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REB 35 1977Francep. 237-256
M. Kuršanskis, L'Empire de Trébizonde et la Géorgie. — L'auteur se propose d'étudier les rapports historiques entre Trébizonde
et la Géorgie. Il aborde les questions suivantes : 1. l'ascendance des Andronikashvili ; 2. le mariage de l'empereur Andronic
Comnène; 3. les circonstances de la fondation de l'Empire de Trébizonde ; 4. les rapports présumés de Giorgi Lasha, roi de
Géorgie, avec Alexis Ier de Trébizonde; 5. la conquête présumée de la Lazique par les Géorgiens, et le titre d'empereur des
Ibères porté par les Grands Comnènes de Trébizonde. A ce propos, l'auteur étudie également l'emplacement de Sotiropolis, qui
marquait la frontière orientale de l'Empire trapézontin.
Kuršanskis Michel. L'Empire de Trébizonde et la Géorgie. In: Revue des études byzantines, tome 35, 1977. pp. 237-256;
doi : https://doi.org/10.3406/rebyz.1977.2073
https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1977_num_35_1_2073
Michel KURSANSKIS
5. A. Bryer, Some Notes on the Laz and the Tzan, I, Bedi Kartlisa 21-22, 1966, p. 179
et n. 29 ; Idem, Rural Society in the Empire of Trebizond, ΆρχεΙον Πόντου 28, 1966-1967,
p. 153-155, 158; Hélène Ahrweiler, L'Idéologie politique de l'Empire byzantin, Paris
1975, p. 107. Voir aussi Germaine Rouillard, La vie rurale dans Γ Empire byzantin,
Paris 1953, p. 163 s.
6. J. BaltruSaitis, Etudes sur l'art médiéval en Géorgie et en Arménie, Paris 1929,
p. 92 s. ; K. Salia, La Tao-Klardjétie et ses monastères, Bedi Kartlisa 10-12, 1961, p.
41-62 ; ibidem 13-14, 1962, p. 40-46 ; S. Ballance, The Byzantine Churches of Trebizond,
Anatolian Studies 10, 1960, p. 173-174.
7. S. LamproS, Βησσαρίωνος Έγκώμιον είς Τραπεζούντα, NE 13, 1916, p. 189-190
(fol. 162b); A. Bryer, Some Notes on the Laz and the Tzan, I, Bedi Kartlisa 21-22,
1966, p. 179.
8. D.M. Lang, Studies in the Numismatic History of Georgia in Transcaucasia,
The A. N. S. Numismatic Notes and Monographs 130 ; New York 1955, p. 81 s. Contre
l'opinion de D.M. Lang, nous pensons que l'émission des kyrmaneuli commence déjà
au xme siècle. Voir K.V. Golenko, Klad Monet iz sela Tobanieri, FF16, 1956, p. 127-172.
l'empire de trébizonde et la Géorgie 239
1. Les Andronikashvili
Une ancienne tradition maintient que l'empereur Andronic Comnène,
grand-père des fondateurs de l'Empire de Trébizonde, a laissé, à la suite
de son voyage en Géorgie vers 1170, des descendants dans ce pays. Leur
nom, Andronikashvili, aurait indiqué cette ascendance. A notre
connaissance, pourtant, seul Kunik a publié quelques renseignements à leur
sujet10. Nous donnons ici la traduction des textes publiés par cet auteur.
Kunik constate d'abord « qu'en Kakhétie la famille des Andronikashvili,
les princes Andronikov, font remonter leurs origines, comme ils le disent,
à l'empereur Andronic11». Plus loin il transcrit des informations qu'il
devait à M. Tchoubinov, qui les aurait reçues à son tour des princes
«Andronic»; il s'agit d'annales très douteuses, qui datent sans doute,
comme Kunik l'a remarqué, d'une époque tardive. En voici le contenu :
« 1144. En cette année Manuel Comnène était empereur à
Constantinople ; les neveux de cet empereur, Andronic et Alexis, arrivèrent en
Géorgie, au bourg de Hehouti. A cette époque régnait le roi Georges,
et ce roi leur fit présent de forteresses et de villages, et érigea pour eux
une église en face de la sienne. Le roi Georges partit pour le Derbend,
dévasta Mouskouri et Chabrani, et Andronic se comporta courageusement
dans cette guerre.
