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L’EUROPE
L’EUROPE :
UN OBJECTIF COMMUN D’ATTEINTE DE LA NEUTRALITÉ
CARBONE, DES STRATÉGIES NATIONALES
DIFFÉRENCIÉES SUR LES LEVIERS À MOBILISER
Les systèmes électriques nationaux européens d’intégrer des volumes plus importants d’énergies
sont aujourd’hui assez largement interconnectés. décarbonées.
La fréquence électrique à 50 Hz est un paramètre
partagé à chaque seconde par l’ensemble du sys- Ainsi, les échanges entre pays européens per-
tème électrique continental synchrone. mettent une mutualisation des capacités néces-
saires à la sécurité d’approvisionnement et un
Le développement des interconnexions représente arbitrage économique à chaque instant entre les
de longue date une priorité de la politique énergé- différentes capacités de production disponibles
tique de l’Union européenne. Mentionné dès 19551, pour couvrir la demande d’électricité en Europe.
l’objectif de développement des interconnexions Le marché européen de l’énergie concourt à flui-
est considéré comme un moyen pour réduire le difier ces arbitrages entre moyens de production
coût de l’électricité. où qu’ils se trouvent, et donc à minimiser le coût
de fonctionnement du système électrique au péri-
L’interconnexion des réseaux nationaux consti- mètre européen.
tue en effet un prérequis à la mise en place du
marché européen de l’électricité. En permettant Par ailleurs, le renforcement des capacités
de tirer parti des complémentarités des mix éner- d’échange participe du projet politique de l’Union
gétiques nationaux, elle est de nature à bénéfi- européenne et est à ce titre investi sur le plan sym-
cier à la collectivité européenne selon trois axes : bolique par la Commission européenne, au-delà
le renforcement de la sécurité d’approvisionne- des seuls aspects économiques. Le Règlement
ment en électricité et de la sécurité d’exploitation (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 concernant
des systèmes interconnectés, la réduction des la gouvernance de l’Union de l’énergie et l’action
coûts de production à l’échelle du continent par pour le climat demande à chaque État membre,
l’accroissement de la concurrence, et la faculté dans le cadre des plans nationaux énergie – climat,
1.
La Résolution de Messine (1955) mentionne que « toutes dispositions devront être prises pour développer les échanges de gaz et de courant électrique
propres à augmenter la rentabilité des investissements et à réduire le coût des fournitures ».
192
L’Europe .6
de prioriser ses investissements d’interconnexion Les échanges entre les pays européens repré-
afin de viser des capacités à hauteur de 15 % sentent aujourd’hui des volumes importants et
de ses capacités de production en 2030, sous variables. Le solde exportateur de la France a pu
réserve d’une analyse coûts-avantages positive atteindre environ 80 TWh (en 2002) et représente
pour chaque investissement et de certaines condi- aujourd’hui de l’ordre de 40 à 60 TWh selon les
tions, notamment d’intégration environnementale. années (38 TWh en 2017, 60 TWh en 2018), soit
Au titre du règlement sur les réseaux transeuro- entre 8 % et 13 % de la consommation d’électri-
péens d’énergie, l’Union européenne a introduit la cité. Au niveau de la puissance instantanée, cette
notion de « Projets d’intérêt commun » qui permet variabilité est beaucoup plus flagrante, les flux
aux projets d’interconnexion qui en bénéficient de ayant varié ces dernières années entre 17,4 GW
devenir éligibles, sous certaines conditions com- d’export (le 22 février 2019) et 12,3 GW d’import
plémentaires, à des soutiens financiers européens (le 8 avril 2021), soit une amplitude de près de
dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion 30 GW.
en Europe (« Connecting Europe Facility »).
Le fonctionnement du système électrique
Le fonctionnement du système électrique à l’échelle français et en particulier la gestion de l’équi-
européenne constitue aujourd’hui une réalité. libre entre l’offre et la demande s’inscrit ainsi
Depuis dix ans, le renforcement des interconnexions dans un périmètre plus large au niveau euro-
entre les pays et le développement d’énergies péen et dépend largement des évolutions de
renouvelables variables ont conduit à une augmen- la consommation et de la production des pays
tation significative des échanges entre pays et de voisins.
leur variabilité. Dans le même temps, la solidarité
et la coordination entre systèmes électriques natio- L’analyse du fonctionnement du système élec-
naux se sont accrues pour la gestion des incidents trique s’étudie donc nécessairement au périmètre
de grande ampleur ou les périodes de tension sur la européen.
sécurité du système électrique européen.
Les interconnexions électriques ont été initialement de deux nouvelles lignes est imminente : un câble
développées pour accroître la sécurité d’alimenta- dans le tunnel sous la Manche début 2022 (Eleclink)
tion des systèmes électriques nationaux. Leur rôle et une liaison entre Chambéry et Turin en 2022
s’est amplifié depuis la mise en place du marché également. Deux projets actuellement menés par
unique de l’énergie et leur capacité s’est largement RTE avec ses homologues espagnols et irlandais
accrue depuis 2010, le plus souvent au travers de bénéficient de soutiens importants du mécanisme
projets de grande ampleur (en puissance de liaison pour l’interconnexion en Europe, avec des mises en
et en travaux d’ingénierie). service attendues aux horizons 2026 et 2027 : une
nouvelle liaison de 2 GW entre Bilbao et Bordeaux
Les nouveaux projets sont en effet le plus souvent (Golfe de Gascogne) et un câble sous-marin reliant
des liaisons à courant continu, sous-marines ou Brest à l’Irlande (Celtic). Le Schéma décennal de
traversant des massifs montagneux. Au cours des développement du réseau, publié en 2019, prévoit
dernières années, une liaison avec l’Espagne de encore quelques autres projets, conduisant à un
2 GW (Baixas-Santa Llogaia) a été mise en service doublement de la capacité d’interconnexion de la
en 2015, un câble sous-marin de 1 GW avec le France entre 2019 et 2035.
Royaume-Uni en 2020 (IFA2), et la mise en service
L’analyse du fonctionnement des scénarios de dans chaque pays et des échanges entre les pays
mix énergétique en France dans l’étude « Futurs européens. Cette simulation vise à refléter le fonc-
énergétiques 2050 » repose sur une modélisation tionnement du marché, en visant une optimisation
explicite des systèmes électriques des différents économique du « dispatch » au niveau européen.
pays européens. Dix-huit pays européens (voir
carte) sont modélisés de façon détaillée, en tenant Cette simulation est réalisée sur un grand nombre
compte des informations publiques concernant d’aléas, représentés au périmètre européen, por-
l’évolution de la consommation d’électricité, des tant sur la disponibilité des moyens de production
différents moyens de production qui composent et sur les variables météorologiques qui condi-
leur mix, et des contraintes structurantes de leur tionnent le fonctionnement du système électrique
réseau. La construction des hypothèses dans les (température, hydraulicité, vent et ensoleille-
pays voisins est détaillée en partie 6.6. ment). En particulier, la « base climatique » repose
sur la simulation météorologique de l’ensemble de
L’analyse du fonctionnement du système électrique l’Europe sur 200 tirages climatiques en assurant
européen repose sur une simulation au pas horaire de la cohérence spatiale et temporelle des variables
la production, de l’activation des leviers de flexibilité météorologiques et climatiques (voir chapitre 8).
194
L’Europe .6
Figure 6.1 Périmètre des pays modélisés de manière détaillée dans l’étude « Futurs énergétiques 2050 »
Figure 6.2 Émissions de l’Union européenne (EU27) depuis 1990 et objectifs à l’horizon 2030 et 2050
5 000
4 500
4 000
3 500
Objectif : -55%
3 000 sur les émissions
nettes en 2030 par Autres émissions
rapport à 1990 Émissions associées à
MtCO2eq
1 000
500
Objectif :
0 émissions
0 nettes en 2050
-500
1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
2.
Le paquet énergie-climat 2020, adopté en 2008 consiste en un ensemble de directives, règlements et décisions fixant des objectifs à l’horizon 2020 au
niveau de l’Union européenne : (i) une part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen de 20 %, (ii) une réduction des émissions
européennes de CO2 de 20 % et (iii) un accroissement de l’efficacité énergétique de 20 % (i.e. baisse de la consommation énergétique totale par rapport à
une trajectoire tendancielle).
3.
