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LE CHRIST
DANS SES MYSTÈRES
DV MÊME AUTEUR
Le Christ, vie de l'âme. Conférences spirituelles, l vol
Qwœiènu édition.

Le Christ idéal du moine. Conférences spirituelles sur la

vie religieusi et monastique. 1 vol. Souspn

Christus, leven der ziel. Traduction flamande par l'abbé

AV. Vax Nylbn. Lierre, Taymans. L920.

Cristo, vite dell' anima. (BibliotecaasceHca,T. I.) Traduction


italienne, Milan«.>..Soeietà éditrice « Vita e Pensiero>, 1921.

Christus, Zyeiem duszy. (Bibliothèque delà vie

T. I.) Traduction polonaise par le R. P. .1. Andk^z. s. .1.

Craoovie, 1921.

Christ, the life of the soûl. Traduction anglaise. (Sous


Le Christ
dans

Ses Mystères
CONFÉRENCES SPIRITUELLES LITURGIQUES

PAR

D. COLUMBA MARMION
ABBÉ DE MAREDSOUS

Ouvrage honoré d'une lettre d'approbation


de S. S. Benoît XV

Huitième édition

ABBAYE DE MARBDSOUS
(NAMUB, BELGIQUE)

S TE St-àugustin, DESCLEE, DE BROUWER & C ie


PARIS, LILLE, LYON, MARSEILLE

1922
s

AU
CŒUR SACRÉ DE JÉSUS
h N QLI HABITE

TOUTE PLÉNITUDE DE LA DIVINITÉ

EN QUI SONT AMASSÉS

TOUS LES TRÉSORS DE SAGESSE ET DE SCIENCE

nEVENU POUR NOI

SOURCE DE VIE ET DE SAINTETÉ


NI H If. 0B3TAT
18 Decembi s 1921.

Em. DbJabghkb, Cmn. W> eau.

IMPRIMATUR
Brugis. 21 Decembris 1921.

H. Van den Beruhe. Vie. gai.

Tous droits de reproduction et de traduction réservée


pour tous pays.
LETTRE DE S.S. BENOIT XV A L'AUTEUR.

Dilecto Filio Columbae Marmion O. S. B.


Abbati Maredsolensi.

BENEDICTUS PP. XV.

Dilectc Fili, salnteni et apostolicam benedictio-


nem.
Binos tuos illos libros, quos Nobis perhumaniter
obtuleras, quorum aller « Le Christ Vie de l'âme »,

aller « Le Christ dans ses Mystères » inscribitur.

cum his proximis diebus, quantum per occupationes


licuit. volveremus, facile cognovimus jure sane ac
merito eos laudari, ut pote ad excitandam alendam-
que in animis divinae caritatis flammam valde ac-
commodâtes. Etsi enim non hic omnia exponuntur
quae in tuis ad sodales sermonibus de Jesu Christo,
omnis sanctitatis et exemplari et effectore, explica-
veris, his tamen eorum tamquam commentariis ido-
nee foveri studium videtur Ejus imitandi de Ipso-
que vivendi « qui factus est nobis sapientia a Deo,
et justitia, et sanctificatio et redemptio ».

Optimum igitur consilium fuit haec in lucem dan


volumina, unde non modo sodales fui sed multo plû-
tes ad omnem virtutem proficerent : lateque jam, ut
audimus. vel la'icorum manibus versantur. Itaque
cum gratins tibi agimus, tum etiam gratulamur : at-
que auspicem caelestium munerum, apostolicam be-
nedictionem tibi, dilecte FM, paterna cum benevolen-
tia impertimus.
Datum Romae apud Sanctum Petrum die X men-
us octobris MCMXJX, Pontificatus Nostri anno sex-
to.

(s) BENEDICTUS PP. XV.


A notre très cher Fils Columba Marmion,
Abbé de Maredsous.

BENOIT XV, Pape.

Très cher fils, salut et bénédiction apostolique.


Sensible à l'hommage délicat des deux livres pu-
bliés par vous sous ces
titres respectifs Le Christ :

vie Le Christ dans ses mystères, et les


de l'âme,
ayant Nous-même tout récemment parcourus, dans
la mesure où Nos occupations l'ont permis, Nous

avons reconnu sans peine l'entière justesse des élo-


ges que leur vaut une singulière aptitude à exciter
et à entretenir dans les coeurs la flamme de la divine
charité. Bien que, en effet, vous n'ayez pu renfermer
dans ces pages tous les enseignements donnés de
vive voix à vos fils spirituels sur le Christ Jésus, Mo-
dèle et Cause de toute sainteté, néanmoins l'exposé
que vous avez su y présenter de votre doctrine fait
assez paraître combien celle-ci est capable d'échauf-
fer dans les âmes l'ambition d'imiter le Christ et l'ar-
deur à vivre de Celui qui, « par Dieu même, a été
établi notre sagesse, notre justice, notre sanctifica-
tion et notre rédemption ». C'a donc été une inspi-
ration très heureuse que d'éditer ces deux volumes
et de travailler ainsi au progrès spirituel d'une clien-
tèle autrement nombreuse que votre famille religieu-
se : oeuvre de diffusion qui, nous assure-t-on, es:
déjà largement accomplie même
les parmi laïcs.

Qu'a nos remerciements se joignent donc nos félici-

tations.
Comme gage des faveurs célestes, Nous vous ac-
cordons, très cher fils, d'un coeur tout paternel, la

bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près S. Pierre, le 10 octobre 1919.


sixième année de Notre Pontificat.

(S) BENOIT XV, Pape.


AVANT-PROPOS DE LA 1" EDITION

En permettant l'impression des conférences « Le


Christ vie de l'ame », l'auteur n'avait en vue que
d'exposer, d'après l'Évangile, les Épîtres de S. Paul
et les conclusions de l'enseignement théologique, les

caractères fondamentaux de la vie chrétienne. Celle-


ci est essentiellement surnaturelle, et ne se peut pui-
ser que dans le Christ, modèle unique de perfection,
trésor infini de nos grâces et cause efficiente de toute
sainteté.
Les conférences qui composent le présent volume
font logiquement suite à celles du précédent.
La vie du Christ, exemplaire divin et accessible
tout à la fois de la vie chrétienne, s'est manifestée à
nos regards par les états et les mystères, les vertus
et les actes de l'humanité sainte. Humaine dans son
expression extérieure, la vie du Verbe incarné est
toute divine dans son origine.
Aussi les mystères de F Homme-Dieu ne sont-ils
pas seulement des modèles que nous devons consi-
dérer; ils renferment encore en eux-mêmes des tré-
sors de mérite et de grâce. De sa vertu toute puis-
sante, le Christ Jésus, toujours vivant, produit la
perfection intérieure et surnaturelle de ses états en
ceux qui sont mus par le sincère désir de l'imiter et
se mettent en contact avec Lui par la foi et l'amour.
C'est à la lumière de ces vérités que l'auteur a ex-
posé les principaux mystères de Jésus.
xn WAM-PROPOS

Le plan est simple.


^
Une double conférence préliminaire montre combien
sont nôtres les du Christ, et comment,
mystères
d'une façon générale, nous pouvons nous en assimi-
ler les fruits.

Nous ne comprendrons bien la valeur transcen-


dante de ces mystères, leur admirable splendeur,
leur enchaînement logique, l'unité profonde qui les
relie, que si nous considérons d'abord Celui qui les
a vécus pour nous. C'est pourquoi, dans une pre-
mière partie, on a tâché d'esquisser les traits essen-
tiels de la personne même de Jésus Verbe éternel, :

— fait chair, — qui vient racheter le monde par son


sacrifice.
La seconde partie est consacrée à la contempla-
tion des mystères de l'Homme-Dieu. En s'aidant —
des données de l'Évangile et des textes liturgiques,
l'auteur a cherché à en établir la réalité humaine et
divine tout ensemble, à en marquer la signification,
à en indiquer les applications à l'âme fidèle. Quant
au choix même de ces mystères, on a cru ne pouvoir
fairemieux que de s'arrêter à ceux que l'Église nous
propose dans son cycle liturgique. Qui mieux qu'elle,
en effet, connaîtle secret de son Époux et possède

de distribuer l'Évangile ? Qui mieux qu'elle sait


l'art

nous conduire au Sauveur ?

extrêmement bienveillant que le public,


L'accueil
surtout a daigné faire au volume « Le Christ
laïc,

vie de l'ame » n'a pas seulement constitué pour


l'auteur un précieux encouragement. Il est aussi un
symptôme des plus réconfortants au milieu des tris-
AVANT-PROPOS XIII

tesses et des préoccupations d'une époque particu-


lièrement troublée. montre que, sous la pression
Il

des événements, bien des âmes, dociles à la voix de


Dieu, se sont recueillies ; affamées de salut, de paix
et de lumière, elles se sont tournées vers Celui-là
seul qui est la Voie infaillible, la Vérité qui éclaire
tout homme ici-bas, la Vie qui sauve de la mort.
C'est « en Lui » qu'il faut, selon la parole de S.
Paul, « reconstituer toutes choses » : Omnia instan-
rare in Cfiristo. Car, d'après la pensée du même apô-
tre, en dehors de ce fondement divin, il n'y a ni sta-
bilité, ni durée. — Toute l'ambition de l'auteur, en
laissant publier ces conférences, de contribuer, est
pour sa faible part, à ce grand'œuvre de restaura-
tion chrétienne.
Daignele Christ bénir ces pages Écrites pour !

Lui, ellesne parlent que de Lui. Puissent-elles révé-


ler davantage aux âmes les secrets de l'amour d'un

Dieu apparu parmi nous Puissent-elles les amener


!

à s'abreuver plus fréquemment aux sources d'eau


vive qui ont pour notre salut et notre joie, du
jailli,

cœur transpercé de Jésus Haurietis aquas in gau-!

dio de fontibus Salvatoris.

D. C. M.
En la fête de l'Annonciation,
25 mars 1919.
ç
AVANT-PROPOS DE LA V EDITION

La bénédiction d'en haut est descendue sur ces pa-


ges toutes écrites pour la gloire du divin Maître.
Malgré des conditions matérielles d'édition très dé-
favorables, le succès de ce second volume a suivi de
très près celui de son aîné : Le Christ vie de L'AME.
Entretemps, l'auguste témoignage dont le lecteur a
trouvé, plus haut, l'expression, a constitué pour notre
œuvre le plus précieux des encouragements.
Non moins favorables ont été les appréciations de
juges autorisés parues dans les Revues. Nous témoi-
gnons notre plus vive reconnaissance à ceux qui ont
voulu recommander nos pages aux âmes avides de
progresser dans la vie intérieure.
Le texie de la présente édition n'a pas subi de chan-
gements notables nous avons ajouté à la fin une table
;

indiquant la distribution des conférences d'après le

cycle de l'année liturgique.

D. C. M.

En la fête de l'Immaculée Conception


S dèc. 1920.
INDEX DES CONFÉRENCES
CONFERENCES PRELMINA IRES
I. — Les mystères du Christ sont nos mystères.
II. — Comment nous nous assimilons le fruit des
mystères de Jésus 29

La personne du Christ.

III. _ In sinii Pat ris 39


IV. — ... « Et le Verbe s'est fait chair ». . . . 65
V. — Sauveur et Pontife 84

II

Les mystères du Christ.

VI. — Les préparations divines 111


VIL — O admirabile commercium ! 134
VIII. — L'Epiphanie 159
IX. — Marie, mystères de l'enfance de
les et la vie
cachée 181
X. — Le baptême tentation de Jésus.
et la . . . 209
XL — Quelques aspects de publique. la vie . . . 238
XII. — Au sommet du Thabor 277
XIII. — Le Christ a aimé l'Église
« et s'est livré lui-
même de sanctifier »
afin la 299
XIV. — Sur pas de Jésus,du prétoire au Calvaire.
les 321
XV. — Si consurrexistis cum Christo 343
XVI. — Et maintenant, ô Père,
« votre glorifiez
» Fils 364
XVII. — La mission du Saint-Esprit 390
XVIII. — In mei memoriam 413
XIX. — Le cœur du Christ 436
XX. — Le Christ couronne de tous « saints les ». . 465
/ HOMO QUI ERAT DEUS, ACC1-
iCTUS EST
PIE.\DOQUOD NON ERAT, VOA AMITTBNDO
QUOD ERAT ETA FACTUS EST HOMO DEUS. Wl
:

HABES AEIQUID PR OPTER INFIRMITATEU TEAM;


IBI HABES AEIUD PROPTER PERFECT10XEM

TUAM. ERIGAT TE CHR1STUS PER II) QUOD


HOMO EST; DUCAT TE PER ID QUOD DEUS-
HOMO EST; PERDUCAT TE AD ID QUOD DEUS
EST.

« CELUI OUI ETAIT DIEU S EST FAIT HOMME.

EN PRENANT CE QUTL N'ÉTAIT PAS. MATS SANS


PERDRE CE QU'IL ÉTAIT: C EST AINSI QUE
DIEU EST DEVENU HOMME. TU AS LA CE QL IL
(AIT À TA FAIBLESSE. ET TU AS LÀ AUSSI CE
QUTL FAUT À TA PERFECTION. QUE LE CHRIST
TE RELÈVE PAR SON « ÊTRE » D'HOMME OU IL ;

TE GUIDE PAR SON ETRE DE DIEl -IIOMML


< :

QUILLE CONDUISE JUSQU'À SON « ETRE Dl


DIEU ! o

8. Augustin. InJoan. XXIII. 6.


COJVTÉJiENCES PJ{ÉLVHmjm{ES

LES MYSTERESDU CHRIST


SONT NOS MYSTÈRES

II. — COMMENT
NOUS NOUS ASSIMILONS LE FRUIT
DES MYSTÈRES DE JÉSUS
I. — LES MYSTERES DU CHRIST SONT
NOS MYSTERES.

Sommaire. —I. Comment S. Paul a mis en relief le mys-


tère du Christ. —
II. Combien Dieu désire que ce
mystère soit connu. —
III. Cette connaissance est le
fondement véritable de notre piété et une source de
joie. — IV. Triple raison pour laquelle les mystères
de Jésus sont nôtres le Christ les a vécus pour nous;
:

Jésus s'y montre notre exemplaire; il nous y unit en


qualité de membres de son corps. — V. La vertu de
ces mystères est toujours actuelle.

Quand on lit attentivement les Épîtres de S. Paul et


qu'on cherche à ramener à l'unité la doctrine et l'œuvre
du grand apôtre, on n'a point de peine à voir que tout
se résume pour lui dans la connaissance pratique du
mystère du Christ.
« En parcourant mes lignes, écrit-il aux Éphésiens,
vous pouvez reconnaître l'intelligence que j'ai du mys-
tère du Christ... car c'est à moi, le moindre de tous les
saints, qu'a été accordée cette grâce d'en annoncer
aux Gentils les richesses incompréhensibles et de mettre
en lumière, aux yeux de tous, l'économie du mystère
qui était caché en Dieu depuis l'origine des temps » l
.

C'est de ce mystère, pourtant ineffable, que je


compte, avec la grâce de Dieu, vous entretenir. Je vous
montrerai tantôt à quel point il nous est intime c'est
:

le sujet même de ce premier entretien.


Mais avant d'aborder l'exposé de cette vérité si ca-
i. Eph. III, 4 , 8-9.
4 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

pitale et si bienfaisante, il nous sera utile de considérer,


durant quelques instants, comment S. Paul en a parlé,
puisqu'il en fut établi le héraut par le Christ en per-
sonne. Et de qui, mieux que de lui, pourrons-nous ap-
prendre combien la connaissance de ce mystère est
féconde et vitale pour nos âmes ?

Comme vous le savez, c'est au lendemain même de


sa conversion que S. Paul reçut la mission de faire
connaître le nom de Jésus. A partir de ce moment, il
n'eut rien de plus à cœur que de remplir ce mandat.
S'ilentreprend de nombreux voyages pleins de périls '";

s'ilprêche sans relâche dans les synagogues, à l'Aréo-


page, devant les juifs, les sages d'Athènes, les pro-
curateurs romains si jusque dans la prison, il écrit
;

de longues lettres à ses fidèles s'il souffre mille per-


;

sécutions ', c'est afin de pouvoir « porter le nom


du Christ devant les nations, les rois et les fils d'Is-
J
raël ».

C'est surtout dans sa prédication aux nations païen-


nes, dont il que nous saisissons sur
est établi l'apôtre,
le vif combien profondément S. Paul vit de ce mystère.
11 se présente au monde païen pour le régénérer, le re-
nouveler, le sauver. Et qu'apporte-t-il à cette société
corrompue, dont il a lui-même décrit en termes ef-
frayants la profonde dépravation 4 ? Apporte-t-il les
avantages de la naissance ? la sagesse des philo-
sophes ? la science des doctes ? la force des conqué-
rants ?
L'Apôtre n'a rien de tout cela. Il déclare qu'il n'est
qu'un avorton 6 il écrit aux Corinthiens
; que c'est
< dans la faiblesse, dans la crainte, en tremblant, qu'il
i. II Cor. I, 5 sq. — 2. Ibid. XI, 26. — 3. Act. IX, 15. —
4. Rom. I, 24-32. — 5. I Cor. XV, 8.
.

LES MYSTERES DU CHRIST SONT LES NOTRES D

1
s'est présenté chez eux » il rappelle aux Galates ;

« qu'il était accablé d'infirmités quand il leur a prêché


la première fois l'Évangile
2
». Ainsi, il n'apporte —
ni la séduction de sa personne, ni le prestige de la
science, ni l'autorité de la sagesse naturelle, ni l'éclat
de l'éloquence, le charme de la parole humaine il dé- ;

daigne tout cela Non in sublirnitate sermonis aut:

sapientiae non in persuasibilibus humanae sapientiae


. .

3
verbis... non in sapientia hominum .

Qu'apporte-t-il donc ? Rien que le Christ, et le —


Christ crucifié Non enim judicavi me scire aliquid inter
:

vos nisi Jesum Christum, et hune crucifixum \ Il ramène


toute sa prédication à cette science, il renferme toute
sa doctrine dans ce mystère.
Il en est si pénétré qu'il en fait l'objet même de sa

prière pour ses disciples « Voici que je fléchis les :

genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ,


afin qu'il vous donne en abondance la force de son
Esprit pour former en vous l'homme intérieur de sorte ;

que vous deveniez capables de comprendre, comme le


font les saints^ la largeur et la longueur, la hauteur
et la profondeur [du mystère de son Fils] je lui de- ;

mande même que vous arriviez à connaître la charité


du Christ, qui surpasse toute science, en sorte que vous
soyez remplis [par le Christ] de la plénitude même de
5
Dieu . »
Quelle prière Comme l'on sent à travers ces lignes
!

l'intime conviction de l'Apôtre et l'ardeur de son âme


à la faire partager !

Aussi bien cette prière est-elle incessante. « Nous ne


cessons de prier pour vous, de demander à Dieu que
vous ayez la pleine connaissance de sa volonté, en toute
sagesse et intelligence spirituelle » In omni sapientia :

6
et intellectu spirituali .

i. I Cor. II, 3. — 2. Gai. IV, 13. 7,.—I Cor. II, 1 et 4-5. —


4. Ibid. II, 2. — 3. Eph. III, 14, 16 et 18-19. —
6. Col. I, 9.
G LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Pourquoi donc Paul revient-il constamment sur ce


S.
sujet au point d'en faire l'unique thème doctrinal de sa
prédication ? Pourquoi offre-t-il à Dieu, pour ses chré-
tiens, de si instantes et continuelles supplications ?
Pourquoi brûle-t-il du désir de voir le mystère du Christ
non seulement connu, mais expérimenté par tous les
chrétiens ? Car remarquez qu'il adresse ses lettres, non
à quelques rares initiés, mais à tous les fidèles des
Églises qu'il a fondées ses lignes sont destinées à ;

être lues publiquement dans les assemblées chrétiennes.


Quel est donc le motif profond de toute cette manière
de faire ?
L'Apôtre nous le livre lui-même dans sa lettre aux
Colossiens « Je veux que vous sachiez combien est
:

étendue la sollicitude que j'ai pour vous, combien je


désire que vos cœurs... soient enrichis d'une pleine
conviction en ce qui regarde la connaissance de Dieu
le Père et du Christ Jésus, parce qu'en lui [dans le

Christ] sont cachés tous les trésors de la sagesse et de


la science *
».

Cette dernière phrase nous révèle la raison de toute


la conduite de saint Paul. Il est convaincu que « dans
le Christ nous trouvons tout » Quomodo non etiam :

cum Mo omnia nobis donavit ? 2 qu'en lui « rien ne ;

3
nous manque » : Ita ut nihil vobis desit in alla gratia ;

« et ce Christ, qui était hier, vit aujourd'hui, et demeure


dans les siècles ». *

Pour renouveler la société païenne, pour relever le


monde déchu, S. Paul ne lui apporte qu'un moyen le :

Christ, et le Christ crucifié. Il est vrai que ce mystère


est « un scandale pour les Juifs et une folie pour les
5
sages de la Grèce » mais il contient « la vertu de ;

l'Esprit divin '


», qui peut seul « renouveler la face de
7
la terre ».

i. Col. II, 1-3. — 2. Rom. VIII, 32. — 3. Cor. I, 7.



4. Hobr. XIII, 8. — 5. I Cor. I, 2$. — 6. Ibid.
I

II, -|. et 12. —


7. Ps. CIII, jo.
LES MYSTERES DU CHRIST SONT LES NOTRES 7

Dans le Christ seul se trouve « toute la sagesse,


toute la justice, toute la sanctification, toute la rédemp-
1
tion dont les âmes de tous les temps ont besoin. Et
»
c'estpourquoi S. Paul ramène toute la formation de
l'homme intérieur à la connaissance pratique du mys-
2
tère de Jésus .

En ceci l'Apôtre, instruit durant assez


d'ailleurs,
3
longtemps par le Christ lui-même, n'est que l'écho
fidèle de son Maître divin.
4
Dans cette ineffable prière après la Cène dans la- ,

quelle notre béni Sauveur laisse déborder devant ses


disciples ravis les sentiments intimes de sa sainte âme,
au moment suprême de son existence terrestre, nous
entendons cette parole « Père, la vie éternelle con-
:

siste à reconnaître que vous êtes le seul vrai Dieu et


que Jésus-Christ est votre envoyé » Haec est autetn
:

vita aeterna : nt cognoscant te solum Deum verum, et


quem misisti Jesum Christum \
Nous apprenons ainsi, des lèvres de Jésus lui-même,
de la Vérité infaillible, que toute la vie chrétienne —
dont la vie éternelle n'est que l'épanouissement régu-
lier et le terme naturel —
se ramène à la connaissance
pratique de Dieu et de son Fils.

i. Cor. I, 30.
I —
2. Cf. Ephes. III, 16-18 et Col. I, 2J-2S.
(( QueaV fois nous perdons notre temps en spéculations stériles,
en laborieux détours, tandis que nous avons à notre portée dans le
Christ un moyen si simple d'aller droit à Dieu et de vivre en union
habituelle avec Lui !... Et quand les porte-parole attitrés du Verbe
éternel, au lieu de donner aux âmes le Christ, <c la résurrection
et la vie », les dégoûtent de Dieu, en leur donnant à manger et à
boire les fades dilutions d'une pensée humaine ou d'une littérature
sans consistance, on ne peut s'empêcher de se demander avec l'apô-
tre S. Paul <( Où sont les dispensateurs fidèles de l'Évangile? » Hic
:

jam quaeritur inter dispensatores ut fidelis quis inveniatur. Car-


dinal D. J. Mercier, La dévotion au Christ et à sa sainte Mère.
— 3. Gai. I, 16-18. —
4. Joan. XVII, 1-26. —
5. Ibid. 3.
8 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Vous me direz tout de suite que nous ne voyons pas


Dieu Deum nemo vidit unquam \ Cela est vrai. Nous
:

ne connaîtrons Dieu parfaitement que quand nous le


verrons face à face dans l'éternelle béatitude.
Mais, ici-bas, Dieu se manifeste à notre foi par son
Fils Jésus. Le Christ, Verbe incarné, est la grande révé-
lation de Dieu au monde Ipse illuxit in cordibus nos-
:

tris... in focie Christi }esu\ Le Christ, c'est Dieu ap-

paru parmi les hommes, conversant avec eux, sous ie


ciel de Judée, et leur montrant par sa vie humaine com-
ment un Dieu vit parmi les hommes, afin que les hom-
mes sachent comment ils doivent vivre pour être agréa-
bles à Dieu.
C'est donc sur le Christ que tous nos regards doivent
se concentrer. Ouvrez en effet l'Évangile vous y verrez :

que voix du Père éternel ne s'est fait entendre au


la
monde que trois fois \ Et que nous dit cette voix di-
vine ? Chaque fois, le Père céleste nous dit de contem-
pler son Fils, de l'écouter, pour qu'il soit glorifié.
« Voici mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis mes com-
plaisances infinies écoutez-le » Hic est Filius meus
: :

dilectus... ipsum audite. —


Tout ce que le Père de-
mande de nous se ramène à ce point contempler Jésus, :

son Fils, l'écouter, pour l'aimer et l'imiter, parce que


Jésus, étant son Fils, est également Dieu.
Et nous devons le contempler dans sa personne, dans
tous les actes de sa vie et de sa mort, dans les états de
sa gloire. Notre-Seigneur étant Dieu, les moindres cir-
constances de sa vie, les moindres traits de ses mystères
sont dignes d'attention. Rien n'est petit dans la vie de
Jésus. Le Père éternel regarde la moindre action du
Christ avec plus de complaisance qu'il ne regarde l'uni-
vers entier. Avant la venue du Christ, Dieu fait tout
converger vers lui après son ascension, il ramène tout
;

i. —
Joan. I, i8. 2. II Cor. IV. o. — 3. Matth. III, 17 *t XVII.
5 ; Joan. XII. 28.
LES MYSTERES DU CHRIST SONT LES NOTRES Vf

à lui. Du Christ tout a été prévu et prédit toutes les


;

particularités importantes de son existence, tous les


détails de sa mort ont été marqués par la Sagesse
éternelle et annoncés par les prophètes bien longtemps
avant leur réalisation.
Pourquoi donc Dieu a-t-il pris soin de préparer si
longtemps à l'avance la venue de son Fils ? Pourquoi
le Christ nous a-t-il laissé tant d'enseignements divins?
Pourquoi l'Esprit-Saint a-t-il inspiré aux écrivains sa-
crés de relever tant de détails en apparence parfois
insignifiants ? Pourquoi les apôtres ont-ils écrit à leurs
chrétientés des épîtres si longues et si pressantes ?
Pour que tous ces enseignements restassent enfouis,
comme une lettre morte, au fond des livres saints ? —
Nullement mais pour que nous scrutions, comme le
;

désire saint Paul, le mystère du Christ que nous con- ;

templions sa personne, que nous étudiions ses actes ;

ses actes nous révèlent ses vertus et ses volontés. Nous


devons contempler, non par une étude purement in-
le

tellectuelle,une telle étude est souvent sèche et stérile,


mais in omni sapientia et intellectu spiritali, « dans un
esprit plein de sagesse céleste » qui nous fait chercher
dans le don divin la vérité qui éclaire notre vie nous ;

devons le contempler pour conformer notre existence à


ce modèle qui nous rend Dieu accessible, pour puiser
en lui, afin d'en être pleinement abreuvé, la vie divine :

Haec est autem vita aeterna.

III

Cette connaissance acquise par la foi, dans la prière,


sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, est vraiment la
source d'eau vive qui jaillit jusqu'à la vie éternelle :

Fons aquae salientis in vitam aeternam \ Car c'est —


là une vérité capitale qui s'éclaircira au cours de ces

i. Joan. IV, 14.


10 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

entretiens — le Père éternel a déposé pour nous dans


le Christ Jésus, toutes les grâces, tous les dons de
sanctification qu'il destine aux âmes. « Nous ne pou-
vons aller au Père que par le Christ » Nemo venit ad :

Patrem, nisi per me ; sans le Christ, nous n'avons


'

rien, mais avec lui nous avons tout, nous « pouvons


2
tout » parce qu'en lui habite la plénitude de la divi-
3
nité Celui qui a compris pour en vivre, le mystère du
.

Christ, a trouvé cette perle de grand prix dont parle


4
l'Évangile et qui vaut à elle seule tous les trésors
, car :

avec elle on acquiert la vie éternelle \


Plus nous connaîtrons le Christ, plus nous approfon-
dirons les mystères de sa personne et de sa vie, plus
nous étudierons, dans la prière, les circonstances et
les détails que la Révélation nous en a livrés, plus —
aussi notre piété sera vraie et notre sainteté solide.
Notre piété doit être basée sur la foi et sur la con-
naissance que Dieu nous a donnée des choses surna-
turelles et divines. Une piété qui n'est fondée que sur le
sentiment est aussi fragile et aussi éphémère que le
sentiment qui lui sert de base c'est une maison bâtie
:

sur le sable et qui s'écroule à la première secousse. Au


contraire, quand notre piété est basée sur la foi, sur
des convictions qui résultent elles-mêmes d'une connais-
sance profonde des mystères de Jésus, seul vrai Dieu
avec son Père et leur commun Esprit, elle est comme
un édifice bâti sur le roc, c'est-à-dire inébranlable :

Fundata enim erat super petram \

De plus cette connaissance est pour nous une source


intarissable de joie.

i. Joan. XIV, 6. —
2. Philipp.IV, 1.3.-3- c'ol. II, 9.-4. Mat th.
XIII, 46. 5.—Vitam Domini Jcsu die ac noctc tamquam prctio-
sissimam margaritam in arca pcctoris tui rcconditam hubc. Hanc
ubiquc tecum circumfer, hanc internis oculis progrt-dirns quies-
censque amanter inspicc, secundum Dei donutn qn<>d sese cordi
tim insinuaverit. Blosius, Canon vitae sjriritualis, c. 10. —
6-Matth
VII. 25.
LES MYSTÈRES DU CHRIST SONT LES NOTRES il

La joie est le sentiment qui naît dans une âme, con-


sciente du bien possédé. Le bien de notre intelligence
est la vérité ;
plus cette vérité est abondante et lumi-
neuse, plus la joie de l'esprit est profonde.
Le Christ nous apporte la vérité, il est la vérité
même \ vérité pleine de douceur qui nous montre la
munificence de notre Père des cieux « du sein du Père ;

où il vit toujours, le Christ nous révèle les secrets di-


2
vins » que nous possédons par la foi. Quel festin, quel
rassasiement, quelle joie pour l'âme fidèle de contem-
pler Dieu, l'Être infini et ineffable, dans la personne du
Christ Jésus d'écouter Dieu dans les paroles de Jésus
; ;

de découvrir les sentiments de Dieu, si je puis ainsi


parler, dans les sentiments du cœur de Jésus de re- ;

garder les gestes divins, de pénétrer dans leur mystère


pour y boire, comme à la source, la vie même de Dieu :

Ut impleamini in omnem plenitudinem Dei !


O Christ Jésus, notre Dieu et notre Rédempteur, révé-
lation du Père, notre frère aîné et notre ami, faites que
nous vous connaissions! Purifiez les yeux de notre cœur
pour que nous puissions vous contempler avec joie ;

faites taire le bruit des créatures pour que nous puis-


sions vous suivre sans obstacle. Révélez-vous vous-
même à nos âmes comme vous le faisiez aux disciples
d'Emmaiïs, en leur expliquant les pages sacrées qui
parlaient de vos mystères, et nous sentirons « nos cœurs
sndiuajd'ardeur * » pour vous aimer et s'attacher à
vous !

iv

Nous aurons la joie, dans les entretiens qui suivront,


de nous arrêter à chacun des principaux mystères de
Jésus, de contempler ses actes, de recueillir ses paroles.
Nous verrons ce qu'il y a d'inexprimablement divin et de
i. Joan. XIV, 6. — 2. Ibid. I, 18. — 3. Luc. XXIV, 32.
12 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

profondément humain dans tous les gestes du Verbe


incarné nous verrons que chacun de ses mystères con-
;

tient son enseignement propre, apporte sa lumière spé-


ciale, est pour nos âmes la source d'une grâce parti-
culière, dont la fin est de « former Jésus en nous ».
Ce que je voudrais vous montrer dans cette première
conférence, c'est que les mystères de Jésus ont ceci de
caractéristique qu'ils sont, autant que les siens, les
nôtres.
C'est là une vérité fondamentale que nous ne saurions
trop méditer au début de nos entretiens, que nous ne
devrons jamais perdre de vue dans la suite, car elle est
singulièrement féconde pour notre vie surnaturelle.
En effet, de se savoir intimement unie par Jésus lui-
même à chacun de ses mystères est pour l'âme pieuse
une source inépuisable de confiance. Cette vérité fait
naître dans l'âme des actes de reconnaissance et d'a-
mour qui la livrent tout entière à celui qui a voulu si
généreusement se donner et s'unir à elle.
Mais cette vérité n'est-elle pas un rêve, une chimère ?
Est-ce bien une réalité ? Oui, c'est une réalité, une réa-
lité divine mais la foi seule la reçoit comme l'amour
;

1
seul nous l'a donnée Et nos... credidimus caritati
: .

Pourquoi les mystères du Christ sont-ils nos mys-


tères ? —
Pour une triple raison.

D'abord parce que le Christ les a vécus pour nous.


Sans doute l'amour de son Père a été le mobile pro-
fond de tous les actes de la vie du Verbe incarné. Au
moment d'achever son œuvre, le Christ déclare à ses
apôtres que « c'est par amour pour son Père qu'il va se
livrer » Ut cognoscat mundus quia diligo Patrem \
:

Dans cette prière admirable qu'il adresse alors à son


Père, Jésus dit qu'il a accompli sa mission, qui était de
le glorifier sur la terre Ego te clarificavi super ter-
:

i. I Joan. IV, 16. — 2. Joan. Xl\


LES MYSTÈRES DU CHRIST SONT LES NOTRES 13

ram ; opus consummavi quod dedisti milù ut faciam \

A chaque instant de sa vie, en effet, il a pu dire en


toute vérité qu'il n'a recherché que le bon plaisir de son
Père Quae placita sunt ei facio semper \
:

Mais l'amour du Père n'est pas le seul amour qui


fasse battre le cœur du Christ, il nous aime aussi, et
d'une manière infinie. —
C'est véritablement pour nous
qu'il est descendu du ciel, pour nous racheter, pour nous
sauver de la mort Propter nos et propter nostram sa-
:

lutem ; c'est pour nous donner la vie Ego veni ut :

3
vitam habeant, et abundantius habeant Pour lui- .

même, il n'avait pas besoin de satisfaire et de mériter,


car il est le propre Fils de Dieu, égal à son Père, à la
droite de qui il est assis au plus haut des cieux mais ;

c'est pour nous qu'il a tout supporté. S'il s'est incarné,


s'il est né à Bethléem, s'il a vécu dans l'obscurité d'une

vie de travail, s'il a prêché et fait des miracles, s'il est


mort, s'il est ressuscité, s'il est monté aux cieux, s'il

a envoyé l'Esprit-Saint, s'il demeure dans l'Eucharistie,


c'est pour nous, par amour pour nous. « Le Christ, dit
saint Paul, a aimé l'Église, c'est-à-dire le Royaume qui
doit être formé par les élus, et il s'est livré pour elle,
afin de la purifier, de la sanctifier, de faire d'elle une
conquête immaculée 4 ».
Ainsi donc, tous les mystères sont vécus par Jésus
pour nous, pour nous donner d'être un jour avec lui là
où il est de droit, dans la gloire de son Père. Oui, cha-
cun de nous peut dire avec saint Paul Dilexit me, et :

5
tradidit semetipsum pro ME « le Christ Jésus m'a ,

aimé et s'est livré pour moi ». Et son immolation n'est


que le couronnement des mystères de sa vie terrestre ;

c'est pour moi, parce qu'il m'a aimé, qu'il a tout ac-
compli.
Grâces vous soient rendues, ô mon Dieu, de cet iné-

i. Joan. XVII, 4. — 2. Ibid. VIII, 29. — 3. Ibid. X, 10. —


4. Eph. V, 27. — 5. Gai. II, 20.
14 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

narrable don que vous nous avez fait dans la personne


de votre Fils, notre salut et notre rédemption Grattas :

'
Deo super inenarrabili dono ejus !

Une autre raison pour laquelle les mystères de Jésus


nous appartiennent, c'est qu'en eux tous le Christ se
montre notre exemplaire.
Il est venu pour être notre modèle. Ce n'est pas seu-

lement pour nous annoncer le salut et réaliser en prin-


cipe notre rédemption que le Verbe s'est incarné c'est ;

encore pour être l'idéal de nos âmes. Le Christ Jésus,


c'est Dieu vivant au milieu de nous c'est Dieu apparu,;

rendu visible, tangible, mis à notre portée, et nous mon-


trant par sa vie autant que par ses paroles le chemin
de la sainteté. Nous n'avons pas à chercher ailleurs
qu'en lui le modèle de notre perfection. Chacun de ses
mystères est une révélation de ses vertus. L'humilité de
la crèche, le travail et l'effacement de la vie cachée, le

zèle de la vie publique, l'anéantissement de son immo-


lation, la gloire de son triomphe sont des vertus que
nous devons imiter, des sentiments que nous devons
partager ou des états auxquels nous devons participer.
A la dernière Cène, Notre-Seigneur disait à ses apôtres,
après leur avoir lavé les pieds et leur avoir donné ainsi,
lui, Maître et Seigneur, un exemple d'humilité « Je :

vous ai donné l'exemple, afin que vous fassiez comme


vous m'avez vu faire 2 ». Il aurait pu dire cela de tout
ce qu'il a fait.
3
Il l'a dit d'ailleurs: « Je suis la voie »: Ego sum via ;
mais il que pour nous précéder « Celui
n'est la voie :

qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais ar-


rive à la vie éternelle ». Jésus, par ses mystères, a pour
*

ainsi dire marqué toutes les étapes que nous devons,


dans notre vie surnaturelle, refaire après lui, avec lui ;

i. II Cor. IX. 15. — 2. Joan. XIII, 15. — j. Ibid. XIV. 6. —


4. Ibid. VIII, 12.
LES MYSTÈRES DU CHRIST SONT LES NOTRES 15

ou plutôt, lui-même entraîne l'âme fidèle « dans la


course qu'il parcourt comme un géant » Exsultavit ut :

gigas ad currendam viam \ « Je vous ai créés à mon


image et à ma ressemblance, disait Notre-Seigneur à
2
sainte Catherine de Sienne bien plus, en prenant
;

votre nature, je me suis fait semblable à vous. En con-


séquence, je ne cesse plus de travailler à vous rendre
semblables à moi, autant que vous en êtes capables, et
je m'efforce de renouveler en vos âmes, alors qu'elles
marchent vers le ciel, tout ce qui s'est passé dans mon
corps ».

pourquoi la contemplation des mystères du


C'est
Christ est si féconde pour l'âme. La vie, la mort, la

gloire de Jésus sont l'exemplaire de notre vie, de notre


mort, de notre gloire. N'oubliez jamais cette vérité le :

Père éternel ne nous agrée que pour autant que nous


imitions son Fils, que pour autant qu'il voie en nous la
ressemblance de son Fils. Pourquoi cela ? Parce que
« c'est à cette ressemblance même que, de toute éternité,
3
il nous a prédestinés ». Il n'y a pas pour nous d'autre

forme de sainteté que celle que nous a montrée le


Christ la mesure de notre perfection est fixée par le
;

degré de notre imitation de Jésus.

Il y a, enfin, une troisième raison, plus intime et plus

profonde, qui rend nôtres les mystères du Christ. Non


seulement Jésus les a vécus pour nous, non seulement

i. XVIII, 6.
Ps. — 2. Vie, par le B. Raymond de Capoue, P. I,
th. ii (Traduction P. Hugueny, p. no.) —
C'est à la même sainte
que le Père éternel daignait dire : Sache-le bien, ma fille, tous
<(

les mystères, toutes les actions accomplies en ce monde par ma


Vérité, avec les disciples, ou en dehors des disciples, étaient repré-
sentatifs de ce qui se passe dans l'intime de l'âme de mes servi-
teurs et de tous les hommes. Vous pouvez retirer de tous ces faits
un enseignement et une règle de vie. Qu'on les médite à la lumière
de la raison, et les esprits les plus grossiers comme les plus subtils,
les intelligences vulgaires comme aussi les plus hautes peuvent
en tirer profit, chacun peut en prendre sa part, s'il le veut. »
Dialogue. Traduction P. Hurtaud, 11,213-214. —
3. Rom. VIII, 29.
16 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

ils sont pour nous des modèles, mais encore dans ses
mystères le Christ ne fait qu'un avec nous. Il n'y a pas
de vérité sur laquelle saint Paul ait plus insisté que
celle-là, et mon plus vif désir est que vous en compre-
niez toute la profondeur.
Nous faisons un avec le Christ dans la pensée divine.
C'est en lui que Dieu le Père nous a choisis Elegit :

nos in ipso \ non en dehors de lui Dieu ne nous sépare ;

pas de son Fils Jésus s'il nous prédestine à être con-


;

formes à son Fils, c'est pour que son Fils soit le pre-
mier-né d'une multitude de frères Praedestinavit nos :

conformes fieri imaginis Filii sui, LT sit ipse primoge-


2
nitus in multis fratribus .

Cette union que Dieu veut réaliser entre son Fils


Jésus et les élus est si intime que saint Paul la compare
à celle qui existe entre les membres et la tête d'un seul
et même corps. L'Église, dit le grand apôtre, est le
3
corps du Christ et le Christ en est la tête unis, ils ;

forment ce que saint Augustin appelle le « Christ


total » Totus Christus, caput et corpus est ; caput uni-
:

genitus Dei Filius et corpus ejus Ecclesia \ C'est bien


là le plan divin Deus omnia subjecit sub pedibus ejus ;
:

et ipsum dédit caput supra omnem Ecclesiam \ Le


Christ est la tête de ce corps mystique qu'il constitue
avec l'Église, parce qu'il en est le chef et qu'il est pour
tous ses membres la source de la vie. L'Église et le
Christ, c'est un seul et même être pour ainsi dire :

Membra su mu s corporis ejus, de carne ejus et de ossi-


bus ejus \ Dieu le Père unit tellement les élus à son
divin Fils que tous les mystères vécus par le Christ,
l'ont été par le Christ en qualité de chef de l'Église.
Voyez comment saint Paul est explicite sur ce point :

« Dieu, dit-il, qui est riche en miséricorde, à cause du


grand amour avec lequel il nous a aimés, alors que par
I. Eph. I.4. — 2. Rom. VI 11,29. —
3.I Cor. XII, 12 sq.; Eph. V,
23. — 4. De Utiitatc Ecclcs. 4. —
5. Eph. I, 22. —
b. Ibid. V, 30.
LES MYSTÈRES DU CHRIST SONT LES NOTRES 17

nos offenses nous étions morts à la vie éternelle, nous a


rendus vivants avec le Christ ; il nous a ressuscites en
lui, il nous a fait asseoir ensemble dans les cieux avec

Jésus-Christ, afin de montrer dans les siècles à venir,


par la bonté qu'il nous manifeste en Jésus-Christ, les
infinies richesses de sa grâce ». Cette pensée revient
*

plus d'une fois sous la plume de l'Apôtre « Dieu nous :

a ensevelis avec le Christ » CONsepulti enim sumus


:

CUM ILLO - il veut que nous soyons un avec le Christ


;

dans sa résurrection, dans son ascension CONresns- :

citavit nos, CONsedere fecit nos IN ILLO.


Rien de plus assuré que cette union du Christ avec
ses élus dans la pensée divine ce qui fait que les mys-
;

tères de Jésus sont nôtres, c'est surtout que le Père


éternel nous a vus avec son Fils dans chacun des mys-
tères vécus par Jésus et que le Christ les a accomplis
comme chef de l'Église. Je dirai même, à cause de cela,
que les mystères du Christ Jésus sont plus nos mys-
tères que les siens. Le Christ, en tant que Fils de Dieu,
n'aurait pas subi les abaissements de l'Incarnation, les
souffrances et les douleurs de la passion il n'aurait ;

pas eu besoin du triomphe de la résurrection, qui suc-


cédait à l'ignominie de sa mort. Il a passé par tout cela
comme chef de l'Église il a pris sur lui nos misères et
;

nos infirmités: Vere languores NOSTROS ipse tulit" ;

il a voulu passer par où nous devions passer nous-


mêmes, et il nous a mérité, comme chef, la grâce de
marcher à sa suite dans chacun de ses mystères \
Ephes. II, 4-7.
i. —
2. Rom. VI, 4. 3. Isa. LUI, 4. —4.P01U- —
le développement de ces idées, nous nous permettons de renvoyer
le lecteur à la conférence L'Eglise, corps mystique du Christ, de
notre précédent ouvrage Le Christ vie de l'âme. Habeant licet —
singuli quique vocatorum ordinem suum, et omnes Eccïesiac filii
temporum sint successione distincti, universel tamen summa fide-
lium, fonte orta baptistnatis, sicut cum Christo in passione cruci-
fixi, in resurrectionc resuscitati, in ascensione ad dexteram Patris
collocati, ita cum ipso sunt in hac nativitate congeniti. S. Léo.
Sermo XXVI, in nativit, Domini VI, 2.

Le Christ dans ses mystères. 2


18 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Car le Christ Jésus, non plus, ne nous sépare de lui


dans tout ce qu'il fait.
1

Il déclare qu' « il est la vigne

et que nous sommes les branches ». Quelle union plus

grande que celle-là, puisque c'est la même sève, la


même vie qui circule dans la racine et dans les sar-
ments ? Le Christ nous unit tellement à lui que tout ce
qu'on fait à n'importe quelle âme qui croit en lui, c'est
à lui-même qu'on le fait : Qiiamdlu fecistis uni ex his
jratribus meis minimis, mini fecistis \ Il veut que l'union
qui l'attache à ses disciples, par la grâce, soit la même
que celle qui, par nature, l'identifie avec son Père Ut :

uniim sint, sicut tu, Pater, in me, et ego in te*. C'est là


le but sublime auquel il veut nous conduire par ses
mystères.
Aussi bien toutes les grâces qu'il a méritées par cha-
cun de ses mystères, il les a méritées pour nous les dis-
tribuer. Il a reçu de son Père la grâce en plénitude :

Vidimus eum plénum gratiae ; mais il ne l'a pas reçue


pour lui seul car S. Jean ajoute aussitôt que c'est à
;

cette plénitude même que tous nous avons puisé Et de :

4
plenitudine ejus nos omnes accepimus ; c'est de lui
que nous la recevons, parce qu'il est notre chef et que
son Père lui a tout soumis Omnia subjecit sub pedibus :

ejus ; et ipsum dédit caput supra omnem Ecclesiam.


En sorte que sa sagesse, sa justice, sa sainteté, sa
force sont devenues notre sagesse, notre justice, notre
force [Christ us] factus est NOBIS sapientia a Deo et
:

justifia, et sanctificatio et redempiio \ Tout ce qui est à


lui est à nous, est nôtre nous sommes riches de ses ;

richesses, saints de sa sainteté. « O homme, dit le Vé-


nérable Louis de Blois, si tu désires véritablement
aimer Dieu, te voilà riche dans le Christ, si pauvre et
si dépourvu que tu sois par toi-même. Car tu peux

i. Joan. XV, 5. — 2. Matth. XXV, 40. — Joan. XVII, 21.


— 4. Ibid. I, 16. —5. I Cor. I, 30.
3.
LES MYSTÈRES DU CHRIST SONT LES NOTRES 19

humblement t'approprier ce que le Christ a fait et souf-


1
fert pour toi ».
Le Christ est vraiment à nous, car nous sommes son
corps mystique. Ses satisfactions, ses mérites, ses joies,
ses gloires sont nôtres... O condition ineffable du chré-
tien, associé si intimement à Jésus et à ses états O !

grandeur étonnante de l'âme à laquelle il ne manque


rien de la grâce méritée par le Christ dans ses mystères!
Ita ut nihil vobis desit in ulla gratia !

est vrai que dans leur durée historique, matérielle,


Il

les mystères de la vie terrestre du Christ sont mainte-


nant passés mais leur vertu demeure, et la grâce qui
;

nous y fait participer agit toujours.


Le Christ, dans son état glorieux, ne mérite plus ;

il n'a pu mériter que durant sa vie mortelle, jusqu'à

l'heure où il a rendu le dernier soupir sur la croix. Mais


les mérites qu'il a acquis, il ne cesse de les rendre
nôtres. Le Christ était hier, il demeure aujourd'hui, il
vit dans les siècles Christus heri, et hodie, ipse et in
:

2
saecula N'oublions pas que le Christ Jésus veut la sain-
.

teté de son corps mystique tous ses mystères se ramè-


:

nent à établir cette sainteté Ditexit Ecclesiam et seip-


:

3
sum tradidit pro ea, UT Mais quelle
illam sanctificaret .

est cette Église ? La minime portion d'êtres qui ont eu


le privilège de voir vivre l'Homme-Dieu sur la terre?
Assurément non. Notre-Seigneur n'est pas venu pour
les seuls habitants de la Palestine qui vivaient de son
temps, mais pour tous les hommes de tous les siècles :

Pro omnibus mortuus est Christus \ Le regard de Jésus,


étant divin, portait sur toutes les âmes son amour ;

s'étendait à chacune d'elles sa volonté sanctificatrice ;

i. Canon vitae spiritualis, c. 37. — 2. Hebr. XIII, 8. — 3. Ephes.


V, 25. - 4. II Cor. V, 15.
20 CHRIST DANS SES MYSTÈRES

demeure en elle-même aussi souveraine, aussi efficace


qu'au jour où il répandait son sang pour le salut du
monde.
Si le temps de mériter a cessé pour lui, le temps de
communiquer le fruit de ses mérites dure et se conti-
nuera jusqu'au salut du dernier des élus le Christ est ;

toujours vivant Sernper vivens ad interpellandum pro


:

nobis \
Élevons notre pensée jusqu'au ciel, jusqu'au sanc-
tuaire où le Christ est monté quarante jours après sa
résurrection et là, voyons Notre-Seigneur se tenant
;

toujours devant la face de son Père: Introivit in caelum,


nt apparent NUNC vultui Dei pro nobis Pourquoi le ".

Christ se tient-il constamment devant la face de son


Père ?
Parce qu'il est son Fils, le Fils unique de Dieu.
« Pour lui, il n'y a point de prétention injuste à se pro-
3
clamer l'égal de Dieu », puisqu'il est le vrai Fils de
Dieu. Le Père éternel le regarde et lui dit Filins meus :

es tu, ego hodie genui te \ En ce moment où je vous


parle, le Christ est là devant son Père, et il lui dit :

5
Pater meus es tu : « Vous êtes mon Père », je suis
vraiment votre Fils. Et en tant que Fils de Dieu, il a le
droit de regarder son Père en face, de traiter avec lui
d'égal à égal, comme de régner avec lui dans les siècles.
Mais S. Paul ajoute que c'est pour nous qu'il use de
ce droit c'est pour nous qu'il se tient devant son Père.
;

Qu'est-ce que cela veut dire, sinon que le Christ se


tient devant la face de son Père, non seulement à titre
de Fils unique, objet des complaisances divines, mais
encore en qualité de médiateur ? Il s'appelle Jésus, c'est-
à-dire Sauveur ce nom est divin, parce qu'il vient de
;

Dieu, qu'il a été imposé par Dieu 6 Le Christ Jésus est .

au ciel, à la droite de son Père, comme notre représen-

i. Hebr. VII, 25. — 2. Ibid. IX, 24. — t.Philipp. II, 6. — 4. IV


II, 7. — s. Ps. LXXXVIII. 27. — 6. Mr.tth. I. 21.
LES MYSTÈRES DU CHRIST SONT LES NOTRES 21

tant, comme notre pontife, comme notre médiateur.


C'est en cette qualité qu'il a exécuté, ici-bas, jusqu'au
dernier iota et dans tous ses détails, la volonté de son
Père ;
a voulu vivre tous ses mystères
qu'il c*est en ;

maintenant à la droite de
cette qualité aussi qu'il vit
Dieu pour lui présenter ses mérites et communiquer
sans cesse à nos âmes, afin de les sanctifier, le fruit de
ses mystères Semper vivens ad interpellandum pro
:

nobis.
Oh quel puissant motif de confiance de savoir que
!

le Christ dont nous lisons la vie dans l'Évangile, dont


nous célébrons les mystères, est toujours vivant, tou-
jours intercédant pour nous que la vertu de sa divi-
;

nité est toujours agissante que le pouvoir que possé-


;

dait sa sainte humanité (comme instrument uni au


Verbe) 'de guérir les malades, de consoler les affligés,
de vivifier les âmes, est toujours le même. Comme jadis,
le Christ est encore la voie infaillible qui mène à Dieu,
la vérité qui éclaire tout homme venant en ce monde, la
vie qui sauve de la mort Christus heri, et hodie, ipse
:

et in saecula.
Je le crois, Seigneur Jésus, mais augmentez ma foi !

J'ai pleineconfiance dans la réalité et la plénitude de


vos mérites, mais affermissez cette confiance Je vous !

aime, ô vous qui nous avez manifesté votre amour dans


tous vos mystères, in finem, mais accroissez mon
amour !...
H. _ COMMENT NOUS NOUS ASSIMILONS
LE FRUIT DES MYSTÈRES DE JÉSUS.

Sommaire. — L Nous nous associons aux mystères du


Christ en méditant l'Évangile, et, surtout, en nous unis-
sant, dans la liturgie, à l'Église, Épouse de Jésus. —
II. Variété et fécondité de la grâce des mystères re-
présentés dans la liturgie. — III. Dispositions que,
pour en tirer tous les .fruits, nous devons y apporter :

la foi, l'adoration, l'amour.

Les mystères que le Christ Jésus, Verbe incarné, a


vécus ici-bas ont été vécus pour nous il s'y montre
;

notre modèle, mais surtout il ne veut faire qu'un avec


nos âmes comme chef d'un seul corps mystique dont il
est la tête et dont nous sommes les membres.
Telle est même la vertu de ces mystères qu'elle est
toujours agissante et efficace du ciel, où il est assis à
;

la droite de Dieu son Père, le Christ continue à com-


muniquer aux âmes le fruit de ses états pour réaliser en
elles leur ressemblance divine avec lui.
La participation aux mystères de Jésus requiert le
concours de l'âme.
Si Dieu nous révèle les secrets de son amour à notre
égard, c'est pour que nous les acceptions, pour que
nous entrions dans ses vues et ses pensées, pour que
nous nous adaptions au plan éternel, en dehors duquel
il n'y a ni sainteté ni salut possible si le Christ nous
;

ouvre les trésors insondables de ses états et de


mystères, c'est pour que nous y puisions et les fassions
fructifier, sous peine, au dernier jour, d'être rejetés.
NOTRE CONTACT AVEC LES MYSTÈRES DE JESUS 23

comme le fut le serviteur négligent de l'Évangile, hors


du royaume, dans les ténèbres qui n'ont point de fin.
Mais on ne cherche pas ce que l'on ne connaît pas ;

la volonté ne s'attache pas à des biens que l'intelligence


ne représente pas Ignoti nulla cupido.
lui :

Comment donc, maintenant que le Christ nous a pri-


vés de sa présence sensible, connaîtrons-nous ses mys-
tères, leur beauté, leur harmonie, leur vertu, leur puis-
sance ? Comment surtout nous mettrons-nous en con-
tact vivifiant avec eux pour en tirer ces fruits qui trans-
formeront peu à peu nos âmes et opéreront en elles
cette union avec le Christ, indispensable condition pour
être compté parmi ses disciples ?
C'est ce qui nous reste à voir pour achever l'exposé
de cette vérité si féconde que les mystères de Jésus sont
nôtres autant que siens.

La connaissance de Jésus et de ses états se puise


d'abord dans l'Évangile.
Ces pages sacrées, inspirées par l'Esprit-Saint, con-
tiennent la description et les enseignements de la vie
de Jésus sur la terre. Ces pages si simples et si su-
blimes, il nous suffit de les lire, mais de les lire avec foi,

pour voir et entendre le Christ lui-même. L'âme pieuse


qui, dans l'oraison, parcourt fréquemment ce livre uni-
que, arrive peu à peu à connaître Jésus et ses mystères,
à pénétrer dans les secrets de son Cœur sacré, à com-
prendre cette magnifique révélation de Dieu au monde
qu'est Jésus Qui videt me, videt et Patrem \ Car ce
:

livre est inspiré une lumière et une puissance en sor-


;

tent qui illuminent et fortifient les cœurs droits et sin-


cères. Heureuse l'âme qui l'ouvre chaque jour Elle !

boit à la source même des eaux vives.

i. Jean. XIV, 9.
24 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Une
autre manière de connaître les mystères de Jésus,
c'est de s'associer à l'Église dans sa liturgie.
Avant de remonter au ciel, le Christ a dit aux apôtres
sur lesquels il fondait son Église « Tout pouvoir m'a
:

1
été donné au ciel et sur la terre ... Je vous envoie
comme mon Père m'a envoyé 2 ... Qui vous écoute m'é-
coute* »... Et c'est pourquoi l'Église est comme une
prolongation, à travers les âges, de l'Incarnation elle ;

remplace Jésus auprès de nous de son époux céleste;

elle a hérité la tendresse divine de lui elle a reçu;

comme dot, avec la puissance de sanctifier les âmes,


les richesses de grâce acquises par Jésus sur la croix
au jour de leurs noces mystiques.
On peut donc dire de l'Église, proportion gardée, ce
que son Époux disait de lui-même elle est pour nous :

la voie, la vérité et la vie. —


La voie, parce que nous
ne pouvons arriver à Dieu que par le Christ Jésus, et
que nous ne pouvons être unis au Christ qu'en étant
incorporés (de fait ou de désir) à l'Église par le bap-
tême. —
La vérité, parce qu'avec toute l'autorité de son
Fondateur, elle garde en dépôt et propose à notre
croyance les vérités que nous a apportées la Révélation.
— Enfin la vie, parce que par le culte public qu'elle
seule est en droit d'organiser, par les sacrements qu'elle
est seule à dispenser, elle distribue aux âmes et entre-
tient en elles la vie de la grâce.
Vous voyez tout de suite que nous nous sanctifions
dans la mesure où nous nous laissons instruire et diri-
ger par l'Église, car, dit Jésus à son Épouse, « qui vous
écoute, m'écoute » et écouter Jésus, n'est-ce pas aller
;

au Père ?
Vous savez que c'est surtout par la liturgie que l'É-
glise éduque, élève l'âme de ses enfants pour les rendre
semblables à Jésus et parfaire ainsi « cette copie du

i. Matth. XXVIII. iS. — 2. Joan. XX, 21. — 3. Luc. X, 16.


NOTRE CONTACT AVEC LES MYSTÈRES DE JESUS 25

Christ qui est la forme même de notre prédestination * ».


Guidée par l'Esprit-Saint qui est l'Esprit de Jésus lui-
même, l'Église déroule chaque année sous les yeux de
ses enfants, de Noël à l'Ascension, le cycle complet des
mystères du Christ, tantôt en grand raccourci, tantôt
dans leur ordre exactement chronologique, comme du-
rant la semaine sainte et le temps pascal. Elle fait re-
vivre ainsi, non d'une façon quelconque, mais par une
représentation animée et vivante, chacun des mystères
de son divin Époux elle nous fait parcourir chacune
;

des étapes de sa vie. —


Si nous nous laissons conduire
par elle, infailliblement nous arriverons à connaître les
mystères de Jésus et surtout à pénétrer dans les senti-
ments de son divin Cœur. Pourquoi cela ?
L'Église, qui connaît le secret de son Époux, détache
de l'Évangile les pages qui mettent le mieux en relief
chacun de ces mystères puis, avec un art parfait, elle
;

les illustre par des passages des psaumes, des pro-


phéties, des lettres de S. Paul et des autres apôtres, des
citations des anciens Pères. Elie place ainsi dans une
lumière plus vive, plus abondante, les enseignements du
divin Maître, les détails de sa vie, le fond de ses mys-
tères.
En même temps, par le choix de citations des livres
saints et des auteurs sacrés, par les aspirations qu'elle
nous suggère, par son symbolisme et ses rites, elle fait
prendre à nos âmes l'attitude que réclame le sens des
mystères, elle fait naître dans nos cœurs les disposi-
tions requises pour que nous nous assimilions, dans la
plus large mesure, le fruit spirituel de chacun d'eux.

Car, bien que ce soit toujours le même Sauveur, le


même Jésus, travaillant à la même œuvre de notre sanc-

i. Rom. VIII. 29.


26 M < HRIST DANS SES MYSTÈRES

tification, chaque mystère constitue cependant pour nos


âmes une nouvelle manifestation du Christ chacun a ;

sa beauté spéciale, sa splendeur particulière, comme


aussi sa grâce propre. La grâce qui découle pour nous
de la fête de la nativité n'a pas le même caractère que
celle que nous apporte la célébration de la passion :

nous devons nous réjouir à la Noël, nous attrister de


nos péchés quand nous contemplons les douleurs indi-
cibles par lesquelles le Christ expie nos fautes de ;

même, la joie intérieure qui inonde nos âmes à Pâques


jaillit d'une autre source et possède une autre splendeur
que celle qui nous fait tressaillir quand nous chantons
la venue du Sauveur sur la terre.
Les Pères de l'Église parlent plus d'une fois de ce
1
qu'ils appellent la vis mysterii , la vertu, la force, la
signification propre du mystère qui se célèbre. Nous
pouvons appliquer aux chrétiens dans chacun des mys-
tères du Christ, ce que saint Grégoire de Nazianze dit
du fidèle à l'occasion de la fête pascale Nihil autem :

daturus est tantum, quantum si se ipse obtulerit hujus


mysterii rationem probe intelligentem, « Il est impos-
sible de présenter à Dieu un don qui lui soit plus agréa-
ble que de nous offrir nous-mêmes avec une parfaite
intelligence du mystère ».
Il y a des esprits qui ne voient autre chose dans la

célébration des mystères du Christ que la perfection des


cérémonies, la beauté des chants, l'éclat des ornements,
l'harmonie des rites. Tout cela peut y être tout cela s'y ;

rencontre, en effet tout cela est excellent.


;

D'abord parce que l'Église, Épouse du Christ, ayant


réglé elle-même tous les détails du culte de son Époux,
leur parfaite observation honore Dieu et son Fils Jésus.
« C'est une loi établie pour tous les mystères du chris-
tianisme qu'en passant à l'intelligence, ils se doivent
premièrement présenter aux sens, et il l'a fallu de cette
i. S. Greg. Nazian. Orat. I. in sanct. Pascha IV«
.

NOTRE CONTACT AVEC LES MYSTERES DE JESUS 11

sorte pour honorer celui qui étant invisible par sa na-


ture a voulu paraître pour l'amour de nous sous une
forme sensible \ »
Ensuite c'est une loi psychologique de notre nature
— matière et esprit, —
que nous allons du visible à
l'invisible. Les éléments extérieurs de la célébration des
mystères doivent servir d'échelons à nos âmes pour
s'élever à la contemplation et à l'amour des réalités
célestes et surnaturelles. C'est d'ailleurs, comme nous
le chantons à la Noël, l'économie de l'Incarnation elle-
même Ut dum visibiliter Deum cognoscinuis, PER
:

hunc in invisibilium amorem rapiamar*.


Ces éléments extérieurs ont donc leur utilité, mais
nous ne devons pas nous y arrêter exclusivement ils ;

ne sont que la frange du vêtement du Christ la gloire. ;

la splendeur, la vertu des mystères de Jésus est surtout


intérieure, et c'est elle que nous devons rechercher
avant tout. La sainte Église demande plus d'une fois à
Dieu, comme un fruit de la communion elle-même, de
nous donner l'intelligence de la vertu propre à chaque
mystère, pour que nous nous en pénétrions et que nous
en vivions Ut mysteria quae solemni celebramus offi-
:

3
cio, purificatae mentis intelligentia consequamur C'est .

là connaître le Christ comme le veut saint Paul, « en


toute sagesse et intelligence spirituelle » in omni sa-
:

pientia et intellectu spiritali \

i. Sermon sur la parole de Dieu. Œuvres oratoires.


Bossuet,
Édit. Lebacq, III, 581. —
2. Le saint Concile de Trente nous l'en-
seigne expressément au sujet des rites de la Messe, de l'acte pri-
mordial de la liturgie: Cum natv.ra hominum ea sit ut non facile
queat sine adminiculis exterioribus ad rerum divinarum meditatio-
nem sustolli, propterca pia mater Ecclesia ritus quosdam... instituit
ceremonias item adhibuit quo mentes fidelium per haec visibilia
religionis et pietatis signa ad rerum altissimantm... contemplatio-
nem excitarentur. Cette doctrine peut parfaitement s'appliquer à
toute la liturgie. —
Sess. XXII. c. 5. — 3. Postcommunion de l'E-
piphanie et de la Transfiguration. Voir aussi la Postcom. du jour
Octave de l'Epiphanie: Ut mysterium... et puro cernamur intuitu
et digno percipiamus affecta.
28 LE CHRIST DANS SKS .MYSTÈRES

C'est qu'en effet les mystères du Christ ne sont pas


seulement des modèles, des sujets de contemplation ce ;

sont aussi des sources de grâces.


Il est dit de Jésus que lorsqu'il était ici-bas « une
puissance sortait de sa personne qui guérissait les ma-
lades » Virtus de Mo exibat et sanabat omnes \ Le
:

Christ Jésus est toujours le même si nous contem- ;

plons avec foi ses mystères, soit dans l'Évangile, soit


dans la liturgie présentée par l'Église, il produit en
nous la grâce qu'il nous a méritée quand il les vivait.
Dans cette contemplation nous voyons comment Jésus,
notre exemplaire, a pratiqué les vertus nous entrons ;

en participation des sentiments particuliers qui ont


animé son cœur divin dans chacun de ces états mais ;

surtout nous puisons en lui les grâces spéciales qu'il


nous a méritées alors.
Les mystères de Jésus sont des états de sa sainte
humanité toutes les grâces qu'il a eues, il les a reçues
;

de sa divinité pour qu'elles fussent communiquées à


son humanité, et, par son humanité, à chacun des mem-
bres de son corps mystique Secundum mensuram do-
:

nationis Christi \ Le Verbe en empruntant à notre race


une nature humaine, a pour ainsi dire épousé toute
l'humanité, et chaque âme participe dans une me- —
sure connue de Dieu et proportionnée, en ce qui nous
regarde, au degré de notre foi —
à la grâce qui inonde
l'âme sainte du Christ.
Chaque mystère du Christ, représentant un état de la
sainte humanité, nous apporte ainsi une participation
spéciale de sa divinité. —
Par exemple, à Noël, nous
célébrons la naissance de Jésus sur la terre nous ;

chantons cet « admirable échange 3 » qui se fait en lui


entre la divinité et l'humanité il nous emprunte l'hu-
:

manité pour nous donner sa divinité et chaque Noël ;

l. Luc. VI, iQ. — 2. Eph. IV. -. — 3. Antienne oV l'office de


la Circoncision.
NOTRE CONTACT AVEC LES MYSTÈRES DE JÉSUS 29

saintement célébrée devient pour l'âme, par une com-


munication plus abondante de la grâce, comme une
naissance nouvelle à la vie divine —
sur le calvaire,
;

nous mourons au péché avec le Christ Jésus nous


;

donne la grâce de détester plus profondément tout ce


qui l'offense ;

nous participons, durant le temps pas-
cal, à cette liberté d'âme, à cette vie plus intense pour
Dieu, dont il est le modèle dans sa résurrection au ;

jour de l'ascension, nous nous élevons avec lui au ciel
pour être comme lui, par la foi et nos saints désirs,
auprès du Père céleste, in sinu Patris \ dans l'intimité
du sanctuaire divin.
En suivant de la sorte le Christ Jésus dans tous ses
mystères, en nous unissant à lui, nous participons peu
à peu, mais sûrement, et chaque fois dans une mesure
plus grande et une plus profonde intensité, à sa divi-
2
nité, à sa vie divine Selon la belle parole de S. Au-
.

gustin, ce qui s'est jadis vérifié dans une réalité di-


vine, se renouvelle spirituellement dans les âmes pieu-
ses par la célébration répétée des mystères Quod :

semel factum in rébus Veritas indicat, hoc saepius cele-


brandum in cordibus piis solemnitas rénovât \
Il est donc vrai de dire que quand nous contemplons

dans leur ordre successif les différents mystères du


Christ, nous le faisons non seulement pour évoquer le
souvenir d'événements accomplis pour notre salut et en
glorifier Dieu par nos louanges et nos actions de grâ-
ces pour voir comment a vécu Jésus et chercher à
;

l'imiter mais encore pour que nos âmes participent à


;

un état spécial de la sainte humanité et puisent, en cha-


cun d'eux, cette grâce propre qu'il a plu au divin Maître
d'y attacher, en la méritant comme chef de l'Église,
pour son corps mystique.

i. Joan. I, 18. — 2. Nous avons exposé ces idées plus au lon£


dans la conférence Vox sponsae de notre précédent volume Le
Christ vie de l'âme. — 3. Sermo CCXX. in vigil. Paschae II.
30 LB CHRIST DANS SES MYSTÈRES

C'est pourquoi le Souverain Pontife Pie X, de glo-


rieuse mémoire, a pu écrire que « la participation ac-
tive des fidèles aux mystères sacro-saints et à la prière
publique et solennelle de l'Église est la source première
et indispensable de V esprit chrétien \ »
11 y a en effet à ce sujet une vérité de grande impor-

tance trop souvent oubliée ou même parfois ignorée.


L'homme peut imiter de deux façons l'exemplaire
qu'est le Christ. Il peut s'efforcer de le faire par un tra-
vail tout naturel, comme lorsqu'on s'imagine reproduire
un idéal humain présenté par un héros ou un person-
nage qu'on aime ou qu'on admire. Il y a des esprits
qui croient que c'est de cette façon qu'il faut imiter
Notre-Seigneur et reproduire en nous les traits de sa
personne adorable. Par cette voie, on aboutit à une
imitation du Christ conçue selon nos idées humaines.
C'est perdre de vue que le Christ est un modèle divin.
Sa beauté et ses vertus humaines ont leurs racines dans
sa divinité et puisent en elle toute leur splendeur. Nous
pouvons et nous devons assurément, aidés par la grâce,
apporter tous nos efforts à comprendre le Christ et à
modeler nos vertus et nos actes sur les siens mais seul ;

l'Esprit-Saint — Digitus paternae dexterae —


est ca-
pable de reproduire en nous la véritable image du Fils,
parce que notre imitation doit être d'ordre surnaturel.
Or, ce travail de l'artiste divin se réalise surtout dans
la prière fondée sur la foi et embrasée par l'amour.
Pendant que, des yeux de la foi et avec l'amour qui
désire se donner, nous contemplons les mystères du
Christ, l'Esprit-Saint qui est l'Esprit du Christ, agit

i. Voici comment s'exprime le Vicaire du Christ « Notre plus


:

vif désir étant que le véritable esprit chrétien refleurisse de toute


façon et se maintienne chez tous les fidèles, il est nécessaire de
pourvoir, avant tout, à la sainteté et à la dignité du temple où les
fidèles se réunissent précisément pour y trouver cet esprit à sa
source première et indispensable, savoir la participation active aux
:

mystères sacro-sainN et à la prier- publique et solennelle de l'É-


iotit proprio du 23 nov. 1903.
NOTRE CONTACT AVEC LES MYSTÈRES DE JÉSUS 31

dans l'intime de l'âme, et par ses touches souveraine-


ment efficaces, façonne l'âme de manière à y reproduire,
comme par une vertu sacramentelle, les traits du mo-
dèle divin.
Voilà pourquoi cette contemplation des mystères de
Jésus est en elle-même si féconde voilà pourquoi le
;

contact essentiellement surnaturel que l'Église, guidée


en ceci par l'Esprit-Saint, nous fait prendre dans la
liturgie avec les états de son Époux est pour nous si
vital. Il n'y a pas de voie plus sûre ni de moyen plus
1
infaillible pour nous assimiler au Christ .

Cette contemplation des mystères de Jésus ne pro-


duira pourtant en nous de si grands fruits que si nous
y apportons certaines dispositions, qui peuvent se ra-
mener à trois la foi, la révérence et l'amour.
:

La foi est la disposition primordiale pour nous mettre


en contact vital avec le Christ.
Ce sont des mystères que nous célébrons, c'est-à-
dire des signes humains et visibles d'une réalité divine
et cachée. Pour comprendre, pour toucher cette réalité,
il faut la foi. Le Christ est en même temps Dieu et
homme en lui l'humain est toujours à côté du divin.
;

Dans chacun de ces mystères, nous verrons appa-


raître l'homme et le Dieu souvent même, comme dans
;

la nativité, dans la passion, la divinité se cache plus


que d'ordinaire pour la saisir, pour percer le voile et
;

parvenir jusqu'à elle pour voir Dieu dans l'enfant


;

couché dans la crèche, dans le « maudit ~ » suspendu au


gibet du Calvaire, sous les apparences eucharistiques,
il faut la foi Praestet fides supplementum sensuum
:

defectui \

i. Voir, à la fin de cette conférence, une citation, trop longue


pour être donnée ici, —
d'un des maîtres de la vie spirituelle. 2. Gai.
III, 13. — 3. Hymne Pange îingua.
32 LE CHRIST DANS SES MYSTERRS

Sans la foi nous ne pénétrerons jamais dans le fond


des mystères de Jésus mais, avec elle, nous n'avons
;

rien à envier aux contemporains du Christ. Nous ne


voyons pas Notre-Seigneur comme le voyaient ceux qui
vivaient avec lui, mais la foi nous donne de le contem-
pler et de demeurer avec lui, unis à lui d'une façon non
moins efficace que pour ceux qui étaient ses contem-
porains. Nous disons parfois : Oh ! si j'avais vécu de
son temps, si j'avais pu le suivre avec la foule, avec les
disciples, le servir comme
Marthe, l'écouter à genoux
comme Madeleine
1
! — il a ditMais
BEATI qui non :

viderunt et crediderunt , « Bienheureux ceux qui ne


m'ont pas vu et qui ont cru en moi ». Pourquoi « bien-
heureux » ? Parce que le contact avec le Christ dans la
foi n'est ni moins fécond pour nos âmes ni surtout
moins glorieux pour Jésus, à qui nous rendons cet
hommage de croire en lui sans l'avoir vu. Nous n'avons
rien à envier aux disciples qui ont vécu avec lui. Si
nous avons la foi, nous demeurerons aussi unis à Jésus
que pouvaient le faire ceux qui l'ont vu de leurs yeux
et touché de leurs mains.
J'ajouterai même ceci c'est la mesure de cette foi
:

qui fixe, quant à nous, le degré de notre participation


à la grâce de Jésus contenue dans ses mystères. —
Voyez ce qui se passait durant sa vie terrestre ceux :

qui vivaient avec lui, qui avaient avec lui un contact


matériel, comme les bergers et les mages à la crèche,
les apôtres et les Juifs durant les années de sa vie pu-
blique, S. Jean et Madeleine au pied de la croix, les
disciples qui le virent ressuscité et monter au ciel,
toutes ces âmes qui le cherchaient recevaient la grâce
selon le degré de leur foi. C'est toujours à la foi qu'il ac-
corde les miracles qu'on lui demande toutes les pages ;

de l'Évangile nous montrent qu'il fait de la foi en lui


une condition indispensable pour recevoir sa grâce.

i. Joan. XX. 2Q.


NOTRE CONTACT AVEC LES MYSTÈRES DE JESUS 33

Or, pour nous, il n'y a pas avec Jésus de contact des


yeux il
; est remonté au ciel. Mais la foi remplace ce
regard et le degré de cette foi, comme d'ailleurs pour
;

les contemporains du Christ, est, avec l'amour, le degré


de notre union à lui. N'oublions jamais cette vérité
importante le Christ Jésus, sans qui nous ne pouvons
:

rien et de la plénitude de qui nous devons tous recevoir,


ne nous donnera une participation à sa grâce que dans
la mesure de notre foi. S. Augustin dit que nous nous
approchons du Sauveur non en marchant, mais par les
élans de notre foi Non enim ad Christum ambulando
:

currimus, sed credendo \


Plus donc cette foi en Jésus, Verbe incarné, Fils de
Dieu, est vive et profonde, plus intimement nous appro-
chons du Christ.

De plus la foi fait naître en nous deux autres senti-


ments qui doivent compléter l'attitude de notre âme en
présence du Christ le respect et l'amour.
:

Nous devons nous approcher du Christ avec une indi-


cible révérence. —
Car le Christ Jésus est Dieu, c'est-
à-dire le Tout-Puissant l'Être infini qui possède toute
;

sagesse, toute justice, toutes les perfections le souve- ;

rain Maître de toutes choses le Créateur de tout ce qui ;

est et la fin dernière de tout ce qui existe la source de ;

toute béatitude. Partout où il se trouve, Jésus reste


Dieu. Même quand il se donne avec le plus de bonté et

de libéralité, ildemeure toujours celui devant qui les


anges les plus élevés se voilent la face Adorant Do- :

minationes, tremunt Potestates. A la crèche, il se laisse


toucher l'Évangile nous dit que « la foule le pressait
;

de toutes parts » durant sa passion, il se laisse souf-


'
;

fleter, frapper, insulter mais il est toujours Dieu.


;

Alors même qu'on le flagelle, qu'on couvre sa face de
crachats, qu'il expire sur la croix, il est toujours celui

i. Tract, in Joan. XXVI, ;. — 2. Marc. V. 31.

Le Christ dans ^cs mystères.


34 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

qui a créé par sa puissance et gouverne par sa sagesse


le ciel et la terre et c'est pourquoi quelle que soit la
;

page d'Évangile que nous lisions, le mystère de Jésus


que nous célébrions, nous devons l'adorer.
Quand la foi est vive, cette révérence est si profonde
qu'elle nous fait nous prosterner devant cet Homme-
Dieu pour l'adorer Tu es Christus Filius Dei vivi
: .

« Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant et pro- : ;

cidens adoravit eum \

L'adoration est le premier mouvement de l'âme que


la foi conduit au Christ V amour est le second. :

Je vous le disais tantôt l'amour est au fond de tous


:

les mystères du Christ. L'humilité de la crèche, l'obscu-


rité de la vie cachée, les fatigues de la vie publique, les
tourments de la passion, la gloire de la résurrection,
tout cela est dû à l'amour Cum dilexisset suos, in :

finem dilexit eos ". C'est l'amour surtout qui se révèle


et éclate dans les mystères de Jésus. Et c'est surtout par
l'amour que nous les comprendrons Et nos credidimus :

caritati.
nous voulons contempler avec fruit les mystères du
Si
Christ, il faut le faire avec foi, avec révérence, mais
surtout avec amour, avec l'amour qui cherche à se don-
ner, à se livrer au bon plaisir divin pour l'exécuter et
l'accomplir.
C'est alors que la contemplation des mystères de
Jésus devient féconde. Qui autem diligit me... manifes-
tabo ei meipsum « Si quelqu'un m'aime, disait Nôtre-
*
.

Seigneur, je me manifesterai à lui ». Qu'est-ce à dire ?


Si quelqu'un m'aime dans la foi, me contemple dans
mon humanité, dans les états de mon incarnation, je
lui découvrirai les secrets de ma divinité.

Heureuse, trois fois heureuse, l'âme en laquelle se

i. Matth. XVI, 16. —2. Jean. IX. $8. — Ibid. XIII, i. —


4 . Ibid. XIV, 21.
NOTRE CONTACT AVEC LES MYSTÈRES DE JESUS 35

réalise une si'magnifique promesse Le Christ Jésus lui !

révélera « le don divin » par son Esprit « qui scrute


*
;
3
les profondeurs de Dieu », il la fera pénétrer dans le
u
sanctuaire de ce sacramentum absconditum que sont
4
ses mystères il lui;ouvrira ces « celliers du Roi »
dont parle le Cantique des cantiques, où l'âme s'abreuve
de vérité et de joie. Sans doute, cette manifestation in-
time de Jésus à l'âme n'ira pas, ici-bas, jusqu'à la vi-
sion béatifique, celle-cidemeure le privilège des bien-
heureux dans mais elle remplira l'âme des clar-
le ciel ;

tés divines qui la fortifieront dans son ascension vers


Dieu Scire super eminentem scientiae caritatem Christi
:

UT IMPLEAMINI IN OMNEM PLENITUDINEM DEI.


Là est véritablement « la source d'eau vive qui jaillit
pour nous jusqu'à la vie éternelle Fons aquae salien- :

tis in vitam aeternam ; car « la vie éternelle, ô mon

Dieu, n'est-ce pas de vous connaître, de connaître votre


divin Fils », de proclamer par nos lèvres et notre vie
que Jésus est votre Fils bien-aimé, le Fils de votre di-
lection, en qui vous avez mis toutes vos complaisances,
et en qui vous voulez que nous trouvions tout ?

NOTE i.

Extrait du « Catéchisme de la doctrine chrétienne publié par or-


dre de S. S. Pie X
». Paris, Bonne Presse (1913).
(( Les fêtes ont été instituées pour rendre à Dieu en commun,
dans ses saints temples, le culte suprême d'adoration, de louange,
de remerciement, de réparation. Tout y a été si bien disposé et
adapté aux circonstances —
les cérémonies, les paroles, le chant,
l'ordonnance extérieure en tous ses détails qu'elles peuvent faire —
pénétrer profondément dans l'esprit les mystères, les vérités ou les
faits que nous célébrons et nous porter aux sentiments et aux actes
correspondants. Si les fidèles étaient bien instruits de cette matière
et célébraient les fêtes avec l'esprit voulu de l'Eglise en leur insti-
tution, on obtiendrait une rénovation et un accroissement notable
de foi, de piété, d'instruction religieuse, et, par conséquent, la vie
intérieure des chrétiens s'en trouverait ranimée et améliorée. »

1. Joan. IV, 10. — 2. I Cor. II, 10. — 3. Ephes. 111,9. — -4- Cant.1,3.
36 LE CHRIST DANS SKS MYSTERES

!
Que lout bon chrétien, s 'aidant de la prédication ou d<- quelque
livre approprié, s'étudie à comprendre et à faire sien l'esprit de
chaque reportant à son objet et à son but spécial, méditant
fête, se
la vérité, la vertu,le prodige, le bienfait qui s'y trouve particuliè-

rement commémoré, cherchant de toutes manières à en retirer une


amélioration personnelle. Il connaîtra mieux ainsi et aimera avec
plus de ferveur Dieu. Notre-Seigneur Jésus-Christ, la sainte Vierge
et les saints; s'affectionnera à la sainte liturgie, à la prédication,
il

à l'Eglise, et même à y attacher les autres. Toute Jet:


cherchera
sera pour lui dès lors un jour de Dieu, une vraie fête qui réjouira
son âme, la restaurera, la retrempera, la remplira d'une nouvelle
vigueur pour porter les souffrances et les luttes quotidiennes du-
rant la semaine. » (P. 139 et p. 141.)

NOTE II.

« ... Le grand secret pour mener cette vie chrétienne libre, pure
et déjà presque surhumaine, [dont la vie de Jésus sur la terre au
du tombeau est le type très réel et à l'imitation de laquelle le
sortir
baptême nous oblige], ce n'est pas tant de considérer la vanité du
monde, la fragilité et la bassesse de la vie présente, et sa propre
misère à soi-même, et ses passion?, et tout ce dont, sans la grâce,
on serait naturellement capable, et ses défauts et ses péchés, qu'il
faut cependant haïr et déplorer (tout cela est util**, tout cela est
:

comme indispensable toute âme sage s'en souvient et y pense à


;

certaines heures mais ce n'est pas toujours l'heure d'y penser, et


;

ce n'est pas, en tout cas, ce qu'il y a pour nous de plus efficace) le :

plus efficace, ici comme partout, le plus déterminant, le plus triom-


phant, c'est de regarder, autant que l'on peut, et habituellement, en
liant ; c'est de considérer Dieu et Jésus ; les perfections de Dieu,
ses droits, ses attributs, ses appels, ses provocations, ses attentes,
ses desseins, ses promesses ; les mystères de Jésus et les grâces
toutes divines qui découlent de ce qu'il dit, de ce qu'il fait, de ce
qu'il ordonne, de ce qu'il souffre. C'est de se rappeler toujours
qu'il est personnellement le point de départ et le chef de la vie
chrétienne ; que la grande vertu du baptême est de nous incorporer
à lui, de nous donner sa vie, d-e nous faire de sa race, et de répan-
dre en nous son Esprit, c'est-à-dire une lumière et une force par les-
quelles nous sommes mis en mesure et en demeure, non seulement
de ne pécher plus, comme saint Jean le dit expressément, mais
encore de juger toutes choses, de discerner notre voie, de la suivre,
et montant de clarté en clarté, de liberté en liberté, d'en venir à
Tétat intérieur de celui qui disait: « Vivre pour moi, c'est Jésus-
Christ ». - Mgr Gay, Elévations sur... J.-C. qi p élév.
LA PERSONNE DU CHRIST

III. — IN SINU PATR1S.

Sommaire. —
Le Christ est avant tout le Fils de Dieu.
I. Le dogme de la fécondité divine Dieu est Père.
:

il. « Fonctions du Verbe dans la Trinité il recon- :

naît que tout lui vient du Père; il est son image; il se


rapporte à lui par amour. —
III. Nous devons imiter
le Verbe divin dans ses « états ». —
IV. Comment le
Christ est le moyen établi par Dieu pour réaliser en
nous la participation à la Filiation de son Verbe. —
v. Conséquence pratique de ces doctrines demeurer :

uni au Verbe incarné, par la foi, les œuvres, le sacre-


ment de l'Eucharistie. —
VI. Ces vérités, bien que
sublimes, constituent le fond même du Christianisme
et la substance de toute sainteté.

Les mystères du Christ sont nôtres l'union que le;

Christ Jésus veut contracter avec nos âmes est telle que
tout est commun entre lui et nous les grâces inépuisa-
;

bles de salut et de sanctification qu'il nous a méritées


par chacun de ses mystères, il veut nous en faire part
avec une divine largesse, afin de nous communiquer
l'esprit de ses états et réaliser ainsi en chacun de nous
la ressemblance avec lui, gage infaillible de notre pré-
destination éternelle.
Le Christ a passé par divers états : il a été enfant,
adolescent, docteur de la vérité, victime sur la croix,
glorieux dans sa résurrection et son ascension en par- :

courant ainsi toutes les étapes successives de son exis-


tence terrestre, il a sanctifié toute la vie humaine.
Mais il y a un état essentiel qu'il ne quitte jamais il :

est « toujours le Fils unique de Dieu, vivant dans le sein


i() LE CHRIST DANS SES MYSTERES

du Père Unigenitus Filius qui EST in slnu Patris \


:

Le Christ, c'est le Fils de Dieu incarné c'est le Verbe- ;

fait chair. Avant de devenir homme, le Christ était Dieu;


en devenant homme, il n'a pas cessé d'être Dieu Quoci :

fuit permansit \ Que vous le considériez petit enfant


dans la crèche, travaillant dans l'atelier de Nazareth,
prêchant en Judée, mourant sur le Calvaire, manifestant
sa gloire de triomphateur aux apôtres ou s'élevant au
ciel, il est toujours et avant tout le Fils unique du Père.

C'est donc sa divinité que nous devons contempler


d'abord, avant de parler des mystères qui découlent de
l'Incarnation elle-même tous les mystères de Jésus se
;

fondent sur sa divinité c'est d'elle qu'ils tirent toute


;

splendeur, en elle qu'ils puisent toute fécondité.


Il grande différence de début entre l'Évan-
existe une
gile de saint Jean et ceux des autres écrivains sacrés.
Ceux-ci ouvrent leur récit en dressant la généalogie
humaine de Jésus, afin de montrer comment il descend
de la race royale de David. Mais saint Jean, à qui il ré-
pugne de marcher à terre, s'élève d'abord, tel l'aigle,
par un élan merveilleux, jusqu'au plus haut des cieux
pour nous dire ce qui se passe dans le sanctuaire de la
divinité.
Avant de nous raconter la vie de Jésus, cet évangé-
nous dit ce que le Christ
liste était antérieurement à son
Incarnation. Et comment s'exprime-t-il ? « Au com- —
mencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de
Dieu, et le Verbe était Dieu » In principio erat Verbum :

et Verbum erat apud Deum et Deus erat Verbum... Et


pour nous rassurer sur la valeur de son témoignage, il
ajoute sans tarder que « personne ne voit Dieu, mais
que le Fils unique qui est dans le sein du Père a lui-
même soulevé les voiles » Deum nemo riait unquam ;:

Unigenitus Filius qui est in sinu Patris IPSE enarravit.


Pendant trois ans, en effet, Jésus a expliqué à ses
i. Joan. I, i8. — 2. Antienne de l'office de la Circoncision.
DANS LE SEIN DU PERE 41

disciples les secrets divins à la veille de sa mort, il;

les leur rappelait, en disant que c'était là une marque


d'amitié qu'il ne donnait qu'à eux et à ceux qui venant
après eux croiraient en sa parole Vos dixi anùcos : :

quia omnia quaecumque audivi a Pâtre meo nota feci


vobis \
Pour connaître ce qu'est Jésus, ce qu'il était, nous
n'avons donc qu'à écouter le disciple qui nous rapporte
ses paroles ou plutôt nous n'avons qu'à l'écouter lui-
;

même. Mais écoutons-le avec foi, avec amour, avec


adoration car celui qui se fait connaître à nous, c'est
:

le propre Fils de Dieu.

Les paroles qu'il nous apporte ne sont pas des paroles


qu'on puisse comprendre seulement avec les oreilles de
la chair ce sont des paroles toutes célestes, de vie éter-
;

nelle, Verba quae ego locutus sum vobis spiritus et vita


sunt \ Seule l'âme humble et fidèle peut les entendre.
Ne nous étonnons pas non plus de ce que ces paroles
nous révèlent de profonds mystères Jésus lui-même l'a :

voulu. C'est lui qui pour réaliser notre union à lui nous
les a fait entendre il a voulu qu'elles fussent recueil-
;

lies par les écrivains sacrés il envoie son Esprit-Saint,


;

3
qui « scrute les profondeurs de Dieu », pour les « rap-
4
peler en nous », afin que nous goûtions, « avec sa-
gesse et intelligence spirituelle 5 », les mystères de sa
vie intime de Dieu. La participation à cette vie ne con-
stitue-t-elle pas le fond même du Christianisme et la
substance de toute sainteté ?

La foi nous révèle ce mystère vraiment étonnant que


le pouvoir et l'acte de la fécondité est une perfection
divine.

i.Joan. XV, 15. — 2. Ibid. VI, 64. — 3. Cor. II, 10. —


4. Joan. XIV, 26. — 5. Col. I. 9.
I
12 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Dieu est la plénitude de l'être, l'océan sans rivage de


toute perfection et de toute vie. Les images grossières
qui nous servent souvent à le dépeindre, les idées que
nous lui appliquons par analogie en parlant de ce qu'il
y a de meilleur dans les créatures, sont impuissantes à
le représenter. Ce n'est pas reculer, même indéfiniment,
les limites de l'être créé, c'est nier ces limites de la
façon la plus positive, qu'il faut pour s'élever à une
conception qui ne mente pas à l'infini de Dieu il est :

l'Être même, l'Être nécessaire, subsistant par lui-même,


possédant dans sa plénitude toute perfection.
Et voici une merveille que la Révélation nous décou-
vre ce £>ieu est fécond; il y a en lui une paternité
:

toute spirituelle et ineffable il est Père, principe de;

toute la vie divine dans la Trinité.


Intelligence infinie, Dieu se comprend parfaitement ;

en un seul acte, il voit tout ce qu'il est, tout ce qui est


en lui il comprend pour ainsi dire d'un seul regard la
;

plénitude de ses perfections, et, dans une pensée, dans


une parole qui épuise toute sa connaissance, il s'ex-
prime à lui-même cette connaissance infinie. Cette pen-
sée conçue par l'intelligence éternelle, cette parole par
laquelle Dieu s'exprime tout lui-même est le Verbe. La
foi nous dit que ce Verbe est Dieu Et Deus erat Ver- :

bum, parce qu'il a (ou mieux il est) avec le Père une :

même nature divine.


Et parce que le Père communique à ce Verbe une
nature non seulement semblable mais identique à la
sienne, la sainte Écriture nous dit qu'il l'engendre, et
elle appelle le Verbe, Les livres inspirés nous
le Fils.
rapportent le cri ineffable de Dieu contemplant son Fils
et proclamant la béatitude de son éternelle fécondité :

« Du sein de la divinité, avant de créer la lumière, je t'ai


communiqué la Vie » Ex utero, ante luciferum, genui
:

te '
« tu es mon Fils, mon Fils bien-aimé, l'objet de
;

i. Ps. CIX,
DANS LE SEIN DU PERE 43

toutes mes complaisances » : Tu es Filius meus dilec-


tus, in te complacui mihi \ C'est qu'en effet, ce Fils est
parfait ; il possède avec le Père toutes les perfections
divines, sauf la propriété d' « être Père »; si parfait est-
il, de son Père par l'unité de nature la
qu'il est l'égal ;

créature ne peut donner à une autre créature qu'une


nature semblable à la sienne simile sibi ; mais Dieu :

engendre Dieu et lui donne sa propre nature c'est la ;

gloire de Dieu d'engendrer l'infini et de se contempler


dans un autre lui-même qui est son égal si égal, ;

qu'il est l'Unique, car il n'y a qu'une seule nature divine
et ce Fils épuise la fécondité éternelle Unigenitus Dei :

Filius ; c'est pourquoi il est un avec son Père Ego et :

Pater unum sumus \


Enfin ce Fils bien-aimé, égal au Père, distinct pour-
tant de lui, et, comme lui, personne divine, ne quitte
point le Père. Le Verbe vit toujours dans l'intelligence
infinie qui le conçoit le Fils demeure toujours dans le
;

sein du Père qui l'engendre Unigenitus Dei Filius qui:

est in sinu Patris. Il y demeure par l'unité de nature.


Il y demeure aussi par l'amour qu'ils se portent mutuel-

lement et d'où procède, comme d'un principe unique,


l'Esprit-Saint, amour substantiel du Père et du Fils.
Vous voyez quel est l'ordre mystérieux des communi-
cations ineffables de la vie intime de Dieu dans la Tri-
nité. —
Le Père, plénitude de toute vie, engendre un
Fils du Père et du Fils, comme d'un seul principe, pro-
;

cède l'Esprit d'amour. Tous trois ont la même éternité,


la même infinité de perfection, la même sagesse, la
même puissance, la même sainteté, parce que la nature
divine est unique pour les trois personnes.
Mais chaque personne possède des propriétés exclu-
sives —
« être Père, être Fils, procéder du Père et du
Fils » — qui établissent entre elles d'ineffables relations
et les distinguent les unes des autres. Il y a un ordre
i. Marc, I, ii ; Luc. III, 22. — 2. Joan. X, 30.
I I LE CHRIST DANS SES MYSTERES

d'origine, sans qu'il y ait ni priorité du temps, ni supé-


riorité hiérarchique, ni relation de dépendance.

Tel est le langage de la Révélation nous n'eussions ;

pu arriver à la connaissance de ces choses, si elles ne


nous avaient pas été dévoilées mais le Christ Jésus a ;

voulu, pour l'exercice de notre foi et la joie de nos


1
âmes, nous les faire connaître Quand, dans l'éternité, .

nous contemplerons Dieu, nous verrons qu'il est essen-


tiel à la vie infinie, qu'il est naturel à l'Être divin d'être
un en trois personnes. « Le vrai Dieu qu'il nous faut
J
connaître pour avoir la vie éternelle » est celui dont
nous adorons la trinité de personnes dans l'unité de
nature.
Venez
adorons cette merveilleuse société dans l'uni-
!

té, admirable égalité de perfection dans la dis-


cette
tinction des personnes. —
O Dieu, Père d'une incom-
mensurable majesté, Patrem immensae majestatis, je
vous adore j'adore votre Fils, car il est comme vous
;

digne de toute révérence, étant votre vrai Fils unique,


Dieu comme vous Venerandum tuum verum et unicum
:

Filium ; ô Père, ô Fils, j'adore votre commun Esprit,


votre éternel lien d'amour Sanctum quoque Paracli- :

tuni Spiritum. Bienheureuse Trinité, je vous adore !...

II

Arrêtons maintenant les regards de notre foi sur le

i. « Pourquoi se jeter dans ces abîmes? Pourquoi Jésus-Christ


nous les a-t-il découverts? Pourquoi y revient-il si souvent? Et
pouvons-nous ne pas nous arrêter à ces vérités, sans oublier la
sublimité de la doctrine chrétienne? Mais il faut s'y arrêter en
tremblant, il faut s'y arrêter par la foi il faut en écoutant Jésus- :

Christ, et ses paroles toutes divines, croire que c'est d'un Dieu
qu elles viennent et croire aussi en même temps que ce Dieu d'où
;

«lies viennent, vient lui-même de Dieu, et qu'il est Fils et à cha- ;

que parole qup nous entendons, il faut remonter jusqu'à la source,


•ontcmpler le Père dans le Fils, et le Fils dans le PM-. n BOSSUBT,
Méditations sur l'Evangile, la Cènr-, rp partie, 86 e jour.i 2. Joan. —
XVII, 3.
DANS LE SEIN DU PERE i~>

Verbe, le Fils, pour connaître et admirer quelques-unes


de ses propriétés. C'est ce Fils qui, né éternellement du
Père, doit naître dans le temps d'une vierge pour de-
venir l'Homme-Dieu et réaliser les mystères de notre
salut. Comment l'imiter, lui demeurer uni, sans d'abord
le connaître ?
Dansla Trinité sainte, le Fils se distingue du Père
par sa propriété d' « être Fils ».
Quand nous disons d'un homme qu'il est tel fils, nous
établissons deux choses différentes sa nature humaine
:

individuelle et sa qualité de fils. Il n'en est pas ainsi


dans la Trinité. Le Fils est réellement identifié avec la
nature divine (qu'il possède d'une façon indivisible
avec le Père et l'Esprit-Saint) ce qui le distingue de
;

la personne du Père, ce qui constitue proprement sa


personnalité, ce n'est pas d'être Dieu, mais d'être Fils ;

et en tant que personne divine, il n'est que Fils, tout


entier Fils, et cela uniquement il est, si je puis ainsi
;

m'exprimer, une filiation vivante il est « orienté » en-


;

tièrement vers le Père.


Et de même que le Père proclame son ineffable fécon-
dité Filius meus es tu, ego hodie genui te \ le Fils re-
:

connaît qu'il est Fils, que le Père est son principe, sa


source, et que tout vient de lui c'est là, si l'on peut
:

parler de la sorte, la première « fonction » du Verbe.


Ouvrez les Évangiles, surtout celui de saint Jean :

vous verrez le Verbe incarné relever sans cesse, pour la


mettre en relief à nos yeux, cette propriété. Le Christ
aime à proclamer qu'en sa qualité de Fils unique, il
tient tout de son Père. « Je vis par le Père, dit-il à ses
apôtres ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui
;

qui m'a envoyé le Fils ne peut rien faire de lui-même,


;

mais ce qu'il voit faire au Père, et tout ce que fait le


Père, le Fils le fait pareillement le Fils ne fait rien de
;

lui-même, et selon qu'il entend il juge, et son jugement

i. Ps. II, 7.
i(i LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

est juste, parce qu'il ne cherche pas sa propre volonté,


mais la volonté de celui qui l'a envoyé... Je ne fais
rien de moi-même, mais je dis ce que mon Père m'a
enseigné \ »
Que veut faire entendre Notre-Seigneur par ces pa-
roles mystérieuses, sinon qu'en sa qualité de Fils, il
tient toutes choses du Père, tout en étant son égal ?
Partout, dans toutes les circonstances remarquables de
sa vie, comme par exemple à la résurrection de Lazare,
le Christ Jésus relève les relations ineffables qui font de

lui l'unique du Père éternel.

Lisez surtout le discours et la prière de Jésus à la


dernière Cène, dans lesquels, au moment de consommer
par son sacrifice sur la croix la série de ses mystères, il
lève un coin du voile qui dérobe à nos regards la vie
divine, vous verrez avec quelle insistance il revient sur
sa filiation éternelle et les propriétés qui en sont le pri-
vilège « Père, l'heure est venue
: glorifiez votre Fils :

afin que votre Fils vous glorifie... Glorifiez-moi de la


gloire que j'avais auprès de vous avant que le monde
fût... Les hommes que vous m'avez confiés savent à
présent que tout ce que vous m'avez donné vient de
vous. Ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de
.

vous... Tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui


est à vous est à moi... Qu'ils soient un comme vous,
mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous... Père,
ceux que vous m'avez donnés, je veux que là où je suis,
ils soient avec moi, afin qu'ils voient la gloire que vous

m'avez donnée, parce que vous m'avez aimé avant la


création du monde... '
,

Quelle admirable révélation du Père et du Fils, de


leurs relations incompréhensibles, nous livrent ces pa-
roles Non vraiment, comme le dit S. Jean au début de
!

son Évangile, nous n'avons pas vu Dieu mais le Fils ;

i. Joan. VI, 58; VII, 16; V, 19. 10; VIII, 28. — 2. Ibid.
XVII.
DANS LE SEIN DU PÈRE 47

unique qui est dans le sein du Père nous a révélé


quelque chose des secrets de sa vie. Je crois, Sei- —
gneur Jésus, que vous êtes le Fils unique du Père, Dieu
comme lui ;
je le crois, mais augmentez ma foi !

La deuxième « fonction » du Verbe est d'être, comme


le dit S. Paul, « l'image du Père » Imago Dei invisi- :

bilis \
Non pas une image quelconque, mais une image par-
faite, vivante. Le Verbe est la splendeur de la gloire du
Père, la figure de sa substance, le rejaillissement de sa
lumière éternelle Splendor gloriae et figura substantiae
:

ejus \ Il est, comme l'indique le terme grec, le « carac-


tère », l'expression adéquate de Dieu, et comme le ca-
chet que le sceau imprime sur la cire. La gloire d'un fils
est d'être la vivante image de son père. Il en est ainsi
du Verbe. Le Père éternel, en regardant son Fils, voit
en lui la reproduction parfaite de ses divins attributs ;

le Fils réfléchit parfaitement, comme un miroir sans

tache, spéculum sine macula \ tout ce que le Père lui


donne.
Et c'est pourquoi le Père, en contemplant son Fils,
voit en lui toutes ses perfections et ravi de ce spec- ;

tacle, il déclare au monde que ce Fils est l'objet de


toute sa dilection Filius dilectus in quo mihi bene
:

complacui \
Aussi quand il s'incarne, le Verbe nous révèle-t-il le
Père, nous manifeste-t-il Dieu. Lorsqu'à la dernière
Cène, Notre-Seigneur eut parlé de son Père en termes
si touchants, l'apôtre Philippe lui dit : « O Seigneur,
montrez-nous le Père, et c'en sera assez, nous serons
comblés » Et que répond le Christ Jésus ? « Quoi Je
î !

suis avec vous depuis si longtemps, et vous ne me con-


naissez pas encore ? Philippe, qui me voit, voit mon

î. Col. T, 15. — 2. Hebr. I, 3. — 3. Sap. VIT. 26. — 4. Matth


XVII, 5.
is LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Père * Qui videt me, videt et Patrem \ Quelle pro-


:

fonde révélation que cette parole Il nous suffit de voir !

Jésus, le Verbe incarné, pour connaître le Père dont il


est l'image. Toutes les perfections du Père, le Christ
les traduit en gestes humains, en langage accessible à
nos faibles esprits. Souvenons-nous toujours de cette
parole Qui videt me, videt et Patrem.
:

Nous parcourrons bientôt les principaux mystères de


Jésus. Celui que nous contemplerons, c'est Dieu c'est ;

l'Être infini, tout-puissant et souverain. Cet enfant cou-


ché dans une crèche et qu'adorent des bergers et des
mages, c'est Dieu cet adolescent qui travaille, comme
;

un obscur ouvrier dans un pauvre atelier, c'est Dieu ;

cet homme qui guérit les malades, qui multiplie les


pains, qui pardonne aux pécheurs et sauve les âmes,
c'est Dieu Dieu encore, ce prophète persécuté par ses
;

ennemis, cet agonisant qui lutte contre l'ennui, la peur


et la tristesse, ce condamné qui meurt sur une croix :

elle contient Dieu, cette hostie que garde le tabernacle


et que je vais recevoir à ia table sainte Qui videt me, :

videt et Patrem.
Et toutes les perfections que manifestent les états ou
les mystères de Jésus cette sagesse qu'on ne peut pren-
:

dre en défaut, cette puissance qui étonne ou ravit les


foules, cette miséricorde inouïe à l'égard des pécheurs,
cette bonté infatigable qui supporte toutes les injures,
ce zèle ardent pour la justice, cette patience inaltérable
sous les affronts, cet amour qui se donne et se livre, ce
sont les perfections d'un Dieu, de notre Dieu car celui :

qui voit Jésus, voit le Père, contemple Dieu.


A la fin de sa prière sacerdotale, le Christ disait à son
Père « Je vous ai fait connaître à mes disciples, ô
:

Père, et je vous ferai connaître encore, afin que Tamour


dont vous m'avez aimé soit en eux... ' ». O Jésus, par
vos mystères, montrez-nous votre Père, ses perfections,

i. Juan. XIV, 8-9. — 2. Ibid. XVII, 26.


DANS LE SEIN DU PERE 49

ses grandeurs, ses droits, ses volontés révélez-nous ce ;

qu'il est pour vous, ce qu'il est pour nous, afin que nous
l'aimions et qu'il nous aime, et nous ne demanderons—
plus rien Ostende nobis Patrern, et sufficit nobis !
:

La troisième « fonction » du Verbe est de se rappor-


ter par amour à son Père.
Dans la Trinité sainte, l'amour du Père Fils pour le

est infini. Si le Verbe proclame qu'il de son tient tout


Père, il lui rapporte également tout avec amour, et de
ce mouvement de dilection qui rencontre celui du Père,
procède cette troisième personne que la révélation ap-
pelle d un nom mystérieux
:
l'Esprit-Saint, et qui est
:

l'amour substantiel du Père et du Fils.


Ici-bas, l'amour de Jésus pour son Père éclate d'une
manière ineffable. Toute la vie du Christ, tous ses mys-
tères se résument en cette parole que nous rapporte
S. Jean Diligo Patrern \ « J'aime mon Père ». Notre-
:

Seigneur a indiqué lui-même à ses apôtres le critère


infaillible de l'amour « Si vous gardez mes comman-
:

dements, vous demeurerez dans mon amour ». Et il se


donne aussitôt en exemple « Comme moi-même j'ai :

gardé les commandements de mon Père, et demeure


2
dans son amour ». Jésus est demeuré constamment
dans l'amour du Père, parce que toujours il a fait sa
volonté. Saint Paul nous déclare expressément que le
premier mouvement du cœur du Verbe fait chair est un
mouvement d'amour « Me voici, ô Père, pour faire
:

3
votre volonté » Dans ce premier regard de sa vie
!

terrestre, l'âme de Jésus a vu toute la suite de ses mys-


tères, les abaissements, les fatigues, les souffrances
dont ils étaient formés et par un acte d'amour, elle a
;

accepté de réaliser ce programme.


Ce mouvement d'amour envers son Père n'a jamais
cessé. Notre-Seigneur a pu dire Quae placita surit ei :

I. Joan. XIV, 31. — 2. Ibid. XV, 10. — 3. Hebr. X, 7.

Le Christ dans ses mystères -t


50 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

faciosemper\« Je fais toujours ce qui est agréable à


mon Père » il accomplit tout jusqu'au dernier iota
; ;

tout ce que son Père lui demande, il l'accepte, jusqu'au


calice amer de l'agonie Non mea voluntas, sed tua
:

fiât" ; jusqu'à la mort ignominieuse de la croix Ut :

cognoscat mundus quia diligo Patrem, sic facio '. Et


quand il a tout consommé, le dernier battement de son
cœur, sa dernière pensée est pour son Père « Père, je :

4
remets mon âme entre vos mains » .

L'amour de Jésus pour son Père est au fond de tous


ses états et explique tous ses mystères.

III

Ce Verbe divin est notre modèle, la forme même de


notre prédestination. Car, même
après l'Incarnation, il
demeure ce qu'il est le Verbe coéternel au Père. C'est
:

pourquoi notre imitation du Christ doit s'étendre non


seulement à ses vertus humaines, mais aussi à son être
divin.

Comme Jésus et nous devons d'abord recon-


avec lui,

naître et proclamer que tout lui vient du Père.


Quand, à la dernière Cène, Jésus prie son Père pour
ses apôtres, quelle raison invoque-t-il pour les lui re-
commander ? « Père, les hommes que vous m'avez con-
fiés savent à présent que tout ce que vous m'avez donné
vient de vous... Ils ont vraiment reconnu que je suis
sorti de vous et ils ont cru que c'est vous qui m'avez
envoyé. C'est pour eux que je prie... » Le Verbe incarné
tient à ce que nous reconnaissions qu'il reçoit tout de
son Père si souvent, il l'a répété à ses disciples Cesl
; !

donc lui être agréable que de le proclamer avec lui.

i. Joan. VIII, 29. — 2. Luc. XXII, 42. — 3. Joan. XIV, x§. —


4. Luc. XXIII, 46.
DANS LE SEIN DU PERE 51

C'est également être agréable au Père. A la même


Cène, Jésus disait à ses apôtres: « Le Père vous aime...»
Quelle parole plus douce et qui fasse naître plus de con-
fiance que celle-là ? Ne vient-elle pas de celui qui con-
naît les secrets du Père? « Le Père vous aime... » Et
quelle raison en donne-t-il ? « Parce que vous m'avez
1
aimé et que vous avez cru que je suis sorti du Père » .

Croire — d'une foi pratique qui nous livre à lui pour le


servir — que Jésus, le Verbe incarné, est sorti du Père,
est la meilleure façon de plaire à Dieu.
Redisons donc souvent, avec une profonde révérence,
surtout après la communion, les paroles du Credo : « O
Christ Jésus, vous êtes le Verbe, né du Père avant tous
les siècles ; vous êtes Dieu sorti de Dieu ; lumière jail-
lissant de la lumière ; vrai Dieu né du vrai Dieu
en- ;

gendré, non créé, ayant la même substance que le Père,


par qui toutes choses ont été faites. Je le chante de mes
lèvres donnez-moi la grâce de le proclamer par mes
;

œuvres ! »
Nous devons ensuite reconnaître que, nous aussi,
nous tenons tout du Père, à un double titre
et cela :

comme créatures et comme enfants de Dieu.


Comme créatures. —
Il est vrai de dire que la créa-

tion est l'œuvre de la Trinité entière. Mais, vous le


2
savez, elle est attribuée spécialement au Père Pour- .

quoi cela ? Parce que dans la vie intime de Dieu, le


Père est le principe du Fils et, avec le Fils, le principe
de l'Esprit-Saint. C'est pourquoi les œuvres extérieures
où se trahit surtout le caractère d'origine sont attri-
buées tout particulièrement au Père « Je crois en Dieu
:

le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre. »

Toute la création est sortie des mains du Père, non


par une émanation de sa nature, comme le veulent les

i. Joan. XVI, 27. —


2. Nous avons expliqué plus longuement
cette doctrine de l'appropriation dans la conférence L'Esprit-Saint,
de notre volume Le Christ vie de l'âme.
52 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

panthéistes, mais en ce qu'elle a été produite de rien


par la vertu de la toute-puissance divine.
Il nous dépendance,
est très utile de reconnaître cette
de la célébrer. Sans doute, Dieu n'a pas besoin de nos
louanges mais il est dans l'ordre que nous procla-
;

mions notre qualité de créatures par des actions de


grâces envers celui qui nous a donné l'être et la vie :

« O mon Dieu, c'est vous qui m'avez créé Manus tuae :

fecerunt me totum in circuita * ; tout ce que j'ai corps, :

âme, intelligence, volonté, santé, je le tiens de vous ;

vous qui êtes mon principe, je vous adore et je vous


remercie en retour, je me livre à vous tout entier pour
;

accomplir votre volonté ».


Mais c'est surtout en raison de notre qualité d'enfants
de Dieu que nous devons entretenir en nous ces senti-
ments. —
A la filiation divine, nécessaire et éternelle,
de son unique Fils, le Père a voulu ajouter, par un acte
d'amour infiniment libre, une filiation de grâce il nous :

adopte pour ses enfants, au point qu'un jour nous par-


tagerons la béatitude de sa vie intime. C'est un mystère
inexplicable mais la foi nous dit que lorsqu'une âme
;

reçoit la grâce sanctifiante au baptême, elle participe à


2
la nature divine Divinae consortes naturae ; elle de-
:

vient véritablement l'enfant de Dieu DU estis et filii :

3
excelsi omnes Saint Jean parle d' « une naissance di-
vine » Ex Deo NATI sunt\ non pas au sens propre
:

du mot, par nature, comme le Verbe qui est engendré


dans le sein du Père, mais par quelque chose d'ana-
logue Volantarie GENUIT nos verbo veritatis 5
: .

En un sens très réel, très véritable, nous sommes en-


gendrés divinement par la grâce. Avec le Verbe, nous
pouvons dire « O Père, je suis votre fils, je suis sorti
:

de vous ». Le Verbe le dit nécessairement, par droit,


étant essentiellement le propre Fils de Dieu nous, ;

i. Job. X. s. — 2. II Pctr. I, 4. — 3. Ps. LXXXI, 6 Joan. X.


34- — 4- Ibid. I, 13. — 5. Jac. I, 18.
;
DANS LE SEIN DU PERE 53

nous ne disons que par grâce, en qualité de fils adop-


le

tifs ;
— Verbe le dit de toute éternité nous, nous
le ;

le disons dans le temps, bien que le décret de cette pré-

destination soit éternel pour le Verbe, ces paroles


;

n'indiquent avec le Père qu'un rapport d'origine pour

;

nous, il s'y ajoute une relation de dépendance. Mais


pour nous, comme pour lui, il y a une filiation véri-
table nous sommes, par la grâce, les enfants de Dieu.
:

Le Père veut que malgré notre indignité, nous lui don-


nions le nom de « Père » Quoniam estis filii, misit :

Spiritum Filii sui in corda nostra clamantem : abba,


Pater \ Il « envoie l'Esprit de son Fils » pour cela.
Ce murmure plaît à notre Père céleste. C'est ineffable,
mais c'est la vérité. « Voyez, disait S. Jean, quel amour
Dieu nous montre en nous permettant de nous dire et
d'être ses enfants » Videte qualem caritatem dédit
:

nobis PATER ut filii Dei nominemur et SIMUS "°.

Et pour assurer ce décret d'adoption, pour réaliser


cette filiation d'amour, Dieu multiplie sur notre route,
avec une profusion magnifique, les faveurs célestes :

l'Incarnation, l'Église, les sacrements, surtout l'Eucha-


inspirations de son Esprit. En sorte que « tout
ristie, les
don qui nous élève jusqu'à lui, toute grâce qui nous
perfectionne descend d'en haut du Père des lumières » ;

Omne datum optimum et omne donum perfectum desur-


sum est, descendens a Pâtre luminum 3 .

Cette pensée remplit l'âme d'une grande confiance,


mais aussi d'une profonde humilité. Si je puis m'expri-
mer ainsi, nous devons faire partir de Dieu toute notre
activité déposer à ses pieds toutes nos pensées pro-
;

pres, tousnos jugements propres, toutes nos volontés


propres, pour ne plus penser, juger, vouloir ou agir
que comme il le veut. N'est-ce pas ainsi que Jésus agis-
sait ? Verbe incarné, « il ne faisait rien, disait-il, qu'il
4
ne vît faire au Père ». Ildoit en être ainsi de nous,

i. Gai. IV, 6. — 2. I Joan. III, i. — 3. Jac. I, 17. — 4. Joan. Y, 19.


54 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

proportion gardée. Nous devons immoler à Dieu ce


qu'il y a de déréglé dans le besoin que nous éprouvons
d'être quelque chose par nous-mêmes, de ne prendre
appui qu'en nous-mêmes. Et pour cela, avant tout ce
que nous faisons, implorons le secours de notre Père
des cieux, comme le faisait Jésus.
l'hommage pratique par lequel nous recon-
C'est là
naissons notre dépendance à l'égard de notre Père, qui
est aussi notre Dieu, et par lequel nous proclamons,
comme Jésus, que tout ce que nous avons, c'est du Père
que nous le tenons Omnia quae dedisti mihi abs te
:

surit \

Nous devons encore imiter le Verbe en tant qu'il est


l'image du Père. —
L'Écriture sainte nous dit que Dieu
nous a créés à son image et à sa ressemblance. Nous
portons en nous, comme créatures, les vestiges de la
puissance, de la sagesse et de la bonté divines.
Mais c'est surtout par la grâce sanctifiante que nous
devenons semblables à Dieu. Ainsi que le dit S. Tho-
mas, cette grâce est une similitude participée de la na-
ture divine Participata similitudo divinae naturae \
:

Pour employer un mot théologique, la grâce est déi-


forme parce qu'elle met en nous une similitude divine.
Quand il contemple son Verbe, le Père s'écrie à la vue
de la perfection de son Fils qui, naissant de lui, réfléchit
si adéquatement la sienne « Tu es mon Fils bien-
:

aimé en toi j'ai mis toutes mes complaisances ». Il se


;

passe quelque chose d'analogue à l'égard d'une âme


ornée de la grâce le Père prend en elle ses complai-
:

sances. « Si quelqu'un m'aime, disait Jésus, mon Père


l'aimera, et nous viendrons en lui, et nous ferons en lui
notre demeure \ »
La grâce sanctifiante est l'élément premier et fonda-
mental de notre assimilation à Dieu, de la similitude

i. Joan. XVII. 7. — 2. III. q. LXII, a. 1. — 3. Joan. XIV


DANS LE SEIN DU PÈRE 55

divine en nous. Mais nous devons encore être l'image


de notre Père par nos vertus. —
Le Christ Jésus nous
l'a dit lui-même « Soyez parfaits comme votre Père
:

1
céleste est parfait ». Imitez sa bonté, sa mansuétude,
sa miséricorde c'est ainsi que vous reproduirez ses
:

traits en vous. « Soyez, répétait S. Paul après Jésus,


soyez les imitateurs de Dieu, comme il convient à des
3
enfants bien-aimés » .

Sans doute cette ressemblance n'est pas visible aux


regards de la chair, encore qu'elle se trahisse au de-
hors par des œuvres de sainteté; c'est dans l'âme qu'elle
se forme et se perfectionne ici-bas, son éclat est caché,
;

sa splendeur est voilée. Mais le jour viendra où elle


s'épanouira et se manifestera aux yeux de tous :

« Quand nous verrons Dieu tel qu'il est, nous lui serons
semblables », parce qu'en ce jour nous serons de purs
miroirs où viendra se réfléchir la divinité Similes ei :

3
erimus ; quoniam videbimus eum sicuti est .

Enfin, comme Verbe, nous devons nous rapporter


le

tout entiers à notre Père céleste par amour. Tout en —


nous doit venir de Dieu par la grâce, tout en nous doit
retourner à notre Père par un mouvement d'amour. Il
faut que Dieu soit non seulement le principe, mais en-
core la fin de toutes nos œuvres.
Pour que nos œuvres soient agréables à notre Père
des cieux, il faut qu'elles soient animées par l'amour.
Nous devons en toutes choses, quoi que nous fassions
de grand ou de petit, d'éclatant ou d'obscur, ne recher-
cher que la gloire de notre Père, n'agir qu'en vue de
glorifier son nom, d'étendre son règne et d'accomplir
sa volonté tout le secret de la sainteté se trouve là.
:

i. Matih. V, 48. — 2. Eph. V, 1. — 3. I Joan. III, 2.


56 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

IV

Les merveilles de l'adoption divine sont si grandes


que le langage humain ne peut les épuiser. C'est une
chose admirable que Dieu nous adopte pour ses en-
fants mais le moyen qu'il a choisi pour réaliser et éta-
;

blir en nous cette adoption est plus admirable encore.


Et quel est ce moyen ? C'est son propre Fils In dilecto :

2
Filio suo\ J'ai déjà exposé ailleurs cette vérité, mais
elle est si vitale que je ne puis m'empêcher d'y revenir.
Dieu nous crée par son Verbe. Après avoir dit —
qu' « au commencement, le Verbe était Dieu », S. Jean
ajoute « Et toutes choses ont été faites par lui, et rien
:

n'a été fait sans lui ». Que signifient ces paroles ? Dans
la sainte Trinité, le Verbe n'est pas seulement l'expres-
sion de toutes les perfections du Père, mais encore de
toutes les créatures possibles celles-ci ont dans l'es-
;

sence divine leur prototype et leur exemplaire. Quand


Dieu crée, il produit des êtres qui réalisent une de ses
pensées. Ensuite, il crée par la puissance de sa parole :

« Il a parlé, et toutes choses ont été faites » îpse dlxit, :

3
et facta sunt C'est pourquoi l'Écriture sainte dit que
.

le Père crée toutes choses par son Verbe.

Vous voyez déjà quelle intime relation avec le Verbe


la création établit en nous. Du seul fait de notre créa-
tion, nous répondons à une idée divine, nous sommes
le fruit d'une pensée éternelle contenue dans le Verbe.

