aux racines, l’enthousiasme et les opportunités perçues au
Maroc étaient les motivations du dirigeant pour créer l’entreprise B, qui se
sont transformées après quatre ans d’activité, en une déception principa-
lement due à la méconnaissance de la vie professionnelle au Maroc : « Je
ne crois pas que je suis fait pour être salarié, j’ai pris goût à l’entrepreneuriat, il
y avait cette montée d’adrénaline, j’étais très optimiste, et j’avais de belles idées,
de bonnes pratiques, mais j’étais très déçu. Le métier est vu différemment ici… ».
Cette jeune entreprise adopte des pratiques responsables qu’elle ne cherche
ni à afficher, ni à formaliser, et les considère comme « la base du salariat ».
Cela illustre les travaux de Santos (2011) selon lesquels les PME ayant
moins de cinq ans ne cherchent pas à afficher leur RSE. Pour le dirigeant, le
principal avantage concurrentiel des entreprises de service est leur capital
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humain, ce qui le motive pour se responsabiliser principalement vis-à-
vis de ses salariés. Le taux élevé de turnover dans son domaine d’activité
l’incite davantage à être responsable afin de fidéliser son personnel. Ce
point a été confirmé par Luetkenhorst (2004) qui considère la loyauté et
la motivation des salariés comme des retombées positives de la RSE en
PME. Dans une logique économique, les entreprises s’imposent de pro-
poser de bonnes conditions aux salariés en vue de les fidéliser (Quairel
& Auberger, 2005). Tel est le cas pour le dirigeant de l’entreprise B : « la
qualité se justifie par cette responsabilité sociale… notre matière première c’est
le salarié…. On a cette petite démarche de responsabilité vis-à-vis du salarié, on
s’engage en tant que patron dans cette démarche… quand on a des pratiques un
peu douteuses, le salarié n’est pas dedans, et c’est à l’encontre de la qualité de la
prestation ». Il est convaincu que l’offre d’un service de qualité est atteinte
avec un personnel correctement rémunéré, formé, impliqué, motivé, ayant
un uniforme présentable, adapté aux saisons et conforme aux consignes de
sécurité dans les sites à risque élevé. La recherche de la qualité observée
dans les cas étudiés rejoint les résultats de Martinet & Reynaud (2004)
et de Santos (2011), qui associent les pratiques RSE à la recherche d’une
position concurrentielle en améliorant la qualité.
Malgré la petite taille de l’entreprise, le dirigeant considère qu’elle a un
impact sur la société et le bien-être social (Martinet & Reynaud, 2004) :
« un individu qui se sent bien dans son entreprise, se sentira bien dans la socié-
té… Quelqu’un qui rentre du travail avec une boule au ventre, c’est quelqu’un
qui va mal se comporter à l’extérieur… alors qu’un individu qui se sent bien et
qui rentre chez lui sereinement, il va contribuer à l’évolution de la société ». La
recherche de la qualité par la RSE a une place stratégique non seulement
dans les grandes entreprises, mais également dans les PME.