Il s’agit des émissions diminuées de l’absorption des puits de carbone naturels (forêts, sols et océans) et les méthodes faisant appel à la technologie
196
L’Europe .6
et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 des exemptions ou réduction de taxes sur les
dans la législation européenne. Pour atteindre énergies fossiles ;
les objectifs fixés dans la loi, la Commission euro- uu la fin de mise en vente de véhicules thermiques
péenne a préparé un paquet de propositions, (essence et diesel) en 2035, pour favoriser le
baptisé « Fit for 55 ». Ces propositions portent développement de véhicules non émetteurs
notamment sur : (véhicules électriques notamment) ;
uu la réforme du système d’échange de quotas uu la mise en place de réglementations pour le déve-
d’émissions, avec un renforcement de l’objectif loppement de carburants alternatifs dans l’avia-
de réduction, son extension au transport mari- tion, le transport maritime et le transport routier
time, la proposition controversée d’un système (avec notamment une stratégie de déploiement
d’échange de droits d’émission distinct pour les d’infrastructures pour le transport routier).
secteurs du transport routier et du bâtiment et
l’alignement des règles concernant l’aviation sur Ces propositions sont désormais en discussion et
celles des autres secteurs ; seront examinées par le Parlement européen et le
uu une révision de la règle de répartition entre les Conseil de l’Union européenne avant d’être formel-
États membres des efforts de réduction des lement adoptées. Leur entrée en vigueur est atten-
émissions 4, en proportionnant les efforts au PIB due à l’horizon 2023.
par habitant ;
uu la mise en place d’un mécanisme d’ajustement Sans préjuger de l’issue de ces discussions, ces
aux frontières, pour réduire le risque de fuite de propositions traduisent une forte volonté de l’Union
carbone ; européenne de traduire les objectifs de décarbona-
uu la révision de la directive sur les énergies renou- tion en actions concrètes et d’accélérer effective-
velables pour renforcer les objectifs collectifs au ment le rythme de la transition énergétique, tout
niveau de l’Union européenne en les passant de en veillant à une juste répartition des efforts (entre
32 % à 40 % de part des énergies renouvelables pays et secteurs) et en instaurant des dispositifs
dans la consommation finale d’énergie à l’hori- tendant à mettre l’industrie européenne sur un
zon 2030 ; pied d’égalité avec ses concurrents des autres
uu la révision de la directive sur l’efficacité éner- régions du monde.
gétique pour renforcer les objectifs collectifs au
niveau de l’Union européenne en passant d’un Les « Futurs énergétiques 2050 » s’inscrivent
objectif de réduction de 32,5 % de la consom- résolument dans une dimension européenne.
mation énergétique finale par rapport à un scé- Ils prennent comme cadre de référence l’at-
nario tendanciel à un objectif de réduction d’au teinte des ambitions de l’Union européenne et
moins 36 % ; notamment la neutralité carbone en 2050, ce
uu l’alignement de la taxation de l’énergie sur les qui constitue un cadre contraignant concer-
objectifs climatiques, avec notamment l’inter- nant la contribution des pays européens aux
diction aux États membres de mettre en place besoins du système électrique français.
4.
La répartition ne concerne que les émissions des secteurs non couverts par le système d’échange de quotas d’émissions. En incluant les transports, les
bâtiments et l’agriculture, les secteurs actuellement non couverts représentent 60 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. Pour la France et à
périmètre inchangé, l’objectif passerait de -37 % à -47,5 % par rapport à la référence 2005.
Les objectifs européens de réduction des émissions Strategy » – LTS), qui porte sur l’horizon 2050 en
de gaz à effet de serre font l’objet d’une trajectoire définissant les cibles par secteur de réduction des
collective pour les secteurs concernés par le sys- émissions de gaz à effet de serre. Ces documents,
tème d’échange de quotas d’émissions (secteurs publics, contribuent à la coordination des stra-
« ETS ») et d’objectifs nationaux pour les autres tégies entre les États et permettent d’assurer
secteurs (« non-ETS »). Certains pays, comme la l’atteinte collective des objectifs et engage-
France, traduisent en plus dans leurs législations ments pris au niveau européen et notamment
et leurs stratégies nationales des engagements de garantir que la trajectoire de réduction des
de réduction des émissions totales tous secteurs émissions sur le long terme soit cohérente avec les
confondus. engagements pris par l’Union européenne dans le
cadre de l’Accord de Paris de 2015.
Le Règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre
2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et Ces documents6 fournissent certains éléments sur
de l’action pour le climat prévoit que chaque État les orientations d’évolution du mix énergétique
membre (i) établisse une stratégie pour remplir ses sur les horizons 2030 et 2050. Ils sont néanmoins
objectifs en matière d’énergie et de climat à l’hori- hétérogènes et ne permettent pas de disposer
zon 2030 engageants vis-à-vis de la Commission pour tous les pays d’une vision quantitative précise
européenne et (ii) définisse ses objectifs au-delà des évolutions envisagées sur le mix énergétique
de 2030. En pratique, les stratégies nationales et en particulier sur le mix de production d’électri-
sont définies à travers deux documents : (i) le cité, notamment sur l’horizon 2050. Certains pays
plan national énergie climat (« National Energy and (comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal) fournissent
Climate Plan » – NECP), qui porte sur l’horizon 2030 des hypothèses et objectifs quantifiés sur l’évo-
et qui détaille notamment des objectifs chiffrés lution de la consommation électrique et la place
sur l’efficacité énergétique, le développement des des différentes filières. D’autres, plus nombreux,
énergies renouvelables et les interconnexions5, et décrivent de manière essentiellement qualitative
(ii) la stratégie nationale à long terme (« Long-Term les évolutions du mix électrique à l’horizon 2050.
5. La consolidation au niveau européen des objectifs nationaux en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables et d’interconnexion, permet
d’évaluer l’atteinte des objectifs européens.
6. National long-term strategies | European Commission (europa.eu)
National energy and climate plans | European Commission (europa.eu)
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L’Europe .6
Au-delà des documents décrivant les stratégies L’élaboration de ces scénarios répond à différents
officielles des pays européens, de nombreux scéna- enjeux, tels que l’éclairage des débats publics en
rios d’évolution du système énergétique à l’horizon Europe et dans les différents pays sur les futurs
2050, compatibles avec l’atteinte de la neutralité énergétiques possibles ou la fourniture d’un cadre
carbone, ont été publiés au cours des dernières pour l’évaluation technico-économique de certains
années par la Commission européenne, les États projets énergétiques (comme le développement
membres ou des institutions officiellement manda- d’infrastructures de transport ou de stockage, le rôle
tées par eux, à l’instar des « Futurs énergétiques des vecteurs dans la consommation finale, etc.).
2050 » en France. D’autres études, qui ne répondent
pas à une commande publique, émanent de syndi- Les scénarios publiés diffèrent par leur périmètre
cats représentant certains acteurs de l’énergie ou géographique, leur couverture du mix énergétique
d’organisations non-gouvernementales. ou les données quantitatives publiées7.
La Commission européenne a publié en 2020 Tous ces scénarios sont marqués par une
plusieurs scénarios déclinant des futurs possibles hausse de la part de l’électricité dans les
permettant d’atteindre les objectifs climatiques usages finaux et un recours important (même
de l’Union européenne (baisse de 55 % à l’horizon dans le scénario CPRICE où la part est la plus
2030 par rapport à 1990 et atteinte de la neutralité faible) au vecteur hydrogène dans les usages
carbone en 2050). Ces scénarios visaient à alimen- finaux, dont l’approvisionnement serait assuré par
ter l’analyse d’impact du projet de loi européenne l’électrolyse. Ils s’appuient tous sur un fort déve-
sur le climat et à éclairer le débat en amont des loppement des énergies renouvelables dans la pro-
discussions au sein des institutions sur ce projet duction d’électricité mais reposent aussi en partie,
de loi. Les quatre scénarios de neutralité carbone même de manière limitée, sur de la production
à l’horizon 2050 (REG, CPRICE, MIX et ALLBNK) nucléaire et de la production thermique en partie
reposent sur des leviers différents (réglementation combinée à la captation et séquestration de CO2.
ou prix carbone). Il en résulte une place différente
des technologies, vecteurs énergétiques et imports Les associations européennes des gestionnaires
énergétiques extra-communautaires (à l’exception de réseau de transport d’électricité et de gaz,
des gaz « verts » qui sont intégralement produits ENTSOE et ENTSOG, publient tous les deux ans
en Europe dans tous les scénarios). des scénarios à long terme qui tiennent compte
des orientations de la Commission européenne et
7.
Afin de faciliter la comparaison des scénarios, les valeurs présentées dans cette section sont ajustées au périmètre EU27+Royaume-Uni+Norvège+Suisse.
Pour la demande énergétique, elles sont présentées sur la base de la consommation finale des pays en 2018.
