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Les critiques antiques de la démocratie attique lui reprochaient son excès de liberté. Mais un débat commence
au XVIIIe siècle, comme nous l’avons déjà évoqué : on critique désormais l’Antiquité pour son incapacité à garantir la
liberté individuelle. Les textes que nous évoquerons dans ce chapitre ont été rédigés au cours d’une période d’environ
un siècle, dans des contextes différents, et leur argumentation s’appuie sur des intentions divergentes. Ils partagent
toutefois une perspective spécifiquement liée à l’histoire universelle ou à la philosophie de l’histoire. De plus, comme
ils se réfèrent les uns aux autres de manière tantôt explicite, tantôt implicite, il est légitime de les considérer comme un
courant spécifique de l’interprétation de l’Antiquité entre le début du XIXe siècle et le début du XXe.
CONSTANT ET LES LIBERTÉS
On retrouve les lieux communs de la critique de l’Antiquité du XVIIIe siècle, comme ceux de l’identification pratiquée
après coup entre jacobinisme et enthousiasme pour l’Antiquité, dans les textes de Benjamin Constant, notamment
dans De l’esprit de conquête et de l’usurpation (1814 ; essentiellement dirigé contre Napoléon) et De la liberté des
anciens comparée à celle des modernes (1819 ; conférence tenue dans le cadre d’une série de manifestations
consacrées à la Constitution anglaise). Dans ce dernier texte, Constant reprend aussi des idées que son amie Germaine
de Staël avait développées avec lui en 1798-1799 : « La liberté des temps actuels, c’est tout ce qui garantit
l’indépendance des citoyens contre le pouvoir du gouvernement. La liberté des temps anciens, c’est tout ce qui
assurait aux citoyens la plus grande part dans l’exercice du pouvoir1. »
Constant, qui a fait ses études en 1783-1785 à Édimbourg, réitère d’une part l’ancienne critique, qui remonte aux
théoriciens écossais, de la focalisation exclusive des sociétés antiques sur la guerre plutôt que sur l’activité pacifique,
ce qui suffit à empêcher de les prendre comme modèles pour sa propre époque – Napoléon s’en approchant
dangereusement avec sa politique expansionniste. Ensuite, Constant reprend la polémique post-révolutionnaire contre
les Jacobins. Ceux-ci auraient revivifié l’image idéalisée – inspirée par « le Spartiate » Mably2 et par Rousseau – du
« monastère » spartiate comme modèle d’un nouvel ordre social à imposer par la force3. Ces menées sont fondées,
selon le jugement de Constant, sur une méconnaissance de la différence fondamentale entre liberté antique et liberté
moderne. Il se réfère certes à Condorcet en tant qu’inspirateur de cette idée4, mais prétend résumer cette différence
pour la première fois et en toute clarté. Dans cette mesure, l’illusion dans laquelle les révolutionnaires restent
emprisonnés paraît en partie excusable : ils ont en quelque sorte été les victimes de leur éducation qui leur a enseigné
le génie particulier de l’Antiquité et transmis, par le biais de Mably et Rousseau, un mode de pensée permettant
d’appliquer au temps présent des concepts relevant de l’Antiquité.
À l’époque de Constant, la liberté signifie, pour les citoyens, la possibilité de jouir de la protection apportée par les
lois contre les mesures arbitraires de l’État – comme les arrestations ou les exécutions illégales –, d’exprimer
ouvertement son opinion, d’exercer l’activité professionnelle de son choix, de disposer librement de ses biens sans
devoir en rendre compte à des tiers et de pouvoir se regrouper avec d’autres dans des associations afin de poursuivre
des objectifs professionnels, religieux ou sociaux. La participation limitée des citoyens à la politique sert à contrôler le
pouvoir de l’État pour qu’il garantisse ces libertés. « Enfin, c’est le droit, pour chacun, d’influer sur l’administration
du Gouvernement, soit par la nomination de tous ou de certains fonctionnaires, soit par des représentations, des
pétitions, des demandes, que l’autorité est plus ou moins obligée de prendre en considération5. » La représentation,
qui correspond aux principes d’une société fondée sur la division du travail, est la grande conquête de la modernité. Le
système représentatif est le seul cadre garantissant la protection des droits individuels. Cela dit, lorsque Constant veut
exclure les travailleurs salariés des droits politiques parce qu’il faut les considérer comme des étrangers, il se rattache
(mais en la déformant) à la distinction entre citoyens et métèques ; et il se réclame d’Aristote pour refuser le paiement
d’indemnités journalières6.
Le lien entre protection des droits individuels et participation politique se présentait tout autrement dans l’Antiquité :
pour les Anciens, la liberté « consistait à exercer collectivement, mais directement, plusieurs parties de la souveraineté
tout entière, à délibérer, sur la place publique, de la guerre et de la paix, à conclure avec les étrangers des traités
d’alliance, à voter les lois, à prononcer les jugements, à examiner les comptes, les actes, la gestion des magistrats, à les
faire comparaître devant tout le peuple, à les mettre en accusation, à les condamner ou à les absoudre ; mais en même
temps que c’était là ce que les anciens nommaient liberté, ils admettaient comme compatible avec cette liberté
collective l’assujettissement complet de l’individu à l’autorité de l’ensemble. […] Toutes les actions privées sont
soumises à une surveillance sévère. Rien n’est accordé à l’indépendance individuelle, ni sous le rapport des opinions,
ni sous celui de l’industrie, ni surtout sous le rapport de la religion7 ». À travers les contrôles qu’exercent les éphores
à Sparte et les censeurs à Rome, « l’autorité pénètre encore dans les relations les plus domestiques8 ». En résumé,
« chez les anciens, l’individu, souverain presque habituellement dans les affaires publiques, est esclave dans tous les
rapports privés. […] Chez les modernes, au contraire, l’individu, indépendant dans sa vie privée, n’est même dans les
États les plus libres, souverain qu’en apparence9 ». Et plus loin : « Le but des anciens était le partage du pouvoir
social entre tous les citoyens d’une même patrie : c’était là ce qu’ils nommaient liberté. Le but des modernes est la
sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces
jouissances10. » Les citoyens doivent avoir les idées claires lorsqu’ils choisissent ce qu’ils gagnent ou ce qu’ils
perdent : « Les anciens trouvaient plus de jouissance dans leur existence publique, et ils en trouvaient moins dans leur
existence privée ; en conséquence, lorsqu’ils sacrifiaient la liberté individuelle à la liberté politique, ils sacrifiaient
moins pour obtenir plus. Presque toutes les jouissances des modernes sont dans leur existence privée. L’immense
majorité, toujours exclue du pouvoir, n’attache nécessairement qu’un intérêt très passager à son existence publique. En
imitant les anciens, les modernes sacrifieraient donc plus, pour obtenir moins11. »
Dans l’esprit des théories plus anciennes, on explique ces différences par la petite taille des États antiques, les
obstacles au commerce et l’existence de l’esclavage qui auraient conditionné cette focalisation, inconcevable dans les
conditions modernes, sur la guerre et la politique. « Sans la population esclave d’Athènes, 20 000 Athéniens
n’auraient pas pu délibérer chaque jour sur la place publique12 », écrit Constant en exagérant fortement.