1174. En cette année le roi Georges mourut, ainsi qu'Alexis, et ils furent
enterrés en Kartalinie, dans l'église de Saint-Nicolas, et Andronic demeura.
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annales que nous avons citées, pour douteuses qu'elles soient, ne nous disent
rien de la sorte.
2. Le mariage d'Andronic Comnène
Nous avons écrit naguère15, et nous pensons l'avoir mieux démontré
ci-dessus, que l'empereur Andronic Comnène n'épousa pas de princesse
géorgienne ni ne laissa des enfants en Géorgie vers 1170.
Il nous paraît plus vraisemblable que la première femme d'Andronic
a été une Paléologue. En effet, Nicétas Choniatès nous informe que le
frère de la femme d'Andronic était le sévastos Georges16, et le seul
personnage que nous ayons pu trouver qui portât ce nom et ce titre à cette époque
est le grand hétériarque et sévastos Georges Doukas Paléologue17. Il est
à remarquer aussi que ce dernier fut envoyé en Terre Sainte en 1167, au
moment même où s'y trouvait Andronic, et que par la suite, lorsqu'il fut
devenu empereur, Andronic voulut charger le sévastos Georges du meurtre
de l'impératrice Marie d'Antioche18.
Il est donc impensable qu'Andronic ait épousé une sœur du roi Giorgi III,
comme le voulait C. Toumanoff19, d'autant plus que le roi de Géorgie
ne pouvait pas se trouver à la fois sur le trône et se faire ordonner une
basse besogne à Constantinople. Enfin, avant qu'il n'épousât Anna-Agnès
de France en 1183, Andronic n'eut certainement pas plus de deux femmes
que l'on puisse considérer comme légitimes20. Nous proposons de voir
en la sœur de Georges Paléologue la première épouse d'Andronic ; quant
à la seconde, il s'agit certainement de Theodora Comnène, sa cousine,
laquelle lui donna deux enfants, et avec qui Andronic vivait encore
maritalement avant 1183. Les nombreuses autres liaisons de cet empereur —
nous en connaissons trois autres — ne furent que des passades21.
15. Voir notre article : Autour des sources géorgiennes de la fondation de l'Empire
de Trébizonde, Άρχεΐον Πόντου 30, 1970, p. 107 s.
16. Nicétas Choniatès : Bonn, p. 348.
17. L. Stiernon, Notes de titulature et de prosopographie byzantines. Sébaste et
gambros, REB 23, 1965, p. 233-234, qui cite Migne, PG 140, 252. Voir aussi Kinnamos :
Bonn, p. 212, 215 ; D. I. Polemis, The Doukai, Londres 1968, p. 155.
18. Guillaume de Tyr : RHC Occ, I, 1024, 1035 ; Nicétas Choniatès : Bonn, p. 348.
19. C. Toumanoff, On the Relationship between the Founder of the Empire of Trebi-
zond and... Thamar, Speculum 15, 1940, p. 299-312.
20. Nous pensons qu'il faut accueillir avec réserve l'information d'ARNOLD de Lübeck
(Chronica Slavomm : MGH SS, XXI, lib. hi, p. 142 s.), d'après laquelle Andronic avait
eu deux femmes légitimes avant d'épouser Anna. O. Jurewicz (Andronikos I. Komnenos,
Amsterdam 1970, p. 161) ne donne pas moins de six femmes à cet empereur.
21. Andronic se lia successivement à Eudocie, la fille du sébastokrator Andronic,
à Philippa d'Antioche et, à la fin de sa vie, à une courtisane nommée Maraptikè. O.