200
L’Europe .6
Enfin, certains GRT établissent et restituent des à l’échelle européenne, ou de TransnetBW (un des
hypothèses au périmètre européen, qu’ils utilisent quatre gestionnaires de réseau de transport d’élec-
dans l’analyse du fonctionnement des systèmes tricité en Allemagne) qui établit un scénario euro-
énergétiques européen ou nationaux. C’est par péen pour évaluer les besoins d’investissement
exemple le cas du groupe Elia avec la publication dans le réseau de transport en Allemagne.
prochaine de son étude « Roadmap to Net Zero »
Dans le cadre de la réflexion sur les stratégies de visant la neutralité carbone à l’horizon 2050 qui
décarbonation de leurs économies, les États euro- repose sur un mix 100 % EnR. Ce scénario a été
péens ou des organismes publics mandatés par actualisé en 2021 pour atteindre la neutralité car-
eux ont construit différents scénarios d’atteinte bone en 2045, qui constitue désormais l’objectif de
de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Certains l’Allemagne, inscrit dans la loi.
pays (par exemple l’Espagne, l’Italie, le Portugal)
affichent ces scénarios comme une référence dans TransnetBW, l’un des gestionnaires de réseau de
leur stratégie nationale. Le nombre d’études et de transport d’électricité allemand, a publié un scéna-
scénarios est très variable selon les pays. rio de référence à l’horizon 2050, qui porte sur le
système électrique uniquement et sert de base à
En Allemagne, de nombreux scénarios de neu- l’anticipation des besoins d’évolution du réseau de
tralité carbone ont été publiés. Dena (agence alle- transport d’électricité en Allemagne.
mande de l’énergie8) a publié en 2018 plusieurs
scénarios complets du système énergétique en Le gouvernement allemand n’a pas publié de
amont des discussions sur l’évolution des objec- scénario de référence précis à ce stade.
tifs climatiques et l’inscription de l’objectif de la
neutralité carbone en 2050 (qui a été avancé par Au Royaume-Uni, le Climate Change Committee,
la suite à 2045) dans sa législation. Deux scé- organisme public non ministériel destiné à éclai-
narios, EL95 (misant fortement sur l’électrifica- rer le gouvernement et le parlement britanniques
tion de la consommation finale) et TM95 (misant sur le changement climatique, a été mandaté pour
sur un maintien de différents vecteurs énergé- proposer une trajectoire de réduction des émis-
tiques) décrivent des évolutions du mix énergé- sions de GES (budget carbone) à l’horizon 2035.
tique compatibles avec l’atteinte de la neutralité Dans ce cadre, plusieurs scénarios de neutralité
carbone (soit une baisse de 95 % des émissions carbone en 2050 ont été élaborés. Le scénario
liées à l’énergie), avec une production 100 % « Balanced Pathways » constitue le scénario cen-
renouvelable. tral, mobilisant l’ensemble des leviers de façon
équilibrée : électrification, développement de l’hy-
Certains acteurs produisent des études à l’échelon drogène dans l’industrie et les transports, dévelop-
national, destinées à mettre en relief des orien- pement des renouvelables (notamment éolien en
tations ou messages spécifiques à l’attention des mer) et du nucléaire. D’autres scénarios éclairent
pouvoirs publics. des configurations avec une moindre consomma-
tion d’électricité à la fois sur l’électrification directe
AgoraEnergieWende (think tank indépendant des usages et la production d’hydrogène par élec-
visant à éclairer les décisions publiques concernant trolyse (scénario « Headwinds ») ou au contraire
l’atteinte de la neutralité carbone) a aussi publié en une consommation électrique plus fortement
2020 un scénario complet du système énergétique orientée à la hausse, notamment du fait d’un très
8.
Dena est une agence d’État indépendance chargée d’éclairer les politiques publiques en matière d’énergie et de climat.
Évolution de la Taux
Périmètre consommation
Organisation Étude/publication Année de publication Scénario d'électrification
géographique d’énergie finale directe en 2050
aujoud’hui>2050
Decarbonisation UE27 + UK
Eurelectric 2018 Scenario 3 -36% 58%
Pathways + CH + NO
ONG européennes
(CAN Europe, EEB, PAC Scenario 2020 PAC Scenario UE 27 + UK -57% 69%
RGI & REN21)
Klimaneutrales
Agora Energiewende 2020 Klimaneutral 2050 DE -36% 45%
Deutschland 2050
National Grid ESO Future energy scenarios 2021 System Transformation UK -30% 45%
9.
Les valeurs sont issues des publications listées et complétées par des estimations propres à RTE pour (i) reconstituer des informations non disponibles
(quand c’est possible avec l’utilisation d’hypothèses standard) et (ii) homogénéïser les périmètres des filières de production. Dans certains cas, certaines
hypothèses issues d’autres publications ont pu être utilisées pour compléter certaines informations manquantes.
202
L’Europe .6
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres EnR hors thermique à flamme (hydrolien, géothermie)
Thermique biomasse/biogaz/gaz de synthèse sans CCS Thermique CCS (y.c. bioénergies avec CCS) Thermique fossile hors CCS
10.
En complément du document de la stratégie long terme de l’Italie, RSE a mis en ligne plusieurs présentations détaillant les scénarios
204
L’Europe .6
Tous les scénarios d’atteinte de la neutralité Tous les scénarios reposent également sur une
carbone publiés en Europe reposent sur une forte électrification des usages. L’électricité
forte baisse de la consommation énergétique représente actuellement de l’ordre de 25 % de
finale, tous vecteurs confondus. Cette baisse la consommation finale d’énergie en Europe,
est supérieure à 20 % pour tous les scénarios avec des niveaux sensiblement différents
européens et nationaux identifiés. Elle résulte entre les pays. Dans la plupart des scénarios
en grande partie de la diffusion des solutions élec- européens ou de certains États cette part se
triques qui sont plus efficaces énergétiquement. situe à l’horizon 2050 entre 40 % et 60 % et
certains scénarios envisagent des taux pou-
Dans le bâtiment, les pompes à chaleur ont une vant aller jusqu’à 75 %.
efficacité environ trois fois plus importante que les
chaudières traditionnelles. Dans les transports, Cette analyse montre que les taux d’électrifica-
les moteurs électriques pour les voitures affichent tion pris en compte dans les « Futurs énergétiques
un rendement deux à trois fois plus élevé que les 2050 » de RTE (d’un peu plus de 55 %) sont bien
moteurs thermiques. Dans l’industrie, l’électrification cohérents avec les valeurs considérées en Europe.
de certains procédés (notamment pour la production
de chaleur basse température) permet là aussi une La transition vers l’électricité ainsi que les effets
réduction de la consommation énergétique. des actions d’efficacité énergétique sur les usages
de combustibles conduisent à une très forte baisse
Figure 6.3 Demande finale d’énergie en Europe dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège11
14 000
12 000
10 000
8 000
non précisée
Répartition
TWh
6 000
4 000
11.
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège. La consommation de chaleur de l’environnement n’est pas comptabilisée dans les valeurs affichées.
206
L’Europe .6
Dans tous les scénarios de neutralité car- produire de l’hydrogène à usage final ou en
bone, les combustibles fossiles disparaissent amont d’autres transformations12 (méthana-
complètement ou quasiment de l’approvi- tion notamment) ou aux imports de gaz « verts ».
sionnement énergétique de l’Europe et sont L’électrolyse représente une part significative de
remplacés par des combustibles « verts » l’approvisionnement en gaz verts dans tous les scé-
(hydrogène, biométhane, méthane de syn- narios, tant au niveau européen que national. Cette
thèse, bois, carburants liquides). Plusieurs part est très différenciée entre les scénarios et les
options sont possibles pour couvrir les besoins en pays, mais représente plus de 50 % des besoins
combustibles verts : utilisation de biomasse/bio- dans la plupart des scénarios. Les imports de gaz
gaz local, électrolyse en Europe ou imports en pro- « verts » sous forme de gaz de synthèse (hydrogène
venance d’autres régions du monde. ou méthane) produit en dehors d’Europe à partir
d’électrolyse, de vaporeformage de biométhane ou
Compte tenu du caractère limité du gisement de vaporeformage de gaz naturel avec captation et
de biomasse en Europe, tous les scénarios séquestration de CO2 (CCS) servent au bouclage
envisagent un recours à l’électrolyse pour énergétique dans plusieurs scénarios.
Figure 6.4 Approvisionnement en hydrogène de l’Europe pour la demande finale (énergétique ou non), la production
d’énergies de synthèse et la production d’électricité dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège13 (y.c. demande non énergétique)
3 500
3 000
Dimension non couverte
2 500
2 000
TWhPCI
1 500
1 000
500
0
REG CPRICE TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - PAC Scenario Accelerated
Distributed Global scenario S3 Decarbonisation
Energy Ambition Pathway
ONG (CAN Gas for
Commission européenne ENTSOE & ENTSOG Europe, EEB, Eurelectric
Climate
RGI & REN21)
2015 2050
12.
