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ISBN 978-2-02-130159-5
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De la même auteure
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68 en mosaïque
Troubler l’ordre
Un internationalisme concret
Rêve général
Que faire ?
États critiques
Revendiquer la dignité
Passes d’armes
Près du Vietnam
L’État contre-attaque
En découdre
Un heureux événement
Peurs bleues
Poétique du politique
Sens critiques
Tout un programme
La ligne rouge
Retour à la normale ?
Dorénavant
Notes
Sources
Archives
Films et émissions
Récits et témoignages
Bibliographie
Sigles
Index
Remerciements
INTRODUCTION
L’événement au présent
Une jeune femme parcourt à pas vifs les galeries du musée Kcic. Est-ce par
amour de l’art ? Par goût de l’histoire ? Ou par attirance irrépressible pour ce
guide un peu timide, souvent sur son quant-à-soi et qu’elle appelle « mon Roi » ?
Elle l’écoute des heures durant raconter les parcelles de passé que le musée
recèle ; elle compatit aussi à ses doutes mal dissimulés et ses hésitations
tourmentées. L’homme a beau être savant et fervent, il ignore qui étaient
exactement les étudiants nommés Renault, Cléon, Flins, Platon, Héraclite et
Boulogne-Billancourt. Avec une douloureuse perplexité, il évoque cette statue, à
jamais perdue si tant est qu’elle ait existé, d’un étudiant au poing levé, un certain
Hercule C. Bendit. La statue aurait figuré parmi les Sept Merveilles du monde,
érigée pour célébrer la révolution dite « de Mai ». Là encore rien n’est moins
sûr – il n’en demeure que quelques allusions dans des peintures, réalisées
longtemps après. La jeune femme s’interroge :
de quel type de révolution pouvait-il s’agir ? Mon Roi n’en sait rien,
personne ne le sait. Et un étudiant qui lève le poing ne signifie pour nous
que ceci : un étudiant levait le poing. C’est tout. Les spéculations faites
au sujet de la révolution et du poing se réduisent, à ce jour, à elles-
mêmes. Je crains qu’on ne sache jamais ce que fut Mai 68 et si cette
révolution appartenait à la culture française ou – comme certains le
soupçonnent – à la civilisation chinoise.
68 en mosaïque
Nous ne sommes pas à Kcic ni dans les temps reculés d’un futur désolé : il y
a tant de sources à explorer, une matière vibrante encore d’espoirs et
d’engagements. Une historiographie renouvelée espère se soustraire aux dictées
du prêt-à-penser 7. Un peu plus d’une décennie après « les événements », il était
de bon ton d’affirmer qu’il n’y avait plus d’ouvriers ni de classes sociales ; on a
alors négligé voire oublié la grève générale. Aujourd’hui, toute une histoire
renoue avec cette dimension fondamentale, évoquant l’« insubordination 8 » qui a
mis le temps en suspens. Dans le même élan s’exprime le souci de varier les
angles d’observation, de décentrer le regard hors de Paris pour valoriser d’autres
scènes, sans négliger la capitale pour autant. 1968 est une marqueterie : partout,
quelque chose arrive. Il peut y avoir inquiétude ou retrait ; il peut y avoir ivresse
de bonheur ou, au contraire, grande peur. Mais nulle part on ne rencontrera
d’indifférent à l’événement. Nulle part on ne trouvera le petit mot si célèbre et
même un peu galvaudé noté par Louis XVI sur son journal, à la date d’un
14 juillet : – Que s’est-il passé ? – « Rien ». Les médias sont là désormais :
même les spectateurs sont engagés.
Les sources et leurs foisonnements peuvent d’ailleurs donner le vertige.
Derrière chacune d’elles, il y a tant de visages et tant de paysages qu’on ne
saisira jamais. Pour suivre les hésitations, les bifurcations, les chemins qui n’ont
finalement pas été empruntés et ceux qui l’ont été sans pierre blanche,
quelquefois dans le silence, il faut plus que notre pauvre écriture : il faudrait la
littérature. Entendre la poésie laisser lentement l’événement se détacher du sol et
dire, comme Serge Velay : « L’air bleu bruissait d’essaims de paroles 9. » Des
poèmes, il y en a tant, de célèbres et d’inconnus, surgis au coin des rues. À leur
image, quoique loin de leur éclat, ce travail se donne deux principes d’écriture :
être au présent pour ne pas enfouir l’événement dans l’embaumement des
imparfaits ; et le prendre au sérieux, à bonne distance des ricanements ou des
reniements.
Troubler l’ordre
On sait que les mots majeurs de 1968 – on dirait les maîtres mots s’il n’était
question justement de déloger les maîtres et la domination – sont ceux de
contestation et d’insubordination. La désobéissance sociale et politique y
exprime le rejet d’un ordre imposé et supposé partagé. Elle énonce et dénonce
cet ordre-là, qui jusqu’à présent semblait évident, transparent à force de
s’imposer et de se laisser oublier. Les protagonistes des barricades et des
occupations prennent le temps, ce temps que la grève laisse, ce temps si
différent, pour lézarder l’écorce des conventions sociales. L’événement est un
dévoilement : il expose tout ce qu’il y a de préjugés, de normes auxquelles il faut
être conforme mais qui paraissent soudain insolites et désaccordées. Les
imaginaires contestataires rompent avec le tout-venant de ce qui va de soi, pour
mieux révéler en quoi il ne va pas.
À cette aune, la politique n’est pas seulement gestion des affaires : elle est
partage du sensible, selon les mots de Jacques Rancière. Ce n’est pas d’abord
l’art de diriger. Ce n’est pas, ou pas essentiellement, une modalité de
gouvernement : la politique est avant tout une manière d’être sujet. Rancière
donne le nom de « police » à ce que l’on entend ordinairement par compétition
électorale, État, fonctionnement constitutionnel et institutionnel, en bref exercice
du pouvoir. Elle est une manière de lisser et de policer ; elle distribue les rôles et
fait que chacun demeure à sa place : la « police », dans cette acception, organise
le consentement, entérine la division des tâches et circonscrit la politique à une
spécialité, voire à une profession. C’est pourquoi Rancière préfère réserver le
nom de « politique » à la pratique de l’égalité et de l’émancipation. Elle a ceci
d’essentiel qu’elle est discussion et action sur ce qui est commun : non
seulement elle concerne, mais elle implique tout un chacun 16. Les laissés-pour-
compte de la politique n’en sont plus, ici : elles et ils se la réapproprient.
C’est en ce sens qu’il faut entendre aussi le rejet de la « police » en 1968 :
non pas principalement du corps des policiers, organisé et hiérarchisé,
acquiesçant aux ordres, mais justement l’ordre même qu’ils défendent.
Gendarmes et policiers sont des protagonistes à part entière : par fonction et par
mission, ils s’affrontent aux contestataires. Mais rien n’est lisse ni linéaire non
plus de leur côté ; des doutes les assaillent, comme se dressent devant eux des
obstacles tactiques et des incertitudes politiques. Face à eux, pour un temps ou
plus durablement, les contestataires refusent d’obéir et de consentir : 1968
marque « une rupture d’accommodement 17 ». Les places et les cases
apparaissent comme des cages et des carcans. Les rôles assignés sont
questionnés – rendus visibles, avant même d’être récusés. La contestation a cette
vertu pour les uns, cette imprudence voire cette impudence pour les autres, de
contrarier les certitudes. Se soumettre ne va plus de soi et plus rien ne sera
désormais tout à fait comme avant. « Les étudiants cess[ent] de fonctionner
comme des étudiants, les travailleurs comme des travailleurs et les paysans
comme des paysans 18. »
L’espace social n’en devient pas fluide pour autant : les cloisonnements
demeurent et, avec eux, leur lot de méfiances et de peurs. L’événement ne brise
ni toutes les barrières ni toutes les frontières. Il n’empêche : des univers sociaux
se rencontrent, les classements et les hiérarchies sont interrogés, comme le sont
les identités. Des potentialités s’entrouvrent et laissent apercevoir ce que pourrait
être un monde différent.
Un internationalisme concret
13 mai 1968 : lors de manifestations gigantesques organisées dans tout le
pays, on entend le slogan « Dix ans ça suffit ». Le lendemain, les ouvriers de
Sud-Aviation, à Bouguenais près de Nantes, reconduisent la grève et occupent
leur usine. Commence alors à circuler un pastiche, procédé cher aux
situationnistes ; c’est une bande dessinée détournée, avec un James Bond qui
déclare sentencieusement : « Un spectre hante la planète : le spectre des
travailleurs de Sud-Aviation. Toutes les vieilles puissances de la terre se sont
groupées en une organisation des Nations unies pour traquer ce spectre : le pape
et le président du soviet suprême, Wilson et Mitterrand, les radicaux de France et
les policiers américains 19. » On aura reconnu l’accroche, parodiée, du Manifeste
communiste lancé cent vingt ans plus tôt par Karl Marx et Friedrich Engels. Par-
delà l’humour décalé et le jeu teinté de sérieux, un même internationalisme s’y
dessine et s’affirme, un même ancrage dans une histoire-monde en train de
s’écrire fiévreusement et dont les protagonistes espèrent qu’elle va balayer les
puissants.
Les événements français de 1968 ne peuvent que se lire au prisme du monde
où ils s’arriment. La dimension internationale n’est pas seulement un contexte ;
c’est un enjeu, pour nombre d’acteurs soucieux de s’insurger dans un
mouvement de grand vent où les frontières indiffèrent. Le 68 français ne se
comprendrait pas sans la matrice internationale des mois qui le précèdent.
Certes, tous les protagonistes n’ont pas cette sensibilité au dépassement d’un
cadre national jugé trop étriqué. Les étudiants sont les plus déterminés à cette
imprégnation par les circulations et les transferts hors frontières : le temps
disponible, la possibilité de voyager et les bouleversements qui touchent partout
les universités les avantagent en la matière. Il en va de même pour les
organisations qui se réclament d’un projet révolutionnaire et se réfèrent par
tradition à l’internationalisme, conçu non comme une contingence pratique mais
comme une boussole politique. Bien au-delà, pourtant, des solidarités
transnationales sont à l’œuvre, en particulier entre travailleurs français et
étrangers, une dimension trop souvent occultée. Très vite, des déclarations de
soutien arrivent du monde entier tandis que, dans les universités occupées, des
commissions et exposés sont proposés sur la situation de nombreux pays, de la
Chine à Cuba, du Japon aux États-Unis, de l’Allemagne à l’Italie. Les
expériences circulent, se relatent et s’influencent, au plus près d’un
internationalisme concret.
Mais la médaille a son revers. La situation des immigrés et des exilés se
tend. D’aucuns, parmi les inquiets, envisagent un complot de l’étranger et
nourrissent une xénophobie latente ou exprimée. À celles et ceux qui ne sont pas
français, il demeure périlleux de s’engager et de manifester, quand se multiplient
les arrestations et les expulsions 20. C’est là une autre de ces tensions qui
singularisent l’événement : au grand large fait écho un repli, à l’ouverture, une
clôture.
Rêve général
On le voit, l’événement 1968 est pétri d’expériences sensibles et affectives,
où les émotions jouent un rôle décisif. Émotions politiques s’il en est, dans la
joie soudain réveillée de bousculer l’ordre des choses, de rire au nez de ce
monde et de l’imaginer autrement, même le temps d’un printemps. Émotions
politiques ô combien, dans la frayeur de certains, dans les tensions et les
détestations attisées. Les sciences sociales en général et l’histoire en particulier
se sont longtemps méfiées des émotions, jugées tour à tour fuyantes,
insaisissables et au fond anhistoriques. Il y avait là une façon de reconduire
l’opposition entre raison et émotion, très occidentale dans le tranchant de son
partage depuis Zénon et Platon : le premier fustigeait les « mouvements de l’âme
déraisonnables et contre-nature », le second, les poètes bousculant par leur chant
la sérénité de la cité. Le clivage a persisté dans le discours des élites :
« émotions » et « émeutes » se sont longtemps confondues, disqualifiées comme
plébéiennes chez des notables inquiets de la colère populaire. La dichotomie
s’est encore durcie à la tombée du XIXe siècle : la « psychologie des foules »
selon Gustave Le Bon associait les émotions à la manipulation, reléguées au
rang d’inconscient collectif sans contrôle ni discernement. Mais le paradigme a
changé : les émotions ne sont plus à ce point opposées à la raison, on peut
désormais parler d’intelligence et de travail émotionnels 26. Ce serait tronquer
l’intensité de 1968 que de ne pas les prendre à bras-le-corps.
Donc, de corps et d’émotions, il sera question. Car ce livre veut d’abord
donner plein crédit à ce qui est éprouvé, imaginé et ressenti. Jusques et y
compris les utopies : bien loin de déconsidérer ce mot trop souvent déprécié, on
le saisira dans la force de ce qu’il permet. L’utopie met « en lumière les défauts
de l’existant 27 » ; elle offre de « juger ce que nous faisons à la lumière de ce que
nous pourrions ou devrions faire 28 ». Les projets d’émancipation conçus en 1968
expriment la société telle qu’elle est et proposent l’esquisse d’un monde
différent : parfois avec humilité, par les visées modestes d’une réforme
quotidienne ; parfois avec exaltation, dans l’ambition et la passion
révolutionnaires. Il importe d’y voir des utopies concrètes, lieux de pratique et
de pensée perçus comme différents mais possibles, accessibles et non pas
lunaires, toujours évoqués en partant du présent. Le rêve et la grève s’avèrent
complémentaires ; ils activent une créativité politique et critique.
Que faire ?
Cette inventivité est au cœur du protagonisme, comme « expérience
personnelle de l’histoire en acte 29 ». Les individus ordinaires deviennent des
protagonistes lorsque leur quotidien rencontre l’événement et provoque leur
engagement, mélange d’implication personnelle et d’action collective, aux
arrangements et motivations multiples. Le protagonisme est lui-même traversé
de conflits, tant il est vrai que la conflictualité est un propulseur de la dynamique
historique : 1968 a bien plus que deux côtés, séparés par la herse des barricades.
Pour autant, les oppositions à la contestation sont en général négligées ; or, elles
constituent un ressort considérable de l’événement, non pas seulement un creux
ou un camp. Il dessine une expérience sensible du politique, forte d’émotions qui
sont à leur tour moteurs de l’action. Il est porteur de projets et d’imaginaires
concrets. Protagonismes, oppositions à la contestation, formes sensibles de
l’engagement et imaginations alternatives pourront ici servir de fil – rouge sans
doute, mais pas seulement.
Les sources sont copieuses : ce récit ne prétend pas dompter leur profusion.
Comptes rendus de réunions, tracts, brochures, correspondances, presse, films et
émissions, circulaires de préfets, rapports de police, fiches de renseignements,
textes ministériels, papiers de l’Élysée… Elles ont été choisies à dessein pour
leur complémentarité, respectueuse des bords – dans tous les sens que le mot
revêt. Elles ont surgi au vif de l’événement et émanent de lui. 1968 est à ce point
lesté d’échos médiatisés, de reconstitutions et d’interprétations, qu’il valait
mieux s’en tenir à ce qu’il a fait naître sur le moment et non dans l’a posteriori,
passionnant lui aussi mais souvent déformant. Ces archives, dont beaucoup
dorment dans des fonds peu voire jamais explorés, voient coexister des
exaltations et des tensions, des vents contraires et des adversaires. Elles convient
à ne rien négliger : les sources qui émanent des grévistes et des manifestants,
travailleurs, lycéens et étudiants, des poètes d’un jour ou de toute une vie, des
comités d’action, de grève et de quartier, des organisations politiques et
syndicales ; mais aussi celles qui proviennent du pouvoir dans ses déclinaisons
locales et nationales, gouvernementales et préfectorales ; celles que produisent la
police et les Renseignements généraux. Ce n’est là un récit ni « par le bas » ni
« par le haut », qui supposerait de s’en tenir à une hiérarchie justement contestée
dans sa verticalité trop abrupte. C’est bien plutôt une circulation incessante de
débats, de positions et de combats qui forment une constellation de pratiques et
d’idées. L’événement provoque d’emblée une tension quant au sens à lui prêter,
et c’est elle qu’il faut explorer. Ce n’est donc pas une histoire de la seule
rébellion, mais également du pouvoir en place et de ses réactions, des forces de
l’ordre et, au-delà, des contempteurs de la contestation. Ces sources sont
examinées sans a priori ni privilège, avec la loyauté qu’elles requièrent. Il s’agit
de concilier une approche pragmatique, compréhensive à l’égard des
protagonistes, quels que soient leurs choix, et une démarche critique, qui
interroge les propriétés sociales, la pérennité des structures et des habitudes
incrustées.
Pour autant, ces pages n’entendent pas neutraliser l’événement ni en faire un
objet froid sous un regard distancié. L’écriture est toujours un engagement,
quand bien même il ne se dirait pas comme tel et quand bien même il se tairait. Il
est des prédilections dans le sous-texte de l’histoire et, plus encore, des attraits ;
mieux vaut les confier d’emblée. Michel de Certeau, encore lui, nous l’a bien
appris, et Pierre Bourdieu après lui : l’« opération historique » est située.
L’auteure de ces lignes ne s’en cache pas : les protagonistes de la contestation lui
sont devenus, malgré le temps passé, comme des ami(e)s ou des allié(e)s. Le
« je » peut bien se faufiler ici, sortir un instant de sa coulisse : j’admire leur
courage, leur détermination, leur rire et par-dessus tout leur grand désir de
changer, au moins un peu, le monde tel qu’il est. Je me sens de leur côté.
Alors, pas de musée imaginaire : on n’arpentera pas les rues de 68 comme
les allées d’un monde figé. Par fidélité à celles et ceux qui y ont participé, ce
travail voudrait retracer un passé vivant – et la force de sa promesse.
PROLOGUE
États critiques
CESSER D’HÉRITER
« Nous pouvons affirmer, sans grand risque de nous tromper, que l’étudiant
en France est, après le policier et le prêtre, l’être le plus universellement
méprisé ». L’incipit vient trancher net : De la misère en milieu étudiant
considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et
notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier, pamphlet
incandescent qui fait scandale dès sa sortie en novembre 1966, décrit les
étudiants comme une « minorité prolongée », docile voire servile, ligotée par
toutes les chaînes de l’autorité. Le texte est signé de l’Union nationale des
étudiants de France (UNEF) de Strasbourg, dominée par des situationnistes à
l’esprit frondeur, libertaire et révolutionnaire. Les auteurs de ce libelle
implacable, qui fustige des jeunes gens à l’« espace-temps étriqué », n’y vont
pas par quatre chemins : Mustapha Khayati et ses amis allèguent une
« ménopause de l’esprit » pour des étudiants au « savoir sérieux », déjà vieux,
destinés à devenir des rouages conservateurs pour le bon fonctionnement d’un
système marchand 5. À Trente en Italie, de jeunes marxistes analysent aussi le
conformisme d’étudiants atomisés, dotés d’œillères et manipulés : « Comme les
chiens de Pavlov, petit à petit, on leur apprend à saliver : le prix en sera la
profession (celui qui ne se prépare pas subira le même sort que la marchandise
avariée : on ne le mettra pas sur le marché). » Ces textes italiens, très critiques à
l’égard d’un univers productiviste et consumériste, circulent largement : on les
retrouve en France, discutés dans diverses universités 6.
En 1964, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron signent pour leur part un
essai remarqué, Les Héritiers 7. Ils y dévoilent, enquête sociologique et
statistiques à l’appui, l’importance d’une reproduction qui favorise les déjà
favorisés : le capital culturel des étudiants privilégiés, accumulé par la
socialisation familiale, les conversations, les voyages ou la fréquentation de
musées, se coule avec aisance dans le moule des connaissances exigées à
l’Université. Les étudiants issus de la bourgeoisie peuvent mobiliser des savoirs,
des savoir-dire et des savoir-faire déjà acquis, quand les jeunes de milieux
populaires s’y confrontent à une inégalité redoublée. D’emblée, l’ouvrage fait
date. Une adaptation théâtrale est programmée pour le mois de mai 1968,
d’abord au parc municipal de Châtillon où une première représentation a lieu le
8 mai, puis à l’École normale supérieure. Très demandée, la pièce, Les Héritiers
ou les étudiants pipés, mise en scène par Jacques Nichet, est jouée dans
différentes universités et plusieurs salles de banlieue 8. Une prise de conscience
s’opère, dans un milieu étudiant lui-même très divers, où la reproduction
culturelle n’est pas seul facteur d’inégalité. Une analyse menée par la sociologue
Noëlle Bisseret, chargée de cours à l’université de Nanterre, commence alors à
être diffusée. Sa critique se fonde sur une enquête conduite auprès de sept mille
étudiants inscrits à la faculté des lettres de Paris ; elle montre que les personnes
contraintes de travailler pour financer leurs études sont le plus rapidement
« éliminées », le taux de réussite variant de 25 % pour les salariés à 55 % pour
les non-salariés. Or, moins de 20 % des étudiants enfants de cadres supérieurs et
professions libérales travaillent, contre 60 % pour les étudiants de classes
populaires. 12 % à peine bénéficient d’une bourse en première année 9. En
somme, l’univers étudiant subit une crise de croissance. La reproduction d’une
culture sélective, longtemps si prisée, entre en tension avec les nouvelles
fonctions conférées à l’Université, celles de former non plus seulement une élite
mais un corps intermédiaire aux attributions plus techniques. Elle se heurte, de
manière complémentaire, à un élargissement social du recrutement. Celui-ci rend
le monde étudiant moins homogène qu’auparavant et sans doute plus ouvert à la
critique, qui résonne comme l’air du temps.
CHANGEMENTS DE TEMPS
Ces approches critiques prennent place dans un monde toujours lézardé par
la guerre froide, mais plus complexe, moins dichotomique. Le paysage
géopolitique est parsemé d’anfractuosités, brèches taillées dans la coexistence
pacifique, failles qui rejouent et trouent le relief du conflit Ouest-Est. Quoique
l’on en pense, la Chine du « Grand Timonier » fascine. De la « Révolution
culturelle » entamée en 1966, on n’entend en Occident que des échos forcément
lointains et forcément déformés : jeunes gardes rouges qui châtient les
bureaucrates vieillissants, démocratie inspirée de la Commune de Paris, pièces
de théâtre populaire montées en plein air, puissance des comités
révolutionnaires. On ne sait rien alors de ses victimes, ni de la remise en ordre,
ni des déportés. Domine encore une certaine « perception libertaire de la
Chine », célébrée par les militant(e)s maoïstes comme un « printemps des
peuples » renouvelé. En mai 1967, Mao Tse Toung assure vouloir bannir les
invectives, les coups de poing et les armes, et choisir contre la violence la
discussion, l’autocritique et le raisonnement. Il dit même compter sur les
femmes, cette « moitié du ciel ». Des intellectuels en reviennent séduits : André
Malraux, Alain Peyrefitte, Benny Lévy… Les tensions entre la Chine populaire
et l’URSS intensifient la critique envers l’Union soviétique 11.
À l’autre bout du monde, la révolution s’expérimente pas à pas, à Cuba. En
janvier 1966, la « Tricontinentale » réunie à La Havane pose les piliers d’une
solidarité entre les peuples d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. En juillet de
l’an suivant est fondée l’Organisation latino-américaine de solidarité, l’OLAS.
En Bolivie, Ernesto Guevara mène un combat de guérilla et en appelle à
l’extension des insurrections. Un jeune philosophe français, Régis Debray, part à
Cuba puis suit Guevara en Bolivie, soucieux de mettre en cohérence l’action et
l’espérance de révolution. Mais Debray est emprisonné et torturé, alors que le
« Che » est abattu par l’armée bolivienne. La photographie de son corps
supplicié fait penser au Christ mort d’Andrea Mantegna ; les images de Guevara
deviennent vite iconiques.
Comme celles qui viennent du Vietnam. Le 10 mai 1967, le « Tribunal
Russell » a tranché : lors du procès informel initié par les philosophes Bertrand
Russell et Jean-Paul Sartre, à Stockholm, les États-Unis sont déclarés coupables
de crimes de guerre d’une ampleur telle qu’ils revêtent le « caractère de crimes
contre l’humanité ». Au même moment, la pièce V comme Vietnam du
dramaturge Armand Gatti est créée à Paris puis voyage partout dans le monde,
du Canada à l’Italie et du Japon à la Turquie : pour Gatti, « l’humanité entière
fait aujourd’hui partie de chacune de ses rizières 12 ».
À l’abri des grands conflits mais touchée par leurs ricochets, l’Europe
occidentale se prépare pour sa part au Marché commun et à l’ouverture des
frontières. Aux niveaux nationaux, les économies doivent se restructurer afin de
rester concurrentielles face à la compétition étrangère. Ces économies sont
fragiles. Certes, les taux de croissance connaissent des degrés élevés : plus de 5
% en RFA, en France et en Italie, loin néanmoins des 10 % japonais, mais
dépassant les 3 % des États-Unis. Pourtant, les années 1966-1968 connaissent
un retournement de conjoncture : le secrétaire général de la CFDT, Eugène
Descamps, déclare sur Europe no 1 le 3 mai 1968 : « Nous connaissons
actuellement une crise économique. » La production industrielle ralentit à
compter de 1966 et ce ralentissement s’accentue l’année suivante ; les
économistes de l’INSEE parlent d’un arrêt de l’expansion qui ne cesse de
« s’aggraver » 13. Au même moment, après le Japon, l’Allemagne de l’Ouest
connaît une récession tandis que le Royaume-Uni dévalue la livre sterling.
L’année 1967 constitue le pivot d’un changement de tendance et la fin de la
croissance. Le ministre de l’Économie, Michel Debré, juge la situation de
l’emploi préoccupante tandis que l’Élysée commence à évoquer un « malaise
général dans les milieux économiques et financiers » 14.
Ces tensions trouvent leurs déclinaisons selon les secteurs et les régions.
L’économiste Jacques Rueff brosse un tableau assez sombre : « La situation de
l’ensemble de l’économie française n’a pas été bonne au cours de l’année
1967 » ; c’est aussi « l’une des plus mauvaises que nous ayons connue pour
l’industrie textile », en raison d’une véritable « dépression » des marchés
intérieurs et extérieurs. À son orée, 1968 apparaît comme une « date fatidique »,
avec la réalisation intégrale de la Communauté économique européenne et
l’application des « accords Kennedy » qui abaissent fortement les droits de
douane, notamment pour les produits textiles. Les industries sidérurgiques sont
aussi en difficulté. La compétition internationale apparaît redoutable et la bataille
commerciale fait rage. Il faut comprimer les prix de revient et accroître la
productivité à marche forcée. En Lorraine, tout le bassin ferrifère souffre de cette
récession. Les Renseignements généraux (RG) jugent la situation très
préoccupante, tant l’inquiétude est grande chez les cadres comme chez les
ouvrier(e)s. À Longwy, fin 1967, les moins de 25 ans représentent désormais 50
% des demandeurs d’emploi, contre 25 % deux ans auparavant. Le patronat
prévoit pour 1968 « une année pour le moins difficile » ; le climat socio-
économique de certaines petites villes, comme Lunéville, est jugé « très
grave » 15.
Dans le Nord, l’état de l’emploi est également alarmant. Des usines ferment,
des puits de mines licencient ; en un an, le nombre de demandeurs d’emploi a
doublé et, parmi eux, plus de 40 % ont moins de 25 ans. Dans la région de
Fourmies, un cahier de revendications présenté le 1er mai 1968 souligne que la
situation est « dramatique et angoissante pour les jeunes qui à l’école n’avaient
pas appris à conjuguer le verbe “chômer” ». Avec les réductions d’horaires non
compensées, les licenciements et mises à pied, elle est jugée d’une
« exceptionnelle gravité » 16. Dans la Loire, les associations patronales ne sont
pas plus rassurantes : elles dépeignent une « crise indéniable » pour l’industrie
métallurgique confrontée à une concurrence acharnée : fusils de chasse
espagnols, bicyclettes hongroises, forge allemande, mécanique italienne,
outillage agricole tchécoslovaque… Mais le textile y est aussi affaibli. Autour de
Roanne, région bonnetière, l’industrie de la maille ne parvient plus à faire face :
les articles étrangers viennent de Hong Kong, du Japon et d’Europe de l’Est,
mais surtout d’Italie. Là aussi, des usines disparaissent, comme l’entreprise
Araud de Firminy ou, à Roanne, les « tricots Chasco » connus depuis des
décennies. Lorsque, au début de l’année 1968, les établissements Goutte de
Panissières, qui fabriquaient des corsets à façon, ferment leurs portes, les
ouvrières restent « sur le carreau » ; seuls quelques hommes parviennent à se
placer, loin cependant de leur métier : quelques-uns vont fabriquer des
remorques de camping, un autre est embauché dans la salaison en gros 17…
Ces grands bastions industriels ne sont pas seuls touchés. En Auvergne, les
RG évoquent un état de l’emploi particulièrement dégradé : « Une telle situation
ne s’était pas vue depuis plus de dix ans. » « Crise et licenciements collectifs »
titre, dans l’Ouest, Presse Océan. En Loire-Atlantique, plusieurs milliers
d’emplois sont supprimés en quelques années : dans les chantiers navals, chez
Say, Lu, Cassegrain et bien d’autres encore. Ailleurs, c’est le dépeuplement que
l’on craint. Un exemple en est donné à Céret, dans les Pyrénées : sur quelque
cinquante jeunes hommes libérés du service militaire, trois seulement comptent
rester ; faute de débouchés, les autres partiront pour la grande ville, Perpignan ou
même Toulouse et Montpellier, ou bien quitteront la région 18. On l’a un peu vite
oublié mais Pierre Viansson-Ponté, dans son article à forte postérité, ne parle pas
que de « l’ennui » ; il écrit aussi : « Quant aux jeunes ouvriers, ils cherchent du
travail et n’en trouvent pas. »
Les salaires sont de surcroît faibles dans de nombreux secteurs. Le volant de
chômeurs, estimé entre 400 000 et 500 000, pèse d’ailleurs sur les rémunérations
des travailleurs et les tire vers le bas. Entre 1964 et 1967, les salaires réels ne
progressent plus que de 3 % par an, contre 5 % durant la période antérieure.
Cette moyenne cache non seulement des disparités, mais une recrudescence
d’inégalités. Plus de 5 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté et
2 millions de salariés gagnent moins de 500 francs par mois – soit l’équivalent
de 750 euros 19. Dans un discours prononcé à Brive le 2 mars 1968, François
Mitterrand se lance dans une diatribe sur le sujet :
C’est d’ailleurs dans le monde agricole que les protestations sont les plus
virulentes, tout au long des années 1960. Le Midi viticole est traversé de
mouvements paysans : avec l’entrée dans le Marché commun, les cours du vin
s’effondrent. L’Ouest, surtout, connaît des contestations imposantes ; ici, les
éleveurs sont les plus mobilisés. Les syndicats ne reculent pas devant l’action
directe, avec cette particularité qu’ils s’associent au mouvement ouvrier. Le
19 février 1964, près de 80 000 personnes manifestent à Nantes « pour le droit à
la vie, pour l’avenir des jeunes, pour du travail pour tous » à l’appel de la CGT,
de syndicats enseignants et de la Fédération départementale des syndicats
d’exploitants agricoles (FDSEA). Un an plus tard, le 8 avril 1965, c’est cette fois
à Paris que, par dizaines de milliers, des manifestants scandent le slogan
« L’Ouest veut vivre », avec cette même alliance paysans-ouvriers-enseignants.
Les tensions s’intensifient au fil des années et les rassemblements se font plus
violents. En décembre 1966, la mairie de Morlaix est mise à sac par des
aviculteurs. Le 29 juin 1967, à Redon, la sous-préfecture d’Ille-et-Vilaine est
visée par les paysans en colère. Dans le Finistère, à Quimper, le 2 octobre, la
manifestation tourne à la révolte, d’aucuns diront à l’émeute : la permanence
d’un député de la majorité est saccagée et les manifestants veulent prendre
d’assaut la préfecture. Rues dépavées, vitrines brisées, poteaux indicateurs
arrachés, voiture d’un notable brûlée : les affrontements sont très durs. Parmi les
cris et les slogans, on entend : « Nous ne voulons pas deux Europe, celle des
riches et celle des pauvres. » Au Mans, le 26 octobre, des barricades sont
dressées, des arbres abattus et des voitures incendiées. La contestation s’étend :
dans la Creuse, en ce même mois d’octobre rouge tant les mouvements sont
violents, des agriculteurs dressent des barrages routiers. La Fédération nationale
des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) ne récuse pas ces actions, elle ne
les invalide pas mais tente d’expliquer l’exaspération : « Les paysans qui
manifestent leur colère et leur désespoir ne sont pas ces “arriérés” dont on ose
parfois parler. Ils ont investi, modernisé, fait de lourds sacrifices d’argent et de
travail. » Là aussi, la productivité a augmenté, mais les paysans n’en ont pas
récolté les fruits et même, pour beaucoup, se sont appauvris 23. On ne s’étonnera
donc pas des actions communes menées par la FNSEA et la CGT, tant les
questions de l’emploi et du niveau de vie sont pareillement ciblées. Cette
solidarité active passe par une nouvelle journée d’action organisée en commun,
le 13 décembre 1967.
L’année 1967 est émaillée de conflits importants, dans le monde paysan
mais aussi dans certaines usines où les ouvrier(e)s se lancent dans des conflits
majeurs. Ils rappellent, par les effets de solidarité, la grève des mineurs. Quatre
ans plus tôt, en 1963, ce grand mouvement avait reçu le soutien de l’opinion et
l’aide de bien des étudiants, par des collectes, des comités de défense et des
rassemblements – comme celui qui avait regroupé 2 000 manifestants au
Quartier latin. Cette entraide se retrouve durant la grande grève de la Rhodiaceta,
en février et mars 1967. Filiale de Rhône-Poulenc SA spécialisée dans la
production de Tergal et de Nylon, l’usine de Besançon, forte d’environ 3
000 ouvrières et ouvriers, est alors occupée ; une trentaine d’étudiants apportent
leur soutien pratique et physique sur les piquets, après l’annonce de nombreuses
suppressions d’emplois. L’UNEF organise des quêtes et participe aux
rassemblements, tandis que les grévistes viennent expliquer le mouvement à
l’université. Les salariés ont vu comme une provocation la comptabilité des jours
chômés comme jours de congé, lors des baisses de la production. La grève
commence sur le site de Besançon mais s’étend telle une traînée de poudre :
d’abord à Vaise, le site principal du groupe basé à Lyon, mais encore à Saint-
Fons et Péage-de-Roussillon. La CFDT insiste sur les conditions de travail : les
ouvriers sont « des hommes, pas des robots » : la force de la grève est résumée
dans ces mots. La CGT, de son côté, met l’accent sur les salaires jugés
insuffisants. L’occupation trouve un écho à l’échelle du pays tout entier. Des
artistes viennent soutenir les grévistes. Colette Magny compose pour « la
Rhodiameta » – un nom transformé le temps de la chanson, comme « Pol-
Rhoulenc », « trust de la chimie » ; certes, « le bagne, c’est fini »
Chris Marker, qui a tourné à « la Rhodia », intitule son film À bientôt, j’espère :
ce sont les termes employés par un jeune ouvrier, Georges Maurivard, pleins
d’ironie à l’adresse du patronat et pleins d’espoir pour d’autres combats. Avec le
recul, ils apparaissent prémonitoires : une invitation en tout cas 24.
La mobilisation de la Rhodiaceta marque les esprits ; elle est aussi
médiatisée. La longue grève d’un mois, en avril, dans les mines de fer en
Lorraine trouve moins de relais ; elle n’en reste pas moins singulièrement
puissante, par un blocage quasi total et une paralysie de l’extraction durant trente
jours. En avril 1967, la lutte des ouvriers sur les chantiers navals de Saint-
Nazaire est quant à elle spectaculaire : des milliers de personnes manifestent
dans la ville en signe de solidarité ; plusieurs tonnes de poissons sont livrées aux
familles des grévistes et, le 9 avril, les coiffeurs rasent vraiment « gratis » 25.
En France hexagonale, les médias évoquent moins encore la situation
pourtant très tendue en Guadeloupe. À Basse-Terre, le 20 mars 1967, un
Européen, propriétaire d’un grand magasin, lâche son berger allemand sur un
vieux cordonnier infirme et excite son chien par un « Dis bonjour au nègre ! ».
Cette agression raciste est suivie de jours de colère, de manifestations et de
grèves ouvrières. La répression policière de la révolte fait de nombreux morts –
on en ignore encore le nombre exact, peut-être plus de quatre-vingts – et une
centaine de blessés. Des centaines de personnes sont arrêtées et certaines
condamnées à de la prison. Aux Antilles, ce « Mé 67 » restera longtemps un
traumatisme, trop oublié 26.
PROTAGONISMES
CHAPITRE I
Soyons tout
MISE EN MARCHE
Surtout, un rapprochement social est très tôt esquissé, pour des raisons
pratiques et politiques. Le 5 mai, les comités de défense contre la répression
convient à « briser le mur des calomnies » brandies contre les étudiants. C’est
une façon de ne pas se couper de la population : « La presse veut que les masses
populaires ne comprennent pas notre révolte, qu’elles laissent s’abattre la
répression. » Il faut non seulement trouver des appuis, mais encore créer des
convergences : l’unité des travailleurs doit s’opérer face à la répression 6. Un peu
plus tard, des banderoles portées en cortège de la Sorbonne à Billancourt
porteront l’inscription : « Les ouvriers reprendront des mains fragiles des
étudiants le drapeau de la lutte. » Les mains fragiles : l’expression dit
l’importance décisive de ne pas rester isolés. Éloignés d’un monde ouvrier qui
garde le prestige de sa force et de ses luttes passées, les étudiants se savent
moins puissants. D’où cette obsession de la jonction : un travail de conviction est
mené pied à pied pour persuader que les étudiants ne sont pas d’abord des « fils
et filles à papa » arc-boutés sur leurs droits.
Le mouvement du 22-Mars s’adresse donc aux ouvriers, pour leur rappeler la
composition sociale de l’Université mais aussi dépasser l’enjeu sociologique et
poser des questions politiques : « Nous refusons d’être des érudits coupés de la
réalité sociale. Nous refusons d’être utilisés au profit de la classe dirigeante.
Nous voulons supprimer la séparation entre travail d’exécution et travail de
réflexion et d’organisation. Nous voulons construire une société sans classe, le
sens de votre lutte est le même. » Daniel Cohn-Bendit le formule autrement le
9 mai, dans un reportage télévisé : « des étudiants refusent la fonction qui leur
est assignée par la société, c’est-à-dire qu’ils refusent de devenir les futurs
cadres de la société qui exploiteront plus tard la classe ouvrière et la
paysannerie » 7.
Ces tentatives de convergence s’appliquent en pratique. À Nancy, dans les
facultés de lettres et de droit, le Comité de soutien aux travailleurs en lutte est
réactivé ; il avait été fondé quelques mois plus tôt, par réciprocité : la CFDT
avait appuyé les étudiants sur la mixité des résidences universitaires et, lors de
grèves, les étudiants s’étaient montrés solidaires. À Nantes, la section locale de
l’UNEF en appelle à l’unité travailleurs-étudiants, parce que « les CRS sont les
mêmes à Paris, Quimper, Redon et Caen ». Au même moment à Nanterre, un
tract compare la répression à celle qu’ont subie quelques mois auparavant les
ouvriers de Caen, Redon, Mulhouse et Le Mans. La mobilisation ne saurait donc
être celle des seuls étudiants : « car la matraque policière ne distingue pas les
têtes d’étudiants des têtes d’ouvriers ». L’argument, propice aux alliances par-
delà les différences, est pragmatique. Il vise aussi à bousculer les identités ; c’est
dans ce même tract qu’on lit : les étudiants « refusent de devenir les chiens de
garde de la bourgeoisie » 8.
Très tôt, les comités d’action constitués début mai s’attellent à démontrer
que l’enseignement tel qu’il est cimente la hiérarchie sociale : les étudiants sont
préparés à devenir des cadres, dont la fonction d’exploitation n’est pas absente.
Une majorité constituerait « des “couches-tampons” entre la classe dominante et
le prolétariat, couches destinées à gérer un ordre social qu’ils ne peuvent
critiquer 9 ». À la faculté de Censier, un comité très actif, composé d’étudiants
mais aussi de jeunes salariés, affirme très tôt qu’« il n’y a plus de problème
étudiant ». Il faut entendre par là une volonté farouche de décloisonnement, le
souhait résolu de ne pas défendre une identité séparée :
L’étudiant ne demeure qu’à une condition : c’est que tout le monde puisse
étudier.
Étudiantes et étudiants sont présents sur les piquets de grève ; des ouvriers se
rendent dans les universités occupées, souvent proclamées d’ailleurs « ouvertes
aux travailleurs ». Les RG décrivent la faculté des lettres de Rouen où non
seulement des lycéennes et lycéens, mais encore de jeunes ouvriers venus de
Duclair, d’Elbeuf ou de Barentin « ont quasiment élu domicile », montent la
garde de nuit et vont collecter vivres et argent le jour durant. C’est le cas aussi à
Toulouse, où le Comité de liaison étudiants-ouvriers-paysans se retrouve à
l’université et sur les piquets, et s’occupe de chercher du ravitaillement dans les
campagnes. À Strasbourg, des délégations ouvrières viennent à l’université
décrire leur lutte et leurs revendications. À Paris, de jeunes métallos de Renault
vont discuter à la Sorbonne tandis que « les militants cédétistes de l’usine
Rhône-Poulenc de Vitry tiennent leurs réunions à Censier » 17. À Oignies dans le
Pas-de-Calais, la section CGT évoque « l’honneur de ne jamais oublier » le
soutien apporté par les étudiants à la grève des mineurs, en 1963 18.
En somme, Billancourt est un arbre imposant mais, au-delà, il existe une
forêt d’initiatives, de réunions et de discussions entre travailleurs et étudiants.
Tel, à Épinal, ce « dialogue passionnant entre les Comités d’action lycéens
(CAL) et les syndicalistes » décrit par La Liberté de l’Est, où élèves et salariés
mettent en commun leur refus de la ségrégation et de la « prédestination
sociale ». Telles encore ces retrouvailles à Paris entre étudiants et ouvriers
d’Hispano-Suiza et de Renault, qui réfléchissent à ce que serait une société
libérée de l’exploitation : « Peut-on imaginer une société d’hommes libres, libres
à partir de 6 heures du soir, s’ils travaillent à la chaîne neuf heures par jour ?
C’est avant qu’il faut faire marcher notre imagination. » Ou bien encore cette
réunion publique à Rouen, organisée par le comité de grève des étudiantes et
étudiants : 1 500 personnes s’y retrouvent – 800 étudiants et 500 ouvriers
d’après les RG – pour partager impressions de lutte et projets de société. Le soir,
la faculté des lettres de Mont-Saint-Aignan est même gardée par des ouvriers des
Chantiers de Normandie, car les occupants craignent une intervention de
l’organisation d’extrême droite Occident. Sur les piquets et dans les espaces
occupés, la solidarité n’est donc pas à sens unique et s’ancre au contraire dans la
réciprocité 19.
L’importance de ces liens étudiants-travailleurs ne s’éclaire pas seulement
par le rôle attribué à la classe ouvrière d’un point de vue marxiste et
révolutionnaire. La volonté passionnée d’ébranler la division sociale du travail
s’explique aussi par tout ce qu’il y a à y gagner : ne plus se sentir assigné(e) à
une fonction et une seule, ne plus s’enfermer dans un travail qui serait
uniquement intellectuel ou manuel, mettre en cause ce clivage même, s’enrichir
de la diversité. C’est ce qu’explique Jacques Benveniste, chef de clinique à la
faculté de médecine de Paris : le contact avec celles et ceux qui travaillent de
leurs mains peut empêcher l’Université de devenir « un corps technocratique
stérile et vide de sens 20 ».
Lors de ces rencontres, les participants se demandent comment lever les
obstacles à la séparation des sphères, comment rapprocher deux univers jusque-
là éloignés. Loin d’être chimériques, les hypothèses sont pragmatiques. À
Nantes, l’ouverture des restaurants et des cités universitaires aux jeunes
travailleurs est envisagée : la perspective est élémentaire mais se dote d’un
caractère offensif en visant « l’éclatement du cloisonnement social actuel ». Une
solidarité s’établit avec le personnel de ces restaurants et cités, tout comme à
Tours où l’assemblée générale de l’université réunie le 15 mai décrit, en leur
présence, les conditions de travail que connaissent les agents. Des collectes se
mettent en place rapidement. Dans l’École nationale des beaux-arts de Paris
(ENSBA) occupée, des affiches informent que les grévistes habitant les
bidonvilles de Champigny connaissent une véritable pénurie : il faut les aider
d’urgence. Le comité de grève installé à Censier appelle à l’aide pour les
grévistes de Meudon, dont certains ne peuvent plus payer leur loyer et risquent
d’être expulsés. À Aix-en-Provence, un comité de solidarité organise des quêtes
en ville et distribue des vivres aux familles de grévistes, surtout aux manœuvres
du bâtiment, les plus éprouvés 21.
Le mouvement porte l’idée d’universités ouvertes à tous, lieux d’éducation
populaire qui ne seraient pas réservés à une minorité. Au Centre de sociologie
européenne, dont Pierre Bourdieu est le directeur adjoint, les mécanismes de
sélection et de relégation des classes populaires sont précisément analysés,
associés qu’ils sont d’après les contestataires à la « conservation sociale du
système scolaire ». Partant, il s’agit de réfléchir en pratique à des alternatives
réelles. Les élèves de différentes grandes écoles de Nancy (Mines, Industries
chimiques, Mécanique, Agronomie, Géologie et Brasserie) soutiennent que, pour
abolir « le handicap » supporté par un fils ou une fille d’ouvriers arrivant dans
l’enseignement supérieur, il faut supprimer de l’évaluation toute référence à
l’« aisance » supposée des classes privilégiées. À Clermont-Ferrand, on projette
la mise en place de rattrapages accélérés. À Poitiers, la commission « Université
et Société » songe à une « contre-presse » établie collectivement. À Nanterre, la
commission « Culture et Contestation » imagine des travaux de groupes qui
permettraient la création et la libre expression, la conception de scénarios en
commun, la pratique collective du théâtre, des week-ends et des vacances
réunissant travailleurs et étudiants 22.
« Katangais » et « trimards » sont au fond l’incarnation des jeunes ouvriers
qui occupent les universités avec les étudiants et traduisent cette cohabitation
nouvelle, ni toujours simple ni dénuée de tensions. Les premiers sont présents à
la Sorbonne et à l’Odéon, les seconds sont actifs à Lyon. Des éducateurs les
décrivent comme des « sous-prolétaires », parfois membres de bandes de
quartier, et dépeignent les liens noués avec les étudiants dans la solidarité des
bagarres frontales avec des mouvements d’extrême droite comme Occident. Ces
jeunes s’occupent du service d’ordre, le « comité d’intervention rapide »
constitué avec les étudiants à la Sorbonne. L’un d’eux, Jackie, raconte avoir été
mercenaire dans le Katanga congolais, d’où leur surnom. Mais leurs pratiques
combatives hors de tout contrôle conduisent les étudiants à s’interroger sur la
pertinence de la violence. Les « Katangais » sont d’ailleurs finalement expulsés
de la Sorbonne et les « trimards » lyonnais, à la demande d’un professeur qui les
aurait « engagés », auraient contribué à leur faire quitter les lieux. Les forces de
l’ordre se soucient spécialement de ces « Katangais » ; elles s’interrogent sur
leur capacité insurrectionnelle et insistent sur les émeutes qu’ils pourraient
fomenter à Bordeaux, Strasbourg, Marseille et Caen notamment. Les policiers
s’inquiètent d’autant qu’en interrogeant un « chef de bande », « Lucien le
Katangais », ils constatent qu’il est né à Shanghai et y voient, à tort, une
subversion possible d’éléments « prochinois » 23.
Des films sont projetés, qui ouvrent à d’autres discussions : un film sur la
Commune à Saint-Étienne, pour plonger dans l’histoire, affûter les armes de la
grève et affermir la mobilisation ; La Grève des mineurs de Decazeville en 1963,
pour un passé plus récent, une projection organisée à Poitiers par le comité
Luttes ouvrières-Luttes étudiantes ; ou bien encore Les Inconnus sur la terre, sur
les problèmes paysans dans le département déshérité de la Lozère – le débat a
lieu dans une usine métallurgique à Rive-de-Gier 24.
C’est aussi pourquoi les jeunes paysans sont à la tête des réseaux d’entraide et de
ravitaillement. Dans le Calvados, le Comité régional des jeunes agriculteurs fait
livrer plusieurs centaines de litres de lait en berlingots aux ouvriers en grève de
la SAVIEM à Blainville-sur-Orne, à la Sonormel et chez Jaeger à Caen – sans
d’ailleurs en référer à leurs aînés, mis devant le fait accompli une fois le lait
livré. En Bretagne, les collectes se mènent « sans faire pression sur les
fermiers », relèvent les gendarmes chargés de les surveiller. Les laiteries de
Plancoët et de Créhen livrent gratuitement aux grévistes de Dinan plus de
600 litres de lait et des dizaines de kilos de fromage et de beurre. En Mayenne,
les agriculteurs reçoivent, en échange des denrées, des bons de soutien aux
grévistes. À Bordeaux, les relations des étudiants avec les syndicats ruraux
permettent l’activation de distributions, sous forme de dons ou de ventes à très
bas prix. Certains syndicats agricoles insistent pour livrer aux grévistes leurs
produits à prix coûtant, non seulement pour les soutenir dans leur lutte, mais
aussi avec un autre but : les informer de la réalité des prix, lorsque les
distributeurs, grandes surfaces et autres intermédiaires n’entrent pas dans le
circuit 30.
Évidemment, tout n’est pas lisse : un certain nombre d’agriculteurs sont
hostiles au mouvement. Certains, dirigeants syndicaux et paysans, sont parfois
effrayés par les événements. La « peur du rouge » resurgit et les rejets font aussi
loi à certains endroits. Dans le nord du Finistère, aux grévistes venus leur
demander des légumes, des paysans rétorquent : « Vous aurez à manger quand
vous aurez repris le travail » 31.
Parmi les collectes réalisées, certaines sont consacrées à aider les travailleurs
étrangers et leurs familles, parmi les plus précaires et les plus mal logées. Ici
aussi, la solidarité s’organise. À Paris, le comité d’action du 14e arrondissement
ravitaille les foyers du quartier et aide les familles nord-africaines en priorité.
Des comités d’action privilégient l’aide alimentaire aux bidonvilles, comme
c’est le cas à Nanterre. À la faculté de droit d’Assas, une commission « Luttes
ouvrières » met en place un comité d’alphabétisation pour les travailleurs
étrangers. Des documents informent sur les foyers de travailleurs ou les centres
d’hébergement, tels ceux de Citroën où les ouvriers s’entassent à quatorze ou
quinze dans des deux-pièces aux loyers élevés. Les étudiants étrangers jouent un
rôle actif dans ces rencontres – une quarantaine d’étudiants portugais participent
aux meetings à Montreuil, Ivry et Saint-Denis 32.
L’internationalisme, dont on mesurera mieux plus loin l’ampleur et
l’activité, se traduit par un principe d’égalité. Le journal maoïste La Cause du
peuple revendique la nationalité française pour tous les immigrants,
immédiatement, collectivement et sans condition : celle ou celui qui travaille ici
est d’ici. À Toulouse, le mouvement du 25-Avril avance le slogan « Nous
sommes tous des étrangers. » Il rappelle que l’écrasante majorité des étrangers
présents sur le sol français y travaillent dans les emplois les plus ingrats et sont,
en quelque sorte, surexploités – François Cusset pourra parler de « prolétaires au
carré ». Contre le racisme et les ségrégations, il s’agit de rappeler une tradition
du mouvement ouvrier. À la Sorbonne, une affiche proclame : « Pour la
première fois, les étrangers sont chez eux en France. » Certains comités d’action
et de quartier réclament l’abolition du statut des étrangers, les mêmes droits et
les mêmes libertés, en se référant à la Commune de Paris, à son ministre du
Travail, l’ouvrier hongrois Frankel, et à son chef militaire, l’ouvrier polonais
Dombrowski. Dans cette perspective révolutionnaire, le « concept de nationalité
[apparaît] profondément réactionnaire » 33.
Malgré les risques de répression et d’expulsion, bon nombre de travailleuses
et travailleurs qui n’ont pas la nationalité française non seulement participent
aux grèves et aux manifestations mais encore, en certains endroits, s’organisent
comme tels pour défendre leurs droits. La population active étrangère est
majoritairement ouvrière : à plus de 70 %, dont plus de la moitié est constituée
de travailleurs non qualifiés. Un ouvrier sur sept en 1968 est originaire
d’Algérie 34. À Billancourt, des ouvriers algériens, portugais et espagnols, très
mobilisés, dressent dans une plate-forme commune la liste de leurs
revendications : suppression des contrats provisoires, rejet des discriminations
dans l’emploi ou les promotions, juste distribution du logement, carte de travail
unique valable pour toutes les professions, droit de vote et éligibilité pour la
désignation des délégués du personnel, versement des allocations aux familles
qui ne vivent pas en France, programme d’alphabétisation. Localement, la CGT
s’oppose à une telle démarche, mais la CFDT soutient cette « plate-forme de
combat des ouvriers immigrés » 35. Un comité des étrangers est créé à la faculté
de Censier : il dénonce les bidonvilles, les chambres misérables aux « loyers
exorbitants », « l’exploitation éhontée des travailleurs étrangers » et réclame un
salaire égal pour un travail égal, des libertés syndicales, la liberté d’action
politique et d’association, la fin des contrôles policiers 36. Ce soutien va au-delà
de l’aide matérielle : il s’appuie sur une solidarité où les frontières ne sont pas de
mise.
Après la nuit des 10 au 11 mai, après les immenses cortèges du 13, le 24 mai
est une autre de ces grandes « journées ». Elle résulte de deux enjeux venus
s’entrecroiser : les agriculteurs avaient d’ores et déjà prévu de manifester ; leur
protestation rencontre celle d’autres manifestants, jeunes ouvriers et étudiants,
indignés par l’interdiction de séjour qui s’abat sur Daniel Cohn-Bendit. Depuis
deux jours, l’indignation va crescendo et trouve son acmé le 24 mai.
La FNSEA appelle ce jour-là à une mobilisation nationale contre la baisse
des prix de la viande et du lait ; on compte dans toute la France environ
200 000 manifestants. À Nantes, les agriculteurs jouent un rôle majeur : des
tracteurs entrent dans la ville. Des protestataires brandissent une banderole dont
le ton est clair : « Non au régime capitaliste, oui à la révolution complète de la
société ». À Rennes, la manifestation rassemble près de 10 000 personnes et se
termine par des tensions : des cultivateurs lancent des bouteilles de lait sur les
grilles de la préfecture, des étudiants jettent des pierres et brisent quelques vitres.
Les agriculteurs présents s’engagent à verser en faveur du comité de grève
ouvrier deux centimes par kilo de pommes de terre vendu. À Paimpol, les rues
de la ville sont marquées de fourches et de tridents tracés à la peinture blanche
sur le sol ; les commerçants ferment leurs boutiques, par crainte ou par solidarité
avec les paysans et ouvriers. À La Ciotat, une vingtaine de tracteurs défilent
dans la ville tandis que, dans la Creuse, les salariés de plusieurs usines
déclenchent une grève en soutien aux paysans mobilisés 37.
Cette forte journée se prolonge jusqu’au lendemain, au petit matin, après des
affrontements en certains endroits acharnés. À Lyon, de nombreux ouvriers,
techniciens et employés se sont joints aux étudiants : ils sont tourneur, carrossier,
ajusteur, bobinier, ou encore monteur, polisseur et chaudronnier, repousseur sur
métaux, éboueur, comptable et agent d’assurances… Parmi les manifestants
arrêtés figurent onze Algériens dont quatre ouvriers spécialisés, un conducteur
de machines, un plombier-zingueur et un pontonnier, deux manœuvres tunisiens,
huit Portugais dont quatre maçons, deux soudeurs, un OS et un plongeur de
restaurant, et deux Italiens, un plâtrier et un plombier. Cette « nuit des
barricades » lyonnaise s’achève, tragiquement, par la mort du commissaire René
Lacroix, un épisode sur lequel on reviendra 38.
À Paris, la confrontation avec les forces de l’ordre dure aussi toute la nuit.
Les fiches dressées par la police confirment la diversité sociologique des
personnes interpellées et, par là, une solidarité dans ces affrontements – qui sont
très loin de concerner seulement les étudiants. Quatre-vingt-quinze ouvriers (il
s’agit d’hommes exclusivement) figurent parmi les manifestants arrêtés.
Beaucoup sont OS dans la mécanique et la métallurgie ; le plus jeune a 17 ans et
le plus âgé 34, mais la majorité a entre 18 et 24 ans. On peut aussi dénombrer
soixante techniciens, du monteur en téléphone au laborantin, du machiniste au
frigoriste, du sérigraphe au câbleur électronicien, de l’imprimeur au prothésiste ;
une seule femme appartient à cette catégorie, une aide-physicienne de 27 ans.