Jurewicz (op. cit., p. 53-54, 74-75, 117, 134) cite l'essentiel sur ces personnages.
l'empire de trébizonde et la Géorgie 243
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près le même langage29. Il résulte de ces textes que les Grands Comnènes
étaient déjà à Trébizonde lors de la chute de Constantinople. En effet,
Acropolite dit que les « chefs firent du pays qui était sous leur domination
leur propre empire » ; le fait d'écrire qu'Alexis « était appelé à régner »
signifie, d'autre part, que l'occupation du Pont était un acte de révolte
contre l'empereur de Constantinople, et que la prise de pouvoir réelle,
l'acclamation royale, n'eut lieu qu'ensuite. Nicétas dit que les Grands
Comnènes régnaient sur le Pont au moment où les autres seigneurs grecs
s'emparaient de terres restées sans maître. Ogérios et Haithon se réfèrent
au même état de choses, mais ce dernier confond Alexis Grand Comnène
avec un gouverneur nommé par l'empereur. En fait, les chroniques
géorgiennes précisent que ce prince était réfugié auprès de la reine Thamar,
et Panarétos, qui le confirme, ajoute qu'Alexis avait quitté Constantinople.
En conclusion, on peut penser que Trébizonde fut prise dès le début
d'avril 1204, et que la nouvelle avait pu parvenir à Constantinople peu
avant la chute. Cela a pu permettre aux auteurs du xme siècle d'écrire
que Trébizonde était déjà occupée par ces « rebelles » ; on remarque, en
effet, que pas un seul de ces auteurs ne dit que les Grands Comnènes
occupèrent le Pont après la prise de Constantinople par les Croisés, et
Panarétos semble même vouloir passer sous silence un acte de force accompli
contre l'empereur régnant à Constantinople. Rappelons le passage de cet
auteur : « Alexis Grand Comnène, parti de la bienheureuse Constantinople,
arriva d'Ibérie avec des troupes, par la diligence et les efforts de sa tante
paternelle Thamar, et s'empara de Trébizonde, au mois d'avril 120430. »
La prise de Trébizonde semble donc bel et bien avoir été un acte de
princes rebelles; ils ne se firent proclamer empereurs que par la suite,
alors que les événements leur avaient permis de légitimer leur agression.
29. Ephrem : Bonn, vers 1522-1523 ; Grégoras : Bonn, I, p. 13-14 = van Dieten,
I (traduction), p. 69.
30. Panarétos : Lampsidès, p. 61. Traduction française de M. F. BROSSETdans Histoire
du Bas-Empire de Lebeau et Saint-Martin, XVII, Paris 1834, p. 255.
31. A. A. Vasiliev, The Foundation of the Empire of Trebizond, Speculum 11, 1935,
p. 29.
246 M. KURSANSKIS
38. Voir surtout Ch. M. Brand Byzantium Confronts the West, Cambridge Mass.
1968, p. 64, 86-87, 135-136, 144-145, 161, 174, 204. Voir aussi Hélène Ahrweiler,
L'Idéologie politique de VEmpire byzantin, p. 107. La rébellion était un mal endémique de l'Etat
byzantin.
39. J. Ph. Fallmerayer, op. cit., p. 117.
40. E. Finlay, Mediaeval Greece and Trebizond, p. 391.
41. W. Miller, Trebizond the Last Greek Empire, p. 24.
42. S. Lampros, art. cit., p. 177, 184 (fol. 154a, 1586).
248 M. KURSANSKIS
a) La conquête de la Lazique
Jalal al-Din, le Khwarizmshah, envahit la Géorgie en 1225 et la mit
à feu et à sang; la Géorgie occidentale ou Iméréthie, pourtant bien
protégée à l'extérieur par les monts Likh, et à l'intérieur par d'épaisses
forêts, fut épargnée. Elle resta pour longtemps la région la plus sûre de
la Transcaucasie, et c'est là que la reine Rousoudan se réfugia en 1236,
lorsque les Mongols, à leur tour, envahirent la Géorgie. C'est ainsi qu'au
moment même où les nouveaux conquérants divisaient le royaume de
Géorgie entre quatre gouverneurs, les Bagratides établis à Koutaïs, la
capitale de l'Iméréthie, gardaient leur indépendance. Quant à David Narin,
il avait été associé au trône par sa mère en 1234, à l'âge de six ans43.
David Narin fut reconnu roi de la Géorgie centrale au moment où
Rousoudan négociait sa soumission aux Mongols, en 1243. Il fut aussitôt
après envoyé auprès de Batû Khan, sur la Volga, et ensuite auprès du
Grand Khan Guyuk, qui décida d'accorder la couronne géorgienne à la
fois à David Narin et à son cousin, David Oulou, fils de Giorgi Lasha.
