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10 et 11 mars 2005
Lahcen ACHY
Professeur à l’INSEA (Rabat) et Chercheur associé au DULBEA (Bruxelles)
Mars 2005
Le secteur des industries textile-habillement une composante clé dans le
tissu industriel au Maroc1
Le Maroc est un des pays où le secteur des industries «textile et habillement» (ITH) occupe
une position de premier plan. Les dernières statistiques de l’enquête annuelle du Ministère du
Commerce et de l’Industrie relatives à l’année 2003 révèlent que les ITH contribuent à
concurrence de 42% et 34% respectivement à l’emploi et aux exportations du secteur
manufacturier. Plus de 1700 établissements opèrent dans les ITH (environ 630 dans le textile
et 1090 dans l’habillement), soit environ 22% de l’ensemble des unités industrielles. Elles
génèrent 13% de la production, 17% de la valeur ajoutée et 14% des investissements du
secteur manufacturier.
1
Voir L. ACHY (2005) “Impact de la dévaluation sur les capacités d’exportation: Cas pilote du secteur textile
habillement et cuir” étude réalisée pour le compte du Ministère du Commerce et de l’Industrie avec le soutien de
l’ONUDI.
En l’espace de quinze années, le chiffre d’affaires engendré par l’activité d’exportation du
secteur textile-habillement est passé de 3,5 milliards de DH à environ 16,4 milliards de DH en
2003, soit un accroissement annuel moyen d’environ 8%.
Les données du MCI montrent que le secteur textile-habillement a crée environ 16500 postes
en moyenne annuelle au cours de la période 1986-90, soit 60 percent des emplois crées par les
industries manufacturières durant la même période.
10
2,9
5
0
-0,5
-1,2
-5
-6,9
-10
-15 -14,9
-20
1999 2000 2001 2002 2003
Les conséquences de cette régression sur l’emploi sont de plus en plus inquiétantes. En effet
quoique le secteur textile-habillement continue à être le principal employeur de la main
d’œuvre du secteur industriel avec plus de 200 000 emplois, sa capacité à créer de nouveaux
emplois ou voire même à sauvegarder les emplois déjà existants est de plus en plus menacée.
Evolution de l'emploi dans l'industrie de l'habillement
(1999-2003)
10
9
8
7
6 4,36
5
4 1,74 1,81
3 1,54
2 0,42
1
0
1999 2000 2001 2002 2003
Les statistiques sur l’évolution des investissements dans le secteur ne font que confirmer ces
craintes. Il y a une tendance nette de désengagement du secteur au cours des quatre dernières
années.
20
15
10
5
0
-5
-0,1
-10
-9,5 -10,1
-15
-13,3
-20 -18,8
-25
-30
1999 2000 2001 2002 2003
Un changement brutal du contexte international marqué par une forte
érosion des acquis antérieurs du secteur2
Le secteur des ITH connaît des bouleversements profonds à la suite de trois événements
majeurs intervenus au cours des trois dernières années. Le premier événement est l’adhésion
de la Chine à l’OMC en décembre 2001. Le second est l’élargissement de l’Union
Européenne vers l’Est en 2004. Le troisième est le démantèlement de l’Accord Textile
Vêtement (ATV), depuis 1er janvier 2005.
En effet, le Maroc devient faiblement attractif pour les investissements étrangers par rapport
aux nouveaux pays de l’UE, la Roumanie ou encore la Chine. De plus, les avantages que les
exportations marocaines avaient sur le marché européen disparaissent avec la levée des quotas
sur les exportations de pays comme la Chine, mais aussi avec la généralisation progressive
des préférences tarifaires. D’ailleurs, la Commission Européenne a décidé récemment
d’accorder des concessions tarifaires supplémentaires à partir du 1er avril 2005, notamment
dans le secteur textile, aux pays touchés par le Tsunami de décembre 2004. Cette mesure va
se traduire par l’application des droits nuls ou réduits à l’importation dans l’UE de produits
textile-habillement de Thaïlande, du Sri Lanka et d’Indonésie. L’Inde quant à elle bénéficiera
d’une réduction des droits de douane (9,5 % au lieu de 12 %). Comme quoi le malheur des
uns fait aussi le malheur des autres !