Dieu connaît son essence parfaitement exprimant cette ;

connaissance, il engendre son Verbe il voit dans son ;

Verbe l'exemplaire de toute créature. Ainsi chacun de


nous représente une pensée divine, et notre sainteté
individuelle consiste à réaliser cette pensée que Dieu a
conçue de nous avant notre création.
En un sens donc, nous procédons de Dieu par le
I. Eph. I, 6. — 2. Xotre prédestination adoptive en J.-C. i IV,
dans le volume Le Christ vie de l'âme. — 3. Ps. CXLVHI,
DANS LE SEIN DU PERE 57

Verbe ; et nous devons, comme le Verbe, être l'expres-


sion pure, parfaite, de la pensée de Dieu sur nous. Ce
qui empêche la réalisation de cette pensée, c'est l'alté-
ration que nous apportons à l'œuvre de Dieu car alté- :

rer le divin, telle est bien l'œuvre qui nous appartient


en propre dans la création, —
en propre, c'est-à-dire à
nous seuls, Dieu exclu. Ainsi, tout ce qui vient de nous
et est en désaccord avec la volonté divine le péché, les :

infidélités, les résistances aux inspirations d'en haut,


les vues purement humaines et naturelles voilà autant :

de choses par lesquelles nous gâtons l'idée divine en


nous.
Mais cette relation avec le Verbe, le Fils, est bien
plus profonde encore dans l'œuvre de notre adoption.
L'apôtre saint Jacques nous dit que « tout don, toute
grâce descend d'en haut, de notre Père des cieux » et ;

il ajoute aussitôt « De sa propre volonté, le Père nous


:

a engendrés par la parole de la vérité » Voluntarie :

gênait nos verbo veritatis. L'adoption divine par la


grâce qui nous rend enfants de Dieu se réalise par le
Fils, par le Verbe.
Cette vérité est une de celles sur lesquelles S. Paul
revient le plus fréquemment. Comme saint Jacques, il
proclame que toutes les bénédictions viennent du Père
et qu'elles se ramènent au décret de notre adoption en
Jésus-Christ, son Fils bien-aimé. Dans le plan éternel,
nous ne devenons enfants de Dieu qu'en Jésus-Christ,
Verbe incarné Elegit nos in ipso \ Le Père ne nous
:

reconnaîtra pour ses enfants que si nous portons en


nous les traits de son Fils Jésus Praedestinavit :

[nos]... conformes fieri imaginis Filii sui 2 En sorte .

que ce n'est qu'en qualité de cohéritiers du Christ que


nous devons être un jour in sinu Patris.
Voilà le décret divin. —
Regardons maintenant la
réalisation, dans le temps, de cet éternel dessein, ou
i. Eph. I, 3-4. — 2. Rom. VIII, 29.
58 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

plutôt la manière dont a été restauré le plan divin, que


le péché d'Adam avait traversé.

Le Verbe éternel se fait chair. Le Psalmiste dit de ce


Verbe « qu'il s'est élancé comme un géant pour accom-
plir sa course Exsultavit ut gigas ad currendam viam.
:

C'est du plus haut des cieux qu'il surgit A summo :

caelo egressio ejus jusqu'à ce sommet sublime


; et c'est
qu'il remonte » Et occursus ejus usque ad summum
:

ejus \ Cette egressio a summo caelo, c'est la naissance


éternelle au sein du Père Exivi a Pâtre ; son retour, :

c'est son ascension vers le Père Relinquo mundum, et :

vado ad Patrem *.

Mais il ne remonte pas seul. Ce géant s'est mis à la


recherche de l'humanité perdue il l'a ressaisie ; ; et,

dans une étreinte d'amour, il l'emporte avec lui dans sa


course pour la placer près de lui in sinu Patris : « Je
remonte à mon Père, qui est aussi votre Père et ; je
m'en vais vous préparer une place dans la maison de
mon Père ».
Telle est l'œuvre de ce géant divin ramener dans le :

sein du Père, à la source divine de toute béatitude, l'hu-


manité déchue, en lui rendant, par sa vie et son sacri-
fice, la grâce d'adoption.

Oh dirons-nous avec l'Apôtre, que soit béni le Père


!

de Notre-Seigneur Jésus de ce qu'il nous a comblés par


son Fils, en son Fils, de toute bénédiction spirituelle ;

de ce qu'il nous a fait asseoir avec lui dans ces splen-


deurs célestes où il engendre, au milieu d'une félicité
éternelle, le Fils de sa dilection Consedere fecit nos in !

z
caelestibus Oui, qu'il soit béni
. Qu'il soit aussi béni !

le Verbe divin, fait chair pour nous, et qui par l'effusion


de son sang nous a rendu l'héritage céleste. O Jésus,
Fils bien-aimé du Père, à vous soient toute louange et
toute gloire î

i. Ps. XVIIT. 6-7. — 2. Joan. XVI, 2S. — 3. Kph<->. II, 6.


DANS LE SEIN DU PERE 59

Quelles sont maintenant pour nous les conséquences


pratiques de ces doctrines ?
Si le Père éternel a décrété que nous serions ses en-
fants, mais que nous ne le serions qu'en son Fils Prae- :

destinavit adoptionem filiorum PER JESUM


nos in
CHR1STUM s'il a décidé que nous n'aurions de part
*


;

à l'héritage de sa béatitude que par son Fils, nous


ne pouvons réaliser le plan divin sur nous, et par con-
séquent, assurer notre salut, qu'en demeurant unis au
Fils, au Verbe. Ne l'oublions jamais il n'y a pas pour :

nous d'autre voie que celle-là pour aller au Père Nemo :

3
venit ad Patrern, nisi per me Personne, nemo, ne peut .

se flatter de parvenir au Père autrement que par le Fils.


Et aller au Père, parvenir jusqu'à lui, n'est-ce pas tout
le salut et toute la sainteté ?
Or, comment demeurerons-nous unis au Verbe, au
Fils?
D'abord par la foi. —
« Au commencement était le
Verbe, et le Verbe était Dieu. Tout par lui a été fait.
Il est venu dans le monde fait par lui, et les siens ne

l'ont pas reçu. Mais il a donné à tous ceux qui l'ont reçu,
le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à eux qui croient

en son nom, et ainsi, sont nés de Dieu. »


Le Père éternel présente son Verbe au monde: « Voici
mon Fils... écoutez-le ». Si nous le recevons par la foi,
c'est-à-dire si nous croyons qu'il est le Fils de Dieu, le
Verbe nous fait part de ce qu'il a de meilleur sa filia- :

tion divine il partage avec nous sa qualité de fils, il


;

nous donne la grâce d'adoption Dédit eis potestatem :

filios Dei fieri ; il nous donne le droit d'appeler Dieu


notre Père.
Toute notre perfection consiste dans notre imitation
fidèle du Fils de Dieu. Or, S. Paul nous dit que « toute
i. Ephes. I, 5. — 2. Joan. XIV, 6.
60 I-E CHRIST DANS SES MYSTÈRES

paternité dérive du Père » Ex quo omnis paternitas


:

nominatur On peut dire aussi du Fils Ex quo omnis


1
. :

filiatio nominatur. C'est lui seul, le Fils, qui, par son


Esprit, nous enseigne comment nous devons être fils :

Quoniam estis filii, misit Deus spiritum film SUI in


2
corda vestra clamantem : ABBA, PATER .

Nous devons recevoir le Fils lui-même voir toujours ;

en lui, quel que soit l'état dans lequel nous le contem-


plons, le Verbe coéternel au Père. Ensuite nous devons
recevoir ses enseignements, sa doctrine. Il est dans le—
sein du Père et par ses paroles il nous révèle ce qu'il
:

sait : Ipse enarravit. La foi est la connaissance que nous


avons, par le Verbe, des mystères divins. Quelle que
soit donc la page d'Évangile que nous lisons ou que
nous présente l'Église au cours de la célébration des
mystères de son Époux, disons-nous que ces paroles
sont les paroles du Verbe Verba Verbi, de celui qui
:

exprime les pensées, les désirs, les vouloirs de notre


Père des cieux Ipsum audite
:
3
Chantons Amen à tout
.

ce que nous entendons du Verbe, à chaque page que


dans sa liturgie l'Église détache de l'Évangile pour la
proposer à notre foi. Disons à Dieu « O Père, je ne
:

vous connais pas, puisque je ne vous ai jamais vu; mais


j'accepte tout ce que votre divin Fils, votre Verbe, me
révèle de vous ». Cette prière est excellente et souvent, ;

quand elle est faite avec foi et humilité, « un rayon de


lumière descend d'en haut* » qui éclaire ces textes que
nous lisons et nous fait pénétrer dans leur profondeur
pour que nous y trouvions des principes de vie.
Car le Verbe n'est pas seulement l'expression des
perfections de son Père, mais encore de toutes ses vo-
lontés. — Tout ce que le Verbe nous ordonne, nous
prescrit dans son Évangile ou par son Église est l'ex-
pression des adorables vouloirs et des désirs de notre

i. Ephes. III. 15. —2. Gai. IV, 6. — 3. Matth. XVII, 5; Luc.


IX, 35. —4. Cf. Jac. 1, 17.
DANS LE SEIN DU PERE 61

Père des cieux. Et si nous accomplissons, surtout par


amour, les préceptes que Jésus nous donne, nous de-
meurerons unis à lui, et par lui, au Père Si praecepta :

mea servaveritis, MANEBITIS in dilectione mea... Qui


x
autem diligit me, diligetur a Pâtre...
Là est toute la formule de la sainteté adhérer au :

Verbe, à sa doctrine, à ses préceptes, et par lui au Père


qui l'envoie et lui « donne les paroles que nous devons
2
recevoir ».

Enfin nous demeurons unis au Verbe surtout par le


sacrement d'union, l'Eucharistie. C'est le pain de vie,
3

le « pain des enfants ». Sous les espèces eucharisti-
ques, est réellement caché le Verbe, celui qui naît éter-
nellement au sein de la divinité. Quel mystère ! Celui
que je reçois dans la communion est le Fils engendré
de toute éternité, le Fils bien-aimé auquel le Père com-
munique sa vie, sa vie divine, la plénitude de son être
et sa béatitude infinie. Combien Notre-Seigneur avait
raison de dire « Le Père m'a donné la vie
: comme je ;

vis par le Père, de même celui qui me mange vivra par


moi » Et qui manducat me, et ipse vivet propter me...
:

« Il demeure en moi et moi en lui » In me manet et ego :

in illo \
Si nous demandons à Notre-Seigneur ce que nous
pouvons faire de plus agréable à son cœur sacré, il est
certain qu'il nous dira, avant toute chose, d'être comme
lui, l'enfant de Dieu. Si donc nous voulons lui plaire,

recevons-le chaque jour dans la communion eucharis-


tique, et disons-lui « Jésus, vous êtes le Fils de
:

Dieu, l'image parfaite de votre Père vous connaissez ;

votre Père, vous êtes tout entier à lui, vous voyez sa


face augmentez en moi la grâce d'adoption qui me
;

rend enfant de Dieu enseignez-moi à être, par votre


;

grâce et par mes vertus, comme vous et en vous, un

i. Joan. XV, 10 XIV, 21. —


2. Cf. Joan. XVII, 8. — 3. Sé-
quence Lauda Sion.
;

— 4. Joan. VI, 57-58.


62 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

digne enfant du Père céleste que si nous


». Il est certain
sollicitons cette grâce avec foi le la donnera.Verbe nous
11 nous l'a dit lui-même « Le Fils ne veut que ce que
:

veut le Père * ». Dès lors le Fils entre pleinement dans


les vues de son Père et quand il se donne, c'est pour
;

établir, conserver et augmenter en nous la grâce d'adop-


tion. Toute sa vie divine personnelle est d'être ad Pa-
trem ; en se donnant à nous, il se donne tel qu'il est :

tout « orienté » vers son Père et sa gloire; et c'est pour-


quoi quand nous le recevons avec foi, confiance et
amour, il réalise en nous notre orientation vers le Père.
C'est là ce que nous devons demander et rechercher
sans cesse que toutes nos pensées, toutes nos aspira-
:

tions, tous nos désirs, toute notre activité aillent, par la


grâce de la filiation et l'amour, à notre Père des cieux
2
en son Fils Jésus Viventes Deo in Christo jesu
: .

VI

Ce sont là, me direz-vous, des vérités bien élevées, un


état bien sublime. — Il est vrai ; et pourtant, ai-je fait
autre chose que de vous répéter ce que le Verbe lui-
même nous a révélé, ce que S. Jean et S. Paul nous ont
redit après Jésus ? Non, ce ne sont pas des rêves, mais
des réalités, des réalités divines.
Et ces réalités constituent la substance du Christia-
nisme. Nous ne comprendrons rien, je ne dis pas seule-
ment à la perfection, à la sainteté, mais même au simple
christianisme, si nous ne saisissons pas que le fond le
plus essentiel en est constitué par l'état d'enfant de
Dieu, participation, par la grâce sanctifiante, à la filia-
tion éternelle du Verbe incarné. Tous les enseignements
du Christ et des apôtres se résument en cette vérité, tous
les mystères de Jésus tendent à en établir, dans nos
âmes, l'admirable réalité.

i. Joan. Y, 19. — 2. Rom. VI. n.


DANS LE SEIN DU PERE 63

Ne l'oublions donc jamais toute ; la vie chrétienne


comme toute la sainteté se ramène à cela : être par la
grâce ce que Jésus est par nature le Fils de Dieu. :

C'est ce qui fait la sublimité de notre religion. La source


de toutes les grandeurs de Jésus, de la valeur de tous
ses états, de la fécondité de tous ses mystères, c'est sa
génération divine et sa qualité de Fils de Dieu. De
même, le saint le plus élevé dans le ciel est celui qui ici-
bas a été le plus parfaitement enfant de Dieu, qui a fait
davantage fructifier en lui la grâce de son adoption sur-
naturelle en Jésus-Christ.
C'est pourquoi toute notre vie spirituelle doit se rat-
tacher à cette vérité fondamentale, tout le travail de la
perfection doit se ramener à sauvegarder fidèlement et
à faire épanouir dans la plus large mesure possible
notre participation à la filiation divine de Jésus.

Et ne disons pas que cette vie est trop élevée, que ce


programme est irréalisable. Oui, pour notre nature
laissée à elle-même, cette vie est au-dessus des exi-
gences, des droits, des forces de notre être, et c'est
pourquoi nous l'appelons surnaturelle.
Mais, « notre Père des cieux sait ce dont nous avons
x
besoin » s'il nous appelle à lui, il nous donne aussi
;

les moyens de parvenir. Il nous donne son Fils pour que


son Fils soit notre voie, nous distribue la vérité et nous
communique la vie. Il suffit que nous demeurions unis
à ce Fils par la grâce et nos vertus pour qu'un jour nous
partagions sa gloire in sinu Patris.
Voyez : que disait Jésus à Madeleine, après sa résur-
rection ? Ascendo ad Patrem meum : « Je remonte à
mon Père » ajoute « Qui est aussi votre Père »,
; et il :

Et Patrem vestrum \ Et que va-t-il faire ? « Nous pré-


parer une place » Vado parare vobis locum, car « dans
:

la maison de son Père, il y a de multiples demeures s ».

i. Matth. VI, 8. — 2. Joan. XX, 17. — 3. Ibid. XIV, 2.


64 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Il remonté auprès de son Père, mais en précur-


est
seur, Praecursor pro nobis introivit Jésus \ Il nous y a
précédés, mais pour que nous l'y suivions, car la vie
d'ici-bas n'est qu'un passage, une épreuve « Vous :

2
aurez des tribulations en ce monde », disait Jésus,
dans le même discours vous aurez des contradictions
;

à subir en vous-mêmes, des tentations à supporter de


la part du prince de ce monde, des contrariétés qui sur-
giront des événements car « le serviteur n'est pas plus
:

3
grand que le maître ».
Mais, ajoutait-il, « que votre cœur ne se trouble
pas », ne se décourage pas « ayez foi et confiance en
;

4
Dieu et en moi », qui suis Dieu également et qui « de-
meure avec vous jusqu'à la fin des siècles 5 » « votre ;

6
affliction se changera un jour en joie ». L'heure son-

nera, en effet, où « je viendrai vous chercher moi-même


afin de vous donner place avec moi, où je suis dans le
royaume de mon Père » Accipiam vos ad meipsum ut:

ubi su m ego et vos sitis ".


O promesse divine, donnée par la Parole incréée, par
le Verbe en personne, par la Vérité infaillible pro- ;

messe pleine de douceur « Je viendrai moi-même !... »


:

Nous serons au Christ, et par lui au Père, dans le sein


de la béatitude. « En ce jour, dit Jésus, vous connaî-
trez —
non plus in umbra fidei, dans les ombres de la
foi, mais dans la pleine clarté de la lumière éternelle,

in lumine gloriae —
que je suis dans le Père, et vous en
moi et moi en vous » vous verrez « ma gloire de Fils
'
;

unique 9 », et cette vision bienheureuse sera pour vous


la source toujours vive d'une joie inamissible.

i. Hebr. VI, 20. — Joan. XVI, 33. —


2. 3. Ibid. XV, 20. —
4. Ibid. XIV. 1. — 5.Matth. XXVIII, — 20. 6. foan. XVI, 20.
— 7- Ibid. XIV, 3. — 8. XIV,
Ibid. — 20. 9. Ibid. I, 14.
III. — «... ET LE VERBE S'EST FAIT CHAIR

Sommaire. —
I. Le Christ est Dieu parfait et homme par-
fait union ineffable du divin et de l'humain dans la
:

vie de Notre-Seigneur. —
II. Mode d'union les deux :

natures sont unies dans une même personne divine.


Conséquence de cette doctrine valeur infinie de toutes
:

les actions de Jésus; pourquoi il est si agréable à son


Père. —
III. Nos devoirs envers le Verbe incarné: le
reconnaître d'abord comme Dieu, par la foi, l'adora-
tion et la soumission. —
IV. Reconnaître, par l'ado-
ration et une confiance absolue, la réalité de son huma-
nité unie au Verbe Fatigatur per quem fatigati re-
:

creantur.

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était


Dieu... Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi
nous. »
Le Christ, c'est le Verbe incarné. La Révélation nous
apprend que la deuxième personne de la sainte Trinité,
le Verbe, le Fils, a emprunté une nature humaine pour
se l'unir personnellement. C'est le mystère de l'Incar-
nation.
Arrêtons-nous quelques instants à considérer ce
dogme à la fois inouï et touchant d'un Homme-Dieu.
C'est le mystère fondamental sur lequel s'appuient tous
les mystères de Jésus. Leur beauté, leur splendeur, leur
vertu, leur force, leur valeur se tirent de cette ineffable
union de l'humanité à la divinité. Nous ne les compren-
drons bien que si nous avons envisagé d'abord ce mys-
tère en lui-même et dans les conséquences générales

Le Christ dans se> mystère-. 5


KG LE CHRIST DANS SES MYSTERES

qui en découlent. Jésus est Dieu et homme si nous ;

voulons connaître sa personne, participer à ses états,


nous devons tâcher de comprendre non seulement qu'il
est le Verbe, mais encore que ce Verbe s'est fait chair ;

si nous voulons l'honorer dignement, il nous faut autant

reconnaître la réalité de sa nature humaine qu'adorer la


divinité à laquelle cette nature est unie.
Qu'y a-t-il, d'après la foi, dans le Christ ?
Deux natures, la nature humaine et la nature divine ;

le Christ est tout ensemble Dieu parfait et homme par-

fait. —
De plus, ces deux natures sont unies d'une façon
si étroite qu'il n'y a qu'une seule personne, celle du

Verbe divin en qui l'humanité subsiste. De cette ineffa-


ble union, résulte la valeur infinie des actes de Jésus.
de ses états, de ses mystères.
Contemplons ces vérités de cette contemplation faite ;

avec humilité et amour jailliront tout naturellement les


sentiments qui doivent nous animer en face de ce mys-
tère.

Le Christ Dieu parfait et homme parfait.


est
Quand il nous dans la crèche à Beth-
se présente à
léem, dans l'atelier de Nazareth, sur les routes de
Judée, assis dans la chaire des synagogues, cloué à la
croix ou montant glorieux au ciel, il se manifeste
fois comme Dieu et comme homme.
Il est Dieu parfait. —
En empruntant notre nature
humaine, le Verbe demeure ce qu'il est Quod juit per- :

1
mansit : Dieu, l'Être éternel, possédant en plénitude
toute vie, toute perfection, toute souveraineté, toute
puissance et toute béatitude.
Écoutons le Verbe incarné proclamer lui-même sa
divinité : << Comme le Père a la vie en lui, ainsi il a

i. Antienne <\ r la fête Ho la < irconcision.


(( ...ET LE VERBE S'EST FAIT CHAIR )) 67

donné au Fils d'avoir la vie en lui, la vie éternelle, la vie


a
divine...
1
Mon
Père et moi nous sommes un... Les
œuvres que le Père accomplit, le Fils les fait égale-
ment...
s
Tout ce qui est à mon Père est à moi, tout ce
qui est à moi est à mon Père * ». Vous le voyez il y — :

a identité de perfections, égalité de droits, parce qu'il y


a unité de nature.
Le Christ est le Fils de Dieu et par conséquent Dieu
même. Les pharisiens reconnaissent que Dieu seul peut
remettre les péchés en leur présence, pour montrer
;

qu'il est Dieu, Jésus pardonne au paralytique et sou-


6
ligne d'un miracle la grâce accordée il déclare qu'é- ;

tant descendu du ciel il est le pain de vie, le pain qui


6
donne la vie éternelle seul également il peut, par son
;

propre pouvoir, remonter au ciel, parce que seul il en


est descendu \ —
Aussi demande-t-il à son Père que
l'humanité qu'il a prise soit glorifiée de cette gloire éter-
nelle qu'il possède comme Verbe, comme Dieu, avant
s
que le monde fût Il traite d'égal à égal avec Dieu,
.

parce qu'il est le Fils même de Dieu.

Dieu parfait, le Christ est aussi homme parfait : Et


Verbum caro factum est. Il nous a emprunté une —
nature humaine qu'il a faite sienne en se l'unissant phy-
siquement, substantiellement, personnellement, par des
liens ineffables Quod non erat assumpsit.
:

Ce Dieu éternel, l'Être nécessairement subsistant par


lui-même, naît dans le temps, d'une femme Factum ex :

muliere*. Le Christ a comme nous une nature humaine,


complète, intégrale dans ses éléments constitutifs De- :

buit per omnia fratribus similari


10
Comme nous, le .

Christ a une âme créée, douée de facultés semblables


aux nôtres ; son corps est un corps véritable, formé du

i. Joan. V, 26. — 2. Ibid. X, ;o. — Ibid. V, 19. — 4. Ibid.


XVIÎ, 10. — 5. Marc. li. r-12. — 6.
j.

Joan. VI, 51-52. 7. Ibid. —


III, 13. — 8. Ibid. XVII, 5. — 9. Gai. IV, 4. —
10. Hebr. II, 17.
68 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

sang très pur de sa mère. Il s'est trouvé, dans les pre-


miers temps de l'Église, des hérétiques pour affirmer
que le Verbe n'avait pris qu'un simulacre de corps hu-
main mais l'Église les a condamnés. Le Christ est au-
;

thentiquement l'un des nôtres, de notre race. Il a réelle-


ment, comme l'indique l'Évangile, souffert de la faim,
de la soif, de la fatigue il a répandu des larmes, et les
;

souffrances ont broyé son âme et son corps aussi véri-


tablement qu'elles accablent le nôtre. Même après sa
résurrection, il conserve cette nature humaine il tient ;

à en faire constater la réalité aux disciples incrédules :

1
Polpate et videte : « touchez donc et voyez un esprit ;

peut-il être de chair et d'os comme je le suis ? » Et


comme ils demeuraient encore sceptiques, il leur dit :

« Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Us lui pré-


sentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon de
miel, il les prit et en mangea devant eux ».
Tout ce qui est nôtre il l'a fait sien, excepté le —
péché absque peccato s .Le Christ n'a connu ni le péché
:

ni ce qui est source ou suite morale du péché la con- :

cupiscence, l'erreur, l'ignorance. Sa chair est passible


parce qu'il vient expier les péchés par la souffrance ;

mais péché lui-même n'a aucune prise sur lui « Qui


le :

me convaincra de péché 3 ? » Ce défi porté aux Juifs est


demeuré sans réponse et, pour condamner le Christ à
;

mort, il a fallu recourir à de faux témoins. Il est


homme, mais d'une pureté sans tache, comme il conve-
nait à la dignité d'un Homme-Dieu Sanctus, innocens, :

impolhihis, segregatus a peccatoribus \

Le Christ possède donc la nature divine et la nature


humaine, il est à la fois Dieu et homme, Dieu parfait et
homme parfait.
Ouvrez l'Évangile : vous verrez à chaque page que
i. Luc XXIV, -,o ^q. — 2. Hebr. IV, 15. —3. Joan. VIII, 46.
— 4. Hebr. VII, 26.
« ...ET LE VERBE S
?
EST FAIT CHAIR » 69

dans tout ce qu'il fait ou accomplit, le Verbe incarné se


montre Dieu et homme partout se manifestent, cha-
'
;

cune suivant sa nature et ses propriétés, la divinité et


l'humanité.
Le Christ naît d'une femme, mais il veut que sa mère
soit et demeure vierge ;
—à la crèche, c'est un enfant
qui a besoin d'un peu de lait pour se sustenter mais ;

les anges célèbrent sa venue comme celle du Sauveur


du monde ;

il est couché sur la paille dans une éta-

ble, mais un astre merveilleux amène à ses pieds les


mages de l'Orient ;
— comme tout enfant juif, il est
soumis à la circoncision, mais en même temps, il reçoit
un nom qui vient du ciel et qui marque une mission di-
vine; —
il croît en âge et en sagesse, mais à douze ans il

jette dans l'admiration par ses étonnantes réponses les


docteurs de la Loi eux-mêmes il se fait baptiser ;

par Jean le Précurseur comme s'il avait besoin de péni-
tence, mais à ce moment même le ciel s'entr'ouvre, et le
Père éternel atteste qu'il est son Fils bien-aimé au ;

désert, il éprouve la faim, mais des anges viennent le
servir ;

durant ses courses à travers la Palestine, il
souffre la fatigue, la soif, le dénuement, mais d'une pa-
role, par sa propre autorité, il fait marcher les paraly-
tiques, guérit les boiteux et multiplie les pains pour
rassasier la foule ;

sur le lac de Génésareth, le som-
meil clôt ses paupières pendant que ses disciples luttent
contre la tempête, mais, l'instant d'après, réveillé par
les apôtres effrayés, il apaise d'un seul geste les flots
en furie ;

au tombeau de Lazare, il est ému, il verse
des larmes, de vraies larmes humaines, mais, d'un mot,
il ressuscite son ami mort depuis quatre jours au ;

jardin de Gethsémani, après une agonie pleine d'ennui,

i. Setnper hoc egit Christus dictis et jadis suis, ut Deus credatur


et homo, Deus qui nos fecit, liomo qui nos quaesivit... sic esse
Christum hominem factum ut non destiterit Deus esse; manens
Deus accepit hominem qui fecit hominem. S. Augustin. Tract in
Joan. XXVIII.
70 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

de tristesse et d'angoisse, il se laisse surprendre par


ses ennemis, mais il lui surfit de déclarer qu'il est Jésus
de Nazareth pour les faire tomber à la renverse ;

sur la croix, il meurt comme le dernier des hommes,
mais toute la nature proclame par le bouleversement
qu'elle subit que c'est un Dieu qui meurt.
Ainsi, selon les belles paroles de S. Léon \ « la ma-
jesté s'est unie à la bassesse, la puissance à la fai-
blesse, ce qui est mortel à ce qui est éternel... une na-
ture inviolable à une nature passible... Le vrai Dieu est
né dans la nature intégrale et parfaite d'un vrai homme,
tout entier avec ce qui est à lui, tout entier aussi avec
ce qui est à nous » Totus in suis, totus in nostris.
:

Partout, dès l'entrée de Jésus en ce monde, se mani-


feste en lui l'union de la divinité et de l'humanité union ;

qui n'enlève rien des perfections divines et laisse in-


tacte la réalité de la nature humaine l'Incarnation est
:

une union ineffable *.


O Sagesse éternelle, que vos pensées sont profondes
et vos œuvres admirables !

Ce qui achève de rendre ce mystère étonnant, c'est la


manière dont l'union des natures est réalisée.
La nature divine et la nature humaine sont unies
dans une seule personne qui est la personne éternelle du
Verbe, du Fils.
En nous, l'âme et le corps unis ensemble forment une
personne humaine. Dans le Christ, il n'en est point de
même. La nature humaine, tout intégrale, toute par-
faite dans son essence, dans ses éléments constitutifs,
n'a pourtant d'existence que par le Verbe, dans la per-
sonne divine du Verbe. C'est le Verbe qui donne à la
Epistola (28) dogmatica ad Flavimn.
i. — 2. Agnosce mediatorem
Dei hominum qui ab ipso nativîtatis suar exoréUo divinis hutnarta
ei
sociat, ima summis. S. Bernard. Srr»w 1 de Cîrcumcisione.
a. ...ET LE VERBE S'EST FAIT CHAIR » 71

nature humaine sa réalité d'existence, ce qui, en l'occur-


rence, veut dire sa « subsistance » personnelle. Il n'y
:

a donc en Jésus qu'une seule personne, celle du Fils


unique de Dieu.
Cependant, vous le savez, si intimement unies qu'elles
soient, les deux natures gardent leurs énergies parti-
culières et leurs opérations spécifiques entre elles, il ;

n'y a ni mélange ni confusion Non commixtionem pas-


:

sus ; inséparablement unies dans l'unique personne du


Verbe, elles conservent chacune leur activité propre.
Enfin, la nature humaine est enracinée dans la divi-
nité. C'est une activité humaine, bien humaine, bien au-
thentique, qui se manifeste en Jésus mais elle a son
;

principe ultime dans la divinité. La personne divine du


Verbe est la source de toutes les perfections du Christ.
Dans la sainte Trinité, le Verbe exprime les perfections
du Père par un acte infiniment simple en s'unissant à ;

l'humanité, le Verbe exprime par elle, en des actes mul-


tiples et variés, conformes à la nature humaine, toutes
ces perfections :ainsi le rayon de lumière passant par
le prisme en sort en un faisceau de nuances différentes.
Les vertus de la sainte humanité de Jésus sa patience, :

sa douceur, sa bonté, sa mansuétude, sa bénignité, son


zèle, son amour, sont des vertus accomplies par la na-
ture humaine, mais qui trouvent leur racine profonde
dans la divinité, et manifestent en même temps à nos
regards terrestres les perfections du Dieu invisible. Hu-
maine dans son expression extérieure, la vie de Jésus
est divine dans sa source et son principe.

Quelle est la conséquence de cette doctrine ? Vous la


connaissez, mais il est extrêmement utile d'y revenir.
C'est que toutes les actions de Jésus sont les actions
d'un Dieu. Les actes de la sainte humanité sont des
actions finies, limitées dans le temps et l'espace, tout
comme la nature humaine est créée.
72 LE CHRIST DANS SES MTSTBBBS

leur valeur morale est divine.


Mais —
Pourquoi cela?
— Parce que toute action, bien qu'elle soit accomplie
par telle ou telle faculté de la nature, est attribuée à la
personne. Dans le Christ, c'est toujours Dieu qui agit,
mais tantôt par sa nature divine, tantôt par sa nature
humaine. Il est donc vrai de dire que c'est un Dieu qui
a travaillé, qui a pleuré, qui a souffert, qui est mort, —
encore que toutes ces actions aient été accomplies par
îa nature humaine. Toutes les actions humaines du
Christ Jésus, si minimes qu'elles soient dans leur réa-
lité physique, ont une valeur divine \

Et c'est pourquoi la vie du Christ tout entière est si


agréable à son Père. —
Le Père trouve en Jésus, dans
sa personne et dans ses actes, dans ses états les plus
humiliants comme dans ses plus éclatants mystères,
toutes ses complaisances, parce que toujours il voit la
personne de son propre Fils unique. Le Père, en regar-
dant le Christ Jésus, le voit comme jamais aucune créa-
ture ne le verra. Si je puis parler ainsi, il est seul à
apprécier la valeur de tout ce que fait son Fils. Comme
le disait Notre-Seigneur lui-même, « personne ne con-
2
naît le Fils si ce n'est le Père ». Nous aurons beau éle-
ver notre âme et approfondir les mystères et les états de
Jésus, nous n'arriverons jamais à les apprécier comme
ils le méritent. Il n'y a qu'un Dieu qui puisse connaître

et reconnaître dignement ce que fait un Dieu. Mais aux


yeux du Père, les actes les plus minimes de l'humanité
de Jésus, les moindres mouvements de son cœur sacré
étaient une source de ravissement et de joie.

Une autre raison pour laquelle le Père éternel con-


temple l'âme du Christ avec complaisance est qu'elle est
remplie de toute grâce. Après avoir proclamé la divinité

i. En terme théologique ces actions sont appelées théandriques,


'le deux mots grecs qui signifient humano-divin.
:
— 2. Matth. XI,
27 ; Luc. X, 22.
« ...ET LE VERBE S'EST FAIT CHAIR » 73

du Verbe et la réalité de son Incarnation, saint Jean


ajoute aussitôt nous l'avons vu plein de grâce »:
: « Et
Et vidimus eum plénum gratiae.
Quelle est cette plénitude de grâce que saint Jean
admirait en Jésus et dont il a dit que « c'est d'elle que
tous nous avons reçu, et grâce sur grâce ? »
Dans le Christ, il y a d'abord, comme vous le savez,
la grâce d'union gratia unionis, en vertu de laquelle
:

une nature humaine est unie substantiellement à une


personne divine. Par cette grâce se réalise l'union qui
constitue l'Incarnation. C'est une grâce unique en son
genre et qui n'a été donnée qu'au Christ Jésus.
De plus l'âme de Jésus, créée comme la nôtre, a été
dotée de la plénitude de la grâce sanctifiante. Par la
grâce d'union, l'humanité en Jésus est devenue l'huma-
nité d'un Dieu par la grâce sanctifiante, l'âme de Jésus
;

était rendue digne d'être et d'agir comme il convenait


à une âme unie à Dieu par une union personnelle. Cette
grâce sanctifiante a été donnée à Jésus dans toute sa
plénitude. A nous elle est donnée, suivant les desseins
de Dieu et notre coopération, dans une mesure plus ou
moins grande à Jésus, elle a été conférée dans sa
;

plénitude, tant à cause de sa qualité personnelle de Fils


de Dieu qu'à cause de son titre de chef du corps mys-
tique auquel il doit la distribuer Secundum mensuram :

donationis Christi \
Enfin l'humanité de Jésus est sainte parce qu'elle pos-
sède dans un degré incomparable les vertus, celles du
moins qui sont compatibles avec sa dignité de Fils uni-
que de Dieu —
parce qu'elle est ornée, dans une me-
;

sure unique 2 des dons de l'Esprit-Saint.


,

Rien ne manque donc à l'humanité de Jésus pour


qu'elle soit digne du Verbe auquel elle est unie c'est :

bien la plénitude de toute grâce qui est en elle Et :

vidimus eum plénum gratiae ; c'est sans mesure que

i. Eph. IV, 7. — 2. Joan. III, 34.


T'i LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

sont amassés en Jésus « les trésors de la sagesse et de


la science » il est « en tout le premier, car il a plu à
;

Dieu que toute sa plénitude habitât en lui * » et y de-


meurât à jamais. En sorte, dit S. Paul, qui est en ceci
l'écho de S. Jean, « dans le Christ nous avons tout
pleinement, parce qu'il est notre chef », In ipso inhabitat
OMNIS PLENITUDO divinitatis corporaliter : et éstis
in illo REPLETI, qui est CAPL'T omnis principatus et
potestatis \

III

Quelle doit être l'attitude de notre âme en présence


de ce mystère fondamental de l'Homme-Dieu ?
La première attitude que nous devons avoir est celle
de la foi. —
Je vous l'ai déjà dit, mais cette vérité est
capitale, c'est pourquoi je ne crains pas d'y revenir.
Au début de son Évangile, après avoir chanté la
gloire du Verbe divin, S. Jean fait remarquer que le
Verbe est venu en ce monde, et que ce monde, qu'il
avait créé, qui était son domaine, qui était « sien », ne
l'a pas reçu. Mais, ajoute-t-il, tous ceux-là le reçoivent

qui croient en son nom Quotquot autem receperunt :

eum.. qui credunt in nomine ejus... Nous recevons le


Verbe incarné, par la foi par elle, nous acceptons la ;

divinité de Jésus « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu


:

vivant *
».

C'est l'attitude que réclame de nous le Père éternel.


« Le commandement de Dieu, dit le même S. Jean, est
que nous croyions en son Fils Jésus-Christ » Et hoc :

est MANDATUM ejus ut credamus in nomine Filii


:

ejus Jesu Christi\ Il nous l'a dit lui-même « Voici mon :

8
Fils bien-aimé... écoutez-le ». Cette parole qui s'est

i. Cul. II, j. —2. Ibid. I, 18-19. — v Tbïd. II,9-iO.—4. Mattli.


XVI, 16; Joan. XI, 27. — 5. I foan. III, 23. — 6. Matth. XVII,
S ; Marc. IX. 6; Luc. IX. 35.
« ...ET LE VERBE S*EST FAIT CHAIR » 75

fait entendre au Thabor, quand la splendeur de la divi-

nité remplissait de ses rayons la sainte humanité de


Jésus, n'est que l'écho, dans le monde créé, de la parole
que le Père éternel prononce dans le sanctuaire des
deux, in splendoribus sanctorum \ « Tu es mon Fils,
je t'ai engendré aujourd'hui ».
Aussi sommes-nous très agréables à notre Père cé-
leste quand, acceptant son témoignage, nous professons
que Jésus est son propre Fils, qu'il lui est coéternel et
qu'il partage avec lui la gloire divine Tu solus altlssi- :

mus Jesu Dei Patris.


Christe... in gloria
C'est la parole de S. Paul. Le mystère des abaisse-
ments du Verbe fait chair plonge l'Apôtre dans une telle
admiration qu'il n'a pas assez de termes pour procla-
mer la gloire qui doit, selon les pensées mêmes de Dieu,
en revenir à Jésus. Écoutez ce qu'il dit « Le Christ était :

Dieu et pourtant il n'a pas retenu avidement son éga-


;

lité avec Dieu il s'est anéanti lui-même en se mettant


;

dans la condition d'une nature créée, en se rendant


semblable aux hommes montrant en toutes choses
;

qu'il était homme, abaissé lui-même, se faisant


il s'est
obéissant jusqu'à la mort, jusqu'à la mort de la croix.
C'est pourquoi aussi, propter quod, Dieu l'a souveraine-
ment élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de
tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse
dans les cieux, sur la terre, dans les enfers, et que toute
langue confesse que Notre-Seigneur Jésus-Christ est
dans la gloire de Dieu le Père ». Et omnis lingua confi-
teaiur quia Dominus Jésus Christus in gloria est Dei
Patris \
Nous devons souvent nous unir d'esprit et de cœur à
cette volonté qu'a le Père éternel de glorifier son Fils :

Clarificavi et itérant clarificabo ". Nous ne devrions ja-


mais ouvrir l'Évangile ou nous disposer à célébrer les
mystères de Jésus, sans entrer tout d'abord dans les

i. Ps. CIX, 3. — 2. Philipp. II, 6-i 1. — 3. Joan. XII, 28.


7f) LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

vues de Dieu même en proclamant, par un acte de foi


intense, que ce Christ que nous allons contempler, prier,
auquel nous allons nous unir, est Dieu comme le Père
et le Saint-Esprit.
Cette attitude d'âme est extrêmement féconde parce
qu'elle nous hausse au niveau divin et qu'elle nous rend
agréables au Père Pater amat vos... quia credidistis
:

quia ego a Deo exivi\La foi, dit si bien S. Léon, la foi


qui justifie les impies aux yeux de Dieu et qui rend
saints les hommes, de pécheurs qu'ils étaient, est celle
qui accepte que dans le même et unique Seigneur Jésus-
Christ se trouvent véritablement la divinité et l'huma-
nité. La divinité en vertu de laquelle avant tous les siè-
cles il est égal à son Père, ayant avec lui la même na-
ture éternelle l'humanité par laquelle, en ces derniers
;

temps, il s'est uni à nous en se revêtant de notre con-


2
dition de créature ».
Cet acte de foi en la divinité de Jésus doit être la
source de notre adoration. —
Souvent, dans l'Évangile,
nous voyons un mouvement d'adoration accompagner
l'acte de foi. C'est le geste des Mages ', de Pierre après
4
le prodige de la pêche miraculeuse des disciples qui ,

5
virent Jésus marcher sur les eaux de l'aveugle-né ,

après sa guérison Credo, Domine. Et procidens, ado-


:

ravit eum \
Par cet acte d'adoration, i'âme se livre tout entière au
Verbe divin quand Notre-Seigneur réside dans notre
;

cœur, surtout après la sainte communion, nous devons,


7
selon le conseil de S. François de Sales amener toutes ,

i. Joan. XVI, 27. — 2. Hoc enim


quod justifient impios, hoc
est
quod ex peccatoribus facit sanctos, si in uno eodcmque Domino
nostro Jesti Christo et vera Dcitas et vera credutur humanitas :

Deitas quâ ante omnia saecula in forma Dei aequalis est Patri :

humanitas quâ novissimis diehus in forma servi unitus est homini.


S. Léo. Sermo 4 de Epiphan. —
3. Matth. II, 11. 4. Luc. V, —
8. —5. Matth. XIV, 33. —
6. Joan. IX, 38. 7. « Le jour de —
vostre communion, tenez-vous la plus dévote que vous pourrez
souspirant à celuy qui sera en vous et le regardez perpétuellement
de l'oeil intérieur, gisant ou assis dans vostre propre cœur comme
« ...ET LE VERBE s'EST FAIT CHAIR )) 77

nos facultés à ses pieds pour qu'elles l'écoutent, épou-


sent ses intérêts, partagent ses sentiments, obéissent à
ses commandements et travaillent à sa gloire.
C'est là imiter la sainte humanité de Jésus ; elle ap-
partenait étroitement au Verbe, elle lui était livrée si
si

absolument qu'elle n'avait pas de personnalité propre :

c'est là un des aspects essentiels du mystère de l'Incar-


nation.
Proportion gardée, il doit en être ainsi de nous, car le
Christ Jésus est notre modèle en toutes choses. Son
humanité n'agissait jamais que soumise au Verbe dans
lequel elle subsistait et qui lui donnait l'existence ;

qu'il n'y ait pointen nous de mouvement qui ne vienne
de Dieu, de désir qui ne soit selon le bon plaisir divin,
d'action qui ne tende à servir d'instrument à sa gloire,
Une âme qui est dans une telle dépendance d'amour, de
volonté et d'action à l'égard de Dieu, peut dire en toute
vérité, comme la sainte humanité le disait « C'est le :

Seigneur qui me dirige », Dominus régit me.


Et l'écrivain sacré ajoute Et nihil mihi deerit 1 « dès
:

lors rien ne me manquera ». En effet, parce que cette


âme est tout entière livrée au Verbe, le Verbe dit à son
Père « Cette âme est à moi, elle est donc aussi à vous,
:

ô Père » Mea omnia tua sunt. Le Verbe donne cette


:

âme au Père, pour que le Père fasse descendre en elle,


comme en son Fils Jésus, avec ses complaisances, ses
dons les plus parfaits.

IV

Le Christ est Dieu et homme. L'âme fidèle ne se con-


tente pas de proclamer la divinité de Jésus, mais elle
veut également honorer sa sainte humanité notre piété ;

dans son throsne, et Iuy faites venir l'un après l'autre vos sens, vos
puissances pour ouyr ses commandements et luy promettre fidélité.»
Advis et résolutions pour la sainte communion Œuvres, t. p 702.
t,

1. Ps. XXTT. r.
7N I.K CHRIST DANS SES MYSTERES

ne serait point parfaite, intégrale, si, confessant la


divinité du Christ, nous perdions de vue son huma-
nité.

y a des âmes qui croient mieux faire dans leur vie


11

de ne pas s'occuper de l'humanité du Christ,


spirituelle,
de ne contempler que sa divinité. Ce fut là pendant un
certain temps l'erreur de sainte Thérèse. La grande con-
templative a reconnu plus tard cette erreur. En quels
termes amers elle l'a déplorée Avec quelle vivacité elle
!

a mis ses filles, et par elles toutes les âmes, en garde


contre cette opinion, qu'elle déclare « erronée », dont
elle ne se souvient jamais « sans qu'elle soit saisie de
douleur » car « elle s'engageait dans une route détes-
;

table », et « il lui semble s'être rendue coupable envers


le Seigneur d'une très noire trahison ». A vrai dire,

c'était « ignorance ».
D'après la sainte, une pour cause « un
telle illusion a
petit manque d'humilité, caché qu'on ne
si couvert et si
l'aperçoit pas »... Car nous devons nous estimer « très
riches » de pouvoir demeurer auprès de l'humanité de
Jésus dans ses mystères. « C'est un léger manque d'hu-
milité... de ne pas se contenter d'un objet si excellent
que l'humanité de Jésus-Christ... ce petit manque d'hu-
milité... qui ne paraît rien, nuit cependant beaucoup au
progrès dans la contemplation ».
Un autre inconvénient de l'erreur que relève la sainte
est de laisser l'âme sans appui. « Nous ne sommes pas
des anges, dit-elle nous avons un corps... Au milieu
;

des affaires, des persécutions, des épreuves,... dans les


temps de sécheresse, c'est un excellent ami que Jésus-
Christ. Nous le voyons homme comme nous, nous le
contemplons dans l'infirmité, dans la souffrance... Étant
hommes, il nous est très avantageux, tant que nous
sommes en cette vie, de considérer Dieu fait homme ».
N'est-ce pas, en effet, la loi même de notre nature d'al-
ler à l'invisible par les choses visibles ? Or l'Incarna-
(( ...ET LE VERBE S EST FAIT CHAIR » / VI

tion est la plus divine application de cette loi psycholo-


gique.
L'Épouse du Cantique des cantiques disait : « Je nie
suis assise à l'ombre de celui qui était l'objet de mes
désirs » : Sub timbra que m desideraveram sedi.
illius
Cette timbra, c'est la sainte humanité qui permet à nos
regards de contempler la divinité se révélant à nous
sous des dehors sensibles.
Aussi, conclut la sainte, « Dieu se plaît extrêmement
à voir une âme placer avec humilité son divin Fils
x
comme intermédiaire entre elle et lui ».
Et quelle en est la raison intime ?
C'est que l'Incarnation est un mystère divin ; c'est le
chef-d'œuvre de la sagesse éternelle et de l'amour in-
fini. Pourquoi ne pas entrer dans les vues et les desseins

de Dieu ? Pourquoi nous refuser à soumettre notre sa-


gesse, si limitée, si bornée, à la Sagesse infinie ? Les
ressources divines sont-elles donc si inefficaces que
nous croyions devoir les corriger par nos calculs hu-
mains ? Si Dieu a voulu réaliser notre salut et notre
sainteté par le moyen d'une humanité unie à son Verbe,
à son Fils, pourquoi ne prendrions-nous pas ce moyen ?
La sagesse s'y fait autant admirer que la condescen-
dance.
Ne craignons donc pas en lisant l'Évangile, en célé-
brant les mystères de Jésus, de contempler l'homme
dans le Christ cette humanité est l'humanité d'un Dieu.
;

Cet homme que nous voyons agir et vivre au milieu des


hommes pour les attirer par les marques sensibles de
son amour, c'est Dieu, notre Dieu.
Ne craignons pas surtout de rendre à cette humanité
elle-même tous les hommages qu'elle mérite.
Notre adoration d'abord. —
Il est vrai que cette hu-

manité est créée comme la nôtre. Nous ne l'adorons

i. Vie par elle-même, ch. XXII. Tout cet admirable chapitre est
à lire.
SO I-E CHRIST DANS SES MYSTERES

pas à cause d'elle-même nous devons pourtant l'ado-


;

rer en elle-même, à cause de son union avec le Fils de


Dieu. Notre adoration va à l'humanité, mais se termine
à la personne divine à laquelle elle est substantielle-
ment unie.
Ensuite, une confiance absolue. —Dieu a voulu faire
de l'humanité du Christ l'instrument de la grâce c'est
;

par son entremise que la grâce découle en nous. Ce


n'est pas du Verbe dans le sein du Père, mais bien du
Verbe incarné que S. Jean a dit qu' « il était plein de
grâce et que de cette plénitude nous devions tous rece-
voir ».

Durant sa vie terrestre, Notre-Seigneur, étant Dieu,


aurait pu opérer tous ses miracles et donner la grâce
aux hommes rien que par un acte de sa volonté divine.
Chaque fois qu'on présentait à Jésus des malades à
guérir, des morts à ressusciter, il aurait pu, par un seul
acte intérieur de sa volonté éternelle, opérer le miracle

demandé. Mais ne l'a pas fait. Lisez l'Évangile vous


il ;

verrez qu'il a voulu toucher de sa main les yeux des


aveugles, les oreilles des sourds, mettre de la salive sur
la langue des muets, toucher !e cercueil du fils de la
veuve de Naïm, prendre la fille de Jaïre par la main,
donner le Saint-Esprit à ses apôtres en soufflant sur
eux. C'était donc par le contact de sa sainte humanité
que le Christ faisait des miracles et donnait la grâce :

l'humanité servait d'instrument uni au Verbe. Et cette


loi admirable et touchante se vérifie dans tous les mys-

tères de Jésus.
Or, cet ordre, voulu par Dieu lui-même, subsiste tou-
jours parce que l'union des natures dans le Christ
demeure indissoluble. Lors donc que nous parcourons
les pages de l'Évangile ou que nous suivons l'Église
dans sa liturgie, lorsque nous nous unissons à la sainte
humanité de Jésus par un acte de foi quand surtout
;

nous recevons son corps dans l'Eucharistie, la sainte


« ...ET LE VERBE s'EST FAIT CHAIR » 81

humanité du Christ, inséparable du Verbe divin, sert


d'instrument de grâce pour nos âmes.
« La chose est pour moi de toute évidence, écrit
sainte Térèse pour plaire à Dieu, pour recevoir de lui
:

de grandes grâces, il faut, et telle est sa volonté, qu'elles


passent par les mains de cette humanité sacrée en la-
quelle il a déclaré prendre lui-même ses complaisances.
J'en ai fait l'expérience un nombre infini de fois et
Notre-Seigneur lui-même me l'a dit. J'ai reconnu mani-
festement que c'est là la porte par où nous devons en-
trer si nous voulons que la souveraine majesté nous
découvre de hauts secrets... on marche avec assurance
1
par cette route-là » .

Et si vous y réfléchissez bien, vous constaterez que


toute l'économie elle-même de la vie surnaturelle est
basée sur cette vérité. L'Église, les sacrements, le saint
sacrifice, la prédication autant de moyens sensibles
:

par lesquels Dieu nous amène à lui. C'est comme une


2
extension de l'Incarnation .

Vous voyez combien il est important et utile de de-


meurer unis à la sainte humanité de Jésus en elle, dit
:

S. Paul, habite la plénitude même de la divinité, et c'est


du Verbe par l'entremise de l'humanité que nous rece-
vons toute grâce Verbum caro factum est... et vidimus
:

eum plénum gratiae et de plenitudine ejus non omnes


accepimus. L'humanité de Jésus est le moyen divinement
établi pour transmettre la grâce aux âmes.
C'est aussi le moyen pour les âmes de parvenir à la
divinité. —
C'est une vérité non moins importante et
que nous ne devons pas oublier. Nous ne devons pas
nous arrêter à la sainte humanité de Jésus comme au
terme final. Vous pourriez me dire, en effet « Pour
:

moi, toute ma dévotion consiste à me donner au Christ

i. L. c. —
2. Voir le développement de cette idée dans la con-
férence L'Eglise corps mystique du Christ, § II, dans notre précé-
dent ouvrage Le Christ vie de l'âme.

Le Christ i:ans ses mystères. 6


82 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Jésus, à me livrer à lui ». C'est bon, c'est excellent, rien


n'est meilleur que de se donner au Christ. Mais qu'est-
ce que se donner à Notre-Seigneur ? C'est unir notre
volonté à la sienne. Or, la volonté de Jésus est de nous
mener à son Père. C'est là toute son œuvre le Père ;

est le terme. « Je suis la voie », disait le Christ lui-


même, en parlant de son humanité. Il est l'unique voie,
c'est vrai mais ce n'est qu'une voie le but suprême
; ;

auquel cette voie nous mène est le Père éternel Nemo :

venit AD patrem nisi per me \ L'humanité nous livre


au Verbe, le Verbe à son Père.
C'est ce que S. Paul disait aux chrétiens de son
temps Omnia vestra sunt, vos aatem Christi, Christus
:

autem Dei \ Le grand apôtre marquait par ces simples


paroles les degrés de l'œuvre divine sur la terre « Tout :

est pour vous vous, vous êtes au Christ, et le Christ


;

est à Dieu ».
Par l'humanité de Jésus nous appartenons au Verbe,
au Fils par le Fils, nous allons au Père. Le Christ
;

nous ramène ainsi in sinu Patris \ C'est là, contemplé


de notre côté, l'intime raison d'être de l'ineffable mys-
tère de l'Homme-Dieu.

S. Jean nous rapporte qu'au début de sa vie publique,


notre divin Sauveur passant par la Samarie, arriva à
une ville nommé
Sichar, près du puits de Jacob. Parmi
les détails de la scène notés avec soin par l'Évangéliste,
il en est un qui émeut tout particulièrement nos cœurs.

Jésus ergo fatigatus ex itinere, se débat sic supra fon-


4
tem ; « Jésus étant donc fatigué du voyage s'assit tout
simplement sur la margelle du puits ». Quelle touchante
révélation de la réalité de l'humanité de Jésus !

Il faut lire le commentaire admirable que S. Augus-

tin a donné de ces détails, avec cette opposition d'idées

i. Joan. XIV. 6. — 2. I Cor. 111, 22-23. — 3- Joan. I, 18. —


4. Ibid. IV, 6. — 5. Tract, in Joan. XV.
'
« ...ET LE VERBE S'EST FAIT CHAIR » 83

et de termes dont il a le secret, surtout quand il veut


mettre en relief l'union et le contraste du divin et de
l'humain en Jésus. « Il cède à la fatigue, dit-il, celui-là
même qui répare les forces de ceux qui sont épuisés,
celui dont l'absence nous accable et dont la présence
nous fortifie » Fatigatur per quem fatîgati recreantur
: ;

quo deserente jatigamur, quo praesente firmamw.


« C'est pour vous que Jésus est fatigué de la route. Nous
trouvons Jésus plein de force et de faiblesse. Pourquoi
plein de force ? Parce qu'il est le Verbe éternel et que
toutes choses ont été créées par sa sagesse et sa puis-
sance. Pourquoi plein de faiblesse ? Parce que ce Verbe
s'est fait chair et a habité parmi nous. La force divine
de Jésus-Christ vous a créés, sa venue dans la faiblesse
de notre humanité vous a rachetés. » Fortitudo Christi
te creavit ; infirmitas Christi te recreavit.
Et le saint conclut « Jésus est faible dans son hu-
:

manité ; mais vous, gardez-vous de demeurer dans


votre faiblesse venez plutôt puiser la force divine en
;

celui qui, étant par nature ia Toute-puissance, a voulu


se rendre faible pour votre amour » Inflrmus in carne
:

Jésus ; sed noîi tu infirmari ; in infirmitate illius tu


fortis esto !
SAUVEUR ET PONTIFE.

s iMMAiRE. — Nécessité de contempler l'œuvre et la mis-


sion du Verbe fait chair pour mieux comprendre sa
personne; les noms du Verbe incarné déclarent sa mis-
sion et caractérisent son œuvre « Jésus-Christ » est
:

le Fils de Dieu, pontife suprême qui par son sacrifice

sauve l'humanité. I. Le Christ est établi pontife


dans son Incarnation. —
II. Comment dès son entrée
en ce monde le Christ inaugure également son sacri-
fice. — III. Diversité des actes de l'offrande que fait
le Christ Jésus. IV. Perpétuité du sacerdoce et de
l'oblation du Christ dans le ciel. —
v. Comment sur la
terre se renouvelle le sacrifice de la croix; i'Église ne
célèbre aucun mystère du Christ sans offrir le sacri-
fice eucharistique.

Le Christ Jésus Verbe incarné apparu au mi-


est le
lieu de nous, à Dieu et homme, vrai Dieu et vrai
la fois
homme, Dieu parfait et homme parfait. En lui, deux
natures sont inséparablement unies dans l'étreinte d'une
seule personne, la personne du Verbe.
Ces traits constituent l'être même de Jésus. Notre foi
et notre piété l'adorent comme leur Dieu, tout en pro-
clamant la touchante réalité de son humanité.
Si nous voulons pénétrer plus avant dans la connais-
sance de la personne de Jésus, nous devons contempler
dès maintenant, pendant quelques instants, sa mission
et son œuvre. La personne de Jésus donne à sa mission
et à son œuvre leur valeur la mission et l'œuvre de
;

Jésus achèvent de nous révéler sa personne.


Et ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que les
SAUVEUR ET PONTIFE 85

noms qui désignent la personne même du Verbe in-


carné déclarent en même temps sa mission et caracté-
risent son œuvre. Ces noms, en effet, ne sont pas,
comme trop souvent les nôtres, dépourvus de significa-
tion. Ils viennent du ciel et sont riches de sens. Quels
sont ces noms ? ils sont nombreux, mais l'Église, héri-
tière en ceci de S. Paul, en a surtout retenu deux celui :

de Jésus et celui de Christ.

Comme vous le savez, Christ signifie celui qui est


oint, sacré, consacré. —
Jadis, dans l'Ancienne Allian-
ce, on sacrait assez fréquemment
rarement les rois, plus
les prophètes, et toujours nom de le grand-prêtre. Le
Christ, comme la mission de roi, de prophète et de pon-
tife qu'il désigne, a été donné à plusieurs personnages
de l'Ancien Testament avant de l'être au Verbe incarné.
Mais nul n'en devait comme lui réaliser la signification
dans toute sa plénitude, fl est le
Christ, car seul il est le
Roi des siècles, le Prophète par excellence, l'unique
Pontife suprême et universel.

Il est roi. — Il l'est par sa divinité : Rex Regum et


Dominus dominantium domine sur toutes les créa-
*
; il

tures, que par sa toute puissance il a tirées du néant :

2
Venite adoremus, et procidamus ante Deum ... Ipse
3
fecit nos et non ipsi nos ...
Il le sera encore comme Verbe incarné. Le sceptre du

monde avait été prédit à Jésus par son Père. « C'est


moi, dit le Messie, qu'il a établi roi sur Sion, sa mon-
tagne sainte... C'est pourquoi je ferai connaître ce
décret le Seigneur m'a dit
; Tu es mon Fils, je t'ai en-
:

gendré aujourd'hui. Demande-moi, et je te donnerai les


nations pour héritage, et pour domaine les extrémités de
la terre * ». Le Verbe s'incarne pour établir le « Royau-

i. Apoc. XIX, 16. — 2. Ps. XCIV, 6. — 3. Ibid. XCIX, 2. —


4- Ps. II. 6-8.
86 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

me de Dieu ». Cette expression revient fréquemment


dans la prédication de Jésus en lisant l'Évangile vous
;

aurez remarqué que tout un groupe de paraboles, la —


perle précieuse, le trésor caché, le semeur, le grain de
sénevé, les vignerons meurtriers, les invités aux noces,
l'ivraie, les serviteurs attendant leur maître, les talents,
etc., —
est destiné à montrer la grandeur de ce royau-
me, son origine, son développement, son extension aux
nations païennes après la réprobation des Juifs, ses
lois, ses luttes, ses triomphes. Le Christ organise ce
royaume par l'élection des apôtres et la fondation de
l'Église, à laquelle il confie sa doctrine, son autorité,
ses sacrements. Royaume tout spirituel, qui n'a rien de
temporel ou de politique comme le rêvait l'esprit gros-
sier de la plupart des Juifs royaume où entre toute âme
;

de bonne volonté royaume merveilleux, dont la splen-


;

deur finale est toute céleste et la béatitude éternelle.


S. Jean célèbre la magnificence de ce royaume il ;

nous montre les élus prosternés devant leur chef divin,


le Christ Jésus, et proclamant qu' « il les a rachetés par

son sang, de toute tribu, de toute langue, de tout peu-


ple, de toute nation pour former de leur société le
royaume dans lequel doit éclater la gloire de son
Père » Et fecisti nos Deo nostro regnnm \
:

Le Christ doit être prophète. —


Il n'est pas un pro-

phète, mais le prophète par excellence, parce qu'il est la


Parole, le Verbe en personne, la « lumière du monde »,
qui seule peut véritablement « éclairer tout homme »
ici-bas. « Jadis, disait S.Paul aux Hébreux, Dieu vous
parlait par ses prophètes » ils n'étaient que de simples
;

envoyés mais « voici que dans ces tout derniers temps,


;

3
il vous a enseignés par son propre Fils ». Il n'est pas
un prophète qui annonce de loin, à une minime portion
de l'humanité et sous des symboles parfois obscurs les

i. Apoc. V, 9-10. — 2. Hebr. I, 1-2.


SAUVEUR ET PONTIFE 87

desseins encore cachés de Dieu. Il est celui qui vivant


toujours dans le sein du Père, connaît seul tous les
secrets divins et en apporte au genre humain tout entier
1
l'étonnante révélation : Ipse enarravit .

Vous savez que, dès le début de sa vie publique,


Notre-Seigneur s'appliquait à lui-même la prophétie
d'Isaïe proclamant que « l'Esprit du Seigneur est sur
lui. C'est pourquoi il l'a consacré par son onction pour

porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux


captifs la délivrance, aux aveugles le retour à la vue,
pour publier à tous que le temps de la rédemption est
2
arrivé ».

Il est donc, par excellence, l'envoyé, le légat de Dieu,


qui prouve, par des miracles opérés de sa propre auto-
rité, la divinité de sa mission, de sa parole et de sa

personne. Aussi entendons-nous la foule, après le pro-


dige de la multiplication des pains, s'écrier en désignant
Jésus « Il est vraiment le prophète, il est vraiment celui
:

3
qui doit venir ».

Le Verbe incarné réalisera surtout la signification de


son nom de Christ par sa qualité de pontife et de mé-
diateur, pontife suprême et médiateur universel.
Mais ici il nous fait unir au nom de Christ celui de
Jésus. Le nom de Jésus signifie Sauveur « Vous l'ap- :

pellerez ainsi, dit l'ange à Joseph, parce qu'il doit ra-


4
cheter son peuple de toutes ses iniquités ». C'est là sa
6
mission essentielle Venit salvare quod perierat
: Or, .

en fait, Jésus ne réalise pleinement la signification de


son nom divin que par son sacrifice, qu'en accomplis-
sant son œuvre de pontife Venit Filius hominis dare :

animam suam redemptionem pro multis 6 Les deux .

noms se complètent donc et sont désormais insépara-


i. Joan. I, 18. — 2. Luc. IV, 18-19 cf. Isa. LXI, 1. — 3. Joan.
VI, 14. — Matth.
4. I, 21. — 5.
;

Ibid. XVIII, 11 cf. Luc. XIX,


10. — 6. Cf. Matth. XX, 28 ; Marc. X, 45.
;
88 LE CHRIS! DANS SES MYSTÈRES

blés. Le « Christ Jésus » c'est le Fils de Dieu, établi


pontife suprême et qui, par son sacrifice, sauve l'huma-
nité entière.
C'est pourquoi, en contemplant le sacerdoce et le

sacrifice du Christ, nous achèverons de comprendre,


dans la mesure du possible, i'adorable personne du
Verbe incarné.
Nous allons voir, en effet, que c'est par son Incarna-
tion même que Jésus a été consacré pontife et que c'est
dès son entrée en ce monde qu'il inaugure son sacrifice:
toute son existence porte le reflet de sa mission de pon-
tife et est marquée des caractères de son sacrifice.
Ainsi, nous saisirons mieux également la grandeur et
l'ordonnance des mystères du Christ nous verrons
;

quelle unité profonde les relie tous entre eux le sacri- :

fice de Jésus, parce qu'il est son œuvre essentielle, est


le point culminant vers lequel convergent tous les mys-

tères de sa vie terrestre, et la source où tous les états de


sa vie glorieuse puisent leur éclat nous verrons aussi
;

de quelles grâces abondantes il est le principe pour


toutes les âmes qui désirent s'abreuver en lui de vie et
de joie.

C'est surtout dans sa lettre aux Hébreux que S. Paul


expose en termes pleins d'ampleur et de puissance les
ineffables grandeurs du Christ comme Pontife De quo :

nobis grandis sermo, et ininterpretabilis ad dicendum


nous y voyons marquées sa mission de médiateur, la
transcendance de son sacerdoce et de son sacrifice sur
le sacerdoce d'Aaron et les sacrifices de l'Ancien Tes-

tament sacrifice unique, consommé au Calvaire et dont


:

l'offrande se continue avec une efficacité inépuisable


dans le sanctuaire des cieux.
j. Hebr. V. u.
SAUVEUR ET PONTIFE 89

S. Paul nous révèle cette vérité que le Christ Jésus


possède son sacerdoce dès l'instant de son Incarnation.
Qu'est-ce que le prêtre ? C'est, dit l'Apôtre, un—
médiateur entre l'homme et Dieu le prêtre offre à Dieu :

les hommages de la créature, et donne Dieu, « le saint »,


aux hommes, « sacrum dans » de là le nom de sacer- ;

dos.
« Il parmi les hommes, consacré à Dieu,
est choisi
médiateur »
afin d'être Omnis pontifex ex hominibus
:

assumptus, pro hominibus constituitur in iis quae sunt


ad Deum \ Jadis, cette consécration se faisait ordinai-
rement par une « onction » spéciale qui signifiait que
l'Esprit du Seigneur était sur l'élu, le marquant ainsi
d'une façon particulière pour sa mission de pontife.
Dans le sacerdoce humain, ce caractère sacerdotal est
une qualité qui s'ajoute pour ainsi dire à la personne de
l'homme.
Mais dans le Christ, ce caractère est tout à fait trans-
cendant, comme est unique la médiation dont il s'est
chargé. Jésus est devenu pontife dès le moment de son
Incarnation et par son Incarnation.
Pour pénétrer ce profond mystère, il ne faut écouter
que la foi, car l'intelligence humaine est confondue de-
vant de telles grandeurs. Transportons-nous à Nazareth
pour assister au colloque céleste qui a lieu entre l'ange
et la Vierge. Le messager de Dieu dit à Marie, pour lui
expliquer le prodige qui doit s'accomplir en elle: « L'Es-
prit-Saint viendra sur vous, la Vertu du Très-Haut vous
couvrira de son ombre c'est pourquoi le saint qui naî-
;

tra de vous sera appelé Fils de Dieu ». La vierge ré-


pond « Voici la servante du Seigneur qu'il me soit
:
;

2
fait selon votre parole ».

A ce moment, le Verbe s'est fait chair ; le Verbe s'est


uni pour toujours, par une ineffable union, à une huma-
nité. Par l'Incarnation, le Verbe entre dans notre race,

i. Hebr. V, i. — 2. Luc. I, 35, 38.


,

90 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

il devient authentiquement l'un des nôtres, semblable à


nous en tout, sauf le péché. Il peut donc devenir pon-
tife, médiateur, puisque étant Dieu et homme il peut
relier l'homme à Dieu Ex hominibus assumptus.
:

Dans la Trinité sainte, en effet, la seconde personne,


le Verbe, est la gloire infinie du Père, sa gloire essen-

tielle: Splendor gloriae et figura substantiae ejus\ Mais,


comme Verbe, avant l'Incarnation, il n'offre pas à son
Père de sacrifice. Pourquoi cela ? Parce que le sacrifice
suppose l'hommage, l'adoration, c'est-à-dire la recon-
naissance de notre propre abaissement en présence de
l'Être infini le Verbe étant en tout égal à son Père,,
;

étant Dieu avec lui et comme lui, ne peut donc lui offrir
de sacrifice. Le sacerdoce du Christ n'a pu commencer
qu'au moment où le Verbe s'est fait chair dès l'instant ;

où le Verbe s'incarna, il unit en lui deux natures la na- :

ture divine, par laquelle il pouvait dire Ego et Pater :

unum sumus ~ : « Mon Père et moi nous sommes un s


un dans l'unité de la divinité, un dans l'égalité des per-
fections l'autre, la nature humaine, qui lui faisait dire:
;

Pater major me est : c Mon Père est plus grand que


z

moi ». C'est donc en tant qu'Homme-Dieu que Jésus est


pontife.
De sérieux auteurs font dériver le mot « pontife » de
pontem jacere : « établir, jeter le pont ». Quelle que
soit la valeur de cette étymologie, l'idée appliquée au
Christ Jésus est juste. Dans les entretiens qu'il daignait
avoir avec sainte Catherine de Sienne, le Père lui expli-
quait comment, par l'union des deux natures, le Christ
a jeté un pont sur l'abîme qui nous séparait du ciel :

« Je veux que que je vous ai con-


tu regardes le pont
struit en mon Fils unique, et que tu contemples sa gran-
deur qui va du ciel à la terre puisque la grandeur de;

la Divinité est unie à la terre de votre humanité. Cela


fut nécessaire pour refaire la voie qui était rompue et

i Hebr. I. \. — 2. Joan. X, 30. — 3. Ibid. XIV. 28.


SAUVEUR ET PONTIFE 91

permettre de traverser l'amertume du monde pour ar-


river à la vie (éternelle) *
».

De plus c'est par le mystère même de l'Incarnation


2
que l'humanité de Jésus a été « consacrée », « ointe ».
Non d'une onction extérieure, comme cela se fait pour
les simples créatures, mais d'une onction toute spiri-
tuelle. Par l'action du Saint-Esprit, que la liturgie ap-
pelle spiritalis anciio \ la divinité s'est répandue sur la
nature humaine de Jésus, « comme une huile d'allé-
gresse » Unxit te Deus oleo laetitiae prae consortibus
:

4
tuis Cette onction est si pénétrante, l'humanité est tel-
.

lement « consacrée à Dieu », qu'il n'est pas d'apparte-


nance plus étroite que celle-là, car cette nature humaine
est devenue la propre humanité d'un Dieu, du Fils de
Dieu.
C'est pourquoi au moment de cette Incarnation qui
consacra le premier prêtre de la Nouvelle Alliance, un
cri retentit dans les cieux Tu es sacerdos in aeternum \
:

« Tu es prêtre pour l'éternité ». S. Paul, dont le regard


perça tant de mystères, nous révèle aussi celui-ci. Écou-
tez-le « Nul ne s'attribue à soi-même, dit-il, cette di-
:

gnité du sacerdoce, mais il faut y être appelé par Dieu ;

ainsi le Christ ne s'est pas non plus arrogé la gloire


d'être pontife, mais il l'a reçue de celui qui lui a dit :

« Tu es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui » :

comme il lui dit encore ailleurs Tu es prêtre pour tou-


:

6
jours »...
Ainsi donc, au témoignage de l'Apôtre, c'est du Père
éternel lui-même que le Christ a reçu le suprême ponti-
i. Dialogue, 2 me partie, ch. VI. Traduct. Hurtaud, t. I, p. 76-77.
Cette idée est familière à sainte Catherine. On la retrouve dans
maints endroits du Dialogue et dans ses lettres. — 2. S. Augustin.
De Trinitate, XV, 27. — 3. Hymne Veni Creator. — 4. Ps.
XL1V, 8. —
5. Ibid. CIX, 4. —
6. Nec quis quant sumit sibi hono-
rent, sed qui vocatur a Deo, sic et Christus non semetipsuni clari-
ficavit ut pontifex fieret : sed qui locutus est ad eum : Filins meus
es tu, ego hodie genui te, quemadntodum et in alio loco dicii : Tu
es sacerdos in aeternum. Hebr. V, 4-6.
02 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

ficat, de ce Père qui lui dit aussi : « Vous êtes mon Fils,
je vous ai engendré aujourd'hui ». Le sacerdoce du "

Christ est une conséquence nécessaire et immédiate de


son Incarnation.
Adorons ce pontife saint, immaculé, qui est le propre
Fils de Dieu prosternons-nous devant ce médiateur
;

qui seul, parce qu'il est à la fois Dieu et homme, pourra


pleinement remplir sa mission de salut et nous rendre
les dons de Dieu par le sacrifice de son humanité mais ;

aussi confions-nous pleinement à sa vertu divine qui.


seule aussi, fut assez puissante pour nous réconcilier
avec le Père.
« En partant de la terre, disait Dieu à sainte Cathe-
rine, on ne pouvait établir le pont d'une grandeur suffi-
sante pour rejoindre la vie éternelle, puisque la terre de
la nature humaine était incapable par elle seule de sa-
tisfaire au péché et de détruire la tache du péché
d'Adam qui a corrompu et infecté toute la race hu-
maine. Il était donc nécessaire de la conjoindre à la
grandeur de ma nature, déité éternelle, pour qu'elle pût
satisfaire pour toute la race humaine. Il fallait que la
nature humaine subît la peine et que la nature divine
unie avec cette nature humaine acceptât le sacrifice que
mon Fils m'offrait en moi pour détruire la mort et vous
rendre la vie. Ainsi la Grandeur s'est abaissée jusqu'à
la terre de votre humanité en m'unissant à elle, elle a
:

édifié un pont et établi la route. Mais pour obtenir la


vie, il ne suffirait pas que mon Fils soit devenu le pont,
2
si vous, vous ne passiez par ce pont » .

II

Le sacrifice de ce pontife unique marche de pair avec


son sacerdoce c'est également dès son Incarnation que
:

Jésus l'inaugure.

i. Ps. II, -. — 2. L. c.
SAUVEUR ET PONTIFE 93

Vous savez que dans le Christ, l'âme, créée comme


la nôtre, n'apourtant pas été soumise pour l'exercice de
ses propres facultés, intelligence et volonté, au déve-
loppement progressif de l'organisme corporel elle :

avait, dès le premier moment de son existence, la per-


fection de sa propre vie, ainsi qu'il convenait à une
âme unie à la divinité.
Or, S. Paul nous révèle le premier mouvement de
l'âme de Jésus au moment de son Incarnation.
D'un regard, elle embrasse les siècles qui furent
avant elle eile voit, avec l'abîme où gît l'humanité en-
;

tière impuissante à se libérer, la multiplicité et l'insuffi-


sance foncière de tous les sacrifices de l'Ancienne Loi,
car la créature, si parfaite qu'elle soit, ne peut digne-
ment réparer l'injure que le péché a commise à l'égard
du Créateur elle regarde le programme d'immolation
;

que Dieu demande d'elle pour réaliser le salut du


monde.
Quel instant solennel pour l'âme de Jésus Quel !

instant aussi pour le genre humain !

Et que fait cette âme ? Par un mouvement d'amour


intense, elle se livre tout entière pour parfaire l'œuvre
humano-divine qui peut seule rendre gloire au Père en
sauvant l'humanité. —
« O Père, vous ne voulez plus
de ces offrandes, de ces sacrifices, qui ne sont pas suffi-
samment dignes de vous. Mais vous m'avez formé un
corps Corpus autem aptasti mihi. Et pourquoi me
:

l'avez-vous donné ? Car je viens, ô Père, accomplir


votre volonté. Vous exigez que je vous l'offre en sacri-
fice... me voici Ecce venio, in capite libri scriptum est
:

de me ut jaciam, Deus, voluntatem tuam. « En tête du


livre de ma vie, il est écrit que je dois, ô Père, faire
votre volonté ainsi je le veux, parce qu'il vous est
;

l
agréable ».

D'une volonté parfaite, le Christ a accepté cette

i. Hebr. X, 5-7 ; cf. Ps. XXXIX, 7-9.


94 LE CHRIST DANS SE6 MYSTERES

somme de douleurs qui commencent à l'humilité de la


crèche pour ne s'achever qu'à l'ignominie de la croix.
Dès son entrée ici-bas, le Christ s'offre en victime le :

premier acte de sa vie est un acte sacerdotal.


Quelle créature mesurera l'amour dont est rempli cet
acte sacerdotal de Jésus ? Qui en connaîtra l'intensité
et en décrira la splendeur ? Le silence de l'adoration
peut seul le louer quelque peu.

Jamais le Christ Jésus n'a rétracté cet acte, ni rien


repris de ce don. Bien plus, tout dans sa vie va être
ordonné vers son sacrifice sur la croix. Lisez l'Évangile
dans cette lumière, vous verrez combien dans tous les
mystères et les états de Jésus se rencontre une part de
sacrifice qui le mène peu à peu au sommet du Calvaire,
tellement le caractère de pontife, de médiateur, de sau-
veur, est essentiel à sa personne. Nous ne saisirons
point la vraie physionomie de la personne de Jésus, si
nous ne la plaçons constamment en regard de sa mis-
sion rédemptrice par le sacrifice et l'immolation de lui-
même. C'est pourquoi quand S. Paul disait qu'il ramène
tout « à la connaissance du mystère de Jésus », il ajou-
tait aussitôt « et de Jésus crucifié »
: Non enim judi- :

cavi aliquid scire inter vos nisi fesu/n Christum, ET


HUNC CRUC1FIXUM \
Voyez : le Christ naît dans le dénuement le plus ab-
solu ; il doit fuir en terre étrangère pour échapper à la
fureur d'un tyran il connaît le labeur dur et caché dans
;

l'atelierde Nazareth pendant sa vie publique, il n'a


;

pas où reposer la tête il est en butte aux persécutions ;

des Pharisiens, ses plus mortels ennemis il éprouve la ;

faim, la soif, la fatigue. Bien plus, il brûle d'achever son


sacrifice: Baptismo autem habeo baptizari, et quomodo
COARCTOR usqiiedum perficiatur \
Il y a en Jésus, si l'on peut ainsi parler, comme une
i. I Cor. II, 2. — 2. Luc. XIT. «>.
SAUVEUR ET PONT1FB 95

espèce d'enthousiasme pour son sacrifice. Voyez encore


dans l'Évangile, lorsque notre divin Sauveur commence
à découvrir à ses apôtres, petit à petit pour ménager
leur faiblesse, le mystère de ses souffrances. Un jour il
leur dit qu'il fallait qu'il se rendît à Jérusalem, qu'il
souffrît beaucoup de la part de ses ennemis, et qu'il fût
mis à mort. Alors Pierre de dire aussitôt, le prenant à
part « A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arri-
:

vera pas ». Mais Jésus réplique tout de suite « Retire- :

toi de moi, tu m'es un scandale, car tu n'as pas l'intelli-


gence des choses de Dieu, tu n'as que des pensées hu-
maines x ». Au milieu des splendeurs de sa Transfigu-
ration sur le Thabor, de quoi le Sauveur s'entretient-il
avec Moïse et Élie ? De sa passion prochaine.
Le Christ avait soif de donner à son Père la gloire
que son sacrifice devait lui procurer Iota unam mit:

unus apex non praeteribit a lege, donec omnia fiant 2 .

11 veut tout accomplir jusqu'à un iota, c'est-à-dire, jus-

qu'au dernier détail. Quand, à l'agonie, les angoisses et


les douleurs s'accumulent dans son âme, il les sent si
profondément « O Père, dit-il, s'il est possible, éloi-
:

gnez de moi ce calice » pourtant il ne veut finalement


;

qu'accomplir la volonté de son Père « Néanmoins, que:

votre volonté se fasse, et non pas la mienne a ». Enfin,


sur le Calvaire, il consomme son immolation et peut-
dire, avant de rendre le dernier soupir, qu'il a réalisé
dans la plénitude le programme que son Père lui avait
donné Consummatum est 4 Ce cri final de la victime
: .

divine sur la Croix répond à YEcce venio de l'Incarna-


tion dans le sein de la Vierge.

i. Matth. XVI, 21-23 Marc. VIII, 31-33. —


2. Matth. V, 18. —
3. Ibid. XXVI, 39, cf.
;

Marc. XIV, 36 Luc. XXII, 42.


;

4. Joan.
XIX, 30.
96 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

III

L'offrande que le Christ a faite de lui-même a été


plénière, totale, continue, mais elle a compris différents
actes.

\J adoration, d'abord.
Dans à son
la sainte Trinité, le Fils est tout entier
Père, rapportant, pour ainsi dire, tout ce qu'il est.
lui

Dès que le Verbe s'est fait chair, l'humanité qui lui est
unie est entraînée dans ce courant ineffable qui porte le
Fils vers son Père. Mais comme l'humanité est créée,
inférieure à la divinité, ce mouvement, en elle, se tra-
duit par l'adoration. —
Et cette adoration est intense,
parfaite dès l'instant où elle a été unie au Verbe, l'hu-
;

manité, en Jésus, s'est abîmée dans une profonde ado-


ration, dans un anéantissement d'elle-même devant la
majesté divine du Verbe éternel dont elle contemplait,
par la vision béatifique, les infinies perfections.

y avait V action de grâces.


Il

est certain que de toutes les grâces, de toutes les


Il

miséricordes que Dieu peut faire, la plus grande, la plus


éminente est celle qui a été donnée à l'humanité de
Jésus « Dieu l'a choisie, l'a prédestinée entre toutes,
:

prae consortibus tuis } pour être l'humanité de son Fils ;

pour l'unir, dans une union incompréhensible, à son


Verbe c'est une grâce unique, qui dépasse tout ce que
;

l'esprit humain peut rêver en fait de communication de


la divinité à la créature.
Aussi l'âme de Jésus rassasiée, par cette union, des
délices de la divinité elle-même, débordait-elle d'actions
de grâces. Si parfois nous-mêmes nous ne savons com-
ment exprimer à notre Père céleste l'abondance de notre
gratitude, quelle n'a pas dû être la reconnaissance de
l'âme de Jésus pour la grâce ineffable qui lui était faite,
SAUVEUR ET PONTIFE 97

pour tous les privilèges incomparables qui devaient dé-


couler de son union au Verbe, non seulement à titre
personnel mais comme chef du corps mystique ?

L'expiation s'y rencontre également.


La race à laquelle le Verbe emprunte une humanité
pour se l'unir, est une race pécheresse, déchue le Verbe ;

a épousé un corps de péché, in similitudinem carnis


peccati \
Certes, le péché ne jamais touché personnellement:
l'a

Tentatum autem per omnia pro similitudine, absque


peccato '. Il est, lui, le Christ, c'est-à-dire le Pontife par
excellence, le Pontife, dit S. Paul, « tel qu'il nous le
fallait pour que son offrande fût agréable à Dieu :

saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs et élevé


3
au-dessus des deux ». Mais son Père l'a chargé des
péchés de tous les hommes Posuit in eo iniquitatem
:

omnium nostrum 4 ; Jésus est devenu, selon l'énergique


5
expression de l'Apôtre, « péché nour nous » et pour ;

ce motif, l'offrande qu'il a faite de lui-même à son Père


au moment de l'Incarnation, comportait la pauvreté de
la crèche, les abaissements de la vie cachée, les fatigues
et les luttes de la vie publique, les terreurs de l'agonie,
les ignominies de la Passion et les tourments d'une
mort sanglante Semetipsum exinanivit formam servi
:

accipiens... humiliavit semetipsum, factus obediens us-


que ad mortem, mortem autem crucis 9 « Quoiqu'il fût .

Dieu, le Christ n'a pas voulu retenir avidement son éga-


lité avec Dieu mais il s'est humilié lui-même en pre-
;

nant, par l'Incarnation, la condition d'une nature créée,


en devenant semblable aux hommes et en se montrant ;

sous l'aspect d'un homme, il s'est humilié encore en se


faisant obéissant jusqu'à la mort de la croix. »
Cette mort sur le Calvaire était une expiation d'une

i. Rom. VIII, 3. — 2. Hebr. IV, 15; cf. II, 17. — 3. Ibïd.


VII, 26.-4. Isa. LUI, 6. — 5. II Cor. V, 21.— 6. Philipp.II, 7-8.

Le Carist dans ses mystères. 7


98 I<E CHRIST DANS SES MYSTERES

valeur infinie parce que le Christ était Dieu, niais aussi

parce que ses abaissements atteignaient la limite de


l'humiliation. Le Christ mourant sur la croix a accepté
de devenir pour nous comme un rebut, un maudit Op- :

probrium hominum et abjectio plebis ' ; et cet abaisse-


ment inouï, dans lequel il devait descendre pour expier
le péché, l'âme de Jésus l'a voulu dès son entrée ici-

bas, avec tout ce qu'il entraînait d'humiliations, d'igno-


minies et de souffrances.

Enfin, nous trouvons dans cette offrande Yimpétra-


tion, c'est-à-dire la supplication.
L'Évangile ne nous dit rien de la prière du Christ
pour nous dans son Incarnation, ni même durant sa vie
publique, bien qu'il nous dise que Jésus « passait la
nuit en prière », Erat pernoctans in oratione Dei'\ Mais
S. Jean nous a conservé le texte de la prière que fit
Jésus pour ses disciples et pour nous, à la dernière-
Cène, au moment d'inaugurer sa Passion et d'achever
son sacrifice c'est la prière sacerdotale de Jésus. L'É-
:

vangile ne contient pas de page plus belle que celle-là.


Et pouvons-nous douter que cette prière n'ait été le
résumé et l'écho final de toutes celles que le Christ avait
adressées à son Père durant sa vie entière ?
« Père, l'heure est venue glorifiez votre Fils, afin
:

que votre Fils vous glorifie, puisque vous lui avez donné'
autorité sur tout homme, afin qu'à tous ceux que vous
lui avez donnés, il communique la vie éternelle. J'ai ma-

nifesté votre nom aux hommes que vous m'avez con-


fiés... Ils savent maintenant que tout ce que vous
m'avez donné vient de vous... C'est pour eux que je
prie... parce qu'ils sont à vous. Père saint, gardez-les
en votre nom afin qu'ils ne fassent qu'un comme nous...
Je fais cette prière pendant que je suis dans le monde
afin qu'ils aient en eux la plénitude de ma joie. .
Je ne

i. Ps. XXI, ". -- 2. Luc. VI, 12.


SAUVEUR ET PONTIFE 99

vous demande pas de les ôter du monde, mais de les


garder du mal... Je vais m'offrir en sacrifice pour eux
afin qu'ils soient véritablement sanctifiés... Je ne prie
pas seulement pour eux, mais aussi pour ceux qui, par
leur parole, croiront en moi, pour que tous ils soient un,
comme vous, mon Père, vous êtes en moi et moi en
vous... Père, ceux que vous m'avez donnés, je veux que
là où je suis, ils soient avec moi, afin qu'ils voient ma
gloire, la gloire que vous m'avez donnée, parce que vous
1
m'avez aimé avant la création du monde » .

Quelle prière Et jaillissant de quel cœur Du cœur


! !

de Jésus, Pontife suprême de l'humanité tout entière,


notre pontife, au moment où il va se faire notre hostie !

Oh pourquoi donc doutons-nous si souvent de la puis-


!

sance du Christ ? Pourquoi nous décourageons-nous,


alors que Jésus, vrai Dieu aussi bien que vrai homme,
adressa une telle prière à son Père, au moment de le
glorifier d'une gloire infinie en s'immolant pour nos
péchés ?
O Christ Jésus, redites-la encore pour nous cette
prière « Père, gardez, du mal ceux que vous m'avez
:

donnés... pour qu'ils aient ma joie... pour qu'ils en


aient la plénitude... pour qu'ils jouissent de ma gloire...
pour qu'ils soient un en nous !... »

IV

La prière de Jésus a été exaucée ; l'immolation qui


l'a suivie a mérité pour tout le genre humain des grâces
abondantes de pardon, de justification, d'union, de vie,
de joie, de gloire.
Après avoir dit que le Christ a été établi pontife
suprême du genre humain dès son Incarnation, S. Paul
ajoute aussitôt « Avec de grands cris et des larmes,
:

le Christ, durant sa vie ici-bas, a offert des prières et

i. Joan. XVII.
100 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

des supplications à celui qui pouvait le sauver de la


mort il a été exaucé à cause de sa piété envers son
;

Père car tout Fils qu'il était, il a appris par son sa-
;

crifice ce que c'est d'obéir. Et maintenant que le voilà


arrivé au terme, il sauve à jamais tous ceux qui mar-
1
chent sur ses traces » .

S. Paul fait encore remonter notre sanctification à


l'oblation offerte par Jésus au moment où il entrait en
ce monde car cette offrande renfermait en germe l'épa-
;

nouissement final qu'est l'immolation du Calvaire :

« C'est en vertu de cette volonté que nous sommes sanc-


tifiés par l'oblation que Jésus-Christ a faite une fois
pour toutes de son propre corps ~. »
Ainsi, vous le voyez toute grâce, quelle qu'elle soit,
:

découle pour nous de la croix il n'en est pas une qui ;

ne soit payée de l'amour et du sang de Jésus le sacer- ;

doce du Christ fait de lui notre Médiateur unique et


toujours exaucé. C'est pourquoi l'Apôtre s'écrie dans sa
vivante conviction « Dieu, nous donnant son Fils, ne
:

nous a-t-il pas tout donné ? » Quomodo non etiam cum


Mo omnia nobis donavit 3 ? « Nous voilà devenus riches,
dit-il encore, si abondamment riches, que désormais
aucune grâce ne nous manque » Ita ut N1HIL vobis :

desit in ulla gratia *


!

Oh ! quelle confiance absolue et inébranlable fait


naître en nous cette révélation ! Dans le Christ Jésus

nous trouvons tout, nous possédons tout, et, si nous le

voulons, en lui rien ne nous manque : il est notre salut,


la source de toute notre perfection et de toute notre
sanctification.
Car si grand est notre pontife, si étendu son sacer-
doce qu'à présent encore le Christ remplit son rôle de
médiateur et continue pour notre sanctification son sa-
crifice. Comment cela ?

i. Hebr. V, 7-9. — 2. Ibid. X, 10. — 3. Rom. VIII, 32. —


4. I Cor. I, 7.
SAUVEUR ET PONTIFE 101

Au ciel d'abord.
C'est surtout que le mystère est ineffable. Le sa-
ici

cerdoce éternel du Christ Jésus contient des profon-


deurs cachées que S. Paul et S. Jean nous laissent entre-
voir, l'un dans l'Épître au Hébreux, l'autre dans son
Apocalypse \
L'Apôtre a des expressions magnifiques pour exalter
le sacerdoce éternel de Jésus. « Le Christ est assis à la
droite de la majesté divine, au plus haut des cieux*.
Nous avons en Jésus, le Fils de Dieu, un pontife excel-
s
lent qui a pénétré les cieux Jésus est entré pour nous
.

dans le sanctuaire des cieux, comme précurseur, en qua-


4
lité de pontife suprême Parce qu'il vit et demeure éter-
.

nellement, il possède un sacerdoce qui n'a point de


fin... toujours vivant pour intercéder pour nous, élevé
5
qu'il est au-dessus de tous les cieux Nous avons donc.

un pontife suprême qui s'est assis à la droite du trône


de la majesté divine, comme ministre unique du vrai
6
sanctuaire que la main de l'homme n'a pas construit ».
Toutes ces expressions remarquables nous montrent
qu'au ciel le Christ Jésus demeure éternellement notre
pontife et prolonge son oblation pour nous.
Sans doute, S. Paul n'oublie pas qu'il n'y a qu'un
sacrifice, celui de la croix una enim oblatione, con-
:

summavit in sempiternum sanctificatos \ 11 ne peut y en


avoir d'autre ce sacrifice est unique et définitif.
;

Mais, dit-il, de même que dans l'Ancien Testament,


chaque année, le grand-prêtre, après avoir offert le sa-
crifice dans le premier tabernacle du Temple, pénétrait
seul avec le sang des victimes dans le second taber-
nacle, le Saint des Saints, et achevait par là, en se pré-
sentant devant le Seigneur, son œuvre de pontife, —
ainsi, continue S. Paul, le Christ, après avoir offert son
sacrifice sur la terre, est entré une fois pour toutes par

i. Cf. V, 6. — 2.Hebr. XII, 2.-3. Ibid. IV, 14. — 4. Ibid.


VI, 20. — 5. Ibid. VII, 24-26. — 6. Ibid. IX. 24. — 7. Ibid. X. 14.
102 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

son propre sang, non dans un tabernacle édifié de main


d'homme, mais dans le sanctuaire de la divinité Per :

proprium sanguinem introivit semel in sancta... Par


là, il consomme dans la gloire son rôle divin de média-

teur Nanc autem semel in consummatione saeculorum,


:

per hostiam suam appariât \


Que fait le Christ Jésus dans ce sanctuaire ? Quelle
est son œuvre ?
Il ne peut plus mériter, cela est vrai l'heure de méri- ;

ter a cessé pour lui au moment où il rendait le dernier


soupir sur la croix mais le temps de nous appliquer
;

ses mérites demeure toujours.


Et c'est ce que fait Notre-Seigneur. Il se tient désor-
mais présent devant la face de son Père afin d'intercéder
pour nous :Ut apparent NUNC vultui Del pro nobls \
Là, « toujours vivant », semper vlvens, car « la mort
n'a plus d'empire sur lui * », il offre sans cesse à son
Père pour nous son sacrifice déjà accompli, mais qui
subsiste dans sa personne il montre à son Père ses
;

cinq plaies dont il a voulu garder les cicatrices, ces


plaies qui sont l'attestation solennelle et le gage plénier
de son immolation sur la croix au nom de l'Église;

dont il est le chef, il unit à son oblation nos adorations,


nos hommages, nos prières et nos supplications, nos
actions de grâces. Sans cesse nous sommes présents à
la pensée de notre pontife compatissant sans cesse il ;

met en œuvre, pour notre sanctification, ses mérites,


ses satisfactions, s<»n sacrifice.
Ainsi il y a, au ciel, et il y aura jusqu'à la fin des
temps, un sacrifice célébré pour nous par le Christ Jé-
sus, d'une façon éminente, sublime, mais en perpétuelle
continuité avec son immolation sur la croix Per hos- :

tiam suam apparult.


Comme nous comprenons qu'après en avoir entrevu
i. Hebr. IX, ia. — 2. Ibid. 26. — 3. Ibid. IX, 24. — 4. Rom.
VI, 9.
SAUVEUR ET PONTIFE 103

les grandeurs et la puissance, S. Paul nous fasse enten-


dre cette pressante exhortation « Donc puisque nous:

avons en Jésus, le Fils de Dieu, un pontife excellent qui


a pénétré dans les cieux, demeurons fermes dans la pro-
fession de notre foi. » Quelle foi ? La foi en Jésus- —
Christ médiateur suprême, la foi en la valeur infinie de
son sacrifice et de ses mérites, la foi en l'étendue illi-
mitée de son divin crédit. « Approchons-nous donc, con-
tinue l'Apôtre, approchons-nous avec assurance, Adea-
mus ergo cum fiducia, du trône de la grâce, afin d'ob-
tenir miséricorde et d'être secourus en temps oppor-
tun \ »
Quelle grâce, en effet, pourrait nous refuser ce pon-
tifequi sait compatir à nos faiblesses, à nos infirmités,
à nos souffrances, puisque, pour nous ressembler, il les
a toutes éprouvées ce pontife si puissant, puisqu'étant
;

Fils de Dieu, il traite avec son Père d'égal à égal :

volo Pater 2 ; ce pontife qui veut nous être uni comme


dans un corps la tête l'est aux membres ? Quelles grâ-
ces de pardon, de perfection, de sainteté ne peut pas
espérer une âme qui cherche sincèrement à lui demeurer
unie par la foi, la confiance et l'amour ? N'est-il pas
3
« le Pontife des biens futurs » ? Ne possède-t-il pas
« puissance d'opérer infiniment au delà de tout ce
la
que nous demandons et concevons * » ?
C'est pourquoi, dans tout son culte, l'Église, qui con-
naît son Époux mieux que personne, n'adresse aucune
prière au Père céleste, ne lui demande aucune grâce,
sans marquer sa demande du signe de la croix, sans se
réclamer de Jésus-Christ, nôtre-Sauveur et notre Pon-
tife Per Dominum Nostrum J es uni Christum. Cette
:

formule, dans l'Église, est de tous les jours, de toutes


les heures. C'est la proclamation incessante de la mé-
diation universelle du Christ mais c'est aussi la con-
;

i. Hebr. IV, 16. — 2. Joan. XVII, 24. — 3. Hebr. IX, 11. —


4. Ephes. III, 20.
104 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

fession la plus explicite et la plus solennelle de sa di-


vinité, car l'Égliseajoute aussitôt « Qui vit et règne
:

avec vous, ô Père, et votre commun Esprit, dans tous


les siècles des siècles ».

En exposant, après S. Paul, l'œuvre du Christ pontife


dans le ciel, nous n'avons pas épuisé les merveilles du
sacerdoce de Jésus.
Le ciel a son oblation, éminente, ineffable, mais con-
tinuelle et toute glorieuse. Le Verbe incarné n'a pas
voulu quitter la terre sans lui laisser également un sa-
crifice. C'est la sainte messe, qui rappelle et reproduit
à la fois, d'une façon mystique, l'immolation du Gol-
gotha. Le sacrifice de la croix est l'unique sacrifice,
comme je vous l'ai dit il suffit à tout mais Notre-
; ;

Seigneur a voulu qu'il se renouvelât pour en appliquer


les fruits aux âmes. Je vous exposerai cette vérité plus
en détail quand nous devrons contempler le mystère de
l'Eucharistie. Je veux simplement vous dire ici comment
notre pontife perpétue ici-bas son sacrifice.
Le Christ choisit certains hommes auxquels il donne
une participation réelle de son sacerdoce. Ce sont les
prêtres que l'évêque sacre le jour de leur ordination.
Les mains étendues sur la tête de celui qu'il va consa-
crer, l'évêque invoque le Saint-Esprit, le priant de des-
cendre dans l'âme à ce moment, on pourrait répéter au
:

prêtre les paroles de l'ange à Marie Spiritus Sanctus


:

superveniet in te \ Le Saint-Esprit l'enveloppe pour


ainsi dire et opère en lui une ressemblance et une union
si étroite avec le Christ Jésus qu'il est, comme le Christ,

prêtre pour l'éternité. La tradition chrétienne a appelé


le prêtre « un autre Christ » il est, comme lui, choisi
:

pour être, au nom du Christ, médiateur entre le ciel et


i. Luc I. ;;.
SAUVEUR ET PONTIFE 105

la terre. C'est là une réalité surnaturelle. Voyez quand :

le prêtre offre le sacrifice de la messe, lequel reproduit

le sacrifice du Calvaire, il s'identifie avec le Christ. Il

ne dit pas « Ceci est : le corps du Christ, ceci est le

sang du Christ » s'il ; le disait, il n'y aurait point de


sacrifice ; mais il dit : « Ceci est mon corps, ceci est
mon sang ».

A partir de ce moment, le prêtre consacré à Dieu par


l'Esprit-Saint devient, comme le Christ, pontife et mé-
diateur entre les hommes et Dieu, ou plutôt, c'est l'uni-
que médiation du Christ qui se prolonge ici-bas, à tra-
vers les âges, par le ministère des prêtres. Au nom des
fidèles, le prêtre offre à Dieu sur l'autel le sacrifice eu-
charistique de l'autel il apporte au peuple la victime
;

sainte, le pain de vie, et, avec lui, tous les dons et toutes
les grâces.
L'autel est, sur la terre, le centre de la religion de
Jésus, tout comme le sommet de sa vie.
le Calvaire est
Tous mystères de l'existence terrestre de Jésus con-
les
vergent, comme je vous l'ai dit, vers son immolation sur
la croix tous les états de sa vie glorieuse y puisent leur
;

splendeur.
C'est pourquoi l'Église ne commémore et ne célèbre
aucun des mystères de Jésus sans offrir le saint sacri-
fice de la messe. Tout le culte public organisé par l'É-
glise gravite autour de l'autel tout cet ensemble de ;

lectures, de prières, de louanges, d'hommages, qui s'ap-


pelle l'office divin et dans lequel l'Église retrace sous
les yeux de ses enfants et exalte les mystères de son
céleste Époux, n'a été réglé par elle que pour en en-
châsser le sacrifice eucharistique.
Quel que soit donc le mystère de Jésus que nous célé-
brions, nous ne pouvons, après l'avoir contemplé et mé-
dité avec l'Église, y participer plus parfaitement ni
mieux nous disposer à en recueillir les fruits, qu'en as-
sistant avec foi et amour au sacrifice de la messe et en
j

106 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

nous unissant, par la communion, à la divine victime


immolée pour nous sur l'autel.

Il est raconté dans la vie de Marie d'Oignies que


Notre-Seigneur avait coutume, à l'occasion des diffé-
rentes fêtes, de se montrer à elle dans ie saint sacre-
ment revêtu d'une forme en harmonie avec le mystère
dont on célébrait la commémoraison \
Nous n'avons rien à envier de cette faveur. Par la
communion, le Christ Jésus ne se montre pas seulement
à l'âme il vient en elle, il se communique à elle tout
;

entier avec son humanité de pontife compatissant qui


:

connaît nos faiblesses, avec la vertu de sa divinité qui


peut nous élever jusqu'auprès de lui à la droite de son
Père. Il vient en nous, non pour se manifester à nous,
mais pour prier son Père en nous, avec nous pour lui ;

offrir de divins hommages, pour y unir nos supplica-


tions mais surtout pour réaliser dans l'intime de notre
;

âme, par son Esprit, le fruit de chacun de ses mystères.


Vous aurez remarqué que l'action de grâces qui suit
l'oblation sainte et la communion ( postcommunion
emprunte aux différents mystères une expression di-
verse. Qu'est-ce que cela indique, sinon que par la com-
munion le Christ veut faire naître en nous les pensées,
les sentiments qu'il a éprouvés en vivant le mystère qui
se célèbre ce jour-là, et par conséquent, veut nous ap-
pliquer les fruits particuliers et les grâces propres de
ce mystère ? C'est ce que l'Église demande à la post-
communion de du Rosaire, par laquelle elle so-
la fête
lennise l'union de la Mère du Verbe incarné à tous les
mystères de son Fils Jésus. Que demande-t-elle dans
l'oraison de la messe ? Elle rappelle à Dieu que « son
Fils unique nous a mérité les récompenses du salut
éternel par sa vie, sa mort et sa résurrection » puis elle ;

demande « qu'en honorant ces mystères, nous imitions


i. P. P.4BER, Le saint Sacrement, t. II, 1. IV, ch. 6.
SAUVEUR ET PONTIFE 107

ce qu'ils renferment et obtenions ce qu'ils promettent ».


Concède... ut haec mysteria recolentes, et imitemur quod
continent et quod promittunt assequamur. Une même
pensée inspire la « postcommunion » de la fête « Fai- :

tes, Seigneur, que nous obtenions les grâces attachées


aux mystères dont nous solennisons le souvenir » Ut :

mysteriorum quae recolimus virtus percipiatur.


C'est ainsi que, peu à peu, se réalise notre identifica-
tion avec Jésus Hoc enim sentite in vobis quod et in
:

Christo jesu \ N'est-ce pas là la formule même de notre


prédestination éternelle Conformes fieri imaginis
:

2
Filii ?

Tels sont les traits essentiels de la personne et de


l'œuvre du Christ Jésus.
Verbe éternel, —
fait chair pour nous, il devient, —
par ses mystères et son sacrifice, notre pontife et notre
médiateur. Médiateur qui connaît nos besoins, parce
qu'il a été homme comme nous médiateur tout-puis-
;

sant, parce qu'il est Dieu avec le Père et l'Esprit-Saint ;

médiateur dont la médiation est incessante, au ciel par


son oblation éternelle, sur la terre par le sacrifice eu-
charistique.
Et cette œuvre, c'est pour nous que le Christ l'ac-
complit pro nobis. Le Christ ne nous sauve par son
:

sacrifice que pour nous associer à sa gloire.

O Seigneur, qui découvrira combien les desseins de


votre sagesse sont ineffables ? qui célébrera la grandeur
du don que vous nous faites ? qui pourra vous en rendre
de dignes actions de grâces ?

i. Phitipp. Il, 5. — 2. Rom. VIII, 29.


II

LES MYSTÈRES DU CHRIST


Vî. — LES PREPARATIONS DIVINES

(Temps de VAvent)

Sommaire. Pourquoi Dieu a voulu prolonger durant


tant de siècles les préparations
de l'Incarnation. —
t. Comment la Sagesse en rappelant et en
éternelle,
précisant, par la voix des prophètes, la promesse pri-
mitive d'un Rédempteur, a préparé les âmes des justes
de l'Ancien Testament à la venue de î'Homme-Dieu
sur la terre. —
II. Saint Jean-Baptiste, Précurseur
du Verbe incarné, résume et surpasse tous les pro-
phètes. —
III. Bien que nous vivions dans « la pléni-
tude des temps », l'Esprit-Saint veut que l'Église nous
rappelle chaque année le souvenir de ces préparations
divines; triple raison de cette économie surnaturelle.
- IV. Dispositions que nous devons apporter pour
que la venue du Christ produise en nos âmes la plé-
nitude de ses fruits pureté du cœur, humilité, con-
:

fiance et saints désirs. Nous unir aux sentiments de la


Vierge Marie, mère de Jésus.

Toutes les bénédictions de Dieu sur nous ont leur


source dans l'élection qu'il a faite de nos âmes, depuis
toute éternité, pour les rendre « saintes et immaculées
devant lui ' ». Dans ce décret divin plein d'amour sont
renfermés notre prédestination adoptive d'enfants de
Dieu et tout l'ensemble des faveurs qui s'y rattachent.
Or, dit S. Paul, c'est « par la grâce de Jésus-Christ,
envoyé par Dieu dans la plénitude des temps, que cette
adoption nous a été donnée » At ubi venit plénitude
:

i. Ephes. F, 4.
112 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

temporis, misit Deus Filium sunm factum ex mutiere...


ut adoptionem filiorum reciperemus \
Ce dessein éternel de Dieu « d'envoyer son propre
2
Fils en ce monde pour racheter la race humaine » per-
due et flétrie par le péché, et lui redonner tous ses droits
à l'héritage des enfants et la béatitude céleste, est le
chef-d'œuvre de sa sagesse et de son amour. Les vues
de Dieu ne sont pas les nôtres toutes ses pensées sur- ;

passent les nôtres comme le ciel surpasse la terre mais ;

c'est surtout dans l'œuvre de l'incarnation et de la Ré-


demption qu'éclatent la sublimité et la grandeur des
voies divines. Cette œuvre est si élevée, si étroitement
unie à la vie de la très sainte Trinité elle-même qu'elle
est « demeurée cachée pendant des siècles dans les pro-
fondeurs des secrets divins » : Sacramentum abscondi-
tum a saeculis in Deo 3 .

Comme vous le savez, c'est durant plusieurs milliers


d'années que Dieu a voulu préparer l'humanité à la ré-
vélation de ce mystère. Pourquoi Dieu a-t-il voulu re-
tarder durant tant de siècles la venue de son Fils parmi
nous ? Pourquoi une si longue période ? Nous ne —
pouvons, simples créatures, pénétrer le dernier pour-
quoi des conditions dans lesquelles Dieu réalise ses
œuvres il est l'Être infiniment souverain, « qui n'a pas
;

4
besoin de conseiller ». Mais comme il est aussi « la
Sagesse même, qui règle toutes choses avec mesure et
B
équilibre, avec force et douceur », nous pouvons pour-
tant rechercher humblement quelques-unes des conve-
nances qu'il fait éclater dans ses mystères.
Il fallait que les hommes, qui avaient péché par or-

gueil, —
Eritis sicut d'à 6
fussent obligés, par une —
expérience prolongée de leur faiblesse et de l'étendue
de leur misère, de reconnaître le besoin absolu qu'ils

i. Gai. IV, 4-5. — 2. Ibid. — 3. Ephes. III, 9. — 4. Cf. Rom.


XI, 34- — 5- S a P- VIII, 1, cf. Grande antienne O Sapientia,
17 déc. — 6. Gen. III, 5.
LES PRÉPARATIONS DIVINES i 13

avaient d'un Rédempteur et d'aspirer après sa venue de


1
toutes les fibres de leur nature .

Et, en effet, toute la religion de l'Ancien Testament


se résume dans ce cri qui jaillissait sans cesse du cœur
des patriarches et des justes fidèles « Que les cieux :

envoient leur rosée ! Que la terre s'entr'ouvre et nous


donne le Sauveur- » ! L'idée de ce Rédempteur futur
remplit toute l'Ancienne Loi tous les symboles, tous ;

les rites et sacrifices le figurentHaec omnia in figura :

3
contingebant illis ; tous les vœux, tous les désirs se
concentrent vers lui. Selon la belle expression d'un au-
teur des premiers siècles, l'Ancien Testament portait le
Christ dans ses flancs Lex Christo gravida erat \ La :

du Messie libérateur.
religion d'Israël, c'était l'attente
En grandeur du mystère de l'Incarnation et
outre, la
la majesté du Rédempteur réclamaient que sa révélation
à la race humaine ne se produisît que peu à peu. L'hom-
me, au lendemain de sa chute, n'était ni digne de rece-
voir ni capable d'accueillir la manifestation plénière de
l'Homme-Dieu. C'est pour cela que, par une économie
toute pleine à la fois de sagesse et de miséricorde, Dieu
n'a dévoilé cet ineffable mystère que petit à petit, par
la bouche des prophètes quand l'humanité serait suffi- ;

samment préparée, le Verbe, tant de fois annoncé, si


souvent promis, si longtemps attendu, apparaîtrait lui-
même ici-bas pour nous instruire Multifariam multis- :

que modis olim Deus loquens patribus in prophetis...


novissime locutus est nobis in Filio \
Je vous indiquerai donc quelques traits de ces prépa-
rations divines à l'Incarnation. Nous y verrons avec
quelle sagesse Dieu a disposé le genre humain à rece-
voir le salut ce sera pour nous une occasion de rendre
;

au « Père des miséricordes 6 » de ferventes actions de

^
i. Cf. S. Thom. III, q. i, a. 5. — 2. Isa. XLV, 8. — 3. I Cor.
X, 11. — 4. Appendice désœuvrés de S. Augustin, Sermon CXCVI.
5. Hebr. I. 1. — 6. II Cor. I, 3.

Le Christ dans ses mystères.


114 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

grâces de nous avoir fait vivre dans « la plénitude des


temps » — car elle dure encore, — où il octroie aux
hommes le don inestimable de son Fils.

Vous savez que c'est dès le lendemain du péché de


nos premiers parents, au berceau même de la race hu-
maine déjà rebelle, que Dieu a commencé de révéler le
mystère de l'Incarnation. Adam et Eve, prosternés de-
vant le Créateur, dans la honte et le désespoir de leur
chute, n'osent plus regarder le ciel. Et voici qu'avant
même de prononcer la sentence de leur expulsion du
paradis terrestre, Dieu leur fait entendre les premières
paroles de pardon et d'espérance.
Au lieu d'être maudits et chassés pour toujours de la
présence de leur Dieu, comme l'ont été les anges révol-
tés, ils auront un Rédempteur c'est lui qui brisera la
;

puissance acquise sur eux par le démon. Et comme leur


chute a commencé par la prévarication de la femme, ce
sera par le fils d'une femme que cette rédemption sera
opérée Inimicitias ponam inter te et mulierem, et
:

semen tuum et semen illius : ipsa conter et caput tuum \


C'est ce qu'on a appelé le « Protévangile » le pre- :

mier mot du salut. C'est la première promesse de ré-


demption, l'aube des miséricordes divines à la terre qui
a péché, le premier rayon de cette lumière qui doit un
jour vivifier le monde, la première manifestation du
mystère caché en Dieu de toute éternité.
Depuis cette promesse, toute la religion de la race
humaine, et plus tard, toute la religion du peuple choisi
se concentre autour de « ce rejeton de la femme », de
ce semen mulieris qui doit délivrer les hommes.
A mesure que années s'écoulent, que les siècles
les
s'avancent, Dieu précise sa promesse il apporte, à la :

i. Gen. III, k.
LES PRÉPARATIONS DIVINES 115

répéter, plus de solennité. Il assure aux patriarches


Abraham, Isaac Jacob que c'est de leur race que sor-
et
tira le rejeton béni Et benedicentur in semine tuo :

omnes génies terrae ; à Jacob mourant, il montre que *

c'est dans la tribu de Juda que surgira « celui qui doit


venir, l'objet de tous les soupirs des peuples » : Donec
veniat qui mittendus est, et ipse erit exspectatio gen-
tium \

Voici que les nations, oublieuses des révélations pri-


mitives, s'enfoncent insensiblement dans l'erreur. Dieu
se choisit alors un peuple qui sera le gardien de ses pro-
messes à ce peuple, pendant des siècles, Dieu rappel-
;

lera ces promesses, les renouvellera, les rendra plus


claires et plus abondantes ce sera l'ère des prophètes. :

Si vous parcourez les oracles sacrés des prophètes


d'Israël, vous remarquerez que les traits, par lesquels
Dieu dessine la personne du Messie futur et précise les
caractères de sa mission, sont parfois si opposés qu'ils
semblent ne pouvoir se rencontrer dans la même per-
sonne. Tantôt les prophètes attribuent au Rédempteur
des prérogatives qui ne peuvent convenir qu'à un Dieu,
tantôt ils prédisent à ce Messie une somme d'humilia-
tions, de contradictions, d'infirmités, de souffrances
dont le dernier des hommes mérite à peine d'être acca-
blé.
Vous relèverez constamment ce frappant contraste.
Par exemple, voici David, le roi cher au coeur de
Dieu Seigneur lui jure d'affermir sa race pour tou-
; le
jours Messie sera de la famille royale de David.
: le
Dieu le fait voir à David comme « son fils et son Sei-
3
gneur » son fils par l'humanité qu'il empruntera un
:

jour d'une vierge de sa famille, son Seigneur par la


divinité. David le contemple « dans les splendeurs sain-

i. Gen. XXII, 18 ; cf. Gai. III, 16. — 2. Ibid. XLIX, ïo. —


3. Ps. CIX, 1 ; cf. Matth. XXII, 41-45.
116 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

tes,engendré éternellement avant que se lève l'aurore ;

pontife suprême à l'exemple de Melchisédech \ sacré


pour régner sur nous par sa douceur, sa vérité et sa
2
justice » ; en un mot, « Fils de Dieu lui-même, auquel
toutes les nations seront données en héritage » : Do-
minus dixit ad me ego hodie genui
: Filius meus es tu,
te: postula a me et dabo tibi gentes haereditatem tuam V
Saint Paul fait remarquer aux Hébreux que ce sont là
4
des prérogatives dont un Dieu seul peut se prévaloir .

Mais David contemple aussi « ses mains et ses pieds


percés, ses habits partagés, sa robe jetée au sort"; il le
6
voit abreuvé de fiel et de vinaigre ». Puis voici, de nou-
veau, les attributs divins « Il ne sera pas atteint par :

la corruption du tombeau mais, vainqueur de la mort, ;

7
il s'assoiera à la droite de Dieu ».

Ce contraste n'est pas moins frappant chez Isaïe, le


grand Voyant, si précis et si abondant qu'on peut le
nommer le cinquième Évangéliste on dirait qu'il ra- ;

conte des faits accomplis bien plus qu'il ne prophétise


des événements futurs.
Le prophète, transporté dans les cieux, proclame « in-
énarrable » la génération de ce Messie Generationem :

ejus quis enarrabit ? Il lui donne des noms que jamais


'

homme n'a portés: « On l'appellera l'Admirable, le Dieu


fort, le Père du siècle à venir, le Prince de la paix » ;

« enfanté d'une Vierge, il sera nommé Dieu avec nous,


Emmanuel 10 ». Isaïe le décrit « se levant comme une au-
rore, brillant comme un flambeau
n
»; il le voit « rendre
la vue aux aveugles et l'ouïe aux sourds faire parler ;

les muets et marcher les boiteux " »; il le montre « éta-


1
bli chef et précepteur des nations païennes » il voit
"
;

14
« les idoles s'écrouler devant lui », et il entend Dieu

i. Ps. CIX, 3-4. — 2. Ibid. XLIV, — j. Ibid. Il, 7-8. —


4. Hobr. I, 13. — 5. Ps. XXI, 17-iQ. — 5.
6. Ibid. LXVIÏI, 22. —
7. Ibid. XV, 10. — -S. Is. LUI, S. — 9. Ibid. IX, 6. 10. VII, —
14- — 11. LXII. 1. — 12. XXXV. 5 -6. — 13. LV, 4. — I4 . II,
14-18.
LES PRÉPARATIONS DIVINES 117

promettre par serment que « devant ce Sauveur tout


genou fléchira, et que toute langue confessera sa puis-
sance ».

Et, cependant, ce Rédempteur, dont le prophète exalte


ainsi la gloire, de telles souffrances l'accableront, de
telles humiliations l'anéantiront qu'il sera regardé
« comme le dernier des hommes, comme un lépreux,
frappé par Dieu et abîmé sous les opprobres mené à ;

la mort comme une brebis à la boucherie, mis au rang


des scélérats, parce que le Seigneur a voulu l'écraser
2
dans l'infirmité ».

Vous pourrez saisir chez la plupart des prophètes


cette opposition de traits par lesquels ils décrivent la
grandeur et les abaissements, la puissance et les fai-
blesses, les souffrances et la gloire du Messie. Vous
verrez avec quelle condescendante sagesse Dieu prépa-
rait les esprits à la révélation du mystère ineffable d'un
Homme-Dieu, à la fois Seigneur suprême qu'adorent
toutes les nations, et victime pour les péchés du monde.

L'économie de la miséricorde divine, est, vous le sa-


vez, entièrement basée sur la foi ; celle-ci est le « fon-
dement et la racine de toute justification ». Sans cette
foi, laprésence matérielle elle-même du Christ Jésus ne
pourrait produire dans les âmes la plénitude de ses
effets.
Or la foi nous est communiquée par l'action intérieure
de l'Esprit-Saint qui accompagne l'exposé des vérités
divines fak par les prophètes et les prédicateurs Fides :

3
ex auditu .

En rappelant si souvent ses promesses primitives, en


révélant peu à peu par la voix des prophètes, les traits
du Rédempteur à venir, Dieu voulait produire dans les
cœurs des justes de l'Ancien Testament les dispositions
requises pour que la venue du Messie leur fût salutaire.

i. Is. XLV, 23. —2. Ibid. LUI, 3 sq. — 3. Rom. X, 7.


118 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Aussi plus les justes de l'Ancienne Alliance étaient rem-


plis de foi et de confiance dans les promesses annon-
cées par leurs prophètes, plus ils brûlaient du désir de
les voir se réaliser, —
mieux étaient-ils préparés à re-
cevoir l'abondance des grâces que le Sauveur devait
apporter au monde. C'est ainsi que la Vierge Marie,
Zacharie et Elisabeth, Siméon, Anne et les autres âmes
fidèles qui vivaient au moment de la venue du Christ,
l'ont reconnu tout de suite et ont été inondés de ses fa-
veurs.

Vous voyez comment Dieu s'est plu à préparer les


hommes à venue de son Fils sur la terre. S. Pierre
la
pouvait vraiment dire aux Juifs qu'ils étaient « les fils
x
des prophètes », et S. Paul pouvait écrire aux Hébreux
« qu'avant de les enseigner par son Fils en personne,
Dieu avait parlé à leurs pères par la voix des prophè-
tes, à plusieurs reprises, en diverses manières » \Multi-
fariam multisque modis *.
Aussi les Juifs fidèles étaient-ils constamment dans
l'attente du Messie. Leur foi discernait dans la personne
de ce Rédempteur un envoyé divin, un roi, un Dieu, qui
devait mettre fin à leurs misères, les délivrer du fardeau
de leurs fautes. Ils n'ont qu'un vœu « Envoyez, Sei- :

gneur, celui qui doit venir » ; ils n'ont qu'un désir :

contempler de leurs yeux les traits du Sauveur d'Israël.