Transformations pour produire d’autres combustibles à partir de l’hydrogène
13.
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
6 000
5 000
3 000
2 000
1 000
0
REG CPRICE TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - PAC Scenario Accelerated
Distributed Global scenario S3 Decarbonisation
Energy Ambition Pathway
ONG (CAN Gas for
Commission européenne ENTSOE & ENTSOG Europe, EEB, Eurelectric
Climate
RGI & REN21)
2018 2050
14.
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
208
L’Europe .6
Tous les scénarios aux niveaux européen et national aujourd’hui. Les effets sont plus marqués sur les
envisagent une forte hausse de la consommation pays dont les usages sont relativement peu élec-
d’électricité. Cette hausse résulte essentiellement trifiés actuellement.
de l’électrification des usages, du développement
de l’électrolyse et de la croissance économique. Le En conséquence, l’approvisionnement en hydro-
développement de l’efficacité énergétique (sur les gène, méthane ou carburants liquides de synthèse
usages électrifiés) contribue à atténuer la hausse engendre une consommation d’électricité impor-
de la consommation d’électricité. tante mais dont l’ampleur est contrastée. À l’hori
zon 2050, la consommation d’électrolyse pourra
Plus précisément, l’électrification directe des représenter une part importante de la consomma-
usages, là où c’est possible, apparaît comme l’op- tion d’électricité. La plupart des scénarios euro-
tion privilégiée de tous les scénarios. L’électrification péens prévoient un recours à l’électrolyse beaucoup
est considérée comme indispensable dans la mobi- plus important qu’en France (où l’utilisation ne
lité, l’industrie et le bâtiment (via les pompes à représente que 8 % de la consommation inté-
chaleur essentiellement). Dans de nombreux scé- rieure d’électricité dans la SNBC et dans le scéna-
narios aux niveaux européen ou national, le taux rio de référence des « Futurs énergétiques 2050 »).
d’électrification double en 2050 par rapport à Dans les scénarios les plus hauts en matière
Figure 6.6 Consommation totale d’électricité dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège15
10 000
9 000
8 000
7 000
6 000
TWh
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
REG CPRICE TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - PAC Scenario Accelerated
Distributed Global scenario S3 Decarbonisation
Energy Ambition Pathway
ONG (CAN Gas for
Commission européenne ENTSOE & ENTSOG Europe, EEB, Eurelectric
Climate
RGI & REN21)
2018 2050
15.
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
210
L’Europe .6
La bascule des solutions de chauffage basées sur Le développement des usages de l’électricité pour
des combustibles (fioul et gaz) vers l’électricité lesquels le service apporté peut être différé ou
contribuera à une augmentation de la thermosen- stocké (recharge de véhicules électrique, produc-
sibilité hivernale du système électrique européen, tion d’hydrogène par électrolyse, production d’eau
même si l’utilisation de solutions de chauffage chaude sanitaire) augmentera considérablement
performantes (pompes à chaleur) et les efforts de la part flexible de la consommation d’électricité
rénovation énergétique permettent de limiter cette en Europe, à l’instar des projections sur la flexi-
hausse. La consommation du chauffage électrique bilité de la demande en France (voir chapitre 7).
en Europe, qui représente aujourd’hui 250 TWh/an, Toutes les études recensées dans ce chapitre ne
est appelée à doubler dans la plupart des scénarios présentent pas dans le détail la représentation au
européens (parmi ceux qui détaillent cette infor- pas horaire du fonctionnement du système élec-
mation). Les scénarios dans les études nationales trique ou quand elles le font, ne restituent pas
confirment cette tendance et l’ordre de grandeur de nécessairement avec beaucoup de précisions les
l’augmentation de la consommation. Cette électri- hypothèses associées. Néanmoins, les études qui
fication du chauffage en Europe ainsi que le déve- abordent cette question intègrent toutes l’hypo-
loppement de la climatisation en France et dans les thèse d’une flexibilité importante sur la recharge
autres pays rapprochera le profil de consommation des véhicules électriques et sur l’électrolyse. Dans
saisonnier des autres pays européens de celui de la le TYNDP 2022, la consommation de la mobilité
France, dont la large proportion de chauffage élec- électrique est comprise entre 600 et 750 TWh.
trique représente aujourd’hui une exception.
Figure 6.7 Consommation totale d’électricité pour le chauffage dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège16
700
600
500
400
TWh
300
200
100
0
2018 1.5TECH* 1.5LIFE* TYNDP 2022 - TYNDP 2022 - Fourchette Fourchette
Distributed Global basse haute
Energy Ambition
Agrégation des hypothèses
Commission européene ENTSOE & ENTSOG d'études nationales
(et extrapolation)
16. Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
17. Scénarios publiés par la Commission européene en 2018
Dans tous les scénarios d’atteinte de la neu- scénarios de référence de tous les pays européens,
tralité carbone à l’échelle européenne, la mais dans des proportions différenciées.
place des énergies renouvelables, notam-
ment l’éolien et le photovoltaïque, évolue for- Si tous les scénarios et stratégies au niveau euro-
tement pour représenter au moins 70 % de la péen et nationaux reposent sur un fort dévelop-
production totale d’électricité en Europe, au pement des productions d’origine renouvelable, la
détriment notamment de la production thermique part respective de l’éolien et du photovoltaïque est
fossile et, dans une moindre mesure, de la pro- différenciée selon les scénarios. L’ensemble des
duction nucléaire. Cette tendance au niveau euro- scénarios misent sur un rôle prépondérant de l’éo-
péen se vérifie dans les stratégies nationales et les lien par rapport au solaire dans la production.
Figure 6.8 Composition du mix de production d’électricité dans plusieurs scénarios européens à l’horizon 2050
Valeurs au périmètre EU27 + Royaume-Uni + Suisse + Norvège18
EnR variables : 15% 67% 68% 83% 76% 92% 68% 85%
18.
Sources :
- Valeur 2018 : ENTSOE (Statistical Factsheet)
- Scénarios 2050 : Publications listées dans le tableau 6.1 et calculs RTE pour homogénéiser les périmètres des filières affichées. Concernant la capture et
la séquestration du carbone (CCS), seul le CCS lors de la production d’électricité est affiché et pas l’éventuel CCS utilisé en amont (par exemple pour la
production d’hydrogène par vaporeformage de méthane)
Les études ayant des périmètres géographiques différents, les valeurs affichées des différentes études ont été extrapolées au périmètre EU27 + Royaume-
Uni + Suisse + Norvège.
212
L’Europe .6
Fin 2019, le parc de réacteurs nucléaires en Europe États (Royaume-Uni, Pologne, République tchèque,
(EU27, Royaume-Uni et Suisse) comptait 130 uni- Slovaquie, etc.) ont annoncé vouloir construire de
tés en service pour une puissance totale installée nouveaux réacteurs pour compenser la fermeture
de l’ordre de 122 GW, produisant près de 800 TWh à venir de leurs centrales nucléaires qui arriveront
(785 TWh en 2019), soit de l’ordre de 25 % de la en fin de vie dans les prochaines décennies ou pour
production d’électricité en Europe. permettre la fermeture de centrales au charbon.
Enfin, certains pays comme la France ou les Pays-
À l’horizon 2050, la plupart des réacteurs existants Bas n’ont pas encore pris de décision concernant
auront été fermés, soit car arrivant en fin de vie, l’éventuelle construction de nouveaux réacteurs.
soit par décision politique. Plusieurs États euro-
péens ont en effet décidé de sortir du nucléaire Cependant, dans tous les scénarios européens, la
dans les prochaines années : l’Allemagne en 2022, capacité nucléaire installée en 2050 est plus faible
la Belgique en 2025 et l’Espagne en 2035. D’autres (ou au plus du même niveau) que la capacité actuelle.
Bien que les sources renouvelables et nucléaires Les capacités installées et les volumes de produc-
représentent l’essentiel de la production d’électri- tion diffèrent selon les scénarios. Au niveau euro-
cité à l’horizon 2050, les scénarios prévoient dans péen, ces sources de production thermique ne
certains pays des productions complémentaires représentent qu’une part relativement faible de
bas-carbone : production à partir de biométhane, l’énergie produite en Europe (moins de 15 % dans
biomasse, gaz fossile parfois en combinaison avec tous les scénarios) mais certains pays envisagent
de la captation de CO2. Les options technologiques d’y recourir de façon significative. C’est le cas de
considérées dans les différents pays et pour les dif- l’Allemagne qui envisage une production impor-
férents scénarios sont contrastées. tante d’électricité à partir de combustibles « verts »
importés (a priori hydrogène).