Les femmes sont un peu plus nombreuses, comme on pouvait l’imaginer, parmi
les cinquante-cinq employés interpellés : six secrétaires et sténodactylos, auprès
d’une employée des impôts et d’une caissière « chez Dior ». Les soixante-huit
vendeurs, vendeuses et artisans qui comptent parmi les personnes arrêtées ont
des emplois également divers : on y trouve un cordonnier, un fleuriste, des
coiffeuses et coiffeurs, un peaussier, mais aussi un disquaire, un vendeur de
magnétophones, une décoratrice étalagiste, plusieurs menuisiers, bouchers et
charcutiers. Dans les professions des transports et services, un groupe de
soixante personnes, se trouvent plusieurs garçons de café et barmans, un groom
dans un hôtel prestigieux, des coursiers, un laveur de carreaux, un livreur de
journaux et aussi – les fiches sont parfois très précises… – un distributeur de
cartons de publicité pour lessives. Auprès d’une vingtaine d’enseignants et
enseignantes et de dix ingénieurs, on recense enfin cinq médecins, un paysagiste
et un géomètre, trente-trois artistes, comédiens, écrivains, compositeurs et
réalisateurs. Vingt-deux nationalités sont représentées – signe, une fois encore,
d’une solidarité qui dépasse les appartenances nationales 39. Un jeune homme de
26 ans, Philippe Mathérion, trouve la mort cette nuit-là à cause d’un éclat de
grenade offensive tirée par des policiers – mais sa mort est passée sous silence,
éclipsée par le décès du commissaire Lacroix.
Début juin, tandis que montent davantage encore les tensions, les dispositifs
pour soutenir les ouvriers sur les piquets s’étendent et se consolident. Le 3 juin,
une réunion se tient sur ce sujet dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne ;
Alain Geismar y annonce la création d’un centre destiné à fédérer les groupes
d’autodéfense. Il s’agit de coordonner les interventions chaque fois que les
services de police tenteront d’évacuer les piquets de grève. Le lendemain, un
policier, François D., décrit le fonctionnement de ces comités d’action : ils
regroupent différentes tendances politiques (mouvement du 22-Mars, maoïstes,
trotskistes, communistes, syndicalistes), s’organisent par districts à Paris et en
banlieue, avec des responsables locaux par arrondissements et communes. Ils
forment des « commandos d’intervention » prêts à soutenir les grévistes et
renforcer les piquets de grève au premier appel 40. Et cet appel est entendu deux
jours plus tard, à Flins.
CORTÈGE D’ANXIÉTÉS
Le 13 mai impulse une dynamique décisive, même si, pour les directions
syndicales nationales, elle devrait se cantonner à une journée – ce que l’on
nomme une « grève carrée ». Les taux de grévistes sont impressionnants et
exceptionnels. Dans les secteurs nationalisés et parapublics, ils ne sont pas
inférieurs à 45 % et atteignent souvent 60 % (à la SNCF et dans les houillères)
voire 80 % (à EDF-GDF). Dans le public, ils sont tout aussi élevés : 60 % dans
les PTT, 75 % parmi les employés de la Sécurité sociale et jusqu’à 80 % dans
l’enseignement. Dans certaines usines, qui par le passé avaient connu de rudes
conflits comme Rhodiaceta, la grève est d’emblée totale. Dans le département de
la Loire, elle est suivie à 80 % dans le textile, 86 % dans l’enseignement, 96 %
dans la métallurgie et même 100 % dans la verrerie. Dans le Puy-de-Dôme, la
Manufacture de tabacs de la Seita à Riom compte 90 % de grévistes, les
entreprises métallurgiques Ducellier et Cegedur à Issoire jusqu’à 96 %. Il est
aussi beaucoup de « premières fois ». Les Renseignements généraux ne
manquent pas de les relever : aux forges d’Haironville dans la Meuse, « c’est la
première fois qu’un mouvement de grève est suivi par les ouvriers » ; dans le
même département, « pour la première fois », un mouvement de grève a été suivi
à 80 % par le personnel enseignant. Dans certaines usines où régnait pourtant
jusqu’à présent « un climat social parfaitement calme », comme à la Société
métallurgique de Gerzat près de Clermont-Ferrand, tous les « horaires » (les
ouvriers et ouvrières payés à l’heure) font grève le 13 mai et la quasi-totalité des
« mensuels » (payés au mois). À Roanne, le sous-préfet remarque le caractère
étonnant voire inouï de l’événement : le personnel de l’Atelier de construction,
qui n’avait pas manifesté depuis de nombreuses années, a répondu cette fois à
l’appel des syndicats. Une grève générale, sans conteste, comme la nomme
d’ailleurs la presse 4.
D’où vient que cette grève soit reconduite dès le lendemain dans une usine,
Sud-Aviation, et de surcroît avec occupation ? L’entreprise implantée à
Bouguenais, à six kilomètres au sud-ouest de Nantes, compte un peu plus de
2 600 salariés. Elle contribue à la construction du Concorde et de la Caravelle, et
travaille également pour l’armée. C’est une forteresse ouvrière, fière de son
travail et de sa technicité 5. Elle est aussi un bastion de l’anarchisme et du
syndicalisme révolutionnaire, comme c’est le cas plus généralement en Loire-
Atlantique. L’une des figures phares en est le dirigeant anarcho-syndicaliste
Alexandre Hébert, qui fut pendant plusieurs années secrétaire de l’Union
départementale Force ouvrière. La section FO de Sud-Aviation-Bouguenais est
d’ailleurs la plus radicale et la plus déterminée ; elle donne l’impulsion de
l’occupation. Elle est tenue par Yvon Rocton, membre du Comité de liaison et
d’action pour la classe ouvrière, composé surtout de trotskistes appartenant à
l’Organisation communiste internationaliste. Rocton, appelé durant la guerre
d’Algérie entre 1958 et 1960, militant contre la torture et envoyé pour cela en
bataillon disciplinaire, est un militant tenace, de tradition communiste
révolutionnaire. Lors de la grève des mineurs en 1963, il a été expulsé de la CGT
et c’est alors qu’il a rejoint Force ouvrière. Le 14 mai, tandis que le représentant
de la CGT dans l’usine de Bouguenais suggère d’organiser des débrayages d’une
demi-heure plusieurs fois dans la journée, Yvon Rocton estime que « la grève
totale avec occupation de l’usine et création d’un comité de grève serait la
manière la plus efficace de faire aboutir le mouvement ». Il est entendu et sa
proposition l’emporte en assemblée générale de salariés, par un vote à main
levée. L’occupation commence et le directeur est séquestré 6.
Le lendemain, les ouvriers de Renault-Cléon se mettent en grève à leur tour,
lors d’une journée nationale pour l’abrogation des ordonnances sur la Sécurité
sociale. Lorsque la direction de l’entreprise signifie son refus de recevoir les
délégués du personnel, la grève se prolonge immédiatement par une décision
d’occupation et la direction est elle aussi « “consignée” dans ses bureaux » 7. La
grève est parfois lancée à partir d’une tension locale, comme à la gare de Givors
le 16 mai, où deux intérimaires viennent d’être licenciés ; l’action est initiatrice
d’un mouvement qui peu à peu s’étend dans la SNCF. À la Société des eaux de
Contrexéville, même s’il n’y avait eu aucune grève depuis la création de l’usine
douze ans plus tôt, le feu couvait sous la cendre depuis plusieurs années, les
ouvrières et ouvriers réclamant un alignement des salaires et des avantages
sociaux sur les autres usines du groupe Perrier. La grève est déclenchée le
16 mai ; elle est d’emblée totale. La mobilisation commence à faire tache
d’huile. La CFDT de la SAVIEM à Blainville diffuse un tract le 17 mai intitulé
« Ça bouge partout ! » : dans toutes les usines de la Régie Renault, la
mobilisation est engagée ; « allons-nous les regarder ? ». En diffusant le 18 mai
son appel aux traminots de Marseille, la CGT s’appuie quant à elle sur une
information de dernière heure : les collègues du Havre et de Bordeaux ont arrêté
le travail et occupent les dépôts. Le souci de ne pas être en reste, de ne pas
demeurer confiné dans la passivité est puissant et s’ajoute aux revendications
portées depuis des années. C’est à partir surtout du 20 mai que le mouvement se
généralise. De très grosses usines entrent en grève ce jour-là, tels Peugeot-
Sochaux et Citroën-Javel, où il n’y avait pas eu de mobilisation depuis dix-huit
ans du fait d’un encadrement patronal et managérial autoritaire et d’une forte
pression exercée sur la main-d’œuvre immigrée en particulier. En ce 20 mai, le
pays est « paralysé » : c’est une métaphore fréquente dans les médias. Et
cependant, la grève n’empêche pas le mouvement : en bloquant, les grévistes
agissent. La presse renonce devant la tâche titanesque d’en dresser la liste :
comme l’indique en « une » L’Yonne républicaine du 21 mai, « un journal ne
suffirait pas pour publier l’énumération des usines qui ont été occupées, lundi
matin, par les ouvriers ». La grève s’étend encore après les rencontres de
Grenelle et de Varenne. Le 28 mai, le préfet de la Loire relate le
« durcissement » du conflit : la Manufacture nationale d’armes est en grève
totale et occupée ; les guichets des banques stéphanoises sont fermés ; dans les
entreprises métallurgiques le mouvement est reconduit et « s’aggrave » à la
base ; les trois usines de la Compagnie des ateliers et forges de la Loire, à Saint-
Étienne, Firminy et Saint-Chamond, sont en grève illimitée avec occupation ;
aux PTT, le centre de tri est toujours occupé tout comme le sont les ateliers de
Manufrance où le drapeau rouge est hissé. En Corse comme à Vintimille, les
douaniers eux-mêmes sont en grève. Dans les Alpes-Maritimes, pas moins de
quarante mairies, sur cent soixante-trois communes, sont occupées ; mais dans
ce département, ce sont les Parfumeries de Grasse qui connaissent, pour le
secteur privé, les plus forts taux de grévistes (80 %) 8.
Pour éclairer les dispositifs d’entrées en grève, Sabine Erbès-Seguin a pu
distinguer trois modèles de déclenchement : une initiative syndicale ; une action
spontanée, lancée par la base et relayée par les organisations locales ; plus rares
et en tout cas minoritaires, des initiatives prises en dehors de tous cadres
syndicaux, voire contre eux. L’impression domine d’une grande spontanéité.
Parmi d’autres et pour en témoigner, les notes quotidiennes prises par André
Sernin sont précieuses : ce Journal d’un bourgeois de Paris, manuscrit resté
inédit, est rédigé en mai et juin par André Sernin, un proche de la droite
conservatrice, antigaulliste depuis l’indépendance de l’Algérie, qui circule dans
le Paris de la contestation avec un mélange d’hostilité et de curiosité ; il dévore
aussi la presse avec avidité. À la date du samedi 18 mai, il écrit : « partout, les
troupes vont plus vite que les chefs ; c’est la caractéristique de cette étrange
grève, qui ressemble à une épidémie plus qu’à un mouvement raisonné » 9.
LA CARTE ET LE TERRITOIRE
TRAVAIL DE LA GRÈVE
Ravitaillement de la direction de la SMIAS, coll. Péault, CHT Nantes, Fonds 1968, 7-10.
À la « Cello » de Bezons, les ouvriers installent du papier sur les tables pour
éviter la rouille, veillent au bon arrêt des machines afin que la viscose ne coule
pas dans les tuyaux et ne se « fixe » pas. Ailleurs, il faut au contraire que
certaines continuent de fonctionner, même sans produire, pour éviter la
détérioration de la matière première : à la société métallurgique de Stenay dans
la Meuse, une trentaine d’ouvriers assurent chaque jour le service jusqu’en
soirée, « pour la coulée ». Des ouvriers passent l’aspirateur ; on les voit
entretenir les machines 23.
Chez Renault, à Billancourt, les grévistes pensent même à camoufler le
prototype de la « R6 ». La CGT le revendique non sans une forme d’orgueil
ouvrier : « la musique, les jeux, les spectacles, le couchage, le service d’ordre,
les repas, tout est désormais organisé ». La consigne ne vaut pas que dans les
usines : aux PTT, les facteurs gardent souvent leur tenue de préposés et
entendent rester sur place pour préserver l’outil de travail 24.
Occuper et bloquer, c’est enfin montrer une force, elle-même inversée par
rapport à l’ordre coutumier. La grève est un défi au monde social tel qu’il est et à
ses hiérarchies. Elle est une gageure, telle une flèche décochée contre le pouvoir.
Certains faits le montrent à l’envi, là où les grévistes peuvent directement le
braver. Dans l’imprimerie, des « linos » font sauter certains titres du journal de
droite L’Aurore, ou sabotent sa mise en page ; des rotativistes refusent de tirer
La Nation, l’organe de l’Union pour la nouvelle République (UNR), gaulliste. La
fermeté est un pari majeur de l’action : l’enjeu est de ne pas céder pour « tenir »
et faire fi des pressions. Aux Sables-d’Olonne en Vendée, le port est fermé et
même lorsqu’un yacht anglais se présente, les filins demeurent tendus :
impossible de passer. À Fos-sur-Mer, un pétrolier géant est dérouté sur…
Amsterdam. Non loin de là, le commandant d’un pétrolier libérien bloqué dans
le port marseillais alors qu’il déchargeait sa cargaison propose 4 000 dollars aux
grévistes pour qu’ils acceptent de débrancher le tuyau reliant le navire aux
réservoirs de stockage : il essuie un refus. À Caen, les syndicats lancent le
29 mai une opération « ville fermée » ; son organisation est mise au point avec
soin. Les corps de métier sont appelés à se mobiliser aux lieux stratégiques de la
ville : les grévistes de Moulinex, Jaeger et Sonormel bloquent le quartier de la
Demi-Lune ; ceux de Citroën et des PTT, le Cygne de Croix ; les ouvriers du
bâtiment s’installent sur le pont Vandœuvre ; les étudiantes et étudiants, sur la
route de la Délivrande 25. C’est là une autre façon de prendre l’espace et d’en
faire la démonstration : la visibilité est importante, pour convaincre et gagner
« l’opinion ».
L’EXCEPTIONNEL NORMAL
Mais la grève n’est pas d’un bloc : l’action s’ajuste à chaque situation. Les
mêmes grévistes qui refusent de se plier à certaines injonctions savent aussi
moduler leurs pratiques de la grève et de l’occupation. Certes, le port des Sables-
d’Olonne n’accueille pas les yachts ; pour autant, lorsque le 25 mai la mer se fait
houleuse par suite de mauvais temps, les syndicalistes du milieu marin enlèvent
le barrage qui en bloquait l’accès pour permettre aux bateaux de s’y réfugier. À
Boulogne-sur-Mer, le trafic marchandise est à l’arrêt complet mais le trafic
passager reste possible afin d’assurer la liaison transmanche, au besoin. À la
SNCF où le mouvement est très suivi, la sécurité des passages à niveau est
assurée par les grévistes. Quelques consignes détonnent, dans un monde à
l’envers éphémère : à l’usine Sud-Aviation de Marignane, c’est la direction qui
demande aux cadres de se mettre en grève… En réalité, il s’agit par ce moyen de
pénétrer dans les locaux gardés par des piquets pour assurer la sécurité des
installations 26.
Le dosage est délicat et parfois subtil entre le temps extraordinaire qu’ouvre
la grève et la nécessité d’y préserver une forme de quotidienneté. Il faut veiller à
l’hygiène des rues, mise à mal par l’arrêt de travail suivi par les éboueurs. Les
solutions pratiquées sont diverses : à Montpellier, le préfet réquisitionne des
hommes de troupe pour l’enlèvement des ordures ménagères – tout en précisant
que cette réquisition ne comporte pas l’usage des armes… ; à Marseille, le
général Multrier, qui commande la VIIe Région militaire, accepte d’apporter le
concours de l’armée – un détachement comprenant une centaine de militaires et
vingt-deux camions-bennes ; il indique au député-maire, Gaston Defferre, que ce
sera « à titre onéreux » : la Ville remboursera plus tard. Mais à Saint-Dié le
30 mai, des bénévoles membres du comité de grève se chargent de ramasser les
ordures ménagères en utilisant les camions-bennes de la municipalité ; à
Sarcelles début juin, les éboueurs, toujours en grève, assurent le travail tout en
informant la population par haut-parleurs sur la poursuite de leur action. À la
mairie de Tulle, parmi tant d’autres municipalités, le personnel des bureaux
rejoint les ouvriers des services techniques qui ont cessé le travail les premiers.
Nonobstant, une permanence d’état civil est maintenue, assurée par un gréviste,
de même qu’un service aux cimetières pour les inhumations éventuelles… Les
établissements hospitaliers du Vaucluse connaissent une grève symbolique : les
soins aux patients sont assurés comme à l’ordinaire et cependant, les personnels
refusent de pointer. La grève est totale en revanche à l’aéroport occupé de Nice,
mais des « avions taxis » fonctionnent pour transférer les médicaments et le lait.
Aux autoroutes de l’Estérel, les personnels sont en grève, toutefois la sécurité est
assurée. Dans les banques d’Avignon et de son agglomération, le personnel
gréviste sert bénévolement les clients, à titre exceptionnel, le 30 mai, pour les
opérations de retrait ou les règlements de salaires. À Saint-Dié encore, les
travailleurs acceptent, après la venue du maire, de laisser les chaudières allumées
afin que le ravitaillement en viande soit garanti pour les hôpitaux et les
collectivités. Dans la petite commune de Bogny-sur-Meuse, dans les Ardennes,
les ouvriers du moulin décident qu’il restera ouvert et fonctionnera en lien étroit
avec les boulangeries, pour éviter la spéculation. De tels détails n’ont rien de
trivial : ils dessinent, en quelque sorte, l’exceptionnel normal 27.
Ils sont d’autant plus sérieux que l’inquiétude s’insinue rapidement sur la
question du ravitaillement. À suivre les bulletins quotidiens de renseignements
qui parviennent aux préfets et à lire la presse, on mesure combien la question
chemine, s’impose et devient vite un sujet d’anxiété. Elle surgit aux alentours
des 20-22 mai lorsque la grève s’ancre et s’étend. Dans le Vaucluse, c’est même
dès le 18 mai que les Renseignements généraux mentionnent « un certain
affolement », avec de très importants achats alimentaires, bien plus qu’à
l’ordinaire, et de nombreux retraits d’argent. Même constat d’« affolement » à
Toulouse, Albi et Montauban. À Paris, les services spécialisés dans le commerce
et la circulation au sein de la préfecture de police relèvent, le 22 mai, que les
denrées susceptibles de se conserver, comme les pommes de terre, sont très
demandées et voient leurs prix augmenter fortement. D’autres difficultés
s’annoncent, quant aux fruits et légumes par exemple, en raison du blocage des
trains dans les dépôts SNCF et des limitations de carburant pour les transporteurs
routiers, qui d’ailleurs majorent leurs tarifs en conséquence. La capitale peine en
outre à être ravitaillée car les conducteurs de camions hésitent à y entrer, par
crainte de ne pas pouvoir en repartir faute de carburant. Mais Paris est loin d’être
la seule touchée par ces difficultés inhérentes au blocage. Dans la Creuse, le
23 mai, les stocks de sucre ont atteint la cote d’alerte, à telle enseigne que les
commerçants en limitent la vente à un kilogramme par client ; les stocks d’eau
minérale sont proches du niveau zéro et l’on redoute des difficultés pour
l’alimentation des maternités, comme celle de Guéret ; sur un autre registre, les
stocks de vin rouge ordinaire sont, à la même date, pratiquement épuisés chez les
détaillants. Dans le Pas-de-Calais, les épiciers rationnent leurs clients pour des
denrées comme l’huile ou le sucre. Les boulangeries sont livrées en farine avec
les tout derniers stocks des grands moulins. Les bureaux de tabac manquent de
cigarettes ; les Gauloises y ont pour ainsi dire disparu. « Pas de panique », titre
L’Est républicain le 28 mai ; et d’ajouter toutefois : « mais il ne faudrait pas que
la situation actuelle s’éternise », en mentionnant une « psychose du sucre » et
des clients qui en achètent par trente kilos 28. On le voit et on le sent : l’enjeu est
essentiel. La presse insiste le plus souvent sur la nécessité de ne pas prolonger
trop longtemps le mouvement. En matière de ravitaillement, la peur qui s’instille
avec l’entrée de la grève dans la durée est en quelque sorte alimentée.
ORGANISER LA SOLIDARITÉ
Provence-Alpes-Côte d’Azur 27 %
Rhône-Alpes 28 %
Alsace 31 %
Lorraine 32 %
Nord 33 %
Picardie 34 %
Champagne 35 %
Aquitaine 35 %
Bourgogne 36 %
Auvergne 36 %
Midi-Pyrénées 37 %
Basse-Normandie 37 %
Bretagne 38 %
Poitou-Charentes 40 %
Limousin 42 %
Abattements de zones en 1968.
Lors d’un meeting qui se tient sur l’île Seguin à Billancourt, le 17 mai, un
syndicaliste de la CFDT soutient que, parmi ces revendications, certaines ne
coûteraient rien, telles les libertés syndicales. Mais ce serait pour le patronat une
manière de traiter les ouvrières et ouvriers
L’enjeu est désormais d’envisager une autre vie que celle rivée à la société de
consommation, de façonner son propre destin et non pas seulement d’obtenir des
avantages matériels, bien qu’ils soient essentiels. « Des hommes, pas des
robots » : tel était déjà le slogan de la grève lancée à la Rhodiaceta de Besançon
en 1967 et repris au fil des nouveaux événements 38.
En témoignent les cahiers de revendications élaborés par les personnels
d’Air Inter et d’Air France : les aspirations « matérielles » y côtoient les
demandes de considération, d’égards et d’attention. En réalité, on sent à quel
point ce partage est pour partie artificiel, tant les deux dimensions sont
intimement mêlées : voir les conditions de travail s’améliorer, c’est aussi
bénéficier d’une forme de respect non seulement pour ce travail, mais pour ce
que l’on est. Les cahiers de revendications réclament donc le retour immédiat
des quarante heures, la suppression des prises de service avant 6 heures du
matin, une véritable pause d’au moins trente minutes pour le petit-déjeuner, un
vrai temps pour les repas en lieu et place des plateaux servis pendant le travail,
des progrès en matière de climatisation et d’insonorisation. Outre l’échelle
mobile des salaires et l’intégration de toutes les primes dans le salaire fixe pour
éviter la concurrence entre les agents, les grévistes contestent les modalités de
promotion et exigent une commission paritaire afin d’en décider. Leurs cahiers
de revendications comportent également la demande d’une véritable médecine
du travail, indépendante des compagnies aériennes, une prévention et des soins
médicaux accrus pour le personnel exposé au bruit, enfin la reconnaissance de la
surdité due à la puissance sonore des avions comme une maladie professionnelle.
Ils réclament des congés spéciaux pour le personnel qui travaille dans les
conditions particulièrement pénibles des galeries à bagages. Mais avant toute
chose, en priorité dans la liste dressée, ils demandent le « respect de la personne
humaine », une considération et une meilleure compréhension de la part de
l’encadrement, la fin des abus d’autorité :
Nantes en mai 1968, coll. Péault, CHT Nantes, Fonds 1968, 7-10.
CHAPITRE III
Conflits intérieurs
« Des grues métaphysiques 1 » : c’est par cette expression peu amène que le
président de la CGT, Benoît Frachon, qualifie la contestation. La formule,
empruntée à Paul Lafargue, est d’une implacable ironie ; son usage traduit un
clivage profond, tenace et sans merci. Il oppose les directions de la CGT et du
PCF aux organisations et groupes radicaux, qu’il s’agisse de maoïstes, de
trotskistes ou d’anarchistes, tous qualifiés de « gauchistes ». Et voilà un autre
mot de poids dans cette tradition. Selon Lénine, le « gauchisme » est « la
maladie infantile du communisme » ; il désigne des courants jugés doctrinaires,
trop volontaristes et sectaires, qui se coupent des masses et manquent par là les
grands événements. Les « gauchistes » apparaissent aventuristes et isolés, ceci
expliquant cela et vice versa. L’opposition se décline elle-même en strates
historiques multiples et emboîtées. Les anarchistes s’affrontent aux marxistes sur
la question du pouvoir depuis Bakounine et Marx eux-mêmes ; les premiers
refusent toute forme étatique alors que les seconds considèrent comme
nécessaire une forme d’État révolutionnaire, qui devrait dépérir avec
l’avènement progressif d’une société communiste. Le clivage ne date donc pas
d’hier… La complexité s’accroît avec l’héritage commun des trotskistes, des
maoïstes et du PC : tous se réclament du marxisme et du léninisme. Mais Trotski
a quant à lui décrit l’ère stalinienne comme une « révolution trahie » et l’a
combattue au prix de sa vie. Quant aux maoïstes, c’est l’après-Staline que leurs
courants condamnent : Nikita Khrouchtchev a introduit à leurs yeux un
« révisionnisme », qui se traduirait dans les PC par un compromis avec la
bourgeoisie. Au-delà, malgré leurs différences de culture politique, tous
reprochent au Parti communiste l’abandon d’une perspective révolutionnaire au
profit d’un progressisme réformiste. Tout « communiste » qu’il se dise, le PCF
aurait sacrifié le programme d’une société sans classes et sans État ; son projet le
rapprocherait désormais de la social-démocratie.
On voit déjà à ce classique panorama combien les tensions sont
enchevêtrées. Complexité horizontale en quelque sorte, par les liens noués et
dénoués entre ces organisations. Les polarités se déplacent au gré des sujets : des
marxistes peuvent se sentir plus proches d’anarchistes que d’autres marxistes, et
lutter ensemble. Comme ses homologues en province – mouvement du 25-Avril
à Toulouse, du 11-Mai à Marseille… –, le mouvement du 22-Mars en est un
exemple éloquent : sa composition reflète une diversité politique. Il parvient
néanmoins à impulser une dynamique bien plus importante que son poids
numérique. Cela n’empêche pas les divergences stratégiques de s’y exprimer. À
cet égard, il est des tournants dans l’événement, moments kairos qui sont aussi
des occasions de bifurcation. Complexité verticale également : Xavier Vigna y a
insisté, il n’est pas pertinent de distinguer comme on le fait souvent notamment
pour la CGT, un appareil d’un côté et de l’autre une base, qui s’opposeraient de
manière rigide et coriace ; « sous l’unicité rassurante du sigle CGT pointe la
prolifération de protagonistes multiples 2 ». Pour autant, la « base » elle-même
n’est pas homogène et connaît des tiraillements.
Encore ne s’agit-il là que des rapports entre organisations. En réalité, le
conflit mord sur leurs bords : il dépasse le périmètre des syndicats et groupes
politiques constitués. C’est un conflit de stratégies et de projets où rien n’est
simple ni tranché. Il entraîne avec lui nombre de gens qui ne sont pas des
militants, n’ont ni appartenance ni carte mais se politisent dans et par
l’événement, et ont aussi à décider de la tactique, des mots d’ordre comme des
futurs imaginés. Le politique se joue là, rien de moins : la conflictualité lui est
constitutive. Les désaccords vont parfois jusqu’à la franche hostilité. Mais la
dispute sur les programmes et les conduites est le fruit doux-amer de la
démocratie ; elle apparaît aussi nécessaire que salutaire.
L’ordre du jour :
la CGT et le PCF au vif de l’événement
Mais lorsque Georges Séguy arrive pour détailler les mesures adoptées dans ce
qui est prudemment nommé non pas « accord » mais « constat », les sifflets et
huées fusent, en particulier quand les ouvriers mobilisés comprennent que les
journées de grève ne seront pas payées. Malgré tous les efforts, Grenelle semble
d’emblée désavoué. D’ailleurs, au cours de la journée, d’autres négociations se
déroulent au ministère de l’Industrie et le délégué CGT des Houillères refuse de
s’appuyer sur les propositions de Grenelle, qu’il qualifie de « gouvernementales
et patronales » en matière de salaires : elles sont insuffisantes selon lui et il
appelle au durcissement du conflit 6.
Au-delà, la CGT espère montrer sa maîtrise des événements et prouver
qu’elle garde influence et puissance. Les manifestations qu’elle initie le 29 mai
sont une réussite avec, d’après ses chiffres, 700 000 personnes à Paris – 100 000
selon la police. Si ces défilés mettent en avant la satisfaction des revendications,
il n’est toutefois pas question de prolonger la grève trop longtemps. Présent à
Flins le 8 juin, le secrétaire général de la Fédération nationale des métaux
exprime cette volonté de ne pas la faire durer, en s’adressant aux ouvriers :
« Nous pensons juste que vous devez exprimer un avis favorable à la reprise du
travail. » Dans un communiqué du lendemain, « le Bureau confédéral rappelle
que la CGT a appelé tous les travailleurs qui ont obtenu satisfaction pour
l’essentiel de leurs revendications à décider la reprise du travail et que cet appel,
qu’il maintient, a été largement entendu ». Ce communiqué entend couper
l’herbe sous le pied à celles et ceux qui essaient de mettre en place un Comité
national de grève. La CGT en récuse la légitimité : à ses yeux, ce comité est
composé « d’éléments irresponsables » issus de milieux de l’enseignement qui
n’engagent « en rien » le mouvement syndical. Les dirigeants cégétistes y
insistent : tout appel à la reprise de la grève générale est une « provocation
dangereuse », qui servirait « les ennemis de la classe ouvrière ». Le syndicat, au
plus haut niveau, arbitre ainsi l’achèvement du conflit : la grève est finie 7.
C’est la raison pour laquelle il n’organise pas de mobilisation après la mort
de Gilles Tautin, Pierre Beylot et Henri Blanchet, le premier à Flins, les seconds
à Sochaux les 11 et 12 juin. Si, dans différents communiqués, il appelle à y
« réagir vigoureusement » en signe d’indignation et de deuil, il propose une
heure d’arrêt de travail seulement. L’appel se répercute à différents niveaux,
fédéraux et locaux. L’Union locale CGT de La Souterraine manifeste son
« entière solidarité prolétarienne » ; elle ne passe pas outre la consigne,
cependant. À Aix-en-Provence, le syndicat CGT des employés communaux
relate la « forte émotion » qu’ont suscitée ces morts ; mais rien n’est organisé
pour la manifester. Dans le Doubs où sont décédés Beylot et Blanchet, la
Fédération départementale du PCF évoque le « tragique bilan » d’une
« intervention sauvage » de la part des CRS mais elle ne propose ni réaction ni
action. Elle estime que, dans ce département comme ailleurs, « l’ordre a régné
grâce au calme et à la dignité des travailleurs » ; c’est donc en accordant
satisfaction aux revendications que « pourra être rétablie la situation afin de
supprimer tout risque de nouveaux désordres » 8.
LA VOIX DE LA SAGESSE
Passes d’armes
DE « PSEUDO-RÉVOLUTIONNAIRES », « ÉTRANGERS À LA CLASSE
OUVRIÈRE »
Le « gauchisme » : le terme est une offense pour celles et ceux qu’il désigne.
Il les fait passer pour des irresponsables, des intrigants ou des aventuriers. En
cette occurrence, le mot n’a rien d’une qualité : il dénonce de dangereux badins
qui feraient fi des circonstances. Des garnements, si le mot « infantile » de
Lénine est pris au sens premier ; presque des voyous, voire des ennemis qui
feraient le jeu du pouvoir et, ainsi, le serviraient. « Gauchistes » et
« gaullistes » : le rapprochement proposé par le PC et la CGT ne vaut pas que
pour la rime ; il est employé pour ériger ces militant(e)s en « pseudo-
révolutionnaires à démasquer », comme l’a écrit Georges Marchais dans
L’Humanité le 3 mai. La leçon est rude et charrie avec elle l’imaginaire du
traître, des intentions cachées. Lorsqu’il qualifie Daniel Cohn-Bendit
d’« anarchiste allemand », le vocable colporte le registre de l’étranger et,
pourquoi pas, de l’ennemi héréditaire. Dans la cour de la Sorbonne, un groupe
d’étudiants découvre l’éditorial avec un rire indigné ; certains ajoutent « et juif »,
sous-entendant : « tant qu’on y est » 16…
Dès les toutes premières manifestations de mai, des tensions se font jour. Le
er
1 mai, les incidents sont fréquents et les rapports de police ne manquent jamais
de les signaler. Il s’agit souvent d’accrochages ou de bagarres entre le service
d’ordre de la CGT et des militants, trotskistes ici, « prochinois » là. À Lyon, les
RG décrivent en termes choisis l’échange de « quelques horions ». À Paris,
plusieurs centaines de manifestants, pour la plupart étudiants, tentent d’intégrer
le cortège et portent des banderoles dont les slogans s’adressent à la classe
ouvrière : « Le mouvement de Nanterre soutient les travailleurs. » Tous sont
écartés par des « coups rapides et brefs » ; leurs banderoles et pancartes sont
taillées en pièces et piétinées. Le constat est semblable le 13 mai. À Saint-
Nazaire, la mouvance libertaire animée par Gabriel Cohn-Bendit, qui enseigne
l’allemand au lycée Aristide-Briand, est refoulée et ne peut prendre la parole à la
tribune comme elle l’avait espéré. À Boulogne-sur-Mer, de vives altercations ont
lieu entre des élèves du lycée technique venus avec leur enseignant, militant du
PSU, et des responsables communistes ; les seconds veulent dissuader les
premiers de se rendre en cortège devant certaines usines. À Lille, la Fédération
des étudiants révolutionnaires (FER) tente d’emmener les manifestants vers la
préfecture, au lieu de disperser le cortège sur la place de la République ; le
service d’ordre de la CGT l’en empêche : « Les dirigeants des syndicats
traditionnels ont leurs troupes bien en main » et entendent le prouver 17.
D’autres actions sont combattues par les responsables du PCF ou de la CGT.
Le 10 mai à Toulouse, le groupe local des JCR organise une réunion publique
salle du Sénéchal ; quelque cinquante membres de l’UEC, renforcés par des
militants du PC, empêchent les orateurs de prendre la parole : les communistes
veulent « intimider leurs adversaires », observent les RG. À Gardanne le 20 mai,
des militants du PC empêchent par la force le déroulement d’une soirée
organisée par le Centre culturel France-Chine et la projection du film L’Orient
rouge : les Renseignements généraux vont jusqu’à parler d’un « commando ».
Le 24 mai, à Marseille, il y a certes deux cortèges séparés, l’un sur la Canebière
pour protester contre l’expulsion de Daniel Cohn-Bendit et l’autre, organisé par
la CGT, au Centre d’embauche des dockers. Cependant les étudiants rejoignent
les ouvriers. Alors, les responsables CGT donnent la « consigne » à leurs
militants de « canaliser » les étudiants. En Charente-Maritime, la police note
qu’à « aucun moment », les lycéens ne sont « autorisés » par la CGT à se joindre
au mouvement ouvrier, « ni publiquement, ni à titre privé ». Et tandis que les
drapeaux rouges flottent à tant de frontons, la cellule communiste d’Avallon voit
comme une provocation celui qui a été suspendu au sommet de la mairie ; elle
publie un communiqué pour protester contre le « commando » qui l’y a
accroché, tel un « méfait » 18.
L’Union syndicale CGT de la région parisienne condamne avec vigueur les
« groupes étrangers à la classe ouvrière », conduits selon elle par Alain Geismar
comme si c’était leur chef, qui auraient incité les ouvriers à réoccuper l’usine
Renault de Flins, le 7 juin. L’instance régionale de la CGT non seulement
considère l’occupation à cette date comme une erreur, mais nie aussi la capacité
d’initiative des travailleurs : ces derniers, sous ces traits, n’apparaissent pas
maîtres de leurs actions mais entraînés par des « entreprises de provocation » qui
leur seraient extérieures. D’ailleurs, le syndicat CGT des « horaires » chez
Renault juge que les partisans d’un mouvement prolongé « ne veulent pas que
les travailleurs aillent trop loin » : si la grève se poursuit, les négociations seront
plus difficiles et déboucheront sur moins d’acquis. Enfin, après la mort de Gilles
Tautin, la troisième « nuit des barricades » est émaillée de violences que le Parti
communiste condamne : s’il dit comprendre la colère des jeunes manifestants, il
n’admet pas qu’ils s’en prennent aux panneaux électoraux 19.
CROCHETS DU GAUCHE
– allusion sans voile aucun à la capote bleu horizon que portaient les soldats des
tranchées. D’aucuns vont jusqu’à imiter le style de Louis Aragon et lui attribuer
un poème apocryphe, comme s’il critiquait la direction du Parti et les sommets
de la CGT :
Votez !
Ne vous inquiétez pas, les élus gaullistes, les élus du Centre, les élus
communistes respecteront leurs promesses, comme ils l’ont toujours fait.
Ne vous posez pas de question. Ne posez pas de question.
Faites-nous taire 36.
« La grève est notre parlement » veut encore faire entendre le quotidien Action :
parce que le pouvoir a les moyens de les influencer, « les élections “se font” » 37.
Abandonner la grève pour les urnes, c’est aux yeux de beaucoup lâcher la proie
pour l’ombre et s’y laisser couler.
Entre les groupes radicaux et le Parti communiste français, la guerre est donc
déclarée : une guerre d’escarmouche, froide mais déterminée. Au soir de la
mobilisation, alors qu’elle s’éteint dans les dernières braises de Flins et la tenue
des élections, le comité d’action « Nous sommes en marche », à la faculté de
Censier, publie une « condamnation sans appel des traîtres aux travailleurs » :
« révolutionnaires, étudiants, salariés, nous avons été bernés une fois de plus
mais cette fois par nos frères, ceux qui prétendaient nous représenter ». Benoît
Frachon, de son côté, blâme les « impatiences petites-bourgeoises » et leur
« nihilisme » supposé 38. Trahison, division : les apostrophes envenimées
s’échangent des deux côtés. L’enjeu est profond car, au-delà des questions
stratégiques, il pose une question politique à la fois majeure et classique :
réforme ou révolution.
Le journaliste démocrate-chrétien Étienne Borne écrit : « pendant quelque
quarante-huit heures [les 28 et 29 mai], l’ordre public en France s’est appelé
Georges Séguy ». Raymond Aron en fait aussi l’observation :
Un autre monde
Près du Vietnam
FNL VAINCRA
LE FEU À LA PLAINE
Le principe internationaliste est une tradition de longue date dans ce que l’on
nomme le « mouvement ouvrier ». L’action solidaire du prolétariat apparaît
comme une nécessité fondée sur des intérêts matériels communs, ceux d’une
classe sociale qui ne devrait pas être divisée par le chauvinisme ou le
nationalisme. Certes, l’affirmation de Marx et Engels, « les travailleurs n’ont pas
de patrie », n’a pas été confirmée par l’histoire. On connaît le tournant opéré par
le Parti communiste français à compter de 1934, tournant souvent décrit comme
un virage à cent quatre-vingts degrés et qui a conduit à se réapproprier la
symbolique patriotique : Marseillaise, drapeau tricolore et, à certains moments
stratégiques, le « Produisons français ». Les conséquences s’en ressentent encore
et la priorité n’est pas donnée par le PCF à l’internationalisme durant
l’événement. Pourtant, au 1er mai, on célèbre cette solidarité. À Nantes par
exemple, le meeting intersyndical met à l’honneur le peuple vietnamien, les
travailleurs espagnols et grecs, « ceux d’Amérique latine, comme les Noirs
d’Afrique et des États-Unis en proie à l’injustice 22 ».
Les étudiants sont plus tournés que les ouvriers vers leurs voisins européens
et au-delà vers le vaste monde où trouver des engagements à leur ressemblance.
Des raisons pratiques l’expliquent : issus de milieux sociaux relativement
privilégiés, les étudiants ont souvent de meilleurs moyens financiers pour
voyager ; leurs études les portent à considérer d’autres cultures, pratiquer
d’autres langues, accueillir sur les mêmes bancs leurs pairs venus du monde
entier. « Sur la route » : depuis Kerouac, le désir fait son chemin. Avec l’auto-
stop, les voyages sont facilités, comme les circulations de pratiques et d’idées 23.
La préoccupation internationale se marque par l’attention précise portée à la
situation mondiale. Des brèches se sont dessinées, qui affaiblissent le statu quo
de la guerre froide et de la coexistence pacifique sur fond d’intérêts bien
compris. Alors que l’équilibre rompu par la révolution de 1917 semblait de
nouveau rétabli et les fissures de l’ordre mondial colmatées, voilà que, via la
Chine, Cuba et le Vietnam, la relative tranquillité géopolitique et diplomatique
paraît fragilisée. D’aucuns pensent que ces failles ébranlent les toutes-
puissances :
Dans les lycées comme les universités, les participants sont ici sans oublier là-
bas et ne dissocient pas la mobilisation dans leur pays de ce qui se passe en
Allemagne et en Espagne, aux États-Unis ou en Italie, mais aussi et surtout dans
le « tiers-monde », si essentiel dans les engagements. Même les Renseignements
généraux citent Fidel Castro, sur la jonction entre solidarité ouvrière et soutien
actif aux pays « qui souffrent de sous-développement » : « Lutter aux côtés des
forces populaires est pour l’intellectuel des pays capitalistes un devoir
inéluctable lié à la dénonciation et à la lutte contre l’exploitation du tiers-
monde. » À l’université critique et populaire de Strasbourg, l’influence d’idées
venues du « guévarisme, du maoïsme, du fanonisme » est longuement évoquée.
Ce peut être une manière d’encourager la mobilisation, de se conforter et se
réconforter à l’aune de la comparaison. « Les lycéens savent que leur lutte est la
même de Berlin à Rome, de Londres à Madrid », proclament des comités
d’action lycéens 25.
Ces échanges permettent d’estimer les points communs. Le rapprochement
vient d’abord des décisions prises par les administrations des universités et les
autorités. C’est le cas sur le campus de Berkeley où le 14 septembre 1964 était
tombée l’interdiction de faire de la politique sur le campus et ses abords ; à
Berlin lorsque, le 8 avril 1965, le recteur de l’Université libre avait interdit la
présence lors d’une réunion publique d’Erich Kuby, journaliste au Spiegel, pour
sa critique de l’Université ; à Milan où en mai 1967 la censure ecclésiastique
s’était opposée à la publication d’un article sur le divorce dans le journal
étudiant de l’Université catholique ; à Varsovie aussi où, le 16 janvier 1968, les
représentations d’une pièce de Mickiewicz ont été suspendues. Le sentiment
d’une expérience partagée vient également de l’affrontement avec les forces de
l’ordre, depuis l’arrestation de quelque 800 étudiants le 3 décembre 1964 à
Berkeley, la mort de Benno Ohnesorg abattu à Berlin-Ouest par un policier en
civil le 2 juin 1967 d’une « balle qui a traversé beaucoup de têtes 26 » comme
l’écrit Die Zeit, la répression de la manifestation organisée par les étudiants de
Prague le 31 octobre 1967, les actions policières massives à Rome en février et
mars 1968 et, quelques semaines plus tard, l’intervention d’un millier de
policiers à l’université de Columbia, intervention qui fait plus de cent blessés 27.
Monsieur [T.] souligna que la présente grève est une affaire française et
ne concerne pas les autres pays. Que les ouvriers français étaient des
« ouvriers évolués » et ne manquaient donc de rien, notamment pas
d’argent… qu’ils avaient assez pour tenir encore un mois. Que pour
cette raison on ne possédait pas de compte spécial pour la solidarité aux
grévistes. Que bien sûr les ouvriers immigrés portugais et espagnols
étaient dans une situation plus difficile, mais qu’on ne pouvait rien pour
eux, qu’il était impossible de les contacter, à cause de la grève, qu’ils
étaient absents de l’usine, etc.
Aux dires de l’étudiant suédois, Monsieur T. aurait aussi affirmé que la grève
n’a rien de révolutionnaire et que la mise en marche des usines par les ouvriers
eux-mêmes serait une « idée romantique inadaptée à la situation française ». Le
Suédois lui rétorque que l’événement n’est pas une affaire française mais
concerne bel et bien tous les pays. Les fonds sont finalement reversés au Comité
de coordination des comités d’action 43.
Certaines prises de position émanent également d’étrangers vivant en
France, parfois réfugiés. Les déserteurs et insoumis exilés transmettent des
informations sur les événements français aux États-Unis, mais aussi au Japon ou
encore en Suède où existent des regroupements équivalents à leur Union
française des déserteurs et insoumis américains. Ils tiennent une conférence de
presse à la Sorbonne le 21 mai. Ils restent prudents néanmoins, craignant
toujours d’être expulsés : leur permis de séjour est renouvelable tous les quinze
jours, ils sont régulièrement interrogés au bureau des étrangers de la préfecture
de police et affirment avoir reçu des menaces d’expulsion à l’annonce d’une
première conférence de presse en avril 44.
À Strasbourg, le Comité de liaison des étudiants du « Tiers-Monde » publie
un texte de soutien « à la juste lutte des étudiants » : c’est l’occasion de rappeler
les liens réciproques de fraternité, car ces mêmes « étudiants progressistes
français » encouragent depuis des années la lutte des peuples contre le
colonialisme et le néocolonialisme. À Paris, la Cité universitaire s’érige en
symbole de solidarité : les pavillons de l’Argentine, d’Espagne, de Grèce mais
aussi de la France d’outre-mer sont occupés – l’ambassade de Grèce en appelle à
l’intervention de la police française pour la faire cesser 45.
Ces transferts passent également par l’étude serrée des textes. Depuis la
Pologne est parvenu en France le document majeur de la contestation à
Varsovie, la « Lettre ouverte au Parti ouvrier polonais » élaborée en 1965 par
deux leaders étudiants contestataires, Jacek Kuron et Karol Modzelewski ;
arrêtés peu de temps après, ils ont été condamnés à trois ans de prison. Leur
manifeste est une mise en cause précise de la bureaucratie, il défend une
démocratie ouvrière et populaire à cent lieues du régime autoritaire polonais.
Des militants de la LCR l’ont importé et fait connaître en France. Ici ont joué un
profond accord politique, dans le prolongement du combat antistalinien mené
depuis les années vingt, mais aussi des liens noués par tradition familiale avec la
Pologne, puisque de nombreux militant(e)s sont d’origine juive ashkénaze – et
plus précisément polonaise. Un autocollant circule à Nanterre, qui dit bien
l’internationale de la colère en s’appuyant sur l’exemple des deux militants
emprisonnés pour leurs idées :
Pour sa part, lorsqu’il comparaît devant le tribunal et quand le juge lui demande
son nom, Daniel Cohn-Bendit répond par un ironique et très politique
« Modzelewski-Kuron » 47.
Certains tracts tout entiers sont consacrés aux mouvements sociaux à
l’étranger. C’est le cas du « mouvement révolutionnaire italien » : on y explique
le projet Gui, semblable dans ses effets à la réforme Fouchet, les grèves
ouvrières nombreuses dans le Val d’Aoste mais surtout à Turin dans le bastion
de la Fiat – en avril, plusieurs dizaines de milliers de salariés se sont mis en
grève 48. L’insubordination active, de Trente à Turin et Milan, de Venise à Rome
et Bari, et dans de plus petites villes comme Lucques, Carrare ou Urbino, est une
référence majeure. C’est à sa « une » que, le 4 juin, le quotidien La Montagne
présente « la colère des étudiants italiens ».
Les textes élaborés dans le mouvement des universités critiques en Italie
sont privilégiés. À la faculté des lettres de Montpellier est diffusée la plate-forme
des étudiants de Turin adoptée en janvier. À Paris, des documents, dans leur
version italienne ou traduits, insistent sur l’autodéfense face à la répression,
munis de conseils pratiques pour parer aux moyens dont dispose la police
(espionnage, perquisitions, écoutes téléphoniques). À Lille et Lyon, via les
associations locales de l’UNEF par lesquelles transitent ces textes, les étudiants
comprennent comment leurs camarades italiens conçoivent les « universités
négatives », lancées d’abord à Trente dans la faculté de sociologie occupée :
elles correspondent à des « contre-cours » pour combattre la « fabrication
idéologique » à l’Université. Marcuse y est commenté, lui pour qui « le succès le
plus caractéristique de la société industrielle avancée est justement sa propre
capacité à contenir le changement social, sa propre capacité à intégrer les
opposants ». Double circulation, puisque à Trente les manifestants reprennent les
positions du Free Speech Movement états-unien, qui exhorte les étudiants à ne
pas reproduire les organismes politiques toujours prêts à les récupérer 49.
Que des textes venus de Trente servent de référence en France est révélateur
d’une conception politique internationaliste à plusieurs degrés. Le manifeste
pour une « université négative » s’inspire de propositions venues des États-Unis,
qui rompent avec la sociologie académique : les travaux d’Herbert Marcuse et de
Charles Wright Mills sur la domination des élites sont mobilisés de part et
d’autre de l’Atlantique. Certaines personnalités y jouent un rôle de passeurs
décisif : fondateur du Parti socialiste italien d’unité prolétarienne, membre du
Tribunal international des crimes de guerre – dit « Tribunal Russell » –, Lelio
Basso revient du Vietnam ; il décrit ce que sont les bombes à fragmentation.
L’université de Trente a été occupée durant plus de deux semaines à l’automne
1966, les étudiants s’y sont confrontés aux forces de l’ordre lors des
manifestations de protestation après la mort de l’étudiant militant Paolo Rossi,
tué lors d’un affrontement avec des activistes néofascistes. Si donc Trente
apparaît comme une source d’inspiration, c’est qu’elle est un bastion
d’expériences en termes de violence, de répression et d’occupation.
1968 n’est pas survenu ex nihilo comme une année zéro. L’imprégnation de
références et d’expériences internationales n’est pas seulement un cadre ou un
arrière-fond ; elle s’illustre dans l’histoire et la trajectoire des personnes
engagées. Les archives de police en portent la trace : les policiers se montrent
soucieux de relever ce qui, dans le parcours des individus interpellés, a pu par le
passé être politiquement compromettant. Ces dossiers fourmillent d’éléments sur
de précédentes arrestations : ce qui du point de vue policier est le signe d’une
suspicion aggravée, témoigne de positions internationalistes, anticolonialistes et
anti-impérialistes sédimentées.
1968 est souvent le prolongement d’un engagement né durant la guerre
d’Algérie. Il y a là une matrice générationnelle, pour celles et ceux qui avaient
une vingtaine d’années durant le dernier conflit colonial français. Tel Gérard B.,
35 ans, arrêté dix ans plus tôt lors d’un meeting interdit organisé pour protester
contre le bombardement de Sakhiet, un village tunisien à la frontière algérienne,
le 14 février 1958. Parmi les personnes retrouvées dans les fichiers policiers
figurent aussi Jean-Pierre B., un cinéaste né en 1937, interpellé en février 1958
lors d’une protestation contre la dissolution de l’Union générale des étudiants
musulmans algériens, et Benoît Rey, auteur du livre Les Égorgeurs, récit qui
relatait ses souvenirs de soldat en Algérie, un ouvrage saisi en avril 1961. Plus
isolé dans ces fichiers mais témoin d’une continuité entre bataille pour
l’indépendance algérienne et soulèvement de Mai, Mohamed G., algérien,
manœuvre de 49 ans, arrêté le 6 mai 1968 lors des affrontements au Quartier
latin, était déjà fiché parce qu’interpellé le 31 mars 1956 alors qu’il manifestait
contre le transfert du dirigeant indépendantiste algérien Messali Hadj à Belle-Île-
en-Mer. Beaucoup, tels Yvon P., un inspecteur d’assurances de 32 ans, ou
Jean D., médecin de 34 ans, avaient été arrêtés lors des rassemblements du
27 octobre 1960 pour la fin de la guerre et l’indépendance de l’Algérie.
L’expérience avait beaucoup marqué : ce jour-là, la violence avait décidé de
futurs engagements. Ce 27 octobre compte parmi les moments de basculement
qui ponctuent les vies. Arlette Laguiller, parmi d’autres, en a témoigné : alors
âgée de 21 ans, elle a regardé,
Elle décide le soir même d’adhérer au PSU. Ayant subi lui aussi cette violence,
un étudiant durant la guerre d’Algérie assure plus tard, en forme de bilan :
« J’étais devenu anti-flic, déjà prêt pour Mai 68 73. »
Dans les dossiers policiers figurent des personnes plus jeunes, adolescents à
la fin de la guerre d’Algérie : par exemple, Patrick B. et Patrick D., qui avaient
16 et 17 ans en 1961, date à laquelle ils avaient été interpellés lors de
manifestations pour la paix. La mobilisation dans bon nombre de lycées, sous la
forme auto-organisée des « comités antifascistes » contre l’OAS, a laissé son
empreinte et offert de renouer avec un savoir-faire militant. « Charonne »,
événement traumatique s’il en est, se retrouve dans les fiches de la police,
décidément utiles pour mesurer les continuités. Qu’il s’agisse de Danielle R.,
une secrétaire de 33 ans, de Philippe C., ouvrier tôlier de 36 ans, de Raymond T.,
ingénieur de 34 ans, tous avaient déjà été arrêtés six ans auparavant, un certain
8 février 74.
DE L’AUTRE CÔTÉ :
POUVOIR, POLICE
ET POLITIQUE
CHAPITRE V
« La force de la police, c’est qu’on ignore ses faiblesses. » Le mot est prêté à
Fouché et, sous son air de ne pas y toucher, il livre une clé élémentaire de
l’institution policière. Pour maintenir l’ordre, il faut une confiance réciproque
entre le pouvoir et son bras armé, un dispositif matériel solide, mais encore un
discours assuré, sans failles ni brèches. Or, l’événement est par définition une
trouée dans l’ordinaire : il vient briser les routines de la force publique pour la
mobiliser autrement, dans le temps de l’urgence et des ajustements. C’est une
épreuve, qui peut témoigner tout aussi bien de l’efficacité ou de la fragilité. Elle
éclaire des seuils de tolérance, déplace les formes de surveillance et le rapport à
la violence 1.
Saisir ces renouvellements est d’autant plus nécessaire que l’action policière
joue un rôle décisif ici. Elle est à l’origine, circonstancielle, de l’événement :
c’est en réaction au dispositif policier déployé et aux violences des premiers
jours de mai que l’appel à la grève est lancé. Étincelle, elle est aussi structurelle
et fait office de révélation sur le pouvoir et la manière de gouverner. La méfiance
voire le rejet traditionnels, notamment dans le mouvement ouvrier, à l’égard des
forces de l’ordre accusées de protéger un ordre jugé injuste dans son inégalité, en
sont nourris à nouveaux frais. Mais il n’y a pas là que rituel d’opposition : pour
beaucoup de manifestants, la confrontation brutale au dispositif policier est une
découverte, un choc physique et politique. Passionné autant qu’éprouvant, il
renvoie à ce que la politique peut avoir de charnel, quand le corps est mis en
danger 2. Ces face-à-face en corps-à-corps ne sont pas un étonnement pour
certains, qui ont connu au cours des années précédentes la dureté des
affrontements. La guerre d’Algérie, dans ses moments les plus tragiques,
demeure comme un passé présent. La fronde contre la IVe République, illustrée
le 13 mars 1958 par une manifestation policière devant le Palais-Bourbon, avait
montré que la loyauté n’était plus de mise. Cette insubordination, rare pour une
institution d’ordre, avait aidé Charles de Gaulle dans sa reconquête du pouvoir :
elle a placé le Général « en position de débiteur », comme s’il devait à la police
une faveur 3. La façon dont la répression meurtrière du 17 octobre 1961 puis la
tuerie de Charonne, le 8 février 1962, ont été couvertes et cautionnées par le
pouvoir est peut-être de ces dédommagements-là, au point d’en faire un
« massacre d’État ». « Charonne » n’a depuis jamais cessé d’alimenter
l’indignation et la rancœur.
La police a, sans doute, une « puissance d’enchantement 4 » : elle alimente la
fascination. On peut l’imaginer omnipotente et omnisciente, déployant les
réseaux tentaculaires de ses agents de renseignements à la manière d’un
panoptique. Une plongée dans les récits qu’elle produit éloigne de tels
fantasmes : qu’il s’agisse de circulaires internes, de rapports de surveillance ou
de comptes rendus faits aux ministres et aux préfets, au milieu des fiches et des
notes de service, ce sont chaque fois des grilles d’interprétation, des codes et des
normes, des « textes en tension 5 » tant peuvent y jouer les surenchères et les
rivalités. « Les polices », devrait-on dire à leur sujet, tant diffèrent les attitudes
selon qu’il s’agisse des gardes mobiles, des polices municipales et nationale ou
des Compagnies républicaines de sécurité. Du moins expriment-elles tout ce qui
se noue pour des forces chargées de maintenir l’ordre et d’appliquer des ordres,
quand le premier est contesté et les seconds interrogés par ceux-là mêmes qui
devraient les respecter sans discuter. Une fois encore, l’événement prouve sa
fonction de dévoilement.
C’est à cette aune que le maintien de l’ordre évolue. Dans son registre
républicain, il se doit de témoigner distance et retenue, capacité à temporiser. Sa
règle est d’intimider, d’« agresser les sens et non les corps », de graduer la
riposte en évitant le contact qui pourrait dégénérer. Ce dispositif est
historiquement situé : les armements utilisés durant les événements, les gaz
lacrymogènes et le fourgon-pompe, ont commencé de s’imposer face aux
manifestations communistes des années 1950 et, bien sûr, durant la guerre
d’Algérie, période de rassemblements interdits. Les affrontements y sont
néanmoins violents et l’usage systématique de la matraque et même de son frère
d’arme le « bidule », long bâton de bois très prisé pour réprimer les opposants,
dément la théorie, en contournant ses principes défensifs 8.
Dès les premiers jours de mai, le dispositif policier doit s’ajuster à la
situation nouvelle, pour éviter d’en faire les frais. C’est le cas surtout à Paris et
dans les grandes villes. Séance tenante, tous les agents sont mobilisés ; la
consigne est de négliger voire d’abandonner d’autres activités courantes. Le
temps est extraordinaire, il impose de faire cesser les pratiques journalières pour
s’adapter à son caractère indécis, exceptionnel et mouvant. À Paris, dès le 8 mai,
le « ramassage de prostituées » par car est suspendu. De nouvelles fonctions sont
dévolues aux forces de l’ordre : traquer les transports d’armes de toute nature,
contrôler les véhicules provenant d’une autre région ou de l’étranger, protéger
les dépôts d’explosifs… Les noms des opérations ont beau être cocasses, elles
doivent être menées avec détermination : les évacuations programmées des
universités parisiennes occupées reçoivent les appellations d’« Astérix » (pour la
faculté de lettres) et « Obélix » (pour la faculté de sciences) – sans potion
néanmoins pour venir à bout d’occupants comparés à des Romains – des
étrangers – dans une Gaule assiégée 9.