Le Messie promis était l'objet vers lequel convergeaient
tous les soupirs, toutes les volontés, tout le culte, toute
la religion de l'Ancienne Alliance tout l'Ancien Testa- :

ment un Avent prolongé, dont toutes les prières se


est
résument en cet appel d'Isaïe Emitte Agnum, Domine, :

Dominatorem terme 2 « Envoyez. Seigneur, l'Agneau


.

qui doit régner sur toute la terre que les deux répan- ;

dent leur rosée et nous donnent le juste » Rorate caeli :

desuper, ci mibes plucint justum « Que la terre s'en- ;

I. Act. III. 25. — 2. Hebr. I. 1. — 3. XVI, 1.


LES PRÉPARATIONS DIVINES 119

tr'ouvre et donne son Sauveur » : Aperiatur terra et

germinet Salvatorem ! '

Nous avons admiré combien sont profondes les voies


de la Sagesse divine dans les préparations au mystère
de la venue de l'Homme-Dieu. Et pourtant, ce n'est pas
tout.
Pendant que par une suite de merveilles, elle garde
intactes, chez le peuple choisi, les promesses primitives,
qu'elle les confirme et les développe sans cesse par des
prophéties, pendant qu'elle fait même servir les capti-
vités successivesdu peuple Juif, devenu parfois infidèle,
pour répandre la connaissance de ces promesses jusque
chez les nations étrangères, la Sagesse éternelle dirige
également les destinées de ces nations.
Vous connaissez comment, durant cette longue pé-
riode de plusieurs siècles, Dieu, qui « tient les cœurs
des rois dans sa main ~ » et dont la puissance égale la
sagesse, établit et brise l'un après l'autre les plus vastes
empires. A l'empire de Ninive, qui englobe jusqu'à
l'Egypte, il fait succéder celui de Babylone puis, selon ;

3
qu'Isaïe le prédit, il « appelle son serviteur Cyrus >

roi des Perses, et place entre ses mains le sceptre de


Nabuchodonosor après Cyrus, c'est Alexandre qu'il
;

rend maître des nations en attendant qu'il transporte


;

enfin l'empire du monde à Rome, empire dont l'unité et


la paix serviront les desseins mystérieux de la diffu-
sion de l'Évangile.
Maintenant la « plénitude des temps * » est arrivée :

le péché et l'erreur inondent l'univers l'homme sent ;

enfin la faiblesse où le retient son orgueil tous les peu- ;

ples tendent les bras vers ce libérateur si souvent pro-

i. Hebr. XL Y, S. — 2. Cf. Prov. XXI, t. — 3. Isa. XLV, 1. —


4. Gai. IV, 4.
120 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

mis, si longtemps attendu : Et veniet desideratas candis


gentibas \

Quand cette plénitude est arrivée, Dieu couronne


toutes ses préparations par l'envoi de S. Jean-Baptiste,
le dernier des prophètes, mais qu'il rendra plus grand

qu'Abraham, plus grand que Moïse, plus grand que


tous, ainsi qu'il le déclaralui-même Non sarrexit inter :

natos mulieram major Joanne Baptista \ C'est Jésus-


Christ qui le dit. Pourquoi cela ?
Parce que Dieu veut en faire le héraut par excellence,
le propre précurseur de son Fils bien-aimé Propheta :

Altissimi vocaberis \ Pour rehausser encore la gloire de


ce Fils qu'il va enfin introduire dans le monde, après
l'avoir tant de fois promis, Dieu se plaît à relever la
dignité du Précurseur qui doit témoigner que la lumière
et la vérité ont enfin paru sur la terre Ut testimoniam :

perhiberet de lamine \
Dieu le veut grand parce que sa mission est grande,
parce qu'il a été choisi pour précéder de si près celui
qui doit venir. Pour Dieu, la grandeur des saints se
mesure au rapprochement qu'ils ont avec son Fils Jésus.
Voyez comment il exalte ce Précurseur, afin de mon-
trer encore une fois, par l'excellence de ce dernier pro-
phète, quelle est la dignité de son Verbe. Il le choisit
dune race particulièrement sainte c'est un ange qui ;

annonce sa naissance, impose le nom qu'il doit porter,


marque l'étendue et la grandeur de sa mission
Dieu le ;

sanctifie dans mère il fait éclater des pro-


le sein de sa ;

diges autour de son berceau au point que les heureux


témoins de ces merveilles se demandent tout étonnés :

Que sera cet enfant B


? »
Plus tard, la sainteté de Jean apparaîtra si grande
que les Juifs viendront lui demander s'il est le Christ at-

i. Agi>. Il, s. — 2. Matth. XI, ii cf. Luc. VII, 28. — 3. Luc.


1, 76. — 4. Joan. I. 8. — 5. Luc I.
;

66.
LES PRÉPARATIONS DIVINES 121

tendu. Mais
lui, si prévenu des faveurs divines, proteste

qu'il n'est envoyé que pour être la voix qui crie « Pré- :

parez le chemin au Seigneur, car il va venir ». *

Les autres prophètes n'ont vu le Messie que de loin ;

lui, le désignera du doigt et en des termes si clairs que

tous les cœurs sincères les comprendront « Voici l'A- :

gneau de Dieu », voici celui qui est l'objet de tous les


désirs de la race humaine, parce qu'il doit effacer les
péchés du monde Ecce Agnus Dei \ « Vous ne le con-
:

naissez pas encore, quoiqu'il soit au milieu de vous » :

Médius vestrum stetit quem vos nescitis ; « il est plus


grand que moi, car il était avant moi il est si grand que ;

je ne suis pas même digne de délier la courroie de sa


chaussure si grand, que j'ai vu l'Esprit descendre du
;

ciel comme une colombe et se reposer sur lui je l'ai vu, ;

et je rends témoignage que c'est lui qui est le Fils de


Dieu z ». Que dira-t-il encore ? « Il vient du ciel il est ;

au-dessus de tous et ce qu'il a vu et entendu, il en


;

rend témoignage celui que Dieu a envoyé dit les pa-


;

roles de Dieu, parce que Dieu ne lui donne pas son Es-
prit avec mesure le Père aime le Fils et il a remis
;

toutes choses entre ses mains. Celui qui croit au Fils a la


vie éternelle, celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas
4
la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui ».

Ce sont là les dernières paroles du Précurseur. C'est


par elles qu'il achèvera de préparer les âmes à recevoir
le Messie. En effet, quand le Verbe incarné, qui seul
peut dire les paroles d'en haut parce qu'il est toujours
in sinu Patris \ commencera sa mission publique de
Sauveur, Jean disparaîtra il ne rendra plus témoi-
;

gnage à la Vérité que par l'effusion de son sang.


Le Christ, qu'il a introduit, est enfin venu il est cette ;

lumière à laquelle Jean rendait témoignage, et tous ceux


qui croient à cette lumière ont la vie éternelle. C'est à

i. Joan. I, 23.— 2. Ibid. I, 29. — 3. Tbid. I, .26-27, 32 et 34.


— 4. Ibid. III, 31 sq. — 5. Ibid. I, 18.
i'2'2 LE CHRIS I DANS SES MYSTÈRES

lui seuldésormais qu'il faudra dire « Seigneur, à qui :

irons-nous ? Vous seul possédez les paroles de vie ».

III

Nous avons, nous, le bonheur de croire à cette lu-


mière qui doit désormais « illuminer tout homme venant
z
en ce monde » nous vivons encore dans la bienheu-
;

reuse < plénitude des temps » nous ne sommes pas ;

privés, comme les Patriarches, de voir le règne du Mes-


sie. Si nous ne sommes pas de ceux qui ont contemplé

le Christ en personne, entendu ses paroles, qui l'ont vu


passer partout en faisant le bien, nous avons le bon-
heur insigne d'appartenir à « ces nations dont David a
chanté qu'elles seraient l'héritage du Christ ».
Et cependant, l'Esprit-Saint qui dirige l'Église et est
l'auteur premier de notre sanctification, veut que cha-
que année l'Église consacre une période de quatre se-
maines à rappeler le souvenir de l'étonnante durée des
préparations divines, et mette tout en œuvre pour recon-
stituer nos âmes dans les dispositions intérieures où
vivaient les Juifs fidèles attendant la venue du Messie.
Vous me direz peut-être tout de suite « Cette prépa- :

ration à la venue du Christ, ces désirs, cette attente,


tout cela était excellent pour les âmes des justes vivant
sous l'Ancien mais maintenant que le
Testament ;

Christ est pourquoi encore cette attitude qui


venu,
semble ne pas correspondre à la vérité » ?

La raison en est multiple.


D'abord Dieu veut être loué et béni dans toutes ses
œuvres.
Toutes, en effet, sont marquées de sa sagesse infinie :

z
Omnia in sapicntia fecistî : toutes sont admirables,

i. Joan. VI. 69. — 2. Tbid. I, 9. — 3. Ps. CIII, 24.


LES PRÉPARATIONS DIVINES 123

aussi bien dans leurs préparations que dans leur réali-


sation. Cela est surtout vrai de celles qui ont pour but
direct la gloire de son Fils, car «la volonté du Père est
que son Fils soit exalté à jamais * ». Dieu veut que nous
admirions ses opérations, que nous lui rendions des ac-
tions de grâces d'avoir ainsi préparé, avec tant de sa-
gesse et de puissance, le règne de son Fils parmi nous :

nous entrons dans les pensées divines, lorsque nous


nous remémorons les prophéties et les promesses de
l'Ancienne Alliance.

Ensuite Dieu veut que nous trouvions dans ces pré-


parations une confirmation de notre foi.
S'il a donné tant de signes, si divers et si précis, des
prophéties si nombreuses et si claires, c'est pour que
nous reconnaissions comme son Fils celui qui les a réa-
lisées en sa personne.
Voyez comment, dans l'Évangile, Notre-Seigneur lui-
même invitait ses à cette contemplation.
disciples
1
Scrutamini Scripturas, « Scrutez les Écritures », leur
disait-il —
« les Écritures », c'était alors les livres de
l'Ancien Testament —
scrutez-les, vous les verrez
;

remplies de mon nom car « il faut que s'accomplisse


;

tout ce qui a été écrit de moi dans les psaumes et les


prophètes » Necesse est impleri omnia quae scripta
:

sunt in prophetis et psalmis de me 3 Nous l'entendons .

encore au lendemain de sa résurrection expliquer aux


disciples d'Emmaus, pour affermir leur foi et dissiper
leur tristesse, ce qui le concernait dans toutes les Écri-
tures, « en commençant par Moïse, et en parcourant
tous les prophètes » Et incipiens a Moyse et omnibus
:

prophetis, interpreîabatur illis in omnibus scripturis


quae de ipso étant \ —
Quand donc nous lisons les pro-
phéties que l'Église nous propose durant l'Avent, disons,

i. Cf. Joan. XII, 28. — 2. Ibid. V, 39. — 3. Luc. XXIV, 44. —


4. Ibid, 27.
1 '1k LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

dans la plénitude de notre premiers dis- foi, comme les


ciples de Jésus : « Nous avons trouvé
que les pro- celui
phètes ont annoncé ». Répétons-le au Christ Jésus lui-
'

même « Oui, vous êtes vraiment celui qui doit venir


: ;

nous le croyons et nous vous adorons, vous qui, pour


sauver le monde, avez daigné vous incarner dans le sein
d'une vierge » Tu ad liberandum suscepturus hominem
:

non horruisti virginis uterum \


Cette protession de foi est extrêmement agréable à
Dieu ne nous lassons pas de la réitérer. Comme à ses
;

apôtres, Notre-Seigneur pourra nous dire « Mon Père :

vous aime, parce que vous avez cru que je suis son en-
3
voyé ».

Enfin il existe une troisième raison, plus profonde et


plus intime. Le Christ n'est pas venu plus spécialement
pour les habitants de Judée, ses contemporains, mais
pour nous tous, pour tous les hommes, pour les hommes
de toutes les nations et de tous les siècles ne chantons- ;

nous pas dans le Credo : Propter nos et propter nos-


tram salutem descendit de caelis ? La « plénitude des
temps » n'est pas close encore elle durera aussi long- :

temps qu'il y aura des élus à sauver.


Seulement, c'est à l'Église que le Christ, depuis son
Ascension, a laissé la mission de l'enfanter dans les
âmes. « Vous êtes mes petits enfants, disait S. Paul, l'a-
pôtre du Christ Jésus parmi les nations, je vous enfante
dans le Christ, pour qu'il soit formé en vous 4 ». L'É-
glise, guidée en ceci par l'Esprit-Saint, qui est l'Esprit
de Jésus, travaille à cette œuvre en nous faisant contem-
pler chaque année le mystère de son Époux divin. Car,
je vous l'ai dit en commençant ces entretiens, tout mys-
tère du Christ est vivant c'est non seulement une réa-
:

lité historique dont nous rappelons le souvenir, mais

i. Joan. I, 45. — 2. Hymne Te Deum. — 3. Joan. XVI, 27. —


4. Gai. IV, 19.
LES PRÉPARATIONS DIVINES 125

une solennité qui contient en elle-même une grâce pro-


pre, une vertu spéciale, qui doit nous faire vivre de la
vie même du Christ, dont nous sommes les membres, en
nous faisant partager tous ses états.
Or, l'Église célèbre à Noël la nativité de son Époux
divin, tamquam sponsus procedens de thalamo suo ' ; et
elle veut nous préparer, par les semaines de l'Avent, à
la grâce de la venue du Christ en nous. C'est un avène-
ment tout intérieur, mystérieux, qui se fait dans la foi,
mais plein de fécondité.
Le Christ est déjà en nous par la grâce sanctifiante
qui nous fait naître enfants de Dieu, cela est vrai mais ;

l'Église veut que cette grâce se renouvelle, que nous vi-


vions d'une nouvelle vie, plus affranchie du péché, plus
dégagée des imperfections, plus libre de toute attache
à nous-mêmes et à la créature Ut nos Unigeniti tui
:

nova per carne m nativitas liber et quos sub peccati jugo


2
vetusta servitus tenet ; elle veut surtout nous faire
comprendre que le Christ, en échange de l'humanité
qu'il nous emprunte nous donnera part à sa divinité, et
opérera en nous une prise de possession plus complète,
plus entière, plus parfaite ce sera comme la grâce
:

d'une nouvelle naissance divine en nous Ut tua gratia:

largiente, per haec sacrosancta commercia, in illius in-


veniamur forma, in quo tecum est nostra substantia *.
C'est cette grâce que le Verbe incarné nous a méritée
par sa naissance à Bethléem mais s'il est vrai de dire
;

qu'il est né, qu'il a vécu et qu'il est mort pour nous
tous Pro omnibus mortuus est Christus *, il est vrai
:

d'ajouter que l'application de ses mérites et la collation


de ses grâces ne se réalise pour chaque âme que dans
la mesure de ses dispositions.
Nous ne participerons aux grâces si abondantes que
la nativité du Christ doit nous apporter qu'en proportion

i.Ps. XVIII, 6. — 2. Oraison de la fête de Noël. — 3. Secrète


de la messe de minuit. — 4. II Cor. V, 15.
126 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

de nos dispositions. L'Église le sait parfaitement, et


c'est pourquoi elle ne néglige rien pour produire en nos
âmes cette attitude intérieure que réclame la venue du
Christ en elles. Non seulement, l'Église nous dit par la
bouche du Précurseur « Préparez les voies au Sei-
:

gneur » car « il est proche » Prope est jam Dominus ' ;


mais elle-même, comme une Épouse attentive aux désirs
de son Époux, comme une mère soucieuse du bien de
ses enfants, elle nous suggère et nous donne les moyens
de réaliser cette préparation nécessaire. Elle nous
transporte pour ainsi dire sous l'Ancienne Alliance afin
que nous nous appropriions, mais dans un sens tout sur-
naturel, les sentiments des justes fidèles qui soupiraient
après la venue du Messie.
Si nous nous laissons guider par elle, nos disposi-
tions seront parfaites, et la solennité de la naissance de
Jésus produira en nous tous ses fruits de grâce, de lu-
mière et de vie.

IV

Quelles sont ces dispositions ? — Elles peuvent se


ramener à quatre.
La pureté du cœur. —
Voyez qui était le mieux dis-
:

posé à la venue du Verbe sur la terre ? Sans aucun


doute, la Vierge Marie. Au moment où le Verbe vint en
ce monde, il trouva le cœur de cette vierge parfaitement
préparé, et capable de recevoir les largesses divines
dont il voulait la combler. Et quelles étaient les dispo-
sitions de cette âme ?
Assurément elle les possédait toutes, parfaitement ;

mais il y en a une qui brille d'un éclat tout particulier :

c'est sa virginale pureté. Marie est vierge sa virginité ;

lui est si précieuse qu'elle en fait la remarque à l'ange

i. Invitatoire des matines du 3


e dimanche.
LES PRÉPARATIONS DIVINES 127

quand celui-ci lui propose le mystère de la maternité


divine.
Non seulement mais son âme est sans
elle est vierge,
tache. La
nous révèle que le dessein propre de
liturgie
Dieu en octroyant à Marie le privilège unique de l'im-
maculée conception était de « préparer à son Verbe une
demeure digne de lui » Deus qui per immaculatam Vir-
:

ginis conceptionem dignum Filio tuo HABITACULUM


praeparasti \ Marie devait être la Mère de Dieu ;

et cette éminente dignité réclamait qu'elle fût non seu-


lement vierge, mais que sa pureté surpassât celle des
anges et fût un reflet des splendeurs saintes dans les-
quelles le Père engendre son Fils In splendoribus:

sanctorum \ Dieu est saint, trois fois saint les anges, ;

les archanges, les séraphins chantent cette infinie pu-


3
reté Sanctus, Sanctus, Sanctus Le sein de Dieu, d'un
: .

éclat immaculé, est la demeure naturelle du Fils unique


de Dieu le Verbe est toujours in sinu Patris ; mais en
;

s'incarnant, il a voulu être aussi, par une condescen-


dance ineffable, in sinu Virginis Matris ; il fallait que
le tabernacle que lui offrait la Vierge lui rappelât, par

sa pureté incomparable, l'indéfectible clarté de la lu-


mière éternelle où comme Dieu il vit toujours Christi :

sinus erat in Deo Paire divinitas, in Maria Maire vir-


ginitas \

Voilà la première disposition qui attire le Christ une :

grande pureté. Mais nous, nous sommes pécheurs ;

nous ne pouvons offrir au Verbe, au Christ Jésus, cette


pureté immaculée qu'il aime tant. Qu'est-ce qui la rem-
placera en nous ? —
C'est {'humilité.
Dieu possède en son sein le Fils de ses complaisan-
ces mais il presse aussi sur ce sein un autre fils,
;

l'enfant prodigue. C'est Notre-Seigneur lui-même qui

i. Oraison de la fête de l'Immaculée Conception. —


2. Ps. CIX,
3. — 3. Isa. VI, 3. —
4. Sermo XII, in Append. Operum S. Am-
btosii.
12N LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

nous le dit. Quand, après ses fautes, le prodigue revient


à son père, il s'humilie dans la poussière, il se reconnaît
un misérable, un indigne et tout de suite, sans un re- ;

proche, son père le reçoit dans les entrailles de sa misé-


ricorde Misericordia motus \
:

N'oublions pas que le Verbe, le Fils, ne veut que ce


que veut son Père s'il s'incarne et apparaît sur la
;

terre, c'est pour chercher les pécheurs et les ramener à


son Père Non veni vocare justos sed peccatores *. Cela
:

est si vrai que Notre-Seigneur affectera plus tard, au


grand scandale des pharisiens, de se trouver en com-
pagnie des pécheurs, de s'asseoir à la même table
qu'eux il permettra à Madeleine de lui baiser les pieds
;

et de les arroser de ses larmes.


Si nous n'avons pas la pureté de la Vierge Marie,
demandons du moins l'humilité de Madeleine, l'amour
du repentir et de la pénitence. « O Christ Jésus, je ne
suis pas digne que vous entriez en moi mon cœur ne ;

sera pas pour vous un séjour de pureté, la misère y ha-


bite mais cette misère, je la reconnais, je l'avoue
; ;

venez m'en décharger, ô vous qui êtes la miséricorde


même venez me délivrer, ô vous qui êtes la toute-puis-
;

sance » Veni ad liberandum nos, Domine Deus virtu-


!

tum ! —
Une telle prière, jointe à l'esprit de pénitence,
attire le Christ, parce que l'humilité qui s'abaisse dans
son néant rend par là-même hommage à la bonté et à
la puissance de Jésus Et enm, qui venit ad me, non:

2
ejiciam foras .

La vue de notre infirmité ne doit pas pourtant nous


décourager loin de là. Plus nous sentons notre fai-
;

blesse, plus nous devons ouvrir notre âme à la con-


fiance, parce que le salut ne vient que du Christ.
Pusillanimes, confortamini et nolite timere, ecce Deus

i. Luc XV. 20. — 2. Matth. IX, 13 Marc. II, 17 Luc. V, 32.


— 3. Joan. VI, 37.
; :
LES PRÉPARATIONS DIVINES 129
x
noster veniet et salvabit nos : « Vous qui avez le cœur
troublé, prenez courage, ne craignez point ; voici Dieu,
notre Dieu, qui va venir et qui nous sauvera ». Voyez la
confiance des Juifs dans le Messie. Pour eux, le Messie
était tout il résumait toutes les aspirations d'Israël,
;

tous les vœux du peuple, tous les espoirs de la race le ;

contempler devait rassasier toute ambition, voir l'éta-


blissement de son règne devait combler tous les désirs.
Aussi comme les vœux des Juifs se faisaient confiants
L
et impatients Venez, Seigneur, ne tardez pas »
! « ;

« montrez-nous seulement votre face, et nous aurons le


y
salut » !

Combien plus cela se vérifie-t-il pour nous qui possé-


dons le Christ Jésus, vrai Dieu aussi bien que vrai hom-
me. Oh ! si nous comprenions bien ce que c'est que la

sainte humanité de Jésus, nous aurions en elle une con-


fiance inébranlable en elle résident tous les trésors de
;

science et de sagesse en elle demeure la divinité elle-


;

même ; cet Homme-Dieu,


qui vient à nous, c'est l'Em-
manuel, c'est « Dieu avec nous », c'est notre Frère aîné.
Le Verbe a épousé notre nature, il a pris sur lui nos
infirmités pour expérimenter ce qu'est la souffrance il ;

vient à nous pour nous donner part à sa vie divine ;

toutes les grâces que nous pouvons espérer, il les pos-


sède en plénitude pour nous les octroyer.
Les promesses que, par la voix des prophètes, Dieu
faisait à son peuple pour exciter son désir du Messie,
sont magnifiques. Mais beaucoup de Juifs entendaient
ces promesses au sens matériel et grossier d'un règne
temporel et politique. Les biens promis aux justes qui
attendaient le Sauveur n'étaient que la figure des ri-
chesses surnaturelles que nous trouvons dans le Christ ;

la plupart des Israélites vivaient de symboles terrestres;


nous vivons de la réalité divine, c'est-à-dire de la grâce
i. Communion du III e dimanche de l'A vent, cf. Isa. XXXV, 4.
— 2. Alléluia du IV e dimanche de l'Avent. — 3. Ps. LXXIX.4-
Le Christ dans s-ïs mystères. q
130 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

de Jésus. La liturgie de l'Avent nous parle sans cesse


de miséricorde, de rédemption, de salut, de délivrance,
de lumière, d'abondance, de joie, de paix. « Voici que le
Seigneur va venir au jour de sa naissance le monde
;

1
sera inondé de lumière exulte donc de joie, ô Jérusa-
;

2
lem, car ton Sauveur va apparaître » « la paix rem-
;

plira notre terre lorsqu'il se montrera 3 ». Toutes les


bénédictions qui peuvent combler une âme, le Christ les
apporte avec lui Cum Mo omnia nobis donavit \
:

Laissons donc aller nos cœurs à une confiance abso-


lue en celui qui doit venir. C'est nous rendre très agréa-
bles au Père que de croire que son Fils Jésus peut tout
pour la sanctification de nos âmes. C'est proclamer par
là que Jésus est son égal, et que le Père « lui a tout
donné 3 ». Aussi une telle confiance ne peut-elle être
trompée. Dans la messe du premier dimanche de l'Avent»
l'Église nous en donne jusqu'à trois fois la ferme assu-
rance « Ceux qui vous attendent, Seigneur, ne seront
:

pas confondus », Qui te exspectant non confundentur.


Cette confiance s'exprimera surtout en désirs ardents
de voir le Christ venir en nous pour y régner davantage:
Adveniat regnum tnum ! —
Ces désirs, la liturgie nous
les formule. En même temps qu'elle place sous nos yeux
et nous fait relire les prophéties, surtout celles d'Isaïe,
l'Église met sur nos lèvres les aspirations et les soupirs
des anciens justes. Elle veut nous voir préparés à la
venue du Christ dans nos âmes tout comme Dieu vou-
lait que les juifs fussent disposés à recevoir son Fils :

8
« Envoyez, Seigneur, celui que vous avez promis .

Venez, Seigneur, venez remettre les péchés de votre


7
peuple Seigneur, manifestez votre miséricorde et
!

8
faites apparaître l'auteur de notre salut Venez nous!

i. Antienne des Laudes du I er dimanche de l'Avent. — 2. An-


tienne des Laudes du e dimanche
-*
de l'Avent. — 3. Répons des
Matines du 3 e dimanche de l'Avent. — 4. Rom. VIII, 32. —
5. Joan. III, 35. —6. Gen. XLIX, 8. — e
7. Alléluia du 4 diman-
che de l'Avent. —
8. Offertoire du 2 e dimanche de l'Avent.
LES PRÉPARATIONS DIVINES 131

délivrer, Seigneur, Dieu tout-puissant ! Excitez votre


puissance, et venez » !

L'Église nous fait sans cesse répéter ces aspirations;


faisons-les nôtres, approprions-les nous avec foi, et le
Christ Jésus nous enrichira de ses grâces.
Sans doute, vous le savez, Dieu est maître de ses
dons il est souverainement libre, et nul ne peut lui
;

demander compte de ses préférences mais, dans la ;

conduite ordinaire de sa Providence, « il est attentif aux


supplications des humbles qui lui exposent leurs be-
soins » Desiderium pauperum exaudivit Do minus
2
: Le .

Christ se donne dans la mesure du désir que nous avons


de le recevoir et « les désirs augmentent la capacité de
;

l'âme qui les exprime » Dilata os tuum, et implebo


:

illud \

Si donc nous voulons que la célébration de la Nati-


vité du Christ procure une grande gloire à la sainte
Trinité, qu'elle soit une consolation pour le cœur du
Verbe incarné, une source d'abondantes grâces pour
l'Église et pour nous, cherchons à purifier nos cœurs,
gardons une humilité pleine de confiance, et surtout,
dilatons nos âmes par l'ampleur et la véhémence de
nos désirs.
Demandons aussi à la Vierge Marie de nous faire
participer aux sentiments qui l'animaient durant les
jours bénis qui précédèrent la naissance de Jésus.
L'Église a voulu —
et quoi de plus juste ? que sa —
pensée remplît la liturgie de l'Avent sans cesse, elle
;

nous fait chanter la « divine fécondité d'une vierge, fé-


condité admirable qui jette la nature dans l'étonne-
ment » Tu quae genuisti, natura mirante, tuum sanc-
:

tum genitorem, virgo prius ac posterius \


Le sein virginal de Marie était un sanctuaire imma-
i. —
Oraison du 4 e dimanche de l'Avent. 2. Ps. IX, 17. — 3. Ps.
LXXX, 11. — 4. Antienne Aima Redemptoris Mater.
32 LE CHKIST DANS SES MYSTERES

culé où elle faisait monter l'encens très pur de son ado-


ration et de ses hommages.
C'est quelque chose de véritablement ineffable que la
vie intérieure de la Viergedurant ces jours. Elle vivait
dans une union intime avec l'enfant-Dieu qu'elle portait
dans son sein. L'âme de Jésus était, par la vision béati-
fique, plongée dans la lumière divine cette lumière
;

rayonnait sur sa mère aux yeux des anges, Marie ap-


;

paraissait vraiment comme « la femme revêtue du so-


leil » Millier amicta sole \ toute irradiée des clartés
:

célestes, toute brillante des rayons de la lumière de son


Fils. Comme ses sentiments étaient à la hauteur de sa
foi ! Comme elle récapitulait bien en elle, —
mais en les
dépassant, en leur conférant, par la pureté et l'intensité
des mouvements de son âme, une valeur qu'ils n'avaient
jamais atteinte, —toutes les aspirations, tous les élans,
tous les vœux de l'humanité attendant son Sauveur et
son Dieu Quelle sainte ardeur dans ses désirs Quelle
! !

assurance inébranlable dans sa confiance Quelle fer- !

veur dans son amour •...


Elle est, cette humble vierge, la reine des patriarches,
puisqu'elle est de leur lignée sainte, et que l'enfant
qu'elle doit mettre au monde est le fils qui résume en
sa personne toute la magnificence des antiques pro-
messes.
Elle est aussi la reine des prophètes, puisqu'elle en-
fantera le Verbe par qui parlaient tous les prophètes,
puisque son Fils accomplira toute prophétie et qu'il an-
noncera lui-même à tous les peuples « la bonne nou-
2
velle de la rédemption ».

Demandons-lui humblement de nous faire entrer dans


ses dispositions. Elle écoutera notre prière nous au- ;

rons l'immense joie de voir le Christ naître de nouveau


dans nos cœurs par la communication d'une grâce plus
abondante, et nous pourrons, comme la Vierge, quoique

Apoc. XII, 2. Luc IV, 19.


LES PRÉPARATIONS DIVINES 133

dans une moindre mesure, goûter la vérité de ces pa-


roles de S. Jean « Le Verbe était Dieu... Et le Verbe
:

s'est fait chair, et il a habité parmi nous nous l'avons


;

vu plein de grâce, et à sa plénitude nous avons puisé


tous, — grâce sur grâce J
».

I. joan. I, 14 et 16.
VII. — O ADMIRABILE COMMERCIUM !

(Temps de Noël)

{Sommaire. — Le mystère de l'Incarnation se ramène à un


admirable échange entre la divinité et l'humanité. —
I. Premier acte de l'échange le Verbe éternel nous
:

demande une nature humaine pour se l'unir par une


union personnelle: Creator... animatum corpus sumens.
— il. Deuxième acte de cet échange en s'incarnant,
:

le Verbe nous apporte, en retour, une participation à

sa divinité :Largitus est nobis suam deitatem. —


III. Cet échange nous apparaît plus admirable encore
par la manière dont il s'opère. L'Incarnation rend Dieu
visible pour que nous puissions l'écouter et l'imiter. —
IV. Elle rend Dieu passible, capable d'expier nos pé-
chés par ses souffrances et de nous guérir par ses
abaissements. —
V. Nous devons participer à cet échan-
ge par la foi « Ceux qui ont reçu le Verbe fait chair
:

en croyant en lui ont le pouvoir de devenir enfants


de Dieu ».

La venue du Fils de Dieu sur la terre est un événe-


ment si considérable que Dieu a voulu le préparer pen-
dant des siècles rites et sacrifices, figures et symboles,
;

ilfait tout converger vers le Christ il le prédit, l'an-


;

nonce par la bouche de prophètes qui se succèdent de


générations en générations.
Voici qu'à présent c'est le Fils même de Dieu qui
vient nous instruire Multifariam multisque modis olim
:

Deus loquens patribus... novissime locutus est


O ADMIRABLE ECHANGE ! 135

nobis in Filio \ Car le Christ n'est pas seulement né


pour les Juifs de Judée qui vivaient de son temps c'est ;

pour nous tous, pour tous les hommes, qu'il est des-
cendu du ciel Propter nos et propter nostram salutem
:

descendit de caelis. La grâce qu'il a méritée par sa nati-


vité, il veut la distribuer à toutes les âmes.
C'est pourquoi l'Église, guidée par l'Esprit-Saint,
s'est approprié, pour les mettre sur nos lèvres et en rem-
plir notre cœur, les soupirs des patriarches, les aspira-
tions des anciens justes, les vœux du peuple choisi elle :

veut nous préparer à l'avènement du Christ, comme si


cette nativité allait se renouveler sous nos yeux.
Aussi voyez comment, quand elle commémore la
venue de son Époux divin sur la terre, elle déploie la
splendeur de ses pompes, comment elle fait briller
l'éclat des lumières pour célébrer la naissance du
2 3
« Prince de la Paix », du « Soleil de justice », qui se
lève « au milieu de nos ténèbres afin d'éclairer tout
homme 4 » venant en ce monde elle accorde à ses prê- ;

tres le privilège, presque unique dans l'année, d'offrir


trois fois le saint sacrifice de la messe.
Ces fêtes sont magnifiques, elles sont aussi pleines de
charme l'Église évoque le souvenir des anges qui chan-
:

tent dans les airs la gloire du nouveau-né des bergers, ;

âmes simples, qui viennent l'adorer à la crèche des ;

mages qui accourent de l'Orient pour lui rendre leurs


adorations et lui offrir de riches présents.
Et pourtant, comme toute fête ici-bas, cette solennité,
même avec le prolongement de son octave, est éphé-
mère elle passe. Était-ce donc pour une fête d'un jour,
;

si splendide soit-elle, que l'Église réclamait de nous une


si longue préparation ? Non certes — Pourquoi dès ! —
lors ? — Parce contemplation de ce
qu'elle sait que la
mystère contient pour nos âmes une grâce de choix.

I. Hebr. I, 1-2. — 2. Isa. IX. 6. — 3. Malach. IV, 2. —


4. Joan. I, 5, 9.
136 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Je vous ai dit au commencement de ces entretiens,


que tout mystère du Christ ne constitue pas seulement
un fait historique qui s'est réalisé dans ie temps, mais
contient une grâce propre dont nos âmes doivent se
nourrir pour en vivre.
Or, quelle est la grâce intime du mystère de la Nati-
vité ? Quelle est cette grâce à la réception de laquelle
l'Église prend tant de soin de nous disposer ? Quel est
le fruit que nous devons recueillir de la contemplation

du Christ enfant ?
L'Église nous l'indique elle-même, à la première
messe, celle de minuit. Après avoir offert le pain et le
vin qui vont, dans quelques instants, être changés, par
la consécration, au corps et au sang de Jésus-Christ,
elle résume ses vœux en cette prière « Daignez agréer, :

Seigneur, l'oblation que nous vous présentons dans la


solennité d'aujourd'hui, et faites par votre grâce qu'au
moyen de cet échange saint et sacré, nous devenions
participants de cette divinité à laquelle, par le Verbe,
notre substance humaine est unie ». '

Nous demandons d'avoir part à cette divinité à la-


quelle est unie notre humanité. C'est comme un échange
qui se produit Dieu prend, en s'incarnant, notre nature
:

humaine il nous donne, en retour, une participation à


;

sa nature divine.
Cette pensée, si concise dans sa forme, est plus expli-
citement exprimée au même endroit de la seconde
messe « Faites, Seigneur, que nos offrandes soient
:

conformes aux mystères de la nativité que nous chan-


tons aujourd'hui, afin que comme l'enfant qui vient de

I. Accepta tibi sit, Domine, quaesumus, hodiernae festivitatis


oblatio : ut tua gratia largiente, per haec sacrosancta commcrcia m
in illius inveniamur forma, in quo tecum est nostra substantia.
Secrète de la messe de minuit. Le mot forma est pris ici dans le
s^-nsde «nature», ((condition», natura, comme dans le texte de
S. Paul : Christus cum in forma Dei esset... exinanivit semetipsum
formam servi accipiens et habita inventas ut homo.
O ADMIRABLE ÉCHANGE ! 137

naître dans la nature humaine se manifeste également


Dieu, ainsi cette substance terrestre (qu'il s'unit) nous
communique ce qui en lui est divin ' ».
Être rendus participants de la divinité à laquelle
notre humanité a été unie dans la personne du Christ, et
recevoir ce don divin par cette humanité même, telle —
est la grâce attachée à la célébration du mystère de ce
jour.
Vous le voyez donc un échange humano-divin:
; c'est
l'enfant qui naît aujourd'hui est en même temps Dieu,
et la nature humaine que Dieu nous emprunte doit ser-
vir d'instrument par lequel il nous communiquera sa
divinité Sicut homo genitus idem refulsit et Deus, SIC
:

NOBIS haec terrena substantiel CONFERAT quod Divi-


num est. Nos offrandes seront « conformes aux mys-
tères signifiés par la naissance de ce jour », si par —
la contemplation de l'œuvre divine à Bethléem et la ré-
ception du sacrement eucharistique, —
nous participons
à la vie éternelle que le Christ veut nous communiquer
par son humanité.
« O admirable échange, chanterons-nous au jour de
l'octave, le Créateur du genre humain, revêtant un corps
et une âme, a daigné naître d'une vierge, et, apparais-
sant ici-bas comme homme, nous a fait part de sa divi-
nité » :O admirabile commercium ! CREATOR generis
humani, ANIMATUM CORPUS SUMENS, de virgine nasci
dignatus est ; et procedens homo sine semine, LARGI-
TUS EST NOBIS SUAM DEITATEM '.
Arrêtons-nous donc quelques instants à admirer, avec
l'Église, cet échange entre la créature et le Créateur,
entre le ciel et la terre, échange qui constitue tout le
fond du mystère de la nativité. Considérons quels en
sont les actes et la matière —
sous quelle forme il se
;

i. Munera nostra, quaesumus, Domine, nativitatis hodiernae


mysteriis apta proveniant, ut sicut homo genitus idem refulsit et
Deus, sic nobis haec terrena substantia conférât quod divinum est.
Secrète de la messe de l'aurore. —
2. Antienne de l'octave de Noël.
13S LE CHRIST DANS SKS xMYSTERKS

réalise ;
— nous verrons ensuite quels fruits en dérivent
pour nous, — à quoi cela nous engage.
et

Transportons-nous à la grotte de Bethléem regar- ;

dons l'enfant couché dans la crèche. Qu'est-il aux yeux


d'un profane, d'un habitant de la petite cité que le ha-
sard amènerait là après la naissance de Jésus ?
Ce n'est qu'un enfant qui vient de naître ; il tient la
vie d'une femme de Nazareth ; c'est un fils d'Adam
comme nous, car ses parents se sont fait inscrire sur les
registres du recensement ; on peut suivre les détails de
sa généalogie, d'Abraham à David, de David à Joseph
et à sa mère. — Mais ce n'est qu'un homme, ou plutôt
il deviendra homme car, à présent, il n'est qu'un en-
;

fant, un faible enfant dont un peu de lait entretient la


vie.
Voilà ce qu'apparaît aux sens ce petit être étendu sur
la paille.Bien des Juifs n'ont rien vu d'autre en lui.
Vous entendrez plus tard ses compatriotes, étonnés de
sa sagesse, se demander où il a pu la puiser car, à ;

leurs yeux, il n'a jamais été que « le fils d'un charpen-


tier t> : Nonne hic est fabri filius... '
?

Mais aux yeux de la foi, une vie plus haute que la vie
humaine anime cet enfant il possède la vie divine. Que :

nous dit, en effet, la foi à son sujet ? Quelle révélation


nous donne-t-elle ?
La foi nous dit, d'un mot, que cet enfant est le propre
Fils de Dieu. Il seconde personne de
est le Verbe, la
l'adorable Trinité, de son Père la
il est le Fils qui reçoit
vie divine, par une communication ineffable Sicut :

Pater habet vitam in semetipso, sic dédit et Filio habere

i. Matth. XII J. 55; cf. Marc. VI, 3; Luc. IV, 2z.


O ADMIRABLE ÉCHANGE! 139

vitam in semetipso \ Il possède la nature divine, avec


toutes ses perfections infinies. Dans les splendeurs des
cieux, in splendoribus sanctorum \ Dieu engendre ce
Fils par une éternelle génération.
C'est à cette filiation divine du Christ dans le sein du
Père que s'adresse tout d'abord notre adoration c'est ;

elle que nous exaltons dans la messe de minuit. A l'au-


rore, le saint sacrifice célébrera la nativité du Christ
selon la chair, sa naissance, à Bethléem, de la Vierge
Marie enfin la troisième messe honorera l'avènement
;

du Christ dans nos âmes.


La messe de la nuit, tout enveloppée de mystère, dé-
bute par ces paroles pleines de gravité Dominus dixit :

ad me : Filius meus es tu, ego hodie genui te \ C'est là


le cri qui s'échappe de l'âme du Christ unie à la per-
sonne du Verbe, et qui révèle à la terre pour la pre-
mière fois ce qu'entendent les cieux de toute éternité :

« Le Seigneur m'a dit Tu es mon Fils, je t'ai engendré


:

aujourd'hui ». Cet « aujourd'hui », c'est d'abord le jour


de l'éternité, jour sans aurore ni déclin.
Le Père céleste contemple maintenant son Fils incar-
né. Le Verbe, pour s'être fait homme, n'en reste pas
moins Dieu devenu fils de l'homme, il demeure Fils de
;

Dieu. Le premier regard qui se repose sur le Christ, le


premier amour dont il est entouré, c'est le regard et
l'amour de son Père Diligit me Pater \ Quelle contem-
:

plation et quel amour Le Christ est le Fils unique du


!

Père c'est là sa gloire essentielle il est égal et « con-


; ;

substantiel au Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière ».


« Par lui toutes choses ont été faites et rien n'a été fait
sans lui ». « C'est par ce Fils que les siècles ont été
créés il soutient toutes choses par la puissance de sa
;

parole. C'est lui qui, à l'origine, tira la terre du néant,


et les cieux sont l'ouvrage de ses mains ils vieilliront ;

i. Joan. V, 26. — 2. Ps. CIX. 3. — 3. Introït de la messe de


minuit. 4. Joan.— XV, 9.
\ ÏO LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

comme un vêtement, ils seront changés comme un man-


teau mais lui, il est toujours le même, et ses années
;

sont éternelles ' » !

Et ce « Verbe s'est fait chair ». Et Verbum caro fac-


ium est.
Adorons ce Verbe incarné pour nous Cliristus natus :

est nobis, venite adoremus... Un Dieu nous emprunte


'

notre humanité conçu par l'opération mystérieuse de


:

l'Esprit-Saint dans le sein de Marie, le Christ est engen-


dré de la plus pure substance du sang de la Vierge, et
la vie qu'il tient d'elle le rend semblable à nous Crea- :

tor generis humani de virgine nasci dignatus est, et


procedens homo sine semine.
Voilà ce que nous dit la foi cet enfant est le Verbe
:

de Dieu incarné c'est le créateur du genre humain,


:

devenu homme. Creator generis humani ; s'il lui faut un


peu de lait pour se nourrir, c'est de sa main que les
oiseaux du ciel reçoivent leur pâture :

Parvoque lacté pastus est


Per quem nec aies esurit a .

Contemplez cet enfant couché dans la crèche les ;

yeux fermés, il dort, il ne manifeste pas au dehors tout


ce qu'il est en apparence, il n'est semblable qu'à tous
;

les enfants et pourtant en ce moment, en tant que


;

Dieu, en tant que Verbe éternel, il jugeait les âmes qui


paraissaient devant lui. « Comme homme, il est couché
sur la paille comme Dieu, il soutient l'univers et règne
;

dans les cieux » :'Jacet in praesepio et in caelis régnât 4 .

Cet enfant qui va commencer de croître, Puer cresce-


bat... et proficiebat aetate'% est celui qui est éternel et
« dont la nature divine ne connaît pas de changement »:

i. Hebr.Epître de la messe du jour.


I, —
2. Invitatoire des Ma-
tines de Nocl. —
3. Hymne des Laudes de Noël.— 4. XII^ ré]x>ns
drs Matines du dimanche de l'octave de Noël. —
g, Luc. II, 40, 52.
O ADMIRABLE ÉCHANGE ! 141

Tu idem ipse es, et anni tui non déficient. Celui qui est
né dans le temps avant tous les
est aussi celui qui est
temps ;
manifeste aux bergers et aux pas-
celui qui se
teurs de Bethléem est celui qui, de rien, a créé les na-
tions, « devant qui elles sont comme si elles n'étaient
pas 1 » :

Palamque fit pastoribus


2
Pastor creator omnium .

Ainsi, vous aux yeux de la foi, il y a deux


le voyez :

vies en cet enfant deux vies indissolublement unies


;

d'une manière ineffable, car la nature humaine appar-


tient au Verbe, d'une appartenance telle qu'il n'y a
qu'une seule personne, celle du Verbe, qui soutient, de
sa propre existence divine, la nature humaine.
Sans doute elle est parfaite, cette nature humaine :

3
perfectus homo : rien de ce qui touche à son essence
ne lui manque. Cet enfant a une âme comme la nôtre ;

un corps semblable au nôtre; des facultés: intelligence,


volonté, imagination, sensibilité, comme les nôtres :

c'est bien l'undes nôtres dont l'existence va se révéler,


pendant trente-trois ans, bien authentiquement hu-
maine. Seul, le péché lui sera inconnu Debuit per om- :

nia fratribus similari...* absque peccaio". Parfaite en


elle-même, cette nature humaine gardera son activité
propre, sa splendeur native. Entre ces deux vies du
Christ —
la divine, qu'il possède toujours par sa nais-
sance éternelle dans le sein du Père l'humaine, qu'il a ;

commencé de posséder dans le temps par son incarna-


tion dans le sein d'une Vierge, il n'y a ni mélange —
ni confusion. Le Verbe, en devenant homme, reste ce
qu'il est ce qu'il n'était pas, il l'emprunte à notre race;
;

mais le divin en lui n'absorbe pas l'humain, l'humain


i. Isa. XL, 17. — 2. Hymne des Laudes de Noël. — 3. Symbole
attribué à S. Athanase. — 4. Hebr. H, Z7. — 5. Ibid." tV, 15.
142 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

n'amoindrit pas le divin. L'union est telle, comme je


vous l'ai dit souvent, qu'il n'y a pourtant qu'une seule
personne —la personne divine, —
et que la nature
humaine appartient au Verbe, est l'humanité propre du
Verbe Mirabile mysterium declaratur hodie : innovan-
:

tur naturae, Deus homo factus est ; id quod fuit per-


mansit et quod non erat assumpsit, non commixtionem
passus neque divisionem \

II

Voilà donc, si je puis ainsi m'exprimer, l'un des actes


de l'échange Dieu nous emprunte notre nature pour se
:

l'unir dans une union personnelle.


Quel est l'autre acte ? Que va nous donner Dieu en
retour ? Non pas qu'il nous doive quelque chose Bono- :

rum meorum non eges 2 ; mais, comme il fait tout avec


sagesse, il n'a pu revêtir notre nature sans un motif
pleinement digne de lui.
Ce qu'en retour, le Verbe incarné donne à l'humanité,
c'est un don incompréhensible c'est une participation,
;

réelle et intime, à sa nature divine Largitus est nobis


:

suam deitatem. En échange de l'humanité qu'il nous


emprunte, le Verbe incarné nous fait part de sa divinité,
il nous rend participants de sa nature divine. Et c'est

ainsi que s'accomplit l'échange le plus admirable qui se


puisse célébrer.
Sans doute, comme vous le savez, cette participation
avait déjà été offerte et donnée, dès la création, à
Adam, premier homme le ; don de la grâce avec tout le
cortège splendide de ses privilèges rendait Adam sem-
blable à Dieu. Mais le péché du premier homme, chef
du genre humain, a détruit et rendu impossible du côté
de la créature cette participation inouïe.
C'est pour la rétablir que le Verbe s'est incarné, c'est

i. Antienne des Laudes de l'octave de Noël. — 2. Ps. XV, 2.


O ADMIRABLE ÉCHANGE 1
. 143

pour nous rouvrir la route du ciel et nous rendre part à


sa vie éternelle que Dieu s'est fait homme. Car cet en-
fant, étant le propre Fils de Dieu, possède la vie divine,
comme son Père, avec son Père en cet enfant, « la ;

plénitude de la divinité habite corporelîement * » en :

2
lui sont « amassés les trésors de la divinité ». Mais il

ne les possède pas pour lui seul il désire infiniment:

nous communiquer ia vie divine qu'il est lui-même Ego :

sum vita 3 ; c'est pour cela qu'il vient Ego veni UT :

vitam habeant \ C'est pour nous qu'un enfant est né ;

c'est à nous que le Fils est donné Puer natus est :

5
nobis et Filins datus est nobis En nous faisant par-
.

ticiper à sa qualité de Fils, il nous rendra enfants de


Dieu. « Lorsque est venue la plénitude des temps, Dieu
a envoyé son Fils, formé d'une femme, afin de nous
6
conférer l'adoption divine ». Ce que le Christ est par
nature, c'est-à-dire Fils de Dieu, nous le serons par la
grâce le Verbe incarné, le Fils de Dieu fait homme doit
;

devenir l'auteur de notre génération divine Natus :

hodie Salvator mundi divinae nobis generationis est


7
auctor En sorte que, bien qu'il soit le Fils unique, il
.

deviendra le premier-né d'une multitude de frères ut :

8
sit IPSE PRIMOGENITUS in multis f rat ri bus .

Tels sont les deux actes de l'échange admirable que


Dieu réalise entre nous et lui il nous emprunte notre
:

nature pour nous communiquer sa divinité il prend ;

une vie humaine pour nous donner part à sa vie divine ;

il se fait homme pour nous rendre dieux Factus est :

Deus homo, ut homo fieret Deus 9 Et sa naissance hu- .

maine devient le moyen de notre naissance à la vie di-


vine.

Col. II, 9.
i. —
2. Cf. Ibid., 3. —
3. Joan. XIV, 6. 4. Ibid. —
X, —
5. Jntroit de la messe du jour.
10. —
6. Gai. IV, 4-5. —
7. Postcommunion de la messe du jour de Noël. 8. Rom. VIII, —
29- —
9- Sermon attribué à S. Augustin, n° CXXVIII à l'appen-
dice de ses Œuvres.
144 LE CHRIST DANS SKS MYSTERES

En nous aussi, il y aura désormais deux vies. —


L'une, naturelle, que nous tenons de notre naissance
selon la chair, mais qui, aux yeux de Dieu, par suite de
la faute originelle, est non seulement sans mérite, mais,
avant le baptême, souillée dans son fond qui nous rend ;

ennemis de Dieu, dignes de sa justice : nous naissons


filii irae \ — L'autre, surnaturelle, infiniment au-dessus
des droits et des exigences de notre nature. C'est elle
que Dieu nous communique par sa grâce, après que le
Verbe incarné nous l'a méritée.
Dieu nous engendre à cette vie par son Verbe et l'in-
fusion de son Esprit, dans la fontaine baptismale Ge- :

nuit nos Verbo veritatis... ' Per lavacrum regenerationis


et renovationis Spiritus sancti " ; c'est une vie nouvelle
qui se surajoute, en la dépassant, en la couronnant, à
notre vie naturelle In Christo nova creatura \ Elle
:

nous rend enfants de Dieu, frères de Jésus-Christ,


dignes de partager un jour sa béatitude et sa gloire.
De ces deux vies, en nous comme dans le Christ, c'est
la divine qui doit dominer, encore que dans le Christ
enfant elle ne se manifeste point encore, et qu'en nous
elle demeure toujours voilée sous les dehors grossiers
de l'existence ordinaire. C'est la vie divine de la grâce
qui doit régir et gouverner, mais aussi rendre agréable
au Seigneur, toute notre activité naturelle, divinisée
ainsi par sa racine.
Oh si la contemplation de la naissance de Jésus et
î

la participation à ce mystère par la réception du pain


de vie nous amenaient à en finir, une bonne fois, avec
tout ce qui détruit ou amoindrit la vie divine en nous :

avec le péché, dont le Christ vient nous délivrer Cujus :

nativitas humanam repulit vetustatem ° ; avec toute in-


fidélité, toute imperfection et toute attache à la créa-

i. Eph. II, 3. —2. Jac. I, 18. — 3. Tit. III, 5. Epître de la


messe de l'aurore. — 4. II Cor. V, 17; Gai. VI, 15. — 5. Post-
communion de la messe de l'aurore.
1 15

ture,avec le souci déréglé des choses qui passent Ab- :

negantes saecularia desideria \; avec les préoccupations


mesquines de nos vains amours-propres !...
Si elles nous amenaient à nous donner à Dieu entière-
ment, comme nous l'avons promis au jour du baptême,
quand nous naissions à la vie divine à nous livrer à ;

l'accomplissement plénier de toutes ses volontés et de


son bon plaisir, comme le faisait le Verbe incarné en-
trant en ce monde Ecce venio... ut faciam Deus volun-
:

tatem tuam * à abonder en ces bonnes œuvres qui nous


:

rendent agréables à Dieu Popiilum acceptabilem, :

sectatorem bonoram operum !


'"

Alors la vie divine apportée par Jésus dès sa nais-


sance ne rencontrerait plus d'obstacles et s'épanouirait
librement pour la gloire de notre Père des cieux alors ;

« nous ferions resplendir dans notre conduite les ensei-


gnements dont la lumière nouvelle du Verbe incarné
4
inonde notre foi » « alors, par toutes nos œuvres nées
;

de la grâce, notre célébration de la nativité du Christ


répondrait dignement à la grandeur du mystère et au
don ineffable qui nous y est fait » Munera nostra :

7
nativitatis hodiernae mysteriis apta proveniant '.

III

Ce qui achève de rendre cet échange « admirable »,


c'est la façon dont il se réalise, la forme dans laquelle
il s'opère. Comment s'accomplit-il ? Comment cet enfant
qui est Verbe incarné nous rend-il participants de sa
le

vie divine ? —
Par son humanité. L'humanité que le
Verbe nous emprunte va lui servir d'instrument pour
i. Th. Epître de la messe de minuit.
II, 12. 2. Hebr. X, 7. —
— 3. Tit. Epître de la messe de minuit.
II, 14. 4. Da nobis —
quaesumus, otnnîpotens Deus ; ut qui nova incarnati Verbi titi luce
perfundimur, hoc in nostro respiendeat opère, quod />rr tïdern fulget
in mente. Oraison de la messe de l'aurore. 5. Secrète de la —
messe de l'aurore.
Le Christ dzns ses mystères. 10
146 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

nous communiquer sa divinité ; et cela, par deux rai-


sons, où éclate infiniment la sagesse éternelle l'huma- :

nité rend Dieu visible elle rend Dieu passible.


;

Elle le rend visible.


L'Église chante avec complaisance, en empruntant
les termes à S. Paul, cette « apparition » de Dieu parmi
nous. Apparuit gratia Dei Salvatoris nostri omnibus
Sauveur est ap-
hominibus * : « la grâce de Dieu notre
parue à tous les hommes » Apparuit benignitas et
;

2
humaniias Salvatoris nostri Dei : « la bénignité et
l'humanité de Dieu notre Sauveur sont apparues ».
Lux fulgebit hodie super nos : quia natus est nobis Do-

minus "
; lumière brillera aujourd'hui sur nous, car
« la
le Seigneur nous est né » Verbum caro factum est et
;

habitavit in nobis : « le Verbe s'est fait chair et il a


habité parmi nous ».
L'incarnation réalise cette merveille inouïe les hom- :

mes ont vu Dieu même vivre au milieu d'eux.


S. Jean se plaît aussi à relever ce côté du mystère.
« Le Verbe de vie était avant toutes choses nous l'a- ;

vons entendu, nous l'avons vu de nos yeux, nous


l'avons contemplé,- et nos mains l'ont touché. Celui qui
dans le du Père est la vie même s'est manifesté à
sein
nous, et nous lui rendons témoignage. Et nous vous

annonçons ce que nous avons vu et entendu, afin que


4
votre joie soit complète ».
Quelle joie, en effet, de voir Dieu se manifestant à
nous, non dans l'éclat éblouissant de sa toute-puis-
sance, ni dans la gloire indicible de sa souveraineté ;

mais sous le voile d'une humanité humble, pauvre,


faible, que nous pourrons voir et toucher !

Nous eussions pu être effrayés par la majesté redou-


i. Tit. II, ii. Epître de la messe de minuit. —
2. Tit. III, 4.
Êpître de la messe de l'aurore. — 3. Introit de la messe de l'aurore.
— 4. I Joan. I, 1-4.
O ADMIRABLE ÉCHANGE ! 147

table de Dieu les Israélites se prosternaient dans la


:

poussière, pleins de terreur et de crainte, quand Dieu


parlait àMoïse sur le au milieu des éclairs.
Sinaï,
Nous sommes attirés par charmes d'un Dieu devenu
les
enfant. L'enfant de la crèche semble nous dire « Vous :

avez peur de Dieu ? Vous avez tort Qui videt me, videt :

et Patrem \ Ne suivez pas votre imagination, ne vous


constituez pas un Dieu par les déductions de la philo-
sophie, ne demandez pas à la science de vous faire con-
naître mes perfections. Le vrai Dieu tout-puissant, c'est
le Dieu que je suis et révèle le vrai Dieu, c'est moi qui
;

viens à vous dans la pauvreté, l'humilité et l'enfance,


mais qui donnerai un jour ma vie pour vous. Je suis
« la splendeur de la gloire du Père éternel, la forme de
2
sa substance », son Fils unique, Dieu comme lui en ;

moi vous apprendrez à connaître ses perfections, sa sa-


gesse et sa bonté, son amour envers les hommes et sa
miséricorde à l'égard des pécheurs îlluxit in cordibus :

3
nostris... in facie Christi Jesu Venez à moi, car, tout
.

Dieu que je suis, j'ai voulu être homme comme vous, et


je ne rejette pas ceux qui s'approchent de moi avec con-
fiance Sicut homo genitus idem refulsit et Deus.
:

Vous me demanderez « Mais pourquoi Dieu a-t-il


:

ainsi daigné se rendre visible » ?


D'abord pour nous instruire Apparuit erudiens :

nos. C'est Dieu, en effet, qui nous parlera désormais


par son propre Fils Locutus est nobis in Filio 4 ; nous
:

n'aurons qu'à écouter ce Fils bien-aimé pour connaître


ce que Dieu veut de nous. Le Père céleste nous le dit lui-
même Hic est Filius meus dilectus : ipsum audite 5 ; et
:

Jésus se plaira à nous redire que sa doctrine est celle de


son Père Mea doctrina non est mea, sed ejus qui misit
:

me .

i. Joan. XIV, 9. — 2. Hebr. I, 3. — 3. II Cor. IV, 6. —


4. Hebr. I, 2. — 5. Matth. XVII, 5, — 6. Joan. VII, 16.
148 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Ensuite le Verbe se rend visible à nos regards pour


devenir l'exemplaire que nous devons suivre.
Nous n'aurons qu'à regarder croître cet enfant, qu'à
le contempler vivre au milieu de nous, vivre comme
nous, en homme, pour connaître comment nous devons
vivre devant Dieu, en enfants de Dieu car tout ce qu'il :

fera sera agréable à son Père Quae placita sunt ei,:

1
facio semper .

Étant par ses enseignements, il montrera le


la vérité
chemin par ses exemples si nous vivons dans sa lu-
;

mière, si nous suivons cette voie, nous aurons la vie :

Ego sum via, et veritas et vita \ — Ainsi, en connaissant


Dieu manifesté au milieu de nous, nous sommes entraî-
nés vers les biens invisibles Ut dam visibiliter :

Deam cognoscimas, PER HUNC in invisibilinm amorem


rapiamar \

IV

L'humanité du Christ rend Dieu visible mais sur- ;

tout, —
et c'est ici que la divine Sagesse se montre
« admirable », —
elle rend Dieu passible.
Le péché qui a détruit la vie divine en nous exigeait
une satisfaction, une expiation sans laquelle il était
impossible que la vie divine nous fût rendue. Simple
créature, l'homme ne pouvait donner cette satisfaction
pour une offense d'une malice infinie, et, d'autre part,
la divinité ne peut ni souffrir ni expier. Dieu ne peut
nous communiquer sa vie que si le péché est effacé par ;

un décret immuable de la Sagesse éternelle, le péché ne


peut être effacé que s'il est expié d'une façon équitable.
— Comment va-t-il résoudre ce problème ?
L'Incarnation nous en donne la réponse. Considérez
l'enfant de Bethléem c'est le Verbe fait chair. L'huma-
:

nité que le Verbe fait sienne est passible c'est elle qui ;

i. Joan. Y1IÎ. 29. — 2. Ibid. XIV, 6 — 3. Préface de Xoël


() ADMIRABLE ÉCHANGE ! I L9

souffrira, qui expiera. Ces souffrances, ces expiations,


qui sont ses œuvres à elle, bien à elle, appartiendront
pourtant, comme toute elle-même, au Verbe ils em- ;

prunteront à la personne divine une valeur infinie qui


suffira à racheter le monde, à détruire le péché, à faire
surabonder la grâce dans les âmes comme un fleuve
impétueux et fécondant Fluminis impetus laetificat ci- :

vitatem Dei \
O
échange admirable Ne nous arrêtons pas à cher- !

cher comment Dieu


eût pu l'opérer regardons de quelle ;

manière il l'a réalisé. Le Verbe nous demande une na-


ture humaine pour trouver en elle de quoi souffrir, de
quoi expier, de quoi mériter, de quoi nous combler. C'est
par la chair que l'homme s'est détourné de Dieu c'est ;

en se faisant chair que Dieu délivre l'homme :

Beatus auctor saeculi


Servile corpus induit
Ut carne carneni liberans
Ne perderet quos condidit ".

La chair que revêt le Verbe de Dieu deviendra, pour


toute chair, l'instrument du salut. O admirabilc com-
me r ci u m !

Sans doute, vous ne l'ignorez pas il faudra attendre :

l'immolation du Calvaire pour que l'expiation soit com-


plète mais, comme nous l'a appris S. Paul, « c'est dès
;

le premier instant de son Incarnation que le Christ a

accepté d'accomplir la volonté de son Père et de s'offrir


en victime pour le genre humain » Ideo ingrediens :

munduni dicit Hostiam et oblationem noluisti : COR-


:

PUS autem aptasti mihi... Et tune dixi Ecce venio... ut :

faciam Deus voluntatem tuam \ « C'est par cette obla-

i. Ps. LXV, S-
— -'• Hymne'
des Laudes de Noël. — 3; Hebr. X,
g, 7. Cf. Ps. XXX TX. 8.
150 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

tion que le Christ commence de nous sanctifier » In


:

1
qua voluntatc sumus ; c'est à la crèche
sanctificati
qu'il inaugure cette existence de souffrance qu'il a voulu
vivre pour notre salut, dont le terme est au Golgotha,

et qui doit, en détruisant le péché, nous rendre l'amitié


de son Père. La crèche n'est sans doute que la première
étape, mais elle contient radicalement toutes les autres.
Voilà pourquoi, dans la solennité de Noël, l'Église
attribue notre salut à la naissance temporelle elle-même
du Fils de Dieu. « O Seigneur, que la nouvelle nais-
sance de votre Fils dans la chair nous délivre de l'an-
cienne servitude qui nous tenait captifs sous le joug du
péché - ». Voilà pourquoi, dès maintenant, il sera con-
stamment parlé « de délivrance, de rédemption, de salut,
de vie éternelle ». C'est par son humanité que le Christ,
pontife et médiateur, nous raccorde à Dieu mais c'est ;

à Bethléem qu'il nous apparaît dans cette humanité.


Aussi voyez comment, dès sa naissance, il réalise sa
mission.
Qu'est-ce, en effet, qui nous fait perdre la vie divine?
— C'est l'orgueil. Parce qu'ils ont cru qu'ils devien-
draient semblables à Dieu, connaissant la science du
bien et du mal,<Adam et Eve ont perdu, pour eux et pour
leur race, l'amitié de Dieu. Le Christ, nouvel Adam, nous
rachète, nous ramène à Dieu par l'humilité de son In-
carnation. « Bien qu'il fût Dieu, il s'est anéanti lui-
même en prenant la condition de créature, en se rendant
semblable aux hommes il s'est manifesté comme hom-
;

me par tout ce qui a paru de lui ' ». Quelle humiliation


que celle-là Plus tard, il est vrai, l'Église exaltera jus-
!

qu'au plus haut des cieux sa gloire éclatante de triom-


phateur du péché et de la mort ; mais à présent, le

i. Hebr. X, 10. —
2. Concède, quaesumus, omnipotens Deus, vt
nos Unigeniti tut nova Per carnem nativitas liberet, quos sub pec-
cati jugo vetusta servitus tenet. Oraison de la messe du jour. —
3. Philipp. II, 6-7.
151

Christ ne connaît qu'abaissement et faiblesse. Quand


nos regards reposent sur ce petit enfant, qui ne se dis-
tingue en rien des autres, et que nous pensons qu'il est
Dieu, le Dieu infini, qu'en lui se cachent tous les trésors
de la sagesse et de la science, on se sent l'âme toute
pénétrée, et nos vains orgueils se trouvent confondus en
face d'un tel abaissement.
Qu'est-ce qui nous a perdus encore ? Notre refus —
d'obéir. Voyez le Fils de Dieu, il donne l'exemple d'une
obéissance admirable avec la simplicité des petits
;

enfants, s'abandonne aux mains de ses parents il se


il ;

laisse toucher, prendre et porter comme on le désire et ;

toute son enfance, toute son adolescence, toute sa jeu-


nesse est résumée par l'Évangile en ces seuls mots « Il :

était soumis à Marie et à Joseph ». *

Quoi encore ?
2

Nos cupidités : « la concupiscence
des yeux », tout ce qui paraît, brille, fascine et séduit ;

l'inanité foncière de la bagatelle fugace que nous préfé-


rons à Dieu. Le Verbe s'est fait chair mais il est né ;

dans la pauvreté et l'abjection. Propter vos egenus fac-


tus est cum esset dives " : « Le Christ s'est fait pauvre,
de riche qu'il était ». Bien qu'il soit « le roi des siè-
cles * », bien qu'il soit celui qui par une parole a tiré du
néant toute création, qu'il n'ait qu'à « ouvrir la main
c
pour remplir de bénédiction tout être vivant », il n'est
pas né dans un palais sa mère, n'ayant;pas trouvé de
place à l'hôtellerie, a dû se réfugier dans une grotte le :

Fils de Dieu, Sagesse éternelle, a voulu naître dans la


nudité et coucher sur la paille.

Si nous contemplons avec foi et amour l'enfant Jésus


dans sa crèche, nous verrons en lui l'exemple divin de
bien des vertus si nous savons prêter l'oreille du cœur
;

à ce qu'il nous dit, nous apprendrons beaucoup de

i. Cf. Luc. II, sx. — 2. I Joan. II, 16. — 3. II Cor. VIII, 9.


— 4. I Tim. I, 17. — 5. Ps. CXLIV, 16.
|:»2 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

choses; si nous parcourons les circonstances de sa nais-


sance, nous verrons comment l'humanité sert au Verbe
d'instrument, non seulement pour nous instruire, mais
encore pour nous relever, pour nous vivifier, nous ren-
dre agréables à son Père, nous détacher des choses qui
passent, de nous-mêmes, pour nous élever jusqu'à lui.
« La divinité revêt notre chair mortelle et par là ;

même que Dieu s'abaisse à vivre une vie humaine,


l'homme est élevé vers les choses divines » : Dum divi-
nitos defectum nostrae carnis suscepit, humamim genus
lumen, quod amlserat, recepit. Unde enim Deus humana
patitur, inde homo ad divina sublevatur \

Ainsi donc, de quelque côté que nous portions les


regards de notre foi sur cet échange, quels que soient
les détails que nous en examinions, il nous apparaît ad-
mirable.
N'est-ce pas admirable, en effet, cet enfantement
d'une vierge, Natus ineffabiliter ex virgine ' ? « Une
jeune mère a enfanté le Roi dont le nom est éternel à :

l'honneur de la virginité elle unit les joies de la mater-


nité avant elle, on n'a point vu ce prodige après elle,
; ;

on n'en trouvera plus de semblable *. » « Filles de Jéru-


salem, pourquoi m'admirer ? Ce mystère que vous voyez
en moi est véritablement divin \ »
Admirable, cette union indissoluble mais sans confu-
sion, de la divinité avec l'humanité dans l'unique per-
sonne du Verbe Mirabile mysterium : innovantur na-
:

turae. Admirable cet échange, par les contrastes de sa

i. S.Gregor. Homil. i in Evangel. —


2. Antienne de l'octave de
Noël. —
3. Genuii puerpera Regem,cui notnen aeternum, et gaudia
matris habens eu m virginitatis honore, nec primam simïlem
est, nec kabere sequéntetn. Antienne des Laudes de Noël. 4. Fi-—
liac Jérusalem, quid me (idmiramini ? Divinum est mysterium lioc
(jiiod cernitis. Antienne de la fête de VExpectatio partus virginis,
l8 décembre.
o Admirable échange! 153

réalisation : Dieu nous donne part à sa divinité, mais


l'humanité qu'il nous emprunte pour nous communiquer
sa vie divine est une humanité souffrante, « qui connaî-
tra la douleur », homo sciens infirmitatem \ qui subira
la mort et qui, par la mort, nous rendra la vie.
Admirable, cet échange, dans sa source, qui n'est
autre que l'amour infini de Dieu pour nous. Sic Deus
dilexit mundum, ut Filium suum Unigenitum daret ' :
« Dieu a aimé le monde à ce point qu'il lui a donné son
propre Fils unique ». Laissons donc aller nos âmes à la
joie et chantons avec l'Église Parvulus natus est nobis :

et filius DATL'S est nobis. Et comment « donné » ?


« Dans la ressemblance de la chair du péché ». C'est
pourquoi l'amour qui nous le donne ainsi dans notre
humanité passible, pour expier le péché, est un amour
sans mesure Propter nimiam caritatem suam, qua di-
:

lexit nos Deus, misit Filium suum in similitudinem


carnis peccati'\
Admirable, enfin, dans ses fruits et ses effets. Par cet
échange, Dieu nous redonne son amitié il nous rend ;

le droit de rentrer en possession de l'héritage éternel ;

il regarde de nouveau l'humanité avec amour et com-

plaisance.
Aussi la joie est-elle un des sentiments les plus mar-
quants de la célébration de ce mystère. L'Église nous
y invite constamment, parce qu'elle se souvient des
paroles de l'ange aux bergers « Voici que je vous :

annonce une nouvelle qui sera pour vous la source


d'une grande joie il vous est né un Sauveur 4 » C'est
: .

la joie de la délivrance, de l'héritage reconquis, de la


paix retrouvée, et surtout de la vision de Dieu même
donnée aux hommes Et vocabitur nomen ejus Emma-
:

5
nuel .

i. Cf. Isa. LUI, 3. — 2. Joan. III, 16. — i. Antienne de l'oc-


tave de Noël. — 4. Lue. II, io-ii. — 5. Is. VII, 14; cf. Matth.
L 23.
154 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Mais cette joie ne sera assurée que si nous demeu-


rons fermes dans la grâce qui nous vient du Sauveur et
nous rend ses frères. « O chrétien, s'écrie S. Léon, dans
un sermon que l'Église lit durant la nuit sainte, recon-
nais ta dignité: Agnosce, o Christiane, dignitatem tuain.
Et rendu participant de la divinité, garde-toi de déchoir
d'un si sublime état ' » !

2
« Si vous connaissiez le don de Dieu », disait Notre-
Seigneur lui-même. Si vous saviez quel est « ce Fils qui
vous est donné » Si surtout nous le recevions comme
!

nous le devons recevoir Qu'il ne soit pas dit de nous


! :

3
In propria venit, et sui eum non receperunt « il est ,

venu dans son domaine, et les siens ne l'ont pas reçu >;.
Nous sommes tous, par la création, le domaine de Dieu;
nous lui appartenons mais il y en a qui ne l'ont pas
;

reçu sur cette terre. Que de Juifs, que de païens ont


rejeté le Christ, parce qu'il est apparu dans l'humilité
d'une chair passible Ames enfoncées dans les ténèbres
!

de l'orgueil et des sens Lux in tenebris lucet, et tene-


:

brae eam non comprehenderunt.


Et comment devons-nous le recevoir ? Par la foi — :

His qui creduni in nomine ejus. C'est à ceux qui, croyant


en sa personne, en sa parole, en ses œuvres, ont reçu
cet enfant comme Dieu, qu'il a été donné, en retour,
de devenir eux-mêmes enfants de Dieu Ex Deo nati :

sunt.

Telle est, en effet, la disposition fondamentale qu'il


nous faut apporter pour que cet admirable échange pro-
duise en nous tous ses fruits. Seule, la foi nous en fait
connaître les termes et la manière dont il se réalise ;

seule, elle nous fait pénétrer dans les profondeurs de


ce mystère seule, elle nous en donne une vraie con-
;

naissance digne de Dieu.

i. Sermo I de Nativitate. — 2. Joan. IV, 10. — 3. Evangile


de la messe du iour.
O ADMIRABLE ÉCHANGE ! 155

Car il y a bien des modes et des degrés de connais-


sance.
« Le bœuf
et l'âne ont connu leur Dieu », écrivait
1
Isaïe en parlant de ce mystère. Ils voyaient l'enfant
,

couché dans la crèche. Mais que voyaient-ils ? Ce que


peut voir un animal la forme, la grandeur, la couleur,
:

le mouvement, —
connaissance toute rudimentaire qui
ne franchit point le domaine de la sensation. Rien de
plus.
Les passants, les curieux qui se sont approches de la
grotte ont vu l'enfant mais pour eux, il était semblable
;

à tous les autres. Ils ne sont pas allés au-delà de cette


connaissance purement naturelle. Peut-être ont-ils été
frappés de la beauté de l'enfant ? Peut-être ont-ils
plaint son dénuement ? Mais ce sentiment n'a point
duré, et l'indifférence a bientôt repris le dessus.
Il y a les bergers, cœurs simples, « éclairés d'un
rayon d'en haut » Claritas Dei circumfûlsit illos \ Ils
:

ont compris assurément davantage ils ont reconnu en ;

cet enfant le Messie promis, attendu, YExspectatio gen-


tium ; ils lui ont rendu leurs hommages, et leurs âmes
8

ont été pour longtemps remplies de joie et de paix.


Les anges également contemplaient le nouveau-né,
Verbe fait chair. Ils ont vu en lui leur Dieu aussi cette ;

connaissance jetait ces purs esprits dans la stupeur et


l'admiration d'un abaissement si incompréhensible car :

ce n'est pas à leur nature qu'il a voulu s'unir, Nusquam


angelos, mais à la nature humaine, sed semen Abrahae
apprehendit \
Que dirons-nous de la Vierge, quand elle regardait
Jésus ? A quelle profondeur du mystère pénétrait ce
regard si pur, si humble, si tendre et si plein de com-
plaisance On ne saurait exprimer de quelles lumières
!

l'âme de Jésus inondait alors sa Mère, et quelles su-

i. Cf. I, 3. — 2. Luc. II, 9. — 3. Gen. XLIX, 10. — 4. Hebr.


II, 16.
156 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

blimes adorations, quels hommages parfaits Marie ren-


dait à son fils, à son Dieu, à tous les états et à tous les
mystères dont l'Incarnation est la substance et la racine.
11 y a enfin, —
mais ceci est inénarrable, le regard —
du Père contemplant son Fils, fait chair pour les hom-
mes. Le Père céleste voyait ce que jamais ni homme, ni
ange, ni Marie elle-même ne comprendront les perfec- :

tions infinies de la divinité qui se cachaient dans un en-


fant... Et cette contemplation était la source d'un ravis-
sement indicible « Tu es mon Fils, mon Fils bien-aimé,
:

le Fils de ma dilection, en qui j'ai mis toutes mes com-

plaisances »... '

Lorsque nous contemplons à Bethléem le Verbe incar-


né, élevons-nous au-dessus des sens, pour ne regarder
que des yeux de la foi. La foi nous fait participer ici-
bas à la connaissance que les divines Personnes ont
l'une de l'autre. 11 n'y a point en ceci d'exagération. La
grâce sanctifiante nous rend, en effet, participants de
la nature divine or, l'activité de la nature divine con-
;

sistedans la connaissance et l'amour que les personnes


divines ont l'une de l'autre, l'une pour l'autre nous ;

participons donc à cette connaissance. Et de même —


que la grâce sanctifiante s'épanouissant dans la gloire
nous donnera le droit de contempler Dieu comme il se
voit de même, sur la terre, dans les ombres de la foi,
;

la grâce nous donne de regarder les profondeurs des


mystères par les yeux de Dieu Lux tuae clariïatis in- :

duisit. \
Quand notre foi est vive et parfaite, nous ne nous
arrêtons pas à l'écorce, au dehors du mystère mais ;

nous atteignons l'intime pour le contempler des yeux de


Dieu nous passons par l'humanité pour pénétrer jus-
;

qu'à la divinité que l'humanité cache et révèle à la fois:


nous voyons les mystères divins dans la lumière divine.
i. Marc. I, ii ; Luc. III, 22. — 2. Préface de Noël.
O ADMIRABLE ÉCHANGE ! 157

Et ravie, étonnée d'un abaissement si prodigieux,


l'âme que cette foi vivifie se prosterne elle se livre tout ;

entière pour procurer la gloire d'un Dieu qui voile ainsi,


par amour pour sa créature, la splendeur native de ses
insondables perfections. Elle l'adore elle se donne ; ;

elle n'a même de repos qu'elle n'ait tout donné, elle


aussi, en retour, pour parfaire l'échange qu'il veut con-
tracter avec elle qu'elle n'ait tout soumis d'elle-même,
;

de son activité, à ce « Roi de paix qui vient, avec tant


de magnificence '
», la sauver, la sanctifier et, pour
ainsi dire, la déifier.

Approchons-nous donc de l'enfant-Dieu avec une


grande foi. Nous eussions voulu être à Bethléem pour
le recevoir. Voici que la communion nous le donne avec

autant de réalité, quoique nos sens l'y trouvent moins


encore. Dans le tabernacle comme à la crèche, c'est le

même Dieu plein de puissance, le même Sauveur plein


de bonté.
Si nous le voulons, l'échange admirable se continue

encore. Car c'est aussi par son humanité qu'à la table


sainte le Christ nous infuse la vie divine c'est en man- ;

geant sa chair et en buvant son sang, en nous unissant


à son humanité, que nous puisons à la source même de
la vie éternelle Qui manducat meam carnem, et bibit
:

meum sanguinem, habet vitam aeternam... 2


Ainsi, chaque jour, se continue et se resserre l'union
établie entre l'homme et Dieu dans l'Incarnation. En se
donnant dans la communion, le Christ accroît dans
;

l'âme généreuse et fidèle la vie de la grâce il la fait se ;

développer plus librement et s'épanouir avec plus de


force ; « il lui confère même le gage de cette immorta-

i. Antienne des Vêpres d<* Noël. —


j. Joan. VI, 55. 3. Deus, —
qui nos fer hujus sacrificii veneranda commercia, unius summae
divinitatis participes effecisti : praesta quaesumus ; ut sicut tuavi
cognoscimiis veritatem, sic eam dignis moribus assequamur. Secrète
du IV e dimanche après Pâques.
158 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

lité bienheureuse dont la grâce est le germe, et où Dieu

lui-même se communiquera à nous en toute plénitude


et sans voile » Ut natus hodie Salvator mundi, sicut
:

divinae nobis generationis est auctor, ita et immortali-


tatis sit IPSE largitor \

Ce sera la consommation, magnifique et glorieuse, de


l'échange inauguré à Bethléem dans la pauvreté et les
abaissements de la crèche.

i. Postcommunion do la messe du jour.


VIII. — L'EPIPHANIE.

Sommaire. —
Dieu, lumière éternelle, se manifeste surtout
par l'Incarnation. I. —
La manifestation aux Mages
signifie la vocation des nations païennes à la lumière
de l'Évangile. —
II. La foi des Mages, prompte et gé-
néreuse, est le modèle de la nôtre. III. Conduite —
des Mages à la disparition de l'étoile. IV. Combien —
est profonde leur foi à Bethléem; symbolisme des pré-
sents offerts par eux à l'Enfant-Dieu; comment les
imiter.

Chaque fois que l'âme se trouve en contact un peu


intime avec Dieu, elle se sent enveloppée de mystère :

Nubes et caligo in circultu ejus \ Ce mystère est la


conséquence inévitable de la distance infinie qui sépare
la créature du Créateur. De toutes parts, l'être fini est
dépassé par celui qui, éternellement, est la plénitude
même de l'Être.
C'est pourquoi un des caractères les plus profonds de
l'Être divin est son incompréhensibilité et son invisibi-
lité c'est une chose vraiment remarquable que l'invisi-
;

bilité ici-bas de la lumière divine.


« Dieu e.st lumière », dit S. Jean il est la lumière ;

infinie, « sans ombres ni ténèbres » Deus lux est, et :

tenebrae in eo non sunt ullae. S. Jean prend soin de


noter que cette vérité constitue l'un des fondements de
son Évangile Et haec est annuntiatio quam audivimus
:

ab eo, et annuntiamus vobis \ Mais cette lumière, qui


nous baigne tous de sa clarté, au lieu de manifester

i. Ps. XCVI, 2. — 2. I Joan. I, 5.


lf>0 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Dieu aux yeux de notre âme, le cache. Il en est d'elle


comme du soleil son éclat même empêche de la con-
;

templer Luccm inhabitat inaccessibilem \


:

Et pourtant cette lumière est la vie de l'âme. Vous


aurez remarqué que, dans la sainte Écriture, les idées
de vie et de lumière sont fréquemment associées. Quand
le psalmiste veut décrire la béatitude éternelle dont

Dieu est la source, il dit qu' « en lui se trouve le prin-


cipe de la vie » Torrente voluptatis tuae potabis eos.
:

Qnoniam apud te est fons vitae et il ajoute aussitôt ; :

« Et dans ta lumière nous verrons la lumière ». Et in


lamine tuo videbimus lumen-. Pareillement, quand
Notre-Seigneur se déclare « la lumière du monde ».
« Celui, dit-il encore (et ici, il y a plus qu'une simple
juxtaposition de mots), qui me suit ne marche pas dans
les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » Ha- :

bebit lumen vitae". Et cette lumière de vie procède


de la vie par essence qui est lumière In ipso vita erat, :

et vita erat lux hominum \ Notre vie dans le ciel sera


de connaître, sans voile, la lumière éternelle, et de jouir
de ses splendeurs.
Déjà ici-bas, Dieu donne une participation de sa lu-
mière en dotant l'âme humaine d'intelligence Signa- :

îum est super nos lumen vultus tui, Domine \ La raison


est pour l'homme une lumière véritable. Toute l'activité
naturelle de l'homme, pour être digne de lui-même, doit
d'abord être dirigée par cette lumière qui lui montre le
bien à poursuivre lumière si puissante qu'elle est
;

même capable de révéler à l'homme l'existence de Dieu


et quelques-unes de ses perfections. S. Paul écrivant
aux fidèles de Rome ' déclare les païens inexcusables
de n'avoir pas connu Dieu en contemplant le monde,
œuvre de ses mains. Les œuvres de Dieu contiennent un

i. Tim. VI, 16. — 2. Ps. XXXV, 9-10. — 3. Joan. VIII, 12.



I

— 4. Juan. ï, 4. 5. Ps. IV, 7. — 6. Rom. I. 20.


l'Epiphanie 161

vestige,un reflet de ses perfections, et déclarent ainsi,


jusqu'à un certain point, la lumière infinie.

Il est une autre manifestation plus profonde, plus


miséricordieuse que Dieu a faite de lui-même c'est :

l'Incarnation.
La lumière divine, trop éclatante pour se manifester
à nos faibles regards dans toute sa splendeur, s'est voi-
lée sous l'humanité quod est velamen, c'est la pensée
:

1 2
de S. Paul « Splendeur de la lumière éternelle », lu-
.

mière jaillissant de la lumière, lumen de lumine,\e Verbe


a revêtu notre chair pour qu'à travers elle nous puis-
sions contempler la divinité Nova mentis nostrae ocu-
:

3
lis lux tuae claritatis infulsit Le Christ est Dieu mis à
.

notre portée, se montrant à nous, dans une existence


authentiquement humaine le voile de l'humanité em-
;

pêche l'éclat infini et éblouissant de la divinité de nous


aveugler.
Mais pour toute âme de bonne volonté, des rayons
s'échappent de cet homme, qui révèlent qu'il est égale-
ment Dieu l'âme éclairée par la foi connaît les splen-
;

deurs qui se cachent derrière le voile de ce saint des


saints. Dans l'homme mortel qu'est Jésus, la foi trouve
Dieu lui-même, et en trouvant Dieu, elle s'abreuve à la
source de lumière, de salut et de vie immortelle Quia :

cum Unigenltus tuus in substantia nostrae mortalitatls


apparuit, nova nos immortalitatis suae luce reparavit \

Cette manifestation de Dieu aux hommes est un mys-


tère si inouï, une œuvre si pleine de miséricorde ; elle
constitue un des caractères si essentiels de l'Incarnation
que, dans les premiers siècles, l'Église n'avait point de
fête pour honorer principalement la naissance du Sau-
veur à Bethléem elle célébrait la fête des « Théopha-
;

i. Cf. Hebr. X, 20. 2. —


Sap. VII, 26. — 3. Préface de la
Nativité. —4. Préface de l'Epiphanie.

Ls Christ dans ses mystères. n


[62 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

nies » ou des « manifestations divines » dans la per-


sonne du Verbe incarné manifestation aux Mages, —

:

sur les bords du Jourdain lors du baptême de Jésus,


aux noces de Cana, où le Christ accomplit son premier
miracle. En passant de l'Église d'Orient à celle d'Occi-
dent, la fête a retenu son nom grec Epiphanie, la
:

« manifestation » mais elle a pour objet presque exclu-


;

sif la manifestation du Sauveur à la gentilité, aux na-


tions païennes, dans la personne des Mages.
Vous connaissez suffisamment le récit évangélique
de la venue des Mages à Bethléem, récit illustré et po-
pularisé par la tradition Je vous dirai seulement quel-
-.

ques mots sur la signification générale du mystère ;

m'attachant ensuite à certains détails, je vous indique-


rai quelques-uns des nombreux enseignements qu'il con-
tient pour notre piété.

Les Pères de l'Église ont vu dans l'appel des Mages


au berceau du Christ la vocation des nations païennes
à la foi. — C'est là le fond même du mystère, explicite-
ment indiqué par l'Église dans l'oraison où elle résume
les vœux de ses enfants en cette solennité Deus qui :

hodierna die Unigenitum tuum gentibus Stella duce


revelasti.
Le Verbe incarné s'est d'abord manifesté aux Juifs,
dans la personne des bergers. Pourquoi cela ? —
Parce
que le peuple juif était le peuple choisi. C'est de ce peu-
ple que devait sortir le Messie, fils de David c'est à lui
;

qu'avaient été faites les magnifiques promesses dont la


réalisation constituait le règne messianique c'est à lui
;

que Dieu avait confié les Écritures et donné la Loi,


i. La plupart des auteurs placent la venue des Mages après la
présentation de Jésus au Temple ;nous suivrons ici l'ordre indiqué
par l'Église qui, dans sa liturgie, célèbre l'Epiphanie au 6 janvier
et la présentation au 2 février.
l'Epiphanie 163

cette Loi dont tous les éléments étaient la figure de la


grâce que devait apporter le Christ. Il convenait donc
que le Verbe incarné se manifestât d'abord aux Juifs.
Les bergers, gens simples au cœur droit, ont repré-
senté à la crèche le peuple élu Evangelizo vobis gau-
:

1
dium magnum... quia natus est vobis hodie Salvator .

Plus tard encore, dans sa vie publique, Notre-Sei-


gneur se manifestera aux Juifs par la sagesse de sa
doctrine et l'éclat de ses miracles.
Nous constaterons même qu'il confine sa prédication
aux seuls Juifs. —
Voyez, par exemple, lorsque la
femme chananéenne, des régions infidèles de Tyr et de
Sidon, lui demande de la secourir, que répond le Christ
aux disciples qui s'interposent en sa faveur ? « Je ne
2
suis venu que pour les brebis perdues d'Israël ». Il fau-
dra la foi vivace et la profonde humilité de la pauvre
païenne pour arracher, pour ainsi dire, à Jésus la grâce
qu'elle implorait. —
Quand, durant sa vie publique,
Notre-Seigneur envoyait ses apôtres prêcher comme lui
la bonne nouvelle, il leur disait également « N'allez :

point vers les Gentils ne vous arrêtez point chez les


;

Samaritains, cherchez plutôt les brebis perdues d'Is-


3
raël ». Pourquoi cette recommandation si étrange ?
Les païens étaient-ils exclus de la grâce de la rédemp-
tion et du salut apporté par le Christ ? Non mais il ;

entrait dans l'économie divine de réserver aux apôtres


l'évangélisation des nations païennes, après que les
Juifs, en crucifiant le Messie, auraient définitivement re-
jeté le Fils de Dieu. Quand Notre-Seigneur meurt sur
la croix, le voile du temple se déchire en deux pour
montrer qu'a cessé l'Alliance antique avec le seul peuple
hébreu.
Bien des Juifs, en effet, n'ont pas voulu recevoir le

Christ ; l'orgueil des uns, la sensualité des autres ont


aveuglé leurs âmes, et ils n'ont pas voulu l'accepter

i. Luc. II, io-ii. — 2. Matth. XV, 24. — 3. Ibid. X, 5-6.


164 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

comme S. Jean parle quand


Fils de Dieu. C'est d'eux que
il dit : « La lumière ténèbres et les ténèbres
luit dans les
ne l'ont point comprise elle est descendue dans son ;

1
domaine, et les siens ne l'ont pas reçue ». C'est pour-
quoi Notre-Seigneur disait à ces Juifs incrédules « Le :

règne de Dieu vous sera enlevé et transféré aux Gen-


2
tils ».

Les nations païennes sont appelées à devenir l'héri-


tage promis par le Père à son Fils Jésus Postula a me, :

3
et dabo tibi gentes haereditatem tuam Notre-Seigneur .

se disait lui-même « le bon pasteur qui donne sa vie


pour ses brebis », ajoutant aussitôt « Je n'ai pas de :

brebis seulement parmi mon peuple j'en ai d'autres ;

encore qui n'appartiennent pas présentement à mon


troupeau » Alias oves habeo, quae non sunt ex hoc
:

ovili ; il faut aussi que je les amène à moi elles en- ;

tendront ma voix, et il y aura une seule bergerie et un


4
seul pasteur ».

C'est pourquoi, avant de remonter au ciel, il envoie


ses apôtres continuer, non plus chez les brebis perdues
d'Israël, mais chez tous les peuples, son œuvre et sa
mission de salut. « Allez, leur dit-il, prêchez à toute
créature, enseignez toutes les nations... Je suis avec
vous jusqu'à la fin des siècles 5 » .

Toutefois le Verbe incarné n'a pas attendu son ascen-


sion pour répandre sur la gentilité la grâce de la bonne
nouvelle. Dès son apparition ici-bas, il la convie à la
crèche dans la personne des Mages. Sagesse éternelle,
ilvoulait ainsi nous montrer qu'il apportait la paix, Pax
hominibus bonae voluntatis 6, « non seulement à ceux
qui étaient près de lui » les Juifs fidèles représentés —
par les bergers, —
« mais encore à ceux qui vivaient

i.Joan. I, 5, ii. — 2. Matth. XXI, 43. 3. —


Ps. II, 8. —
^. Joan. X, ii, 16. — 5. Matth. XXVIII, 19-20; Marc. XVI. 15.
— 6. Luc. II, 14.
L 'EPIPHANIE 165

loin de
lui » —
les païens figurés par les Mages. Ainsi,
« des deux peuples, comme le dit S. Paul, il n'en faisait
qu'un » Qui fecit utraque unum, parce qu'il est seul,
:

par l'union de son humanité à la divinité, le médiateur


parfait, et que « c'est par lui seul que nous avons ac-
cès, les uns et les autres, auprès du même Père, dans
un seul et unique Esprit *
».

L'appel des Mages et leur sanctification signifient la


vocation de la gentilité à la foi et au salut. Aux bergers
Dieu envoie un ange, car le peuple élu était habitué aux
apparitions des esprits célestes aux Mages, qui scru- ;

taient les astres, il fait apparaître une étoile merveil-


leuse. Cette étoile est le symbole de l'illumination inté-
rieure qui éclaire les âmes pour les appeler à Dieu.
Chaque âme d'adulte, en effet, est éclairée, au moins
une fois, comme les Mages, par
de la vocation l'étoile

au salut éternel. A tous la lumière est donnée. C'est un


dogme de notre foi que « Dieu veut sauver tous les
hommes » Qui omnes homines vult salvos fieri, et ad
:

agnitionem veritatis venire \


Au jour du jugement, tous sans exception proclame-
ront, avec ia conviction produite par l'évidence, l'infinie
justice de Dieu et la parfaite droiture de ses arrêts :

Justus es, Domine, et rectum judicium tuum \ Ceux que,


pour toujours, Dieu aura chassés loin de lui reconnaî-
tront qu'ils sont les propres artisans de leur perte.
Or, ceci ne serait pas vrai si les réprouvés n'avaient
pas eu la possibilité de connaître et d'accepter la lu-
mière divine de ia foi. Il est contraire non seulement à
la bonté infinie de Dieu, mais encore à sa justice, de con-
damner une âme à cause de son ignorance invincible.
Sans doute, l'étoile qui appelle les hommes à la foi
chrétienne n'est pas la même pour tous elle brille diffé- ;

remment mais son éclat est assez visible pour que les
;

cœurs de bonne volonté puissent la reconnaître et voir


i. Eph. II, 14, 17-i.x. — 2. I Irai. II. 4. — 3. Ps. CXVIÏI, 137.
166 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

en elle le signe de la vocation divine. Dans sa provi-


dence pleine de sagesse, Dieu varie incessamment son
action, incompréhensible comme lui-même il la varie ;

suivant les prévenances toujours actives de son amour


et les exigences toujours saintes de sa justice. C'est en
ceci que nous devons, avec S. Paul, adorer « la profon-
deur insondable des voies de Dieu et proclamer qu'elles
dépassent infiniment nos vues créées » qui, « en effet, ;

a connu la pensée du Seigneur et a été son conseiller? »


O altitudo divitiarum sapientiae et scientiae Dei ! Quatn
incomprehensibilia sunt judicia ejus et invesiigabiles
viae ejus '
/

Nous avons le bonheur d'avoir « vu l'étoile » et


d'avoir reconnu pour notre Dieu l'enfant de la crèche ;

nous avons le bonheur d'appartenir à l'Église, dont les


Mages étaient les prémices.
Dans l'office de appelle cette voca-
la fête, la liturgie
tion de toute l'humanité à la foi et au salut dans la per-
sonne des Mages, les noces de l'Église avec l'Époux ;

écoutez avec quelle allégresse, en quels termes magnifi-


quement symboliques, empruntés au prophète Isaïe. elle
proclame 2 la splendeur de cette Jérusalem spirituelle
qui doit recevoir dans son sein maternel les nations de-
venues l'héritage de son Époux divin. « Lève-toi et res-
plendis, car ta lumière est venue et la gloire du Sei-
gneur s'est levée sur toi. Tandis que les ténèbres cou-
vriront la terre et que l'obscurité enveloppera les peu-
ples, sur toi le Seigneur se lèvera et sa gloire se mani-
festera en toi. Les nations marcheront vers ta lumière
et les rois vers la clarté de ton aurore. Porte tes regards
autour de toi et vois ils se rassemblent tous et viennent
:

à toi ;tes fils viendront de loin, et tes filles surgiront


à tes côtés. Tu verras alors, et tu seras radieuse ton ;

cœur tressaillira et se dilatera ; car tu verras venir à


i. Rom. XI. 33. — 2. Epître «le la mess
l'Epiphanie 167

toi les richesses de la mer et les trésors des nations ». '

Offrons à Dieu d'incessantes actions de grâces de


« nous avoir rendus capables d'avoir part à l'héritage
des saints dans la lumière, en nous délivrant de la puis-
sance des ténèbres pour nous transporter dans le
royaume de son Fils 3 », c'est-à-dire dans l'Église.
L'appel à la foi est un bienfait insigne parce qu'il
contient en germe la vocation à la béatitude éternelle de
la vision divine. N'oublions jamais que cet appel a été
l'aurore de toutes les miséricordes de Dieu à notre
égard, et que tout pour l'homme se résume dans la fidé-
lité à cette vocation la foi doit nous mener à la vision
;

bienheureuse \
Nous devons non seulement remercier Dieu de cette
grâce de la foi chrétienne, mais encore nous en rendre
chaque jour plus dignes en sauvegardant notre foi con-
tre tous les dangers que lui fait courir notre siècle de
naturalisme, de scepticisme, d'indifférence, de respect
humain, en apportant à vivre de la vie de foi une inces-
sante fidélité.

En outre, demandons à Dieu d'accorder ce don pré-


cieux de la foi à toutes les âmes qui sont encore « as-
sises dans les ténèbres et à l'ombre de la mort » de- ;

mandons au Seigneur que l'étoile se lève sur elles ;


qu'il
soit lui-même « le Soleil qui les visite d'en haut par
l'effet de sa tendre miséricorde » Pcr viscera miseri- :

cordiae Del nostri in quibus visitavit... Orlens ex alto \


Cette prière est très agréable à Notre-Seigneur c'est ;

lui demander, en effet, qu'il soit connu et exalté comme

le Sauveur de tous les hommes et le Roi des rois.

Elle l'est aussi au Père, car il ne désire rien tant que


la glorification de son Fils. Répétons donc souvent, en
ces saints jours, la prière que le Verbe incarné a mise

i. [s. LX. 1-5. — 2. Col. I, 13. — }. Oraison de la l'ete. —


4- Luc. I, 78-79.
168 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

lui-même sur nos lèvres O Père céleste,


: Père des
lumières », que votre règne arrive, ce règne dont votre
Fils Jésus est le chef. Adveniat regmim tuurn ! Que
votre Fils soit de plus en plus connu, aimé, servi, glo-
rifié, afin qu'à son tour, en vous manifestant davantage

aux hommes, il vous glorifie dans l'unité de votre com-


mun Esprit : Pater, clarifica Filium tnum ut Fllius tans
clarificet te !

11

Si nous reprenons maintenant quelques détails du


récit évangélique, nous verrons combien ce mystère est
riche d'enseignements.
Je vous ai dit que les Mages à Bethléem représen-
taient les Gentils dans la vocation à la lumière de l'É-
vangile. La conduite des Mages nous montre les qua-
lités que doit avoir notre foi.
Ce qui apparaît tout d'abord, c'est la généreuse fidé-
lité de cette foi. Voyez l'étoile apparaît aux Mages.
:

Quel que soit leur pays d'origine —


Perse. Chaldée,
Arabie ou Inde, —
les Mages, d'après la tradition, ap-
partenaient à une caste sacerdotale et se livraient à
l'étude des astres. Il est plus que probable qu'ils n'igno-
raient pas la révélation faite aux Juifs d'un roi qui
serait leur Libérateur et le Maître du monde. Le pro-
phète Daniel, qui avait précisé l'époque de sa venue,
avait été en relation avec des mages peut-être même,
;

la prophétie de Balaam qu' « une étoile se lèverait sur


1
Jacob » ne leur était-elle pas inconnue? Quoi qu'il en
soit, voici qu'une étoile merveilleuse leur apparaît. Son
éclat extraordinaire, frappant leurs yeux, éveille leur
attention, en même temps
qu'une grâce intérieure d'illu-
mination éclaire leurs âmes cette grâce leur faisait
;

pressentir la personne et les prérogatives de celui dont

I. Xum. XXIV. 17.


L 'EPIPHANIE 169

l'astre annonçait naissance elle leur inspirait d'aller


la ;

à sa recherche pour lui rendre leurs hommages.

La fidélité des Mages à l'inspiration de la grâce est


admirable. Le doute n'a point de prise sur leurs esprits ;

sans raisonner, ils se mettent en demeure d'exécuter


aussitôt leur dessein. Ni l'indifférence ou le scepticisme
de leur entourage, la disparition de l'étoile, ni les
ni
à une expédition de ce genre, ni
difficultés inhérentes
la longueur ou les dangers de la route ne les arrêtent.
Ils obéissent sans retard et avec constance à l'appel

divin. « Nous avons vu son étoile en Orient et nous


sommes venus »*
nous sommes partis aussitôt qu'elle
;

s'est montrée à nous.

En ceci les Mages sont notre modèle, qu'il s'agisse de


la vocation à la foi, ou qu'il soit question de l'appel à
la perfection. —
Il y a, en effet, pour chaque âme fidèle

une vocation à la sainteté Sancti estote quia ego sanc-


:

2
tus sum : « Soyez saints, parce que je suis saint ».
L'apôtre S. Paul nous assure que de toute éternité il
existe pour nous un décret divin plein d'amour qui con-
tient cet appel Elegit nos ante mundi constitutionem,
:

ut essemus sancti et immaculati in conspectu ejus \ Et


« pour ceux qu'il appelle ainsi à la sainteté, Dieu fait
tout concourir à bien » lis qui secuncium propositum
:

vocati sunt sancti \ La manifestation de cette vocation


est pour chacun de nous son étoile. Elle revêt des for-
mes diverses, selon les desseins de Dieu, notre carac-
tère, les circonstances dans lequelles nous vivons, les
événements auxquels nous sommes mêlés mais elle luit ;

dans l'âme de chacun.


Et quel est le but de cet appel ? Pour nous comme
pour les Mages, c'est de nous conduire à Jésus. Le Père
céleste fait briller l'étoile en nous car, dit le Christ lui- ;

i. Matth. II, 2. — 2. Lev. XI, 44. — 3. Eph. I, 4. — 4. Rom.


VIII, 28.
170 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

même, « personne ne vient à moi si mon Père qui m'a


envoyé ne l'attire » Nemo potes t venir e ad me, nisi
:

Pater, qui misit me, traxerit eum \


Si nous écoutons l'appel divin avec fidélité, si nous
allons généreusement de l'avant, les yeux fixés sur
l'étoile, nous arriverons au Christ qui est la vie de nos

âmes. Et quels que soient nos péchés, nos fautes, nos


misères, Jésus nous accueillera avec bonté. Il l'a pro-
mis « Tous ceux que mon Père attire à moi viendront
:

vers moi, et celui qui viendra vers moi, je ne le rejetterai

point : Omne, quod dat mini Pater, ad me veniet : et


eum qui venit ad me non ejiciam foras \
Le Père attira Madeleine, pécheresse insigne, aux
pieds de Jésus. Et voici que Madeleine, suivant aussi-
tôt, avec une foi généreuse, le rayon divin de l'étoile qui
luisait dans son âme misérable, fait irruption dans une
salle de festin pour manifester publiquement au Christ
sa foi, son repentir et son amour. Madeleine a suivi
l'étoile, et l'étoile a mené Madeleine au Sauveur « Tes :

péchés te sont remis, ta foi t'a sauvée, va en paix » Et


eum qui venit ad me non ejiciam foras.

La vie des saints et l'expérience des âmes mon-


trent qu'il y a souvent, dans notre existence surnatu-
relle, des moments décisifs d'où dépend toute la va-
leur de notre vie intérieure, et parfois notre éternité
elle-même.
Voyez Saul sur le chemin de Damas. C'est un ennemi
et un persécuteur acharné des chrétiens Spirans mina- ;

rum, « il ne respire et ne profère que menaces » contre


tout ce qui porte ce nom. Et voici que la voix de Jésus se
fait entendre. C'est pour lui l'étoile, l'appel divin. Saul
écoute l'appel, suit l'étoile : « Seigneur, que voulez-vous
que je fasse » ? — Quelle promptitude et quelle géné-

i. Joan. VI. 4 _t. — 2. Ibid. VI, 37. — 3. Luc. VII, 48, 50.
L EPIPHANIE 171

rosité ! Aussi, à partir de ce moment, devenu « vase


d'élection *
», ne vivra-t-il que pour le Christ.
Voyez au contraire ce jeune homme plein de bonne
volonté, au cœur droit et sincère, qui se présente à Jé-
sus et lui demande ce qu'il doit faire pour posséder la
vie bienheureuse. « Garde les commandements, » lui ré-
pond notre divin Sauveur. observe — « Maître, je les
depuis mon manque-t-il encore » ?
enfance ;
que me
— Alors, dit l'Évangile, « Jésus, l'ayant regardé,
l'aima » Jésus autem intuitus eum dilexit eum. Ce re-
:

gard plein d'amour était le rayon de l'étoile. Et voici


qu'il se manifeste aussitôt « Une seule chose te man- :

que ; veux être parfait, vends tout ce que tu as,


si tu
donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel;
après, viens et suis-moi ». Mais lui ne suivit pas l'étoile:
« Affligé de la parole du Christ, il le quitta plein de tris-
tesse, car il avait de grands biens ». Des commenta-
teurs voient dans les paroles que Notre-Seigneur pro-
nonça aussitôt après « Qu'il est difficile aux riches
:

d'entrer dans le royaume de Dieu - », la prédiction de la


perte de cette âme.
Ainsi, qu'il s'agisse de l'appel à la foi ou à la sain-
teté, nous ne trouverons le Christ et la vie dont il est
la source qu'à la condition d'être attentifs à la grâce et
persévéramment fidèles dans notre recherche de l'union
divine.
Le Père céleste nous appelle à son Fils par l'inspira-
tion de sa grâce mais il veut que, comme les Mages,
;

dès que l'étoile luit dans nos coeurs, nous quittions tout
à l'instant nos péchés, les occasions du péché, les ha-
:

bitudes mauvaises, les infidélités, les imperfections, les


attaches à la créature il veut que, ne tenant aucun ;

compte ni des critiques et de l'opinion des hommes, ni


des difficultés de l'œuvre à accomplir, nous nous met-

i. Act. IX, i, 6, 15. — 2. Marc. X v 17-23. Cf. Matth. XIX, 16-


23 : Luc. XVIII. 18-24.
172 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

tiens tout de suite à la recherche de Jésus, que nous —


l'ayons perdu par une faute mortelle, ou que, le possé-
dant déjà en nous par la grâce sanctifiante, nous soyons
appelés à une union plus étroite et plus intime avec lui.
Vidimus stellam : « Seigneur, j'ai vu votre étoile,
et je viens à vous que voulez-vous que je fasse ? »
:

Il arrive parfois que l'étoile disparaisse à nos re-


gards. Soit que l'inspiration de la grâce porte avec elle
un caractère extraordinaire, comme c'était le cas pour
les Mages, soit qu'elle se rattache, et c'est pour nous le

cas plus fréquent, à la providence surnaturelle de tous


le

les jours, elle cesse quelquefois de se manifester la lu- ;

mière se cache l'âme se trouve dans des ténèbres spi-


;

rituelles. — Que faire alors ?


Voyons ce qu'ont fait les Mages en cette occurrence.
L'étoile ne s'était montrée à eux qu'en Orient, puis elle
a disparu Vidimus stellam ejus in Oriente. Si elle leur
:

apprenait la naissance du Roi des Juifs, elle ne leur in-


diquait pas l'endroit précis où ils pourraient le trouver.
Que faire ? Les Mages se sont dirigés vers Jérusalem,
la capitale de la Judée, la métropole de la religion juive.
Où, mieux que dans la cité sainte, peuvent-ils connaître
ce qu'ils cherchent ?
De même, quand notre étoile disparaît, quand l'in-

spiration divine ne précise point, nous laisse dans l'in-


certitude, Dieu veut que nous recourions à l'Église,
à ceux qui le représentent parmi nous, afin d'apprendre
d'eux la conduite à suivre. C'est l'économie de la pro-
vidence divine. Dieu aime que l'âme, dans ses doutes et
de sa marche vers le Christ, demande lu-
les difficultés
mière et direction à ceux qu'il a établis comme ses re-
présentants auprès de nous Qui vos audit, me audit \
:

i. Luc. X, 16.
1/ EPIPHANIE 173

Voyez Saul sur chemin de Damas à l'appel de


le :

Jésus, il « Seigneur que voulez-vous


s'écrie aussitôt :

que je fasse » ? Que lui répond le Christ ? Lui fait-il


alors connaître directement ses volontés ? Il aurait pu
le faire puisqu'il se révélait à lui comme étant le Sei-
gneur mais
ne le fait pas il le renvoie à ses repré-
il

sentants
;

« Entre dans la ville, et là, il te sera dit


:
;


par un autre —
ce que tu dois faire * ».
En soumettant les aspirations de nos âmes au con-
trôle de ceux qui ont grâce et mission de nous diriger
dans notre recherche de l'union divine, nous ne cou-
rons aucun risque de nous égarer, quels que soient d'ail-
leurs les mérites personnels de ceux qui nous guident.
A l'époque où les Mages arrivèrent à Jérusalem, l'as-
semblée de ceux qui avaient autorité pour interpréter
les saintes Écritures était composée en grande partie
d'éléments indignes et cependant, Dieu a voulu que
;

ce fût par leur ministère et leur enseignement que les


Mages apprissent officiellement l'endroit où était né le
Christ. Dieu, en effet, ne peut permettre que l'âme soit
trompée quand, avec humilité et confiance, elle s'a-
dresse aux représentants légitimes de son autorité sou-
veraine.
Bien au contraire, elle retrouvera la lumière et la
paix comme les Mages sortant de Jérusalem, l'âme
;

reverra alors l'étoile, pleine d'éclat et de splendeur, et,


comme eux aussi, remplie d'allégresse, elle reprendra
sa marche en avant Videntes autem stellam, gavisi
:

2
sunt gaudio magno valde .

IV

Suivons maintenant les Mages à Bethléem c'est là :

surtout que nous verrons se manifester la profondeur


de îeur foi.

i. Act. IX, 6. — 2. Matth. IT. io.


1/ï LE CHRIST DANS SES MYSTERES

L'étoile merveilleuse les conduit à l'endroit où ils


devaient enfin rencontrer celui qu'ils cherchaient depuis
si longtemps. Et que trouvent-ils? Un palais, un ber-

ceau royal, une longue suite de serviteurs empressés ?


Non, un pauvre ménage d'ouvriers. Ils cherchent un
roi, un Dieu, et ils ne voient qu'un enfant sur les genoux
de sa mère non pas un enfant transfiguré par des
;

rayons divins, comme cela se produisit plus tard, aux


yeux des apôtres, sur la montagne du Thabor, mais un
petit enfant, un pauvre et faible enfant.
Toutefois, de cet être si frêle en apparence, jaillissait
invisiblement une puissance divine Virtus de Mo exi- :

bat. Celui qui avait fait surgir l'étoile pour amener les
Mages à son berceau, les illuminait présentement lui-
même il remplissait intérieurement leur esprit de lu-
;

mière et leur cœur d'amour. C'est pour cela que dans


cet enfant, ils ont reconnu leur Dieu.
L'Évangile ne nous dit rien de leurs paroles, mais il
nous fait connaître le geste sublime de leur foi parfaite:
« Et s'étant prosternés, ils adorèrent l'enfant » Et pro- :

cidentes adoraverunt eum \


L'Église veut que nous nous associions à cette ado-
ration des Mages. Quand, durant la sainte messe, elle
nous donne à lire ces paroles du récit évangélique : « Et
se prosternant, nous fait fléchir le
ils l'adorèrent », elle
genou, pour marquer que, nous aussi, nous croyons à
la divinité de l'enfant de Bethléem.
Adorons-le avec une foi profonde. Dieu demande de
nous que, tant que nous sommes ici-bas, toute l'activité
de notre vie intérieure aboutisse à une union avec lui
dans la foi. La foi est la lumière qui nous donne de voir
Dieu dans l'enfant de la Vierge, d'entendre la voix de
Dieu dans les paroles du Verbe incarné, de suivre les
exemples d'un Dieu dans les actions de Jésus, de nous
approprier les mérites infinis d'un Dieu par les dou-

i. Matth. II. ii.


L 'EPIPHANIE 175

leurs et les satisfactions d'un homme souffrant comme


nous.
A travers le voile d'une humanité humble et passible,

l'âme qu'une foi vive éclaire, découvre toujours Dieu



;

partout où elle rencontre cette humanité, que ce soit


dans les abaissements de Bethléem, sur les routes de
Judée, sur le gibet du Calvaire ou sous les espèces eu-
charistiques, —
l'âme fidèle se prosterne devant elle,
parce qu'elle est l'humanité d'un Dieu. Elle se jette à
ses pieds pour l'écouter, lui obéir, la suivre, jusqu'à ce
qu'il plaise à Dieu de « révéler lui-même sa majesté in-
finie, dans les saintes splendeurs de la vision bienheu-
reuse » Usque ad contemplandam speciem tuae celsitu-
:

dinis perducamur \

L'attitude d'adoration chez les mages traduit en lan-


gage éloquent profondeur de leur foi
la les présents ;

qu'ils offrent sont aussi pleins de signification. Les


Pères de l'Eglise ont relevé avec insistance le symbo-
lisme des dons apportés au Christ par les Mages. Ar-
rêtons-nous, pour terminer cet entretien, à considérer
combien ce symbolisme est profond ce sera une joie :

pour nos âmes et un aliment pour notre piété.


Comme vous le savez, l'Évangile nous dit qu' « ayant
ouvert leurs trésors, les Mages offrirent à l'enfant de
l'or, de l'encens et de la myrrhe" ». Il est évident que,

dans la pensée des Mages, ces dons devaient servir à


exprimer les sentiments de leurs cœurs autant qu'à
honorer celui auquel ils les apportaient.
En examinant la nature de ces dons, qu'ils avaient
préparés avant leur départ, nous voyons que l'illumina-
tion divine avait déjà manifesté aux Mages quelque
chose de l'éminente dignité de celui qu'ils désiraient
contempler et adorer. La nature de ces dons indique
également la qualité des devoirs que les Mages vou-
i. Oraison de la fête de l'Epiphanie. — 2. Matth. II, 11.
176 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

laient remplir à l'égard de la personne du Roi des Juifs.


Le symbolisme des dons atteint donc à la fois celui à
qui ils sont offerts et ceux qui les présentent.
L'or, le plus précieux des métaux, est le symbole de
la royauté il marque, d'autre part, l'amour et la fidé-
;

lité que chacun doit à son prince.

On reconnaît universellement dans l'encens le sym-


bole du culte divin il ne s'offre qu'à Dieu. En prépa-
;

rant ce don, les Mages montraient qu'ils voulaient pro-


clamer la divinité de celui dont l'étoile annonçait la
naissance, et reconnaître cette divinité par l'adoration
suprême qu'on ne peut rendre qu'à Dieu.
Enfin ils avaient été inspirés de lui apporter de la
myrrhe. Que veulent-ils marquer par cette myrrhe, qui
servait à panser les blessures, à embaumer les morts ?
Ce présent signifiait que le Christ était homme, mais
un homme passible, qui mourrait un jour; la myrrhe
symbolisait aussi l'esprit de pénitence et d'immolation
qui doit caractériser la vie des disciples d'un crucifié.

Ainsi donc la grâce avait inspiré aux Mages d'appor-


ter des présents à celui qu'ils cherchaient. Il doit en
être de même pour nous. « Nous qui entendons le récit
de l'offrande des Mages, dit S. Ambroise \ sachons tirer
de nos trésors et présenter des offrandes semblables ».
Chaque fois que nous approchons du Christ, apportons-
lui, comme les Mages, des présents, mais des présents

qui soient magnifiques, qui soient, comme les leurs, di-


gnes de celui auquel nous les offrons.
Vous me direz peut-être « Nous n'avons ni or, ni
:

encens, ni myrrhe ». —
Cela est vrai mais nous avons
;

bien mieux, nous avons des trésors bien plus précieux,


les seuls, d ailleurs, que le Christ, notre Sauveur et notre
Roi, attende de nous. N'offrons-nous pas de l'or au
Christ quand, par une vie pleine d'amour et de fidélité

i. In Luc II, 44«


l'Epiphanie 177

à ses commandements, nous proclamons quil est le Roi


de nos cœurs ? Ne lui présentons-nous pas de l'encens,
lorsque nous croyons à sa divinité, et la reconnaissons
par nos adorations et nos prières ? En unissant nos hu-
miliations, nos souffrances, nos douleurs et nos larmes
aux siennes, ne lui apportons-nous pas de la myrrhe ?
Et si, par nous-mêmes, nous sommes dépourvus de
ces biens, demandons à Notre-Seigneur de nous enri-
chir des trésors qui lui sont agréables il les possède ;

pour nous les donner.


C'est ce que le Christ Jésus faisait entendre lui-même
un jour d'Epiphanie à sainte Mechtilde, après qu'elle
eut reçu la communion. « Voici, disait-il, que je te donne
l'or, c'est-à-dire mon divin amour ; l'encens, c'est-à-
dire toute ma sainteté et ma dévotion ; enfin la myrrhe,
qui est l'amertume de ma
Passion tout entière. Je te les
donne en propriété à point que tu pourras me les
tel
offrir en présents, comme un bien qui t'appartient \ »
Oui, c'est une vérité extrêmement consolante, que
nous ne devons jamais oublier. La grâce d'adoption di-
vine, qui nous rend frères de Jésus et membres vivants
de son corps mystique, nous donne le droit de nous ap-
proprier ses trésors pour les faire valoir auprès de lui-
même et de son Père. Ignorez-vous donc, disait S. Paul,
« la puissance et la grandeur de la grâce du Christ qui
s'est fait pauvre pour nous, de riche qu'il était, afin de
nous enrichir par sa pauvreté 3 ? »
Notre-Seigneur est lui-même la suppléance à nos
misères, il est notre richesse, notre action de grâces ;

il renferme en lui-même, d'une façon éminente, ce que

les présents des Mages signifient il en réalise en sa


;

personne, à la perfection, le profond symbolisme. Aussi


ne pouvons-nous offrir rien de mieux que lui-même au
Père céleste pour rendre grâces du don inappréciable de

i. Le Livre de la grâce spéciale. 1** partie, chap. VIII. — 2. II


Cor. VIII, 9.
Le Christ dans ses mystère-. 1 z
I7N LE CHRIST DANS SES MYSTERES

la foi chrétienne. Dieu nous a donné son Fils selon la ;

parole de Jésus, l'Être infini ne pouvait nous ma-


même
nifester son amour d'une façon plus éclatante SIC :

Deus dilexit mundum, ut Filium suum Unigenitum DA-


car, en nous le donnant, ajoute S. Paul, il nous
1
ret ;

a donné tous les biens Quomodo non etiam cum Mo


:

omnia nobis donavit ' ?


Mais nous devons, en retour, d'insignes actions de
grâces à Dieu pour ce don ineffable. Que donner à Dieu
qui soit digne de lui ? Son Fils Jésus. « En lui offrant
son Fils, nous lui rendons ce qu'il nous donne » Offe- :

rimus praeclarae majestati tuae de tuis donis ac datis *,


et il n'est pas de don qui lui soit plus agréable.
L'Église, qui connaît le secret de Dieu mieux que
personne, le sait si bien En ce jour, où commencent
!

ses noces mystiques avec le Christ, elle offre à Dieu,


« non plus l'or, l'encens et la myrrhe, mais celui-là
même qui est représenté par ces présents, immolé sur
l'autel et reçu dans le cœur de ses disciples » Ecclesiae :

tuae, quaesumus Domine, dona propitius intuere, quibus


non jam aurum, thus et myrrha profertur, sed quod
eisdem muneribus declaratur, immolatur et sumitur, Jé-
sus Christus Filius tuus, Dominus noster \
Offrons donc, avec le prêtre, le saint sacrifice of- ;

frons au Père éternel son divin Fils, après l'avoir reçu


à la table sainte mais offrons-nous aussi nous-mêmes
;

avec lui, par amour, pour accomplir en toutes choses


ce que sa volonté divine nous manifeste c'est le don :

le plus parfait que nous puissions présenter à Dieu.

L'Epiphanie dure encore ; elle se prolonge à travers


les siècles. « Nous aussi, dit S. Léon \ nous devons
goûter les joies des Mages ; car le mystère qui s'est ac-

Joan. III, 16.


I. —
2. Rom. VIII, 32. — 3. Canon de la messe.
— Secrète de la messe 4e l'Epiphanie.
4. — 5. Sermb XXXV, In
Epiphaniac soîemnitatc VI.
179

compli en ce jour ne doit pas y demeurer confiné. Par


la magnificence de Dieu et la puissance de sa bonté,
notre temps jouit de la réalité dont les Mages eurent
les prémices ».
L'Epiphanie se renouvelle, en effet, quand Dieu fait
luire la lumière de l'Évangile aux yeux des païens ;

chaque fois que la vérité brille aux regards de ceux qui


vivent dans l'erreur, c'est un rayon de l'étoile des Mages
qui apparaît.
L'Epiphanie se continue aussi dans l'âme fidèle quand
son amour devient plus fervent et plus stable. La fidé-
lité aux inspirations de la grâce —
c'est Notre-Seigneur
lui-même qui nous le dit, —
devient la source d'une il-
lumination plus vive et plus éclatante Qui diligit me... :

manîfestabo ei meipsum \ Heureuse l'âme qui vit de foi


et d'amour Il!se produira en elle une manifestation
toujours nouvelle et toujours plus profonde du Christ
Jésus le Christ la fera entrer dans une compréhension
;

toujours plus intime de ses mystères.


L'Écriture sainte compare la vie du juste à « une voie
3
lumineuse qui va de clarté en clarté », jusqu'au jour
où tous les voiles tombent, où toutes les ombres s'éva-
nouissent, où apparaissent, dans la lumière de la gloire,
les splendeurs éternelles de la divinité. Là, dit S. Jean,
dans son livre si mystérieux de l'Apocalypse où il nous
décrit les magnificences de la Jérusalem d'en haut, là
il n'est pas besoin de lumière, parce que l'Agneau, c'est-

à-dire le Christ, est lui-même la lumière qui éclaire et


3
réjouit les âmes de tous les élus .

Ce sera l'Epiphanie céleste.

« O
Dieu qui avez, en ce jour, par le moyen d'une
étoile,conduit les nations païennes à la connaissance
de votre Fils unique, accordez-nous, vous connaissant

i. Joan. XIV, 21. — 2. Prov. IV. 18. — 3. Apoc. XXI, 23;


XXII, 5.
180 LE CHRIST DAVS SES MYSTÈRES

contemplation de la
déjà par la foi, de parvenir a la
face de votre suprême majesté ». Deus, qui hodierna
die Unigenitum tuum gentibus Stella
duce revelasti :
concède propitius, ut qui jam te ex fide cognovimus,
usque ad contemplandam speciem tuae celsitudinis per-
ducamur.
IX. —
LA VIERGE MARIE,
LES MYSTÈRES DE L'ENFANCE
ET DE LA VIE CACHÉE.

(Temps après VÉpiphonie)

Sommaire. —Le Verbe divin nous emprunte une nature


humaine pour se l'unir personnellement. - I. Comment,
dans le mystère de l'Annonciation à la Vierge, se con-
clut l'échange entre la divinité et l'humanité; la ma-
ternité divine. La purification de Marie et la
II.
présentation de Jésus au Temple. —
III. Jésus perdu
à l'âge de douze ans. —
IV. La vie cachée à Naza-
reth. — V. Sentiments de la Vierge Marie durant les
années de la vie cachée.

Le mystère de l'Incarnation peut se ramener à un


échange, de tous points admirable, entre la divinité et
notre humanité. En retour de la nature humaine qu'il
nous emprunte, le Verbe éternel nous donne part à sa
vie divine.
Il est à remarquer, en effet, que c'est nous qui don-

nons au Verbe une nature humaine. Dieu aurait pu pro-


duire, pour l'unir à son Fils, une humanité déjà pleine-
ment établie dans la perfection de son organisme,
comme le fut Adam au jour de sa création le Christ ;

aurait été véritablement homme, parce que rien de ce


qui constitue l'essence d'un homme ne lui eût été étran-
ger mais, ne se rattachant pas directement à nous par
;

une naissance humaine, il n'aurait pas été proprement


de notre race.
182 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Dieu n'a pas voulu cette manière de procéder quel :

a été le dessein de la Sagesse infinie ? Que le Verbe

nous empruntât l'humanité qu'il devait s'unir. Le Christ


sera ainsi véritablement le « Fils de l'homme » il sera ;

membre de notre race Factura ex muliere *... ex semine


:

David 1 Quand nous célébrons à Noël la Nativité du


.