Il souligne aussi le fait qu’Athènes a été la grande exception dans l’Antiquité, dans la mesure où les activités
commerciales y jouaient un bien plus grand rôle que n’importe où ailleurs. Pour que ce soit possible, il fallait
qu’Athènes accorde à ses citoyens une bien plus grande dose de liberté individuelle qu’à Sparte ou à Rome. Ici,
« l’asservissement de l’existence individuelle au corps collectif n’est pas aussi complet que je viens de le décrire »
(sous-entendu : pour l’Antiquité dans son ensemble). Athènes est par conséquent, « de tous les États anciens, […]
celui qui a ressemblé le plus aux modernes13 ». Mais dans l’ensemble, Athènes était conforme au modèle antique,
dans la mesure où « l’individu était encore bien plus asservi à la suprématie du corps social à Athènes, qu’il ne l’est de
nos jours dans aucun État libre de l’Europe14 ». Constant considère comme symptomatique de cette réalité – outre le
procès des Arginuses et celui de Socrate15 – l’institution de l’ostracisme, « arbitraire légal » reposant sur le principe
selon lequel « la société a toute autorité sur ses membres16 ».
Les propos de Constant ne révèlent pas de connaissances sur l’Antiquité allant au-delà des apprentissages scolaires ; il
lui arrive aussi de se tromper – ainsi lorsqu’il affirme que n’importe quelle personne exerçant une activité
professionnelle pouvait sans difficulté devenir citoyen à Athènes17. De plus, il se contredit parfois18.
Le choix de ses exemples est guidé par le souci de favoriser le maintien des principes de l’État de droit à son époque,
ce qui constitue, en dépit de ses changements de position, un trait fondamental de son action politique et de ses
publications. Entre décembre 1799 et mars 1802, Constant, membre du « Tribunat », s’oppose à Napoléon ; après son
exclusion, il s’exile volontairement. En 1815, sous le règne provisoirement rétabli de Napoléon, il élabore un projet de
Constitution. Napoléon le fait entrer au Conseil d’État et rembourse ses lourdes dettes de jeu. Constant affirmera aussi
par la suite que cet épisode a ouvert une possibilité de reconquérir un ordre libéral19, mais son passage soudain dans
le camp de Napoléon le place bien entendu dans une situation ambiguë : « Le théoricien célébré du libéralisme,
Benjamin Constant, prêta avec confiance son assistance au despote converti » – ce verdict, formulé ultérieurement par
Treitschke, résume bien la critique dont il fut l’objet20. Le projet constitutionnel de Constant doit garantir les droits
parlementaires, la responsabilité des ministres, l’indépendance de la justice et la liberté de la presse. Cette dernière
constituait une sorte de succédané de la participation politique directe, et elle était indispensable si l’on voulait
contrôler les gouvernants. Napoléon lui-même souhaitait désormais le « repos d’un roi constitutionnel21 ». Dans la
mesure où l’on assignait au monarque le rôle d’instance neutre garantissant la Constitution, la fonction de « gardien de
la Constitution » était dissociée de la référence aux éphores et aux tribuns.
Après la restauration définitive des Bourbon, Constant continua à militer pour ces objectifs et prit ainsi parti contre les
théoriciens de la contrerévolution, comme de Maistre ou de Bonald, qui réclamaient une monarchie de droit divin non
limitée par des règles constitutionnelles. Le discrédit dont souffrait la Révolution ne devait pas, selon Constant,
aboutir à ce que l’on abandonne des conquêtes essentielles de 1789 : « Les ennemis de la république s’emparent
habilement de la réaction que la Terreur a causée. […] C’est la frénésie de 1794 qui fait abjurer, par des hommes
faibles ou aigris, les lumières de 178922. » Ce sera aussi le leitmotiv de l’historiographie française libérale des
années 1820-1840 (Thiers, Mignet, Michelet23), dans laquelle la défense des principes de 1789 est mise au service de
l’État constitutionnel de l’époque, que chacun d’entre eux défendra aussi en tant qu’homme politique actif.
Selon Constant, la liberté individuelle suppose que l’on exclue l’arbitraire de l’État. Il parle ainsi en détail de
l’ostracisme, pour mettre en garde contre toute règle permettant les exils légaux, comme c’est le cas dans une loi
française de 1802 sur les tribunaux spéciaux. On trouvait déjà un avertissement analogue contre l’imitation de
l’ostracisme dans un traité érudit datant du Directoire24. Les remarques de Constant sur les censeurs romains sont
dirigées contre les projets de limitation de la liberté de la presse ou contre l’intention de favoriser les interventions de
l’État ou de l’Église dans le système éducatif et dans le libre exercice de la religion. Les monarchies contemporaines
ne doivent « pas emprunter aux républiques anciennes des moyens de nous opprimer25 ». Sur le principe, le
législateur doit « renoncer à tout bouleversement d’habitudes, à toute tentative pour agir fortement sur l’opinion. Plus
de Lycurgue, plus de Numa26 ». L’idée que l’État devait s’abstenir d’assumer une fonction éducative et se limiter à sa
fonction de sécurité est alors une position partagée par beaucoup des premiers libéraux allemands, qui accordent une
grande attention aux textes de Constant. Comme il veut empêcher ce type de réception de l’Antiquité, Constant plaide
au bout du compte, à la fin de son exposé de 1819, en faveur d’un lien entre liberté antique et liberté moderne. Cette
position tient à la crainte de voir l’évolution constitutionnelle en France déboucher parallèlement sur des garanties au
service des intérêts privés et sur l’étiolement croissant du droit à la participation politique – bref, à de nouvelles
restrictions drastiques dans le système censitaire. Cela n’empêche pas Constant de considérer l’indépendance
économique comme une condition indispensable de la libre expression du suffrage. Ce phénomène est selon lui
favorisé par la tendance des citoyens à ne défendre que leurs intérêts privés et à « renoncer trop facilement [au] droit
de partage dans le pouvoir politique27 ».
La position de Constant est ainsi plus nuancée que ne pourrait le laisser croire l’opposition affichée entre liberté
antique et liberté moderne. Cela vaut pour son évaluation d’Athènes contextualisée dans le cadre d’une comparaison
avec l’Antiquité, autant que pour l’opposition qu’il établit entre période antique et modernité. Un retour à l’Antiquité
serait extrêmement dangereux, mais le niveau de liberté politique qu’on y a atteint demeure une norme à l’aune de
laquelle il faut mesurer les États constitutionnels modernes. Ces subtiles distinctions sont pourtant ignorées dans
nombre d’interprétations qui s’appuient sur Constant et où son œuvre est interprétée comme une résurgence – dans le
domaine politique – de la « querelle des Anciens et des Modernes28 », assortie d’une préférence sans équivoque pour
la modernité. Par ailleurs, Constant a ajouté au débat une dimension essentielle dans le domaine de la philosophie de
l’histoire. Dans ses considérations sur la philosophie de la religion, il insiste sur le fait que, chez les Grecs, la religion
n’était pas dominée par une caste de prêtres. C’est précisément ce qui la distingue des despotismes orientaux (à
proximité desquels Volney la situait). Cela constitue une condition de possibilité pour l’émergence du christianisme,
porteur du développement de la liberté individuelle29. Cette thèse est reprise ultérieurement par l’historien français du
droit Édouard Laboulaye et par bien d’autres30. Les textes de Laboulaye sur les limites du pouvoir de l’État sont
imprégnés de son interprétation de la Révolution de 1848, considérée comme un exercice tyrannique de la
souveraineté populaire.
16Le traité de Constant, dans lequel l’image de l’Antiquité sert d’arrière-plan et de repoussoir à ses idées en matière
constitutionnelle – qui rencontreront aussi un grand écho dans le premier constitutionalisme allemand –, a été,
au XIXe comme au XXe siècle, un point de référence permanent des prises de position sur les liens entre démocratie
(antique) et liberté, mais trop souvent au prix d’une lecture unilatérale.