Le développement massif de la production C’est le cas du TYNDP dont l’analyse confirme l’in-
renouvelable variable en Europe conduit à un tuition d’un besoin important de capacités pilotables
besoin important de capacités pilotables pour en Europe à l’horizon 2050. Dans les scénarios
gérer les situations de faible production renou- « Distributed Energy » et « Global Ambition » du
velable et de consommation importante. Peu TYNDP 2022, ce sont de l’ordre de 200 GW à 300 GW
d’études au périmètre européen analysent de batteries et capacités thermiques pilotables qui
et restituent de façon détaillée les besoins sont nécessaires à la sécurité d’approvisionnement
en puissances pour assurer la sécurité en Europe. Ces ordres de grandeur sont cohérents
d’approvisionnement. avec les propres analyses menées par RTE dans le
cadre des « Futurs énergétiques 2050 ».
Les mix de production des différents pays euro- L’analyse des stratégies ou scénarios institution-
péens sont aujourd’hui très hétérogènes. Selon les nels nationaux des différents pays d’Europe à
pays, la part du nucléaire varie entre 0 % (pour de l’horizon 2050 confirme les tendances constatées
nombreux pays) et 71 % (France), celle des éner- sur les scénarios globaux européens. En particu-
gies renouvelables variables entre 3 % (Slovaquie) lier, tous les pays ayant publié des éléments
et 50 % (Danemark) et celle du charbon entre 0 % quantitatifs envisagent un très fort recours à
(Norvège) et 76 % (Pologne)19. Ces mix présentent la production renouvelable variable (éolien et
des performances climatiques très différentes, qui photovoltaïque).
conditionnent l’ampleur des efforts à fournir. Ils
relèvent souvent de la présence de réserves d’éner- Néanmoins, passé ce constat commun, les stra-
gies fossiles (charbon ou gaz) et de choix technolo- tégies qui se dessinent au niveau des États appa-
giques historiques différents, notamment concernant raissent sensiblement différenciées, avec plusieurs
le nucléaire, susceptibles de conditionner les trajec- types d’options :
toires futures. Tous ces mix électriques ont vocation
à se décarboner à l’horizon 2050. uuUn surdimensionnement du mix EnR pour
limiter les effets de l’intermittence sur le sys-
tème électrique national et l’export massif
sous forme d’électricité ou d’hydrogène
Certains pays comme le Danemark, l’Irlande, le
Figure 6.9 Contenu carbone de la production
d’électricité dans les différents pays Royaume-Uni, la Norvège (et potentiellement
européens en 2019 (source IEA) aussi l’Espagne), disposant de gisements EnR
potentiellement « abondants » semblent miser sur
Intensité
800 carbone de des mix de production d’électricité surdimension-
la production
électrique nés par rapport à leur consommation électrique.
700
(en gCO2eq/kWh)
Ce surdimensionnement permet de limiter l’effet
de l’intermittence sur leur système électrique et
600 les excédents sont exportés. Ce type de stratégie
conduit à « exporter » la variabilité de la produc-
500
tion aux pays voisins et nécessite un fort niveau
d’interconnexion ou à utiliser les excédents pour
400
produire de grandes quantités d’hydrogène (et
300
potentiellement les exporter).
19.
Valeurs 2018, source ENTSOE Statistical Factsheet 2018
214
L’Europe .6
que vont rencontrer certains pays densément Pays-Bas, ces pays sont structurellement impor-
peuplés comme la Belgique, l’Allemagne et tateurs d’électricité.
potentiellement les Pays-bas et l’Italie. Cette
production thermique peut passer par plusieurs Pour des raisons diverses, les États européens et
options : les scénarios mettent en avant un développement
- La production à partir de gaz verts issus de important des interconnexions entre les pays, pour
la production d’EnR ou de biomasse produite profiter du foisonnement des EnR en Europe mais
dans le pays aussi pour accompagner des stratégies « expor-
- La production à partir de gaz verts issus d’im- tatrices
» ou des situations structurellement
ports, a priori extra-européens, qui conduisent « importatrices ».
à entretenir une dépendance énergétique vis-
à-vis d’autres parties du monde Au final, même si de nombreux pays envi-
- Le recours à la séquestration de carbone lors sagent un parc de production électrique
de la production d’électricité à partir de com- reposant uniquement sur des sources renou-
bustibles fossiles velables (i.e. sans nucléaire et sans CCS),
- Le recours à la production nucléaire ceci recouvre des situations contrastées avec
des implications différentes sur le fonction-
Le choix concernant le nucléaire constitue un nement du système électrique.
marqueur très clivant entre les États. De nom-
breux pays n’envisagent pas d’y recourir. C’est le Les filières renouvelables privilégiées par les États
cas de la quasi-totalité de ceux ne disposant pas sont fortement conditionnées par la géographie.
de production nucléaire actuellement (à l’excep- Tous les États envisagent de développer à la fois
tion notable de la Pologne) et de plusieurs États la production solaire et la production éolienne mais
ayant décidé de sortir du nucléaire (Allemagne, la part respective des filières sera liée aux condi-
Belgique, Espagne, Suisse) à la suite de la catas- tions géographiques. Les pays du sud envisagent
trophe de Fukushima. un recours massif à la production photovoltaïque
(et même ponctuellement au solaire à concentra-
Ces différentes options sur la production pilo- tion), profitant ainsi de facteurs de charge impor-
table sont très clivantes et structurent de nom- tants. C’est le cas notamment de l’Italie et de
breux débats en Europe (p.e. sur la taxonomie l’Espagne avec des cibles de plus de 55 % à de la
« verte »). production totale dans les scénarios des stratégies
gouvernementales. A contrario, les pays du nord,
uuUn recours à des imports d’électricité, en notamment s’ils disposent d’une façade maritime,
comptant sur un dimensionnement suffisant du s’appuieront plus fortement sur l’éolien. C’est en
mix européen. particulier le cas du Royaume-Uni, du Danemark,
Les pays caractérisés par une forte densité de de l’Irlande.
population (ex. Belgique et Allemagne et pos-
siblement les Pays-bas et Italie), qui limite le Ces différences de mix de production entre les pays
gisement EnR disponible par habitant, envi- du nord et du sud de l’Europe auront des consé-
sagent de s’appuyer sur les imports d’électricité quences importantes sur les échanges d’électri-
(potentiellement en complément d’imports de cité en Europe, avec des variations de flux jour/
gaz « vert
») pour boucler leur système élec- nuit plus marquées, et sur les flux sur le réseau de
trique. Dans la plupart des scénarios énergé- transport français qui se situe à l’interface entre
tiques sur l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et les ces pays (voir chapitre 10).
La transformation des systèmes électriques des La scénarisation des contextes européens est
différents pays européens va conditionner la donc essentielle pour accompagner l’élaboration et
nature des échanges d’électricité en Europe et l’analyse des scénarios français. Elle doit répondre
leur contribution à la sécurité d’approvisionnement à plusieurs exigences : en premier lieu assurer
dans chaque zone. Il ne suffit pas en effet de dis- la cohérence avec les tendances et les éléments
poser de capacités d’interconnexions : la disponi- quantifiés des stratégies des États, mais égale-
bilité de moyens de production ou, au contraire, la ment permettre de construire des configurations
simultanéité de périodes de tension sur l’équilibre contrastées pour refléter les incertitudes sur les
offre-demande dans différents pays doivent faire évolutions des systèmes énergétiques en Europe
l’objet d’une analyse précise. et leurs effets sur le fonctionnement du système
électrique français.