Christ, nous remontons à travers les siècles pour y


lire la liste de ses ancêtres nous parcourons sa généa-
;

logie humaine et, repassant les générations succes-


;

sives, nous le voyons naître dans la tribu de David, de


la Vierge Marie De qua natus est Jésus qui vocatur
:

Christus \
Dieu a voulu, pour ainsi dire, mendier à notre race
lanature humaine qu'il destinait à son Fils, pour nous
donner en retour une participation à sa divinité O :

admirabile commercium *
I

Vous le par sa nature, Dieu est porté à une


savez :

largesse infinie est de l'essence du bien de se répan-


; il

dre Bonum est diffusivum sui. S'il y a une bonté infinie,


:

elle est portée d'une façon infinie à se donner. Dieu est


cette bonté sans limite la révélation nous apprend
;

qu'il y a, entre les personnes divines, du Père au Fils,


du Père et du Fils au Saint-Esprit, d'infinies commu-
nications qui épuisent en Dieu cette tendance naturelle
de son Être à s'épancher.
Mais, outre cette communication naturelle de la
bonté infinie, il y en a une autre, jaillissant de son
amour libre envers la créature. La plénitude de l'Être et
du Bien qu'est Dieu a débordé au dehors, par amour.
Et comment cela s'est-il produit ? Dieu a voulu d'abord
se donner d'une façon tout à fait particulière à une
créature en l'unissant par une union personnelle avec

i. Gai. IV, 4. — 2. Rom. I, 3. — 3, Matth. I, it». — 4. An-


tienne df l'office de !;i Circoncision.
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHEE lOo

son Verbe. Ce don de Dieu à une créature est unique :

elle fait de cette créature choisie par la Trinité le propre


Fils de Dieu Filius meus es tu : ego hodie genui te \
:

C'est le Christ, c'est le Verbe uni personnellement et


d'une façon indissoluble à une humanité, en tout sem-
blable à la nôtre, excepté le péché.
Cette humanité, c'est à nous qu'il la demande « Ac- :

cordez-moi, pour mon Fils, votre nature », nous dit en


quelque sorte le Père éternel; « et moi, en retour, je vous
donnerai, à cette nature d'abord, et par elle, à tout
homme de bonne volonté, une participation de ma divi-
nité ».
Car Dieu ne se communique ainsi au Christ que pour
se livrer, par le Christ, à nous tous le plan divin est
:

que Christ reçoive la


le divinité dans sa plénitude et que
tous nous puisions, à notre tour, à cette plénitude : De
plenitudine ejus nos omnes accepimus \
Telle est cette communication de la bonté de Dieu au
monde Sic Deus dilexit mundum, ut Filium suum
:

Unigenitum DARET". C'est là l'ordre admirable qui pré-


side à l'admirable échange entre Dieu et l'humanité.

Mais à qui en particulier Dieu demandera-t-il d'en-


fanter cette humanité à laquelle il veut si étroitement
s'unir pour faire d'elle l'instrument de ses grâces au
monde ?
Nous avons déjà nommé cette créature, que toutes
les générations proclameront bienheureuse la généa- :

logie humaine de Jésus s'arrête à Marie, Vierge de Na-


zareth. A elle, et par elle à nous, le Verbe a demandé
une nature humaine, et Marie la lui a donnée c'est ;

pourquoi nous la verrons désormais inséparable de


Jésus et de ses mystères partout où se trouve Jésus,
;

nous la verrons il est son Fils autant qu'il est le Fils


:

de Dieu.
i. Ps. II, 7. — 2. Joan. 1, 16. — 3. îbïcl. III. 16.
184 LE CHRIST DANS SES MYSTBRKS

Cependant, si partout Jésus garde sa qualité de Fils


de Marie, c'est surtout dans les mystères de l'enfance et
de la vie cachée qu'il se révèle sous cet aspect si, par-
;

tout, Marie occupe une place unique, c'est dans ces


mystères que son rôle se manifeste extérieurement le
plus actif, et c'est bien en ces moments que nous devons
la contempler, car c'est alors surtout que resplendit sa
maternité divine; et vous savez que cette dignité incom-
parable est la source de tous les autres privilèges de la
Vierge.
Ceux qui ne connaissent pas la Vierge, ceux qui n'ont
pas pour la mère de Jésus un amour véritable, risquent
de ne pas comprendre avec fruit les mystères de l'huma-
nité du Christ. Il est le Fils de l'homme comme il est
le Fils de Dieu ces deux caractères lui sont essentiels;
;

s'il est Fils de Dieu par une ineffable génération éter-

nelle, il est devenu Fils de l'homme en naissant de


Marie dans le temps.
Contemplons donc cette Vierge à côté de son Fils,
elle nous obtiendra en retour de pénétrer davantage
dans la compréhension de ces mystères du Christ aux-
quels elle est si étroitement unie.

Pour que l'échange que Dieu voulait contracter avec


l'humanité fût possible, il fallait que l'humanité y con-
sentît. C'est la condition posée par la Sagesse infinie.
Transportons-nous à Nazareth. La plénitude des
temps est venue Dieu a décidé, dit S. Paul, d'envoyer
;

son Fils au monde en l'y faisant naître d'une femme.


L'ange Gabriel, messager divin, apporte à la jeune
Vierge les propositions célestes. Un dialogue sublime
s'engage, dans lequel va se décider la libération du
genre humain. L'ange salue d'abord la Vierge en la pro-
clamant, de la part de Dieu, « pleine de grâce » Ave:
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHÉE 185

gratia plena. Et, en effet, non seulement elle est imma-


culée, aucune souillure n'a terni son âme, l'Église a —
défini que, seule entre toutes les créatures, elle n'a pas
été atteinte par la faute originelle mais encore,;

parce qu'il la prédestinait à être la mère de son Fils, le
Père éternel l'a comblée de ses dons. Elle est pleine de
grâce, non, sans doute, comme le sera le Christ, plénum
gratiae ; lui, il l'est par droit et de la plénitude divine
elle-même Marie reçoit tout en participation, mais
;

dans une mesure qui ne peut se fixer,. et en corrélation


avec son éminente dignité de Mère de Dieu. « Voici,
dit l'ange, que vous enfanterez un Fils, vous lui donne-
rez le nom de Jésus,... on l'appellera Fils du Très-Haut;
il régnera, et son règne n'aura point de fin ». « Com- —
ment cela se fera-t-il, réplique Marie, puisque je ne
connais point d'homme ? » Car elle veut garder sa vir-
ginité. —
« L'Esprit-Saint viendra sur vous la vertu ;

du Très-Haut vous couvrira c'est pourquoi le fruit


;

saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu ».


— « Voici la servante du Seigneur; qu'il me soit fait
selon votre parole » Ecce ancilla Domini, fiât mihi se-
:

cundum verbum tuum \


En ce moment solennel, l'échange est conclu ;
quand
la Vierge a prononcé son fiât, toute l'humanité a dit à
Dieu par sa bouche « Oui, ô Dieu, j'accepte qu'il en
:
;

soit ainsi » Et aussitôt le Verbe s'est fait chair Et


! :

Verbum caro factum est. En cet instant, le Verbe s'in-


carne en Marie par l'opération de l'Esprit-Saint le sein :

de la Vierge devient l'arche de la nouvelle alliance entre


Dieu et les hommes.
Quand l'Église chante, dans le Credo, les paroles qui
rappellent ce mystère Et incarnatus est de Spiritu
:

Sancto ex Maria virgine, et homo factus est, elle oblige


ses ministres à fléchir le genou en signe d'adoration.
Adorons, nous aussi, ce Verbe divin qui se fait homme
i. Luc. I, 28, 31-35, 38.
1SH LE CHRIST DANS SES MYSTKRKS

pour nous dans le sein d'une vierge adorons-le avec ;

d'autant plus d'amour qu'il s'abaisse davantage en pre-


nant, comme dit S. Paul, « la condition de créature » :

Formant servi accipiens \ Adorons-le, en union avec


Marie elle-même qui, éclairée de la lumière d'en haut,
s'est prosternée devant son Créateur devenu son Fils ;

avec les anges étonnés de cette condescendance infinie


envers l'humanité.
Saluons ensuite la Vierge remercions-la de nous
;

avoir donné Jésus ; c'est àson consentement que nous


1
le devons Per quam meruimus ductorem vitae Ajou-
: .

tons-y nos félicitations. Voyez comment l'Esprit-Saint


lui-même par la bouche d'Elisabeth, Et repleta est Spi-
ritu sancto Elisabeth, saluait la Vierge au lendemain
de l'Incarnation « Soyez bénie entre toutes les femmes
:

et que soit béni le fruit de vos entrailles Heureuse !

êtes-vous d'avoir cru à l'accomplissement des choses qui


=
vous ont été dites de la part du Seigneur » Heureuse, !

car cette foi en la parole de Dieu a fait de la Vierge la


Mère du Christ. Quelle simple créature a jamais reçu,
de la part de l'Être infini, de pareilles louanges ?
Marie renvoie au Seigneur toute la gloire des mer-
veilles qui s'opèrent en elle. Depuis l'instant où le Fils
de Dieu a pris chair en son sein, la Vierge chante dans
son cœur un»cantique plein d'amour et de reconnais-
sance. Auprès de sa cousine Elisabeth, elle laisse débor-
der les sentiments intimes de son âme elle entonne le ;

Magnificat que, dans le cours des siècles, ses enfants


répéteront avec elle pour louer Dieu de l'avoir choisie
entre toutes les femmes : « Mon âme glorifie le Sei-
gneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon
Sauveur, parce qu'il a regardé la bassesse de sa ser-
vante... car c'est le Tout-Puissant qui a opéré en moi

i. Philipp. II, 7. — 2. Oraison de l'office de la Circoncision. —


3. Luc. I. 41 -42. 45.
LA VIKIUiE MARIE ET LA VIK CACHÉE 187

ces grandes choses », Magnificat anima mea Dominum:


quia fecit miiii magna qui potens est*.

Marie était à Bethléem, pour le recensement ordonné


par César, quand, dit S. Luc, « vint pour elle le moment
où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son Fils
premier né, l'enveloppa de langes et le coucha dans une
crèche, parce qu'il n'y avait pas de place à l'hôtellerie »\
Quel est cet enfant ? C'est le fils de Marie, puisque c'est
d'elle qu'il vient de naître Primogenitum suum. :

Mais Vierge voit dans cet enfant, semblable à tous


la
les autres, le propre Fils de Dieu. L'âme de Marie était
remplie d'une foi immense, qui renfermait en elle et
dépassait toute la foi des justes de l'Ancien Testament;
c'est pourquoi elle reconnaît en son Fils son Dieu.
Cette foi se traduit au dehors par un acte d'adoration.
Dès le premier regard qu'elle a eu pour Jésus, la Vierge
s'est prosternée intérieurement dans une adoration dont
nous ne pouvons sonder la profondeur.
A cette foi si vive, à ces adorations si profondes ve-
naient s'ajouter les élans d'un amour incommensurable.
L'amour humain d'abord. Dieu est amour et pour ;

que nous ayons quelque idée de cet amour, il en donne


une participation aux mères. Le cœur d'une mère, avec
sa tendresse infatigable, la constance de ses sollicitu-
des, les délicatesses inépuisables de son affection est
une création vraiment divine, encore que Dieu n'y ait
mis qu'une étincelle de son amour pour nous. Toutefois,
si imparfaitement que le cœur d'une mère reflète l'a-

mour divin à notre égard, Dieu nous donne nos mères


pour le remplacer en quelque sorte auprès de nous il ;

les met à nos côtés, dès le berceau, pour nous guider,


nous garder, surtout dans ces permières années durant
lesquelles nous avons tant besoin de tendresse.
Imaginez dès lors avec quelle prédilection la sainte
i. Lui-. 1. 4b. 49. — 2. Ibid. I!, 6-7.
188 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Trinité a façonné le cœur de la Vierge choisie pour être

la mère du Verbe incarné Dieu s'est plu à verser l'a-


;

mour dans son cœur, à le former tout exprès pour aimer


un Homme-Dieu.
Dans le cœur de Marie se réunissait, avec une har-
monie parfaite, l'adoration d'une créature à l'égard de
son Dieu et l'amour d'une mère pour son fils unique.
L'amour surnaturel de la Vierge n'est pas moins éton-
nant. Vous le savez : l'amour d'une âme pour Dieu se
mesure à son degré de grâce. Qu'est-ce qui, en nous,
empêche la grâce et l'amour de se développer? Nos pé-
chés, nos fautes délibérées, nos infidélités volontaires,
nos attaches à la créature. Chaque faute délibérée rétré-
cit le cœur, affermit l'égoïsme. Mais l'âme de la Vierge
est d'une pureté parfaite aucun péché ne l'a souillée,
;

aucune ombre de faute ne Ta touchée elle est pleine de


;

grâce Gratia pîena ; loin de rencontrer en elle le moin-


:

dre obstacle à l'épanouissement de la grâce, l'Esprit-


Saint a toujours trouvé le cœur de la Vierge d'une doci-
lité admirable à ses inspirations. C'est pour cette raison

que ce cœur est tout dilaté par l'amour.


Quelle ne dut pas être la joie de l'âme de Jésus de se
sentir aimé à tel point par sa mère Après la joie in-
!

compréhensible qui naissait pour lui de la vision béati-


fique et du regard d'infinie complaisance avec lequel le
Père céleste le contemplait, rien ne dut tant le réjouir
que l'amour de sa mère. Il trouvait là une compensation
plus qu'abondante à l'indifférence de ceux qui ne vou-
laient pas le recevoir il trouvait dans le cœur de cette
;

jeune vierge un foyer d'amour sans cesse entretenu,


qu'il attisait lui-même par ses regards divins et par la
grâce intérieure de son Esprit.
Il se produisait entre ces deux âmes d'incessants
échanges qui avivaient leur union il y avait de Jésus à
;

Marie de telles donations, de Marie à Jésus une telle


correspondance qu'après l'union des personnes divines
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHEE 189

dans ia Trinité et l'union hypostatique de l'Incarnation,


on n'en peut concevoir de plus grande ni de plus pro-
fonde.

Approchons-nous de Marie avec une humble mais


entière confiance. Si son Fils est leSauveur du monde,
elle entre trop avant dans sa mission pour ne pas par-
tager l'amour qu'il porte aux pécheurs. O Mère de Jésus,
lui chanterons-nous avec l'Église, « vous qui avez en-
fanté votre Créateur tout en demeurant vierge, secourez
cette race déchue que votre Fils vient relever en nous
empruntant une nature humaine » Aima Redemptoris:

mater... succurre cadenti sur gère qui curât populo ;


« ayez pitié des pécheurs que votre Fils vient racheter »:
Peccatorum miserere. Car c'est pour nous, ô Marie, pour
nous racheter, qu'il a daigné descendre des splendeurs
éternelles dans votre sein virginal.

II

Marie comprendra cette prière, car elle s'est associée


intimement à Jésus dans l'œuvre de notre rédemption.
Huit jours après la naissance de son Fils, elle le fait
circoncire selon la loi juive ; elle lui donne alors le nom
indiqué par l'ange, le nom de Jésus, qui marque sa
mission de salut et son œuvre rédemptrice.

Lorsqu'il a atteint quarante jours, la Vierge s'associe


plus directement et plus profondément encore à l'œuvre
de notre salut en présentant au Temple. C'est elle
le
qui, la première, a offertau Père éternel son divin Fils.
Après l'oblation que Jésus, pontife suprême, a faite de
lui-même dès son Incarnation, et qu'il achèvera au
calvaire, l'offrande de Marie est la plus parfaite. Elle
est en dehors de tous les actes sacerdotaux des hom-
mes elle les surpasse même, parce que Marie est la
;
190 LE CHRIST DANS SES MYSTKHKS

mère du Christ, tandis que les hommes ne sont que ses


ministres.
Contemplons Marie dans cet acte solennel de la Pré-
sentation de son Fils au temple de Jérusalem.
Tout le magnifique et minutieux cérémonial de l'An-
cien Testament convergeait vers le Christ tout y était ;

symbole obscur qui devait trouver sa réalité parfaite


dans la Nouvelle Alliance.
Vous savez que parmi les prescriptions rituelles qui
obligeaient les femmes juives devenues mères, était
celle de se présenter au Temple quelques semaines après
l'enfantement. La mère devait se purifier de la souillure
légale qu'elle contractait à la naissance de l'enfant, par
suite du péché originel de plus, si l'enfant était pre-
;

mier né et de sexe masculin, elle devait le présenter au


Seigneur pour lui être consacré comme au Souverain
Maître de toute créature Omne masculinum adape-
:

riens vulvam sanctum Domino vocabitur \ Toutefois, on


pouvait le « racheter », par une offrande plus ou moins
considérable —
agneau ou paire de tourterelles, sui- —
vant l'état de fortune des familles.
Assurément ces prescriptions n'obligeaient ni Marie
ni Jésus. Jésus était le législateur suprême de tout le
rituel juif son enfantement avait été miraculeux et vir-
;

ginal :rien que de pur dans sa naissance Quod nasce- :

3
tur ex te sanctum, vocabitur Filius Dei ; il n'était
point nécessaire dès lors de le consacrer au Seigneur,
puisqu'il était le propre Fils de Dieu il n'était point ;

requis que celle qui avait conçu de l'Esprit-Saint et était


demeurée Vierge se purifiât.
Mais Marie, guidée en ceci par le même Esprit-Saint,
qui est l'Esprit de Jésus, était en parfaite conformité de
sentiments avec l'âme de son Fils. O Père, avait dit
Jésus en entrant dans le monde, vous ne voulez plus
d'offrandes ni d'holocaustes ils sont insuffisants pour
:

i. Luc. II, 23 : cf. Exod. XIII, 2. — 2. Luc. L 35.


LA VIERCiK .MARIE ET LA VIE CACHÉE 191

satisfaire votre adorable justice et racheter l'homme


pécheur mais vous m'avez donné un corps pour vous
;

l'immoler me voici, je veux en tout accomplir votre


:

volonté » Ecce venio \ Et qu'avait dit la Vierge ?


:

« Voici la servante du Seigneur qu'il me soit fait selon ;

votre parole » Ecce ancilla Domini, fiât mihi secun-


:

dum verbum tuum.


C'est pour cela qu'elle a voulu accomplir cette céré-
monie, montrant par là combien sa soumission était
profonde. Avec Joseph, son époux, elle apporte donc
Jésus son premier né, Primo genitum suum, qui demeu-
rera son Fils unique, mais doit devenir « le premier né
d'une multitude de frères » qui, par la grâce, lui seront
semblables Primogenitus in multis fratribus \
:

Quand nous méditons ce mystère, nous sommes for-


cés de dire Vous êtes un Dieu caché, ô Sauveur du
: «.

monde » Deus absconditus, Deus Israël Salvator \ Ce


!

jour-là, le Christ entrait pour la première fois dans le


Temple, et c'est dans son temple qu'il entrait. Ce temple
merveilleux, qui faisait l'admiration des nations et l'or-
gueil d'Israël, dans lequel s'accomplissaient tous les
dont Dieu lui-même avait
rites religieux et les sacrifices
réglé les détails, ce temple appartenait car cet en-
lui :

fant porté par une jeune Vierge est le Roi des rois et le
Seigneur souverain Veniet ad templum SUUM Domi-
:

nator \
Et comment y vient-il ? Dans l'éclat de sa majesté ?
Comme celui à qui seul toutes les offrandes sont dues ?
Non, il y vient absolument caché.
Écoutez plutôt ce qu'en rapporte l'Évangile. Il devait
y avoir là, aux abords de l'édifice sacré, une foule re-
muante des marchands, des lévites, des prêtres, des
:

docteurs de la Loi. Un petit groupe se perd dans cette

i. Hebr. X, s-7- — 2. Rom. VIII, 29. — 3. Isa. XLV, 15.—


4. Malach. III, 1.
ÏU'2 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

foule qu'il traverse ce sont des pauvres, car ils n'amè-


:

nent pas d'agneau, offrande des riches ils n'apportent ;

que deux colombes, sacrifice des indigents. Personne ne


les remarque, car ils n'ont aucune suite de serviteurs ;

les grands, les superbes parmi les Juifs n'ont pas même
pour eux un regard, et il faut que l'Esprit-Saint éclaire
le vieillard Siméon et la prophétesse Anne pour qu'ils

reconnaissent le Messie. Celui qui est « le Sauveur pro-


mis au monde, la lumière qui doit luire devant toutes
les nations », Salutare tuum quod parasti ante faciem
omnium papulorum \ vient dans son temple en Dieu
caché rVereDeus absconditus.
Rien, non plus, ne trahissait au dehors les sentiments
de l'âme sainte de Jésus la lumière de sa divinité de-
;

meurait cachée, voilée ; mais il ici, au Tem-


renouvelait,
ple, l'oblation qu'il avait faite de lui-même au moment
de l'Incarnation il s'offrait : à son Père pour être « sa
chose », lui appartenir de plein droit : Sanctum Domino
vocabitur. C'était comme l'offertoire du sacrifice qui
devait être consommé sur le Calvaire.
Aussi cet acte fut-il extrêmement agréable au Père.
Aux yeux des profanes, il n'y avait rien de particulier
dans cette action si simple que toutes les mères juives
accomplissaient. Mais Dieu reçut en ce jour infiniment
plus de gloire qu'il n'en avait reçu jusque-là dans ce
temple par tous les sacrifices et tous les holocaustes de
l'Ancienne Loi. Pourquoi cela ? Parce qu'en ce jour,
c'est son Fils Jésus qui lui est offert, et qui iui offre lui-
même des hommages infinis d'adoration, d'action de
grâces, d'expiation, de supplication. C'est un don digne
de Dieu ;Père céleste dut recevoir avec une joie in-
le

commensurable cette offrande sacrée, et toute la cour


céleste fixait ses regards ravis sur cette oblation unique.
Il n'est plus besoin, à présent, d'holocaustes ni de sacri-

i. Luc. II, 30-31.


LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHÉE 193

fices d'animaux : la seule victime digne de Dieu vient


de lui être offerte.

Et c'est par les mains de la Vierge, de la Vierge pleine


de grâce, que cette offrande si agréable lui est présen-
tée. La foi de Marie était parfaite remplie des clartés
;

de l'Esprit-Saint, son âme comprenait la valeur de


l'offrande qu'elle faisait à Dieu en ce moment par ses ;

inspirations, l'Esprit-Saint harmonisait son âme avec


les dispositions intérieures du Cœur de son divin Fils.
Tout comme elle avait donné son assentiment au nom
de l'humanité quand l'ange lui avait annoncé le mystère
de l'Incarnation, de même en ce jour, Marie a offert
Jésus au nom de la race humaine. Elle sait que son Fils
est « le Roi de gloire, la lumière nouvelle, engendrée
avant l'aurore, le maître de la vie et de la mort. » C'est
pourquoi elle le présente à Dieu pour nous obtenir tou-
tes ces grâces de salut que son Fils Jésus doit, selon la
promesse de l'ange, apporter au monde Ipsa enim:

portât Regem gloriae novi luminis ; substitit Virgo ad-


ducens manibus Filium ante luciferum genitum \
N'oubliez pas non plus que celui qu'elle offre ainsi
est son propre Fils, celui qu'elle a porté dans son sein
virginal et fécond. Quel prêtre, quel saint a jamais pré-
senté à Dieu l'oblation eucharistique dans une union
aussi étroite avec la divine victime que l'était la Vierge
en ce moment ? Non seulement elle était unie à Jésus
par des sentiments de foi et d'amour, comme nous pou-
vons l'être nous-mêmes, quoique à un degré infiniment
moindre mais le lien qui l'unissait au Christ Jésus était
;

unique Jésus était le propre fruit de ses entrailles.


:

Voilà pourquoi Marie, dès ce jour où elle présente Jésus


comme les prémices du futur sacrifice, a une part si pré-
pondérante dans l'œuvre de notre rédemption.

i. Antienne Adorna de la bénédiction des cierges, à la fête de la


Purification.

Le Christ dans ses mystères. 13


194 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Et voyez comment, dès cet instant aussi, le Christ Jé-


sus veut associer sa divine Mère à sa qualité de victime.
Voici que s'amène le vieillard Siméon, guidé par le
Saint-Esprit dont il était rempli Et Spiritus sanctus :

erat in eo... et venit in Spiritu in templum. 11 reconnaît


le Sauveur du monde dans cet enfant il le prend dans :

ses bras et chante sa joie d'avoir enfin vu de ses yeux le


Messie promis. Après avoir exalté « la lumière qui doit
se manifester un jour à toutes les nations », voici qu'il
rend Jésus à sa Mère, et s'adressant à celle-ci il lui dit :

« Cet enfant est prédestiné à la ruine et à la résurrection


de beaucoup en Israël. Il sera un signe auquel on contre-
1
dira et votre âme sera percée d'un glaive
; ». C'était

l'annonce imprécise du sacrifice sanglant du Calvaire.


L'Évangile ne nous dit rien des sentiments que cette
prédiction fait naître dans le cœur très pur de la Vierge.
Pouvons-nous croire qu'elle se soit jamais évanouie de
son esprit ? S. Luc nous révélera plus tard, à propos
d'autres événements, que la Vierge Marie « conservait
toutes choses dans son cœur » Mater ejus conservabat:

omnia verba haec in corde suo*. Ne peut-on pas déjà


le dire de cette scène pour elle si inattendue ? Oui, elle
conservait le souvenir de ces paroles, si terribles dans
leur mystère pour son cœur maternel c'est dès lors et ;

pour toujours qu'elles ont transpercé son âme. Mais


Marie a accepté, en plein accord avec les sentiments du
cœur de son Fils, d'être associée si tôt et si pleinement
à son sacrifice.
Nous la verrons un jour achever, comme Jésus, son
oblation sur la montagne du Golgotha nous la verrons ;

debout, Stabat mater ejus 3 , offrir encore son Fils, le


fruit de ses entrailles, pour notre salut, comme elle
l'avait offert trente-trois ans auparavant, dans le temple
de Jérusalem.

i. Luc. II, 25, 27, $2-35. — 2. Ibid. 51. — 3. Cf. loan. XIX.
25-
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHEE 195

Remercions la Vierge Marie d'avoir présenté pour


nous son divin Fils rendons de ferventes actions de
;

grâces à Jésus lui-même de s'être offert à son Père pour


notre salut.
A la sainte messe, le Christ s'offre de nouveau ;
pré-
sentons-le à son Père unissons-nous nous-mêmes a
;

lui, comme lui, dans la disposition d'une parfaite sou-

mission à la volonté de son Père céleste unissons-nous ;

à la foi si profonde de la Vierge c'est « par cette foi


:

véritable et cet amour plein de fidélité », Te veraciter


agnoscamus et fideliter diligamus \ que « nos offrandes
mériteront d'être agréables à Dieu » Oculis tuae ma-
:

2
jestatis digna sint mimera .

III

En attendant que se réalise dans sa plénitude la pro-


phétie de Siméon, Marie aura dès à présent sa part de
sacrifice.
Elle va bientôt fuir en Egypte, dans un pays inconnu,
pour soustraire son Fils à la colère du tyran Hérode ;

elle y reste jusqu'à ce que l'ange, après la mort du roi,


ordonne à Joseph de reprendre la route de la Palestine.
La sainte famille vient alors se fixer à Nazareth. C'est
là que l'existence de Jésus va s'écouler jusqu'à l'âge de
trente ans, si bien qu'il sera appelé « Jésus de Naza-
reth ».

L'Évangile ne nous a conservé qu'un trait de cette pé-


riode de l'existence du Christ Jésus perdu au Temple.
:

Vous connaissez les circonstances qui avaient amené


la sainte famille à Jérusalem. L'enfant Jésus avait douze
ans. C'était l'âge où les jeunes Israélites commençaient
à être soumis aux prescriptions de la loi mosaïque, no-

i. Oraison de la bénédiction des cierges. — 2. Ci. Secrète d^ la


messe de la Purification.
196 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

tamment à celle de se rendre au Temple trois fois par


an,aux fêtes de Pâques, de Pentecôte et des Taberna-
cles.Notre divin Sauveur qui avait voulu, par sa cir-
concision, porterle joug de la Loi, se rendit donc avec

Marie et son père nourricier dans la ville sainte. C'était


sans doute la première fois qu'il accomplissait ce pèle-
rinage.
Quand il Temple, personne ne soup-
entra dans le

çonna que Dieu qu'on y adorait.


cet adolescent était le
Jésus était là, mêlé à la foule des Israélites, prenant
part aux cérémonies du culte, au chant des psaumes.
Son âme comprenait, comme jamais aucune créature ne
le fera, la signification des rites sacrés ; elle goûtait
dégage du symbolisme de cette liturgie
l'onction qui se
dont Dieu lui-même avait réglé les détails Jésus voyait
;

la figure de tout ce qui devait s'accomplir en sa per-


sonne il en prenait occasion pour offrir à son Père, au
;

nom des assistants et de toute l'humanité, une louange


parfaite. Dieu recevait là des hommages infiniment di-
gnes de lui.
« A la fin de la fête, dit l'Évangéliste, qui a dû en tenir
le récit de la Vierge elle-même, l'enfant Jésus resta dans
1
la ville, sans que ses parents s'en fussent aperçus » .

Vous savez qu'au temps de la Pâque l'affluence des


Juifs était très considérable il se produisait alors un
;

encombrement dont on ne peut guère se faire une idée ;

au retour, les caravanes se formaient avec une extrême


difficulté et ce n'est seulement que bien tard dans la
;

journée qu'on pouvait se reconnaître. De plus, selon la


coutume, les adolescents pouvaient se joindre, comme
il leur plaisait, à tel ou tel groupe de leur caravane.
Marie croyait que Jésus se trouvait avec Joseph. Elle
cheminait donc en chantant les hymnes sacrées surtout ;

elle pensait à Jésus, espérant le retrouver bientôt.


Mais quelle douloureuse surprise n'eut-elle pas, quand
i. Luc. II, 43.
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHÉE 197

rejoignant le groupe où était S. Joseph, elle n'y trouva


pas l'enfant « Et Jésus ? où est Jésus ? » fut leur pre-
!

mier mot à tous deux. Où était Jésus ? Ils l'ignoraient.


Lorsque Dieu veut conduire une âme jusque sur les
hauteurs de la perfection et de la contemplation, il la
fait passer par de grandes épreuves. Notre-Seigneur l'a
dit « Quand une branche unie à moi, qui suis la vigne,
:

porte du fruit, mon Père l'émonde Purgabit eum. Et


:

pourquoi ? Afin qu'elle porte plus de fruit Ut fructam :

plus afferat \ Ce sont de dures épreuves, qui consistent


surtout en ténèbres spirituelles, en sentiments d'abandon
de Dieu, par lesquelles le Seigneur creuse l'âme pour la
rendre digne d'une union plus intime et plus élevée.
La Vierge Marie n'avait certes pas besoin de telles
épreuves quelle branche fut jamais plus féconde, puis-
;

qu'elle donna au monde le fruit divin ? Mais quand elle


a perdu Jésus, elle a connu ces vives souffrances qui de-
vaient augmenter sa capacité d'amour et l'étendue de
ses mérites. Nous pouvons difficilement mesurer la
grandeur de cette affliction il faudrait, pour la con-
;

naître, comprendre ce que Jésus était pour sa Mère.


Jésus n'avait rien dit Marie le connaissait trop bien
;

pour penser qu'il se fût trompé de chemin s'il avait ;

quitté ses parents, c'est qu'il l'avait voulu. Quand re-


viendrait-il ? Le reverrait-elle encore ? Marie n'avait
pas vécu plusieurs années à Nazareth à côté de Jésus
sans sentir qu'il y avait en lui un mystère ineffable. Et
c'était là pour elle à ce moment la source d'une angoisse
sans pareille.

Il maintenant rechercher l'enfant. Quelles jour-


fallait
nées Dieu a permis que la Vierge fût dans les ténèbres
!

pendant ces heures remplies d'anxiété elle ne savait ;

pas où était Jésus elle ne comprenait pas qu'il n'eût


;

pas prévenu sa mère sa douleur était immense d'être


;

i. Joan. XV, 2.
198 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

ainsi privée de celui qu'elle aimait à la fois comme son


Fils et comme
son Dieu.
Marie et Joseph retournèrent à Jérusalem, le cœur
plein d'inquiétude ; l'Évangile nous dit qu'ils cherchè-
rent partout, auprès de leurs proches et de leurs con-
l
naissances mais personne n'avait vu Jésus. Enfin
;

vous savez comment après trois jours ils le retrouvèrent


au Temple assis au milieu des docteurs de la Loi.
Les Docteurs d'Israël se réunissaient dans une des
salles du Temple pour expliquer les saintes Écritures ;

chacun pouvait venir se joindre au groupe des disciples


et des auditeurs. C'est ce que fit Jésus. Il était venu là,
au milieu d'eux, non pour enseigner, l'heure où il se —
présenterait à tous comme le seul Seigneur qui vient ré-
véler les secrets d'en haut, n'avait pas encore sonné ;

il était venu là, comme les autres jeunes Israélites,
« pour écouter et interroger » c'est le texte même de
:

l'Évangile \
Et quel était le but de l'enfant Jésus en interrogeant
ainsi docteurs de la Loi ? Il voulait, sans aucun
les
doute, les éclairer, les amener, par ses questions et ses
réponses, par les citations qu'il faisait de l'Écriture, à
parler de la venue du Messie orienter leurs recherches
;

vers ce point, afin qu'ils eussent l'attention éveillée sur


les circonstances de l'apparition du Sauveur promis.
C'est là, apparemment, ce que le Père éternel voulait de
son Fils, la mission qu'il lui donnait à accomplir et pour
laquelle il lui faisait interrompre, pour un moment, sa
vie cachée, toute de silence. Et les docteurs d'Israël
étaient stupéfaits de la sagesse de ses réponses Stu- :

pebant... prudentia et responsis ejus 3 .

Marie et Joseph, tout heureux de retrouver Jésus,


s'approchent de lui, et sa mère lui dit « Mon Fils, :

pourquoi avez-vous agi ainsi à notre égard ? » Ce n'est


pas un reproche, —
l'humble Vierge était trop sage pour
i. Luc. II, 44. — 2. Ibid. 46. — 3. Luc. II, 47.
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHÉE 199

oser blâmer celui qu'elle savait être Dieu mais c'est ;



le cri d'un cœur trahissant ses sentiments maternels.
« Voici que votre père et moi remplis de douleur, do-
lentes, nous vous cherchions. » Et quelle est la réponse
du Christ ? —
« Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne sa-
vez-vous pas que je dois être aux affaires de mon
Père » ? »

Des paroles tombées des lèvres du Verbe incarné,


c'est la première qui ait été recueillie par l'Évangile.
Toute la personne, toute la vie, toute l'œuvre de Jésus
s'y résument. Elle traduit sa filiation divine, elle marque
sa mission surnaturelle et toute l'existence du Christ
;

n'en sera que le commentaire éclatant et magnifique.


Elle contient aussi pour nos âmes un précieux ensei-
gnement. Je vous l'ai dit souvent dans le Christ il y a
:

deux générations il est Films Dei et Filius hominis.


;

Comme « Fils de l'homme », il était tenu d'observer


la loi naturelle et la loi mosaïque qui ordonnaient aux
enfants de témoigner à leurs parents respect, amour et
soumission. Et qui l'a fait mieux que Jésus ? Il dira plus
tard « qu'il n'est pas venu supprimer la Loi, mais la
a
perfectionner ». Qui mieux que lui sut trouver dans son
cœur des marques plus sincères de tendresse humaine ?
Comme « Fils de Dieu », il avait envers son Père cé-
leste des devoirs supérieurs aux devoirs humains, et qui
semblaient parfois en opposition avec ces derniers. Son
Père lui avait fait comprendre qu'il devait demeurer ce
jour-là à Jérusalem.
Par la parole qu'il a prononcée en cette circonstance,
le Christ veut nous faire entendre que quand Dieu nous

demande d'accomplir sa volonté, nous ne devons nous


laisser arrêter par aucune considération humaine c'est ;

dans ces occasions qu'il faut dire Je dois être tout :

entier aux choses de mon Père des deux.

i. Luc. II, 48-49. — 2. Matth. V, 1-.


200 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

S. Luc, qui en avait sans doute recueilli l'humble aveu


de la Vierge elle-même, nous dit que Marie « ne comprit
pas la profondeur de cette parole 1 ». Elle savait bien
que son divin fils ne pouvait agir que d'une façon par-
faite mais pourquoi alors ne l'avoir pas prévenue ?
;

Elle ne saisissait pas quelles relations il y avait entre


cette façon de faire de Jésus et les intérêts de son Père.
Comment la conduite présente de Jésus rentrait-elle
dans le programme de salut que lui avait donné son
Père céleste ? Cela lui échappait encore.
Mais si elle n'en perçut pas alors toute la portée, elle
ne doutait pas que Jésus fût le Fils de Dieu. C'est pour-
quoi elle se soumettait en silence à cette volonté divine
qui venait de réclamer de son amour un tel sacrifice ;

« elle conservait dans son cœur toutes les paroles de


Jésus » Conservabat omnia verba haec in corde suo.
:

C'est dans son cœur qu'elle les gardait c'était là le ;

tabernacle où elle adorait le mystère des paroles de son


Fils en attendant que la pleine lumière lui fût donnée.

IV

L'Évangile nous dit qu'après avoir été retrouvé dans


le Temple, Jésus regagna Nazareth avec sa Mère et
S. Joseph et qu'il y demeura jusqu'à l'âge de trente ans.
Et l'écrivain sacré résume toute cette longue période
par ces simples mots Et erat subditus illis\ « Et il
:

leur était soumis ».


Ainsi sur une existence de trente-trois années, celui
qui est la Sagesse éternelle a voulu en passer trente
dans le silence et l'obscurité, la soumission et le travail.

Il y a là un mystère et un enseignement dont bien des


âmes pieuses elles-mêmes ne saisissent pas tout le sens.
De quoi s'agissait-il. en effet ? —
Le Verbe, qui est
I. Cf. Luc. II, 5©. — 2. Ibkl. II. 51.
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHEE 201

Dieu, se fait chair celui qui est infini et éternel s'a-


;

baisse un jour, après des siècles d'attente, à revêtir une


forme humaine : Semetipsum exinanivit, formam servi
accipiens... et habita inventas at homo : « Bien qu'il
1

naisse d'une vierge immaculée, l'Incarnation constitue


pour un incommensurable abaissement » Non hor-
lui :

uterum *. Et pourquoi descend-il jusqu'à


ruisti virginis
ces abîmes ? Pour sauver le monde, en lui apportant la
lumière divine.
Or, —
sauf de rares éclairs qui illuminent quelques
âmes privilégiées les bergers, les Mages, Siméon et
:

Anne, —
voici que cette lumière se cache volontaire- ;

ment, elle se tient, pendant trente ans, « sous le bois-


seau », sub modio, pour ne se manifester ensuite que la
durée de trois ans à peine.
N'est-ce pas mystérieux ? N'est-ce pas déconcertant
pour notre raison ? Si nous avions connu la mission de
Jésus, ne lui eussions-nous pas dit, comme plusieurs de
ses proches devaient le faire plus tard « Montrez-vous :

donc au monde, car personne ne fait une chose en secret


lorsqu'il désire qu'elle paraisse » Manifesta teipsum :

mundo *.

Mais les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées et


ses voies dépassent les nôtres. Celui qui vient racheter
le monde, le veut sauver d'abord par une vie cachée aux

yeux du monde.
Pendant trens ans, dans l'atelier de Nazareth, le Sau-
veur du genre humain ne fait que travailler et obéir ;

toute l'œuvre de celui qui vient instruire l'humanité pour


lui rendre l'héritage éternel est de vivre dans le silence,

et d'obéir à deux créatures dans les actions les plus


ordinaires.
Oh vraiment, mon Sauveur, vous êtes un Dieu ca-
!

ché Deus absconditus, Israël Salvator. « Vous croissez


!

sans doute, ô Jésus, en âge, en sagesse, en grâce, de-

i. Philipp. II. 7. — 2. Hymne Te Deum. — ;,. Joan. VII, 4.


202 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

vant votre Père et devant les hommes votre âme


:
a ;

possède, dès le premier instant de votre entrée ici-bas,


la plénitude de la grâce, tous les trésors de science et
de sagesse mais cette sagesse et cette grâce ne se dé-
;

clarent que peu à peu, ne se manifestent qu'avec mesure;


vous demeurez aux yeux des hommes un Dieu caché :

votre divinité se voile sous les dehors d'un ouvrier. O


Sagesse éternelle qui pour nous retirer de l'abîme où
nous avait jetés l'orgueilleuse désobéissance d'Adam,
avez voulu vivre dans un humble atelier et y obéir à des
créatures, je vous adore et vous bénis !

Aux regards de ses contemporains, la vie du Christ


Jésus à Nazareth est donc apparue comme l'existence
banale d'un simple artisan. Voyez combien cela est vrai :

plus tard, quand le Christ se révèle dans sa vie publi-


que, les Juifs de sa patrie sont si étonnés de la sagesse
de ses paroles, de la sublimité de sa doctrine, de la
grandeur de ses œuvres qu'ils se demandent « Mais :

d'où lui vient donc cette sagesse, et comment peut-il


opérer ces miracles ? C'est pourtant le fils du charpen-
tier que nous avons connu, et sa mère se nomme Marie.
Où donc a-t-il appris toutes ces choses » ? Unde huic
sapientia haec et virtutes ? Nonne hic est fabri filius ?
Nonne mater ejus dicitur Maria ? Unde ergo huic omnia
3
ista ? Le Christ était pour eux une pierre d'achoppe-
ment, car jusqu'alors, ils n'avaient vu en lui qu'un ou-
vrier.
Ce mystère de la vie cachée contient des enseigne-
ments que notre foi doit recueillir avec avidité.
D'abord, il n'y a de grand aux yeux de Dieu que ce
qui est fait pour sa gloire, avec la grâce du Christ Dieu ;

ne nous agrée que dans la mesure où nous sommes


semblables à son Fils Jésus.
La filiation divine du Christ donne à ses moindres
actions une valeur infinie le Christ Jésus n'est pas
;

i. Luc. II. 52. — 2. Matth., XIII, 54-56. Cf. Marc. VT, 2-3.
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHÉE 203

moins adorable ni moins agréable à son Père quand il


manie le ciseau ou le rabot que quand il meurt sur la
croix pour sauver l'humanité. En nous, la grâce —
sanctifiante, qui nous fait enfants adoptifs de Dieu, di-
vinise, dans sa racine, toute notre activité, et nous rend
dignes, comme Jésus, quoique à un titre différent, des
complaisances de son Père.
Vous le savez les talents : les plus précieux, les pen-
sées les plus sublimes, les actions les plus généreuses
et les plus éclatantes sont sans mérite pour la vie éter-
nelle dès que cette grâce ne les vivifie point. Le monde,
qui passe, peut les admirer et les applaudir ; l'éternité,
qui seule demeure, ne les reçoit ni ne les compte. A quoi
1
sert, disait Jésus , à quoi sert de
la Vérité infaillible,
conquérir le monde par la force des armes, par le
charme de l'éloquence ou l'autorité du savoir, si, n'ayant
pas ma grâce, on est exclu de mon royaume, le seul qui
n'a point de fin ?
Voyez, au contraire, ce pauvre ouvrier qui gagne pé-
niblement sa vie, cette humble servante ignorée du
monde, ce miséreux dédaigné de tous leur existence :

vulgaire n'attire ni ne retient l'attention de personne.


Mais la grâce du Christ les anime et voici que ces ;

âmes ravissent les anges, et sont pour le Père, pour


Dieu, pour l'Être infini qui seul subsiste, un continuel
objet d'amour ces âmes portent en elles, par la grâce,
:

les traits mêmes du Christ.


La grâce sanctifiante est la source première de notre
vraie grandeur c'est elle qui confère à notre vie, si ba-
;

nale et si ordinaire qu'elle paraisse, sa noblesse véri-


table et son impérissable splendeur.
Oh ! si vous connaissiez le don de Dieu !..

Mais ce don est caché.


Le royaume de Dieu s'édifie surtout dans le silence ;

i. Cf. Matth. XVI. 26.


204 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

il est, avant tout, intérieur, et caché dans les profon-


deurs de l'âme Vita vestra est abscondita cum Christo
:

in Deo \ Sans doute la grâce possède une vertu qui se


trahit presque toujours au dehors par le rayonnement
des œuvres de charité mais le principe de sa puissance
;

est tout intime. C'est dans le fond du cœur que gît la


véritable intensité de la vie chrétienne, là où Dieu ha-
bite, adoré et servi dans la foi, le recueillement, l'humi-
lité, l'obéissance, la simplicité, le travail et l'amour.
Notre activité extérieure n'a de stabilité et de fécon-
dité surnaturelle qu'autant qu'elle se rattache à cette vie
Nous ne rayonnerons vraiment avec fruit au
intérieure.
dehors que dans la mesure où le foyer surnaturel de
notre vie intime sera plus ardent".
Que pouvons-nous faire de plus grand ici-bas que de
promouvoir le règne du Christ dans les âmes ? Quelle
œuvre vaut celle-là ? Quelle œuvre la surpasse ? C'est
toute l'œuvre de Jésus et de l'Église.
Nous n'y réussirons pourtant pas par d'autres
moyens que ceux employés par notre chef divin. Soyons
bien convaincus que nous travaillerons plus pour le bien
de l'Église, le salut des âmes, la gloire de notre Père
céleste, en cherchant d'abord à demeurer unis à Dieu
par une vie toute de foi et d'amour dont lui seul est
l'objet,que par une activité dévorante et fiévreuse qui ne
nous laisserait ni le temps ni le loisir de retrouver Dieu
dans la solitude, le recueillement, la prière et le déta-
chement de nous-mêmes.
Or, rien ne favorise cette union intense de l'âme avec
Dieu comme la vie cachée. Et voilà pourquoi les âmes
intérieures, éclairées d'un rayon d'en haut, aiment tant

i. Col. III, 3. — 2. Cette vérité a été remarquablement démon-


trée et exposée dans un ouvrage récent que nous recommandons
vivement à nos lecteurs. Dom J. B. Chautard, Abbé de Sept-Fons :

L'âme de tout apostolat, Paris, Téqui. L'ouvrage s'adresse avant


tout aux ecclésiastiques et aux religieux, mais il ne sera pas moins
utile à tous les laïcs qui s'occupent d'œuvres.
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHÉE 205

à contempler la vie de Jésus à Nazareth : elles y trou-


vent, avec un charme particulier, d'abondantes grâces
de sainteté.

C'est de la Vierge Marie surtout que nous obtiendrons


d'avoir part aux grâces que le Christ nous a méritées
par sa vie cachée à Nazareth. Nul mieux que l'humble
Vierge n'en connaît la fécondité, parce que nul n'en a
été comblé comme elle. Ces années ont dû être pour la
mère de Jésus une source sans cesse jaillissante de
grâces sans prix. On ne peut y penser sans en être
ébloui ; on se sent incapable de rendre les intuitions
qu'on peut en avoir.
Réfléchissons un instant à ce qu'ont dû être pour
Marie ces trente années, où tant de gestes, tant de pa-
roles, tant d'actions de Jésus étaient pour elle des révé-
lations.
Sans doute, il devait y avoir de l'incompréhensible,
même pour la Vierge ;on ne peut vivre en contact con-
tinuel, comme avec l'Infini, sans sentir et
elle le faisait,
toucher parfois le mystère. Mais quelle lumière abon-
dait pourtant dans son âme quel accroissement inces-
!

sant d'amour ce commerce ineffable avec un Dieu, tra-


vaillant sous son regard et lui obéissant, a dû opérer
dans son cœur immaculé !

Marie vivait là avec Jésus dans une union qui dépasse


tout ce qu'on peut en dire. Ils étaient vraiment un ;

l'esprit, le cœur, l'âme, toute l'existence de la Vierge


était dans un accord absolu avec l'esprit, le cœur, l'âme
et la vie de son Fils. Son existence était, si je puis ainsi
m'exprimer, une vibration pure et parfaite, tranquille et
toute pleine d'amour, de la vie même de Jésus.

Or, quelle était, en Marie, la source de cette union et


206 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

de cet amour ? —
C'était sa foi. La foi de la Vierge est
une de ses vertus les plus caractéristiques.
Quelle foi admirable et pleine d'abandon en la parole
de l'ange Le messager céleste lui annonce un mystère
!

inouï qui étonne et bouleverse la nature la conception :

d'un Dieu dans un sein virginal. Et que dit Marie ?


« Voici la servante du Seigneur qu'il me soit fait selon ;

votre parole » Fiat mihi secundum verbum tuum \


:

C'est parce qu'elle a donné à la parole de l'ange l'assen-


timent plénier de son esprit qu'elle a mérité de devenir
la mère du Verbe incarné Prius concepit mente quam :

2
corpore .

La foi de Marie en la divinité n'a jamais vacillé :

toujours, elle verra en son Fils Jésus le Dieu in-


fini.

Et pourtant à quelles épreuves n'est pas soumise cette


foi Son Fils est Dieu l'ange lui a dit qu'il occupera le
! ;

trône de David, qu'il sauvera le monde et que son règne


n'aura pas de fin. —
Et voici que Siméon lui prédit que
Jésus sera un signe de contradiction, qu'il sera une
cause de ruine aussi bien que de salut voici que Marie ;

doit fuir en Egypte pour soustraire son enfant aux ty-


ranniques fureurs d'Hérode voici, que pendant trente ;

ans, son Fils qui est Dieu et qui vient racheter le genre
humain, vit, dans un pauvre atelier, une vie de travail,
de soumission et d'obscurité. Plus tard, elle verra son
fils poursuivi par la haine des pharisiens, elle le verra

abandonné de ses disciples, aux mains de ses ennemis,


suspendu à la croix, accablé de sarcasmes, abîmé dans
la souffrance elle l'entendra crier son abandon par le
;

Père, — mais sa
foi demeurera inébranlable. C'est même
alors, au pied de la croix, qu'elle brille dans toute sa
splendeur. Marie reconnaîtra toujours son fils comme

i. Luc. I, 38. —
2. S. Augustin. De Virgin., c. 3 ; Sermo CCX\ .

11. 4 ; S. Léo. Sermo I de Nativitate Domini, c. 1 ; S. Bernard.


Sermo I do Vigilia Nativit.
LA VIERGE MARIE ET LA VIE CACHÉE 207

son Dieu, et c'est pourquoi l'Église la proclame la


« Vierge fidèle » par excellence Virgo fidelis. :

Et c'est cette foi qui est la source de tout l'amour


de Marie pour son fils c'est cette foi qui la fait tou-
;

jours demeurer unie à Jésus, même dans les douleurs


de sa passion et de sa mort.
Demandons à la Vierge de nous obtenir cette foi
ferme et pratique qui s'achève dans l'amour et l'accom-
plissement de la volonté divine « Voici la servante du :

Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole » ces :

mots résument toute l'existence de Marie qu'ils tra- ;

duisent aussi la nôtre !

Cette foi ardente qui était pour la mère de Dieu une


source d'amour était aussi un principe de joie. L'Esprit-
Saint lui-même nous l'apprend quand, par la bouche
d'Elisabeth, il proclame la Vierge « bienheureuse à
cause de sa foi » Beata quae credidisti \
:

Il en sera de même pour nous. S. Luc rapporte —


qu'après un discours de Jésus à la foule, une femme
élevant la voix s'écria « Heureux le sein qui t'a porté
:

et les mamelles que tu as sucées » Beatus venter qui :

te portavit, et ubera quae suxisti. Et le Christ de répon-


dre « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de
:

Dieu et qui la gardent 2 ^> —


Jésus ne contredit au-
!

cunement l'acclamation de la femme juive n'est-ce pas ;

lui qui a inondé le cœur de sa mère de joies incompa-

rables ? Il veut seulement nous montrer où se trouve,


pour nous comme pour elle, le principe de la joie. Le
privilège de la maternité divine est unique Marie est ;

l'insigne créature que, de toute éternité, Dieu lui-même


a choisie pour l'étonnante mission d'être la mère de
son Fils c'est la racine de toutes les grandeurs de
:

Marie.
Mais Jésus veut nous apprendre que, comme la Vierge
i. Luc I. 45. — 2. Ibid. Xï. 27.
208 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

a mérité les joies de la maternité divine par sa foi et son


amour, nous pouvons partager, non pas sans doute la
gloire d'avoirdonné le jour au Christ, mais la joie de
l'enfanterdans nos âmes. Et comment obtiendrons-nous
cette joie? « En écoutant et en gardant la parole de
Dieu ». Nous l'écoutons par la foi, nous la gardons en
accomplissant avec amour ce qu'elle prescrit.
Telle est pour nous, comme pour Marie, la source de
la vraie joie de l'âme tel est pour nous le chemin du
;

bonheur. Si après avoir incliné notre cœur aux ensei-


gnements de Jésus, nous obéissons à ses volontés et lui
demeurons unis, nous lui deviendrons aussi chers —
c'est encore lui qui le proclame, —
que si nous étions
pour lui « une mère, un frère, une sœur » Quicumque :

enim fecerit voluntatem Patris mei, qui in caelis est, ipse


meus f rater, et soror, et mater est \
Quelle union plus étroite et plus féconde que celle-là
pourrait faire l'objet de nos désirs ?

i. Matth. XII. 50; cf. Luc. VIII, 21 ; Marc. III, 35.


X. — LE BAPTEME
ET LA TENTATION DE JÉSUS.

(Carême)

Sommaire. — I. En se présentant à Jean pour recevoir


le baptême de pénitence,Christ Jésus accomplit un
le

acte de profonde humilité. —


II. Le Christ est exalté
en sortant des eaux du Jourdain; comment ce témoi-
gnage du Père éternel au début de la vie publique de
Jésus caractérise un des aspects de sa mission rédemp-
trice. — m.Aussitôt après son baptême, Jésus est
poussé par l'Esprit au désert pour y être soumis aux
assauts du démon raisons de ce mystère.
: iv. Ré- —
cit évangélique de la tentation. —
v. Grâce que nous
a méritée le Christ par ce mystère triompher de la
:

tentation en demeurant unis au Verbe incarné. Les pro-


messes d'invulnérabilité spirituelle exposées dans le
Psaume Qui habitat in adjutorio Altissimi. VI. La —
foi est, par excellence, l'arme de la résistance.

Dans mystères du Christ Jésus sur la


les différents
terre, la Sagesse éternelle a disposé les événements de
telle sorte que les humiliations du Verbe incarné sont
toujours relevées d'une révélation de sa divinité le ;

Christ nous apparaît ainsi dans la vérité de sa


nature divine comme dans la réalité de sa condition hu-
maine.
La raison profonde de cette économie céleste est d'ai-
der et d'exercer tout ensemble notre foi, fondement de
toute la vie surnaturelle. Les étonnants abaissements
dans lesquels l'amour plonge le Christ donnent à la foi
Le Christ dans ses mystères. j
4
lilO LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

son mérite; la manifestation de ses prérogatives divines


lui livre son appui.

Les mystères de la naissance et de l'enfance de Jésus


sont marqués de ces contrastes d'ombre et de lumière
qui rendent notre foi « raisonnable », tout en la laissant
libre la vie publique en sera remplie au point que les
;

Juifs se disputeront âprement au sujet de la personna-


lité du Christ aux uns, il n'apparaîtra que comme le
:

fils d'un ouvrier de Nazareth, tandis que, pour les

autres, il ne peut être que l'envoyé du Très-Haut, an-


noncé par tous les prophètes, pour illuminer et sauver
le monde.
Nousallons retrouver cette économie surnature41e
dans les événements par lesquels le Christ, après trente
ans d'existence cachée, débute dans la vie publique :

son baptême par Jean le Précurseur dans les eaux du


Jourdain, et sa tentation au désert.
Contemplons Jésus dans ces deux mystères étroite-
ment liés nous y verrons combien la Sagesse infinie
;

est admirable dans ses pensées, et jusqu'à quel point le


Christ, notre modèle, veut nous précéder dans la voie
où nous devons le suivre pour lui être semblables.

Vous savez que Dieu avait établi comme Précurseur


chargé d'annoncer aux Juifs la venue du Verbe incarné,
Jean, fils de Zacharie et d'Elisabeth.
Après une existence toute d'austérité, poussé par l'in-
spiration divine, Jean avait commencé vers sa trentième
année, sa prédication sur les bords du Jourdain. Tout
son enseignement se résumait en ces paroles « Faites :

pénitence, car le royaume de Dieu est proche ». A ses


a

pressantes exhortations, il joignait le baptême dans le


fleuve, afin de montrer par là à ses auditeurs la néces-

i. Matth. III, 2.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JESUS 21 1

site de purifier leurs âmes pour les rendre moins indi-


gnes de la venue du Sauveur ce baptême n'était con- ;

féré qu'à ceux qui se reconnaissaient pécheurs et con-


fessaient leurs fautes.
Or, un jour que le Précurseur administrait « le bap-
tême pour la rémission des péchés », le Christ Jésus, *

dont l'heure était venue de sortir de l'obscurité de la vie


cachée pour manifester au monde les secrets divins, se
mêla à la foule des pécheurs et se présenta avec eux
pour recevoir de Jean l'ablution purificatrice.

Quand l'âme pieuse s'arrête à cette pensée que celui


qui se proclame ainsi pécheur et qui se présente volon-
tairement pour recevoir un baptême de pénitence, est la
seconde personne de la sainte Trinité, celui devant qui
les anges se voilent la face et chantent « Saint, saint, :

2
saint », elle demeure confondue d'un si prodigieux
abaissement.
L'Apôtre nous dit que le Christ est « saint, innocent,
sans tache, séparé des pécheurs a », et voici que Jésus
lui-même s'avance comme un coupable, demandant le
baptême de la rémission des péchés Quel est ce ! —
mystère ?
C'est que dans tous ses états, le Verbe incarné remplit
un double office, celui de Fils de Dieu, en vertu de sa
génération éternelle, et celui de chef d'une race péche-
resse dont il a emprunté la nature, et qu'il vient racheter.
Comme Fils de Dieu, il peut prétendre à s'asseoir à la
droite de son Père pour y jouir de la gloire qui lui re-
vient dans la splendeur des cieux.
Mais comme chef de l'humanité déchue, ayant em-
prunté une chair, coupable dans la race, bien que toute
pure en lui, In similitudinem carnis peccati \ il ne pour-
ra entrer au ciel à la tête de ce corps mystique qu'après

i. Marc. I, 4; Luc. III, 3. — 2. Isa. VI, — 3. Hebr. VH, 2 6.


— 4. Rom. VIII, 3.
3.
212 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

avoir passé par les humiliations de sa vie et les souf-


frances de sa passion Nonne haec oportuit pati Chris-
:

tian, et ita intrare ingloriam suam * ?


Possédant, dit S. Paul, la nature divine, le Christ ne
croyait pas commettre une injustice en se déclarant
2
l'égal de Dieu en perfection mais pour nous, pour ;

notre salut, il est descendu dans des abîmes d'abaisse-


ments et, à ce titre, son Père l'a exalté en lui donnant
;

ce nom de Jésus qui renferme notre rédemption; en ex-


altant son Fils, « le Père nous élève avec lui au plus
haut des cieux » Consedere fecit [nos] in caelestibus \
:

C'est vraiment pour nous précéder que le Christ entre


4
dans le ciel Ubi praecursor pro nobis introivit Jésus
: .

Toutefois il n'y entrera qu'après avoir, par son sang,


tout soldé pour nous à la justice divine Per proprium :

sanguinem introivit... in sancta, aeterna redemptione


inventa °.
C'est qu'en effet le Christ vient pour nous délivrer de
l'esclavage tyrannique du démon au pouvoir duquel
l'humanité est tombée à la suite du péché Qui facit :

6
peccatum, servus est peccati ; il vient pour nous sauver
des supplices éternels que Satan avait puissance de
nous infliger comme ministre de la justice divine Ne :

forte tradat te judici, et judex tradat te ministro \


Or, le Verbe incarné, Homme-Dieu, ne réalisera cette
rédemption qu'en se substituant volontairement à nous,
pécheurs, en se rendant solidaire de notre péché, au
point, dit S. Paul, que Dieu l'a constitué comme un
péché vivant Eum qui non noverat peccatum, pro nobis
:

peccatum fecit \
S'il prend sur lui nosiniquités, il prendra sur lui aussi
nos châtiments il devra subir une somme incommen-
;

surable d'abaissements et d'humiliations.

i. Luc. XXIV, 26. — 2. Cf. Philipp. II, 6. — 3. Ephes. II, 6.



— 4. Hebr. VI, 20. — ç. Ibid. IX, 12. — 6. Joan. VIII, 34.
7. Matth. V. 25. —
8. II Cor. V, 21.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JÉSUS 213

Tel est le décret éternel.


Vous comprenez maintenant pourquoi, dès le début

de sa vie publique, au moment d'inaugurer d'une façon


manifeste sa mission rédemptrice, Jésus se soumet à un
acte de profonde humilité, à un rite qui le rangeait par-
mi les pécheurs.
Voyez, en effet, lorsque Jean, éclairé d'en haut, re-
connaît en celui qui se présente le Fils de Dieu, celui
dont il avait dit « Il est avant moi, et je ne suis pas
:

digne de dénouer le cordon de sa chaussure * », il se re-


fuse avec force à lui conférer le baptême de pénitence :

« C'est moi qui devrais être baptisé par vous, et vous,


vous venez à moi » Joannes autem prohibebat eum.
!

Mais que lui répond le Christ ? « Ne t'y oppose pas en


ce moment, c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir
2
toute justice ».

Quelle est cette justice ? Ce sont les humiliations —


de l'adorable humanité de Jésus, qui, en rendant un
hommage suprême à la sainteté infinie, constituent la
solde plénière de toutes nos dettes envers la justice di-
vine. Jésus, juste et innocent, prend la place de toute la
3
race pécheresse, Justus pro injustis ; et, par son im-
molation, il est devenu « l'Agneau de Dieu qui efface les
péchés du monde * », la « propitiation pour tous les
5
crimes de la terre » c'est ainsi qu' « il accomplit
:

toute justice ».

Lorsque nous méditons cette profonde parole de Jé-


sus, humilions-nous avec lui reconnaissons notre qua- ;

lité de pécheurs et, surtout, renouvelons le renonce-


;

ment au péché qui a marqué notre baptême.


Le Précurseur annonçait ce baptême, qui devait être
supérieur au sien, parce qu'il serait établi par le Christ

i. Joan. I, 27; cf. Matth. III. 11 Marc. I, 7 Luc. III, 16.


— 2. Matth. III, 14. — 3. I Petr. III,
;

18. — 4.
:

Joan. I, 29. —
5. I Joan. II, 2.
214 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

en personne : « Moi, je baptise dans


l'eau, pour vous
exciter à la pénitence mais celui qui doit venir après
;

moi et est plus puissant que moi, vous baptisera dans


l'Esprit-Saint et dans le feu ». Le baptême de Jésus '

est extérieurement un baptême d'eau, comme celui de


Jean mais en même temps qu'il est conféré, la vertu
;

divine de l'Esprit-Saint, qui est un feu spirituel, purifie


et transforme intérieurement les âmes Per lavacrum :

regenerationis, et renovationis Spiritus sancti \


Renouvelons donc souvent notre renoncement au pé-
ché. — Vous savez que le caractère de baptisé demeure-
indélébile au fond de notre âme ; et quand nous réité-
rons les promesses faites à l'heure de notre initiation,
une vertu nouvelle jaillit de la grâce baptismale pour
affermir notre pouvoir de résistance à tout ce qui con-
duit au péché les suggestions du démon et les séduc-
:

tions du monde et des sens c'est à ce prix que nous ;

pouvons sauvegarder en nous la vie de la grâce.


Par là aussi, nous témoignerons au Christ Jésus notre
vive reconnaissance de ce qu'il s'est chargé de nos ini-
quités pour nous en délivrer. « 11 m'a aimé, disait
S. Paul, quand il rappelait ce mystère d'une infinie cha-
3
rité, il m'a aimé et s'est livré pour moi » « Que je !

vive pour lui, pour sa gloire, et non plus pour moi, pour
satisfaire mes convoitises, mes amours-propres, mes
orgueils, mes ambitions » Ut qui vivunt, jam non sibi
:

vivant, sed ei, qui pro ipsis mortuus est ' !

II

Après son baptême, Jésus sortit aussitôt du fleuve:


<
et voilàque les cieux s'ouvrirent, et il vit l'Esprit de
Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. En

i. Matth. III, ii Marc. I, 8; Luc. III, 16. — 2. ïit. III. 5


— 3. Gai. II, 20. —
;

4. II Cor. V, 15.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JESUS 215

même temps, du ciel une voix se fit entendre « Celui-ci


:

est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complai-


sances \
Cette scène mystérieuse n'est qu'une application par-
ticulière de la loi divine que je vous ai indiquée au dé-
but de cet entretien il faut que le Christ soit glorifié
:

dès que, pour nous, il subit l'humiliation.


Jésus s'abaisse jusqu'à se confondre parmi les pé-
cheurs, et, que le ciel s'ouvre pour l'exal-
aussitôt, voici
ter ;
— ilun baptême de pénitence, de réconci-
sollicite
liation, et voici que l'Esprit d'amour témoigne qu'il
repose en Jésus avec la plénitude de ses dons de grâce;
— il se reconnaît digne des coups de la justice divine,

et voici que le Père proclame qu'il est l'objet de toutes


ses complaisances Humiliavit semetipsum... pr opter
:

quod et Deus exaltavit illum \

Cette glorification solennelle du Christ ne regarde pas


seulement sa personne elle possède une portée très
;

étendue que je veux mettre en lumière.


C'est à ce moment que la mission de Jésus comme
envoyé de Dieu est déclarée authentique le témoignage ;

du Père accrédite pour ainsi dire son Fils auprès du


monde, et il se rattache par là à l'un des caractères de
l'œuvre du Christ à notre égard.
Il est à remarquer, en effet, que la mission de Jésus

revêt un double aspect elle porte à la fois le caractère


:

d'une rédemption et d'une sanctification racheter les :

âmes, puis, le rachat accompli, leur infuser la vie: c'est


toute l'œuvre du Sauveur. Ces deux éléments sont insé-
parables, mais distincts.
Nous en trouvons le germe dans les circonstances qui
ont marqué le baptême du Christ, prélude de sa vie
publique.

i. Matth. III, 16-17 ; Marc. I, 10-11 ; Luc. III, 21-22. — 2. Phi-


lipp. II, 8-9.
21(i il CHRIST DANS SES MYSTERES

Nous avons vu tantôt comment, en se présentant pour


recevoir un baptême de pénitence, le Verbe incarné té-
moigne de sa qualité de rédempteur ; il doit achever
son œuvre par le don de la vie divine, nous con- qu'il
fère en vertu des mérites de sa passion et de sa mort :

Unigenitum misit Deus in mundum ut vivamus per


eum \ « Dieu nous a donné son Fils afin que ceux qui
croient en lui aient la vie » Ut omnis, qui crédit in îp- :

sum, non PEREAT, —


sed HABEAT VITAM aeternam
3
.

La source de la vie éternelle est, en nous, une lu-


mière.
Au lumière de la vision béatifique. Dans
ciel, c'est la

cette lumière, nous vivons de la vie même de Dieu :

Quoniam apud te est fons vitae : et in lumine tuo vide-


bimus lumen \
Ici-bas, la source de notre vie surnaturelle est égale-
ment une lumière, la lumière de la foi. La foi est une
participation à la connaissance qu'a Dieu de lui-même.
Cette participation est communiquée à l'âme par le
Verbe incarné elle devient pour nous une lumière qui
;

nous guide dans toutes nos voies, et c'est pourquoi elle


doit vivifier toute notre activité surnaturelle : Justus
meus ex fide vivit*.
Or, le fondement de cette foi est le témoignage que
Dieu rend à son Fils Jésus « Voici mon Fils bien-aimé :

en qui j'ai mis mes complaisances ».


Le Christ est présenté solennellement au monde com-
me l'envoyé du Père. Tout ce qu'il nous dira sera l'écho
de cette vérité éternelle qu'il contemple toujours dans le
sein du Père Unigenitus Filius, qui est in sinu Patris,
:

ipse enarravit". « Sa doctrine ne sera pas sienne mais


6
celle de son Père qui l'envoie » tout ce qu'il entendra, ;

il le répétera et c'est ainsi qu'au dernier jour, Jésus


;

pourra dire à son Père « Père, j'ai accompli l'œuvre


:

i. I Joan. IV, 9. — 2. Joan. III. 15. — 3. Ps. XXXV. 10. —


4. Hebr. X. 38. — 5. Joan. I. 18. — 6. Cf. ïbid. VII. 16.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JÉSUS 217

que vous m'avez donnée ;


je vous ai fait connaître au
monde '
».

Les paroles du Verbe incarné n'ont pas produit en


toutes les âmes la lumière qui doit être pour elles le
principe du salut et de la vie. Il est « la lumière du
monde », sans doute mais il faut « la suivre, si l'on
;

veut ne pas marcher dans les ténèbres et arriver à cette


lumière éternelle qui est la source de notre vie dans le
ciel » Qui sequitur me, non ambnlat in tenebris, sed
:

habebit lumen vitae - ; Dieu n'agrée que ceux qui reçoi-


vent son Fils.
Pour entendre avec fruit la parole du Christ, il faut
être attiré par le Père Omne, quod dat mihi Pater, ad
:

me veniet* ; ceux que le Père n'attire point, n'écoutent


pas la voix du Verbe Vos non auditis, quia ex Deo non
:

estis\ Et quels sont ceux que le Père attire ? Ceux qui


reconnaissent en Jésus son propre Fils omnis qui :

crédit quoniam Jésus est Christus, ex Deo natus est".


Voilà pourquoi ce témoignage public donné par le
Père à Jésus après son baptême constitue tout ensemble
et le pointde départ de toute la vie publique de Jésus,
Verbe incarné, lumière du monde, et le fondement —
même de toute la foi chrétienne comme de toute notre
sanctification.
Ainsi, ce mystère du baptême de Jésus, qui marque le
début de son ministère public, contient comme le résumé
de toute sa mission ici-bas.
Par l'humiliation qu'il a voulu subir en recevant ce
rite de pénitence « pour la rémission des péchés » —
présage de son baptême sanglant sur la croix, le —
Christ « accomplit toute justice ». Dès à présent, il rend
aux perfections infinies de son Père, outragées par le
péché, l'hommage suprême des anéantissements par
lesquels il réalise notre rédemption.

x. Toan. XVII, 4. — 2. Ibid. VIII, 12. — 3. Tbid. VI, 37.



4. Ibid. VIII, 47. — 5. I Joan. IV, 15.
l2lN LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

En retour, le ciel s'ouvre le Père éternel introduit ;

authentiquement son Fils dans le monde l'éclat glo- :

rieux que révèle ce divin témoignage annonce la mission


d'illumination des âmes que va inaugurer le Verbe fait
chair l'Esprit-Saint repose sur lui pour marquer la
;

plénitude des dons qui ornent sa sainte âme et symbo-


liser en même temps l'onction de la grâce que le Christ
doit communiquer au monde.

Le baptême, avec la foi en Jésus-Christ, est devenu


pour nous le sacrement de l'adoption divine et de l'ini-
tiation chrétienne.
C'est au nom de la Trinité sainte qu'il nous est con-
féré, de cette Trinité qui s'est révélée à nous sur les
bords du Jourdain.
Sanctifiée par le contact de l'humanité de Jésus, et
1
unie au « Verbe de vérité », l'eau a la vertu d'effacer
les péchés de ceux qui détestent leurs fautes et pro-
clament leur foi en la divinité du Christ c'est « le bap- ;

tême », non seulement de l'eau « pour la rémission des


péchés », mais « de l'Esprit qui seul peut renouveler la
2 3
face de la terre » de « fils de colère » que nous
:

étions, il nous rend enfants de Dieu, partageant désor-


mais avec Jésus, quoique dans une moindre mesure, les
complaisances du Père céleste.
En sorte que, dit S. Paul, « nous avons par le baptême
dépouillé le vieil homme qui descend d'Adam) avec (

ses œuvres de mort, et revêtu l'homme nouveau créé


dans la justice et la vérité (l'âme régénérée par le Verbe
et l'Esprit-Saint) qui se renouvelle sans cesse à l'image
de celui qui l'a créé 4 ».
Vous le voyez de même que le baptême a constitué
:

pour le Christ le résumé de toute sa mission à la fois


rédemptrice et sanctificatrice, de même, il contient —
i. Jac. I, 18. — 2. Cf. Ps. ClII. 30. — 3. Eplvs. il. 3. — 4. Ci.
Col. III. Q-io ; F.ph. IV. 24.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JESUS 219

pour nous en germe tout le développement de la vie


chrétienne avec son double aspect de « mort au péché »
et de « vie pour Dieu '
».

Tant il que « tous


est vrai, selon la parole de l'Apôtre,
ceux qui sont baptisés revêtent le Christ lui-même ' » ;

tant il est vrai que nous ne faisons qu'un avec Jésus


dans tous ses mystères.
O condition heureuse des chrétiens fidèles O aveu- !

glement insensé de ceux qui oublient leurs promesses


baptismales O effrayante destinée de ceux qui les fou-
!

lent aux pieds !...


Car, disait aux Juifs le Précurseur, « la cognée est
déjà à la racine des arbres tout arbre qui ne porte pas
;

de bons fruits sera coupé et jeté au feu... Voici, disait-


il encore, voici que celui qui est plus puissant que moi

[le Christ] tient le van dans sa main, il nettoiera son


aire, il amassera le froment dans le grenier, et il brûlera
3
la paille dans un feu qui ne s'éteint pas... Le Père, en
effet, aime le Fils et il lui a tout remis entre ses mains.
Celui qui croit au Fils [d'une foi pratique] a la vie
éternelle mais celui qui ne croit pas au Fils ne verra
;

4
pas la vie, et la colère de Dieu demeure sur lui ».

III

A
peine Jésus fut-il baptisé, nous dit l'Évangile, qu'il
fut conduit au désert par l'Esprit. Les écrivains sacrés
emploient diverses expressions pour signifier cette ac-
8
tion de l'Esprit-Saint. Jésus fut « conduit », rapporte

S. Matthieu ; il fut « poussé" », dit S. Luc ; « empor-



"'

d'après S. Marc. Que nous indique vette variété de


»,

termes, sinon la véhémence de l'action intérieure de


l'Esprit sur l'âme du Christ ? Et dans quel but est-il —
i. Cf. Rom. VI, ii. —2. Cf. Gai. III, 27. — 3. Matth. IÎI, 10-
12 Luc. III, 9, 16-17. —
4. Joan. ITT. 35-36. — 5. Matth. IV, t.
— ;

6. Luc. IV, 1. —
7. Marc. ï, 12.
220 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

ainsi poussé au désert ? Ut tentaretur a diabolo : « afin


d'y être tenté par le diable ». C'est le témoignage même
de l'Évangile.
N'est-ce pas une chose étrange ? Le Père vient de
proclamer que Jésus est son Fils bien-aimé, l'objet de
ses complaisances l'Esprit d'amour repose sur lui
; ;

— et voici qu' « aussitôt » : statim, cet Esprit le jette

dans le désert pour y être exposé aux suggestions du


démon. Quel mystère Que peut donc signifier un si ex-
!

traordinaire épisode dans la vie du Christ ? pourquoi


en use-t-il ainsi au début de sa vie publique ?

Pour en comprendre la profondeur, et avant d'en ex-


poser d'après l'Évangile, nous devons nous rap-
le récit

peler d'abord la place que tient la tentation dans notre


vie spirituelle.
Les perfections divines exigent que la créature rai-
sonnable et libre soit soumise à une épreuve avant
d'être admise à jouir de la béatitude future. Il faut
qu'une telle créature soit mise en face de Dieu et devant
l'épreuve, et que, librement, elle renonce à sa propre sa-
tisfaction pour reconnaître la souveraineté de Dieu et
obéir à sa loi. La sainteté et la justice de Dieu récla-
ment cet hommage.
Ce choix, glorieux pour l'Être infini, est pour nous le
fondement de ce mérite que le Seigneur récompense par
la béatitude céleste. Le concile de Trente a établi que
c'est Dieu qui nous sauve, mais de telle façon que le
salut soit en même temps un don de sa miséricorde et
la récompense de nos mérites \ La vie éternelle sera
notre récompense parce qu'ayant eu à choisir, nous au-

i. Ideo bene operantibus usquc in finem et in Deo sperantibits

proponenda est vita aeterna et tamquam gratia filiis Dei per Jesum
Christum misericorditcr bromissa. ut tamquam MERCES ex ifisius Dei
Promissione bonis ipsorutn operibus et meritis fideliter reddenda...
[Domini] tanta est erga homincs bonitas ut BORUM relit esse mérita
quac sutit IPSIUS dona. —
Sess. VI, eau. 10.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JESUS 221

rons repoussé la tentation pour nous attacher à Dieu ;

soumis à l'épreuve, nous l'aurons subie pour demeurer


fidèles à la volonté divine. L'or s'éprouve au creuset la ;

constance au milieu de la tentation révèle l'âme digne


de Dieu.
Telle est la noble condition de toute créature libre.

Les anges, les premiers, ont été soumis à l'épreuve.


Bien que nous ignorions exactement en quoi elle a con-
sisté, nous savons pourtant que sa nature a correspon-
du au mode d'être angélique.
Vous savez que les anges sont des créatures exclusi-
vement spirituelles leurs actes ne sont pas, comme les
;

nôtres, mesurés par le temps de plus, ces actes possè-


;

dent une puissance, une envergure et une profondeur


auxquelles ne peut atteindre aucun acte humain \ Es-
prits purs, ils ne raisonnent point en nous, l'extrême ;

mobilité de notre imagination, faculté sensitive liée à


l'organisme corporel, présente à notre choix de multi-
ples biens particuliers dont la variété retarde l'action
de notre intelligence et de notre volonté nous allons ;

d'un bien à un autre nous revenons par la suite à un


;

bien que nous avions d'abord décidé de rejeter. Il n'en


est pas de même pour l'ange en lui, nature toute spi-
;

rituelle, l'hésitation n'a pas de place en lui, les actes ;

d'intelligence et de volonté revêtent un caractère de plé-


nitude, de fixité et d'irrévocabilité qui leur confèrent
une force incomparable \
Aucune existence humaine, si prolongée qu'elle soit,
n'atteindra, par l'ensemble de ses opérations, la puis-
sance, ni l'ampleur, ni l'intensité de l'acte unique par le-
quel les anges ont dû fixer leur choix au milieu de l'é-
preuve.
Voilà pourquoi la fidélité des bons anges a été si

i. Nous parlons évidemment de l'ordre de nature. — 2. S. Thom.


De veritate, q. XXIV, a. 10 et 11.
222 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

agréable à Dieu ; voiîà pourquoi aussi le péché de ré-


volte des esprits rebelles possède une gravité que nous
ne pouvons mesurer et dont nous sommes incapables ;

la profondeur de la connaissance qui leur a permis


d'agir en pleine lumière a pénétré ce péché unique d'une
telle malice que la justice divine a dû le punir par une
sentence immédiate de damnation éternelle.
Pour nous, l'acceptation de l'épreuve, la résistance à
la tentation s'échelonne à travers toute notre existence
ici-bas la lutte contre les séductions corruptrices, la
;

patience dans les contradictions voulues ou permises


par la Providence est de tous les jours Militia est vita :

hominis super terrain \


Mais c'est, chaque jour aussi, une occasion magni-
fique de constante fidélité envers Dieu. Une âme qui,
depuis l'heure où elle prend conscience de ses actes jus-
qu'au moment où elle se sépare du corps, n'aurait ja-
mais admis de faute délibérée qui, placée entre Dieu ;

et les sollicitations susceptibles de la détourner de lui,


aurait toujours choisi librement la volonté divine. —
aurait donné à Dieu une gloire immense. Pourquoi
donc ? Parce que, en chacun de ses actes, elle aurait
proclamé que Dieu seul est son Seigneur. « Heureuse,
cette âme, qui a pu violer la loi éternelle, et ne l'a pas
3
violée qui a pu faire le mal, et ne l'a point fait
;
» Car !

le Seigneur la récompensera aussi avec magnificence :

« Entrez, ô bon serviteur, qui avez été fidèle, entrez


3
dans la joie de votre maître » !...

Le premier homme a été soumis à l'épreuve. Il a chan-


celé, il a failli, il a préféré à Dieu la créature et sa
propre satisfaction. Il a entraîné toute sa race dans sa
rébellion, dans sa chute et dans son châtiment.
C'est pourquoi il a fallu que le second Adam, qui
représentait tous les prédestinés, tînt une conduite con-

i. )ob. VII, i. — 2. F.ccli. XXXI. 10. — v Matth. XXV, 21.


LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JÉSUS 223

traire.Dans sa sagesse adorable, Dieu le Père a voulu


que Christ Jésus, notre chef et notre modèle, fût placé
le

en face de la tentation, et, par son libre choix, en de-


meurât victorieux afin de nous apprendre à l'être. C'est
une des raisons de ce mystère.
Il existe une raison plus profonde, raison qui relie
intimement ce mystère à celui du baptême.
Que disait, en effet, Jésus au Précurseur, quand ce-
lui-ci se refusait à remplir son ministère de pénitence à
l'égard du Christ ? « Permets pour le moment, car il
nous convient d'accomplir ainsi toute justice
1
» .

Cette justice, nous l'avons vu, consistait pour Jésus à
subir la somme d'expiations décrétées par son Père
pour la rédemption du genre humain Dare animam :

suam redemptionem pro multis \ Depuis le péché d'A-


dam, la race humaine est esclave de Satan, et c'est des
mains du prince des ténèbres que le Christ Jésus doit la
sauver c'est « pour détruire le règne du diable qu'il est
;

apparu ici-bas » In hoc apparaît Filius Dei, ut dissol-


:

vat opéra diaboli \ —


Voilà pourquoi, dès qu'il a reçu
le baptême, par lequel il est marqué comme « l'Agneau
4
de Dieu qui doit enlever le péché du monde » et arra-
cher tout le troupeau au pouvoir du démon, le Verbe
5
fait chair entre en lice avec « le prince de ce monde » ;

voilà pourquoi l'Esprit-Saint le pousse aussitôt dans le


désert, comme jadis on y chassait le bouc émissaire
chargé de tous les péchés du peuple Ut tentaretur a :

diabolo.

IV

Contemplons maintenant notre chef divin aux prises


avec le prince des esprits rebelles.
Vous savez que Jésus demeura dans le désert qua-

i. Matth. III, 15. — 2. Ibid. XX, 2$ Marc. X, 45. — 3. I Jean.


— —
;

III, 8. 4. Joan. I. 29. 5. Ibid. XIV, 30


224 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

rante jours et quarante nuits, « au milieu des fauves,


dans une solitude complète et un jeûne absolu » c'est ;

le témoignage même de l'Évangile Nihil mandacavit in :

diebus Mis \.. Eratque cum bestiis \


Pour bien comprendre ce mystère de la tentation de
Jésus, rappelez-vous ce que je vous ai dit si souvent :

que le Christ est semblable à nous en toutes choses,


Debuit per omnia fratribus similari \ Or, imaginez à
quel état de faiblesse serait réduit un homme qui du-
rant quarante jours ne se serait accordé aucune nour-
riture. Notre-Seigneur n'a pas voulu faire de miracle
pour empêcher en lui les effets du jeûne aussi l'Évan- ;

gile nous rapporte-t-il qu'après cette période, Jésus


sentit la faim Postea esuriit \ Et assurément, après un
:

laps de temps si prolongé, il a dû se trouver dans un


état d'accablement extrême. Nous allons voir tout de
suite comment le démon en saisira occasion pour ie
tenter.
Pourtant, partage nos infirmités et nos faibles-
si elle

humanité du Christ ne peut connaître le


ses, la sainte
L
péché Absque peccato ; l'âme de Jésus n'est sujette à
:

aucune ignorance, à aucune erreur, à aucune défail-


lance morale.
Est-il besoin d'ajouter qu'il ne ressent non plus aucun
de ces mouvements désordonnés qui résultent en nous
de la faute originelle ou des habitudes du péché ? Si,
pour nous, Jésus subit la faim et l'accablement, en lui-
même il demeure le Saint des saints. Quelle est la con-
séquence de cette doctrine ? — Que la tentation que
peut subir le Christ n'atteint pas son âme et reste tout
extérieure il ne peut être tenté que « par les princes et
;

les puissances du monde ténébreux, par les esprits mau-


B
vais ».
Parmi ces esprits, nous devons penser que celui qui
i. Luc. IV, 2. — 2. Marc. I, 13. — 3. Hebr. II. 17. — 4. Matth.
IV, 2.-5. Hebr. IV, 15. — 6. Cf. Èph. VI, 12.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JÉSUS 225

tenta Christ était doué d'une puissance particulière


le ;

mais, merveilleuse que fût son intelligence, ii ignorait


si

pourtant qui était le Christ. Aucune créature ne peut


voir Dieu que dans la vision béatifique le démon en ;

est privé.
De même, il ne pouvait connaître le nœud du mystère
qui établit, en Jésus, l'union de la divinité avec l'huma-
nité. soupçonnait assurément quelque chose il n'ou-
Il ;

malédiction qui pesait sur lui depuis que


bliait point la
Dieu avait établi une inimitié éternelle entre lui et la
femme qui devait lui c'est-à-dire dé-
écraser la tête,
truire son pouvoir dans les âmes
ne pouvait ignorer
; il

les prodiges qui s'étaient opérés depuis la naissance de


Jésus le récit de la tentation le montre clairement. Mais
;

sa science était incertaine. Il voulait, en tentant le


Christ, connaître d'une façon indubitable s'il était pos-
sible de triompher de lui, car à coup sûr il le tenait
pour un être extraordinaire.

Le tentateur s'approche donc de Jésus, nous dit l'É-


vangile Et accedens tentator. Et le voyant dans un
:

état d'épuisement, il cherche à le faire tomber dans un


péché de gourmandise. Non dans un péché de grande
gourmandise, en présentant au Christ des mets succu-
lents le démon avait une trop haute opinion de celui
;

auquel il s'attaquait pour croire qu'il aurait succombé


à une suggestion de ce genre mais il représente à Jé-
;

sus accablé par la faim, que s'il est le Fils de Dieu, il a


le pouvoir de faire des miracles pour la satisfaire par ;

là il voulait pousser le Christ à devancer l'heure de son


Père pour accomplir un prodige dont le but était tout
personnel. « Si vous êtes le Fils de Dieu, dites à ces
pierres », —
et il montrait des cailloux aux pieds de
Jésus, —
« de devenir des pains ». Et que répond —
Notre-Seigneur ? Fait-il connaître sa qualité de Fils de
Dieu ? Non. Accomplit-il le miracle proposé par le
Le Christ dans ses mystères. 15
226 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

diable ? Non plus. Il se contente de répliquer par une


parole de l'Écriture « L'homme ne vit pas seulement
:

de pain, mais de toute parole de Dieu ' ». Plus tard, du-


rant la vie publique, un jour que ses apôtres lui appor-
teront de la nourriture « Maître, servez-vous », Rabbï,
:

mandaca, le Christ donnera une réponse analogue :

J'ai une nourriture que vous ne connaissez pas, celle


2
d'accomplir la volonté de mon Père ». C'est ce qu'il fait
entendre au démon. Il attendra, pour apaiser sa faim,
que le Père lui vienne en aide il ne devancera pas le
;

moment fixé par le Père pour montrer sa puissance ;

quand le Père parlera, il écoutera sa voix.


Se voyant repoussé, le démon comprend qu'il a de-
vant lui, sinon le Fils de Dieu, du moins un être d'une
grande sainteté. Aussi va-t-il employer une arme plus
dangereuse. Il connaît merveilleusement la nature hu-
maine il sait que ceux qui sont parvenus à un haut de-
;

gré de perfection et d'union à Dieu, sont au-dessus des


atteintes de l'appétit grossier des sens, mais peuvent se
laisser séduire par les suggestions plus subtiles de
l'orgueil et de la présomption ils peuvent se croire au-
;

dessus des autres, et penser que, même s'ils s'exposent


volontairement au danger, Dieu leur doit, à cause de
leur fidélité, une protection toute spéciale. Le démon —
essaye donc de pousser le Christ dans cette voie. Usant
de sa puissance spirituelle, il transporte Jésus sur le
pinacle du Temple et lui dit « Si vous êtes le Fils de
:

Dieu, jetez-vous en bas pour vous, en effet, il n'y aura


;

point de péril, car Dieu a commandé à ses anges de


vous porter dans leurs mains, pour que vous ne heur-
3
tiez point contre une pierre ». « Si Jésus est le Fils de
Dieu », apparaître d'en haut et descendre ainsi au mi-
lieu de la foule qui encombrait les parvis, quel signe
merveilleux de sa mission messianique, quelle preuve

i.Matth. TV, 3-4; Luc. IV, 3-4. — 2. Joan. IV, >i-32, 34. —
3. Matth. IV. 5-6; Luc. TV. 9-11.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JÉSUS 227

évidente que Dieu était avec lui Et pour rendre sa !

suggestion plus séduisante, le démon l'appuie à son


tour sur la parole divine. Mais Jésus réplique, d'une—
façon souveraine, par un autre texte sacré « Il est :

aussi écrit Tu ne tenteras pas, par une vaine présomp-


:

tion, le Seigneur ton Dieu * ». Cette fois encore, le dé-


mon est défait ; le Verbe de Dieu triomphe de ses
pièges.
Dans un dernier assaut, l'esprit des ténèbres tâche de
vaincre le une haute montagne,
Christ. L'emportant sur
il montre tous les empires du monde, il déroule à
lui
ses yeux toutes leurs richesses, toute leur splendeur,
toute leur gloire. Quelle tentation pour l'ambition de
celui qui se croirait le Messie Mais il fallait y mettre !

le prix. Ce qu'une ruse de plus de l'esprit mau-


n'était
vais pour connaître enfin qui était celui qui lui résistait
si puissamment. « Tout cela est à moi pourtant je vous
le donnerai, si, vous prosternant, vous m'adorez. »
;


Vous connaissez la réponse de Jésus, et avec quelle vi-
gueur il repousse les suggestions sacrilèges du malin :

« Arrière, Satan Il est écrit tu n'adoreras que Dieu


! :

2
seul et ne serviras que lui ».
Maintenant, le prince des ténèbres se sent entièrement
démasqué il n'a plus qu'à se retirer. Cependant, dit
;

l'Évangile, « il ne se retira que pour un temps » Usque :

ad tempus \ L'écrivain sacré indique par là que, durant


la vie publique, le diable reviendra à la charge par ses ;

suppôts, sinon en personne, il poursuivra Notre-Sei-


gneur sans relâche durant la passion surtout, il s'a-
;

charnera, par les mains des pharisiens, à perdre Jésus :

Haec est hora vestra, et potestas tenebrarum \ Il les


poussera, et eux pousseront la foule à demander que
Jésus soit crucifié Toile, toile, crucifige eum \ Mais
:

vous savez que la mort du Sauveur sur la croix sera

i. Matth. IV, 7 Luc. IV, 12. — 2. Matth. IV, 8-10; Luc. IV,
5-8. — 3. Luc. IV, 13. —4.
;

Ibid. XXII, 53. — 5. Joan. XIX, 15.


228 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

précisément coup décisif qui ruinera pour toujours


le

Tant la sagesse divine éclate partout


l'empire du diable.
dans ses oeuvres Qui salutem humani generis in ligno
!

crucis constituisti... ut qui in ligno vincebat in ligno


quoque vinceretur \
L'Évangile ajoute que « le tentateur s'étant retiré, les
anges descendirent du ciel pour servir le Christ' ».

C'était la manifestation sensible de l'exaltation donnée


par le Père à son Fils, pour s'être abaissé jusqu'à subir
en notre nom les attaques du démon. Les anges fidèles
apparurent, et servirent à Jésus ce pain qu'il attendait
à l'heure marquée par la providence de son Père.

Tel est le récit évangélique de la tentation de Jésus.


Si le Christ, Verbe incarné, Fils de Dieu, a voulu en-
trer en lutte avec l'esprit malin, nous étonnerons-nous
que les membres de son corps mystique doivent suivre
la même voie ? Tant de personnes,
pieuses croient même
que la tentation est un signe de réprobation. Mais, le
plus souvent, c'est le contraire Devenus disciples de!

Jésus par le baptême, nous ne pouvons « être au-dessus


3
de notre divin Maître ». QUIA acceptus eras Deo, ne-
4
cesse fuit ut tentatio probaret te : « Parce que tu
étais agréable à Dieu, il a fallu que la tentation t'éprou-
vât ». C'est Dieu lui-même qui nous le dit.
Oui, le démon peut nous tenter, et nous tenter puis-
samment, et nous tenter alors que nous nous croyons le
plus à l'abri de ses traits aux heures d'oraison, après
:

la sainte communion oui, même à ces moments bénis,


;

il peut nous souffler des pensées contre la foi, contre


l'espérance, il peut pousser notre esprit à l'indépen-
dance à l'égard des droits de Dieu, à la révolte il peut ;

soulever en nous toutes les mauvaises passions. 11 le


peut, —
et il ne manquera pas de le faire.

i. Préface de la Croix. —
2. Marth. IV, 11 Marc. I, 13. —
3. Cf. Maith. X, 24; Luc. VI, 40; Joan. XIII,
;

16; XV, 20. —


4. Tob. XII, 13.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JÉSUS 229

Encore une fois, ne nous en étonnons pas n'oublions ;

jamais que le Christ, notre modèle en toutes choses, a


été tenté avant nous, et non seulement tenté, mais tou-
ché par l'esprit des ténèbres il a permis au démon de
;

mettre la main sur sa très sainte humanité.


N'oublions pas surtout que ce n'est pas seulement
comme Fils de Dieu que Jésus a vaincu le diable, mais
encore comme chef de l'Église en lui et par lui, nous
;

avons triomphé et nous triomphons encore des sugges-


tions de l'esprit rebelle \
C'est, en effet,la grâce que nous a conquise notre
divin Sauveur par ce mystère là se trouve la source de
;

notre confiance dans les épreuves et les tentations et il ;

ne me reste plus qu'à vous montrer combien cette con-


fiance doit être inébranblable, et comment, par la foi
dans le Christ, nous trouverons toujours le secret de la
victoire.

La grâce que nous a méritée le Verbe incarné en su-


bissant la tentation est la force de défaire à notre tour
le démon, de sortir victorieux de la lutte que nous de-

vons nécessairement subir, avant d'être admis à jouir de


la vie divine dans la béatitude céleste. Le Christ Jésus a
mérité que ceux qui lui sont unis participent, et par- —
ticipent dans la mesure même de leur union à
lui, à —
son impeccabilité.
Nous touchons ici au centre du mystère.
Nous voyons dans l'Évangile que le Christ était im-
peccable, inaccessible au mal du péché, à la moindre
imperfection. Mais quelle est la source de cette invulné-
rabilité morale ?
La raison fondamentale est qu'il est le propre Fils de
i. Justum quippe erat ut sic tentationes nostras suis tentatiotiibus
vinceret. S. Gregor. Ho mil. XVI in Evangel.
230 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Dieu ; comme seconde personne de la Trinité, il est la


succomber au mal.
sainteté infinie, et ne peut
Toutefois, si nous examinons l'humanité de Jésus en
elle-même, nous voyons qu'elle est une humanité créée
comme la nôtre, semblable à la nôtre ; l'union avec la
divinité n'a pas enlevé en elle ces faiblesses qui sont
compatibles avec de Fils de Dieu. Le Christ
la qualité
souffre la faim, la soif ; il est accablé
par la fatigue le ;

sommeil appesantit ses paupières la peur, la tristesse, ;

l'ennui envahissent véritablement son âme et pour- ;



tant il n'y a pas en lui l'ombre d'une imperfection. Si
donc l'humanité de Jésus, comme telle, jouit de l'impec-
cabilité, c'est qu'elle est affermie dans le bien d'une fa-
çon merveilleuse. —
Or, quel est le moyen dont Dieu
s'est servi pour rendre la sainte âme de Jésus inacces-
sible au mal moral, au péché, pour l'établir dans l'im-
peccabilité ?
C'est de la faire « habiter sous la protection du Très-
Haut », In adjntorio Altissimi
l
; — ou, selon les termes
plus significatifs du texte original, « dans le sanctuaire
secret de la divinité » : In sanctuario secreto divinitatis.
Et quel est cet asile, ce sanctuaire ? — C'est la vision
béatifique.
Comme vous le savez, la vision béatifique est la con-
templation bienheureuse de Dieu tel qu'il est en lui-
même. Celui auquel cette grâce est accordée ne peut
plus se détacher de Dieu, parce qu'il voit que Dieu est
le Souverain Bien, et qu'aucun bien particulier, si éten-

du soit-il, ne peut lui être comparé. Dès lors, le péché,


— qui consiste à se détourner de la loi de Dieu, de sa
volonté, ou, ce qui, au fond, revient au même, à se dé-
tourner de Dieu, pour s'attacher à un bien qu'on ren-
contre en soi ou dans la créature, est radicalement —
rendu impossible. Dans ce bienheureux état où l'intelli-
gence contemple la Vérité même, il n'y a place pour
i. Ps. XC, i.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JESUS 231

aucune ignorance, aucune illusion, aucune erreur ; et la

volonté, attachée au Bien absolu qui renferme en lui


la plénitude de tout bien, ne connaît ni hésitation, ni
défaillance, ni défection d'aucune sorte. L'âme qui a
atteint ce sommet se trouve, selon le langage théolo-
gique, parfaitement « confirmée en grâce ».

Cette confirmation en grâce est une conséquence de


la prédestination elle comporte différents degrés qui
;

se mesurent à la perfection et à l'étendue de cette pré-


destination.
L'humanité de Jésus a été prédestinée à être unie au
Verbe éternel aussi, dès le premier instant de son exis-
;

tence, l'âme du Christ possède-t-elle, comme privilège


résultant de cette union, comme attribut « connaturel »,
la vision béatifique elle est confirmée en grâce au;

degré le plus élevé, c'est-à-dire dans l'impeccabilité es-


sentielle et absolue. C'est pourquoi nous entendons
Notre-Seigneur, chef de tous les prédestinés, porter ce
défi aux Juifs « Qui d'entre vous me convaincra de
:

péché ' » ? Nous l'entendrons également dire à ses apô-


tres dans la dernière cène « Je ne vous dirai plus beau- :

coup de choses désormais, car le prince de ce monde (le


démon) se lève contre moi, mais rien de lui n'est en
moi ' ». —
Même comme homme, le Christ Jésus est
le saint par excellence Tu solus sanctus, Jesu :

s
Curiste /

Au ciel, les bienheureux sont « arrivés à l'âge parfait


4
du Christ » ; ils ont atteint la mesure du don divin :

5
Secundum mensuram donationis Christi ; ils jouissent
de la vision béatifique dans la plénitude de la grâce qui
leur a été conférée ; ils participent d'une façon parfaite,
chacun selon son degré, à la filiation divine de Jésus :

c'est pourquoi ils demeurent, comme lui, fixés pour tou-

i. Joan. VIII, 46. — 2. Ibid. XIV, 30. — 3. Gloria de la messe.


— 4. Ephes. IV, 13. — 5. Ibid. 7.
232 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

jours in sanctuario secreto divinitatis : c'est Timpecca-


bilité éternelle.
Ici-bas, il ne nous est pas encore donné d'habiter
parfaitement dans cet « asile de la divinité ». Mais
qu'est-ce qui remplace pour nous, sur la terre, la vision
béatifique ? C'est la foi. — Par la foi, nous avons Dieu
toujours présent Per fidem enim ambulamus ; cette
:
'

foi à la lumière de laquelle nous marchons, est la source


de notre union à Jésus et la racine de notre perfection:
2
Ambula coram me, et esto Dans la mesure
perfectus .

où, par la foi,nous vivons dans la contemplation de


Dieu et demeurons unis à Jésus-Christ, dans cette même
mesure nous devenons invulnérables à la tentation.
Déjà, sur la terre, il se rencontre des âmes tellement
unies au Christ, des âmes dont la foi est si plénière,
qu'elles sont dès à présent confirmées en grâce. Par
exemple la très sainte Vierge elle a été prédestinée à
;

une exemption parfaite du péché, même du péché origi-


nel c'est un privilège unique
; Tota pulchra es, Maria,
:

et macula originalis non est in te*. S. Jean le Précur-


seur a été sanctifié dès le sein de sa mère, et les Pères
de l'Église nous disent qu'il fut confirmé dans la grâce
divine il en est de même des Apôtres, après qu'ils
;

eurent reçu le don de l'Esprit au jour de la Pentecôte.


A tous Dieu donne une part de cette confirmation en
grâce et cette part se mesure, comme je l'ai dit, à
;

notre vie de foi. Une âme qui, par la foi, vit habituelle-
ment dans la contemplation de Dieu, puise continuelle-
ment à cette source de vie Quoniam apud te est fons
:

vitae * ; elle participe à l'union du Christ avec son Père:


Ego in eis, et tu in me ; et dès lors aussi à l'amour que
le Père porte à son Fils Jésus Ut dilectio qua dilexisti
:

me ego in ipsis
in ipsis sit, et
5
.

C'est pourquoi Dieu a pour elle de véritables complai-


i. JI Cor. V. 7. —
2. Gen. XVII, 2. —
3. Antienne de la fête de
l'Immaculée Conception. —
4. Ps. XXXV, 10. 5. Joan. XVII. —
23, 26.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JESUS 233

sances la protège
;
il la rend peu à peu invulnérable.
il ;

Tous ses ennemis peuvent l'attaquer « mille tomberont ;

à sa gauche et dix mille à sa droite, et elle ne sera pas


atteinte » ; elle foulera aux pieds les démons ;
tout
l'univers peut se soulever autour d'elle, se déchaîner
contre elle « elle dira à Dieu : Vous êtes mon protec-
;

teur et mon refuge, et Dieu la délivrera de toutes les


embûches et de tous les dangers » : Quoniam in me spe-
ravit, liberabo eum \

L'Église, qui est pleine de sollicitude pour ses en-


fants, qui sait à quels périls ils sont toujours exposés ;

qui connaît, d'autre part, quelles grâces puissantes de


vie nous apportent les mystères du Verbe incarné et
notre union à lui, nous rappelle chaque année, au début

du carême, le mystère de la tentation de Jésus. Elle veut


que durant quarante jours, nous vivions comme lui dans
l'esprit de pénitence, de retraite, de solitude et d'orai-
son.
Pour nous aider à bien passer ce temps, pour pro-
duire en nous les sentiments qui doivent nous animer,
elle nous fait lire, à l'entrée de cette sainte quarantaine,
le récit du jeûne, de la tentation et du triomphe du
Christ.
met en même temps sur nos lèvres le psaume 90 e
Elle
tout entier, qui débute par ces paroles que je viens de
vous expliquer « Celui qui habite dans l'asile de la
:

divinité, demeurera sous la protection du Dieu du ciel ».


C'est le psaume par excellence de la confiance au milieu
de la lutte, de l'épreuve et de la tentation.
Les promesses magnifiques qui y sont contenues s'ap-
pliquent d'abord au Christ Jésus, et ensuite à tous les
membres de son corps mystique dans la mesure de leur
vie de grâce et de foi.
C'est pourquoi l'Église ne se contente pas de nous le

i. Ps. XC, 2, 7, 14.


234 LE CHRIST DANS ses .mystères

faire lire en son entier à la messe du premier dimanche


du carême ; mais
en extrait, pour son office cano-
elle
nial, des versets qu'elle nous fait réciter chaque jour de
cette longue période, pour nous mettre sans cesse de-
vant les yeux les attentions de notre Père céleste. « Il a
commandé à ses anges de te garder dans toutes tes
voies » : Angelis suis [Deus] mandavit de te : ut custo-
diant te in omnibus viis tuis ; « c'est lui qui délivre mon
âme du filet de la parole amère qui
de l'oiseleur et
abat » Ipse liberavit me de laqueo venantium et a
:

verbo aspero « il te couvrira de ses ailes, et tu trouve-


;

ras en lui un refuge plein d'espérance » Scapulis suis :

obumbrabit tibi et sub pennis ejus sperabis ; « sa vérité


t'environnera comme d'un bouclier, et tu n'auras à
craindre aucune terreur nocturne » Scuto circumdabit :

te veritas ejus ; non timebis a timoré nocturno \


Quelle confiance ne font pas naître dans une âme de
telles promesses rappelées chaque jour Quelle assu- !

rance ne lui donnent-elles pas pour marcher dans le


chemin du salut Ecce nunc dies salutis \ si entouré
:

qu'il soit de pièges, si rempli qu'il soit d'ennemis Dieu !

est avec elle et « si Dieu est avec nous, dit S. Paul, que
;

3
pourront ceux qui sont contre nous » ? Car, ajoute-t-il,
« Dieu ne permettra jamais que nous soyons tentés ou
éprouvés au delà de nos forces mais il nous protégera ;

et, par sa protection, il nous donnera de dominer l'é-

preuve, de surmonter la tentation, de lui marquer notre


fidélité, source de mérite et de gloire » Cum tentatione :

proventum \

VI

Vous voyez combien est invincible l'âme « qui habite


dans le sanctuaire de la divinité ».

i. Ps. XC, 3-5, ii. — 2. II Cor. VI, 2. — 3. Rom. VIII, 31. —


4. I Cor. X, 13.
LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JESUS 235

Mais n'oublions jamais que nous n'y atteignons que


par en Jésus-Christ, notre chef et notre modèle.
la foi
En effet, le psalmiste dit que, pour nous protéger
contre les dards de l'ennemi, « Dieu nous entourera de
sa vérité comme d'un bouclier » Scuto circumdabit te :

veritas ejus. — également la pensée


C'est de
S. Paul, quand il détaille les armes dont le chrétien doit
se munir pour la lutte spirituelle : IN omnibus sumen-
tes scutum FIDEI, in quo possitis omnia tela nequis-
simi ignea exstinguere \ « En toute rencontre, armez-
vous du bouclier de la foi par lequel vous pourrez
éteindre tous les traits enflammés de l'esprit malin ».

S. Pierre, non pas autrement « Le dé-


plus, ne parle :

mon rôde sans cesse autour de vous,cherchant une proie


à dévorer mais c'est par la vigueur de votre foi que
;

2
vous lui résisterez Cui resistite FORTES in fide
: .

Vous avez remarqué que pour repousser le démon, le


Christ Jésus fait chaque fois appel à la parole divine.
C'est la même tactique qui nous conduira au triomphe.

Quand donc le démon vous tente, par exemple, contre

la foi,rappelez-vous le témoignage du Père éternel pro-


clamant que Jésus est son Fils bien-aimé rappelez- ;

vous que « ceux-là seuls viennent de Dieu qui croient en


Jésus, Fils de Dieu
3
» quand il vous pousse à la
;

défiance, redites-vous la parole du Christ « Il n'y a de :

bon que Dieu » Nemo bonus nisi solus Deus * ; ou en-


:

core « Venez à moi, vous qui êtes accablés, et je vous


:

5
soulagerai ... Je ne rejetterai point ceux qui viennent à
moi » Et eum, qui venit ad me, non ejiciamforas ° ;
:

s'il cherche à vous accabler sous le souvenir de vos

fautes et de vos péchés, répondez-lui par la parole du


Sauveur « Je ne suis pas venu pour les justes, mais
:

pour les pécheurs » 7



s'il vous suggère des pensées
;

Eph. VI, 16.


i. 2. I Petr. V, 9. — 3. I Joan. V, 1. — —
4. Luc. XVIII, 19 cf. Matth. XIX, 17 Marc. X, 18.— 5. Matth.
XI, 28. — ;

6. Joan. Vï,^.— 7. Matth.IX.13; Marc. 11,17; Luc. V, 32.


;
236 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

d'orgueil ou d'ambition Tous ceux qui s'élèvent se- : «


ront abaissés '
» ;

vous excite à la vengeance s'il :

« Bienheureux les doux » s'il fait miroiter à vos


2
;

yeux les joies trompeuses « Bienheureux les purs"»... :

En toute occasion, In omnibus, armez-vous de la pa-


role du Verbe c'est un bouclier contre lequel tous les
:

traitsviendront se briser et se perdre.


La foi est l'arme par excellence. « Je tiens pour cer-
tain, écrivait sainte Thérèse, que Dieu ne permettra ja-
mais au démon de tromper une personne qui, se défiant
d'elle-même en tout, est si ferme dans la foi que pour
la moindre des vérités révélées, elle serait prompte à
4
affronter mille morts ».

C'est la foi qui, à l'heure de l'épreuve, au moment de


la tentation, nous rappelle les droits souverains de
Dieu à l'obéissance de sa créature, sa sainteté infinie,
les adorables exigences de sa justice, les souffrances
indicibles par lesquelles Jésus a expié le péché, la gra-
tuité de la grâce, la nécessité de la prière, l'éternité des
peines dont Dieu punit le pécheur mort sans repentir, la
béatitude sans fin dont il récompense magnifiquement
une fidélité de peu d'années. Toutes ces vérités, la foi
nous les redit et, si redoutables que soient les flèches
;

de l'ennemi, si violentes que soient ses suggestions, si


prolongé que soit le combat, l'âme dont la foi est vive
trouve dans cette foi et dans l'union au Christ, qu'elle
engendre, le meilleur appui de sa résistance, le principe
même de sa stabilité dans le bien, le véritable secret de
la victoire.
« Heureuse l'âme, — c'est Dieu même qui nous le dit
— heureuse l'âme qui subit ainsi la tentation, sans s'y
être exposée qui passe par le feu, les yeux de sa foi
;

fixés sur les paroles et les exemples du Christ comme


sur les promesses divines elle triomphera dès ici-bas ; ;

i. Matth. XXIII, 12 Luc. XIV. n XVIII, 14. — 2. Matth. V,


— — ; ;

4. 3. Ibid. 8. 4. Vie par elle-même, eh. 25.


LE BAPTÊME ET LA TENTATION DE JÉSUS 237

elle recevra plus tard le prix de sa générosité et de son


amour » BEATUS vir qui suffert tentationem : quoniam
:

cum probatus fuerit, accipiet coronam vitae quam re-


promisit Deus diligentibus se \
Car, dit S. Paul, le Christ n'abandonne pas ses disci-
ples dans la lutte ; « pontife compatissant qui a souffert
la tentation, il connaît ce qu'est l'épreuve, et il peut nous
2
soutenir au milieu du combat ». Il nous secourt par sa
grâce, il nous aide de sa prière. Il refait alors pour nous

cette demande qu'il a adressée à son Père au moment


où il allait subir, mais pour en sortir victorieux, les
derniers assauts de l'enfer « Père, je ne vous demande :

3
pas de les ôter du monde, mais de les garder du mal »...
Et parce que nous croyons en son Fils Jésus parce ;

que nous ne voulons pas nous détourner de lui parce ;

que, défiants de nous-mêmes, nous mettons en lui seul,


par la prière, notre espérance parce qu'il nous voit et ;

4
nous aime en son Fils, Quia tui sunt , le Père nous
«gardera du mal » il enverra ses bons anges « s'ap-
;

procher de nous invisiblement pour nous servir ».


C'est d'ailleurs la promesse magnifique qu'il nous a
faite lui-même par la bouche de l'écrivain sacré, dans
e
ce beau psaume 90 que je veux encore citer en termi-
nant cet entretien « Puisqu'il s'est attaché à moi, dit le
:

Seigneur, je le délivrerai puisqu'il ;


me reconnaît comme
le Tout-Puissant, je le protégerai ; il m'invoquera, et
moi je l'exaucerai je serai avec ;
lui dans la détresse
pour le délivrer et le combler de gloire je le rassasierai

;

de jours, et je lui ferai voir pour qu'il en jouisse à


jamais, —
le salut que seul je puis donner » Clamabit :

ad me, et ego exaudiam eu m ; cum ipso su m in tribula-


tions ; eripiam cum et glorificabo eum ; longitudine
dierum replebo eum, et ostendam illi salutare m eum \

i. Jac. I, —
12. 2. Hebr. II, 18 V, 2. — 3. Joan. XVII. 15.
— 4. Ibid. 9. — 5. Ps. XC, 14-16.
;
XL — QUELQUES ASPECTS
DE LA VIE PUBLIQUE DE JÉSUS
(Temps de Carême)

Sommaire. — Variété des aspects de la vie publique de


Jésus. — Témoignages par lesquels le Christ établit
I.

sa divinité. —
II. Comment ces témoignages fondent
également notre foi en Jésus-Christ. — m.
Les gestes
humains du Verbe incarné déclarent les perfections di-
vines; la bonté humaine dans le Christ, révélation de
l'amour éternel. —
IV. Conduite miséricordieuse du
Christ à l'égard des pécheurs l'enfant prodigue, la sa-
:

maritaine, Madeleine, la femme adultère. —


V. La mi-
séricorde du Sauveur est la source première de notre
confiance; comment cette confiance est affermie par la
pénitence. - VI. Conduite sévère de Jésus à l'égard
de l'orgueil hypocrite des Pharisiens.

« Si Ton voulait, dit l'apôtre S. Jean à la fin de son


Évangile, rapporter en détail beaucoup d'autres choses
que Jésus a accomplies, je ne pense pas que le monde
1
entier pût contenir les livres qu'il faudrait écrire . »
Au moment d'aborder contemplation de la vie pu-
la
blique de Notre-Seigneur, nous devons reprendre la
même pensée. Si nous voulions commenter en détail
chacune de ses paroles, considérer chacun de ses gestes,
expliquer chacun de ses actes, toute notre existence n'y
suffirait pas.
Cette contemplation constituerait assurément une bien

i. Joan. XXI. 25.


QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 239

douce occupation pour nos âmes. Ne pouvant nous ar-


rêter à chaque page de l'Évangile, nous ne retiendrons
de cette période de la vie du Sauveur, que quelques
traits caractéristiques, —
assez pour admirer jusqu'à
quel point éclatent la sagesse et la miséricorde éternel-
les dans les mystères de l'Incarnation et de notre ré-
demption.
Nous verrons d'abord comment le Christ Jésus pro-
clame et établit la divinité de sa mission et de sa per-
sonne, afin de fonder notre foi nous contemplerons ;

ensuite par quelle infatigable condescendance de son
humanité à l'égard de la misère sous toutes ses formes.
il révèle au monde les profondeurs et les richesses de la

bonté infinie ;

cette révélation prendra, par con-
traste, tout son relief, si nous considérons la conduite
pleine de justice que tient Notre-Seigneur envers l'or-
gueil des Pharisiens.
Ce sont là, entre mille autres, trois aspects de la vie
publique de Jésus auxquels nos âmes peuvent s'arrêter
pour y puiser des grâces de lumière et des principes de
vie.

Au baptême de Jésus, qui marque le début de sa vie


publique, nous avons entendu le Père introniser le
1
Christ en qualité de « Fils bien-aimé ».
L'enseignement de Jésus durant les trois années de
son ministère extérieur auprès des âmes n'est que le
commentaire incessant de ce témoignage. Nous allons
voir le Christ se manifester en ses actes et ses paroles,
non comme Fils adoptif de Dieu, comme un élu choisi
pour remplir une mission spéciale auprès de son peuple,
ainsi que l'étaient les simples prophètes, mais comme —
le propre Fils de Dieu, Fils par nature, possédant par

i. Matth. III. 17 ; Marc. I. n ; Luc. III, 22.


240 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

conséquent les prérogatives divines, les droits absolus


de l'Être souverain, et réclamant de nous la foi en la
divinité de son œuvre et de sa personne.

Quand nous lisons l'Évangile, nous voyons que le

Christ parle et agit non seulement comme homme, sem-


blable à nous, mais aussi comme Dieu, élevé au-dessus
de toute créature.
Voyez : il se dit plus grand que Jonas, que Salomon,
que Moïse '
; si, comme homme,
par sa naissance de
Marie, il est le Fils de David, il en est aussi « le Sei-
a
gneur, assis à la droite de Dieu », participant à sa
puissance éternelle et à sa gloire infinie.
Aussi se déclare-t-il le Législateur suprême, au même
titre que Dieu. Comme Dieu donnait la Loi à Moïse,
ainsi établit-il le code de l'Évangile « Dieu dit aux :

3
Anciens... Et moi, je vous dis... » C'est la formule qui
revient dans tout le sermon sur la montagne. Il se —
montre tellement le maître de la Loi qu'il y déroge de sa
propre autorité, quand il lui plaît, avec une indépen-
dance entière, comme étant celui qui l'a instituée et qui
en est le maître souverain.
Ce pouvoir est sans limites. Jésus remet les péchés,
privilège dont Dieu seul jouit, parce que c'est Dieu seul
que le péché offense. « Ayez confiance, vos péchés vous
sont remis », dit-il à un paralytique qu'on lui présente ;

les Pharisiens, scandalisés d'entendre un homme parler


ainsi, murmurent en eux-mêmes « Qui peut remettre
:

les péchés si ce n'est Dieu ? » Mais Jésus lit dans leurs


cœurs leurs secrètes pensées et pour prouver, à ceux
;

qui le lui contestent, qu'il possède ce pouvoir divin non


par délégation, mais à titre propre et personnel, il ac-
complit aussitôt un miracle « Afin que vous sachiez
:

que le Fils de l'homme peut absoudre les péchés, levez-

i.Matth. XTI, 41-42 Luc. XI, 31-32.


;
— 2. Cf. Ps. CIX, 1. —
3. Matth. V, 22, 28, 32, 34, 39, 44.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 241

vous, dit-il au paralytique, prenez votre grabat et mar-


chez * ».
Cet exemple est caractéristique le Christ Jésus opère :

ses miracles de sa propre autorité, de lui-même. Sauf


avant la résurrection de Lazare, où il demande à son
Père que le prodige qu'il va réaliser éclaire les esprits
qui doivent en être témoins, il ne prie jamais avant de
manifester sa puissance, comme le faisaient les pro-
phètes mais d'une parole, d'un geste, d'un seul acte de
;

sa volonté, il guérit les boiteux, il fait marcher les para-


lytiques, il multiplie les pains, il apaise les flots en
furie, il chasse les démons, il ressuscite les morts.
Enfin son pouvoir est si grand qu'il viendra sur les
nuées juger toute créature « toute puissance lui a été
;

donnée par son Père sur la terre et dans le ciel 2 » ;

comme son Père, il promet « la vie éternelle à ceux qui


3
le suivent ».

Ces paroles et ces actions nous montrent en Jésus


l'égal de Dieu, participant au pouvoir suprême de la
divinité, à ses prérogatives essentielles, à sa dignité in-
finie.

Nous possédons des témoignages plus explicites.


Vous connaissez l'épisode dans lequel Pierre confesse
sa foi en la divinité de son maître. « Heureux es-tu,
Simon, fils de Jona, » lui dit Jésus aussitôt après car ;

« ce n'est pas en suivant tes propres lumières naturelles


que tu es parvenu à cette connaissance de ma divinité,
mais c'est mon Père céleste qui te l'a révélée ». Et pour
marquer la grandeur de cet acte de foi, le Sauveur pro-
met à Pierre de faire de lui le fondement de son Église *.
A l'heure de sa passion, devant ses juges, Notre-Sei-
gneur, avec plus d'autorité encore, proclame sa divinité.
En sa qualité de président du grand conseil, Caïphe dit
i. Matth. IX, 2-4, 6 Marc. II, 5-7, 9 Luc. V, 20-22, 24. —
— —
; ;

2. Cf. Matth. XXVIII, 18. 3. Ibid. XIX, 28-29. 4. Ibid.


XVI, 17-18.

Le Christ dans ses mystères. tô


242 LK CHRIST DANS SES MYSTÈftRS

au Sauveur : « Je t'adjure au
vivant de nom du Dieu
nous dire si du Dieu vivant » ?
tu es le Christ, le Fils
« Tu l'as dit, répond Jésus vous verrez désormais le
;

Fils de l'homme assis à la droite du Dieu tout-puissant


venir sur les nuées du ciel ».Vous savez que « s'asseoir à
la droite de Dieu » était regardé par les Juifs comme
une prérogative divine, et que s'arroger cette préroga-
tive constituait un blasphème punissable de mort. C'est
pourquoi à peine Caïphe a-t-il entendu la réponse de
Jésus qu'il déchire ses vêtements en signe de protesta-
tion et s'écrie « Il a blasphémé
: qu'avons-nous encore ;

besoin de témoins ?» Et tous les autres de répondre :

« Il mérite la mort
1
». —
Et plutôt que de se rétracter,
le Christ a accepté sa condamnation.