87
RISO N°1 - Mai 2016

À l’instar de l’entreprise A, le type de relation qu’entretient le dirigeant


avec les salariés, les clients et les fournisseurs dans le cas B est informelle
et personnelle, et repose sur l’ajustement mutuel (Mintzberg, 1996) et
l’effet de proximité (Torrès, 2000). Nous avons pu observer qu’en cas de
problème (un conflit au sein d’une équipe de travail, par exemple), les
salariés s’adressent directement au dirigeant qui intervient rapidement
pour le régler. Il motive, corrige, contrôle et explique aux agents pendant
ses visites de contrôle sur les sites de travail. Ce contact permanent avec
les salariés est personnel, assure leur bien-être et par conséquent, une
meilleure prestation de service. Les salariés sont conscients des efforts
fournis par le dirigeant. Un responsable interrogé déclare : « ici, on est
une famille… quand quelqu’un tombe malade, le patron va le voir chez lui, et
lui achète ses médicaments ». Ceci joue un rôle important dans le partage
en interne qui parvient des relations caractérisées par la proximité. Cette
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dernière est observée notamment dans les relations externes, dans ses
rapports avec ses clients et fournisseurs, où le dirigeant déploie des efforts
afin de baser ses relations sur la transparence, la confiance et les relations
personnelles humaines. Il est dans la construction d’un « capital social »
(Russo & Tencati, 2009), par une gestion personnelle des relations avec
les acteurs de son environnement (Gueguen, 2009). Le dirigeant trouve
que les convictions religieuses l’encouragent davantage à infléchir de
plus en plus sa gestion vers la responsabilité sociale (Rice, 2006) : « La
RSE n’est pas une mode, c’est une obligation… si on regarde les principes de
notre religion, la RSE ça va de soit, le salarié doit être payé avant que sa sueur
ne sèche ». Quant à la communication sur la RSE et au processus de la-
bellisation RSE, il exprime clairement son refus du fait qu’il n’y perçoit
« aucun intérêt pour le moment ».
L’irresponsabilité de son environnement d’affaires est la principale diffi-
culté de cette PME, qui vend des services de qualité à un prix relativement
élevé justifié par sa responsabilité envers ses salariés : « Rares sont les
personnes qui avancent dans cette démarche… tu proposes un prix qui est à 20,
30 voire 50 % plus élevé que la moyenne, et quand tu lui expliques, il n’y a pas
beaucoup d’entreprises dans le marché qui adhèrent… malheureusement ça ne
se passe pas très bien ». Peu de clients adhèrent à ce type de raisonnement
responsable, le dirigeant affirme qu’il n’en rencontre qu’un ou deux par
an. Pour autant, il concentre ses efforts sur la fidélisation de ses clients qui
« partagent cette même vision de responsabilité vis-à-vis du salarié ». L’incapacité
d’influencer les partenaires par les enjeux de la RSE est reconnue comme
un frein à l’engagement responsable des PME (Santos, 2011). La difficulté
du marché qui se concrétise dans le manque des partenaires partageant
la même vision, a poussé à la diversification de l’offre en allant vers la
sécurité électronique : « j’ai compris qu’il fallait diversifier l’activité, il ne faut

88
Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

pas mettre tous les œufs dans le même panier, il y a des moments où il n’y a pas
de nouveaux clients sur la partie gardiennage… on a trouvé des clients pour
installer des caméras, c’est là où est née la partie électronique ». Le manque de
visibilité de l’avenir caractérise le management de cette entreprise dont
la stratégie est fortement émergente (Mintzberg & Waters, 1985) du fait
de sa dépendance par rapport aux aléas du contexte (Gueguen, 2009). La
responsabilité sociale est donc une manière d’exercer le métier, que le di-
rigeant a appris en Europe, et qui guide sa gestion au quotidien (bien-être
du personnel, réduction de la consommation des énergies, du papier…).
Le Tableau 2 présente une synthèse de pratiques responsables (sociales,
sociétales et environnementales) des deux PME étudiées.
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RISO N°1 - Mai 2016

Tableau 2 - Pratiques responsables des PME étudiées


Type de
pratiques
Sociales Sociétales Environnementales
Entreprises

A - Déclaration de tout le - Participation à des - Camions équipés de


personnel caravanes médicales matériel spécifique
pour ramasser les
- Assurance des - Transport des dons
produits dangereux en
accidents du travail aux populations dans
cas d’épandage
des zones éloignées
- Uniforme conforme
- Veille permanente
aux normes de sécurité
sur le taux de
internationales
consommation des
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- Cotisation à la CNSS camions
(caisse nationale de
- Exigenceenvers
sécurité sociale)
les fournisseurs de
- GRH basée sur pneumatique, de
l’équité (grille de batteries et d’huile de
salaire standard, vidange de détruire les
systèmes de congés, déchets.
représentant du
personnel…)

- Primes occasionnelles

- Formations

- Recrutements de
jeunes diplômés

B - Déclaration de tout le - Contribution à la - Réduction de la


personnel construction de 3 consommation des
mosquées énergies
- Assurance maladie
- Recrutement des - Réduction de la
- Cotisation à la CNSS
jeunes ayant des consommation de
- Uniformes conformes situations sociales papier
aux normes de sécurité difficiles
- Utilisation du papier
- Primes occasionnelles recyclé