Les stratégies de long terme des États et les diffé- les besoins de flexibilités nécessaires pour assurer
rents scénarios européens et nationaux publics dis- la sécurité d’approvisionnement ne soient fournis.
ponibles fournissent des informations sur les mix
énergétiques envisagés, mais celles-ci doivent être Seuls les scénarios européens élaborés par
complétées par des hypothèses plus détaillées. ENTSOE dans le cadre du TYNDP disposent d’hy-
pothèses détaillées élaborées par les gestionnaires
En effet, l’analyse du fonctionnement et du coût du de réseau de transport qui permettent de simuler
mix électrique français dans un contexte de capa- au pas horaire le fonctionnement du système élec-
cités d’interconnexions de plusieurs dizaines de trique européen. Cependant, leur utilisation sou-
gigawatts doit s’appuyer sur une représentation lève plusieurs difficultés. D’une part, l’élaboration
approfondie des systèmes électriques des pays des « Futurs énergétiques 2050 » s’est effectuée
européens. De la même façon que pour la France, de façon concomitante avec celle des scénarios
les capacités installées pour les différents moyens du TYNDP 2022, dont une version préliminaire
de production et leurs profils de disponibilité, les n’a été rendue publique que début octobre 2021.
leviers de flexibilité disponibles (batteries, power- D’autre part, certaines hypothèses ou résul-
to-gas-to-power, flexibilités de consommation, etc.) tats concernant certains pays peuvent s’écar-
et leurs caractéristiques d’activation ou encore les ter très fortement des stratégies nationales
profils horaires de consommation et la dépendance des États (parfois publiées postérieurement
à la température doivent être détaillés. Or la plu- au lancement des travaux du TYNDP 2022).
part des stratégies nationales et des autres scé-
narios considérés définissent de grands équilibres Pour les « Futurs énergétiques 2050 », la construction
énergétiques à l’horizon 2050. Concernant le sec- des scénarios européens a reposé sur un croisement
teur électrique, leur restitution consiste essentiel- entre :
lement en des bilans énergétiques annuels, sans uu les données du TYNDP 2020 et celles du TYNDP
que les détails sur le fonctionnement du système 2022 qui étaient accessibles, en particulier pour
électrique « en puissance », heure par heure, ou sur la définition du contexte général du scénario ;
216
L’Europe .6
uu les éléments disponibles concernant les straté- uuLa définition des capacités de production
gies de long terme des États voisins et les scéna- des différentes filières, pour couvrir la
rios de référence nationaux émanant d’agences demande en énergie de chaque pays
publiques ou des gestionnaires de réseau de Sur la base d’hypothèses sur le mix énergétique
transport, pour tenir compte des spécificités de et notamment la place respective de chaque
chaque pays. filière renouvelable dans chaque pays, les capa-
cités installées sont définies de façon à couvrir la
Plusieurs scénarios européens possibles ont consommation en énergie annuelle. Cette étape
été considérés dans l’étude « Futurs éner- permet d’assurer un « bouclage en énergie ».
gétiques 2050 » pour prendre en compte les
incertitudes concernant les choix de transition uuL’évaluation des capacités flexibles néces-
énergétique dans les différents pays euro- saires à la sécurité d’approvisionnement
péens. Ces contextes contrastés permettent Sur la base des capacités de production définies
de tester la robustesse des conclusions de la précédemment, de courbes de consommations
présente étude aux choix énergétiques dans au pas horaire et des hypothèses sur les flexibi-
les pays voisins. Ils se basent sur les différents lités sur la demande dans les autres pays euro-
scénarios et stratégies publiques et se différencient péens20, une simulation du fonctionnement du
par le rôle des différents vecteurs énergétiques, la système électrique européen21 permet d’évaluer
répartition des approvisionnements énergétiques les besoins de flexibilité et d’identifier les capa-
(et en particulier pour l’électricité, la part relative cités flexibles à installer (batteries, capacités
des différentes filières bas-carbone), la flexibilité thermiques fonctionnant à l’hydrogène, inter-
permise par les couplages sectoriels (notamment connexions) pour assurer un niveau de sécurité
le power-to-gas), l’évolution du niveau de sécurité d’approvisionnement analogue au critère actuel
d’approvisionnement, etc. dans les différents pays22.
Cette étape est réalisée par une optimisation
La définition de chaque scénario européen économique des capacités de flexibilité à ins-
considéré repose sur plusieurs étapes, qui per- taller dans les autres pays européens : batte-
mettent d’assurer la cohérence de l’ensemble des ries, capacités de production thermique (boucle
hypothèses : power-to-gas-to-power)23 et capacités d’inter-
connexions des pays voisins entre eux24. Cette
La définition d’un contexte général sur
uu étape permet aussi d’évaluer les pertes d’éner-
l’évolution du mix énergétique européen à gie dans différentes transformations de l’élec-
horizon 2050 tricité (STEP, batteries, power-to-gas-to-power)
Ce contexte général au niveau européen est et dans les écrêtements de production renouve-
ensuite décliné de façon différenciée dans cha- lable, et permet ainsi un ajustement de l’étape
cun des pays, en tenant compte des spécifici- précédente de « bouclage en énergie » pour tenir
tés qui leur sont propres et en se basant sur compte de ces quantités d’énergie qui sont per-
les scénarios publics cohérents avec ce cadrage dues dans les transformations.
général pour définir les hypothèses concernant
la consommation et la production d’électricité.
20.
Le taux de flexibilité de la consommation dans les autres pays européens, ainsi que les caractéristiques détaillées des effacements, ont été considérées
comme analogues à l’hypothèse de référence faite en France (hypothèse « Flexibilité basse »)
21.
Pour la France, il est fait l’hypothèse que le système électrique correspond à celui du scénario M23.
22.
Le niveau cible correspond à une probabilité de délestage des consommateurs analogue à celle considérée en France. Compte tenu des mix de production
électrique, ce risque correspond à une durée moyenne d’inadéquation entre l’offre et la demande de l’ordre de une à deux heures par an.
23.
Les moyens thermiques supplémentaires nécessaires au fonctionnement du système électrique sont supposés fonctionner avec de l’hydrogène.
24.
À l’instar de ce qui est retenu pour la France, les flexibilités de consommation sont considérées comme une hypothèse et non comme un résultat. Pour
chaque usage flexible, le taux de pilotage et les caractéristiques associées (contraintes d’utilisation, coûts d’activation, etc.) correspondent à la configuration
« flexibilité basse » retenue comme référence pour la France.
25.
Sur la base de la version projet des scénarios, publiés en octobre 2021.
26.
À l’instar de l’analyse effectuée sur la France (partie 7.1.2), le niveau de sécurité d’approvisionnement visé a été défini pour assurer un même risque de
délestage de consommateurs (i.e. un même volume d’énergie non distribuée) que le risque qui résulterait aujourd’hui d’une sécurité d’approvisionnement
au niveau des critères publics des États.
27.
L’espérance de durée de défaillance moyenne européenne est calculée en pondérant l’espérance de durée de défaillance des pays européens par leur
consommation d’électricité annuelle.
28.
Ces chiffres correspondent à la moyenne pondérée (par la consommation électrique) sur les pays européens des espérances de durée de défaillance nationales.
218
L’Europe .6
Figure 6.10 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Europe dans les configurations
testées et comparaison avec différents scénarios externes – Périmètre EU27+Royaume-Uni, Suisse et
Norvège incluant la France (avec hypothèse du scénario N2 pour la France)
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
TWh
4 000
3 000
2 000
1 000
0
Configuration Configuration REG CPRICE TYNDP 2020 - TYNDP 2020 - TYNDP 2020 - TYNDP 2022 - PAC Scénario 3 Accelerated Stromnetz 2050
A (référence) & B Distributed Global Distributed Global scenario Decarbonisation
configuration C Energy Ambition Energy Ambition Pathway
RTE - Futurs Commission ENTSOE & ENTSOG ONG (CAN Eurelectric Gas for TransnetBW
énergétiques 2050 européenne Europe, EEB, Climate
RGI & REN21)
2018 2050
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
TWh
4 000
3 000
2 000
1 000
0
Configuration Configuration REG CPRICE TYNDP 2020 - TYNDP 2020 - TYNDP 2020 - TYNDP 2022 - PAC Scénario 3 Accelerated Stromnetz 2050
A (référence) & B Distributed Global Distributed Global scenario Decarbonisation
configuration C Energy Ambition Energy Ambition Pathway
RTE - Futurs Commission ENTSOE & ENTSOG ONG (CAN Eurelectric Gas for TransnetBW
énergétiques 2050 européenne Europe, EEB, Climate
RGI & REN21)
2018 2050
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres EnR (hors thermique) Thermique (fossile sans CCS ou décarboné)
Les choix sur le système électrique français sont européens de façon différenciée selon les scéna-
susceptibles d’avoir des effets sur les systèmes rios de mix de production et de consommation en
électriques des pays voisins et notamment les France. Une telle approche rend néanmoins diffi-
besoins en capacités flexibles nécessaires à leur cile la comparaison entre les scénarios, chacun ne
sécurité d’approvisionnement. s’appuyant pas sur le même système européen.
Pour éviter cet écueil, l’approche retenue consiste
Une approche possible pour comparer les scéna- à considérer le même système électrique européen
rios France consisterait à représenter des évolu- pour comparer les scénarios de mix électrique
tions des capacités installées dans les autres pays français.
6.6.1 Allemagne
Le tournant énergétique allemand (« Energie charbon et au lignite dans le mix de production
wende »), engagé en 1998, a eu comme principaux d’électricité (en 2019, lignite et charbon repré-
effets visibles un développement massif de l’éolien sentent 30 % de la production). La production
et du photovoltaïque et la réduction progressive de d’électricité a émis 222 MtCO229 en 2019, en
la production nucléaire (les derniers réacteurs devant baisse de 30 % par rapport à 2010.
fermer en 2022).