2
C'est surtout dans l'Évangile de S. Jean
que nous
rencontrerons sur de Jésus des témoignages
les lèvres
qui établissent, entre lui et son Père, une union telle
qu'elle ne peut s'expliquer que par la nature divine,
nature qu'il possède indivisiblement avec le Père et leur
commun Esprit.
Vous remarquerez que, sauf quand il enseigne à ses
disciples la façon de prier, Christ Jésus ne dit ja-
le

mais : « Notre Père » ; toujours, en parlant de ses rap-


ports avec Dieu, il dit « : le Père, mon Père », et en

s'adressant à ses disciples : « Votre Père ». Notre-Sei-


gneur a bien soin de marquer la différence essentielle
qui existe, à ce sujet, entre lui et les autres hommes : il

est Fils de Dieu par nature, eux ne le sont que par


adoption.
C'est pourquoi, avec le Père, il a des relations person-
nelles d'un caractère unique, qui ne peuvent résulter
que de son origine divine.

i. Matth. XXVI. 6^-66; Marc. XIV, 61-64. 2 Beaucoup de — -

ces témoignages se lisent aux messes du carême, surtout après


le dimanche de la Passion.
QUELQUES ASPECTS DE LA VJE PUBLIQUE 243

Un jour, il disait devant ses disciples « Je te rends


:

grâces, ô Père, de ce que tu as caché ces choses aux


savants et que tu les as révélées aux petits. Il en est
ainsi, Père, parce que tel a été ton bon plaisir. Toutes
choses m'ont été remises par mon Père. Et personne ne
connaît le Fils si ce n'est le Père, ni personne ne connaît
le Père si ce n'est le Fils, et celui auquel le Fils veut
bien le révéler ». Par ces paroles, le Verbe incarné nous
indique clairement qu'entre lui et son Père, il y a une
égalité parfaite d'une connaissance pour nous incom-
préhensible. Ce Fils qui est Jésus est si grand et sa filia-
tion si ineffable que seul le Père, qui est Dieu, peut le
connaître le Père est d'une telle majesté, sa paternité
;

un mystère si sublime que seul le Fils peut savoir ce


qu'est le Père cette connaissance surpasse tellement
;

toute science créée qu'aucun homme ne peut y partici-


per que s'il lui en est donné une révélation.
Vous voyez comment Notre-Seigneur établit son
union divine avec le Père. Mais cette union ne se borne
pas à la connaissance elle s'étend à toutes les opéra-
;

tions accomplies en dehors de la divinité.


Voici que Jésus guérit un paralytique, lui disant d'em-
porter son grabat c'était le jour du repos. Aussitôt, les
;

Juifs, tout scandalisés, reprochent au Sauveur de ne pas


observer le sabbat. Et que répond Notre-Seigneur ?
Pour montrer qu'il est, au même titre que son Père, le
maître suprême de la Loi, il réplique aux Pharisiens :

« Mon Père agit jusqu'à présent, et moi aussi, j'agis


comme lui et avec lui ». Les auditeurs comprennent si
bien que, par ces paroles, il prétend être Dieu qu'ils
cherchent à le faire mourir parce que « non content de
;

violer le jour du repos, il disait que Dieu était son Père,


se faisant par là son égal ». Loin de les contredire,
Notre-Seigneur confirme leur interprétation « En vé-
:

rité, je vous le dis le Fils ne peut rien faire de lui-


:

i. Matth. XI, 25-27.


2i'l LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

même, il peut seulement ce qu'il voit faire au Père ; et


tout ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement. Car
1
le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu'il fait »...
Lisez, dans l'Évangile, la suite et le développement de
ces paroles vous verrez avec quelle autorité le Christ
:

Jésus se proclame en toutes choses l'égal du Père, Dieu


avec lui et comme lui.
Tout le discours après la cène et toute la prière sacer-
dotale de Jésus en ce moment solennel sont remplis de
ces affirmations qui montrent qu'il est le propre Fils de
Dieu, ayant la même nature divine, possédant les mêmes
droits souverains, jouissant de la même gloire éternelle:
Ego et Pater unum sumus \

II

maintenant nous recherchons pourquoi le Christ


Si
atteste ainsi sa divinité, nous verrons que c'est pour
fonder notre foi.
C'est là une vérité que vous connaissez déjà elle est ;

si importante que nous ne devons cesser de la contem-

pler. Car toute notre vie surnaturelle et toute notre sain-


teté a la foi pour base, et notre foi elle-même repose sur
les témoignages qui établissent la divinité du Sau-
veur.

Paul nous exhorte à « regarder Notre-Seigneur


S.
comme l'apôtre et le pontife de notre foi » Considerate :

apostolum et pontificem confessionis nostrae jesam *.


« Apôtre » veut dire celui qui est envoyé pour accomplir
une mission et S. Paul dit que le Christ est l'apôtre de
;

notre foi. Comment cela ?


Le Verbe incarné est, selon l'expression de l'Église,
Magni consilii angélus 4 « l'Envoyé du conseil su-
,

i. Joan. V, 16-20. —
2. Ibid. X, 30. — 3. Hebr. III, 1. —
4. Introït de la troisième mes9e de Noël.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 245

prême » qui se tient dans les splendeurs de la divinité.


Et pourquoi est-il envoyé ? Pour révéler au monde « le
mystère caché en Dieu depuis des siècles », le mystère
du salut du monde par un Homme-Dieu. « Telle est la
vérité fondamentale à laquelle le Christ doit rendre té-
moignage » Ego in hoc natus sum et ad hoc veni in
:

mundum, UT testimonium perhibeam veritati\


La grande mission de Jésus, surtout durant sa vie pu-
blique, est donc de manifester sa divinité au monde :
2
Ipse enarravit Tout son enseignement, toute sa con-
.

duite, tous ses miracles aboutissent à l'établir dans


l'esprit de ses auditeurs. Voyez, par exemple, au tom-
beau de Lazare. Avant de ressusciter son ami, le Christ
lève les yeux au ciel. « O Père, dit-il, je vous rends
grâces de ce que vous m'avez toujours exaucé mais ;

j'ai dit cela à cause de la foule qui m'entoure, afin qu'ils


croient que c'est vous qui m'avez envoyé » : Ut credant
quia tu me misisti"*.
Sans doute Notre-Seigneur n'insinue que peu à peu
cette vérité afin de ne pas trop heurter de front les
;

idées monothéistes des Juifs, il ne se révèle que par


degrés mais avec une sagesse admirable, il fait tout
;

converger vers cette manifestation de sa filiation divine.


A la fin de sa vie, quand les esprits droits sont suffi-
samment préparés, il n'hésite pas à confesser sa divi-
nité devant ses juges, au péril de sa vie. Jésus est le roi
des martyrs, de tous ceux qui par l'effusion de leur sang
ont professé leur foi en sa divinité ; le premier, il a été
livré et immolé pour s'être proclamé le Fils unique de
Dieu.
Dans sa dernière prière, il rend compte, pour ainsi
dire, à son Père, de sa mission, et il résume tout en ces
mots « Père, j'ai accompli l'œuvre que vous m'aviez
:

imposée ». Et quel en est le fruit ? « Et eux, mes dis-


ciples, ont accepté, de leur côté, mon témoignage ils ;

i. Joan. XVIII, 37. — 2. Ibid. I, 18. — 3. Ibid. XI, 41-42.


246 LB CHRIST DANS SKS MYSTÈRES

ont su avec certitude que je suis sorti de vous, ils ont


1
cru que vous m'avez envoyé » .

Aussi cette foi en la divinité de son Fils est-elle, selon


la parole même de Jésus, l'œuvre par excellence que
Dieu réclame de nous Hoc est opus Dei, ut credatis
:

in eum quem misit Me \


C'est cette foi qui apporte à de nombreux malades
leur guérison : Secimdum fidem vestram fiât vobis ; à "'

Madeleine, le pardon de ses péchés Fides tua te sal- :

vam vade in pace \ C'est elle qui mérite à Pierre


fecit,
d'être établi le fondement indestructible de l'Église qui ;

rend les apôtres agréables au Père et fait d'eux l'objet


de son amour Pater amat vos, quia vos me amastis, et
:

"'.
credidistis
C'est cette foi encore qui « nous fait naître enfants
de Dieu » His qui credunt in nomine ejus 6 ; qui fait
:

« jaillirdans nos cœurs les sources divines de la grâce


de Esprit-Saint » Qui crédit in me, fiumina de ventre
l' :

7
ejus fluent aquae vivae ; qui « dissipe les ténèbres de
la mort » Veni ut omnis qui crédit in me in tenebris non
:

maneat h qui « nous apporte la vie divine, car Dieu a


;

aimé le monde à ce point qu'il lui a donné son Fils uni-


que, afin que tous ceux qui croient en lui ne périssent
point, mais possèdent la vie éternelle » Ut omnis qui :

crédit in ipsum non pereat, sed habeat vitam aeternam *.


C'est parce quils n'auront pas eu cette foi que les
ennemis de Jésus périront « Si je n'étais pas venu et
:

que je ne leur eusse point parlé, ils seraient sans péché:


mais maintenant leur péché est sans excuse 10 »; et c'est
pourquoi « celui qui ne croit pas en Jésus, Fils unique

i. Pater, opus consummavi, quod dcdisti mifti ut jaciam... et ipst

accePerunt et cognoverunl vcrc quia a te exivi, et crediderunt quia


tu me misisti. Joan. XVII, 4, 8. 2. Ibid. VI, 2Q. — 3. Matth. —
IX, 29; cf. Marc. V, 34; X, 52 Luc. XVII, 19. 4. Luc. VII —
50. — 5. loan. XVI, 27. 6. Ibid. I, —
12.
;

7. Ibid. —
VII, 3*.
r

— 8. Ibid. XII. 46. —9. Ibid. III, 15. —


io. Ibid. XV, 22.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 247

de Dieu, est dès à présent jugé et condamné » Qui :

autem non crédit, jam judicatus est : quia non crédit


in nomine Unigeniti Filii Dei \
Vous voyez comment tout se ramène à la foi en Jésus-
Christ, Fils éternel de Dieu elle constitue la base de
;

toute notre vie spirituelle, la racine profonde de toute


justification, la condition essentielle de tout progrès, le
moyen assuré pour arriver au sommet de toute sainteté.
Prosternons-nous aux pieds de Jésus et disons-lui O :

Christ Jésus, Verbe incarné, descendu du ciel « pour


nous révéler les secrets que, Fils unique de Dieu, vous
contemplez toujours dans le sein du Père », je crois et
je confesse que « vous êtes Dieu comme lui, son égal » ;

je crois en vous je crois « en vos œuvres »


;
je crois en
;

votre personne « je crois que vous êtes sorti de Dieu »;


;

que « vous êtes un avec le Père », que « celui qui vous


voit, le voit » je crois que vous êtes « la résurrection et
la vie ». — ;

Je le crois et, le croyant, je vous adore et


consacre à votre service tout mon être, toute mon acti-
vité, toute ma vie. Je crois en vous, ô Christ Jésus, mais
augmentez ma foi Credo, Domine, sed adjuva incre-
!

dulitatem meam !

III

Si le Christ révèle au monde le dogme de sa filiation


éternelle, c'est par son humanité qu'il nous manifeste
les perfections de sa nature divine. Bien qu'il soit le
vrai Fils de Dieu, il aime à s'appeler le « Fils de
l'homme » il se donne ce titre même dans les occasions
;

les plus solennelles où il revendique avec le plus d'au-


torité les prérogatives de l'Être divin.
Chaque fois, en effet, que nous nous trouvons en
contact avec lui, nous sommes en présence de ce mys-
tère sublime l'union de deux natures
: —
divine et hu-

i. Joan. III, 18.


248 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

maine, — dans une seule et même personne, sans —


mélange ni confusion des natures, sans division de la
personne.
C'est le mystère initial que nous devons avoir tou-
jours devant les yeux quand nous contemplons Notre-
Seigneur. Chacun de ses mystères met en relief ou l'u-
nité de sa personne adorable, ou la vérité de sa nature
divine, ou la réalité de sa condition humaine.
Un des aspects les plus profonds et les plus touchants
de l'économie de l'Incarnation est la manifestation des
perfections divines faite aux hommes par la nature hu-
maine. Les attributs de Dieu, ses perfections éternelles
nous sont ici-bas incompréhensibles ils dépassent
;

notre science. Mais, en se faisant homme, le Verbe in-


carné découvre aux esprits les plus simples, par les
paroles tombées de ses lèvres humaines, par les gestes
accomplis dans sa nature d'homme, les perfections in-
accessibles de la divinité. En les faisant saisir à nos
âmes par des actions sensibles, il nous ravit et nous
attire à lui Ut dum visibiliter Deum cognoscimus, per
:

1
hune in invisibilium amorem rapiamur .

C'est surtout durant la vie publique de Jésus que se


déclare et se réalise cette économie pleine de sagesse
et de miséricorde.

De toutes les perfections divines, l'amour est assuré-


ment celle que le Verbe incarné se plaît davantage à
nous révéler.
Au cœur humain, il faut un amour tangible pour lui

faire entrevoir l'amour infini, bien plus profond, mais


qui surpasse toute connaissance. Rien, en effet, ne sé-
duit tant notre pauvre cœur que de contempler le Christ
Jésus, vrai Dieu aussi bien que vrai homme, traduisant
en gestes humains l'éternelle bonté. Quand nous le
voyons répandre à profusion, autour de lui. des trésors
i. Préface de la Nativité.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 249

inépuisables de compassion, d'intarissables richesses


de miséricorde, nous pouvons concevoir quelque peu
l'infinité de cet océan de la bonté divine où va puiser
pour nous la sainte humanité.
Arrêtons-nous à quelques traits nous constaterons ;

avec quelle condescendance, parfois étonnante, notre


Sauveur s'abaisse vers la misère humaine sous toutes
ses formes, y compris le péché. Et n'oubliez jamais que,
même alors, quand il s'incline vers nous, il demeure le
propre Fils de Dieu, Dieu même, l'Être Tout-Puissant,
la Sagesse infinie qui, fixant toutes choses dans la vé-
rité, n'exécute rien qui ne soit souverainement parfait.

Cela donne sans doute aux paroles de bonté qu'il pro-


fère, aux actes de miséricorde qu'il accomplit, un prix
inestimable qui les rehausse infiniment mais cela ;

achève surtout de captiver nos âmes, en nous manifes-


tant les charmes profonds du cœur de notre Christ, de
notre Dieu.

Vous connaissez le premier miracle de la vie publique


de Jésus l'eau changée en vin aux noces de Cana, à la
;

1
prière de sa mère Pour nos cœurs humains, quelle
.

révélation inattendue des tendresses et des délicatesses


divines D'austères ascètes se scandalisent de voir de-
!

mander ou opérer un miracle pour cacher l'indigence


de parents pauvres à un banquet nuptial. Et cependant,
c'est ce que la Vierge n'a point hésité à solliciter, c'est
ce que le Christ a daigné accomplir. Jésus se laisse
toucher par l'embarras où vont publiquement se trouver
de pauvres gens pour le leur épargner, il opère un
;

grand prodige.Et ce que son cœur nous découvre ici de


bonté humaine et d'humble condescendance n'est que la
manifestation extérieure d'une bonté plus élevée, la
bonté divine, où l'autre a sa source. Car tout ce que fait
le Fils, le Père l'accomplit également.

i. Joan. II, i-ii.


250 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Feu de temps après, dans la synagogue de Nazareth.


Jésus emprunte à Isaïe, pour se l'approprier, le pro-
gramme de son œuvre d'amour « L'esprit du Seigneur
:

est sur moi il m'a consacré par son onction pour porter
;

la bonne nouvelle aux pauvres il m'a envoyé guérir


;

ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux captifs la dé-


livrance, aux aveugles le retour à la vue, rendre libres
les opprimés, et publier l'année du salut divin ».
« Ce que vous venez d'entendre, ajoutait Jésus, com-
mence aujourd'hui même de s'accomplir 1 » .

Et, en effet, le Sauveur se révélait dès lors à tous


comme « un Roi plein de douceur et de bonté * ». Il me
faudrait citer toutes les pages de l'Évangile si je voulais
vous montrer combien la misère, la faiblesse, l'infirmité,
la souffrance ont le don de le toucher, et d'une façon si
irrésistible qu'il ne peut rien leur refuser S. Luc relève ;

avec soin qu'il est « ému de compassion » Misericordia :

motus *. Les aveugles, les sourds-muets, les paralyti-


ques, les lépreux se présentent devant lui l'Évangile ;

nous dit qu' « il les guérissait tous »Sanabat omnes \


:

Il les accueille tous aussi avec une mansuétude infa-


tigable il se laisse presser, assiéger de toutes parts,
;

r
sans cesse, même après le coucher du soleil si bien ;

6
qu'un jour il ne put prendre ses repas une autre fois, ;

aux bords du lac de Tibériade, il est obligé de monter


dans une barque pour se dégager, et ainsi distribuer la
7
parole divine avec plus de liberté ailleurs, la foule ;

encombre à ce point la maison où il se trouve que pour


faire parvenir jusqu'à lui un paralytique couché sur son
grabat, on n'a d'autre ressource que de descendre le
malade par une ouverture pratiquée dans le toit*.
Les apôtres, eux, étaient souvent impatients le divin ;

Maître en prenait occasion pour leur montrer sa dou-

i.Luc. IV, 18-19, 21 cf. Isa. LXI, 1.— 2. Matth. XXI, 5. —


3. Luc. VII, 13. — ;

4. Ibid. VI, 19. — 5. Marc. I, 32-33. —


6. Ibid. III, 20. —
7. Ibid. IV, 1-2. — 8. Ibid, II, 4-
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 251

ceur. Un jour, ils veulent écarter de lui les enfants qu'on


lui présente et qu'ils trouvent importuns « Laissez ces :

petits enfants, leur dit Jésus, et ne les empêchez pas de


venir à moi car le royaume des cieux est pour ceux
;

qui leur ressemblent ». Et il s'arrêtait pour les bénir


de la main \ —
Dans une autre circonstance, les disci-
ples irrités de ce qu'il n'a pas été reçu dans une ville de
Samarie, le « pressent de permettre au feu du ciel de
descendre sur les habitants afin de les consumer » :
Domine, vis dicimus ut ignis descendat de caelo ? Et
Jésus de les reprendre aussitôt Et conversus increpa-
:

vit iîlos : « Vous ne savez de quel esprit vous êtes Le !

Fils de l'homme est venu non pour perdre des vies


2
d'hommes, mais pour les sauver ».
C'est si vrai qu'il accomplit même des miracles pour
ramener les morts à la vie. Voici qu'à Naïm, il rencontre
une pauvre veuve en pleurs qui suit la dépouille mortelle
de son fils unique. Jésus la voit, il voit ses larmes son ;

cœur profondément touché ne peut supporter cette dou-


leur. « O femme, ne pleure pas » Noli flere. Et aussi-
!

tôt il commande à la mort de rendre sa proie « Jeune :

homme, je te le dis, lève-toi » Le jeune homme se lève,


!

et Jésus le remet à sa mère '.

I Toutes ces manifestations de la miséricorde et de la


bonté de Jésus, qui nous découvrent les sentiments de
son cœur d'homme, touchent les fibres les plus profon-
des de notre être elles nous révèlent, sous une forme
;

saisissable, l'amour infini de notre Dieu. Quand nous


voyons le Christ pleurer au tombeau de Lazare, et que
nous entendons les Juifs, témoins de ce spectacle, se
4
dire « Voyez donc à quel point il l'aimait
: », nos
cœurs comprennent ce langage silencieux des larmes
humaines de Jésus, et nous pénétrons dans le sanctuaire

I. Marc. X, 13-14, 16. — 2. Luc. IX, 54-56. — 3. îbid. VII, u-15.


— 4.Joan. XI, 36.
252 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

de l'amour éternel qu'elles dévoilent : Qui videt me,


videt et Patrem \
Mais aussi, comme toute cette conduite du Christ
condamne nos égoïsmes, nos duretés, nos sécheresses
de cœur, nos indifférences, nos impatiences, nos rancu-
nes, nos mouvements de colère et de vengeance, nos
ressentiments à l'égard du prochain !... Nous oublions
trop souvent la parole du Sauveur « Toutes les fois
:

que vous vous êtes montrés miséricordieux à l'égard de


l'un des plus petits de mes frères, c'est à moi-même
2
que vous l'avez fait ».
O Jésus, qui avez dit « Apprenez de moi que je suis
:

doux et humble de cœur », rendez nos cœurs semblables


au vôtre. Qu'à votre exemple, nous soyons miséricor-
dieux, « afin d'obtenir nous-mêmes miséricorde », mais
surtout pour devenir, en vous imitant, « semblables à
notre Père des cieux » !

IV

Une des formes les plus profondes de la misère hu-


maine, îe péché, a surtout attiré le cœur du Christ. S'il
est un trait qui frappe particulièrement dans la conduite
du Verbe incarné durant sa vie publique, c'est cette
étrange préférence qu'il manifeste pour son ministère
auprès des pécheurs.
Les écrivains sacrés nous disent qu' « un grand nom-
bre de publicains* et de pécheurs se mettaient à table
avec Jésus et ses disciples » Ecce multi publicani et
:

peccatores ve nient es discumbebant cnm Jesu et disci pu-


lis ejus*. —
Cette conduite lui était tellement habituelle
qu'on l'appelait « l'ami des publicains et des pécheurs »:

i. Joan. XIV, 9. —2. Matth. XXV, 40. — 3. Péagers à la


solde des Romains maîtres de la Judée : recrutés dans la basse
classe, ils étaient regardés comme méprisables a cause de leurs
exactions : on les rangeait parmi les voleurs. —
4. Matth. IX, 10 ;
cf. Marc. II, 15 ; Luc. V, 2Q.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 253

Publicanorum et peccatorum amicus \ Et. quand les


Pharisiens s'en montraient scandalisés, loin de nier le
fait, Jésus le confirmait, en en donnant la raison pro-
fonde « Ce ne sont pas les bien portants mais les ma-
:

lades qui ont besoin du médecin... Je ne suis pas venu


2
appeler les justes mais les pécheurs ».
Dans le plan éternel, Jésus est notre frère aîné Prae- :

destinavit [nos Deus] conformes fieri imaginis Filii sui,


3
ut sit primogenitus in multis fratribus Il a pris notre
.

nature, pécheresse dans la race, mais pure dans sa per-


sonne, In similitudinem carnis peccati *. Il sait que la
grande masse des hommes succombe au péché et a be-
soin de pardon que les âmes esclaves du péché, as-
;

sises loin de Dieu, dans les ténèbres et à l'ombre de la


mort, ne comprendront pas la révélation directe du di-
vin elles ne pourront être attirées vers le Père que par
;

les condescendances de la sainte humanité. C'est pour-


quoi une grande partie de son enseignement et de sa
doctrine, une foule d'actes de mansuétude et de pardon
à l'égard des pécheurs tendent à faire saisir à ces pau-
vres âmes quelque chose des profondeurs des miséri-
cordes divines.

Dans une de ses plus belles paraboles, que vous con-


naissez*, celle de l'enfant prodigue, Jésus nous décou-
vre le portrait authentique de son Père céleste.
Elle a cependant pour but immédiat, comme l'indique
très clairement l'Évangile, d'expliquer ses propres con-
descendances à l'égard des pécheurs. S. Luc nous dit,
en effet, que « les Pharisiens murmuraient de ce que
tous les publicains et les pécheurs s'approchaient de
Jésus pour l'entendre Cet homme accueille les pécheurs
:

i. Matth. XI, 19; Luc. VII, 34. — 2. Matth. IX, 12-13 Marc.
II, 17; Luc. V, 31-32. —3. Rom. VIII, 29. —4. Ibid. 3.
;


5. L'Église nous lit cette parabole le samedi après le 2 e dimanche
du carême.
254 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

et mange avec eux ». « Sur quoi Jésus », pour justifier


1
sa façon d'agir, « leur dit cette parabole ».
Il montre d'abord l'extraordinaire bonté du père, qui

oublie toute l'ingratitude, toute la bassesse du coupable


pour ne penser qu'à une chose « Son fils était mort, et :

il est revenu à la vie il était perdu, et il est retrouvé


; ;

c'est pourquoi il faut se réjouir et apprêter tout de suite


3
un festin ».
Le Christ Jésus eût pu arrêter ici l'exposé de sa para-
bole, s'il eût seulement voulu faire éclater à nos yeux la
miséricorde du père de famille à l'égard du prodigue.
Si étendue est-elle, en effet, que nous n'en pouvons con-
cevoir de plus grande nous en sommes si touchés, si
;

émerveillés qu'elle retient toute notre attention, et que


le plus souvent nous perdons de vue la leçon que Jésus
voulait donner aux murmurateurs, à ceux qui blasphé-
maient sa conduite envers les pécheurs.
Car il poursuit la parabole en nous représentant l'at-
titude odieuse du fils aîné qui refuse de participer à la
joie commune en s'asseyant au festin préparé pour son
frère.
Jésus voulait faire entendre aux Pharisiens non seule-
ment combien dure était leur conduite orgueilleuse et
combien méprisable leur scandale, mais encore leur ap-
prendre que lui, notre frère aîné, loin d'éviter le contact
de ses frères repentants, les publicains et les pécheurs,
les recherche et prend part à leurs festins. Car « le ciel
éprouvera plus de joie de la pénitence d'un pécheur, que
de la persévérance de quatre-vingt-dix-neuf justes qui
3
n'ont pas besoin de repentir ».

A elle seule, la parabole de l'enfant prodigue consti-


tue une magnifique révélation des miséricordes divines.
Mais il a plu à notre Sauveur d'illustrer cet enseigne-
ment et de souligner cette doctrine par des actes de

i. Luc. XV, i-3, ii. — 2. Ibid. 32. — 3. Ibid. XV, 7.


QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 255

bonté qui nous ravissent et nous émeuvent profondé-


ment.
Vous connaissez l'entretien de Jésus avec la Sama-
ritaine \ — C'était tout au début de la vie publique du
Christ. Notre-Seigneur se rendait de Jérusalem en Ga-
lilée; ayant à parcourir une longue distance, il était
parti de grand matin et vers l'heure de midi, il était
;

arrivé près de Sichar, ville de Samarie. Le saint Évan-


gile nous dit que « Jésus était fatigué » il était las,
;

comme nous l'eussions été nous-mêmes après avoir


fourni une étape considérable Fatigatus ex itinere. Et
:

« il s'assied tout simplement sur la margelle du puits »


de Jacob situé en cet endroit Sedebat sic supra
:

jontem.
Toutes les actions du Verbe incarné revêtent quelque
chose de si beau dans leur simplicité c'est une absence
;

complète de toute pose, de toute affectation tout Dieu ;

qu'il est, Jésus est également, si je puis m'exprimer de


la sorte, très humain, au sens plein et noble du mot :

2
Perfectus Deus, perjectus homo Nous reconnaissons
.

bien en lui l'un des nôtres.


Il s'assied donc au bord du puits, pendant que ses

disciples iront quérir des vivres dans la ville toute


proche. Mais lui, que venait-il donc faire là ? prendre
seulement un peu de repos ? attendre le retour de ses
apôtres ? Non, il venait encore chercher une brebis éga-
rée, sauver une âme.
Le Christ Jésus était descendu du ciel pour racheter
les âmes : Dédit redemptionem semetipsum pro omni-
3
bus . Pendant trente ans, il avait dû réprimer l'ardeur
de ce zèle des âmes qui le brûlait. Sans doute, il tra-
vaillait, il souffrait, il priait pour elles mais il n'allait
;

pas au-devant d'elles. Maintenant l'heure était venue

i. Joan. IV, 5-29. Cet épisode se lit le vendredi après le 3 e diman-


che du carême. — 2. Svmbole attribué à S. Athanase. — 3. I Tim.

II, 6; cf. Matth. XX, 28 ;Marc. X, 45.


256 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

où son Père voulait qu'il entreprît, pour les gagner, la


prédication de la vérité et la révélation de sa mission.
Notre-Seigneur venait à Sichar pour sauver une âme
prédestinée de toute éternité.
Et quelle était cette âme ? —
Bien certainement, dans
cette localité, il s'en rencontrait beaucoup de moins
corrompues que la pécheresse qu'il voulait sauver et ;

pourtant, c'est elle qu'il attend il connaissait tous les


;

dérèglements, toutes les hontes de cette pauvre femme,


et c'est à elle, de préférence à toute autre, qu'il va se
manifester.
Voici que la pécheresse arrive, portant sa cruche pour
puiser de l'eau à la fontaine. Aussitôt le Christ lui
adresse la parole. Et que dit-il ? Commence-t-il tout de
suite à lui reprocher sa mauvaise conduite, à lui parler
des châtiments que méritent ses désordres ? Nullement ;

un pharisien aurait parlé de la sorte mais Jésus agit;

tout autrement. 11 prend occasion de ce qui l'entoure


pour lier conversation Da mihi bibere, « Donnez-moi
:

à boire ».
La femme le regarde, étonnée elle vient de recon-
;

naître que celui qui parle est Juif or, les Juifs mé-
lui ;

prisaient les Samaritains, et ceux-ci détestaient les ha-


bitants de la Judée entre eux, « aucun commerce »
: :

Non coutuntur. « Comment donc me demandez-vous à


boire » ? dit-elle à Notre-Seigneur. Et lui, cherchant à
exciter en elle une sainte curiosité, lui répond : « Si
vous connaissiez le don de Dieu » Si scires donum Dei!
!

« Si vous saviez qui est celui qui vous demande à boire,


vous-même lui auriez fait cette demande, et il vous
aurait donné de l'eau vive ».
Cette pauvre créature, enfoncée dans la vie des sens,
ne saisit rien des choses spirituelles elle s'étonne de
;

plus en plus, elle se demande comment son interlocu-


teur pourrait lui donner de l'eau, n'ayant pas le moyen
d'en puiser, et quelle eau pourrait être meilleure que
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 257

celle de ce puits où le patriarche Jacob venait se désal-


térer, lui, ses fils et ses troupeaux. « Seriez-vous plus
grand que notre père Jacob demande-t-elle au
» ?
Christ. Jésus insiste sur sa réponse « Celui qui boira
:

de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; il


aura en lui une source d'eau vive jaillissant jusqu'à la
vie éternelle ». —
« Oh Seigneur donnez-moi de cette
!

eau » répond la femme.


!

Le Sauveur lui fait comprendre alors qu'il connaît la


vie déréglée qu'elle mène. Cette pécheresse, que la grâce
commence d'éclairer, voit qu'elle est en présence de
quelqu'un qui lit au fond des cœurs Propheta es tu. :

Et tout de suite, son âme touchée monte vers la lumière.


« Faut-il adorer Dieu sur la montagne voisine ou bien à
Jérusalem » ? Vous savez que c'était un perpétuel sujet
de dispute entre Juifs et Samaritains.
Le Christ Jésus voit surgir en cette âme, au milieu de
sa corruption, une lueur de bonne volonté c'en est :

assez pour lui accorder une grâce plus grande car dès ;

qu'il voit de la droiture et de la sincérité dans la re-


cherche de la vérité, il apporte la lumière, il se plaît à
récompenser ce désir du bien et de la justice.
Aussi va-t-il faire à cette âme une double révélation.
Il lui enseigne que « l'heure est venue des vrais adora-

teurs en esprit et en vérité recherchés par le Père » :

Pater taies quaerit qui adorent eum ; il se manifeste à


elle comme étant « le Messie envoyé par Dieu » Ego :

sum qui loquor tecum, révélation qu'il n'avait encore


faite à personne, pas même à ses disciples.
N'est-il pas remarquable que ces deux grandes révé-
lations ont été faites tout d'abord à une misérable créa-
ture de péché, qui n'avait d'autre titre, pour être l'objet
d'un tel privilège, que son besoin de salut et un peu de
bonne volonté ?...
Cette femme s'en retourna justifiée elle avait reçu
;

la grâce et la foi. « Laissant là sa cruche », elle s'en alla

Le Christ dans ses mystères. i7


258 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

dans la ville prêcher le Messie qu'elle avait rencontré ;

son premier geste est de faire connaître le « don divin »


qui s'est communiqué à elle avec tant de libéralité.
Sur ces entrefaites, les disciples étaient de retour avec
des vivres. Ils en offrirent à leur maître Rabbi, man- :

duca. Que leur répond Jésus ? « J'ai une nourriture que


vous ne connaissez pas, qui est de faire la volonté de
celui qui m'a envoyé » Meus cibus est ut faciam vo-
:

luntatem ejus qui misit me \ Et quelle est la volonté du


Père ? « Que toutes les âmes parviennent à la vérité
qui conduit au salut *. »
C'est à cela que s'emploie le Christ Jésus la volonté ;

de son Père est que Jésus lui amène les âmes que le
Père veut sauver, qu'il leur montre la voie, qu'il leur
révèle la vérité et les conduise ainsi à la vie Omne, :

quod dat mihi Pater, ad me veniet, et eum qui venit ad


me non ejiciam foras. C'est toute l'œuvre de Jésus.
La pécheresse de Sichar n'avait rien qui la distinguât
des autres, si ce n'est la profondeur de sa misère mais ;

elle était attirée au Christ par le Père alors le Sauveur ;

la reçoit, l'éclairé, la sanctifie, la transforme, et fait


d'elle son apôtre Et eum qui venit ad me non ejiciam
:

foras. Car e la volonté de celui qui m'a envoyé est que


je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés, mais que je
les ressuscite » à la grâce ici-bas, en attendant « le der-
3
nier jour », où je les ressusciterai pour la gloire.

La Samaritaine est une des premières ressuscitées à


la grâce par Jésus. Madeleine en est une autre, mais —
combien plus glorieuse encore !

Erat in civitate peccatrix : « Dans une bourgade, vi-


vait une femme de mauvaise vie ». C'est ainsi que, dans
l'Évangile, débute son histoire par l'attestation de ses
:

4
désordres Car la profession de Madeleine était de
.

i. Joan. IV, 31-32, 34. — 2. I Tim. II, 4. — 3. Joan. VI, 37-39.


— 4. La liturgie nous fait lire cet épisode le jeudi après le diman-
che de la Passion.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 259

s'adonner au péché, comme la profession du soldat est


de vivre sous les armes, celle du politique de diriger les
destinées de l'État. Ses dérèglements étaient notoires.
Sept démons, symbole de l'abîme où elle était descen-
due, faisaient de son âme leur demeure.
Un jour, le Christ est invité chez Simon le Pharisien.
A peine s'est-il mis à table que la pécheresse, portant un
vase d'albâtre plein de parfum, fait irruption dans la
salle du festin. S'approchant de Jésus, « elle se jette à
ses pieds, tout en pleurs, les arrose de ses larmes, les
essuie avec les cheveux de sa tête, les baise et fait couler
sur eux son parfum ».
Dès qu'elle était entrée, le Pharisien tout scandalisé,
s'était dit en lui-même « Oh
: s'il savait qui et de
!

quelle espèce est cette femme, il ne supporterait pas à


ses pieds une pécheresse Quae et qualis est mulier,
!

quae tangit eum, quia peccatrix est ! Décidément, ce


n'est point un prophète ». « Prenant la parole, (remar-
quez le mot respondens, le pharisien n'avait rien dit à
haute voix, mais le Christ répond à sa pensée intime),
Jésus lui proposa la question que vous savez. De deux
débiteurs insolvables, à qui le créancier remet leurs
dettes, lequel lui montrera le plus d'amour ? —
Celui,
répondit Simon, dont la dette est la plus grande. Tu —
as bien jugé, répliqua Jésus. —
Puis se tournant vers
Madeleine: « Vois-tu cette femme? » cette femme qui est
une pécheresse, en effet que tu méprisais dans ton
;

cœur, « elle a beaucoup aimé », ce qu'elle vient de faire


en témoigne c'est pourquoi « ses nombreux péchés lui
:

sont pardonnes ». Remittuntur ei peccata multa, quo-


niam dilexit multnm \
Madeleine la pécheresse est devenue le triomphe de
la grâce de Jésus, un des plus magnifiques trophées de
son sang précieux.

i. Luc. vu. 37-47.


260 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Cette compassion du Verbe incarné à l'égard des


pécheurs est si étendue qu'il semble parfois oublier les
droits de sa justice et de sa sainteté les ennemis de
;

Jésus la connaissaient si bien qu'ils vont jusqu'à lui


tendre des pièges sur ce terrain.
Voici qu'ils amènent au Christ une femme adultère '
;

impossible de nier le crime ou d'en diminuer la gravité :

l'Évangile nous dit que la coupable a été surprise en


flagrant délit la loi de Moïse ordonnait de la lapider.
;

Les pharisiens, sachant la bienveillance de Jésus, comp-


tent qu'il absoudra cette femme ce sera se mettre en
;

opposition avec leur législateur Tu ergo, quid dicis ?


:

Mais si Jésus est la bonté même, il est aussi la Sa-


gesse éternelle. D'abord il ne répond rien à l'injonction
perverse des accusateurs eux insistent. Et Notre-Sei-
;

gneur alors de leur dire « Que celui d'entre vous qui


:

est sans péché jette la pierre le premier ». Pareille ré-


ponse décontenance ses ennemis, qui n'ont plus d'autre
ressource que de se retirer l'un après l'autre.
Jésus demeure seul avec la coupable. 11 ne reste en
présence qu'une grande misère et une grande miséri-
corde. Et voici que la miséricorde s'abaisse vers la mi-
sère :« Femme, où sont tes accusateurs ? Personne ne
t'a condamnée ?» —
« Personne, Seigneur ». « Moi —
non plus, je ne te condamnerai va, et désormais ne
;

2
pèche plus » .

La bonté de Jésus a paru si excessive à certains chré-


tiens de la primitive Église que cet épisode est suppri-
mé en plusieurs manuscrits des premiers siècles mais ;

il est bien authentique, et son insertion dans l'Évangile

a été voulue par l'Esprit-Saint.

Tous ces exemples de la bonté du cœur de Jésus ne


sont que les manifestations d'un amour plus élevé l'a- :

i. Nous lisons cet épisode le samedi après le e dimanche du


carême. — 2. Joan. VIII, 3-11.
3
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 261

mour infini du Père céleste à l'égard des pauvres pé-


cheurs. N'oublions jamais que nous devons voir en ce
que Jésus fait comme homme une révélation de ce qu'il
accomplit comme Dieu, avec le Père et leur commun
Esprit. Jésus reçoit les pécheurs et leur pardonne c'est :

Dieu même, qui, sous une forme humaine, s'incline vers


eux, et les accueille dans le sein de ses miséricordes
éternelles.
V

La révélation des miséricordes divines par le Christ


Jésus est la source première de notre confiance.
Il nous arrive à tous de ces moments de grâce où

nous apercevons dans la lumière divine l'abîme de nos


fautes, de nos misères, de notre néant nous voyant si ;

souillés, nous disons au Christ, comme S. Pierre « Re- :

tirez-vous de moi, Seigneur, car je suis un pécheur * ».


« que vous puissiez lier une union
Serait-il possible
intime avec une âme que
le péché a touchée ? Cherchez
plutôt des âmes nobles, pures, privilégiées de votre
grâce moi, je suis trop indigne pour demeurer si près
;

de vous ».
Mais souvenons-nous que le Christ a dit lui-même :

« Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pé-


cheurs ». Et voyez, en effet n'a-t-il pas appelé au rang
:

d'apôtre Matthieu le publicain, le pécheur ? Et qui a-t-il


placé à la tête de son Église, comme chef de cette so-
ciété qu'il veut « sainte, immaculée, sans tache, pour la
sanctification de laquelle il vient donner tout son pré-
2
cieux sang » ? Qui a-t-il choisi ? Jean-Baptiste, sanc-
tifié dès le sein de sa mère, confirmé en grâce, et d'une

perfection si éminente qu'on le prenait pour le Christ


lui-même ? Non. Jean l'Évangéliste, le disciple vierge,
celui qu'il aimait d'un amour tout particulier, qui seul
lui demeura fidèle jusqu'au pied de la croix ? Non en-
i. Luc. V, S. — 2. Cf. Ephes. V. 25-27.
IWl LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

core. Qui donc a-t-il choisi ? Sciemment, délibérément,


Notre-Seigneur a choisi un homme qui devait l'aban-
donner. N'est-ce pas remarquable ?
Dans sa prescience divine, le Christ connaissait tout
d'avance et quand il promettait à Pierre de bâtir sur
;

lui son Église, il savait que Pierre, tout admirable

qu'était la spontanéité de sa foi, le renierait. Malgré


tous les miracles opérés sous ses yeux par le Sauveur,
malgré toutes les grâces qu'il en avait reçues, malgré la
gloire dont il avait vu l'humanité du Christ resplendir
sur le Thabor le jour même de sa première commu-
;

nion et de son ordination, Pierre « jure qu'il ne connaît


pas cet homme » !... Et c'est lui que Jésus a élu, de
1

préférence à tous les autres. Pourquoi cela ?


Parce que son Église serait composée de pécheurs.
Sauf la très pure Vierge Marie, nous sommes tous pé-
cheurs tous nous avons besoin des miséricordes di-
;

vines et c'est pourquoi le Christ a voulu que le chef de


;

son Royaume fût un pécheur, dont la faute serait con-


signée dans les saintes Écritures avec tous les détails
qui en montrent la lâcheté et l'ingratitude.
Voyez encore Marie-Madeleine. Nous lisons dans
l'Évangile que des femmes suivaient Jésus dans ses
courses apostoliques pour subvenir à ses besoins et à
ceux de ses disciples. Parmi toutes ces femmes, dont le
dévouement était infatigable, qui le Christ a-t-il le plus
signalée? Madeleine. Il a dit d'elle: « Partout où l'Évan-
gile sera prêché, il faut qu'il soit parlé d'elle ^
>. Il a
voulu que l'écrivain sacré ne cachât rien des dérègle-
ments de la pécheresse mais il a voulu aussi que nous ;

lussions qu'il avait accepté la présence de Madeleine


au pied de la croix, à côté de sa mère, la Vierge des
5
vierges que c'est à elle, avant toute autre, qu'il avait
;

réservé sa première apparition de ressuscité \

i. Matth. XXVI, 72, 74. —2. Ibid. 13; Marc. XIV, 9. —


— 3. Joan. XIX, 25. — 4. Marc. XVI
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 263

...Encore une fois, pourquoi tant de condescendance?


In laudem gloriae gratiaesuae 1 : « pour exalter aux
yeux de tous la gloire triomphale de sa grâce ». Telle
est,en effet, la grandeur du pardon divin qu'il a élevé à
une sainteté des plus hautes une pécheresse tombée
dans l'abîme Abyssus abyssum invocat\« Il a ren-
:

contré une femme perdue de mœurs, dit un auteur des


premiers siècles, il Ta rendue, par la profondeur de sa
pénitence, plus pure qu'une vierge » Invertit meretri- :

s
cem, et virgine castiorem reddidit .

Dieu veut que « nul ne se glorifie en sa propre jus-


4
tice », mais que tous magnifient la puissance de sa
grâce et l'étendue de ses miséricordes Quoniam in :

aeternum misericordia ejus\


Nos misères, nos fautes, nos péchés, nous les connais-
sons assez mais ce que nous ne savons pas,
; âmes —
de peu de foi ! —
c'est le prix du sang de Jésus et la
vertu de sa grâce.

Notre confiance puise sa source dans la miséricorde


infiniede Dieu à notre égard elle trouve un de ses plus ;

puissants accroissements dans la pénitence.


La condescendance extrême de Jésus à l'égard des
pécheurs ne peut servir de motif pour rester dans le
péché ou y retomber après en avoir été délivré. < De-
meurerons-nous dans le péché, dit S. Paul, afin que la
grâce abonde ? Qu'à Dieu ne plaise Rachetés du !

péché par la mort du Christ, nous ne devons plus y re-


8
tourner ».

Vous aurez remarqué qu'en pardonnant à la femme


adultère, Jésus lui donne un grave avertissement :

« Désormais ne pèche plus ». Il dit la même chose au


paralytique, en ajoutant la raison : « Te voilà guéri ;

i. Ephes. I, 6. — 2. Ps. XLI, 8. —3. Le texte figure parmi


les sermons attribués à S. Jean Chrysostome. P. G. tome LII,col.8o3.
— 4. Ephes. IT, 9. — 5. Ps. CXXXV, 1 et sq. —
6. Rom. VI, 1-2.
264 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de


1
pire ». C'est qu'en effet, disait Jésus lui-même, « lors-

que l'esprit mauvais a été chassé d'une âme, il revient


l'assiéger avec d'autres esprits plus méchants que lui, et
s'il s'en rend maître, le dernier état de cette âme devient
2
pire que le premier ».

La pénitence est la condition requise pour recevoir et


sauvegarder en nous le pardon divin. —
Voyez Pierre :

il a péché, gravement péché mais il est raconté dans


;

l'Évangile qu'il a aussi « versé des larmes amères » sur


s
sa faute :Flevit amare ; plus tard il a dû effacer ses
reniements par une triple protestation d'amour « Oui, :

Seigneur, vous savez que je vous aime


4
» Voyez
! —
encore Madeleine, car elle est, en même temps qu'un des
plus magnifiques trophées de la grâce du Christ, le
splendide symbole de l'amour pénitent. Que fait-elle ?
Elle immole au Christ ce qu'elle a de plus précieux.
Quoi donc ? Cette chevelure, qui est son ornement, sa
une gloire pour la femme
gloire, (car, dit S. Paul, « c'est
5
de porter une longue chevelure »), mais dont elle s'est
servie pour attirer les âmes, leur tendre des pièges et
les perdre, elle l'emploie, à quoi faire ? à essuyer les
pieds du Sauveur. Comme une esclave, elle avilit, pu-
bliquement, aux yeux de convives qui la connaissaient,
ce qui a fait jusque-là sa fierté. C'est l'amour pénitent
qui s'immole, mais qui en s'immolant, attire et retient
les trésors de la miséricorde Remithintur ei peccata
:

multa quoniam dilexit multum.


Quelles que soient cependant les rechutes d'une âme.
nous ne devons jamais désespérer d'elle. « Combien de
fois, disait Pierre à Notre-Seigneur, combien de fois
dois-je pardonner à mon prochain ?» —
« Septante fois
sept fois », répondit Jésus, marquant par là un nombre
infini de fois .

i. Joan. V, 14. — 2. Matth. XII, 45; Luc. XI, 26. — 3. Ibid.


XXII, 62. —4. ïoan. XXI, 15-17.— 5. I Cor. XI, 15.-- 6/Matth.
XVIII, 2 1-22."
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 265

Ici-bas, cette mesure inépuisable à l'égard du repen-


tir est celle de Dieu même.

Pour rendre complet l'exposé que je viens de vous


faire de la bonté et de la condescendance du Christ
Jésus envers nous, je veux y ajouter un trait qui achève
de « humaniser » et de nous découvrir un des aspects
1'

les plus touchants de sa tendresse son affection pour :

Lazare deux soeurs de Béthanie.


et ses
Dans toute la vie publique du Verbe incarné, il
ne se rencontre peut-être rien qui nous rapproche de
lui et le rapproche de nous autant que le tableau intime

de ses rapports avec ses amis de la petite bourgade. Si


notre foi nous dit qu'il est le Fils de Dieu, Dieu même,
les condescendances de son amitié nous révèlent, me
semble-t-il, mieux que toute autre manifestation, sa
qualité de « Fils de l'Homme ».
C'est à peine si les écrivains sacrés ont esquissé le
tableau de cette sainte affection mais ce qu'ils nous en ;

ont laissé est suffisant pour nous faire entrevoir ce qu'il


y avait en elle d'infiniment délicieux. S. Jean nous dit
donc que « Jésus aimait Marthe, sa sœur Marie et La-
zare » Diligebat autem Jésus Martham, et sororem
:

ejus et Lazarum \ Ils étaient ses amis et les


Mariam,
amis de ses apôtres parlant à ceux-ci de Lazare, il
;

l'appelle « notre ami » Lazarus amicus noster 2 L'É-


: .

vangile ajoute que « Marie était celle-là même qui avait


oint Jésus d'un parfum précieux et lui avait essuyé les
3
pieds avec ses cheveux ».
Leur maison de Béthanie était ce home que le Christ,
Verbe incarné, avait choisi ici-bas comme lieu de repos,
et scène de cette sainte amitié dont lui-même, Fils de
Dieu, a daigné nous donner l'exemple. Rien de plus
doux pour nos cœurs humains que la vue de cet intérieur
que î'Esprit-Saint nous découvre au chapitre dixième de
i. Joan. XI. 5. — 2. Ibid. 11. — 3. Ibid. 2.
2li(i LE CHRIST DANS SES MYSTERES

l'Évangile de S. Luc. Jésus est bien l'hôte honoré, mais


très intime, de ce foyer.11 a fallu qu'il fût un ami bien

habitué de la maison pour qu'un jour Marthe, qui le


servait, affairée, osât l'interpeller dans la petite querelle
domestique avec sa sœur Marie, assise tranquillement
aux pieds de Jésus pour jouir des paroles du Sauveur.
« Seigneur, n'avez-vous aucun souci de ce que ma sœur
me laisse servir toute seule ? Dites-lui donc de m'ai-
der » Domine, non est tibi curae quod soror mea reli-
:

quit me solam ministrare ? Die ergo iili ut me adjuvet.


Et, loin de se formaliser d'une telle familiarité, qui l'en-
globait pour ainsi dire dans le reproche fait par Marthe
à sa sœur, le Christ Jésus intervient, et tranche la ques-
tion en faveur de celle qui symbolise l'oraison et l'union
divine « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu te troubles
:

pour beaucoup de choses. Or, une seule chose est néces-


saire. Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera
pas ôtée " ».

Quand nous assistons en esprit de foi à cette scène


délicieuse, nous sentons dans nos cœurs que Jésus est
véritablement l'un de nous Debuit per omnia fratribus
:

2
similari ; nous sentons qu'en sa personne se vérifie ad-
mirablement cette révélation que fait au monde la Sa-
gesse éternelle, quand elle proclame que « ses délices
sont d'être avec les enfants des hommes ' »; nous éprou-
vons du même coup « qu'aucune nation n'a de dieu qui
4
s'approche d'elle comme notre Dieu le fait de nous ».
Le Christ Jésus est vraiment « l'Emmanuel 6 », Dieu
vivant parmi nous, chez nous, avec nous.

VI

La vie de Jésus est une manifestation des perfections


de Dieu, des prodigalités de sa bonté suprême et de ses

i. Luc. X, 40-42. — 2. Hcbr. II, 17. — ^. Prov. VIII, 31. —


4. Deut. IV, 7. — 5. Matth. I, 2;,.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 267

miséricordes insondables. C'est dans le Verbe incarné


que Dieu nous découvre son « caractère » intime Illu- :

xit in cordibus nustris... in facie Christi Jesu \ Le Christ


est « l'image visible du Dieu invisible » ses paroles et
"
;

ses actes sont la révélation authentique de l'Être infini.


Or, notre contemplation de la physionomie du Christ
et notre idée de Dieu seraient incomplètes, si en médi-
tant l'attitude de condescendance infatigable de Jésus à
l'égard de toute forme de misère y compris le péché,
nous négligions d'examiner aussi sa conduite envers
cette forme de malice humaine, qui est la plus opposée
à la noblesse et à la bonté divines, et qui se résume en
un mot le pharisaïsme.
:

Vous savez ce qu'étaient les pharisiens. Après le re-


tour de l'exil de Babylone, des Juifs zélés avaient mis
tout en œuvre pour neutraliser l'influence étrangère,
périlleuse pour l'orthodoxie d'Israël surtout, ils s'é-
;

taient efforcés de remettre en honneur les prescriptions


de la Loi de Moïse et d'en conserver la pureté.
Ce zèle digne de toute louange et qui trahissait un
idéal élevé, dégénéra malheureusement peu à peu en un
fanatisme farouche et en un culte outrancier du texte de
la Loi. Une classe de Juifs se forma, qu'on appela les
« Pharisiens » c'est-à-dire, les « Séparés », séparés de
tout contact étranger et de tout commerce avec ceux
3
qui n'observaient pas leurs « traditions ».
Interprétant la Loi, en effet, avec un raffinement rare
de casuistique, les pharisiens y ajoutèrent un nombre
infini de prescriptions orales qui la rendaient le plus
souvent impraticable, et, en bien des articles, puérile et
ridicule. Deux points, dont le détail faisait l'objet de

i. II Cor. IV, 6. — 2. Col. 1, 15.— 3. Aux Pharisiens il faut


assimiler les Scribes, affiliés à la secte ils se préoccupaient surtout
;

du texte de la Loi, de son interprétation et de son observance.


Partageant les erreurs des Pharisiens, ils leur sont associés dans
les malédictions dont les accable le Sauveur.
268 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

leurs discussions sans fin, attiraient surtout leur atten-

tion l'observation du repos au jour du sabbat, et les


:

purifications rituelles et légales. Plus d'une fois, dans


l'Évangile, nous les voyons s'en prendre au Sauveur sur
ces points.
Ils tombés dans un formalisme d'une grande
étaient
étroitesse sans se soucier de la pureté intérieure de
;

l'âme, ils s'attachaient à l'observance extérieure, maté-


rielle et mesquine de la lettre de la Loi. C'était là toute
leur religion et leur perfection. Il en était résulté une
profonde oblitération morale ces « purs » négligeaient:

de graves préceptes de la loi naturelle, pour ne s'arrêter


qu'à des détails absurdes, fondés sur leurs interpréta-
tions personnelles. Ainsi, sous prétexte de ne pas violer
le repos du sabbat, ils enseignaient qu'on ne pouvait ce

jour-là ni soigner les malades ni faire l'aumône aux


malheureux et nous les voyons reprocher aux disciples
;

de Jésus de n'avoir pas observé le sabbat parce qu'ils


avaient froissé des épis dans leurs mains pour les
manger '
!

Ce formalisme outré les conduisait nécessairement à


l'orgueil. Auteurs eux-mêmes de bien des prescriptions,
ils se croyaient également les propres artisans de leur
sainteté. Ils étaient les « Séparés », les purs, que rien
de souillé n'atteignait. Dès lors qu'avait-on à leur re-
procher ? N'étaient-ils pas d'une « correction » parfaite
sur toute la ligne ? Aussi avaient-ils d'eux-mêmes une
estime extrêmement déréglée un incommensurable or- ;

gueil les poussait à « rechercher avidement le premier


rang dans les synagogues, les premières places dans les
festins auxquels ils étaient invités, les salutations et les
2
applaudissements de la foule sur les places publiques ».
Cet orgueil s'étalait jusque dans le sanctuaire. Vous
connaissez la parabole dans laquelle le Christ a dépeint

i. Matth. XII, 1-2: Marc. II, 2^-24; Luc. VI, 1-2. — 2. Luc.
XX, 46.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 269

a merveille cette odieuse ostentation \ Notre divin Sau-


veur met en regard de l'humilité du publicain qui n'ose
lever les yeux au ciel à cause de ses péchés, la suffi-
sance du pharisien, qui, debout, rend grâce à Dieu de ce
qu'il est placé au-dessus de tous les hommes à cause de
son exacte observation des détails de la Loi, et qui,
pour ainsi dire, réclame de Dieu l'entière approbation
2
de sa conduite .

Ce qui rendait nombre de pharisiens méprisables,


c'est que cet orgueil se doublait d'une profonde hypo-
crisie. Par suite de la multitude de prescriptions qu'ils
établissaient, et que Notre-Seigneur lui-même déclare
3
« intolérables », baucoup d'entre eux n'arrivaient à
réaliser la sainteté dont ils se targuaient qu'en dissimu-
lant habilement leurs fautes et leurs défaillances, qu'en
faisant subir au texte de la Loi de déloyales interpréta-
tions ; de la sorte ils pouvaient enfreindre la Loi, tout
en sauvant les apparences aux yeux du vulgaire qui les
admirait.
Car leur autorité et leur influence étaient considéra-
comme les interprètes et les gar-
bles ;ils étaient regardés
diens de la Loi de Moïse affichant un profond respect
;

pour toute pratique extérieure de leur observance, ils im-


posaient à la foule,quiles considérait comme des saints.
Aussi s'offusquaient-ils de tout ce qui pouvait dimi-
nuer cet ascendant. Dès le début de la vie publique de
Jésus, ils commencent à lui faire opposition. Outre que
le Christ ne rattachait pas son enseignement à leur
école, la doctrine qu'il prêchait, les actes dont il la sou-
lignait étaient à l'antipode de leurs opinions et de leur
conduite. La condescendance extraordinaire du Sauveur
envers les publicains et les pécheurs, rejetés par eux
comme impurs, son indépendance à l'égard de la Loi du
i. Luc. XVIII, 9-14. — 2. Dans une autre série de conférences,
nous commenterons en détail cette parabole qui éclaire d'une lumière
puissante les caractères que doivent revêtir nos rapports avec Dieu.
— 3. Matth. XXIII. 4 ; Luc. XI, 46.
270 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

sabbat, dont il se disait le maître souverain *, les mira-


cles par lesquels il s'attachait le peuple ne pouvaient
manquer de les émouvoir.
S'enfonçant peu à peu dans leur aveuglement, malgré
les avertissements de Jésus lui-même, ils lui tendent des
2
embûches ils lui demandent un « signe du ciel » pour
;

preuve de sa mission ils lui amènent la femme adul-


;

tère pour le mettre en opposition avec la Loi de Moïse';


ils lui demandent insidieusement s'il faut payer le tribut
4
à César Partout, à chaque page de l'Évangile, vous les
.

verrez, pleins de haine contre Jésus, tâcher de ruiner son


autorité auprès de la foule, de détourner de lui ses dis-
ciples, de tromper le peuple afin d'empêcher le Christ de
remplir sa mission de salut.

Plus d'une fois Notre-Seigneur avait averti ses disci-


6
ples de se garder de leur hypocrisie mais à la fin de
;

son ministère public il voulut, en bon pasteur qui ap-


portait la vérité à ses brebis et allait leur donner sa
vie, démasquer complètement ces loups qui se présen-
taient sous des dehors de sainteté pour duper les âmes
simples et les conduire à leur perte.
Dans son sermon solennel sur la montagne, le Christ
avait étonné son auditoire juif par la révélation d'une
doctrine qui allait à rencontre de ses instincts invétérés
et de ses préjugés séculaires. Il avait proclamé devant
tous que les heureux de son Royaume, sont les pauvres
d'esprit, les doux de cœur, ceux qui pleurent, ceux qui
ont faim de la justice il avait déclaré que ce sont les
;

miséricordieux, les âmes pures, les pacifiques qui sont


les vrais enfants de son Père céleste, et que la pius
profonde des béatitudes est d'être en butte à la persé-
6
cution à cause de lui .

Matth. XII, 8; Marc. II, 28; Luc. VI, 5.


i. —
2. Matth. XVI.i.

— —
Joan. VIII, 3-6.
3. 4. Matth. XXII, 15-17; Marc. XII, 13-14;
Luc. XX, 20-22. q. Matth. XVI. 11-12 Luc. XII, 1.
;

6.Matth.
V. 3-,,.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 271

Cette doctrine qui forme la « grande charte » évangé-


lique des pauvres, des petits, des humbles, est l'antithèse
de celle que prêchaient les pharisiens par leurs paroles
et leurs exemples.
C'est pourquoi nous entendons Notre-Seigneur pro-
noncer contre eux une série de huit malédictions qui
forment le pendant, par contraste, des huit béatitudes.
Lisez-les en entier dans l'Évangile où elles tiennent
1
toute une page vous verrez avec quelle indignation le
;

Christ, Vérité infaillible et Vie des âmes, met la foule


et ses disciples en garde contre un enseignement et
une conduite qui détournaient du royaume de Dieu, ca-
chaient la cupidité et le faux zèle, altéraient la vérité et
les prescriptions de la Loi, établissaient une religion
toute d'apparence, se contentaient d'une pureté toute de
surface, sous laquelle se dissimulaient la corruption et
la haine persécutrice.
« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites,
parce que vous fermez le royaume des cieux aux hom-
mes :vous n'y entrez pas vous-mêmes et vous empê-
3
chez les autres d'y entrer ».
« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites,
qui dévorez les maisons des veuves, sous prétexte d'y
prier longuement. Votre jugement n'en sera que plus
terrible ».
« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites,
qui prenez soin de payer la dîme pour une
feuille de
menthe, d'aneth et de cumin, et qui négligez ce qu'il y a
de plus grave dans la Loi la justice, la miséricorde, la
:

bonne foi. Il fallait faire l'un et ne pas omettre l'autre.


Guides aveugles, qui filtrez votre eau pour ne pas ava-
ler un moucheron, et qui engloutissez un chameau
"
» !

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites,

i. Matth. XXIII, 13-33. — 2. En encombrant le chemin du ciel


par la multitude de leurs intolérables prescriptions, et surtout en
détournant les âmes du Christ. —3. La loi défendait de manger
tout animal impur les Pharisiens exagérant cette prescription ne
;
272 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

qui nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et qui au

dedans êtes pleins de rapines et d'impureté ». '

« Serpents, engeance de vipères, comment éviterez-


vous la damnation de la géhenne ? »

Quel contraste, chez Notre-Seigneur, entre ces dénon-


ciations foudroyantes, ces véhémentes invectives, — et
son attitude à l'égard des plus grands pécheurs, la Sa-
maritaine, Madeleine, la femme adultère, auxquelles il
pardonne sans un mot de reproche à l'égard de cri- ;

2
minels comme le bon larron, auquel il promet le ciel !

D'où vient donc cette différence ? Pourquoi le Christ


Jésus, si plein de condescendance envers les pécheurs,
accable-t-il publiquement les pharisiens de si terribles
anathèmes ?
C'est que toute forme de faiblesse, de misère, lors-
qu'elle est humblement reconnue et avouée, attire la
compassion de son cœur et la miséricorde de son Père :

Quomodo miseretur pater filiorum, misertus est Domi-


nas timentibus se : quoniam ipse cognovit figmentum
5
nostrum .

Tandis que l'orgueil, surtout l'orgueil de l'esprit,


semblable au péché des démons, excite l'indignation du
Seigneur Deus superbis résistif*.
:

Or, l'esprit des pharisiens est le résumé de tout ce


qu'il y a d'odieux et d'hypocrite dans l'orgueil. Ces
« superbes dans la pensée de leur cœur », ces riches de
leur propre estime sont chassés pour toujours, les mains
6
vides, de la présence de Dieu Divites dimisit inanes
: .

Il est à remarquer que le Pharisaïsme revêt bien des

buvaient rien qui ne fût scrupuleusement filtré, mais, d'autre part,


ils négligeaient d'autres prescriptions de la Loi.
i. Les Pharisiens évitaient avec un soin ridicule les moindres
souillures purement légales, mais ne se souciaient pas d'éviter le
péché, qui souille l'âme. —
2. Luc. XXIII, 43. —
3. Ps. Cil, 13-14.
— 4. Jac. IV, 6 I Petr. ;V, 5. 5. Luc. —I, 53-
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE 273

formes. Notre-Seigneur n'accablait pas seulement les


pharisiens à cause de leur orgueil hypocrite qui cachait
la corruption sous un manteau de perfection « Sépul- :

cres blanchis qui paraissent propres à l'extérieur, mais


qui au-dedans sont remplis de corruption et d'ini-
1
quité ».

Il leur reprochait aussi d'avoir substituéun forma-


lisme d'origine humaine à de Dieu. Les
la loi éternelle
pharisiens se scandalisaient de voir, un jour du sabbat,
le Christ guérir des malades ils s'offensaient de ce que
;

les apôtres ne se soumettaient pas, avant les repas, à


toute la série puérile des ablutions légales qu'ils avaient
inventées et dans lesquelles ils faisaient consister toute
la pureté de l'homme. Plaçant toute la sainteté dans
l'observance minutieuse de traditions et de pratiques
issues de leur propre cerveau, ils négligeaient jusqu'aux
préceptes les plus graves de la loi divine.C'est ainsi que.
d'après eux, on pouvait, en prononçant une simple pa-
role, consacrer des biens ou de l'argent au service du
Temple et les rendre du coup inviolables en sorte que ;

le dévot pharisien ne pouvait plus en disposer même


pour payer ses dettes, ou pour subvenir aux besoins de
ses parents dans la nécessité. C'était, selon la parole
même du Sauveur, « mettre à néant, par leur tradition,
le commandement de Dieu
a
».

Ce formalisme étroit, tout d'invention humaine, qui


dénaturait et diminuait la religion, cette conscience
fausse répugnaient tellement à la noblesse de cœur et à
la sincérité de Jésus qu'il les démasquait et les condam-
nait sans ménagement.Quel jugement portait-il,en effet,
sur cette casuistique ? « Je vous le dis en vérité, si votre
justice et votre perfection n'est pas plus grande que
celle des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royau-
me des ci eux s ».
i. Matth. XXIII. 27. — 2. Ibid. XV, 1-9; Marc. VII, 1-13.
— 3. Matth. V, 20.
Le Christ dans ses mystère.-. ig
274 LE riIIUSl DANS SES \n^n:kh>

Quelle révélation du caractère intime de Dieu Quelle !

manifestation de sa façon de juger et d'apprécier les


hommes Quelle précieuse lumière ces amers reproches
!

adressés aux pharisiens projettent sur la notion de la


véritable perfection !

Dans sermon sur la montagne, le Christ nous in-


le

dique les sommets de la vraie sainteté dans sa con- ;

damnation du pharisaïsme, il nous découvre les abîmes


de la fausse piété, dont le pharisien est le type fidèle.
Il n'y a pas de piège du démon plus redoutable ni

plus funeste que celui de faire passer quelque forme de


pharisaïsme pour la sainteté réclamée par l'Évangile.
lin ceci, le prince des ténèbres s'attaque même aux
âmes qui cherchent la perfection ; il obscurcit leur œil
intérieur par les apparences d'une vertu toute formaliste
substituée à la vérité de l' Évangile. Loin de faire des
progrès dans une telle voie, on demeure stérile devant
Dieu. « Tout arbre que la main de mon Père n'a point
planté, sera arraché \ » C'est l'inexorable sentence de
Jésus contre la race des pharisiens.
Vous voyez combien il importe en cette matière de se
défier de son sens propre, de ses propres lumières ;

combien il est capital de fonder notre sainteté non —


sur telle ou telle pratique de dévotion que nous choisis-
sons nous-mêmes et qui peut être excellente, non sur
telle ou telle prescription de la règle religieuse que l'on
professe (son observance peut être suspendue par une
loi supérieure, comme est, par exemple, la loi de la

charité envers le prochain), —


mais avant tout et d'a-
bord sur l'accomplissement de la loi divine loi natu- :

relle, préceptes du décalogue, commandements de l'É-


glise, devoirs d'état Toute piété qui ne respecte pas
cette hiérarchie de devoirs doit nous être suspecte ;

toute ascèse qui ne se règle pas sur les préceptes et la


doctrine de l'Évangile ne peut venir de l'Esprit-Saint.

i. Mat th. XV. it,.


QUELQUttS ASPECTS DK LA VfÊ PUBLIQUE 275

qui a inspiré l'Évangile. « Ceux-là seuls, dit S. Paul,


sont véritablement enfants de Dieu que l'Esprit de
Dieu conduit

La tendresse de Jésus est si étendue qu'à l'heure


même où accablait les pharisiens de malédictions ter-
il

ribles et leur prédisait les colères divines. l'Évangile


nous le montre profondément ému la pensée du châti- ;

ment qui doit tomber sur la ville sainte pour avoir, en


écoutant « ces aveugles », rejeté le Messie, arrache à
son cœur sacré des accents d'angoisse.
« Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui
lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois n'ai-
je pas voulu rassembler tes enfants comme la poule ras-
semble ses petits sous ses ailes... et tu ne l'as pas
voulu » Et faisant allusion au Temple, où il ne devait
!

plus entrer, car il était à la veille de la passion, il


ajouta « Voici que votre maison sera laissée déserte.
:

Car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais,


à moins que vous ne disiez Béni celui qui vient au
:

nom du Seigneur 3 » !

Tant que nous sommes ici-bas, les appels de l'éter-


nelle bonté sont incessants Quoties volai !... Mais ne
:

soyons pas de ceux qui, par le gaspillage continu de la


grâce et l'habitude du péché délibéré, même léger, s'en-
durcissent au point de ne plus les comprendre Et no- :

luisti. Prenons garde de chasser l' Esprit-Saint du


temple de notre âme par des résistances volontaires et
obstinées Dieu nous abandonnerait à notre aveugle-
:

ment Ecce relinquetur dormis vestra déserta. La misé-


:

ricorde ne fait jamais défaut à l'âme c'est l'âme qui ;

faisant défaut à la miséricorde, provoque la justice.


Cherchons plutôt à demeurer fidèles, non d'une fidé-

i. Rom. VIII, 14. On trouvera le développement de ces idées


dans laconférence, La vérité dans la charité do notre ouvrage Le
Christ vie de l'âme. — 2. Matth. XV, 14. — 3. fbid. XXIII, 37-3Q.
276 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

lité qui se borne à la lettre, mais plutôt prend sa source

dans l'amour, et son appui dans la confiance en un


Sauveur plein de bonté. Alors, quelles que soient nos
faiblesses, nos misères, nos lacunes, les fautes qui nous
échappent, le jour se lèvera où nous bénirons à jamais
ceiui qui est apparu sur la terre sous des traits humains.
Il venait « guérir nos infirmités », « nous racheter de

l'abîme du péché » c'est lui encore qui « couronnera


;

pour toujours en nous les dons de sa miséricorde et de


son amour ». Benedic anima mea Domino... qui sanat
omnes infirmitates tuas, —
qui redimit de interitu vitam
tuam, — qui coronat te in misericordia et miserationi-
bus \

i. Ps. Cil, i, 3-4.


)

XII. — AU SOMMET DU THABOR.


(II" Dimanche du Carême.

Se. m maire. — I. Le récit évangélique de la Transfigura-


tion. — II. Signification de ce mystère pour les apôtres
qui en furent témoins : le Christ veut, par la manifesta-
tion de sa divinité, les prémunir contre le « scandale »
de sa passion. — III. Triple grâce que ce mystère con-
tient pour nous il affermit notre foi;
: il marque d'une

façon spéciale notre adoption surnaturelle; il nous rend


dignes de partager un jour la gloire éternelle du Christ.
— IV. Moyen de parvenir à l'état glorieux présagé par
la Transfiguration « Écouter Jésus. le Fils bien-aimé
:

du Père » Ipsum audit e.


:

La du Christ Jésus sur la terre a dans ses détails


vie
mêmes une telle portée que nous ne pouvons en épuiser
toutes les profondeurs une seule parole du Verbe in-
;

carné, de celui qui est toujours In sinu Patris 1, est une


révélation si grande qu'elle peut suffire, comme une
source toujours vive d'eau salutaire, à féconder toute
une vie spirituelle. Nous le voyons dans la vie des
saints un mot de lui a souvent suffi pour convertir
:

totalement l'âme à Dieu. Ses paroles viennent du ciel ;

de là leur fécondité.
il en va de même de ses moindres actions, elles sont

pour nous des modèles, des lumières, des sources de


grâces.
J'ai tâché, dans le précédent entretien, de vous mon-
trer quelques-uns des aspeets de sa vie publique, assez
i. loan !. iS.
278 LE (
-HRIST DANS SES MYSTEBES

pour vous faire entrevoir ce qu'il y a d'ineffablement


divin et aussi d'inexprimablement humain dans cette
période de trois années, j'ai dû, à mon grand regret,
laisser de côté bien des récits de l'Évangile, passer sous
silence bien des scènes racontées par les écrivains
sacrés.
Il est une page pourtant, une page unique et telle-

ment à part, un mystère si plein de grandeur et en même


temps si fécond pour nos âmes, qu'il mérite que nous
lui consacrions tout un entretien ; c'est la Transfigu-
ration \
Je vous ai dit souvent que rien ne doit nous être plus
cher que le dogme de la divinité de Jésus d'abord :

parce que rien ne agréable ensuite parce


lui est plus ;

que ce dogme est tout à la fois la base et le fondement,


le centre et le couronnement de toute notre vie inté-
rieure. Or la Transfiguration est un de ces épisodes où
rayonnent particulièrement, aux yeux humains, les
splendeurs de cette divinité.
Contemplons-le donc avec foi, mais aussi avec
amour plus cette foi sera vive, plus grand sera l'amour
;

avec lequel nous nous approcherons de Jésus dans ce


mystère, —
plus large aussi et plus profonde sera notre
capacité d'être intérieurement remplis de sa lumière et
envahis par sa grâce.
Christ Jésus, Verbe éternel, Maître divin, vous qui
êtes la splendeur du Père et l'éclat de sa substance, vous
l'avez dit vous-même « Si quelqu'un m'aime, je me
:

manifesterai à lui », faites que nous vous aimions avec


ferveur, afin que nous puissions recevoir de vous une
lumière plus intense sur votre divinité car c'est là, ;

i. L'Église nous fait lire deux fois le récit évangélique de lr.
Transfiguration au deuxième dimanche du Carême, afin de nous
:

animer à supporter les mortifications par la perspective lointaine


de la gloire que le Christ nous promet nar sa transfiguration une ;

seconde fois, le 6 août, solennité qu'elle consacre uniquement à


honorer la manifestation de la splendeur divine en Jésus sur le
mont Th.-.
AL SOMMET DU THABOB 279

c'est encore vous qui nous le dites, —


le secret de notre

vie, de la vie éternelle « Connaître que nutre Père cé-


:

leste est le seul vrai Dieu, et que vous êtes son Christ »,
envoyé ici-bas pour être notre roi et le pontife de notre
salut. Illuminez les regards de notre âme d'un rayon de
ces splendeurs divines qui brillèrent au Thabor, afin
que notre foi en votre divinité, notre espérance en vos
mérites, et notre amour pour votre adorable personne
en soient affermis et accrus.

Suivons d'abord le récit des Évangiles nous nous ;

appliquerons ensuite à en pénétrer le sens.


C'est la dernière année de la vie publique de Jésus.
Jusqu'alors Notre-Seigneur n'a fait à ses apôtres que
de très rares allusions à sa passion future mais, dit ;

saint Matthieu, « Jésus commença dès lors à découvrir


à ses disciples qu'il fallait qu'il allât à Jérusalem, qu'il
souffrît beaucoup de la part de ses ennemis, qu'il fut
mis à mort et qu'il ressuscitât le troisième jour. » Et il
ajouta « Plusieurs de ceux qui sont ici ne verront point
:

la mort qu'ils n'aient contemplé le Fils de l'homme ap-


2
paraissant dans l'éclat de son règne ».
Quelques jours après cette prédiction, notre divin
Sauveur prend avec lui quelques-uns de ses disciples.
Ce sont ses trois apôtres de prédilection Pierre, à qui, :

peu de jours auparavant, il promettait de fonder sur lui


a
son Église Jacques, qui devait être le premier mar-
;

tyr du collège apostolique Jean, le disciple de l'amour.


;

Delà le Christ Jésus les avait choisis pour être témoins


de la résurrection de la fille de Jaïre à présent, il les
;

conduit sur une haute montagne pour être témoins d'une


plus profonde manifestation de sa divinité. Vous savez
que la tradition voit dans cette haute montagne » le
r. Matth. XVI. 21, 28. — 2. Ibi.i. iS.
280 LE CHRIST DANS SKS MYSTÈRES

Thabor. Elle se dresse à quelques lieues à l'est de Na-


zareth, isolée, élevée d'environ six cents mètres, cou-
verte d'une riche végétation ; de son sommet, le regard
s'étend dans toutes les directions.
C'est là, sur cette cime éloignée des bruits de la terre,
Seorsum \ que Jésus se rend avec ses disciples. Et selon
son habitude, ii entre en oraison ; c'est S. Luc qui re-
lève ce détail : Et facta est, dum oraret, species vultus
ejus altéra-, « il se transfigura pendant qu'il priait ». Sa
race brille comme le soleil, ses vêtements deviennent
blancs comme la neige est tout entouré d'une atmos-
: il

phère divine.
Quand Jésus avait commencé sa prière, les apôtres
s'étaient laissés aller au sommeil ; mais voici que l'éclat
de la lumière les éveille, ils le voient resplendissant, et,
à ses côtés. Moïse et Élie, qui conversent avec lui. Et
Pierre est rempli d'une telle joie à la vue de la gloire de
son Maître, que tout hors de lui, « ne sachant pas ce
qu'il disait », il s'écrie: Bonum est nos hic esse"\ Maître,
« nous sommes bien ici ». O Seigneur, il fait bon d'être
avec vous que c'en soit fini des luttes avec les phari-
;

siens ; des fatigues, des courses et des voyages des ;

humiliations et des embûches restons ici, nous ferons :

trois tentes une pour vous, une pour Moïse, une pour
:

Élie, et nous, nous demeurerons avec vous. Les apô- —


tres se croyaient là comme dans le ciel, tant la gloire de
Jésus était resplendissante, tant sa vue rassasiait leur
cœur.
Tandis que Pierre parlait encore, une nuée lumineuse
les couvrit, et de cette nuée sortit une voix qui dit :

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toutes


mes complaisances écoutez-le ». Tout aussitôt, remplis
:

de saisissement et de révérence, les apôtres se sont jetés


en adoration devant Dieu.

i. Matth. XVII, i Marc. IX, i. ;


— 2. Luc. IX, 29. — 3. Matth.
XVII. 24: Marc. IX. 4-5; Lurv IX. J3.
U SOMMET DU THABfOB 281

Mais Jésus toucha l'instant d'après et leur dit


les :

« Levez-vous n'ayez pas peur ». Eux, élevant les


et
« yeux, ne virent plus que Jésus seul » Neminem vi- :

derunt nisi solum Jesum \ Ils virent Jésus, comme ils-


l'avaient vu quelques moments auparavant, lorsqu'il
faisait avec eux l'ascension de la montagne ils virent ;

le Jésus qu'ils étaient accoutumés de voir le Jésus, fils ;

de l'ouvrier de Nazareth le Jésus qui. dans quelque


;

temps, mourrait sur une croix.

II

Voilà le mystère tel qu'il est décrit dans le saint


Évangile. Voyons maintenant quel en est le sens.
Car tout, dans la vie de Jésus, Verbe incarné, est plein
de signification. Le Christ, si je puis ainsi m'exprimer,
est le grand sacrement de la Loi Nouvelle. Qu'est-ce
qu'un sacrement ? Au sens large du mot, c'est le signe
sensible d'une grâce intérieure on peut donc dire que ;

le Christ est le grand sacrement de toutes les grâces que

Dieu a faites à l'humanité. Comme nous le dit l'apôtre


saint Jean, « le Christ est apparu au milieu de nous
comme le Fils unique de Dieu, plein de grâce et de
vérité » et il ajoute aussitôt
; « Et c'est à cette pléni-:

tude que nous devons tous puiser a ». Le Christ Jésus


nous donne toutes les grâces comme Homme-Dieu,
parce qu'il nous les a méritées, et que le Père éternel l'a
constitué pontife unique et médiateur suprême il nous ;

donne ces grâces dans tous ses mystères.


Je vous l'ai dit les mystères de Notre-Seigneur doi-
:

vent être pour nous un objet de contemplation, d'admi-


ration, de culte ils doivent être aussi comme des sa-
;

crements qui produisent en nous, dans la mesure de


notre foi et de notre amour, la grâce qui y est marquée.

i. Matth. XVII, 5-8; cf. Marc. IX, 6-7; Luc. IX. 34-30. —
2. Joan. 1. 14. 16.
282 LE ( IUUSÏ DANS SKS MYSTERES

Et cela est vrai de chacun des états de Jésus, de cha-


cun de ses gestes. Car si le Christ est toujours le Fils de
Dieu, si en tout ce qu'il dit et fait, il glorifie d'abord son
Père, il ne nous sépare jamais non plus de sa pensée à ;

chacun de ses mystères, il attache une grâce qui doit


nous aider à reproduire en nous ses traits divins pour
nous rendre semblables à lui.
Voilà pourquoi le Christ Jésus veut que nous connais-
sions ses mystères, que nous les approfondissions, avec
révérence sans doute, mais aussi avec confiance et que ;

surtout, en notre qualité de membres de son corps mys-


tique, nous vivions surnaturellement de la grâce inté-
rieure qu'il a voulu y attacher en les vivant avant nous,
pour nous.

C'est ce que nous ditle grand S. Léon en parlant de

la Transfiguration « Le récit de l'Évangile, que nous


:

venons d'entendre des oreilles du corps, et qui a touché


notre esprit, nous invite à chercher le sens de ce grand
mystère * ». C'est une précieuse grâce de pouvoir péné-
trer la signification des mystères de Jésus, parce que là
« est la vie éternelle » Haec est vita aeteraa \ Notre-
:

Seigneur disait lui-même à ses disciples qu' « il ne don-


nait qu'à ceux qui s'attachaient à lui cette grâce d'intel-
ligence spirituelle » Vobis datum est nosse mysterium
:

regni Dei, caeteris in parabolis .

Cette grâce est si importante pour nos âmes que


l'Église, guidée en ceci par l'Esprit-Saint, en fait l'objet
même de sa demande à la postcommunion de la fête :

Écoutez notre prière, ô Dieu tout-puissant, faites que


nos âmes purifiées aient une intelligence féconde des

i. Evangejica lectio. dilcctissimi, quac per mires corporis inu-


riorem mentium nostrarum pulsavii auditùm, ad magni sacra-
menti nos mtelligentiam vocal. Sermo LI Sabbatn ante secundarn
dominicain Ouadrages. Une section de ce beau sermon onstitue les

<

leçons du second nocturne des matines de la fétr. 2. Joan. XVII,


3. —3. Luc. VIII, 10: cf. Matth. XIII, 11 : Marc. IV, u.
U SOMMET DU THABOK 283

très saintsmystères de la transfiguration de votre Fils


que nous venons de célébrer par un office solennel... Ut
sacrosancta Filii tui transfigurationis mysteria quae
solemni celebramus officio, purificatac mentis intelli-
gentia consequamur \

Voyons donc la signification de ce mystère.


D'abord pour les apôtres, puisque c'est devant trois
d'entre eux que le mystère s'est produit.
Pourquoi le Christ s'est-il transfiguré à leurs yeux ?
— S. Léon nous le dit encore très clairement « Le but :

principal de cette transfiguration était d'enlever du


cœur des disciples le scandale de la croix ; les humilia-
tions d'une passion volontairement acceptée ne trouble-
raient plus leur foi, après que la transcendance de la
dignité cachée de Fils de Dieu aurait été révélée ' ».
Les apôtres, qui vivaient dans le commerce intime du
divin Maître et qui d'ailleurs demeuraient imbus des
préjugés de leur race touchant les destinées d'un messie
glorieux, ne pouvaient admettre que le Christ pût souf-
frir.Voyez S. Pierre, le prince du collège apostolique.
Peu de temps auparavant, il avait proclamé, en pré-
sence et au nom de tous, la divinité de Jésus « Vous :

êtes le Christ, Fils du Dieu vivant" ». L'amour qu'il por-


tait à Notre-Seigneur et les conceptions encore terres-
tres qu'il conservait de son règne lui faisaient repousser
l'idée de la mort de son Maître. Aussi, quand le Christ
Jésus, quelques jours avant la Transfiguration, avait
parlé ouvertement à ses disciples de sa passion pro-
chaine, Pierre s'était ému prenant Jésus à part, il avait
;

i. Pour le dire en passant, il est à remarquer que cette demande


forme aussi l'objet de la postcommunion de l'Epiphanie, cette autre
« manifestation » de la divinité de Jésus la même idée est soulignée
dans
;

postcommunion de la messe de l'Ascension.


la — 2. h: qua
transfiguraiionc illud quidem firincibaliter agebatur, ut de cordibus
discibulorum crucis scandalum tolleretiir ; nec conturbaret eorum
fidem volunîariae humiVtas Passionis, quibus rcvelata esset nbscem-
ditae exceîlentia digniiati.*. Tbid. —«3. Matth.. XVI, 16.
LE CHRIS! DANS SES MtSTBRBS

protesté : « A
Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous
arrivera pas Mais notre divin Sauveur réprimande
! »
aussitôt son apôtre, « Retire-toi de moi, Satan, c'est-à-
dire adversaire, qui veux mettre des obstacles à la vo-
lonté de celui qui m'envoie tu n'as pas le sens des
;

1
choses de Dieu, mais des pensées humaines *.
Notre-Seigneur prévoyait donc que ses apôtres ne
supporteraient pas ses abaissements, que sa croix serait
pour eux une occasion de chute. Ces trois apôtres qu'il
choisissait pour assister à sa transfiguration, il devait
les prendre encore, de préférence aux autres, pour être
dans quelque temps les témoins de sa faiblesse, de ses
angoisses et de son immense tristesse, dans son agonie
au jardin des Oliviers. Il veut les prémunir contre le
scandale que causera alors à leur foi son état d'humi-
liation il veut affermir cette foi par sa Transfigura-
;

tion. Comment cela ?


D'abord par le mystère lui-même.
Durant sa vie mortelle, le Christ Jésus
« avait l'appa-
rence d'un homme comme tous les autres » Habitu :

3
inventus nt homo, dit S. Paul Cela est tellement vrai .

que beaucoup de ceux qui le voient le prennent pour un


homme ordinaire ; même ses proches, Sui, c'est-à-dire
ceux que l'écrivain sacré, selon l'expression du temps,
appelle les fratres Domini *, ses cousins, en entendant
4
sa doctrine si extraordinaire, l'accusent de folie ceux ;

qui l'avaient connu à Nazareth, dans l'atelier de Jo-


seph, s'étonnent et se demandent d'où lui vient cette
3
sagesse : Nonne hic est fabrl filius ?
Sans doute, il y avait en Jésus une vertu divine tout
intérieure qui se manifestait par des prodiges Virtus ;

de Mo
exibat et sonabat omnes * ; il y avait comme un
parfum de la divinité qui s'échappait de lui et attirait
les foules; nous lisons dans l'Évangile qu'il arrivait par-

i. Matth. XVI, 22-23. — 2. Philipp. II, 7. — 3. Cf. Joan. VII, 3.


. Marc. III. 21. — 5. Matth. XIII, ^. — '>. Luc. VI, 19.
Al SOMMET DU THABOR 285

fois que les Juifs, quoique grossiers et charnels, demeu-


1
raient trois jours sans manger afin de pouvoir le suivre .

Mais, en lui, extérieurement, la divinité était voilée


sous l'infirmité d'une chair mortelle Jésus était soumis ;

aux conditions variées et ordinaires de la vie humaine,


faible et passible soumis à la faim, à la soif, à la fati-
:

gue, au sommeil, à la lutte, à la fuite. C'était là le


Christ de tous les jours, c'était là l'humble existence
dont les apôtres étaient quotidiennement témoins.
Et voici que, sur la montagne, ils le voient transfigu-
ré la divinité rayonne, toute puissante, à travers le
:

voile de l'humanité la face de Jésus resplendit comme


;

le soleil, « ses vêtements éclatent d'une blancheur telle,


dit S. Marc, qu'aucun foulon n'aurait pu en produire de
semblable \ » Les apôtres comprennent par cette mer-
veille que ce Jésus est vraiment Dieu la majesté de la ;

divinité les remplit la gloire éternelle de leur Maître


;

leur est révélée tout entière.


Voici encore que Moïse et Élie apparaissent aux côtés
de Jésus pour converser avec lui et l'adorer.
Vous le savez pour les apôtres comme pour les Juifs
:

fidèles, Moïse et les Prophètes résumaient tout Moïse ;

était leur législateur, les prophètes sont ici représentés


par Élie, l'un des plus grands d'entre eux. La Loi et les
prophètes venaient, en ces personnages, attester que le
Christ est bien le Messie figuré et prédit. Les Pharisiens
peuvent désormais s'attaquer à Jésus, des disciples
peuvent le quitter la présence de Moïse et d'Élie
;

prouve à Pierre et à ses compagnons que Jésus respecte


la Loi et est d'accord avec les prophètes il est bien ;

l'Envoyé de Dieu, celui qui doit venir.

Enfin pour mettre le comble à tous ces témoignages,


pour achever de manifester avec évidence la divinité de
Jésus, la voix du Père éternel se fait entendre. Dieu le

i. Matth. XV. 3* — 2. Marc. IX, 2,


286 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Père proclame que Jésus est son Fils, est Dieu comme
lui. Tout se réunit ainsi pour consolider la foi des apô-
tres en celui que Pierre avait reconnu comme le Christ,
le Fils du Dieu vivant.

111

Les disciples de Jésus n'ont peut-être pas pénétré à ce


moment toute la grandeur de cette scène ni toute la pro-
fondeur du mystère dont ils étaient les témoins privilé-
giés. Il suffisait qu'ils fussent prémunis contre le scan-
dale de la croix c'est pourquoi le Christ « leur défen-
;

a
dit de parler alors de cette vision ».

Plus tard, après la Résurrection, quand le Saint-Es-


prit au jour de Pentecôte les eut confirmés dans leur
dignité d'apôtres, alors, ils découvrirent, par la voix de
Pierre, ies splendeurs qu'ils avaient contemplées. Pierre,
le chef de l'Église, celui qui avait reçu du Verbe incarné

la mission « d'affermir ses frères dans la foi ' », annonce


que « ia majesté de Jésus lui a été révélée que Jésus a ;

reçu de Dieu le Père honneur et gloire sur la sainte


montagne" ». Pierre, pasteur suprême, se réclame de
cette vision pour exhorter ses fidèles et nous en eux, à
ne pas vaciller dans leur foi.
Car c'est aussi pour nous que la Transfiguration s'est
opérée. Les disciples choisis pour en être les témoins,
dit S. Léon, représentent l'Église entière c'est à elle, ;

aussi bien qu'aux apôtres, que le Père s'adresse, en


proclamant la divinité de son Fils Jésus et en ordonnant
de l'écouter \
L'Église, dans l'oraison de la fête, a résumé parfaite-
ment les précieux enseignements de ce mystère. Pour
i. Matth. XVII, 9 Marc. IX, S. — 2. Luc. XXII, 32. — 3. II

Petr. I,
;

Epître de la fête.
16-18. —
4. Haec, dlectissimi, non ad
illorum tantum utilitatem dicta sunt, qui ea propriis auribus audie-
runt, sed in itt's tribus apostolis universa Ecclesia dididt quidijuid
enrum et aspeetus vidit et ouditus accepit 1. c. .
VI SOMMET DU THABOR 287

nous, comme pour les apôtres, la Transfiguration « con-


firme notre foi » Fidei sacramentel patrum testimonio
:

roborasti ; —
« notre adoption d'enfants de
ensuite,
Dieu y est signifiée d'une manière admirable » Et :

adoptionem fdiorum perfectam, voee delapsa in nube


lucida, mirabiliter praesignasti ; — enfin, l'Église de-
mande que nous devenions un jour cohéritiers du Roi
«
de gloire et que nous ayons part à son triomphe » Ut :

ipsius Régis gioriae nos co hère de s efficias, et ejnsdem


gloriae tribuas esse consortes.

La Transfiguration confirme notre foi.

Qu'est-ce, en effet, que la foi ? C'est une mystérieuse


participation à la connaissance que Dieu a de lui-même.
Dieu se connaît comme Père, Fils et Saint-Esprit. Le
Père en se connaissant, engendre de toute éternité un
Fils semblable, égal à lui. Hic est Filins meus dilectus
in quo mihi bene complacui. Ces paroles sont la plus
grande révélation que Dieu ait faite à la terre, elles sont
comme un écho même de la vie du Père. Le Père, en
tant que Père, vit d'engendrer son Fils cette généra- ;

tion qui n'a ni commencement ni fin constitue la pro-


priété même du Père. Dans l'éternité, nous verrons avec
étonnement, admiration amour, cette procession du
et
Fils engendré dans du Père. Cette procession est
le sein
éternelle Filius meus es tu, ego hodie genui te \ Cet
:

« aujourd'hui », ce hodie, est le présent de l'éternité.


Quand il nous dit que Jésus est son Fils bien-aimé,
le Père nous révèle sa vie et quand nous croyons à
;

cette révélation, nous participons à la connaissance de


Dieu même. Le Père connaît le Fils dans les splendeurs
sans fin nous, nous le connaissons dans les ombres de
;

la foi en attendant les clartés de l'éternité. Le Père


déclare que l'enfant de Bethléem, l'adolescent de Naza-
reth, le prédicateur de Judée, le supplicié du Calvaire

t. Ps. II. 7.
~>8N LE IHIUST DANS SES MYSTÈRES

est son Fils, son Fils bien-aimé ; notre foi, c'est de le

croire.
C'est une chose excellente, dans la vie spirituelle,
d'avoir toujours pour ainsi dire présent aux yeux du
cœur, ce témoignage du Père. Rien ne soutient si puis-
samment notre foi. Quand nous lisons l'Évangile, ou

une Vie de Notre-Seigneur, quand nous célébrons ses


mystères, quand nous allons le visiter au Saint-Sacre-
ment, quand nous nous préparons à le recevoir dans
notre cœur par la communion, ou que nous l'y adorons
après l'avoir reçu, dans toute notre vie enfin, tâchons
d'avoir habituellement devant nous cette parole « Ce- :

lui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis mes com-
plaisances ».
Et disons aiors « Oui, Père, je le crois, je veux le
:

répéter après vous ce Jésus qui est en moi par la foi,


:

par la communion, est votre Fils et parce que vous ;

l'avez dit, je le crois et, parce que je le crois, j'adore


;

votre Fils, pour lui rendre mes hommages et par lui. ;

en lui, pour vous rendre aussi, à vous, ô Père céleste, en


union avec votre Esprit, tout honneur et toute gloire ».
Une telle prière est extrêmement agréable à notre
Père des cieux et quand elle est vraie, pure, fréquente,
;

elle nous rend l'objet de i'amour du Père Dieu nous ;

enveloppe dans ces complaisances qu'il prend en son


propre Fils Jésus. C'est Noire-Seigneur lui-même qui
nous le dit « Le Père vous aime, parce que vous avez
:

x
cru que je suis sorti de lui », que je suis son Fils. Et
quel bonheur pour une âme d'être l'objet de l'amour
du Père, de ce Père « d'où descend tout don parfait ' »
qui réjouit les cœurs !

11 tient à ce que
C'est être aussi très agréable à Jésus.
nous proclamions sa divinité, à ce que nous ayons en
elle une foi vive, forte, profonde, à l'abri de toute at-
teinte « Bienheureux celui qui ne sera pas scandalisé
:

i. Joan. XVI, 27, — 2. Jac. I. 17.


AU SOMMET DU THABOR 289

en moi
:
: qui, — malgré les abaissements de mon in-
carnation, les obscurs travaux de ma vie cachée, les hu-
miliations dema passion, les attaques et les blasphèmes
dont je suis sans cesse l'objet, les luttes que doivent
supporter ici-bas mes disciples et mon Église, de- —
meure ferme dans sa foi en moi et ne rougit pas de
moi.
Voyez apôtres durant la passion de Jésus
les leur :

foi était faible ils se sont enfuis. Seul, S. Jean a suivi


;

son divin Maître jusqu'au Calvaire. Et nous savons


qu'après la Résurrection, quand Madeleine et les autres
saintes femmes sont venues dire de la part du Christ lui-
même qu'elles l'avaient vu ressuscité, ils ne l'ont pas
cru ils ont dit que c'était des histoires de femmes, des
;

racontars.
Voyez encore les deux disciples qui se rendaient à
Emmaiis il faut que Notre-Seigneur se joigne à eux,
;

et, leur ouvrant le sens de l'Écriture, leur montre qu'il

« était nécessaireque tout ce qui était écrit de lui dans


laLoi de Moïse, dans les Prophètes et les Psaumes s'ac-
2
complît », avant qu'il entrât dans sa gloire.
Croyons donc fermement à la divinité de Jésus ; ne
laissons jamais entamer cette foi rappelons-nous, pour ;

la soutenir, le témoignage du Père éternel à la Trans-


figuration : notre foi y trouvera un de ses meilleurs ap-
puis.

L'oraison de la fête nous dit ensuite que « notre


adoption comme enfants de Dieu a été admirablement
marquée par la voix divine qui est sortie de la nuée lu-
mineuse ».
Le Père éternel nous fait connaître que Jésus est son
Fils mais, vous le savez, Jésus est aussi « le premier né
;

d'une multitude de frères 3 ». Ayant pris notre nature

i. Matth. XI, 6 ; Luc. VII, 23. — 2. Luc. XXIV, 44. — 3. Rem.


VIII, 29.

Le Christ dans ses mystères. Ia


290 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

humaine, il nous fait partager, par la grâce, sa filiation


divine. S'il est le propre de Dieu par nature, nous, fils

nous le sommes par grâce. Jésus est des nôtres par son
Incarnation il nous rend semblables à lui en nous con-
;

férant une participation à sa divinité, en sorte que nous


ne faisons plus avec lui qu'un seul corps mystique. C'est
làl'adoption divine Ut filii Dei nominemur et simus \
:

En proclamant que Jésus est son Fils, le Père pro-


clame que ceux qui partagent, par la grâce, sa divinité,
sont également, quoique à un autre titre, ses enfants.
C'est par Jésus, Verbe incarné, que
nous cette adoption
2
est donnée Genuit nos verbo veritatis
: Et en nous .

adoptant pour ses enfants, le Père nous donne le droit


de partager un jour sa vie divine et glorieuse. C'est
« l'adoption parfaite », Adoptio perfecta.
Du côté de Dieu, elle est parfaite : car « toutes ses
œuvres sont marquées du sceau d'une sagesse infinie »:
Domine, omnia in sapientîa fecisti \ Voyez, en effet, de
quelles richesses Dieu comble ses adoptés pour rendre
ce don incomparable la grâce sanctifiante, les vertus
:

infuses, les dons du S. Esprit, les secours qu'il nous oc-


troie chaque jour tout ce domaine qui constitue ici-bas
:

pour nous l'ordre surnaturel. Et pour nous assurer


toutes ces richesses, l'Incarnation de son Fils, les mé-
rites infinis de Jésus, qui nous sont appliqués dans les
sacrements, l'Église avec tous les privilèges que lui con-
fère son titre d'Épouse du Christ. Oui, cette adoption,
du côté de Dieu, est parfaite.
Mais de notre côté ? —
Ici-bas, elle ne peut l'être. Elle
va toujours se développant depuis le jour où elle nous a
été donnée par le baptême c'est un germe qui doit ;

croître, une ébauche qui doit s'achever, une aurore qui


doit parvenir à son plein midi. La perfection, nous l'at-
teindrons quand, après que nous aurons été persévé-
ramment fidèles, notre adoption s'épanouira en gloire :

i. I Joan. III. i. — 2. Jac. I. 18. — 3. Ps. CIII, 24.


U SOMME'!' DU THABOR 291

Si filii et heredes, heredes quidem Dei, coheredes autem


Christi \

C'est pourquoi l'Église termine l'oraison de la fête en


demandant pour nous « de parvenir à l'adoption par-
faite quine se réalise que dans la gloire du ciel » Con- :

cède propitius... ut ipsius régis gloriae nos coheredes


efficias et ejusdem gloriae tribuas esse consortes.
Nous voyons, en effet, dans la Transfiguration, la
révélation de notre future grandeur. Cette gloire qui en-
vironne Jésus doit devenir notre partage. Pourquoi cela?
Parce que l'héritage qu'il possède comme propre Fils
de Dieu, il nous donne comme à ses membres le droit
d'y participer.
C'est la pensée de saint Léon. « Par ce mystère de la
Transfiguration, une providence non moins grande a
fondé l'espérance de l'Église le corps tout entier du
;

Christ, (c'est-à-dire les âmes qui forment son corps


mystique), peut reconnaître à présent quelle transfor-
mation lui sera accordée les membres peuvent s'assu-
;

rer qu'ils seront un jour rendus participants de l'hon-


2
neur qui a brillé dans leur chef ».
nous sommes enfants de Dieu
Ici-bas, par la grâce, ;

mais «nous ne savons pas encore ce que, par suite de


cette adoption, nous serons un jour » Nunc filii Dei :

sumus ; et nondutn apparuit quid erimus z ; ce jour


viendra quand, « les foudres ayant illuminé, secoué et
4
fait trembler la terre jusqu'en ses fondements », « les

justes, selon la parole de Jésus lui-même, ressusciteront


pour la gloire » :Tune justi fulgebunt sicut sol in regno
5
Patris eorum . Leurs corps seront glorieux à l'instar

i. Rom. VIII, 17. —


2. Sed non minore providentiel spes sanctae
Ecclesiac jundabatur, ut totum corpus Christi agnosceret quali esset
commutationc donandum, et ejus sibi honoris consortium membra
Permitterent qui in capite praefulsisset. 1. c. —
3. I. Joan. III, 2.
— 4. Illuxerunt cornscationes tuac orbi terrai', commota est et
contremuit terra. (Introït de la fêto). .^. —
Matth. XIII, 43.
292 LE CHRIST DANS SES .MYSTÈRES

du corps du Christ sur Thabor: c'est la même gloire


le

qui rejaillit Verbe incarné et qui


sur l'humanité du
transfigurera nos corps. S. Paul nous le dit expressé-
ment Reformabit corpus humilitatis nostrae, configu-
:

ratum corpori claritaiis suae \


Nous ne devons sans doute pas croire que le Christ,
sur la sainte montagne, avait tout l'éclat dont son hu-
manité resplendit présentement dans le ciel ce n'en ;

était qu'à peine un rayonnement, mais si éblouissant


qu'il ravissait les disciples.
D'où lui venait donc cet admirable rayonnement ? —
De un écoulement de la divinité sur
la divinité. C'était
la sainte humanité, une irradiation du foyer de la vie
éternelle qui se cachait ordinairement dans le Christ et
faisait à cette heure resplendir son corps sacré d'un
éclat merveilleux. Ce n'était pas une lumière d'emprunt,
venant du dehors, mais bien un reflet de cette incom-
mensurable majesté que le Christ contenait et compri-
mait en lui-même. Par amour pour nous, Jésus, durant
son existence terrestre, cachait habituellement, sous le
voile d'une chair mortelle, la vie divine il l'empêchait ;

de déborder dans une continuelle lumière qui eût aveu-


glé nos yeux infirmes mais à la Transfiguration, le
;

Verbe a donné congé à la gloire éternelle il l'a laissée ;

projeter son éclat sur l'humanité qu'il avait prise.

Cela nous montre que notre sainteté n'est autre chose


que notre ressemblance avec le Christ Jésus, non une
sainteté dont nous pouvons être nous-mêmes la source
première, mais qui est l'écoulement en nous de la vie
divine.
Par la grâce du Christ, cette sainteté a commencé de
2
« poindre en nous » dès le baptême qui inaugure notre
transformation à l'image de Jésus. La sainteté n'est, en
effet, ici-bas qu'une transfiguration intérieure modelée

i. Philipp. III, 21. — 2. Cf. II Petr. I, 19.


AU SOMMET DU THABOR 293

sur le Praedestinavlt nos [Deus] conformes


Christ :

fieri imaginis sui\ Par notre fidélité à l'action de


Filii
l'Esprit, cette image grandit peu à peu, se développe, se
perfectionne, jusqu'à ce que nous arrivions à la lumière
éternelle.Alors la transfiguration apparaîtra aux yeux
des anges et des élus. Ce sera la ratification suprême de
« l'adoption parfaite », qui fera jaillir en nous une
source intarissable de joie.

IV

Tel est l'état glorieux qui nous attend, parce que c'est
là l'étatglorieux de notre chef Jésus, dont nous sommes
les membres, état admirable que la Transfiguration sur
le Thabor nous fait entrevoir et propose à notre foi
comme un objet d'espérance.
Mais, me direz-vous, que devons-nous faire pour y
parvenir ? Quel chemin faut-il suivre pour arriver à
cette bienheureuse gloire dont nous contemplons un
rayon dans la Transfiguration de notre divin Sauveur ?
Il n'y en a qu'un, et c'est le Père qui nous le mon-
trera. Le Père, qui nous adopte, qui nous appelle à l'hé-
ritage céleste pour partager sa béatitude, pour parti-
ciper un jour sans fin à la plénitude de sa vie, le Père
nous indique lui-même le chemin, et il nous l'indique
dans ce mystère même « Voici mon Fils bien-aimé en
:

qui j'ai mis mes complaisances ».


Il est vrai que nous avons déjà entendu ces paroles au

bnptême de Jésus mais à la Transfiguration, le Père


;

ajoute une parole nouvelle qui contient tout le secret de


notre vie Ipsum audite. « Écoutc-le ». C'est comme
:

si, pour nous faire arriver à lui, Dieu s'en remettait à

Jésus. Et telle est, en. effet, l'économie des desseins di-


vins.
Étant le Fils de Dieu, qui vit toujours au sein du

t. Rom. VIII, 2Q.


29» LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Père, Jésus, le Verbe incarné, nous


connaître les fait
1

secrets divins: Ipse enarravit lumière qui . Il est la


illumine tout homme venant en ce monde où elle brille, ;

il n'y a pas de ténèbres l'écouter, c'est vraiment écou-


;

ter le Père qui nous appelle, parce que la doctrine de


Jésus n'est pas sa doctrine, mais la doctrine de celui qui
l'a envoyé ' « tout ce qu'il nous enseigne, c'est son Père
;

qui lui a dit de nous le révéler » Omnia quaecumque :

audivi a Pâtre meo, nota feci vobis '. Il est « le seul


chemin qui mène désormais au Père », Nemo venit ad
Patrem, nisi per me *. « Jadis, Dieu a parlé, et fréquem-
ment, par Moïse et les prophètes maintenant, il ne ;

nous parle que dans son Fils » Multifariam multisque :

modis olim Deus loque ns pat ri bus in prophetis, novis-


sime, diebus istis, locutus est nobis in Filio \
Et voyez : pour nous le faire comprendre bien claire-
ment, Moïse et Élie disparaissent quand la voix du Père
nous dit d'écouter son Fils Et dum fieret vox (Patris), :

inventus est Jésus solus Lui seul est désormais le '.

médiateur unique, lui seul accomplit les prophéties et


résume la Loi. Il substitue les réalités aux figures et aux
prédictions ; il remplace la Loi Ancienne, toute de ser-
vitude, par la Loi Nouvelle, toute d'adoption et d'a-
mour. Pour être enfant du Père éternel, pour arriver à
« l'adoption parfaite » et glorieuse, nous n'avons qu'à
écouter Jésus Oves meae vocem meam audiunt
1
: .

Et quand nous parle-t-il ? Il nous parle dans l'É- —


vangile il nous parle par la voix de l'Église, des pas-
;

teurs par celle des événements, des épreuves


;
par ;

les inspirations de son Esprit.


Mais pour le bien entendre, il faut le silence il faut ;

souvent, comme Jésus à la Transfiguration, se retirer


dans un lieu solitaire, Seorsum. ,On trouve Jésus par-
tout, certes, même dans le tumulte des grandes cités ;

i. Joan. I, 18. — 2. Cf. Joan. VII, r6. — 3. Joan. XV, 15. —


4. Ibid. XIV, 6. — 5. Hebr. I. 1-2. — 6. Luc. IX, 36. — 7. Joan.
AU SOMMET DU THABOR 295

mais on ne l'entend bien que dans une âme apaisée et


entourée de silence on ne le comprend bien que « dans
;

la prière et l'oraison », Dam oraret ; c'est alors surtout


qu'il se révèle à l'âme pour l'attirer à lui et la transfi-
gurer en lui. A l'heure de l'oraison, pensons que le Père
nous montre son Fils Hic est FMus meus dilectus.
:

Alors, adorons-le avec une révérence profonde, une foi


vive et un ardent amour. Et alors aussi, nous l'écoute-
rons « lui seul a les paroles de vie éternelle »
: Do- :

mine, ad quem ibimus ? Verba vitae aeternae habes \


Écoutons-le, par la foi, par cette acceptation de tout
ce qu'il nous dit « Oui, Seigneur, je le crois, parce que
:

vous le dites vous êtes toujours in sinu Pat ris : vous


;

voyez les secrets divins dans la splendeur de la lumière


éternelle ; nous, nous croyons ce que vous nous révélez.
La foi est pour nous cette lampe, dont parle l'apôtre
2
témoin de votre Transfiguration , « lampe qui luit dans
les ténèbres pour nous guider » : Lucerna lucens in ca-
liginoso loco.
C'est à cette lumière entourée de ténèbres que nous
marchons et, malgré ces ténèbres mêmes, nous devons
;

marcher avec vaillance. Écouter Jésus, ce n'est pas seu-


lement l'écouter des oreilles du corps, on écoute aussi
des oreilles du cœur il faut que notre foi soit pratique,
:

qu'elle se traduise par des œuvres dignes d'un vrai


disciple de Jésus, conformes à l'esprit de son Évangile;
ce que S. Paul appelle « plaire à Dieu » placere Deo ~,
4
terme que l'Église a repris elle-même quand elle de-
mande pour nous à Dieu d'être de dignes enfants de
notre Père céleste.
Et cela, malgré les tentations, malgré les épreuves,
malgré les souffrances. N'écoutons pas la voix du dé-
mon ses suggestions sont d'un prince des ténèbres
:
;

i. Joan. VI, 69. —


2. II Petr. I, 16-18. Épître de la fête. —
;v Thess. IV. Épître du deuxième dimanche du Carême.
I 4. Tibi —
etiam placitis moribus dignantcr deservtre concédas. Postcommunion
du deuxième dimanche du Carême.
296 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

ne nous laissons pas entraîner par les préjugés du


monde ses maximes sont trompeuses gardons-nous
: ;

de nous laisser séduire par les sollicitations des sens :

les satisfaire n'apporte à l'âme que le trouble.


C'est Jésus seul qu'il faut écouter et suivre. Livrons-
nous à lui par la foi, la confiance, l'amour, l'humilité,
l'obéissance, l'abandon. Si notre âme se ferme aux
bruits de la terre, au tumulte des passions et des sens.
le Verbe incarné s'en rendra maître peu à peu il nous :

fera comprendre que les vraies joies, les joies les plus
profondes sont celles qu'on trouve à le servir. L'âme
qui a le bonheur d'être admise, comme les apôtres pri-
vilégiés, dans l'intimité du divin Maître, éprouvera par-
fois le besoin de s'écrier avec S. Pierre Domine, bo-
:

num est nos hic esse, « Seigneur, nous sommes bien


ici ».

Sans doute, Jésus ne nous conduit pas toujours au


Thabor, « là où il fait bon » il ne nous donne pas tou-
;

jours des consolations sensibles s'il nous en donne, il


;

ne faut pas les repousser, car elles viennent de lui il ;

faut les accepter humblement, mais sans les rechercher


pour elles-mêmes, ni nous y attacher. S. Léon remarque
que Notre-Seigneur n'a pas répondu à Pier r e quand
celui-ci proposait de dresser des tentes pour fixer une
demeure stable dans ce lieu de béatitude non pas, dit-;

il, que ce fût condamnable, mais ce n'était pas l'heure.

Tant que nous sommes ici-bas, c'est bien plus souvent


au Calvaire que Jésus nous conduit, c'est-à-dire à tra-
vers les contradictions, les épreuves, les tentations \
Voyez de quoi donc s'entretenait-il sur la montagne
:

avec Moïse et Élie ? De ses prérogatives divines, de sa


i. Huic suggestioni Dominus non respondit, significans non qui-

dcm improbum, scd inordinatum esse quod cuperet cum salvari


:

mundus nisi Christi morte non posset, et exemple Domini in hoc


vocaretar credentiam ûdes, ut licet non o-Porteret de bcatitudinis
promissionibus dubitari, intelligeretnus tamen inter tentaliones hu-
ilés vitae prius nobis tolerantiam postulandam esse quam çloriam ;
quia tetnpora patiendi non potest félicitas praevenire » gnandi. 1. c.
AU SOMMET DU THABOR 597

gloire, qui transportait ses disciples ? Non ;


il parlait
de sa passion prochaine, de l'excès de ses souffrances
qui étonnaient Moïse et Elie, autant que les éblouissait
l'excès de son amour. C'est par la croix que le Christ
nous mène à la vie et parce qu'il sait que nous sommes
;

faibles dans l'épreuve, il a voulu nous montrer par sa


Transfiguration quelle gloire nous étions appelés à par-
tager avec lui, si nous demeurions fidèles Coheredes :

autem Christi, si tamen compatimur, ut et conglorifi-


cemur\ Ici-bas. ce n"est pas le temps du repos, mais
celui du travail, de l'effort, de la lutte, de la patience.
Demeurons fidèles à Jésus, Nous avons
malgré tout.
entendu qu'il est le Fils de Dieu, égal à Dieu sa parole ;

ne passe pas il est le Verbe éternel. Or, il affirme que


:

celui qui le suit parviendra à « la lumière de la vie » :

2
Habebit lumen vitae Heureuse l'âme qui l'écoute, qui
.

n'écoute que lui, et l'écoute toujours, sans douter de sa


parole, sans se laisser ébranler par les blasphèmes de
ses ennemis, sans se laisser vaincre par les tentations,
3
sans se laisser abattre par les épreuves « Nous ne !

savons pas, dit S. Paul, quel poids de gloire nous est


réservé pour la moindre des souffrances supportée en
4 5
union avec le Christ Jésus ». « Dieu est fidèle » et à ;

travers toutes les vicissitudes par lesquelles passe une


âme, Dieu la conduit infailliblement à cette transforma-
tion qui la rend semblable à son Fils.
Ainsi notre transfiguration en Jésus se réalise peu à
peu intérieurement, jusqu'à ce que vienne le jour où elle
apparaîtra rayonnante dans cette société d'élus qui
portent le signe de l'Agneau, et que l'Agneau transfi-
gure parce qu'ils sont à lui.

i. Rom. VIII, 17. —2. Joan. VIII, 12. —


3. Ncc ideo quisquam
aut pati pro justifia timeat, aut de promissorutn retrihutionc diffidat
quia per laborem ad requiem, et per mortem transitar ad vitam :

cuin omnem humilitatis nostrae infirmitatern Me susccpcrit, in quo


si in confessione et in dilectione ipsius pcrmancamus, et quod vicit
vincimus, et quod promisit accipimus. 1. c. —
4. Cf. II Cor. IV.
17.— 5. T Cor. I, g: X. 13 TI Th<^?. III. 3.
;
298 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Notre-Seigneur lui-même
nous l'a promis. « Le
monde se avant de nous quitter
réjouira, disait-il ;

vous, vous serez ici-bas dans l'affliction, dans l'é-


preuve comme moi-même j'y fus avant d'entrer dans
1
,

ma gloire » Oportuit pati Christum et ita intrare in


:

gloriam suam '. C'est nécessaire, c'est la voie de ma pro-


vidence mais demeurez fermes, « ayez confiance »,
;

confidite je suis avec vous jusqu'à la consommation


;

des siècles
4
A présent, votre foi me reçoit chaque jour
.

dans le mystère de mes abaissements, mais je viendrai


un jour dans la pleine révélation de ma gloire. Et vous,
mes disciples fidèles, vous entrerez dans ma joie, vous
aurez part à ma gloire, car vous êtes un avec moi. Ne
l'ai-je pas demandé à mon Père au moment d'en solder
le prix par mon sacrifice ? « Je veux, ô Père, que là où

je suis, mes disciples, ceux que vous m'avez donnés,


soient également qu'ils voient et partagent ma gloire,
;

celle que j'ai reçue de vous avant ia création du


monde » VOLO ut ubi sum ego, et Mi sint
: Pater,
MECUM, videant claritatem meam quam dedisti
ut
mihi\ Pour vous, que j'appelle mes amis vous à qui ;

j'ai confié les secrets de la vie divine, comme mon Père


l'ordonnait vous qui avez cru, et ne m'avez pas quitté,
;

vous entrerez dans ma joie, vous vivrez de ma vie. Vie


plénière, joie parfaite, parce que ce sera ma propre vie
et ma joie personnelle que je vous donnerai, ma vie et
ma joie de Fils de Dieu Ut gaudium MEUM in vobis :

sit, et gaudium vestrum impleaturV


Joan. XVI, 20. — Luc. XXIV, 26. — XVI, ^. —
— foan.
i. 2. j.

4. Matth. XXVIII, 20. — 5. Joan. XVII, 24. f>. Ihid. XV. ...
XIII. —
LE CHRIST A AIME L EGLISE
«

ET S'EST LIVRÉ LUI-MÊME POUR ELLE


AFIN DE LA SANCTIFIER »

(Temps de la Passion)

Sommaire. — I. L'amour est le mobile qui a poussé le


Christ Jésus à subir les souffrances de la Passion. —
II. Le Christ s'est livré lui-même tout entier aux dou-
leurs et à la mort.— II i. Comment, par son immola-
tion, le Christ sanctifie l'Église. — IV. Nécessité pour
nous de communier aux souffrances de Jésus; maniè-
res diverses de réaliser cette participation contem- :

pler avec foi le Christ dans sa passion; assister au saint


sacrifice de la messe qui reproduit l'oblation du Cal-
vaire; nos souffrances aux siennes. Force que
unir
nous a méritée le Christ de porter notre croix avec lui.
— V. La Passion ne termine pas le cycle des mystères de
Jésus; par ses souffrances, le Christ mérite d'entrer
dans la gloire éternelle. Cette loi est également la nôtre:
si nous partageons les douleurs de Jésus en croix, nous

participerons aussi à sa vie glorieuse Ego dispono :

En nous faisant le récit de la Transfiguration, S. Luc


relève ce détail que « Moïse et Élie s'entretenaient avec
1
Jésus de sa mort ».
Ainsi donc, au moment où pour ses disciples préfé-
rés, le Christ lève un coin du voile qui cache aux yeux
de la foule les splendeurs de sa divinité, il parle de sa
passion et de sa mort. Cela peut sembler étrange, n'est-

i. Luc. IX, 31.


300 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

ce pas 9 Et pourtant, il n'y a rien là pour le Christ qui


ne se puisse expliquer.
La Passion marque le point culminant de l'œuvre
qu'il vient réaliser ici-bas pour Jésus, c'est l'heure où
;

il consomme le sacrifice qui doit donner une gloire in-


finie à son Père, racheter l'humanité, et rouvrir aux
hommes les sources de la vie éternelle. Aussi Notre-
Seigneur qui s'est livré tout entier au bon plaisir de son
Père, depuis le premier moment de son Incarnation, dé-
sire-t-ilardemment voir arriver ce qu'il appelle « son »
heure \ l'heure par excellence. Baptismo habeo bapti-
zari, et quomodo coarctor usqu.edu.rn perficiatur - ! Je
dois être baptisé d'un baptême le baptême de sang. —
— et quelle angoisse me presse jusqu'à ce qu'il soit
accompli » Il tarde à Jésus de voir sonner l'heure où il
!

pourra se plonger dans la souffrance et subir la mort


pour nous donner la vie.
Certes, il ne veut pas la devancer, cette heure Jésus :

est pleinement soumis à la volonté de son Père. S. Jean


note plus d'une fois que les Juifs ont tâché de surpren-
dre le Christ et de le faire mourir toujours Notre-Sei- ;

gneur s'est échappé, même par miracle, « parce que son


heure n'était pas venue » Nondum venerat hera ejus *.
:

Mais quand elle sonne, le Christ se livre avec la plus


grande ardeur, bien qu'il connaisse d'avance toutes les
souffrances qui doivent atteindre son corps et son âme :

Desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum


antequam patlar 4 : « J'ai désiré d'un vif désir de man-
gere cette Pâque avec vous, avant de souffrir ma pas-
sion ». Elle est enfin venue, l'heure attendue depuis si

longtemps.
Contemplons Jésus à cette heure. Ce mystère de la
Passion est ineffable, et tout y est grand, jusqu'aux
moindres détails, comme d'ailleurs toutes choses dans

i. Joan. XIII, i. — 2. Luc. XII, 50. — -


v Joan. VII, VIII, 20.
— 4. Luc. XXII, 15.
«Qi
LE CHRIST S'EST LIVRÉ POUR L 'ÉGLISE 301

la vie de l'Homme-Dieu. Ici surtout nous sommes aux


portes d'un sanctuaire où nous ne pouvons entrer
qu'avec une foi vive et une profonde révérence.
Un aux Éphésiens résume
texte de la lettre de S. Paul
les points essentiels que nous devons considérer dans
ce mystère. « Le Christ, dit-il, a aimé l'Église, et s'est —
livré lui-même pour elle, —
afin de faire apparaître de-
vant lui une société glorieuse, n'ayant ni tache, ni ride,
ni rien de semblable, mais qui soit sainte et immacu-
'
lée ».

Dans le mystère même de la


ces paroles est indiqué
Passion Jésus s'est livré en personne »
: « Seipsum :

tradidit. —
Et qu'est-ce qui l'a poussé à se livrer ?
L'amour est la raison profonde du mystère Dilexit Ec- :

clesiam. —
Et le fruit de cette oblation de tout lui-
même, par amour, c'est la sanctification de l'Église Ut :

illam sanctificaret... ut sit sancta et immaculata.


Chacune de ces vérités révélées par l'Apôtre renferme
pour nos âmes des trésors de lumière et des fruits de
vie. Contemplons-les durant quelques instants nous ;

verrons ensuite comment nous devons participer à la


Passion de Jésus pour puiser à ces trésors et recueillir
ces fruits.

S. Paul nous dit que « le Christ a aimé l'Église ».


L'Église signifie ici le royaume de ceux qui doivent,
2
comme également l'Apôtre former le corps mys-
le dit ,

tique de Jésus. Le Christ a aimé cette Église, et c'est


parce qu'il l'a aimée qu'il s'est livré pour elle. C'est
l'amour qui a commandé la Passion.

i. Christus dilexit Ecclcsiam, et seipsum tradidit pro ea, ut tllam

sanctificaret, ut exhiberet ipse sibi gloriosam Ecclesiam, non haben-


tem maculant, aut rugam, aut aliquid hujusmodi, sed ut sit sancta
et immaculata. Eph. Y, 25-27. — 2. I Cor. XII, 27 ; Ephes. I, 23 ;

IV. 12 ; V. 2;.
302 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

Sans doute, d'abord et avant tout, c'est par amour


pour son Père que Jésus a voulu subir la mort de la
croix. 11 le dit lui-même explicitement Ut cognoscat :

mundus quia diligo Patrern, sic facio \ « Afin que le


monde sache que j'aime mon Père, j'accomplis sa vo-
lonté, qui est que je me livre à la mort ».
Voyez le Christ Jésus durant son agonie. Trois heu-
res durant, l'ennui, la tristesse, la crainte, les angoisses
fondent sur son âme comme un torrent, et l'envahissent
au point que le sang s'échappe de ses veines sacrées.
Quel abîme de douleurs dans cette agonie Et que dit !

Jésus à son Père ? « Père, s'il est possible, que ce calice


s'éloigne de moi. » Est-ce que le Christ n'acceptait
donc plus la volonté de son Père ? Oh certainement. !