FUSTEL DE COULANGES ET LA TOUTE-PUISSANCE DE L’ÉTAT ANTIQUE
Numa Denis Fustel de Coulanges, qui a commencé sa carrière universitaire comme historien de l’Antiquité avant de se
consacrer à l’histoire médiévale de la France, est un bon exemple de la force avec laquelle la vision de Constant,
« l’interprète et le porte-parole » de la société bourgeoise selon Marx31, constitue une étape marquante dans la suite
de l’évaluation de la singularité de l’antique. Dans sa leçon inaugurale à l’université de Strasbourg, en 1862, Fustel de
Coulanges reprend à son compte le reproche adressé par Constant aux Jacobins : ils auraient détruit la liberté en ayant
recours à l’Antiquité. Au nom de la liberté, l’État est devenu tout-puissant, une forme dictatoriale s’est imposée et l’on
a traité les adversaires politiques comme les ennemis de l’État dans l’Antiquité. L’imitation de l’Antiquité a ainsi
mené tout droit à la Terreur32.
Au cours de la guerre franco-allemande de 1870, Fustel se réfère à un autre aspect de la Grande Révolution lorsque,
s’opposant à Theodor Mommsen, il défend l’appartenance de l’Alsace à la France en l’expliquant par « notre
révolution de 178933 ».
Fustel reprend le thème de la liberté individuelle déficiente et de la réception erronée de l’Antiquité. Il en fait le
leitmotiv de sa présentation de La Cité antique, ce texte de 1864 où il traite aussi bien de la Grèce que de Rome :
« L’idée que l’on s’est faite de la Grèce et de Rome a souvent troublé nos générations. Pour avoir mal observé les
institutions de la cité ancienne, on a imaginé de les faire revivre chez nous. On s’est fait illusion sur la liberté chez les
anciens, et pour cela seul, la liberté chez les modernes a été mise en péril. Nos quatre-vingts dernières années ont
montré clairement que l’une des grandes difficultés qui s’opposent à la marche de la société moderne est l’habitude
qu’elle a prise d’avoir toujours l’Antiquité grecque et romaine devant les yeux34. »
Fustel fonde la thèse de la toute-puissance de l’État sur l’idée que les institutions politiques ont évolué par étapes, en
sortant de leur rôle initial qui consistait à entretenir le culte des liens de famille et de parenté. « La cité avait été fondée
sur une religion et constituée comme une Église. De là sa force ; de là aussi son omnipotence et l’empire absolu
qu’elle exerçait sur ses membres. Dans une société établie sur de tels principes, la liberté individuelle ne pouvait pas
exister. Le citoyen était soumis en toute chose et sans nulle réserve à la cité ; il lui appartenait tout entier. La religion
qui avait enfanté l’État, et l’État qui entretenait la religion, se soutenaient l’un l’autre et ne faisaient qu’un […]. Il n’y
avait rien dans l’homme qui fût indépendant. Son corps appartenait à l’État et était voué à sa défense. […] Sa fortune
était toujours à la disposition de l’État […]. La vie privée n’échappait pas à cette omnipotence de l’État35. »
À cela s’ajoute, selon Fustel, l’absence de liberté religieuse : « L’homme n’avait pas le choix de ses croyances. Il
devait croire et se soumettre à la religion de la cité. » « La liberté de penser à l’égard de la religion de la cité était
absolument inconnue chez les anciens », comme le montre la condamnation de Socrate. On peut dire globalement que
« [l] es anciens ne connaissaient donc ni la liberté de la vie privée, ni la liberté de l’éducation, ni la liberté religieuse.
La personne humaine comptait pour bien peu de chose vis-à-vis de cette autorité sainte et presque divine que l’on
appelait la patrie ou l’État. L’État n’avait pas seulement, comme dans nos sociétés modernes, un droit de justice à
l’égard des citoyens. Il pouvait frapper sans qu’on fût coupable et par cela seul que son intérêt était en jeu. » Ce
dernier point est illustré par l’institution de l’ostracisme à Athènes. En se référant à Cicéron 36, Fustel écrit dans le
même contexte : « La funeste maxime que le salut de l’État est la loi suprême, a été formulée par l’Antiquité. On
pensait que le droit, la justice, la morale, tout devait céder devant l’intérêt de la patrie37. »
Fustel en tire la conclusion suivante : « C’est donc une erreur singulière entre toutes les erreurs humaines que d’avoir
cru que dans les cités anciennes l’homme jouissait de la liberté. Il n’en avait même pas l’idée. Il ne croyait pas qu’il
pût exister de droit vis-à-vis de la cité et de ses dieux. […] Le gouvernement s’appela tour à tour monarchie,
aristocratie, démocratie ; mais aucune de ces révolutions ne donna aux hommes la vraie liberté, la liberté individuelle.
Avoir des droits politiques, voter, nommer des magistrats, pouvoir être archonte, voilà ce qu’on appelait la liberté ;
mais l’homme n’en était pas moins asservi à l’État. Les anciens, et surtout les Grecs, s’exagérèrent toujours
l’importance et les droits de la société ; cela tient sans doute au caractère sacré et religieux que la société avait revêtu à
l’origine38. »
La démocratie athénienne fait constamment appel à ses citoyens en exigeant d’eux qu’ils participent aux assemblées
du peuple, aux tribunaux et aux communes : « On voit que c’était une lourde charge que d’être citoyen d’un État
démocratique, qu’il y avait là de quoi occuper presque toute l’existence, et qu’il restait bien peu de temps pour les
travaux personnels et la vie domestique. […] Le citoyen, comme le fonctionnaire public de nos jours, se devait tout
entier à l’État. Il lui donnait son sang pendant la guerre, son temps pendant la paix. Il n’était pas libre de laisser de
côté les affaires publiques pour s’occuper avec plus de soin des siennes. C’étaient plutôt les siennes qu’il devait
négliger pour travailler toute sa vie au profit de la cité. Les hommes passaient leur vie à se gouverner39. »
Cette situation ouvre cependant des possibilités matérielles aux catégories plus pauvres de la population : « Les Grecs
n’ont jamais su concilier l’égalité civile avec l’inégalité politique. Pour que le pauvre ne fût pas lésé dans ses intérêts
personnels, il leur a paru nécessaire qu’il eût un droit de suffrage, qu’il fût juge dans les tribunaux, et qu’il pût être
magistrat40. » Une fois obtenue l’égalité politique, l’inégalité des situations de fortune est ressentie avec d’autant plus
de force. Les citoyens pauvres qui, en raison de l’existence de l’esclavage, ont perdu l’habitude de travailler, ne voient
rien qui les incite à améliorer leur position économique en exerçant une activité professionnelle. Ils misent au
contraire sur leurs opportunités politiques : « Le pauvre avait l’égalité des droits. Mais assurément ses souffrances
journalières lui faisaient penser que l’égalité des fortunes eût été bien préférable. Or il ne fut pas longtemps sans
s’apercevoir que l’égalité qu’il avait pouvait lui servir à acquérir celle qu’il n’avait pas, et que maître des suffrages, il
pouvait devenir maître de la richesse41. »
Dès lors, on se fait payer pour son activité politique ; on organise, « d’abord déguisée sous des formes légales », « une
guerre en règle contre la richesse » puisque l’on fait supporter par les riches le poids du financement des missions
publiques et qu’on les condamne devant les tribunaux pour pouvoir capter leur fortune. Dans de nombreux cas, on
décide l’abolition des dettes ou la redistribution de la propriété foncière ; de véritables guerres civiles sont suivies de
confiscations à grande échelle : « La majorité des suffrages pouvait décréter la confiscation des biens des riches, et
[…] les Grecs ne voyaient en cela ni illégalité ni injustice. Ce que l’État avait prononcé était le droit. Cette absence de
liberté individuelle a été une cause de malheurs et de désordres pour la Grèce42. »
Fustel fait cependant allusion, dans une note, au fait qu’à Athènes, on n’en est justement pas arrivé à ces conséquences
extrêmes. Le combat des pauvres contre les riches « se borna à un système d’impôts et de liturgies qui ruina la classe
riche [et] à un système judiciaire qui la fit trembler et l’écrasa […]43 ». L’historien reprendra cette idée dans un autre
texte, associé à un hommage vibrant de la démocratie athénienne et de l’ingéniosité de ses règles constitutionnelles44.