Les transferts d’usage vers l’électricité sont restés
Malgré le fort développement des énergies renou- jusqu’ici très limités, notamment dans le secteur des
velables, qui représentaient 40 % de la production bâtiments. La part de l’électricité dans la demande
d’électricité en 2019, le secteur de la production finale est relativement faible (21 %) comparativement
d’électricité reste un contributeur important aux à l’ensemble de l’Europe (24 %) et n’a quasiment pas
émissions de GES du pays. L’Allemagne a néan- augmenté sur ces dix dernières années La fiscalité
moins fermé 16 GW de capacité au charbon et (faibles taxes sur les produits pétroliers et tarifs éle-
lignite depuis 2015. La fermeture d’une partie vés de l’électricité) en constitue l’une des raisons.
des capacités nucléaires depuis la catastrophe
de Fukushima en 2011 n’a pas permis de réduire L’objectif de baisse de 40 % des émissions de
plus significativement la part de la production au GES en 2020 par rapport au niveau de 1990 a
700
600
EnR :
500 36%
400
TWh
300
Thermique
fossile :
200 52% Bioénergie
Solaire
Éolien
100 Hydraulique
Nucléaire : Gaz
12% Fuel/Charbon
0 Nucléaire
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
29.
Source : ministère de l’Environnement allemand Strom- und Wärmeversorgung in Zahlen | Umweltbundesamt
30.
Les valeurs sont affichées en production brute (en intégrant l’autoproduction)
220
L’Europe .6
été atteint d’un point de vue comptable, mais ce la consommation d’énergie en 2020) : en 2018,
résultat est en grande partie lié à des facteurs les émissions de l’Allemagne représentaient
conjoncturels (hiver doux en 2019 et 2020 et effet 889 MtCO2, en baisse de seulement 31 % par
de la crise sanitaire sur l’activité économique et rapport au niveau de 1990.
À l’horizon 2030, un objectif de baisse de 65 % des émissions de gaz à effet de serre,
avec la poursuite du développement des énergies renouvelables dans la production
mais une sortie « lente » du charbon et la construction de nouvelles centrales au gaz
À long terme, le mix énergétique allemand reposera sur les énergies renouvelables
et des imports énergétiques sous forme d’électricité et de gaz vert
Le gouvernement allemand n’a pas défini de scé- Sur la consommation d’énergie : une forte
uu
nario de référence chiffré pour atteindre la neu- électrification de la consommation finale
tralité carbone à l’horizon 2050 (et même 2045). et un développement de l’utilisation de
Cependant, les documents de stratégie énergie- l’hydrogène
climat (plan d’action climat et stratégie hydro-
Comme l’ensemble des pays européens, l’Al-
gène) ainsi que les scénarios publiés par Dena en lemagne mise sur l’électrification des usages
2018, en amont des discussions sur l’évolution des finaux (notamment le transport et les usages
objectifs énergie-climat, permettent d’identifier les thermiques dans les bâtiments) pour réduire la
éléments structurants de la stratégie énergétique consommation totale d’énergie et les émissions
allemande. de GES liées à l’utilisation de combustibles
31.
IEA data browser
Figure 6.12 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Allemagne dans les configurations
considérées et comparaison avec différents scénarios publics compatibles avec la neutralité carbone
1 200
1 000
800
TWh
600
400
200
0
Configuration A Configuration B TM95 EL95 Stromnetz 2050 Klimaneutral 2050
(référence)
& configuration C
Agora
RTE - Futurs énergétiques 2050 Dena Transnet BW Energiewende
2018 2050
1 200
1 000
800
TWh
600
400
200
0
Configuration A Configuration B TM95 EL95 Stromnetz 2050 Klimaneutral 2050
(référence)
& configuration C
Agora
RTE - Futurs énergétiques 2050 Dena Transnet BW Energiewende
2018 2050
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres EnR (hors thermique)
Thermique (décarboné en 2050) Solde importateur
222
L’Europe .6
450
400
350
300
EnR :
250 39%
TWh
200
150 Thermique
fossile : Bioénergie
100 44% Solaire
Éolien
Hydraulique
50 Gaz
Nucléaire :
17% Fuel/Charbon
0 Nucléaire
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
32.
Ce dispositif a été complété et intègre désormais les contrats pour différence dont bénéficient les EnR et le nucléaire
33.
Ce mécanisme prend la forme d’une taxe intervenant en complément du prix sur le système d’échange de quotas d’émissions.
34.
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/875485/2019_UK_greenhouse_gas_emissions_
provisional_figures_statistical_release.pdf
224
L’Europe .6
Le Royaume-Uni s’est fixé pour objectif de diminuer ses émissions de gaz à effet
de serre de 68 % en 2030 par rapport à 1990. Sa stratégie nationale repose sur
l’électrification, l’accélération du développement des énergies renouvelables
et le recours au nucléaire.
En 2019, le Climate Change Act a été modifé et et ceux du gestionnaire de réseau de transport
les objectifs de réduction des émissions de GES d’électricité et de gaz (National Grid ESO) per-
ont été rehaussés, avec notamment l’objectif d’at- mettent d’identifier des tendances sur les options à
teinte de la neutralité carbone en 2050, qui corres- activer par le Royaume-Uni pour atteindre la neu-
pond à une baisse de l’ordre de 95 % des émissions tralité carbone :
de GES, contre une baisse de 80 % dans la version
précédente de la loi. Sur la consommation d’énergie : une élec-
uu
trification de la consommation finale et un
Le gouvernement britannique n’a pas formalisé de développement massif de l’utilisation de
scénario officiel d’atteinte de la neutralité carbone. l’hydrogène
Cependant la stratégie de décarbonation (Green
Le rôle de l’électricité dans la consommation
growth strategy)37, bien qu’établie avant la fixation finale au Royaume-Uni est aujourd’hui relative-
de l’objectif de neutralité carbone et sur la base ment faible comparativement aux autres pays
d’un objectif moins ambitieux38 décrit plusieurs d’Europe. En 2018, le taux d’électrification se
options possibles sur le rôle de l’électrification, de situe autour de 18 %, contre 21 % en moyenne
l’hydrogène, de la capture et séquestration de car- sur l’Europe40. Comme tous les pays européens,
bone et du nucléaire. Les scénarios publics de réfé- le Royaume-Uni mise sur l’électrification des
rence, dont ceux du Climate Change Committee39 usages finaux pour réduire la consommation
35.
https://www.gov.uk/government/news/uk-sets-ambitious-new-climate-target-ahead-of-un-summit
36.
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1011283/UK-Hydrogen-Strategy_web.pdf
37.
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/700496/clean-growth-strategy-correction-april-2018.pdf
38.
Cette stratégie vise une réduction des émissions de 80 % à l’horizon 2050 par rapport au niveau de 1990.
39.
Autorité indépendante chargée d’évaluer les politiques climatiques du gouvernement et de formuler des recommandations.
40.
IEA data browser
Une partie de cet hydrogène sera produit par uu Des exports d’électricité et/ou d’hydrogène
électrolyse, contribuant à la hausse de la Compte tenu des gisements éolien en mer dis-
consommation totale d’électricité. Au total, tous ponibles (mais aussi de la relance du nucléaire),
les scénarios envisagent une consommation tous les scénarios montrent que le Royaume-Uni
d’électricité se situant entre ~470 TWh/an et est en mesure de devenir un exportateur massif
~680 TWh/an à l’horizon 2050, contre de l’ordre d’électricité.
de ~300 TWh/an actuellement.
Dans la stratégie britannique, le développe-
Une production d’électricité qui mise sur
uu ment massif de l’éolien en mer et la relance
l’éolien en mer, le nucléaire et l’utilisation de du nucléaire doivent ainsi permettre de faire
gaz décarboné ou de gaz naturel avec CCS. face aux besoins d’électricité croissants liés à
Pour décarboner la production d’électricité, le l’électrification et au fort développement de
gouvernement britannique mise sur (i) la fer- l’électrolyse et d’envisager des exports mas-
meture des 3 dernières unités42 fonctionnant sifs vers le continent européen.
41.