Tous les effectifs sont mobilisés. Le 8 mai à Paris, la direction générale de la
police municipale annonce que les permissions sont reportées jusqu’à nouvel
ordre pour les commissaires principaux et divisionnaires, les commandants et les
officiers. Moins de quinze jours plus tard, l’ordre est étendu au niveau national
et à tous les policiers : les départs en congé sont suspendus ; seuls les
événements familiaux graves ouvrent à dérogation. Le 23 mai est un jour férié –
c’est le jeudi de l’Ascension : les fonctionnaires de police qui ne seraient pas en
service sont consignés à leur domicile, pour rejoindre leur poste au plus vite en
cas de besoin 10.
Signe de l’anxiété grandissante côté policier, à dater du 8 mai, tous les
effectifs de la police parisienne doivent être porteurs du calot et du casque et
tous les véhicules être équipés de grilles de protection. On perçoit, à lire leurs
rapports, l’inquiétude de policiers sous tension, leur énervement et leur
épuisement. Le 13, le Syndicat des gradés de la police nationale s’adresse au
préfet Maurice Grimaud pour exprimer « l’insécurité des fonctionnaires ». Le
21, les services préfectoraux lancent une alerte à tous les chefs des polices
urbaines : les officiers sont « instamment invités » à ne faire effectuer de
patrouilles à pied ou bicyclette que par groupes de deux gardiens au moins ;
aucun ne doit rester isolé. Selon une note – et une rumeur – des RG, des
commandos venus de l’Odéon envisageraient d’attaquer des policiers ; les
victimes seraient choisies parmi les agents regagnant leur domicile à une heure
tardive. Les policiers sont sur le qui-vive 11.
Ils ont de surcroît le sentiment d’être mal équipés. La tenue des gendarmes
mobiles – vareuse, pantalon, brodequins et baudrier – ne paraît pas adaptée : elle
gêne les mouvements et laisse trop de prise à l’adversaire au cœur de
l’affrontement. Il leur manque aussi des visières et des boucliers ; pour se
protéger, certains se munissent de couvercles de poubelle, qui font office de
protection. Les lunettes antigaz n’ont rien des masques qui
empêcheraient l’inhalation ; dans le feu de l’action, elles deviennent rapidement
opaques, il faut sans cesse les essuyer 12. En revanche, en pleine pénurie
d’essence, les agents bénéficient de facilités : des postes de distribution sont
ouverts à leur intention. Mais les directives y insistent, il ne s’agirait pas de
détourner ce contingentement de son objet unique : le bon fonctionnement du
service 13.
L’événement fait réfléchir à l’amélioration des équipements et à une gestion
mieux contrôlée, mieux quadrillée, de l’espace public. À Paris, le directeur
général de la police municipale, André Friédérich, se montre impressionné par
les moyens d’action et de liaison déployés par les adversaires auxquels les forces
de l’ordre ont affaire : postes radios portatifs, estafettes motorisées, ambulances,
engins et outils pour dépaver et barrer les rues – scies tronçonneuses et barres à
mine. Ces jeunes lui apparaissent instruits à la technique du combat de rue.
« C’est la première fois que la police municipale se trouve dans une situation
aussi exceptionnelle », reconnaît cet officier. D’où la légitimité à utiliser des
moyens nouveaux et puissants, les bulldozers notamment. Il s’agit aussi
d’étudier de nouvelles techniques de transmission, de sorte que les messages ne
puissent être interceptés par les manifestants. Enfin, la voirie pose des problèmes
qui ne peuvent plus être ignorés. André Friédérich suggère de supprimer le pavé
« mosaïque » : il devrait disparaître des chaussées. La préfecture de Paris aurait
également intérêt à enlever du domaine public les objets, matériels, décorations
et clôtures susceptibles d’entraver la circulation voire de constituer des armes
pour les émeutiers. Ces réflexions de fond ne sont pas propres à la capitale : à
Saint-Étienne, un commissaire divisionnaire étudie la possibilité de recourir à
des chevaux de frise pour interdire l’accès aux bâtiments importants 14.
OUTRAGES ET « LÂCHAGES »
Les élèves m’ont fait promener dans tout le lycée, leur ayant demandé
où se trouvait le bureau de M. le proviseur. À ma sortie, traversant une
cours (sic), j’ai été hué et sifflé et ai fait l’objet de nombreux quolibets
plus ou moins désagréables, de la part des cinq cents élèves âgés
d’environ 12 ans pour la plupart 16.
Bien plus grave est aux yeux des policiers le slogan qui assimile les CRS aux
« SS ». Il s’agit en fait d’une reprise historique, puisqu’il avait été utilisé lors des
grèves insurrectionnelles des mineurs et ouvriers des aciéries, à l’automne 1948.
Le 13 mai, l’Union interfédérale des syndicats de la préfecture de police et de la
sûreté nationale publie un texte de protestation : les policiers impliqués, affirme
ce communiqué, « ont agi sans haine à l’égard des manifestants, la violence des
engagements étant rendue inévitable par le processus engagé ». L’enjeu est
politique : les forces de police ne se sentent pas assez soutenues par les autorités
et certains membres du gouvernement. Elles s’estiment même « lâchées » par le
Premier ministre, qui semble accorder crédit et caution aux étudiants. Lorsque
Georges Pompidou propose de rouvrir la Sorbonne, le 12 mai, les forces de
l’ordre y voient une façon de donner raison à la contestation. Les fonctionnaires
de police peinent à comprendre pourquoi consigne leur a d’abord été donnée
d’évacuer l’université, si c’était pour satisfaire ensuite la revendication des
étudiants. Et de fait, l’Union interfédérale des syndicats de la préfecture de
police et de la sûreté nationale n’hésite pas à déplorer publiquement la
déclaration du Premier ministre, perçue « comme une reconnaissance du bon
droit des étudiants et comme un désaveu absolu de l’action des forces de police
que le Gouvernement a ordonnée. Elle s’étonne, dans ces conditions, qu’un
dialogue efficace avec les étudiants n’ait pas été recherché avant que s’engagent
ces regrettables affrontements ». Son secrétaire général, Gérard Monate, dit
avoir « presque reçu mandat au cours d’une assemblée générale de déclencher la
grève de la police pour protester contre l’attitude du Premier ministre ». De son
côté, le secrétaire général du Syndicat des corps urbains de sécurité confesse
dans la presse qu’il est « difficile de se voir déjuger par le gouvernement. C’est à
lui qu’incombe la véritable responsabilité de la situation. On a pratiquement
donné l’autorisation de dresser les barricades. C’était une erreur ». Enfin, le
Syndicat des gradés de la police nationale, alarmé, interpelle Maurice Grimaud
pour l’informer de la colère qui monte dans ses rangs : le « personnel se trouve
traumatisé et indigné par les communiqués de presse, les informations radio et
les tracts diffusés sur la voie publique ». Les policiers pensent avoir exécuté les
ordres et avoir en conscience accompli leur devoir « dans toute l’acception du
Terme ». Au 13 mai, l’institution policière ne comprend pas le silence des
autorités et aimerait « recevoir dans un ordre du jour les approbations conjointes
de Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de Monsieur le Préfet de Police » 17.
Maurice Grimaud veut toucher les « hommes de cœur » que sont selon lui
les policiers ; il leur parle avec franchise et humanité. Il est conscient du
potentiel danger que cette démarche recèle : elle tranche avec celle de son
prédécesseur, Maurice Papon. Sans doute le souvenir des terribles répressions à
l’encontre des manifestants algériens le 17 octobre 1961 et du massacre à
Charonne le 8 février 1962 n’est-il pas pour rien dans l’attitude de Grimaud,
dont par ailleurs le dirigeant de la JCR Alain Krivine dira plus tard que c’était
« un type bien ». Assurément, l’homme rompt avec la tradition voulant que le
préfet couvre certaines pratiques assimilées d’une litote à des « bavures ». Son
style est à l’opposé de l’autoritarisme déployé par Papon. Pour autant, il est
difficile d’affirmer que Maurice Grimaud aurait « empêché les débordements de
violence policière en mai 1968 » 22. Sa circulaire souvent citée date du 29 mai :
tout un mois d’affrontements s’est déjà déroulé, ponctué d’encouragements
régulièrement adressés à ses subordonnés. Ce 29 mai, soucieux de ménager les
syndicats policiers, il certifie que les faits rapportés sont seulement de « pénibles
incidents isolés 23 ». Sa version donne l’impression de pratiques très
circonscrites. Elle ne correspond pas aux témoignages nombreux qui étayent la
thèse d’une répression violente et parfois acharnée.
La deuxième « nuit des barricades » est violente aussi à Paris. Françoise L.,
22 ans, monitrice d’alphabétisation, rentre de la manifestation à 2 heures du
matin ce 25 mai ; elle est arrêtée en chemin par des CRS qui la frappent avec
leurs matraques. Elle est emmenée au commissariat du 5e arrondissement et, là,
reçoit un coup de poing dans le visage et un coup de pied dans les jambes. Elle
dit être ensuite insultée, une fois placée en cellule, et menacée de viol. La même
nuit, Jean C., un médecin de 45 ans, essaie de s’interposer face à des gendarmes
mobiles qui, quai de Gesvres, frappent des jeunes gens à coups de crosse de
mousqueton. Il reçoit des coups de poing accompagnés de « Fumier ! »,
« Salaud ! » ; il porte plainte pour coups et blessures volontaires. Francis C., un
étudiant de Nanterre, est emmené à Beaujon dans la nuit du 24 au 25 mai : « il y
avait des motocyclistes et des CRS qui nous frappaient », déclare-t-il, tandis
qu’un officier de police municipale demandait en vain aux responsables des CRS
de retirer leurs hommes. Jean-Paul M., aide-monteur de 16 ans, vient porter
plainte, aidé de son père : le 25 mai, place Saint-Michel, un policier introduit
dans sa poche un objet rond puis le brise d’un coup de crosse. L’adolescent
ressent alors une vive brûlure, tandis que se dégage une forte odeur de vapeur de
chlore. Une ambulance l’emmène mais des policiers l’en « arrachent » et il est
conduit à Beaujon. Il y reste, en slip, sous la pluie et dans la nuit, une heure
durant. Pour accroître l’humiliation, un policier coupe l’élastique de son slip. Le
jeune homme est finalement conduit à l’hôpital vers midi 32. Le témoignage
d’une jeune femme emmenée à Beaujon est relaté dans un tract où des cinéastes
en vue garantissent sa bonne foi 33. La jeune femme voit des hommes et des
femmes matraqués, « des blessures très graves à la tête » ; les Noirs, les Chinois
et les Vietnamiens seraient particulièrement visés. Elle-même est violentée puis
jetée dans une cellule où s’entassent quatre-vingts personnes. Elle rencontre une
lycéenne de 16 ans dont le corps est tuméfié ; dans cette cellule, une femme
enceinte est matraquée 34.
Certains manifestants bénéficient en revanche de passe-droits : il arrive que
les policiers soient contactés par diverses autorités pour que des membres de leur
famille soient relâchés. C’est le cas d’un étudiant, fils du maire de Suresnes –
« Monsieur le Préfet informé donne l’ordre de le libérer ». Le même jour
cependant, le préfet ordonne parallèlement de ne relâcher ni Jacques Sauvageot
ni Pierre Rousset – pourtant fils de l’ancien résistant, écrivain et gaulliste de
gauche David Rousset, qui sera en juin élu député sous une étiquette UDR. Un
peu plus tard, le général de corps d’armée Robert B. contacte un commissaire
pour faire libérer sa petite-fille interpellée et conduite au centre d’identification
de Beaujon, ce qu’il parvient à faire 35.
À force d’évoquer « Mai 68 », on en oublie trop souvent Juin. Or, ce mois-là
est émaillé des plus graves affrontements de l’événement, surtout en milieu
ouvrier ; c’est le mois d’autres morts encore. L’intervention et l’invasion des
CRS et des gendarmes mobiles dans l’usine Renault-Flins le 10 juin au petit
matin sont décrites par les ouvriers en grève comme un déchaînement de
violence frénétique. Un jeune gréviste témoigne : « La première chose qu’ils ont
faite, la rage aux dents, c’est d’arracher les drapeaux rouges » ; un autre
confirme : « Ils arrachaient tout » ; et un troisième : « C’était la vraie fureur ».
Un vieil ouvrier interpelle les CRS dans ce qui ressemble à un cri de détresse :
« Vous venez avec des fusils, des matraques, nous sommes les mains vides ». Ce
jour-là, non loin de l’usine, les forces de l’ordre pourchassent les militants venus
soutenir les grévistes. Parmi eux se trouve Gilles Tautin, lycéen et membre de
UJCml. D’après le témoignage de son camarade Jean Terrel, militant de la même
organisation et ancien vice-président de l’UNEF, ce n’est pas la panique qui a
poussé les jeunes gens à se jeter dans la Seine : « Nous avons été chargés aux
cris de “À l’eau ! Tous à la baille !” Les camarades trop lents sans doute à
plonger ont été précipités dans l’eau à coups de crosse. De l’autre côté de la
Seine, les flics nous attendaient crosse levée. » C’est à ce moment que Gilles
Tautin s’est noyé 36.
Ces tensions au plus haut se retrouvent à Peugeot-Sochaux, le lendemain :
les CRS pénètrent dans l’usine à 3 heures du matin et commencent par
matraquer ceux qui tiennent le piquet de grève. Des barricades s’érigent au petit
matin. Les ouvriers passent à l’offensive, au point que les CRS se réfugient à
l’intérieur de l’usine, où ils restent retranchés : quelques heures durant, la
distribution des places dans l’espace physique et social s’inverse. L’un des CRS,
affolé devant les assauts des travailleurs en grève, tire : il tue un ouvrier. Un
autre reçoit une grenade offensive en pleine tête ; il mourra le lendemain. Ils se
nomment Pierre Beylot et Henri Blanchet. Aussitôt, la nouvelle se répand et les
débrayages commencent dans les usines périphériques. De véritables combats
ont lieu tout au long de l’après-midi. Vers 18 heures, une foule d’habitants et de
travailleurs se forme aux cris de « Tous aux barricades ! ». Les CRS finissent par
se replier. En référence au lion de Belfort devenu symbole de Peugeot, les
ouvriers ont peint sur l’usine en lettres gigantesques : « Le lion est mort » 37.
Malgré les mises en garde de Maurice Grimaud à la toute fin du mois de
mai, les violences et les plaintes qu’elles engendrent se poursuivent en juin,
notamment durant la troisième « nuit des barricades » entre les 10 et 11 juin, un
soulèvement provoqué par la mort de Gilles Tautin. À Paris, Armand O., 37 ans,
médecin chef des hôpitaux psychiatriques, est assommé par les matraques de
policiers ; tandis que, couvert de sang, il est à moitié inconscient, un policier lui
arrache ses lunettes, qu’il piétine. Claude-Marie V., un journaliste de 29 ans, est
blessé par un tir de grenades offensives lancées en direction de la Sorbonne.
Atteint au visage, aux jambes et aux bras, il doit rester alité pendant quatre
semaines, au bout desquelles il marche toujours avec difficulté. Le directeur
général de la police municipale reconnaît que des coups ont été portés à des
journalistes munis de leurs brassards. Tout en concédant que ces violences sont
« parfaitement injustifiées », il les explique par l’épuisement qui règne parmi les
agents, cibles de projectiles et de bombes artisanales 38. Aux yeux des policiers
les plus hauts gradés, cette situation n’est pas une excuse ; mais elle éclaire l’état
de tension dans lequel se trouvent les forces de l’ordre, depuis le début de mai.
En effet, les policiers comptent eux aussi de nombreux blessés dans les
affrontements : 1 138 blessés dans la police parisienne, dont 338 chez les CRS et
436 chez les gardes mobiles, d’après la livraison de Liaison publiée en
septembre 1968. Selon les recensements effectués en interne par la préfecture de
police, la plupart de ces blessures sont légères : blessures à l’arcade sourcilière,
fracture d’un annulaire, contusions, douleurs aux parties sexuelles produites par
le jet d’une pierre, douleurs à la cheville, intoxication par les gaz
lacrymogènes… La grande majorité des policiers blessés ne nécessite pas de
prise en charge hospitalière. À Saint-Nazaire, des policiers sont plus grièvement
blessés : l’un d’eux doit même être amputé de la main. Au-delà, les forces de
l’ordre se sentent harcelées. Dans la capitale, un chef de district assure que les
grenades lancées par les manifestants sont suffocantes et « d’un effet beaucoup
plus difficilement supportable que les nôtres » 39.
Les policiers sont surpris par la combativité de leurs adversaires – et en sont
déstabilisés. Dès le 3 mai, un commandant des gardiens de la paix posté place
Edmond-Rostand, au Quartier latin, reconnaît que les manifestants, « sans être
agressifs, f[ont] montre d’une ténacité extraordinaire en se regroupant et en
réoccupant le terrain aussitôt que [sa] demi-compagnie se replie ». Un
commissaire de Saint-Nazaire décrit comment les manifestants « évitent le
corps-à-corps grâce à leur jeunesse et à leur agilité » ; selon lui, leur « mobilité »
est supérieure à celle des unités de gendarmerie… mobiles. Si la première « nuit
des barricades » est très rude, la deuxième, au soir du 24 mai, est sans doute la
plus violente. Les manifestants apparaissent beaucoup mieux organisés. Ils
s’emparent de matériaux trouvés sur des chantiers et dans des baraques
d’ouvriers : morceaux de bois, poutres, madriers, rouleaux de câbles, mais aussi
bancs et grilles d’arbres. Place Denfert-Rochereau, les pavés sont enlevés de la
chaussée au moyen d’un marteau-piqueur et d’un compresseur. Des jeunes
portent des matraques, des gourdins, des manches de pioche et des chaînes de
bicyclette. Entre gare de Lyon et Bastille, le quartier se hérisse de barricades.
Les bulldozers des policiers s’acharnent à les réduire et à les écraser. Vers
22 heures, toutes sont en feu. Visés par des lancers de pierres, les policiers
répliquent à la grenade lacrymogène ; les autopompes fonctionnent à plein
régime. À la même heure, un cortège d’environ 4 000 manifestants emprunte les
grands boulevards et parvient place de la Bourse, où un drapeau rouge est hissé ;
l’édifice commence d’être incendié. Il faut près d’une heure aux forces de
l’ordre pour venir à bout des insurgés. Les manifestants mettent le feu à des
cageots et des cartons ; ils lancent aux policiers des pierres et des boulons.
D’après un rapport de la préfecture de police, « leur agressivité et leur violence
sont telles que les forces de l’ordre tiennent difficilement leur position » – elles
doivent appeler des renforts. Là encore, les bulldozers entrent en action. À
2 heures, « l’atmosphère d’émeute règne toujours autour du Panthéon ». Ce n’est
qu’à 4 heures du matin que les barricades de la rue Monge et de la rue des
Écoles tombent, et à 6 heures que le calme revient. Calme précaire d’ailleurs, car
dès 8 heures, les étudiants qui s’étaient réfugiés dans différents établissements
universitaires reviennent en masse occuper la rue Gay-Lussac, « où leur extrême
animosité rendra impossibles les premiers travaux de repavage de la
chaussée » 40.
La « nuit rouge » n’est pas seulement parisienne. À Lyon, d’après les termes
du journal Le Progrès, les barricades dressées sur le cours Lafayette paraissent
indiquer que la rue est « entre les mains de spécialistes, puisqu’un compresseur
rangé sur un chantier est mis en marche et déplacé pour fournir l’essentiel de
l’ouvrage avant d’être mis à feu » ; c’est surtout le signe que de jeunes ouvriers
sont présents et actifs au côté des étudiants. À Nantes, cette nuit du 24 au 25 mai
est ponctuée d’une intense violence, entre dépavages d’un côté et matraquages
de l’autre. Une barricade s’érige rue de la Préfecture ; les policiers, postés sur le
quai de Versailles, tirent des grenades au chlore. Des paysans se mêlent aux
jeunes ouvriers et aux étudiants.
Des tractations régulières ont lieu avec Alain Geismar et Jacques Sauvageot.
Aucun d’eux n’est d’ailleurs considéré comme violent : la presse les dépeint en
modérateurs le plus souvent. Sud Ouest, le 16 mai, juge qu’Alain Geismar
contribue « à éviter bien des heurts ». Quant à Jacques Sauvageot, avec « son
faux air d’Alain Delon » et « sa voix naturellement douce » – le journal précise
même qu’il est célibataire, sans que l’on sache en quoi ce statut matrimonial a
une importance dans l’affaire… –, la violence n’est pas pour lui un but en soi.
Daniel Cohn-Bendit est lui-même présenté comme celui qui tempère « les plus
excités » 43.
De surcroît, certains savent distinguer les pratiques diverses des corps de
police : dans de rares « remerciements à la police parisienne », des manifestants
saluent la protection que leur ont offerte des policiers municipaux face à un
groupe de CRS qui les avait encerclés, le 24 mai ; ils leur auraient permis
d’« échapper à la chasse à l’homme et au massacre délibéré que les CRS ont
organisés » – les policiers municipaux les ont embarqués puis relâchés après
avoir franchi le barrage des CRS. Tout aussi rare est l’interpellation qu’adresse
le Comité d’action universitaire aux gardes mobiles et aux CRS, en imaginant
qu’ils pourraient être de leur côté : « L’État vous utilise pour réprimer les
revendications de ceux qui réclament une Université ouverte aux fils de
travailleurs, une Université qui puisse accueillir vos enfants » 44.
Sur l’usage de la violence, les positions sont partagées. Pour le PSU, au
Quartier latin comme à la Bastille, à Lyon comme à Bordeaux, à Flins comme à
Sochaux, « c’est chaque fois la volonté policière d’occuper les locaux
universitaires ou industriels, ou de bloquer l’itinéraire d’une manifestation
pacifique, qui a provoqué l’immobilisation des manifestants, puis les charges de
police ». Le parti affirme vouloir poursuivre ses objectifs aussi bien par l’action
légale et parlementaire que par « la pression pacifique des travailleurs lorsque
l’action légale n’y suffit pas ». Daniel Cohn-Bendit justifie l’usage de la
violence « pour ne pas se faire massacrer » : « Nous avons l’exemple d’une
manifestation non violente, qui s’est terminée par sept morts [en fait, neuf] :
c’est Charonne. » Pour le 22-Mars, la barricade est une « action exemplaire » :
elle est spontanée et exprime un moment politique particulier. Elle ne doit pas
pour autant être reconduite indéfiniment, au risque d’être « folklorisée », si elle
ne modifie plus le rapport de force : défensive, elle sert à se protéger, mais ne
vaut pas les manifestations offensives de rue, plus volontaristes et finalement
plus politiques, selon les circonstances. Surtout, la violence ne doit pas être
circonscrite aux affrontements et aux échauffourées. Comme l’affirme par
exemple, dans le Puy-de-Dôme, l’Union départementale CFDT, la violence
sociale est quotidienne, infligée à celles et ceux qui sont réduits à la misère, aux
travailleurs étrangers à qui on interdit de venir avec leur famille, à celles et ceux
qui sont contraints d’habiter des caves ou des bidonvilles, aux vieux travailleurs
qui ont 5 francs par jour pour subsister. On saisit à cette aune la position du
comité de Censier : « Une révolution est aussi violente que la violence qu’elle
récuse et qui lui résiste. Qui refuse a priori la violence n’est pas révolutionnaire
car il n’a pas pris conscience de la violence qui lui est faite » 45.
– Mon Général, il faut que vous sachiez que les forces de l’ordre sont
traumatisées.
– Mais Fouchet, « traumatisées », qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien,
Fouchet, il faut faire ce qu’il faut avec la police, il faut lui donner de la
gnôle ! Comme on le fait toujours pour les combattants des tranchées 64.
En haut lieu
Face à des situations de ce type, l’État ne peut répondre que par des
solutions classiques qui consistent à diviser ce qui est uni : l’université
s’est unie au mouvement ouvrier, ce qui, pour un État, est insupportable.
Il n’est pas possible d’éviter un mouvement ouvrier, mais il n’est pas
possible d’avoir en même temps un mouvement étudiant ; il faut à tout
prix avoir l’un et l’autre successivement, mais pas ensemble, et le drame
de 1968 c’est qu’on les a vu venir, se réunir, se conjuguer et qu’on n’a
pas pu empêcher cette vague 2.
S’il est donc difficile au pouvoir de saisir l’épaule de la vague avant qu’elle ne
déferle, il lui faut jouer sur ses creux pour la briser.
On a beaucoup dit, à raison pour partie, que le président de la République et
son Premier Ministre ont une différence de stratégie. Mais, s’il y a bien pendant
quelques jours « crise au sommet de l’État », y a-t-il vraiment « deux voies » 3 ?
En réalité, leur approche démontre un même balancement entre compréhension
affichée de certains éléments et condamnation des « enragés », une même façon
d’attiser la peur avec le risque de guerre civile, enfin une vision de long terme
qui porte un nom : la « participation ». C’est davantage dans le courant gaulliste
qu’il y a opposition ; le clivage entre la « gauche » et la « droite » du mouvement
en est réveillé. L’autre ligne de partage court entre la tête de l’exécutif et le reste
du gouvernement, tant certains ministres semblent quasi absents ou
impuissants 4.
Reste que le pouvoir n’est pas qu’à l’Élysée et à Matignon : il est du côté des
préfets qui doivent appliquer, tant bien que mal, leurs décisions. La consigne est
de faire cesser la grève à tout prix et par toutes sortes de moyens, de la
concertation à la répression. L’échelle locale est essentielle : c’est aussi à ce
niveau-là qu’est mise en œuvre l’autorité de l’État.
UN GÉNÉRAL DE DIVISION
[il est] bien difficile d’être modéré et calme. Tout le monde est
extrémiste et on se laisse entraîner. Il y a des moments où je me sens
affreusement révolutionnaire. Quand je vais sur les Champs-Élysées, j’ai
envie de sortir mon revolver. Il est vrai que je n’en ai pas 12.
Sous contrôle
Le Premier ministre relaie bien volontiers le mot salé qu’a forgé le Général
pour qualifier la situation, au retour de son voyage en Roumanie le 18 mai : « La
réforme oui, la chienlit non. » Aussitôt, la presse s’emploie à en faire l’exégèse
et à en saisir la genèse. « Chienlit » : ce n’est pas la première fois que Charles
de Gaulle l’emploie ; la IVe République avait eu droit à cette caractéristique, qui
rappelle Gargantua. Sans détour ni allégorie, le terme renvoie à « qui chie au
lit ». Mais il a son brevet littéraire : Huysmans avait décrit une « chienlit de
guerre ». Littré en donne un autre sens, plus historique, celui du Carnaval et des
jours gras. Voilà qui associe l’événement à un divertissement et à ses
accoutrements ; culbuté, le monde est à la renverse : il faut donc le remettre à
l’endroit 16.
L’étonnant néanmoins vient de ce que, en ces moments critiques, le Conseil
des ministres continue d’écumer des ordres du jour inchangés. Le 23 mai par
exemple, il examine un projet de loi qui modifie la réglementation minière en
Nouvelle-Calédonie, un autre relatif aux gîtes d’eaux chaudes et de vapeurs
d’eau dans les départements d’outre-mer, un dernier consacré à la situation
juridique des artistes du spectacle et des mannequins 17.
Le lendemain, le général de Gaulle prononce l’allocution télévisée prévue
depuis dix jours déjà – le Premier ministre l’avait annoncée le 14 mai. Le
Président apparaît fatigué et sans doute désorienté par une situation
« bouleversée », qui semble lui échapper. Il décrit un « pays au bord de la
paralysie », souffle le chaud et le froid. Il brandit la menace de la « guerre
civile » dans laquelle la nation pourrait « se rouler » : elle courrait à sa perte,
« aux aventures et aux usurpations les plus odieuses et les plus ruineuses ». Mais
il dit aussi la nécessité de « réformer » et de « changer partout où il le faut des
structures étroites et périmées ». En appelant à « la voie la plus directe et la plus
démocratique possible », le référendum, Charles de Gaulle mise sur le prestige
de sa personne : il lie le « destin » de la France au sien.
Ce discours du 24 mai avance une proposition qui n’est pas nouvelle mais
s’affine depuis des années : la « participation » des salariés. L’« association
capital-travail » est un pilier du « gaullisme de gauche » – et ce depuis le
discours que le Général a prononcé à Oxford le 25 novembre 1941. Il y revient
pour préciser son ambition en mars 1945, puis à la fondation du Rassemblement
du peuple français (RPF) le 7 avril 1947, enfin à Saint-Étienne le 4 janvier 1948.
Cette « association » renvoie à une « rémunération du travail proportionnée au
rendement global de l’entreprise ». Pour le cercle des gaullistes de gauche – qui
sont aussi des chrétiens, dans la tradition du christianisme social – tels René
Capitant, Léo Hamon, Louis Terrenoire et Louis Vallon, la participation offre
l’avantage de récuser la lutte de classes, l’antagonisme et la conflictualité. En
1965, Louis Vallon dépose un amendement au projet de loi de finances qui
relance la participation ; l’ordonnance du 17 août 1967 en consacre l’application
par l’intéressement des travailleurs aux bénéfices, dans les entreprises de plus de
cent salariés 18.
Depuis le début de l’année 1968, un proche conseiller du Général à l’Élysée,
Bernard Ducamin, ne cesse de rappeler la portée d’une telle réforme. Le 6 avril,
il écrit à Édouard Balladur, conseiller technique au cabinet du Premier ministre,
combien l’intéressement peut être important : associer les salariés à l’expansion
des entreprises, c’est aussi les dissuader de faire grève. Aux sceptiques qui,
comme le ministre des Affaires sociales Jean-Marcel Jeanneney, jugent son
application impossible dans les entreprises publiques, Bernard Ducamin soutient
le contraire : la SNCF, par exemple, « doit pouvoir à terme gagner de l’argent » ;
il faut y encourager « le sens de la recherche du profit ». Loin de se tenir en
retrait, l’État devrait « donner l’exemple » et stimuler un « esprit d’entreprise »,
concurrentiel et compétitif. Au secrétariat général de l’Élysée, Jacques Patin y
insiste aussi : l’intéressement aux bénéfices est une solution face aux grèves et
manifestations. Tout juste nommé, le ministre de l’Industrie Albin Chalandon
fait rédiger dans la foulée un projet de loi pour la rénovation universitaire,
sociale et économique, celui-là même qui devrait être soumis à référendum. La
participation en est le cœur : elle doit concerner « tous les échelons de
l’économie » et impliquer non seulement les travailleurs mais encore les élus
locaux 19.
Est-ce en raison de son ton, de l’impression que donne le Général d’être
accablé ? L’allocution du 24 mai ne convainc pas. Les RG le répètent à satiété :
« l’opinion » « espérait énormément » de cette intervention ; elle serait
« profondément déçue ». « De toute part on entend : “Ce n’est pas la peine
d’avoir mis huit jours pour dire cela” », notent les RG de la Loire. Ils relèvent
« un certain malaise » dans les milieux patronaux : en matière de participation, le
Président se serait « trop avancé » ; cela pourrait ouvrir des appétits et durcir les
exigences syndicales. Plus au fond, le chef de l’État aurait reconnu la faillite de
son propre régime, avec le bilan catastrophique de la situation. La tendance, lit-
on aussi dans le Pas-de-Calais, est à « la déception mêlée de regret » : le discours
n’a pas créé « le choc psychologique que souhaitait la grande majorité de la
population » 20.
RENCONTRE AU SOMMET
L’État contre-attaque
En tout cas, voilà les préfets occupés à répertorier les lieux de travail, les
bastions ouvriers et les mairies occupées afin de cerner où et comment les
piquets de grève pourraient être levés. Dans les Bouches-du-Rhône, le préfet
dresse la liste des mairies touchées par la grève et marque d’une croix rouge
celles qui s’avèrent « difficilement récupérables » telles Martigues, Aubagne ou
Berre. Ils se chargent de faire évacuer les piquets devant les dépôts pétroliers et
ce, dès le 31 mai : la réapparition de l’essence doit confirmer que le mouvement
prend fin à l’orée de juin 32.
Le préfet de Charente-Maritime, Daniel Doustin, se montre particulièrement
actif à convaincre les grévistes : le 31 mai et les jours suivants, il fait circuler
dans les rues de La Rochelle des voitures avec haut-parleurs pour appeler à la
reprise. Il leur adresse une lettre officielle, où il dit non sans ironie qu’« il faut
savoir terminer une grève », reprenant la formule célèbre de Maurice Thorez : le
préfet entend disputer au Parti communiste la légitimité de s’adresser aux
ouvriers. C’est, explique-t-il, parce qu’il connaît bien la condition des
travailleurs – lui-même est fils de cheminot – qu’il les exhorte à « faire
attention » : la grève pourrait se retourner contre eux si elle se prolongeait.
Daniel Doustin exalte les avantages « très substantiels » « définitivement
acquis » à Grenelle. Aller plus loin, ce serait mettre en péril l’économie, déjà
« terriblement dégradée » : la situation deviendrait « catastrophique » – certains
marchés en cours avec l’étranger ne seraient pas conclus, les emplois attendus ne
pourraient pas être créés. La dramatisation a le don de jouer sur une corde
sensible, en cette période tendue 33.
Enfin, à la demande de Raymond Marcellin et en prévision des élections, les
préfets font « remonter » les problèmes locaux qui demeurent en suspens, « dont
la solution aurait une influence sur le scrutin ». Toutefois, le ministre de
l’Intérieur l’a spécifié, ces difficultés ne l’intéressent pas forcément en soi : elles
ne doivent être évoquées que pour les circonscriptions « marginales », « où le
résultat est encore incertain » 34.
Au-delà, les préfets veulent faire en sorte que de tels événements ne se
répètent pas. Dans plusieurs régions se mettent en place des groupes de liaison
dont ils président les réunions : ils rassemblent des représentants de l’armée, de
la gendarmerie, de la police et des Renseignements généraux qui associent leurs
forces pour surveiller les mouvements radicaux, mais encore pour les
disqualifier aux yeux de la population. Le préfet du Nord, Pierre Dumont, insiste
pour que l’opinion soit informée « sur la véritable nature de ces mouvements
révolutionnaires, prétendus novateurs, alors qu’ils ne font que reprendre des
doctrines marxistes léninistes vieilles d’un demi-siècle ». Le préfet des Deux-
Sèvres, Jean Rougé, estime essentiel d’empêcher leur pénétration dans les
usines ; il juge également nécessaire une « contre-propagande révolutionnaire »,
« en informant discrètement » : « il ne s’agit pas d’affoler la population mais de
lui dire objectivement la vérité et les dangers que fait courir à la société l’activité
de ces groupes ». Il faut aussi empêcher que se tiennent les « universités
critiques » prévues durant l’été. Quant au préfet du Calvados, Gaston Pontal, il
s’assure auprès du ministre de l’Intérieur que les « agitateurs » sur le point de
faire leur service militaire verront leur cas traité « avec rigueur » : il ne faudrait
pas les incorporer dans des régiments dont il pourrait ensuite appliquer la
formation sur les barricades ou lors de manifestations 35…
RESPONSABILITÉS LIMITÉES
Rappels à l’ordre
RÉACTION EN CHAÎNE
L’EMPIRE D’OCCIDENT
« LA DÉMOCRATIE À LA VOIRIE »
Tout au long des événements, des affrontements opposent les deux camps.
La préfecture de police de Paris signale que des commandos d’anciens
parachutistes circuleraient dans la capitale, prêts à affronter les « éléments
communistes prochinois et anarchistes ». La tension monte surtout début juin. À
Strasbourg, des membres du comité d’action civique pénètrent dans le Palais
universitaire, allument des incendies dans les caves et certains laboratoires,
saccagent le bureau du doyen de la faculté de théologie protestante, actions
pendant lesquelles une quinzaine d’étudiants sont blessés. Leurs opposants les
assimilent à de véritables « sections d’assaut ». À Lyon, dans la nuit du 3 au
4 juin, Occident et les comités d’action civique tentent d’investir la faculté des
lettres, mais sont repoussés au cours d’une bataille rangée. À Poitiers, le siège de
l’UNEF est occupé le 4 juin par une trentaine d’étudiants membres de la FNEF,
casqués et armés de matraques ; les militants de l’UNEF récupèrent leur local le
lendemain, après avoir brandi barres de fer et gourdins. À la faculté des lettres de
Rouen, sur la commune de Mont-Saint-Aignan, un groupe d’étudiants hostiles à
l’occupation décide une « opération de libération » le 6 juin au petit matin, avec
matraques, barres de fer et grenades lacrymogènes. Les « assiégés » – des
étudiants et de jeunes ouvriers – répliquent avec des cocktails Molotov, des
lances à incendie et des pavés. Toutes les vitrines du hall sont brisées. Les
« assaillants » sont poursuivis par les occupants sur près de deux kilomètres ; ils
s’enfuient à travers bois et bosquets. Une seconde tentative est lancée le 18 juin,
mais le rapport de force est inégal : les militants de la FNEF sont moins de 100
et les occupants, entre 600 et 700 ; les bagarres font plusieurs blessés. Selon le
comité de grève qui avait d’ailleurs décidé de cesser l’occupation nocturne des
locaux et entrepris leur remise en ordre, l’assaut aurait été mené avec l’appui des
policiers, plusieurs cars de police se seraient installés sur les abords pour
protéger le « commando » emmené par Didier P., président d’honneur de la
FNEF locale, au milieu d’agents des Renseignements généraux. Sur place, le
PSU le certifie aussi : « La police a été présente durant toute la durée de cette
attaque. Loin de s’opposer aux déprédations elle a tout simplement chargé les
étudiants qui tentaient de défendre leur lieu de travail » 14.
AU SERVICE DE LA NATION
L’HOMMAGE AU GÉNÉRAL
MANIFESTANTS DE LA PATRIE
Les structures sont en place et quadrillent le territoire. Mais il faut aller plus
loin pour reprendre la main. Après le lancement des CDR, le parti gaulliste
s’organise pour une autre initiative : de grandes manifestations dans tout le pays.
L’UD Ve y met les moyens : elle fait imprimer 2 millions de tracts ; quelques
centaines de milliers sont largués par avion sur la capitale. Le parti affrète des
camions et des cars acheminés vers Paris depuis la banlieue mais aussi depuis le
Nord, la Picardie, la Bourgogne et la Normandie… Le pari est réussi. Des
centaines de milliers de personnes défilent de la Concorde à l’Étoile au soir du
30 mai. Les estimations sont, comme toujours, compliquées : la presse qui leur
est acquise, Le Figaro ou L’Aurore, va jusqu’à parler de 500 000 à
600 000 participants ; la CGT en compte plutôt 300 000, ce qui pour une fois la
rapproche des estimations policières. C’est un imposant succès, à telle enseigne
que la manifestation se déroule trois heures durant, jusqu’à l’Arc de Triomphe
où le disputent la colère et le recueillement. Parmi les slogans, on entend « La
France aux Français », « Mardi, tous au travail », « Mitterrand tu ne seras pas
président », « Salaud salaud salaud, Mitterrand répondit l’écho ». Le registre est
parfois violent, avec ses « Gauchistes au poteau » ou même son « Cohn-Bendit à
Dachau » – qui révoltera. Signe de la diversité dans les rangs des manifestants,
des « Vive le Maréchal » s’expriment en soutien aux mânes de Philippe Pétain 21.
L’appui au Général ne s’affirme pas que dans la capitale. Jusqu’à la mi-juin,
des défilés ont lieu dans une cinquantaine de départements, calqués sur le
modèle parisien : élus en tête qui arborent leurs écharpes tricolores, drapeaux,
Marseillaise et minute de silence devant les monuments aux morts. À Lyon, le
rassemblement se tient à l’endroit où le commissaire Lacroix a succombé. Les
symboles sont puissants pour rétablir l’autorité. À Nantes, au côté des maires et
députés de la majorité, les patrons sont en tête du cortège : le président de
l’Office patronal, le président de l’Union des syndicats patronaux et des chefs
d’entreprise très en vue dans la région. À Charleville-Mézières, un tract appelle à
éviter les provocations : le défilé doit se dérouler dans le calme et la dignité –
« penser que notre mission est de rendre l’espoir aux Français ». La tonalité est
parfois xénophobe. À Perpignan, le Comité de défense pour les libertés
républicaines met l’accent sur les étrangers : « La France a toujours accueilli ces
derniers avec la grande bonté qui la caractérise. S’ils ne sont pas satisfaits de
notre pays, qu’ils rentrent chez eux. » Leur présence sur les piquets de grève est
considérée comme une « ingérence » intolérable ; les manifestants s’adressent
donc aux travailleurs français, pour dissocier leurs camarades d’autres
nationalités : « Travailleurs français vous perdez votre liberté. Les piquets de
grève composés d’étrangers font la loi à la porte de vos usines, de vos ateliers,
de vos chantiers » 22.
25 avril, no 3, juin 1968, AD Charente-Maritime 181AJ196.
Des contre-rassemblements et des heurts ont lieu entre les deux camps,
comme à Lyon, Limoges, Reims et Rouen. Place Napoléon à La Roche-sur-Yon,
des coups de poing sont échangés. Des syndicalistes CFDT ont le courage de
distribuer des tracts aux manifestants et les interpellent sur leur aspiration à la
liberté : « Est-ce respecter la liberté du travail que d’obliger 500 000 personnes à
être chômeurs ? Est-ce respecter la liberté que de maintenir les salaires à un
niveau de misère ? Est-ce respecter la liberté que de refuser l’expression
syndicale dans les entreprises ? » Le ton monte quand resurgit l’histoire vive
encore de la répression : « Où étiez-vous après le massacre du métro Charonne
pour défendre la liberté d’expression ? » 23
Les jeunes gaullistes continuent de se rassembler à Paris après le succès du
30 mai. Le 1er juin, une centaine de jeunes portant drapeaux tricolores défilent
sur les Champs-Élysées puis forment cortège vers les studios d’Europe no 1,
auxquels ils lancent des cris hostiles ; des participants sont reçus par les
responsables, qui les autorisent à ficher un drapeau bleu-blanc-rouge sur leur
balcon : cet accord a le don d’apaiser les esprits et de disloquer la manifestation.
Le 4, on les voit sur le parvis du Trocadéro, scandant leurs slogans : « Waldeck
au crochet », « Moscou au clou », « Pékin aux requins ». La chanteuse Joséphine
Baker marche à leur tête : les jeunes gens sont fiers de voir parmi eux cette
vedette. Le Figaro décrit une jeune fille moulée dans une robe tricolore, « un flot
romantique de rubans patriotiques noués dans les cheveux ». Un drapeau rouge
est brûlé sur les marches du Palais de Chaillot. Un jeune du service d’ordre
harangue en vain les manifestants pour aller au Quartier latin « vidanger la
Sorbonne ». Il faut faire échec aux « provocateurs anarchistes », par tous les
moyens 24.
L’EXPÉRIENCE SENSIBLE
DU POLITIQUE
CHAPITRE VIII
Quelques traits fulgurants tirés d’un temps en suspens : pour le romancier Serge
Velay, décrire 1968 avec fidélité exige ces instantanés saisissants, fragments
arrachés à une intensité perdue qui redonnent à l’événement la couleur et le goût
des émotions vécues. L’écriture poétique s’ajuste à l’expérience sensible du
politique : charnelle, incarnée, elle en fait savourer les fruits et dit les possibles
ouverts, les futurs entrevus.
Les émotions éprouvées en 1968 n’ont fait l’objet, dans l’historiographie sur
le sujet, que de brèves notations, simples allusions égrenées au passage et au fil
de témoignages. Serait-ce par prudence ou par pudeur ? Ne faudrait-il en
réserver le sens qu’à la littérature ? Pourtant, toute pratique politique est tissée
d’affects. Ils ne sont pas un frein ou un obstacle à la rationalité : ils en
constituent un fondement en tant qu’ils sont, eux-mêmes, une forme de jugement
raisonné. Il y a lieu de prendre au sérieux la notion d’« intelligence
émotionnelle » 2. Ce paradigme de l’expérience critique, qui considère les
émotions comme une forme de cognition, fait resurgir en force leur étymologie :
ce qui fait se mouvoir, en lien donc avec l’agir autant sinon plus qu’avec le pâtir.
Il remet au jour ce que l’émotion, jadis, voulait dire et renoue avec son sens
premier : « disposition dans le peuple à se soulever » 3.
Prendre en compte les sensations, les émotions et les sentiments qui s’y
expriment ne revient donc pas, loin de là, à dépolitiser l’engagement. « Les
affects sont la matière même du social, et plus particulièrement ils sont l’étoffe
de la politique » ; car le politique est un art de produire des effets – un art
d’affecter. Sans la capacité d’affecter, les idées seraient sans force et au fond
sans conséquence 4. Le sentiment de peser sur le cours de l’histoire est un affect
puissant, un facteur de politisation. Jacques Rancière définit le politique comme
ce qui bouleverse le partage du sensible ; il entend par là la transgression des
distributions courantes qui déterminent les rôles et les places 5. Les « passions
séditieuses » ou contestataires portent en elles un « devenir perpendiculaire »,
comme le dit Frédéric Lordon : la force affective qui provoque les
soulèvements – joie, mécontentement, colère, désir collectif de bouleversement –
se situe à angle droit par rapport au temps courant de la résignation, tranche
avec les aplats du monde social et lui donne un nouvel éclat 6.
Un heureux événement
L’ART DE LA JOIE
Ceux qui ont élevé les barricades n’oublieront pas de sitôt l’espèce de
joie profonde, l’espèce de vertiges sans limites qui se sont emparés
d’eux. C’était comme si brutalement un couvercle sautait, libérant des
énergies depuis toujours réprimées. C’était comme si une longue
solitude prenait fin. […] Soudain tout était aboli : l’angoisse, la peur de
la mort, l’inquiétude de la vie. Le regard de chacun balayait un vaste
horizon possible dans le frémissement des drapeaux rouges. La négation
devenait affirmation. Affirmation d’un monde nouveau, urgent,
absolument nécessaire 9.
L’événement rompt avec les colères solitaires et les sentiments isolés, esseulés.
C’est une manière de briser la monotonie du même, la sensation de l’uniforme.
DE L’AUDACE !
Paradoxalement, cette joie si évidente et si puissante est celle des émotions
qui se laisse le moins saisir. Elle se voit plus qu’elle ne se dit : on regarde
l’allégresse des visages sur les photographies et les écrans, quand s’y projettent
les films-fragments de l’événement. Dans un cinétract du mois de mai, entre
deux images d’une usine occupée, un carton annonce « l’espoir d’une autre
saison ». Cette exaltation, on l’entend également. Le 6 mai à la Sorbonne, les
étudiants convoqués devant le conseil de discipline entonnent joyeusement une
Internationale ; ils sourient, et leur sourire est un défi 12.
Le film tourné par Jean-Pierre Thorn sur la grève à l’usine Renault-Flins,
Oser lutter oser, vaincre, en montre chacune des étapes comme des éclats de
joie. Pour commencer, la gaieté exprimée durant les débrayages, quand l’usine
se met en mouvement : chacun quitte son poste de travail en chantant, en criant,
en s’interpellant avec entrain. « Flins » devient différent. Ensuite, les sourires
éclatants ; il n’est qu’à voir les ouvriers porter avec fierté leurs pancartes : « le
gouvernement populaire, c’est l’affaire du peuple seul ». Puis se mènent, d’une
entreprise à l’autre, de nouveaux débrayages et le cortège ressemble à celui d’un
mariage : les voitures des grévistes avancent en file, les klaxons retentissent. Un
ouvrier raconte le bonheur qu’il ressent :
Quand je vais dans une entreprise, une petite entreprise, qui n’ont pas de
syndicat, et qui demandent notre aide, qu’on les fait débrayer, pis qu’on
voit que les gars s’organisent, qu’ils ont la foi, qu’ils mettent tout en
œuvre, qu’ils créent un syndicat, un comité de grève, ben je t’assure, j’ai
le cœur qui déborde de joie, je chanterais, je laisserais éclater, je ferais
n’importe quoi, j’explose moi…
Enfin, une interpellation résonne comme un ordre inversé ; elle porte la trace
espiègle des carnavals, mais d’un carnaval politique et social : « CRS, à la
chaîne ! », « À la chaîne, les patrons ! » 13. Telle pourrait être l’incarnation même
de l’insubordination. Le titre qu’a choisi Jean-Pierre Thorn est en soi éloquent :
la joie vient de ce que l’on ose, d’une audace rare, le bonheur d’avoir franchi le
pas.
Une telle joie se laisse mal consigner dans des tracts, mal enfermer dans des
comptes rendus d’assemblées. Les traces en sont éparses. À Prades, dans les
Pyrénées-Orientales, le principal du collège évoque, à la date du 20 mai, « une
explosion de joie juvénile » : les élèves se rassemblent dans la cour, échappent à
l’autorité de leurs professeurs, la refusent même et décident de rejoindre le
cortège l’après-midi 14. Quelques notations expriment une dignité retrouvée. À
Clermont-Ferrand, la section CFDT des galeries commerciales Jaude traduit le
contentement serein de dire son fait au directeur, de pouvoir enfin lui retourner
ses tentatives d’intimidation : « Attention, Monsieur le Directeur, avec vos
menaces de sanction pour faits de grève : les tribunaux servent aussi les
syndicats (voir Michelin). C’en est fini. Désormais, Monsieur le Directeur, les
employés des Galeries unis dans leur syndicat CFDT se feront respecter et
exigeront d’être traités en personnes libres et responsables de leur destinée 15. »
Comment ne pas ici se rappeler les mots d’Axel Honneth dans son exploration
des luttes pour la reconnaissance ? Le sentiment d’avoir été trop longtemps
méprisé donne naissance à une résistance, expérience morale et cadre
d’interprétation commun 16.
GENS HEUREUX
Le corps alors n’est pas le lieu d’une métaphore : il est politique parce qu’il est
engagé 26.
Sur ce registre, certaines images échappées des reportages ne laissent pas
d’étonner : car il y a, paradoxe du protagonisme, de la sérénité dans le tourbillon
de la violence – et du courage en tout cas. Dans le film Ce n’est qu’un début de
Michel Andrieu, Jacques Kébadian et Renan Pollès, les affrontements du 6 mai
sont approchés de très près, caméra à l’épaule. Les jeunes gens apparaissent
démunis, sans aucun équipement face au bouclier policier. Certains ont
cependant une légèreté dans les gestes, presque aériens ; ils n’ont rien pour se
protéger ; leur manière de lancer un pavé apparaît néanmoins impavide. Au
premier plan, un jeune homme s’avance, placide, et son calme détonne : il tient
sous son bras gauche un cartable d’étudiant, sa main droite est enfoncée dans sa
poche et il marche, avec une détermination tranquille, vers une rangée de CRS.
Un peu plus loin, un autre jeune homme est assis : les policiers avancent vers lui,
matraques brandies ; il reste là et ne bouge pas. On remarque à peine une jeune
femme, qui traverse le plan comme un éclair fringant ; elle arrive sur la droite de
l’écran, au milieu de l’eau qui jaillit des autopompes policières ; elle lance un
pavé ou une pierre puis revient en souriant. Le calme de ces gestes semble
répondre à l’interpellation qu’on entend en arrière-fond : « N’ayez pas peur ! »
Un peu plus tard, le mouvement du 22-Mars le dira : « ce qu’il faut, c’est
montrer que la répression ça “ne nous fait pas caner” 27 ». Soudain la caméra se
met à trembler. La charge est plus violente et les visages qui passent furtivement
sous son œil sont inquiets. Des gens s’entassent dans l’escalier d’une station de
métro : comment ne penseraient-ils pas à Charonne, à ce moment 28 ?
Dans Le Nouvel Observateur, les reporters admirent « le cran des
étudiants ». Il s’agit de ne pas renoncer : le 8 mai, lorsque, en haut du boulevard
Saint-Michel, les leaders donnent la consigne de se disperser, les manifestants
paraissent « catastrophés » : « J’en ai vu qui pleuraient, qui disaient : “Alors, on
s’en va ? On cède ? On est venu pour rien ?” » 29. Il serait faux de dire qu’il n’y a
pas d’anxiété, voire d’angoisse, devant la violence ; certain(e)s tremblent de
peur. Mais l’engagement collectif, le sentiment de n’être pas isolé, la perception
de la solidarité la tempèrent. Leslie Kaplan se souvient :
Ces quelques mots jetés à la craie indiquent une bifurcation, qui lève les
inhibitions incorporées.
RAVAGES, CARNAGES
L’Enragé, journal du comité de grève des étudiants de Rouen, mai, AD Seine-Maritime 5907W11.
Nantes le 24 mai 1968, coll. Péault, CHT Nantes, Fonds 1968, 7-10.
LA HAINE
Cette temporalité qui cisaille la linéarité familière est accélérée début juin
avec la mort de Gilles Tautin. Immédiatement, le drame est politisé ; aux yeux
des militants, ce n’est pas un accident. « Notre camarade est mort assassiné par
les flics de De Gaulle ». Sur les pancartes et banderoles, au cours des jours qui
suivent son décès, on peut lire : « Gilles, notre haine contre tes assassins, contre
la victoire de ceux qui les ont armés est immense. » La mort du jeune homme ne
peut qu’attiser l’engagement par la dignité du deuil et l’immensité de la colère.
Dans les reportages sur les funérailles du lycéen, celles et ceux qui forment
cortège observent un silence poignant ; des jeunes gens portent d’immenses
gerbes de fleurs ; des roses sont brandies, les poings sont levés. Les visages
filmés en plans serrés expriment la gravité – et notamment cette jeune fille brune
qui fixe l’objectif longuement, avec intensité 36.
Ces drames suscitent une haine, explicite et assumée. La haine n’a pas bonne
presse dans les sociétés policées ; elle doit être refoulée, canalisée, voire niée.
Pour le XVIIIe siècle Arlette Farge l’a montré : « il est interdit de haïr, afin que la
tranquillité publique soit gardée » ; les pauvres « sont assignés à un rendez-vous
perpétuel d’assentiment vis-à-vis de leur condition et des autorités qui les
gouvernent » 37. La haine populaire est jugée délétère ; si les émotions ont
longtemps été disqualifiées par les élites, parce que venues de classes laborieuses
qui peuvent être aussi dangereuses, la haine a fortiori constitue un interdit 38.
Pourtant, les haines réciproques forment une trame affective de l’événement.
L’important est aussi qu’elles naissent de lui, sont engendrées dans son cours
même. Elles apparaissent aux premières heures de la répression. La section
« Sciences » des Étudiants socialistes unifiés (ESU) condamne des méthodes
« dignes du régime franquiste », en décrivant des « CRS, aveuglés par la haine
des étudiants, des “rouges”, [qui] matraquèrent pêle-mêle tous ceux qui se
trouvaient sur leur passage, poursuivant même les manifestants dans les
immeubles et les cafés ». Mais ce rejet virulent s’adresse d’abord au pouvoir et à
ses représentants. Il s’alimente des invectives que les membres du gouvernement
ne peuvent s’empêcher de lancer. Quand le ministre de l’Intérieur, Christian
Fouchet, parle de la « pègre », le mot est commenté et réapproprié. Cette façon
d’assumer le mot en le retournant est pratiquée par un architecte manifestant,
dans un texte qu’il distribue à la criée : « Moi, Michel Écochard architecte en
chef des Bâtiments Civils et Palais Nationaux, me considère avec tous les
camarades architectes présents à la manifestation de l’UNEF comme rentrant
dans la catégorie de “PÈGRE” définie par Monsieur Fouchet, Ministre de
l’Intérieur. » La manifestation du 30 mai, avec ses slogans haineux – « Les cocos
au poteau » ou « chez Mao », « Le rouquin à Pékin », « Cohn-Bendit à Berlin »
ou « à Dachau »… –, suscite surtout une hostilité viscérale 39.
En Loire-Atlantique, l’Association départementale des déportés s’offusque
dans un tract intitulé « Hitler pas mort », tant la référence aux camps apparaît
bouleversante et choquante. Jean-Marie Domenach consigne dans son journal ce
qui pour lui vient de se briser, en une rupture symbolique et politique avec
de Gaulle, par-delà l’expérience partagée de la Résistance : « En moi, quelque
chose a cassé. Je ne peux plus concéder à cet homme qui mobilise sciemment ce
qu’il y a de plus vil en France. » Maurice Clavel se montre bien plus que déçu,
désespéré devant l’attitude du grand homme en qui il avait cru : « C’est à
pleurer, des larmes très objectives » 40.
L’Enragé, journal du comité de grève des étudiants de Rouen, mai, AD Seine-Maritime 5907W11.
Voilà que la « névrose » resurgit et avec elle l’effacement des sujets politiques
derrière une supposée pathologie aux causes sociales et spatiales,
l’enfouissement de leur capacité d’agir sous leurs instincts quasiment animaux –
et anormaux.
Peurs bleues
LE PARTI DE LA PEUR ?
Marc Kravetz, évoquant l’éditorialiste du Figaro, fustige « la haine contre-
révolutionaire de l’auteur et de ses abonnés ». C’est une haine encore, mêlée de
joie cynique, que le jeune journaliste et ancien leader de l’UNEF perçoit dans le
défilé du 30 mai : « À l’heure où les laquais savourent avec une joie toute
versaillaise la victoire de la peur et de la haine, le découragement et l’amertume
risquent de gagner les militants les plus actifs des journées de mai. » Pour
beaucoup de commentateurs, c’est en effet le triomphe de la peur. À la
Sorbonne, on décrit les manifestants comme une « meute apeurée ». Le 7 juin,
en pleine page de « une », dans un noir strié de rouge, un titre s’étale dans Le
Nouvel Observateur : « La Grande peur » 51.