Mais cette prière est le cri de la sensibilité de ia pauvre


nature humaine broyée par le dégoût et la souffrance :

"
à ce moment, il est surtout Vir sciens infirmitatem :

« un homme que touche la douleur ». Notre-Seigneur


sent le poids effroyable de l'agonie peser sur ses épau-
les ; il veut que nous le sachions, et voilà pourquoi il a
fait cette prière.
Mais écoutez ce qu'il ajoute aussitôt « Néanmoins, :

ô Père, que votre volonté soit faite, et non la mienne ».


C'est ici le triomphe de l'amour. Parce qu'il aime son
Père, il met la volonté de son Père au-dessus de tout, et

il accepte de tout souffrir. Remarquez que le Père aurait


pu, s'il l'avait voulu dans ses desseins éternels, atténuer
les souffrances de Notre-Seigneur, changer les circon-
stances de sa mort il ne l'a pas voulu. Dans sa justice,
;

il a exigé que pour sauver le monde, le Christ se livrât

à toutes les douleurs. Cette volonté a-t-elle diminué


l'amour de Jésus ? Certainement non il ne dit pas ;
:

« Mon Père aurait pu arranger les choses autrement » ;

non, il accepte pleinement tout ce que veut son Père :

Non mea voluntas, sed tua fiât \

i. Joan. XIV, 31. — 2. Cf. Isa. LUI, 3. — 3. Luc. XXII, 42.


LE CHRIST S 'KSI LIVRÉ POUR L 'ÉGLISE 303

Il ira désormais jusqu'au bout du sacrifice. Quelques


instants après son agonie, au moment de son arresta-
tion, quand S. Pierre veut le défendre et frappe de son
épée un de ceux qui venaient pour saisir son Maître,
que lui dit aussitôt le Sauveur ? « Remets l'épée dans
le fourreau ne boirai-je donc pas le calice que mon
;

Père m'a donné ? » Calicem quem dédit mihi Pater,


non bibam illum '
?

Ainsi donc, c'est, avant tout, l'amour pour son Père


qui pousse le Christ à accepter les souffrances de la

passion. Mais c'est aussi l'amour qu'il nous porte.


A la dernière cène, quand va sonner l'heure d'achever
son oblation, que dit-il à ses apôtres réunis autour de
lui ? « Il n'est pas d'amour plus grand que celui de

donner sa vie pour ses amis », Majorent hac dilectionem


nerno habet, ut animam suam ponat quis pro amicis
suis \ Et cet amour qui surpasse tout amour, Jésus va
nous le montrer, car, dit S. Paul, « c'est pour nous tous
2
qu'il s'est livré ». Il est mort pour nous, « alors que
4
nous étions ses ennemis ». Quelle marque plus grande
d'amour pouvait-il nous donner ? Aucune.
Aussi l'Apôtre ne cesse-t-il de proclamer que « c'est
parce qu'il nous a aimés que le Christ s'est livré » « à :

cause de l'amour qu'il m'a porté, il s'est donné pour


moi 6 ». Et « livré ». « donné » dans quelle mesure ?
Jusqu'à la mort : Semetipsum tradidit.

Ce qui rehausse infiniment cet amour, c'est la liberté


souveraine avec laquelle le Christ Jésus s'est offert :
Oblatus est quia ipse voluit\ Ces deux mots nous di-
sent combien spontanément Jésus a accepté sa passion.
N'avait-il pas dit un jour, en parlant du bon pasteur
qui donne sa vie pour ses brebis « Mon Père m'aime :

i. Jean. XVIII 11. — 2. Joan. XV, 13. — 3. II Cor. V, 15


4. Rom. V, 10.
,

— 5. Gai. II, 20; Ephes. V, 2. — 6. Ibid.


7. Isa. LUI, 7.
il», LE CHRIST DANS SES MYSTERES

parce que je donne ma vie, pour la reprendre le jour de


ma résurrection. Personne ne me de force, mais
la ravit

je la donne de moi-même ;
j'ai le pouvoir de la donner,
et le pouvoir de la reprendre ». '

Et voyez comment ses paroles se sont réalisées. Au


moment de son arrestation, il demande à ceux qui veu-
lent mettre la main sur lui « Qui cherchez-vous ?» :

« Jésus de Nazareth ». « C'est moi ».
2
Et cette — —
parole les renverse par terre S'il le demandait à son .

Père, « le Père enverrait des légions d'anges pour le


délivrer" ». « Chaque jour, ajoute-t-il, j'étais assis
parmi vous, enseignant dans le Temple, et vous ne
m'avez pas saisi * ». Il eût pu faire qu'il en fût encore
de même aujourd'hui mais il ne le veut pas, parce que
;

c'est « son heure ». Voyez-le devant Pilate il reconnaît ;

que « le pouvoir qu'a le gouverneur romain de le con-


damner à mort ne vient que de son Père » Non habe- :

res potestatem adversum me ullam, nisi tibi datum esset


desuper*. S'il voulait, il se délivrerait de ses mains,
mais parce que c'est la volonté de son Père, il s'aban-
donne à un juge inique Tradebat judicanti se injuste \
:

Cette liberté avec laquelle Jésus donne sa vie est en-


tière. Et c'est là une des plus admirables perfections de
son sacrifice, un des aspects qui touchent le plus pro-
fondément notre cœur humain. « Dieu a aimé le monde
7
à ce point qu'il lui a donné son Fils unique » le Christ ;

a aimé à ce point ses frères qu'il s'est spontanément


livré tout lui-même pour les sauver.

11

Tout est parfait dans le sacrifice de Jésus : et l'amour


qui l'inspire, et la liberté avec laquelle il l'accomplit.

i. Joan. X, 17-18. — 2. Ibid. XVIII, 4-6. — Matth. XXVI.


53. — 4. Ibid. XXVI, 55; Marc. XIV. 49; Luc. XXII,
3.
53. —
5. Joan. XIX, 11. — 6. I Petr. II, 23. — 7. Joan. III, 16.
?
LE CHRIST S EST LIVRÉ POUR L 'ÉGLISE 305

Parfait aussi dans le don offert : le Christ s'offre lui-


même : Semetipsum tradidit.
Le Christ s'offre tout lui-même son âme et son corps ;

sont brisés, broyés par les douleurs il n'en est pas que :

Jésus n'ait connues. Si vous lisez attentivement l'Évan-


gile, vous verrez que les souffrances de Jésus ont été
disposées de telle sorte que tous les membres de son
corps sacré fussent atteints, que toutes les fibres de son
cœur fussent déchirées par l'ingratitude de la foule,
l'abandon des siens, les douleurs de sa mère que sa ;

sainte âme dût subir toutes les avanies et toutes les hu-
miliations dont un homme puisse être accablé. Il a réa-
lisé à la lettre la prophétie d'Isaïe « Beaucoup ont été :

dans la stupeur en
voyant, tant il était défiguré... il
le
n'a plus ni forme ni beauté pour attirer nos regards... il
nous est apparu comme un lépreux entièrement mécon-
naissable... *
»
Je vous parlais tantôt de l'agonie au jardin des Oli-
viers. Le Christ, qui n'exagère rien, découvre à ses
apôtres que « son âme innocente est oppressée alors
d'une tristesse si poignante et si amère qu'elle est ca-
pable de le faire mourir $ Tristis est anima mea usque :

ad mortem \ Quel abîme Un Dieu, la Puissance et la !

Béatitude infinies, « se trouve accablé par la tristesse,


z
ia peur et l'ennui » Coepit pavere, et taedere et maes-
:

4
tus esse ! Le Verbe incarné connaissait toutes les souf-
frances qui allaient fondre sur lui pendant les longues
heures de sa passion cette vision soulevait en sa na-
;

ture sensible toute la répulsion qu'une simple créature


en aurait éprouvée dans la divinité à laquelle elle était
;

unie, son âme voyait clairement tous les péchés des


hommes, tous les outrages faits à la sainteté et à
l'amour infini de Dieu.
Il avait pris sur lui toutes ces iniquités, il s'en était

i. Isa. LU, 14; LUI, 2-4. — 2. Matth. XXVI, 3S Marc. XIV,


34- — 3. Marc. XIV, 33. — 4. Matth. XXVI, 37.
;

Le Christ dans ses mystères. 20


306 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

comme revêtu, il sentait peser sur lui toute la colère de


la justice divine Ego sum ver mis, et non homo : op-
:

probrium hominum, et abjectio plebis \ Il prévoyait


que pour beaucoup d'hommes son sang serait inutile-
ment versé, et cette vue portait à son comble l'amertume
de sa sainte âme. Mais, nous l'avons vu, le Christ a
tout accepté. Il se lève maintenant, sort du jardin et
s'avance au devant de ses ennemis.

C'est que commence pour Notre-Seigneur cette


ici

série d'humiliations et de souffrances, que nous pou-


vons à peine essayer de décrire.
Trahi par le baiser d'un de ses apôtres, garrotté par
la soldatesque comme un malfaiteur, il est mené chez le
grand-prêtre. Là, « il garde le silence » au milieu des
fausses accusations proférées contre lui Hle autem ta- :

2
cebat .

Il ne parle que pour proclamer qu'il est le Fils de


8
Dieu Tu dixisti, ego sum Cette confession est la plus
: .

solennelle qui ait jamais été faite de la divinité du


Christ Jésus, roi des martyrs, meurt pour avoir con-
:

fessé sa divinité, et tous les martyrs donneront leur vie


pour la même cause.
Pierre, le chef des apôtres, avait suivi de loin son
divin Maître il lui avait promis de ne l'abandonner
;

jamais. Pauvre Pierre Vous savez comment, trois fois,


!

il renia Jésus. Ce fut là, sans aucun doute, pour notre

divin Sauveur, une des peines les plus profondes de


cette nuit terrible.
Les soldats gardaient Jésus et le comblent d'injures
et de mauvais traitements ne pouvant supporter son ;

regard si doux, ils lui bandent les yeux, par dérision ;

ils lui donnent d'insolents soufflets ils osent souiller ;

vilement de leurs crachats impurs cette face adorable

i. Ps. XXI, 7. — 2. Marc. XIV, 61 ; cf. Matth. XXVI, 63. —


j. Matth, XXVT, 64; Marc. XIV
LE CHRIST S'EST LIVRÉ POUR L'ÉGLISE 307

que les anges ne contemplent qu'avec ravissement.


L'Évangile nous montre ensuite comment Jésus, dès
le matin, fut ramené devant le grand-prêtre, puis traîné

de tribunal en tribunal traité par Hérode en insensé,


;

lui, la Sagesse éternelle flagellé par ordre de Pilate


; ;

les bourreaux frappent sans pitié leur innocente vic-


time, dont le corps n'est bientôt plus qu'une plaie. Et
cependant cette cruelle flagellation ne suffit pas à ces
hommes qui ne sont plus des hommes ils enfoncent une ;

couronne d'épines sur la tête de Jésus, et l'accablent de


moqueries.
Le lâche gouverneur romain s'imagine que la haine
des Juifs sera satisfaite en voyant le Christ dans un si
pitoyable état il le présente à la foule Ecce homo \
; :

« Voilà l'homme !... » Regardons en ce moment notre


divin Maître plongé dans cet abîme de souffrances et
d'ignominies, et pensons que le Père, lui aussi, nous le
présente et nous dit « Voici mon Fils, la splendeur de
:

ma gloire, —
mais frappé à cause des crimes de mon
2
peuple » Pt opter scelus populi mei percussi eum...
:

Jésus entend les cris de cette populace en fureur qui


lui préfère un brigand et qui, en retour de tous ses bien-
faits, réclame sa mort Crucifige, crucifige eum \
:

La sentence de mort est donc prononcée, et le Christ


prenant sa lourde croix sur ses épaules meurtries, s'a-
chemine vers le Calvaire. Que de douleurs lui sont en-
core réservées La vue de sa mère qu'il aime si tendre-
!

ment et dont il comprend mieux que personne l'immense


affliction le dépouillement de ses vêtements, le perce-
;

ment des mains et des pieds la soif brûlante. Puis les


;

sarcasmes haineux de ses plus mortels ennemis « Toi :

qui détruis le temple de Dieu, sauve-toi toi-même, et


nous croirons en toi... 11 a sauvé les autres, et il ne
4
peut se sauver lui-même ». Enfin l'abandon de son

i. Joan. XIX, 5. —
2. Isa. LUI, 8. —
3. Joan. XIX, 6, 15.
— 4- Matth. XXVII, 40-42 Marc. XV, 29-32 Luc. XXIII, 35.
; ;
308 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Père dont il a toujours fait la sainte volonté « Père, :

pourquoi m'avez-vous abandonné ' » ?


Il a bu vraiment le calice jusqu'à la lie, il a réalisé

jusqu'au dernier iota, c'est -à-dire jusqu'au moindre dé-


tail tout ce qui était prédit de lui. Aussi, quand tout est
accompli, qu'il a épuisé le fond de toutes les douleurs
et de toutes les humiliations, peut-il proférer son Con-
summatum est. Oui, « tout est consommé » il n'a plus ;

qu'à remettre son âme à son Père Et inclinato capite,


:

2
tradidit spiritum .

Lorsquel'Église, durant la semaine sainte, nous lit le


récit de la passion, elle l'interrompt en cet endroit pour
adorer en silence.
Comme elle, prosternons-nous adorons ce crucifié
;

qui vient de rendre le dernier soupir il est vraiment le ;

Fils de Dieu Deus verus de Deo vero \


: Prenons part —
surtout, le Vendredi-saint, à l'adoration solennelle de la
Croix, qui doit, dans l'esprit de l'Église, réparer les
outrages sans nombre dont la divine victime fut acca-
blée par ses ennemis au Golgotha. Durant cette tou-
chante cérémonie, l'Église met sur les lèvres du Sauveur
innocent d'émouvantes apostrophes elles s'appliquent;

en toute lettre au peuple déicide nous pouvons les


;

écouter dans un sens tout spirituel elles feront naître


:

dans nos âmes de vifs sentiments de componction « O :

mon peuple, que t'ai-je fait et en quoi t'ai-je contristé ?


Réponds-moi. Qu'ai-je dû faire pour toi que je n'aie
point fait ? Je t'ai planté comme la plus belle de mes
vignes, et tu n'as pour moi qu'excessive amertume ;

car, dans ma soif, tu m'as donné du vinaigre à boire,


et tu as percé de la lance le côté de ton Sauveur... J'ai
frappé, à cause de toi, l'Egypte avec ses premiers-nés,
et tu m'as flagellé... Pour te tirer de l'Egypte, j'ai sub-

i.Matth. XXVII, 46: Marc. XV, 34. — 2. Joan. XIX, 30. —


3. Credo de la messe.
309

mergé Pharaon dans la mer Rouge, et toi, tu m'as livré


aux princes des prêtres... Je t'ai ouvert un passage au
milieu des flots, et toi, tu m'as ouvert le côté avec la
lance... J'ai marché devant toi comme une colonne lu-
mineuse, et toi, tu m'as conduit au prétoire de Pilate...
Je t'ai nourri de la manne au désert, et toi, tu m'as
meurtri de soufflets et de coups... Je t'ai donné un scep-
tre royal, et toi, tu as mis sur ma tête une couronne
d'épines... Je t'ai élevé parmi les nations en déployant
une grande puissance, et toi, tu m'as attaché au gibet
de la croix » !

Laissons toucher nos cœurs par ces plaintes d'un


Dieu souffrant pour les hommes unissons-nous à cette ;

obéissance pleine d'amour qui l'a conduit à l'immola-


tion de la croix Factus obediens usque ad mortem,
:

mortem autem crucis \ Disons-lui « O divin Sauveur, :

qui avez tant souffert pour notre amour, nous vous pro-
mettons de tout faire pour ne plus pécher faites, par ;

votre grâce, ô Maître adorable, que nous mourions à


tout ce qui est péché, attache au péché, à la créature,
que nous ne vivions plus que pour vous ».
Car « l'amour que le Christ nous a montré en mou-
rant pour nous, dit S. Paul, nous presse afin que ceux
qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour
celui qui est mort pour eux » Ut et qui vivunt, jam:

non sibi vivant, sed ei qui pro ipsis mortuus est \

III

Le du Christ, commencé dès l'Incarnation,


sacrifice
est achevé; du côté percé de Jésus jaillissent les sources
d'eau vive qui vont purifier et « sanctifier l'Église » Ut :

sanctificaret Ecclesiarn... Ut sit sancta et immaculata*.


C'est là le fruit parfait de cette parfaite immolation.
« Par une oblation unique, le Christ Jésus a pour tou-

i. Philipp. II, S. — 2. II Cor. V, 15. 3. Ephes. V, 26-27.


.

310 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

jours amené à la perfection ceux qui clans la suite des


temps sont sanctifiés » Una enim oblatione, consum-
:

mavit in sempiternum sanctificatos \


Comment le Christ Jésus a-t-il, par son oblation,
sanctifié l'Église ?

Comme vous le savez, notre sanctification consiste


essentiellement dans une participation à la nature divine
par la grâce sanctifiante. Cette grâce nous rend enfants
de Dieu, ses amis, justes à ses yeux, héritiers de sa
gloire.
Nous étions, par le péché, privés de la grâce, ennemis
de Dieu, exclus de la béatitude du ciel.
Par son sacrifice, le Christ a détruit le péché, et nous
a rendu la grâce. Selon l'expression de S. Paul, « le
Christ, en se laissant fixer à la croix, a lacéré la sen-
2
tence de condamnation et de mort portée contre nous »;
« il nous a réconciliés pour toujours avec son Père* ».

N'oublions pas, en effet, que le Christ représentait


l'humanité tout entière. Il s'est uni à une race péche-
resse, bien que le péché ne l'ait pas touché personnelle-
ment Absque peccato 4 ; mais « il porte sur lui les pé-
:

chés de tous les hommes » Posuit in eo imquitatem


:

omnium nostrum 5 ; il nous représente tous, et de ce chef


il a satisfait pour nous tous. Le Christ s'est rendu, par

amour, solidaire de nos péchés nous sommes devenus, ;

par grâce, solidaires de ses satisfactions.

De plus le Christ a mérité pour son Église toutes les


grâces dont elle a besoin pour former cette société qu'il
veut « sans tache, sans ride, mais sainte et immaculée ».
La valeur de ces mérites est, en effet, infinie. Pour-
quoi cela ? Est-ce que ses souffrances, si étendues et si
profondes qu'elles aient été, n'ont pas connu de limites?

i. Hebr. X, 14. — 2. Col. II. 14. — ;. Rom. Y, 10. — 4. Hebi


IV, 15. — 5. Isa. LUI, 6.
LE CHRIST S'EST LIVRÉ POUR L 'ÉGLISE 311

Certainement mais celui qui par elles a mérité pour


;

nous, est un Dieu et bien qu'il n'ait souffert que dans


;

sa nature humaine, ces douleurs et le mérite qu'elles


créent appartiennent à un Dieu c'est pourquoi leur
;

prix est sans limite.


Le Christ Jésus a donc mérité pour nous toutes les
grâces et toutes les lumières sa mort nous a rouvert
:

les portes de la vie, nous a «transportés des ténèbres à


1
la lumière » elle est « la cause de notre salut et de
:

notre sainteté » Et consummatus, factus est omnibus


:

obtemperantibus sibi, causa salutis aeternae'-.


Les sacrements, qui sont les canaux par lesquels la
grâce et la vie divine arrivent à nos âmes, n'ont de va-
leur que par le sacrifice de Jésus. Si nous sommes au-
jourd'hui en état de grâce, à quoi le devons-nous ? À
notre baptême. Et notre baptême, qui nous en a mérité
les fruits ? La^mort du Christ Jésus. De même, dans le
sacrement de pénitence, nous sommes lavés dans le
sang du Sauveur. La vertu des sacrements se puise dans
la croix ils n'ont d'efficacité qu'en continuité avec la
;

passion sainte du Christ.


Chef et tête de l'Église, le Christ a mérité pour elle
l'abondance des grâces qui la rendent « belle et glo-
rieuse ». Le zèle des apôtres, la force des martyrs, la
constance des confesseurs, la pureté des vierges s'ali-
mentent au sang de Jésus. Toutes les faveurs, tous les
dons qui réjouissent les âmes, jusqu'aux privilèges uni-
ques dont la Vierge Marie a été comblée, sont le prix
de ce sang précieux. Et comme ce prix est infini, il n'y
a point de grâce que nous ne puissions espérer, en nous
réclamant de notre Pontife et Médiateur.

En rien ne man-
sorte qu'en Jésus nous avons tout ;

que en de ce dont nous avons besoin pour notre


lui
sanctification. Et copiosa apud eu m redemptio : son
3

i. Cf. Col. I, 12-13. — 2. Hebr. V, 9. — 3. Ps. CXXIX, 7.


312 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

sacrifice offert pour tous lui a donné le droit de nous


communiquer tout ce qu'il a mérité.
Oh Si nous comprenions qu'en lui nous avons tout
! !

Que ses mérites infinis sont à nous Si nous avions une !

confiance absolue en ces mérites Durant sa vie mor- !

telle, Jésus disait aux Juifs, et nous redit maintenant à


tous Ego si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad
:

meipsum ' : « Une fois que j'aurai été élevé sur la croix,
ma puissance sera telle que je pourrai élever jusqu'à
moi tous ceux qui ont foi en moi ». Ceux qui, jadis, dans
le désert, regardaient le serpent d'airain éievé par
Moïse, étaient guéris des blessures dont ils avaient été
2
frappés à cause de leurs péchés ainsi tous ceux qui ;

me regardent avec foi et amour méritent d'être attirés à


moi, et je les élèverai jusqu'au ciel. Moi, qui suis Dieu,
j'ai consenti, par amour pour vous, à être suspendu à la
3
croix, « comme un maudit » en retourne cette humi-
;

liation, j'ai le pouvoir de vous attirer à moi, de vous pu-


rifier, de vous orner de ma grâce, et de vous élever au

ciel où je suis présentement. Je suis venu du ciel j'y ;

suis remonté, après avoir offert mon sacrifice j'ai le ;

pouvoir de vous y faire entrer avec moi, car en ceci je


suis votre précurseur j'ai la puissance de vous unir à
;

moi, d'une façon si intime que « personne ne peut arra-


cher de mes mains ceux que mon Père m'a donnés »,
et que j'ai rachetés par mon précieux sang. Et ego
vitam aeternam do eis : et non peribunt in aeternum, et
non rapiet eas quisquam de manu mea \
« Élevé de la terre, j'attirerai tout à moi ». Pensons à
cette promesse infaillible de notre pontife suprême
quand nous regardons le crucifix elle est la source de :

la plus absolue confiance. « S'il est mort pour nous,


alors que nous étions ses ennemis », quelles grâces de
pardon, de sanctification peut-il nous refuser, mainte-

i. Joan. XII. 32. — 2. Xum. XXI. 8-9. — 3. Oour. XXI. 23


fiai. III. 13. — 4. Joan. X. 28. — 5. Rom. V. 10.
;
LE CHRIST S'EST LIVRÉ POUR L'ÉGLISE 313

nant que nous détestons le péché, que nous cherchons à


nous détacher de la créature et de nous-mêmes, pour
ne plaire qu'à lui seul ?
O Père, attirez-moi au Fils !... O Christ Jésus, Fils
de Dieu, attirez-moi tout à vous !...

IV

La mort de Jésus est la source de notre confiance.


Mais pour qu'elle soit pleinement efficace, nous devons
participer nous-mêmes à sa passion sur la croix, le ;

Christ Jésus nous représentait tous mais s'il a souffert


;

pour nous tous, il ne nous applique les fruits de son


immolation que si nous nous associons à son sacrifice.
Comment prendrons-nous part à la passion de Jésus?
— De plusieurs façons.
. La première est de contempler le Christ Jésus, avec
foi et amour, dans les étapes de la voie douloureuse.
Chaque année, durant la semaine sainte, l'Église re-
vit avec Jésus, jour pour jour, heure pour heure, toutes
les phases du sanglant mystère de son divin Époux. Elle
met tous ses enfants devant le spectacle de ces souf-
frances qui ont sauvé l'humanité. Jadis, les œuvres ser-
vîtes étaient interdites durant ces saints jours il fallait ;

surseoir aux procédures, suspendre tout négoce, et les


plaidoiries n'étaient point autorisées. La pensée d'un
Homme-Dieu, rachetant le monde par ses douleurs, oc-
cupait tous les esprits, émouvait tous les cœurs. A pré-
sent, tant d'âmes, sauvées par le sang du Christ, pas-
sent ces jours dans l'indifférence ! Soyons d'autant plus
fidèlesà contempler, en union avec l'Église, les divers
épisodes de ce saint mystère. Nous y trouverons une
source de grâces sans prix.

La passion de Jésus tient une telle place dans sa vie,


elle est tellement son œuvre, il y a attaché un tel prix
314 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

qu'il a voulu que le souvenir en fût rappelé parmi nous,


non seulement une fois par an, durant les solennités de
la semaine sainte, mais chaque jour il a institué lui- ;

même un sacrifice pour perpétuer à travers les siècles la


mémoire et les fruits de son oblation du calvaire c'est ;

le sacrifice de la messe Hoc facite in meam commemo-


:

rationem \
Assister à ce saint sacrifice ou l'offrir avec le Christ
constitue une participation intime et très efficace à la
passion de Jésus.
Sur l'autel, en effet, vous le savez, se reproduit le
même sacrifice qu'au calvaire c'est le même pontife, ;

Jésus-Christ, qui s'offre à son Père par les mains du


prêtre c'est la même victime
; seule diffère la manière
;

de l'offrir. Nous disons parfois « Oh si j'avais pu me : !

trouver au Golgotha avec la Vierge, S. Jean, Made-


leine » Mais la foi nous met devant Jésus s'immolant
!

sur l'autel il y renouvelle, d'une façon mystique, son


;

sacrifice, pour nous donner part à ses mérites et à ses


satisfactions. Nous ne le voyons pas des yeux du
corps mais la foi nous dit qu'il est là, aux mêmes fins
;

pour lesquelles il s'offrait sur la croix. Si nous avons


une foi vive, elle nous fera nous prosterner aux pieds
de Jésus qui s'immole elle nous unira à lui, à ses
;

sentiments d'amour envers son Père et envers les hom-


mes, à ses sentiments de haine contre le péché; elle nous
fera dire avec lui « Père, me voici, pour faire votre vo-
:

lonté » Ecce venio, ut faciam, Deus, voluntatem tuam \


:

Nous entrerons surtout dans ces sentiments, si après


nous être offerts, avec Jésus, nous nous unissons à lui
par la communion sacramentelle. Le Christ alors se
donne lui-même à nous, comme celui qui vient expier
et détruire en nous le péché. Sur la croix, il nous a fait
mourir avec lui au péché « J'ai été, dit S. Paul, cru-
:

i. Luc. XXII, 19; I Cor. XI, 24. — 2. Hebr. X. 7; cf. Ps.


XXXIX, 8-9.
LE CHRIST S EST LIVRÉ POUR L 'ÉGLISE 315
1
cifié avec le Christ ». En ces instants suprêmes, le
Christ ne nous a pas séparés de lui il nous a donné de ;

ruiner en nous le règne du mal, cause de sa mort, afin


que nous fissions partie de « l'assemblée sainte et irré-
préhensible des élus » Sine ruga, sine macula.
:

Enfin nous pouvons encore nous associer à ce mys-


tère en supportant, par amour pour le Christ, les souf-
frances et les adversités que, dans les desseins de sa
providence, il nous donne à subir.
Quand Jésus se rendait au Calvaire, ployé sous sa
lourde croix, il a succombé sous le fardeau lui, que ;

l'Écriture appelle « la Force de Dieu », Virtus Dei\


nous le voyons humilié, faible, prosterné à terre. Il est
incapable de porter sa croix. C'est un hommage que
rend son humanité à la puissance de Dieu. S'il voulait,
Jésus pourrait, malgré sa faiblesse, porter sa croix jus-
qu'au calvaire mais, en ce moment, la divinité veut,
;

pour notre salut, que l'humanité sente sa faiblesse, afin


qu'elle nous mérite la force de supporter nos souf-
frances.
A nous aussi, Dieu donne une croix à porter, et
chacun pense que la sienne est la plus lourde. Nous de-
vons l'accepter, sans raisonnner, sans dire « Dieu au- :

rait pu changer telle ou telle circonstance de mon exis-


tence ». Notre-Seigneur nous dit « Si quelqu'un veut :

5
être mon disciple, qu'il prenne sa croix, et me suive .

Dans cette acceptation généreuse de notre croix, nous


trouverons l'union avec le Christ. Car remarquez bien
qu'en portant notre croix, nous prenons vraiment notre
part de celle de Jésus. Considérez ce qui est raconté
dans l'Évangile. Les Juifs, voyant faiblir leur victime,
et craignant qu'elle n'arrive pas jusqu'au Calvaire, ar-
rêtent, chemin faisant, Simon le Cyrénéen et le forcent

i. Gai. II, 19. — 2. Cf. I Cor. I, 24. — 3. Matth. XVt, 24 ;

Marc. VIII, 34; Luc. IX, 23.


316 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

à aider le Sauveur \ Comme je viens de le dire, le Christ


aurait pu, s'il l'avait voulu, puiser en sa divinité la force
nécessaire mais ; il a consenti à être secouru. Il veut
nous montrer par que chacun de nous doit l'aider à

porter sa croix. Notre-Seigneur nous dit « Agréez :

cette part que, dans ma prescience divine, au jour de


ma passion, je vous ai réservée de mes souffrances ».
Comment refuserions-nous d'accepter, des mains du
Christ, cette douleur, cette épreuve, cette contradiction,
cette adversité ? de boire quelques gouttes à ce calice
qu'il nous présente lui-même et auquel il a bu le pre-
mier ? Disons-lui donc « Oui, divin Maître, j'accepte
:

cette part, de tout cœur, parce qu'elle vient de vous >:


Prenons-la donc, comme le Christ prit sa croix, par
amour pour lui et en union avec lui. Nous sentirons par-
fois, sous le fardeau, fléchir nos épaules S. Paul nous ;

fait l'aveu que certaines heures de son existence étaient


si pleines d'ennui et de contrariétés que « la vie même

lui était à charge » Ut taederet nos etiam vivere *.


:

Mais, comme le grand Apôtre, regardons celui qui nous


a aimés jusqu'à se livrer pour nous à ces heures où le ;

corps est torturé, où l'âme est broyée, où l'esprit vit


dans les ténèbres, où se fait sentir l'action profonde de
l'Esprit en ses opérations purificatrices, unissons-nous
au Christ avec plus d'amour encore. Alors la vertu et
l'onction de sa croix se communiqueront à nous, et nous
y trouverons, avec la force, la paix et cette joie inté-
rieure qui sait sourire au milieu de la souffrance Su- :

3
perabundo gaudio in omni tribulatione nostra .

Ce sont là les grâces que Notre-Seigneur nous a mé-


ritées. Quand, en effet, il montait au calvaire, aidé du
Cyrénéen, le Christ Jésus, Homme-Dieu, pensait à tous
ceux qui, dans le cours des siècles, l'aideraient à porter
sa croix en acceptant la leur il méritait, pour eux, à ce
;

i. Matth. XXVII, 32; Marc. XV. 21. — --. Il Cet. I. 8. —


3. Ibid. VIT, 4.
LE CHRIST S'EST LIVRÉ POUR L 'ÉGLISE 317

moment, des grâces inépuisables de force, de résigna-


tion et d'abandon qui leur feraient dire comme lui :

1
« Père, que votre volonté soit faite et non la mienne » !

— Pourquoi donc ?
Il y a une vérité capitale que nous devons méditer.

Le Verbe incarné, chef de l'Église, a pris sa part, la


plus grande, des douleurs mais il veut laisser à l'É- ;

glise, qui est son corps mystique, une part de souf-


france. S. Paul nous le fait entendre par une parole pro-
fonde malgré son aspect étrange « Ce qui manque aux :

souffrances du Christ je l'achève dans ma propre chair,


2
pour son corps qui est l'Église ». Manque-t-il donc
quelque chose aux souffrances du Christ ? Non certes.
Elles ont été surabondantes, immenses et leur mérite ;

est infini Et copiosa apud eum redemptio. Il ne man-


:

que rien aux souffrances par lesquelles le Christ nous a


sauvés. Alors pourquoi S. Paul parle-t-il de « complé-
ment » qu'il y apporte ? S. Augustin nous donne la ré-
ponse « Le Christ total, dit-il, est formé par l'Église
:

unie à son chef, à sa tête, qui est le Christ ; le chef a


souffert tout ce qu'il devait souffrir ; il reste que les
membres, s'ils veulent être dignes du chef, doivent, à
leur tour, soutenir leur part de douleurs » hnpletae :

étant omnes passiones, sed in capite restabant adhuc


:

Christi passiones in corpore ; vos autem cstis corpus


Christi et membra*.
Nous avons donc, comme membres du Christ, à nous
joindre à ses souffrances le Christ nous a réservé une
;

participation à sa passion mais en le faisant, il a placé;

à côté de la croix, la force nécessaire pour la porter.


Car, dit S. Paul, le Christ « ayant expérimenté la souf-
france, est devenu pour nous un pontife plein de com-
4
passion ».

i. Luc. XXII, 42.—2. Col. I, 24.— 3. Enarrat. in Ps. LXXXVI,


5. — 4- Cf. Hebr. II, 17-18; IV, 15; Y, 2.
318 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

11 y a plus encore nous ayant obtenu la grâce de


:

porter notre croix avec lui, le Christ Jésus nous donnera


également de partager sa gloire, après que nous aurons
été associés à ses souffrances Si tamen compatimur, ut:

et conglorificemur\ Pour nous comme pour lui, cette


gloire sera mesurée à notre « passion ». La gloire de
Jésus est infinie, parce que dans sa passion, il a, étant
Dieu, touché l'abîme de la souffrance et de l'humilia-
tion. Et c'est « parce qu'il s'est anéanti si profondément
que Dieu lui a donné une telle gloire * Propter quod :

et Deas exaltavit illum \


La passion de Jésus, en effet, si capitale qu'elle soit
dans sa nécessaire qu'elle soit à notre salut et à
vie, si
notre sanctification, ne termine pas le cycle de ses mys-
tères.
Vous avez remarqué, en lisant l'Évangile, que quand
Notre-Seigneur parle de sa passion aux apôtres, il
ajoute toujours qu' « il ressuscitera le troisième jour » :

z
Et tertia die resurget Ces deux mystères s'enchaînent
.

également dans la pensée de S. Paul, soit qu'il parle du


Christ seul, soit qu'il fasse allusion au corps mystique'.
Or, la résurrection marque pour Jésus l'aurore de sa
vie glorieuse.
C'est pourquoi l'Église, quand elle commémore solen-
nellement les souffrances de son Époux, mêle à ses sen-
timents de compassion des accents de triomphe. Les
ornements de couleur noire ou violette, le dépouillement
des autels, les « lamentations » empruntées à Jérémie,
le silence des cloches attestent l'amère désolation qui

étreint son cœur d'Épouse en ces jours anniversaires


du grand drame. —
Et quelle hymne fait-elle alors re-
tentir ? Un chant de triomphe et de gloire Vexilla :

i. Rom. VIII, 17. — 2. PhUipp. II, 9. — 3. Matth. XVI. 21



;

XVII, 22; XX, 19. 4. Rom. IV. 25; V. 1-2.


LE CHRIST S'EST LIVRÉ POUR L'ÉGLISE 319

Régis prodeunt : « L'étendard du roi s'avance, voici


briller le mystère de la croix... Tu es beau, tu es écla-
tant, arbre paré de la pourpre royale... Heureux es-tu
d'avoir porté, suspendu à tes bras, celui qui fut le prix
du monde!... Vous nous donnez, ô Dieu, la victoire
par la croix daignez nous sauver, nous régir à ja-
;

mais » « Exalte, ô ma langue, les lauriers d'une action


!

glorieuse Sur les trophées de la croix, proclame le


!

grand triomphe le Christ, Rédempteur du monde, sort


;

vainqueur du combat en se livrant à la mort ». « Le


Christ est vainqueur par la croix » Regnavit a ligna :

Deus. La croix représente les humiliations du Christ ;

mais depuis le jour où Jésus y fut attaché, elle occupe


la place d'honneur dans nos églises^ Instrument de
notre salut, la croix est devenue pour le Christ le prix
de sa gloire Nonne haec oportuit pati Christian, et ita
:

intrare in gloriam suam * ?


Il en est de même pour nous. La souffrance n'a pas

le dernier mot dans la vie chrétienne. Après avoir par-


ticipé à la passion du Sauveur, nous communierons
aussi à sa gloire.

La veille même
de sa mort, Jésus disait à ses disci-
ples : Vos permansistis mecum in tentationibus
estis qui
meis : « Vous êtes demeurés avec moi dans mes épreu-
ves » et il ajoute aussitôt « Et moi, en retour, je vous
; :

prépare un royaume, comme mon Père me l'a préparé »:


Et ego dispono vobis sicut disposuit mihi Pater meus
regnum 2 Cette promesse divine nous regarde égale-
.

ment. Si nous sommes « restés avec Jésus dans ses


épreuves », si nous avons souvent contemplé, avec foi
et amour, ses souffrances, le Christ viendra, quand son-
nera notre dernière heure, nous prendre avec lui pour
nous faire entrer dans le royaume de son Père.
Le jour arrivera, plus tôt que nous ne pensons, où la

i. Luc XXIV, 26. — 2. Ibid. XXII, 2S-29.


320 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

mort sera proche nous serons étendus sur notre


;

couche, sans mouvement ceux qui nous entoureront


;

nous regarderont, silencieux dans leur impuissance à


nous aider nous n'aurons plus aucun contact vital avec
;

le monde extérieur l'âme sera seule à seul avec le


;

Christ. Nous saurons


alors ce que c'est que d'être
« resté avec luidans ses épreuves » nous l'entendrons ;

nous dire, dans cette agonie qui est maintenant la nôtre,


suprême et décisive « Vous ne m'avez pas quitté dans
:

mon agonie, vous m'avez accompagné quand j'allais au


Calvaire mourir pour vous me voici maintenant je
; ;

suis près de vous pour vous aider, pour vous prendre


avec moi ne craignez pas, ayez confiance, c'est moi! »
;

Ego sum, nolite timere / Nous pourrons alors redire


'

en toute assurance la parole du psalmiste Etsi ambu- :

lavero in medio umbrae mortis, non timebo mala ; quo-


niam ta mecum es 2 ; « O Seigneur, maintenant que les
ombres mêmes de la mort m'environnent déjà, je suis
sans crainte, parce que vous êtes avec moi » !

i. Luc. XXIV, 36; Joan. VI, 20. — 2. Ps. XXII, 4.


XIV. —
SUR LES PAS DE JESUS,
DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE.

Sommaire. —
I. Pourquoi la contemplation des douleurs

du Verbe incarné est souverainement féconde pour les


âmes aucun détail n'est négligeable dans la passion
:

du Christ, Fils de Dieu, objet des complaisances du


Père; Jésus manifeste particulièrement ses vertus au
cours de sa passion; toujours vivant, il produit en nous
la perfection que nous contemplons dans son immola-
tion. —
II. Méditations sur les « stations » du chemin
de la croix.

La Passion constitue le « saint des saints » des mys-


tères de Jésus. Elle est le couronnement de sa vie pu-
blique, le sommet de sa mission ici-bas, l'œuvre vers
laquelle toutes les autres convergent ou à laquelle elles
puisent leur valeur.
Chaque année, durant la semaine sainte, l'Église en
commémore, en détail, les diverses phases chaque ;

jour, au sacrifice de la messe, elle en renouvelle le sou-


venir et la réalité pour nous en appliquer les fruits.
A cet acte central de la liturgie se rattache une prati-
que de piété qui, sans appartenir au culte public officiel,
organisé par l'Épouse du Christ, est devenue, à cause de
l'abondance des grâces dont elle est la source, très
chère aux âmes fidèles. C'est la dévotion à la passion de
Jésus sous la forme très connue du « chemin de la
croix ».
La préparation immédiate que le Sauveur a faite à
son oblation de pontife sur le calvaire fut de porter sa
Le Christ dans ses mystères. «
322 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

croix, du prétoire au Golgotha, accablé sous les souf-


frances et les opprobres.
La Vierge Marie et les premiers chrétiens ont dû plus
d'une fois, dans la suite, refaire pieusement cet itiné-
raire, en arrosant de leurs larmes les endroits sanctifiés
par douleurs de l'Homme-Dieu.
les
Vous savez aussi avec quel élan et quelle ferveur les
fidèles d'Occident entreprenaient au moyen-âge le long
et pénible pèlerinage des Lieux Saints afin d'y vénérer
les traces sanglantes du Sauveur :leur piété s'alimen-
tait à une source féconde de grâces sans prix. Rentrés
dans leurs pays, ils avaient à cœur de conserver le sou-
venir des jours passés à Jérusalem dans la prière. On
en vint, surtout à partir du XV siècle, à reproduire un
e

peu partout les sanctuaires et les « stations » de la ville


sainte. La piété des fidèles trouvait ainsi à se satisfaire
par un pèlerinage spirituel renouvelé à volonté. Dans
la suite, à une époque relativement récente, l'Église a
enrichi cette pratique des mêmes indulgences gagnées
par ceux qui parcourent à Jérusalem la suite des « sta-
tions ».

Cette contemplation des souffrances de Jésus est très


féconde. Je suis convaincu qu'en dehors des sacrements
et des actes de la liturgie, il n'y a pas de pratique plus
utilepour nos âmes que le chemin de la croix fait avec
dévotion. Son efficacité surnaturelle est souveraine.
Pourquoi cela ?
D'abord parce que la passion de Jésus est son œuvre
par excellence presque tous les détails en ont été
;

prédits il n'y a pas de mystère de Jésus dont les cir-


;

constances aient été annoncées avec tant de soin par le


psalmiste et les prophètes. Et quand on lit, dans l'Évan-
gile, le récit de la passion, on est frappé de l'attention
DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE 323

qu'apporte le Christ Jésus à « réaliser » ce qui a été


annoncé de lui. S'il permet la présence du traître à la

cène, c'est « pour que soit vérifiée la parole de l'Écri-


ture * » il dit lui-même aux Juifs qui sont venus le sai-
;

sir qu'il se livre à eux « afin que l'Écriture soit accom-


plie » : Ut adimplerentur Scripturae \ Sur la croix,
« tout allait être consommé », dit S. Jean, lorsque le

Sauveur se souvint que le psalmiste avait prédit de lui :

3
€ Dans ma soif, ils m'abreuveront de vinaigre ». Alors,
pour que cette prophétie toute de détail, s'accom- — —
plît encore, Jésus s'écria : « J'ai soif ». Postea, sciens
Jésus quia omnia consummata sunt, UT consummaretur
Scriptura, dixit : Sitio \ Rien, en ceci, n'est petit ni né-
gligeable, parce que tous ces détails marquent les gestes
d'un Homme-Dieu.
Toutes ces actions de Jésus sont l'objet des complai-
sances de son Père. Le Père contemple son Fils avec
amour non seulement au Thabor, quand le Christ est
dans tout l'éclat de sa gloire mais aussi quand Pilate ;

le montre à la foule, couronné d'épines, et devenu le


rebut de l'humanité le Père enveloppe son Fils de re-
;

gards d'infinie complaisance aussi bien dans les igno-


minies de la passion que dans les splendeurs de la
transfiguration : Hic est Filius meus dilectus in quo
5
mihi bene complacui Et quelle en est la raison ? .

Que Jésus, durant sa passion, honore et glorifie son


Père dans une mesure infinie, non seulement parce qu'il
est le Fils de Dieu, mais encore parce qu'il s'abandonne
à tout ce que la justice et l'amour de son Père récla-
ment de lui. S'il a pu dire., au cours de sa vie publique,
qu' « il accomplissait tout ce qui était agréable à son
Père » Quae placita sunt ei facio semper% cela est
:

particulièrement vrai de ces heures où, pour reconnaître


les droits de la majesté divine outragée par le péché, et

i. Joan.XIII, 18. — 2. Matth. XXVI, 56. — 3. Ps. LXVI1I, 22.


— 4. Joan. XIX, 28. — 5. Matth. XVII, 15. — 6. Joan. VIII, 29.
324 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

sauver le monde, il s'est livré à la mort, et à la mort de


la croix : Ut cognoscat mundus quia diligo Patrem \ —
« Le Père l'aime d'un amour sans limite parce qu'il
donne sa vie pour ses brebis et que par ses souffrances,
ses satisfactions, il mérite pour nous tous les grâces qui
nous rendent l'amitié de son Père » propterea me :

diligit Pater, quia ego pono animam meam


2
.

Nous devons encore aimer à méditer la passion parce


que c'est là aussi que le Christ fait éclater ses vertus. II
possède toutes les vertus en son âme, mais l'occasion
de les manifester se produit surtout dans sa passion.
Son amour immense pour son Père, sa charité pour les
hommes, la haine du péché, le pardon des injures, la
patience, la douceur, la force, l'obéissance à l'autorité
légitime, la compassion, toutes ces vertus éclatent d'une
façon héroïque dans ces jours de douleurs.
Lorsque nous contemplons Jésus dans sa passion,
nous voyons l'exemplaire de notre vie, le modèle, —
admirable et accessible tout à la fois, de ces vertus —
de componction, d'abnégation, de patience, de résigna-
tion, d'abandon, de charité, de douceur, que nous devons
pratiquer pour devenir semblables à notre divin chef :

Si quis vult post me venue, abneget semetipsum, et tol-


lat crucem suam, et sequatur me*.

Il y a un troisième aspect que nous oublions trop sou-

vent et dont l'importance est pourtant extrême. Lorsque


nous contemplons les souffrances de Jésus, il nous
donne, d'après la mesure de notre foi, la grâce de pra-
tiquer les vertus qu'il a révélées durant ces heures sain-
tes. Comment cela ?
Quand le Christ vivait
sur la terre, « une force toute-
puissante émanait de sa personne divine, qui guérissait

i. Jean. XIV, 31. — 2. Ibid. X. 17. — 3. Matth. XVI, 24; cf.


Marc. VIII, 3-4 ; Luc. IX, 23 ; XIV, 27.
DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE 325

les corps », éclairait les esprits et vivifiait les âmes :

Virtus de Mo exibat, et sanabat omnes \


Il se passe quelque chose d'analogue lorsque nous

nous mettons en contact avec Jésus par la foi. A ceux


qui, avec amour, le suivaient sur le chemin du Golgotha
ou assistaient à son immolation, le Christ a sûrement
octroyé des grâces spéciales. Ce pouvoir, il le conserve
encore à présent et, quand en esprit de foi, pour com-
;

patir à ses souffrances, et l'imiter, nous le suivons du


prétoire au calvaire et nous nous tenons au pied de sa
croix, il nous donne ces mêmes grâces, il nous fait part
des mêmes faveurs. N'oubliez jamais que le Christ Jésus
n'est pas un modèle mort et inerte mais, toujours vi-
;

vant, il produit surnaturellement en ceux qui s'appro-


chent de lui dans les dispositions voulues, la perfection
qu'ils contemplent en sa personne.

A chaque station, notre divin Sauveur se présente à


nous avec ce triple caractère de médiateur qui nous
sauve par ses mérites, de modèle parfait de vertus su-
blimes, de cause efficace qui peut réaliser en nos âmes,
par sa toute-puissance divine, les vertus dont il nous
donne l'exemple.
Vous me direz que ces caractères se retrouvent dans
tous les mystères de Jésus-Christ. Cela est vrai, mais
avec combien plus de plénitude dans la passion, qui est
par excellence le mystère de Jésus !

C'est pourquoi si, chaque jour, durant quelques in-


stants, suspendant vos travaux, abandonnant vos préoc-
cupations, faisant taire en votre cœur les bruits des
créatures, vous accompagnez l'Homme-Dieu sur le che-
min du Calvaire, avec foi, humilité et amour, avec le
désir véritable d'imiter les vertus qu'il manifeste dans
sa passion, soyez assurés que vos âmes recevront des
grâces de choix qui les transformeront peu à peu à la

i. Luc. VI, 19.


326 LK CHHÏST DANS BBS MYSTKRKS

ressemblance de Jésus et de Jésus crucifié. Or, n est-ce ;

pas en cette ressemblance que S.Paul ramène toute la


sainteté ?
Il suffit, pour recueillir les fruits précieux de cette pra-
tique, comme pour gagner nombreuses indulgences
les
dont l'Église l'a enrichie, de nous arrêter à chaque sta-
tion et d'y méditer la passion du Sauveur. Aucune for-
mule de prière n'est prescrite, aucune forme de médita-
tion n'est imposée, pas même celle du sujet évoqué par
la « station ». La pleine liberté est laissée au goût de
chacun et à l'inspiration du Saint-Esprit.

II

Faisons maintenant ensemble le chemin de la croix ;

les considérations que je vous présenterai à chaque


station n'ont d'autre but (est-il besoin de le dire ?)
que d'aider la méditation. Chacun peut en prendre ce
qu'il veut, chacun peut varier ces considérations et ces
affections suivant ses aptitudes et les besoins de son
âme.
Avant de commencer, rappelons-nous la recomman-
dation de S. Paul « Ayez en vous les sentiments qui
:

animaient le Christ Jésus... Il s'est humilié en se faisant


obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la croix >.
Plus nous pénétrerons dans ces dispositions qu'avait le
cœur de Jésus en parcourant la voie douloureuse :

amour envers son Père, charité envers les hommes,


haine du péché, humilité et obéissance, plus nos âmes
seront remplies de grâces et de lumières, parce que le
Père éternel verra en nous une image plus parfaite de
son divin Fils.
Mon Jésus, vous avez parcouru cet itinéraire pour
mon amour en portant votre croix. Je veux le faire avec
vous et comme vous pénétrez mon cœur des sentiments
;

i. Philipp. II, 5, S.
DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE 327

qui débordaient du vôtre en ces heures saintes. Offrez


pour moi à votre Père le sang précieux que vous avez
répandu alors pour mon salut et ma sanctification.

I. JÉSUS EST CONDAMNÉ A MORT PAR PILATE.


debout devant le gouverneur romain »
« Jésus est :

Stetit ante praesidem \ Il est debout, parce que, second


Adam, il est le chef de toute la race qu'il va racheter
par son immolation. Le premier Adam avait, « par son
2
péché, mérité la mort » Stipendia enim peccati mors : .

Jésus, innocent, mais chargé des péchés du monde, doit


les expier par son sacrifice sanglant. Les princes des
prêtres, les pharisiens, son propre peuple « l'entourent
comme des taureaux furieux " ». Nos péchés crient par
leurs clameurs et exigent tumultueusement la mort du
4
juste Toile, toile, crucifige eum ! Le lâche gouver-
:

neur romain « leur livre la victime pour qu'elle soit at-


tachée à Tradidit eis illum ut crucifigeretur
la croix » :
'.

Que fait debout parce qu'il est notre


Jésus ? S'il est
6
chef si, comme dit S. Paul, « il rend témoignage » de
;

la vérité de sa doctrine, de la divinité de sa personne et


de sa mission, il s'abaisse cependant intérieurement de-
vant l'arrêt prononcé par Pilate il lui reconnaît un ;

pouvoir authentique haberes potestatem adver-


: Non
1
surn me ullam, nisi tibi datum esset desuper Dans .

cette puissance terrestre, indigne mais légitime, Jésus


voit la majesté de son Père. Et que fait-il ? « Il se livre
plus qu'il n'est livré » Tradebat judicanti se injuste \ :

Il s'humilie en obéissant jusqu'à la mort il accepte ;

volontairement pour nous, afin de nous rendre la vie,


ia sentence de condamnation Oblatus est quia ipse :

« De même que la désobéissance d'un seul


J
voluit' .

homme, Adam, a entraîné la perte d'un grand nombre,

i.Matth. XXVII, i!. —2. Rom. VI. 23. — 3. Ps. XXI, 13. —
4. Joan. XIX, 15. — 5. Ibid. 16. — b. 1 Tim. VI, 13. — 7. Joan.
XIX, ii. — S. 1 Petr. II, 23. -, 9. Isa. LUI, 7.
328 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

ainsi l'obéissance d'un seul, le Christ Jésus, les rétablira


1
dans la justice ».

Nous devons nous unir à Jésus dans son obéissance,


accepter tout ce que notre Père des cieux nous imposera
par qui que ce soit, un Hérode ou un Pilate, du moment
que leur autorité est légitime. Acceptons aussi, dès—
maintenant, la mort, en expiation de nos péchés, avec
toutes les circonstances dont il plaira à la Providence
de l'entourer acceptons-la comme un hommage rendu
;

à la justice et à la sainteté divines outragées par nos


fautes unie à celle de Jésus, elle deviendra « précieuse
;

2
aux yeux du Seigneur ».

Mon cœur sacré dans


divin Maître, je m'unis à votre
sa soumission parfaite et son abandon entier aux volon-
tés du Père. Que la vertu de votre grâce produise en
mon âme cet esprit de soumission qui me livre sans
réserve et sans murmure au bon plaisir d'en haut, à
tout ce qu'il vous plaira de m'envoyer à l'heure où je
devrai quitter ce monde.

II. JÉSUS EST CHARGÉ DE SA CROIX.

« Pilate leur livra Jésus pour être crucifié, et ils l'em-


menèrent portant sa croix » Bajulans sibi crucem 8 : .

Jésus avait fait un acte d'obéissance il s'était livré ;

aux volontés de son Père, et maintenant, le Père lui


montre ce que l'obéissance lui impose c'est la croix. :

Il l'accepte comme venant des mains de son Père, avec

tout ce qu'elle comporte de douleurs et d'ignominies. En


cet instant, Jésus acceptait le surcroît de souffrances
qu'apportait ce lourd fardeau à ses épaules meurtries,
les tortures indicibles dont ses membres sacrés seraient
affligés au moment de la crucifixion il acceptait les ;

amers sarcasmes, les haineux blasphèmes, dont ses


pires ennemis, en apparence triomphants, allaient l'ac-

i. Rom. V, 19. — 2. Ps. CXV, 15. — 3. Joan. XIX, 17.


DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE 329

câbler aussitôt qu'ils le verraient suspendu au gibet in-


fâme il acceptait l'agonie de trois heures, l'abandon de
;

son Père... Nous n'approfondirons jamais l'abîme d'af-


flictions auxquelles notre divin Sauveur a consenti en
recevant la croix. — En ce moment aussi, le Christ
Jésus, qui nous représentait tous, et qui allait mourir
pour nous, acceptait la croix pour tous ses membres,
pour chacun de nous Vere languores nostros ipse
:

tulit, etdolores nostros ipse portavit \ Il a uni alors aux


siennes toutes les souffrances de son corps mystique ;

il leur a fait puiser dans cette union leur valeur et leur

prix.
Acceptons donc notre croix en union avec lui, comme
lui, pour être de dignes disciples de ce chef divin ac- ;

ceptons-la sans raisonner, sans murmurer si lourde ;

qu'ait été pour Jésus la croix que le Père lui imposait,


a-t-elle diminué son amour, sa confiance envers son
Père ? Bien au contraire. « Je boirai le calice d'amer-
tume que mon Père me présente » Calicem quem dédit :

mihi Pater, non bibam illum? 2 Qu'il en soit ainsi de


nous. « Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il prenne
sa croix et me suive ». Ne soyons pas de ceux que
3
S. Paul appelle « ennemis de la croix de Jésus ». Pre-
nons plutôt notre croix, celle que Dieu nous impose ;

dans l'acceptation généreuse de cette croix, nous trou-


verons la paix rien ne pacifie tant l'âme qui souffre,
:

que cet abandon entier au bon plaisir de Dieu.


Mon Jésus, j'accepte toutes les croix, toutes les con-
tradictions, toutes les adversités
que le Père m'a desti-
nées que l'onction de votre grâce me donne la force
;

de porter ces croix avec le même abandon que vous


nous avez montré en recevant la vôtre pour nous.
« Que je ne cherche ma gloire qu'en la participation à
vos souffrances 4 » !

i. Isa. LU!. 4. — 2. Joan. XVIII, 11. — 3. Philipp. III, 18. —


4. Gai. VI, 14.
330 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

III. — JÉSUS TOMBE UNE PREMIÈRE FOIS.


sxsera un homme de douleurs et il connaîtra la fai-
II

blesse » : Vir dolorum, sciens infirmitatem \ Cette —


prophétie d'Isaïe s'accomplit à la lettre. Jésus, épuisé
par les souffrances de l'âme et du corps, succombe sous
le poids de la croix toute-puissance tombe de fai-
: la
blesse. Cette faiblesse de Jésus honore sa puissance di-
vine. Par elle, il expie nos péchés, il répare les révoltes
de notre orgueil et « relève le monde impuissant à se
sauver » Deus qui in Filii lui humilitate jacentem
:

munduni erexisti'... De plus, il nous méritait à ce mo-


ment la grâce de nous humilier de nos fautes, de re-
connaître nos chutes, de les avouer sincèrement il ;

nous méritait la grâce de la force qui soutient notre


faiblesse.
Avecle Christ prosterné devant son Père, détestons

les élèvements de notre vanité et de notre ambition re- ;

connaissons l'étendue de notre faiblesse. Autant Dieu


accable les superbes, autant l'humble aveu de notre in-
firmité attire sa miséricorde Quomodo miseretur pater
:

filiorum... quoniam ipse cognovit fîgmentum nostrum'.


Crions miséricorde à Dieu dans les moments où nous
sentons que nous sommes faibles en face de la croix, de
la tentation, de l'accomplissement de la volonté divine :

Miserere mei, Domine, quoniam infirmus sum \ C'est en


proclamant alors humblement notre infirmité qu'écla-
tera en nous le triomphe de la grâce qui, seule, peut
nous sauver Virtus in infirmitate perficitur \
:

O Christ Jésus, prosterné sous votre croix, je vous


c
adore. « Force de Dieu », vous vous montrez accablée
de faiblesse pour nous apprendre l'humilité et confondre
nos orgueils. « O pontife, plein de sainteté, qui avez

i.Cf. Isa. LUI, 3. — 2. Oraison du II e Dim. après Pâques. —


7. Ps. Cil, 13-14. — 4. Ibid. VI. 3. — 5. II Cor. XII, 0. — 6. I

Cor. I, 24.
DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE 331

passé par nos épreuves afin de nous ressembler et de


pouvoir compatir à nos infirmités * », ne m'abandonnez
pas à moi-même, car je ne suis que faiblesse « que ;

votre force demeure en moi », afin que je ne succombe


pas au mal : Ut inhabitet in me virtus Chrisii \

IV. JÉSUS RENCONTRE SA MERE.

Le jour est venu pour la Vierge Marie où doit se


réaliser pleinement en elle la prophétie de Siméon :
« Un glaive percera votre âme ».
3
De même qu'elle —
s'était unie à Jésus en l'offrant jadis au Temple, elle
veut plus que jamais entrer dans ses sentiments et par-
tager ses souffrances, à cette heure où Jésus va con-
sommer son sacrifice. Elle se rend au Calvaire où elle
sait que son Fils doit être crucifié. Sur la route, elle le
rencontre. Quelle immense douleur de le voir dans cet
affreux état Leurs regards s'échangent, et l'abîme des
!

souffrances de Jésus appelle l'abîme de la compassion


de sa Mère. Que ne ferait-elle pas pour lui !

Cette rencontre fut à la fois une source de douleur et


un principe de joie pour Jésus. Une douleur, en voyant
fa profonde désolation en laquelle son état si triste
plongeait l'âme de sa mère une joie, à la pensée que
;

ses souffrances allaient payer le prix de tous les privi-


lèges dont elle était et devait être comblée.
C'est pourquoi il s'arrête à peine. Le Christ avait le
cœur le plus tendre qui soit au tombeau de Lazare, il ;

versait des larmes il pleurait sur les malheurs de Jéru-


;

salem. Jamais fils n'a aimé sa mère comme lui quand ;

il l'a rencontrée si désolée sur la route du calvaire, il a

dû sentir s'émouvoir toutes les fibres de son cœur. Et


pourtant, il passe outre, il continue son chemin vers le
lieu de son supplice, parce que c'est la volonté de son
Père. Marie s'associe à ce sentiment, elle sait que tout

j. Hebr. IV, 15. — 2. II Cor. XII, 9. — 3*. Luc. II, 35.


332 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

doit s'accomplir pour notre salut elle prend sa part ;

des souffrances de Jésus en le suivant jusqu'au Gol-


gotha, où elle deviendra corédemptrice.
Rien d'humain ne doit nous retenir dans notre marche
vers Dieu aucun amour naturel ne doit entraver notre
;

amour pour le Christ nous devons passer outre pour


:

lui demeurer unis.


Demandons à la Vierge de nous associer à la contem-
plation des souffrances de Jésus et de nous donner part
à la compassion qu'elle lui témoigne, afin d'y puiser la
haine du péché qui a exigé une telle expiation. Il a plu
parfois à Dieu, pour manifester sensiblement le fruit
que produit la contemplation de la Passion, d'imprimer
dans le corps de quelques saints, comme S. François
d'Assise, les stigmates des plaies de Jésus. Nous ne
devons pas désirer ces marques extérieures mais nous ;

devons demander que l'image du Christ souffrant soit


imprimée dans notre cœur. Sollicitons de la Vierge cette
grâce précieuse Sancta mater istud agas, crucifixi
:

fige plagas cordi meo valide \


O Mère, « voilà votre Fils » par l'amour que vous ;

lui portez, faites que le souvenir de ses souffrances nous

suive partout c'est en son nom que nous vous le de-


;

mandons nous le refuser, serait le refuser à lui-même


;

puisque nous sommes ses membres. O Christ Jésus,


voilà votre Mère à cause d'elle, accordez-nous de
;

compatir à vos douleurs pour vous devenir semblables.

V. SIMON LE CYRÉNÉEN AIDE JÉSUS A PORTER SA CROIX.

« Comme ils sortaient, ils rencontrèrent un homme


de Cyrène nommé Simon qu'ils réquisitionnèrent pour
porter la croix de Jésus
2
». — Jésus est épuisé ; bien
qu'il soit le Tout-Puissant, il veut que sa sainte huma-
nité, chargée de tous les péchés du monde, éprouve le

i. Prose Stabat Mater. — 2. Matth. XXVII. 32 : Marc. XV, 21.


DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE 333

poids de la justice et de l'expiation. Mais il veut que


nous l'aidions à porter sa croix. Simon nous représente
tous, et c'est à nous tous que le Christ demande de par-
tager ses souffrances on n'est son disciple qu'à cette
:

condition. « Si quelqu'un veut marcher sur mes traces,


qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. » Le Père a dé-
cidé qu'une part de douleurs serait laissée au corps
mystique de son Fils, qu'une portion de l'expiation se-
rait subie par ses membres Adimpleo ea quae desunt :

passionum Christi in carne mea pro corpore ejus, quod


est Ecclesia \ Jésus le veut aussi, et c'est pour signifier
ce décret divin qu'il a accepté l'aide du Cyrénéen.
Mais en même temps, il nous a mérité en ce moment
la grâce de la force pour soutenir généreusement les
épreuves il a mis dans sa croix l'onction qui rend la
:

nôtre tolérable car en portant notre croix, c'est bien


;

la sienne que nous acceptons. Il unit nos souffrances à


sa douleur, et il leur confère, par cette union, une valeur
inestimable, source de grands mérites. « Comme ma
divinité a attiré à soi, disait Notre-Seigneur à sainte
Mechtilde, les souffrances de mon humanité et les a
faites siennes (c'est la dot de l'épouse), ainsi je trans-
porterai tes peines dans ma divinité, je les unirai à ma
passion, et je te ferai participer à cette gloire que mon
Père a conférée à ma sainte humanité pour toutes ses
3
souffrances ».

C'est ce que S. Paul nous fait entendre dans sa lettre


aux Hébreux afin de nous encourager à tout supporter
pour l'amour du Christ: « Courons avec persévérance
dans la carrière qui nous est ouverte, les yeux fixés sur
Jésus, le guide et le consommateur de la foi au lieu de ;

la joie qui lui était offerte, méprisant l'ignominie, il a


souffert la croix,et, depuis lors, il a mérité d'être assis

à la droite du trône de Dieu. Considérez celui qui a —


I. Col. I, 24. — 2. Le livre de la grâce spéciale, II 6 partie, chap.
XXXVI.
334 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

supporté contre sa personne une si grande contradiction


de la part des pécheurs afin de ne pas vous laisser
abattre par le découragement * ».
Mon Jésus, j'accepte de votre main les parcelles que
vous détachez pour moi de votre croix j'accepte toutes ;

les contrariétés, les contradictions, les peines, les dou-


leurs que vous permettez ou qu'il vous plaît de m'en-
voyer je les accepte comme part d'expiation unissez
; ;

ce peu que je fais à vos souffrances indicibles, car c'est


d'elles que les miennes tireront tout leur mérite.

VI. UNE FEMME ESSUIE LE VISAGE DE JESUS.

La femme, prise de compas-


tradition rapporte qu'une
sion, s'approcha de Jésus et lui tendit un linge pour
essuyer sa face adorable.
Isaïe avait prédit de Jésus souffrant qu' « il n'aurait
plus ni forme ni beauté, qu'il serait rendu méconnais-
sable » Non est species ei, neque décor, nec reputa-
:

vimus eum \ L'Évangile nous dit que les soldats lui don-
naient d'insolents soufflets, qu'ils lui crachaient à la
face le couronnement d'épines avait fait découler le
;

sang sur sa figure sacrée. Le Christ Jésus a voulu souf-


frir tout cela pour expier nos péchés; « il a voulu nous
guérir par les meurtrissures » qu'a subies sa face di-
vine Livore ejus sanati sumus
:
'.

Étant notre frère aîné, il nous a rendu, en se substi-


tuant à nous dans sa passion, la grâce qui fait de nous
les enfants de son Père. « Nous devons lui être sem-
blables, puisque telle est la forme même de notre pré-
destination » Conformes fieri imaginis Filii sni *. Com-
:

ment cela ? Tout défiguré qu'il est par nos péchés, le


Christ dans sa passion demeure le Fils bien-aimé, objet
de toutes les complaisances de son Père. Nous lui

i. Hebr. XII. 1-3. — 2. Isa. LUI, 1-2. — 3. Ibid. LUI, 5.



4. Rom. YIÏI, 29.
DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE 335

sommes semblables en cela, si nous gardons en nous la


grâce sanctifiante qui est le principe de notre simili-
tude divine. Nous lui sommes semblables encore en
pratiquant les vertus qu'il manifeste durant sa passion,
en partageant l'amour qu'il porte à son Père et aux
âmes, sa patience, sa force, sa mansuétude, sa douceur.
O Père céleste, en retour des meurtrissures que votre
Fils Jésus a voulu souffrir pour nous, glorifiez-le, éle-
vez-le, donnez-lui cette splendeur qu'il a méritée lors-
que sa face adorable a été défigurée pour notre salut.

VII. JÉSUS TOMBE UNE DEUXIÈME FOIS.

Considérons notre divin Sauveur succombant encore


sous le poids de sa croix. « Dieu a placé sur ses épaules
tous les péchés du inonde » Posuit Dominus in eo ini- :

quitatem omnium nostrum \ Ce sont nos péchés qui


l'écrasent il les voit tous dans leur multitude et leur
;

détail il les accepte comme siens, au point de ne pa-


;

raître plus, selon la parole même de S. Paul, qu'un


péché vivant Pro nobis peccatum fecit \ Comme Verbe
:

éternel, Jésus est tout-puissant mais il veut éprouver ;

toute la faiblesse d'une humanité écrasée cette fai- :

blesse toute volontaire honore la justice de son Père


céleste, et nous mérite la force.
N'oublions jamais nos infirmités ne nous laissons ;

jamais aller à l'orgueil si grands progrès que nous


;

croyions avoir réalisés, nous demeurons toujours fai-


bles pour porter notre croix à la suite de Jésus Sine :

me nihil potestis facere \ Seule, la vertu divine qui dé-


coule de lui devient notre force Omnia possum in eo :

qui me confortât ; mais elle ne nous est donnée que


4

si nous l'implorons souvent.


O Jésus, rendu faible pour mon amour, écrasé sous

i. Isa. LUI, 6. — 2. II Cor. V, 21. — 3. Joan. XV, 5.



4. Philipp. IV, 13.
336 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

le poids de mes péchés, donnez-moi la force qui est en

vous, afin que vous seul soyez glorifié par mes œuvres I

VIII. JÉSUS PARLE AUX FEMMES DE JÉRUSALEM.

« Jésus était suivi d'une grande foule de peuple et de


femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient
sur lui. Se tournant vers elles, Jésus dit Filles de Jé- :

rusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-


mêmes et sur vos enfants, car des jours viendront où
l'on dira : Bienheureuses celles qui furent stériles...
Et les hommes crieront aux montagnes : tombez sur
nous... Car si le bois vert est ainsi traité, que fera-t-on
du bois sec ? »
Jésus connaît les exigences ineffables de la justice et
de la sainteté de son Père. Il rappelle aux filles de Jéru-
salem que cette justice et cette sainteté sont des perfec-
tions adorables de l'Être divin. Lui, il est un « pontife
2
saint, innocent, pur, séparé des pécheurs » il ne fait ;

que se substituer à eux et pourtant, voyez de quelles


;

atteintes rigoureuses la divine justice le frappe. Si


cette justice réclame de lui une expiation si étendue,
quelle sera la force de ses coups contre les coupables
qui auront obstinément refusé jusqu'au dernier jour
d'unir leur part d'expiation aux souffrances du Christ ?
Horrendum est incidere in manus Dei viventis \ Ce jour-
là, la confusion de l'orgueil humain sera si profonde, le
supplice de ceux qui n'auront pas voulu de Dieu si ter-
rible que ces malheureux, rejetés loin de Dieu pour
toujours, grinceront des dents de désespoir ils deman- ;

deront « aux collines de les couvrir », comme si elles


pouvaient les dérober aux traits enflammés d'une jus-
tice dont ils reconnaissent avec évidence l'entière
équité...
Implorons la miséricorde de Jésus pour le jour re-

i. Luc. XXIII, 27-^1. — 2. Hebr. VII, 26. — 3. Ibid. X, 31.


DU PRETOIRE AU CALVAIRE 337

doutable où il viendra non plus en victime ployant sous


le poids de nos péchés, mais en juge souverain « à qui
le Père a remis toute puissance ' ».

O mon Jésus, faites-moi miséricorde O vous, qui !

êtes la vigne, donnez-moi de demeurer uni à vous par


la grâce et mes bonnes œuvres, afin que je porte des
fruits dignes de vous que je ne devienne pas, par
;

mes péchés, « une branche morte, bonne à être retran-


chée et jetée au feu 2 ».

IX. JÉSUS TOMBE UNE TROISIEME FOIS.

« Dieu, disait Isaïe, en parlant du Christ durant sa


passion, a voulu le briser par la souffrance » Dominas :

voluit conterere eu m in infirmitate". Jésus est écrasé


par la justice. Nous ne pourrons jamais, même au ciel,
mesurer ce que pour Jésus, que d'être soumis aux
fut
traits de Aucune créature, pas même
la justice divine.
les damnés, n'en a porté le poids dans toute sa pléni-
tude. Mais la sainte humanité de Jésus, unie à cette jus-
tice divine par un contact immédiat, en a subi toute la
puissance et toute la rigueur. C'est pourquoi, victime qui
s'est livrée par amour à tous ses coups, il est brisé par
l'accablement que fait peser sur lui cette justice sainte.
O mon Jésus, apprenez-moi à détester le péché qui
oblige la justice à réclamer de vous une telle expiation !

Donnez-moi d'unir à vos souffrances toutes mes peines,


afin que par elles je puisse effacer mes fautes et satis-
faire dès ici-bas.

X. JÉSUS EST DÉPOUILLÉ DE SES VÊTEMENTS.

« Ils se sont partagé mes vêtements et ils ont tiré ma


robe au sort
4
. » C'est la prophétiedu psalmiste. Jé- —
i. Cf. Mntth. XXVTII, 18. — 2. Cf. Joan. XV, 6. — ,. Isa. LUI,
10. — 4. Ps. XXI, 19.

Le Christ dans ses mystères. 22


338 le christ dans ses mystères

sus est dépouillé de tout et mis dans la nudité d'une


pauvreté absolue, il ne dispose pas même de ses vête-
ments car dès qu'il sera élevé en croix, les soldats se

;

les partageront et jetteront sa tunique au sort. Jésus


par un mouvement de l'Esprit-Saint Per Spiritum :

sanctum semetipsum obtulit Deo \ s'abandonne à ses


bourreaux comme victime pour nos péchés.
Rien n'est si glorieux pour Dieu ni si utile pour nos
âmes que d'unir l'offrande absolue et sans condition de
nous-mêmes à celle qu'a faite Jésus au moment où il
s'abandonnait aux bourreaux pour être dépouillé de ses
vêtements et attaché à la croix « afin de nous rendre,
2
par son dénuement, les richesses de sa grâce ». Cette
offrande de nous-mêmes est un véritable sacrifice cette ;

immolation à la volonté divine est le fond de toute la


vie spirituelle. Mais pour qu'elle acquière toute sa va-
leur, nous devons l'unir à celle de Jésus, car « c'est par
cette oblation qu'il nous a tous sanctifiés » In qua vo- :

3
luntate sanctificati sumus .

O mon Jésus, agréez l'offrande que je vous fais de


tout mon joignez-la à celle que vous avez faite à
être,
votre Père céleste, au moment où vous êtes arrivé au
Calvaire dépouillez-moi de toute attache à la créature
;

et à moi-même !

XI. — - JESUS EST ATTACHE A LA CROIX.

« Ils le crucifièrent et deux autres avec lui, un de


chaque côté, et Jésus au milieu 4 ». Jésus se livre à —
ses bourreaux « comme un agneau, sans ouvrir la
bouche ». La torture de ce crucifiement des mains et des
pieds est inexprimable. Qui pourrait dire surtout les
sentiments du cœur sacré de Jésus au milieu de ces
tourments ? Il devait répéter sans doute la parole qu'il

i.Hebr. IX, 14. — 2. TI Cor. VIII, q. — 7. Hebr. X, 10. —


4. Joan. XIX. 18.
DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE 339

monde « Père, vous ne vou-


avait dite en entrant en ce :

lez plus d'holocaustes d'animaux ils sont insuffisants :

pour reconnaître votre sainteté... mais vous m'avez


donné un corps Corpus autem aptasti mihi. Me voi-
:

Jésus regarde sans cesse la face de son Père, et


1
ci » !

avec un incommensurable sentiment d'amour, il livre


son corps pour réparer les insultes faites à la majesté
éternelle. On le crucifie entre deux larrons Factus :

obediens usque ad mortem. Et quelle mort subit-il ? La


2
mort de la croix Mortem autem crucis Pourquoi cela?
: .

Parce qu'il est écrit : « Maudit soit celui qui est sus-
8
pendu au gibet . » Il a voulu être « mis au rang des
scélérats *
», afin de reconnaître les droits souverains de
la sainteté divine.
Il se livre aussi pour nous. Jésus, étant Dieu, nous
voyait tous en ce moment ; il s'est offert pour nous ra-
cheter parce que c'est à lui, pontife et médiateur, que le
Père nous a donnés Quia tui sunt\ Quelle révélation
:

de l'amour de Jésus pour nous Majorem hac dilectio- !

nem nemo habet, ut animam suam ponat quis pro ami-


6
cis suis Il n'aurait pu faire davantage
. in jinem di- :

lexit\ Et cet amour, c'est aussi l'amour du Père et de


l'Esprit-Saint, car ils ne sont qu'un...
O Jésus, qui « en obéissant à la volonté du Père et
par la coopération du Saint-Esprit, avez donné la vie au
monde par votre mort, délivrez-moi, par votre corps
infiniment saint et votre sang, de toutes mes fautes et
de tous mes maux faites que je m'attache inviolable-
:

ment à votre loi et ne permettez pas que je me sépare


8
jamais de vous ».
H«»br. X,5-7
i. Cf. Ps. XXXIX, 8. 2. Phllipp. II, 8. — —
Deut. XXI, 23
;

Gai. III, 13. 4. Isa. LUI, 12 Marc. XV, —


3.
28: Luc. XXII, 37. 5.
;

Joan. XVII, —
9. 6. Ibid. XV, 13. — ;


7. Ibid. XIII, 1. —
8. Ordinaire de la messe.
340 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

XII. JESUS MEURT SUR LA CROIX.

« Et criantd'une voix puissante, Jésus dit Père, je :

remets mon âme entre vos mains. Et ayant dit ces


paroles, il expira ».
l

Après trois heures de souffran-
ces indicibles, Jésus meurt. « La seule oblation digne de
Dieu, l'unique sacrifice qui rachète le monde, et sanctifie
les âmes est accompli » Una enim oblatione consum-
:

mavit in sempiternum sanctificatos *.


Le Christ Jésus avait promis que « quand il aurait été
élevé sur la croix il attirerait tout à lui » Et ego si :

exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum *.


Nous sommes à lui à un double titre comme créatures :

tirées du néant par lui, pour lui comme des âmes ;



« rachetées par son sang » précieux Redemisti nos, :

Domine, in sanguine tuo \ Une seule goutte du sang de


Jésus, Homme-Dieu, aurait suffi pour nous sauver, car
tout en lui a une valeur infinie mais, parmi tant d'au-
;

tres raisons, il l'a voulu répandre jusqu'à la dernière


goutte en faisant percer son cœur sacré, afin de nous
manifester l'étendue de son amour. Et c'est pour —
nous tous qu il Ta versé chacun peut redire en toute
;

vérité la brûlante parole de S. Paul t II m'a aimé, et :

s'est livré pour moi ° » !

Demandons-lui de nous attirer à son cœur sacré par


la vertu de sa mort sur la croix demandons-lui « de ;

mourir à nos amours-propres, à nos volontés propres,


sources de tant d'infidélités et de péchés, et de vivre
pour celui qui est mort pour nous ». Puisque c'est à sa
mort que nous devons la vie de nos âmes, n'est-il pas
juste que nous ne vivions que pour lui ? Ut et qui vivunt.
jam non sibi vivant, sed ei qui pro ipsis mortuus est .

O Père, glorifiez votre Fils suspendu au gibet. « Puis-


qu'il s'est abaissé jusqu'à la mort et à la mort de la

i. Luc. XXIII, 46. — 2. Hcbr. X, 14. — 3. Joan. XII, 32.



4. Apoc. V. q. —5. Gai. ÏT. 20. — 6. TI Cor. V. 15.
DU PRÉTOIRE AU CALVAIRE 341

croix, élevez-le ;
que soit exalté le nom que vous lui

avez donné que tout genou fléchisse devant lui


;
que ;

toute langue confesse que votre Fils Jésus vit désormais


dans votre gloire éternelle ! »

XIII. LE CORPS DE JESUS EST DESCENDU DE LA CROIX


ET REMIS A SA MÈRE.

Le corps meurtri de Jésus est rendu à Marie. Nous


ne pouvons imaginer la douleur de la Vierge à ce mo-
ment. Jamais mère n'a aimé son enfant comme Marie a
aimé Jésus son cœur de mère a été façonné par i'Es-
;

prit-Saint pour aimer un Homme-Dieu. Jamais cœur


humain n'a battu avec plus de tendresse pour le Verbe
incarné que le cœur de Marie car elle était pleine de
;

grâce, et son amour ne rencontrait point d'obstacle à


son épanouissement.
Puis elle devait tout à Jésus son immaculée concep- ;

tion, les privilèges qui font d'elle une créature unique lui
avaient été donnés en prévision de la mort de son Fils.
Quelle douleur inexprimable fut la sienne, lorsqu'elle
reçut dans ses bras le corps ensanglanté de Jésus !

Jetons-nous à ses pieds pour lui demander pardon


des péchés qui furent la cause de tant de souffrances ;

« O Mère, source d'amour, faites-moi comprendre la


force de votre douleur, afin que je partage votre afflic-
tion ; faites que mon cœur soit embrasé d'amour pour
le Christ, mon Dieu, afin que je ne songe qu'à lui
plaire *
! »

XIV. JÉSUS EST DÉPOSÉ DANS LE TOMBEAU.

« Joseph d'Arimathie ayant descendu de la croix le


corps de Jésus, l'enveloppa d'un linceul, et le déposa

i. Prose Stabat Mater.


H42 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne n'avait


L
encore été mis » .

S. Paul disait que le Christ devait nous être « sem-


2
blable en toutes choses » jusque dans sa sépulture, ;

Jésus est l'un des nôtres « on l'ensevelit, dit S. Jean, à


:

la manière des Juifs, avec des linges et des aromates * ».


Mais le corps de Jésus, uni au Verbe, « ne devait pas
souffrir la corruption ». Il restera à peine trois jours
dans le tombeau par sa propre vertu, Jésus en sortira
;

triomphant de la mort, resplendissant de vie et de


4
gloire, et « la mort n'aura plus d'empire sur lui ».

L'Apôtre nous dit encore que « par notre baptême


nous avons été ensevelis avec le Christ pour mourir au
péché » Consepulti enim sumus cum Mo per baptis-
:

mum in mortem \ Les eaux du baptême sont comme un


sépulcre où nous devons laisser le péché, et d'où nous
sortons, animés d'une nouvelle vie, la vie de la grâce.
La vertu sacramentelle de notre baptême dure toujours.
En nous unissant par la foi et l'amour au Christ déposé
dans le tombeau, nous renouvelons cette grâce de
8
« mourir au péché afin de ne vivre que pour Dieu ».

Seigneur Jésus, que j'ensevelisse dans votre tombeau


tous mes péchés, toutes mes fautes, toutes mes infidé-
lités par la vertu de votre mort et de votre sépulture,
;

donnez-moi de renoncer de plus en plus à tout ce qui


m'éloigne de vous, à Satan, aux maximes du monde, à
mes amours-propres par la vertu de votre résurrec-
;

tion, faites que, comme vous, je ne vive plus que pour


la gloire de votre Père !

i. Luc. XXIII, 53. — 2. Hebr. II, 17. — 3. Joan. XIX, 40. —


4. Rom. VI, 9. — 5. Ibid. 4. — 6, Cf. Rom. VI, 11.
XV. — SI C0NSURREXIST1S CUM CHR1ST0
(Temps pascal)

Sommaire. L'Église appelle « sainte » la Résurrection


de Jésus. Double élément constitutif de la sainteté. —
I. Le Christ ressuscité est exempt de toute infirmité
humaine. —
II. Éclatante plénitude de la « Vie pour
Dieu » dans le Christ triomphant. III. Le baptême
inaugure en nous la grâce pascale. Doctrine de S. Paul.
Comment le chrétien, par son éloignement de tout pé-
ché et son détachement de toute créature, doit imiter,,
durant toute son existence, la liberté spirituelle du
Christ glorieux. —IV. Pleine appartenance à Dieu :

Vivent es Deo; sa réalisation dans l'âme. — v. Com-


ment, par la contemplation du mystère et la commu-
nion eucharistique, nous affermissons en nous cette
double grâce pascale. —
vi. La résurrection des corps
achève de manifester la grandeur de ce mystère glo-
rieux. Joie que fait naître en nos âmes l'union au Christ
ressuscité; Y Alléluia pascal.

Tout le mystère du Christ durant les jours de sa pas-


sion peut se résumer dans cette parole de S. Paul : Hu-
miliavit semetipsum, factus obediens usque ad mor-
tem *: « Il s'est humilié, s'étant fait obéissant jusqu'à
la mort ». Nous avons vu jusqu'à quel point le Christ
s'est abaissé il a touché le fond de l'humiliation, il a
;

choisi « lamort d'un maudit », ainsi qu'il était écrit :

Maledictus omnis qui pendet in ligne 2 .

Mais ces abîmes d'ignominies et de souffrances dans


i. Philipp. II, 8. —2. Deut. XXI, 23; Gai. III, 13.
344 LE ( HIUST DANS SES mystères

lesquels Notre-Seigneur a bien voulu descendre étaient


également des abîmes d'amour et cet amour nous a ;

mérité la miséricorde de son Père, toutes les grâces de


salut et de sanctification.
mot d'humiliation résume le mystère de la pas-
Si le
sion, y a une parole, de S. Paul également, qui réca-
il

pitule pour le Christ le mystère de sa résurrection: Vivit


Deo * : c il vit pour Dieu ». Vivit : il n'y a plus désor-
mais en lui que vie parfaite et glorieuse, sans infirmité
ni « perspective de mort » Jam non moritur, mors illi :

ultra non dominabitur ' vie tout entière pour Dieu,


:

plus que jamais vouée à son Père et à sa gloire.

Dans ses Litanies, l'Église applique certaines déno-


minations à quelques-uns des mystères de Jésus. Elle dit
de sa résurrection qu'elle est « sainte » Per sanctam :

resurrectionem tua/n. Qu'est-ce que cela veut dire ?


Tous les mystères du Christ Jésus ne sont-ils pas
saints ? Oh certainement.
! Lui-même d'abord est —
« le saint par excellence » Tu solus sanctus, chantons-:

nous à la messe dans l'hymne du Gloria. Et tous ses —


mystères sont saints. « Sa naissance est sainte » Quod :

nascetur ex te Sanctum ; sa vie est toute sainte « il


:;

a toujours accompli ce qui était agréable à son Père * •

et vous savez que personne n'a pu le convaincre de pé-


5
ché Sa passion est sainte il est vrai que c'est pour
. ;

les péchés des hommes qu'il meurt, mais la victime est


cependant immaculée, c'est l'agneau sans tache le ;

pontife qui s'immole lui-même est « saint, innocent,


juste, séparé des pécheurs ' ».
Pourquoi donc la Résurrection, de préférence à tout
autre mystère de Jésus, est-elle appelée « sainte » par
l'Église ?
Parce que c'est dans ce mystère que le Christ réalise

i. Rom. VI, xo. — 2. Tbid. 9. — 3. —


Luc. I. 35. 4. Joan. VITI.
29. — 5. Cf. Joan. VflT. a'.. - 6. Hfbr. VII, 26.
RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 345^

particulièrement les conditions de la sainteté parce que ;

ce mystère met principalement en relief les éléments qui


constituent formellement la sainteté humaine, laquelle
trouve son modèle et sa source dans le Christ parce ;

3
que, si, par toute sa vie, il est la voie \ la « lumière »,
s'il donne l'exemple de toutes les vertus compatibles

avec sa divinité, —
dans sa résurrection, le Christ est
surtout l'exemplaire de la sainteté.
Quels sont donc éléments constitutifs de la sain-
les
teté ? La ramener pour nous à deux
sainteté peut se
éléments l'éloignement de tout péché, le détachement
:

de toute créature et l'appartenance totale et stable à


;

Dieu.
Or ces deux caractères se retrouvent particulière-
ment, comme nous allons le voir, dans la résurrection
du Christ, à un degré d'apogée qui ne s'est pas mani-
festé avant sa sortie du tombeau bien que le Verbe in-
;

carné ait été, durant toute son existence, le « saint » par


excellence, il se révèle à nous surtout sous cet aspect,
avec une éblouissante clarté, dans sa résurrection et ;

voilà pourquoi l'Église chante Per sanctam resurrec-


:

tionem tuam.
Contemplons donc ce mystère de Jésus sortant vivant
et glorieux du sépulcre nous verrons comment la Ré-
;

surrection est le mystère du triomphe de la vie sur la


mort, du céleste sur le terrestre, du divin sur l'humain,
et qu'elle réalise éminemment l'idéal de toute sainteté.

Qu'était le Christ Jésus avant sa résurrection ?


Il Dieu et homme. Le Verbe éternel avait épousé
était
une nature appartenant à une race pécheresse sans ;

aucun doute, cette humanité n'a pas contracté le péché,


mais elle a été soumise aux infirmités corporelles com-
i. Joan. XIV. 6. — 2. Tbid. VIII, r 2 .
346 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

patibles avec la divinité, infirmités qui, en nous, sont


souvent les suites du péché Vere languores nostros
:

ipse tulit, et dolores nostros ipse portavit .

Voyez Notre-Seigneur durant sa vie mortelle. A la


crèche, c'est un petit enfant, faible, qui a besoin du lait
de sa mère pour sustenter sa vie plus tard, il a éprouvé ;

2
la fatigue : : une fatigue
Fatigatus ex itinere sedebat
réelle qu'il sentaitdans ses membres le sommeil, un ;

sommeil véritable et non simulé, a clos ses paupières :

les apôtres doivent le réveiller lorsque la barque dans


3
laquelle il dormait est ballottée par la tempête il a ;

5
connu la faim Esuriit * ; la soif Sitio ; la souffrance.
: :

Il a éprouvé aussi des afflictions intérieures au jardin :

des Oliviers, la peur, l'ennui, l'angoisse, la tristesse


fondent sur son âme Coepit pavere et taedere... et
:

moestus esse ; tristis est anima mea usque ad morte m


n
.

Enfin, il a enduré la mort Emisit spiritum \ :

Ainsi a-t-il partagé nos faiblesses, nos infirmités, nos


douleurs seul, le péché et tout ce qui est source ou
;

conséquence morale du péché lui est inconnu Debuit :

per omnia fratribus similari, absque peccato \


Mais après la résurrection, toutes ces infirmités ont
disparu. Il n'y a plus en lui ni sommeil, ni fatigue, ni
infirmité quelconque. Notre-Seigneur n'éprouve plus
rien de tout cela c'est la séparation complète de tout
:

ce qui est faiblesse. Son corps n'est-il donc plus réel ?


Certainement. C'est bien le corps qu'il a reçu de la
Vierge Marie, et qui a souffert la mort sur la croix.
Voyez comme le Christ lui-même tient à le montrer.
Le soir de sa résurrection, il apparaît aux apôtres.
« Saisis de stupeur et d'effroi, ils croient voir un esprit.
Mais il leur dit Pourquoi vous troublez-vous, et pour-
:

quoi des doutes s'élèvent-ils dans vos cœurs? Voyez

i. Isa. LUI, 4. —
2. Joan. IV, 6. 3. Matth. —
VIII, 24-25.
Marc. IV, 38 Luc. VIII, 23-24. —
4. Matth. IV. 2 Luc. IV, :
— —
; ;

5. Joan." XIX, 28. 6. Matth. XXVI, 37-3K Marc. XIV. 33-


^4- — 7- Joan. XIX, ;o. - 8. Hebr. II, 17; IV, iç.
;


RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 347

mes mains et mes pieds c'est bien moi. Touchez-moi, :

etconsidérez qu'un esprit n'a ni chair ni os comme vous


voyez que j'en ai. Ayant ainsi parlé, il leur montra ses
1
mains et ses pieds ». Thomas était alors absent. —
Nous avons vu le Seigneur, lui disent à son retour les
autres disciples. Thomas ne veut rien croire il demeure ;

sceptique. « Si dans ses mains la


je ne vois, dit-il,

marque des clous, et si je ne mets mon doigt là où


étaient les clous, et ma main dans son côté, je ne croi-
rai Huit jours après, Jésus leur apparaît de
point. »
nouveau après leur avoir souhaité la paix, il dit à
; et
Thomas « Mets ici ton doigt, et vois mes mains ap-
: ;

proche ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois plus


2
incrédule, mais fidèle ».

lui-même constater à ses apôtres la


Ainsi, Jésus fait
réalité de son corps ressuscité mais c'est un corps ;

soustrait désormais aux infirmités de la terre ce corps ;

est agile la matière ne l'arrête point


; Jésus sort du ;

tombeau taillé dans le roc et dont l'entrée est fermée


par une lourde pierre il se présente au milieu de ses
;

z
disciples Januis clausis , « alors que toutes les portes »
du lieu où ils étaient rassemblés « étaient fermées ». S'il
prend de la nourriture avec ses disciples, ce n'est pas
qu'il éprouve la faim, mais c'est qu'il veut, par une mi-
séricordieuse condescendance, confirmer la réalité de
sa résurrection.
Ce corps ressuscité est désormais immortel ; il est
mort une fois Quod enim mortuus est, mortuus est se-
:

mel 4 ; mais à présent, dit S.Paul, « le Christ ressuscité


ne meurt plus, la mort n'a plus sur lui d'empire » :

Mors Mi ultra non dominabitur : le corps de Jésus res-


suscité n'est plus soumis à la mort ni aux conditions du
temps il est libéré de toutes les servitudes, de toutes
:

les infirmités qu'il avait prises dans l'Incarnation i! ;

i. Luc. XXIV, 37-40. — 2. Joan. XX, 24-27. — 3. Ibid. 26. —


4. Rom. VI, 10.
348 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

est impassible, spirituel, vivant dans une souveraine


indépendance.
C'est en cela qu'est représenté dans le Christ le pre-
mier élément de la sainteté l'éloignement de tout ce qui
:

est mort, de tout ce qui est terrestre, de tout ce qui est


créature, l'affranchissement d'avec toute faiblesse,
d'avec toute infirmité, d'avec toute passibilité. Au jour
de sa résurrection, le Christ Jésus a laissé dans le tom-
beau les linceuls, qui sont le symbole de nos infirmités,
de nos faiblesses, de nos imperfections il sort triom- ;

phant du sépulcre sa liberté est entière, il est animé


;

d'une vie intense, parfaite, qui fait vibrer toutes les


fibres de son être. En lui, tout ce qui est mortel est ab-
sorbé par la Vie.

Il

Sans doute nous verrons le Christ ressuscité toucher

encore par amour pour ses disciples, par con-


la terre ;

descendance pour la faiblesse de leur foi, il consent à


leur apparaître, à converser avec eux, à partager leurs
repas mais sa vie est avant tout céleste
; Vivit Deo. :

Nous ne savons presque rien de cette vie céleste de


Jésus au lendemain de sa résurrection mais pouvons- ;

nous douter qu'elle ait été admirable ?


Il a prouvé à son Père combien il l'aimait en donnant

sa vie pour les hommes maintenant, tout est soldé,


;

tout est expié la justice rassasiée ne réclame plus de


;

lui d'expiationl'amitié est rétablie entre les hommes et


;

Dieu l'œuvre de rédemption est accomplie. Mais la re-


;

ligion de Jésus pour son Père, elle, continue, plus vive.


plus entière que jamais. L'Évangile ne nous dit rien de
ces hommages d'adoration, d'amour, et d'action de grâ-
ces, que le Christ rendait alors à son Père mais ;

S. Paul résume tout en disant Vivit Deo, « il vit pour


:

Dieu ».
RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 349

C'est le second élément de la sainteté l'adhésion, :

l'appartenance, la consécration à Dieu. Nous ne saurons


qu'au ciel avec quelle plénitude Jésus vivait pour son
Père en ces jours bénis ce fut certainement avec une
;

perfection qui ravissait les anges maintenant que sa


;

sainte humanité est libre de toutes les nécessités, affran-


chie de toutes les infirmités de notre condition terrestre,
elle se livre, comme elle ne le fit jamais, à la gloire du
Père. La du Christ ressuscité devient une source in-
vie
finie de gloire pour son Père il n'y a plus en lui aucune
;

faiblesse ; tout en lui est lumière, force, beauté, vie; tout


en chante un cantique ininterrompu de louange.
lui

l'homme ramasse en son être tous les règnes de la


Si
création pour y résumer aussi l'hymne de toute créa-
ture, que dirons-nous du cantique incessant que chante
à la Trinité l'humanité du Christ glorieux, pontife su-
prême triomphant de la mort ? Ce cantique, expression
parfaite de la vie divine qui désormais enveloppe et pé-
nètre de toute sa puissance et de toute sa splendeur la
nature humaine de Jésus, est ineffable...

Telle est la vie du Christ ressuscité. Elle est le modèle


de la nôtre, et le Christ a mérité pour nous la grâce
de vivre comme lui pour Dieu, d'être associés à son état
de ressuscité. Il l'a méritée, non certes par sa résurrec-
tion en rendant le dernier soupir, le Christ a atteint le
;

terme de son existence mortelle, il ne peut plus dès lors


mériter tout ce qu'il a acquis pour nous, l'a été par son
;

sacrifice, inauguré dès l'Incarnation et consommé par


la mort sur la croix.
Mais ses mérites nous demeurent après sa sortie glo-
rieuse du tombeau. Voyez comment le Christ Jésus a
voulu garder les cicatrices de ses plaies il les montre :

à son Père dans toute leur beauté, comme des titres à


350 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

la communication de sa grâce Semper vivens ad inter-


:

pellandum pro nobis \


Comme vous le savez, c'est dès le baptême que nous
participons à cette grâce de la résurrection. S. Paul
nous l'affirme « Par le baptême, nous avons été ense-
:

velis avec le Christ dans la mort dès lors, comme le


;

Christ est ressuscité par la puissance du Père, ainsi


faut-il que nous marchions dans une vraie nouveauté
2
de vie ».
L'eau sainte dans laquelle nous sommes plongés au
baptême est, d'après l'Apôtre, la figure du sépulcre en ;

en sortant, l'âme est purifiée de toute faute, de toute


souillure, affranchie de toute mort spirituelle, et revêtue
de la grâce, principe de vie divine tout comme en sor-
:

tant du tombeau, le Christ s'est dépouillé de toute in-


firmité, pour vivre désormais d'une vie parfaite. C'est
pourquoi, dans la primitive Église, le baptême n'était
administré que dans la nuit pascale, et à la Pentecôte
qui clôt le temps de Pâques. Nous ne conprendrons
presque rien à la liturgie de la semaine de Pâques, si
nous n'avons sans cesse devant les yeux la collation
3
solennelle qui se faisait alors du baptême .

Nous sommes donc ressuscites avec le Christ, par le


Christ, car il désire infiniment nous communiquer sa
vie glorieuse. Et que faut-il pour répondre à ce désir
divin et devenir semblables à Jésus ressuscité ? Que
nous vivions dans l'esprit de notre baptême. Que, renon-
çant à tout ce qui est vicié par le péché dans notre vie,
nous fassions « mourir » de plus en plus « le vieil
homme 4 » que tout en nous soit dominé et régi par la
;

grâce. C'est là pour nous toute la sainteté nous éloi-


:

gner du péché, des occasions de péché, des créatures, de


tout ce qui est terrestre, pour vivre en Dieu, pour Dieu,

i. Hebr. VÎI, 25. — 2. Rom. VT, 4.— 3. Voir dans Le Christ


vie de l'âme, la conférence : Le baptême, sacrement d'adoption
divine et d'initiation chrétienne : la mort au péché et la vie pour
Dieu. — 4. Rom. VI, 6.
RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 351

avec la plus grande plénitude et la plus grande stabilité


possible.
Cette œuvre, inaugurée au baptême, se poursuit du-
rant notre existence entière. Le Christ, il est vrai, ne
meurt qu'une fois il nous a donné par là de mourir
;

comme lui à tout ce qui est péché. Mais nous, nous de-
vons « mourir » chaque jour, car nous conservons en
nous les racines du péché, et l'antique ennemi travaille
sans cesse à les faire repousser. Détruire en nous ces
racines, nous garder de toute infidélité, de toute créature
aimée pour elle-même, écarter de nos actions tout mo-
bile non seulement coupable, mais purement naturel,
nous affranchir de tout ce qui est créé, terrestre tenir ;

notre cœur libre, d'une liberté spirituelle : tel est le pre-


mier élément de notre sainteté, celui que le Christ nous
montre réalisé en lui par cette souveraine et admirable
indépendance où vit son humanité de ressuscité.
C'est bien là un des aspects les plus marquants de la
grâce pascale. S. Paul l'a mis en relief en termes très
expressifs. « Purifiez-vous du vieux levain, disait-il,
afin d'être une pâte nouvelle car depuis que le Christ
;

notre Agneau pascal, a été immolé pour nous, vous êtes


devenus des pains azymes. Participons donc au festin,
non avec du vieux levain, le levain de la malice et de la
perversité, mais avec les azymes de la vérité et de la
sincérité '
».
Cette pressante exhortation de l'Apôtre forme l'Épître
de la messe même de Pâques. Elle doit apparaître ob-
scure à plus d'un chrétien de nos jours, et pourtant c'est
ce passage que l'Église a choisi entre tous pour résu-
mer notre conduite, alors que nous célébrons le mystère
de Résurrection. Pourquoi ce choix ?
la
C'est qu'il marque nettement, quoique avec profon-
deur, le fruit que l'âme doit retirer de ce mystère. Que
signifient donc ces paroles ?
i. I Cor. V. 7-8.
352 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Vous savez que chez


les Israélites, à l'approche de la
fêtede Pâque, —
qui rappelait aux Hébreux l'anniver-
saire fameux du « passage » de l'ange exterminateur '

— on devait faire disparaître des maisons toute espèce


de levain puis, le jour de la fête, après avoir immolé
;

l'agneau pascal, on le mangeait avec des pains azymes,


c'est-à-dire sans levain, non fermetés \
Tout cela n'était que « figures et symboles » de la
vraie Pâque, la Pâque chrétienne. « Purifiez-vous du
4
vieux levain » « dépouillez-vous du vieil homme
: »,
né dans le péché, de ses convoitises, auxquelles vous
avez renoncé par le baptême en ce moment de la régé- ;

nération baptismale, vous avez participé à la mort du


Christ qui faisait mourir en vous le péché' vous êtes ;

devenus, et vous devez demeurer, par la grâce, une pâte


6
nouvelle, c'est-à-dire une « créature nouvelle », « un
homme nouveau » à l'exemple du Christ sorti glorieux
"

du sépulcre.
C'est pourquoi, comme les Juifs qui, la Pâque venue,
s'abstenaient de tout levain pour manger l'agneau pas-
cal, « vous de même, chrétiens, qui voulez participer au
mystère de la Résurrection, vous unir au Christ, Agneau
immolé et ressuscité pour vous, vous ne devez plus dé-
sormais vivre dans le péché vous devez vous garder ;

de ces mauvais désirs qui sont comme un levain de


malice et de perversité » Non ergo regnet peccatum
:

in vestro mortali cor pore vous devez conserver en


'
;

vous la grâce qui vous fera vivre dans la vérité et dans


la sincérité de la loi divine.
Telle est la doctrine que S. Paul nous fait entendre
au jour même de Pâques, et qui marque surtout le pre-
mier élément de notre sainteté renoncer au péché, à :

tout mobile humain qui peut, domine un vieux levain.

i. Pâque signifie passage. Cf. Exod. XII, 26-27.— 2. Ibid. XIT.


8. 15. — 3. Cor. X, G et
I 11. — 4. Ephes. IV, 22 Col. III. 9.
— 5. Cf. Rom. VI, 2 et sq. — 6. II Cor. V, 17.— ;

7. Ephes. IV,
24. — 8. Rom. VI, 12.
RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 353

corrompre nos actions vivre, à l'égard de tout péché


;

et de tout être créé, dans cette liberté spirituelle qui ap-


paraît si vivement dans le Christ ressuscité.
Nous demandons cette grâce à Jésus lui-même, dans
cette strophe qui se répète à chacune des hymnes pas-
cales :

Quaesumus auctor omnium


In hoc paschali gaudio,
Ab omni mortis impetu,
Tuum défende populum \

« Nous vous supplions, ô vous, l'auteur de toutes


choses, de défendre votre peuple de toute attaque de
mort, en ces jours remplis de la joie de Pâques ». Nous
demandons au Christ de préserver son
2
peuple, — ce
peuple « acquis par son sang », dit S. Paul
qu'il s'est
« afin qu'il lui fût agréable » Populum acceptabilem 3 ;
:

— de le préserver, de quoi ? de toute attaque de mort


spirituelle, c'est-à-dire de tout péché, de tout ce qui
conduit au péché, de tout ce qui tend à détruire ou à
affaiblir en nous la vie de la grâce. C'est alors que nous
pourrons faire partie de « cette société que le Christ
veut sans tache, ni ride, mais sainte et irrépréhen-
sible » Sine ruga, sine macula \
:

IV

Le second élément de la sainteté, celui qui d'ailleurs


donne au premier sa raison d'être et sa valeur, est l'ap-
partenance à Dieu, le dévouement pour Dieu, ce que
5
S. Paul appelle « vivre pour Dieu » Viventes Deo : .

Cette vie pour Dieu comprend une infinité de degrés.

i. Hymne des Vêpres, des Matines et des Laudes. (Bréviaire


monastique.) — 2. Act. XX, 28. — 3. Tit. II,14. —
4. Ephes.
V. 27. 5; — Rom. VI, 11.

Le Christ dans ses mystère;. 23


354 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Elle suppose d'abord qu'on est totalement séparé de


tout péché mortel ; entre celui-ci et la vie divine, y a
il

incompatibilité absolue. Il y a ensuite la— séparation


d'avec le péché véniel, d'avec les racines du péché,
d'avec tout mobile naturel le détachement de tout ce
;

qui est créé. Plus la séparation est complète, plus nous


sommes affranchis, plus nous sommes spirituellement
libres, et plus aussi la vie divine se développe et s'épa-
nouit en nous : à mesure que l'âme se libère de l'hu-
main, elle s'ouvre au divin, elle goûte les choses cé-
lestes, elle vit de la vie de Dieu.
tin ce bienheureux état l'âme est non seulement libre
de tout péché, mais elle n'agit plus que sous l'inspira-
tion de la grâce, que par un mobile surnaturel. Et quand
ce mobile s'étend à toutes ses actions, quand l'âme, par
un mouvement d'amour habituel et stable, rapporte tout
à Dieu, à la gloire du Christ et à celle de son Père,
alors c'est en elle la plénitude de la vie, c'est la sain-
teté :Vivit Deo.
Vous remarquerez que durant le temps pascal, l'É-
glise nous parie souvent de vie, non seulement parce
que le Christ, par sa résurrection, a vaincu la mort.
mais surtout parce qu'il a rouvert aux âmes les sources
de la vie éternelle. C'est dans le Christ que nous trou-
vons cette vie Ego sum vita \ C'est pourquoi, fré-
:

quemment aussi, l'Église nous fait relire en ces jours


bénis la parabole de la vigne « Je suis la vigne, dit :

Jésus, vous êtes les branches, demeurez en moi et moi


en vous, parce que sans moi vous ne pouvez rien
2
faire ». Il faut demeurer dans le Christ et lui doit de-
meurer en nous afin que nous puissions porter de nom-
breux fruits*.
Comment cela ?
Par sa grâce, par la foi que nous avons en lui, par
les vertus dont il est l'exemplaire et que nous imitons.

i. Joan. XIV, 6. —2 . Ibid. XV, 4-5. — 3. Cf. Ibid 5.


RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 355

Lorsque, ayant renoncé au péché, nous mourons à nous-


mêmes, « comme le grain de froment meurt en terre
lorsque nous
3

avant de produire ses épis féconds » ;

n'agissons plus que sous l'inspiration de l'Esprit-Saint


et en conformité avec les préceptes et les maximes de
l'Évangile de Jésus, alors c'est la vie divine du Christ
qui s'épanouit en nos âmes, « c'est le Christ qui vit en
nous » Vivo ego, jam non ego, vivit vero in me Chris-
:

2
tus .

Tel est l'idéal de la perfection : Viventes Deo in


Cliristo jesu. Nous ne pouvons y arriver en un jour ; la
sainteté, inaugurée au baptême, ne se réalise que peu
à peu, par étapes successives. Tâchons de faire en
sorte que chaque Pâque, que chaque jour de cette pé-
riode bénie qui s'étend de la résurrection à la Pente-
côte, produise en nous une mort plus complète au péché,
à la créature, et une croissance plus vigoureuse et plus
abondante de la vie du Christ.
Il faut que le Christ règne en nos cœurs, et que tout,

en nous, lui soit soumis. Que fait le Christ depuis le


jour de son triomphe ? Il vit et règne glorieux, en Dieu,
dans le sein du Père Vivit et régnât Deas. Le Christ
:

ne vit que là où il règne, et il vit en nous dans le degré


où il règne dans notre âme. Il est roi, comme il est pon-
tife. Quand Pilate lui a demandé s'il était roi, Notre-

Seigneur lui a répondu Tu dicis quia rex sum ego s ;


:

« je le suis; mais mon royaume n'est pas de ce monde ».


« Le royaume de Dieu est en nous » Regnum Dei intra :

4
vos est Il faut que cette domination du Christ se réa-
.

lise chaque jour avec plus de plénitude c'est ce que :

nous demandons à Dieu Adveniat regnum tuum ! Oh : !

« qu'il advienne, Seigneur, ce jour où, vraiment, vous


régnerez en nous par votre Christ » !

Et pourquoi n'en est-il pas encore ainsi ? Parce que

i. Joan. XII, 25. — 2. Gai. II, 20. — 3. Joan. XVIII, 37. —


4. Luc. XVII, 21.
356 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

tant de choses en nous, la volonté propre, l'amour-


propre, notre activité naturelle ne sont pas encore sou-
mises au Christ, parce que nous n'avons pas encore fait
ce que désire le Père Omnia subjecisti sub pedibus
:

ejus \ « tout mettre aux pieds du Christ ». C'est là


une partie de la gloire que le Père veut donner désor-
mais à son Fils Jésus Exaltavit illurn et donavit Mi :

3
nomen... ut in nomine Jesu omne genu flectatur Le .

Père veut glorifier le Christ, parce que le Christ est son


Fils, parce qu'il s'est humilié il veut que tout genou ;

fléchisse au nom de Jésus tout dans la création, doit ;

lui être soumis au ciel, sur la terre, dans les enfers


: ;

tout aussi, en chacun de nous volonté, intelligence, :

imagination, énergies.
Il est venu en nous comme Roi au jour du baptême ;

mais sa domination lui est disputée par le péché quand ;

nous détruisons le péché, les infidélités, l'attache à la


créature que nous vivons de la foi en lui, en sa parole,
;

en ses mérites que nous cherchons à lui plaire en tou-


;

tes choses, alors le Christ est le maître, alorsil règne

en nous, comme
règne dans le sein du Père, il vit en
il

nous il peut dire de nous à son Père « Voyez cette


; :

âme je vis et règne en elle, ô Père, pour que votre nom


:

soit sanctifié ».

Tels sont les aspects les plus profonds de la grâce


pascale détachement de tout ce qui est humain, ter-
:

restre, créé pleine appartenance à Dieu par le Christ.


;

La résurrection du Verbe incarné devient pour nous un


mystère de vie et de sainteté. Le Christ, étant notre chef,
« Dieu nous a ressuscites avec lui » CONresuscitavit :

nos\ Nous devons donc chercher à reproduire en nous


les traits qui marquent sa vie de ressuscité.
C'est à quoi S. Paul nous exhorte avec tant d'insis-
tance en ces jours. « Si, dit-il, vous êtes ressuscites avec

i. Ps. VIII, 8. — 2. Philipp. II, 9-10. — 3. Ephes. II, 6.


RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 357

le Christ, c'est-à-dire si vous voulez que le Christ vous


donne part au mystère de sa résurrection, si vous voulez
entrer dans les sentiments de son cœur sacré, si vous
voulez « manger la Pâque » avec lui, et partager un
jour sa gloire triomphale, « recherchez les choses d'en
haut, affectionnez-vous aux choses du ciel qui demeu-
rent, détachez-vous de celles de la terre », qui sont fu-
gitives les honneurs, les plaisirs, les richesses
: Si ;

CONsurrexistis cum Christo, quae sursum sunt quae-


1
rite... non quae super terram . « Car vous êtes morts
au péché, et votre vie est cachée avec le Christ en
Dieu... Et de même que le Christ ressuscité ne meurt
plus, mais vit à jamais pour son Père, ainsi mourez au
péché et vivez pour Dieu par la grâce du Christ Ita et :

vos existimate : vos mortuos quidem esse peccato, vi-


ventes autem Deo in Christo Jesu \

Vous me demanderez maintenant comment nous pou-


vons affermir en nous cette grâce pascale ?
D'abord en contemplant le mystère avec une grande
foi. Voyez quand le Christ Jésus, apparaissant à ses
:

disciples, ordonne à Thomas, l'apôtre incrédule, de


mettre le doigt dans les cicatrices qu'il a gardées de
ses plaies, que lui dit-ii ? « Ne sois pas incrédule, mais
:

fidèle ». Et quand l'apôtre l'a adoré comme son Dieu,


Notre-Seigneur ajoute Beati qui non vider unt et cre-
:

3
diderunt « Vous avez cru en moi, Thomas, parce que
:

vous m'avez vu et touché mais bienheureux ceux qui ;

ont cru sans avoir vu ».


La foi nous met en contact avec le Christ si nous ;

contemplons ce mystère avec foi, le Christ produit en


nous la grâce qu'il produisait, comme ressuscité, quand
il apparaissait à ses disciples. Il vit en nos âmes et ;

i. Col. III, 1-2. — 2. Rom. VI, 9-1 1. — 3. Joan. XX, 27-29.


358 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

toujours vivant, il agit sans cesse en nous, selon le


degré de notre foi et d'après la grâce propre de chacun
de ses mystères. Il est raconté dans la vie de sainte Ma-
deleine de Pazzi qu'un jour de Pâques, étant à table
au réfectoire, elle avait un air si content et si joyeux
qu'une novice qui la servait ne put s'empêcher de lui
en demander la cause. « C'est la beauté de mon Jésus,
répondit-elle, qui me rend si joyeuse je le vois présen-

;

tement dans le cœur de toutes mes sœurs. Sous


quelle forme ? reprit la novice. —
Je le vois en toutes,
répondit la sainte, ressuscité et glorieux comme l'Église
nous le représente aujourd'hui 1 ».

C'est surtout par la communion sacramentelle que


nous nous assimilerons à présent les fruits de ce mys-
tère.
Que recevons-nous, en effet, dans l'Eucharistie ? Le
Christ, le corps et le sang du Christ. Mais remarquez
que si la communion suppose l'immolation du calvaire
et celle de l'autel, qui la reproduit, c'est cependant à la
chair glorifiée du Sauveur que nous communions. Nous
recevons le Christ tel qu'il est maintenant, c'est-à-dire
glorifiéau plus haut des cieux et possédant, dans la
plénitude de son épanouissement, la gloire de sa résur-
rection.
Celui que nous recevons ainsi réellement est la source
même de toute sainteté, il ne peut manquer de nous
donner part àla grâce de sa résurrection « sainte » ici, :

comme en toutes choses, c'est de sa plénitude que nous


devons tous recevoir.
De nos jours encore, le Christ, toujours vivant, redit
à chaque âme les paroles qu'il prononçait devant ses
disciples au moment où il allait, à l'époque pascale, in-
stituer son sacrement d'amour « c'est d'un désir in-
:

i. Vie par le P. Cepari. Trad. française, ch. XVII. Lyon, Périsse.


RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 359

tense que j'ai désiré célébrer cette Pâque avec vous * ».


Le Christ Jésus désire réaliser en nous le mystère de sa
résurrection il vit au-dessus de tout ce qui est ter-
:

restre, entièrement livré à son Père il veut, pour notre


;

joie, nous entraîner avec lui dans ce courant divin. Si,


après l'avoir reçu dans la communion, nous lui laissons
toute puissance d'agir, il donnera à notre vie, par les
inspirations de son Esprit, cette orientation stable vers
le Père, à laquelle se ramène la sainteté. En sorte que

toutes nos pensées, toutes nos aspirations, toute notre


activité se rapportent à la gloire de notre Père des
cieux.
« C'est vous, ô divin ressuscité, qui venez en moi ;

vous qui après avoir expié le péché par vos souffrances,


avez vaincu la mort par votre triomphe, qui, désormais
glorieux, ne vivez plus que pour votre Père. Venez en
moi « pour réduire à néant l'œuvre du diable » pour ;

opérer îa destruction du péché et de mes infidélités ;

venez en moi augmenter le détachement de tout ce qui


n'est pas vous venez me rendre participant de cette
;

surabondance de vie parfaite qui déborde à présent de


votre sainte humanité je chanterai alors, avec vous,
;

un cantique d'action de grâces à votre Père qui vous a,


comme notre chef et notre tête, couronné en ce jour de
gloire et d'honneur ».
Ces aspirations sont celles mêmes de l'Église, dans
une des oraisons où elle résume, après la communion,
les grâces qu'elle sollicite de Dieu pour ses enfants.
« Daignez nous délivrer, Seigneur, de tous les restes du
vieil homme, et faites que la participation de votre au-
guste sacrement nous confère un être nouveau 2 » .

Et cette grâce, l'Église veut qu'elle demeure en nous,


alors même que la communion sera passée, que les so-
lennités pascales auront pris fin: « Faites, s'il vous plaît,
Dieu tout-puissant, que la vertu du mystère pascal de-
i. Luc. XXII, 15. — 2. Postcommunion du mercredi de Pâques.
360 LB CHRIST DANS SES MYSTÈRES

meure constamment dans nos âmes ». C'est une grâce


permanente qui nous donne, selon l'expression de
2
S. Paul, « la puissance de nous renouveler sans cesse »,
d'augmenter en nous la vie du Christ, en nous rappro-
chant de plus en plus des traits glorieux de notre divin
modèle.

VI

En indiquant le double aspect du mystère de sainteté


que la résurrection de Jésus doit produire en nos cœurs,
nous n'avons pas épuisé les richesses de la grâce pas-
cale.
Dieu est magnifique dans ce qu'il fait pour son
si

Christ qu'il veut que le mystère de la résurrection de

son Fils s'étende non seulement à nos âmes, mais aussi


à nos corps. Nous ressusciterons, nous aussi. C'est un
dogme de foi. Nous ressusciterons corporellement,
comme le Christ, avec le Christ. En peut-il être autre-
ment ?
Le Christ, vous ai-je dit souvent, est notre tête nous ;

formons avec lui un corps mystique. Si le Christ est


ressuscité, — et il est ressuscité dans sa nature hu-
maine, —il faut que nous, ses membres, nous parta-
gions la même gloire. Car ce n'est pas seulement par
notre âme, c'est aussi par notre corps, c'est par tout
notre être que nous sommes les membres du Christ.
L'union la plus intime nous lie à Jésus. Si donc il est
ressuscité glorieux, les fidèles qui, par sa grâce, font
partie de son corps mystique, lui seront unis jusque
dans sa résurrection.
Écoutez ce que nous dit S. Paul à ce sujet : « Le
Christ est ressuscité et il constitue les prémices de ceux
qui sont endormis » ; il représente les premiers fruits
d'une moisson ; après lui, la moisson doit suivre, c Par
i. Postcommunion du mardi de Pâques. — 2. II Cor. IV, 16.
RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 361

un homme, Adam, la mort est venue sur la terre mais ;

par un homme aussi viendra la résurrection des morts :

comme tous meurent en Adam, ainsi tous seront vivifiés


dans le Christ \ » « Dieu, dit-il encore, plus énergique-
ment, nous a ressuscites dans son Fils » CONresusci- :

tavit nos... in Christo Jesu \ Comment cela ? C'est que,


par la foi et la grâce, nous sommes les membres vivants
du Christ, nous participons à ses états, nous sommes
un avec lui. Et comme la grâce est le principe de notre
gloire,ceux qui sont, par la grâce, déjà sauvés en es-
pérance, sont déjà aussi, en principe, ressuscites dans
le Christ.
C'est là notre foi et notre espérance.

Mais « maintenant notre vie est cachée avec le Christ


en Dieu » nous vivons à présent sans que la grâce
;

produise ses effets de clarté et de splendeur auxquels


elle aboutit dans la gloire tout comme le Christ, avant
;

sa résurrection, retint le rayonnement glorieux de sa


divinité et n'en laissa voir qu'un reflet à trois disciples
au jour de la Transfiguration sur le Thabor. Notre vie
intérieure n'est ici-bas connue que de Dieu elle est ;

cachée aux yeux des hommes. De plus, si nous tâchons


de reproduire dans nos âmes, par notre liberté spiri-
tuelle, les caractères de la vie ressuscitée de Jésus, ce-
pendant c'est un labeur qui s'opère encore dans une
chair blessée par le péché, soumise aux infirmités du
temps nous n'arrivons à cette liberté sainte qu'au prix
;

d'une lutte sans cesse renouvelée et fidèlement soute-


nue. Nous aussi, il nous faut, comme le Christ en per-
sonne le disait aux disciples d'Emmaiïs, le jour même
de sa résurrection, « souffrir pour entrer dans la gloi-
re » Nonne haec oportuit pati Christum et ita intrare
:

3
in gloriam suam ? « Nous sommes, dit l'apôtre, les en-
fants de Dieu et ses héritiers nous sommes cohéritiers
;

i. I Cor. XV, 20-22. — 2. Ephes. II, 6. — 3. Luc. XXIV, 26.


362 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

du Christ mais nous ne serons glorifiés avec lui que


;

1
si nous souffrons avec lui ».

Que ces pensées célestes nous soutiennent durant les


jours qui nous restent à passer ici-bas. Oui, viendra le
temps où « il n'y aura plus ni douleurs, ni cris, ni
pleurs Dieu lui-même essuiera les larmes de ses ser-
;

3
viteurs » devenus les cohéritiers de son Fils; il les
fera asseoir à l'éternel festin qu'il a préparé pour célé-
brer le triomphe de Jésus et de ceux dont il est le frère
aîné.
Si, chaque année, nous sommes fidèles à participer
aux souffrances du Christ durant le Carême et la se-
maine sainte, chaque année aussi la célébration du
mystère de Pâques, en nous faisant contempler la gloire
de Jésus victorieux de la mort, nous fait partager, avec
plus de fruit et plus d'abondance, sa divine condition
de ressuscité elle augmente notre détachement de tout
;

ce qui n'est pas Dieu, elle accroît en nous par la grâce,


la foi et l'amour, la vie divine. En même temps, elle
avive notre espérance car, « lorsque au dernier jour,
:

le Christ, qui est notre vie » et notre tête, apparaîtra,


alors nous aussi, parce que nous participons à sa vie,
« nous apparaîtrons avec lui dans la gloire » Cum :

Christus apparuerit V1TA VESTRA, tune et vos appare-


3
bitis CUM IPSO in gloria .