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1011283/UK-Hydrogen-Strategy_web.pdf
42.
https://www.theguardian.com/business/2021/sep/13/britain-last-coal-power-stations-to-be-paid-huge-sums-to-keep-lights-on-record-energy-prices
226
L’Europe .6
Figure 6.14 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) au Royaume-Uni dans les configurations
considérées et comparaison avec différents scénarios publics compatibles avec la neutralité carbone
1 200
1 000
800
TWh
600
400
200
0
Configuration A Configuration B Consumer System Leading Balanced Headwinds Widespread
(référence) & Transformation Transformation the Way Pathway innovation
configuration C
RTE - Futurs National Grid ESO Climate Charge Committee
énergétiques 2050
2018 2050
1 200
1 000
800
TWh
600
400
200
0
Configuration A Configuration B Consumer System Leading Balanced Headwinds Widespread
(référence) & Transformation Transformation the Way Pathway innovation
configuration C
RTE - Futurs National Grid ESO Climate Charge Committee
énergétiques 2050
2018 2050
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres EnR (hors thermique)
Thermique (décarboné en 2050) Solde importateur
Après une hausse sur la période 1990-2005, les centrales au gaz et le développement des éner-
émissions globales de l’Italie ont baissé de 19 % gies renouvelables.
entre 2005 et 2019, au-delà des engagements
du pays. Le mix de production d’électricité a La production d’électricité repose encore essentielle-
fortement contribué à cette réduction des émis- ment sur la production d’origine fossile (qui repré-
sions, avec notamment la fermeture de 15 GW sente 59 % de la production) et notamment sur le
de capacité fonctionnant au fioul et au char- gaz. La production d’électricité a émis 81 MtCO2
bon depuis 2015 et leur remplacement par des en 2019, en baisse de 33 % par rapport à 2010.
Les objectifs officiels actuels de l’Italie en matière l’Union européenne (-55 % à l’horizon 2030), le
de réduction des émissions de GES sont affichés gouvernement italien a annoncé que cet objectif
dans le Plan national intégré énergie-climat43 et serait prochainement rehaussé et porté à -60 %.
portent sur une réduction globale de 37 % des
émissions de GES par rapport à leur niveau de Le plan énergie-climat mise sur l’électrification
1990. En lien avec les nouvelles ambitions de des usages, les gains d’efficacité énergétique et
350
300
250
EnR :
41%
200
TWh
150
43. https://ec.europa.eu/energy/sites/default/files/documents/it_final_necp_main_en.pdf
228
L’Europe .6
la réduction des émissions liées à la production une rémunération sécurisée via un mécanisme de
d’électricité. L’Italie a notamment prévu de fermer capacité.
la totalité de son parc au charbon (7 GW) à l’horizon
2025. Pour maintenir le niveau de sécurité d’appro- Le plan énergie-climat prévoit aussi une inflexion
visionnement, de nouvelles centrales au gaz sont forte sur le rythme de développement des énergies
nécessaires et sont en cours de construction, avec renouvelables à horizon 2030.
À ce jour, l’Italie n’a pas inscrit dans sa législation ainsi que le développement de l’hydrogène et de
l’engagement formel d’atteinte de la neutralité car- combustibles de synthèse dans la consommation
bone à l’horizon 2050 mais a établi deux scénarios finale, essentiellement pour le transport et l’indus-
encadrants compatibles avec ces objectifs, dans trie. La stratégie évoque notamment entre 200 et
le cadre de la stratégie long terme transmise à la 300 GW de capacité photovoltaïque, couplée avec
Commission européenne. un développement important de batteries (entre
40 et 50 GW). La stratégie laisse ouverte l’option
Ces scénarios, qui se basent notamment sur les de continuer à utiliser des gaz fossiles importés
travaux de RSE44, reposent essentiellement sur dans la production d’électricité couplée avec des
l’électrification des usages (~55 % de la consom- solutions de CCS. Enfin, l’Italie envisage de recou-
mation finale d’énergie en 2050), le dévelop- rir aux imports d’électricité (de l’ordre de plusieurs
pement de la production d’électricité d’origine dizaines de TWh) pour couvrir sa consommation
renouvelable (représentant près de 75 % de l’éner- nationale.
gie primaire) et principalement du photovoltaïque
44.
Organisme de recherche mandaté par le gouvernement italien pour proposer des scénarios de décarbonation à l’horizon 2050
800
700
600
500
TWh
400
300
200
100
0
Configuration A Configuration B Scénario min Scénario max
(référence) &
configuration C
800
700
600
500
TWh
400
300
200
100
0
Configuration A Configuration B Scénario min Scénario max
(référence) &
configuration C
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres EnR (hors thermique)
Thermique (décarboné en 2050) Solde importateur
230
L’Europe .6
6.6.4 Espagne
Après une augmentation des émissions de GES jusqu’à La production d’électricité a émis 59 MtCO2
la fin des années 2000, tirée par une forte croissance en 2018, en baisse de 15 % par rapport à
économique, les émissions de l’Espagne sont nette- 2010.
ment orientées à la baisse, sous les effets conjugués
du développement des énergies renouvelables et de La part de la production à partir de combustibles
la réduction de la place du charbon dans la produc- fossiles ne représente plus que 41 % de la pro-
tion d’électricité. L’Espagne a fermé près de 10 GW de duction totale.
capacité au fioul et au charbon depuis 2015.
L’Espagne prévoit une réduction des 23 % des émissions de GES à l’horizon 2030
et s’appuiera sur la fermeture du parc charbon et le développement des productions
renouvelables
L’Espagne a adopté en 2021 sa première loi sur L’Espagne prévoit de sortir du charbon à l’horizon
le changement climatique et de transition énergé- 2026 et de poursuivre le développement des éner-
tique, qui fixe des objectifs de réduction des émis- gies renouvelables pour permettre l’électrification
sions de GES, d’efficacité énergétique et de part des usages et réduire les émissions de son sec-
des énergies renouvelables dans la consommation teur électrique tout en fermant progressivement
finale et la production d’électricité. Le texte pré- ses centrales nucléaires (qui représentent plus de
voit une réduction de 23 % des émissions de GES 7 GW de capacité installées actuellement) pour
à l’horizon 2030 par rapport à 1990. Compte-tenu sortir complètement du nucléaire à l’horizon 2035.
de leur niveau actuel, supérieur à celui de 1990, il Les capacités au gaz joueront un rôle dans la tran-
s’agit d’un objectif aux ambitions comparables sur sition pour compenser la fermeture des parcs char-
la décennie à celui de nombreux pays européens. bon et nucléaire mais l’Espagne ne prévoit pas le
développement de nouvelles capacités au gaz.
350
300
250
EnR :
39%
200
TWh
150
Thermique
fossile :
100 Bioénergie
41%
Solaire
Éolien
50 Hydraulique
Nucléaire : Gaz
21% Fuel/Charbon
0 Nucléaire
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
Figure 6.18 Consommation électrique (en haut) et mix de production (en bas) en Espagne dans les configurations
testées et comparaison avec la stratégie long terme du gouvernement45
600
500
400
TWh
300
200
100
0
Configuration A Configuration B ELP
(référence) &
configuration C
Gouvernement
RTE - Futurs énergétiques 2050 espagnol
2018 2050
600
400
TWh
300
200
Répartition éolien
100 terrestre et en mer
non précisée
0
Configuration A Configuration B ELP
(référence) &
configuration C
Gouvernement
RTE - Futurs énergétiques 2050 espagnol
2018 2050
Nucléaire Éolien terrestre Éolien en mer Solaire Hydraulique et autres EnR (hors thermique)
Thermique (décarboné en 2050) Solde importateur
45.
Le scénario à long terme de décarbonation du gouvernement espagnol est décrit dans la stratégie à long terme du gouvernement. Certaines informations
ne sont pas décrites de façon précise et plusieurs valeurs du graphique résultent d’hypothèses de RTE
232
L’Europe .6
Pour décarboner leurs économies, les stratégies au périmètre européen dans un contexte d’ac-
des États reposent toutes sur un rôle accru de croissement des capacités d’interconnexion entre
l’électricité et un fort développement de énergies les pays, la superposition des stratégies définies
renouvelables variables. Ces évolutions constituent au niveau national ne garantit pas la construction
un défi pour chaque état : il s’agit notamment d’un système où la sécurité d’approvisionnement
d’accélérer le rythme de développement des éner- est assurée et où les coûts sont optimisés.
gies renouvelables. Elles constituent un défi aussi
Figure 6.19 Hypothèses sur les mix de production et les capacités installées à l’horizon 2050 dans les principaux pays
voisins de la France - configuration de référence
800 300
700
250
600
500 200
TWh/an
400
GW
150
300
100
200
50 1 200 600
100
0 0 1 000 500
Demande Production Capacités
installées 800 400
TWh/an
GW
600 300
400 200
200 100
0 0
Demande Production Capacités
installées
600 350
500 300
400 250
TWh/an
200
300
GW
150
200
100
100
50
0 0 800 500
Demande Production Capacités
installées 700
600 400
Bilan énergétique Capacités 500
TWh/an
300
400
GW
300 200
200
100
100
0 0
Demande Production Capacités
Solde importateur installées
PRODUCTION
Power-to-gas
Solde exportateur
Demande hors
power-to-gas
234