Le pouvoir aurait-il peur ? Du côté de la contestation, on le répète à l’envi,
ce qui relève tout à la fois du constat, du jugement de valeur et du catalyseur. Le
mouvement du 25-Avril à Toulouse l’affirme : « Le gouvernement a peur, il
répond par la violence et dévoile que sa “douceur” n’est qu’un calme
apparent 52. » Les événements servent non seulement de déclencheurs mais de
révélateurs. Insister sur la peur qu’éprouveraient les puissants, c’est se sentir soi-
même plus fort. Après le 13 mai, le SNESup prévient : « Le pouvoir a peur, il
sème inconsidérément un mouvement de panique dont il porte l’entière
responsabilité. » Le dénoncer, c’est rassurer, faire taire l’inquiétude que pourrait
représenter pour une partie de l’opinion l’extension de la grève et des
occupations. Selon l’UNEF nantaise, Georges Pompidou voudrait, par la
réouverture de la Sorbonne, taire « la peur panique que lui procure l’unification
des luttes ouvrières et universitaires 53 ». Dans le Nord, certains comités d’action
estiment que « le patronat et l’État sont frappés de stupeur » ; le capitalisme
serait « affolé ». Les négociations comme les élections traduiraient ce désarroi.
Le mouvement toulousain est conscient du danger : « De Gaulle a bon espoir de
gagner “ses” élections s’il réussit à grouper derrière lui tous les petits bourgeois
terrorisés. » Et quand enfin, au crépuscule de juin, les forces de l’ordre évacuent
les dernières usines et universités occupées, le comité de Censier continue de le
répéter : « le Pouvoir a peur. Il espère décapiter la Démocratie de masse sur les
murs de Paris » 54. En Vendée, des syndicalistes CFDT choisissent de retourner
terme à terme les mots employés par le Président, devenu sous leur plume
ironique le « Président-Directeur Général de la République » : c’est lui qui, en
réalité, exercerait « un chantage inadmissible à la peur et à la dictature ». Le
patronat est devenu le « PC »…, le « parti de la crainte » 55. Dans une tribune à
Sud-Ouest, Michel Crépeau, conseiller général FGDS, croit bon de mentionner
la « grand-peur des bien-pensants », dans une allusion limpide à Georges
Bernanos, oubliant cependant que l’écrivain catholique en formulait l’expression
dans une ode antisémite à Édouard Drumont 56.
Que peut-on savoir de cette peur prêtée au pouvoir par ses adversaires
contestataires ? Qu’en est-il de la peur politique ? Elle s’exprime peu, on s’en
doute : il y a rarement place et lieu de l’avouer. Mais elle se dit à bas bruit ; elle
se confie dans les journaux intimes des soutiens au régime. C’est le cas de
l’écrivain conservateur et catholique Julien Green, dont on suit pas à pas les états
d’âme, l’angoisse, puis la sérénité retrouvée et l’émoi toujours tapi, au fil des
jours, des semaines et des mois. Le 11 mai, depuis son domicile voisin du
boulevard Raspail à Paris, il est « tiré de son sommeil par la voix de la foule »,
« un grand bruit sinistre ». Le 18 mai, il s’avoue « déprimé par les nouvelles » et
se réfugie dans une église, tandis que son cœur « se serre de tristesse » devant
cette ville « si rebelle à l’Évangile du Christ ». Le 21 mai, égrenant presque une
à une ses « heures de perplexité », il est en proie aux doutes et aux revirements
d’humeur : « Je passe comme tout le monde de l’incertitude à l’optimisme.
L’anxiété me rend à l’espoir, qui me rend à l’anxiété comme dans un jeu féroce.
J’ai déjà connu des épreuves de ce genre. L’estomac barré, le plexus palpitant
comme un autre cœur. » Le 27 mai, en regardant la télévision, il croit voir « une
fenêtre par laquelle le diable nous dit bonjour », n’y perçoit que « rage » et que
« haine ». Mais le 31 mai, après la manifestation des Champs-Élysées, il décrit
« une atmosphère de fête, de joie, de soulagement ». Pourtant, le lendemain, il
s’alarme à nouveau : « L’inquiétude de ces journées finira-t-elle jamais ? Au
soulagement d’hier succède l’incertitude de l’avenir. Est-ce une guerre civile qui
doit sortir de ces élections de juin ? La tristesse que je vois sur le visage de ceux
que j’aime m’empêche quelquefois de dormir. » C’est seulement le 19 juin qu’il
consigne dans son journal une forme d’apaisement : « en France le travail
reprend un peu partout et l’éloquence électorale coule à flots. Le calme est
revenu, mais non l’insouciance d’autrefois. Tout le monde a eu peur et tout le
monde en convient. » Le 14 juillet, le rappel du tourment ne s’est toujours pas
tari : « À la campagne. Ici demeurent encore des souvenirs d’angoisse chez tout
le monde, l’angoisse de mai qui ne s’oubliera pas de sitôt. » Julien Green
anticipe les peurs à venir : « En France, on attend l’automne avec une certaine
anxiété » 57. Raymond Aron, de son côté, s’effraie de ce que le renversement du
pouvoir par « l’émeute » revienne dans le champ des possibilités 58.
CONJURER LA PEUR
Il est un esprit de 1968 comme on le dit d’un « mot d’esprit » : pétri d’ironie
et de facétie. Gouaille, traits cocasses et mots narquois se glissent dans les textes
et les tracts, les manifestations et les assemblées. Et c’est d’abord, on le sait, le
Général qui est visé. Son âge vénérable, auquel font écho les « De Gaulle à
l’hospice » ou « De Gaulle au musée » entendus dans les rassemblements du
13 mai, est brocardé 8. Maurice Clavel, dans Le Nouvel Observateur, galvanisé
d’indignation face à la répression, n’hésite pas à plaisanter sur la vieillesse de
l’homme d’État, décidément un âge ingrat : « se ressouvenant de son ancienne
gloire, il se campe sur la seule hauteur qui lui reste, celle de la pyramide des
âges »… Clavel raille l’arrogance aristocratique du Général. On s’en rappelle : le
7 juin, le chef de l’État se compare à un ange qui peine à détourner le peuple des
Enfers. Une telle analogie attire l’ironie : « Car voici de l’absolument unique
dans notre histoire. Aucun de nos vieux rois de droit divin n’aurait chuchoté
cela, même à son ombre ! Saint-Louis, qui ne savait évidemment pas qu’on
l’appellerait ainsi, se fût préféré mort plutôt que d’entendre ce péché-là ! Un seul
grand de ce monde aurait pu tenir ce propos gaullique : un pharaon embaumé » 9.
Mouvement de la Jeunesse communiste de France, tract juin 1968, AD Charente-Maritime 181AJ196.
Les chefs qui depuis le 13 mai 58 sont à la tête des armées françaises ont
formé un gouvernement. Ce gouvernement alléguant notre défaite s’est
mis en rapport avec les chefs de l’OAS pour nous faire cesser le combat.
Certes nous avons été submergés par les forces mécaniques, terrestres,
aériennes et hertziennes de l’ennemi. Infiniment plus que leur nombre et
leur matériel c’est le martèlement des bottes sur les écrans de télévision
et l’intoxication massive de la presse et des radios qui nous font reculer.
[…] Nous qui vous parlons en connaissance de cause nous vous disons
que rien n’est perdu pour la révolution. […] Atteint aujourd’hui par
votre faiblesse mécanique nous pourrons vaincre dans l’avenir par une
force révolutionnaire supérieure. Le destin du monde est là. Le
mouvement du 22-Mars invite tous les révolutionnaires qui se trouvent
en territoire français ou qui viendraient à s’y trouver avec leurs armes ou
sans leurs armes, travailleurs et étudiants, à s’organiser. Quoi qu’il arrive
la flamme de la résistance populaire ne doit pas s’éteindre et ne
s’éteindra pas. Demain comme aujourd’hui nous parlerons 11.
GAIETÉ DE CŒUR
L’humour est donc aux détournements et aux retournements ; il se lance tel
un boomerang ou fait ricochet, rebondit et rejaillit. Roland Barthes, pour
s’opposer au structuralisme qu’il juge antihumaniste, affirme-t-il que « les
structures ne descendent pas dans la rue » ? Une affiche lui rétorque : « Barthes
non plus. » Le ministre de l’Intérieur fustige-t-il « la pègre » ? Qu’à cela ne
tienne, le mot est réapproprié par les intéressés : « Demandez Le Pavé, le France
Dimanche de la pègre. » À Poitiers, dans la nuit du 14 au 15 mai, une affiche est
apposée sur la grille d’entrée du commissariat central : « On a les flics les plus
instruits du monde. Ils sont tous les jours à la Sorbonne. » Pour répondre terme à
terme aux décisions du pouvoir après la dissolution de plusieurs organisations,
mais avec les seules armes de l’humour et de la dérision, l’« université autonome
de Strasbourg prononce la dissolution de divers organes afin de favoriser « le
retour au calme » : UNR, Occident, UDR, comités d’action civique, CRS,
mouvement du 13-Mai et UJP 14…
Les partisans du Général ne sont pas en reste pour retourner les sarcasmes de
l’adversaire. Dans les Vosges, le comité d’action civique transforme Mitterrand
en « mite errante ». Un faire-part de décès (politique) décline les titres qui le font
entrer dans l’histoire : « Presque Président de la République, Commandeur de
l’Ordre de l’Observatoire, Socialiste sans trop y croire » ; François Mitterrand,
après sa conférence de presse du 28 mai, aurait été « tué par le ridicule ». Ce
faux avis de décès est signé par « Waldeck-Crochet », « Mollet le dur » et même
« Cohn-Bandit » 15. En Charente-Maritime, les CDR ripostent aux contestataires
par un argumentaire tout prêt :
On se renvoie donc coup pour coup, sur le mode mineur d’une gaieté de cœur. À
Strasbourg, des élèves imaginent le lycée comme une vaste machine à produire
du dentifrice, où la culture est mise en tube. Dans l’histoire mécanique de cette
fabrique, Napoléon est, si l’on peut dire, brossé en « grand maître entubeur des
temps modernes ». Les lycéens sont alignés comme produits manufacturés, à
base de manuels ingurgités : Malet et Isaac, Lagarde et Michard, Huisman et
Vergez. Voudraient-ils protester ? « Tout tube récalcitrant est écarté par un
dispositif de sécurité automatique ». À l’Institut d’études politiques de Paris, le
« manuel du parfait fonctionnaire » rétif à la tentation contestataire est rédigé sur
la base de quinze commandements : « Ne vous mêlez que de ce qui vous
regarde… et encore / Il vaut mieux avoir tort cent fois avec le règlement, que
raison à soi tout seul / Le plus grand tort que l’on puisse avoir, c’est d’avoir
raison / L’emploi des compétences diminue l’autorité des chefs et la souplesse
de l’exécution » 17.
Poétique du politique
COUPLETS ET SONNETS
Ce moment est un feu dont les braises apaisent, où les corps prennent force – le
feu de l’action :
Nourrir de feu
Du moindre de mes os
Du collier de mes plaies
De mes rêves en sang
Se jeter tout entier
Dans cette joie nouvelle
Et faire de son corps même
Une Barricade 26.
La poésie fracasse ses gangues, broie le lyrisme des jours anciens, fait exploser
les grandes envolées :
Voix
Voix sublimement tristes
ô qui montez de la profondeur d’un jadis
de roches très anciennes
je vous emmerde
Grandes phrases, envolées aux syrtes de l’exil
grands focs de voiliers pleins
de souffle immortels
je vous emmerde 29.
Pour être vivante, la poésie doit pouvoir contester même ce qu’il y a de plus
sacré en elle : plus de statue, plus de mythologie du génie.
Le grand rappel à l’ordre qui sonne son tocsin en juin déchaîne d’autres poèmes
sur les capitaux et la lame acérée de leurs armes :
PLEINS CHANTS
Les pratiques artistiques se déclinent sous bien des formes et ne laissent pas
de se faire politiques. La musique est présente dans les usines occupées. Le
comité d’entreprise de la Régie Renault invite très vite, avec succès, de
nombreux interprètes comme Isabelle Aubret, Jacques Douai, Leny Escudero,
Jean Ferrat, Dominique Grange, Jacques Higelin, Paul Préboist et l’humoriste
Pierre Dac. À Renault-Cléon, on voit arriver un camion qui transporte un piano,
installé dans la cour de l’usine. À la Sorbonne aussi, il y a un piano et, dans le
vestibule du « grand amphi », une sorte de « mobile » en aluminium, étrange et
énorme, qui tintinnabule. Le 20 mai, aux usines Berliet, un orchestre improvisé
joue toute la nuit. Le 26, la section syndicale CGT du théâtre de Sartrouville
invite les grévistes des usines Cellophane et Joint français à un spectacle de
variétés avec les chanteuses Colette Magny et Francesca Solleville – pendant
que les enfants des grévistes regardent des dessins animés déroulés
manuellement. Un récital improvisé est proposé à la faculté des sciences
d’Orsay, avec le répertoire de Jacques Prévert.Le 1er juin, square Saint-Lambert à
Paris se tient une kermesse organisée par le comité de soutien aux grévistes, en
présence de Juliette Gréco.Le 15, à la faculté de médecine de Paris, un spectacle-
débat voit se succéder les artistes Dominique Grange, Gilda Gilles et Francis
Lemarque 37.
Des projections cinématographiques à vocation politique ouvrent sur des
discussions enlevées. Le comité intersyndical du musée de l’Homme pour la
défense du Vietnam tient une soirée autour de plusieurs films à teneur
internationaliste, qui lient les événements français aux combats vietnamiens :
Hanoi mardi 13 du réalisateur cubain Santiago Alvarez, un reportage sur le
Vietnam ainsi que des témoignages filmés sur les manifestations en France, dont
celui de William Klein. De petites villes ont leurs débats : à Mirecourt, on
discute autour du Mékong en feu et de Nous vaincrons, deux films sur la guerre
du Vietnam 38.
Le théâtre s’impose tout autant, et plus encore, parce qu’il implique les
participants. « Plus qu’aucun autre art, le théâtre est potentiellement une agora. »
Ses lieux coutumiers sont subvertis ou contournés, comme l’Odéon occupé à
partir du 15 mai, « scène nue, ouverte et gratuite de la parole publique » : le
théâtre est pensé comme « une permanence révolutionnaire créatrice » 39. Le
metteur en scène du Grand Magic Circus, Jérôme Savary, met sa troupe à
disposition du mouvement : elle jouera où l’on voudra bien d’elle, « dans un
bois, sur une botte de foin, dans une rue ou une maison, sur un terrain vague, un
canal, un bureau… Tous les lieux sont bons s’ils sont vivants, donc s’ils ne sont
pas des théâtres 40. » Au même moment à Berlin, Peter Handke oppose le
« théâtre de rue » à ce qu’il nomme le « théâtre-théâtre », « le théâtre qu’on ne
verrait qu’au théâtre » 41. Il faut quitter les lieux. La troupe du Soleil, avec Ariane
Mnouchkine, part jouer La Cuisine d’Arnold Wesker dans les usines en grève de
région parisienne 42. À Bar-le-Duc, des étudiants interprètent à la Bourse du
travail une pièce sur les événements. Dans le chef-lieu de la Meuse encore, sous
le marché couvert, une troupe d’amateurs attire à elle un public très nombreux
qui n’en était pas jusqu’alors familier. L’Est républicain parle d’une « grande
fraternisation théâtrale » – « trop longtemps le théâtre a été le domaine de la
cravate, du costume et des plaisirs réservés. Il est en fait le domaine de la liberté.
La cravate est acceptée, tout autant que le col roulé. Les travailleurs, en venant
au théâtre, ne se rendront plus complices des situations réelles qui leur sont
infligées » 43. À Épinal, les lycéens organisent une fête avec spectacles, lectures
et poésies, une rencontre nommée « chienlit culturelle », le 1er juin – nouvelle
antiparastase, diraient les rhétoriciens : le mot insultant est repris par celles et
ceux qu’il est supposé dénigrer 44.
PLUTÔT LA VIE
Demeurent des mots sur les murs, mots bruts, mots saillies, mots poésie.
« Plutôt la vie », lit-on dans l’entrée d’une université. On sait le rôle qu’y jouent
les situationnistes : ils ne sont qu’une poignée mais l’esprit qu’ils ont impulsé
depuis quelques années accompagne l’événement. L’évolution qui fait « du plus
artistique des mouvements politiques le plus politique des mouvements
artistiques 45 » conduit le petit groupe fédéré par Guy Debord à faire de l’art un
enjeu décisif. Pas n’importe quel art, s’entend : les situationnistes poussent les
formes anciennes à leur épuisement. L’art à leurs yeux ne saurait s’accommoder
de l’industrie capitaliste ; il déteste les compromissions ; il n’a rien d’une
institution. D’où l’importance des plagiats et des détournements, manières
d’actualiser l’art du passé. La poésie n’est pas figée, elle est en mouvement
incessant, à la façon de ces « dérives » et « flâneries » sans but ni objet, qui font
voir l’espace autrement. Il faut créer des « situations », moments de qualité,
modes de vie détachés du « spectacle », de la passivité engendrée par la
marchandise dans des sociétés réifiées 46.
Les murs sont empreints de leur poésie. Christian Sébastiani, jeune « poète
des murailles », visage dissimulé derrière un mouchoir, peint à la bombe ces
mots qui d’emblée font histoire. Sébastiani, proche de René Riesel qui a donné
au petit groupe de Nanterre le nom fameux d’« enragés », est arrêté le 10 juin
lors de la marche vers Flins 47. Ils écrivent rageusement les mots de l’instant :
« L’ennui est contre-révolutionnaire », « Ne travaillez jamais », « Prenez vos
désirs pour la réalité ». « Sous les pavés la plage » pourrait être signé d’une main
situationniste. La formule est en réalité extraite des Treize Soleils de la rue
Saint-Blaise, une pièce d’Amand Gatti jouée depuis début mai dans un théâtre
du 20e arrondissement de Paris et dont le thème est l’urbanisme destructeur au
cœur de ce quartier.
Au côté d’autres énoncés poético-politiques tels « Mieux vaut voler que de
se vendre », « Et les réserves imposées au plaisir incitent au plaisir de vivre sans
réserve », « Créez » claque sur la porte de la section nantaise de l’UNEF. Cette
obsession de la création, par l’art, le jeu et la poésie, imprégnait déjà les pages
du Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations. Le néologisme de
« créativité » qui y est employé a d’ailleurs été imposé par Raoul Vaneigem à
son éditeur réticent : Gaston Gallimard s’est incliné 48. Poésie, certes, mais
« poésie faite par tous et non par un » comme l’écrivait Lautréamont, celle d’un
anonymat poétique et politique 49.
Quelques temps après, André Glucksmann évoque à propos de 1968
Féminin-masculin
Un autre rire, une autre joie. La scène se passe en avril 1968 à New York,
sur le campus de Columbia. Depuis plusieurs mois, les étudiant(e)s sont
mobilisé(e)s contre la ségrégation et les discriminations, en pleine guerre du
Vietnam. La grève et l’occupation sont décidées, meetings et sit-in se succèdent.
Le 25 avril, un leader interpelle les étudiantes présentes dans l’assemblée : que
certaines se désignent pour faire la cuisine. Sa requête est accueillie par un éclat
de rire : « Les femmes libérées ne sont pas des cuisinières » et il n’y a pas de
volontaires. La cuisine sera faite en commun, sinon rien 1.
La voix des femmes, les rôles de genre et la conscience de leur expression
apparaissent ténus dans la France de 1968. Cela ne signifie pas, loin de là, que
les femmes ne participent pas : elles sont présentes et agissantes. Mais elles
œuvrent souvent autrement : « les formes féminines de participation sont surtout
moins institutionnalisées, en marge ou extérieures aux principales organisations
militantes, syndicales ou partisanes 2 ». Comme elles sont très minoritaires dans
la sphère politique organisée, elles paraissent avoir moins de ressources où
puiser. Cela explique aussi pour partie que, d’après l’enquête menée par Julie
Pagis, l’influence de l’événement ait été plus forte encore pour les femmes que
pour les hommes ; elles ont en tout cas plus que les hommes le sentiment
d’appartenir à une « génération 1968 » 3. L’engagement antérieur étant moins
intense et parfois inexistant, la densité se concentre tout entière dans
l’événement.
Une tension alors se dessine : comment parler de la situation des femmes
sans les y enfermer ? Comment lutter pour et au nom des femmes sans en faire
une catégorie, dotée de propriétés spécifiques 4 ? 1968 est travaillé par ce
trouble : même les militants les plus sincères de l’émancipation entretiennent
une « police du genre », autant de « mesures visant le maintien sexué de l’ordre
sexué » 5. Que les femmes apparaissent peu dans leurs revendications, qu’on
attende d’elles des pratiques et des qualités auxquelles elles sont depuis
longtemps assignées ne paraît pas, le plus souvent, perturber ces militants.
« Genre » : en 1968, le mot n’existe pas encore tel qu’ici on l’entend, à la
suite de Joan Scott – « le genre est un élément constitutif des rapports sociaux
fondé sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon
première de signifier des rapports de pouvoir 6 ». Le terme n’est pas d’usage
parce que sa réalité est occultée : ces oppressions sont invisibles ou négligées. Il
ne saurait y avoir d’histoire du genre sans dévoilement des dominations. « Le
genre n’est pas simplement une “catégorie analytique” ; il se situe au cœur de la
pensée et de la politique 7. » Parmi les femmes mobilisées, certaines – et certains
hommes, plus rares – entendent mettre au jour des rapports de pouvoir, pour
mieux les subvertir et les dépasser. Les actrices de 1968 se mobilisent en tant
que femmes et veulent aussi ne pas s’afficher comme telles. Leurs identités sont
tout ensemble affirmées et déchirées, en un entre-deux tendu et heureux, difficile
certainement, et libérateur le plus souvent.
La situation spécifique des femmes n’est dès lors que rarement énoncée et
dénoncée. Une double oppression, à l’intersection des catégories « femmes » et
« travailleuses », est évoquée par les comités d’action étudiants-travailleurs de
Marseille : ils alertent sur le chômage des femmes, « plus grand que chez les
hommes, souvent non reconnu », qui fait de la main-d’œuvre féminine une cible
sommée de se montrer docile. Les différences salariales, les travaux pénibles des
femmes et leur nombre sur les chaînes de production, notamment dans les
industries alimentaires « où l’on travaille 10 ou 12 heures par jour pendant 4 à
5 mois, à des tarifs ridicules puis on chôme en attendant la saison », font l’objet
d’une critique sans concession 24.
C’est un autre mode d’intersection que le Parti communiste français met en
exergue : les femmes y sont présentées comme « travailleuses et mères de
famille ». Il réclame pour elles des augmentations substantielles, en particulier
pour les 3 millions de salariées qui gagnent moins de 600 francs par mois ; il
revendique également l’allongement des congés de maternité, l’attribution
généralisée de congés, avec maintien du salaire, pour soigner un enfant malade,
enfin l’avancement de l’âge de la retraite à 60 ans « pour toutes les femmes qui
en expriment le désir ». Le groupe communiste à l’Assemblée « a inlassablement
proposé et défendu des propositions de lois qui permettraient à toutes les femmes
de remplir pleinement leur double tâche de travailleuse et de mère ». Le Parti
communiste décrit la situation spécifique des femmes et propose, pour
l’améliorer, des réformes particulières ; mais celles-ci les concernent surtout en
tant que mères. Au milieu du mois de mai, le PCF publie un bulletin sur la fête
des mères, insistant sur l’importance d’« honorer les mères, [de] leur donner les
moyens d’assurer une vie digne à leur famille, l’instruction, le métier, la santé,
les loisirs sains à leurs enfants ». Un tract destiné aux femmes sort en juin, à
l’occasion des élections ; il leur enjoint d’utiliser leur bulletin de vote « pour
exprimer [leur] aspiration à une vie meilleure pour [leur] foyer, à un avenir de
bonheur pour [leurs] enfants » 25. Les espoirs prêtés aux femmes les ramènent à
la sphère domestique et à la maternité ; leur futur comme leur présent sont
envisagés à travers ceux de leurs enfants. Les femmes qui ne sont pas mères sont
négligées, voire oubliées.
Exceptionnelles sont par là même les professions de foi électorales qui
mentionnent les femmes. Citons comme l’une de ces raretés celle de Roger Mas,
candidat de la FGDS dans la circonscription de Mézières-Rethel (Ardennes) :
elle reprend l’ancien mot d’ordre « à travail égal salaire égal », mais appliqué
aux rapports femmes-hommes. Son texte évoque l’émancipation des femmes, en
lien avec l’« élimination réelle des inégalités ». Plus remarquable encore – au
moins au sens où elle se fait remarquer – est la candidature d’Antoinette Claux
dans la circonscription de Perpignan-Céret (Pyrénées-Orientales), au nom du
PSU. Son caractère inédit ne manque pas d’être souligné : une candidate, c’est
« une nouveauté dans le département ». A. Claux insiste elle-même sur la place
réservée aux femmes dans le mouvement et le droit qu’elles s’octroient à
intervenir dans les discussions et les confrontations : elles sont victimes d’une
répression policière « plus féroce et plus acharnée », elles sont l’objet de la part
du gouvernement d’une pression psychologique spécifique, exercée par le « parti
de la peur », agitée spécialement à leur égard car elles sont en charge du foyer.
« Mais les femmes, sans faire taire leur cœur, savent écouter leur raison, elles
savent observer, réfléchir, comprendre, juger » 26. Qu’il faille le rappeler et
préciser que les femmes ne sont pas uniquement inquiétude et compassion, qu’il
faille d’ailleurs trancher entre affects et raison, est en soi révélateur d’une
partition des émotions et d’une distribution sexuée où le masculin reste le sexe
du politique et le féminin celui du domestique.
TROUBLER LE GENRE
L’efficacité de la grève serait sans aucun doute plus radicale si toutes les
femmes refusaient de faire la cuisine et laissaient s’empiler la vaisselle
comme s’empilent les ordures dans la rue. […] Il s’avère donc de toute
première urgence que les syndicats se hâtent de rallier la partie la plus
« efficace » des travailleurs de la nation ; et comme il faut commencer
au plus vite l’action, souhaitons que les filles de Sciences Po, qui ne
représentent qu’un petit quart de la population de l’Institut, abandonnent
au plus tôt leur situation privilégiée de monopole dans leur confection
des sandwiches et le service de balayage et de nettoyage de l’école 27…
L’ironie est piquante, moyen subtil de dénoncer les atavismes, révéler les
contradictions et appeler au changement des comportements. Elle est très
caractéristique de ce que Pierre Ansart a nommé les « machines à décroire 28 » :
l’humour opère à la façon d’un levier pour soulever des non-dits et sortir la
réalité de la gangue des a priori. On relèvera encore la critique facétieuse des
attributs virils ; un comité d’action dans le 14e arrondissement de Paris s’amuse
d’une formule sexiste employée par le président-directeur général de Citroën,
Pierre Bercot : « Le profit renferme l’élément mâle de vigueur qui seul convient
à l’exercice nécessaire d’une responsabilité 29. » La galéjade est un révélateur ;
elle met au jour ce qui jusque-là apparaissait trop évident, dit en passant.
La surprise vient d’un bouleversement qui touche les rôles de genre dans
cette prise de parole, dont Michel de Certeau n’avait pas interrogé la dimension
sexuée. Pour les RG, elle est assez singulière pour être consignée. Le 2 juin, à la
préfecture de police de Paris, on relève avec une curiosité inquiète la présence
d’une femme, place Denfert-Rochereau, qui harangue les passants et critique le
gouvernement ; une « cinquantaine d’auditeurs » se pressent autour d’elle pour
l’écouter 30. Marion Page travaille dans une école maternelle à Paris et habite la
banlieue sud. En marchant dans la capitale, elle croise au coin d’une rue une
tribune de fortune ; elle s’y arrête parce que « [c’est] au tour d’une femme de
haranguer le public ; une image inhabituelle pour moi à qui on avait toujours
recommandé de se montrer silencieuse, discrète et réservée, surtout au
dehors 31 ». Les vertus féminines présumées sont secouées par la prise de parole
publique : les femmes sortent de la sphère privée et du silence où elle les
enfermait. Cette « victoire » sur soi est exprimée par Anne McDermid
lorsqu’elle lance pour la première fois un pavé, dans le tumulte de mai 32. La
présence des femmes est remarquable dans les services d’ordre des
manifestations où elles sont à quasi-parité, bras-dessus, bras-dessous avec leurs
camarades hommes, formant les chaînes et protégeant les cortèges.
Il est toutefois question, non seulement de libération, mais aussi de la
difficulté à s’exprimer en tant que femmes, souvent accentuée lorsque sont
intériorisés des complexes d’infériorité liés à l’appartenance sociale. Françoise
est employée au Crédit foncier, syndiquée à la CGT ; elle n’a pas fait d’études.
Lorsqu’elle rejoint le comité d’action des 3e et 4e arrondissements de Paris qui se
réunit chaque jour à l’École des arts appliqués et rassemble entre 80 et
100 personnes, elle se sent partagée entre le désir de prendre la parole et le
« sentiment de beaucoup [s’]écraser » face aux étudiants et intellectuels présents.
Elle se convainc que ce qu’elle a à dire n’est pas intéressant et que peut-être elle
ne saura pas bien l’exprimer. Elle reconnaît aussi en être affectée physiquement ;
il lui faut faire effort pour parler, au prix d’angoisses et de maux de ventre 33. Les
pressions de genre se traduisent là dans le corps, en une incarnation sensible des
contraintes de classe et de sexe.
Service d’ordre d’une manifestation, Rouen, s. d. [mai 1968], Fonds de l’université de Rouen.
L’EFFRACTION DES « PREMIÈRES FOIS »
La parole des femmes est souvent vécue comme une transgression inédite –
bien qu’elle ait des précédents historiques. Dans le film Classe de lutte réalisé
par le groupe Medvedkine, on voit la jeune employée Suzanne Zedet prendre
pour la première fois la parole en public, devant les portes de son entreprise,
l’usine de montres Yema à Besançon, face aux salariés mais aussi aux cadres et
au patron. Peu à peu, elle abandonne le papier qu’elle lisait pour improviser ; elle
s’empare des mots pour se les réapproprier – et pour gagner, puisque la grève
continue 34.Or, un an auparavant, dans À bientôt, j’espère, on l’avait vue taper
des tracts à la machine, en assistante de son mari syndicaliste ; c’était déjà pour
elle un acte militant. D’autres « premières fois » s’exposent dans ces prises de
parole féminines, comme celle des hôtesses de l’air qui manifestent en mai pour
revendiquer la suppression de leur mise à la retraite automatique et
discriminatoire à 40 ans, et pour la symétrie de statut entre femmes et hommes.
Au centre parisien des Chèques postaux, où les femmes sont majoritaires parmi
les salariés, elles sont environ un millier à occuper les bureaux. Elles s’affirment
encore dans la manifestation du 29 mai organisée devant leur lieu de travail par
les employées des Grands Magasins : bloquant les portes avec des chariots
amoncelés, elles forment leurs propres barricades. Leur lutte surprend par sa
détermination, alors que le personnel y est peu syndiqué ; mais les salaires y sont
très bas, les conditions de travail difficiles et « les rapports paternalistes ne sont
plus acceptés 35 ».
Leslie Kaplan décrit la rébellion de classe et de genre que représente pour
des ouvrières le fait de s’installer à l’intérieur de l’usine à l’arrêt, et l’étonnement
heureux que cette subversion suscite – même s’il s’agit d’y pratiquer ce que les
femmes sont censées savoir faire, tricoter comme, au temps de la Révolution
française, les femmes des assemblées :
Non je rentrerai pas, non je retournerai pas là-d’dans. J’mettrais plus les
pieds dans cette taule. Rentrez-y vous allez voir quel bordel que c’est.
On est dégueulasses jusqu’à là, on est toutes noires. […] On n’a même
pas d’eau chaude pour se laver ! On est comme des charbonniers quand
on travaille là-d’dans 39 !
LE CORPS DU DÉLIT
SANS ENTRAVES ?
À dire vrai, dans la France de 1968, même parmi ses franges les plus
contestataires, la sexualité est peu abordée. « Plus je fais la révolution, plus j’ai
envie de faire l’amour » : ce ne sont au fond que quelques mots, jetés sur un mur
de Mai. Il est certes encore bien d’autres slogans sur le sujet : l’incisif « Ne
faites pas comme chez vous, baisez ! » et le rêveur « Jouissons sans entraves ».
Mais il y a loin de la craie et de la peinture des murs, à l’encre de l’écriture
théorique et politique.
Plusieurs comités d’action, des comités lycéens en particulier, revendiquent
l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires. « Il est ridicule de passer
plus de temps au développement du cheval qu’à la connaissance du
fonctionnement de notre organisme », expliquent les élèves du lycée Simone-
Weil à Saint-Étienne, qui demandent des conférences-débats avec la
participation de différentes familles d’esprit, religieuses, scientifiques et
politiques, afin de croiser les points de vue. Certain(e)s relaient la revendication
d’une contraception libre et gratuite, y compris pour les mineur(e)s et sans
ordonnance. Le CAL du lycée parisien Jacques-Decour est précis : introduction
de l’éducation sexuelle au niveau 1 comportant l’étude de l’anatomie puis de la
reproduction, enfin les méthodes de contraception. L’éducation sexuelle, conçue
comme une discipline nouvelle, permettrait d’éviter les refoulements nés de
l’ignorance 50. D’autres vilipendent le fantasme de « faire culminer la puissance
virile dans la défloration », disent le refus de « faire appel dans le lit conjugal à
la loi du “devoir conjugal” », autre façon d’imposer aux femmes des rapports
sexuels contraints. Le journal du lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine est très clair
sur le sujet : il faut se délester de toute honte, de toute idée de péché ou de
dégradation associée à la sexualité, de toute terreur. Comment peut-on encore
faire trembler les adolescents en leur laissant croire que la masturbation ferait
perdre de la moelle épinière ?… Le postulat s’accompagne de revendications
circonstanciées : abrogation de la loi de 1920 qui interdit l’avortement et des
réglementations qui font de l’adultère et de l’homosexualité des délits ;
amendements à la loi Neuwirth de l’année précédente : vente libre de
contraceptifs pour tou(te)s, y compris les mineur(e)s et sans ordonnance,
autorisation de la publicité pour les marques de contraceptifs. Le propos est
révolutionnaire – Reich est cité : « la lutte pour la solution de la question
sexuelle de la jeunesse est liée à la lutte pour le renversement du régime
capitaliste » – et anarchiste – « il s’agit toujours de libérer l’homme de tout Dieu
(morale, interdits sexuels) comme de tout maître (politique, révolution) ». Au
lycée Aristide-Briand de Saint-Nazaire, des inscriptions restent longtemps sur les
tableaux : « Liberté sexuelle », « Aimons-nous les uns sur les autres » 51.
Mais, en matière de sexualité, une parole libérée demeure exceptionnelle.
Signe de cette pudeur et de cette censure : les difficultés rencontrées par le
Comité d’action pédérastique révolutionnaire à la Sorbonne, « politiquement très
isolé ». Le comité d’occupation le rejette ; il compte finalement moins d’une
dizaine de membres et disparaît rapidement 52.
L’un des seuls lieux où s’élabore une pensée politique forte dans le domaine
du genre et des sexualités reste le comité d’action de Censier. Là se dit la volonté
de « détruire les tabous sur l’infériorité sexuelle de la femme », une
« infériorité » dont il s’agit de déconstruire et détruire les présupposés. S’y
récuse une « révolution sexuelle » apparue sous les seuls dehors d’« une mini-
jupe faisant l’amour avec une voiture de sport dans les pages publicitaires d’un
hebdomadaire gauche-de-luxe ». Les participant(e)s de ce comité, proches d’un
marxisme libertaire et de mouvances anarchistes, en appellent à un « réveil de
nos corps toujours enchaînés et meurtris ». Il y a lieu de briser les dichotomies,
« l’homme normal et l’homme pathologique ; le sain et le bizarre ; le viril et le
féminin ; le droit chemin et le chemin de traverse » :
Le temps ravivé
Quatre petites vignettes et trois protagonistes : deux messieurs bien mis font
face à un jeune homme paisible. Souriants et indulgents, les premiers s’adressent
au second : « Enfin, enfin la jeunesse se réveille », lui disent-ils, protecteurs ;
« Enfin, elle nous montre le chemin », « Braves petits ! » ; « Jeune homme,
l’avenir t’appartient ! », « Il est à toi ! », s’exclament-ils encore. Tout à coup
pourtant, les visages deviennent sévères et le ton menaçant : « Mais ne touche
pas au présent » et « Laisse le passé tranquille ! » 1. Le couperet est tombé et le
ton est donné : pour ceux que la contestation révulse, il ne sera pas dit que « la
jeunesse », symbole de l’avenir, devienne maîtresse du présent et conduise
l’ordre du temps.
Avec son humour coutumier, en un tournemain et quatre dessins, Wolinski
évoque ce temps politisé si propre à l’événement, mâtiné d’une concurrence
acharnée pour la maîtrise de l’histoire, celle du passé et celle qui se fait. Le
temps vécu n’a pas la neutralité des horloges : il est signifiant et porteur de
valeurs. Le sentiment du présent est éprouvé plus intensément ; la temporalité est
un enjeu de la lutte, dans l’expérience de l’urgence. L’événement est imprégné
de temporalités imbriquées, sédimentées et revivifiées.
L’historicité, comme sentiment du temps et conscience de l’histoire,
s’aiguise au gré de cette intensité : il faut répondre à l’appel du passé. À la façon
d’allées et venues dans le temps, 1968 est pétri d’histoire. Attraper au vol ce
surgissement transforme le passé et le présent : le passé n’existe jamais une fois
pour toutes ; il se métamorphose au gré de ce que l’on en fait ; tout passé qu’il
est, c’est un temps d’à-présent. Walter Benjamin parle d’une « constellation »,
rencontre sous la forme d’un choc, d’une collision, entre autrefois et
maintenant 2. Dans ce rendez-vous fugace, le déroulement du temps n’a rien
d’une chronologie linéaire et placide, dénuée d’aspérités ; il procède par sursauts
et enjambées.
TEMPS DE QUALITÉ
UN TEMPS-MOUVEMENT
Comment donc renouer avec une histoire ancienne de sorte qu’elle ne soit
pas, malgré tout, passée – au sens d’achevée ? En 1968, nul évidemment n’a
vécu la Commune, dont le centenaire n’est pas loin ; pourtant, beaucoup s’en
sentent contemporains. « La Commune n’est pas morte » avait été un leitmotiv
dès ses lendemains, dans le mouvement ouvrier et révolutionnaire 21. Contre les
tentatives de l’enterrer dans les charniers de ses fusillés, les commémorations au
mur des Fédérés avaient permis depuis des décennies de maintenir son souvenir.
L’« éclair » de la rencontre entre passé et présent, intense et précaire, par essence
passagère, jaillit lorsque, comme le 10 mai, on entend ce cri : « C’est la revanche
de la Commune ! » Ou bien encore lorsqu’une femme, interrogée en direct,
confie : « Il y en a qui sont autour de moi et qui parlent de la Commune. »
« Vive la Commune », lit-on sur un mur de la Sorbonne : l’expression est bien
plus que rituelle et peut être comprise dans la pleine signification du mot
« vive » ; cette Commune exaltée est tout ensemble celle du passé et celle du
présent. « Renouer avec la Commune de Paris » est l’objectif que se fixent
notamment les militant(e)s du 22-Mars en visant l’occupation de l’hôtel de
ville 22.
« La Commune n’est pas morte » s’entend désormais au sens plein et entier :
il faut, pour celles et ceux qui se souviennent d’elle, lui rendre vie et l’incarner 23.
Les spectacles se multiplient à Paris. Des tracts annoncent pièces de théâtre et
représentations en plein air, du côté de Saint-Séverin, Ménilmontant ou Maubert.
Ces tracts émanent d’un regroupement, « La Commune vivante », qui appelle à
« venir revivre l’histoire de la Commune ». À la faculté des lettres de Saint-
Étienne, un film sur la Commune est projeté et la séance, ouverte aux
travailleurs en grève, est collectivement commentée. Le 24 juin encore, à la
faculté de médecine de Paris, une projection audiovisuelle sur la Commune est
proposée 24. Les soixante-cinq numéros en fac-similé du Cri du peuple sont
réédités.
La prégnance de la référence se comprend au regard d’une démocratie
directe et auto-organisée. Ce n’est pas un modèle reproductible à l’identique,
mais un rappel de ce à quoi des protagonistes aspirent – et de ce qui pourrait
advenir. La Base, bulletin des comités d’action enseignants, en rappelle
l’existence dans les sections de la Commune parisienne dès 1789, plus tard
dressées contre le pouvoir de la Convention. André Barjonet insiste sur la
tradition démocratique de ces sections, de la Révolution à 1871, que l’esprit de
Mai-Juin ressuscite selon lui. L’abolition du statut des étrangers est revendiquée,
et les mêmes droits pour toutes et tous : droits de grève, de manifestation et de
vote 25.
Cette manière de revivre l’événement passé au cœur du présent s’illustre
dans les noms donnés aux lieux et aux adversaires. À Marseille, des élèves
occupent le lycée Thiers, désormais selon eux « ex-lycée Thiers » : il devient le
« lycée de la Commune ». Après la manifestation du 30 mai, le terme de
« Versaillais » fleurit sur les tracts et dans les esprits. Dès le lendemain, sur une
palissade du boulevard Montmartre, une affiche éditée par la Coordination des
comités d’action appelle à rejeter « la dictature qui pèse sur Paris depuis que les
Versaillais écrasèrent la glorieuse Commune ». Le journal Action, qui chaque
jour restitue les débats et combats du mouvement, se montre amer dans l’article
qui s’y réfère : « Contre l’espoir d’une Commune, de Gaulle évoque la Semaine
sanglante et rapproche la légion de Paris. » Il renouvelle la référence une
semaine plus tard : « À l’heure des secousses, le capitalisme français se montre
le digne héritier des Versaillais qui assassinèrent les communards. » Finalement,
tandis que le premier tour des élections anticipées vient de donner une nette
majorité aux candidats du pouvoir, on peut y lire, le 25 juin : « Le vote des
rentiers a fait toutes les chambres réactionnaires depuis la Commune » 26.
Action fait d’ailleurs œuvre de collecte historique et rassemble les réactions
les plus hostiles à la Commune en son temps. Il les rapproche des « chiens de
garde » qui disqualifient les protagonistes de la contestation et dépolitisent leur
action, en la rabattant sur une frustration sociale. Action cite Maxime du Camp à
propos des Communards : « la question politique était le dernier de leurs soucis.
[…] Ce sont des petits-bourgeois déclassés » ; José-Maria de Héredia : « Nous
avons été la proie d’un soulèvement total de tous les déclassés, de tous les singes
d’Érostrate qui pullulent dans les bas-fonds des sociétés modernes, de tous les
paresseux pillards, de toutes les rodeuses de barrière, de la lie des prisons et des
bagnes » ; George Sand : « Ces hommes ont été mus par la haine et l’ambition
déçue » ; ou bien encore Edmond de Goncourt : « Enfin la saignée a été une
saignée à blanc… C’est vingt ans de repos que l’ancienne société a devant elle si
le pouvoir ose tout ce qu’il peut oser en ce moment » 27. Tous ceux et celles qui
ont haï la Commune, au point d’applaudir à son écrasement, sont comparés aux
ennemis du jour, ces nouveaux « Versaillais ». Le sociologue Alain Touraine
note dans une tribune publiée par Le Monde le 30 juin : « Le parti des Versaillais
n’a pas le droit de parler de réforme et de progrès 28. »
La Commune demeure référence vivante et puissante, durant et après les
événements. Quelques mois plus tard, André Glucksmann, qui avait pris part à la
rédaction du journal Action, évoquera cette histoire à la manière d’une source
qui s’était tarie et rejaillit : « Les “paroles oubliées” de Marx reviennent sur
toutes les lèvres en mai, il les avait cueillies sur celles expirantes de la
Commune, l’inspiration retourne à sa terre natale 29. »
Le Front populaire est tout aussi présent dans les références de 1968, mais
différemment. Il fait écho aux événements en cours, d’abord parce qu’il n’est pas
d’un autre siècle : l’écart temporel se situe à échelle de vie humaine, et plusieurs
générations l’ont directement vécu. L’écrivaine Leslie Kaplan pourra parler d’
Les drapeaux rouges flottant sur le toit des usines rappellent à beaucoup un passé
encore frais. Dans certaines entreprises, les discussions sont parfois vives entre
les plus jeunes et « les plus âgés, notamment ceux qui ont connu les mouvements
de 1936 », rapporte une commission des luttes ouvrières à la SNECMA
d’Aubervilliers. Dans le mouvement du 22-Mars, la référence au Front populaire
est comme un dialogue noué entre présent et passé, une discussion un temps
suspendue et soudain revécue : « On a repris les choses là où elles avaient été le
plus loin en 1936 […] Comme quand on reprend une conversation là où on
l’avait laissée la veille, en cherchant à la dépasser » 31. C’est une façon de
célébrer des retrouvailles par-delà les années et d’assumer la discontinuité du
temps, ses bonds et ses élans.
Même si les contextes politiques diffèrent, les formes prises par les deux
mouvements peuvent être comparées : grève généralisée et entreprises occupées.
Cela explique que la date symbolique de 1936 passe pour une évidence ; sa seule
évocation suffit à réveiller des souvenirs de joie et d’unité. En réalité, la
référence au Front populaire est l’objet d’une bataille stratégique ; elle est en
cela un enjeu politique. Car les interprétations du Front populaire et la manière
dont il est cité divergent. Du côté de la CGT, c’est une « mémoire
enchanteresse 32 ». La confédération y renvoie pour donner confiance et conforter
la légitimité de sa ligne. Ainsi la présence de Benoît Frachon aux négociations
de Grenelle est-elle une manière de faire écho aux accords Matignon où il était
déjà présent ; néanmoins, le pouvoir avec qui il faut négocier cette fois n’est plus
ami mais adversaire. À Grenelle comme à Matignon, l’objectif est le même :
permettre la reprise du travail à très court terme. Pour la CGT, le bilan doit être
mesuré à l’aune de ce qui s’était passé trente-deux ans plus tôt. Le syndicat CGT
chez Renault insiste sur un succès comparable aux acquis de 1936, malgré des
conditions bien plus défavorables. « Pour la classe ouvrière, le bilan 1968 sort de
l’ordinaire, et il faut remonter loin dans le temps pour pouvoir trouver
l’équivalent » : au Front populaire, justement 33.
Agir pour vivre, journal des syndicalistes prolétariens CGT de Renault-Cléon, no 1, 24 juin.
LA GUERRE RECOMMENCÉE ?
Tout se passe comme si les morts étaient présents ; ils hantent l’histoire des
vivants. C’est pourquoi les organisations opposées à la guerre du Vietnam, en
dépit de leurs divergences, font du 21 février une date essentielle : non pas
seulement pour commémorer, mais bien plus encore pour faire vivre le combat
des résistants, en l’occurrence le « groupe Manouchian ».
Dès que débutent les tensions violentes avec la police, la référence à la
Seconde Guerre mondiale et à la Résistance s’infiltre dans les consciences. Le
3 mai, lorsque des policiers envahissent la cour de la Sorbonne, la comparaison
qui s’impose est celle, employée aussitôt par l’UNEF, de « l’odieux régime de
Pétain ». Le rôle du général de Gaulle apparaît comme retourné. Un tract
anonyme qui circule dans les rues de Paris, signé d’une « ex-gaulliste enragée »,
indique ce ressentiment : « De Gaulle a été le chef de la France libre. C’est de
lui, aujourd’hui, que la France doit se libérer. Il a eu autrefois la gloire d’être le
“désordre”, la légitime révolte contre un vieillard qu’il qualifia de sénile et qui
voulait, lui aussi, “sauver la France” dans une certaine légalité » 38.
Un épisode survenu à Strasbourg dans la nuit du 22 mai est révélateur de
cette référence au passé. Sur le socle du monument aux morts, une inscription a
été peinte en rouge : « Révolution ». Le secrétaire d’État à l’Intérieur et
conseiller municipal de Strasbourg, André Bord, en saisit l’occasion pour faire
surgir dans les mémoires le lourd tribut des années noires et compare cette
inscription aux dégradations nazies : « Dans notre province, nous savons que les
nazis ont agi de la même manière en détruisant les monuments du souvenir et en
remplaçant le drapeau tricolore par un chiffon à croix gammée 39. » À leur tour,
les étudiants mobilisés de Strasbourg entendent contrer l’argument ; ils
soupçonnent le CDR d’être à l’origine de la dégradation pour discréditer le
mouvement :
CHANGER LA VIE
PROJETS ET FUTURS
IMAGINÉS
CHAPITRE XII
Demander le possible
L’ENFANCE DE L’ART
Cette sensibilité est également portée par les architectes, soucieux d’une
attention plus fine, plus politique et collective, au « cadre de vie » – avant que
l’expression se fige. Certes, il est chez eux comme partout ailleurs des
inquiétudes corporatives : la peur du déclassement, celle de l’empiètement, la
crainte de se sentir dépossédé par d’autres acteurs – surtout les ingénieurs. La
mobilisation redéfinit la profession pour la réévaluer 10. Ici aussi, un système est
contesté, celui des « patrons », celui de l’ordre des architectes « féodal et
répressif », dont beaucoup demandent la dissolution, enfin celui de la
« vocation » – une terminologie périmée parce qu’aveugle à l’ordre social et aux
déterminations. L’industrie de la profession engendre une autre division, entre
les dirigeants de cabinets vers qui s’orientent toutes les commandes et les
architectes sous-traitants ou employés. Dans la société telle qu’elle est,
l’architecte n’aurait qu’un choix : être voleur ou volé – devenir grand patron
d’agence, « requin » traquant de nouvelles affaires, ou se faire « nègre »,
dessinateur exploité par les premiers. Plusieurs écoles d’architecture en appellent
à « déféodaliser » la profession 11.
Mais, au-delà, le rapport à la ville et à l’habitat est au centre des débats.
L’aménagement du territoire dépend du financement par les banques d’affaires ;
cet « assujettissement aux puissances d’argent » conduirait les architectes à
ignorer ou négliger le travail des ouvriers en termes de salaire mais aussi
d’hygiène et de sécurité sur les chantiers, pressés par les impératifs de leurs
commanditaires. Les accidents de travail sont fréquents : on compte trois morts
par jour dans le secteur du bâtiment 12.
Face à cette main basse sur la ville, comme l’aurait dit Francesco Rosi, un
tout autre urbanisme est imaginé en réplique, conçu comme « acte politique ».
Les bidonvilles ne sont pas seuls dénoncés, mais aussi les « villes bidons »,
pensées selon les impératifs du profit et de la spéculation. Les architectes se
mobilisent en concertation avec la Confédération nationale des Associations
populaires familiales, créée en 1952 pour venir en aide aux familles en difficulté.
Ils demandent que soit instaurée une priorité au logement social contre la
spéculation foncière, avec extension du droit de réquisition applicable aux
appartements inoccupés. Une urbanisation plus juste mettrait en cause le droit de
propriété et poserait en nécessité la municipalisation des sols, par un service
public de l’habitat. En Saône-et-Loire, l’architecte des Bâtiments de France
revisite la définition de l’architecture comme art essentiel d’organiser l’espace
perçu : l’architecte pourrait être un « artiste créateur de beauté » 13.
LIEUX COMMUNS
Sens critiques
NE PAS AVALER
Michel Foucault a qualifié la critique d’« inservitude volontaire », une
indocilité propre à soulever les impensés 17. En 1968, cet esprit-là s’aiguise : plus
rien n’est évident, ce qui va de soi ne va pas et le quotidien fait relâche pour
inventer d’autres présents. Les sondages par exemple sont l’objet de jugements
mordants – et nouveaux : la sociologie ne s’y est pas encore vraiment penchée.
L’événement invite à la prise de distance ; elle revisite les vérités proclamées et
nombre de certitudes : il ouvre aussi la voie à d’autres champs d’études. Le
6 juin, 80 chercheuses et chercheurs en sciences sociales diffusent un texte qui
dénonce l’« utilisation frauduleuse des sondages d’opinion ». L’analyse prend
appui sur une enquête publiée par France-Soir deux jours auparavant. Son
résultat – « 75 % des Parisiens sont pour les élections » – fait l’objet d’une
batterie de questions : « Dans un Paris privé de transports, en grève généralisée,
avec occupation des lieux de travail, comment réaliser, un vendredi de Pentecôte
de 18 heures à 24 heures, un sondage représentatif de la population ? A-t-on par
exemple interrogé des travailleurs occupant leurs locaux de travail ? » Le
sondage est perçu comme un instrument de pression et d’intimidation. « En tant
que spécialistes de sciences humaines, nous dénonçons la malhonnêteté qui
préside à cette publication », concluent les auteurs, qui s’adressent aux
journalistes comme aux salariés de la presse écrite et parlée : il leur faut refuser
la publication de résultats tronqués, partiels ou déformés 18.
La méfiance règne à l’égard de médias jugés favorables au retour à l’ordre,
comme l’exprime à sa manière une affiche des Beaux-Arts à Caen – une
bouteille de poison y porte une étiquette rouge sang : « Presse. Ne pas avaler 19 ».
Pourtant, il n’est pas étonnant que des chercheurs critiques s’adressent aux
journalistes, car beaucoup sont en grève ou soutiennent le mouvement. À l’AFP,
Marcel Beaufrère, par ailleurs militant trotskiste, explique la nécessité de ne pas
cesser d’informer : « Nous sommes tous en grève mais nous devons continuer à
travailler. » À France Inter, les journalistes grévistes, dont un grand nombre sont
syndiqués, élaborent collectivement l’information parlée à partir du 22 mai,
avant de cesser le travail le 3 juin : durant trois semaines, plus aucune
information n’est diffusée sur les antennes d’Inter 20. À l’ORTF, la grève prend :
ses salariés entendent bien que l’Office cesse d’être « la chose du
gouvernement ». Les grévistes demandent l’abrogation du statut existant pour le
remplacer par un service public qui garantirait « la libre parole pour tous »,
indépendant du pouvoir et des groupes de pression. Les personnels réclament la
suppression de la tutelle sur l’information : les « communications
gouvernementales » devraient être présentées comme telles, sans plus aucune
ambiguïté, et non comme des nouvelles à prétention d’objectivité. Elles
s’accompagneraient d’une « libre et égale expression de toutes les tendances
politiques, artistiques et philosophiques ». Pour y veiller, un conseil
d’administration serait mis en place, composé pour un tiers de représentants
désignés par le gouvernement et de membres élus par toutes les catégories du
personnel, ainsi que des représentants des auditeurs et des téléspectateurs. On
s’en souvient : le gouvernement fait tout pour reprendre la situation en main. En
bien des endroits, le ministre Yves Guéna fait occuper les locaux de l’ORTF par
l’armée et, à Paris, ils sont encerclés par la police. Une spectaculaire « opération
Jéricho » est lancée à la Maison de la Radio pour riposter. Le public et
différentes catégories de manifestants sont invités à marcher chaque jour autour
de la « maison ronde » : artistes le 6 juin, journalistes le 7, métallos le 8,
enseignants et étudiants le 9, fonctionnaires le 10, écrivains le jour suivant et
finalement, le 12 juin, des auditeurs, des artistes et différentes personnalités
malgré l’interdiction de manifester. Dans une « lettre ouverte à tous les
candidat(e)s », l’intersyndicale de l’ORTF critique les procédés du
gouvernement et, par là, l’ordre existant :
LETTRES MORTES
on quittait sa cage
on refusait la catégorie, la case et le cas
on voulait être autre chose
qu’une fonction de production 38.
DE BONNE FOI
La pratique de la critique atteint aussi les chrétiens. Cette expérience de la
contestation ne part évidemment pas de rien : c’est un long chemin de
réappropriations et d’héritages. Il remonte au « socialisme chrétien » du
e
XIX siècle, aux « abbés démocrates », prêtres de paroisses et promoteurs
d’œuvres sociales, et aux « rouges chrétiens » de l’hebdomadaire Sept que le
Vatican condamna au silence en 1937. Ce progressisme se forge aussi dans le
dialogue philosophique avec le marxisme. À la Libération et dans son euphorie,
on « avait cru la rencontre possible », à la manière d’une « utopie ». Les passeurs
de Marx sont alors des laïcs comme les philosophes Emmanuel Mounier, Jean
Lacroix et Paul Ricœur, mais aussi des clercs de l’Action catholique et des
missions ouvrières tels les dominicains Henri-Charles Desroches, Marie-
Dominique Chenu, Yves Congar ou le théologien jésuite Jean Daniélou. Tous
pensent l’humanisme de Marx et s’accordent avec sa théorie de l’aliénation. « Il
s’agit, remarque Denis Pelletier, par un travail de lecture, de discernement et
d’interprétation, d’introduire au sein du christianisme une pensée venue du
dehors afin de le renouveler sans le trahir. » L’expérience des prêtres-ouvriers,
rendue populaire par de nombreux reportages et le récit de Gilbert Cesbron en
1952, Les Saints vont en enfer, y a contribué, malgré sa brutale interruption par
la papauté deux ans plus tard. La mobilisation en faveur de la cause tiers-
mondiste forme alors un pont entre sphère religieuse et sphère politique.