Mais l’on ne tiendra guère compte de cette nuance ; l’image dominante restera celle de l’absence de liberté dans
l’Antiquité, qu’il a brossée dans La cité antique.
27Dans la dernière partie de son livre, Fustel voit dans le fondement religieux de la communauté la raison pour
laquelle les Grecs n’ont pas pu dépasser la forme d’organisation de la cité-État. Les amphictyonies et les fédérations
d’États ne constituent, selon lui, que des liens distendus ; il faut attendre les Romains pour voir se constituer un vaste
empire. À ses yeux, la fin de la société antique est scellée un peu plus tard, avec la victoire du christianisme dont
l’universalisme transcende le lien familial et les institutions de la cité-État, libère la politique des rituels traditionnels
et permet aussi à l’âme humaine d’échapper à l’emprise de l’État. On a ainsi, de son point de vue, surmonté le manque
de liberté dont souffraient les Antiques et fondé la liberté individuelle.
JACOB BURCKHARDT ET LA SERVITUDE DE L’INDIVIDU À L’ÉGARD DE L’ÉTAT
28La tradition qui se constitue via Constant et Fustel mène à l’Histoire de la civilisation grecque de Jacob Burckhardt.
Celui-ci avait déjà présenté dans ses livres sur L’époque de Constantin le Grand (1853) et La civilisation de la
Renaissance en Italie (1860), une analyse de deux autres périodes de bouleversement qui avaient joué un rôle dans
l’histoire universelle. Quant à l’Histoire de la civilisation grecque, il s’agit d’une œuvre posthume (1898-1902)
fondée sur les leçons tenues par Burckhardt à Bâle entre 1872 et 1886.
Pour cet auteur, les Grecs se distinguaient des peuples orientaux dominés par des castes de prêtres, mais ils étaient
aussi – dit-il en citant littéralement le propos tenu en 1817 par August Böckh – « plus malheureux que ne le pensent la
plupart des gens45 ». La polis grecque constitue selon lui une communauté où la « toute-puissance de l’État » va de
pair avec le « manque de liberté individuelle, à tout point de vue ». La « servitude de l’individu à l’égard de l’État »
apparaît dans l’absence « de toute garantie pour la vie et la propriété » par rapport à « la polis et à ses intérêts46 ».
Burckhardt se réfère ici à Fustel, mais considère que celui-ci surestime la religion. On trouve ailleurs une reprise
presque littérale des propos où Fustel affirme que les Grecs n’ont pu établir de lien entre égalité civique et égalité
politique47. Il faut toutefois signaler que Burckhardt n’a apparemment pris connaissance qu’à une date très tardive du
livre de Fustel48. L’« idée grecque de l’État » signifie, selon lui, la soumission absolue de l’individu à la
communauté ; les droits de l’homme, écrit-il, sont une notion globalement étrangère à l’Antiquité49. Son collègue de
Bâle, Nietzsche, le formule en ces termes : « Les Grecs sont les fous de l’État de l’histoire ancienne50. […] »
Pour Burckhardt, c’est dans la démocratie athénienne que ces caractéristiques, qui s’appliquent à toutes
les poleis, sont les plus nettes. La grande masse des citoyens pauvres a tenté, comme il le formule en se référant à
Fustel, d’utiliser son pouvoir politique pour arriver à une redistribution de la fortune. Le paiement des indemnités
journalières avait cet objectif, tout comme les liturgies dont le caractère contraignant est passé de plus en plus au
premier plan, si bien que l’État tomba « aux mains d’un demos très lunatique et cupide51 ».
Dans cette « tyrannie de la majorité52 », jouait un rôle tout à fait particulier la juridiction dominée par le « terrorisme
public » des sycophantes, ces accusateurs quasi-professionnels qui plaçaient « justement les innocents, surtout
lorsqu’ils possédaient quelque chose, en état de siège permanent53 ». Dans le système juridique, on manquait de
« toute équité et toute objectivité dans l’échelle des peines, de toute justesse dans le rapport entre le délit et la
sanction, c’est-à-dire les premières exigences auxquelles nous soumettons un droit pénal54 ». Il en a résulté un
penchant à transformer le moindre geste en un acte menaçant l’État et à y réagir avec des peines draconiennes. Cela
génère aussi une « insécurité totale de la justice, dans la mesure où, une fois sur deux, l’on ne prononce la culpabilité
que lorsqu’on estime souhaitable pour les finances [de la cité] la confiscation des biens des accusés 55 ». Dans cette
mesure, il aurait été « plus franc et plus conséquent, dans l’esprit de la polis, que l’État ait simplement déclaré que tel
ou tel citoyen devait mourir parce qu’on avait besoin de ses biens56 ». C’est précisément la pratique des « Trente » à
Athènes, qui ne se distingue donc pas de celle de la démocratie. Le peuple athénien se représente constamment les
« biens des victimes » comme un « butin possible », il apprécie les procès comme un « spectacle […] dès lors que les
malheureux et les menacés doivent le flatter et même faire des farces57 ».
Selon Burckhardt, il faudrait les « efforts conjugués d’un spécialiste de l’Antiquité et d’un criminologue
expérimenté » pour pouvoir déterminer de manière définitive si « les cas de chicanerie » à Athènes ont des équivalents
à l’époque contemporaine, tant du point de vue de la qualité que de la quantité. « On verrait alors si, à un autre
moment de l’histoire du monde, l’élément diabolique, le plaisir inspiré par la perte des autres, a pu s’exprimer aussi
bruyamment que chez les Grecs, notamment dans la mesure où ils ont favorisé la sycophantie58. » Dans l’ostracisme,
Burckhardt voit moins à l’œuvre « la haine de la plèbe » que les « vanités impuissantes » de politiciens médiocres à
l’égard de personnalités remarquables parmi les dirigeants59. La situation à Athènes, où « l’Assemblée et les
tribunaux, sous toutes leurs formes officielles, deviennent le théâtre et l’outil des pires brimades et persécutions »,
correspond à celle de la terreur jacobine de 1793-1794. À Athènes, cependant, il a dû « y avoir en permanence plus de
personnes infâmes et donc capables de passer à l’acte que, proportionnellement, dans n’importe quelle grande ville
actuelle60 ». Ni Burckhardt ni la plupart de ceux qui ont établi ce parallèle ne mentionnent le fait qu’à Athènes, il n’y
eut jamais de procès où les accusés se trouvaient aussi dépourvus de moyens de défense que dans les tribunaux
révolutionnaires français61.