Cette espérance nous comble de joie, et c'est parce


que le mystère de Pâques, en étant un mystère de vie,
affermit notre espérance, qu'il est aussi éminemment un
mystère de joie.
L'Église montre en multipliant, durant tout le
le

temps pascal, Y Alléluia 4 cri d'allégresse et de félicité


,

emprunté à la liturgie du ciel. Elle l'avait banni durant


le Carême pour manifester sa tristesse et communier

i. Rom. VIII, 17. — 2. Apoc. XXI, 4. — 3. Col. III, 4. —


4. « Louez Dieu ».
RESSUSCITES AVEC LE CHRIST 363

aux souffrances de son Époux. A présent que le Christ


avec lui, elle reprend, avec
est ressuscité, elle se réjouit
une ferveur nouvelle, cette exclamation joyeuse en la-
quelle se résume toute l'ardeur de ses sentiments.
Ne l'oublions jamais nous ne faisons qu'un avec le
:

Christ Jésus son triomphe est le nôtre sa


; ; gloire est le
principe de notre joie. Aussi, avec l'Église notre Mère,
redisons souvent YAllcluia pour montrer au Christ notre
joie de le voir triompher de la mort, pour remercier le
Père de la gloire qu'il donne à son VAlleluia que
Fils.
l'Église répète sans se lasser, durant les cinquante
jours de la période pascale, est comme l'écho toujours
renouvelé de cette prière par laquelle elle termine la
semaine de Pâques « Faites, s'il vous plaît, Seigneur,
:

que ces mystères de la Pâque soient désormais une


action de grâces, et que l'œuvre de notre régénération,
qui va se développant sans cesse, devienne en nous le
principe intarissable d'une joie sans fin \

i. Secrète du samedi de Pâques.


... ET
XVI. —
MAINTENANT.
« O PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS ».

(Ascension)

Sommaire. I. —Éclat magnifique du triomphe de Jésus


dans son ascension à la droite du Père. —II. Rai-
sons capitales de cette merveilleuse exaltation du
Christ il est le Fils de Dieu; il s'est abîmé dans les
:

ignominies de la passion. —
III. Grâce que le Christ
nous donne dans ce mystère nous pénétrons avec
:

lui dans les cieux comme membres de son corps mysti-

que. —
IV. Sentiment de joie profonde que fait naître
en nous cette glorification de Jésus Tu esto nostrum :

gaudium. —
V. Pourquoi une inébranlable confiance
doit également nous animer en cette solennité le :

Christ pénètre dans le saint des saints comme pontife


suprême et y demeure comme médiateur unique. —
VI. Nous appuyer sur le Christ, afin d'être « gardés du
du mal » au milieu des tristesses et des épreuves de
la vie présente.

Après sa résurrection, le Christ Jésus n'est demeuré


que quarante jours avec ses disciples. S. Léon dit que
« ces jours ne se passèrent pas dans l'inaction » // dies :

non otioso transiere decursu \ Par ses multiples appa-


ritions aux Apôtres,par ses entretiens avec eux, Loquens
de regno Dei \ Jésus remplit leurs cœurs de joie il ;

affermit leur foi en son triomphe, en sa personne, en sa


mission ; il leur donne aussi « ses dernières instruc-
tions" » pour l'établissement et l'organisation de
l'Église.

i. Sermo I de Ascensione Domini, c II. — 2. Act. I. 3.



3. Ibid. 2.
« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS J) 365

Maintenant que la mission de son séjour ici-bas est


pleinement terminée, l'heure est venue pour lui de re-
monter vers son Père. Le « géant divin a complètement
achevé sa course sur la terre » Opus consummavi quod :

dedisti mihi \ Il va maintenant goûter, dans toute leur


plénitude, les joies profondes d'un merveilleux triom-
phe l'ascension aux cieux consomme glorieusement
:

la vie terrestre de Jésus.


De toutes les fêtes de Notre-Seigneur, j'oserais dire
que, dans un certain sens, l'Ascension est la plus
grande, parce qu'elle est la glorification suprême du
Christ Jésus. La sainte Église appelle cette ascension
2 3
« admirable » et « glorieuse » et dans tout l'office ;

divin de cette fête, elle nous fait chanter la magnificence


de ce mystère.
Notre divin Sauveur avait demandé à son Père
« d'être glorifié de cette gloire qu'il possède, par sa di-
vinité, dans les splendeurs éternelles des cieux » Cla- :

rifica me, tu, Pater,... claritate quam habui priusquam


mundus esset apud te \ « La victoire de la résurrection
a marqué l'aurore de cette glorification personnelle de
Jésus » Haec est clarificatio Domini Nostri Jesu
:

Christi, quae ab ejus resurrectione sumpsit exordium '°

l'admirable ascension en fixe le plein midi Assumptus :

est in caelum et sedet a dextris Dei\ C'est la glorifi-


cation divine de l'humanité du Christ, au-dessus de tous
les cieux.
Disons donc quelques mots de cette glorification, des
raisons qui la fondent pour Jésus, de la grâce spéciale
qu'elle nous apporte. L'Église résume ces points dans
l'oraison de la messe Concède, quaesumus omnipotens
:

Deus, ut qui hodierna die Unigenitum tuum Redempto-


rem nosirum ad caelos ascendisse credimus, ipsi quo-
i. Joan. XVII, 4. — 2. Litanies des saints. — 3. Secrète de la
messe de l'Ascension. — 4. Joan. XVII, 5. — 5. S. Augustin,
Tractattis in Joan. CIV, 3. — 6. Marc. XVI, 19.
366 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

que mente in caelestibus habitemus. « Accordez-nous, ô


Dieu Tout-Puissant, à nous qui croyons que votre Fils
unique, notre Rédempteur, est monté en ce jour aux
cieux, d'y vivre aussi en esprit ».
Cette prière témoigne d'abord de notre foi au mys-
tère ;

en rappelant les titres de « Fils unique » et de
« Rédempteur », donnés à Jésus, l'Église indique les
motifs de l'exaltation céleste de son Époux elle ;

marque enfin la grâce qui y est attachée pour nos âmes.

Le mystère de l'ascension de Jésus-Christ nous est


représenté d'une façon conforme à notre nature nous :

contemplons la sainte humanité s'élevant de la terre et


montant visiblement vers les cieux.
Jésus rassemble une dernière fois ses disciples et les
conduit à Béthanie au sommet de la montagne des
Oliviers il leur renouvelle la mission de prêcher à
;

toute la terre, en leur promettant d'être toujours avec


eux par sa grâce et l'action de son Esprit \ Puis les
ayant bénis, il s'élève, par sa propre puissance divine et
celle de son âme glorieuse, au-dessus des nuages, et
disparaît à leurs yeux.

Mais cette ascension matérielle, si mer-


réelle et si
veilleuse qu'elle apparaisse, est en même temps sym- le
bole d'une ascension, dont les apôtres eux-mêmes ne
virent pas le terme, ascension plus admirable encore,
quoique incompréhensible pour nous. Notre-Seigneur
monte super omnes caelos 2 il « parcourt tous les
,

cieux », dépasse tous les chœurs des anges, pour ne


« s'arrêter qu'à la droite de Dieu » Assumptus est in :

caelum, et sedet a dextris Dei.

i. Il demeure aussi p.ir sa présence réelle dans le sacrement dt


l'Eucharistie. — 2. Ephes. IV, 10.
« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS » 367

Vous savez quecette expression « à la droite de


Dieu seulement figurative, et ne doit pas être prise
» est
à la lettre Dieu, étant esprit, n'a rien de corporel. Mais
:

2
l'Écriture sainte et l'Église l'emploient pour manquer
1

la sublimité des honneurs et la majesté du triomphe ac-


cordés au Christ dans le sanctuaire de la divinité.
De même, quand nous disons que Jésus « est assis »,
nous entendons signifier qu'il est entré pour toujours
en possession de ce repos éternel que lui ont mérité de
glorieux combats —
ce repos n'exclut pourtant point
;

l'exercice incessant de la toute-puissance que le Père


lui communique pour régir, sanctifier, et juger tous les
hommes.
Saint Paul a célébré en termes magnifiques, dans sa
lettre aux Éphésiens, cette glorification divine de Jé-
sus. « Dieu, dit-il, a déployé dans le Christ l'efficacité
de sa force victorieuse, lorsqu'il l'a ressuscité des morts
et l'a fait asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus
de toute principauté, de toute autorité, de toute domi-
nation, de toute dignité, de tout nom qui se peut donner
non seulement dans le temps présent, mais encore dans
le siècle futur. Il a mis toutes choses sous ses pieds, et
3
l'a donné pour chef souverain à toute l'Église » .

Désormais le Christ Jésus est et demeure pour toute


âme la seule source de salut, de grâce, de vie, de béné-
diction ; désormais, dit l'Apôtre, son nom est devenu si
grand, si resplendissant, siglorieux que « tout genou
fléchiradevant lui, au ciel, sur la terre, dans les enfers...
que toute langue publiera que Jésus vit et règne à ja-
mais dans la gloire de Dieu le Père 4 ».
Et voyez, en effet : depuis cette heure bénie, « la mul-
titude innombrable des élus de la Jérusalem céleste,
dont l'Agneau immolé est l'éternelle lumière, jettent

i. Ps. CIX, Marc. XVI, 19; Ephes. T, 20 et IV, 10; Col.


i

III. t. — ;

2. Symbole dos Autres, de N'icée, et Ouicumque. —


3. Ephes. I, 19-22. — 4. Philipp. II, 10-11.
368 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

leurs couronnes à ses pieds, se prosternent eux-mêmes


devant lui, et proclament, en un chœur puissant comme
le bruit de la mer, qu'il est digne de tout honneur, de

toute gloire, parce que leur salut et leur béatitude trou-


vent en lui leur principe et leur fin *
».

Depuis cette heure, sur toute la face de la terre, cha-


que jour, durant l'action sainte de la messe, l'Église fait
monter de ses temples, ses louanges et ses supplications
vers celui qui seul peut la soutenir dans ses luttes, parce
qu'il est la source unique de toute force et de toute
vertu « Vous qui êtes assis à la droite du Père, ayez
:

pitié de nous, parce que vous êtes seul Saint, seul Sei-
gneur, seul Très-Haut, ô Jésus-Christ, avec l'Esprit-
Saint dans la gloire de Dieu votre Père » Tu solus :

Altissimus, Jesa Christe... in gloria Dei Patris.


Depuis cette heure encore, les princes des ténèbres,
auxquels le Christ vainqueur a arraché leur proie pour
toujours Captivam duxit captivitatem 2, sont remplis
:

de terreur au seul nom de Jésus, et contraints de fuir et


d'abaisser leur orgueil devant le signe victorieux de sa
croix.
Tel est l'éclat du triomphe dans lequel l'humanité de
Jésus est entrée pour jamais, au jour de son admirable
ascension.

II

Vous me demanderez maintenant quelles sont les


raisons de cette exaltation suprême de Jésus, de cette
gloire incommensurable devenue le partage de sa sainte
humanité ?
Nous pouvons les ramener toutes à deux raisons capi-
tales :première, c'est que Jésus-Christ est le propre
la
Fils de Dieu —
la seconde, que pour nous racheter, il
;

s'est abîmé dans l'humiliation.

i. Apoc. passim. — 2. Ephes. IV, 8.


« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS » 369

Jésus est Dieu et homme. Comme Dieu, il remplit de


sa présence divine le ciel et la terre c'est donc comme
;

homme qu'il est monté à la droite du Père. Mais l'hu-


manité en Jésus est unie à la personne du Verbe c'est ;

l'humanité d'un Dieu; en cette qualité, elle jouit du droit


de prétendre à la gloire divine dans les splendeurs
éternelles.
Durantla vie mortelle du Christ, —
sauf au jour de
la Transfiguration, —
cette gloire était voilée, cachée.
Le Verbe a voulu s'unir à une humanité faible comme
la nôtre, à une humanité passible, soumise à l'infirmité,
à la souffrance, à la mort.
Nous avons vu que dès l'aube de sa résurrection, Jé-
sus est entré en possession de cette gloire resplendis-
sante son humanité est désormais glorieuse, impas-
;

sible. — Mais
elle demeure encore ici-bas, en un lieu
corruptible où règne la mort. Pour atteindre le sommet,
l'épanouissement de cette gloire, il fallait à Jésus res-
suscité un lieu qui répondît dignement à sa nouvelle
condition il lui fallait les hauteurs du ciel, d'où sa
;

gloire et sa puissance pourraient désormais rayonner


pleinement sur la société entière des élus et des rache-
tés.
Homme-Dieu, Fils de Dieu, égal à son Père, Jésus a
le droit de s'asseoir à sa droite, de partager avec lui
dans tout leur éclat la gloire divine, la béatitude infinie
et la toute-puissance de l'Être souverain \

La seconde raison de cette suprême glorification est


d'être une récompense des humiliations que Jésus a
subies par amour pour son Père et par charité pour
nous.

i. nous considérons l'humanité de Jésus en tant que nature.


Si
comme cette nature est créée, « s'asseoir à la droite de Dieu » ne
signifie évidemment pas pour elle l'égalité avec l'Être divin dans
sa gloire essentielle, mais une participation sublime et éminente à la
béatitude et à la puissance infinies.

Le Christ dans ses mystères.


.570 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Je vous l'ai dit souvent En entrant dans ce monde,


:

le Christ s'est livré tout entier au bon plaisir du Père :


Ecce venio, ut faciam, Deus, voluntatem tuam ; il a *

accepté d'accomplir jusqu'à la pleine consommation le


programme des abaissements prédits, de boire jusqu'à
la lie l'amer calice des souffrances et des ignominies
sans nom il s'est anéanti jusqu'à la malédiction de la
;

croix. Et pourquoi tout cela ? Ut cognoscat mundus


quia diligo Patrem ". « Afin que le monde sache que
j'aime mon Père », ses perfections et sa gloire, ses
droits et ses volontés.
Et voilà pourquoi Propter quod remarquez ces
: —
mots, empruntés à S. Paul, ils indiquent la réalité du
motif —
« voilà pourquoi Dieu le Père a glorifié son
Fils, pourquoi il l'a exalté au-dessus de toutes choses,
au ciel, sur la terre, dans les enfers Propter quod et :

3
Deus exaltavit illum .

Après le combat, les princes de la terre récompensent


dans la jubilation les vaillants capitaines qui ont défen-
du leurs prérogatives, remporté la victoire sur l'ennemi
et reculé, par leurs conquêtes, les limites du royaume.
N'est-ce pas ce qui se réalise dans les cieux au jour
de l'Ascension, mais avec un éclat incomparable ? Avec
une souveraine fidélité, Jésus avait accompli l'œuvre
que son Père réclamait de lui Quae placita sunt ei :

facio semper*... Opus consummavi* ; s'abandonnant


aux coups de la justice, comme une victime sainte, il
était descendu dans des abîmes incompréhensibles de
douleurs et d'opprobres. Maintenant que tout était ex-
pié, soldé, racheté que les puissances des ténèbres
;

étaient défaites que les perfections du Père étaient re-


;

connues et ses droits vengés, que les portes du royaume


céleste étaient rouvertes à toute la race humaine, quelle
joie ce fut pour le Père céleste si nous osons bal- —
i. Hebr. X, 9: cf. Ps. XXXTX, S. —2. Joan. XIV,
3. Philipp. H. 9. — 4. Joan. VII]. 2 q. — 5. Ibid. XVII.
3
4.
« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS » 371

butier ainsi de tels mystères, de couronner son Fils —


après la victoire remportée sur le prince de ce monde !

Quelle allégresse divine que d'appeler la sainte huma-


nité de Jésus à goûter les splendeurs, la béatitude et la
puissance d'une éternelle exaltation !

D'autant plus qu'au moment d'achever son sacrifice,


Jésus en personne avait demandé à son Père cette
gloire qui devait étendre celle du Père lui-même :

« Père, l'heure est venue : glorifiez votre Fils, afin que


votre Fils vous glorifie '
! »
« Oui, Père, l'heure est venue.Votre justice a été sa-
tisfaite par l'expiation qu'elle le soit aussi par les
;

honneurs qui reviennent à votre Fils Jésus à cause de


l'amour qu'il vous a manifesté dans ses souffrances. O
Père, glorifiez votre Fils Affermissez son règne dans
!

les cœurs de ceux qui l'aiment ramenez sous son ;

sceptre les âmes qui se sont détournées de lui attirez ;

à lui celles qui, assises dans les ténèbres, ne le connais-


sent pas encore Père, glorifiez votre Fils, afin qu'à son
!

tour votre Fils vous glorifie en nous manifestant votre


Etre divin, vos perfections, vos désirs » Pater, clari- !

flca Filium tuum ut Filius tuus clarificet te.


Mais le Père nous a déjà répondu « Je l'ai glorifié :

et je le glorifierai encore » Clarificavi et iterum clari-


:

ficabo
2
.

Et nous l'entendons redire au Christ lui-
même ces paroles solennelles prédites par le psaîmiste :

« Tu es mon Fils... Demande, et je te donnerai les na-


tions pour héritage,... pour domaine les extrémités de
3
la terre ... Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que j'aie
4
réduit tes ennemis à servir d'escabeau à tes pieds »!...

Les œuvres divines resplendissent d'ineffables et se-


crètes harmonies dont le caractère unique ravit les
âmes fidèles.

i. Joan. XVII, i. L'Église nous fait lire ce texte à la messe


de la. vigile de l'Ascension. —
2. Joan. XII, 28. 3. Ps\ II. 7-8. — —
4. Ibid. CIX, 1.
372 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Voyez : où le Christ Jésus a-t-il commencé sa pas-


sion ? Au pied de la montagne des Oliviers. Là, durant
trois longues heures, son âme sainte qui prévoyait, —
dans la lumière divine, la somme d'afflictions et d'ava-
nies qui devaient constituer son sacrifice, a été en —
proie à la tristesse, à l'ennui, au dégoût, à la peur, à
l'angoisse. Nous ne saurons jamais quelle atroce agonie
le Fils de Dieu a subie dans le jardin des Oliviers :

Jésus y a souffert, par anticipation et comme en rac-


courci, toutes les douleurs de sa Passion « Père, s'il :

1
est possible, que ce calice s'éloigne de moi » !...
Et où notre divin Sauveur a-t-il inauguré les joies de
son ascension ? Sagesse éternelle, Jésus qui, en ceci, —
ne l'oublions pas, ne fait qu'un avec son Père et l'Es-
prit-Saint, —
a voulu choisir, pour s'élever aux deux,
la cime de cette même montagne qui avait été le témoin
de ses douloureux abaissements. Là même où elle s'est
abattue sur le Christ comme un torrent vengeur, la jus-
1
tice divine le couronne d'honneur et de gloire là ;

même où il a été préludé, dans l'horreur des ténèbres,


à de puissants combats, s'est levée la radieuse aurore
d'un incomparable triomphe.
N'est-ce pas que l'Église, notre mère, est en droit
d'exalter comme « admirable » l'ascension de son divin
chef ? Per admirabilem ascensionem tuam.

III

Tel est le mystère de l'ascension de Jésus : sublime


glorification du Christ au-dessus de toute créature, à la
droite de Dieu.
Jésus est « sorti du Père » Exivi a Pâtre, et il est
« retourné à son Père », après avoir accompli sa mis-
sion ici-bas : Et vado ad Patrem \ « Comme un géant,
il s'est élancé pour parcourir sa voie » Exsultavit ut :

i. Matth. XXVI, 39. — 2. Hebr. II, 9. — 3. Joan. XVI, 28.


« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS » 373

gigas ad currendam vicun ; « il est sorti du plus haut


des cieux », du sanctuaire de la divinité, A summo caelo
egressio ejus ; et « il remonte au sommet de toutes
choses pour y jouir de la gloire, de la béatitude et de la
puissance divines: Et occursus ejus usque ad summum
ejus \
Dans ce qu'il a de proprement divin, ce triomphe est
le privilège exclusif du Christ, Homme-Dieu, Verbe in-
carné. Seul, en qualité de Fils de Dieu, de Rédempteur
du monde, Jésus a droit à cette gloire infinie. C'est
pourquoi Paul disait « Qui est celui des anges à
S. :

qui Dieu a jamais dit Asseyez-vous à ma droite 2 » ?


:

Notre-Seigneur lui-même exprimait une pensée iden-


tique dans son entretien avec Nicodème. « Nul n'est
monté au ciel, disait Jésus, que celui qui en est descen-
du, le Fils de l'Homme qui est dans le ciel » Nerno as- :

cendit in caelum, nisi qui descendit de caelo, Filius ho-


minis qui est in caelo
3

Jésus est le Fils de l'homme
.

par son incarnation mais en s'incarnant il est resté le


;

Fils de Dieu, qui est toujours dans le ciel. Descendu du


ciel, du sein du Père, pour revêtir notre nature, le Christ

y remonte comme dans un séjour naturel à lui seul, ;

vrai Fils de Dieu, appartient de plein droit de remonter


auprès du Père, d'avoir part aux honneurs sublimes de
la divinité. Ils ne sont réservés qu'à lui : Nemo ascen-
dit... nisi qui descendit.

Et nous, ne pénétrerons-nous pas aussi dans les


cieux ? Demeurerons-nous exclus de ce séjour de gloire
et de béatitude ? N'aurons-nous point part à l'ascen-
sion de Jésus ? Oh certainement ! mais, vous le ;

savez, c'est par le Christ et dans le Christ que nous
entrons au ciel.
Comment cela ? Par le baptême qui nous rend en-
fants de Dieu. Notre-Seigneur le révélait dans le même

i. Ps. XVIII, 6-;. — 2. Hebr. I, 13. — 3. Joan. III, 13.


374 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

entretien avec Nicodème


Nisi quis renatus fuerit ex
:

aqua Sancto, non potest introire in regnum


et Spiritu
Dei \ « Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit-
Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu ».
C'est comme s'il disait 11 n'y a pas moyen d'entrer
:

dans le ciel si on ne renaît de Dieu il y a une naissance ;

éternelle dans le sein du Père c'est la mienne de plein ; ;

droit, je remonte au ciel, parce que je suis le propre


Fils de Dieu, engendré dans les splendeurs saintes ;

mais il y a une autre catégorie d'enfants de Dieu :

ceux « qui naissent de lui » par le baptême Ex Deo :

nati sunt*.
Ceux-là sont enfants de Dieu, et par conséquent, dit

S. Paul, « ses héritiers » Si filii et heredes ; « héritiers


de Dieu, ils sont les cohéritiers du Christ », Coheredes
Christi*, partageant par conséquent son propre héri-
tage éternel.
Nous rendant enfants de Dieu, le baptême nous rend
aussi membres vivants du corps mystique dont le Christ
est la tête. S. Paul est si explicite là-dessus Vos estis !

4
corpus Christi, et membra de membro : i Vous êtes le
corps du Christ et ses membres, chacun pour sa part » ;

et plus vivement encore « Personne ne néglige sa


:

propre chair bien au contraire il la soigne et la nour-


;

rit vous, vous êtes de la chair du Christ et de ses os »,


;

De carne ejus et de ossibus ejus 6 .

Or, les membres participent à la gloire de la tête, et


la joie d'une personne rejaillit sur tout le corps c'est :

pourquoi nous participons à tous les trésors que le


Christ possède ses joies, ses gloires, sa béatitude de-
:

viennent nôtres.
Telle est la merveille de la miséricorde divine. « Dieu
est riche en miséricorde, s'écrie l'Apôtre à cause de ;

l'amour immense qu'il nous a porté, alors que nous

i. Joan. III, 5. — 2. Ibid. I, 13. — 3.. Rom. VIII, 17.



4. [ Cor. XII, 27. — 5. Ei>hes. V, 30.
«. PERE, 375

étions morts par le péché, il nous a rendus vivants avec


le Christ, (car c'est par sa grâce que vous êtes sau-
vés) ; il nous a ressuscites avec lui il nous a fait as-
;

seoir tous avec lui dans de manifester


les cieux, afin
par là aux siècles à venir l'infinie richesse de sa grâce,
1
par la bonté qu'il nous témoigne en Jésus-Christ ».
Et comme tout ce que le Père fait, le Fils le fait éga-
3
lement le Christ Jésus entraîne avec lui notre huma-
,

nité pour la faire asseoir dans la gloire et la béatitude.


C'est là la grande action de Jésus, l'exploit magnifique
de ce géant divin de rouvrir par ses souffrances les
:

portes du ciel à l'humanité déchue, et de la transporter,


à sa suite, dans les splendeurs des cieux Unitam sibi :

fragilltatls nostrae substantiam, in gloriae tuae dex-


tera collocavit...^ Est elevatus in caeium,ut nos divini-
tatis suae tribueret esse participes *.
Quand le Christ est monté au ciel, dit S. Paul, tout
un cortège d'âmes saintes, conquête glorieuse, y péné-
trait avec lui Captivam duxit captivitatem. Mais ces
:

justes qui escortaient Jésus dans son triomphe ne sont


que les prémices de moissons innombrables. C'est sans
cesse que se fait l'ascension des âmes au ciel, jusqu'au
jour où le royaume de Jésus aura atteint la mesure de
sa plénitude.
<< L'ascension du Christ est donc aussi la nôtre, la
du corps. En ce saint
gloire de la tète fonde l'espérance
jour, nous n'avons pas seulement reçu l'assurance de
rentrer en possession de la gloire éternelle, mais nous
avons déjà pénétré dans les hauteurs des cieux avec le
5
Christ Jésus ». « Les ruses de l'antique ennemi nous

i. Deus qui dives est in misericordia, profiter nitniam caritatem


suam, qua dilexit nos, et cum essemus mortui peccatis, convificavit
nos in Christo ( cujus gratia estis salvati) et conresuscitavit et conse-
dere fecit in caelestibus in Christo Jesu: ut osterideret in sacculis su-
pervenientibus divitias gratiae suae in bonitate super nos in Christo
Jesu. Ephes. II, 4-7. —
2. Joan. V, 19. —
3. Communicantes de
— —

la messe de l'Ascension. 4. Préface de l'Ascension. 5. Christi


isccnsio nostra provectio est ; et quo processit gloria capitis eo spes
376 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

avaient arrachés au premier séjour de félicité le Fils ;

de Dieu, en nous incorporant à lui, nous a placés à la


droite de son Père » Quos inimicus primi habitaculi
:

eos sibi CONCORPORATOS Del Filius


felicitatc dejecit,
1
ad dexteram Patris collocavit .

Comme nous comprenons le chœur d'action de grâces


que les élus chantent à la louange de l'Agneau immolé
pour les hommes Comme nous comprenons ces accla-
!

mations et ces adorations, qu'ils offrent sans cesse à


celui qui a payé par d'indicibles tourments leur béati-
tude sans fin !..

L'heure de cette glorification n'a pas encore sonné


pour nous. Mais en attendant que nous nous unissions
au chœur des bienheureux, nous devons par la pensée
et les saints désirs habiter dans ce ciel où le Christ,
notre tête, vit et règne à jamais.
Nous ne sommes sur la terre que des hôtes et des
étrangers à la recherche de notre patrie comme des
;

membres de la cité des saints et de la maison de Dieu ;

« par la foi et l'espérance, dit S. Paul, nous devons déjà


2
vivre dans le ciel ».
C'est aussi la grâce que l'Église nous fait demander
à Dieu en cette solennité « Accordez-nous, ô Dieu
:

Tout-Puissant, à nous qui croyons que votre Fils uni-


que, notre Rédempteur, est aujourd'hui monté au ciel,
d'y habiter aussi nous-mêmes par la pensée » Ipsi :

quoque mente in caelestibus habitemus. A la postcom-


munion de la même messe, nous demandons « de res-
sentir les effets invisibles de ces mystères auxquels nous
participons visiblement » Ut quae visibilibus mysterils
:

sumenda percepimus, invisibill consequamur effectu.


vocatur et corporis ; hodîe non solum paradisi possessores firmati
sumus, sed etiam caelorum in Christo sufrerna penetravimus. S. Léo.
Sermo I De Ascensione Domini, C. TV.
i. S. Léo. Sermo I De Ascensione Domini, C. IV. —2. Philipp.
III. 20.
« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS » 377

Par la communion, nous nous unissons à Jésus : en ve-


nant à nous, Notre-Seigneur nous donne de partager
en espérance la gloire dont il jouit en réalité « il nous ;

en donne même le gage » Et futurae gloriae nobis pi-


:

1
gnus datur .

Oh, lui dirons-nous, entraînez-nous à votre suite,


triomphateur magnifique et tout-puissant Trahe nos :

post te : donnez-nous de monter dans les cieux avec


vous, d'y habiter par la foi, l'espérance et l'amour Ac- !

cordez-nous de nous détacher de toutes les choses de


la terre, qui sont fugitives, pour ne rechercher que les
vrais biens qui demeurent Puissions-nous « être par le
!

cœur où nous savons que votre sainte humanité est cor-


porellement élevée » Ut Mue sequamur corde, ubi cum
!

corpore ascendisse credimus \

IV

L'ascension de Jésus fait naître dans l'âme fidèle qui


la contemple avec dévotion de multiples sentiments. Si
le Christ ne mérite plus, son ascension a pourtant la

vertu de produire efficacement les grâces qu'elle signifie


ou symbolise.
Elle affermit notre foi en la divinité de Jésus elle ;

accroît notre espérance par la vision de la gloire de


notre chef en nous animant à l'observation de ses com-
;

mandements, qui fonde nos mérites, eux-mêmes prin-


cipe de notre béatitude future, elle rend notre amour
plus ardent. — engendre en nous l'admiration pour
Elle
un si merveilleux triomphe, la reconnaissance pour la
participation que le Christ nous en donne. « Élevant —
nos âmes vers les réalités célestes, elle avive en elles
le détachement des choses qui passent » Quae sursum :

sunt quaerite, ubi Christus est in dextera Dei sedens,


non quae super terram 3 ; elle nous donne la patience
i. Antienne de la Fête-Dieu O sacrum convhium. — 2. S. Gre-
gor. H omit. XXIX m Evangel. c. 11. —
3. Col. TÏI, 1-2.
378 LK CHRIST DANS SES MYSTÈRES

dans les adversités d'ici-bas. Car, dit S. Paul, « si nous


avons partagé les souffrances du Christ, nous serons
associés à sa gloire » : Si tamen compatimur ut et con-
glorificemur \

Il est toutefois deux sentiments auxquels je veux


m'arrêter avec vous quelques instants parce que, jaillis-
sant avec une particulière abondance de la contempla-
tion pieuse de ce mystère, ils sont singulièrement fé-
conds pour nos âmes ce sont la joie et la confiance.
:

Et d'abord pourquoi nous réjouir ?


Notre-Seigneur disait lui-même à ses apôtres avant
de les quitter Si diligeretis me, gauderetis utique quia
:

2
vado ad Patrem , « Si vous m'aimiez, vous vous ré-
jouiriez de ce que je vais à mon Père ». A nous aussi, le
Christ redit ces paroles. Si nous l'aimons, nous nous
réjouirons de sa glorification nous nous réjouirons de
;

ce que, ayant achevé sa course, il remonte à la droite de


son Père, pour y être exalté au plus haut des cieux, pour
y goûter après ses travaux, ses souffrances et sa mort,
un repos éternel dans une gloire incommensurable. Une
félicité, pour nous incompréhensible, l'enveloppe et le
pénètre pour toujours dans le sein de la divinité la ;

suprême puissance lui est donnée sur toute créature.


Comment ne pas nous réjouir de ce que toute justice
est ainsi rendue, en toute plénitude, à Jésus, par son
Père?

Voyez combien l'Église nous invite, dans sa liturgie,


à célébrer avec allégresse cette exaltation de son
Époux, notre Dieu et notre Rédempteur.
Tantôt elle presse toutes les nations de faire éclater
la plénitude de leur joie en des hymnes répétées. Omnes
génies, plaudite manibus : « Nations entières, applau-
dissez Exaltez Dieu en des cris de jubilation
! Jubi- î

». Rom. VIII, 17. — 2. Joan. XIV, z8.


« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS » 379

lateDeo in voce exsultationis. « Car le Seigneur s'élève


au milieu des acclamations, et les trompettes célèbrent
sa venue dans le ciel. Chantez à notre Dieu Chantez à !

notre Roi! Chantez d'harmonieux cantiques! Car le Sei-


gneur règne sur les nations, et siège sur son trône
saint, » Ascendit Deus in jubilo et Dominus in voce
tubae \ « Exaltez le Roi des rois, et chantez un hymne
à Dieu » Exaltate Regem regum, et hymnum dicite
!

Deo*.
Tantôt elle interpelle les puissances angéliques. « Ou-
vrez vos portes, princes des cieux, afin que le Roi de
gloire fasse son entrée » Attollite portas, principes,
:

vestras, et introibit Rex gloriae. Étonnés, les anges—


demandent « Qui est ce Roi de gloire ? » Quis est iste
:

Rex gloriae ? —
« C'est le Seigneur plein de force et de
puissance, le Seigneur qui fait éclater sa vigueur dans
les combats » Dominus fortis et potens, Dominus po-
:

tens in praelio. Et les esprits célestes répètent « Quel :

est donc ce Roi de gloire ?» —


« C'est le Seigneur des
armées, lui seul est le Roi de gloire » Ipse est Rex glo- :

3
riae /

Tantôt enfin, en un langage plein de poésie emprunté


au psalmiste, elle s'adresse à Jésus lui-même. « Élevez-
vous, Seigneur, par votre divine force, car nous chante-
rons et nous célébrerons vos triomphes » Exaltare, :

Domine, in virtute tua : cantabimus et psallemus vir-


tutes tuas \ « Votre gloire resplendit dans les hauteurs
des cieux 5 » « Des nuées, vous faites votre char vous
. ;

vous avancez sur les ailes des vents vous vous êtes ;

"revêtu de majesté et de splendeur vous vous êtes enve- ;

loppé de lumière comme d'un manteau » Confessionem :

et decorem induisti, amictus lumine sicut vestimento


Oui, réjouissons-nous Ceux qui aiment Jésus éprou-
!

I. Ps. XLVl, i, 6-7, 9. — 2. 4 e Antienne des Laudes de l'As-


cension. — 3. Ps. XXIII, 7-16. —4. Ibid. XX, 14. —5. lbid. VIII.
2. — 6. ibid. cm, 1-3.
380 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

vent une joie profonde et intense à le contempler dans


le mystère de son ascension, à remercier le Père d'avoir

donné une telle gloire à son Fils, à féliciter Jésus d'en


être l'objet.

Réjouissons-nous encore de ce que ce triomphe et


cette glorification de Jésus sont aussi les nôtres.
Ascendo ad Patrem meum et Patrem vestrum, Deum
meum et Deum vestrum m'en retourne à mon
'
: « Je
Père qui est aussi votre Père, à mon Dieu qui est aussi
votre Dieu. » Jésus ne fait que nous précéder il ne se :

sépare pas de nous, il ne nous sépare pas de lui. S'il pé-


nètre dans son royaume glorieux, c'est « pour nous
y préparer une place » Vado parare vobis locum ; il
:

promet de « revenir un jour nous prendre » pour nous


y faire asseoir, afin, dit-il, « que nous soyons où il
2
est ». Ainsi, nous sommes déjà, en droit, dans la gloire
et la félicité du Christ Jésus nous y serons un jour en
;

réalité. Ne l'a-t-il pas demandé à son Père ? Volo,


Pater, ut ubi sum ego, et Mi sint mecum ". Quelle —
puissance dans cette prière et quelle douceur dans cette
promesse !

Laissons donc aller nos cœurs à cette joie intime et


toute spirituelle. Rien ne « dilate » tant nos âmes que
ce sentiment, rien ne les fait « courir avec plus de géné-
rosité dans la voie des préceptes du Seigneur » Viam :

mandatorum tuorum cucurri, cum dilatasti cor meum \


Répétons souvent au Christ Jésus, durant ces saints
jours, les aspirations ardentes de l'hymne de la fête :

Tu esto nostrum gaudium


Qui es futurus praemium ;

Sit nostra in te gloria


Per cuncta semper saecula\
I. JOMP. XX. 17. — 2. Ibid. XIV, 2-T. — 3. Ibid. XVI 1, 2A. -
4 Ps. CXVIII, 32. — 5. Hymne des Vêpres et des Laudes. (Bré-
viaire monastique.)
« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS » 381

« Soyez notre joie, ô vous, qui serez un jour notre


récompense et que toute notre gloire demeure en vous,
;

à jamais, pour tous les siècles » !

A cette joie profonde nous devons joindre une con-


fiance inébranlable. — Cette confiance trouve surtout
son appui dans le crédit tout-puissant que possède le
Christ auprès de son Père, non seulement en qualité de
roi invincible inaugurant son triomphe, mais comme
pontife suprême intercédant pour nous, après avoir
offert à son Père une oblation d'une valeur infinie. Or,
c'est au jour de son ascension que Jésus, d'une façon
toute particulière, a commencé cette médiation unique.
Il y a ici un aspect très intérieur du mystère, auquel

il est souverainement utile de nous arrêter quelques


instants. S. Paul, qui nous l'a révélé dans l'Épître aux
Hébreux, le déclare lui-même « ineffable » Ininterpre- :

tabilis sermo \
Je vais essayer pourtant, à la suite du grand apôtre,
de vous en donner quelque idée. Que l'Esprit-Saint
nous fasse comprendre combien sont merveilleuses les
œuvres divines.
S. Paul rappelle d'abord les rites du plus solennel
sacrifice de l'Ancienne Alliance. Pourquoi ce procédé ?
Sans doute parce qu'il s'adressait à des Juifs il fallait ;

leur parler un langage qu'ils pussent comprendre. Mais


il y a une raison plus profonde. Quelle est-elle ? L'A-

pôtre nous la découvre lui-même. C'est la relation très


intime, établie par Dieu, entre l'ancien cérémonial et le
sacrifice du Christ. Et quelle est cette relation ?
Comme vous le savez, Dieu, dans sa prescience éter-
nelle, embrasse toute la série des siècles de plus, sa-
;

gesse infinie, il dispose toutes choses avec une mesure

i. Hebr. V. ii.
38? US CHRIST DANS SKS MYSTÈHKS

et un équilibre parfaits. Or, ii a voulu que les princi-


paux événements qui ont marqué l'histoire du peuple
choisi et que les sacrifices par lesquels il avait fixé la
religion d'Israël fussent autant de types inachevés et
d'obscurs symboles des magnifiques réalités qui de-
vaient leur succéder dès que le Verbe incarné appa-
raîtrait ici-bas Haec omnia in figura contingebant il-
:

lis... *
Umbra juturorum \
C'est pourquoi l'Apôtre insiste tout d'abord sur le
sacrifice des Juifs. Ce n'est pas pour le plaisir d'établir
une simple comparaison qui faciliterait à ses auditeurs
la compréhension de son exposé mais parce que l'An- ;

tique Alliance présageait, par ses ébauches, les splen-


deurs de la Loi Nouvelle fondée par le Christ Jésus.
S. Paul rappelle aussi quelle était la structure du
temple de Jérusalem dont Dieu lui-même avait réglé
tous les détails. « Il y avait, dit-il, un premier « taber-
nacle », appelé le Saint les prêtres y entraient en

;

tout temps pour le service du culte au delà d'un ;

voile, se trouvait un second tabernacle appelé le Saint


des saints, où étaient l'autel d'or de l'encens et l'arche
3
d'alliance . »
Ce des saints » était l'endroit le plus auguste
« Saint
de —
Il était le centre vers lequel convergeait
la terre.
tout le culte d'Israël, vers lequel se tendaient les pen-
sées et s'élevaient les mains du peuple juif tout entier.
Et pourquoi cela ? Parce que c'était là que Dieu faisait
sa demeure toute spéciale; là qu'il avait promis de « te-
nir toujours fixés ses yeux et son cœur»; Erunt oculi
4
mei et cor meum ibi cunctis diebus ; là qu'il recevait les
hommages, bénissait les vœux et exauçait les prières
d'Israël, là qu'il entrait pour ainsi dire en contact avec
son peuple.
Mais ce contact, comme vous le savez encore, n'était

i. F Cor. X, ii. — 2. Toi. II. 17. — 3. Hobr. IX, 2-4. —


-j. ni Rcg. IX, 3.
« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE EILS » 383

établi que par l'intermédiaire du grand-prêtre. Si redou-


majesté de ce tabernacle, où Dieu
table, en effet, était la
habitait, que seul le pontife suprême des Juifs pouvait y
pénétrer, et que l'entrée en était interdite à tout autre
qu'à lui sous peine de mort. Le pontife y entrait, revêtu
des habits pontificaux, portant sur sa poitrine le mys-
térieux « rational », assemblage de douze pierres pré-
cieuses sur lesquelles se trouvaient gravés les noms
des douze tribus d'Israël ce n'était que de cette façon
:

symbolique, que le peuple avait accès dans le Saint des


saints.
De plus grand-prêtre lui-même ne pouvait franchir
le
le voile de ce tabernacle si saint, qu'une seule fois par

année encore devait-il avoir immolé d'abord, en de-



;

hors, deux victimes, l'une, pour ses péchés, l'autre,


pour les péchés du peuple ;

il aspergeait de leur sang

le propitiatoire où reposait la majesté divine, pendant

que les lévites et le peuple remplissaient les parvis.


Ce sacrifice solennel, par lequel le grand-prêtre de la
une fois l'an, dans le Saint
religion juive offrait à Dieu,
des saints, les hommages de tout son peuple et le sang
des victimes pour le péché, constituait l'acte suprême
et le plus auguste de son sacerdoce.

Et pourtant, comme
je vous l'ai dit après S. Paul,
« tout cela n'était que figures » Quae parabola est:

1
temporis instantis Et que d'imperfections dans ces
.

symboles Ce sacrifice était si impuissant qu'il fallait


!

le renouveler chaque année ce pontife était si impar-


;

fait qu'il n'avait pas le pouvoir d'ouvrir l'entrée du


sanctuaire au peuple qu'il représentait que lui-même ;

ne pouvait y pénétrer qu'une fois l'an, et sous la protec-


tion, pour ainsi dire, du sang des victimes offertes pour
ses propres péchés.
Où donc sont les réalités ? Où donc est le sacrifice
i. Hebr. IX, 9.
384 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

parfait, unique, qui remplacera pour toujours ces of-


frandes répétées et impuissantes ?
Nous les trouvons, et avec quelle plénitude — !

dans Christ Jésus.
le
Le Christ, dit S. Paul, est le pontife suprême, mais
un « pontife saint, innocent, séparé des pécheurs et plus
élevé que les cieux » il « pénètre dans un taber-
-
;

nacle non pas créé de la main des hommes » Non hu- :

2
jus creationis mais dans le « ciel des cieux », dans

,

le sanctuaire de la divinité Ad interiora velaminis * ; ;

comme le grand-prêtre, il y entre en portant le sang de


la victime. Quelle victime ? Des animaux, comme sous
l'Ancienne Alliance ? Oh non, ce sang n'est autre que
!

« son propre sang » : Per proprium sanguinem *, sang


précieux, d'une valeur infinie, versé « au dehors » c'est-
à-dire sur la terre, et répandu pour les péchés, non plus
du seul peuple mais de l'humanité entière
d'Israël, ;

il pénètre à travers c'est-à-dire par sa sainte
le voile,

humanité « c'est à travers ce voile que la voie du ciel


;

nous est désormais ouverte»: Initiavit nobis viam no-


vam per velamen, id est carnem suam c ; enfin il y pé- —
nètre non pas une fois l'an, mais « une fois pour tou-
tes »: Semel '; car son sacrifice étant parfait et d'un prix
infini, il est « unique et suffit à procurer pour toujours
la perfection à ceux qu'il veut sanctifier » Una enim :

oblatione consummavit in sempiternum sanctificatos \


Mais —
et c'est surtout en ceci que l'œuvre divine
est admirable, que la réalité dépasse la figure le —
Christ n'y pénètre pas seul. Notre pontife nous porte
avec lui, non pas d'une façon symbolique, mais en réa-
B
lité, car nous sommes ses membres, sa « plénitude »,
comme dit l'Apôtre.
Avant lui, on ne pouvait pénétrer dans les cieux :

i. Hebr. VII, 26. — 2. Ibid. IX, 11 cf. Ibid. 24.— 3. Ibid. VI.

19. — 4- Ibid. IX, 12. — Ibid. X,
;

20. — 6. Ibid. IX, 12.


7. Ibid. X, 14. — 8. Ephes.
5 .

I, 23.
« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE KILS » 385

cette interdiction était symbolisée par la défense redou-


table de franchir le voile du Saint des saints ; c'est l'Es-
prit-Saint lui-même qui le déclare, ainsi qu'en témoigne
S. Paul Hoc significatif e Spiritu sancto nondum pro-
:

palatam esse sanctorum viam \


Mais !e Christ Jésus, par sa mort, a réconcilié l'hu-
manité avec son Père il a lacéré de ses mains percées
;

2
le décret de notre expulsion et c'est pourquoi, quand ;

il a expiré, le voile du Temple, comme vous le savez,

s'est déchiré en deux. Que signifiait ce prodige ? Non


seulement que l'Ancienne Alliance avec le peuple juif
avait cessé, que les symboles faisaient désormais place
à une réalité plus haute et plus efficace, mais encore
que le Christ nous rouvrait les portes du ciel et nous
rendait l'entrée dans l'héritage éternel.
Au jour de son ascension, le Christ, Pontife suprême
de la race humaine, nous emporte avec lui dans les
cieux, en droit et en espérance.
N'oubliez jamais que ce n'est que par lui que nous
pouvons y entrer aucun homme ne peut entrer dans
;

le saint des saints qu'avec lui aucune créature ne peut ;

jouir de la félicité éternelle qu'à la suite de Jésus c'est ;

le prix de ses mérites qui nous vaut la béatitude infinie.


Durant toute l'éternité, nous lui dirons : « Christ
sang répandu pour nous,
Jésus, c'est par vous, par votre
que nous sommes devant la face de Dieu c'est votre ;

sacrifice et votre immolation qui nous valent à chaque


instant notre gloire et notre béatitude à vous, Agneau :

immolé, tout honneur, toute louange, toute action de


grâces » !

En attendant que le Christ Jésus vienne nous cher-


cher, comme promis, « il nous prépare une place »,
il l'a

et surtout il nous aide de ses prières.


Car que fait dans les cieux ce pontife suprême ?

i. Hebr. IX, 8. — 2. cf. Col. II, 14.

Le Christ dans ses mystères. 35


386 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

S. Paul nous répond qu'il est entré au ciel « afin de se


tenir désormais pour nous présent devant la face de
Dieu » Ut appareat nunc vultui Dei pro nobis \ Son
:

sacerdoce est éternel et par conséquent éternelle est sa


;

médiation. Et quelle puissance infinie dans son crédit !

Il est là devant son Père, lui présentant sans cesse

son sacrifice, rappelé par les cicatrices qu'il a voulu


conserver de ses plaies il est là, « toujours vivant,
;

priant pour nous » Semper vivens ad interpellandum


:

pro nobis \
Pontife toujours écouté, il redit pour nous la prière
sacerdotale de la cène « Père, c'est pour eux que je
:

prie... Ils sont dans le monde... Gardez ceux que vous


m'avez donnés... Je prie pour eux, afin qu'ils aient en
eux la plénitude de la joie... Père, je veux que là où je
suis ils soient avec moi, afin qu'ils voient la gloire que
vous m'avez donnée... afin que l'amour dont vous
m'avez aimé soit en eux, et que je sois moi aussi en
a
eux ».

Comment ces sublimes vérités de notre foi ne feraient-


elles pas naître en nous une inébranlable confiance ?
Ames de peu de foi, que pouvons-nous craindre ? Que
ne pouvons-nous pas espérer ? Jésus prie pour nous,
toujours « Quoi, disait S. Paul, jadis, le sang impar-
!

fait des victimes d'animaux purifiait la chair de ceux


qui en étaient aspergés et le sang du Christ, qui s'est
;

offert lui-même sans tache à Dieu, ne purifierait pas


notre conscience des œuvres du péché, afin que nous
4
puissions servir le Dieu vivant ? »
Ayons donc une confiance absolue dans le sacrifice,
les mérites et la prière de notre pontife. Il a pénétré
aujourd'hui dans les cieux il inaugure, avec son triom-
;

i. Hebr. IX, 24. — 2. Ibid. VII, 25. Voir plus haut, p. 101

et suiv. ce que nous avons dit de l'oblation du Christ au ciel.
3. Joan. XVII, 9, il, 13, 24, 26. —
4. Hebr. IX, 13-14.
« PÈRE, GLORIFIEZ VOTRE FILS » 387

phe, son incessante médiation il est le Fils bien aimé ;

en qui le Père met ses complaisances comment ne se- ;

rait-il écouté, après avoir manifesté à son Père, par son


sacrifice, un tel amour ? Exauditus est pro sua rêve-
rentia \
O Père, regardez votre Fils regardez ses plaies ; :

Respice in faciem Christi tui ; et par lui, en lui, donnez-


nous d'être un jour où il est, afin que par lui aussi, en
lui et avec lui, nous vous rendions tout honneur et toute
gloire !

VI

Lorsque vous communierez durant ces saints jours,


âme à ces pensées de joie et de con-
laissez aller votre
fiance.
En vous unissant à Jésus-Christ, vous vous incorpo-
rez à lui ; ilvous en lui vous êtes en
est en vous, et ;

face du Père. Sans doute vous ne le voyez pas mais, ;

par la foi, vous vous savez devant Dieu avec Jésus qui
vous présente à lui vous êtes avec lui dans le sein du
;

Père, dans le sanctuaire de la divinité. C'est là, pour


nous, la grâce profonde de l'ascension de participer, :

dans la foi, à l'intimité ineffable que le Christ Jésus


possède au avec son Père.
ciel
II dans la vie de sainte Gertrude qu'un
est raconté
jour, en la solennité de l'ascension, lorsqu'elle reçut la
sainte hostie de la main du prêtre, elle entendit Jésus
lui dire « Me voici
: je viens, non pour te dire adieu,
;

mais pour t'emmener avec moi au ciel, et te présenter à


mon Père* ». —
« Appuyée sur Jésus, notre âme est
puissante, parce que le Christ lui fait part de toutes ses
richesses et de tous ses trésors » Quae est ista quae :

ascendit de deserto, deliciis affluens innixa super dilec-

i. Hebr. V, 7. — 2. Le Héraut de l'amour divin. L. IV, ch.


XXXVI.
388 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

? Ne craignons donc jamais, malgré nos


x
tum suum
misères et nos faiblesses, de nous approcher de Dieu ;

par la grâce du Sauveur, et avec lui, nous pouvons être


toujours dans le sein de notre Père des cieux.
Appuyons-nous sur le Christ Jésus, non seulement
dans la prière, mais dans tout ce que nous faisons. Et
nous serons forts. Si « sans lui nous ne pouvons rien » :

2
Sine me, nihil potestisfacere « avec lui, nous pouvons
,
3
tout » : Omnia possum in eo qui me
confortât Nous .

trouvons en lui, avec la source d'une grande confiance,


le motif le plus efficace de la fidélité et de la patience
au milieu des tristesses, des contrariétés, des épreuves,
des souffrances que nous devons subir ici-bas jusqu'à
la fin de notre exil.

Au moment de terminer sa vie mortelle, Jésus adresse


à son Père pour ses disciples qu'il quittera bientôt, une
prière touchante « Père saint, lorsque j'étais avec eux
:

je les gardais moi-même maintenant que je vais re-


;

tourner auprès de vous, je vous prie, non de les enlever


de ce monde, mais de les garder du mal » Cum essem :

cum eis, ego servabam eos ; nunc autem ad te venio ;


non rogo ut tollas eos de mundo, sed ut serves eos a
malo \
Quelle sollicitude toute divine se traduit dans cette
prière Notre-Seigneur l'a dite pour nous tous. Et
!

l'Église, qui entre toujours dans les sentiments de son


Époux, s'en est inspirée dans la « secrète » de la messe
de l'ascension. « Recevez, Seigneur, les dons que nous
vous offrons en mémoire de l'ascension glorieuse de
votre Fils, daignez nous délivrer des périls de la vie
présente, et nous faire parvenir à la vie éternelle, par le
rr^ême Jésus-Christ Notre-Seigneur * ». Pourquoi cette
prière de Jésus, reprise par l'Église ?

Cant. VIII, 5.
i. —
2. Joan. XV, 5. —
3. Philipp. IV, 13. —
4. Joan. XVII. 12-13-, 15. —
5. Suscipe, Domine, mimera quae
Pro Filii lui gloriosa ascensionc deferimus ; et concède propititts.
« PERE. 389

Parce y a des obstacles qui nous empêchent


qu'il
d'aller à et ces obstacles se résument tous dans
Dieu ;

le péché qui nous détourne de Dieu. Notre-Seigneur


demande que nous soyons délivrés du mal, c'est-à-dire
du péché qui, en nous éloignant de son Père des cieux,
est le seul mal véritable Ut serves eos a malo. Laissés
:

à nous-mêmes, à notre infirmité native, nous ne pou-


vons éviter ces obstacles mais nous le pourrons, si
;

nous nous appuyons sur le Christ. Il monte aujourd'hui


au ciel, victorieux de Satan et du monde Confîdite,
:

ego vici mundum... Princeps mundi hujus in me non


*

habet quidquam 2 Il entre, comme un pontife tout-puis-


.

sant, dans le sanctuaire divin Per hostiam suam appa-


:

ruit\ Par la communion, Notre-Seigneur nous donne


part à sa puissance et à son triomphe. C'est pourquoi
nous devons tant nous appuyer sur lui.
Avec le Christ, offrant pour nous ses mérites à son
Père, il n'y a pas de tentation que nous ne puissions
vaincre, pas de difficulté que nous ne puissions sur-
monter, pas d'adversité que nous ne puissions suppor-
ter, pas de joie insensée dont nous ne puissions nous dé-
tacher. En attendant que nous rejoignions Jésus dans
les cieux, ou plutôt qu'il nous y attire lui-même, puis-
qu'il « nous y prépare une place », vivons-y, par la foi
en la puissance illimitée de sa prière et de son crédit,par
l'espérance de partager un jour sa félicité, par l'amour
qui nous livre joyeusement et généreusement au fidèle
et entier accomplissement de sa volonté et de son bon
4
plaisir c'est ainsi que nous participerons pleinement
:

à cet admirable mystère de la glorieuse ascension de


Jésus Ipsi quoque mente in caelestibus habitemus.
:

ut a praesentibus fericulis liberemur, et ad vitam pervcniamus


aeternam. Per eumdem D. N. J. C.
i. Joan. XVI, 33. —
2. Ibid. XIV, 30. —
3. Hebr. IX, 20.—
4. Fac nos tibi semper et devotam gerere voluntatem et viajestati
tuae sincero corde servir e. Oraison du dimanche dans l'octave de
l'Ascension.
XVII. — LA MISSION DU SAINT-ESPRIT

(Pentecôte)

Sommaire. —
En quoi la mission visible du Saint-Esprit
aux apôtres rentre dans le cycle des mystères de Jé-
sus. —
I. Ce que le Saint-Esprit est dans la Trinité. —
II. Raisons pour lesquelles la descente de l'Esprit-Saint
sur les disciples n'a lieu qu'après l'Ascension. —
III. L'œuvre du divin Paraclet dans l'âme des apôtres :

il les remplit de vérité, d'amour, de force et de conso-


lation. —
iv. L'assemblée des disciples au cénacle re-
présente l'Église tout entière; action merveilleuse et
incessante de l'Esprit-Saint dans l'Église la Pentecôte :

dure toujours. —
V. Opérations de l'Esprit dans nos
âmes; nos devoirs envers lui.

« Sivous m'aimiez, disait le Christ Jésus à ses apô-


tres,vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon
Père » Si diligeretis me, gauderetis utique quia vado
:

ad Patrem \
Pour ceux qui aiment le Christ, l'ascension est, en
effet,une source inépuisable de joie. C'est la glorifica-
tion suprême de Jésus au plus haut des cieux c'est la ;

réalisation de cette prière du Christ « Père, glorifiez- :

moi, de cette gloire que j'ai eue en vous avant que le


monde fût » Clarifica me, tu, Pater, apud temetipsum,
:

claritate quam habui, priusquam mundus esset, apud


te\ Nous sommes dans l'allégresse en contemplant Jé-
sus, Fils de Dieu, notre rédempteur et notre chef, assis

i. Joan. XIV. 28. — 2. Ibid. XVII, 5.


LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 391

à la droite de son Père,après avoir rempli ici-bas, dans


les abaissements de son incarnation et les humiliations
de sa mort, sa mission de salut.
Mais Notre-Seigneur ne disait pas seulement à ses
disciples « Mon ascension doit vous réjouir »
: il ;

ajoutait « Elle doit aussi vous être utile ». Veritatem


:

dico : expedit vobis ut ego vadam ; si enim non abiero,


Paracletus non veniet ad vos ; si autem abiero, mittam
eum ad vos * : « Je vous dis la vérité il vous est bon :

que je m'en aille car si je ne m'en vais pas, le Conso-


;

lateur ne viendra pas à vous mais si je m'en vais, je ;

vous l'enverrai ».
Toutes les paroles du Verbe incarné sont, comme il
îe dit lui-même, « esprit et vie » Verba quae ego locu- :

2
tus surn vobis, spiritus et vita sunt Elles sont graves .

et profondes, parfois mystérieuses il y en a qui sont ;

difficiles à comprendre et qu'on n'approfondit bien que


dans la prière. La parole de Jésus que nous venons d'en-
tendre au sujet de son départ de la terre est de celles-là.
Expedit vobis ut ego vadam : « Il vous est utile que
je m'en aille ». —
Quoi donc comment peut-il être bon !

aux apôtres que Jésus s'en aille, qu'il les quitte pour
remonter à son Père ? N'est-il pas pour eux la source
de tous les biens, la cause de toute grâce ? N'est-il pas
« la voie, la vérité, la vie ' » ? N'a-t-il pas dit « Per- :

4
sonne ne peut venir au Père si ce n'est par moi » ?
Comment donc peut-il être utile aux apôtres que Jésus
les quitte ?
N'auraient-ils pas pu lui répliquer en toute vérité : O
divin Maître, ne parlez pas; nous n'avons besoin de per-
sonne d'autre que de vous, vous nous suffisez; Ad quem
ibimus ? Avec vous n'avons-nous pas toutes les grâ-

ces ? « Demeurez donc avec nous ». Mane nobiscum *.


Mais la parole du divin Maître est formelle « Je :

i. Joan. XVI, 7. — 2. Ibid. VI, 64. — 3. Ibid. XIV, 6. —


4. Ibid. — 5- Ibid. VI, 69. — 6. Luc. XXIV, 29.
392 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

vous dis la vérité » Veritatem dico ; « je ne puis de-


:

meurer davantage, il est temps que je retourne à mon


Père, et il vous est avantageux que je vous quitte ».
Pourquoi cela ? « Pour que je puisse vous envoyer
l'Esprit-Saint ».

C'est mystère, et c'est ce mystère que nous al-


ici le
lons contempler, pour autant que cela nous est pos-
sible car tout en ceci est surnaturel, et la foi seule
;

peut nous guider.

Bien que dans cet entretien, il soit constamment ques-


tion du Saint-Esprit, nous allons voir que la mission
visible de cet Esprit aux disciples —
mission qui con-
stitue l'objet propre de la solennité de la Pentecôte, —
appartient à Jésus, dans sa nature divine, (comme elle
appartient aussi au Père), et qu'elle rentre, de ce chef,
dans le cycle de ses mystères.
D'abord parce que le Christ Jésus a prié pour cette
mission il en a fait l'objet d'une demande toute parti-
;

culière. —Notre-Seigneur disait à ses disciples à la


dernière cène « Je prierai le Père, et il vous donnera
:

un autre consolateur, l'Esprit de vérité, pour qu'il de-


meure toujours avec vous 1 ».
Ensuite, Jésus a promis à ses apôtres de leur envoyer
cet Esprit. —
« Lorsque le Consolateur que je vous en-
verrai d'auprès du Père sera venu, l'Esprit de vérité qui
procède du Père, il rendra témoignage de moi »... « Si
2
je m'en vais, je vous enverrai le Consolateur » .

Il a de plus mérité cette mission. —


Par sa prière
comme par son sacrifice, le Christ Jésus a obtenu de
son Père que l'Esprit de vérité, d'amour, de force et de
consolation leur fût donné. Toute grâce est le prix de la
prière et de l'immolation du Sauveur comme cela se
;

vérifie admirablement dans la venue de cet Esprit, sf


puissant et si plein de bonté que Jésus lui-même le pro-

i. Joan. XIV, 16-17. — 2. Ibid. XV, 26; XVI, 7.


LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 393

clame son égal, en qui les apôtres trouveront un autre


lui-même !

Enfin et surtout l'envoi de l'Esprit-Saint aux apôtres


n'a d'autre but, comme vous le savez, que d'achever
l'établissement de l'Église. Jésus avait fondé cette—
Eglise sur Pierre, mais il a voulu laisser à l'Esprit-Saint
(nous verrons tantôt pourquoi) le soin de la perfec-
tionner. Avant son ascension, en effet, se trouvant à
table avec ses apôtres, il leur recommande de « ne pas
1
s'éloigner de Jérusalem, mais d'attendre l'Esprit »; la
venue de cet Esprit devait de
« servir à la glorification
Jésus » ; en même
temps, l'Esprit « les remplirait de
force », pour qu'ils pussent « rendre témoignage à Jé-
sus dans la ville sainte, dans la Judée, la Samarie, et
2
jusqu'aux extrémités de la terre ». Ce sont les propres
paroles du Christ Jésus.
Ainsi donc, vous le voyez cette mission du Saint- :

Esprit aux apôtres appartient bien à Jésus. Cela est si


vrai que S. Paul appelle l'Esprit-Saint, « l'Esprit du
3
Christ, l'Esprit de Jésus ». C'est pourquoi nous ne pou-
vons parcourir le cycle des mystères du Christ sans
contempler cette œuvre merveilleuse qui se réalisa dix
jours après l'ascension.
Demandons à l'Esprit-Saint de nous faire connaître
lui-même qui il est, en quoi consiste sa mission et son
œuvre au jour de la Pentecôte. « Venez, Esprit de vé-
rité, illuminez nos intelligences pour que dans nos cœurs

s'allume le feu de l'amour dont vous êtes le foyer


infini ».

Nous ne pouvons comprendre les paroles de Jésus au


sujet du Saint-Esprit que si nous nous rappelons d'a-
i. Act. I, 4. — 2. Ibid. S. — 3. Rom. VIII, q ; cf. Act. XVI.
7 et T Petr. I. 11.
394 LE CHRIST DANS SES MYSTKKEa

bord ce que la Révélation nous apprend de la vie de cet


Esprit dans la sainte Trinité. Vous connaissez déjà ce
mystère mais, à le contempler de nouveau, votre foi
;

y trouvera un accroissement de joie. Pénétrons donc,


avec une profonde révérence, dans le sanctuaire de la
divinité.
Que nous dit la foi ? — Qu'il y a en Dieu, le Père, le
Fils et le saint-Esprit : trois personnes distinctes dans
une même unité de nature.
Comme vous
le savez, le Père ne procède de per-
sonne il est Principe sans principe,
; le principe pre-
mier de toute la vie intime en Dieu, l'origine première
de toutes les ineffables communications dans la Trinité.
Le Père, se connaissant, engendre par une Parole in-
finie, un Fils unique et parfait, auquel il communique
tout ce qu'il est, excepté la propriété personnelle d'être
Père Sicut enim Pater habet vitam in semetipso, sic
:

dédit et Filio habere vitam in semetipso \ Le Fils est —


égal en tout au Père il est l'expression adéquate,
;

l'image parfaite du Père il possède avec lui la même


;

nature divine. —
Le Père et le Fils se donnent l'un à
l'autre avec un amour parfait,et c'est de cette donation
d'amour du Père au Fils et du Fils au Père, que pro-
cède, d'une façon mystérieuse, l'Esprit-Saint, troisième
personne. Le Saint-Esprit termine le cycle des opé-
rations intimes en Dieu, il est le terme final des com-
munications divines dans l'adorable Trinité.
Entre ces personnes distinctes, vous le savez encore,
il n'y a ni supériorité ni infériorité ce serait une grave
:

erreur que de le croire toutes trois sont égales en puis-


;

sance, en sagesse, en bonté, parce que toutes trois pos-


sèdent également, d'une manière indivisible, la même et
unique nature divine avec toutes ses infinies perfections.
Et c'est pourquoi toute notre louange s'adresse à la fois

i. Voir la conférence: L'Esprit-Saint, Eshrit de Jésus dans 1*


volume Le Christ vie de l'âme. —
2. Joan. V, 26.
LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 395

au Père, et au Fils et au S. Esprit : Gloria Patri et


Filio et Spiritui Sancto.

Pourtant, s'il n'y a entre elles ni inégalité ni dépen-


dance, il y a un ordre de nature, d'origine, marquant
les communications elles-mêmes. La « procession » du
Fils présuppose, sans qu'il y ait cependant inégalité de
temps, le Père, principe premier la « procession » du ;

Saint-Esprit présuppose !e Père et le Fils, dont il est le


don mutuel.
Il y a là une façon de parler que nous ne pouvons

rejeter. Jésus veut que tous ses disciples soient baptisés


« au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ' » :

c'est là le langage même du Verbe incarné il contient ;

une réalité divine dont la compréhension intime nous


échappe mais parce que c'est le langage de Jésus, nous
;

devons respecter inviolablement l'ordre entre les per-


sonnes de la Trinité. Autant nous devons sauvegarder
intacte, dans notre doctrine et notre prière, l'unité de
nature, autant aussi nous devons reconnaître la dis-
tinction des personnes, cette distinction qui se fonde sur
les communications qu'elles ont entre elles et leurs mu-
tuelles relations. Il y a, à la fois, égalité et ordre il y ;

a perfection identique et distinction de propriétés.


Ces vérités constituent un ineffable mystère dont nous
ne pouvons parler qu'en balbutiant. Pourtant Notre-
Seigneur a voulu nous en révéler l'existence il a voulu ;

nous faire cette révélation dans ses derniers entretiens


avec ses disciples, la veille de sa mort, « afin que notre
E
joie fût entière » ; il nous dit même que si nous som-
mes ses amis, c'est parce qu'il nous a fait connaître ces
secrets de la vie intime de Dieu ", en attendant que nous
en jouissions dans la félicité éternelle. Et pourquoi nous
les aurait-il révélés, ces secrets, s'il n'avait jugé, lui,
Sagesse infinie, que cette révélation nous serait utile ?

i. Matth. XXVIIÏ, 19. — 2. Joan. XV, n. — 3. Ibid. 15.


396 1 H CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Mais remarquez-le encore : cet ordre de principe,


d'origine, qui existedans les ineffables communications
des personnes entre elles et qui fondent leur distinction,
Dieu ne nous l'a pas seulement révélé par sa parole, il
a voulu aussi le manifester dans ses œuvres.
Jésus nous dit, dans l'Évangile, que « la vie éternelle
est de connaître que le Père est le vrai Dieu et que Jé-
sus-Christ est celui qu'il a envoyé ' » il dit souvent ;

:
que « son Père l'a envoyé ». Ce terme « envoyer » fré-
quemment employé par le Christ Jésus marque la dis-
tinction des personnes. C'est le Père qui « envoie » ;

c'est le Fils qui « est envoyé » l'ordre d'origine qui :

existe de toute éternité dans le ciel entre le Père et le


Fils, est ainsi manifesté dans le temps. Car, nous dit le
Christ au même endroit, en parlant de son Père « Nous :

sommes un 8 » « tout ce qui est à mon Père est à moi


;

4
et tout ce qui est à moi est à mon Père ».

Jésus emploie le même terme « envoyer » en parlant


du Saint-Esprit. Il dit aux apôtres que « son Père leur
enverra l'Esprit-Saint », Paracletus autem Spiritus
Sanctus quem mittet Pater* ; il dit aussi qu' « il l'en-
verra lui-même » Si autem abiero, mittam eum ad
:

6
vos Vous le voyez c'est le Père et le Fils qui en-
. :

voient ainsi parle Jésus de l'Esprit


; et Notre-Sei- :

gneur veut marquer par là l'ordre qui existe en Dieu


dans la « procession » du Saint-Esprit.

II

Nous touchons ici à la raison profonde pour laquelle


Jésus disait à ses apôtres « Quand je serai retourné :

aux cieux, je vous enverrai l'Esprit ».


i. Joan. XVII, 3. — 2. ïbid. III, 17; IV, 34 VI, 29; etc. —
3. Ibid. X, 30. — 4. Cf. Joan. XVII, 10. En
;

tant que » personne


divine »; car l'humanité de Jésus considérée en elle-même, comme
nature, est créée et par conséquent inférieure c'est en ce sens que ;

Jésus dit ailleurs « Mon Père est plus lïrand que moi », Pater
:

major me est. Joan. XIV, 28. 5. Joan. XIV. 26. —6. Ibid. XVI, 7. —
LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 397

Le Christ Jésus, dans sa nature divine, est, avec le


Père, le principe dont procède l'Esprit-Saint. Le don du

Saint-Esprit à l'Église et aux âmes est une grâce sans


prix, puisque cet Esprit est l'amour divin en personne.
Mais, ainsi que je vous l'ai dit tantôt, ce don, cet envoi
a été mérité pour nous, comme toute grâce, par Jésus ;

il est le fruit de sa passion le Christ en a soldé le prix


;

par les souffrances endurées dans sa sainte humanité.


N'était-il pas dès lors équitable que cette grâce ne fût
donnée au monde, que lorsque l'humanité, qui l'avait
méritée, serait glorifiée ? Cette exaltation de l'humanité
en Jésus ne s'est accomplie dans sa plénitude et n'a
atteint son épanouissement qu'au jour de l'ascension.
C'est alors seulement que cette sainte humanité est
entrée définitivement en possession de la gloire qui lui
revenait à double titre d'humanité unie au Fils de Dieu,
et de victime offerte au Père pour mériter toute grâce
aux âmes. Assise à la droite du Père dans la gloire des
cieux, l'humanité du Verbe incarné sera ainsi associée
à T « envoi » qui sera fait du Saint-Esprit par le Père
et le Fils.
Nous comprenons maintenant pourquoi Notre-Sei-
gneur disait lui-même à ses apôtres « Il vous est avan- :

tageux que je m'en aille car si je ne m'en vais pas, je


;

ne vous enverrai pas l'Esprit mais si je retourne à


;

mon Père, je vous l'enverrai ». C'est comme s'il disait :

je vous ai mérité cette grâce par ma passion pour ;

qu'elle vous soit donnée, il faut qu'à ma passion succède


d'abord ma glorification quand la gloire qui me re-
;

vient m'aura été donnée par mon Père, lorsque je serai


assis à sa droiteje vous enverrai l'Esprit de consolation.

Les Pères de l'Église '


ajoutent une autre raison, re-
lative aux disciples.

i. Cf. S. Augustin. Enarr. in l'salm. CIX ; Sermones CXLIII et


CCLXIV ; S. Léo, Scrmo II de Ascensione.
'MX l.( CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Jésus adressait un jour aux Juifs ces paroles : « Celui


qui croit en moi, de son sein couleront des fleuves d'eau
vive ». L'Évangéliste S. Jean, en rapportant cette pro-

messe, ajoute que le Christ « disait cela de l'Esprit que


devaient recevoir ceux qui croient en lui. Car l'Esprit
n'était pas encore donné parce que Jésus n'avait pas
1
encore été glorifié ». —
La foi était donc la source,
pour ainsi dire, de la venue de l'Esprit-Saint en nous.
Or, tant que le Christ Jésus vivait sur la terre, la foi des
disciples était imparfaite. Elle ne serait entière, elle ne
pourrait s'épanouir en toute plénitude, que lorsque l'as-
cension aurait dérobé à leurs regards la présence hu-
maine de leur divin Maître. « Parce que tu as vu, tu
as cru, disait Jésus à Thomas, après sa résurrection ;

mais bienheureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont


cru »
2
! —
« Après l'ascension, la foi des disciples, plus
instruite, ira chercher le Christ plus loin, plus haut,
siégeant près du Père et égal au Père 8 ».
C'est parce que la foi des apôtres, après l'ascension,
est devenue plus pure, plus intérieure, plus vive, plus
efficace, que « les fleuves d'eau vive » se sont versés en
eux avec une telle impétuosité.
Nous savons, en effet, avec quelle magnificence Jésus
a accompli sa divine promesse, comment dix jours après
l'ascension, l'Esprit-Saint, envoyé par le Père et le Fils,
est descendu sur les apôtres réunis au cénacle, avec
quelle abondance de grâces et de charismes cet Esprit
de vérité et d'amour s'est répandu dans l'âme des dis-
ciples.

III

Quelle a été, en effet, l'œuvre du Saint-Esprit dans


l'âme des apôtres au jour de la Pentecôte ?

.
i, Joan. VII, 38-39. — 2. Ibid. XX. 29. — 3. S. Léo. Sermo M
de Ascens. C. 4.
LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 399

Pour bien la comprendre, je dois vous rappeler d'a-


bord l'enseignement de l'Église sur le caractère des
œuvres divines. — Vous savez que dans le domaine de
la vie surnaturelle, de la grâce, aussi bien que dans les
œuvres de la création naturelle, tout ce qui est produit
en dehors de Dieu, dans le temps, est accompli par le
Père, le Fils et le Saint-Esprit, sans distinction de per-
sonnes. Les trois personnes agissent alors dans unité
l

de leur nature divine. La distinction des personnes


n'existe que dans les communications incompréhensi-
bles qui constituent la vie intime de Dieu en lui-même.
Mais afin de nous faire souvenir plus aisément de ces
révélations sur les personnes divines, l'Église, dans son
langage, attribue spécialement telle ou telle action à
l'une des trois personnes divines, à raison de l'affinité
qui existe entre cette action et les propriétés exclusives
par lesquelles cette personne se distingue des autres.
Ainsi, le Père est le premier principe, qui ne procède
d'aucun autre, mais dont procèdent le Fils et l'Esprit-
Saint. C'est pourquoi l'œuvre qui marque l'origine pre-
mière de toute chose, la création, lui est attribuée spé-
cialement. Le Père a-t-il seul créé ? Certainement non ;

le Fils et l'Esprit-Saint créaient en même temps que le


Père et en union avec lui. Mais il y a entre la propriété,
spéciale au Père, d'être le premier principe dans les
communications divines, et l'œuvre de ja création une
affinité, en vertu de laquelle l'Église peut, sans erreur
de doctrine, attribuer spécialement la création au Père.
Le Fils, le Verbe est l'expression infinie de la pensée
du Père, il est considéré surtout comme sagesse. Les
œuvres dans lesquelles cette perfection éclate surtout,
comme cellede l'ordonnance du monde, lui sont parti-
culièrement attribuées. Il est en effet, « cette sagesse
qui sortie de la bouche du Très-Haut atteint et fixe
toutes choses dans un parfait équilibre, avec autant de
force que de douceur ».0 sapientia,quae ex ore Altissi-
400 LE CHIUST DANS SES MYSTERES

mi prodiisti, attingens a fine usque ad finem, fortiter


suaviterque disponens omnia \
L'Eglise applique la même loi au Saint-Esprit. Qu'est-
il dans l'adorable Trinité ? Il est le terme, l'aboutisse-

ment suprême, la consommation de la vie en Dieu il ;

clôt le cycle intime des admirables opérations de la vie


divine. Et c'est pourquoi, afin que nous nous souve-
nions de cette propriété qui lui est personnelle, l'Église
lui attribue spécialement tout ce qui, dans l'œuvre de la

grâce, de la sanctification, regarde l'achèvement, le cou-


ronnement, la consommation c'est l'artiste divin qui, :

par ses dernières touches, amène l'œuvre à sa souve-


raine perfection Dextrae Dei tu digitus \ L'œuvre at-
:

tribuée au Saint-Esprit, dans l'Église comme dans les


âmes, est de conduire à sa fin, à son terme, à sa perfec-
tion ultime, le travail incessant de la sainteté.

Contemplons maintenant, durant quelques instants,


les opérations divines de cet Esprit dans l'âme des
apôtres.
Il les remplit de vérité. — Vous me direz tout de
suite Christ Jésus ne l'avait-il pas fait ? Oh
: le cer- !

tainement. Ne le proclamait-il pas lui-même « Je suis :

3
la vérité » ? Il était venu en ce monde pour rendre té-
moignage à la vérité 4 et nous savons, par lui encore,
,

qu'il accomplit entièrement sa mission : Opus consum-


5
mavi .

Oui, mais à présent qu'il a quitté ses apôtres, c'est


l'Esprit-Saint qui va devenir le maître intérieur. « Il ne

parlera pas de lui-même », disait Jésus, voulant signi-


fier par là que l'Esprit-Saint, — procédant du Père et
du Fils, recevant d'eux la vie divine, — nous donnera
la vérité infinie qu'il reçoit par sa procession ineffable.

i. Antienne du 17 décembre. Cf. Eccli. XXIV, 5 Sap. VIII,



1

2. Hvmne Vent Creator. —


3. Joan. XIV, 6. — ;

4. lbid. XVIII,
37- — S- lbid. XVII, 4.
LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 401

« vous dira tout ce qu'il a entendu, c'est-à-dire toute


Il

vérité » « il vous rappellera tout ce que je vous ai


;

enseigné » « il me fera connaître à vous il vous mon-


; ;

trera combien je suis digne de toute gloire » Ille me :

clarificabit \
Quoi encore ? « Les apôtres ne se mettront pas en
peine de chercher ce qu'ils devront répondre quand les
Juifs les traîneront devant les tribunaux et leur défen-
dront de prêcher le nom de Jésus c'est le Saint-Esprit ;

a
qui leur inspirera les réponses ». Et ainsi, « ils pour-

ront rendre témoignage de Jésus » Accipietis virtutem :

supervenientls Spiritus Sancti in vos, et eritis mihi tes-


tes... usque ad ultimum terme".
Et comme c'est par la langue, organe de la parole,
qu'on rend témoignage, que la prédication du nom de
Jésus doit se répandre dans le inonde, cet Esprit, au
jour de la Pentecôte, descend visiblement sur les apô-
tres sous la forme de langues.

Mais ce sont des langues de feu. Et pourquoi ? Parce


que l'Esprit-Saint vient remplir d'amour les cœurs des
disciples. — Il est l'amour personnel, subsistant, de la
vie en Dieu. comme le souffle, l'aspiration de
Il est aussi
l'amour où nous puisons la vie. Il est raconté dans
infini
la Genèse que Dieu « insuffla la vie à la matière for-
mée du limon de la terre » Inspiravit spiraculum vi-
:

4
tae Ce souffle vital était le symbole de l'Esprit auquel
.

nous devons la vie surnaturelle. Au jour de la Pente-


côte, l'Esprit divin apportait une telle abondance de vie
à toute l'Église que pour la signifier « un bruit venu du
ciel, semblable à un vent impétueux, remplit toute la
maison où se trouvaient réunis les apôtres G ».
En descendant sur eux, l'Esprit-Saint répand en eux
cet amour qui est lui-même. Il faut que les apôtres

i. Joan. XIV, 26; XVI, 13-14. — 2. Matth. X, 19-20; Marc.


XIII, iï Luc. XII, 11.
; 3. Act. — I, S. — 4. Gen. II, 7. —5. Act.
II, 2.

Le Christ da us ses mystères.


i02 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

soient remplis d'amour pour qu'en prêchant le nom de


Jésus, fassent naître l'amour de leur Maître dans
ils

l'âme de leurs auditeurs il faut que leur témoignage,


;

dicté par l'Esprit, soit si plein de vie qu'il attache le


monde à Jésus-Christ.

Cet amour, ardent comme la flamme, puissant comme


un souffle de tempête, est encore nécessaire aux apôtres
pour qu'ils puissent affronter les dangers prédits par le
Christ, lorsqu'ils auront à prêcher son nom l'Esprit- :

Saint les remplit de force.


Voyez S. Pierre, le prince des apôtres. La veille de
la passion de Jésus, il promet de le suivre jusqu'à la
mort mais, la nuit même, à la voix d'une servante, il
;

renie son divin Maître il jure qu' « il ne connaît pas


;

cet homme
1
». Voyez-le maintenant au jour de la
Pentecôte. Il annonce le Christ à des milliers de Juifs ;

il leur reproche, dans un langage plein de liberté, de


l'avoir crucifié il rend témoignage de sa résurrection,
;

et il les exhorte vivement à faire pénitence et à recevoir


2
le baptême Ce n'est plus le disciple timide qui craint
.

le danger et « se tient à distance ' », c'est le témoin qui

proclame devant tous, en des paroles fermes et har-


dies, que le Christ est le Fils de Dieu.
Quelle force dans les paroles de Pierre L'apôtre !

n'est plus reconnaissable. La vertu du Saint-Esprit l'a


changé, l'amour qu'il porte à son Maître est désormais
fort et généreux. Notre-Seigneur avait prédit lui-même
cette transformation quand il avait dit à ses disciples
avant de monter aux cieux « Demeurez à Jérusalem:

jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en


4
haut ».
Voyez encore ce même Pierre et les autres apôtres,
peu de jours après l'événement. Voici que les Juifs s'é-

i.Matth. XXVI, 74 Marc. XIV. jri. — 2. Act. II, 21,-24, 38. —



;

3. Marc. XIV, 54. 4. Luc. XXIV, 49.


LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 403

meuvent de leurs paroles, des miracles qu'ils accom-


plissent, des conversions qu'ils opèrent au nom de Jé-
sus. Les princes des prêtres et les Sadducéens qui ont
fait périr le Christ, font venir ses disciples et leur dé-
fendent de prêcher le Sauveur. Vous connaissez leur
réponse « Nous ne pouvons obéir à vos ordres, nous
:

ne pouvons pas ne pas rendre témoignage de ce que


nous avons vu et entendu \ »
Qu'est-ce qui les fait parler avec un tel courage, eux
qui, la nuit de la Passion, abandonnaient Jésus qui, ;

pendant les jours qui suivirent la Résurrection, « se


tenaient cachés, portes fermées, à cause de la peur que
leur inspiraient les Juifs » : Propter metum Judaeo-
rum~? — C'est l'Esprit de vérité,l'Esprit d'amour,
l'Esprit de force.

amour du Christ est fort qu'ils


C'est parce que leur
se livrent pour aux tourments. Car les Juifs, voyant
lui
que les apôtres ne tiennent aucun compte de leur pro-
hibition, les rappellent devant le tribunal mais Pierre ;

déclare au nom de tous qu'ils doivent « obéir à Dieu


3
plutôt qu'aux hommes ».
Vous savez ce que firent alors les Juifs. Pour avoir
raison de cette constance, on battit les apôtres de ver-
ges avant de les relâcher. Mais remarquez ce qu'ajoute
l'écrivain sacré. En sortant du tribunal, dit-il, « les
apôtres étaient remplis de joie d'avoir été jugés dignes
4
de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus ». Et
d'où leur venait cette joie dans les souffrances et les
humiliations ? De l'Esprit-Saint. Car il n'est pas seule-
ment l'Esprit de force, il est aussi l'Esprit de consola-
tion. « Je prierai mon Père, leur avait dit Jésus, et il
vous donnera un autre consolateur » Rogabo Patrem, :

et alium Paracletum dabit vobis... Spiritum veritatis*.

i. Act. IV, 18-20. — 2. Joan. XX, 19. — 3. Act. V, 29. —


4. Ibid. 41. — 5. Joan. XIV, ib-17.
ill'i LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Le Christ Jésus n'est-il pas déjà lui-même un conso-


lateur ? Certes ne nous a-t-il pas dit c Venez à moi,
; :

vous tous qui êtes dans la peine, et je vous soulage-


rai »? N'est-il pas, comme nous le révèle S. Paul, « un
'

pontife qui sait compatir à nos souffrances, parce qu'il


a
a passé lui-même par la douleur » ? Mais ce divin con-
solateur devait disparaître aux yeux charnels des dis-
ciples c'est pourquoi il priait son Père de leur envoyer
;

un autre consolateur, égal à lui-même, Dieu comme lui.


Parce qu'il est l'Esprit de vérité, ce consolateur apaise
les besoins de notre intelligence parce qu'ii est l'Es- ;

prit d'amour, il comble les désirs de notre cœur parce ;

qu'il est l'Esprit de force, il nous soutient dans le la-


beur, les épreuves et les larmes l'Esprit-Saint est le :

consolateur par excellence.

Consolator optime,
Dulcis hospes animac,
Duke refrigerium !

Oh Venez en nous, père des pauvres, distributeur


! <

des dons célestes, consolateur plein de bonté, hôte suave


de l'âme, réconfort plein de douceur » !

IV

C'est pour nous que l'Esprit-Saint est venu ; l'assem-


blée du Cénacle représentait toute l'Église. L'Esprit ne
vient que « pour demeurer à jamais avec elle ». C'est la
promesse même de Jésus Ut maneat vobiscum
: in
AETERNUM \
A la il est descendu visiblement sur les
Pentecôte,
apôtres à partir de ce jour, la sainte Église s'est ré-
;

pandue sur toute la terre elle est le royaume de Jé- ;

sus et c'est l'Esprit-Saint qui gouverne, avec le Père


;

i. Matth. XI, 28. — 2. Hebr. IV. 15; V. 2. — 3. Séquence


Vent Sancte Spiritus. — 4. Joan. XIV, 16.
LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 405

et le Fils, ce royaume. Il achève dans les âmes l'œuvre


de sainteté commencée par la rédemption. Il est, dans
l'Église, ce que l'âme est au corps l'esprit qui l'anime :

et le vivifie, qui sauvegarde l'unité, encore que son ac-


tion produise des effets multiples et variés qui lui ap- ;

porte toute vigueur et toute beauté.


Voyez, en effet, quelle abondance de grâces et de cha-
rismes inonde l'Église au lendemain de la Pentecôte.
Nous lisons dans les « Actes des apôtres », qui sont
l'histoire de l'Église à ses débuts, que le Saint-Esprit
descendait visiblement sur ceux qui étaient baptisés et
les remplissait de grâces merveilleuses. Avec quelle
complaisance S. Paul les énumère « Il y a diversité de !

dons, mais c'est le même Esprit qui en est la source...


A chacun est donnée, pour l'utilité commune, la mani-
festation de l'Esprit. A l'un est donnée par l'Esprit une
parole de sagesse, à l'autre une parole de science à ;

celui-ci le don d'une foi extraordinaire à celui-là le ;

don des guérisons ici la puissance d'opérer des mira-


;

cles là le don de prophétie


; ailleurs le discernement
;

des esprits, la diversité ou l'interprétation des langues.»


Et l'Apôtre ajoute « Mais c'est un seul et même Esprit
:

qui produit tous ces dons, les distribuant à chacun en


1
particulier comme il lui plaît ».

C'est TEsprit-Saint promis et envoyé par le Père et


par Jésus, qui donnait cette plénitude et cette intensité
de vie surnaturelle aux premiers chrétiens tout diffé- ;

rents qu'ils étaient, ils n'avaient pourtant, à cause de


l'amour que l'Esprit répandait en eux, « qu'un cœur et
3
qu'une âme ».
Depuis, l'Esprit-Saint demeure dans l'Église d'une
façon permanente, indéfectible, y exerçant une action
incessante de vie et de sanctification Apud vos mane- :

bit, et in vobis erit '. Il la rend infaillible dans la vérité :

« Quand l'Esprit de vérité sera venu, disait Jésus, il

i. I Cor. XII, 4 sq. — 2. Act. IV. 32. — 3. Joan. XIV, 17.


406 LE CHKIST DANS SES MYSTÈRES
1
vous guidera dans toute vérité » et vous gardera de
toute erreur. Il fait éclater dans lÉglise une merveil-
leuse fécondité surnaturelle il fait naître et s'épanouir
;

dans martyrs, les confesseurs, ces ver-


les vierges, les
tus héroïques qui sont l'une des marques de la sainteté.
En un mot, il est l'Esprit qui travaille au fond des âmes,
par ses inspirations, à rendre l'Église, que Jésus —
s'est acquise une fois pour toutes par son précieux
sang, —« pure, immaculée, sans ride », digne d'être
présentée par le Christ à son Père au jour du triomphe
final.

Cette action intérieure de l'Esprit est incessante. —


Car la Pentecôte n'est pas terminée. Sous sa forme nis-
torique, comme mission visible, elle l'est sans nul doute.
Mais elle dure toujours dans sa vertu la grâce de la ;

Pentecôte demeure. La mission du Saint-Esprit dans les


âmes est désormais invisible, mais elle n'est pas moins
féconde.
Voyez l'Église, le jour même où elle célèbre l'Ascen-
sion. Quelle est sa prière, après avoir chanté la glorifi-
cation de son divin Époux et s'en être réjouie avec allé-
gresse ? Elle s'adresse au Christ Jésus « Roi de :

gloire, Seigneur, dont les œuvres font éclater la puis-


sance, qui êtes monté aujourd'hui triomphant au plus
haut des cieux, ne nous laissez pas orphelins, mais en-
voyez-nous celui que le Père a promis, l'Esprit de vé-
rité » O Rex gloriae, Domine virtutum, qui triumpha-
:

tor hodie super omnes caelos ascendisti, ne derelinquas


nos orphanos, sed mitte promissum Patris in nos, Spi-
ritum veritatis ". O pontife tout-puissant, maintenant
que vous êtes assis à la droite de votre Père et que vous
jouissez en toute plénitude de votre triomphe et de votre
crédit, priez votre Père, ainsi que vous nous l'avez pro-
mis, afin qu'il nous envoie un autre consolateur ;
par
i. Joan. XVf, 13. — 2. Antienne des II des Vêpres de l'Ascension.
LA MISSION 1)L SAINT-ESPRIT 407

les souffrances de votre humanité, vous avez mérité


cette grâce pour nous le Père vous écoutera, parce
;

qu'il vous aime parce que vous êtes son Fils bien-
;

aimé, enverra avec vous l'Esprit qu'il a promis lui-


il

même quand il a dit « Je répandrai l'Esprit de grâce


:

et de prières sur tous les habitants de Jérusalem » ;

envoyez-le en nous, in nos, pour qu'il y demeure éter-


nellement !

L'Église prie comme si la Pentecôte devait se renou-


veler pour nous elle répète cette prière chaque jour de
;

l'octave de l'Ascension puis, au jour de la solennité de


;

la Pentecôte, elle multiplie ses louanges à l'adresse de


l'Esprit en un langage plein de poésie et de richesse :

elle l'invoque avec une insistance sans pareille et les


plus émouvants accents « Venez, Esprit-Saint, rem-
:

plissez les cœurs de vos fidèles et allumez en eux le feu


de votre amour \ Venez, et lancez sur nous du haut du
ciel un rayon de votre lumière lumière toute bien-
!

heureuse, remplissez de vos clartés jusqu'au plus in-


3
time des cœurs de vos fidèles Fontaine vive, feu ar-
!

dent, amour, onction toute spirituelle, venez Versez la !

lumière dans nos esprits, répandez la charité dans nos


cœurs, affermissez de votre force incessante notre fai-
blesse" » !...
Si l'Église, notre mère, met ces désirs dans nos âmes
et ces prières sur nos lèvres, ce n'est pas seulement pour
commémorer le souvenir de la mission visible qui se fit
au Cénacle, mais encore pour que ce mystère se renou-
velle en nous tous d'une manière intérieure.
Répétons avec l'Église ces ardentes aspirations. De-
mandons surtout au Père céleste de nous envoyer cet
Esprit. Par la grâce sanctifiante, nous sommes ses en-
fants ;or, c'est cette qualité d'enfants qui pousse le
Père à nous combler de ses dons. C'est parce qu'il nous

i. Verset de VAUcluia de la messe. — 2. Séquence Veni Sancte


Spiritus. —3. Hymne Vent Creator.
408 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

aime comme ses enfants qu'il nous donne son Fils ; la


communion est « le pain des enfants » Panis filio- :

rum ; c'est encore parce que nous sommes ses enfants


'

qu'il nous envoie son Esprit, qui est un de ses dons les
plus parfaits Donam Dei altissimi \ Que nous dit, en
:

effet, S. Paul ? Quoniam estis filii, misit Deus Spiritum


3
Filii sui in corda vestra : « Parce que vous êtes ses
enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son
Fils » il est l'Esprit du Fils, parce qu'il procède du Fils
;

comme du Père, et que le Fils l'envoie en même temps


que le Père. C'est pourquoi, dans la Préface de la Pen-
tecôte, nous chantons « Il est vraiment digne et juste...
:

que nous vous rendions grâces, Seigneur saint, Père


tout-puissant, Dieu éternel, par le Christ Notre-Sei-
gneur, qui. étant monté au delà des cieux et s'étant
assis à votre droite, répand en ce jour sur les enfants de
l'adoption l'Esprit-Saint qu'il avait promis » Promis- :

sum Spiritum Sanctum hodierna die in filios adoptionis


effilait.
Ainsi donc, c'est à tous les enfants d'adoption, à tous
ceux qui sont les frères de Jésus par la grâce sancti-
fiante que l'Esprit-Saint est donné. Et parce que ce don
est divin et contient tous les dons les plus précieux de
vie et de sainteté, son effusion en nous, effusion qui —
s'est manifestée si abondante au jour de la Pentecôte
— est « une source de joie qui remplit d'allégresse le
monde entier » Ouapropter, profusis gaudiis, totus in
:

orbe terrarum mundus exsultat \

Vous me direz peut-être « N'avons-nous pas déjà


:

reçu l'Esprit-Saint au baptême, et plus spécialement


encore dans le sacrement de confirmation ? »

i. Séquence Lauda Siou. — 2. Hymne Veni Creator. — 3. Gai.


IV, 6. — 4. Préface de la Pentecôte.
LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 409

Assurément ; mais nous pouvons toujours le recevoir


plus abondamment nous pouvons toujours recevoir de
;

lui des lumières plus vives, des forces plus puissantes ;

il peut toujours faire jaillir en nos cœurs des sources


plus profondes de consolation, les embraser d'un amour
plus ardent.
Et cette opération féconde de l'Esprit en nous peut se
renouveler non seulement durant les saints jours de
Pentecôte, mais encore chaque fois que nous recevons
un sacrement, une augmentation de la grâce, car il ne
fait qu'un avec le Père et le Fils Ad eum veniemus, et :

mansionem apud eum faciemus \


L'Esprit-Saint vient en nous pour demeurer il de- ;

meure pour nous sanctifier, pour guider toute notre ac-


tivité surnaturelle il nous fait part de ses dons de
;

sagesse et d'intelligence, de conseil et de force, de


science et de piété, de crainte, qui sont autant d'apti-
tudes surnaturelles déposées en nous pour nous faire
agir comme doivent agir les enfants de Dieu Quicum- :

que Spiritu Dei açuntur ii sunt filii Del \

Il demeure en nous hôte divin, plein d'amour et de


;

bonté, ne fait son séjour en nos cœurs que pour nous


il

aider, nous éclairer, nous fortifier il ne nous quittera ;

que si nous avons le malheur, par une faute mortelle,


de le chasser de nos âmes. C'est ce que S. Paul appelle
« éteindre l'Esprit" », bannir cet esprit d'amour, en lui
préférant, d'une façon absolue, la créature. Suivons
encore le conseil de l'Apôtre, et ne « contristons 4 » pas
l'Esprit, ne résistons pas à ses inspirations, par une
faute quelle qu'elle soit, même légère, pleinement déli-
bérée, froidement accomplie, par un « non » répondu
volontairement à tout ce qu'il nous suggère de bon et
de bien.

i. Joan. XIV, 23. — 2. Rom. VIII, 14. — Thess. V.


— 4. Ephfv. IV. 30.
3. I 19.
41 LE CHKIST DANS SES IIYSTÉBES

Car son action est extrêmement délicate ; et quand


l'âme délibérément, fréquemment, elle froisse
lui résiste

l'Esprit elle le force peu à peu à se taire


; alors elle ;

s'arrête dans le chemin de la sainteté, et court grand


risque de sortir même de la voie du salut. Que peut
faire une telle âme, sans maître qui la guide, sans lu-
mière qui l'éclairé, sans force qui la soutienne, sans
joie qui la transporte ?
Soyons plutôt fidèles à cet Esprit qui vient en nous,
avec le Père et le Fils, pour y établir sa demeure. « Ne
savez-vous pas disait encore S. Paul, que vous êtes,
;

par la grâce, le temple de Dieu, et que l'Esprit-Saint


habite en vous ? » Toute augmentation de grâce est
'

comme une réception nouvelle de cet hôte divin, une


nouvelle prise de possession de nos âmes par lui, une
nouvelle étreinte d'amour.

Et que ses opérations dans l'âme fidèle sont bienfai-


santes Il lui fait « connaître le Père » Per te sciamus
! :

da Patrem ' ; le lui faisant connaître, il produit en elle,


par le don de piété, l'attitude d'adoration et d'amour
qu'elle doit garder à l'égard du Père céleste. Écoutez
ce que dit si explicitement S. Paul « L'Esprit vient en :

aide à nos faiblesses, car nous ne savons pas ce que


nous devons demander dans nos prières, mais l'Esprit
lui-même prie pour nous par des gémissements inénar-
a
rables ». Et quelle est cette prière ? « Vous avez, dit-il,

reçu un Esprit d'adoption, en qui nous crions vers Dieu:


Père, Père !... Cet Esprit lui-même rend témoignage à
4
notre âme que nous sommes enfants de Dieu ».

11 nous connaître aussi le Fils »


fait « Noscamus :

atque Filium ' ; il nous manifeste Jésus il est ce maître ;

intérieur qui nous fait connaître le Christ, qui nous fait


pénétrer dans l'intelligence de ses paroles et de ses

i. I Cor. III, 16.— 2. Hymne Veni Creator.— 3. Rom. VI II. 2>>

— 4. Ibid. 15 c-r 16. — 5. Hymn" Veni Creator.


LA MISSION DU SAINT-ESPRIT 411

mystères « parce que, dit Jésus, il procède de moi


;

comme de mon Père, il me glorifie en vous » llle me :

clarificabit \ En répandant en nous la science divine,


en nous tenant par l'amour en présence de Jésus, en
nous inspirant d'accomplir toujours ce qui lui est agréa-
ble, il fait régner le Christ en nous. Par son action in-
finiment délicate et souverainement efficace, il forme
Jésus en nous. —
N'est-ce pas en cela qu'est la sub-
stance de toute sainteté ?

Demandons-lui donc de venir en nous, d'y demeurer,


d'y augmenter l'abondance de ses dons. La prière fer-
vente est une condition de sa venue en nos âmes.
L'humilité en est une autre. Présentons-nous à lui—
avec la conviction intime de notre pauvreté intérieure ;

cette disposition d'âme pour recevoir


est excellente
celui dont l'Eglise chante Sine tuo numine, nihil est
:

2
in homine, nihil est innoxium : « Sans votre secours,
il n'y a rien dans l'homme qui ne puisse lui nuire ».
Empruntons, dès lors, à l'Église ses vives aspirations :

« Venez, Esprit d'amour venez, repos dans le labeur


; ;

venez, abri dans les ardeurs brûlantes venez, conso- ;

lation dans les larmes. Lavez nos souillures, arrosez nos


sécheresses, guérissez nos blessures assouplissez nos ;

raideurs, échauffez nos froideurs, redressez nos pas qui


s'égarent » :

Lava quod est sordidum,


Riga quod est aridum,
Sana quod est saucium :

Flectequod est rigidum,


Fove quod est frigidum,
Rege quod est devium \

i. Joan. XVI, 14. — 2. Séquence Veni Sancte Spiritus. —


3. ïbid.
412 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Malgré nos misères, invoquons l'Esprit-Saint à;

cause de ces misères mêmes, il nous exaucera.


Et puisqu'il ne fait qu'un avec le Père et le Fils,
adressons-nous aussi au Père « Père, envoyez en nous,
:

au nom de votre Fils Jésus, l'Esprit d'amour pour qu'il


nous remplisse du sentiment intime de notre divine fi-
liation.— Et vous, ô Jésus, notre Pontife, maintenant
assis à la droite de votre Père, interpellez-le pour nous
afin que cette mission de l'Esprit, que vous nous avez
promise et méritée, soit abondante ;
qu'elle soit « un
fleuve impétueux qui réjouisse la cité des âmes » ; ou
plutôt, selon votre parole même, ô Jésus, « un fleuve
d'eau vive dont la vertu jaillisse jusqu'à la vie éter-
nelle. » Hoc autem dicebat de Spiritu Sancto quern ac-
cepta ri erant cred entes in eum.

XVIII. — IN MEI MEMORIAM

(Fête-Dieu)

Sommaire. — L'Eucharistie est un mystère de foi. I. Le —


sacrifice l'autel perpétue la mémoire de Jésus.
de —
II. La manne, figure du sacrement eucharistique. —
III. Nous trouvons dans ce sacrement la vertu des mys-
tères de Jésus. - IV. Comment y participer par le :

sacrifice de la messe, la communion, au saint


la visite
Sacrement. Révérence profonde dont il faut entourer
ce mystère. —
V. Comment, par la foi, nous sommes
unis au Christ dans ce sacrement et, par lui, au Père
et à l'Esprit-Saint.

Tous les mystères du Christ sont essentiellement des


mystères de foi sans la foi nous ne pouvons en ac-
;

cepter ni en contempler aucun.


Pourtant le degré de lumière qui éclaire notre foi
dans chacun d'eux est différent. —
Voyez à Bethléem :

nous n'apercevons dans la crèche qu'un petit enfant ;

sans la foi, nous ne reconnaîtrions pas en lui le Fils de


Dieu, le maître souverain de toutes les créatures mais ;

nous entendons la voix des anges du ciel célébrer la


venue de ce Sauveur de la terre nous voyons une mer-
;

veilleuse étoile amener à ses pieds les rois de l'Orient.


Au baptême de Jésus, nos yeux ne voient qu'un homme
qui se soumet, comme les autres Juifs, à un rite de pé-
nitence ; mais le ciel s'entr'ouvre, la voix du Père éter-
nel se fait entendre et proclame que cet homme est le
414 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Fils de sa dilection, en qui il a mis ses infinies complai-


sances. — De même sur le Thabor dans ce mystère de
;

la Transfiguration, la foi est puissamment aidée la :

gloire de la divinité qui pénètre l'humanité de Jésus re-


jaillit visiblement jusque sur elle les disciples éblouis
:

se prosternent la face contre terre. — La divinité est,


au contraire, voilée quand le Christ meurt sur la croix,
comme le dernier des hommes, au milieu des tourments ;

et cependant le centurion proclame qu'il est le Fils de


Dieu la nature elle-même, par les bouleversements
;

qu'elle subit en cet instant unique, rend un hommage


solennel à son Créateur. —
Dans la Résurrection, que
voyons-nous ? Jésus est tout resplendissant de gloire ;

mais il prouve en même temps à ses apôtres qu'il est


toujours lui-même, homme aussi bien que Dieu il se :

fait toucher, il mange avec eux, il leur montre les cica-


trices de ses plaies, afin de leur manifester qu'il n'est
pas seulement un esprit mais qu'il est le même Jésus
avec lequel ils ont vécu durant trois ans.
Vous le voyez donc si dans chaque mystère du
:

Christ, il se rencontre assez d'ombre pour rendre notre


foi méritoire, il y brille aussi assez de lumière pour
l'aider en tous, nous voyons se manifester l'ineffable
;

union de la divinité avec l'humanité.

Maisil est un mystère où la divinité et l'humanité,

loin de se révéler, disparaissent toutes deux à nos sens :

c'est dans le mystère de l'Eucharistie.


Qu'y a-t-il sur l'autel avant la consécration ? Un peu
de pain, un peu de vin. Et après la consécration ?
Pour les sens, le toucher, la vue, le goût, encore du
pain et du vin. Seule, la foi pénètre sous ces voiles,
jusqu'à la réalité divine qui s'y cache totalement. Sans
la foi, nous ne verrons jamais que du pain et du
vin nous ne voyons pas Dieu, il ne s'y révèle pas
;
« EN SOUVENIR DE MOI » 415

comme dans l'Évangile ; « nous ne voyons pas même


l'homme » :

In cruce latebat sola deitas,


At hic latet simul et humanitas \

Quand le Christ, durant sa vie terrestre, proclamait


qu'il était le Fils de Dieu, il en donnait la preuve : on
constatait certes qu'il était un homme, mais un homme
<< dont la doctrine ne pouvait venir que de Dieu » :

Quem enim misit Deus, verba Dei loquitur ' ; un homme


s< qui accomplissait des merveilles que Dieu seul peut
opérer » A saeculo non est auditum quia quis aperuit
:

oculos caeci nati ; nisi esset hic a Deo, non poterat


facere quidquam '. Nicodème le Pharisien, avec l'a-
veugle-né, le reconnaissait aussi Scimus quia a Deo :

venisti ; nemo enim potest haec signa facere, quae tu


facis, nisi fuerit Deus cum eo : « Maître, nous savons
que vous êtes venu de la part de Dieu, car personne ne
saurait faire les miracles que vous faites si Dieu n'est
4
pas avec lui ». —
La foi était nécessaire, mais les mi-
racles de Jésus et la sublimité de sa doctrine aidaient la
foi des Juifs, celle des simples comme des savants.
Dans l'Eucharistie, il n'y a place que pour la foi
pure, qui se fonde uniquement sur la parole de Jésus :

« Ceci est mon corps, ceci est mon sang » l'Eucha- :

ristie est avant tout un « mystère de foi », mvsterium


fidei \
C'est pourquoi, dans ce mystère, plus que dans tous
ceux que nous avons contemplés jusqu'ici, nous devons
uniquement écouter Jésus la raison est si confondue ;

que ceux qui, en ceci, n'écoutent pas le Christ doivent


dire comme les Juifs auxquels Notre-Seigneur annon-
çait l'Eucharistie Durus est hic sermo, et quis potest
:

i. Hymne Adoro te. — 2. Joan. III, 34. — 3. Ibid. IX, 32-33. —


4. Ibid. III, 2. — 5. Canon de la messe.
'il(i LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

eum audire ; « Cette parole est dure et qui peut la sup-


1
porter »? Et ils s'éloignaient du Christ. Allons au con-
traire à Jésus comme le firent, en cette occasion, les
apôtres fidèles, et disons-lui avec Pierre « Seigneur, :

à qui irions-nous ? Vous seul avez les paroles de vie


éternelle ; nous avons cru et nous savons que vous
êtes les Christ,le Fils du Dieu vivant »: Domine, ad quem
ibimus ? Verba vitae aeternae habes. Et nos credidimus
et cognovimus quia tu es Christus Filius Dei vivi*.
Interrogeons donc Notre-Seigneur au sujet de ce
mystère. Le Christ Jésus est la Vérité infaillible, la
Sagesse éternelle, la Toute-Puissance. Ce qu'il a pro-
mis, pourquoi ne l'aurait-il pas réalisé ?

Quand notre divin Sauveur a institué ce mystère en


vue de perpétuer les fruits de son sacrifice, il a dit à
ses apôtres : Hoc facile in meam commemorationem,
« Vous ferez ceci en mémoire de moi ;

». Ainsi, outre le

but primordial de renouveler son immolation et de nous


y faire participer par la communion, le Christ a ajouté
à l'Eucharistie un caractère de mémorial. Et comment
ce mystère garde-t-il le souvenir du Christ ? Comment
le rappelle-t-il à nos cœurs ?
L'Eucharistie garde le souvenir de Jésus, d'abord
comme sacrifice.
Certes, vous il n'y a qu'un sacrifice plénier.
le savez,
total, parfait, qui a tout soldé et tout expié, qui a tout
mérité, et dont toute grâce découle c'est le sacrifice du :

Calvaire il n'y en a pas d'autre.


; Una enim oblatione
4
consummavit in sempiternum sanctificatos : « Par une
oblation unique, dit S. Paul, le Christ a pour toujours
amené à la perfection ceux qui sont sanctifiés. »
i. Joan. VI, 6l. — _>. Ibid. bq-70. — 3. Luc. XXII. 19: I Cor.
XL 24. — 4. Hebr. X, 14.
« EN SOUVENIR DE MOI » 417

Mais pour que les mérites de ce sacrifice soient appli-


qués à toutes les âmes de tous les temps, le Christ a
voulu qu'il fût renouvelé sur l'autel. L'autel est un autre
Calvaire où est rappelée, représentée et reproduite l'im-
molation de la croix. Ainsi, partout où il se trouve un
prêtre pour consacrer le pain et le vin, se conserve le
souvenir de la passion. Ce qui est offert et donné sur
l'autel, c'est « le corps qui a été livré pour nous, le sang
1
qui a été répandu pour notre salut ». C'est le même

Pontife, le Christ Jésus, qui les offre encore, par le mi-


nistère de ses prêtres. Comment, dès lors, ne pas pen-
ser à la passion quand nous assistons au sacrifice de la
messe, où tout est identique, sauf la manière dont l'o-
2
blation est accomplie ?
Il ne se célèbre aucune messe, il ne se fait aucune

communion sans qu'on puisse se souvenir que Jésus


s'est livré à la mort pour la rançon du monde. Car, dit
S. Paul, « toutes les fois que vous mangerez de ce pain
et boirez de ce calice, vous annoncerez, vous publierez,
vous rappellerez la mort du Seigneur et il en sera de ;

la sorte jusqu'à ce qu'il vienne au dernier jour » :

quotiescumque enim manducabitis panem hune et


calicem bibetls, mortetn Domini annuntiabitis donec
veniat *.

Ainsi se perpétue, vivant et fécond, jusqu'à la fin des


temps, le souvenir du Christ parmi ceux qu'il est venu
racheter par son immolation.
L'Eucharistie est donc bien le mémorial que le Christ
nous a laissé de sa passion et de sa mort c'est le tes- ;

tament de son amour. Partout où s'offrent le pain et le


vin, partout où se trouve l'hostie consacrée, apparaît le
souvenir de l'immolation du Christ Hoc facite in
:

Cf. Matth. XXVI, 28


ï. Marc. XIV, 24 Luc. XXII, 19-20.
; ;

2. In divino hoc sacrificio quod in missa peragitur, idem Me Chris-
tus continctur et incruente immolatur, qui in ara crucis seipsum
•cruentum obtulil. Concil. Trid. Sess. 22, cap. II. —
3. 1 Cor. XI, 26.

Le Christ da s srs mystères. 37


418 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

L'Eucharistie nous rappelle avant tout la mémoire de


la passion de Jésus. C'est la veille de sa mort que Jésus
l'a instituée c'est comme testament de son amour qu'il
;

nous l'a laissée.


Mais elle n'exclut pas les autres mystères. Voyez ce
que fait l'Église. Elle est l'Épouse du Christ, nul ne con-
naît mieux qu'elie les intentions de son divin chef dans
;

l'organisation du culte public qu'elle lui rend, elle est


guidée par l'Esprit-Saint. Or, que dit-elle? Dès que la
consécration est achevée, elle rappelle d'abord la parole
de Jésus Hoc faciie in meam commemorationem :
:

« Faites ceci en mémoire de moi ». Et tout aussitôt,


elle ajoute, pour montrer combien elle entre dans les
sentiments de son Époux « C'est pourquoi, Seigneur,
:

nous qui sommes vos serviteurs et avec nous votre as-


semblée sainte, en mémoire de la bienheureuse passion
du même Christ Notre-Seigneur, et de sa résurrection
des enfers, comme aussi de son ascension glorieuse au
ciel, nous offrons à votre divine majesté... le pain sa-
cré de la vie éternelle et le calice du salut perpétuel »,
Unde et memores... tain beatae passionis nec non et ab
înferis resurrectionis sed et in caelos gloriosae ascen-
sionis \ Les Grecs après la mention de « l'ascension à
la droite du Père » font également celle « du second et
2
glorieux avènement ».
Ainsi donc, bien que l'Eucharistie rappelle directe-
ment et en tout premier lieu la passion de Jésus, elle
n'exclut pas le souvenir des mystères glorieux qui s'en-
chaînent si étroitement à la passion dont ils sont, en
un sens, le couronnement.
Puisque c'est le corps et le sang du Christ que nous
i. Une oraison identique a lieu après l'offertoire m Recevez,,
:

Triniié sainte, eette oblation que nous vous offrons en mémoire


de la passion, de la résurrection et d>- l*ascen«iofi de J.-C. Notre-
Soigneur. » Snsrihe, sancta Trinitas, hanc oblationcm quam tibi
offerimus ob nwmoriam passionis, resurrectionis et ascensionis
J.-C. Domini nostri. — 2. Cf. D. E. VENDEUR, La sainte Messe.
Notes sur la liturgie, 35 e mille, pp. 164 et 223-226.
«. EN SOUVENIR DE MOI » 419

recevons, l'Eucharistie suppose l'Incarnation et les mys-


tères qui s'y fondent ou en découlent. Le Christ est sur
l'autel avec sa vie divine qui ne cesse jamais, avec sa
vie mortelle dont forme historique a sans doute
la
cessé, mais dont substance et les mérites demeurent,
la
avec sa vie glorieuse qui n'aura point de fin \
Tout cela, vous le savez, est réellement contenu dans
l'hostie sainte et donné en communion à nos âmes. En
se communiquant à nous, le Christ se livre dans la to-
talité substantielle de ses œuvres et de ses mystères,
comme dans l'unité de sa personne. Oui, dirons-nous,
avec le Psalmiste qui chantait par avance la gloire de
2
l'Eucharistie « le Seigneur a laissé à son peuple un
,

souvenir de ses merveilles dans sa miséricorde et sa


;

bonté, il a donné une nourriture à ceux qui le crai-


gnent » Memoriam fecit mirabilium suorum, misericors
:

et miser at or Do minus : escam dédit ti menti bus se \


L'Eucharistie est comme la synthèse des merveilles de
l'amour du Verbe incarné envers nous.

II

Si nous considérons maintenant l'Eucharistie comme


sacrement, nous découvrirons en elle des propriétés ad-
mirables que seul un Dieu pouvait inventer.
Je vous ai dit souvent après S. Paul, auquel cette idée
est chère, que les principaux événements de l'histoire du
peuple juif sous l'Ancien Testament étaient le symbole,
parfois caché, obscur, parfois apparent, lumineux, des
réalités qui devaient éclairer la Nouvelle Alliance éta-
blie par le Christ. Or, selon les paroles mêmes de Notre-
Seigneur, une des figures les plus caractéristiques de

i. Cf. Mgr G.w, De la triple vie de Jésus que la sainte Eucha-


ristie contient et communique, dans Elévations sur la vie et la
doctrine de N.-S. Jésus-Christ, 114 e élévation. —
2. L'Église ap-
plique ces paroles à la sainte Eucharistie dans son office du saint
Sacrement. —
3. Ps. CX, 4-5.
420 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

l'Eucharistie a été la manne ; avec une particulière in-


sistance, notre divin Sauveur établit des comparaisons
entre cet aliment qui tombait du ciel pour nourrir les
Hébreux dans le désert, et le pain eucharistique qu'il
doit donner au monde. C'est donc entrer dans les senti-
ments du Christ que d'étudier la figure et le symbole
pour mieux saisir la réalité.
Or, voici en quels termes l'écrivain sacré, organe de
l'Esprit-Saint, nous parle de la manne « Vous avez, ô
:

Dieu, rassasié votre peuple de la nourriture des anges,


et vous lui avez donné, du ciel, sans travail, un pain
tout préparé, procurant toute jouissance et approprié
à tous les goûts. Cette substance envoyée par vous
montrait la douceur que vous avez envers vos enfants,
et ce pain, s'accommodant au désir de celui qui le man-
geait, se changeait en ce qu'il voulait » Deserviens :

uninscujusque voluntati, ad quod quisque volebat con-


vertebatur \
L'Église a recueilli ces magnifiques paroles pour les
appliquer, dans son office du saint Sacrement, à l'Eu-
1
charistie .Nous allons voir avec quelle vérité et quelle
plénitude elles expriment les propriétés de la nourriture
eucharistique nous allons voir avec combien plus de
;

raison nous pouvons chanter de la sainte hostie ce que


l'auteur inspiré chantait de la manne.
Comme la manne, l'Eucharistie est une nourriture, —
mais une nourriture spirituelle. C'est au milieu d'un re-
pas, sous forme d'aliment, que Notre-Seigneur a voulu
l'instituer. Le Christ Jésus se donne à nous comme nour-
riture de nos âmes « Ma chair est véritablement une
:

i. Atigelorum esca nutrivisti populum tuum, et paratum panem


de caelo pracstitisti iîlis sine labore, omne delcctamentum in se
habcntem, et omnis saporis suavitatem. Substantiel enim tua dulce-
dincm tuam, quam in filios habcs, ostendebat : et deserviens unius-
cujusque voluntati, ad quod quisque volebat, convertebatur. Sap.
XVI, 20-21. — 2. Cantiques du III e Nocturne des Matines (Bré-
viaire monastique) ; cf. 2 e antienne des Laudes.
« EN SOUVENIR DE MOI » 421

nourriture et mon sang est un breuvage » Caro mea :

vere est cibas, et sanguis meus vere est potus \


Comme la manne encore, l'Eucharistie est un pain
descendu du ciel. Mais la manne n'était qu'une figure
imparfaite ; c'est pourquoi Notre-Seigneur disait aux
Juifs qui lui rappelaient le prodige du désert : « Moïse
ne vous a pas donné le pain du ciel c'est mon Père qui ;

donne le vrai pain du ciel, car le pain de Dieu est celui


qui descend du ciel et qui donne la vie non seulement —
à un peuple particulier —
mais à tous les hommes ».
Et comme les Juifs murmurent en l'entendant s'appe-
ler « le pain descendu du ciel », Jésus ajoute « Je suis :

le pain de vie. Vos pères ont mangé la manne, et ils


sont morts voici le pain qui descend du ciel afin que
;

celui qui en mange ne meure point. Je suis le pain


vivant qui suis descendu du ciel si quelqu'un mange
;

de ce pain, il vivra éternellement », car il dépose en—


nos corps mêmes le germe de la résurrection. « Et ce —
pain que je donnerai c'est ma chair, pour la vie du
monde 3 ».
Vous voyez combien Notre-Seigneur lui-même dans
ces paroles nous montre comment la divine réalité eu-
charistique surpasse en plénitude, dans sa substance
et ses fruits, la nourriture donnée jadis au peuple juif.
Ce pain du ciel nous donne la vie en alimentant en
nous la grâce. Il « contient aussi toute suavité et toute
douceur » Omne delectamentum in se habentem, et
:

omnis saporis suavitatem.


Rien n'est joyeux comme un festin la communion ;

est le festin de l'âme, c'est-à-dire une source de joies


profondes. Comment le Christ Jésus, vérité et vie, prin-
cipe de tout bien et de toute béatitude, ne remplirait-il
pas nos cœurs de joie ? Comment, en nous faisant boire
à la coupe de son sang divin, ne verserait-il pas en nos
âmes cette allégresse spirituelle qui excite la charité et

i. Joan. VI, 56. — 2. Ibid. 32-33, 48-52.


422 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

soutient la ferveur ? Voyez au cénacle, après qu'il a


institué ce divin sacrement il parle à ses apôtres, de :

sa joie veut que « cette joie, sa joie à lui, toute di-


; il

vine, devienne la nôtre, et que nos cœurs en soient rem-


plis » Ut gaudium meum in vobis sit \ C'est un des
:

effets de l'Eucharistie, quand elle est reçue avec dévo-


tion, de combler l'âme de suavité surnaturelle qui la
rend prompte et dévouée au service de Dieu.
N'oublions pas cependant que cette joie est avant
tout spirituelle. L'Eucharistie étant, par excellence, le
« mystère de foi », il arrive que Dieu permette que cette
joie tout intérieure n'ait aucun contre-coup sur la par-
tie sensible de notre être. Il arrive que des âmes très

ferventes restent accablées par la sécheresse et l'aridité,


après avoir reçu le pain de vie. Qu'elles ne s'en éton-
nent point que surtout elles ne se découragent point
; ;

si elles ont apporté à recevoir le Christ toutes les dis-

positions possibles, si elles souffrent de leur impuis-


sance, qu'elles soient rassurées et demeurent dans la
paix. Le Christ, toujours vivant, agit en silence, mais
souverainement, dans le fond intime de l'âme pour la
transformer en lui c'est l'effet le plus précieux de cet
;

aliment céleste « Celui qui mange ma chair et boit


:

mon sang demeure en moi, et moi en lui 2 ».

Quoi encore ? Ce pain vivant qui donne la vie, ce


mets délicieux qui apporte la joie nous est accordé
« sans travail », sine labore. C'est une des propriétés de
la manne. Combien elle se vérifie dans la nourriture
eucharistique !

Que nous en effet, demandé pour que nous


est-il,
puissions nous asseoir au « festin du Roi » et manger
avec fruit le pain céleste ? Que nous y venions revêtus
de la « robe nuptiale 3 », c'est-à-dire que nous soyons
en état de grâce, et que notre intention soit droite.

I. Joan. XV. ii. — 2. Ibid. VI, 57. — 3. Matth. XXII, 11.


« EN SOUVENIR DE MOI » 123

Rien d'autre n'est requis de notre côté. Mais pour —


Jésus ? Oh certes, ce n'est pas « sans labeur » qu'il
!

nous a préparé ce festin. Il y a fallu les abaissements de


l'incarnation, l'humilité et les travaux obscurs de la vie
cachée, les fatigues de l'apostolat, les luttes contre les
pharisiens, les combats contre le prince des ténèbres,
^nfin, ce qui résume, contient et couronne tout, les dou-
leurs de la passion. Ce n'est qu'au prix de son immo-
lation sanglante et de souffrances sans nom que le
Christ Jésus nous a mérité cette grâce vraiment inouïe
de nous unir intimement à lui en nous donnant à man-
ger son corps saint et à boire son sang précieux.
C'est pourquoi il a voulu instituer ce sacrement la
veille de sa passion, comme pour « nous donner la
preuve la plus touchante de l'excès de son amour pour
nous » Cum dilexisset suos... in finem dilexit C'est
:
1
.

parce qu'il est communiqué à un tel prix que la suavité


de l'amour infini du Christ Jésus remplit ce don Dul- :

cedinem tuam... ostendebat.