Même le marché local il est de moins en moins protégé en vertu des engagements du Maroc à
l’OMC et vis-à-vis de l’UE. Ce marché se trouve exposé à une montée rapide des
importations de produits d’habillement notamment chinois.
2
Voir pour plus de détails L. ACHY (2003), “Quel potentiel compétitif pour les industries textile habillement au
Maroc? Simulation à partir d’un modèle d’équilibre partiel.
Tableau 2. Changement brutal du contexte international
Avantages antérieurs Evénements majeurs Conséquences
Délocalisation des Elargissement de Fortes délocalisations des
unités de confection de l’Union Européenne investissements directs étrangers
pays européens sur le Chine membre de (IDE) vers les PECO et la Chine
Maroc à la recherche l’OMC
des bas salaires
Avantages préférentiels Généralisation Forte concurrence sur les marchés
sur le marché européen progressive des d’exportation (UE) et pertes de
préférences tarifaires marché effectives et potentielles
Fin de l’ATV et quotas
imposés à certains pays
Forte protection du Engagements du Maroc Pénétration des importations
marché intérieur vis-à-vis de l’OMC destinées à la consommation locale
(Fin de l’utilisation des
prix de référence en
2002)
Entrée en vigueur des
engagements du Maroc
dans le cadre de
l’Accord de libre
échange avec l’UE
Jusqu'à la fin du Cycle d'Uruguay (1994) les contingents relatifs aux textiles et aux vêtements
étaient régis par un accord dit Arrangement multi-fibres (AMF). Cet instrument prévoyait des
règles pour l'imposition de restrictions quantitatives sélectives lorsque des poussées soudaines
des importations portaient ou menaçaient de porter un préjudice grave à la branche de
production du pays importateur. L'Arrangement multi-fibres qui constituait une dérogation
importante aux règles fondamentales du GATT, notamment au principe de la non-
discrimination a été remplacé, le 1er janvier 1995, par l'Accord de l'OMC sur les Textiles et
les Vêtements (ATV). Cet accord a pour objectif de mettre en place un processus transitoire
en vue de la suppression définitive des contingents. Un démantèlement progressif en trois
phases étalée sur dix ans a été mis en place au sein de l’OMC.
Cette durée de dix années a été justement accordée aux pays à qui profitent les quotas pour se
préparer et se mettre à niveau. Le levée des quotas en janvier 2005 n’est donc une surprise
pour personne. La question importante est de savoir ce qui a été fait pour se préparer à cette
échéance.
Les données compilées par ce système de surveillance permettent de faire une première
évaluation de l’impact du démantèlement de l’ATV au niveau du marché de l’Union
Européenne et ipso facto sur les exportations marocaines. Les données disponibles à fin
février 2005 comparées à celles de la même période de l’année 2004 sont pleines
d’enseignements. Elles font apparaître deux tendances claires.
La seconde est la baisse spectaculaire des prix unitaires des produits de textile
et d’habillement en provenance de la Chine. A l’exception des chaussettes et
collants qui affichent une hausse du prix unitaire de 11%, la baisse sur les autres
produits varie entre 10% (pour les sous vêtements) et environ 60% (robes). Bref, la
Chine affiche une agressivité commerciale inédite aussi bien sur les quantités que
sur les prix.
Les quantités de pantalons déclarées à l’importation à fin février 2005 sont neuf fois plus
élevées par rapport à celles importées à fin février 2004. En même temps leur prix unitaire est
20% moins cher. Le même constat est valable pour les pulls sur les quantités mais
accompagné d’une baisse de prix de 32,5%. Les quantités déclarées à l’importation de T-shirt
et polos à fin février 2005, sont presque 5 fois plus élevées que celles importées à la même
période en 2004 avec des prix réduits de plus 37%.