L’implication durant la guerre d’Algérie, l’opposition à la torture et les
révélations énoncées par l’hebdomadaire Témoignage chrétien, la Jeunesse
étudiante chrétienne (JEC) et La Route, branche aînée du scoutisme, ont aussi
suscité un grave conflit avec la hiérarchie. Cette période âpre, faite de
controverses et de combats, a ranimé le « dreyfusisme chrétien », selon les mots
de Jérôme Bocquet. Le concile Vatican II (1962-1965) s’impose ensuite comme
« événement religieux majeur du XXe siècle catholique, celui qui non seulement
déplace les lignes mais ébranle les fondements », rappelle Jean-Louis Schlegel.
Une part de l’héritage chrétien y est ranimée entre solidarité, fraternité et amour
du prochain. Vatican II est un encouragement à « aller au monde » et à
révolutionner les pratiques dans le quotidien liturgique – abandon du latin, prêtre
face aux fidèles derrière son nouvel autel, suppression des confessionnaux, des
surcharges et des bibelots 39.
Les fenêtres sont donc ouvertes depuis cet aggiornamento ; mais l’air qui
s’engouffre dans l’Église prend parfois des allures révolutionnaires. La critique
du capitalisme est réactivée par l’Action catholique ouvrière à la faveur des
événements : elle le répète et le regrette, la valeur de la personne n’est plus
mesurée que selon sa capacité de production et de consommation ; « opprimés
pendant de longues années par la violence que constitue la répression
antiouvrière, les travailleurs expriment aujourd’hui leur dignité ». La Jeunesse
ouvrière chrétienne évoque de son côté les « frustrations de la dignité ». Des
prêtres et des laïcs estiment que les aspirations manifestées par le mouvement
vont dans le sens du concile et de ses conclusions : partage des responsabilités et
participation, droit de chacun à faire entendre sa voix, « rejet d’un système
économique fondé sur le profit plus que sur l’épanouissement intégral de
l’homme ». Le révérend-père Lendger, aumônier de la faculté des sciences de
Toulouse, demande dans son homélie prononcée le 12 mai : « Sommes-nous des
chrétiens partisans de Dieu ou complices d’un monde de l’argent, de l’arrivisme,
des combines ? » À Caen, les services du préfet constatent à l’université
l’activité de géographes chrétiens progressistes, proches des milieux ruraux et
prêts à y adopter l’approche que les marxistes ont auprès des milieux ouvriers.
Dans le Poitou, les autorités s’étonnent de voir « mêlées à ces activités
[subversives] des personnes qu’on n’aurait pas pensé y trouver », en particulier
des responsables de l’Église protestante, comme le souligne le préfet de la
Vienne, tandis que son collègue des Deux-Sèvres renchérit : la « fraction
protestante » conteste beaucoup, mais quelques ecclésiastiques catholiques se
retrouvent aussi dans la « rébellion », autour de Thouars et de Bressuire. À
Poitiers, un pasteur qui occupe d’importantes fonctions dans l’Église Réformée
de France prend le temps de… distribuer des casques aux étudiants de l’UNEF,
lors des affrontements avec leurs adversaires de la FNEF. À Roanne, c’est
l’aumônier d’un lycée technique qui est dénoncé pour avoir cédé son local à des
réunions politiques de tendance maoïste. Un clivage générationnel trace son
sillon entre un clergé traditionaliste et âgé, et de jeunes aumôniers volontaristes,
proches des grévistes. Mais la plupart des prêtres se montrent solidaires des
populations de leurs quartiers, surtout dans les milieux populaires et ouvriers. À
Nantes, les curés du secteur de Chantenay se disent bouleversés par la fermeture
qui devrait frapper la raffinerie et, avec elle, ses salariés ; ils expliquent partager
avec la population ouvrière une « inquiétude grandissante » et les « questions
que leur pose la situation présente », en particulier les « limites de la propriété
privée ». En région parisienne, des prêtres se proclament solidaires et
confessent : « nous ne pouvons pas nous taire » – reprise du non possumus des
premiers chrétiens, qui exprime moins une impuissance qu’une détermination à
dire « non ». Leur soutien va à la contestation d’un monde où l’humain est
sacrifié au profit de l’argent. Ces clercs précisent ne pas vouloir tenir un langage
flou qui ménagerait les deux « camps » ; le leur, ils l’ont choisi : c’est le
capitalisme qu’ils visent. C’est aussi toute une vision autoritaire et paternaliste
de la politique et de l’économie ; d’ailleurs, ils précisent : « nous savons que
l’Église n’échappe pas à cette critique » 40.
UNE ÉGLISE RÉFORMÉE
À BOULETS ROUGES
Car certains vont encore plus loin en défendant clairement un horizon
révolutionnaire. Dans Témoignage chrétien le 6 juin, Georges Montaron affirme
sa foi en une « révolution de l’homme dressé contre l’asphyxie technocratique »
et renvoie dos à dos gaullisme et communisme qui ont tout fait, selon lui, pour la
brider et l’empêcher. Certes, du côté du pouvoir, il n’y aurait rien à espérer
puisque les gouvernants défendent leurs intérêts : « On voit mal ces banquiers,
ces grands patrons, ces industriels, ces hommes d’affaires qui siègent dans ce
conseil d’administration qu’est le Conseil des ministres remettre en cause une
société dont ils vivent. » En revanche, plus étonnant et presque plus révoltant
selon l’éditorialiste chrétien est l’attitude – le mot est fort dans sa pointe
cinglante – des « patrons du communisme français qui n’ont eu qu’un souci,
reprendre en main leurs troupes, dompter ce courant révolutionnaire qui s’est
dressé en dehors d’eux 45 ».
En mars, des réseaux chrétiens militants, parmi lesquels Frères du monde, la
CIMADE, Christianisme social, Économie et Humanisme ou encore
Témoignage chrétien s’étaient déjà retrouvés autour du thème « Christianisme et
révolution ». Ils concluaient au « droit pour tout homme de participer à un
processus révolutionnaire, y compris dans la lutte armée », pour un changement
radical des structures sociales et politiques que ces chrétiens entendent assumer,
convaincus par la nécessité de « s’investir dans la lutte des classes et des masses
opprimées ». Le 22 mars, dans la salle de la Mutualité, Jean Cardonnel prononce
un discours vibrant : « Un vrai Carême serait une grève générale qui paralyserait
les mécanismes de la société de profit. » Ce dominicain, fervent soutien des
prêtres-ouvriers et de la décolonisation, n’hésite pas à parler de « la Résurrection
comme stimulant de la révolution ». Le 8 juin, un débat organisé par le Comité
d’action culturelle révolutionnaire rassemble un millier de participants à la
Sorbonne autour du thème « De Che Guevara à Jésus-Christ ». La religieuse
Françoise Vandermeersch se tient à la tribune au côté de Pierre Rosanvallon,
étudiant à HEC, qui préside les débats. Dom Hélder Câmara, prélat de Recife au
Brésil et surnommé « l’évêque des favelas », est là aussi et affirme respecter tous
ceux qui optent en conscience pour la violence, même s’il reconnaît préférer la
ligne de Martin Luther King à celle du « Che » 46.
Mais n’est-ce là que vocabulaire, sésames puisant, comme c’est le goût du
temps, au registre révolutionnaire ? Dans la revue dominicaine Frères du
monde – trimestrielle, elle tire à 6 000 exemplaires –, la critique va bien au-delà
du lexique. Le groupe, fondé neuf ans auparavant, se réclame de la révolution et
des luttes de libération dans le tiers-monde ; son engagement anti-impérialiste
s’illustre avec la lutte contre la guerre du Vietnam et l’attention apportée aux
foyers révolutionnaires, de la Chine à Cuba en passant par l’Afrique. En
janvier 1968, son éditorial appelle à l’urgence de la révolution. Frères du monde
s’engage dans la contestation et signe en juin un long texte d’avant-élections,
pétri d’amertume et de colère. Le PCF est pris à partie avec la virulence née des
espoirs déçus : ces militants chrétiens évoquent les « effarements grotesques de
Georges Marchais » et raillent la « fidélité féodale à Moscou », puis enfoncent le
clou en décrivant le maintien de l’ordre géopolitique – une véritable torpille : « il
est vrai qu’on ne peut pas à la fois faire applaudir de Gaulle à Bucarest et le faire
huer à la Bastille ».Ils exaltent « un marxisme vivant » : le « marxisme
sauvage » serait ailleurs, loin des rangs du PCF jugé trop modéré et pour qui la
révolution est toujours reportée à un lendemain bien lointain, « cette forme
baroque d’un au-delà miteux ». On le répète souvent à propos du Parti et de ses
dirigeants : rien ne peut se faire sans eux. Or, disent ces dominicains, « le
malheur, notre malheur, c’est qu’ils ne font rien, sinon s’asseoir sur la révolution
comme le monarque sur la France ». Le désarroi rageur est palpable devant la
dérobade face à l’obstacle « des coups donnés et reçus, des manifestations dures,
du blocage concret des mécanismes de l’économie » :
que cette pesanteur de plomb n’ait pas empêché des chrétiens, laïcs et
prêtres, de dynamiser l’évangile vécu comme une présence active à
l’événement, voilà bien le miracle, […] las d’entendre des curés faire
des gammes sur la Sainte Vierge ou le péché originel pendant que
l’histoire se déroulait dans la rue.
Il reste donc l’espérance d’insuffler un autre courant dans une Église de la « joie
créatrice », « non plus conservatrice des peurs ancestrales et des soupirs
complexés », mais du « peuple des pauvres en marche vers la conquête de ses
droits et de sa dignité » 47.
La contestation n’est pas que principe du refus : à la pratique de la critique
se mêle, inséparable, l’imagination politique. Certes, le « non » a ses vertus.
Dans son journal, Michel Leiris le notera quand l’élan du printemps sera
retombé – « dire non jusqu’au bout : seul moyen, peut-être, pour que d’autres
puissent un jour dire oui ». Le substrat pourrait se résumer ainsi : « nous
n’acceptons plus » – et d’abord la division du travail social et les hiérarchies.
« Défense de ne pas afficher » : on interdit les interdits. Les parapets qui
protègent les institutions doivent s’effondrer, tout comme les remparts qui
séparent les disciplines au lycée et à l’Université, les enseignants et les
enseignés, les patients et les médecins, le personnel et les « mandarins », le
sommet des Églises et les chrétiens… « Les oreilles ont des murs », il faut les
faire tomber. À la faculté de médecine de Paris, de petites affiches manuscrites
lancent une question qui taraude : « Panser ou penser ? ». Les plus déterminés ne
sont pas là pour panser les plaies, badigeonner un système dont elles et ils ne
veulent plus ; pour ces révolutionnaires, aux jambes de bois plus de cautères.
Une idée surtout préoccupe dans la force de son évidence : revenir aux choses de
la vie, leur donner sens, ne pas se sentir mercenaire. De l’événement n’a pas
surgi cette expression qui pourtant lui conviendrait, « le bien de vivre », par
opposition au « mal » du même nom. C’est une recherche, hésitante et
tâtonnante, empreinte de contraintes et de libertés ; une pratique pleinement
politique qui a l’émancipation pour objet 48.
CHAPITRE XIII
Changer de base
Autonomie, autogestion
et émancipation
AUTOCRITIQUE DE L’AUTOGESTION
Le 6 juin, une rencontre entre des étudiants de différentes universités et des
ouvriers de Renault, de Peugeot et d’Hispano-Suiza témoigne de cette
conscience critique. Les participants y insistent : l’autogestion permet
d’organiser la production selon les compétences des ouvriers eux-mêmes et
donne un sens nouveau à leur travail, en prise avec leurs savoir-faire. Elle
comprend une rotation des tâches et une éducation de tous à des domaines
variés, qu’ils soient techniques, économiques ou financiers. Elle rompt avec les
cloisonnements et la verticalité qui président aux rapports entre cadres, maîtrise,
ouvriers qualifiés et spécialisés.
Mais l’autogestion n’apparaît pas comme un mot d’ordre révolutionnaire en
soi, si les entreprises restent ancrées dans le système capitaliste. « Autogérer une
entreprise capitaliste ? C’est ce que font les entreprises américaines de pointe
(Boeing…) », indique un participant, allusion à la part des salariés dans les
bénéfices de l’entreprise. Et puis, il reste un danger : celui de l’auto-exploitation
des travailleurs par eux-mêmes. À ce sujet, des ouvriers d’Hispano-Suiza
pointent du doigt l’emprise de certains cadres CGT et leurs pratiques jugées
autoritaires au cœur même de la grève (interdiction faite aux femmes de rentrer,
filtrage et « flicage » au nom de la sécurité…) 24.
Cette discussion fait réfléchir et infléchir la position du 22-Mars, qui publie
deux jours plus tard la tribune « Autogestion et Narcissisme ». À la façon de
l’autonomie, l’autogestion peut apparaître, elle aussi, comme une
« mystification ». Une nouvelle fois, tout dépend de qui l’emploie : « de
Lapalisse à de Gaulle, de la CFDT aux anarchistes ». En ce sens, sans précision,
le mot fait écran. Les nouveaux courants du training group et des techniques
psychosociologiques mises au service de l’entreprise pourraient fort bien inclure
l’autogestion dans leur giron : il s’agirait en ce cas de développer les
performances individuelles pour mieux servir la compétitivité. La hiérarchie peut
être décriée, la critique en demeure parfois superficielle et enrobée d’une
« morale rogerienne ».
On reconnaît ici l’analyse critique des grands courants sociologiques et
psychologiques, décortiqués avec une distance à la fois précise et ironique par
les militants de Nanterre. Le psychologue états-unien Carl Rogers (né en 1902) a
élaboré une approche psychothérapeutique centrée sur la personne et sur sa
créativité : les potentialités de chaque individu, entravées, méritent d’être
révélées. Il n’est pas anodin que Rogers ait remplacé le mot « patient » par celui
de « client » : même s’il s’agit pour lui d’insister davantage sur l’activité au
détriment de la passivité, c’est aussi un mot du marché. Rogers propose de
l’appliquer à la communication des entreprises. C’est pourquoi, selon le 22-
Mars, il faut absolument opérer une clarification théorique de sa portée et de ses
limites. Dans le cas contraire, les alternatives sont vues comme des repoussoirs :
soit l’étatisation centralisée, soit la logique de marché 25. Cette dernière
hypothèse est d’autant plus plausible qu’elle est prônée par le pouvoir.
LA DISSOCIATION CAPITAL-TRAVAIL
Le rouge et le noir
Comme une bien-aimée qu’on attendait : pour celles et ceux qui en rêvaient,
la révolution est là, enfin, tant chantée et tant désirée 4. « La révolution qui se
prépare depuis plus d’un siècle nous revient », assure le comité des Enragés le
30 mai. Est-ce une parole performative qui, en l’affirmant, veut la faire exister ?
Est-ce prendre ses rêves pour la réalité ? Les situationnistes ne sont pourtant pas
les seuls à le penser : la révolution est là, désormais. Bien sûr, elle n’est pas
achevée ; c’est une entame, un commencement. C’est pourquoi il n’en va pas là
seulement d’un constat mais d’une détermination à poursuivre l’action. Le
3 juin, la revue du Secrétariat unifié, Quatrième Internationale, publie dans la
conscience de l’urgence un supplément qui dit notamment : « Les barricades de
mai 1968 ont fait justice d’un conte que bourgeois et réformistes avaient
beaucoup répété et même fini par croire : dans notre société moderne, la
révolution est impossible. » Elle paraît sortir de la cage de fer dans laquelle on
l’avait tenue prisonnière et revient dans le champ du réel : l’impossible sort du
dictionnaire révolutionnaire. Les militants tiennent leur revanche et surtout
pensent atteindre enfin le but de leurs combats 5.
Que des partisans de la révolution assurent qu’elle frappe à la porte du
présent, rien d’étonnant. Le postulat se remarque au fond davantage lorsqu’il
émane d’une institution vénérable et, en matière révolutionnaire, jusque-là
insoupçonnable : à l’initiative de Jacques Berque, une pétition en provenance du
Collège de France, début mai, salue « les perspectives révolutionnaires ouvertes
par les derniers événements ». Parmi les premiers signataires, on trouve des
intellectuels communistes, membres du Parti ou compagnons de route, tels Pierre
Cot, Lucien Goldmann ou Jean-Pierre Vernant, des dissidents comme Roland
Barthes, Henri Chombart de Lauwe ou Henri Lefebvre, et d’ex-militants comme
Emmanuel Leroy-Ladurie. De leur côté, les jeunes médecins du PSU
s’enthousiasment pour « la contestation révolutionnaire des structures
capitalistes » : leur profession ne les porte pas par tradition vers la révolution,
mais l’engagement politique fait mentir les déterminismes sociologiques.
D’autres secteurs encore détonnent par leur position en faveur de la révolution.
Les danseurs et chorégraphes mobilisés jugent essentiel de jouer leur rôle dans
« la dynamique révolutionnaire actuelle ». Le Groupe biblique universitaire de
Paris publie un document intitulé « La révolution permanente », sans lien avec la
théorie de Marx approfondie par Parvus et Trotski ; il rappelle que les premiers
chrétiens, en minorité dans une société esclavagiste, avaient créé spontanément
une communauté de biens 6.
Le sentiment de vivre une révolution surgit en fait à profusion. Pour Jean
Genet, la révolte initiale devient « le sens même de la révolution, c’est-à-dire de
la remise en question de toutes les formes sociales dans lesquelles nous vivons ».
À la faculté des sciences de Paris, un texte collectif évoque « un mouvement
révolutionnaire sans précédent dans notre histoire ». Un petit groupe, qui
s’affuble ironiquement de l’appellation « Union des jeunes contre le progrès »
pour prendre à revers l’UJP, exulte : « la fête révolutionnaire n’est plus un
rêve » ; elle est vécue comme une poussée de sève, une danse de printemps. Les
Renseignements généraux pour leur part, pourtant peu suspects d’aspiration
révolutionnaire, emploient l’expression pour décrire les circonstances : à Saint-
Nazaire, les RG dépeignent une ville en « situation révolutionnaire » ; à Roanne,
ils parlent d’une « France tout entière ébranlée par une révolution ». Le préfet
des Pays de la Loire évoque sans détour l’expérience du Comité central de grève
nantais comme une « mesure révolutionnaire », même si c’est pour la dénigrer 7.
Mais un risque apparaît : que le mot s’use comme un tissu ravaudé – et
finisse galvaudé. On se souvient que l’organisation de jeunesse gaulliste, l’UJP,
brandit le slogan : « Les jeunes assument la révolution avec de Gaulle. » À
l’extrême droite, si le temps est à l’affirmation d’une contre-révolution
nécessaire, le groupe Occident s’affirme en « jeunesse révolutionnaire au service
de la nation » 8. Une révolution nationale ? Le grand dessein n’est pas sans
rappeler le régime de Pétain. On saisit donc, sous la plume de Maurice Clavel, la
pointe acerbe de l’ironie : « La révolution contre les révolutionnaires, c’est
connu, c’est Vichy. » Ou comme autrefois Proudhon le disait : « Si la révolution
n’existait pas, sachez-le bien, la réaction l’inventerait » 9.
Il ne suffit donc pas que le mot soit exposé comme un trophée. Encore faut-il
en cerner les contours, revenir sinon à la définition de « la révolution », du
moins à ses critères et à ses conditions. Lénine avait schématisé le moment
d’ébranlement qui caractérise une situation révolutionnaire : « en haut », les
puissants ne peuvent plus gouverner comme avant ; « en bas », on n’accepte plus
d’être gouvernés comme avant 10. Cette analyse est logiquement reprise par les
courants qui se réclament de cette tradition. Au lycée Charlemagne à Paris, le
journal de la JCR, L’Insurgé, évoque la « révolution en marche » et reprend
terme à terme la référence à Lénine, pour l’appliquer à l’instant présent 11.
L’exemple singulier est celui des régiments où des comités d’action se sont
formés en mai, signe d’une confiance dans la révolution. Il est vrai que dans
certains casernements, ceux d’Angers, de Saumur et du Mans, des groupes de
soldats en appellent à l’insoumission 12. Pour le comité « Cinéma » de la faculté
de Censier, les événements empêchent désormais d’accepter les aliénations
d’hier : en cela, ils sont révolutionnaires. Il y a blocage de fait : les mécanismes
économiques et sociaux sont hors d’état de fonctionner ; c’est, d’après André
Barjonet, « objectivement une situation révolutionnaire ». Jacques Sauvageot
arrive mot pour mot à la même conclusion : des comités se sont créés partout,
dans les usines, les facultés et les quartiers, les entreprises sont occupées ; « il
n’y a plus de légalité. Objectivement, la situation est donc révolutionnaire » 13.
Ce mot répété, « objectivement », est lesté d’un sens important : la subjectivité,
conscience mêlée à la volonté, si elle est décisive, doit s’assortir de conditions
objectives, de facteurs matériels essentiels, et d’abord d’une modification des
rapports de production.
Y a-t-il là une simple application circonstancielle d’un modèle
révolutionnaire valable de manière universelle et selon un plan tout tracé ? Il
semble qu’il n’en soit rien : la situation sécrète ses nouveautés. Ainsi pour la
Tendance marxiste révolutionnaire de la IVe Internationale, « une crise
révolutionnaire sans précédent vient d’éclater ». Elle n’est pas le produit d’une
crise économique ; elle n’a pas commencé par le prolétariat. Ces singularités
signalent la créativité du processus révolutionnaire, qui n’est en soi jamais figé.
Elles montrent les voies particulières que peut emprunter la révolution « dans les
pays capitalistes avancés ». Elle n’est pas le « Grand Soir » si souvent
proclamé 14.
L’idée que la révolution ne répond pas à un schéma fixé, élaboré une bonne
fois dans les Palais d’hiver révolutionnaires, est défendue avec véhémence par
les individus, groupes et tendances qui se méfient de théories plaquées ou
ressassées. La défiance est immense à l’égard des pratiques dogmatiques : les
carcans idéologiques briseraient une dynamique en l’enfermant dans un prêt-à-
penser. On n’est pas surpris de retrouver ici le comité de Censier dont le nom
revêt son plein sens : « Nous sommes en marche »… La révolution est conçue
comme un mouvement, une expansion perpétuée. Elle porte des contradictions,
dépassées dans l’action elle-même ; telle est la dialectique que Hegel puis Marx
avaient pensée et où l’on continue de puiser. « La force et la faiblesse d’un
mouvement révolutionnaire est d’être en avance sur lui-même » ; ne faire qu’y
insister pour prôner un recul, c’est devenir réactionnaire ; n’y voir qu’une force,
c’est n’être qu’« un agité » 15.
Les protagonistes peuvent avoir le sentiment d’être des funambules sur la
corde du temps révolutionnaire, dans un exercice d’équilibre précaire. André
Sernin, « bourgeois de Paris » dans une capitale en ébullition, s’arrête stupéfait
devant une inscription : « La révolution se fera par le verbe et non par le
substantif. » Son journal porte sur cette sentence, recopiée avec soin, un grand
point d’interrogation. À l’aune de la marche pourtant, la phrase s’éclaire. La
situation révolutionnaire est un processus ; elle n’est pas une entité ou un objet,
définitif et cristallisé ; elle est une création dont le verbe indique le mouvement
et l’action 16.
Tout un programme
RÉVOLUTION ET TRANSITIONS
La ligne rouge
LE CAPITALISME EN PROCÈS
Le capitalisme est examiné dans ses fondements : propriété privée des moyens
de production, exploitation, course au rendement et compétition. La société qu’il
régit est regardée comme « une société de profit », basée sur l’acte de vente. Le
temps de travail apparaît comme « une tranche de vie entre parenthèses » ; la
vraie vie est ailleurs, hors du bureau ou de l’usine, lorsqu’on cesse pour un
temps d’être travailleur. Le travail semble en ces circonstances une vente au
détail de morceaux d’existence – l’employeur l’achète comme il le ferait de
machines, selon les seuls besoins de la production et au service de ses bénéfices.
Il « devient une chose qui nous est étrangère parce que nous la vendons : le
salariat est la vente à autrui de sa capacité de travail afin qu’il en fasse ce qu’il
jugera bon » 28.
Mais alors que faire ? Comment concevoir une société définie autrement que
par le profit ? Pas à pas, pan à pan, on considère d’autres critères pour un monde
différent. À Lille, le comité d’action ouvriers-étudiants envisage des structures
d’échange modifiées, par le biais de mutuelles et de coopératives qui
échapperaient à l’emprise des intermédiaires : grossistes, agents de bourse ou
banquiers… Le comité de Censier imagine les conséquences en chaîne d’une
abolition de l’économie concurrentielle : sa disparition révèlerait aussi l’inutilité
de la publicité. Les entreprises de séduction périraient et, de leurs cendres,
naîtrait un autre goût de la beauté. L’information sur les produits viendrait des
producteurs eux-mêmes, tandis que les consommateurs seraient formés à sa
conception comme à sa critique 29.
Ces élaborations collectives procèdent par hypothèses successives sous une
forme interrogative : « Que se passerait-il si… ? » Elles soupèsent chacun des
éléments qui forment le socle du monde présent et examinent le bien-fondé de
leur évidence supposée. Tout ou presque y est passé au crible : l’éducation,
l’héritage, le mariage… Ainsi l’argent acquiert un « caractère sacré » ; le taux de
profit apparaît comme un veau d’or vaudou, l’un des derniers tabous. Un partage
réel des richesses conduirait à déconnecter la considération sociale de la
possession : si les niveaux de vie étaient rapprochés, l’argent ne serait plus une
marque – ou un stigmate – de distinction ; la créativité pourrait bien davantage
se libérer. Ce déploiement des capacités offre de repenser la division sociale du
travail : dans « une société plus fraternelle », il serait possible de réduire
considérablement le temps de travail et de le réaménager, afin de dépasser
l’opposition traditionnelle entre manuels et intellectuels, et de proposer d’autres
apprentissages, beaucoup moins clivés. L’exigence suppose d’être aux aguets, à
l’écoute des aptitudes, des goûts et des talents, sans les estimer au prisme de leur
rendement. Peut-être s’agirait-il de produire moins, ou en tout cas différemment,
loin des « bidules automatiques et scoubidous électroniques » : « tout se
tient » 30.
En somme, c’est un travailler moins pour travailler mieux. Mais est-ce
acceptable si cela revient à consommer moins ? Pour beaucoup, posséder
quelques biens hors de l’ordinaire et de la nécessité est une nouveauté : dans les
classes populaires, l’histoire de la consommation est surtout un récit de
privations, a fortiori quand elles sont frappées par les guerres. En 1968,
plusieurs générations s’en souviennent : le rationnement a marqué les mémoires
tout autant que les corps. Pourtant, l’imaginaire contestataire ne refuse pas le
confort ; ce n’est pas un aristocratisme retourné, élitiste dans son ascétisme. La
réflexion porte sur le bien commun, sur la pensée de l’utile contre la futilité du
gadget et le charme peu discret de la publicité, sur l’expérience de la gratuité.
Selon une hypothèse documentée, des transports en commun gratuits ne
créeraient pas de déficit, tant est coûteux l’édifice du contrôle, et tant peut être
vide de vie parfois la cadence sans joie des contrôleurs et poinçonneurs – qu’ils
soient ou non des Lilas. « Le gars qu’on croise et qu’on n’regarde pas » : près de
dix ans auparavant, la chanson de Serge Gainsbourg avait déjà mis en évidence
ces fonctions privées de sens si on les extrait du système dans lequel elles
semblent engoncées 31.
Mais des sociétés peuvent-elles exister non seulement sans logique de profit,
mais encore sans appât du gain ? Aux yeux de certains, l’histoire répond que oui,
il suffit de penser à la république des Guaranis, aux XVIIe et XVIIIe siècles, vue –
certes avec les mots de l’anachronisme – comme une forme de communisme.
Qu’en est-il de la propriété ? Faudrait-il mettre en commun tous les biens ?
Inutile d’aller jusque-là : l’essentiel est plutôt qu’on ne les utilise pas afin de
faire travailler les autres pour soi. Une chose est d’avoir un logement, une autre
est d’en posséder dix pour en louer neuf. Le raisonnement trouve son pendant
pour l’héritage, qui perd ce qu’il peut avoir de nocif – des fortunes en
accroissement cumulatif – si la répartition des revenus est égalitaire et si les
moyens de production sont aux mains de la collectivité. Dans de telles
conditions, l’héritage est perçu comme un bien : une transmission de souvenirs.
En somme,
Cette « capacité étonnante de survie », par ingestion des contestations, fait partie
de ce qui est craint, au soir même de Juin. Le constat en est renforcé quand vient
le temps des bilans – et des regrets.
ÉPILOGUE ?
Une arrière-saison
ACQUIS DE CONSCIENCE
Comment terminer une grève ? Ces mots ont l’air anodin et pourtant ce
qu’ils désignent renvoie à bien des négociations, des tâtonnements et des
hésitations, se nourrit d’émotions. La reprise est d’ailleurs très échelonnée : si, à
l’échelle du territoire national, l’Alsace est la première région où la grève cesse,
la reprise est progressive à la SNCF comme à la RATP, entre le 6 et le 8 juin. Ce
8 juin, le préfet du Nord constate que le trafic est toujours interrompu sur les
voies navigables et que, dans plusieurs usines métallurgiques, « un divorce
semble s’établir entre employés favorables à la reprise et une majorité d’ouvriers
qui y est hostile ». La tension est aussi palpable à Sud-Aviation : un vote
majoritaire pour la reprise a lieu le 10 juin, mais la CFDT et une partie du
syndicat FO y sont hostiles ; comme le relèvent les RG nantais, il s’en faut « de
peu, en raison des hésitations de FO, que la CFDT n’arrache une prolongation du
mouvement malgré l’action énergique de la CGT pour y mettre fin ». Le 12 juin,
les dockers de Dunkerque n’ont toujours pas repris le travail et une trentaine de
mairies dans le département du Nord sont encore fermées, dont celle de Lille ; à
la même date, les grandes usines chimiques de la région marseillaise comme les
chantiers navals de La Ciotat demeurent occupés. La tension oppose aussi
parfois les syndicats. À l’usine Alsthom de Tarbes (1 932 salariés), les ouvriers
votent à 80 % pour la poursuite de la grève le 15 juin ; le lundi 17, la CGT
convoque une assemblée et invite à voter la reprise, adoptée avec une faible
majorité ; pourtant, si les ouvriers rejoignent leurs ateliers, ils ne se remettent pas
au travail pour autant ; les syndiqués CFDT se montrent hostiles à la reprise, et
la CGT éprouve une « très grande difficulté à calmer les esprits ». Chez Berliet à
Lyon, la reprise n’intervient que le 19 juin, comme pour les dockers de
Marseille – le 20 juin à Peugeot-Sochaux. Et c’est seulement le 4 juillet que le
conflit prend fin à l’usine SEV Marchal d’Argenteuil et aux établissements
Boccard de Florange en Moselle, tandis que la grève de l’ORTF dure jusqu’au
12 juillet ; à Toulouse, les personnels de l’ORTF, administratifs, techniques et
journalistes, sont en grève tout au long de juin ; un seul journaliste, non gréviste,
assure les bulletins locaux d’informations 1…
Les discussions sont âpres entre syndicats et patronat, pour qui il n’y a pas
de petites économies. C’est le signe d’un rapport de force rude, déséquilibré,
mais souvent pénible pour les deux parties. Les employeurs mettent en avant ce
que la grève a engendré de difficultés et fait perdre en rentabilité ; l’argument
pèse pour limiter les nouveaux droits et rabougrir les espérances. La direction
des Charbonnages de France décide par exemple de maintenir pour ses salariés
l’indemnité de logement, mais pas les droits au chauffage ni les indemnités
d’eau et d’électricité, réduits au prorata des jours de grève 2.
À Grenelle, une simple avance de 50 % de salaires est prévue pour les
journées « perdues », gage d’un rattrapage à venir ; cette « avance » doit être
remboursée et les heures non travaillées seront récupérées avant la fin de
l’année. Les associations patronales s’entendent sur l’idée que les jours de grève
ne doivent pas être payés, « sinon il n’y a aucun frein à ce qu’on multiplie les
grèves ou qu’on les fasse durer », comme le dit un représentant de la Fédération
nationale de la brosserie. Ensuite viennent les marges d’application selon l’état
des négociations 3.
Le Comptoir de l’industrie textile française (CITF) annonce par exemple que
25 000 pièces de tissu ont été perdues et qu’en conséquence les salaires des
grévistes ne leur seront pas versés. Aux Établissements Blaise de Charleville-
Mézières, une usine qui fabrique des balais, toutes les heures de grève doivent
être récupérées dont 30 % « gratuitement ». La direction insiste sur l’importance
d’obtenir des prix de revient améliorés : les travailleurs sont invités à redoubler
leurs efforts pour accroître la productivité. La Compagnie des ateliers et forges
de la Loire adresse le même avertissement : des clients étrangers auraient
menacé d’annuler des commandes pourtant enregistrées ; les heures de grève
seront intégralement récupérées. Quant à la réduction du temps de travail, elle y
est minime et laisse voir surtout l’intensité des semaines et des journées :
l’horaire hebdomadaire ne sera réduit que d’une demi-heure et uniquement s’il
est supérieur à quarante-cinq heures ; il est prévu pour plus tard, à l’automne
1969, de le diminuer encore d’une heure s’il est supérieur à quarante-huit heures.
Aux établissements Brissonneau et Lotz, entreprise métallurgique qui construit
des rames de métro, l’horaire de travail est fixé à cinquante heures qui se
décomposent en 47 h 30 de travail « normal » et 2 h 30 consacrées au rattrapage
du temps « perdu ». De nombreuses entreprises créent également une prime de
productivité pour inviter les salariés à travailler plus vite et davantage 4. Les
quarante heures sont loin.
Cette impression est confortée par les débats qui, au sein des collectivités
territoriales, portent sur l’aide financière susceptible d’être octroyée aux
grévistes et à leurs familles. Le conseil général du Rhône vote un crédit d’un
million de francs, attribué au bureau d’aide sociale des communes. La ville de
Lille accorde quant à elle une subvention de 500 000 francs ; celle d’Argentan,
50 000 francs « pour aider les familles modestes victimes des événements » ;
celle d’Orange, 20 000 francs. Mais les discussions sont parfois conflictuelles,
moins le plus souvent sur la pertinence de l’aide que sur son montant. À Guéret,
le maire radical Raymond Gadet propose la somme de 5 000 francs, en arguant
que la ville de Saint-Junien a fait de même. Mais certains conseillers municipaux
PCF la jugent bien trop modique, sachant qu’une ville comme Montluçon a
octroyé 30 000 francs : Guéret ne peut « faire moins qu’Ussel » et ses
50 000 francs. Finalement, le conseil municipal s’entend sur 10 000 francs et des
repas gratuits dans les cantines scolaires pour les enfants 6.
Mêmes tensions pratiques et politiques au conseil général de Corrèze : les
délibérations s’apparentent à une vente aux enchères. Comment faire pour que
l’aide n’apparaisse ni comme une aumône ni comme une misère ? Les débats
s’ouvrent sur la somme de 60 000 francs ; elle apparaît dérisoire à certains, si on
la rapporte aux quelque 15 000 grévistes de Corrèze et si on la compare à
d’autres départements – les 200 000 francs du Tarn notamment. Le président
Élie Rouby (SFIO) souhaite ne pas augmenter ce montant « afin, précise-t-il, que
les fonds votés ne le soient pas… comment dirais-je ?… pour récompenser
l’ardeur plus ou moins grande des grévistes ». Finalement, l’intervention de
Jacques Chirac, conseiller général élu dans le canton de Meymac, permet
d’augmenter de 4 000 francs la somme initialement fixée : selon le secrétaire
d’État à l’Emploi, l’aide ne doit pas récompenser les travailleurs pour avoir fait
grève, mais porter secours aux employés et ouvriers dont les salaires n’ont pas
été versés faute de liquidités 7.
La question soulève celle, plus complexe encore, des hausses de salaires
établies par les faux « accords » : le protocole de Grenelle, pense-t-on, a pour
conséquence substantielle d’augmenter fortement les rémunérations. Cette
interprétation résiste-t-elle à l’examen ?
LE SALAIRE DE L’ARDEUR
On relève par exemple des hausses de prix que les chambres de commerce
jugent elles-mêmes « aberrantes » : 15 % en un mois pour la teinturerie, les
garages et les taxis 11. À Paris, l’indice correspondant au montant des loyers est
passé de 170 à 186 entre janvier et décembre, soit une hausse de près de 10 %.
Même si, pour mieux défendre les acquis de la grève, le syndicat CGT de
Renault soutient que les hausses de prix ne sont pas liées à l’augmentation des
salaires, il affirme cependant que le patronat tente de reprendre ce qu’il a été
obligé de concéder, car c’est « la loi fondamentale du capitalisme » fondée sur
l’accroissement des profits.
La CFDT est plus encline à considérer que les hausses salariales n’ont pas
été à la hauteur de la grève générale. Son groupe de travail économique évoque
sans détour les « informations fantaisistes sur l’ampleur des avantages acquis par
les travailleurs » ; d’après ses calculs, l’année 1968 aurait de toute façon connu
une croissance salariale plus importante que les deux années précédentes. Dans
le numéro spécial de sa revue Syndicalisme, la CFDT précise que la hausse des
rémunérations s’est élevée depuis le début de la décennie de 11 % chaque année,
et même de 14 % en 1963 ; l’augmentation de 7 à 10 % gagnée au printemps
1968 en est toute relativisée. Quant au SMIG, il a en réalité été rétabli au niveau
qu’il aurait dû avoir s’il avait suivi l’évolution moyenne des salaires – il
manquerait même 46 centimes… Le SMIG, de surcroît, ne concerne que 7 % des
salariés. Face à la hausse des prix intervenue durant l’été, qui affecte le quotidien
par le biais du gaz, de l’électricité, de la vignette automobile et des produits de
consommation courante, le syndicat FO de la Régie Renault estime que « le coût
de la vie augmente dans des proportions qui réduisent à néant ou à peu près les
augmentations de salaires obtenues à la fin de la grève » 12.
Il s’agit bien ici de conjurer le catastrophisme gouvernemental et patronal,
en rétablissant dans des proportions modérées voire modestes les acquis de Mai.
Au comité d’action Alésia-Montsouris, dans le 14e arrondissement de Paris, on
se dit que « si demain l’augmentation des prix rattrape les augmentations de
salaires, c’est parce qu’on n’aura pas touché au fond du problème : la
transformation du fonctionnement économique de notre société 13 ».
Ce n’est donc pas l’impression d’une victoire qui prédomine dans les esprits,
chez les grévistes en fin de conflit. Dans un courrier au ministre de l’Intérieur, le
préfet de la Région Nord fait part « de la déception et de l’amertume parmi les
travailleurs des usines rouvertes ». Dans les Vosges, d’après les Renseignements
généraux, le sentiment dominant est au désenchantement 17. À Renault-
Billancourt, le syndicat CFDT n’y va pas par quatre chemins, tant les
propositions patronales ne donnent pas satisfaction : « Les patrons de la
métallurgie font semblant de céder, ils nous offrent gentiment de réduire
l’horaire de cinq minutes en nous en payant trois. Ils ont le sens de l’humour ;
nous aussi. Mais ne nous prennent-ils pas pour des cons ? » Lorsque, le 18 juin,
le travail y reprend finalement, le syndicat déplore que rien de sérieux n’ait été
acquis sur les retraites, l’humanisation du travail ou bien encore les relations
avec la hiérarchie. Et c’est « la rage au cœur » que les salariés retournent à leur
poste. Le journal maoïste La Cause du peuple parle d’une reprise « les larmes
aux yeux et les poings serrés ». Pourtant, le syndicat CGT invite les ouvriers à
être « confiants et fiers », sûrs de leur force et de leurs avancées 18.
Dans le contraste des sentiments se dit l’abîme qui sépare les deux
confédérations sur l’analyse de l’événement. La CFDT aurait voulu poursuivre
le mouvement et lui donner des débouchés autrement plus importants, qui
auraient touché aux structures mêmes du travail et de la société. Au contraire, la
CGT justifie ici le choix de ne pas « continuer le combat » et de lui préférer la
voie des élections.
Retour à la normale ?
REVENDICATIONS DE PATRONS
De telles prévisions s’appuient aussi sur la vivacité des luttes menées par les
travailleurs et les étudiants sur différents continents. Les événements de France,
eux-mêmes imprégnés de références venues d’ailleurs, exercent une indéniable
influence : les circulations et transmissions s’intensifient. En Argentine, livres,
revues et fascicules sur le mouvement français sont immédiatement traduits. En
Italie, lors des grèves de novembre, on entend le slogan « Ce n’est qu’un début
continuons le combat », qui a traversé les Alpes, tandis que le collectif ouvriers-
étudiants Lotta Continua se fonde par allusion à la révolte de Mai et Juin dans le
pays voisin. « La Francia indica la strada » – « la France ouvre la voie » – peut-
on lire dans un journal militant génois. Plus tard, c’est en référence au « Mai »
français que l’on évoquera pour l’Italie un « Mai latent » ou un « Mai
rampant » 30.
En Europe de l’Est, les mobilisations ouvrières comme les mouvements
étudiants déploient aussi leur élan. En Yougoslavie, tandis que les journaux du
Parti relatent ce qui se passe en France, la révolte étudiante à Belgrade conduit à
l’occupation des universités ; la contestation s’étend, de Ljubljana à Zagreb et à
Sarajevo 31. La tragédie qui se noue en Tchécoslovaquie indigne et bouleverse de
l’autre côté du rideau de fer. Le PCF se désolidarise de l’intervention des troupes
du Pacte de Varsovie, qui envahissent Prague le 21 août au soir. Victor Joannès,
membre du Comité central, assure que les communistes en ressentent « de
l’amertume et de l’affliction ». À Paris, le comité de grève de la faculté de droit
estime que ces armées « seraient plus à leur place dans la lutte contre les
agressions impérialistes que dans un combat contre un peuple qui cherche sa
voie dans le socialisme ». Ces événements, dans leur violence nue, révèlent sans
ambiguïté « la nature contre-révolutionnaire et antiouvrière de tous ces régimes
et de tous les partis qui leur sont plus ou moins liés ». L’AGE grenobloise
proclame sa solidarité envers les manifestants tchécoslovaques, « seuls à pouvoir
lutter à la fois contre les déviations staliniennes et contre les tentatives contre-
révolutionnaires préparées par le capitalisme toujours aux aguets ». À
Villeurbanne, un comité d’action y voit un espoir de révolution : « les directions
usurpatrices des pays de l’Est sont déjà hantées par le spectre de la révolution
prolétarienne qui les balaiera » 32.
Puis le drame qui se noue à Mexico au début de l’automne provoque une
vague de protestation : alors que vont s’ouvrir les jeux Olympiques célébrés
comme les « Olympiades de la Paix », un vaste mouvement populaire soulève le
pays. Le 2 octobre, sur la place des Trois-Cultures dans le quartier de Tlatelolco
à Mexico, l’armée perpètre un véritable massacre ; plus de 200 personnes sont
abattues tandis que s’enclenche la spirale infernale de la répression, entre
arrestations, pratique de la torture et exécutions. À Paris, une marche de
solidarité rassemble environ 5 000 manifestants, travailleurs et étudiants. Le
5 novembre au palais de la Mutualité se tient un meeting sur les luttes populaires
du Mexique 33. La solidarité internationale est à chaque fois ravivée.
Certaines des prévisions esquissées à la fin du mouvement se révèlent
exactes dans les mois suivants. La fuite des capitaux, enclenchée dès la mi-mai,
s’accentue progressivement au point d’atteindre des « dimensions
impressionnantes » en novembre ; elle revêt alors l’aspect d’un « véritable
exode » selon l’ambassadeur de France en Suisse, Gabriel Bonneau, et alimente
« une gigantesque crise des finances publiques » 34. À l’automne 1968, la crise
monétaire est sévère. Le contrôle des changes, instauré en juin, est supprimé en
septembre. La méfiance à l’égard du franc explique la forte spéculation en
faveur du Deutsche Mark. Après quelques hésitations, le gouvernement se
décide à fermer la Bourse le 20 novembre. Au Conseil des ministres
extraordinaire convoqué trois jours plus tard, on s’attend à ce que le Président
décrète la dévaluation. Il n’en est rien : le chef de l’État choisit de rétablir le
contrôle des changes et programme une importante réduction du déficit public,
mesures d’austérité à l’appui – modération des salaires et coupes budgétaires.
« N’est-il pas dommage que Mai-Juin 1968 ait changé si peu de choses en
profondeur ? » Nous sommes à Aytré, petite ville de Charente-Maritime. Dans
l’entreprise métallurgique locale, où travaillent 1 400 salariés, le syndicat des
Métaux CFDT contredit l’idée d’une grande victoire pour les ouvriers. Mais le
Bulletin intérieur du syndicat CGT des métaux d’Aytré rétorque aux camarades
et néanmoins rivaux de la CFDT que les résultats sont très importants 35. Les
interprétations diffèrent et c’est là une déclinaison locale de ces appréciations
contraires. À la manière du verre à moitié vide ou à moitié plein, l’inventaire
apparaît mitigé ou remarquable selon les positions de chacun : pour certains, la
coupe est amère ; pour d’autres, le bilan se bonifiera comme le vin. Au-delà des
acquis matériels, dont quelques-uns – comme la reconnaissance de la section
syndicale dans les entreprises – demeureront pour longtemps, quand d’autres –
les hausses de salaires – seront vite balayés, il reste ce qui pour beaucoup est
essentiel : le sentiment de s’être trouvés ou retrouvés, la joie d’une force
collective et l’importance de la solidarité, la conscience qu’une grève générale
est possible et qu’on pourra la recommencer. À Nantes, dans le quartier de
Chantenay, un ouvrier consigne dans son carnet ce qui lui paraît fondamental, le
« résultat moral » : « qu’on le veuille ou non, ce ne sera plus comme avant » 36.
À l’échelle internationale, les mobilisations n’ont pas faibli. C’est aussi la
raison pour laquelle le feu révolutionnaire ne paraît pas éteint, tout au contraire ;
la flamme reste brûlante voire incandescente – une étincelle la ranimerait.
Beaucoup du moins en sont persuadés et font du slogan si ardemment lancé le
principe d’un avenir entrevu : « Ce n’est qu’un début. »
CONCLUSION
Elle ne veut pas rendre au passé sa poésie. Elle veut lui rendre son corps
perdu. Ce qui la pousse, ce n’est pas un désir de beauté. C’est un désir
de vie 1.
Il a été beaucoup question de poésie en 1968 ; de beauté aussi, quand il s’est agi
de réconcilier l’art et le quotidien, d’imaginer une existence plus intense et plus
libre. Mais, pour qui écrit sur l’événement, l’enjeu est avant tout de le rendre
vivant, sans l’embellir et sans en rire, en empoignant ses contradictions, en
s’emparant de ses éclats.
Les ondes longues du passé
Le passé recomposé est un temps d’usage courant. 1968 n’y échappe pas :
aux laboratoires des reconstitutions, il est même une matière de choix. S’en
saisir pour lui faire dire ce qu’il n’était pas est devenu un exercice banal,
quoique parfois acrobatique. La pratique est inaugurée très tôt, au lendemain
même de Juin. Les exemples seraient légions, comme celui de Maurice Druon.
L’écrivain académicien déteste la contestation ; il n’y perçoit que nihilisme et
pulsion de mort ; il compare les contestataires à Hitler. À le lire, on ne sait plus
au juste si l’on parle bien de la même histoire : la discordance des temps est une
stridence ici, qui crie. Plus tard, l’économiste Michel Albert, commissaire au
Plan sous le gouvernement Barre, lira 1968 au prisme de l’entreprise et de la
compétitivité. Ce promoteur de Vive la crise !, émission conçue pour faire
accepter le nouvel esprit du capitalisme sous ses traits néolibéraux, aura le ton
triomphant et l’assurance des vainqueurs : « Sous les pavés, il y avait
l’entreprise » 2. Une phrase assez typique d’un ton hégémonique dans les années
1980, pour taire les protestations et certifier qu’il y aurait un seul avenir
désormais : celui du profit et de la compétition.
Alors c’est vrai : ce travail a aussi voulu répondre aux affirmations
solennelles, souvent arrogantes, parfois même officielles. Ce que disent les
archives est si différent : avec et après d’autres, il fallait bien le montrer. Ces
interprétations m’ont hantée ; j’y voyais plus qu’une injustice : une volonté
délibérée d’évacuer un passé encombrant. 68 ou comment s’en débarrasser ?,
pour plagier les mots d’Eugène Ionesco. « Un événement n’est pas ce qu’on peut
voir ou savoir de lui mais ce qu’il devient 3 », a écrit Michel de Certeau.
L’événement a subi la balafre des miroirs déformants. L’histoire n’est pas la
discipline des justiciers ; cela n’empêche pas d’aider, un peu, à réparer le passé.
Tant de fragments restent encore dans l’ombre, pièces de marqueterie en
nombre infini. L’événement est fait de millions de petits morceaux impossibles à
recoller. C’est ce qui en a forgé la vie et elle s’échappe, inexorablement :
j’aimerais pouvoir les rattraper, mais il est tard. Et néanmoins, suivre Lucien, un
ancien enseignant qui se souvient d’un détail amusant : l’un de ses élèves, à qui
il passait des pavés dans la chaîne, lui disait à chaque fois « merci, monsieur »
comme si la politesse, sur les barricades, avait toujours cours… Parler des
aveugles et des infirmes qui réagissent et agissent, rappelant leurs droits à
l’instruction, au travail et à la santé. Évoquer l’inattendu, quand le patron d’une
entreprise de tissage, dans un petit village vosgien, offre à ses salariés grévistes
le tissu pour confectionner la banderole, en guise de soutien. Donner corps aux
détails cocasses et aux instants coriaces. Un commissaire principal suit les
consignes des Renseignements généraux par une réponse laconique : « Il n’y a
pas d’organisations révolutionnaires d’extrême gauche dans la Creuse. » Un
libraire de la rue de la Sorbonne, empêtré dans un litige avec le contrôleur des
contributions, s’en explique dans une lettre au préfet : « Il augmente mon forfait
pour les années 67 et 68 de 7 000 F en donnant comme argument que les
émeutes ont amené beaucoup de monde au Quartier latin et que mes affaires en
ont bénéficié » ; le libraire prie les autorités d’attester que la rue a été fermée. Un
monsieur Jean B. lance un comité de défense des personnes dont le véhicule a
brûlé. Un commerçant de Saint-Nazaire demande réparation pour les dégâts
commis dans la nuit du 11 au 12 juin par les grenades des policiers sur son
magasin et dresse la liste des objets détériorés, de la lampe bouillotte Louis XV
au pichet rustique, du gratte-dos à l’angelot doré. Un vendeur de télévisions
estime que les grévistes de l’ORTF causent les plus graves préjudices à son
commerce et s’en plaint au préfet. Les lycéens de Céret réclament que les blessés
des affrontements puissent passer la session spéciale du baccalauréat. À Saint-
Étienne, les joueurs du prestigieux club de football revendiquent une
augmentation de salaire, à la faveur du mouvement protestataire 4… Des rumeurs
circulent ici et là, déposées dans les commissariats : un « comité Cohn-Bendit »
préparerait l’attaque de l’Élysée au bazooka ; à la Sorbonne, les contestataires
projetteraient de vendre les fresques aux enchères et, pour les détacher,
chercheraient un expert ; à Billancourt, le pont qui relie l’île Seguin à la rive
opposée aurait été miné par des ouvriers de Renault – si les forces de l’ordre
investissaient l’usine, ils le feraient sauter ; dans une caserne de Laval, un dépôt
d’explosifs serait visé ; à Landerneau, des agriculteurs projetteraient de
kidnapper un ministre 5… Ces fantasmes-là font aussi une réalité.
Les protagonistes demeurent parfois, voire le plus souvent, dans l’anonymat.
Les archives parlent de comités de grève, d’action et de quartier, d’organisations
syndicales et politiques, de grévistes et de manifestants ; mais elles nomment
peu. Le plus souvent, elles ne permettent pas de situer exactement les auteurs, les
locuteurs et les acteurs. Quand elles le font, c’est soit pour mentionner des
personnalités, soit pour adopter l’approche des policiers. Dans les archives des
RG et des préfets, j’ai évidemment découvert des fiches, très fournies, à
prétention d’exhaustivité, des descriptions de logements perquisitionnés, des
photos d’identité et de police judiciaire. Pourtant, j’ai préféré les taire – non pas
seulement parce que c’était la condition de la dérogation mais parce que cette
démarche « policière » était trop éloignée de ce que je voulais faire. D’où ce
paradoxe d’une histoire qui tente d’incarner sans toujours nommer. La
métaphore que m’a suggérée Christian Ingrao ne pallie pas la carence mais a la
vertu de la désigner : la parole et les pratiques se diffusent comme une onde, qui
ne se localise pas toujours mais emplit l’air et le constitue.
Dorénavant
Il est encore un pan de l’événement que ce livre ne dit pas non plus : son
« désormais », le « dorénavant » de celles et ceux qui l’ont vécu. Tant de pages
pourraient être consacrées aux façons dont des vies ont été métamorphosées.
« Mai a été un démurement pour moi », raconte un poète exilé. Suzanne, une
institutrice de Grenoble venue à Paris pour reprendre des études, préfère quant à
elle dépeindre un changement physique, cheveux coupés courts et minijupes
assumées – car l’« indécence n’est pas dans la tenue mais dans le regard » : « je
voulais quitter ce personnage qui m’engonçait ». Chantal Cambronne-Desvignes,
enseignante en collège, qui en 1968 a 32 ans et attend son quatrième enfant,
décrit aussi tout ce que l’événement a changé dans sa vie : elle s’est mise à parler
avec les femmes de son quartier ; elles se sont confié les « trahisons » des maris,
la peur de grossesses nouvelles, la tentation de l’avortement quand il est toujours
interdit. Chantal ose évoquer les frustrations sexuelles et le malheur conjugal ; le
divorce finalement, vécu telle une conquête qui la libère de cet échec, est perçu
« comme une conséquence directe de Mai 68 ». Jacques Guilhaumou, alors
étudiant en première année d’histoire à Nanterre, se rappelle son père autoritaire,
cadre supérieur dans une grande entreprise d’informatique, soudain perdu à la
recherche de son fils dans la Sorbonne endormie, après une nuit d’occupation ;
cette forte personnalité, « habitué[e] à commander, devient un homme hésitant
au milieu de ces étudiants » ; « de tout, il était devenu rien, ou plutôt quelqu’un
d’ordinaire ». Pour le jeune homme, ce moment de basculement signe la fin du
conflit avec le père : la guerre ancienne est « neutralisée » 6. Les révolutions
comme les volcans, écrivait Hugo, « ont des journées de flamme et des années
de fumée » : le feu de l’événement brûle et pour beaucoup encore il n’est pas un
« tas de pierres » ou de cendres. Décidément, son avenir dure longtemps 7.
Parlez de 1968 autour de vous : combien aussitôt citeront quelques puissants,
des gens installés et importants, des femmes et surtout des hommes de pouvoir
qui ont renié ce passé ou semblent n’avoir rien à voir avec les espoirs qu’il
portait ? Cette part bien minime d’un iceberg immergé, cette part médiatisée,
tendrait à faire oublier les millions d’autres, presque muets. Dans une
magnifique étude de sociologie politique, Julie Pagis leur a rendu justice. Elle a
analysé la reconversion des dispositions contestataires dans des domaines
variés : l’enseignement aux pédagogies renouvelées, ajustées aux aspirations de
l’événement, l’animation sociale, l’éducation populaire, les formes d’exit aussi et
les stratégies parallèles. Elle a rendu compte de la « rénovation critique des
professions », des engagements syndicaux et associatifs, du bénévolat et de ses
déclinaisons. Elle a expliqué les déclassements par refus de la compétition et de
normes que beaucoup ont rejetées, enfin la ténacité parfois douloureuse, le souci
acharné de préserver son intégrité – et la fidélité 8.
Les astérisques dans les notes signalent qu’une dérogation a été nécessaire
pour consulter ces fonds.
Introduction
L’événement au présent
1. Enrique Vila-Matas, « Au musée », traduit de l’espagnol par André Gabastou, in Écrire,
Mai 68, Paris, Argol, 2008, p. 252-253.
2. Une émission diffusée sur TF1 le 22 mai 1988 s’intitule Le Procès de Mai et le présentateur
Stéphane Paoli y demande : « N’est-il pas temps, vingt ans plus tard, d’instruire enfin le
procès de Mai ? », cité par Claire Sécail, « Mai 68 en procès à la télévision. La
criminalisation de l’événement historique (1988-2008) », in Christian Delporte, Denis
Maréchal, Caroline Moine, Isabelle Veyrat-Masson (dir.), Images et sons de Mai 68 (1968-
2008), Paris, Nouveau Monde, 2011, p. 372.
3. Boris Gobille, Mai 68, Paris, La Découverte, 2008, p. 5.
4. Jean-François Sirinelli, Mai 68. L’événement Janus, Paris, Fayard, 2008, p. 8. Cf. Serge
Audier, La Pensée anti-68. Essai sur les origines d’une restauration intellectuelle (2008),
Paris, La Découverte, rééd. 2009 et Boris Gobille, « L’événement 68. Pour une sociohistoire
du temps court », Annales. Histoire, sciences sociales, 63e année, 2008 / 2, notamment
p. 321-322.