Burckhardt souligne toutefois62 la liberté de la comédie, justement comparée à la situation qui régnait pendant la
Révolution française : c’est un « fait unique dans l’histoire » que la « guerre du Péloponnèse et toute la crise intérieure
et extérieure qui lui était associée » aient été accompagnées par « les bouffonneries les plus sublimes ». « Et il y avait
une Athènes qui regardait volontiers ce miroir. Alors que la Révolution française aurait fait rouler la tête de quiconque
aurait émis le moindre doute sur son pathos, ou a fortiori en aurait donné une représentation grotesque […]63. »
Dans ses leçons Sur l’étude de l’histoire – également connues sous le titre Considérations sur l’histoire universelle –,
Burckhardt tire le bilan suivant : « L’époque de Périclès, à Athènes, présente une condition que tout citoyen tranquille
et calme de notre temps se refuserait à vivre, dans laquelle il se sentirait malheureux à mourir, même s’il n’appartenait
pas à la majorité constituée par les esclaves, mais bien aux hommes libres, à savoir l’immense pillage de l’individu par
l’État et la surveillance inquisitoriale permanente qu’exerçaient démagogues et sycophantes sur l’accomplissement des
devoirs envers l’État. » Burckhardt ajoute cependant : « Et pourtant, il y a forcément eu chez les Athéniens de
l’époque un sentiment existentiel qu’aucune sécurité au monde ne pouvait compenser64. »
On devine donc chez Burckhardt quelques regrets lorsqu’il constate que la liberté de la vie privée n’était garantie dans
les cités grecques qu’aux temps où l’autonomie civique était limitée, à l’ombre des nouvelles grandes puissances
helléniques, et donc « achetée au prix fort65 ».
Au total, le caractère exemplaire d’Athènes ne peut reposer, aux yeux de Burckhardt, sur son organisation politique ; il
relève uniquement de son rôle de « puissance culturelle de premier ordre, de source de l’esprit66 ». Au refus de la
démocratie antique correspond chez lui le refus de la pensée démocratique des temps modernes, depuis la Révolution
française, et tout spécialement de ce qu’elle comporte en termes d’exigences sociales. Depuis, la démocratie coule
certes de « mille sources différentes », mais elle est toujours associée à la toute-puissance d’un État qui doit accomplir
ce que la société ne peut et ne veut pas faire, c’est-à-dire garantir « à certaines castes un droit particulier au travail et à
la subsistance67 ». L’inquiétude qu’inspire à Burckhardt l’évolution de la démocratie ne tient pas seulement au regard
qu’il porte sur ses grands voisins européens, mais aussi aux développements de la situation en Suisse. On a vu
s’imposer dans ce pays, au cours du XIXe siècle, un mouvement constitutionnel qui a finalement débouché, avec
l’ancrage en profondeur dans un système de démocratie directe, sur une « démocratie référendaire68 ». Sur ce point,
comme il l’écrit dans une lettre dès 1845, Burckhardt perçoit le peuple comme une « masse hurlante » et y voit un
« despotisme de masse » qui débouchera forcément un jour sur un « règne par la violence69 ». Son pessimisme
s’accentuera au fil du temps. Plus tard, il se persuadera que se pose partout l’alternative entre « la démocratie
complète et le despotisme absolu et sans droit », ce dernier sous la forme de « commandos militaires prétendument
républicains70 ».
ACTON ET L’HISTOIRE DE LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE
John Dalberg-Acton – Lord Acton à partir de 1869 – évoque dans deux exposés, The History of Freedom in
Antiquity et The History of Freedom in Christianity, les déficits de l’Antiquité en matière de liberté de conscience.
Acton est surtout connu en son temps comme un essayiste catholique en lutte contre la prétention du pape à
l’infaillibilité. Plus tard, en 1895, il devient professeur d’histoire à Cambridge. Issu par sa mère d’une importante
famille de la noblesse allemande, Acton est un élève d’Ignaz von Döllinger, historien catholique de l’Église et juriste
du droit canon, excommunié en 1871 pour avoir contesté la déclaration d’infaillibilité du pape faite pendant le premier
Concile du Vatican. Acton souhaite écrire une histoire globale de la liberté, mais il n’écrira ni ce livre, ni aucun
autre. He knew too much to write (« il en connaissait trop pour écrire ») a-t-il dit de Döllinger71 ; ce bon mot
s’applique à lui-même, dès qu’il s’est agi de publier des ouvrages volumineux.
Les Athéniens, à commencer par Solon, ont certes le mérite d’avoir constitué une communauté politiquement libre et
fondée sur la participation des citoyens – à la différence du despotisme oriental – et, dans cette mesure, d’avoir posé
les bases de la liberté européenne. L’évolution de la démocratie athénienne a cependant justement démontré
qu’aucune oppression ne peut être pire que celle qu’exerce la tyrannie de la majorité. Cela apparaît très clairement –
comme sous la Révolution française72 – dans la brutalité employée vis-à-vis du personnel politique et militaire
dirigeant, dans les mesures de confiscation menées contre les riches – mesures qui ont poussé ces derniers à collaborer
avec l’ennemi extérieur – et, pour finir, dans le mépris affiché des règles de procédure lors du procès des Arginuses et
lors de la condamnation du « martyr » Socrate73, que ne contrebalance pas, au bout du compte, l’admirable amnistie
de l’an 40374. L’absence de système gouvernemental représentatif, le maintien de l’esclavage et la liberté de
conscience inexistante sont pour Acton les trois facteurs décisifs de l’insuffisance de liberté individuelle dans
l’Antiquité75. L’évolution menant à la garantie de la liberté individuelle fut d’abord une conséquence inattendue de la
querelle entre pouvoir profane et pouvoir religieux au Moyen Âge, avant que n’ait lieu la percée décisive vers la
liberté de foi et de conscience à la faveur de la révolution anglaise du XVIIe siècle76. Acton se rallie ainsi à Guizot77.
MAX WEBER ET L’HOMO POLITICUS
On trouve un écho de la tradition de critique de l’Antiquité, brièvement esquissée ici, dans un traité de Max Weber sur
la ville, publié à titre posthume en 1921 et écrit vers 1911-191478. Dans ce texte, les réminiscences de Fustel de
Coulanges et Jacob Burckhardt, dont Weber connaissait bien les œuvres79, sont tout aussi évidentes que celles de
Benjamin Constant, dont Weber avait déjà présenté la « théorie de l’État antique » comme un exemple de ce qu’il
fallait entendre par « idéal-type80 ». L’introduction de L’Histoire de la civilisation grecque de Burckhardt peut elle
aussi être considérée comme l’anticipation d’une méthode relevant de l’idéal-type.
41La Ville de Weber regroupe nombre de perspectives sur l’histoire universelle, déjà partiellement traitées dans
d’autres écrits, autour de la question générale de la singularité de la commune urbaine en Occident et de sa
bourgeoisie définie politiquement. Dans ce contexte, Weber compare à l’Orient l’Antiquité et le Moyen Âge
européens, considérés dans un même ensemble ; mais il s’intéresse tout autant aux différences entre les deux époques
afin de comprendre pourquoi, en dépit de parallèles frappants dans les deux évolutions constitutionnelles, il a fallu
attendre le Moyen Âge pour qu’émergent les conditions préalables et essentielles du « capitalisme moderne » et de
« l’État moderne ».