- Contribution aux - Régulation de


frais d’achat de l’utilisation des
médicaments en cas de véhicules
maladie

- Veille sur le bien-être


individuel de chaque
salarié

90
Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

2.2.2. Discussion des résultats


L’analyse des deux PME marocaines permet de formuler quelques pro-
positions concernant l’intégration stratégique de la RSE.
L’absence d’une formulation stratégique claire et formelle est bien connue
en PME. La vision n’exige pas une stratégie formelle délibérée, elle s’har-
monise avec la spécificité de la PME et peut avoir un aspect émergent
(Mintzberg & Waters, 1985). Dans ce type d’entreprise, la vision straté-
gique est animée par la recherche permanente de la survie et de la pé-
rennisation de l’activité (Gueguen, 2009 ; Marchesnay, 2004). La théorie
de dépendance à l’égard des ressources et le modèle des « 3 E » insistent
sur l’intérêt des PME à identifier les sources de leur vulnérabilité afin de
les combler pour pouvoir se développer. La théorie des parties prenantes
nous a également permis d’expliquer la vulnérabilité des PME face à cer-
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taines parties prenantes (clients, fournisseurs, banques, donneurs d’ordre,
salariés, Etat, ONG…) qui les engagent dans des pratiques responsables
(Quairel & Auberger, 2005). Malgré l’aspect informel de la stratégie, les
entreprises considèrent la responsabilité envers leurs salariés comme un
moyen de motivation et de fidélisation pour améliorer la qualité de leur
prestation et acquérir un avantage concurrentiel (Martinet & Reynaud,
2004). Nous pouvons dire qu’ils intègrent implicitement la RSE dans leur
stratégie animée par une motivation économique.
L’accent est mis sur la vision du dirigeant « porteur du projet entrepre-
neurial de la RSE », et qui recherche les informations concernant le dé-
veloppement durable (Gherib & Berger-Douce, 2008 ; Jenkins, 2009). Elle
nécessite une clairvoyance vis-à-vis du futur autant qu’une prise de recul
sur le passé (Ederle, 2007). Elle ne peut être construite indépendamment
des expériences précédentes du dirigeant (Carrière, 1990). L’apprentissage
et les expériences des dirigeants des deux PME étudiées, leur ont permis
de percevoir le rôle important joué par les pratiques responsables dans la
survie et le développement de leurs activités. La quête de légitimité et de
réputation activent la construction de sens dans l’intégration de la RSE,
s’alignent avec les convictions, les valeurs, les expériences et la percep-
tion des retombées positives de la RSE par le dirigeant, et finalement se
traduisent en pratiques, donnant à l’entreprise une posture responsable
qui varie selon le degré d’intégration stratégique de la RSE.
Les valeurs du dirigeant alimentent la vision stratégique (Carrière, 1990 ;
Smida & Condor, 2001) et sont indispensables au développement d’une
stratégie RSE (Asselineau & Cromarias, 2011 ; Perrini & al., 2007).Elles
sont aussi importantes que celles des salariés, des principaux partenaires
et du territoire dans lequel l’entreprise est insérée (Paradas, 2006), qui
doivent partager des valeurs communes pour converger autour d’un seul

91
RISO N°1 - Mai 2016

et même objectif. Le partage permet de passer d’un processus individuel


à un processus collectif, en engageant « les cœurs et les esprits dans une
démarche qui les amènera à l’action » (Filion, 1996b). En contexte de PME,
le partage est facilité par le leadership et l’effet de proximité qui caracté-
rise ce type d’organisation (Torrès, 2000), et les relations personnalisées
avec les acteurs permettent une meilleure diffusion de l’information. En
interne, l’adéquation entre les valeurs du dirigeant et celles du personnel
se traduit par la notion de culture de l’entreprise (Marchesnay, 1991).
Selon Paradas (2006), la présence de convictions chez le dirigeant permet
de dépasser les freins liés à la RSE, « il est le seul maître à bord, c’est de sa
vision que tout va dépendre ». Le principal frein dans le contexte marocain
est le manque de partenaires sensibles à la RSE et l’environnement « dé-
courageant la responsabilité sociale ». Nous constatons que la RSE au
Maroc est donc à ses prémices, et beaucoup d’efforts de sensibilisation
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sont encore à fournir dans les prochaines années. L’environnement et une
variable d’importance dans la RSE des PME et relevée par le modèle des
« 3 E ». Entre le découragement du milieu des affaires par le manque de
partenaires sensibles à la RSE (entreprise B), et le recours aux pratiques
responsables pour préserver une image au sein d’un réseau profession-
nel (entreprise A), l’environnement de l’entreprise apparaît comme un
facteur déterminant de la responsabilité sociale des PME. L’intersection
entre les « 3 E » du modèle permet d’assurer que le « projet RSE » a des
chances de réussir (Paturel, 2007). Afin de pallier le manque de soutien
de la part de l’environnement (E3), Paturel (2007) recommande de faire
appel à des consultants ou encore de trouver des partenaires. Afin de
pouvoir réussir le « projet RSE » et bénéficier d’une évolution dans un
environnement favorable, l’accompagnement par des consultants joue
un rôle crucial. En bénéficiant de l’expertise du cabinet d’audit pour la
labellisation RSE, il est remarquable que l’entreprise « A » a pu progres-
ser de manière substantielle en formalisant ses pratiques responsables si
l’on compare avec l’entreprise « B ». Pour autant, cet accompagnement ne
semble pas suffisant, et il serait donc pertinent de le compléter par une
recherche de partenaires et le développement d’un réseau propice aux
échanges sur ces questions de RSE (Bonneveux, 2009).