5. Gilles Lipovetsky, « “Changer la vie” ou l’irruption de l’individualisme transpolitique »,
Pouvoirs, no 39, novembre 1986, p. 95. Cf. dans la même veine et à la même date Luc Ferry
et Alain Renaut, 68-86. Itinéraires de l’individu, Paris, Gallimard, 1987. L’ouvrage de
Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures, a été décisif dans la déconstruction de cette
mythologie et des réappropriations aussi abusives que désabusées par quelques personnalités
érigées en « génération » (Kristin Ross, May ‘68 and its Afterlives, 2002, trad. fr. Mai 68 et
ses vies ultérieures, Paris, Complexe, 2005).
6. J’emprunte la formule à Edward P. Thompson qui l’emploie pour évoquer la classe ouvrière
anglaise (Edward P. Thompson, The Making of the English Working Class, 1963, trad. fr. La
Formation de la classe ouvrière anglaise, Paris, Seuil, 2012, p. 15).
7. Cf. Michelle Zancarini-Fournel, Le Moment 68. Une histoire contestée, Paris, Seuil, 2008.
8. Cf. Xavier Vigna, L’Insubordination ouvrière dans les années 68. Essai d’histoire politique
des usines, Rennes, PUR, 2007 et l’expression d’« “insubordination” proliférante », in
« Introduction », Xavier Vigna, Jean Vigreux (dir.), Mai-juin 1968. Huit semaines qui
ébranlèrent la France, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2010, p. 15. Voir Michelle
Zancarini-Fournel, « L’épicentre », in Philippe Artières, Michelle Zancarini-Fournel (dir.),
68. Une histoire collective (1962-1981), Paris, La Découverte, 2008, p. 209-269. Gerd-
Rainer Horn évoque un « proletarian May » : Gerd-Rainer Horn, The Spirit of ’68. Rebellion
in Western Europe and North America, 1956-1976, New York, Oxford University Press,
2007, p. 101.
9. Serge Velay, L’Intempestif, Remoulins-sur-Gardon, Jacques Brémond, 1998, p. 15.
10. Gilles Deleuze et Félix Guattari, « Mai 68 n’a pas eu lieu », Les Nouvelles, 3-9 mai 1984.
11. Michel de Certeau, « Pour une nouvelle culture : prendre la parole » (juin 1968), repris in La
Prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Seuil, 1994, p. 41 et p. 43.
12. Pascale Goetschel, Christophe Granger, « Faire l’événement. Un enjeu des sociétés
contemporaines », Sociétés & Représentations, no 32, 2011 / 2, p. 16.
13. Federico Tarragoni, L’Énigme révolutionnaire, Paris, Les Prairies ordinaires, 2015, p. 135.
14. Henri Lefebvre, L’Irruption de Nanterre au sommet, Paris, Anthropos, 1968, p. 128.
15. François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil,
2003, rééd. 2012, p. 125.
16. Jacques Rancière, « Politique, identification, subjectivation » (1991), in Aux bords du
politique, Paris, Gallimard, 2007, p. 112 ; Id., « Le plaisir de la métamorphose politique », in
Moments politiques. Interventions 1977-2009, Paris, La Fabrique, 2009, p. 204.
17. Dominique Damamme, Boris Gobille, Frédérique Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-
Juin 68, Paris, Éditions de l’Atelier, 2008, « Introduction », p. 11.
18. Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures, op. cit., p. 32.
19. Montage situationniste, s. d., BNF LB61-600 (7398).
20. Cf. Daniel A. Gordon, Immigrants and Intellectuals. May’68 & the Rise of Anti-Racism in
France, Pontypool, Merlin Press, 2012, notamment p. 89-91.
21. Michelle Perrot, « Préface », in Filles de Mai. 68 dans la mémoire des femmes, Latresne, Le
Bord de l’eau, 2004, p. 7 et 10.
22. Lynne Segal, « She’s Leaving Home : Women’s Sixties Renaissance », in
Gurminder K. Bhambra et Ipek Demir (éd.), 1968 in Retrospect. History, Theory, Alterity,
New York, Palgrave Macmillan, 2009, p. 31 sq.
23. Michelle Zancarini-Fournel, « Genre et politique : les années 1968 », Vingtième Siècle.
Revue d’histoire, no 75, 2002 / 3, p. 139 ; Id., « Afterword », in Lessie Jo Frazier et Deborah
Cohen (éd.), Gender and Sexuality in 1968. Transformative Politics in the Cultural
Imagination, New York, Palgrave McMillan, 2009, p. 256.
24. Julie Pagis, Mai 68, un pavé dans leur histoire. Événements et socialisation politique, Paris,
Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2014, p. 228 sq.
25. Cf. Joan Scott, Only paradoxes to offer. French Feminists and the Rights of Man (1996)
trad. fr. La Citoyenne paradoxale. Les féministes françaises et les droits de l’homme, Paris,
Albin Michel, 1998.
26. Cf. Arlie Hochschild, « The Sociology of Feeling and Emotion : Selected Possibilities »,
Sociological Inquiry, 2-3 avril 1975, p. 280-307.
27. Cf. Erik Olin Wright, Envisioning Real Utopias, 2010, trad. fr. Utopies réelles, Paris, La
Découverte, 2017.
28. André Gorz, Misères du présent. Richesse du possible, Paris, Galilée, 1997, p. 180.
29. Haim Burstin, Révolutionnaires. Pour une anthropologie politique de la Révolution
française, Paris, Vendémiaire, 2013, p. 175. Cf. Quentin Deluermoz, Boris Gobille (dir.),
Protagonisme et crises politiques, numéro de Politix. Revue des sciences sociales du
politique, no 112, 2015.
Prologue
« Glorieuses » ? Des années critiques
1. Pierre Viansson-Ponté, « Quand la France s’ennuie », Le Monde, 15 mars 1968.
2. Jean Nicolas, La Rébellion française. Mouvements populaires et conscience sociale (1661-
1789), Paris, Seuil, 2002 ; Cf. Jean-Luc Chappey, Bernard Gainot, Guillaume Mazeau,
Frédéric Régent, Pierre Serna, Pour quoi faire la révolution, Marseille, Agone, 2012, p. 14.
3. Jean Fourastié, Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975, Paris,
Fayard, 1975 ; Cf. Céline Pessis, Sezin Topçu, Christophe Bonneuil (dir.), Une autre
histoire des « Trente Glorieuses ». Modernisation, contestations et pollutions dans la
France d’après-guerre, Paris, La Découverte, 2013 ; Michelle Zancarini-Fournel, Les Luttes
et les Rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours, Paris, La Découverte,
2016, p. 717-777.
4. Andrew Abbott, « L’avenir des sciences sociales. Entre l’empirique et le normatif »,
Annales. Histoire, sciences sociales, no 71-3, juillet-septembre 2016, p. 578.
5. UNEF, Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg, De la misère en milieu
étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et
notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier, novembre 1966.
6. « Trente Italie », textes politiques de l’AGE de Lyon, s. d., BDIC F delta 813 / 8.
7. Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris,
Minuit, 1964.
8. Pascale Goetschel, Renouveau et décentralisation du théâtre, Paris, PUF, 2004, p. 359.
9. Noëlle Bisseret, « Réussite universitaire et inégalité économique », s. d., BNF LB61-600
(2776). Cf. Bernard Pudal, « Ordre symbolique et système scolaire dans les années 1960 »,
in Dominique Damamme, Boris Gobille, Frédérique Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-
Juin 68, op. cit., p. 68-72.
10. Ingrid Gilcher-Holtey, « La contribution des intellectuels de la Nouvelle gauche à la
définition du sens de Mai 68 », in Geneviève Dreyfus-Armand, Robert Frank, Marie-
Françoise Lévy, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), Les Années 68. Le temps de la
contestation, Bruxelles, Complexe, 2000, p. 91-92 ; Michel Trebitsch, « Voyages autour de
la révolution. Les circulations de la pensée critique de 1956 à 1968 », in ibid., p. 79 ; Julien
Hage, Feltrinelli, Maspero, Wagenbach. Une nouvelle génération d’éditeurs politiques
d’extrême gauche en Europe occidentale, 1955-1982. Histoire comparée, histoire croisée,
thèse de doctorat, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2010 ; Henri Lefebvre
cité in Bernard Brillant, Les Clercs de 68, Paris, PUF, 2003, p. 34-35 ; Boris Gobille,
Mai 68, op. cit., p. 16 ; Ingrid Gilcher-Holtey, « Die Phantasie an die Macht ». Mai 68 in
Frankreich, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp Taschenbuch Verlag, 1995, p. 53-67.
11. Marnix Dressen, « Ombres chinoises. Regards de maoïstes français sur la Chine de Mao
(1965-1975) », Les Années 68 : une contestation mondialisée. Résonances et interactions
internationales, numéro de Matériaux pour l’histoire de notre temps, no 94, avril-juin 2009,
p. 22 sq.
12. Armand Gatti, V comme Vietnam, 1967, cf. www.esu-psu-unef.com/DOC/08-
VIE%20ETUDIANTE/67-04_gatti_21X27.pdf.
13. Stéphane Grégoir et Fabrice Lenglart, « Un nouvel indicateur pour saisir les retournements
de conjoncture », Économie et Statistique, vol. 314, no 1, 1998, p. 47-48.
14. J. Dromer, secrétariat général de l’Élysée, 18 mars 1967, AN AG5(1)/ 884 ; Le ministre de
l’Économie et des Finances, 18 mai, ibid.
15. Rapport de M. Rueff, s. d. ; Mission régionale de Lorraine, février 1966 ; Direction du
travail et de la main-d’œuvre, 8 février 1966 ; RG Longwy, 7 novembre 1966 ; Préfecture
de Meurthe-et-Moselle, 14 novembre 1967 ; RG Nancy, 30 janvier 1968, AD Meurthe-et-
Moselle 1296W18.
16. Comité d’action pour l’emploi Nord-Pas-de-Calais, 1er mai 1968 à Roubaix, AD Nord,
1008W1 / 4 ; Cahier de revendications présentées par l’Union locale des syndicats ouvriers
CGT de la région de Fourmies, 1er mai 1968, ibid.
17. Association des syndicats métallurgiques patronaux de la Loire, 18 avril 1967, AD Loire
650 VT 47* ; Chambre syndicale de la bonneterie de Roanne et de la région, 5 février 1968,
AD Loire 650 VT 48* ; RG Loire, 8 décembre 1965, ibid. ; Id., 2 avril 1968, ibid. ; Id.,
8 mai 1968, ibid.
18. RG 8e région, 4 janvier 1968, AD Puy-de-Dôme 32W18 ; Presse Océan, 29 janvier 1968 ;
FGDS Loire-Atlantique, juin 1968, CHT Nantes, Fonds 1968, 6-9.
19. Marcel Pinet, note à l’attention du général de Gaulle, 8 mai, AN AG5(1)/ 934 ; Jean
Vigreux, Croissance et contestations. 1958-1981, Paris, Seuil, 2014, p. 98.
20. Discours prononcé à Brive par François Mitterrand, 2 mars 1968, AD Corrèze 1540W132.
21. Raymond Aron, La Révolution introuvable. Réflexions sur la révolution de mai, Paris,
Fayard, 1968, p. 91. Cf. Jacques Capdevielle, René Mouriaux (dir.), Mai 68. L’entre-deux de
la modernité. Histoire de trente ans, Paris, Presses de la FNSP, 1988, p. 41 ; Christian
Baudelot, Anne Lebeaupin, « Les salaires de 1950 à 1975 », Économie et Statistique, no 113,
août 1979, p. 15-22.
22. CGT, Union locale des syndicats de Boulogne, 21 mai 1968, BNF LB61-600 (8164).
23. Jean-Philippe Martin, « Les contestations paysannes autour de 1968. Des luttes novatrices
mais isolées », Histoire & Sociétés rurales, vol. 41, 2014 / 1, p. 107 sq. ; Id., Histoire de la
nouvelle gauche paysanne. Des contestations des années 1960 à la confédération paysanne,
Paris, La Découverte, 2005, p. 33 sq. ; Nathalie Duclos, Les Violences paysannes sous la
Ve République, Économica, 1998, p. 79 ; Christian Bougeard, « Le moment 1968 en
Bretagne », in Bruno Benoit, Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles
Vergnon (dir.), À chacun son Mai ? Le tour de France de mai-juin 1968, Rennes, PUR,
2011, p. 26 ; Tract de la FNSEA, décembre 1967, AD Creuse 104W26.
24. Xavier Vigna, Michelle Zancarini-Fournel, « Les rencontres improbables dans “les
années 68” », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 101, janvier-mars 2009, p. 166 ; Nicolas
Hatzfeld, Cédric Lomba, « Unité ouvriers-étudiants : quelles pratiques derrière le mot
d’ordre ? Retour sur Besançon en 1968 », Savoir / Agir, no 6, 2008 / 4, p. 43 ; Nicolas
Hatzfeld, Cédric Lomba, « La grève de Rhodiaceta en 1967 », in Dominique Damamme,
Boris Gobille, Frédérique Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-Juin 68, op. cit., p. 102 sq.
25. RG Nancy, 30 janvier 1968, AD Meurthe-et-Moselle 1296W18 ; Jacques Kergoat, « Sous la
plage, la grève », in Antoine Artous, Didier Epsztajn, Patrick Silberstein (dir.), La France
des années 68, Paris, Syllepse, 2008, p. 51.
26. Jean Vigreux, Croissance et contestations. 1958-1981, op. cit., p. 151 ; Michelle Zancarini-
Fournel, Les Luttes et les Rêves, op. cit., p. 785-787 ; Raymond Gama et Jean-Pierre
Sainton, Mé 67. Mémoire d’un événement, Pointe-à-Pitre, Société guadeloupéenne d’édition
et de diffusion, 1985.
27. Le préfet de la Région Basse-Normandie préfet du Calvados au ministre de l’Intérieur,
7 février 1968, AD Calvados 826W41051*.
28. RG Calvados, janvier-février 1968, ibid.
29. Le préfet de la Région Basse-Normandie au ministre de l’Intérieur, 3 février 1968,
AD Calvados 1520W138* ; Lettre de remerciement de Jacques Foccart au préfet Gaston
Pontal, 19 février 1968, AD Calvados 826W41051* ; Carte de remerciement du directeur de
cabinet du ministre de l’Industrie au préfet du Calvados, s. d. [février 1968], ibid. ; RG
Caen, AD Calvados 826W41024*.
30. André Pautard, « Pourquoi les jeunes ouvriers ont pris la tête de la violence à Caen ? Leurs
CAP ne servent à rien », France-Soir, 30 janvier 1968 ; Morvan Lebesque, « Les
mutineries », Le Canard enchaîné, 31 janvier 1968 ; Jean Lacouture, « Caen : de la grève à
la “jacquerie ouvrière” », Le Monde, 7 février 1968 ; Gérard Lange, « À Caen, une
représentation originale de la révolte de 1968 : la colère des OS », Révolte et Société, Paris,
Publications de la Sorbonne, t. II, 1989, p. 255-261 ; Id., « La liaison étudiants-ouvriers à
Caen », in René Mouriaux, Annick Percheron, Antoine Prost et Danielle Tartakowsky (dir.),
1968. Exploration du Mai français, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 217- 236.
31. UJCml, s. d., BNF LB61-600 (7473).
32. RG Boulogne-sur-Mer, 9 février 1968, AD Pas-de-Calais 1183W207* ; L’administrateur en
chef des Affaires maritimes, au sous-préfet, 12 mars 1968, ibid. ; Commune d’Équihen-
Plage, extrait du registre des délibérations, 23 février 1968 ; RG Boulogne-sur-Mer, 1er mars
1968, AD Pas-de-Calais 1183W207*.
33. Le préfet de la Loire au ministre de l’Intérieur, s. d., AD Loire 650 VT 47* ; Société des
mines de fer d’Amermont-Domary à Bouligny, 8 avril 1968, AD Meuse 1251W2660*.
34. Cabinet du préfet de Charente-Maritime, 23 avril 1968, AD Charente-Maritime 1288W404 ;
Id., 23 avril 1968, ibid. ; Le commandant du groupement opérationnel, CRS, La Rochelle,
24 avril 1968, ibid. ; Rapport du commissaire de police chargé des arrondissements au
commissaire central de La Rochelle, 26 avril 1968, ibid.
35. Danièle Fraboulet, « Le CNPF et les mutations de la vie politique et sociale de l’après
Mai 68 », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les Partis à l’épreuve de 68.
L’émergence de nouveaux clivages, 1971-1974, Rennes, PUR, 2012, p. 100 ; Appel du
Cartel départemental de défense et d’amélioration de la Sécurité sociale, s. d. [1967], AD
Puy-de-Dôme 106J13.
36. JCR, janvier-février 1968, BDIC, F delta 2177 / 21.
37. Jean-Jacques Becker, Le Parti communiste veut-il prendre le pouvoir ? La stratégie du PCF
de 1930 à nos jours, Paris, Seuil, 1981 ; Serge Berstein, « Les forces politiques :
recomposition et réappropriation », in Geneviève Dreyfus-Armand, Robert Frank, Marie-
Françoise Lévy, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), Les Années 68, op. cit., p. 484 ; François
Audigier, « Le groupe gaulliste : quand les “godillots” doutent », Parlement[s], Revue
d’histoire politique, no 9, 2008 / 1, p. 12-13.
38. Claude Pennetier, « PCF et CGT face à 68 », in Philippe Artières, Michelle Zancarini-
Fournel (dir.), 68. Une histoire collective (1962-1981), op. cit., p. 337 ; Julian Mischi, « Le
PCF face au “problème gauchiste” », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les
Partis à l’épreuve de 68, op. cit., p. 209-210 ; Paul Boulland, Nathalie Ethuin, Julian Mischi,
« Les disqualifications des gauchistes au sein du PCF. Enjeux sociologiques et
stratégiques », Savoir / Agir, no 6, 2008 / 4, p. 33 ; Stéphane Courtois, Marc Lazar, Histoire
du Parti communiste français, Paris, PUF, 1995, rééd. 2000, p. 345.
39. Boris Gobille, Mai 68, op. cit., p. 10.
40. Jean-Philippe Legois, Alain Monchablon, Robi Morder, « Le mouvement étudiant et
l’Université : entre réforme et révolution (1964-1976) », in Geneviève Dreyfus-Armand,
Robert Frank, Marie-Françoise Lévy, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), Les Années 68,
op. cit., p. 281-283.
41. Pascal Dumontier, Les Situationnistes et Mai 68. Théorie et pratique de la révolution, Paris,
Ivrea, 1995, p. 101 ; AGEN-UNEF, s. d. [début mars 1968], AD Loire-Atlantique
355W216 ; RG Nancy au directeur des RG, 11 avril 1968, AD Meurthe-et-Moselle
1296W18.
42. Michel de Certeau, La Prise de parole et autres écrits politiques, op. cit., p. 29 ; Combat,
3 avril 1968 ; Pascal Dumontier, Les Situationnistes et Mai 68, op. cit., p. 106-107 ; Faculté
des lettres et sciences humaines de Nanterre, 30 mars 1968, BNF LB61-600 (1155).
Première partie
Protagonismes
CHAPITRE I
SOYONS TOUT. ÉTUDIANTS, PAYSANS, OUVRIERS : RENCONTRES
ET SOLIDARITÉS
1. Michelle Zancarini-Fournel, Le Moment 68, op. cit., p. 216 ; Emmanuelle Loyer, Mai 68
dans le texte, Paris, Complexe, 2008, p. 164 ; Ingrid Gilcher-Holtey, « La nuit des
barricades », Sociétés & Représentations, no 4, mai 1997, p. 183.
2. Bernard Grais, « Sur 100 personnes actives 15 paysans et 38 ouvriers », Économie et
Statistique, vol. 2, no 1, 1969, p. 41-43.
3. Nicolas Hatzfeld, Cédric Lomba, « Unité ouvriers-étudiants… », art. cité, p. 43 sq. ; Bernard
Pudal et al., « Mai-Juin 68, jonction ou rendez-vous manqué entre ouvriers et étudiants ? »,
Savoir / Agir, no 6, 2008 / 4, p. 17 ; Xavier Vigna, Michelle Zancarini-Fournel, « Les
rencontres improbables dans “les années 68” », art. cité, p. 163-177 ; Michelle Zancarini-
Fournel, Les Luttes et les Rêves, op. cit., p. 811-813 ; Gerd-Rainer Horn, « Arbeiter und
Studenten in den 68er Jahren », in Oliver Rathkolb, Friedrich Stadler (Hg.), Das Jahr 1968 –
Ereignis, Symbol, Chiffre, Vienne, Vienna University Press, 2010, p. 187-208.
4. Jean-François Sirinelli, Mai 68, op. cit., p. 118 ; Michelle Zancarini-Fournel,
« L’épicentre », art. cité, p. 211.
5. RG Nancy, 9 mai 1968, AD Meurthe-et-Moselle 1296W26. Désormais, sauf mention
contraire, toutes les dates renvoient à 1968.
6. Comités de défense contre la répression, 5 mai, BNF LB61-600 (4655).
7. Mouvement du 22-Mars, s. d., BDIC F delta 813 / 7 ; Zoom, émission du 14 mai, de Jean-
Paul Thomas, reportage de Guy Demoy, BNF NUMAV-41563, 3’ 30’’.
8. RG Nancy, 6 mai, AD Meurthe-et-Moselle 1296W26 ; AGEN-UNEF, CHT Nantes, Fonds
1968, 6-1 ; Tract « Roche démission », 6 mai, BNF LB61-600 (4654).
9. Toulouse, mouvement du 25-Avril, s. d., BNF LB61-600 (9177).
10. Comité Censier « Nous sommes en marche », s. d., BNF LB61-600 (927).
11. Dialogue Geismar-Chalin, version sténographique des bandes magnétiques de RTL, cité in
L’Insurrection étudiante. 2-13 mai 1968. Ensemble critique et documentaire établi par Marc
Kravetz, Paris, UGE, 1968, p. 333 ; Philippe Labro, Les Barricades de mai, Paris, Solar,
1968, n. p.
12. CGT-CFDT-FEN, s. d. [appel au 13 mai], AD Nord 1008W 17/5 ; Georges Séguy, « Les
travailleurs sont indignés. Solidarité aux étudiants ! », s. d. [11 mai], BNF LB61-600
(9241) ; Tract La Roche-sur-Yon, 13 mai, CDHMOT Vendée ; RG Saint-Nazaire, AD
Loire-Atlantique 1194W89* ; Dogkiu Shin, « La CGT Berliet à Vénissieux en mai 1968 : la
réactivation de la mémoire locale et les enjeux de la contestation autour des conflits de
1967-1968 », in Xavier Vigna, Jean Vigreux (dir.), Mai-juin 1968, op. cit., p. 39 ; CFDT
syndicat des Métaux Meuse, section syndicale de la Société métallurgique de la Meuse
Stenay, 13 mai, AD Meuse 1251W2660*.
13. RG Valenciennes, 13 mai, AD Nord 1008W 17/5.
14. Xavier Vigna, L’Insubordination ouvrière, op. cit., p. 26 ; « 13 mai 1968 toulousain : le
forum au Capitole », La Dépêche du Midi, 15 mai ; RG Ardennes, AD Ardennes
1695W397 ; RG Toulouse, AD Haute-Garonne 5681W14* ; RG Creuse, AD Creuse
102W30 ; Manifestation du 13 mai à Tulle, AD Corrèze 10FI / 2270 ; Lilian Mathieu,
« Décalages et alignements des dynamiques contestataires : mai-juin 1968 à Lyon », in
Xavier Vigna, Jean Vigreux (dir.), Mai-juin 1968, op. cit., p. 59.
15. RG Dunkerque, AD Nord 1008W 17/5 ; « La grève générale de lundi », Ouest-France,
15 mai ; RG Rennes, AD Ille-et-Vilaine 510W116*.
16. Communiqué du syndicat CGT Renault, 17 mai, BNF LB61-600 (8161) ; Xavier Vigna,
Michelle Zancarini-Fournel, « Les rencontres improbables dans “les années 68” », art. cité,
p. 168 et 163 ; Déclaration CFDT au meeting de l’île Seguin, Billancourt, 17 mai, BNF
LB61-600 (8132) ; Gérard Lange, « La liaison étudiants-ouvriers à Caen », art. cité, p. 234-
235.
17. RG Rouen, s. d., AD Seine-Maritime 3907W10 ; Assises nationales de Strasbourg, rapport
de Toulouse, 8-10 juin, BDIC F delta 1061(9)-I ; Solidarité, Bulletin de liaison de la
commission ouvriers-étudiants de l’université autonome de Strasbourg, no 1, mai, ibid. ;
« Les jeunes métallos de chez Renault : “À l’usine, c’est pas marrant”. Ils préfèrent
l’atmosphère de la Sorbonne », Le Populaire du Centre, 18 mai 1968.
18. Boris Gobille, Mai 68, op. cit., p. 47.
19. « La société nouvelle », La Liberté de l’Est, 30 mai ; Compte rendu de la réunion du 6 juin
sur l’autogestion, s. d., BDIC F delta 813 / 7 ; RG Rouen, 29 mai, AD Seine-Maritime
3907W10.
20. Allocution de Jacques Benveniste (chef de clinique) à l’AG du 28 mai, Journal
d’information de la faculté de médecine de Paris, no 12, 30 mai, AN 78AJ34.
21. AGEN-UNEF, s. d., AD Loire-Atlantique 355W216 ; Université de Tours, s. d., BNF LB61-
600 (9305) ; Comité Censier, s. d., BNF LB61-600 (4756) ; Assises nationales de
Strasbourg, rapport d’Aix-en-Provence, 8-10 juin, BDIC F delta 1061(9)-I.
22. Texte issu de la réunion des chercheurs du Centre de sociologie européenne, 12 mai, cité in
Alain Schnapp, Pierre Vidal-Naquet, Journal de la commune étudiante. Documents
novembre 1967-juin 1968, Paris, Seuil, 1988, p. 696 ; Commissions inter-écoles de Nancy,
31 mai, AD Loire-Atlantique 171J16 ; Assises nationales des mouvements étudiants,
Clermont-Ferrand, 18 juin, AD Puy-de-Dôme 1J1482 ; Faculté des lettres et sciences
humaines de Clermont, 14 juin, AD Puy-de-Dôme 1J1483 ; Poitiers, rapport de la
commission « Université et Société », 16 juin, BDIC F delta 1061(9)-I ; Commission
« Culture et Contestation », Nanterre, 3 juin, cité in Alain Schnapp, Pierre Vidal-Naquet,
Journal de la commune étudiante, op. cit., p. 729-730.
23. Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, association départementale du Rhône, courrier
au recteur, 11 juin, AD Rhône 2690W1 ; Commissariat central de l’agglomération
lyonnaise, déclarations de Michel Raton, 24 juin, AD Rhône 4266W32* ; Commissaire CHF
SRPJ Dijon, 15 juin, AD Bouches-du-Rhône 135W349*.
24. RG Saint-Étienne, 29 mai, AD Loire 650 VT 101* ; RG Vienne, 14 juin, AD Vienne
1939W4* ; « Le quatrième dimanche de grève des ouvriers de Cegedur à Rive-de-Gier », La
Tribune-Le Progrès, 17 juin.
25. « Ouest : immense mouvement populaire », L’Humanité, 9 mai ; Ouest-France, « une » du
9 mai ; « 2 000 agriculteurs et ouvriers manifestent à La Roche-sur-Yon », La Vendée
agricole, 12 mai ; RG Quimper, AD Ille-et-Vilaine 510W116* ; RG Rennes, ibid.
26. Prise de parole CFDT, 8 mai, CDHMOT Vendée ; Intervention de Bernard Lambert, Nantes,
8 mai, CHT Nantes, Fonds 1968, 11-8 ; « À Redon », Ouest-France, 9 mai.
27. Positions du CDJA du Pas-de-Calais, 11 mai, AD Pas-de-Calais 1W34910 / 1* ; RG Arras,
14 mai, ibid. ; Pierre Delforge, lettre au préfet, 15 mai 1968, ibid. ; RG Nancy, 29 mai, AD
Meurthe-et-Moselle 1296W27 ; RG PACA, notes du 24 mai et du 12 juin, AD Bouches-du-
Rhône 135W350* ; Le préfet des Pyrénées-Orientales au ministre de l’Intérieur, 24 juin,
ibid., 135W349*.
28. RG Ardennes, 27 mai, AD Ardennes 1695W397.
29. Déclaration du CDJA prononcée au meeting du travail 31 mai, CHT Nantes, Fonds 1968, 6-
11.
30. RG Caen, 27 mai, AD Calvados 826W41024* ; Commandement régional de la gendarmerie
nationale, Rennes, 17 juin, AD Ille-et-Vilaine 510W114* ; Assises nationales de Strasbourg,
rapport de Bordeaux, 8-10 juin, BDIC F delta 1061(9)-I ; Syndicat agricole, s. d., CHT
Nantes, Fonds 1968, 6-10.
31. Vincent Porhel, « Plozévet 68 : la révolte au village ? », in Xavier Vigna, Jean Vigreux
(dir.), Mai-juin 1968, op. cit., p. 122 ; Cf. aussi Jean-Philippe Martin, « Des paysans
soixante-huitards : Le syndicalisme agricole (Hérault, Loire-Atlantique) et le mouvement de
mai-juin 1968 », in ibid., p. 93 et 98.
32. Tribune du 22 mars, 5 juin, BDIC F delta 813 / 7 ; Rapport de la commission « Luttes
ouvrières », Assas, 17 mai, BNF LB61-600 (207) ; Maud Anne Bracke, « May 1968 and
Algerian Immigrants in France : Trajectories of Mobilization and Encounter », in
Gurminder K. Bhambra et Ipek Demir (éd.), 1968 in Retrospect, op. cit., p. 121 ; Jacques
Baynac, Mai retrouvé, Paris, Robert Laffont, 1978, p. 137-143.
33. Daniel A. Gordon, Immigrants and Intellectuals, op. cit., p. 71 ; Toulouse, mouvement du
25-avril, s. d. [juin], AD Charente-Maritime 176AJ1 ; François Cusset, Contre-discours de
Mai. Ce qu’embaumeurs et fossoyeurs de 68 ne disent pas à ses héritiers, Arles, Actes Sud,
2008, p. 14 ; Comité trois Continents, 26 juin, BDIC F delta 813 / 7 ; « Pour l’abolition du
statut des étrangers en France », s. d. [mai], BNF LB61-600 (4650).
34. Maryse Tripier, L’Immigration dans la classe ouvrière en France, Paris, CIEMI-
L’Harmattan, 1990, p. 71 ; Laure Pitti, « Une matrice algérienne ? Trajectoires et
recompositions militantes en terrain ouvrier, de la cause de l’indépendance aux grèves d’OS
des années 1968-1975 », Politix, no 76, 2006, p. 144.
35. Ibid., p. 158 sq. ; Xavier Vigna, « Les usines Renault pendant les luttes des ouvriers de
l’automobile des années 1968 », in Jacqueline Costa-Lacoux, Geneviève Dreyfus-Armand,
Émile Temime (dir.), Renault sur Seine. Hommes et lieux de mémoire de l’industrie
automobile, Paris, La Découverte, 2007, p. 138 sq.
36. « Les étrangers aux Français », 23 mai, BNF LB61-600 (4646).
37. Jean-Philippe Martin, « Les contestations paysannes autour de 1968 », art. cité, p. 95 ; RG
Rennes, 24 mai, AD Ille-et-Vilaine 510W118* ; « Manifestations ouvrières et paysannes
hier à Paimpol », Ouest-France, 25-26 mai ; Note du préfet des Bouches-du-Rhône, 24 mai,
AD Bouches-du-Rhône 135W349* ; RG Creuse, Personnel des usines, s. d., AD Creuse
102W30.
38. Français non étudiants arrêtés lors de la « nuit des barricades » de Lyon du 24 au 25 mai,
AD Rhône 4296W142* ; Étrangers arrêtés, ibid. Sur la mort du commissaire Lacroix, voir
infra, chapitre V.
39. D’après les fiches de la préfecture de police de Paris, 24 et 25 mai, APP FB / 11*.
40. Note des RG, 3 juin, APP FB / 16* ; Rapport du gardien de la paix François D., 4 juin, ibid.
41. Les travailleurs en lutte de chez Renault, 6 juin, BNF LB61-600 (8680) ; Faculté de
médecine de Paris, texte des étudiants en kinésithérapie réunis en assemblée générale, 8 juin,
BNF LB61-600 (634) ; Comité d’action de l’École pratique des hautes études, 10 juin, BNF
LB61-600 (2840).
42. Préfecture de police, main-courante, 7 juin, APP FB / 17*.
43. Préfecture de police, interpellations à Flins, des 6 au 10 juin, APP FB / 17*.
44. Jean-Pierre Thorn, Oser lutter, oser vaincre, 1969, Les Productions de la Lanterne, BNF
NUMAV-44737, 47’ 30”, 48’ 00”, 50’ 30”.
45. Cf. Xavier Vigna, « La figure ouvrière à Flins (1968-1973) », in Geneviève Dreyfus-
Armand, Robert Frank, Marie-Françoise Lévy, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), Les
Années 68, op. cit., p. 330. Voir aussi Xavier Vigna, « Les usines Renault pendant les luttes
des ouvriers de l’automobile des années 1968 », art. cité, p. 138 sq. ; Nicolas Hatzfeld, « Les
morts de Flins et Sochaux : de la grève à la violence politique », in Philippe Artières,
Michelle Zancarini-Fournel, 68. Une histoire collective (1962-1981), op. cit., p. 325.
46. Nicolas Hatzfeld, Les Gens d’usine. 50 ans d’histoire à Peugeot-Sochaux, Paris, Éditions de
l’Atelier, 2002, p. 364.
47. Communiqué de presse, 10 février, CDHMOT Vendée ; Confédération FO, 10 juin, BNF
LB61-600 (5951) ; Association des Familles de France du canton de Clisson, lettre au maire,
8 mai, AD Loire-Atlantique 355W233 ; Direction nationale de l’UJCF et de l’Union des
jeunes filles de France (UJFF), s. d., BNF LB61-600 (7451) ; Direction des RG, 14 mai,
AD Nord 1008W 17/5 ; Presse Océan, 20 mars ; L’Ardennais, 13 mai ; RG Corrèze,
10 avril, AD Corrèze 1540W134 ; Affiche décollée par une brigade de police, La Rochelle,
21 mai, AD Charente-Maritime 1288W404.
48. RG Dunkerque, 2 mai, AD Nord 1008W 1/4 ; Cf. Fanny Gallot, « La conflictualité à
Renault Cléon en mai-juin 68 », in Xavier Vigna, Jean Vigreux (dir.), Mai-juin 1968,
op. cit., p. 26 ; Gilles Vergnon, « Temps et territoires de Mai dans la Drôme : jeux
d’échelles », in Bruno Benoit, Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles
Vergnon (dir.), À chacun son Mai ?, op. cit., p. 75.
49. Tract « Grève générale le lundi 13 mai », BDIC F delta Rés 578 / 2, Fonds Cahiers de Mai ;
Marie-Thérèse Join-Lambert, « Approche statistique du problème de l’emploi des jeunes »,
Recherche sociale, mars-avril 1969, p. 8 ; Un mois de mai orageux. 113 étudiants expliquent
les raisons du soulèvement universitaire, Toulouse, Privat, 1968, p. 5-7, 9-10, 15, 17, 23,
132, 140 et 145.
50. Le Populaire du Centre, 8 mai cité par Fabien Conord, « Au cœur de la “France profonde” ?
Mai-juin 1968 en Creuse. Mouvements sociaux et permanences politiques », in Bruno
Benoit, Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles Vergnon (dir.), À chacun
son Mai ?, op. cit., p. 38.
51. Dany Cohn-Bendit, Jean-Pierre Duteuil, Bertrand Gérard, Bernard Granautier, « Pourquoi
des sociologues », mars 1968, BDIC F delta 813 / 8 ; Reims-Ardennes, Hebdomadaire du
diocèse de Reims, 2 juin, AD Ardennes 1695W397.
52. UDR, « Le chômage », juin 1968, BNF LB61-600 (7505) ; Journal des comités d’action
étudiants-travailleurs de Marseille-région, s. d., BDIC F delta Rés 578 / 2. L’expression
« métissages sociaux » est de Xavier Vigna, in « Le cinéma de Mai 68 », Vingtième Siècle.
Revue d’histoire, no 105, janvier-mars 2010, p. 245.
53. Cité par Bruno Benoit, « Les banlieues lyonnaises en mai-juin 1968 », in Bruno Benoit,
Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles Vergnon (dir.), À chacun son
Mai ?, op. cit., p. 91.
CHAPITRE II.
L’ESPRIT DES LIEUX. GRÈVES, OCCUPATIONS ET SUBVERSIONS
1. Leslie Kaplan, « Mai 68 », in Écrire, Mai 68, op. cit., p. 133.
2. Simone Weil, « Visite à un atelier parisien », La Révolution prolétarienne, 10 juin 1936.
3. Antoine Prost, « Les grèves de mai-juin 1968 », in Autour du Front populaire. Aspects du
mouvement social au XXe siècle, Paris, Seuil, p. 233-258.
4. Nicolas Hatzfeld, Cédric Lomba, « La grève de Rhodiaceta en 1967 », art. cité, p. 111 ;
CFDT, 13 mai, AD Puy-de-Dôme 106J13 ; RG Meuse, 14 mai, AD Meuse 1251W2660* ;
RG Bar-le-Duc, 17 mai, ibid. ; Préfecture du Puy-de-Dôme, télégrammes au ministère de
l’Intérieur, s. d., AD Puy-de-Dôme 1100W16 ; Le sous-préfet de Roanne, au préfet de la
Loire, 14 mai, AD Loire 650 VT 101*.
5. Herrick Chapman, L’Aéronautique. Salariés et patrons d’une industrie française 1928-1950,
Rennes, PUR, 2011.
6. François Le Madec, L’Aubépine de mai, chronique d’une usine occupée. Sud-Aviation
Nantes 68, 1988 ; Yves Guin, « Notes pour l’histoire des événements de mai-juin 1968 »,
notes manuscrites, CHT Nantes, Fonds 1968, 14-10 ; Jean-Paul Salles, « Les extrêmes
gauches », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les Partis à l’épreuve de 68,
op. cit., p. 239 ; Rebecca Clifford, Robert Gildea, James Mark, « Awakenings », in Robert
Gildea, James Mark, Anette Warring (éd.), Europe’s 1968. Voices of Revolt, Oxford, Oxford
University Press, 2013, p. 41.
7. Xavier Vigna, L’Insubordination ouvrière, op. cit., p. 27-30 ; Fanny Gallot, « Renault-
Cléon », in Antoine Artous, Didier Epsztajn, Patrick Silberstein (dir.), La France des
années 68, op. cit., p. 704 sq.
8. Michelle Zancarini-Fournel in Mai 68 à Lyon, bibliothèque municipale de Lyon, 2008,
BDIC, F pièce 8.020, p. 1 ; « Mille travailleurs en colère ont déclenché une grève illimitée à
la Société des eaux de Contrexéville », La Liberté de l’Est, 16 mai ; Tract CFDT SAVIEM
Blainville, 17 mai, AD Calvados 1028W69* ; CGT Marseille, 18 mai, AD Bouches-du-
Rhône 135W351* ; Antoine Prost, « Quoi de neuf sur le Mai français ? », Le Mouvement
social, no 143, avril-juin 1988, p. 93 ; L’Yonne républicaine, 21 mai, cité par Denis Martin,
« Mai-juin 68 dans l’Yonne. Un département de province face aux événements », Les
Cahiers d’Adiamos, 89, no 3, octobre 2009, p. 107 ; RG PACA, 21 mai, AD Bouches-du-
Rhône 135W350*.
9. Sabine Erbès-Seguin, « Relations entre travailleurs dans l’entreprise en grève : le cas de
mai-juin 1968 », Revue française de sociologie, vol. 11, no 3, 1970, p. 339-350 ; Boris
Gobille, Mai 68, op. cit., p. 36 ; André Sernin, Journal d’un bourgeois de Paris, 1968,
Brochure, BNF 16-LN27-96028, p. 39.
10. Le commissaire divisionnaire chef du district de Saint-Étienne au préfet chargé de la sécurité
publique, 15 juillet, AD Loire 650 VT 101* ; Tract « Vive la victoire des cheminots de
Toulouse », s. d., BNF LB61-600(9154) ; Emmanuel Arvois, « Mai-juin 68 dans une
conjoncture longue de lutte : les dockers de Marseille », Bruno Benoit, Christian
Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles Vergnon (dir.), À chacun son Mai ?,
op. cit., p. 198 ; Jean-Pierre Thorn, Oser lutter, oser vaincre, op. cit., 32’ 45” sq. ; Bureau de
l’Union départementale [UD] de FO des syndicats de salariés de Loire-Atlantique, 25 mai,
CHT Nantes, Fonds 1968, 16-2 ; Appel des comités d’alliance ouvrière pour la construction
de la Ligue ouvrière révolutionnaire, 26 mai, AD Loire-Atlantique, Fonds Jean-Baboux
203J4 ; L’Yonne républicaine, 30 mai.
11. Commissariat spécial des Halles centrales, marchés et abattoirs, APP FB / 10* ; RG PACA,
note du 21 mai, AD Bouches-du-Rhône 135W350* ; RG Vosges, Situation au 17 mai, AD
Vosges 1998W157 ; RG Ardennes, 11 juin, AD Ardennes 1695W397 ; RG Bar-le-Duc,
23 mai, AD Meuse 1251W2660* ; Direction du travail et de la main-d’œuvre de la Creuse,
au préfet, 26 juin, AD Creuse 102W30 ; RG Bar-le-Duc, 22 mai, AD Meuse 1251W2660*.
12. Télégramme du préfet du Gers, 20 mai, AD Haute-Garonne 5681W11* ; RG PACA, 20 mai,
AD Bouches-du-Rhône 135W350* ; RG Charente-Maritime, 11 juillet, AD Charente-
Maritime 1310W158 ; Boris Gobille, Mai 68, op. cit., p. 48 ; Nicolas Hatzfeld, Les Gens
d’usine. 50 ans d’histoire à Peugeot-Sochaux, op. cit., p. 365 ; Léon Strauss, Jean-Claude
Richez, « Le mouvement social de mai 1968 en Alsace : décalage et développements
inégaux », Revue des sciences sociales de la France de l’Est, no 17, 1989-1990, p. 129 sq. ;
Léon Strauss, Jean-Claude Richez, « L’Alsace, une région décalée », in René Mouriaux,
Annick Percheron, Antoine Prost et Danielle Tartakowsky (dir.), 1968. Exploration du Mai
français, op. cit., p. 163-183.
13. RG Vosges, 20 mai, AD Vosges 1998W157 ; RG Bouches-du-Rhône, Synthèse, 28 mai, AD
Bouches-du-Rhône 135W349* ; Télégramme du préfet du Tarn, 7 juin, AD Haute-Garonne
5681W11*.
14. Préfecture du Puy-de-Dôme, s. d., AD Puy-de-Dôme 1100W16 ; RG Vosges, 28 mai, AD
Vosges 1998W157 ; Société routière Colas, région de Montluçon, à l’inspecteur du travail
du département de la Creuse, 21 mai, AD Creuse 102W30 ; Gilles Vergnon, « Temps et
territoires de Mai dans la Drôme : jeux d’échelles », art. cité, p. 76.
15. Position des cadres du Centre technique de Rueil (Renault), 17 mai, ANMT, Fonds Maurice-
Badiche, 2007 071 053 ; Ingénieurs et cadres de la Régie Renault, 20 mai, ibid. ; Cadres de
Billancourt, 31 mai et 10 juin, ibid. ; Syndicat national des ingénieurs des mines FO,
s. d. [mai], ANMT, Fonds Charbonnages de France, 2002 056 857.
16. CFDT, secteur « Action professionnelle et sociale », 10 juillet, ANMT, Fonds Eugène-
Descamps, 2002 009 0059.
17. Chambre syndicale CGT des cochers-chauffeurs, Chambre syndicale des artisans du taxi,
syndicat de l’industrie du taxi CFTC, syndicat Force ouvrière des conducteurs de taxi de la
région parisienne, 22 mai, BNF LB61-600 (6033) ; Syndicat des taximètres marseillais et de
Provence, 22 mai, AD Bouches-du-Rhône 135W351* ; Syndicat autonome des taxis de la
Loire, 21 mai, AD Loire 650 VT 102* ; Syndicat confédéré des ouvriers coiffeurs de Paris et
de la région parisienne, s. d., BNF LB61-600 (5997) ; Cahier des revendications des ouvriers
coiffeurs du Puy-de-Dôme, 28 mai, AD Puy-de-Dôme 1100W17.
18. Communiqué du syndicat CFDT des ouvriers boulangers, Yonne, L’Yonne républicaine,
25 mai, cité par Denis Martin, « Mai-juin 68 dans l’Yonne », art. cité, p. 130 ; Syndicat
Force ouvrière des boulangers, pâtissiers, vendeuses, 12 juin, BNF LB61-600 (5978).
19. Usine Sud-Aviation, notes manuscrites, CGT, CFDT, FO, s. d. [16 mai], CHT Nantes,
Fonds UD CFDT 589 ; Id., 18 mai ; Préfecture de Loire-Atlantique, 19 juin, AD Loire-
Atlantique 1194W89* ; Déclaration de la section « horaire » FO de Sud-Aviation-
Bouguenais, 29 mai, BNF LB61-600 (8322) ; Yves Guin, « Notes pour l’histoire des
événements de mai-juin 1968 », citées.
20. RG Rouen, 13 août, AD Seine-Maritime 3907W1 ; Fanny Gallot, « La conflictualité à
Renault Cléon en mai-juin 68 », art. cité, p. 24 ; Xavier Vigna, « La CGT et les grèves
ouvrières en mai-juin 1968 : une opératrice paradoxale de stabilisation », in Xavier Vigna,
Jean Vigreux (dir.), Mai-juin 1968, op. cit., p. 202 ; RG Puy-de-Dôme, s. d., AD Puy-de-
Dôme 1851W246 ; District de police de Saint-Étienne, 22 mai, AD Loire 650 VT 101*.
21. Lettre de Jean Simon, directeur de l’usine Massey-Ferguson (Marquette) au préfet, 28 mai,
AD Nord 1008W 17/6 ; « L’évolution de la situation sociale », L’Est républicain, 24 mai
1968 ; Dogkyu Shin, « La CGT Berliet à Vénissieux en mai 1968 : la réactivation de la
mémoire locale et les enjeux de la contestation autour des conflits de 1967-1968 », art. cité,
p. 38 ; Dino Belhocine, Hier à la Cello. Mémoires de mai dans une usine de Bezons,
Bezons, Éditions du Souvenir, 2009, p. 85 ; « Le mouvement revendicatif s’est encore
amplifié hier », L’Écho du Centre, 21 mai ; Groupement de gendarmerie de Bar-le-Duc,
23 mai, AD Meuse 1251W2660* ; RG Vosges, 22 mai, AD Vosges 1998W157.
22. Michelle Zancarini-Fournel, « L’épicentre », art. cité, p. 229.
23. Dino Belhocine, Hier à la Cello, op. cit., p. 85 ; Groupement de gendarmerie de Bar-le-Duc,
20 mai, AD Meuse 1251W2660* ; Tangui Perron et Michel Pigenet, « Images de soi,
images pour soi : le dilemme cinématographique de la CGT autour de 1968 », in Christian
Delporte, Denis Maréchal, Caroline Moine, Isabelle Veyrat-Masson (dir.), Images et sons de
Mai 68, op. cit., p. 117.
24. Nicolas Hatzfeld, « Les ouvriers de l’automobile : des vitrines sociales à la condition des
OS, le changement des regards », in Geneviève Dreyfus-Armand, Robert Frank, Marie-
Françoise Lévy, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), Les Années 68, op. cit., p. 347-348 ;
CGT, Syndicat des travailleurs horaires Renault, 20 mai, BNF LB61-600 (8163) ; Procès-
verbal de sommation d’évacuer les lieux, 21 mai, AD Pas-de-Calais 1183W207*.
25. « L’autogestion, l’État et la révolution », Rouge et Noir, supplément au no 41, mai ; « Le
port des Sables est fermé », Ouest-France, 27 mai ; Jean-Paul Salles, « Mai 68 en Vendée »,
in David Hamelin, Jean-Paul Salles (coord.), Mai 68. Aspects régionaux et internationaux,
numéro de Dissidences, Latresne, Le Bord de l’eau, 2008, p. 57-58 ; Note du préfet des
Bouches-du-Rhône, 24 mai, AD Bouches-du-Rhône 135W349* ; « 20 000 francs pour
débrancher un tuyau », Le Monde, 26 mai ; CGT, CFDT, FEN, UNEF, 29 mai, AD
Calvados 1996JP11 / 243.
26. « La situation sociale aux Sables », Ouest-France, 25-26 mai ; RG Boulogne-sur-Mer,
29 mai, AD Pas-de-Calais 1183W207* ; Commandant gendarmerie de Thiers, message au
sous-préfet, 20 mai, AD Puy-de-Dôme 1146W43 ; Note du préfet de Provence, 21 mai, AD
Bouches-du-Rhône 135W349*.
27. Le préfet de l’Hérault, 24 mai, AD Bouches-du-Rhône 135W351* ; Le général de corps
d’armée Multrier, lettre à Gaston Defferre, 30 mai, ibid., 135W352* ; « Soulagement, hier,
lors de l’enlèvement si attendu des ordures ménagères », La Liberté de l’Est, 31 mai ; « Petit
dictionnaire de la vie quotidienne », Syndicalisme, no 1191, 10 juin ; « Malgré les accords de
Grenelle, la lutte se durcit, la solidarité s’organise », La Montagne, 30 mai 1968 ; RG
Avignon, 30 mai, AD Bouches-du-Rhône 135W349* ; « Aux abattoirs, M. Noël a demandé
que soient allumées les chaudières », L’Est républicain, 25 mai ; Comité de grève de Bogny
sur Meuse, 24 mai, AD Ardennes 1695W397.
28. RG PACA, 18 mai, AD Bouches-du-Rhône 135W350* ; Préfecture de Haute-Garonne,
24 mai, AD Haute-Garonne 5681W11* ; Préfecture de police, direction de la circulation, des
transports et du commerce, 22 mai, APP FB / 10* ; Direction générale du commerce
intérieur et des prix, département de la Creuse, au préfet, 23 mai, AD Creuse 102W30 ; RG
Boulogne-sur-Mer, 25 mai, AD Pas-de-Calais 1183W207*.
29. Préfecture de Loire-Atlantique, 19 juin, AD Loire-Atlantique 1194W89* ; Fédération
départementale des syndicats d’exploitants agricoles, CDJA, Nantes, 27 mai, CHT Nantes,
Fonds 1968, 6-11 ; Nantes, Comité central de grève, mai, ibid., 12-8 ; Yves Guin, « Notes
pour l’histoire des événements de mai-juin 1968 », citées, 14-10 ; Comité de grève du
secteur des Dervallières, s. d., CHT Nantes, Fonds 1968, 6-4 ; Tribune du 22-Mars, 5 juin,
BDIC F delta 813 / 7 ; Cahiers de Mai, no 1, 15 juin 1968.
30. Christian Bougeard, « Le moment 1968 en Bretagne », art. cité, p. 34 ; Denis Martin, « Mai-
juin 68 dans l’Yonne », art. cité, p. 146 et 151 ; Jean Vigreux, « Les événements de mai-
juin 1968 en Bourgogne », Les Cahiers d’Adiamos 89, no 3, octobre 2009, p. 43 ;
Association populaire des familles, section stéphanoise, 24 mai, AD Loire 650 VT 102* ;
Union des syndicats CGT des Hauts-de-Seine, 24 mai, APP FB / 49 ; Municipalité de Vitry-
sur-Seine et comité de grève des employés communaux, s. d., BNF LB61-600 (8661) ; Ville
de Châtillon, s. d. [début juin], BNF LB61-600 (8313).
31. FEN, section de Charente-Maritime, 24 mai, AD Charente-Maritime 1310W158 ; « Les
organisations syndicales », « Appel aux non-grévistes », 29 mai, CHT Nantes, Fonds 1968,
6-19 ; Police municipale, 6e arrondissement, 22 mai, APP FB / 10* ; Préfet Région Nord au
cabinet du ministère de l’Intérieur, 25 juin, AD Nord 1008W 17/1 ; RG Ardennes, 24 mai,
AD Ardennes 1695W397 ; « Drapeau tricolore sur l’usine », L’Est républicain, 7 juin ; La
CFT dans les grèves, Big-Chief, La Roche-sur-Yon, s. d. [juin], CDHMOT Vendée.
32. Déclaration d’Élie T., commissariat de police de La Rochelle, 22 mai, AD Charente-
Maritime 1310W158 ; Groupement de gendarmerie d’Épinal, message, 25 mai, AD Vosges
1998W157 ; Sur Calor cf. Michelle Zancarini-Fournel, « L’épicentre », art. cité, p. 262 ; Le
commissaire de police chargé du 2e arrondissement de Boulogne-sur-Mer, 12 juin, AD Pas-
de-Calais 1183W207* ; Gendarmerie nationale, compagnie de Montbrison, 26 mai, AD
Loire 650 VT 101* ; « Vive émotion à Lyon », La Montagne, 3 juin ; Comité de grève des
Chèques postaux, Épinal, s. d. [23 mai ?], AD Vosges 1998W157 ; Comité de grève de
l’entreprise Grosdidier, s. d., AD Ardennes 1695W397.
33. Cf. dossier « Michelin » aux archives départementales du Puy-de-Dôme sous la cote
1851W246.
34. Cf. Laurent Erbs, « Échelles et territoires du salaire en Moselle au tournant des années 1944-
1948 », Histoire & Mesure, XXVIII-2, 2013, p. 243-274.
35. RG Meuse, 28 juin, AD Meuse 1251W2660* ; Usine Michelin de Joué-lès-Tours,
s. d. [mai], AD Puy-de-Dôme 106J13 ; « Quiri peut payer », s. d. [mai], BDIC F delta
1061(9)-I.
36. Déclaration CFDT au meeting de l’île Seguin, Billancourt, 17 mai, BNF LB61-600 (8132).
37. L’Yonne républicaine, 24 mai.
38. Nicolas Hatzfeld, Cédric Lomba, « La grève de Rhodiaceta en 1967 », art. cité, p. 111.
39. Personnel d’Air Inter et d’Air France, 15 mai, BNF LB61-600 (8642) ; Air France Orly,
cahier de revendications, mai, BNF LB61-600 (8639).
40. Axel Honneth, Kampf um Anerkennung, 1992, trad. fr. La Lutte pour la reconnaissance,
Paris, Le Cerf, 2000, p. 191-193.
41. Zoom, 14 mai, op. cit., 6’ 20”.
42. Emmanuelle Loyer, « Les nuits blanches de l’Odéon », in Antoine de Baecque (dir.),
L’Odéon, un théâtre dans l’histoire, Paris, Gallimard, 2010, p. 186 ; Marie-Ange Rauch, Le
Théâtre en France en 1968. Crise d’une histoire, histoire d’une crise, Paris, Éditions de
l’Amandier, 2008, p. 192-200.
43. Imprimerie Georges Lang, 10 juin, AN 78AJ37 / 1.
CHAPITRE III
CONFLITS INTÉRIEURS. QUELQUES ANTAGONISMES POLITIQUES
ET STRATÉGIQUES
CHAPITRE IV
UN AUTRE MONDE. L’INTERNATIONALISME COMME PRINCIPE ACTIF
1. Kristin Ross, Communal Luxury : The Political Imaginary of the Paris Commune, 2015,
trad. fr. L’Imaginaire de la Commune, Paris, La Fabrique, 2015, p. 114.
2. Andreas Rothenhöfer, « Shifting Boundaries : Transnational Identification and Dissociation
in Protest Language », in Martin Klimke, Jacco Pekelder, Joachim Scharloth (éd.), Between
Prague Spring and French May. Opposition and Revolt in Europe 1960-1980, New York
Oxford, Berghahn Books, 2011, p. 118. Cf. Dorothee Weitbrecht, Aufbruch in die Dritte
Welt. Der Internationalismus der Studentenbewegung von 1968 in der Bundesrepublik
Deutschland, Göttingen, V & R Unipress, 2012, p. 270 sq.
3. Frédéric Lordon, Les Affects de la politique, Paris, Seuil, 2016, p. 127.
4. Selon Bruce Mazlich, « le mot global nous renvoie en direction de l’espace et peut inclure
l’idée de se trouver hors de notre planète en train de regarder le vaisseau Terre » (« Crossing
Boundaries : Ecumenical World, and Global History », in Philipp Pomper, Richard
H. Elphick et Richard T. Vann (éd.), World History. Ideologies, Structures and Identities,
Oxford, Blackwell, 1998, p. 47). Cf. Caroline Douki, Philippe Minard, « Histoire globale,
histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? », Revue d’histoire
moderne et contemporaine, no 54-4 bis, 2007 / 5, p. 7-21 ; Boris Gobille, « Qu’est-ce qu’un
“moment global” ? Les circulations révolutionnaires dans les années 1968 », Monde(s).
Histoire, espaces, relations, no 11, mai 2017.
5. Loin du Vietnam est le titre retenu pour le film documentaire collectif dont les différentes
parties sont réalisées par Jean-Luc Godard, Joris Ivens, William Klein, Claude Lelouch,
Alain Resnais et Agnès Varda en 1967, sous la houlette de Chris Marker.