Pour marquer l’opposition entre l’orientation vers la politique, la guerre et la rapine, d’une part, le commerce et
l’activité industrieuse pacifiques, de l’autre, Weber accentue le contraste entre l’homo politicus antique et l’homo
oeconomicus médiéval. Les citoyens antiques sont ainsi les membres d’une « corporation de guerriers » pour lesquels
il n’existe, en principe, aucune espèce de « liberté personnelle dans la conduite de sa vie » : « La cité maniait à tout
point de vue l’individu à son gré. Une mauvaise gestion, et spécialement le gaspillage du lopin de terre assigné aux
soldats reçu en héritage […], l’adultère, la mauvaise éducation du fils, le mauvais traitement des
parents, l’asebeia (l’impiété), l’hybris : – tout comportement menaçant la discipline et l’ordre militaires et civique, ou
susceptible de mettre les dieux en colère au détriment de la polis, était lourdement puni – en dépit de la fameuse
garantie donnée par Périclès, dans la célèbre oraison funèbre de Thucydide, selon laquelle chacun pouvait vivre à
Athènes comme il le voulait – et déboucha, à Rome, sur l’intervention du censeur81. »
Il est particulièrement vrai que la démocratie athénienne accaparait ses citoyens par la politique et le service militaire,
dans une mesure que l’on ne rencontre, selon Weber, « ni avant, ni après dans l’histoire dans le cas d’une civilisation
différenciée82 ». Mais on leur proposait en contrepartie la perspective de profiter des fruits d’une politique
d’expansion sous forme de distributions de terres, de butins, de paiements de soldes et d’indemnités journalières. C’est
précisément ainsi que la masse des citoyens a vu se fermer devant elle la voie menant à « l’activité économique
pacifiée et vers une entreprise économique rationnelle83 ». L’obligation qu’avaient les citoyens fortunés de financer
les missions publiques par des liturgies constituait une menace permanente pour la richesse privée : « La polis de la
démocratie mettait la main sur toute richesse importante des citoyens84. » D’autres menaces émanaient des tribunaux
populaires, composés de « centaines de jurés ignorant le droit », dont la « justice de cadi absolument arbitraire »
menaçait la sûreté formelle du droit « si fortement qu’on est plus étonné par la survie de la richesse que par les très
fortes secousses survenues à chaque échec politique85 ». Le terme de « justice de cadi » désigne chez Weber des
systèmes juridiques où une orientation vers une prétendue justice matérielle se fait aux dépens de la sûreté formelle du
droit.
Comme il l’explique dans d’autres textes, le système juridique athénien se distingue justement du système romain par
le fait que les tribunaux de jurés n’y sont pas seulement compétents pour les procès pénaux ou politiques – comme
dans la Rome de la fin de la République –, mais aussi pour tout le droit civil86. Ce type de justice, reposant
uniquement sur les postulats matériels de l’équité, sur un « “sentiment” conditionné par l’éthique […], la politique ou
la politique sociale87 » dont l’issue dépend des prestations démagogiques des parties au procès, tout cela a selon lui
pour conséquence « l’impossibilité de développer un droit formel et une science formelle du droit de type romain88 ».
Les tribunaux de jurés athéniens sont, dans cette mesure, comparables aux « tribunaux révolutionnaires » de la
Révolution française tout autant qu’aux tribunaux mis en place pendant la révolution allemande des Conseils,
en 1918-1919, qui ne se sont pas cantonnés aux seules affaires politiques. À propos d’une grève survenue à Berlin en
janvier 1918, Weber estime que la situation était semblable à celle « d’un asile de fous » ou à celle « d’Athènes après
la bataille des Arginuses89 ».
L’évaluation de la démocratie athénienne par Weber fluctue en fonction de la perspective comparative qu’il adopte.
D’une part, la possibilité de sanctionner les décisions du peuple contraires au droit par le biais d’une graphè
paranomôn présente, selon lui, plus de similitudes avec le système constitutionnel américain qu’avec la souveraineté
parlementaire anglaise. D’autre part, avec l’ostracisme, on rend possible une prise de décision dirigée contre une
personne en particulier, pratique que Rome a exclue de son droit90. La domination de la plèbe présente à l’Assemblée
a, écrit-il, débouché de fait sur la domination d’un démagogue91 dont le rôle découle structurellement de la
constitution92, si bien qu’il est impossible de faire jouer la différenciation morale traditionnelle entre Périclès et
Cléon93. Weber suppose cependant qu’il a existé, jusqu’à Périclès, une sorte d’union personnelle entre le « stratège en
chef » et le leader démagogique94. Pour proposer cette hypothèse – inexacte en l’état actuel de la recherche – de
l’existence d’un président au sein du collège des stratèges, Weber s’appuie essentiellement sur Karl Julius Beloch et
Eduard Meyer95, peut-être aussi sur Droysen96.
Comparée à la « démagogie sauvage » des prophètes dans l’ancienne Israël, la prise de décision au sein de
l’Assemblée athénienne se distingue par sa « délibération ordonnée rationnellement97 » ; il ne faut donc pas
nécessairement porter de jugement négatif sur « l’art oratoire politique du démagogue de l’Attique ». Cela étant dit, le
processus de décision politique à Athènes demeure tout de même très éloigné du niveau « d’examen rationnel » avec
lequel le Sénat détermine la politique dans la République romaine98.
Ce qui demeure obscur, c’est la raison pour laquelle Weber estime ne pas pouvoir subsumer le système athénien sous
sa catégorie d’« administration de groupement en dehors de toute relation de domination », Athènes ayant clairement
dépassé le petit cadre nécessaire à ce fonctionnement99. Les éléments essentiels de cet idéal-type de « minimisation
de la domination » s’adaptent parfaitement à Athènes : courte période d’exercice des fonctions, droit de révocation à
tout moment, principe du tour de rôle ou du tirage au sort pour éviter l’accumulation de savoirs dans un domaine ou
une fonction donnés, mandat strictement impératif pour l’exercice de la fonction, obligation de faire un rapport et de
consulter dans les cas non couverts par ce mandat, obligation de rendre des comptes, nomination pour une brève
période de spécialistes chargés de missions spécifiques.
48Quelles que soient les nuances que Weber apporte dans les cas particuliers, il accepte tout de même l’hypothèse
d’un manque de liberté individuelle valant pour l’ensemble de l’Antiquité. Dans le cadre de la question qui guide son
travail, celle des conditions d’avènement du capitalisme moderne, il en voit les conséquences dans les obstacles que
cette absence de liberté représente pour le développement de la rationalité économique.
Pour Weber, à l’époque moderne, la démocratie directe n’est plus possible que dans les conditions propres aux
cantons suisses, et non pour un État-nation puissant qui ne peut s’offrir une « helvétisation100 ». Dans ses prises de
position, publiées dans la presse de 1917, sur la nécessité d’une réforme constitutionnelle en Allemagne – avec entre
autres, la revendication de la responsabilité des ministres – et en Prusse – abolition du suffrage censitaire en trois
classes –, il approuvait surtout le parlementarisme en tant que moyen de choisir le personnel dirigeant approprié. Cela
revient nécessairement à accepter l’existence d’un parlementaire professionnel qui puisse « vivre de la politique101 ».