Conclusion
Cette recherche exploratoire menée auprès de deux PME responsables
marocaines permet de formuler quelques apports et perspectives. L’ap-
proche par le sensemaking nous a permis d’appréhender le développement
stratégique des pratiques responsables dans les PME par la notion de vision
stratégique. La dimension cognitive anime le comportement responsable
dans les PME étudiées. La recherche de légitimité, les expériences anté-

92
Vision stratégique des PME orientées RSE - Illustration par deux
entreprises marocaines

rieures des dirigeants, leur degré de connaissance de l’environnement,


leurs sentiments, valeurs et convictions pour construire l’image d’un futur
souhaitable et faisable représentent la base de leur responsabilité sociale.
L’inexistence de toute communication sur les pratiques responsables
dans ces PME réduit le processus du sensemaking en deux dimensions
(cognitive et conative). La présence des principes de durabilité dans ces
deux dimensions permet d’identifier l’existence d’un aspect stratégique
de la RSE. Sans prétendre à une quelconque généralisation, les valeurs
personnelles du dirigeant représentent bien le moteur du comportement
stratégique responsable dans les PME marocaines étudiées. Les convic-
tions religieuses semblent également inciter les dirigeants marocains à
l’intégration de la RSE, elles se présentent tant au niveau des motivations
qu’au niveau des pratiques de RSE (participation à la construction des
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mosquées, par exemple). Ce résultat invite à approfondir l’analyse de la
réalité marocaine en étudiant l’apport de la religion, de la culture et du
cadre institutionnel sur la RSE dans le pays, et d’analyser l’environnement
de ces PME afin de pouvoir corriger les lacunes mises en évidence par
le modèle des « 3 E ».
Trois limites principales peuvent être relevées dans notre recherche. La
taille réduite ne permet de généraliser les résultats obtenus. La recherche
est principalement basée sur des entretiens avec les dirigeants et quelques
responsables des deux PME, ce qui peut constituer un biais même si peu
de documents formels sont disponibles sur ce sujet. Nos interprétations
pourront être enrichies par les points de vue de parties prenantes externes
(comme les clients) et par une investigation de l’influence des variables
culturelles du contexte marocain sur le choix d’une stratégie RSE.
À travers nos résultats, nous constatons que les dirigeants ont des visions
convergentes quant au positionnement de la RSE dans la stratégie, et la
considèrent comme un moyen d’amélioration de la qualité pour acquérir
un avantage concurrentiel. La notion de qualité a fortement émergé de
notre terrain d’étude, nous visualisons ainsi une piste de recherche qui
paraît prometteuse s’agissant du lien entre le management de la qualité
et la RSE en PME. Nous constatons que la RSE dans ces PME concerne
davantage des pratiques sociales, contrairement aux travaux de Paradas
(2006) qui ont davantage montré l’intérêt des PME pour les aspects envi-
ronnementaux de leurs activités. Les PME marocaines seraient-elles moins
sensibles aux enjeux environnementaux ? Ces résultats ne seraient-ils
valides que pour le secteur des services ? Qu’en est-il pour le secteur de
l’industrie ? Privilégierait-il davantage les pratiques environnementales ?
Nous suggérons d’approfondir cette recherche par une étude multisec-
torielle, tout en multipliant les cas des entreprises responsables, afin de

93
RISO N°1 - Mai 2016

déterminer si le secteur ou la nature d’activité ont une influence sur le


comportement responsable des PME au Maroc.

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