6. Cf. Laurent Jalabert, « Aux origines de la génération 1968 : les étudiants français et la
guerre du Vietnam », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 55, juillet-septembre 1997,
p. 69-81 ; Geneviève Dreyfus-Armand, Jacques Portes, « Les interactions internationales de
la guerre du Viêt-Nam et Mai 68 », Geneviève Dreyfus-Armand, Robert Frank, Marie-
Françoise Lévy, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), Les Années 68, op. cit., p. 49-67 ;
Nicolas Pas, Sortir de l’ombre du Parti communiste français. Histoire de l’engagement de
l’extrême gauche française sur la guerre du Vietnam 1965-1968, mémoire de DEA, IEP de
Paris, 1998 ; Nicolas Pas, « Six heures pour le Vietnam. Histoire des Comités Vietnam
français 1965-1968 », Revue historique, no 617, janvier-mars 2000, p. 157-185 ; Romain
Bertrand, « Mai 68 et l’anticolonialisme », in Dominique Damamme, Boris Gobille,
Frédérique Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-Juin 68, op. cit., p. 89-101.
7. « Front uni résolu contre l’impérialisme américain », Garde rouge, no 3, janvier 1967.
8. CVB, s. d., BDIC F delta 2089.
9. Comité Italie-Tolbiac, notes manuscrites, réunion du 5 février, BDIC F delta 2089.
10. CVB parisiens, notes manuscrites, 12 février, BDIC F delta 2089.
11. Brochure congrès des CVB, BDIC F delta 2089.
12. « Les snipers, terreur des soldats U.S. », Le Courrier du Vietnam, no 155, 11 mars.
13. Nicolas Pas, Sortir de l’ombre du Parti communiste français, op. cit., p. 71.
14. Quatrième internationale, 26e année, no 33, avril, p. 5.
15. JCR, s. d., BDIC F delta 2177 / 21.
16. Tract, 20 mars, BDIC F delta 2089.
17. « La Cité avec le Vietnam », s. d. [11 mai ?], BNF LB61-600 (4588).
18. André Sernin, Journal d’un bourgeois de Paris, op. cit., p. 9.
19. Id., 23 mai 1968, p. 58.
20. Comité Enragés-Internationale situationniste-Conseil pour le maintien des occupations,
30 mai, BNF LB61-600 (7391).
21. Tract du Comité d’action révolutionnaire de Censier, 28 mai, cité in Emmanuelle Loyer,
Mai 68 dans le texte, op. cit., p. 275.
22. Yves Guin, « Notes pour l’histoire des événements de mai-juin 1968 », citées.
23. Belinda Davis, « A Whole World Opening Up : Transcultural Contact, Difference, and the
Politization of New Left Activists », in Changing the World, Changing Oneself : Political
Protest and Transnational Identities in the 1960s / 70s West Germany and US, Berghahn
Books, New York, 2008. Christiane Kohser-Spohn évoque un « tourisme politique »
(« Mouvement antiautoritaire en Allemagne et mouvement contestataire en France :
interactions ? », Matériaux pour l’histoire de notre temps, op. cit., p. 34-35).
24. « Les impératifs actuels de l’action révolutionnaire », Sorbonne, 2 juin, BDIC F delta Rés
578 / 2.
25. Fidel Castro, Discours de La Havane, mars, cité par les RG, 27 juin, AD Pas-de-Calais
1W44493* ; Toulouse, mouvement du 25-Avril, s. d., BNF LB61-600 (9177) ; Strasbourg,
Université critique et populaire, juin, BDIC F delta 1061(9)-I ; CAL, s. d. [4 mai ?], BDIC
GF delta 113 / 1.
26. Cité in Ingrid Gilcher-Holtey, « La nuit des barricades », art. cité, p. 182.
27. Cf. Alain Schnapp, Pierre Vidal-Naquet, Journal de la commune étudiante, op. cit., p. 19
et 22.
28. JCR, Bureau national du 26 janvier ; Bulletin intérieur, janvier-février, BDIC F delta
2177 / 21.
29. Quatrième internationale, no 33, avril, p. 5-6 ; William Marotti, « Japan 1968 : The
Performance of Violence and the Theater of Protest », The American Historical Review,
vol. 114, no 1, février 2009, p. 97-135.
30. JCR, groupe de Nantes, La Commune, no 2, 12 mars, AD Loire-Atlantique 355W216.
31. Groupe de liaison et d’information de la Région Nord, 11 juillet, AD Pas-de-Calais
1W44492*.
32. Gerd-Rainer Horn, The Spirit of ’68, op. cit., p. 74.
33. Carol Fink, Philipp Gassert, Detlef Junker (éd.), 1968 : The World Transformed,
Washington-Cambridge, The German Historical Institute-Cambridge University Press,
1998, p. 19 ; Ingrid Gilcher-Holtey, Die 68er Bewegung. Deutschland – Westeuropa – USA,
Munich, Verlag C.H. Beck, 2001, p. 65-66.
34. Avant-Garde jeunesse, no 12, mai ; Association générale des étudiants préparationnaires,
comités lycéens de soutien aux luttes du peuple, s. d. [avril], BDIC GF delta 113 / 1 ;
Affiche Strasbourg, avril, BDIC F delta 1061(9)-I.
35. Carol Fink, Philipp Gassert, Detlef Junker (éd.), 1968. The World Transformed, op. cit.,
p. 18.
36. MAU, s. d., BNF LB61-600 (3848).
37. Université de Lyon, commission critique de l’université, 24 mai, BDIC F delta 813 / 8 ;
« Rapport d’un camarade qui a quitté Berlin le lendemain des lois d’urgence », 4 juin, BNF
LB61-600 (2274).
38. Gerd-Rainer Horn, The Spirit of ’68, op. cit., p. 74 ; Manus McGrogan, « Vive La
Révolution and the Example of Lotta Continua : The Circulation of Ideas and Practices
Between the Left Militant Words of France an Italy Following May’68 », Modern and
Contemporary France, vol. 18, no 3, août 2010, p. 320 ; Steffen Bruendel, « Global
Dimensions of Conflict and Cooperation : Public Protest and the Quest for Transnational
Solidarity in Britain, 1968-1973 », in Ingrid Gilcher-Holtey (dir.), A Revolution of
Perception ? Consequences and Echoes of 1968, New York-Oxford, Berghahn Books, 2014,
p. 57.
39. Horacio Tarcus, « Le “Mai argentin”. Des lectures de la Nouvelle gauche jusqu’au
Cordobazo », Matériaux pour l’histoire de notre temps, op. cit., p. 89.
40. Service des RG, 27 juin, AD Pas-de-Calais 1W44493*.
41. Manus McGrogan, « L’écho du Mai français en Angleterre et Irlande du Nord. La London
School of Economics et le mouvement étudiant britannique », Matériaux pour l’histoire de
notre temps, op. cit., p. 56 ; Steffen Bruendel, « Global Dimensions of Conflict and
Cooperation », art. cité, p. 44 et 47-52.
42. Déclaration de solidarité du Comité des étudiants révolutionnaires québécois, s. d., BNF
LB61-600 (4580) ; « Adelante en la acción concreta por la libertad y la justicia », mai, BNF
LB61-600 (7382).
43. « Göteborg (Suède) solidaire de Paris », 8 juin, BDIC F delta 813 / 7.
44. Tribune du 22-Mars, 10 juin, BDIC F delta 813 / 7.
45. Strasbourg, Comité de liaison des étudiants du « Tiers-Monde », 14 mai, BDIC F delta
1061(9)-I ; Préfecture de police, salle d’information et de commandement, 22 mai, APP
FB / 10*.
46. Martha Kirszenbaum, « 1968 entre Varsovie et Paris : un cas de transfert culturel de
contestation », Histoire@Politique, Politique, culture, société, no 6, septembre-
décembre 2008. Cf. Florence Johsua, « “Nous vengerons nos pères…”. De l’usage de la
colère dans les organisations politiques d’extrême gauche dans les années 1968 », Politix,
no 104, 2013 / 4, p. 203-233.
47. Daniel Cohn-Bendit a été traduit fin avril devant un juge après plusieurs plaintes, dont celle
d’un militant de la FNEF pour coups et blessures et pour une information judiciaire contre X
à propos d’un tract donnant la recette de fabrication des cocktails Molotov.
48. Document distribué à la Halle aux Vins, s. d. [juin], BNF LB61-600 (2133).
49. Texte faculté de Montpellier, s. d., BNF LB61-600 (9281) ; « Lettera degli studenti torinesi
al convegno nazionale del movimento studentesco », Milano 11-12 mars, AN 78AJ37 / 1.
50. Ingrid Gilcher-Holtey, « 1968 in Deutschland und Frankreich : ein Vergleich », in Étienne
François, Matthias Middell, Emmanuel Terray, Dorothee Wierling (éd.), 1968 – ein
europäisches Jahr ?, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 1997, p. 68-69.
51. Michel Trebitsch, « Voyages autour de la révolution. Les circulations de la pensée critique
de 1956 à 1968 », in Geneviève Dreyfus-Armand, Robert Frank, Marie-Françoise Lévy,
Michelle Zancarini-Fournel (dir.), Les Années 68, op. cit., p. 71.
52. Cf. Rudolf Sievers (dir.), 1968. Eine Enzyklopädie, Francfort, Suhrkamp, 2008, p. 10 ;
Marica Tolomelli, « 1968 : Formen der Interaktion zwischen Studenten- und
Arbeiterbewegung in Italien und der Bundesrepublik », in Ingrid Gilcher-Holtey, 1968. Vom
Ereignis zum Mythos, Francfort, Suhrkamp, 2008, p. 120-121 ; Bastien Hein, « 1968 et le
Tiers Monde. Radicaux et modérés dans le mouvement étudiant ouest-allemand », Revue
d’Allemagne et des pays de langue allemande, vol. 35, no 2, 2003, p. 218 sq. ; Michel
Fabréguet, « Les mouvements de 1967-1968 en République fédérale d’Allemagne et à
Berlin-Ouest », in Denis Roland, Justine Faure (dir.), 1968 hors de France. Histoire et
constructions historiographiques, Paris, L’Harmattan, 2009 ; Timothy Brown, « A Tale of
Two Communes : The Private and Political in Divided Berlin, 1967-1973 », in Martin
Klimke, Jacco Pekelder, Joachim Scharloth (éd.), Between Prague Spring and French May,
op. cit., p. 132-140.
53. Kristina Schulz, « Feminist Echoes of 1968 : Women’s Movements in Europe and the
United States », in Ingrid Gilcher-Holtey, A Revolution of Perception ?, op. cit., p. 128 ;
Cf. Julian Jackson, « Rethinking 68 », in Julian Jackson, Anna-Louise Milne, James
S. Williams (éd.), May 68. Rethinking France’s Last Revolution, New York, Palgrave
Macmillan, 2011, p. 9 ; Ingrid Gilcher-Holtey, Die 68er Bewegung, op. cit., p. 55-57.
54. Herbert Marcuse, Contre-révolution et Révolte, Paris, Seuil, 1973, p. 78-79. Cf. Igor
Krtolica, « Herbert Marcuse, penseur de la révolte des étudiants allemands », Cahiers du
GRM, no 3, 2012.
55. Université de Strasbourg, revue de la presse allemande du 17 mai, BDIC F delta 1061(9)-I.
56. Action, no 3, 21 mai ; Zoom, 14 mai, op. cit., 9’ 30” sq.
57. RG Caen, 21 février, AD Calvados 826W41024*.
58. Préfecture de police de Paris, 5 juin, APP FB / 55*.
59. Étudiants sionistes socialistes, juin, BNF LB61-600 (respect. 3754, 3755, 3757, 3759).
60. Groupe des révolutionnaires iraniens, s. d. [juin], AN 581AP / 196.
61. Conférence débat, 2 juin, BNF LB61-600 (4578).
62. Daniel A. Gordon, Immigrants and Intellectuals, op. cit., p. 20-21.
63. Fiches « R », liste de la direction des Renseignements généraux, août, APP FB / 59*.
64. Groupement de gendarmerie de Bar-le-Duc, 26 mai, AD Meuse 1251W2660* ; « Deux
automobilistes allemands contrôlés de près par les gendarmes », L’Est républicain, 28 mai.
65. Le commissaire principal du 20e arrondissement, 26 mai, APP FB / 12*.
66. RG, 24 juin, AD Pas-de-Calais 1W44493* ; Commissaire divisionnaire chef SRRG Lille,
27 mai, AD Nord 1008W 17/7.
67. Cf. Julien Hage, Feltrinelli, Maspero, Wagenbach…, op. cit.
68. Préfecture de police, direction de la police judiciaire, 1er juillet, APP FB / 59*.
69. Préfecture de police, salle d’information et de commandement, 22 mai, APP FB / 10*.
70. Direction de la police générale, expulsion d’étrangers, 26 juin, APP FB / 58* id.,
propositions d’expulsions, 25 juin, APP FB / 55* ; Le commissaire principal chef de la
Sûreté au commissaire divisionnaire, Toulouse, expulsions, 15 juin, AD Haute-Garonne
5681W11*.
71. Direction de la police générale, expulsions d’étrangers, 14 juin ; Id., 27 juin ; Id., examens
de situation d’un étranger, juin, APP FB / 58* ; Id., propositions d’expulsions d’étrangers,
6 juillet, APP FB / 55*.
72. Arlette Laguiller, Moi, une militante, Paris, Stock, 1974, p. 25.
73. Nicolas Vallet, lettre à l’auteure, 1er mai 2004.
74. Préfecture de police, agitation estudiantine au Quartier latin, 3 mai, APP FB / 2* ; Id., 6 mai
1968, APP FB / 3* ; Id., 24 mai, APP FB / 11*.
75. Id. et préfecture de police, interpellations manifestation, 7 juin, APP FB / 17*.
76. Gerd-Rainer Horn emploie l’expression de cross-fertilization (The Spirit of ’68, op. cit.,
p. 65).
77. Françoise Blum, Pierre Guidi, Ophélie Rillon (dir.), Étudiants africains en mouvement,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2016.
78. Police nationale, service des RG, 24 juin, AD Pas-de-Calais 1W44493*.
79. Guillaume Sibertin-Blanc, « Crise et luttes étudiantes : dialectique de politisation et
questions de méthode », Actuel Marx, no 47, 1 / 2010, p. 63-79.
Deuxième partie
De l’autre côté : pouvoir, police et politique
CHAPITRE V
QUE FAIT LA POLICE ? DISPOSITIFS STRATÉGIQUES ET VIOLENCES
POLITIQUES
1. Sur les mises en cause de la police comme épreuves, cf. Cédric Moreau de Bellaing, Force
publique. Une sociologie de l’institution policière, Paris, Économica, 2015.
2. Sur la dimension physique du politique cf. Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris,
Seuil, 1997, p. 168 sq. ; Arlette Farge, Effusion et Tourment. Le récit des corps. Histoire du
peuple au XVIIIe siècle, Paris, Odile Jacob, 2007 ; Alain Dewerpe, Charonne, 8 février 1962.
Anthropologie historique d’un massacre d’État, Paris, Gallimard, 2006, p. 86 sq.
3. Emmanuel Blanchard, « Quand les forces de l’ordre défient le Palais-Bourbon (13 mars
1958). Les policiers manifestants, l’arène parlementaire et la transition de régime »,
Genèses, no 83, 2011 / 2, p. 64 sq. ; Alain Dewerpe, Charonne, 8 février 1962, op. cit.,
p. 197. Cf. Lilian Mathieu, « L’autre côté de la barricade : perceptions et pratiques policières
en mai et juin 1968 », Revue historique, no 665, 2013 / 1, p. 145-172.
4. Jean-Marc Berlière, « Archives de police / historiens policés ? », Revue d’histoire moderne
et contemporaine, 2001 / 5, no 48-4 bis, p. 57-68.
5. Quentin Deluermoz, « Présences d’État. Police et société à Paris (1854-1880) », Annales.
Histoire, sciences sociales, 2 / 2009 (64e année), p. 435-436.
6. Cf. Olivier Fillieule, Stratégies de la rue. Les manifestations en France, Paris, Presses de
Sciences Po, 1997 ; Danielle Tartakowsky, Le Pouvoir est dans la rue. Crises politiques et
manifestations en France, Paris, Aubier, 1998 ; Olivier Fillieule, Danielle Tartakowsky, La
Manifestation, Paris, Presses de Sciences Po, 2013.
7. Alain Dewerpe, Charonne, 8 février 1962, op. cit., p. 221.
8. Jean-Marc Berlière, « Les forces de l’ordre », in Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli
(dir.), La France d’un siècle à l’autre. 1914-2000. Dictionnaire critique, Paris, Hachette,
1999, t. I, p. 230 ; Fabien Jobard, « Matraques, gaz et boucliers : la police en action », in
Philippe Artières, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), 68. Une histoire collective (1962-
1981), op. cit., p. 283-284.
9. Direction générale de la police municipale, 8 mai, APP FB / 4* ; Ministère de l’Intérieur,
secrétariat général pour la police, 28 mai, AD Charente-Maritime 1288W404 ; Le préfet de
Charente-Maritime au commissaire divisionnaire La Rochelle, mai, ibid. ; Opérations
Astérix et Obélix, juin, APP FB / 29*.
10. Direction générale de la police municipale, section des effectifs, 8 mai, APP FB / 4* ;
Ministère de l’Intérieur, 20 mai, AD Nord 1008W 17/7 ; Commissaire divisionnaire
La Rochelle, 22 mai, AD Charente-Maritime 1288W404.
11. Direction générale de la police municipale, section des effectifs, 8 mai, APP FB / 4* ;
Syndicat des gradés de la police nationale, au préfet de police, 13 mai, APP FB / 29* ;
Polices urbaines à tous chefs polices urbaines, 21 mai, AD Nord 1008W 17/7 ; Commissaire
principal du 31e arrondissement (Rosny-sous-Bois), 22-23 mai, APP FB / 10* ; Note des
RG, 10 juin, APP FB / 18*.
12. Thierry Forest, « Mai 68 devant les barricades : le regard des gendarmes mobiles », in Bruno
Benoit, Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles Vergnon (dir.), À chacun
son Mai ?, op. cit., p. 167.
13. Direction générale de la police municipale, 24 mai, APP FB / 29* ; Id., bureau de gestion
administrative, 29 mai, ibid.
14. Le directeur général de la police municipale André Friédérich au préfet de police, 9 juillet,
APP FB / 32* ; Le commissaire divisionnaire chef du district de Saint-Étienne au préfet
chargé de la sécurité publique, 15 juillet, AD Loire 650 VT 101*.
15. Préfecture de police, rapports d’interpellation, 3 mai, APP FB / 2*.
16. Le commissaire principal du 9e arrondissement, 10 mai, APP FB / 4*.
17. Union interfédérale des syndicats de la préfecture de police et de la sûreté nationale, 13 mai,
APP FB / 29* ; RG de Rennes, 17 mai, AD Ille-et-Vilaine 510W114* ; Syndicat des gradés
de la police nationale à Maurice Grimaud, 13 mai, APP FB / 29*.
18. Ordre du jour du préfet de police, 15 mai, APP FB / 29* ; Maurice Grimaud aux directeurs
et chefs de service de la préfecture de police, 18 mai, APP FB / 29* ; Maurice Grimaud,
24 mai, APP FB / 11*.
19. Adresse de Maurice Grimaud, 4 mai, APP FB / 29* ; Le préfet de police aux chefs de
service des services actifs de la police, s. d. [après le 13 mai], APP FB / 29*.
20. Note de Maurice Grimaud au directeur général de la police municipale et au directeur de la
police judiciaire, 28 mai, APP FB / 32*.
21. Lettre de Maurice Grimaud à tous les policiers parisiens, 29 mai.
22. Philippe Nivet, « Maurice Grimaud et Mai 1968 », Histoire@Politique, no 27, 3 / 2015, n. p.
23. Lettre de Maurice Grimaud à Gérard Monate, 29 mai, Fonds Grimaud, Centre d’histoire de
Sciences Po, GRI 39, cité in ibid.
24. Préfecture de police, inspection générale des services, plaintes, exécutions de commissions
rogatoires, mai et juin, APP FB / 60* ; Le comité d’entreprise de la RATP au préfet de
police, 15 mai, APP FB / 29*.
25. Préfecture de police de Paris, 7 mai, APP FB / 4*.
26. SNESup, s. d. [11 mai ?], BNF LB61-600 (5777) ; Comités d’action, 13 mai, BNF LB61-
600 (4708).
27. Maurice Grimaud, En mai fais ce qu’il te plaît, Paris, Stock, 1977, p. 154 sq.
28. UNEF / SNES-Sup, Le Livre noir des journées de Mai, Paris, Le Seuil, 1968.
29. Commissariat central de l’agglomération lyonnaise, déclarations de Michel Raton, 24 juin,
AD Rhône 4266W32*.
30. Michelle Zancarini-Fournel, in Mai 68 à Lyon, op. cit., p. 1 et 11. Cf. aussi Lilian Mathieu,
« Décalages et alignements des dynamiques contestataires : mai-juin 1968 à Lyon », art.
cité, p. 62.
31. Déclarations de Paul G., interne des hôpitaux, et de Louis R., docteur en médecine,
1er octobre 1970, AD Rhône 4266W32* ; Audition de Paul Grammont, 8 octobre 1970,
ibid. ; Courrier du commissaire divisionnaire Lucien D. au procureur général près la cour
d’appel de Lyon, 13 octobre 1970, ibid.
32. Préfecture de police, inspection générale des services, plaintes, exécutions de commissions
rogatoires, mai et juin, APP FB / 60*.
33. Il s’agit de Jacques Baratier, Claude Chabrol, Jacques Doniol-Valcroze, Robert Enrico,
Pierre Kast, Louis Malle, Paul Paviot, Jean-Daniel Pollet et Jacques Rozier.
34. Commandement régional de la gendarmerie, Rennes, 12 juin, AD Ille-et-Vilaine,
510W122*.
35. Préfecture de police de Paris, salle d’information et de commandement, 4 mai, APP
FB / 1* ; Général de corps d’armée Robert B. au commissaire École (faut-il laisser École) du
gardien de la paix Pierre B., 20 juin, APP FB / 29*.
36. Jean-Pierre Thorn, Oser lutter, oser vaincre, op. cit.
37. Journal mural, Atelier populaire ex-ENSBA, 17 juin, AN 78AJ37 / 1.
38. Le commissaire de police chargé du 1er arrondissement au commissaire central de Saint-
Nazaire, 1er octobre, AD Loire-Atlantique 1194W89* ; Le directeur général de la police
municipale au préfet de police, 19 juin, APP FB / 18*.
39. Préfecture de police, 23 et 24 mai, APP FB / 10* ; Sous-directeur chef du 5e district, 23 mai,
ibid. ; Rapport du commissaire principal de Saint-Nazaire au préfet, 12 juin, AD Loire-
Atlantique 1194W89*.
40. Le commandant des gardiens de la paix N., au directeur général de la police municipale,
3 mai, APP FB / 2* ; Le commissaire central des circonscriptions de Saint-Nazaire et de
La Baule, au préfet, 28 août, AD Loire-Atlantique 1194W89* ; Préfecture de police de
Paris, salle d’information et de commandement, 24 mai, APP FB / 11* ; Direction générale
de la police municipale, 25 mai, ibid. ; Commissariat spécial des Halles centrales, marchés
et abattoirs, 24 et 25 mai, ibid.
41. « Lyon : dix-neuf jours agités », Le Progrès, 8 juin ; Fonds photographique sur la « nuit
rouge » de Nantes, AD Loire-Atlantique, Fonds Jean-Baboux 203J7 ; Hervé Chauvin,
« Mai 68 à Bordeaux », in Bruno Benoit, Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles
Richard, Gilles Vergnon (dir.), À chacun son Mai ?, op. cit., p. 106-107 ; Rapport du
commissaire principal de Saint-Nazaire au préfet, 12 juin, AD Loire-Atlantique 1194W89* ;
Le commissaire divisionnaire chef du district de Saint-Étienne au préfet chargé de la sécurité
publique, 15 juillet, AD Loire 650 VT 101*.
42. Le commissaire de voie publique chargé du 17e arrondissement, 15 mai, APP FB / 29*
43. Le sous-directeur de la police municipale, 20 juin, APP FB / 11* ; « Les chefs de la
“révolution culturelle” », Sud Ouest, 16 mai.
44. « Remerciements à la police parisienne », s. d., APP FB / 11* ; Comité d’action
universitaire, 10 mai, cité in L’Insurrection étudiante. 2-13 mai 1968, op. cit., p. 284.
45. Document du PSU, s. d. [juin], AN 581AP / 116 ; Zoom, 14 mai, op. cit., 31’ 30” ; Tribune
du 22-Mars, 10 juin, BDIC F delta 813 / 7 ; CFDT, UD des syndicats du Puy-de-Dôme,
17 mai, AD Puy-de-Dôme 106J13 ; Comité Censier, 7 juin, BNF LB61-600 (931).
46. David H. Bayley, Patterns of Policing. A Comparative Analysis, New Brunswick, Rutgers
Universiy Press, 1985 ; Richard Cobb, The Police and the People, trad. fr. La Protestation
populaire en France (1789-1820), Paris, Calmann-Lévy, 1975 ; Patrice Mann, « Pouvoir
politique et maintien de l’ordre. Portée et limites d’un débat », Revue française de
sociologie, vol. 35, no 3, 1994, p. 335-355.
47. Michel Foucault, « La vérité et les formes juridiques », dans Dits et Écrits 1954-1988, t. II,
Paris, Gallimard, 1994, p. 584. Cf. Pierre Karila-Cohen, « État et enquête au XIXe siècle :
d’une autorité à l’autre », Romantisme, 2010 / 3 no 149, p. 25-37 et Dominique Kalifa,
« Enquête et “culture de l’enquête” au XIXe siècle », ibid., p. 3-23 ; Fabien Jobard, « Le
banni et l’ennemi. D’une technique policière de maintien de la tranquillité et de l’ordre
publics », Cultures & Conflits, no 43, automne 2001, www.conflits.revues.org/571
48. Le commissaire divisionnaire de Saint-Étienne au préfet chargé de la sécurité publique,
15 juillet, AD Loire 650 VT 101* ; Le chef du service des RG de Rennes, 24 mai, AD Ille-
et-Vilaine 510W114* ; Le préfet de la Région Basse-Normandie au ministre de l’Intérieur,
14 mai, AD Calvados 1520W138* ; RG Vosges, 10 juin, AD Vosges 1998W157 ; Le
directeur général de la police municipale au préfet de police, 9 juillet, APP FB / 32* ; RG
Ardennes, 28 mai, AD Ardennes 1695W397 ; Police nationale, service des RG, 24 juin, AD
Pas-de-Calais 1W44493*.
49. RG Metz, 22 mai, AD Vosges 1998W157 ; Direction départementale des services de police
du Pas-de-Calais, 5 juillet, AD Pas-de-Calais 1W44492* ; Circulaire du ministre de
l’Intérieur aux préfets de zone, 28 juin, AD Nord 1008W 17/7 ; Le préfet de Région Poitou-
Charentes au commissaire central de police de Poitiers, 13 juillet, AD Vienne 2851W80*.
50. RG Charente-Maritime, 4 mars, AD Vienne 1927W4* ; RG Haute-Vienne, 17 mars, ibid. ;
RG Tours, 9 janvier 1967, ibid. ; RG Châtellerault, 20 mars, ibid. ; RG Loir-et-Cher,
21 janvier 1966, ibid. ; RG Rennes, Note au préfet, 18 juin, AD Ille-et-Vilaine 510W114* ;
RG Saint-Nazaire, 8 juillet, AD Loire-Atlantique 1194W89*.
51. Préfecture de police, interpellations, 7 juin, APP FB / 17* ; Agitation estudiantine au
Quartier latin, 3 mai, APP FB / 2*.
52. Le préfet de la Région Basse-Normandie, 14 mai, AD Calvados 1520W138* ; Préfecture du
Calvados, 19 juin, ibid. ; Préfecture de police, AD Pas-de-Calais 1W44493*.
53. Jean Genet, « Les maîtresses de Lénine », Le Nouvel Observateur, no 185, édition spéciale,
30 mai.
54. « Je reviendrai quand je voudrai », Le Monde, 26 mai.
55. Télégramme extrême urgent, 21 mai, AD Charente-Maritime 1288W404 ; Services centraux
des RG, 22 mai, AD Pas-de-Calais 1W44492* ; RG Metz, 22 mai, AD Vosges 1998W157 ;
Groupement de gendarmerie de Bar-le-Duc, 26 mai, AD Meuse 1251W2660* ; Ministère de
l’Intérieur, secrétariat général pour la police, à tous préfets, 24 mai, AD Nord 1008W 17/7 ;
Préfecture de police de Paris, 26 mai, APP FB / 12*.
56. Groupement de gendarmerie de la Creuse, compagnie de Bourganeuf, 31 mai, AD Creuse
102W30 ; Houillères du bassin de Lorraine, s. d., ANMT Roubaix, Fonds Charbonnages de
France, 2007 081 715.
57. « Le leader du Mouvement du 22-Mars réapparaît à Paris », Le Monde, 31 mai.
58. Le directeur de la police municipale, 1er juin, APP FB / 29* ; Ministère de l’Intérieur, notes
confidentielles, juillet, AD Pas-de-Calais 3024W49*.
59. Préfecture du Nord 8 janvier 1969, AD Nord 1008W 17/7 ; RG 17 mars 1969, ibid. ; Le
préfet délégué pour la police à Lyon, 12 septembre 1975, AD Rhône 4266W66*.
60. Maurice Grimaud, En mai fais ce qu’il te plaît, op. cit. ; Raymond Marcellin, L’Expérience
du pouvoir, Paris, La Table ronde, 1990, p. 157-158.
61. Le ministre de l’Intérieur aux préfets, 6 août, AD Calvados 1520W138* et AD Corrèze
1540W1346.
62. Le commissaire central des circonscriptions de Saint-Nazaire et de La Baule, au préfet, août,
AD Loire-Atlantique 1194W89*.
63. Rapport de Christian Fouchet au président de la République, juillet, AN AG5(1)/ 2227*.
64. Maurice Grimaud, En mai fais ce qu’il te plaît, op. cit., p. 210.
CHAPITRE VI
EN HAUT LIEU. CHOIX ET STRATÉGIES DU POUVOIR
1. Cité in Adrien Dansette, Mai 68, Paris, Plon, 1971, p. 107.
2. Intervention de Bernard Ducamin, in De Gaulle en son siècle. Moderniser la France, Paris,
Institut Charles de Gaulle-Plon-La Documentation française, 1992, p. 388.
3. Michelle Zancarini-Fournel, « Retour sur “Grenelle” : la cogestion de la crise ? », art. cité,
p. 443. Cf. Ingrid Gilcher-Holtey, 1968. Vom Ereignis zum Mythos, op. cit., p. 34 ; Boris
Gobille, Mai 68, op. cit., p. 99 ; Mathias Bernard, « L’État en mai 68 », in Xavier Vigna,
Jean Vigreux (dir.), Mai-juin 1968, op. cit., p. 137-138.
4. Cf. Gilles Le Béguec, « L’État dans tous ses états », in Geneviève Dreyfus-Armand, Robert
Frank, Marie-Françoise Lévy, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), Les Années 68, op. cit.,
p. 462 sq., p. 462 sq.
5. Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t. III, 2000, rééd. Paris, Bouquins, 2002, p. 1673.
6. Cf. Mathias Bernard, « L’État en mai 68 », art. cité, p. 132-133 ; Entretien avec Michel
Jobert par Béatrice Vallaeys, Libération, 2 mai 1998 ; Intervention de Christian Fouchet,
extrait des débats parlementaires du 9 mai, APP FB / 29*.
7. L’allocution du 11 mai peut être vue et écoutée sur le site de l’Institut national de
l’audiovisuel (INA) : www.ina.fr/video/VDD11005517 ; Elle est reprise dans Georges
Pompidou, Pour rétablir une vérité, Paris, Flammarion, 1982, p. 217-218. Cf. aussi Laurent
Jalabert, « Georges Pompidou et les jeunes en 1968 », in Bernard Lachaise, Sabine Tricaud
(dir.), Georges Pompidou et Mai 68, Bruxelles, Peter Lang, 2009, p. 30 sq.
8. Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité, op. cit., p. 185. Cf. Kristin Ross, Mai 68 et ses
vies ultérieures, op. cit., p. 77.
9. Lettre de Pompidou à Raymond Aron, 29 juillet, in Éric Roussel, Georges Pompidou, Paris,
Perrin, 1984, p. 229-230.
10. Georges Pompidou, Le Nœud gordien, Paris, Plon, 1974, p. 26-28.
11. Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité, op. cit., p. 14-18 ; Citation de Georges Arasse
in Éric Roussel, Georges Pompidou, op. cit., p. 41.
12. Lettres à Robert Poujol des 7 mars, 7 avril et 9 avril 1930, in Georges Pompidou, Lettres,
notes et portraits. 1928-1974, Paris, Robert Laffont, 2012, p. 92, 95, 97.
13. François Audigier, « Le groupe gaulliste : quand les “godillots” doutent », art. cité, p. 12-30.
14. Mathias Bernard, « L’État en mai 68 », art. cité, p. 136-137 ; René Capitant, 30 mai, BNF
LB61-600 (7492).
15. Jacques Patin, 17 mai, AN AG5(1)/ 2227* ; Michel Dupuch, secrétariat général de l’Élysée,
17 mai, ibid. ; Jacques Le Cornec, secrétariat général de l’Élysée, 17 mai, ibid. ; Fédération
de l’UD Ve République, 25 mai, AD Creuse 102W30.
16. « Chienlit », Ouest-France, 20 mai ; « La “chienlit” de Rabelais à de Gaulle », Le Monde,
21 mai.
17. Conseil des ministres, 23 mai, AN AG5(1)/ 1403*.
18. Cf. Yves Billard, « Les gaullistes de gauche », in Jean-Jacques Becker et Gilles Candar
(dir.), Histoire des gauches en France, t. II, op. cit., p. 190-196.
19. Lettre de Bernard Ducamin à Édouard Balladur, 6 avril, AN AG5(1)/ 932 ; Bernard
Ducamin, note à l’attention du général de Gaulle, 3 février, ibid. ; Jacques Patin, « Essai
critique à propos des récents événements », 17 mai 1968, AN AG5(1)/ 2227* ; Le ministre
de l’Industrie, à tous les préfets de métropole, s. d., AD Creuse 102W30.
20. RG Loire, 25 mai, AD Loire 650 VT 101* ; RG Boulogne-sur-Mer, 25 mai, AD Pas-de-
Calais 1183W207*.
21. Henri Coury, note à l’attention du général de Gaulle, 18 mai, AN AG5(1)/ 2101*.
22. Le ministre de l’Économie, 20 mai, AN AG5(1)/ 884.
23. Gilles Richard, « Georges Pompidou et la question sociale en mai 1968 », in Bernard
Lachaise, Sabine Tricaud (dir.), Georges Pompidou et Mai 68, op. cit., p. 41 ; Michelle
Zancarini-Fournel, « Retour sur “Grenelle” : la cogestion de la crise ? », art. cité, p. 446.
24. « Le général de Gaulle a rencontré des chefs de l’armée », Le Monde, 1er juin.
25. Marie-Françoise Lévy, Michelle Zancarini-Fournel, « La légende de l’écran noir.
L’information à la télévision en mai-juin 1968 », Réseaux, no 90, 1998, p. 102-103 et 98 ;
Michelle Zancarini-Fournel, « L’épicentre », art. cité, p. 216 ; Emmanuel Laurentin, « Le
transistor : à l’écoute de la rue », in Philippe Artières, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), 68.
Une histoire collective (1962-1981), op. cit., p. 289.
26. Télégramme du préfet du Puy-de-Dôme au ministre de l’Intérieur, 19 mai, AD Puy-de-
Dôme 1100W17 ; Préfet de la Meuse, 31 mai, AD Meuse 1251W2660* ; Préfecture de
Loire-Atlantique, 19 juin, ADLoire-Atlantique 1194W89* ; Le général de division Ruellan,
commandant la 52e division militaire, au préfet de la Région Auvergne, 22 juin, AD Puy-de-
Dôme 1100W17 ; Intersyndicale de l’ORTF de la Région de Clermont-Ferrand, s. d., AD
Puy-de-Dôme 1100W17 ; Motion du personnel ORTF du mont Pilat, 8 juin, AD Loire 650
VT 102* ; Commissariat de Tulle, 21 juin, AD Corrèze 1154W7.
27. Conseil des ministres, 12 juin, AN AG5(1)/ 1411* ; « Manifestations et “groupuscules”
interdits », Paris Jour, 13 juin ; Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures, op. cit., p. 65 ;
Circulaire du ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin, 9 juillet, AD Corrèze 1540W364.
28. Jacques Patin, secrétariat général de l’Élysée, 12 juin, AN AG5(1)/ 2101* ; Id., 10 décembre
et 7 mars 1969.
29. Télégramme reçu en message chiffré du ministre de l’Économie et des Finances à tous
préfets de région, 18 mai, AD Puy-de-Dôme 1100W16 ; Le ministre de l’Intérieur aux
préfets, 22 mai, AD Ille-et-Vilaine 510W113* ; Circulaire du ministre de l’Intérieur
Christian Fouchet à tous les préfets, 31 mai, AD Corrèze 1540W364 ; Ministre de
l’Intérieur, 5 juin, AD Loire 650 VT 101*.
30. Circulaire d’Yves Guéna aux directeurs régionaux de la Poste, 30 mai, AD Creuse 102W30.
31. Lettre du préfet de la Meuse au ministre de l’Intérieur, 22 mai, AD Meuse 1251W2660* ; Le
préfet des Pyrénées-Orientales au ministre de l’Intérieur, 24 juin, AD Bouches-du-Rhône
135W349*.
32. Préfecture des Bouches-du-Rhône, 1er juin, AD Bouches-du-Rhône 135W353*.
33. RG Charente-Maritime, 1er juin, AD Charente-Maritime 1310W158 ; Lettre du préfet
Doustin, s. d., ibid., 181AJ196.
34. Circulaire Marcellin à tous préfets de l’ex-région de défense de Bordeaux, 5 juin, AD
Creuse 102W30.
35. Groupe de liaison et d’information de la Région du Nord, 11 juillet, AD Pas-de-Calais
1W44492* ; Réunion du groupe de liaison et d’information régional sur l’activité des
mouvements révolutionnaires, Poitiers, 22 juillet, AD Vienne 2851W80* ; Le préfet du
Calvados au ministre de l’Intérieur, 30 août, AD Calvados 1520W138*.
36. Secrétariat général de l’Élysée, 29 mai, AN AG5(1)/ 2227* ; Ministère de l’Intérieur, notes
confidentielles, juillet, AD Pas-de-Calais 3024W49*.
37. Le directeur de la surveillance du territoire, au ministre de l’Intérieur, « État actuel des
investigations de la DST sur divers faits mettant en cause les dirigeants de la Régie
Renault », 15 avril 1969, AN AG5(1)/ 2227*.
38. Le préfet de la Région Basse-Normandie au ministre de l’Intérieur, 30 août, AD Calvados
1520W138* ; Bernard Ducamin, 10 juin, AN AG5(1)/ 2227*.
39. Gilles Le Béguec, « L’État dans tous ses états », cité, p. 470.
40. Lettre de Georges Pompidou à François Mauriac, 23 juillet, in Lettres, notes et portraits,
op. cit., p. 404.
41. Entretien de Charles de Gaulle avec Michel Droit, 7 juin 1968,
www.ina.fr/video/CAF87002401.
CHAPITRE VII
RAPPELS À L’ORDRE. LES OPPOSITIONS À LA CONTESTATION
1. François Audigier, Histoire du SAC. La part d’ombre du gaullisme, Paris, Stock, 2003,
p. 71-72, 83-84 ; Id., « Évolution du service d’ordre gaulliste des années cinquante aux
années soixante : quand la modernisation partidaire passe par la pacification militante », in
Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les Partis et la République. La recomposition
du système partisan 1956-1967, Rennes, PUR, 2008, p. 135 sq.
2. Brigitte Gaïti, « Le charisme en partage : mai-juin 1968 chez les gaullistes », in Dominique
Damamme, Boris Gobille, Frédérique Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-Juin 68, op. cit.,
p. 262.
3. Olivier Dard, « Les droites nationalistes en Mai 68 », in Bruno Benoit, Christian
Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles Vergnon (dir.), À chacun son Mai ?,
op. cit., p. 356-357.
4. Haim Burstin, Révolutionnaires, op. cit., p. 74.
5. MODEL, 15 mai, BNF LB61-600 (3865) ; FNEL, BNF LB61-600 (3836) ; FERU, BNF
LB61-600 (3839) ; FLU, BNF LB61-600 (3841) ; MUR, BNF LB61-600 (3910) ; CELU,
juin, BDIC F delta 62 Rés.
6. Philippe Péchoux, « “Pas de Nanterre à Dijon”. Construction et contradictions du
mouvement étudiant dijonnais de mai-juin 1968 : entre réforme, révolution et réaction », in
Xavier Vigna, Jean Vigreux (dir.), Mai-juin 1968, op. cit., p. 180-181 ; Association des
étudiants en droit et en sciences économiques, s. d., AD Loire-Atlantique 355W216 ; RG
PACA, 18 mai, AD Bouches-du-Rhône 135W350* ; Commissariat central de Marseille,
17 mai, AD Bouches-du-Rhône 135W349*.
7. Fédération des étudiants de Paris, s. d., BNF LB61-600 (3778) ; Liberté et Démocratie,
17 juin, BNF LB61-600 (145).
8. « Modérés et extrémistes se disputent l’audience des étudiants de Nanterre », Combat,
3 avril ; FNEF, s. d., BNF LB61-600 (3827) ; Résolution adoptée par le conseil
d’administration de la FNEF, 10 mai, AD Rhône 2690W1.
9. Occident, s. d., BDIC F delta 62 Rés ; Occident, Union régionale Bretagne Val-de-Loire,
s. d., AD Loire-Atlantique 203J2.
10. Université de Toulouse, s. d., BNF LB61-600 (9180) ; Notes des RG, 1er mai, APP FB / 1* ;
Lettre d’André Morice, au préfet, 13 février, AD Loire-Atlantique 1222W63* ; Ministère de
l’Intérieur, notes confidentielles, juillet, AD Pas-de-Calais 3024W49* ; Sur l’incendie du
local de l’UNEF : APP FB / 1*.
11. Préfecture de police, 22 mai, APP FB / 10*.
12. Action française, février, BNF LB61-600 (8745) ; Lycéens d’Action Française de Saint-
Germain, s. d., BNF LB61-600 (8698) ; Pierre Pujo, « La démocratie à la voirie ! », AF
Université. Mensuel des étudiants de la Restauration nationale, no 133 bis, BDIC F delta 62
Rés ; Préfecture de police, interpellations, conduites au poste, 5 juin, APP FB / 16* ; Henri
Mercier, « Au Quartier Latin », AF Université, no 133 bis, BDIC F delta 62 Rés.
13. Gérard Leclerc, « La vraie révolte », ibid. ; « La Restauration nationale et Aspects de la
France », mai, ibid. ; Tract Action française, juin, BNF LB61-600 (8747) ; Action française,
juin, BNF LB61-600 (8746).
14. Préfecture de police de Paris, 26 mai, APP FB / 12* ; École municipale des arts décoratifs de
Strasbourg, lettre à Pierre Pfimlin, 5 juin, BDIC F delta 1061(9)-I ; Michelle Zancarini-
Fournel in L’Intelligence d’une ville. Mai-juin 68 à Lyon, Lyon, bibliothèque municipale de
Lyon, 2008, p. 14 ; RG Vienne, 14 août, AD Vienne 1939W4* ; Le commissaire
divisionnaire chef du service départemental des RG de Seine-Maritime, au directeur des RG,
6 et 19 juin, AD Seine-Maritime 3907W10 ; PSU, 19 juin, ibid.
15. Lettre de Henri B. au sous-préfet, Lille, 19 juin, AD Nord 1008W 17/6 ; Lettre de la
fédération des groupements commerciaux de Roubaix et environs, au préfet, 12 juin, AD
Nord 1008W 17/6.
16. Lieutenant-colonel honoraire C., prière d’insérer, 3 juin, AD Bouches-du-Rhône
135W349* ; Préfecture de Haute-Garonne, 27 mai, AD Haute-Garonne 5681W11* ; Un
groupe appartenant à la partie saine de la population toulousaine, lettre au préfet, 13 juin,
ibid. ; Lettre de Jean de R. au préfet, 30 mai, AD Nord 1008W 17/6 ; Adresse aux parents
d’élèves, Lambersart, 22 mai, ibid. ; Préfet Région Nord au cabinet du ministère de
l’Intérieur, 11 juin, ibid. ; Tract « À messieurs les enseignants » signé « Des parents
d’élèves », circonscription de Jonzac, 25 juin, AD Charente-Maritime 1310W158 ; Comité
de défense pour la liberté du travail, Troyes, 31 mai, BNF LB61-600 (8743) ; RG Charente-
Maritime, 1er juin, AD Charente-Maritime 1310W158 ; Commissaire central de Boulogne-
sur-Mer, 18 mai, AD Pas-de-Calais 1183W207* ; Commissariat de Brive, Rapport
journalier, 21 juin, AD Corrèze 1154W7.
17. Télégrammes, Élysée, mai et juin, AN AG5(1)/ 51.
18. Jérôme Pozzi, « Georges Pompidou et les mouvements gaullistes », in Bernard Lachaise,
Sabine Tricaud (dir.), Georges Pompidou et Mai 68, op. cit., p. 67-68 ; CDR, juin, BDIC
F delta 813 / 7.
19. CDR, s. d., CHT Nantes, Fonds 1968, 6-32 ; Papillon CDR, La Rochelle, s. d. [juin], AD
Charente-Maritime 181AJ196 ; UD Ve et CDR Marseille, 22 mai, AD Bouches-du-Rhône
135W351* ; CDR de Versailles, s. d., BNF LB61-600 (8721).
20. Cf. François Audigier, Génération gaulliste. L’Union des jeunes pour le progrès, une école
de formation politique (1965-1975), Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2005 ;
Banderole CDR, s. d., AN 78AJ37 / 1 ; Affiche UJP, s. d., BNF LB61-600 (7435) ; UJP du
15e arrondissement, 13 juin, BNF LB61-600 (7440) ; RG Loire-Atlantique, 17 mai, AD
Loire-Atlantique 355W216 ; UJP Nantes, s. d., AD Loire-Atlantique 355W216 ; Papillon
UJP, s.d., BNF LB61-600 (7443).
21. Frank Georgi, « “Le pouvoir est dans la rue”. La “manifestation gaulliste” des Champs-
Élysées (30 mai 1968) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 48, 1995, p. 49 ; Le Joli
Mois de Mai de Jean-Denis Bollan et Renan Pollès, ARC, 1968, 28’ 22”.
22. Danielle Tartakowsky, « Les manifestations de mai-juin 68 en province », in René
Mouriaux, Annick Percheron, Antoine Prost et Danielle Tartakowsky (dir.), 1968.
Exploration du Mai français, op. cit., p. 159 ; Boris Gobille, Mai 68, op. cit., p. 23 ;
Toulouse, le commissaire divisionnaire central au préfet, 31 mai, AD Haute-Garonne
5681W11* ; « Plus de 100 000 personnes manifestent contre le désordre », Horizon
lyonnais, 1er juin ; Union des Métaux CFDT Nantes et région, 2 juin, CHT Nantes, Fonds
1968, 6-15 ; Tract, Charleville-Mézières, 31 mai, AD Ardennes 1695W397 ; Comité de
défense pour les libertés républicaines, Perpignan, s. d., AD Pyrénées-Orientales 1J386 / 8.
23. « Grande manifestation pour l’ordre, la liberté et la paix sociale », La Vendée Sablaise,
9 juin ; Tract CFDT distribué le 4 juin à La-Roche-Sur-Yon, CDHMOT Vendée ; CFDT
Vendée, ibid.
24. « Manifestations sur le 8e arrondissement », 1er juin, APP FB / 16* ; « Joséphine Baker en
tête de la manifestation des jeunes gaullistes », L’Aurore, 5 juin ; « Manifestation de jeunes
gaullistes du Trocadéro au Champ-de-Mars », Le Figaro, 5 juin ; Rapport du commandant
principal Léon D., 4 juin, APP FB / 16*
25. CDR, juin, BDIC F delta 813 / 7 ; CDR Sud-Loire, s. d., CHT Nantes, Fonds 1968, 16-16.
26. Profession de foi de Roger Souchal, AD Meurthe-et-Moselle 1636W40 ; L’Union et l’Action
sociale du Toulois et du Xaintois, ibid. ; Profession de foi de Philippe Dechartre, juin, AD
Charente-Maritime 181AJ196 ; Profession de foi de Jacques Godfrain, juin, AD Pyrénées-
Orientales 1J386 / 8 ; Profession de foi de Lucien Meunier, juin, AD Ardennes 22J13 ;
Profession de foi d’Étienne Garnier, juin, AD Loire-Atlantique 1194W9
27. François Audigier, « Les images militantes gaullistes de mai-juin 1968 : une propagande
antichienlit », in Christian Delporte, Denis Maréchal, Caroline Moine, Isabelle Veyrat-
Masson (dir.), Images et sons de Mai 68, op. cit., p. 320.
Troisième partie
L’expérience sensible du politique
CHAPITRE VIII
QUE LA JOIE DEMEURE. EXPÉRIENCE SENSIBLE ET AFFECTS
MOBILISATEURS
CHAPITRE X
FÉMININ-MASCULIN. SEXE ET GENRE DE L’ÉVÉNEMENT
1. Ramparts, 11 juin, p. 36, cité in Alain Schnapp, Pierre Vidal-Naquet, Journal de la
commune étudiante, op. cit., p. 57. Cf. Martin Klimke, The Other Alliance : Student Protest
in West Germany and the United States in the Global Sixties, Princeton-Oxford, Princeton
University Press, 2010.
2. Julie Pagis, Mai 68, un pavé dans leur histoire, op. cit., p. 85.
3. À la question posée aux personnes enquêtées « Avez-vous le sentiment d’appartenir à une
“génération de 68” ? », 70 % répondent « oui », mais bien davantage chez les femmes (80
%) que chez les hommes (moins de 60 %) (Julie Pagis, « Repenser la formation des
générations politiques sous l’angle du genre. Le cas de Mai-Juin 1968 », in Vincent Porhel,
Michelle Zancarini-Fournel (coord.), 68’ Révolution dans le genre ?, numéro de Clio.
Histoire, femmes et sociétés, no 29, 2009, p. 101-103).
4. Joan Wallach Scott, La Citoyenne paradoxale. Les féministes françaises et les droits de
l’homme, op. cit., p. 13 et 29.
5. Mathilde Darley, Gwénaëlle Mainsant, « Police du genre », Genèses, no 97, 2014 / 4, p. 3.
6. Joan Scott, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », Le genre de l’histoire,
numéro de Les Cahiers du GRIF, no 37-38, Paris, Éditions Tierce, 1988, p. 141.
7. Karen Offen, European Feminisms, 1700-1950 : A Political History (2000), trad. fr. Les
Féminismes en Europe 1700-1950. Une histoire politique, Rennes, PUR, 2012, p. 21.
8. Montage situationniste, BNF LB61-600 (7400).
9. Témoignage d’Évelyne E., cité in Cercle Barbara Salutati, Longtemps je me suis souvenu de
Mai 68, op. cit., p. 72.
10. Michelle Zancarini-Fournel, « Genre et politique : les années 1968 », art. cité, p. 134.
11. UNEF-SNES-Sup, Le Livre noir des journées de Mai, op. cit., p. 67 et 75.
12. André Sernin, Journal d’un bourgeois de Paris, op. cit., 15 mai, p. 25.
13. Henri Mercier, « Au Quartier Latin », AF Université, no 133 bis, BDIC F delta 62 Rés.
14. Yves Guin, « Notes pour l’histoire des événements de mai-juin 1968 », citées ; Cité
nouvelle, Bulletin inter-cellules de la section de Port-Neuf, PCF, no 2, mai, AD Charente-
Maritime 1310W158 ; Un si joli mois de mai, op. cit., 21’ 00” ; Compte rendu de la réunion
du 6 juin sur l’autogestion, s. d., BDIC F delta 813 / 7 ; Jean-Pierre Thorn, Oser lutter, oser
vaincre, op. cit., 1 h 06’ 00”.
15. Tribune du 22-Mars, 2 juin, BDIC F delta 813 / 7.
16. Xavier Vigna, « La CGT et les grèves ouvrières en mai-juin 1968 : une opératrice
paradoxale de stabilisation », art. cité, p. 206.
17. Alain Schnapp, Pierre Vidal-Naquet, Journal de la commune étudiante, op. cit., p. 50.
18. Jean-Claude Guillebaud, « Une mère et cinq enfants dans la “Révolution” », Sud Ouest,
9 juin.
19. Affiche CDR, s. d. [mai], AN 78AJ37 / 1 ; UD Ve République, 25 mai, BNF LB61-600
(7483).
20. Les Femmes de l’Association syndicale des Familles, 24 mai, CHT Nantes, Fonds
UD CFDT 589.
21. Cf. Yasmine Siblot, « “Je suis la secrétaire de la famille !” La prise en charge féminine des
tâches administratives entre subordination et ressource », Genèses, no 64, 2006 / 3, p. 46-66.
22. Version sténographique des bandes magnétiques de RTL, citée in L’Insurrection étudiante.
2-13 mai 1968, op. cit., p. 348 ; Zoom, 14 mai, op. cit., 29’ 00”.
23. Cf. les travaux d’Audrey Leblanc, notamment L’Image de mai 68, du journalisme à
l’histoire, thèse, EHESS, 2015 et « Fixer l’événement. Le Mai 1968 du photojournalisme »,
Sociétés & Représentations, no 32, 2011 / 2, p. 57-76.
24. Mai 68, journal des comités d’action étudiants-travailleurs de Marseille-région, BDIC F
delta Rés 578 / 2.
25. PCF, s. d. [juin], BNF LB61-600 (6967) ; Bulletin d’adhésion PCF, s. d. [mai], BNF LB61-
600 (6982).
26. Profession de foi de Roger Mas, candidat de la FGDS, circonscription Mézières-Rethel,
élections législatives du 23 juin, AD Ardennes 22J13 ; Délégation départementale du PSU,
s. d. [juin], AD Pyrénées-Orientales 110J10 ; PSU, brouillon de profession de foi
[Antoinette Claux], document manuscrit, juin, ibid.
27. Institut d’études politiques de Paris, s. d., BNF LB61-600 (3388).
28. Pierre Ansart, La Gestion des passions politiques, op. cit., p. 179
29. Comité d’action de la rue Raymond-Losserand, s. d., BDIC 4 delta 191 Rés.
30. Préfecture de police, 2 juin, APP FB / 16*.
31. Cité in Filles de Mai, op. cit., p. 117.
32. Cité in Sara Maitland (éd.), Very Heaven. Looking Back at the Sixties, Londres, Virago,
1988, p. 209. Anne McDermid est agent littéraire, née aux États-Unis, installée en
Angleterre et séjourne alors à Paris.
33. Cité in Nicolas Daum, Mai 68 raconté par des anonymes, Paris, Éditions Amsterdam, 2008,
p. 138.
34. Groupe Medvedkine, Classe de lutte, SLON-Iskra, 1969. Cf. Bruno Muel et Francine Muel-
Dreyfus, « Week-ends à Sochaux », in Dominique Damamme, Boris Gobille, Frédérique
Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-Juin 68, op. cit., p. 330 ; Cécile Canut, « Demain ce fut
mai. Politique sur paroles », in Cécile Canut, Jean-Marie Prieur (dir.), 1968-2008.
Événements de paroles, Paris, Michel Houdiard éditeur, 2011, p. 20 ; Xavier Vigna,
L’Insubordination ouvrière, op. cit., p. 21.
35. Michelle Zancarini-Fournel, « L’épicentre », art. cité, p. 263.
36. Leslie Kaplan, « Mai 68 », art. cité, p. 134.
37. Un si joli mois de Mai, op. cit., 31’ 30” sq.
38. Xavier Vigna, L’Insubordination ouvrière, op. cit., p. 116. Cf. Fanny Gallot, En découdre.
Comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société, Paris, La Découverte, 2015,
notamment p. 73-92.
39. La Reprise du travail aux usines Wonder est un film de douze minutes tourné par quatre
élèves de l’Institut des hautes études cinématographiques. Cf. Antoine de Baecque,
« Reprise d’Hervé Le Roux », in Philippe Artières, Michelle Zancarini-Fournel (dir.), 68.
Une histoire collective (1962-1981), op. cit., p. 272-275 ; Michelle Zancarini-Fournel, Les
Luttes et les Rêves, op. cit., p. 816 ; Et bien sûr le très beau film d’Hervé Le Roux, Reprise
(1996), qui lui est consacré.
40. Cf. Sylvie Chaperon, Les Années Beauvoir 1945-1970, Paris, Fayard, 2000, p. 342 et 348 ;
Michelle Zancarini-Fournel, « Genre et politique : les années 1968 », art. cité, p. 134 ;
Jacqueline Feldman, « Du FMA au MLF. Un témoignage sur les débuts du mouvement de
libération des femmes », in Vincent Porhel, Michelle Zancarini-Fournel (coord.), 68’
Révolution dans le genre ?, op. cit., p. 193-203.
41. Cité in Françoise Picq, Libération des femmes. Les années-mouvement, Paris, Seuil, 1993,
p. 12.
42. Lynne Segal, « She’s Leaving Home : Women’s Sixties Renaissance », art. cité, p. 37 ; Sally
Hines, « Riding the Waves : Feminism, Lesbian and Gay Politics, and the Transgender
Debates », in Gurminder K. Bhambra et Ipek Demir (éd.), 1968 in Retrospect. History,
Theory, Alterity, op. cit., 2009, p. 152 ; Eva Maleck-Lewy, Bernhard Maleck, « The
Women’s Movement in East and West Germany », in Carol Fink, Philipp Gassert, Detlef
Junker (éd.), 1968 : The World Transformed, op. cit., p. 377-379 ; Kristina Schulz,
« Feminist Echoes of 1968 : Women’s Movements in Europe and the United States », in
Ingrid Gilcher-Holtey, A Revolution of Perception ?, op. cit., p. 129.