Dans ce contexte, Weber considère de façon positive la « démagogie » d’un chef parlementaire102 (le prototype en est
Gladstone103), puisqu’il incarne les qualités qui, de son point de vue, sont nécessaires dans toute forme de démocratie
depuis Périclès, et le sont d’autant plus à l’époque contemporaine compte tenu des menaces d’enkystement
qu’implique la bureaucratisation inéluctable des sociétés modernes. Même dans les démocraties, les grandes décisions
ne peuvent être prises que par des personnalités individuelles. « Cette circonstance inévitable fait que la démocratie de
masse, depuis le temps de Périclès, a toujours payé ses succès positifs par de fortes concessions au principe césarien
de la sélection des chefs104. » Dans ses écrits (tardifs) sur la « démocratie plébiscitaire » ou la « démocratie des
chefs », Weber a tendance à considérer que les pesanteurs du système sont moins imputables à la bureaucratie
parlementaire qu’à l’existence de dirigeants charismatiques et à leur légitimation plébiscitaire105. Concrètement,
en 1919, il s’agit pour lui d’obtenir une forte position constitutionnelle en faveur du président du Reich, considéré
comme « l’élu du peuple » et « l’homme de confiance des masses106 ». Weber souligne en outre que la
« “démocratie” n’a jamais été une “fin en soi” », mais ne l’intéresse qu’au regard de la « possibilité de mener une
politique nationale pragmatique pour une Allemagne forte et unifiée face au monde extérieur107 ». Les positions de
Weber se situent dans le prolongement de la tradition fondée entre autres par Constant, mais constituent un nouveau
point de vue sur les limites de la démocratie relevant de la politologie ou de la sociologie des organisations – tel que
l’ont développé Robert Michels et d’autres. Le lien qu’il établit entre le parlementarisme et la notion de dirigeant
charismatique est bientôt repris et dépassé par tous ceux qui préconisent un système dirigé par un « Führer » pour
abolir l’État de droit108.
NOTES
1 Germaine de STAËL, Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la révolution et des principes qui doivent fonder la république en
France, Lucia OMACINI (éd.), Genève, 1979, p. 111-112.
2 Benjamin CONSTANT, Principes de politique, applicables à tous les gouvernements [version 1806-1810], Étienne HOFMANN (éd.), Paris,
Hachette, 1987, p. 374 sq.
3 De l’esprit de la conquête et de l’usurpation dans leur rapport avec la civilisation européenne, IIe partie, chapitre 7, « Des imitateurs modernes
des républiques de l’Antiquité », in Benjamin CONSTANT, Œuvres, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1957, p. 1014 sq.
4 Benjamin CONSTANT, De la liberté des anciens comparée à celle des modernes. Discours prononcé à l’Athénée royal de Paris, 1819, repris
in Cours de politique constitutionnelle, Édouard LABOULAYE (éd.), Paris, 1861. Texte accessible à l’adresse
http://www.panarchy.org/constant/liberte.1819.html, auquel nous empruntons l’original [« Les anciens, comme le dit Condorcet, n’avaient
aucune notion des droits individuels. Les hommes n’étaient, pour ainsi dire, que des machines dont la loi réglait les ressorts et dirigeait les
rouages » (N. d. T.)]
5 Ibid.
6 Cf. Principes de politique, op. cit.
7 De la liberté, op. cit.
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ibid.
11 De l’esprit de conquête, IIe partie, chapitre 6, in CONSTANT, Œuvres, op. cit., p. 1012.
12 De la liberté, op. cit.
13 Ibid.
14 Ibid.
15 Ibid. – Sur le procès des Arginuses et le procès de Socrate, voir infra, p. 193 sq.
16 Ibid.
17 De la liberté, op. cit.
18 Voir supra, p. 169.
19 Benjamin CONSTANT, Mémoire sur les Cent-Jours [1819-1829] Paris, 1961, notamment p. 64 sq.
20 TREITSCHKE, « Frankreichs Staatsleben » (supra, p. 136, n. 61), p. 67. – DROYSEN, Freiheitskriege, vol. 2, p. 694, évoquant ce retournement,
écrivait derrière le nom de Benjamin Constant : « (Inconstant) ».
21 Cité par Jean TULARD, Les révolutions, [Histoire de France, vol. 4, Jean Favier (dir.), Paris, Fayard, 1985, p. 288. [Phrase complète : « Le
repos d’un roi constitutionnel peut me convenir » (N. d. T.)]
22 Benjamin CONSTANT, « Des effets de la terreur », in De la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s’y
rallier (1796) ; Des réactions politiques ; Des effets de la terreur (1797), Paris, Flammarion, 1988, p. 173.
23 Cf. les indications bibliographiques en n. 79 et 80, p. 139, n. 95, p. 140.
24 BAUDIN, « De l’ostracisme » [conférence de novembre 1797], Mémoires de l’Institut National des Sciences et Arts. Sciences morales et
politiques, n ° 3 [1800-1801], p. 61-79.
25 CONSTANT, De la liberté, op. cit.
26 Benjamin CONSTANT, De l’esprit de conquête et de l’usurpation, dans leurs rapports avec la civilisation européenne, 3e édition, Paris,
Lenormant et Nicolle, 1814, p. 106.
27 De la liberté, op. cit.
28 Cf. supra, p. 89.
29 Benjamin CONSTANT, De la religion considérée dans sa source, ses formes et ses développements [1824-1831], Arles, Actes Sud, 1999.
30 Édouard LABOULAYE, « La liberté antique et la liberté moderne », in L’État et ses limites, Paris, Charpentier, 1863, p. 103-137.
31 Karl MARX, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte [1869], Paris, Mille et une Nuits, 1997, p. 15.
32 Numa Denis FUSTEL DE COULANGES, « Une leçon d’ouverture et quelques fragments inédits de Fustel de Coulanges », Revue de synthèse
historique 2, 1901, p. 241-263, ici p. 252-253.
33 « L’Alsace est-elle allemande ou française ? Réponse à M. Mommsen » [27 octobre 1870], in Numa Denis FUSTEL DE
COULANGES, Questions historiques, Camille JULLIAN (éd.), Paris, 1893, p. 505-512, ici p. 509.
34 Numa Denis FUSTEL DE COULANGES, La cité antique. Étude sur le culte, le droit, les institutions de la Grèce et de Rome, Paris, Librairie
Hachette et Compagnie, 1908, p. 2.
35 Ibid., p. 265.
36 Cf. supra, p. 137.
37 FUSTEL DE COULANGES, La Cité antique, op. cit., p. 268-269.
38 Ibid., p. 269.
39 Ibid., p. 396.
40 Ibid., p. 387.
41 Ibid., p. 398.
42 Ibid., p. 400.
43 Ibid., p. 402 (note 2).
44 FUSTEL DE COULANGES , « Attica Respublica », in Charles DAREMBERG et Edmond SAGLIO (éd.), Dictionnaire des antiquités grecques et
romaines, Paris, Hachette, 1877-1819, vol. I, 1 (1877), p. 532-542, ici p. 542.
45 Jacob BUCKHARDT, GKG I, p. 11. [La totalité des textes de Burckhardt sont ici traduits par nos soins (N. d. T.)]. – August BÖCKH, Die
Staatshaushaltung der Athener, Berlin, 2e éd., 1886 [première parution en 1817], vol. 1, p. 710-711.
46 GKG I, p. 77.
47 GKG I, p. 206.
48 Lettre à Robert Grüninger, 5 août 1885, in Jacob BURCKHARDT, Briefe, Max Burckhardt (éd.), vol. 8, Bâle, 1974, p. 299.
49 GKG I, p. 80 et 72
50 Friedrich NIETZSCHE, Humain, trop humain, II, [232], in Œuvres philosophiques complètes, G. Colli et M. Montinari (éd.), traduit de
l’allemand par Robert Rovini, vol. III, Paris, Gallimard, 1988, p. 280-281 [traduction légèrement modifiée (N. d. T.)].