Les deux rois rentrèrent en Géorgie en 1249, deux ans après la mort de
Rousoudan, et régnèrent ensemble à Tiflis, durant presque dix ans, sur
un pays dominé par les Mongols44. Cependant, les deux David devaient
accompagner les khans mongols dans toutes leurs expéditions. Hulégu
appréciait David Oulou, qui était simple et crédule, mais il détestait
l'ambitieux et rusé (« Narin ») David45. Ce dernier craignait également l'Ilkhan,
et après la prise d'Alamout en 1257, il s'enfuit dans les monts Likh; de
là il se rendit à Koutaïs, que les Mongols n'avaient jamais attaqué et où
il fut proclamé roi des Abkhazes par les seigneurs féodaux. De la sorte,
la Géorgie fut scindée en deux : David Oulou régnait à Tiflis sur un Etat
directement soumis aux Mongols, tandis que David Narin régnait à Koutaïs
sur une Iméréthie de fait indépendante, bien qu'il reconnût, de manière
formelle, la suzeraineté de Hulégu46. Ces événements eurent lieu en 1258 ;
comme on le voit, l'Iméréthie, toujours restée géorgienne, ne s'était pas
détachée de l'Empire de Trébizonde, mais bien de la Géorgie.
Certes, le titre d'« empei*d(^r des Ibères », qui fut assumé par les Grands
Comnènes, a pu provoquer la confusion. C'est certainement à cause de
ce titre que Fallmerayer, Finlay et Miller ont cru que les Trapézontins
avaient dominé une partie de la Géorgie. Mais quelle était cette Ibérie
trapézontine, et de quand date ce titre ?
b) Le titre d'empereur des Ibères
A la suite de la publication par Fallmerayer du chrysobulle de 1374
d'Alexis III pour le monastère de Dionysos, Finlay pensa que le titre
qui y est cité d'« empereur de tout l'Orient, des Ibères et des Provinces
Transmarines» avait été adopté par Jean II en 128247. En effet, à cette
date Jean II épousait Eudocie, fille de Michel VIII Paléologue, et
abandonnait ses vues sur l'Empire des Romains48. Le titre d'empereur des
Romains avait été porté par ses ancêtres, comme le révèlent Pachymère
et surtout l'inscription sur la fresque de l'empereur Manuel, à Sainte-
Sophie de Trébizonde49. Finlay ajoutait que le titre d'empereur des Ibères
avait dû être porté seulement par Alexis Ier et Andronic Ghidon, l 'Ibérie
ayant été perdue sous le règne de ce dernier50. En fait, l'Ibérie à laquelle
se réfère cet auteur n'avait jamais appartenu aux Grands Comnènes,
comme nous venons de le dire, et nous nous proposons de démontrer ici
que ce titre n'avait qu'une valeur traditionnelle.
La province d'Ibérie, en réalité la Tao-Klarjétie, fut annexée à l'Empire
byzantin par Basile II en l'an 100051. En 1022 cet empereur assujettit
aussi une partie de la Géorgie occidentale, à laquelle fut imposée une
étroite vassalité52. La province d'Ibérie s'étendait, en 1045, jusqu'à Ani,
que Constantin Monomaque venait de conquérir53, mais peu d'années
plus tard les Turcs firent leur apparition dans ce territoire. Envahie par
Alp Arslan en 1064, l'Ibérie était définitivement arrachée à l'Empire
47. J. Ph. Fallmerayer, Original Fragmente, Abhandlungen der hist. Classe der kays.
Bayer. Akad. d. Wissenschaften, III, Abth. 3, Munich 1843, p. 49; Ε. Finlay, op. cit.,
p. 403.
48. Pachymère : Bonn, I, p. 520-524.
49. E. Finlay, op. cit., p. 394-395 n. 1 ; J. Gay, Les registres de Nicolas III, p. 136 :
Ogérios, qui écrivait en 1279, dit que le seigneur de Trébizonde ne s'était fait couronner
empereur des Romains qu'à cette date, mais il déformait les faits, comme l'indiquent
l'inscription de Sainte-Sophie et la déclaration que Pachymère prête à Jean II.