43. Julie Pagis, Mai 68, un pavé dans leur histoire, op. cit., p. 65.
44. Cité in Filles de Mai, op. cit., p. 30.
45. De la misère en milieu étudiant…, op. cit., p. 8.
46. Mouvement du 22-Mars, Ce n’est qu’un début continuons le combat, op. cit., p. 11.
47. Wilhelm Reich, Der sexuelle Kampf der Jugend (1932), trad. fr. La Lutte sexuelle des
jeunes, Paris, Maspero, 1972, p. 127 et p. 88-90.
48. Cf. Janine Mossuz-Lavau, Les Lois de l’amour. Les politiques de la sexualité en France
(1950-2002), Paris, Payot, 1991, rééd. 2002, p. 287 sq. ; Florence Tamagne, Mauvais
genre ? Une histoire des représentations de l’homosexualité, Paris, La Martinière, 2001,
p. 200.
49. Daniel Guérin, Essai sur la révolution sexuelle, Paris, Belfond, 1969, p. 25.
50. Cahier de doléances du lycée Simone-Weil de Saint-Étienne, mai-juin, AD Loire 608W1 ;
CAL Decour, s. d., BDIC GF delta 113 / 1.
51. Expression, journal du lycée Pasteur de Neuilly, no 2, 18 juin, BDIC GF delta 113 / 1 ; RG
Saint-Nazaire, 8 juillet, AD Loire-Atlantique 1194W89*.
52. Michael Sibalis, « Mai 68 : le Comité d’action pédérastique révolutionnaire occupe la
Sorbonne », Genre, sexualité et société, no 10, octobre 2013, www.gss.revues.org/3009
consulté le 15 juin 2015.
53. Comité Censier, s. d. [juin 1968], BNF LB61-600 (932 et 925).
54. Françoise Héritier, Masculin / Féminin. La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996,
p. 10-12.
55. Maurice Godelier, Avant-propos à Catherine Vidal et Dorothée Benoit-Browaeys, Cerveau,
sexe et pouvoir, Paris, Belin, 2005, p. 8-9.
56. Alain Giami, « Révolution sexuelle », in Janine Mossuz-Lavau (dir.), Dictionnaire des
sexualités, Paris, Robert Laffont, 2014, p. 728.
57. Gayle Rubin, « Thinking Sex. Notes for a Radical Theory of the Politics of Sexuality »
(1984), trad. fr. « Penser le sexe. Pour une théorie radicale de la politique de la sexualité »,
in Gayle Rubin, Surveiller et jouir. Anthropologie politique du sexe, Paris, EPEL, 2010,
p. 155 et p. 207.
58. Éric Fassin, « Démocratie sexuelle », Comprendre. Revue de philosophie et de sciences
sociales, no 6, 2005, p. 123-131.
CHAPITRE XI
LE TEMPS RAVIVÉ. CONSCIENCE HISTORIQUE ET TEMPORALITÉS
1. Dessins de Wolinski parus dans Action, no 3, 21 mai.
2. Walter Benjamin, Das Passagen-Werk, trad. fr. Paris capitale du XIXe siècle. Le Livre des
passages, Paris, Cerf, 1989, p. 479-480.
3. Jacques Durandeaux, Les Journées de Mai 68, Paris, Desclée de Brouwer, 1968, p. 12-15 et
129-130.
4. Antoine Chollet, Les Temps de la démocratie. Incertitude et autonomie du présent, doctorat,
IEP de Paris, 2009, p. 446.
5. Philippe Labro, Les Barricades de mai, op. cit., n. p. ; Alain Touraine, Le Communisme
utopique. Le mouvement de Mai (1968), rééd. Paris, Seuil, 1972, p. 149.
6. François Dosse, Renaissance de l’événement. Un défi pour l’historien : entre sphinx et
phénix, Paris, PUF, 2010, p. 241. Cf. Pierre Nora, « Le retour de l’événement » (1972), in
Jacques Le Goff, Pierre Nora (dir.), Faire de l’histoire, t. I : Nouveaux problèmes, Paris,
Gallimard, 1974, p. 226 sq.
7. Préfecture du Puy-de-Dôme, télégrammes au ministère de l’Intérieur, s. d., AD Puy-de-
Dôme 1100W16.
8. ENSBA, 28 mai, APP FB49 ; André Rouède, « La révolte des lycéens », Esprit, no 372, juin-
juillet, p. 1013 ; Jean Daniel, « Le grand chambardement », Le Nouvel Observateur, 22 mai
1968 ; Roland Cayrol, « La maison sans fenêtre », Tribune socialiste, no 374, 13 juin ;
Marcel Gabilly, « Attentisme », Le Figaro, 22 mai.
9. Cornelius Castoriadis, « La révolution anticipée », in Edgar Morin, Cornelius Castoriadis,
Claude Lefort, Mai 68. La Brèche (1968), rééd. Paris, Fayard, 2008, p. 129-132 et 146-148 ;
Tract de la FER, Besançon, s. d., BNF LB61-600(9060) ; AG des étudiants en lettres
modernes, Besançon, s. d., BNF LB61-600(9069) ; Anne Guérin, « Révolution ou
réparation ? », Les Temps modernes, no 266-267, août-septembre, p. 560.
10. Tract CFDT-CGT-FO-FEN Montbéliard-Audincourt, 25 mai, BNF LB61-600(9139) ; Jean
Daniel, « Le grand chambardement », Le Nouvel Observateur, 22 mai ; « Is It Too Late ? »,
The Economist, 1er juin.
11. Tract CFDT usine Jaeger de Caen, s. d., BNF LB61-600(8928) ; Syndicalisme. Magazine de
la CFDT, no 1191, 10 juin.
12. Jean Ferniot, 8 h 15. De de Gaulle à Pompidou, Paris, Plon, 1972, p. 18, 22, 29-31.
13. Claude Imbert, « L’affrontement », L’Express, 3 juin ; Jean-Marie Domenach, « L’ancien et
le nouveau », Esprit, no 372, juin-juillet, p. 1023-1026 ; Robert Tréno, « Ouf », Le Canard
enchaîné, 31 mai.
14. « Is It Too Late ? », art. cité.
15. Raymond Aron, La Révolution introuvable, op. cit., p. 33, 85, 134.
16. Jean Lacouture, « Pourquoi et depuis quand le drapeau noir », Le Monde, 5 juin 1968.
17. Mai 68. Notre lutte continue, s. d., BDIC F delta Rés 578 / 2.
18. FER, 24 mai, BNF LB61-600 (3810).
19. Louis Aragon, 10 juin, BNF LB61-600 (6948).
20. Centre d’information pour la révolution, s. d., BDIC F delta Rés 578 / 2.
21. Éric Fournier, La Commune n’est pas morte. Les usages politiques du passé, de 1871 à nos
jours, Paris, Libertalia, 2013.
22. Jacques Julliard, « Syndicalisme révolutionnaire et révolution étudiante », Esprit, no 372,
juin-juillet, p. 1037 ; Version sténographique des bandes magnétiques de RTL cité in
L’Insurrection étudiante. 2-13 mai 1968, op. cit., p. 347 ; André Sernin, Journal d’un
bourgeois de Paris, op. cit., p. 42 ; Mouvement du 22-Mars, Ce n’est qu’un début
continuons le combat, op. cit., p. 74.
23. « Camarades, la Commune n’est pas morte ! », écrivent les rédacteurs d’un tract pour un
mouvement révolutionnaire au lycée Rodin à Paris (s. d., BDIC F delta 861 / 2/1). Kristin
Ross parle de « vie après la mort de la Commune » (Kristin Ross, L’Imaginaire de la
Commune, op. cit., p. 13).
24. Préfecture de police, 3 juin, APP FB / 16* ; État-major des RG, 8 juin, APP FB / 17* ;
Préfecture de police, 10 juin, APP FB / 18* ; RG Saint-Étienne, 29 mai, AD Loire 650 VT
101* ; Tract, 22 juin, BNF LB61-600 (874).
25. La Base, s. d., BDIC F delta Rés 578 / 2 ; André Barjonet, La Révolution trahie de 1968,
op. cit., p. 42 ; « Pour l’abolition du statut des étrangers en France », s. d., BNF LB61-600
(4650).
26. La Commune, s. d., AN 78AJ33 ; Affiche, 1er juin, APP FB / 16* ; Action, no 4, 5 juin ; « De
sang froid », id., no 7, 11 juin ; Id., no 17, 25 juin.
27. Action, no 17, 25 juin.
28. Cité in Bernard Brillant, Les Clercs de 68, op. cit., p. 405.
29. André Glucksmann, Stratégie de la révolution, op. cit., p. 60.
30. Leslie Kaplan, « Mai 68 », art. cité, p. 138.
31. Commission « Luttes ouvrières », Assas, 22 mai, BNF LB61-600 (209) ; Mouvement du 22-
Mars, Ce n’est qu’un début continuons le combat, op. cit., p. 72.
32. Xavier Vigna, « La CGT et les grèves ouvrières en mai-juin 1968 : une opération paradoxale
de stabilisation », art. cité, p. 199.
33. CGT, Syndicat des travailleurs horaires Renault, 3 juillet, BNF LB61-600 (8175) ; Id.,
30 septembre, BNF LB61-600 (8184).
34. Appel des ouvriers de Sud-Aviation, 3 juin, BNF LB61-600 (8323) ; Tract du comité
d’action de la faculté de Besançon, 1er juin, BNF LB 61600-(9080) ; Tract de l’Union locale
CNT de Marseille, s. d. [20 mai ?], BNF LB61-600(8809 et 8810) ; Action, no 3, 21 mai.
35. Xavier Vigna, « Le crible de la mémoire : usage du passé dans les luttes ouvrières des
années 68 », in Marilyne Crivello, Patrick Garcia, Nicolas Offenstadt (dir.), Concurrence
des passés. Usages politiques du passé dans la France contemporaine, Aix-en-Provence,
Publications de l’université de Provence, 2006, p. 149.
36. Voix ouvrière, 26 février, BNF LB61-600 (7514).
37. Comités Vietnam de base, s. d. [février], BNF LB61-600 (4596).
38. « Le bureau national de l’UNEF aux organisations syndicales », s. d., APP FB 49 ; Tract,
« Une ex-gaulliste “enragée” », s. d., BNF LB61-600 (7396).
39. Le Monde, 24 mai, cité par Michelle Zancarini-Fournel, « L’épicentre », art. cité, p. 246.
40. UEC de Strasbourg, 23 mai, BDIC F delta 1061(9)-I.
41. « Divergences dans les associations d’anciens combattants », Le Monde, 31 mai ; CDR
Caen, 18 juin, BNF LB61-600(8926) ; Tract des jeunes du CDR, Dijon, 15 mai, BNF LB61-
600(9080) ; Jacques Perret, Inquiète Sorbonne, Paris, Hachette, 1968, p. 643.
42. Zoom, 14 mai, op. cit., 08’ 50” ; Collectif ARC, CA 13, juin, 27’ 00” ; CAL, « Mobilisation
générale », s. d. [4 mai ?], BDIC GF delta 113 / 1 ; Tract SNESup et UNEF, Marseille,
11 mai, BNF LB61-600(8813) ; Union locale CGT du 15e arrondissement, 13 mai, BNF
LB61-600 (5733) ; SNESup, s. d. [11 mai ?], BNF LB61-600 (5777) ; CFDT Vendée,
« Liberté liberté chérie… », s. d. [début juin], CDHMOT Vendée.
43. Nicolas Hatzfeld, Cédric Lomba, « La grève de Rhodiaceta en 1967 », art. cité, p. 107-108 ;
RG Meuse, 14 mai, AD Meuse 1251W2660* ; Jean-Philippe Talbo, La Grève à Flins, Paris,
Maspero, 1968, p. 57-58 ; Jean-Paul Sartre, « Les bastilles de Raymond Aron », Le Nouvel
Observateur, 19 juin.
44. Johann Gustav Droysen, Geschichte der preussischen Politik (1855), cité in Reinhart
Koselleck, « Geschichte » (1975), trad. fr. « Le concept d’histoire » in id., L’Expérience de
l’histoire, Paris, Gallimard-Seuil, 1997, p. 97.
45. Jean Ferniot, 8 h 15. De de Gaulle à Pompidou, op. cit., p. 29.
46. Xavier Vigna, L’Insubordination ouvrière, op. cit., p. 35.
47. Note des RG, 3 juin, APP FB / 16* ; Collectif ARC, CA 13, juin, 14’ 36”.
48. Motion de l’AG de la faculté des lettres de Caen, 13 juin, BNF LB61-600(8948) ; Jacques-
Arnaud Penent, « Le retour des bâtons », Combat, 18 juin ; Mai-juin 1968. Directives
d’action, 1968, Fonds Fondation nationale des sciences politiques, BR 4o 274(8), p. 14.
49. Cité in André Barjonet, La Révolution trahie, op. cit., p. 40 ; Intervention au Comité central
des 8 et 9 juillet, AD Seine-Saint-Denis, 261J244 ; René Andrieu, Les Communistes et la
révolution, Paris, Julliard, UGE, 1968, p. 103 ; Guy Besse, « Marxisme et jeunesse »,
France Nouvelle, 15 octobre 1969, Robert Tréno, « Ouf », art. cité.
50. Tract s. d. [août ?], BNF LB61-600(9153) ; Comités d’action Sorbonne, Vincennes,
Nanterre, Après Mai 1968, les plans de la bourgeoisie et du mouvement révolutionnaire,
Paris, Maspero, 1969, p. 21.
51. Max Horkheimer, texte paru dans Zeitschrift für Sozialforschung, 1934, cité in Michael
Löwy, Walter Benjamin : avertissement d’incendie. Une lecture des thèses « Sur le concept
d’histoire », Paris, PUF, 2001, p. 36-37.
52. Alain Schnapp, Pierre Vidal-Naquet, Journal de la commune étudiante, op. cit., p. 46.
Quatrième partie
Changer la vie
Projets et futurs imaginés
CHAPITRE XII
DEMANDER LE POSSIBLE. PRATIQUES DE LA CRITIQUE
ET IMAGINATION POLITIQUE
1. Cf. Roberto Frega, Pragmatist Epistemologies, Lexington, Lanham, 2011 ; Id., « The
Normative Structure of Ordinary », European Journal of Pragmatism and American
Philosophy, 7 (1), p. 54-76 ; Id., « Qu’est-ce qu’une pratique ? », in Francis Chateaureynaud
et Yves Cohen (dir.), Histoires pragmatiques, Paris, Éditions de l’EHESS, 2016, p. 321-347.
2. Luc Boltanski, De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation, Paris, Gallimard,
2009, p. 48-56.
3. Yannick Barthe et Cyril Lemieux, « Quelle critique après Bourdieu ? », Mouvements, no 24,
2002 / 5, p. 36.
4. Bernard Brillant, Les Clercs de 68, op. cit., p. 262 et 300.
5. L’Épi, journal du lycée Claude-Fauriel de Saint-Étienne, no 1, s. d., AD Loire 608W1.
6. Beaux-Arts Rennes, 10 mai, BNF LB61-600 (9289) ; ENSBA, 17 mai, APP FB / 50.
7. Antoine de Baecque, « L’Odéon et la révolution », art. cité, p. 217 ; Pascale Goetschel,
Renouveau et décentralisation du théâtre, op. cit., p. 361 ; Id., « Mai 68 au théâtre :
affirmation d’une identité professionnelle singulière et plurielle », art. cité, p. 282-283 ;
Marie-Ange Rauch, Le Théâtre en France en 1968, op. cit. ; Emmanuelle Loyer, « 1968,
l’an I du tout culturel ? », L’Ombre portée de Mai 68, numéro de Vingtième Siècle. Revue
d’histoire, no 98, 2008 / 2, p. 104 sq. ; Sébastien Layerle, Caméras en lutte en Mai 68, Paris,
Nouveau Monde Éditions, 2008 ; Sonia Bruneau, Les Cinéastes insurgés en Mai 68 : des
hommes et des films pris dans l’événement. Éléments pour une socio-histoire des États
généraux du cinéma (1956-1998), université de Paris-III, 2008.
8. Comité d’action du cinéma libre, s. d., BNF LB61-600 (2909) ; Comité d’action cinéma,
faculté de Censier, 30 mai, BNF LB61-600 (2912).
9. Comité d’action de la danse, s. d., BNF LB61-600 (2819) ; Danse, réunion au Petit-Odéon,
28 mai, BNF LB61-600 (2821) ; Avant-projet de réforme de l’enseignement de la danse,
23 juin, BNF LB61-600 (2826).
10. Jean-Louis Violeau, Les Architectes et Mai 68, Paris, Éditions Recherche, 2005, notamment
p. 88-91.
11. École d’architecture de Marseille, 26 mai, APP FB / 50 ; ENSBA, 18 mai, BNF LB61-600
(3162).
12. Rapport de la commission « Déféodalisation » de l’architecture, 20 mai, BNF LB61-600
(3184-3185).
13. « Non aux bidonvilles. Non aux villes-bidons », s. d. [juin], BDIC F delta 813 / 7 ;
Confédération nationale des Associations populaires familiales, 21 mai, AD Nord
1008W17 / 6* ; « Suggestion faite par l’architecte des Bâtiments de France (fonctionnaire
salarié) de Saône-et-Loire », s. d., APP FB / 50.
14. Assemblée générale des sous-commissions du musée de l’Homme, 22 mai, BNF LB61-600
(2712) ; Propositions immédiates et pratiques pour l’animation du musée de l’Homme,
18 juin, BNF LB61-600 (2743) ; Musée de l’Homme, rapport de la sous-commission 3
(Enseignement), 23 mai, BNF LB61-600 (2738).
15. Emmanuelle Loyer, « Les nuits blanches de l’Odéon », art. cité, p. 198 ; Pascale Goetschel,
« Mai 68 au théâtre : affirmation d’une identité professionnelle singulière et plurielle »,
art. cité, p. 283 ; Robert Mencherini, « Marseille, la longue durée et les Belles de Mai », in
Bruno Benoit, Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles Vergnon (dir.), À
chacun son Mai ?, op. cit., p. 116-117 ; RG PACA, 14 juin, AD Bouches-du-Rhône
135W350* ; RG Vienne, 30 mai, AD Vienne 1939W5* ; MJC de Palaiseau, s. d., BNF
LB61-600 (8060) ; RG, 8 juin, APP FB17*.
16. Razmig Keucheyan, Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques,
Paris, La Découverte, 2013, p. 9.
17. Michel Foucault, « Qu’est-ce que la critique ? », 27 mai 1978, in Qu’est-ce que la critique ?,
Paris, Vrin, 2015, p. 39.
18. « Des chercheurs en sciences sociales dénoncent l’utilisation frauduleuse des sondages
d’opinion », s. d. [6 juin], BDIC F delta 813 / 7.
19. Affiche, s. d., AD Calvados 1520W138*.
20. Éric Lagneau et Sandrine Lévêque, « Les journalistes dans la tourmente », in Dominique
Damamme, Boris Gobille, Frédérique Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-Juin 68, op. cit.,
p. 361 ; Béatrice Donzelle, « France Inter en Mai 68, trois regards sur les événements », in
Christian Delporte, Denis Maréchal, Caroline Moine, Isabelle Veyrat-Masson (dir.), Images
et sons de Mai 68, op. cit., p. 15.
21. « L’ORTF en grève », s. d., BDIC F delta 1061(9)-I ; Circulaire de l’Union régionale
parisienne CFDT, 7 juin, BDIC F delta 813 / 7 ; Intersyndicale de l’ORTF, juin, AD
Charente-Maritime 181AJ195. La Caméra explore le temps est une série créée par Stellio
Lorenzi, André Castelot et Alain Decaux, qui a cessé d’être diffusée en mars 1966. Cf. Jean-
Pierre Filiu, Mai 68 à l’ORTF. Une radio-télévision en résistance, Paris, Nouveau Monde
Éditions, 2008.
22. Michel Foucault, « Le souci de la vérité » (1984), repris in Dits et Écrits, t. IV, op. cit.,
p. 734.
23. Tract faculté de médecine de Paris, s. d. [début juin], BNF LB61-600 (865) ; Faculté de
médecine de Paris, s. d., BNF LB61-600 (891) ; Comité de synthèse des étudiants en
médecine de Paris, Livre blanc de la réforme, 1968, AD Vienne 1558W18.
24. Service de cardiologie à l’hôpital Broussais, 17 mai, intervention du docteur Z., cité in Alain
Schnapp, Pierre Vidal-Naquet, Journal de la commune étudiante, op. cit., p. 659-663 ; Alain
Zweibaum, « L’affaire Soulié », Le Nouvel Observateur, 26 août ; « Mort et résurrection
d’un mandarin. Le cas du professeur Pierre Soulié », Esprit, décembre, p. 772.
25. Relation des événements survenus au Conseil national [de l’ordre des médecins], 22 mai,
AN 78AJ37 / 5.
26. « Médecine ouvre ses portes », 29 juin, BNF LB61-600 (880) ; La Voix du Nord, 31 mai ;
Comité de synthèse des étudiants en médecine de Paris, Livre blanc de la réforme, 1968, AD
Vienne 1558W18 ; Faculté de médecine de Paris, mai, BDIC F delta 861 / 2/1 ; Christian
Chevandier, « L’hôpital à la poursuite de son mois de Mai », in Bruno Benoit, Christian
Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles Vergnon (dir.), À chacun son Mai ?,
op. cit., p. 183-185.
27. « Tarbes : pour la première fois, des “blouses blanches” dans la rue », La Dépêche du Midi,
15 mai ; Syndicat départemental des médecins de la Vendée, 28 mai, CDHMOT Vendée ;
CFDT Vendée, s. d., ibid. ; Syndicat professionnel des masseurs kinésithérapeutes du Nord,
24 mai, AD Nord 1008W17 / 6* ; Conclusions des séances de travail des 17 et 18 mai,
faculté de médecine, BNF LB61-600 (627) ; Texte du comité d’action des étudiants en
kinésithérapie de Paris, 17 mai, BNF LB61-600 (646).
28. Syndicat national des psychologues praticiens diplômés, au ministre des Affaires sociales,
Lille, 29 mai, AD Nord 1008W 17/6 ; Psychologie, Censier, 20 mai, BNF LB61-600 (918) ;
Journal d’information de la faculté de médecine de Paris, 14 juin, AN 78AJ34.
29. Strasbourg, Université critique et populaire, juin, BDIC F delta 1061(9)-I ; ESU section
« Médecine », s. d., BNF LB61-600 (3769).
30. HEC, s. d., BNF LB61-600 (2894) ; Projet de création d’un enseignement des sciences
sociales à HEC, s. d., BNF LB61-600 (2888) ; Projet remanié d’enseignement à l’École
centrale, 7 juin, BNF LB61-600 (2888) ; Commissions inter-écoles de Nancy, 31 mai, AD
Loire-Atlantique 171J16.
31. Assises nationales des facultés des sciences, Clermont-Ferrand, 8-10 juin, BDIC F delta
1061(9)-I ; Comité d’action révolutionnaire, Nanterre, 3 juin, BNF LB61-600 (1180) ;
Nanterre, 11 juin, BNF LB61-600 (1202).
32. MAU, 26 avril, BNF LB61-600 (3850) ; Jacques Ozouf, « Passeront-ils les examens ? », Le
Nouvel Observateur, no 184, 22 au 28 mai ; Boris Gobille, « L’événement 68 », art. cité,
p. 331.
33. Nantes, compte rendu de la commission sur le rôle de l’université, s. d., AD Loire-
Atlantique 171J16 ; AG des étudiants et enseignants des sections de psychologie,
philosophie, sociologie de la faculté des lettres et sciences humaines de Montpellier, 9 mai,
BNF LB61-600 (9273) ; « Vive la révolte des étudiants de Paris », 7 mai, AD Rhône
2690W1 ; Dany Cohn-Bendit, Jean-Pierre Duteuil, Bertrand Gérard, Bernard Granautier,
« Pourquoi des sociologues », art. cité.
34. Nantes, commission « Rôle de l’université », s. d., AD Loire-Atlantique 171J16 ;
Strasbourg, commission pédagogique, 5 juin, BDIC F delta 1061(9)-I ; Faculté d’Orsay,
7 juin, BNF LB61-600 (2161) ; Id., 22 mai, BNF LB61-600 (2176).
35. Cf. Robi Morder, « Grèves et mouvements lycéens », in Philippe Artières, Michelle
Zancarini-Fournel (dir.), 68. Une histoire collective, op. cit., p. 386. Les différents courants
du trotskisme y sont très investis, comme en témoignent les rôles respectifs que jouent
Maurice Najman et Michel Recanati (cf. Bernard Brillant, Les Clercs de 68, op. cit., p. 181).
RG Corse, 20 mai, AD Bouches-du-Rhône 135W350* ; Charles Spinasse, maire d’Égletons,
lettre au préfet de Corrèze, 13 mai, AD Corrèze 1540W364 ; Lycée Jules-Verne de Nantes,
28 mai, AD Loire-Atlantique 203J7 ; CAL de Mignet, mai, AD Bouches-du-Rhône
135W351* ; Lycées Louis-Barthou, Marguerite-de-Navarre, Saint-Cricq, Nay et Écoles
normales de Pau, AD Rhône 2690W2 ; Cahier de doléances du lycée Simone -Weil de
Saint-Étienne, mai-juin, AD Loire 608W1.
36. « Débats constructifs des lycéens », L’Est républicain, 30 mai ; CAL Decour, s. d., BDIC
GF delta 113 / 1 ; CAL Saint-Sernin, s. d., BNF LB61-600 (9233) ; Strasbourg, comité de
liaison lycéen pour la continuation de la lutte, 7 juin, BDIC F delta 1061(9)-I ; Comité
d’action des lycéens de Saint-Nazaire, s. d., AD Loire-Atlantique 355W216.
37. « Un face à face passionnant et constructif », L’Est républicain, 29 mai ; « Atmosphère
bouillonnante au lycée Claude-Gelée », L’Est républicain, 22 mai ; RG Ardennes, 4 juin,
AD Ardennes 1695W397 ; RG Boulogne-sur-Mer, 11 mai, AD Pas-de-Calais 1183W207* ;
Jean Vavasseur-Desperriers, « Béthune et sa région en Mai 68 », in Bruno Benoit, Christian
Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard, Gilles Vergnon (dir.), À chacun son Mai ?,
op. cit., p. 132 ; Le comité de grève élu du CET de Bel-Ombre, 18 mai, AD Puy-de-Dôme
106J13 ; Tract s. d., AD Rhône 2690W1.
38. Leslie Kaplan, « Mai 68 », art. cité, p. 143.
39. Denis Pelletier, « Une gauche sans domicile fixe », in Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel
(dir.), À la gauche du Christ. Les chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours, Paris,
Seuil, 2012, p. 18-35 ; Frédéric Gugelot, « Intellectuels chrétiens entre marxisme et
évangélisme », in ibid., p. 183-185 ; Jérôme Bocquet, « Un dreyfusisme chrétien pendant la
guerre d’Algérie », in ibid., p. 186-213 ; Jean-Louis Schlegel, « Changer l’Église en
changeant la politique », in ibid., p. 216 et 220 ; Julie Pagis, Mai 68, un pavé dans leur
histoire, op. cit., p. 46-49 ; Hervé Serry, « Église catholique, autorité ecclésiale et politique
dans les années 1960 », in Dominique Damamme, Boris Gobille, Frédérique Matonti,
Bernard Pudal (dir.), Mai-Juin 68, op. cit., p. 49 ; Grégory Barrau, Le Mai 68 des
catholiques, Paris, Éditions de l’Atelier-Éditions Ouvrières, 1998 ; Denis Pelletier, La Crise
catholique : religion, société, politique en France (1965-1978), Paris, Payot, 2002.
40. Déclaration de l’Action catholique ouvrière le 20 mai, AD Meuse 1251W2660* ; Reims-
Ardennes, Hebdomadaire du diocèse de Reims, 2 juin, AD Ardennes 1695W397 ; RG
Toulouse, 15 mai, AD Haute-Garonne 5681W12* ; Préfecture du Calvados, 19 juin, AD
Calvados 1520W138* ; Réunion du groupe de liaison et d’information régional sur l’activité
des mouvements révolutionnaires, Poitiers, 22 juillet, AD Vienne 2851W80* ; RG Vienne,
8 juillet, AD Vienne 1939W4* ; RG Loire, 12 septembre, AD Loire 650 VT 103* ; RG
Ardennes, 23 mai, AD Ardennes 1695W397* ; Les prêtres du secteur de Chantenay, Nantes,
s. d., CHT Nantes, Fonds 1968, 6-21 ; Des prêtres de la région parisienne, s. d., ANMT
Roubaix, Fonds Maurice-Badiche, 2007 071 053.
41. RG Vosges, 27 mai, AD Vosges 1998W157 ; RG Bar-le-Duc, 23 mai, AD Meuse
1251W2660*.
42. Christian Bougeard, « Le moment 1968 en Bretagne », art. cité, p. 35 ; Lettre de l’évêque de
Nantes Michel Vial, 26 mai, CHT Nantes, Fonds 1968, 6-21 ; Hervé Serry, « Église
catholique, autorité ecclésiale et politique dans les années 1960 », art. cité, p. 56.
43. Faculté de théologie, 31 mai, BNF LB61-600 (3411) ; Boris Gobille, « La vocation
d’hétérodoxie », Boris Gobille, « La vocation d’hétérodoxie », in Dominique Damamme,
Boris Gobille, Frédérique Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-Juin 68, op. cit., p. 277 pour la
« décléricalisation » ; Yann Raison du Cleuziou, « À la fois prêts et surpris : les chrétiens en
Mai 68 », in Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel, À la gauche du Christ, op. cit., p. 243.
44. Des catholiques nazairiens, juillet, AD Loire-Atlantique 1194W89*.
45. Georges Montaron, « Chrétiens dans la révolution », Témoignage chrétien, 6 juin.
46. Sabine Rousseau, Françoise Vandermeersch. L’émancipation d’une religieuse, Paris,
Khartala, 2013, p. 66-73 ; Yann Raison du Cleuziou, « À la fois prêts et surpris : les
chrétiens en Mai 68 », art. cité, p. 238-240.
47. Michel Blaise, Xavier Carrard, Hervé Chaigne, Raymond Domergue, Bertrand Duclos, Guy
Lassartesses, Maurice Mainhagu, Francis Arion, René Marty, Yves Peyrou, Odile Touzet,
Michel Touzet, « Des étudiants de Mai aux urnes de Juin », Frères du Monde, juin, AD
Charente-Maritime Fonds Jean-Paul Salles 176AJ1.
48. Michel Leiris, Journal 1922-1989, Paris, Gallimard, 1992, p. 627 (31 août) ; Faculté de
médecine de Paris, papillons et affiches manuscrites, s. d., BNF LB61-600 (908).
CHAPITRE XIII
CHANGER DE BASE. CHANGER DE BASE. AUTONOMIE,
AUTOGESTION ET ÉMANCIPATION
CHAPITRE XIV
LE ROUGE ET LE NOIR. QUELQUES IMAGINAIRES
RÉVOLUTIONNAIRES
Conclusion
Par-delà le rire et l’oubli
1. Milan Kundera, Kniha smichu a zapomnéni (1978), trad. fr. Le Livre du rire et de l’oubli,
Paris, Gallimard, 1998, p. 147.
2. Maurice Druon, L’Avenir en désarroi, op. cit., p. 15 ; Michel Albert cité par Claire Sécail in
« Mai 68 en procès à la télévision… », art. cité, p. 374.
3. Michel de Certeau, La Prise de parole et autres écrits politiques, op. cit., p. 51.
4. Témoignage de Lucien L., cité in Cercle Barbara Salutati, Longtemps je me suis souvenu de
Mai 68, op. cit., p. 66 ; Confédération générale des aveugles, sourds, grands infirmes et
personnes âgées, s. d., APP FB / 10* ; « Grève de solidarité dans un tissage vosgien », L’Est
républicain, 30 mai ; Librairie Pierre Voisin, lettre au préfet, 14 octobre, APP FB / 29* ;
Rapport commissariat de police du 5e arrondissement, 8 juin, APP FB / 17* ; « Nous
voulons être augmentés », La Tribune-Le Progrès, 22 juin ; Lettre de Monsieur B. au préfet,
6 juin, AD Ille-et-Vilaine 510W113* ; Établissements R. P. Saint-Nazaire, AD Loire-
Atlantique 1194W89* ; Motion des élèves du lycée de Céret au recteur, 20 mai, AD
Pyrénées-Orientales 1J815.
5. État-major des RG, 8 juin, APP FB / 17* ; André Sernin, Journal d’un bourgeois de Paris,
op. cit., p. 33 ; Direction générale de la police municipale, 8 juin, APP FB / 17* ; RG
Rennes, 22 mai, AD Ille-et-Vilaine 510W113 ; Commandement régional de la gendarmerie
nationale, Finistère, Fiche de renseignements, AD Ille-et-Vilaine 510W122*.
6. Lettre à l’Union des écrivains, 26 janvier 1969, citée par Boris Gobille, « Être écrivain en
Mai 68. Quelques cas d’“écrivains d’aspiration” », Sociétés & Représentations, no 11,
2001 / 1, p. 466 ; Témoignage de Suzanne cité in Nicolas Daum, Mai 68 raconté par des
anonymes, op. cit., p. 37-38 ; Témoignage de Chantal Cambronne-Desvignes in Filles de
Mai, op. cit., p. 131 ; Jacques Guilhaumou, avec la collaboration de Thomas Stehlin,
Cartographier la nostalgie. L’utopie concrète de Mai 68, Besançon, Presses universitaires
de Franche-Comté, 2013, p. 106.
7. Victor Hugo, Tas de pierres, IV, 1862, cité in Alain Rey, « Révolution ». Histoire d’un mot,
op. cit., p. 208. « L’avenir dure longtemps » est le titre que Louis Althusser donna à son
autobiographie (édition originale chez Stock en 1992, réédition par Flammarion en 2013).
8. Julie Pagis, Mai 68, un pavé dans leur histoire, op. cit., p. 120-135, 167-169, 178 et 253.
9. Karl Marx, The Civil War in France : Address of the General Council of the Inter-national
Working-Men’s Association, trad. fr. La Guerre civile en France. Adresse du conseil général
de l’Association internationale des travailleurs (juin 1871) ; Cf. Kristin Ross, L’Imaginaire
de la Commune, op. cit., p. 17 et 64.
10. Marcel Proust, Sur la lecture (1906), cité in Gérard Noiriel, Penser avec, penser contre.
Itinéraire d’un historien, Paris, Belin, 2003, p. 21.
11. Cornelius Castoriadis, « La révolution anticipée », art. cité ; Daniel Bensaïd, Henri Weber,
Mai 1968 : une répétition générale, Paris, Maspero, 1968 ; Daniel et Gabriel Cohn-Bendit,
Le Gauchisme. Remède à la maladie sénile du communisme, op. cit., p. 128 ; Alain
Touraine, Le Communisme utopique, op. cit., p. 53.
Sources
Archives
Bibliothèque nationale de France (BNF), Paris
Fonds LB61-600 : tracts et documents 1968. Ce fonds comporte 10 000 pièces ;
il a été dépouillé de manière systématique.
Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC),
Nanterre
BDIC F delta 813 / 7 : Mouvement étudiant, Nanterre.
BDIC F delta 813 / 8 : Universités populaires.
BDIC F delta 137 Rés / 1968 : Parti communiste internationaliste en 1968.
BDIC 4 delta 191 Rés : Comité d’action de la rue Raymond-Losserand.
BDIC GF delta 113 / 1 : Comités d’action lycéens.
BDIC F delta 298 : Comités d’action, mouvements divers, appels circulaires.
BDIC F delta Rés 578 : Cahiers de mai.
BDIC F delta 861 : Fonds Jacques-Delarue, photos et tracts.
BDIC F delta 1061(9) : Mai 68 à Strasbourg et dans d’autres villes.
BDIC F delta 861 : Documents divers sur mai-juin 1968 en France.
BDIC F delta 62 Rés : Mouvements opposés au mouvement de mai-juin 1968.
BDIC F delta 1061(6) : Mai 68 à Lille.
BDIC F delta 2177 : Jeunesse communiste révolutionnaire.
Archives nationales (AN), Pierrefitte-sur-Seine
AG5(1)* : Fonds Charles de Gaulle président de la République.
AN 97 AJ : Papiers Christian Fouchet.
AN 581AP : Fonds PSU.
AN 78AJ : Tracts, journaux et brochures.
Archives de la préfecture de police de Paris
La sous-série FB a été entièrement consultée.
Les cotes FB 1 à 15 sont les dossiers journaliers du mois de mai ; les cotes FB 16
à 27, ceux de juin. Ils comprennent pour chaque journée :
– les instructions ;
– les effectifs, matériels, plans et notes de circulation ;
– les notes des RG ;
– les informations et renseignements locaux ;
– les rapports du directeur général, des sous-directeurs et des commissaires de
police ;
– des comptes rendus divers ;
– les mains courantes ;
– des notes manuscrites ;
– les interpellations et conduites aux postes ;
– des tracts et affiches.
Ont été aussi consultées les cotes :
FB 29* : opérations spéciales au Quartier latin, relations avec la police
judiciaire, état des violences caractérisées, réclamations contre le personnel,
déprédations, rapports d’activité de la police municipale.
FB 32* : Rapports sur les événements de la Sorbonne.
FB 35 à 44 : Coupures de presse.
FB 45 à 48 : Dépêches de l’AFP.
FB 49 à 51 : Tracts et brochures.
Archives départementales
Les archives des préfets, cabinets préfectoraux et Renseignements généraux ont
été systématiquement dépouillées dans les centres d’archives
départementales suivants :
Ardennes (Charleville-Mézières).
Bouches-du-Rhône (Marseille).
Calvados (Caen).
Charente-Maritime (La Rochelle).
Creuse (Guéret).
Corrèze (Tulle).
Haute-Garonne (Toulouse).
Haute-Vienne (Limoges).
Ille-et-Vilaine (Rennes).
Jura (Lons-le-Saunier).
Loire (Saint-Étienne).
Loire-Atlantique (Nantes).
Loiret (Orléans).
Meurthe-et-Moselle (Nancy).
Meuse (Bar-le-Duc).
Nord (Lille).
Pas-de-Calais (Arras).
Puy-de-Dôme (Clermont-Ferrand).
Pyrénées-Orientales (Perpignan).
Rhône (Lyon).
Seine-Maritime (Rouen).
Seine-Saint-Denis (Saint-Denis).
Vienne (Poitiers).
Vosges (Épinal).
Yonne (Auxerre).
Archives nationales du monde du travail (ANMT), Roubaix
Fonds Maurice-Badiche, cadre et militant CGT chez Renault.
Fonds Boussac.
Fonds CGT des Métaux de Marquette.
Fonds Charbonnages de France.
Fonds Conseil national du patronat français.
Fonds Eugène-Descamps, secrétaire confédéral CFDT.
Fonds La Lainière de Roubaix.
Fonds Prêtres ouvriers insoumis.
Fonds Syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens de l’usine Renault-
Billancourt.
Fonds Union régionale interprofessionnelle CFDT Nord Pas-de-Calais.
Autres fonds privés
Fonds Jean-Baboux (tracts, imprimés, mouvement ouvrier, mouvement
étudiant), AD Loire-Atlantique.
Fonds François-Forestier (faculté de Nantes), AD Loire-Atlantique.
Fonds Chevalier (journaux, tracts, bulletins), AD Ille-et-Vilaine.
Fonds Jacques-Thouroude (comptes rendus de réunions, bulletins…), AD Ille-et-
Vilaine.
Fonds Georgevail (mouvement étudiant lyonnais), AD Rhône.
Fonds Thérèse-Bouchez (médecine, Lille), AD Nord.
Fonds Madeleine-Baudoin (tracts et affiches), AD Bouches-du-Rhône.
Fonds Tanguy (1968 à Rouen), AD Seine-Maritime.
Fonds Patrick-Kessel (UJCml), Maison des sciences de l’homme de Dijon.
Centre d’histoire du travail (Nantes)
Fonds mai-juin 1968 (tracts, communiqués, circulaires, sketches, photos…).
Centre de documentation du Mouvement ouvrier et du travail en Vendée
(La Roche-sur-Yon)
Fonds CFDT
Fonds 1968
Films et émissions
À bientôt, j’espère, de Chris Marker et Mario Marret, Production Slon et Iskra,
1968.
CA 13, comité d’action du treizième, Collectif ARC, 1968.
Ce n’est qu’un début, de Michel Andrieu, Jacques Kébadian et Renan Pollès,
production ARC (Atelier de recherche cinématographique), 1968.
Cinétracts, 1968, BNF NUMAV-46342.
Citroën-Nanterre mai-juin 1968, chronique d’une grève, de Guy Devart et
Édouard Hayem, Les Productions de la Lanterne, 1968.
Le Droit à la parole, de Michel Andrieu et Jacques Kébadian, Collectif ARC,
1968.
Et maintenant, Fédération des Bouches-du-Rhône du PCF, 1968, BNF
NUMAV-45929.
Grands soirs et petits matins (« Extraits d’un film qui aurait pu exister »), de
William Klein, Films Paris-New York, 1968.
Le Joli Mois de mai, de Jean-Denis Bollan et Renan Pollès, production ARC,
1968.
Classe de lutte, du Groupe Medvedkine, SLON-Iskra, 1969.
Mai 68 im Elsass, d’Arnaud Gobin et Hubert Schilling, coproduction Ère
Production et France 3 Alsace, 2008.
Nantes Sud-Aviation, de Michel Andrieu et Pierre-William Glenn, Collectif
ARC, 1968.
Oser lutter, oser vaincre, de Jean-Pierre Thorn, production Groupe Cinéma
Ligne Rouge, distribution Les Productions de la Lanterne, 1968.
La Reprise du travail aux usines Wonder, de Pierre Bonneau, Liane Estiez-
Willemont, Jacques Willemont, production et diffusion Iskra, 1968.
Reprise, d’Hervé Le Roux, production Les Films d’ici, 1996.
Un si joli mois de mai, de Bertrand Delais, coproduction France 3 Normandie-
Beau comme une image, 2008.
Zoom, émission du 14 mai 1968, de Jean-Paul Thomas, réalisation Alain de
Sédouy et André Harris, reportage de Guy Demoy, BNF NUMAV-41563.
Récits et témoignages
Raymond ARON, La Révolution introuvable. Réflexions sur la révolution de mai,
Paris, Fayard, 1968.
Édouard BALLADUR, L’Arbre de Mai, Paris, L’Atelier Marcel Jullian, 1979.
André BARJONET, La Révolution trahie de 1968, Paris, Les éditions John Didier,
1968.
Jacques BAYNAC, Mai retrouvé, Paris, Robert Laffont, 1978.
Dino BELHOCINE, Hier à la Cello. Mémoires de mai dans une usine de Bezons,
Bezons, Éditions du Souvenir, 2009.
Daniel BENSAÏD, Henri WEBER, Mai 1968 : une répétition générale, Paris,
Maspero, 1968.
Julien BESANÇON, Journal mural, Paris, Tchou, 1968.
Maurice BLANCHOT, La Communauté inavouable, Paris, Minuit, 1983.
CERCLE BARBARA SALUTATI, Longtemps je me suis souvenu de Mai 68,
Bordeaux, Le Castor astral, 2002.
Michel DE CERTEAU, La Prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Seuil,
1994.
Daniel et Gabriel COHN-BENDIT, Le Gauchisme. Remède à la maladie sénile du
communisme, Paris, Seuil, 1968.
COLLECTIF CLÉON, Notre arme, c’est la grève, Paris, Maspero, 1968.
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2008.
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1975.
Maurice DRUON, L’Avenir en désarroi, Paris, Plon, 1968.
Jacques DUCLOS, Anarchistes d’hier et d’aujourd’hui. Comment le gauchisme
fait le jeu de la réaction, Paris, Éditions sociales, 1968.
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und die Radikalität des Friedens (1980), Berlin, Wagenbach, 1991.
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Bibliographie
AD : Archives départementales.
AGE : Association générale des étudiants.
AN : Archives nationales.
ANMT : Archives nationales du monde du travail.
APP : Archives de la préfecture de police de Paris.
BDIC : Bibliothèque de documentation internationale contemporaine.
BNF : Bibliothèque nationale de France.
CAL : Comités d’action lycéens.
CDHMOT : Centre de documentation sur l’histoire du mouvement ouvrier et du
travail.
CDJA : Centre départemental des jeunes agriculteurs.
CDR : Comités de défense de la République.
CELU : Comité des étudiants pour les libertés universitaires.
CFDT : Confédération française démocratique du travail.
CFT : Confédération française du travail.
CFTC : Confédération française des travailleurs chrétiens.
CGT : Confédération générale du travail.
CHT : Centre d’histoire du travail.
CNPF : Conseil national du patronat français.
CRS : Compagnies républicaines de sécurité.
CVB : Comités Vietnam de base.
CVN : Comité Vietnam national.
DST : Direction de la surveillance du territoire.
ENSBA : École nationale supérieure des beaux-arts.
ESU : Étudiants socialistes unifiés.
FDSEA : Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles.
FEN : Fédération de l’Éducation nationale.
FER : Fédération des étudiants révolutionnaires.
FERU : Front des étudiants pour la rénovation de l’Université.
FGDS : Fédération de la gauche démocrate et socialiste.
FNEF : Fédération nationale des étudiants de France.
FNEL : Fédération nationale des étudiants et lycéens.
FNSEA : Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
FO : Force ouvrière.
JCR : Jeunesse communiste révolutionnaire.
JEC : Jeunesse étudiante chrétienne.
JOC : Jeunesse ouvrière chrétienne.
MAU : Mouvement d’action universitaire.
MODEL : Mouvement d’organisation des étudiants pour la liberté.
MUR : Mouvement universitaire pour la réforme.
OAS : Organisation de l’armée secrète.
OLAS : Organisation latino-américaine de solidarité.
OP : Ouvrier professionnel.
OS : Ouvrier spécialisé.
PCF : Parti communiste français.
PSU : Parti socialiste unifié.
RG : Renseignements généraux.
RNUR : Régie nationale des usines Renault.
RPF : Rassemblement du peuple français.
SAC : Service d’action civique.
SDS : Sozialistischer Deutscher Studentenbund.
SFIO : Section française de l’Internationale ouvrière.
SMIG : Salaire minimum interprofessionnel garanti.
SNESup : Syndicat national de l’enseignement supérieur.
SPD : Sozialdemokratische Partei Deutschlands.
UD Ve : Union des démocrates pour la Ve République.
UDR : Union pour la défense de la République.
UEC : Union des étudiants communistes.
UJCF : Union de la jeunesse communiste de France.
UJCml : Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes.
UJFF : Union des jeunes filles de France.
UJP : Union des jeunes pour le progrès.
UNEF : Union nationale des étudiants de France.
UNR : Union pour la nouvelle République.
Index
Adorno, Theodor W.
Albert, Michel
Alcouffe, Alain
Alvarez, Santiago
Andersen, Hans Christian
Andrieu, Michel
Andrieu, René
Antoine (Pierre Murracioli, dit)
Anzieu, Didier
Aragon, Louis
Arman (Armand Fernandez, dit)
Aron, Raymond
Artaud, Antonin
Aubret, Isabelle
Audefroy, Bernard
Axelos, Kostas
Azaïs, Charles
Bachmann, Josef
Baker, Josephine
Bakounine, Mikhaïl
Barbu, Francis
Barjonet, André
Barthes, Roland
Basso, Lelio
Beaufrère
Ben Barka
Ben Bella, Ahmed
Benjamin, Walter
Benoist, Alain (de)
Bensaïd, Daniel
Bentz, Robert
Benveniste, Jacques
Bercot, Pierre
Berliet, Marius
Bernanos, Georges
Berque, Jacques
Besse, Guy
Beylot, Pierre
Bigorgne, Gérard
Bisseret, Noëlle
Blanchet, Henri
Blanchot, Maurice
Blanco, Hugo
Boltanski, Luc
Bonneau, Gabriel
Bonnet, Christian
Bonnot, Jules
Bonnot-Jörgens, Françoise
Bord, André
Borne, Étienne
Boulte, Nicolas
Bourdet, Yvon
Bourdieu, Pierre
Brandt, Willy
Breton, André
Brown, Rap
Buisson, Patrick
Butor, Michel
Cambronne-Desvignes, Chantal
Capitant, René
Cardonnel, Jean
Carpentier, François
Castoriadis, Cornélius
Castro, Fidel
Cavaignac, Eugène
Cayrol, Roland
Celan, Paul
Certeau, Michel (de)
Cesbron, Gilbert
Chalandon, Albin
Chalin, Claude
Chand, Vinay
Chapuis, René
Chenot, Pierrette
Chenu, Marie-Dominique
Cheval, Patrick
Chiapello, Ève
Chimutengwende, Chenhamo
Chirac, Jacques
Chombart de Lauwe, Henri
Churlet, Georges
Clapton, Eric
Claux, Antoinette
Clavel, Maurice
Clemenceau, Georges
Cohn-Bendit, Daniel
Cohn-Bendit, Gabriel
Congar, Yves
Cordier, Dominique
Cot, Pierre
Coury, Henri
Crépeau, Michel
Cusseau, Victor
Dac, Pierre
Dacqmine, Jacques
Daniel, Jean
Daniélou, Jean
Dante (Durante degli Alighieri, dit)
Debizet, Pierre
Debray, Régis
Debré, Michel
Dechartre, Philippe
Defferre, Gaston
Deleuze, Gilles
Delforge, Pierre
Delon, Alain
Delphy, Christine
Demoy, Guy
Deparpe, Raymond
Descamps, Eugène
Desroches, Henri-Charles
Devedjian, Patrick
Dombrowski, Jaroslav
Domenach, Jean-Marie
Dostoïevski, Fiodor
Douai, Jacques
Doustin, Daniel
Dreyfus, Pierre
Droit, Michel
Drumont, Édouard
Druon, Maurice
Ducamin, Bernard
Duclos, Jacques
Dumont, Pierre
Dupuch, Michel
Dupuch, Pierre
Dupuis, Sylvette
Duvochel, Paul
Dylan, Bob
Engels, Friedrich
Escudero, Lény
Feldman, Jacqueline
Feltrinelli, Giangiacomo
Ferniot, Jean
Ferrat, Jean
Ferry, Jules
Flornoy, Bertrand
Foccart, Jacques
Foucault, Michel
Fouché, Joseph
Fouchet, Christian
Fourastié, Jean
Fourier, Joseph
Frachon, Benoît
Fraenkel, Boris
Franco, Francisco
Fregoli, Leopoldo
Friédérich, André
Gabilly, Marcel
Gac, Claude
Gadet, Raymond
Gainsbourg, Serge
Gallimard, Gaston
Gatti, Armand
Gaulle, Charles (de)
Geismar, Alain
Genet, Jean
Gilles, Gilda
Giscard d’Estaing, Valéry
Glucksmann, André
Goasguen, Paul
Godard, Jean-Luc
Godelier, Maurice
Goebbels, Josef
Goldmann, Lucien
Goupil, Romain
Grappin, Pierre
Gréco, Juliette
Green, Julien
Grenier, Fernand
Grière, Janine
Guattari, Félix
Guéna, Yves
Guérin, Daniel
Guevara, Ernesto (Che)
Guilhaumou, Jacques
Guillebaud, Jean-Claude
Habel, Janette
Habermas, Jürgen
Hadj, Messali
Halimi, Gisèle
Halliday, Fred
Hallier, Jean-Edern
Hamon, Léo
Handke, Peter
Hébert, Alexandre
Hegel, Friedrich
Hendrix, Jimi
Higelin, Jacques
Hitler, Adolf
Honneth, Axel
Horkheimer, Max
Hugo, Victor
Huysmans, Denis
Imbert, Claude
Ionesco, Eugène
Jackie (« le Katangais »)
Jeanneney, Jean-Marcel
Jeanson, André
Joannès, Victor
Jobert, Michel
Johnson, Lyndon
Johsua, Isaac
Joxe, Louis
Juliet, Charles
Kafka, Franz
Kahn, Marcel-Francis
Kaplan, Leslie
Kaven, Jan
Kébadian, Jacques
Kerensky, Alexandre
Kerouac, Jack
Khrouchtchev, Nikita
Klein, William
Klein, Yves
Kravetz, Marc
Krivine, Alain
Krumnow, Fredo
Kuby, Erich
Kundera, Milan
Labiche, Eugène
Lacan, Jacques
Lacombe, Claire
Lacouture, Jean
Lacroix, Jean
Lacroix, René
Laguiller, Arlette
Langlade, Xavier
Lanvin, Marc
Lautréamont (Isidore Ducasse, dit)
Laval, Pierre
Lebel, Jean-Jacques
Lebesque, Morvan
Le Bon, Gustave
Le Cornec, Jacques
Ledru-Rollin, Alexandre
Lefebvre, Henri
Lefranc, Pierre
Le Grève, Pierre
Leiris, Michel
Lemarque, Francis
Lénine, Vladimir Illich
Leroy-Ladurie, Emmanuel
Lévy, Benny
Lichnerowicz, André
Liebknecht, Karl
Lipovetsky, Gilles
Lombois, Claude
Longuet, Gérard
Lordon, Frédéric
Louis-Philippe
Louis XVI
Lourau, René
Lumumba, Patrice
Luther King, Martin
Luxemburg, Rosa
Madelin, Alain
Magny, Colette
Maïakovski, Vladimir
Makhno, Nestor
Malraux, André
Mandel, Ernest
Mantegna, Andrea
Marchais, Georges
Marcuse, Herbert
Marivin, André
Marty, François
Marx, Karl
Maspero, François
Mas, Roger
Massu, Jacques
Mathérion, Philippe
Mauriac, François
Maurivard, Georges
Maurras, Charles
Mayo, Elton
McDermid, Anne
Memmi, Albert
Mendès France, Pierre
Mercier, Henri
Messmer, Pierre
Meunier, Lucien
Michelin, François
Michel, Jean-Paul
Michel, Louise
Missoffe, François
Mitterrand, François
Mnouchkine, Ariane
Moch, Jules
Modzelewski, Karol
Moineau, Guy
Mollet, Guy
Monate, Gérard
Monod, Jacques
Montaron, Georges
Morin, Edgar
Morrison, Jim
Mounier, Emmanuel
Moyroud, Gisèle
Munch, Marcel
Mury, Gilbert
Neil-Acheson, Jean
Neuwirth, Lucien
Nichet, Jacques
Nugues, Paul
Ohnesorg, Benno
Ozouf, Jacques
Papon, Maurice
Pareto, Vilfredo
Parvus, Alexandre
Passeron, Jean-Claude
Patin, Jacques
Pautard, André
Pétain, Philippe
Peyrefitte, Alain
Planchon, Roger
Pollès, Renan
Pompidou, Georges
Pontal, Gaston
Pontecorvo, Gillo
Poujol, Robert
Poulantzas, Nicos
Préboist, Paul
Prévert, Jacques
Prim, Gérard
Proudhon, Pierre-Joseph
Proust, Marcel
Pujo, Pierre
Rancière, Jacques
Raptis, Michel
Raton, Michel
Rebatet, Lucien
Reggiani, Serge
Reich, Wilhelm
Rémond, René
Revault d’Alonnes, Myriam
Rey, Benoît
Rey, Jean-Pierre
Richard, Antoine
Ricœur, Paul
Riesel, René
Rimbaud, Arthur
Robert, Alain
Rocard, Michel
Roche, Jean
Rochet, Waldeck
Rocton, Yvon
Rogers, Carl
Rosanvallon, Pierre
Rosi, Francesco
Rossi, Paolo
Rossman, Michael
Rouby, Élie
Rougé, Jean
Rousset, David
Rousset, Pierre
Roux, Jacques
Rueff, Jacques
Russell, Bertrand
Sade, Donatien Alphonse François (de)
Salan, Raoul
Sander, Helke
Sand, George
Santis, Mario (de)
Santucho, Mario Roberto
Sartre, Jean-Paul
Sauvageot, Jacques
Savary, Jérôme
Schneider, Gilles
Schumann, Maurice
Schütz, Klaus
Schwartz, Laurent
Scott, Joan
Sébastiani, Christian
Séguy, Georges
Sempé (Jean-Jacques Sempé, dit)
Sernin, André
Servan-Schreiber, Jean-Jacques
Séveno, Maurice
Siné (Maurice Sinet, dit)
Solleville, Francesca
Soulié, Pierre
Springer, Axel
Staline, Joseph
Stora, Benjamin
Tautin, Gilles
Terrel, Jean
Terrenoire, Louis
Thiers, Adolphe
Thorez, Maurice
Thorn, Jean-Pierre
Tinguely, Jean
Tito, Josip Broz
Tocqueville, Alexis (de)
Touraine, Alain
Tse Toung, Mao
Valla, Claude-Jean
Vallon, Louis
Vandermeersch, Françoise
Vaneigem, Raoul
Varlet, Jean-François
Velay, Serge
Vernant, Jean-Pierre
Vernant, Pierre
Viansson, Ponté Pierre
Vidal, Michel
Vidal-Naquet, Pierre
Vigier, Jean-Pierre
Vila-Matas, Enrique
Vilnet, Jean
Vincent, Georges
Wattier, Jacques
Weil, Simone
Wesker, Arnold
Wilson, Harold
Wittig, Monique
Wolff, Karl
Wright Mills, Charles
Zamansky, Marc
Zay, Jean
Zedet, Suzanne
Zelensky, Anne
Remerciements