51 GKG I, p. 218.
52 GKG I, p. 216, note 486. Burckhardt cite Wilhelm VISCHER, « Die oligarchische Partei und die Hetairien in Athen » [1836], in Kleine
Schriften, vol. 1, Heinrich Gelzer (éd.), Leipzig, 1877, p. 153-204, ici p. 169.
53 GKG I, p. 228-229 et 232.
54 GKG I, p. 231. – C’est objectivement exact, si ce n’est qu’il s’agit d’un critère que l’on ne rencontre guère avant le XIXe siècle ; cf. supra,
p. 54-55.
55 GKG I, p. 237.
56 GKG I, p. 238.
57 GKG I, p. 220-221.
58 GKG II, p. 341.
59 GKG I, p. 207.
60 GKG IV, p. 323-324.
61 Cf. infra, p. 193-194, sur les mesures prises en 415 av. J.-C.
62 Comme Desmoulins, sur le fond, cf. supra, p. 140.
63 GKG III, p. 252-253.
64 Jacob BURCKHARDT, Über das Studium der Geschichte. Der Text der « Weltgeschichtlichen Betrachtungen » auf Grund der Vorarbeiten von
Ernst Ziegler nach den Handschriften herausgegeben von Peter Ganz, Munich, 1982, p. 236.
65 GKG IV, p. 556.
66 GKG I, p. 224.
67 BURCKHARDT, Über das Studium, op. cit., p 370-371.
68 Voir infra, p. 252-253.
69 Lettre à Gottfried Kinkel, le 1er avril 1845 ; BURCKHARDT, Briefe, op. cit., vol. 2 (1952), p. 158.
70 Lettre à Friedrich von Preen, le 13 avril 1881 ; BURCKHARDT, Briefe, op. cit., vol. 8 (1974), p. 31.
71 « Döllinger’s Historical Work », in John E. E. DALBERG-ACTON [Lord Acton], The History of Freedom and Other Essays, Londres, 1907,
p. 375-435, ici p. 434.
72 Sur ce sujet, cf. les leçons tenues après 1895 : John E. E. DALBERG-ACTON [Lord Acton], Lectures on the French Revolution, John N. Figgis
et Reginald V. Laurence (éd.), Londres, 1910.
73 Cf. infra, p. 193 sq.
74 « The history of freedom in Antiquity », in DALBERG-ACTON, The History of Freedom, op. cit., p. 1-29, ici p. 12-13.
75 Ibid., p. 25-26. – Cf. aussi « Sir Erskinde May’s Democracy in Europe » [1878], ibid., p. 61-100, ici p. 66 sq.
76 The History of Freedom, op. cit., p. 30-60.
77 Cf. infra, p. 219.
78 Max WEBER, Wirtschaft und Gesellschaft. Die Wirtschaft und die gesellschaftlichen Ordnungen und Mächte. Nachlass. Vol. 5 : Die
Stadt, Wilfried Nippel (éd.), Tübingen 1999 (MWG I/22-5).
79 « Agrarverhältnisse im Altertum » [1908-1909], in Max WEBER, Gesammelte Aufsätze zur Sozialund Wirtschaftsgeschichte, Marianne Weber
(éd.), Tübingen, 1924, p. 279 et 283. Traduction française in Économie et société dans l’Antiquité. Précédé de : Les causes sociales du déclin de
la civilisation antique. Introduction de Hinnerk Bruhns, Paris, La Découverte, 1998.
80 « Die “Objektivität” sozialwissenschaftlicher und sozialpolitischer Erkenntnis » [1904], in Max WEBER, Gesammelte Aufsätze zur
Wissenschaftslehre, Johannes Winckelmann (éd.), Tübingen (4e éd.), 1973, p. 206.
81 MWG I/22-5, p. 283 et 285.
82 Ibid., p. 286.
83 Ibid., p. 288.
84 Ibid., p. 286.
85 Ibid., p. 286-287.
86 Max WEBER, Wirtschaft und Gesellschaft, Johannes Winckelmann (éd.), Tübingen, 5e éd., 1976, p. 465 (= WuG).
87 WuG, p. 471.
88 WuG, p. 158.
89 Max WEBER, Zur Politik im Weltkrieg. Schriften und Reden 1914-1918, Wolfgang J. Mommsen (éd.), Tübingen 1984 (MWG 1/15), p. 413.
90 Max WEBER, Agrarverhältnisse im Altertum, op. cit., p. 123.
91 Ibid., p. 217.
92 MWG I/22-5, p. 219-220 ; Wissenschaftslehre, op. cit., p. 483.
93 Max WEBER, Wissenschaft als Beruf 1917-1919. Politik als Beruf 1919, Wolfgang J. Mommsen et Wolfgang Schluchter (éd.), Tübingen
1992 (MWG I/17), p. 191 (traduction française d’Isabelle Kalinowski, La science, profession et vocation, Paris, Agone, 2005). ; WuG, p. 668.
94 WuG, p. 665 ; MWG I/17, p. 191.
95 Karl Julius BELOCH, Die attische Politik seit Perikles, Leipzig, 1884, p. 274-288 ; Eduard MEYER, Geschichte des Alterthums, vol. 3, 1 : Das
Perserreich und die Griechen, 1re partie : Bis zu den Friedensschlüssen von 448 und 446 av. J.-C., Stuttgart, 1901, notamment p. 347 et 579.
96 Johann Gustav DROYSEN, « Bemerkungen über die attischen Strategen », Hermes 9, 1874, p. 1-21.
97 Max WEBER, Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie, Marianne Weber (éd.), vol. 3 (1921), réimp. Tübingen, 1988, p. 335.
98 MWG I/22-5, p. 298-299.
99 WuG, p. 169-170.
100 MWG I/15, p. 96. Friedrichs ENGELS avait lui aussi mis en garde, avant cette date, contre une « helvétisation fédéraliste de l’Allemagne » :
« Zur Kritik des sozialdemokratischen Programmentwurfs » [1891], MEW, vol. 22, p. 227-243, ici p. 236.
101 MWG I/17, p. 169 sq. ; MWG I/15, p. 501-502 et 533-534. – La distinction entre vivre « pour la politique » et « de la politique » se trouve
déjà dans un bref texte écrit par Weber en 1905 in Max WEBER, Wirtschaft, Staat und Sozialpolitik. Schriften und Reden 1900-1912, Wolfgang
Schluchter (éd.), Tübingen, 1998 (MWG I/8), p. 192-199. Weber se réfère dans ce contexte à James BRYCE ; il s’agit de The American
Commonwealth, Londres, 1888, vol. 2, p. 386 sq. (chapitre LVII : « The politicians »).
102 MWG I/15, p. 537-538, MWG I/17, p. 162 et 191.
103 MWG I/17, p. 209 ; WuG, p. 669.
104 MWG I/15, p. 540. – Sur la catégorie du césarisme, cf. infra, p. 243 sq.
105 WuG, p. 156-157 ; cf. MWG I/17, p. 203-204.
106 « Der Reichspräsident », in Max WEBER, Zur Neuordnung Deutschlands. Schriften und Reden 1918-1920, Wolfgang J. Mommsen (éd.),
Tübingen, 1988 (MWG I/16), p. 87 et 220-224.
107 MWG I/15, p. 234.
108 Cf. infra, p. 261 sq.