50. E. Finlay, op. cit., p. 403 n. 2.
51. Yahya ibn-Sa'ïd al-Antakï (Yahia ou Jean d'Antioche), Histoire : tr. russe dans V.
Rosen, Imperator Vasily Bolgoarobojca, Saint-Pétersbourg 1883, p. 42; Kédrènos :
Bonn, II, p. 447 ; G. Schlumberger, L'épopée byzantine à la fin du Xe siècle, II, Paris
1900, p. 31, 159 s., 174 s. ; H. Grégoire, The Amorians and Macedonians 842-1025,
Cambridge Medieval History, IV, 1, Cambridge 1966, p. 186, 189.
52. G. Schlumberger, op. cit., p. 530-531.
53. E. Honigmann, Die Ostgrenze des byzantinischen Reiches, Bruxelles 1935, p. 179-
180 et surtout 212.
250 m. kurSanskis
77. Ibidem, p. 612-622 ; II, p. 205. Voir aussi D. Winfield, A Note on the South-
Eastern Borders of the Empire of Trabizond in the Thirteenth Century, Anatolian Studies
12, 1962, p. 163-172.
78. L'au-delà des Trapézontins est naturellement Yen-deçà des Géorgiens.
79. A. Bryer, art. cit., p. 122 et fig. 2.
80. M. F. Brosset, HG II, p. 206. Les Jaqelides restèrent soumis aux rois de Géorgie
jusqu'en 1451 (voir W. E. D. Allen, op. cit., p. 122). Le roi Bagrat V donna Yéristhawat
de Gourie au souane Wardanidzé, en 1362 (voir M. F. Brosset, d'après Vakhusht, HG I,
p. 663). Pour la frontière trapézontine à Batoum, voir A. Bryer, art. cit., p. 121-122.
81. Panarétos : Lampsidès, p. 77-78.
82. N. Iorga, Notices et Extraits pour servir à Vhistoire des Croisades au XVe siècle,
III, p. 259.
83. Jehan de Wavrin : E. Dupont, II, p. 96-97.
84. S. Lampros, art. cit., p. 184 (fol. 1586 in fine).
254 M. KURSANSKIS
c) Sotiropolis
Les sources qui mentionnent la Sotiropolis trapézontine ont été publiées
par Papadopoulos-Kérameus85. Parmi elles, la plus importante est la
synopse des miracles de saint Eugène, compilée par le métropolite Jean
(Joseph) Lazaropoulos au xive siècle. L'hagiographe y écrit que lorsque
Trébizonde fut menacée par les Turcs, en 1223, l'empereur Andronic
Ghidon réunit des troupes depuis Sotiropolis jusqu'à Oinaion86.
Fallmerayer ne connaissait pas encore ce texte en 1827, date de la parution
de sa Geschichte, mais il fut le premier à en publier des extraits en 184387.
Finlay écrit que l'empereur « rassembla des guerriers depuis Sotiropolis,
sous les montagnes mingréliennes, jusqu'à Oinaison88 ». Miller confond
Sotiropolis et Sévastopolis, située près de l'antique Dioscurias, en Abkhazie89.
Quelques auteurs pensent toutefois que Sotiropolis était un autre nom
de Pitsounda, une forteresse isolée plus au nord, sur les côtes abruptes
de l'Abkhazie90. Mais comment expliquer la domination des Grands
Comnènes sur une région aussi distante de l'Empire, alors qu'ils ne
possédaient pas de terres au-delà du Phase, et encore moins en Iméréthie ?
Où donc était la Sotiropolis de Lazaropoulos ?
Constantin Porphyrogénète mentionne l'existence d'une ville de ce nom
en Abkhazie91. Cet endroit, comme le Cherson en Crimée, était-il une
enclave byzantine au xme siècle ? Auquel cas, on pourrait penser que
Sotiropolis, isolée au nord-est de la mer Noire, était dominée par les Grands
Comnènes, et était une de leurs « Provinces Transmarines ». Rappelons
que ces dernières devaient être constituées, en partie, du Cherson dont
les archontes avaient reconnu l'autorité des Grands Comnènes vers 1204.