Ce sont là quelques-unes des merveilles figurées par
la manne et réalisées, pour la vie et la joie de nos âmes,
par la sagesse et la bonté de notre Dieu.
Comment ne pas les « admirer » avec l'Église ? Com-
ment ne pas « entourer ces mystères sacrés de toute
notre révérence et de toutes nos adorations » ? Tribue
quaesumus, ita nos corporis et sanguinis tul sacra mys-
3
teria venerari /

III

De toutes les propriétés que l'Écriture sainte attribue


à la manne,
il en est une qui est particulièrement re-

marquable. La manne était « une nourriture qui s'ac-


commodait aux désirs et aux vœux de celui qui la pre-

i. Joan. XIII, i. — 2. Oraison de la fête du très saint Sacrement.


424 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

nait » Deserviens uniuscu jusque voluntati, ad quod


:

quisque volebat, convertebatur.


Dans le pain céleste qu'est l'Eucharistie, nous pou-
vons trouver aussi, si je puis ainsi m'exprimer, le goût
de tous les mystères du Christ, et la vertu de tous ses
états. Nous ne considérons plus ici l'Eucharistie comme
mémorial, mais comme source de grâces. Il y a là un
aspect fécond du mystère eucharistique, auquel je dé-
sire m'arrêter avec vous quelques instants. Si nous en
laissons pénétrer nos âmes, nous sentirons s'augmenter
en nous l'amour et le désir de cette nourriture divine.
Vous le savez Notre-Seigneur se donne en nour-
:

riture pour entretenir en nous la vie divine de la grâce ;

de plus, par l'union que ce sacrement établit entre nos


âmes et la personne de Jésus, —
in me manet et ego in
illo \ —
par la charité que cette union alimente, le Christ
opère cette transformation qui faisait dire à S. Paul :

« Je vis non, ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ


;

2
qui vit en moi ». Telle est la vertu propre de cet inef-
fable sacrement.
Mais cette transformation comporte pour nous bien
des degrés comprend bien des étapes. Nous ne pou-
et
vons la réaliser d'un coup ce n'est que peu à peu
;

qu'elle se produit, à mesure que nous pénétrons davan-


tage dans la connaissance du Christ Jésus et de ses
états, puisque sa vie est notre modèle, et sa perfection
l'exemplaire de la nôtre.
La contemplation pieuse des mystères de Jésus con-
stitue un des éléments de cette transfiguration ; je vous
l'ai dit quand, par une foi vive, nous nous mettons en
:

contact avec lui, le Christ produit en nous, par la vertu


toujours efficace de sa sainte humanité unie au Verbe,
cette ressemblance qui est le signe de notre prédesti-
nation.
Si cela est vrai de la simple contemplation des mys-
i. Joan. VI, 57. — 2. Gai. II, 20.
« EN SOUVENIR DE MOI » 425

tères,combien plus profonde et plus étendue sera dans


ce domaine l'action de Jésus quand il habite dans nos
âmes par la communion sacramentelle Cette union est !

la plus grande et la plus intime que nous puissions


avoir ici-bas avec le Christ l'union qui se fait entre la
:

nourriture et celui qui la prend. Le Christ se donne


pour être notre aliment mais, à l'inverse de ce qui se
;

passe pour la nourriture corporelle, c'est nous qui


sommes assimilés à lui : le Christ devient notre
vie.
Le premier fruit de la manne était de nourrir la ;

grâce propre de l'Eucharistie est également d'entrete-


nir la vie divine dans l'âme, en nous faisant participer
à la vie du Christ.
Maistout comme « la manne s'accommodait aux dé-
sirs de celui qui la prenait », ainsi la vie que le Christ
nous donne par la communion, c'est toute sa vie qui
passe en nos âmes pour être l'exemplaire et la forme de
la nôtre, pour produire en nous les divers sentiments du
cœur de Jésus, pour nous faire imiter toutes les vertus
qu'il a pratiquées dans ses états, et verser en nous les
grâces spéciales qu'il nous a méritées en vivant pour
nous ses mystères.
Sans doute, ne l'oublions jamais sous les espèces :

eucharistiques ne se trouve que la substance du corps


glorieux de Jésus, tel qu'il est à présent dans le ciel, et
non tel qu'il était, par exemple, dans la crèche de Beth-
léem.
Mais quand le Père regarde son Fils Jésus dans les
splendeurs célestes, que voit-il en lui ? Il voit celui qui
a vécu pour nous sur la terre pendant trente-trois ans,
il voit tout ce que cette vie mortelle a contenu de mys-

tères, les satisfactions et les mérites dont ces mystères


ont été la source il voit la gloire que ce Fils lui a don-
;

née en vivant chacun d'eux. En chacun d'eux aussi, il


voit toujours le même Fils de ses complaisances, encore
426 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

que maintenant le Christ Jésus ne siège à sa droite que


dans son état glorieux.
De même, celui que nous recevons, c'est Jésus qui est
né de Marie, qui a vécu à Nazareth, qui a prêché aux
juifs de Palestine c'est le bon Samaritain
; c'est celui ;

qui a guéri les malades, délivré Madeleine du démon, et


ressuscité Lazare; c'est celui qui, fatigué, dormait dans
la barque c'est celui qui agonisait, broyé par l'an-
;

goisse c'est celui qui fut crucifié sur le calvaire c'est


; ;

le glorieux ressuscité du tombeau, c'est le mystérieux


pèlerin d'Emmaiis, qui se fait « reconnaître à la frac-
tion du pain » ; c'est celui qui est monté aux cieux, à
la droite du Père ; c'est le pontife éternel, toujours vi-
vant, qui prie sans cesse pour nous.
Tous ces états de la vie de Jésus, la communion nous
les donne en substance, avec leurs propriétés, leur es-
prit, sous la diversité des
leurs mérites et leur vertu :

états et la variété des mystères, se perpétue l'identité de


la personne qui les a vécus et qui à présent vit éternel-
lement dans le ciel.
Quand donc nous recevons le Christ à la table sainte,
aous pouvons le contempler et nous entretenir avec lui
dans n'importe lequel de ses mystères bien qu'il soit ;

maintenant dans sa vie glorieuse, nous trouvons en lui


celui qui a vécu pour nous et nous a mérité la grâce
qu'ils contiennent venu en nous, le Christ nous com-
;

munique cette grâce pour réaliser peu à peu cette trans-


formation de notre vie en la sienne, qui est l'effet propre
Ju sacrement. Il suffit, pour comprendre cette vérité, de
parcourir les « secrètes » et les « postcommunions » de
la messe des différentes fêtes du Sauveur. L'objet de
ces prières, qui tiennent un rang tout spécial parmi
celles du sacrifice eucharistique, se diversifie d'après la
2
nature des mystères célébrés .

Nous pouvons, par exemple, nous unir à Jésus comme


i. Luc. XXIV, 35. — 2. Voir plus haut, p. 106 et suiv.
« EN SOUVENIR DE MOI » 427

égal à son Père, Dieu comme lui;


1
vivant in sinu Patris ,

celui que nous adorons en nous-mêmes, nous l'adorons


comme le Verbe coéternel au Père, le propre fils de
Dieu, objet des complaisances de son Père « Oui, je :

vous adore en moi, ô Verbe divin par l'union si intime ;

que j'ai en ce moment avec vous, donnez-moi d'être


aussi avec vous in sinu Patris maintenant par la foi,
plus tard dans l'éternelle réalité, pour vivre de la vie
même de Dieu, qui est votre vie ».
Nous pouvons l'adorer, comme l'adorait la Vierge
Marie, quand le Verbe incarné en elle y vivait, avant de
se produire au monde. Nous ne saurons qu'au ciel avec
quels sentiments de respect et d'amour la Vierge se
prosternait intérieurement devant le Fils de Dieu qui lui
empruntait notre chair.
Nous pouvons encore l'adorer en nous-mêmes,
comme si nous l'avions adoré, il y a dix-neuf siècles, à
la grotte de Bethléem, avec les bergers et les mages il ;

nous communique alors la grâce d'imiter les vertus spé-


ciales d'humilité, de pauvreté, de détachement, que nous
contemplons en lui dans cet état de sa vie cachée.
Si nous le voulons, il sera en nous l'agonisant qui par
son abandon admirable à la volonté de son Père nous
obtient de supporter nos croix de chaque jour il sera ;

le divin ressuscité qui nous donne de nous détacher de


2
tout ce qui est terrestre, de « vivre pour Dieu » avec
plus de générosité et de plénitude il sera en nous le ;

triomphateur qui monte aux cieux plein de gloire et


qui nous entraîne à sa suite pour que nous y vivions
déjà par la foi, l'espérance et de saints désirs.
Le Christ ainsi contemplé et reçu, c'est le Christ re-
vivant en nous tous ses mystères, c'est la vie du Christ
s'insinuant dans la nôtre, s'y substituant avec toutes ses
beautés propres, ses mérites particuliers et ses grâces
spéciales Deserviens uniuscii jusque voluntati.
:

t. jîoan. I, 18. — 2. Rom. VI, n.


428 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

IV

Dans l'exposé que je viens de vous faire, je vous ai


laissé entendre que la participation la plus parfaite à ce
mystère divin est la communion sacramentelle.
Mais vous savez que la communion elle-même sup-
pose le sacrifice. C'est pourquoi nous nous associons
déjà au mystère de l'autel en assistant au sacrifice de
la messe.
Nous aurions tout donné pour être au pied de la croix
avec la Vierge, S. Jean et Madeleine. Or, l'oblation de
l'autel reproduit et renouvelle l'immolation du Calvaire
pour en perpétuer le souvenir et en appliquer les fruits.
Durant la sainte messe, nous devons nous unir au
Christ, mais au Christ immolé. Il est, sur l'autel, Agnus
tamquam occisus \ « l'agneau offert en victime », et
c'est à son sacrifice que Jésus veut nous associer.
Voyez après la consécration le prêtre appuyant contre :

l'autel les mains jointes, —


geste qui signifie l'union du
prêtre et de tous les fidèles avec le sacrifice du Christ —
fait cette prière « Dieu tout-puissant, nous vous
:

supplions de commander que ces choses soient portées


à votre autel sublime, en présence de votre divine ma-
jesté ».
L'Église met ici de la
en relation deux autels : celui
terre et celui du ciel, — non sanc- qu'il y ait dans le

tuaire des cieux un autel matériel, mais l'Église veut


indiquer qu'il n'y a qu'un sacrifice l'immolation qui :

s'accomplit mystiquement sur la terre est une avec l'of-


frande que le Christ, notre pontife, fait de lui-même
dans le sein du Père, auquel il offre pour nous les sa-
tisfactions de sa passion.
« Ces choses » dont il est question, dit Bossuet, sont
à la vérité le corps sang de Jésus, mais elles sont
et le
ce corps et ce sang avec nous tous et avec nos vœux et

i. Cf. Apoc. V, 6.
« EN SOUVENIR DE MOI » 429

nos prières, et tout cela ensemble compose une même


oblation *
».

Ainsi, en ce moment solennel, nous sommes introduits


2
ad interiora velaminis dans le sanctuaire de la divi-
,

nité, mais nous le sommes par Jésus et avec lui et là, ;

devant majesté infinie, en présence de toute la cour


la
céleste, nous sommes présentés avec le Christ au Père
pour que le Père « nous comble de toute grâce et de
toute bénédiction d'en haut » Omni bcnedictione cae-
:

lesti et gratta repleamur.


Oh si notre foi était vive, avec quelle révérence nous
!

assisterions à ce saint sacrifice avec quel soin nous


!

chercherions à nous purifier de toute souillure afin


d'être moins indignes d'entrer, à la suite de notre chef,
dans le saint des saints pour y être, avec le Christ, une
hostie vivante!« C'est alors seulement, dit si bien S.Gré-
goire, que le Christ est notre hostie, quand nous nous
offrons nous-mêmes, pour partager, par notre géné-
rosité et nos sacrifices, sa vie d'immolation » Tune :

ergo vere pro nobis hostia erit Deo, cum nos ipsos hos-
tiam fecerimus \

Le sacrifice eucharistique nous donne le sacrement


On ne participe parfaitement au sacrifice qu'en s'unis-
sant à la victime. Dans la prière que je viens de vous
expliquer, l'Église demande que nous soyons « remplis
de toute grâce et de toute bénédiction céleste », mais —
à la condition que « nous nous associions à ce sacrifice
par la réception du corps et du sang » de Jésus Quot- :

quot ex bac altaris particlpatione sacrosanctum Filii tui


corpus et sanguinem sumpserimus.
Ce n'est donc que par la communion que nous entrons
parfaitement dans les pensées de Jésus, que nous réali-

i. Explication de quelques difficultés sur les prières de la messe.


Ed. Lâchât, t. XVII, p. 60. —
2. Kebr. VI, 19. — 3. Dialog.
L. IV, c. 59.
430 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

sons pleinement de son cœur au jour où il


les désirs
institua l'Eucharistie Prenez et mangez » « si vous
; « ;

ne mangez la chair du Fils de l'homme, vous n'aurez


2
point la vie en vous ». La communion est le premier
des devoirs eucharistiques.

Mais apportons à ce festin eucharistique les meil-


Sans doute, vous le savez, ce divin
leures dispositions.
sacrement produit ses fruits dans l'âme qui le reçoit en
état de grâce et avec une intention droite. Pourtant
l'abondance de ses fruits se mesure au degré de ferveur
de chacun.
3
Je vous ai exposé longuement ailleurs comment ces
dispositions se ramènent à la foi. à la confiance, à l'a-
bandon de tout nous-mêmes au Christ et aux membres
de son corps mystique. Je ne puis revenir sur ce sujet.
Il y a pourtant une disposition à laquelle je veux tou-

cher ici, parce qu'elle est celle que l'Église nous indique
elle-même dans l'oraison du saint Sacrement c'est la :

révérence. « Donnez-nous, Seigneur, une telle révérence


envers les mystères sacrés de votre corps et de votre
sang que nous puissions ressentir constamment en nous
les fruits de votre rédemption » Ita nos corporis et
:

sanguinis tui sacra mysteria VENERARI, ut redemptionis


tuae fructtim in no bis j agiter sentiamus.
L'Église demande que nous « révérions » le Christ
dans l'Eucharistie. Et quelle en est la raison ? Elle est
double.
D'abord parce que le Christ est Dieu.
L'Église nous parle de « mystères sacrés ». Le mot
« mystères » indique que sous les espèces eucharisti-
ques se cache une réalité en ajoutant « sacrés », elle
;

nous laisse entendre que cette réalité est sainte et di-


vine. Celui qui se cache, en effet, dans l'Eucharistie,

i. M-mh. XXVI, 26. — 2. Joan. VI, 54. — 3. Dans la confé-


rence Le Pain de vie, § V et VI, du volume Le Christ vie de l'âme
« EN SOUVENIR DE MOI » 431

c'est celui qui est, avec le Père et l'Esprit-Saint, l'Être


infini, le Tout-Puissant, le principe de toutes choses. Si
Notre-Seigneur nous apparaissait dans l'éclat de sa
gloire, nos regards ne pourraient supporter cette splen-
deur. Pour se donner à nous il se cache, non plus sous
l'infirmité d'une chair passible, comme dans le mystère
de l'Incarnation, mais sous les espèces du pain et du
vin. Disons-lui « Seigneur Jésus, par amour pour
:

nous, pour nous attirer à vous, pour devenir notre ali-


ment, vous voilez votre majesté. Mais vous n'y perdrez
rien de nos hommages. Plus vous dérobez à nos yeux
votre divinité, plus aussi nous voulons vous adorer, plus
aussi nous voulons nous prosterner devant vous avec
respect et amour ».

Adoro te dévote, latens Deltas,


Quae sub his figuris vere latitas \

La seconde raison est que le Christ Jésus s'est humi-


lié et livré pour nous.
L'Église nous rappelle que « cet admirable sacrement
est le mémorial par excellence de la passion de Jésus ».
Or, durant sa sainte passion, le Christ a subi des abais-
sements inouïs, il s'est plongé dans des ignominies sans
nom.
Mais, nous dit S. Paul, parce que le Christ s'est
anéanti, qu'il est descendu dans de tels abaissements, le
Père l'a exalté, il lui a donné un nom au-dessus de tout
nom, afin que tout genou fléchisse devant lui, et que
toute langue proclame que le Christ, Fils de Dieu, règne
à jamais dans la gloire de son Père.
Entrons dans cette pensée du Père éternel, que nous
découvre l'Apôtre. Plus le Christ s'est abaissé et anéan-
ti, plus nous devons, comme le Père, l'exalter dans ce

sacrement qui nous rappelle sa passion plus nous


;

I. Hymne Adoro te.


432 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

devons lui prodiguer nos hommages. La justice l'exige

autant que l'amour.


Puis, n'est-ce pas « pour nous » qu'il s'est ainsi livré?
Propier nos et propter nostram salutem \ S'il a souf-
fert, c'est pour moi si son âme toute sainte a été plon-
;

gée dans la tristesse, l'ennui et la peur, c'est pour moi ;

s'il a supporté tant d'injures de la part d'une grossière

soldatesque, c'est pour moi s'il a été flagellé et cou- ;

ronné d'épines, s'il est mort dans d'indicibles tourments,


c'est pour moi, pour m'attirer à lui Dilexit me et tra- :

2
didit semetipsum pro me N'oublions jamais que cha- .

cun des épisodes douloureux de la passion a été préor-


donné par la Sagesse et accepté par l'Amour pour notre
salut.
O Christ Jésus, réellement présent sur l'autel, je me
prosterne à vos pieds que toute adoration vous soit
;

rendue dans le sacrement que vous avez voulu nous


laisser la veille de votre passion, comme témoignage de
l'excès de votre amour !

Nous traduirons encore cette « vénération » en allant


visiter le Christ dans le tabernacle. Ne serait-ce pas, en
effet, manquer de respect que de délaisser cet hôte divin
qui nous attend ? Il demeure là, réellement présent,
celui qui était présent à la crèche, à Nazareth, sur les
montagnes de Judée, au cénacle, sur la croix. C'est ce
même Jésus qui disait à la Samaritaine « Si tu savais :

le don de Dieu Toi qui as soif de lumière, de paix, de


!

joie, de bonheur, si tu savais qui je suis, tu me deman-


derais de l'eau vive... de cette eau de la grâce divine qui
devient une source sans cesse jaillissante jusqu'à la vie
3
sans fin ».

Il est là, réellement présent, celui qui a dit : « Je suis


la voie, la vérité, la vie... *
Qui me suit ne marche pas

i. Credo de la messe. — 2. Gai. II, 20. — 3. Joan. IV, 10, 14.


— 4. Ibid. XIV, 6.
« EN SOUVENIR DE MOI » i33

dans les ténèbres... '


Personne ne va au Père si ce n'est
a
par moi... Je suis la vigne, vous êtes les branches ;

celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là seul peut


porter des fruits, car sans moi, vous ne pouvez rien
3 4
faire... Je ne rejette pas celui qui vient à moi... Venez
à moi, vous tous qui êtes accablés, et je vous soula-
6
gerai... Vos âmes ne trouveront de repos qu'en moi... »
Il est là, le même Christ qui guérissait les lépreux,

calmait les flots en courroux et promettait au bon larron


une place dans son royaume. Nous trouvons là notre
Sauveur, notre ami, notre frère aîné, dans la plénitude
de sa toute-puissance divine, dans la vertu toujours
féconde de ses mystères, avec l'infinie surabondance de
ses mérites et l'ineffable miséricorde de son amour.
Il nous attend dans son tabernacle, non seulement

pour y recevoir nos hommages, mais pour nous y com-


muniquer des grâces. Si notre foi en sa parole n'est pas
un vain sentiment, nous irons près de lui, mettre notre
âme en contact, par la foi, avec sa très sainte humanité.
8
Soyez assuré qu'une « vertu sortira alors de lui »,
comme jadis, pour vous combler de lumière, de paix, de
joie.

Nous ne pouvons espérer de « participer sans cesse


au fruit de la rédemption de Jésus » que si cette attitude
de respect et de révérence pénètre profondément nos
âmes. Il faut que cette vénération soit telle qu'elle nous
fasse atteindre le don divin dans sa plus grande pléni-
tude ITA venerari UT fructum jugiter sentiamus.
:

Mais pourquoi donc, me demanderez-vous, pourquoi


l'Église semble-t-elle ramener à la « vénération » toutes
i. Joan. VIII, 12. — 2. Ibid. XIV, 6. — 3. Ibid. XV, 5.

4. Ibid. VI, 37. — 5. Matth. XI, 28-29.— 6. Luc. VI, 19; VI1I, 4 6.

Le Christ dans ses mystères. 28


131 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

nos dispositions à l'égard de ce divin sacrement ? quelle


raison a-t-elle d'en agir ainsi ?
C'est que ce respect est un hommage de foi. L'homme
qui n'a pas la foi ne fléchit pas le genou devant l'hostie
sainte. Cette révérence n'a de source et d'aliment que
dans la foi.
Or, je vous l'ai dit souvent, la foi, racine de toute
justification et condition fondamentale de tout progrès
dans la vie surnaturelle, est la première des dispositions
pour recevoir « le fruit de la rédemption » du Christ.
Quel est, en effet, ce fruit pjur nos âmes ? En un
mot, c'est de renaître à la vie divine de la grâce, de
redevenir participants de l'adoption éternelle. Nous n'y
parvenons que par la foi. La foi est la condition pri-
mordiale pour devenir enfant de Dieu et cueillir, dans
sa substance, ce fruit de l'arbre de la croix Quotquot :

autem receperunt eum, dédit eis potestatem filios Dei


fieri, HIS QUI CREDUNT IN NOMINE EJUS... qui ex Deo
nati sunt \
La réception de l'Eucharistie nous unit d'abord à la
sainte humanité du Christ, et cette union s'opère par la
foi. Quand vous croyez que l'humanité de Jésus est
l'humanité du Fils de Dieu, la propre humanité du
Verbe, et qu'en lui il n'y a qu'une seule personne divine ;

quand, de toute la force et de toute la plénitude de votre


foi, vous adorez cette sainte humanité, par elle vous
entrez en contact avec le Verbe car elle est la voie qui
;

vous mène à la divinité.


Lorsque le Christ Jésus se donne à nous dans la
sainte communion, il nous pose la question qu'il faisait
à ses apôtres Quem dicunt homines esse Filium ho-
:

minis "? - Que disent les hommes de moi »? Et nous de-


vons répondre avec Pierre Tu es Christus Filius Dei
:

8
vivi : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Je
ne vois qu'un fragment de pain, qu'un peu de vin mais ;

i. Joan. I, 12-13. — 2 - Matth. XVI, 13. — 3. Ibid. i<>.


« EN SOUVENIR DE MOI » 435

vous, qui êtes le Verbe, la Sagesse éternelle et la Vérité


infinie, vous avez dit Hoc est corpus meum, hic est
:

sanguis meus : « Ceci est mon corps, ceci est mon


sang » et parce que vous l'avez dit, je vous crois pré-

;

sent sous ces humbles et infimes apparences. Nos


sens ne nous disent rien, c'est la foi qui nous fait pé-
nétrer jusqu'à la réalité divine cachée sous les voiles
eucharistiques Praestet fides supplementum sensuum
:

defectui \
Et Notre-Seigneur nous dit comme au centurion :

Sicut credidisti, fiât tibi : « Qu'il vous soit fait selon


3
votre foi ». Puisque vous croyez que je suis Dieu, je
me donne à vous avec tous les trésors de ma divinité
pour vous en combler, et vous transformer en moi je ;

me donne à vous avec les ineffables relations de ma vie


intime de Dieu.
Car nous ne nous unissons pas seulement au Christ.
Le Christ ne fait qu' « un avec son Père » Ego et Pater :

unum sumus, un dans l'unité de l'Esprit-Saint. La com-


munion nous unit en même temps au Père et au Saint-
Esprit. Le Christ, Verbe incarné, est tout entier à son
Père quand nous communions, il nous prend, il nous
;

unit à son Père, comme lui-même lui est uni « Je vous :

prie, ô Père, disait Jésus à la dernière cène, après avoir


institué la sainte Eucharistie, je vous prie non seulement
pour mes apôtres, mais aussi pour ceux qui, par
leur parole, croiront en moi afin que tous soient un
;

comme vous, mon Père, vous êtes en moi et moi en


vous, pour que, eux aussi, soient un en nous... qu'ils
soient un comme nous sommes un, moi en eux et vous
en moi » Ego in eis et tu in me 3
: .

Le Verbe nous unit aussi à l'Esprit-Saint. Dans l'a-


dorable Trinité, le Saint-Esprit est l'amour substantiel
du Père et du Fils. Le Christ nous le donne, comme il le

i. Hymne Pange lingua. — 2. Matth. VIII, 13. — 3. Joan.


XVII, 20-23.
436 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

donnait aux apôtres, afin de nous diriger par lui ;il

nous communique cet Esprit d'adoption qui, nous ren-


dant d'abord témoignage que nous sommes les enfants
de Dieu, nous aide par ses lumières et ses inspirations
à vivre « comme des enfants bien-aimés ».
Quel sanctuaire que l'âme qui vient de communier !

L'Eucharistie lui donne d'abord le corps et le sang du


Christ elle lui donne la divinité du Verbe uni indisso-
;

lublement en Jésus à la nature humaine par le Verbe,


;

l'âme est unie au Père et à l'Esprit, dans l'indivisibilité


de leur nature incréée. La Trinité habite en nous notre
;

âme devient le ciel où se produisent les mystérieuses


opérations de la vie divine. Nous pouvons alors offrir
au Père le Fils de sa dilection pour qu'il mette de nou-
veau en lui ses complaisances nous pouvons offrir ces
;

complaisances à Jésus pour qu'en sa sainte âme soient


renouvelées les joies ineffables qu'elle a éprouvées au
moment de l'incarnation nous pouvons prier l'Esprit-
;

Saint d'être le lien d'amour qui nous unisse au Père et


au Fils...
Il n'y a que la foi pour comprendre ces merveilles et

plonger dans ces abîmes Mysterium fidei.


: .
XIX. — LE CŒUR DU CHRIST

(Fête du Sacré-Cœur)

Sommaire. — L'amour explique tous les mystères de Jésus;


combien nous devons avoir foi en la plénitude de cet
amour; l'Église nous le propose comme objet de culte
dans la fête du sacré Cœur. —
i. Ce qu'est, de façon

générale, la dévotion au cœur de Jésus; combien cette


dévotion plonge ses racines dans le dogme chrétien.
— II. Ses divers éléments. —
III. La contemplation des
bienfaits que nous a valus l'amour de Jésus, symbolisé
par son cœur, est la source de l'amour que nous de-
vons lui rendre; double caractère de notre amour pour
le Christ il doit être affectif et effectif; Notre Sei-
:

gneur est en ceci notre modèle. —


IV. Précieux avan-
tage de la dévotion au sacré Cœur elle nous fait
:

prendre peu à peu l'attitude vraie qui doit caractériser


nos rapports avec Dieu. Notre vie spirituelle dépend,
en grande partie, de l'idée que nous nous faisons ha-
bituellement de Dieu; diversité des aspects sous les-
quels les âmes peuvent considérer Dieu. V. Le —
Christ seul nous révèle la véritable attitude de l'âme
en face de Dieu; la dévotion au cœur de Jésus nous
aide à l'acquérir.

Tout ce que nous possédons dans le domaine de la


grâce nous vient du Christ Jésus « c'est à sa plénitude
;

que nous puisons tous » De plenitudine ejus nos om-


:

1
nes accepimus Il a détruit le mur de séparation qui
.

nous empêchait d'aller à Dieu il a mérité pour nous,


;

avec une abondance infinie, toutes les grâces chef di- ;

i. Joan. I, 16.
438 r,K CHRIST DANS SES MYSTÈRES

vin du corps mystique, il possède la puissance de nous

communiquer de ses états et la vertu de ses mys-


l'esprit
tères, afin de nous transformer en lui.
Quand nous considérons ces mystères de Jésus, quelle
est celle de ses perfections que nous y voyons éclater
particulièrement ? C'est l'amour. —
L'amour a réalisé l'incarnation Propter nos... des- :

cendit de caelis, et incarnatus est * ; c'est l'amour qui


fait naître le Christ dans une chair passible et infirme,
inspire l'obscurité de la vie cachée, alimente le zèle de
la vie publique. Si Jésus se livre pour nous à la mort,
c'est cède à « l'excès d'un amour sans me-
parce qu'il
2
sure » ; c'est « pour notre justifica-
s'il ressuscite,
a
tion » s'il monte au ciel, c'est « en précurseur qui va
;

nous préparer une place 4 » dans ce séjour de béatitude;


il envoie « l'Esprit consolateur » pour ne pas « nous
6
laisser orphelins » il institue le sacrement de l'Eu-
;

6
charistie comme mémorial de son amour Tous ces .

mystères ont leur source dans l'amour.


Il est nécessaire que notre foi en cet amour du Christ

Jésus soit vivace et constante. Et pourquoi ? Parce


qu'elle est un des plus puissants soutiens de la fidélité.
Voyez S. Paul jamais homme n'a travaillé, ne s'est
:

dépensé comme lui pour le Christ. Un jour où ses en-


nemis attaquent la légitimité de sa mission, il est amené,
pour se défendre, à esquisser lui-même le tableau de
ses œuvres, de ses labeurs et de ses souffrances. Ce ta-
bleau si vivant, vous le connaissez sans doute, mais c'est
toujours une joie pour l'âme de relire cette page, unique
dans les annales de l'apostolat. « Souvent, dit le grand
apôtre, j'ai vu la mort de près cinq fois j'ai subi le ;

supplice de la flagellation trois fois j'ai été battu de


;

verges, une fois j'ai été lapidé j'ai fait trois fois nau- ;

i. Credo de la messe. —
2. Joan. XIII, 1. 3. — Rom. IV, 25.
— 4. Joan. XIV. 2 Hebr. VI, 20.
;

«5. Joan. XIV, 18. — 6. Luc.
XXII, 19.
LE CŒUR DU CHRIST 439

frage j'ai passé un jour et une nuit au fond de la mer.


;

Et mes voyages sans nombre, remplis de périls périls :

sur les fleuves, périls de la part des brigands, périls de


la part des gens de ma nation, de la part des infidèles;
périls dans les villes, dans les déserts, périls en mer :

mes labeurs et mes souffrances, mes nombreuses veil-


les les tortures de la faim et de la soif, les jeûnes mul-
;

tipliés, le froid, la nudité et sans parler de tant d'au-


;

tres choses encore, rappellerai-je mes soucis de chaque


jour, la sollicitude de toutes les églises que j'ai fon-
dées " ? »Ailleurs, il s'applique la parole du Psalmiste :
« A cause de toi, Seigneur, tout le jour nous sommes
livrés à la mort, on nous regarde comme des brebis des-
tinées à la boucherie...» Et pourtant qu'ajoute-t-il aussi-
tôt ? Mais « en toutes ces rencontres, nous sommes plus
que vainqueurs » Sed in his omnibus superamus \ Et
:

où trouve-t-il le secret de cette victoire ? Demandez-lui


pourquoi il supporte tout, même « l'ennui de vivre ' » ;

pourquoi, dans toutes ses épreuves, il demeure uni au


Christ avec une si inébranlable fermeté que « ni la tri-
bulation, ni l'angoisse, ni la persécution, ni la faim, ni
4
le glaive ne peuvent le séparer de Jésus ? il vous ré-

pondra Propter eum, qui dilexit nos 5 : « par celui qui


:

nous a aimés ». Ce qui le soutient, le fortifie, l'anime, le


stimule, c'est sa conviction profonde de « l'amour que
le Christ lui porte » Dilexit me et tradidit semetipsum
:

6
pro me .

Et, en effet, le sentiment que fait naître en lui cette


ardente conviction est qu' « il ne veut plus vivre pour
lui-même », —
lui qui a blasphémé le nom de Dieu et
persécuté les chrétiens '

« mais pour celui qui l'a
aimé au point de donner sa vie pour lui ». Caritas Chris-
ti urget nos...* « L'amour du Christ nous presse, »

i. II Cor. XI, 23-28. — 2. Rom. VIII, 36-37. — 3- II Cor. 1, 8.


— 4. Rom. VIII, 35. —5. Ibid. 37. —
6. Gai. II, 20. — 7. Cf.
Act. XXVI, 9-Ï0; I Cor. XV, .9. —
8. II Cor. V, 14.
liO LE CHRIST DANS SES MYSTERES

s'écrie-t-il. C'est pourquoi je me livrerai pour lui, je


<-<

me dépenserai bien volontiers, sans réserve, sans comp-


ter » je m'épuiserai pour les âmes qui sont sa con-
;

quête Libentissime impendam et superimpendar * !


:

Cette conviction que le Christ l'aime donne vraiment


la clef de toute l'œuvre du grand apôtre.
Rien ne pousse à l'amour, comme de se savoir et de
se sentir aimé. « Toutes les fois que nous songeons à
jésus-Christ, dit sainte Thérèse, rappelons-nous l'amour
avec lequel il nous a comblés de ses bienfaits... l'amour
2
appelle l'amour , a

Mais comment connaître cet amour qui est au fond


de tous les états de Jésus, qui les explique, et en résume
tous les motifs ? où puiser cette science, si salutaire et
si féconde que S. Paul en faisait l'objet de sa prière

pour ses chrétiens"? Dans la contemplation des mys-


tères de Jésus. Si nous les étudions avec foi, l'Esprit-
Saint, qui est l'amour infini, nous en découvre les pro-
fondeurs et nous mène à l'amour qui en est la source.
Il est une fête qui par son objet nous rappelle, d'une

façon générale, l'amour que le Verbe incarné nous a


montré c'est la fête du Sacré-Cœur. L'Église, à la suite
:

des révélations de Notre-Seigneur à sainte Marguerite-


Marie, clôt, pour ainsi dire, par cette fête, le cycle an-
nuel des solennités du Sauveur comme si, arrivée au ;

terme de la contemplation des mystères de son Époux,


il ne lui restait plus qu'à célébrer l'amour même qui les

a tous inspirés.
A l'exemple de l'Église, je vous dirai donc, mainte-
nant que nous avons passé en revue les principaux mys-
tères de notre divin chef, quelques mots de la dévotion
au Sacré-Cœur, de son objet et de sa pratique. Nous
saisirons une fois de plus cette vérité si capitale, que

i. JI Cor. XII, 15. —


2. Vie écrite par ellc-iu,'un ch. XXI 1.

,

Œuvres, trad. c\(^ Carmélites, t. I, p. 284. 3. Ëphes. 111, 19.


LE CŒUR DU CHRIST 441

pour nous tout se ramène à la connaissance pratique


du mystère de Jésus.

« » vient du mot latin devovere : se dévouer,


Dévotion
se consacrer soi-même à une personne aimée. La dévo-
tion envers Dieu est la consécration totale de notre vie
à Dieu, c'est la plus haute expression de notre amour.
« Vous aimerez Dieu de tout votre cœur, de toute votre
âme, de tout votre esprit, de toutes vos forces » Dili- :

ges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et ex


TOTA anima tua, et ex tota mente tua \ Ce totus mar-
que la dévotion aimer Dieu de tout soi-même, sans
:

rien réserver, ni jamais cesser, l'aimer à ce point qu'on


se dévoue à son service avec promptitude et aisance,
telle est la dévotion en général et ainsi entendue, la
;

dévotion constitue la perfection car elle est la fleur:

même de la charité s .

La dévotion à Jésus-Christ est le dévouement de tout


notre être et de toute notre activité à la personne du
Verbe incarné, abstraction faite de tel état particulier de
la personne de Jésus ou de tel mystère spécial de sa vie.
Par cette dévotion à Jésus-Christ, nous tâchons de con-
naître, d'honorer, de servir le Fils de Dieu se manifes-
tant à nous par sa sainte humanité.
Une dévotion particulière est soit le « dévouement »
à Dieu considéré spécialement dans un de ses attributs
ou une de ses perfections, comme la sainteté ou la mi-
séricorde, ou encore à l'une des trois personnes divines,
soit au Christ contemplé dans un de ses mystères, sous
l'un ou l'autre de ses états. —
Comme nous l'avons vu
au cours de ces entretiens, c'est toujours le même Christ
Jésus que nous honorons, c'est toujours à sa personne
adorable que s'adressent nos hommages, mais nous con-

i. Marc. XII, 30. — 2. Cf. S. Thom. II-II, q. 82, a. 1.


442 LE CHKIST DANS SES MYSTÈRES

sidérons sa personne sous tel aspect particulier ou se


manifestant à nous dans tel mystère spécial. Ainsi la
dévotion à la sainte Enfance est la dévotion à la per-
sonne même du Christ contemplé spécialement dans le^
mystères de sa nativité et de sa vie d'adolescent à Naza-
reth la dévotion aux cinq plaies est la dévotion à la
;

personne du Verbe incarné considéré dans ses souf-


frances, souffrances symbolisées elle-mêmes par les
cinq plaies dont le Christ a voulu conserver les glo-
rieuses cicatrices après sa résurrection. La dévotion
peut avoir un objet spécial, propre, immédiat, mais elle
1
se termine toujours à la personne elle-même .

Vous comprenez dès lors ce qu'il faut entendre par la


dévotion au Sacré-Cœur. C'est, d'une façon générale, le
dévouement à la personne de Jésus lui-même, manifes-
tant son amour pour nous et nous montrant son cœur
comme symbole de cet amour. Qui honorons-nous donc
dans cette dévotion ? Le Christ Jésus lui-même, en per-
sonne. Mais quel est l'objet immédiat, spécial, propre
de cette dévotion ? Le cœur de chair de Jésus, le cœur
qui battait pour nous dans sa poitrine d'Homme-Dieu ;

mais nous ne l'honorons pas séparé de la nature hu-


maine de Jésus ni de la personne du Verbe éternel au-
quel cette nature humaine a été unie dans l'incarnation.
Est-ce tout ? Non il faut encore ajouter ceci
; :nous
honorons ce cœur comme symbole de l'amour de Jésus
à notre égard.
La dévotion au sacré-Cœur se ramène donc au culte
du Verbe incarné nous manifestant son amour et nous
montrant son cœur comme symbole de cet amour.

je n'ai pas besoin de justifier devant vous cette dé-


votion qui vous est familière il ne sera pas toutefois
;

sans utilité de vous dire un mot à ce sujet.


Vous savez que, d'après certains protestants, l'Église
i. S. Thom. III, q. 25, a. 1.
LE CŒUR DU CHRIST 443

est comme un corps sans vie ; elle aurait reçu toute sa


perfection dès ses débuts, et devrait y rester figée tout ;

ce qui a surgi dans la suite, soit en matière dogmatique,


soit dans le domaine de la piété n'est, à leurs yeux, que
superfétation et corruption.
Pour nous, l'Église est un organisme vivant, qui,
comme tout organisme vivant, doit se développer et se
parfaire. Le dépôt de la révélation a été scellé à la mort
du dernier apôtre depuis, aucun écrit n'est admis
;

comme inspiré, et les révélations particulières des saints


n'entrent point dans le dépôt officiel des vérités de la
foi. Mais beaucoup de vérités contenues dans la révéla-
tion officielle n'y sont qu'en germe ; l'occasion ne s'est
donnée que peu à peu, sous la pression des événements
et la conduite de l'Esprit-Saint, d'en venir à des défini-
tions explicites qui fixaient en formules précises et dé-
terminées ce qui auparavant n'était connu que d'une
façon implicite.
Dès le premier instant de son incarnation, le Christ
Jésus possédait dans sa sainte âme tous les trésors de
la science et de la sagesse divines. Mais ce n'est que
peu à peu qu'on les a vus se révéler. A mesure que le
Christ croissait en âge, cette science et cette sagesse se
déclaraient, on voyait apparaître et fleurir les vertus
dont il contenait en lui le germe.
Quelque chose d'analogue se passe pour l'Église,
corps mystique du Christ. Par exemple, nous trouvons
dans le dépôt de la foi cette magnifique révélation « Le :

Verbe était Dieu, et le Verbe s'est fait chair 1 ». Cette


révélation contient des trésors qui n'ont été mis au jour
que peu à peu c'est comme une semence qui s'est épa-
;

nouie en fruits de vérité pour augmenter notre connais-


sance du Christ Jésus. A l'occasion d'hérésies qui se
sont élevées, l'Église, guidée par l'Esprit-Saint, a défini
qu'il n'y a en Jésus-Christ qu'une seule personne divine,

i. JoaiK I, i et 14.
i44 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

mais deux natures distinctes et parfaites, deux volontés,


deux sources d'activité que la Vierge Marie est la
;

Mère de Dieu que toutes les parties de la sainte hu-


;

manité de Jésus sont adorables à raison de leur union à


la divine personne du Verbe. Sont-ce là des dogmes
nouveaux ? Non. C'est le dépôt de la foi qui s'explique,
s'explicite, se développe.
Ce que nous disons des dogmes s'applique parfaite-
ment aux dévotions. Dans le cours des siècles, des dé-
votions ont surgi, que l'Église, sous la conduite de
l'Esprit-Saint, a admises et faites siennes. Ce ne sont
point des innovations proprement dites, ce sont des
effets qui découlent des dogmes établis et de l'activité
organique de l'Église.
Dès que l'Église enseignante approuve une dévotion,
qu'elle la confirme de son autorité souveraine, nous de-
vons nous faire une joie de l'agréer agir autrement, ce ;

ne serait plus « partager les sentiments de l'Église »,


sentire cum Ecclesia, ce ne serait plus entrer dans les
pensées du Christ Jésus car il a dit à ses apôtres et
;

à leurs successeurs « Qui vous écoute m'écoute, qui


:

vous méprise me méprise * ». Or, comment aller au Père


si nous n'écoutons pas le Christ ?

Relativement moderne sous la forme qu'elle revêt


actuellement, la dévotion au Sacré-Cœur trouve ses ra-
cines dogmatiques dans le dépôt de la foi. Elle était
contenue en germe dans la parole de S. Jean Le :

Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous... Il a


il

porté à ses limites l'amour qu'il avait pour les siens 2 ».


Qu'est-ce, en effet, que l'incarnation ? C'est la manifes-
tation de Dieu, c'est « Dieu se révélant à nous par l'hu-
manité de Jésus » Nova mentis nostrae oculis lux tuac
:

claritatis injulsit* ; c'est la révélation de l'amour divin

i. Lu». X. io. — 2. Joan. I, 14: XIII, 1. — j. Préface do la


Nativité.
LE CŒUR DU CHRIST 445

au monde « Dieu a aimé


: le monde à ce point qu'il lui

a donné son Fils unique » lui-même a aimé


; et ce Fils
les hommes jusqu'à se livrer pour eux « il n'y a pas :

de plus grand amour que celui de donner sa vie pour ses


amis » Majorera hac dilectionem nemo habet 1 Toute
: .

la dévotion au Sacré-Cœur est en germe dans ces pa-


roles de Jésus. Et pour montrer que cet amour avait at-
teint le suprême degré, le Christ Jésus a voulu qu'aussi-
tôt après son dernier soupir sur la croix, son cœur fût
percé par la lance d'un soldat.
Comme nous allons le voir, l'amour qui est symbolisé
par le cœur dans cette dévotion est tout d'abord l'a-
mour créé de Jésus, mais comme le Christ est le Verbe
incarné, les trésors de cet amour créé nous manifestent
les merveilles de l'amour divin, du Verbe éternel.
Vous saisissez à quelle profondeur cette dévotion
plonge dans le dépôt de la foi. Loin d'être une altéra-
tion ou une corruption, elle est une adaptation, à la fois
simple et magnifique, des paroles de S. Jean sur le
Verbe qui s'est fait chair et s'est immolé par amour
pour nous.

Il

Si nous reprenons maintenant en peu de mots les di-


vers éléments de ce culte nous verrons combien ils se
justifient.
L'objet propre et direct en est le cœur physique du
Christ. Ce cœur est, en
digne d'adoration. Pour-
effet,
quoi cela ? Parce qu'il fait partie de la nature humaine,
et que le Verbe s'est uni à une nature parfaite Perfec- :

tus homo -. La même adoration que nous donnons à la


personne divine du Verbe atteint tout ce qui lui est uni
personnellement, tout ce qui subsiste en elle et par elle.
Cela est vrai de la nature humaine de Jésus tout en-

i. Joan. XV, 13. — 2. Symbole attribué à S. Athanase.


146 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

tière, cela est vrai de chacune des parties dont elle se


compose. Le cœur de Jésus est le cœur d'un Dieu.
Mais ce cœur que nous honorons, que nous adorons
dans cette humanité unie à la personne du Verbe, sert
ici de symbole. Symbole de quoi ? De l'amour. Dans le

langage usuel, le cœur est accepté comme le symbole


de l'amour. Quand Dieu nous dit dans l'Écriture « Mon :

1
fils, donne-moi ton cœur », nous comprenons que le
cœur signifie ici l'amour. On peut dire de quelqu'un :

je l'estime, je le respecte, mais mon cœur, je ne puis le


lui donner on marque par ces paroles que l'amitié,
;

l'intimité et l'union sont impossibles.


Dans la dévotion au Cœur sacré de Jésus, nous ho-
norons donc l'amour que nous porte le Verbe incarné.
Amour créé d'abord. — Le Christ Jésus est tout en-
semble Dieu et Homme, Dieu parfait, homme parfait :

c'est le mystère même de l'incarnation. En sa qualité de


« Fils de l'homme », le Christ a un cœur comme le nôtre,
un cœur de chair, un cœur qui bat pour nous de l'amour
le plus tendre, le plus vrai, le plus noble, le plus fidèle
qui soit.
Dans sa lettre aux Éphésiens, S. Paul leur disait
qu'il priait Dieu avec instance de leur faire connaître la
longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur du
mystère de Jésus, tant il était ébloui des richesses in-
commensurables qu'il renfermait. Il aurait pu en dire
autant de l'amour du cœur de Jésus pour nous il l'a ;

dit d'ailleurs, quand il a proclamé que « cet amour sur-


2
passait toute science ».

Et, en effet, nous n'épuiserons jamais les trésors de


tendresse, d'amabilité, de bienveillance, de charité dont
le cœur de l'Homme-Dieu est l'ardent foyer. Nous n'a-

vons qu'à ouvrir l'Évangile; nous verrons à chaque page


éclater la bonté, la miséricorde, la condescendance de
Jésus à l'égard des hommes. J'ai tâché, en vous ex-

i. Prov. XXIII. 26. — 2. Ephes. TU, 14-19.


LE CŒUR DU CHRIST 447

posant quelques aspects de la vie publique \ de vous


montrer ce que cet amour a de profondément humain,
d'infiniment délicat.
Cet amour du Christ n'est pas une chimère, il est
bien réel, car il se fonde sur la réalité de l'incarnation

elle-même. La Vierge Marie, S. Jean, Madeleine, Lazare


le savent bien. Ce n'était pas seulement un amour de
volonté, mais aussi de sentiment. Quand le Christ Jésus
3
disait « J'ai pitié de la foule », il a senti réellement la
:

compassion remuer les fibres de son cœur d'homme ;

quand voyait Marthe et Madeleine pleurer leur frère,


il

il a pleuré avec elles larmes bien humaines, jaillissant


:

de l'émotion qui étreignait son cœur. C'est pourquoi


les Juifs témoins de ce spectacle se disaient « Voyez :

s
donc à quel point il l'aimait » !

Le Christ Jésus ne change pas. Il était hier, il est


aujourd'hui, il demeure dans le ciel le cœur le plus
aimant et le plus aimable qui se puisse rencontrer.
S. Paul nous dit en propres termes que nous devons
avoir pleine confiance en Jésus parce qu'il est un pontife
compatissant qui connaît nos souffrances, nos misères,
nos infirmités, ayant lui-même épousé nos faiblesses, —
sauf le péché. Sans doute, le Christ Jésus ne peut plus
souffrir Mors illi ultra non dominabitur 4 mais il
: ;

reste celui qui a été ému de compassion,. qui a souffert,


qui a racheté les hommes par amour Dilexit me et tra- :

didit semetipsum pro me.

Cet amour humain de Jésus, cet amour créé, où pui-


sait-il sa source ? d'où dérivait-il ? De l'amour incréé
et divin, de l'amour du Verbe éternel auquel la nature
humaine est indissolublement unie. Dans le Christ, bien
qu'il y ait deux natures parfaites et distinctes, gardant
leurs énergies spécifiques et leurs opérations propres,

i. Voir plus haut, p. 248 sq. — 2. Matth. XV, .Marc. VII i.

-?• — 3, Joan. XI, 36. — 4. Rom. VI, o.


;,j ;
448 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

il n'y a qu'une personne divine. Je vous l'ai dit l'amour :

créé de Jésus n'est qu'une révélation de son amour in-


créé. Tout ce que l'amour créé accomplit, ce n'est
qu'en union avec l'amour incréé et à cause de lui le :

cœur du Christ allait puiser sa bonté humaine dans


l'océan divin \
Sur le calvaire, nous voyons mourir un homme
comme nous, qui a été en proie à l'angoisse, qui a souf-
fert, qui a été broyé sous les tourments, plus qu'aucun
homme ne le sera jamais nous comprenons l'amour
:

que cet homme nous montre. Mais cet amour qui. par
ses excès dépasse notre science, est l'expression con-
crète et tangible de l'amour divin. Le cœur de Jésus
percé sur la croix nous révèle l'amour humain du Christ;
mais derrière le voile de l'humanité de Jésus se montre
l'ineffable et incompréhensible amour du Verbe.
Quelles larges perspectives nous ouvre cette dévo-
tion Comme elle est de nature à attirer l'âme fidèle
! !

Car elle lui donne le moyen d'honorer ce qu'il y a de


plus grand, de plus élevé, de plus efficace dans le
Christ Jésus, Verbe incarné l'amour qu'il porte au
:

monde et dont son cœur est la fournaise.

III

L'amour est actif de sa nature, il est débordant. En


:

Jésus, ne pouvait être pour nous qu'une source inta-


il

rissable de dons.
Dans l'oraison de la fête du Sacré-Cœur, l'Église
nous invite à « repasser par la pensée les principaux
bienfaits que nous devons à l'amour du Christ Jésus » :

Praecipua in nos caritatis ejus bénéficia recolimus.


Cette contemplation est un des éléments de la dévotion
i. « Dans le Sacré-Cœur vous trouverez le symbole et rima£<-
sensible de la charité infinie de Jésus-Christ, de cette charité qui
nous porte à l'aimer en retour. » Léon XIII, Bulle Annum sacrum,
25 mai 1899.
LE CŒUR DU CHRIST i49

au Sacré-Cœur. Comment honorer un amour dont nous


ignorons les manifestations ?
Cet amour, avons-nous dit, est l'amour humain de
Jésus, révélation de l'amour incréé. A cet amour incréé,
qui est commun au Père et à l'Esprit-Saint, nous devons
tout. Il n'est pas de don qui ne trouve en lui son prin-
cipe le plus profond. Qui a tiré les êtres du néant ?
L'amour. Nous le chantons dans l'hymne de la fête *
:

la terre, la mer, les astres sont l'œuvre de l'amour »


-.<
:

amor almus artifex


llle
Terme marisque et siderum.

Plus encore que la création, l'Incarnation est due à


l'amour. « C'est lui qui a fait descendre le Verbe des
splendeurs des cieux pour l'unir à une nature faible et
mortelle » :

Amor coegit te tuas


Mortale corpus sumere.

Mais que nous devons surtout nous rap-


les bienfaits
peler, c'est larédemption par la passion, l'institution
des sacrements, surtout de l'Eucharistie. C'est à l'amour
humain de Jésus autant qu'à son amour incréé que nous
les devons.
Nous avons vu, en contemplant ces mystères, quel
amour profond et ardent ils traduisent. Notre-Seigneur
disait lui-même « Il n'y a pas de plus grand acte d'a-
:

mour que de donner sa vie pour ses amis ». Il est allé


jusque-là bien des vertus éclatent dans cette passion
;

bénie, mais nulle n'y atteint l'apogée comme l'amour. Il


ne fallait rien moins que des excès d'amour pour se
plonger volontairement, à chacune des phases de la
passion, dans des abîmes d'humiliations et d'opprobres,
de souffrances et de douleurs.

I. Hymne des Vêpres.

Le Christ dans ses mystères. tq


150 LK CHRIST DANS SES MYSTÈRES

Et de même que l'amour a opéré notre rédemption, de


même encore il établit les sacrements par lesquels les
fruits du sacrifice de Jésus seront appliqués à toute âme
de bonne volonté.
S. Augustin -
se plaît à relever l'expression choisie à
dessein par l'Évangéliste pour nous faire connaître la
blessure produite par la lance au côté de Jésus mort sur
la croix. L'écrivain sacré ne dit pas que la lance « frap-
pa » ou « blessa », mais qu'elle « ouvrit » le côté du
Sauveur: Latus ejus aperuif. C'était la porte de la vie
qui s'ouvrait, dit le grand Docteur du cœur percé de
;

Jésus allaient s'épancher sur le monde les fleuves de


grâces qui devaient sanctifier l'Église.

Cette contemplation des bienfaits de Jésus à notre


égard doit devenir la source de notre dévotion pra-
tique au Sacré-Cœur. L'amour seul peut répondre à
l'amour. De quoi se plaint Notre-Seigneur à sainte
Marguerite-Marie ? De ne pas voir son amour payé de
retour :« Voici ce cœur qui a tant aimé les hommes et
qui ne reçoit d'eux qu'ingratitude >\ C'est donc par
l'amour, par le don du cœur qu'il faut répondre au
Christ Jésus. « Qui n'aimerait celui qui l'aime ? Quel
racheté ne s'attacherait à son rédempteur ? »

Quis non amantem redamet ?


3
Quis non redemptus diligat ?

Pour être parfait, cet amour doit porter un double


caractère.
Il y a l'amour affectif il consiste dans les différents
;

sentiments qui font vibrer l'âme à l'égard d'une per-


sonne aimée :l'admiration, la complaisance, la joie,
l'action de grâces. Cet amour engendre la louange des

i. Tract, in Joan. CXX, 2. —


2. Joan. XIX, 34. — 3. Hymne
des Laudes de la fête du Sacré-Cœur. . -
LE CŒUR DU CHRIST . 451

lèvres. Nous nous réjouissons des perfections du cœur


de Jésus, nous célébrons ses beautés et ses grandeurs,
nous nous complaisons dans la magnificence de ses
bienfaits Exsultabunt labia mea cum cantavero tibi * /
:

Cet amour affectif est nécessaire. Quand elle contem-


ple le Christ dans son amour, l'âme doit se laisser aller
à l'admiration, à la complaisance, à la jubilation. Pour-
quoi cela ? Parce que nous devons aimer Dieu de tout
notre être Dieu désire que notre amour envers lui ré-
;

ponde à notre nature. Or, nous n'avons pas une nature


angélique, mais humaine, où la sensibilité a sa place.
Le Christ Jésus agrée cette forme d'amour, parce qu'elle
est fondée sur notre nature, que lui-même a créée.
Voyez-le, lors de son entrée triomphale à Jérusalem,
peu de jours avant sa passion « Lorsqu'il était déjà :

près de la descente du mont des Oliviers, toute la foule


des disciples transportée de joie se mit à louer Dieu à
haute voix pour tous les miracles qu'ils avaient vus :

Béni soit, criaient-ils, le roi qui vient au nom du Sei- 1

gneur Paix dans le ciel et gloire au plus haut des


!

cieux Alors quelques pharisiens, du milieu dé la foule,


!

dirent à Jésus « Maître, réprimandez vos disciples. »


:

Et que répond Notre-Seigneur ? Fait-il cesser ces ac-


clamations ? Bien au contraire il réplique aux phari- ;

siens :« Je vous le dis si eux se taisent, les pierres :

a
crieront ! »
Le Christ Jésus tient pour agréables les louanges qui
jaillissent du cœur jusqu'aux lèvres. Notre amour doit
éclater en affections. Voyez les saints. François, le pau-
vre d'Assise, était tellement transporté d'amour qu'it
3
chantait les louanges de Dieu sur les routes Made- ;

leine de Pazzi courait dans les cloîtres de son monas-


tère, en criant « O amour, ô amour " »
: Sainte Thé- !

i. Ps. LXX, 23. — 2. Luc. XIX, 37-40. — 3. Sa Vie par Joer-


gensert, liv. II, chap. I. — 4. Sa Vie par le P. Cepari, tt II, chap.
XVI. .
'
.
i52 LK CHKIST DANS SES MYSTÈRES

rèse tressaillait tout entière chaque fois qu'elle chantait


ces mots du Credo Cujus regni non erit finis ; «. Et
:

1
son règne n'aura point de fin » lisez ses « Exclama- ;

tions >> vous y verrez comment les sentiments de la


:

nature humaine s'épanouissent, chez les âmes éprises


d'amour, en louanges ardentes.
Ne craignons donc pas de multiplier nos louanges à
l'adresse du cœur de Jésus. Les « Litanies », les actes
de réparation, de consécration sont autant d'expres-
sions de cet amour de sentiment, sans lequel l'âme hu-
maine n'atteint pas la perfection de sa nature.

A lui seul, cet amour affectif est pourtant insuffisant.


Pour avoir toute sa valeur, il doit « se traduire par
les œuvres » Probatio dilectionis exhibitio operis \
:

« Si vous m'aimez, disait Jésus lui-même, gardez mes


commandements » Si diligitis me, mandata mea ser-
:

vate". C'est la seule pierre de touche. Vous rencon-


trerez des âmes qui abondent en affections, qui ont le

don des larmes, —


ne se gênent pas le moins du
et qui
monde pour réprimer leurs mauvais penchants, détruire
leurs habitudes vicieuses, éviter les occasions du péché;
qui lâchent pied dès que survient la tentation, ou mur-
murent aussitôt que se présentent les contrariétés et les
contradictions. Chez elles, l'amour affectif est plein
d'illusion; c'est un feu de paille sans durée/qui s'éva-
nouit en cendre.
Si nous aimons véritablement le Christ Jésus, non
seulement nous nous réjouirons de sa gloire, nous
chanterons ses perfections de tout l'élan de notre âme,
nous nous attristerons des injures qui sont faites à son
cœur et lui en offrirons des amendes honorables, —
mais surtout nous nous efforcerons de lui obéir en tou-
tes choses, nous accepterons avec empressement toutes

i. Chemin de la perfection, chap. XXIII. — 2. S. Greg. Hoi">i


in Evang. XXX. i. — 3. Joan. XIV, 15.
LE CŒUR DU CHRIST 453

les dispositions de sa Providence à notre égard, nous


nous emploierons à étendre son règne dans les âmes, à
procurer sa gloire, « nous nous dépenserons avec joie,
nous irons, s'il le faut, jusqu'à nous épuiser », selon la
belle parole de S. Paul: Libentissime impendam et su-
perimpendar ! L'apôtre l'a dit de la charité envers le
l

prochain appliquée à notre amour pour Jésus, cette


;

formule résume à merveille la pratique de la dévotion à


son Cœur sacré.

Regardons notre divin Sauveur ; en ceci, comme enr

toutes nos vertus, il est notre meilleur modèle ; nous


trouverons en lui ces deux formes d'amour.
Considérez l'amour qu'il porte à son Père. Le —
Christ Jésus éprouve dans son cœur les sentiments les
plus vrais d'amour affectif qui puissent faire battre un
cœur humain. L'Évangile nous montre un jour son
cœur, débordant d'un sentiment d'enthousiasme pour
les perfections insondables du Père, éclater en louanges
devant ses disciples. « Il tressaillit de joie sous l'action
du Saint-Esprit, et dit Je vous bénis, ô Père, Seigneur
:

du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces


choses aux sages et aux prudents, et les avez révélées
aux petits enfants. Oui, je vous bénis, ô Père, de ce
3
qu'il vous a plu ainsi... »
Voyez encore à la cène comme son cœur sacré est
rempli d'affection pour son Père et comment ses senti-
ments se traduisent par une ineffable prière.
Et pour montrer au monde entier la sincérité et la
vivacité de cet amour, Ut cognoscat mundus quia dili-
go Patrem \ Jésus se rend aussitôt au jardin des Oli-
viers où il doit inaugurer la longue série des humilia-
tions et des douleurs de sa passion.
Ce double caractère se retrouve également dans son
amour envers les hommes. —
Voici que depuis trois

i. II Cor. XII, 15. — 2. Luc. X, ti. — 3. Joan. XIV, 31.


'4'5i LE CHRIST PAN9 SES MYSThKKS

jours, une multitude -de peuple le suit, attirée par le


charme des paroles divines et l'éclat des miracles. Mais
la lassitude commence à accabler cette foule qui n'a
pas de quoi se refaire, Jésus le sait : « J'ai pitié de ce
peuple, dit-il ; voilà trois jours déjà qu'ils ne me quit-
tent pas, et ils n'ont rien à manger. Si je les renvoie
dans leur maison sans nourriture, tomberont de dé- ils

faillance en chemin, car plusieurs, d'entre eux sont ve-


nus de loin » Misereor super turbam. Quel profond
:

sentiment de compassion étreint son cœur humain Et !

vous savez comment Jésus le traduit en œuvre dans :

ses mains bénies;, les pains se multiplient pour rassasier


es quatre mille êtres vivants qui s'attachaient à lui \
Voyez-le surtout au tombeau de Lazare. Jésus pleure,
il verse des larmes, de vraies larmes humaines. Se peut-

il plus touchante et plus authentique manifestation des

sentiments de son cœur ? Et tout aussitôt il met sa puis-


sance au service de son amour « Lazare, sors du tom- ;

3
beau » !

C'est l'amour qui se révèle dans le don de soi qui, ;

débordant du cœur, s'empare de l'être tout entier, de


toute son activité, pour les consacrer aux intérêts et à
la gloire de l'objet aimé.

Jusqu'où doit s'étendre cet amour que nous devons


montrer au Christ Jésus en retour de celui qu'il nous
porte ?
Il doit comprendre d'abord l'amouressentiel et sou-
verain qui nous fait regarder Christ et ses volontés
le
comme le Bien suprême que nous préférons à toutes
choses/Pratiquement, cet amour se ramène à l'état de
grâce sanctifiante. La dévotion, avons-nous dit, est le
dévouement mais où est le dévouement d'une âme qui
;

ne cherche pas à sauvegarder en elle à tout prix, par


une fidélité vigilante, le trésor. de la igrâce du Sauveur ?
i. Marc. VIII. 3-9. — 2. Joao. XI, 43.
LE CŒUR DU CHRIST 455

qui dans la tentation hésite entre la volonté du Christ


Jésus et les suggestions de son éternel ennemi ?
Vous le savez c'est cet amour qui donne à notre vie
:

toute sa valeur et fait d'elle comme un perpétuel hom-


mage, agréable au cœur du Christ. Sans cet amour
essentiel, rien ne vaut aux yeux de Dieu. Écoutez en
quels termes expressifs S. Paul a mis cette vérité en
relief « Quand je parlerais les langues des anges et
:

des hommes, si je n'ai pas la charité, je ne suis qu'un


airain qui résonne, une cymbale qui retentit je puis ;

avoir le don de prophétie, connaître tous les mystères,


posséder toute science, avoir toute la foi jusqu'à trans-
porter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis
rien quand je distribuerais tous mes biens aux pau-
;

vres, quand je livrerais mon


corps aux flammes, si je
a
n'ai pas ne sert de rien ». Autre-
la charité, tout cela
ment dit, je ne puis être agréable à Dieu, si je n'ai en
moi cette charité essentielle par laquelle je m'attache à
lui comme au souverain Bien. 11 est trop évident qu'il
ne peut y avoir de dévotion véritable là où cet, amour
n'existe pas.
Ensuite habituons-nous à faire toutes choses, même
les plus petites,par amour, pour plaire au Christ Jésus.
Travailler, accepter nos souffrances et nos peines, rem-
plir nos devoirs d'état par amour, pour être agréable à
Notre-Seigneur, en union avec les sentiments de son
cœur quand il vivait ici-bas comme nous, constitue une
excellente pratique de dévotion envers le Sacré-Cœur.
Toute notre vie lui est ainsi rapportée par une orienta-
tion pleine d'amour.
C'est ce qui donne d'ailleurs à notre vie un surcroît
de fécondité. Comme vous le savez, tout acte de vertu,
d'humilité, d'obéissance, de religion, accompli en état
de grâce possède son mérite propre, sa perfection spé-
ciale, sasplendeur particulière mais quand cet acte ;

ï. ï Cor. XITI. 1-3,


L56 LK CHRIST DANS SES MYSTERES

est commandé par l'amour, une efficacité


il s'y ajoute
et une beauté nouvelles ; sansperdu de
qu'il soit rien
sa valeur propre, il s'y joint le mérite d'un acte d'amour.
<0 Seigneur, chantait le psalmiste, la reine siège à votre
droite, parée d'un vêtement d'or aux couleurs variées » :

Adstitit regina a dextris tuis in vestitu deaurato, cir-


1
cumdata varietate . La reine, c'est l'âme fidèle en qui
le Christ règne par sa grâce ; elle siège à la droite du
Roi, vêtue d'une robe tissée d'or qui signifie l'amour ;

les couleurs variées symbolisent les différentes vertus ;

chacune d'elles garde son reflet, mais l'amour, qui en


est la source profonde, rehausse leur éclat.
L'amour règne ainsi en souverain dans notre cœur
pour en rapporter tous les mouvements à la gloire de
Dieu et de son Fils Jésus.

IV

De même que l'Esprit-Saint n'appelle pas toutes les


âmes à briller d'une égale façon par les mêmes vertus,
de même, en matière de dévotion particulière, il leur
laisse une sainte liberté, que nous devons nous-mêmes
respecter soigneusement. Il y a des âmes qui se sentent
poussées à honorer spécialement les mystères de l'en-
fance de Jésus d'autres sont attirées par les charmes
;

tout intérieurs de sa vie cachée d'autres encore ne ;

peuvent se détacher de la méditation de la Passion.


Cependant la dévotion au cœur sacré de Jésus est de
celles qui doivent nous être le plus chères. Et pourquoi?
Parce qu'elle honore le Christ Jésus non plus dans un
de ses états ou de ses mystères particuliers, mais dans
la généralité et dans la totalité de son amour, de cet
amour où tous les mystères trouvent leur explication la
plus profonde. Bien qu'elle soit spéciale et nettement
caractérisée, cette dévotion revêt donc quelque chose

i. Pc. XLIV. 10.


LE CŒUR DU CHRIST 457

d'universel : en honorant le cœur du Christ, ce n'est


plus à Jésus enfant, adolescent ou victime que s'arrêtent
nos hommages, mais à la personne de Jésus dans la plé-
nitude de son amour.
De plus, la pratique générale de celte dévotion tend,
en dernière analyse, à rendre à Notre-Seigneur amour
pour amour Movet nos ad amandum mutuo " ; à sai-
:

sir toute notre activité pour la pénétrer d'amour afin de


plaire au Christ Jésus les exercices particuliers ne
;

sont que des moyens d'exprimer à notre divin Maître


cette réciprocité d'amour.
C'est là un effet très précieux de cette dévotion. Car
toute la religion chrétienne se ramène pour nous à ce
point nous livrer par amour au service du Christ et,
:

par lui, au Père et à leur commun Esprit. Ce point est


d'une importance capitale, et je veux, pour terminer cet
entretien, le considérer avec vous quelques instants.

C'est une vérité, confirmée par l'expérience des âmes,


que notre vie spirituelle dépend, en grande partie, de
l'idée que nous nous faisons habituellement de Dieu.
Il y a entre nous et Dieu des rapports fondamentaux,

basés sur notre nature de créature il existe des rela-


;

tions morales résultant de notre attitude envers lui et ;

cette attitude est, la plupart du temps, conditionnée par


l'idée que nous avons de Dieu.
Si nous nous faisons de Dieu une idée fausse, nos
efforts pour avancer seront souvent vains et stériles,
parce qu'ils se produiront en dehors de la voie si nous ;

en avons une idée incomplète, notre vie spirituelle sera


remplie de lacunes et d'imperfections si notre idée de
;

Dieu est vraie —


aussi vraie que cela est possible ici-
bas à une créature vivant de la foi, —
notre âme s'épa-
nouira en toute sûreté dans la lumière.
Cette idée habituelle que nous nous faisons de Dieu

i. Léon XITI, I. c.
458 LE CHRIST DANS SF.S MYSTÈRES

est donc la clef de notre vie intérieure, non seulement


parce qu'elle règle notre conduite envers lui, mais
aussi parce que, souvent, elle détermine l'attitude de
Dieu même à notre égard en bien des cas, Dieu nous
:

traite comme nous le traitons.


Mais, me direz-vous, la grâcesanctifiante ne fait-elle
pas de nous enfants de Dieu ? Certainement toute-
les ;

fois, en pratique, il y a des âmes qui n'agissent pas en


enfants adoptifs du Père éternel. On dirait que cette
condition d'enfants de Dieu n'a pour elles qu'une va-
leur nominale elles ne comprennent pas que c'est là un
;

état fondamental qui demande à se manifester sans


cesse par des actes qui y correspondent, et que toute la
vie spirituelle doit être le développement de l'esprit
d'adoption divine, esprit que nous avons reçu au bap-
tême par la vertu du Christ Jésus.
Ainsi, vous rencontrerez des âmes qui considèrent
habituellement Dieu comme le regardaient les Israé-
lites. Dieu se révélait à eux parmi les foudres et les
1
éclairs du Sinaï pour ce peuple « à la tête dure 2 »,
;

enclin à l'infidélité et à l'idolâtrie, Dieu n'était qu'un


Seigneur qu'il fallait adorer, un Maître qu'il fallait ser-
vir, un Juge qu'il fallait redouter. Les Israélites avaient
reçu, comme dit S. Paul, Spiritum servitutis in timoré " :
4 un esprit de servitude pour vivre dans la crainte ».
Dieu ne leur apparaissait que dans toute la majesté de
sa grandeur et la souveraineté de sa puissance vous ;

savez qu'il les traitait avec une justice rigoureuse la :

4
terre s'entr'ouvre pour engloutir les hébreux coupables ;

ceux qui touchent l'arche d'alliance sans que leurs fonc-


6
tions leur en donnent le mort
droit sont frappés de ;

des serpents venimeux font périr des murmurateurs* ;

à peine ose-t-on prononcer le nom de Jéhovah une ;

fois l'an le grand prêtre pénètre seul, en tremblant,

i. Exod. XIX, 16 ssq: — 2. Deut. XXXI, 27. — 3. Rom. VIII.


15. — 4. Num. XVI, 32. — 5. II Reg. VI, 6-7. — 6. Num. XXI.
5-6
LE CŒUR DU CHRIST i
459

dans le Saint des saints, muni du sang des victimes


1
immolées pour le péché C'était « l'esprit de servi-
.

tude ».

Il y a des âmes qui ne vivent habituellement que dans

ces sentiments de crainte purement servile si elles ;

n'avaient peur des châtiments de Dieu, elles ne trouve-


raient aucun inconvénient à l'offenser. Elles ne regar-
dent habituellement Dieu que comme un maître, et ne
cherchent pas à lui plaire. Elles ressemblent à ce ser-
viteur dont parle le Christ Jésus dans la parabole des
« mines ». Un roi, devant partir pour une région loin-
taine, appelle ses serviteurs et leur confie des mines —
pièces d'argent —
qu'ils doivent faire valoir jusqu'à ce
qu'il revienne. L'un de ces serviteurs garde la mine en
dépôt sans la faire fructifier « Voici votre mine, dit-il
:

au roi, quand celui-ci est de retour je l'ai cachée dans ;

un morceau d'étoffe, car j'avais peur de vous, parce que


vous êtes un homme rigide vous retirez ce que vous ;

n'avez pas déposé, et vous moissonnez ce que vous


n'avez pas semé ». Et que répond le roi ? Il prend au
mot ce serviteur négligent. « Je te juge sur tes paroles,
méchant serviteur. Tu estimais que je suis un homme
rigide... Pourquoi donc n'as-tu pas mis mon argent à
la banque ?» Et le roi commande qu'on dépouille ce
serviteur de ce qui lui avait été donné '.

De telles âmes n'agissent avec Dieu, que comme à


distance, elles le traitent uniquement comme un grand
même façon il ne se
seigneur, et Dieu les traite de la :

livrepas pleinement à elles entre elles et Dieu, l'inti-


;

mité personnelle ne peut exister en elles, i'épanouisse- ;

ment intérieur est impossible.

D'autres âmes, plus nombreuses peut-être, regardent


habituellement Pieu comme le grand bienfaiteur elles ;

n'agissent régulièrement qu' « en vue de la récom-

j. Levit. XYT, fi sq. — 2. Luc. XIX, 12-13; 20-2^.


460 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

pense Propter retributionem \ Cette idée n'est point


2> :

fausse. Nous voyons


le Christ Jésus comparer son Père

à un maître qui récompense, et avec quelle magni- —


fique libéralité
2
! —
le serviteur fidèle « Entrez dans la :

joie de votre Seigneur » il nous dit lui-même qu'il


;

3
remonte au ciel pour « nous y préparer une place ».
Mais quand cette attitude est habituelle au point de
devenir, comme cela se produit chez certaines âmes,
exclusive, outre qu'elle manque de noblesse, elle ne ré-
pond pas pleinement à l'esprit de l'Évangile. L'espé-
rance est une vertu chrétienne, elle soutient puissam-
ment l'âme au milieu de l'adversité, des épreuves, des
tentations ;

mais elle n'est pas la seule ni la plus
parfaite des vertus théologales, vertus spécifiques de
notre état d'enfants de Dieu. Quelle est donc la vertu la
plus parfaite ? Quelle est celle qui, entre toutes, obtient
la palme ? C'est, répond S. Paul, la charité Nunc ma- :

rient fides, spes, caritas, tria haec : major autem horum


est caritas \

C'est pourquoi, —
sans perdre de vue la crainte, non
pourtant la crainte servile de l'esclave qui redoute le
châtiment, mais la crainte de l'outrage à l'égard de
Dieu qui nous a créés sans laisser de côté la pensée de
;

larécompense qui nous attend, si nous sommes fidèles,


— nous devons chercher à avoir habituellement à l'é-
gard de Dieu cette attitude, faite de confiance filiale et
d'amour, que le Christ Jésus nous a révélée comme
étant celle de la Nouvelle Alliance.
Le Christ, en effet, sait mieux que personne quelles
doivent être nos relations avec Dieu, il connaît les
secrets divins. En l'écoutant, nous ne courons aucun
i. Ps, CXVIII, 112. — 2. Matth. XXV, 21. — 3. Joan. XIV, 2.
— 4- 1 Cor. XITI. 13.
LE CŒUR DU CHRIST 461

risque de nous égarer il est la Vérité même. Or, quelle


:

attitude veut-il que nous ayons avec Dieu ? Sous quel


aspect veut-il que nous le contemplions et l'honorions ?
Sans doute, il nous enseigne que Dieu est le maître sou-
verain que nous devons adorer. « Il est écrit tu adore- :

ras le Seigneur, et tu ne serviras que lui * ». Mais « ce


Dieu qu'il faut adorer est un Père » Veri adoratores :

adorabunt Patrem In spiritu et vcritate, nam et Pater


taies quaerit qui adorent eum \
L'adoration est-elle le seul sentiment qui doive faire
battre nos cœurs ? Constitue-t-elle la seule attitude que
nous devions avoir à l'égard de ce Père qui est Dieu ?
Non ; le Christ Jésus y ajoute l'amour, et un amour
plénier, parfait, sans réserve ni restriction. Quand on a
demandé à Jésus quel était le plus grand des comman-
T
dements, qu a-t-il répondu ? « Tu aimeras le Seigneur,
ton Dieu, de tout ton cœur, de tout ton esprit, de toute
a
ton âme, de toutes tes forces ». Tu aimeras amour de :

complaisance envers ce Seigneur d'une si grande ma-


jesté, envers ce Dieu d'une perfection si élevée amour ;

de bienveillance qui cherche à procurer la gloire de


celui qui en est l'objet amour de réciprocité envers un
;

Dieu « qui nous a aimés le premier * ».


Dieu veut donc que nos rapports avec lui soient im-
prégnés à la fois d'une révérence filiale et d'un profond
amour. Sans la révérence, l'amour risque de dégénérer
en laisser-aller de mauvais aloi, souverainement dange-
reux ; sans l'amour qui nous porte de tout son élan
vers notre Père, l'âme vit dans Terreur et fait injure au
don divin.
Et pour sauvegarder en nous ces deux sentiments qui
semblent contradictoires, Dieu nous communique l'Es-
prit de son Fils Jésus, qui, par ses dons de crainte et de
piété, harmonise en nous, dans la juste proportion qu'ils

i. Deut. V'!, 13 Luc. IV. 8. — 2. Joan. IV, 2}. — 3. Maic.



;

XII, 30 4. i Joa«. IV, io.


162 LE CHRIST dans SES MYSTERES

réclament, l'adoration la plus intime et l'amour le plus


tendre Quoniam estis filii, misit Deus spiritum Filii
:

sui in corda vestra \


C'est là l'esprit qui, d'après l'enseignement de Jésus
lui-même, doit régir et gouverner toute notre vie c'est :

« l'Esprit d'adoption de l'Alliance Nouvelle » que


S. Paul opposait à Y « esprit tout de servitude » de la
Loi Ancienne.
Vous me demanderez peut-être la raison de cette dif-
férence ? C'est que, depuis l'Incarnation, Dieu regarde
l'humanité en son Fils Jésus à cause de lui, il enve- ;

loppe l'humanité entière du même regard de complai-


sance dont son Fils, notre frère aîné, est l'objet c'est ;

pourquoi il veut aussi que, comme lui, avec lui, par lui,
3
nous vivions « comme des fils bien-aimés ».

Vous me direz encore : Et comment aimer Dieu, alors


que nous ne le voyons pas : Deum nemo vidit unquam *?

— « La lumière divine est, ici-bas, inaccessible


4
»,

c'est vrai ; mais Dieu s'est révélé à nous en son Fils


Jésus Ipse illuxit cordibus nostris... in facie Christi
:

Jesu \ Le Verbe incarné est la révélation authentique


de Dieu et de ses perfections et l'amour que le Christ ;

nous montre n'est que la manifestation de l'amour que


Dieu nous porte.
L'amour de Dieu, en effet, est en soi incompréhen-
sible il nous dépasse complètement
;
il n'est pas entré ;

dans Tesprit de l'homme de concevoir ce qu'est Dieu ;

en lui, les perfections ne sont pas distinctes de sa na-


ture l'amour de Dieu est Dieu lui-même Deus caritas
: :

est \
Comment donc aurons-nous une idée véritable de
l'amour de Dieu ? En regardant Dieu qui se manifeste
à nous sous une forme tangible. Et quelle est cette

i. Gai. IV, 6. — 2. Ephes, V, i. — 3. Joan. I, 18. — 4. I Tim.


VI. 16. — 5. HCor. IV. 6. — b. 1 Joan. IV, 8.
LE CŒUR DU CHRIST 163

forme ? C'est l'humanité de. Jésus. Le Christ est Dieu,


mais Dieu se révélant à nous. La contemplation de la
sainte humanité de Jésus est la voie la plus sûre pour
arriver à la véritable connaissance de Dieu. « Celui qui
le voit, voit le Père » l'amour que nous montre le
*
;

Verbe incarné révèle l'amour du Père à notre égard, car


« le Verbe et le Père ne sont qu'un Ego et Pater unum :

sumus \
Cet ordre une fois établi ne change plus. Le christia-
nisme, c'est l'amour de Dieu se manifestant au. monde
par le Christ et toute notre religion doit se ramener à
;

contempler cet amour dans le Christ, et à répondre à


l'amour du Christ pour atteindre Dieu,
Tel est le pian divin ; telle est la pensée de Dieu sur
nous. Si nous ne nous y adaptons pas, il n'y aura pour
nous ni lumière ni vérité il n'y aura ni sécurité ni
;

salut.
Or, l'attitude essentielle que réclame de nous ce plan
Nous demeurons des
divin. est celle d'enfants adoptifs.
êtres tirés du néant, et devant « ce Père d'une incom-
3
mensurable majesté », nous devons nous prosterner
dans le sentiment de la plus humble révérence mais à ;

ces relations fondamentales qui naissent de notre con-


dition de créatures, se superposent, non pour les dé-
truire mais pour les couronner, des relations infiniment
plus hautes, plus étendues et plus intimes qui résultent
de notre adoption divine, et qui se ramènent toutes à
servir Dieu par amour.

Cette attitude foncière qui doit répondre à la réalité


de notre adoption céleste est particulièrement favorisée
par la dévotion au cœur de Jésus. En nous faisant con-
templer l'amour humain du Christ pour nous, cette dé-
votion nous introduit dans le secret de l'amour divin ;

en inclinant nos âmes à le reconnaître par une vie dont

i. Cf. Joan. XIV, 9. — 2. Joan. X, 30. — 3. Hymne Te Deum.


îf.'l LE CHRIST DANS SKS MYSTERES

l'amour est le mobile, elle entretient en nous ces senti-


ments de piété filiale que nous devons avoir envers le
Père.
Quand nous recevons Notre-Seigneur dans la sainte
communion, nous possédons en nous ce cœur divin qui
est une fournaise d'amour. Demandons-lui instamment
de nous faire comprendre lui-même cet amour, car, en
ceci, un rayon d'en haut est plus efficace que tous les
raisonnements humains demandons-lui d'allumer en
;

nous l'amour de sa personne. « Si, par une grâce du


Seigneur, dit sainte Térèse, son amour s'imprime un
jour dans notre cœur, tout nous deviendra facile très ;

rapidement et sans la moindre peine nous en viendrons


aux œuvres \ »
Si cet amour pour
la personne de Jésus est dans
notre cœur, notre activité en jaillira. Nous pourrons
rencontrer des difficultés, être soumis à de grandes
épreuves, subir de violentes tentations si nous aimons ;

le Christ Jésus, ces difficultés, ces épreuves, ces tenta-

tions nous trouveront fermes Aquae multae non po-


:

2
tuerunt exstinguere caritatem Car lorsque « l'amour
.

du Christ nous presse, nous ne voulons plus vivre pour


nous-mêmes, mais pour celui qui nous a aimés et s'est
livré pour nous » Ut et qui vivunt, jam non sibi vivant,
:

sed ei qui pro ipsis mortuus est *.

i. écrite Par elle-même, chap. XXII.


Vie —
« Commencez à
aimer personne l'amour de la personne vous fera aimer la doc-
la ;

trine, et l'amour de la doctrine vous mènera doucement et forte-


ment tout ensemble à la pratique. Ne négligez pas de connaître
Jésus-Christ et de méditer ses mystères c'est ce qui vous inspirera
;

son amour le désir de lui plaire suivra de là et ce désir fructifiera


;

en bonnes œuvres ». Bossuet, Méditations sur l'Évangile, la Cène,


i™ partie, 89 e jour. —
2. Cant. VIII, 7. —
3. II Cor. V, 15.
XX. —
LE CHRIST
COURONNE DE TOUS LES SAINTS
(Toussaint)

Sommaire. — Le Christ est inséparable de son corps mys-


tique. — Motifs que nous avons de tendre à la sain-
I.

teté : la volonté de Dieu, le prix infini dont Jésus a


payé notre perfection. —
II. Caractère fondamental de
notre sainteté elle est la réalisation surnaturelle du
:

plan divin de notre libre prédestination en Jésus-Christ.


— III. Comment le Christ est pour nous la source de
toute sainteté, en étant la Voie, la Vérité et la Vie. —
IV. Sentiments qui doivent nous animer dans notre re-
cherche de la sainteté profonde humilité et confiance
:

absolue. —
V. Conclusions pratiques célébrer les
:

saints, les invoquer; chercher à les imiter, en demeu-


rant uni à Jésus-Christ; ne pas se laisser abattre par
les misères et les épreuves. —
vi. La fin du plan éter-
nel de notre sainteté est de magnifier la puissance de
la grâce de Jésus In laudem gloriae gratiae suae.
:

« Dieu a mis toutes choses sous les pieds de son Fils ;

il l'a constitué chef de toute l'Église qui est son corps


1
et sa plénitude ».
Ces lignes de S. Paul nous indiquent le mystère du
Christ Jésus considéré dans son corps mystique qui est
l'Église.
Dans tous
les entretiens qui précèdent, nous avons eu
la joie de contempler la personne même de Jésus, ses
états, ses abaissements, ses luttes, ses grandeurs, ses

i. Ephes. I, 22-23.

Le Christ dans se? mystères. 30


466 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

triomphes nous n'avons pu détacher nos regards de


;

cette humanité adorable qui est pour nous l'exemplaire


de toute vertu et la source unique de toute grâce.
Mais tous les mystères de l'Homme-Dieu aboutissent
à l'établissement et à la sanctification de l'Église :

Procter nos et propter nostram salutem \ Le Christ est


venu afin de se constituer une société qui puisse « pa-
raître devant lui glorieuse, sans tache ni ride, mais
2
sainte et immaculée ».

Si étroite et intime est l'union contractée avec elle


qu'il est la vigne et qu'elle forme les branches qu'il est
;

la tête et qu'elle constitue le corps ;


l'Époux et
qu'il est
qu'elle a rang d'Épouse. Unis, ils composent ce que
3
S. Augustin appelle si bien le « Christ total ».
Le Christ et l'Église sont inséparables ils ne se con- ;

çoivent pas l'un sans l'autre. C'est pourquoi, au terme


de ces entretiens sur la personne de Jésus et ses mys-
tères, nous devons vous parler de cette société que
S. Paul appelle « le complément du Christ », et sans la-
quelle le mystère du Christ n'atteint pas sa perfection.
Vous le savez ici-bas, cette union ineffable s'opère
:

dans la foi, par la grâce et la charité elle se consomme ;

dans les splendeurs des cieux et la vision béatifique.


Aussi, arrivée à la fin du cycle qu'elle s'est donné mis-
sion de parcourir, la liturgie célèbre-t-elle en une fête
solennelle —
la Toussaint —
la gloire du royaume de
Jésus. Elle réunit dans une même louange la multitude
entière de la société des élus pour exalter leur triomphe
et leur joie, en même temps que pour nous exciter à les
suivre dans leurs exemples afin de partager leur félicité.
Car cette société est une, comme le Christ est un. Au
temps doit succéder l'éternité les âmes se forment ici-
;

bas à la perfection, mais le terme ne se trouve que dans


cette société glorieuse ; de plus, notre degré de béati-

I. Credo de la messe. Ephes. V, 27 3. De Uni ta te


Ecclcs. 4.
LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 467

tude se mesure au degré de charité atteint à l'heure où


nous quittons cette terre.
Je vous exposerai d'abord les raisons que nous avons
de tendre à cette béatitude céleste nous verrons en- ;

suite les moyens d'y parvenir.

La première raison que nous avons de tendre à la


sainteté est « la volonté de Dieu »Haec est voluntas :

Dei, sanctificatio vestra \ Dieu veut non seulement que


nous soyons sauvés, mais que nous devenions des
saints. Et pourquoi Dieu le décide-t-il ? « Parce que
lui-même est saint » Sancti estote quoniam ego san-
:

ctus sum
3
Dieu est la sainteté même nous sommes ses
. ;

créatures il désire que la créature reflète son image


; ;

bien plus, il veut qu' « en notre qualité d'enfants, nous


soyons parfaits comme lui, notre Père céleste, est par-
fait » Estote perjecti, sicut et Pater vester caelestis
:

3
perfectus est C'est le précepte même de Jésus.
.

Dieu trouve sa gloire dans notre sainteté. N'oublions


jamais cette vérité chaque degré de sainteté auquel
:

nous serons parvenus, chaque sacrifice que nous aurons


accompli pour l'acquérir, chaque vertu dont le reflet
ornera notre âme sera éternellement une gloire pour
Dieu.
Nous chantons tous les jours, et il me semble que
c'est tous les jours avec plus de bonheur Tu solus :

sanctus, Jesu Christe* : « Vous êtes seul Saint, ô Jésus-


Christ ». Et c'est pourquoi vous êtes la grande gloire de
Dieu. Durant toute l'éternité, le Christ Jésus donnera
une gloire infinie à son Père, il se tiendra devant la
face de son Père, lui montrant ses cinq plaies, expres-
sion magnifique de la fidélité souveraine et de l'amour

I. I Thés. IV, 3. — 2. Lcvit. XI, 44 XIX, 2.— 3. Matth. V.48.


— 4. Gloria de la messe.
;
468 I.K CHRIST DANS BBS MYSTKRKS

parfait avec lesquels « il a toujours accompli ce que


son Père réclamait de lui » : Quae placita sunt ei facio
semper \
en est de même des saints. Ils se tiennent « devant
Il
2
le trône de Dieu », et sans cesse lui rendent gloire. Le
zèle ardent des apôtres, le témoignage des martyrs em-
pourprés de sang, la science profonde des docteurs,
l'éclatante pureté des vierges constituent autant d'hom-
mages agréables à Dieu.
Dans « cette multitude que personne ne peut dénom-
3
brer », chaque saint brille d'un éclat particulier; et
Dieu regardera éternellement avec complaisance les
efforts, les luttes, les victoires de ce saint qui sont com-
me autant de trophées aux pieds de Dieu, pour honorer
ses infinies perfections et pour reconnaître ses droits.
C'est donc pour nous une ambition légitime que de
tendre de toutes nos forces à procurer cette gloire que
Dieu puise en notre sainteté nous devons aspirer vive- ;

ment à faire partie de cette société bienheureuse dans


laquelle Dieu même prend ses complaisances c'est là :

pour nous un motif de ne pas nous contenter d'une per-


fection médiocre, mais de viser sans cesse à répondre
avec le plus de plénitude possible au désir de Dieu :

Sancti estote quia ego sanctus sum.

Une autre raison, c'est que plus notre sainteté est


élevée, plus nous exaltons le prix du sang de Jésus.
S. Paul nous dit que c le Christ s'est livré tout lui-
même à la mort et à la mort de la croix afin de sancti-
fier l'Église, de faire d'elle une société resplendissante,
4
sans tache, ni ride, mais sainte et immaculée ». C'est
là toute la fin de son sacrifice.
Or, une des sources les plus vives d'affliction pour le
cœur de Jésus durant son agonie au jardin des Oliviers
i. Joan. VIII, 29. — 2. Apoc. VII, 9. — 3. Ibid. — 4. Ephes.
V, 25-27.
LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 469

a été la perspective de l'inutilité de son sang pour tant


d'âmes qui refuseraient le don divin Quae utilitas in :

sanguine ineo ? Le Christ comprenait qu'une seule


*

goutte de ce sang aurait suffi pour purifier des mondes


et sanctifier des multitudes d'âmes afin d'obéir à son ;

Père, il a consenti avec un amour indicible à répandre


jusqu'à la dernière goutte ce sang qui contenait la vertu
infinie de la divinité. Et pourtant, il faut bien le dire :

« Quelle utilité retirera-t-on de ce sang ? »


La grande ambition qui fait battre le cœur du Christ
est de glorifier son Père c'est pourquoi il désirait avec
;

tant de véhémence, quomodo coarctor'*, donner sa vie,


pour amener à son Père des âmes innombrables qui por-
teraient beaucoup de fruits de vie et de sainteté In hoc :

clarificatus est Pater meus, ut fructum PLUR1MUM affe-


ratis \
Mais combien comprennent l'ardeur de l'amour de
Jésus ? combien répondent aux désirs de son cœur ?
Tant d'âmes n'observent pas les lois divines D'autres !

gardent les commandements mais bien peu se livrent ;

à Jésus et à l'action de son Esprit avec cette plénitude


qui mène à la sainteté.

Heureuses les âmes qui s'abandonnent sans réserve


au bon plaisir divin Unies tout entières au Christ, qui
!

est la vigne, elles « portent de nombreux fruits et glori-


fient le Père céleste » elles proclament surtout la vertu
;

du sang de Jésus.
Voyez en effet quel cantique chantent les élus, que
:

S. Jean nous montre, dans son Apocalypse, se proster-


nant devant l'Agneau ? « Vous avez été immolé, et vous
nous avez rachetés pour Dieu, par votre sang, de toute
tribu, de toute langue, de tout peuple, de toute nation...
A vous gloire et louange » Les saints confessent
'
!

i. Ps. XXIX, 10. — 2. Luc. XII, 50. — 3. Joan. XV, 8. —


4. Apoc. V, 9, 13.
470 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

qu'ils sont les trophéesdu sang de l'Agneau, trophées


d'autant plus glorieux que leur sainteté est plus émi-
nente.
Cherchons donc de toute l'ardeur de nos âmes à nous
purifier de plus en plus dans le sang de Jésus, à pro-
duire ces fruits de vie et de sainteté que le Christ Jésus
nous a mérités par sa passion et sa mort. Si nous deve-
nons des saints, notre cœur tressaillira, durant toute
l'éternité, de la joie que nous donnerons au Christ en
chantant les triomphes de son sang divin et la toute-
puissance de sa grâce.

II

Vous me demanderez comment arriver à cette sain-


:

teté agréable à Dieu, si glorieuse pour Jésus, et


si

source intarissable, pour nos âmes, d'une joie éternelle


dont nous ne pouvons soupçonner la profondeur ? Car
« il n'est pas entré dans le cœur de l'homme, dit S. Paul,
de découvrir ce que Dieu réserve de béatitude à ceux
qui l'aiment * ». Quel chemin suivre pour parvenir à ce
bienheureux état où l'âme contemplera toute vérité et
jouira de la plénitude de tout bien ?
Cette question est capitale mais avant d'y répondre,
;

je veux d'abord indiquer le caractère propre de notre


sainteté. Nous ne pourrons, en effet, choisir notre voie
en toute sécurité que si nous avons d'abord reconnu le
but à atteindre si nous comprenons bien le caractère
;

que doit, dans le plan de Dieu, revêtir notre sainteté, la


route à suivre pour y parvenir n'aura plus pour nous
de secret.
Quel est donc ce caractère ? Quelle est la qualité es-
sentielle que Dieu réclame de notre perfection ?
C'est d'être surnaturelle.
Vous connaissez cette vérité, que j'ai exposée longue-
i. I Cor. II, 9.
LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 471

ment ailleurs ; mais elle est si vitale qu'il ne sera pas


sans intérêt d'y revenir quelques instants.

Comme je vous l'ai dit souvent, l'aurore des miséri-


cordes divines à notre égard date du choix éternel que
Dieu a fait de nous, librement, par amour Elegit nos... :

ante mundi constitutionem ut essemus sancW.


Considérons un instant cette élection.
Nous savons que le Père éternel a toujours contem-
plé, contemple sans cesse son Verbe, son Fils en lui, ;

il se voit tout lui-même avec ses infinies perfections,

car ce Verbe unique exprime en un langage divin tout


ce que Dieu est. Nos pensées, à nous, sont finies, limi-
tées, mesquines, et pourtant, pour les exprimer, nous
devons recourir à une grande variété de paroles d'une ;

seule parole, Dieu exprime en une fois sa pensée qui est


infinie il se comprend lui-même dans son Verbe.
;

Pour comprendre une chose avec plénitude, dit quel-


3
que part S. Thomas il faut connaître aussi les mul-
,

tiples imitations dont cette chose est susceptible. Dieu


qui se comprend parfaitement voit dans son Verbe tous
les modes divers dont les créatures pourront refléter ou
reproduire ses perfections. Dieu n'a pas jeté les choses
au hasard, dans l'espace il n'a pas créé avec une force
;

aveugle intelligence infinie, il a fait toutes choses


;

d'après les plans conçus dans sa sagesse éternelle. En


contemplant son Verbe, Dieu voit, d'un regard unique,
la multitude illimitée des êtres possibles et, de toute ;

éternité, il a décidé de choisir, dans cette multitude, des


créatures qui réaliseraient en elles et manifesteraient
au dehors, quoique dans une mesure limitée, les infinies
perfections de son Verbe.
Dans l'ordre actuel de l'économie divine, Dieu a
prévu que l'homme, dont il avait fait le roi de la créa-
tion terrestre, ne se maintiendrait pas à la hauteur de

r. Ephcs. I, 4. — 2. I, q. XIV, a. 5 et 6 ; q. XV, a. 2.


LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES
w
i7 2

son élection et s'écarterait du plan tracé par son Créa-


teur pour l'unir à lui. La Sagesse divine n'a pas été
prise au dépourvu pour ramener l'homme déchu, sa
;

pensée avant tout sur celui que S. Paul ap-


s'est arrêtée
pelle le premier-né de toute créature » Primogenitus
<-. :

omnis creatarae \ et qui est le Verbe incarné.


Le Père a contemplé son Verbe incarné, fait chair ;

il a vu dans cette humanité unie hypostatiquement à


son Verbe, le résumé, la synthèse accomplie de toute
perfection créée il nous a révélé au Thabor que cet
;

Homme-Dieu était le chef-d'œuvre de ses pensées et


« l'objet de toutes ses complaisances » Hic est Films :

meus dilectus in quo mini bene complacui \


Cette humanité du Christ exprime au dehors le Verbe
divin, sous une forme terrestre elle a été choisie libre-
;

ment, par amour.


Ce n'est pas tout. Dieu a voulu donner à son Christ
un cortège c'est la « multitude innombrable » des
:

saints. Les saints sont autant de reproductions du


Verbe, sous une forme moins parfaite. Chacun de nous
trouve son idéal dans le Verbe chacun de nous devrait
;

être pour Dieu une interprétation spéciale d'un des as-


pects infinis de son Verbe. C'est pourquoi nous chan-
tons de chaque saint « Il ne s'en est point trouvé qui
:

z
lui ressemble ». Non est inventus similis illi Il n'y a .

point deux saints qui interprètent et manifestent le


Christ avec la même perfection.
Quand nous ciel, nous contemplerons, au
serons au
milieu d'une joie indicible, la bienheureuse Trinité.
Nous verrons le Verbe, le Fils, procédant du Père
comme archétype de toute perfection possible nous ;

verrons que la sainte humanité de Jésus a interprété


d'une façon universelle les perfections du Verbe auquel
elle était unie nous verrons que Dieu a associé à son
;

i. Col. I, 15. —
2. Matth. XVII, 5. — 3. Office des Confesseurs
pont., _> e antienne des Laudes cf. ; Eccli. XLIV, 20.
LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 473

Christ autant de frères qui reproduisent en eux les per-


fections divines, manifestées et rendues ici-bas tan-
gibles dans le Christ Jésus. En sorte que le Christ est
« le premier-né d'une multitude de frères » qui doivent
lui être semblables : Ut sit ipse primogenitus in multis
fratribus \
N'oublions jamais la parole de S. Paul « Dieu nous :

3
a choisis en son Fils Jésus » Elegit nos in ipso
: Dans .

ce décret éternel, nous trouvons la source de notre véri-


table grandeur. Quand, par notre sainteté, nous réali-
sons l'idée de Dieu sur nous, nous devenons pour lui
comme une partie de la gloire que lui est son Fils Jésus:
Splendor gloriae ; nous sommes comme les prolonge-
3

ments, les rayons de cette gloire, quand nous nous effor-


çons, chacun en son lieu, à sa place, d'interpréter et de
réaliser en nous l'idéal divin, dont ce Verbe incarné est
l'unique exemplaire.

Tel est le plan divin ; telle est notre prédestination ;

« d'être conformes au Verbe incarné, Fils de Dieu par


nature, et notre modèle de sainteté » Praedestinavit :

4
[nos] conformes fieri imaginis Filii sui .

C'est de ce de cette prédestination


décret éternel,
pleine d'amour que date pour chacun de nous la série
de toutes les miséricordes. Pour réaliser ce plan, pour
faire aboutir ses desseins sur nous, Dieu nous donne la
grâce, participation mystérieuse à sa nature par elle, ;

nous devenons, en son Fils Jésus qui nous l'a méritée,


les vrais enfants adoptifs de Dieu.
Nous n'aurons donc plus seulement avec Dieu de
simples rapports de créatures nous ne devons pas seu-
;

lement nous unir à lui par les hommages et les devoirs


d'une religion naturelle fondée sur notre qualité d'êtres
créés sans rien détruire de ces relations ni rien dimi-
;

i. Rom. YIIÏ, 29. — 2. Ephcs. I, 4. —3. Hebr. I, $.— 4. Rom.


VIIT, 29.
174 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

nuer de ces devoirs, nous entrons avec Dieu dans des


relations plus intimes, celles d'enfants, qui créent en
nous des devoirs spéciaux à l'égard d'un Père qui nous
aime Estote imitatores Dei sicut filii carissimi \ Rela-
:

tions et devoirs tout surnaturels, parce qu'ils dépassent


les exigences et les droits de notre nature, et que, seule,
la grâce de Jésus les rend possibles.

Vous comprenez maintenant quel est le caractère fon-


cier de notre sainteté.
Nous ne pouvons être saints que si nous le sommes
d'après le plan divin c'est-à-dire par la grâce que nous
:

devons au Christ Jésus c'est la condition primordiale. ;

C'est pourquoi cette grâce est appelée sanctifiante. Cela


est si vrai qu'en dehors de cette grâce, il n'y a pas même
de salut possible. Il n'y a dans le royaume des élus que
des âmes qui ressemblent à Jésus or la similitude fon- :

damentale que nous devons avoir avec lui ne se réalise


que par la grâce.
Vous le voyez Dieu a fixé lui-même le caractère de
:

notre sainteté vouloir lui en donner un autre, c'est,


;

comme dit S. Paul, « agir dans le vide » : Aerem ver-


berans - Dieu a établi lui-même la voie que nous de-
;

vons suivre ne pas la prendre, c'est s'égarer et finale-


;

ment se perdre Ego sum via : nemo venit ad Patrem


:

nisi per me " ; il a posé lui-même le fondement de toute


perfection, en dehors duquel on ne bâtit que sur le
sable Fundamentum aliud nemo potest ponere praeter
:

id quod positum est, quod est Christ us Jésus \


Cela est vrai du salut, cela est vrai de la sainteté elle :

ne puise son principe et ne trouve son soutien que dans


la grâce du Christ Jésus.

i. Ephcs. V, 1-2. — 2. I Cor. IX, 26. — 3. Toan. XIV. b. —


4. I Cor. III, 11.
LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 1 /;)

III

Nous devons aller à Dieu de sa façon ; nous ne se-


rons saints que dans la mesure où nous nous adapterons
au plan divin. Je vous ai indiqué les grandes lignes de
ce plan magnifique voyons plus en détail comment le
;

Christ Jésus est pour nous la source de toute sain-


teté.
Supposons une âme qui dans un élan de générosité,
sous le souffle de l'Esprit-Saint, se mette à genoux
devant le Père des cieux, et lui dise « O Père, je vous :

aime, je ne désire rien tant que votre gloire je veux ;

durant toute l'éternité vous glorifier par ma sainteté ;

que dois-je faire ? Montrez-moi ce que vous attendez de


moi. —
Que lui répondrait le Père ? Il lui montrerait
son Fils, le Christ Jésus, et lui dirait « Voici mon Fils :

bien-aimé, l'objet de mes complaisances, écoutez-le ».


Puis il se retirerait, laissant cette âme aux pieds de
Jésus.
Et que nous dit Jésus ? Ego sum via, et veritas, et
vlta * : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie. » Trois mots
d'un sens très profond que je voudrais méditer avec
vous et qui devraient demeurer gravés au fond de nos
cœurs.

Vous désirez aller à mon Père ? dit Jésus ;vous vou-


lez vous unir à celui qui est la source de tout bien et le
principe de toute perfection ? Vous faites bien ce dé- ;

sir, c'est moi qui le fais naître dans votre cœur mais ;

« vous ne pouvez le réaliser que par moi. » Ego sum


via : nemo venit ad Patrem nisi per me.
Vous le savez il y a une distance infinie entre la
:

créature et le Créateur entre celui qui n'a l'être qu'en


;

participation et celui qui est l'Être subsistant par lui-


même. Prenez l'ange le plus élevé dans les hiérarchies
i. ïoan. XIV, 6.
\li\ LE CHRIST DANS SKS MYSTÈRES

célestes entre lui et Dieu il y a un abîme qu'aucune


:

force créée ne peut franchir.


Mais Dieu a jeté un pont sur cet abîme. Le Christ
Homme-Dieu, relie l'homme à Dieu. Le Verbe se fait
chair en lui, une nature humaine est unie à la divinité:
:

les deux natures, divine et humaine, sont unies dans


une étreinte si intime, si indissoluble qu'il n'y a qu'une
seule personne, celle du Verbe, en qui la nature hu-
maine subsiste. L'abîme de séparation est comblé.
Le Christ étant Dieu, étant un avec son Père, est la
voie qui nous mène à Dieu. Si donc nous voulons aller
à Dieu, efforçons-nous d'avoir une foi illimitée en la
puissance qu'a Jésus de nous unir à son Père. Que dit,
en effet, Notre-Seigneur ? « Père, je veux que là où je
suis, mes disciples soient également » Pater, volo ut :

ubi sum ego, et Mi sint mecum \ Et où est le Christ ?


« Dans le sein du Père. »
Quand notre foi est vive, et que nous nous donnons
tout entiers à Jésus, il nous entraîne avec lui, il nous
fait pénétrer in sinu Patris \ Car Jésus est en même
temps la voie et le terme : ii est la voie par son huma-
qua imus ; il est
nité, via le terme par sa divinité, patria
3
quo imus C'est ce qui . fait la grande sûreté de cette
voie : elle est parfaite, et contient en elle le terme lui-
même.
C'est une chose excellente dans l'oraison de faire des
actes de foi en la vertu toute-puissante qu'a Jésus de
nous mener à son Père.
« O Christ Jésus, je crois que vous êtes vrai Dieu et
vrai homme, que vous êtes une voie divine, d'une effi-
cacité infinie pour me faire franchir l'abîme qui me sé-
pare de Dieu je crois que votre sainte humanité est
;

parfaite, si puissante qu'elle peut, malgré mes misères,


mes lacunes, mes faiblesses, m'attirer là où vous êtes.

i. Joan. XVII, 24. 2. Ibid. I, — 18. — 3. S. August. Sermo


XCII, c. 3; Scrmo CXXÏII. c. 3.
LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 477

dans le sein du Père. Faites que j'écoute vos paroles,


que je suive vos exemples et que je ne me sépare point
de vous » !

C'est une grâce précieuse d'avoir trouvé la voie qui


mène au but mais il faut encore y marcher dans la
;

lumière. Ce but est surnaturel, au-dessus de nos puis-


sances créées c'est pourquoi la lumière qui doit bai-
;

gner notre route de sa clarté doit également nous venir


d'en haut.
Dieu est si magnifique qu'il sera lui-même notre lu-
mière au ciel, notre sainteté sera de contempler la lu-
:

mière infinie, et de puiser dans sa splendeur la source de


toute vie et de toute joie In lamine tuo videbimus :

lumen \
Ici-bas, cette lumière nous est inaccessible à cause de
sa clarté nos regards sont trop faibles pour la suppor-
;

ter. Et pourtant, elle nous est nécessaire pour atteindre


le but. Qui sera notre lumière ? Le Christ Jésus. Ego

sum veritas : « je suis la vérité ». Lui seul peut nous


révéler les clartés infinies. « Il est Dieu sorti de Dieu,
lumière jaillissant de la lumière» :Deus de Deo, lumen de
lumine 3 Étant vrai Dieu, « il est la lumière même, sans
.

ombres ni ténèbres » Deus lux est, et tenebrae in eo :

3
non sunt ullae ; cette lumière est descendue dans nos
vallées, tempérant sous le voile de l'humanité l'éclat
infini de ses rayons. Nos yeux si faibles pourront con-
templer cette lumière divine qui se cache et se révèle
tout ensemble sous l'infirmité d'une chair passible :

Illuxit in cordibus nostris... in facie Christ i Jesu* ;


« elle éclairera tout homme venant en ce monde » Lux :

vera quae illuminât omnem hominem \


Le Christ Jésus, Verbe éternel, nous apprend à re-
garder Dieu, il nous le révèle. Il nous dit Je suis la :

i. Ps. XXXV, 10. — 2. Credo de la messe. — 3. foan. I, 5.


— —
1

4. II Cor. TV, 6. 5. Joan. I, o.


1/tS LE CHRIST DANS SES MYSTERES

vérité si vous croyez en moi, non seulement vous ap-


;

prenez à connaître la vérité sur toutes choses, mais


vous êtes dans la vérité « celui qui me suit ne marche
;

pas dans les ténèbres, mais il parviendra à la lumière


de la vie ». '

Dès lors, qu'avons-nous à faire pour marcher dans


la lumière ? Nous guider d'après les paroles de Jésus,
d'après les maximes de son Évangile, considérer toutes
choses à la clarté des paroles du Verbe incarné. Jésus
nous dit, par exemple, que « les bienheureux qui possè-
dent son royaume sont les pauvres d'esprit, les doux,
ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de la justice,
les miséricordieux, les cœurs purs, les pacifiques, ceux
1
qui souffrent persécution pour la justice ». Nous de-
vons le croire, nous unir à lui par un acte de foi, dé-
poser à ses pieds, comme un hommage, l'assentiment de
notre intelligence à sa parole nous efforcer de vivre
;

dans l'humilité, la douceur, la miséricorde, la pureté, de


garder la paix avec tous, de supporter les contradic-
tions avec patience et confiance.
Si nous vivons ainsi dans la foi, l'esprit du Christ
envahira peu à peu notre âme pour la guider en toutes
choses, pour diriger son activité dans le sens de l'Évan-
gile l'âme, écartant les lumières purement naturelles de
;

son jugement propre, voit toutes choses par les yeux du


Verbe Erit tibi Dominus in lucem 2 Vivant dans la
: .

vérité, elle avance sans cesse dans la voie unie à la ;

vérité, elle vit de son Esprit les pensées, les senti-


:

ments, les désirs de Jésus deviennent ses pensées, ses


sentiments, ses désirs elle ne fait rien qui ne soit plei-
;

nement d'accord avec la volonté du Christ. N'est-ce pas


là le fond même de toute sainteté ?

Il ne nous suffit pas d'avoir trouvé la voie, d'y mar-

cher dans la lumière, il faut encore l'aliment qui nous

i. Matth. V, 3-1 1. — 2. Isa. LX, 19.


LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS i79

soutient dans notre pèlerinage. Cet aliment de vie sur-


naturelle, c'est encore le Christ qui nous le donne Et :

vita.
En Dieu se trouve la vie infinie Apud te est fons :

vitae \ Le torrent de cette vie ineffable et subsistante a


rempli de la plénitude de sa vertu l'âme du Christ Sz- :

cut Pater habet vitam in semetipso, sic dédit et Filio


a
habere vitam in semetipso .

Et le Fils, que fait-il ? « Il vient nous donner part à

cette vie divine » : Ego veni ut vitam habeant, et abun-


« De même que je vis par
3
dantius habeant Il nous dit . :

la vie Père me communique, ainsi celui qui me


que le
mange vivra par moi » Et qui manducat me, et ipse :

vivet pr opter me \
Vivre de cette vie divine, c'est la sainteté. En effet,

écarter de cette vie tout ce qui peut la détruire ou la


diminuer —
le péché, les infidélités, les attaches à la

créature, les vues purement naturelles l'épanouir ;



par d'espérance et d'amour qui nous
les vertus de foi,

unissent à Dieu, c'est pour nous, comme je vous l'ai


6
dit le double élément de notre sainteté.
,

En étant lui-même la Vie, le Christ Jésus devient


notre sainteté, parce qu'il en est la source même :

Christus Jésus factus est nobis... sanctification En se


donnant à nous dans la communion, il nous donne son
humanité, sa divinité il active l'amour il nous trans- ; ;

forme peu à peu en lui, en sorte que nous ne vivons plus


par nous, mais par lui et pour lui. Il établit entre nos
désirs et les siens, entre nos volontés et les siennes une
telle similitude, un tel accord que « ce n'est plus nous
qui vivons, mais lui qui vit en nous » Vivo autem, jam :

non ego vero in me Christus \ Aucune formule


: vivit
n'est plus expressive que ces paroles de l'Apôtre pour
résumer toute l'œuvre de la sainteté.
i. Ps. XXXV, 10. — 2. Toan. V, 26. — 3. Ibid. X, 10. —
4. Ibid. VI. 58. — 5. Cf. p. 345 et suiv. — 6. Cf. I Cor. ï, ^,o.
— 7. Gai. II, 20.
480 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

IV

De cette doctrine naissent les sentiments qui doivent


nous animer dans notre recherche de la sainteté une :

profonde humilité à cause de notre faiblesse, une con-


fiance absolue dans le Christ Jésus. Notre vie surna-
turelle oscille entre deux pôles d'une part, nous de- :

vons avoir la conviction intime de notre impuissance a


atteindre la perfection sans l'aide de Dieu d'autre ;

part, nous devons être remplis d'une inébranlable es-


pérance de tout trouver dans la grâce du Christ Jésus.
Parce qu'elle est surnaturelle, que Dieu souverai- —
nement maître de ses desseins et de ses dons, l'a —
placée au-dessus des exigences et des droits de toute
nature créée, la sainteté à laquelle nous sommes appelés
est inaccessible sans la grâce divine. Notre-Seigneur
nous Ta dit « Sans moi vous ne pouvez rien faire »,
:

Sine me NIH1L potestis facere \ S. Augustin * remarque


que le Christ Jésus ne dit pas « Sans moi vous ne :

pouvez faire grand'chose », mais « sans moi vous ne :

pouvez rien faire qui vous conduise à la vie éternelle ».


S. Paul a expliqué en détail cette doctrine de notre di-
vin Maître « Nous sommes incapables, dit-il, d'avoir
:

par nous-mêmes, quasi ex nobis, une seule pensée qui


vaille pour le ciel en ce domaine « tout notre pouvoir
;

3
vient de Dieu » Sufficientia nostra ex Deo est ; « c'est
:

lui qui nous donne la puissance de vouloir et de mener


toutes choses à leur fin surnaturelle » Deus est qui :

operatur in vobis et velle et perficere, pro bona volun-


tate
4
. —
Ainsi donc nous ne pouvons rien, pour notre
sainteté, sans la grâce divine.
Devrons-nous dès lors nous laisser abattre ? Bien au
contraire L'intime conviction de cette impuissance ne
!

doit ni nous pousser au découragement ni servir d'ex-

i. Joan. XV, 5. — 2. Tract, in Jonn. LXXXI, j.


— 3. Il

III, 5. — 4. Philipp. II, 13.


LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 481

cuse à notre paresse. Si nous ne pouvons rien sans le

Christ, « avec lui nous pouvons tout ». Omnia possum


1
in eo qui me confortât : « Je puis toutes choses, c'est
encore S. Paul qui nous le dit, non pas par moi-même,
mais en celui qui me fortifie ». Quelles que soient nos
épreuves, nos difficultés, nos faiblesses, nous pouvons,
par le Christ, arriver à la plus haute sainteté.
Pourquoi cela ? Parce qu'en lui sont « amassés tous
2
les trésors de science et de sagesse », parce qu' « en lui
3
habite la plénitude de la divinité » et qu'étant notre
chef, il a le pouvoir de nous en rendre participants. C'est
« à cette plénitude de vie et de sainteté que nous pui-
4
sons », en sorte qu' « en fait de grâces rien ne nous
manque » Ita ut nihil vobis desit in ulla gratta 5 /
:

Quelle assurance n'engendre pas la foi en ces véri-


tés Le Christ Jésus est à nous, et en lui nous trouvons
!

tout Quomodo non etiam cum Mo omnia nobis dona-


:

6
vit ? Qu'est-ce donc qui peut nous empêcher de devenir
des saints ? Si, au jour du jugement dernier, Dieu nous
demande Pourquoi n'êtes-vous point arrivés à la hau-
:

teur de votre vocation ? Pourquoi n'êtes-vous point par-


venus à la sainteté à laquelle je vous appelais ? nous ne
pourrons pas répondre « Seigneur, ma faiblesse a été :

trop grande, les difficultés insurmontables, les épreuves


au-dessus de mes forces ». Dieu nous répliquera « De :

vous-mêmes, il n'est que trop vrai que vous ne pouviez


rien, mais je vous ai donné mon Fils en lui rien ne ;

vous a manqué de ce qui vous était nécessaire sa grâce ;

est toute-puissante, et par lui vous pouviez vous unir


à la source même de la vie ».
Cela est si vrai Un grand génie, le plus grand peut-
!

être que le monde ait connu, un homme qui a passé sa


jeunesse dans les dérèglements, qui a vidé la coupe des
plaisirs, dont l'esprit s'est épris de toutes les erreurs de

i. Philipp. IV, — 2. Col. Il, 3. — 3. Ibid. q. — 4. Joan. I,


— \.
i

16. 5. I Cor. I, 7.— 6. Rom. VIII, 32.

Le Christ dans ses mystères. ;i


182 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

son temps, Augustin, vaincu par la grâce s'est converti


et est parvenu à une sainteté sublime. Un jour c'est —
lui-même qui le raconte —
sollicité par la grâce, et
retenu par ses mauvais penchants, il voyait des enfants,
des jeunes filles, des vierges briller par leur pureté, des
veuves rendues vénérables par leur vertu et il lui sem- ;

blait entendre la douce invitation d'une voix qui lui


disait : Tu non poteris quod isti, quod istae *
? « Ce que
font ces enfants, ces vierges, tu ne pourrais l'accomplir?
ce qu'ils sont, tu ne pourrais le devenir ? » Et malgré
l'ardeur du sang qui bouillonnait dans ses veines, mal-
gré l'orage de ses passions, ses longues habitudes du
vice, Augustin s'est livré à la grâce, et la grâce a fait
de lui, pour toute l'éternité, un de ses plus magnifiques
trophées.
Quand nous célébrons la solennité des saints, nous
devons nous redire les paroles qu'entendait S. Augus-
tin Cur non poteris quod isti, quod istae ? Quels mo-
:

tifs avons-nous de ne pas tendre à la sainteté ? Oh je !

le sais bien chacun est tenté de dire « J'ai telle diffi-


; :

culté, j'éprouve telle contradiction, je ne pourrais pas


devenir un saint » mais soyez assurés que tous les
;

saints ont « rencontré aussi telle difficulté, ont éprouvé


telle contradiction », et de bien plus grandes encore que
les vôtres.
Ainsi donc personne ne peut dire la sainteté n'est :

pas pour moi. Qu'est-ce qui peut la rendre impossible ?


Dieu la désire pour nous il nous veut saints pour sa :

gloire et pour notre joie Haec est voluntas Dei, sancti-


:

ficatio vesira-. Dieu ne se rit pas de nous. Quand


Notre-Seigneur nous dit « Soyez parfaits * », il sait
:

tout ce qu'il réclame de nous, et qu'il n'exige rien qui


soit au-dessus de notre pouvoir lorsque nous nous ap-
puyons sur sa grâce.

i. Confess. lib. VI IT. c. u. — 2. I Thess. IV, 3. — j. Matth.


V. 48-
LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 483

Celui qui prétendrait arriver là par ses propres for-


ces, commettrait le péché de Lucifer, qui disait « Je :

m'élèverai, je placerai mon trône dans les cieux, je serai


1
semblable au Très-Haut ». Satan a été terrassé et pré-
cipité dans l'abîme.
Nous, que dirons-nous ? que ferons-nous ? Nous
nourrirons la même ambition que cet orgueilleux nous ;

désirerons parvenir au but visé par ce superbe. Mais


alors qu'il prétendait l'atteindre de lui-même, nous pro-
clamerons que sans le Christ Jésus nous ne pouvons
rien. Nous dirons que c'est avec lui et par lui que nous
pouvons pénétrer dans les cieux. « O Christ Jésus, j'ai
une telle foi en vous que je vous crois assez puissant
pour faire cette merveille d'élever une infime créature
comme moi, non seulement jusqu'aux hiérarchies des
anges, mais jusqu'à Dieu même c'est uniquement par;

vous que nous pouvons arriver à ce divin sommet. J'as-


pire, de toutes les énergies de mon âme, à cette subli-
mité à laquelle votre Père nous a prédestinés je dé-;

sire ardemment, comme vous l'avez demandé pour nous,


partager votre gloire elle-même, participer à votre
propre joie de Fils de Dieu j'aspire à cette suprême
;

félicité, mais uniquement par vous je désire que mon


;

éternité se passe à chanter vos louanges et à répéter


sans cesse avec les élus Redemisti nos, Domine, in
:

sanguine tuo. Oui, Seigneur, c'est vous qui nous avez


sauvés, c'est votre sang précieux répandu sur nous qui
nous a fait ouvrir les portes de votre royaume et pré-
paré une place dans l'incomparable société de vos
saints à vous louange, honneur et gloire, à jamais
;
» !

Une âme qui vit toujours dans ces sentiments d'hu-


milité et de confiance donne une grande gloire au Christ
Jésus, parce que toute sa vie est l'écho de la parole
même du Sauveur « Sans moi vous ne pouvez rien
:

faire » parce qu'elle proclame qu'il est la source de


;

i. Isa. XIV, 13-14-


484 l.V. CHRIST DANS SES MYSTÈRES

tout salut et de toute sainteté, et qu'elle lui rapporte


toute gloire.
« O Dieu, dirons-nous avec l'Église, dans une de ses
plus admirables prières, je crois que vous êtes tout-
puissant, que votre grâce est assez efficace pour m'éle-
ver, tout misérable que je suis, à un haut degré de sain-
teté ;
que vous êtes également la miséricorde
je crois
vous ai quitté souvent, votre amour
infinie, et que, si je
plein de bonté ne m'abandonne jamais c'est de vous,
;

ô mon Dieu, Père céleste, que descend tout don de per-


fection c'est votre grâce qui fait de nous des serviteurs
;

fidèles qui vous sont agréables par des œuvres dignes


de votre majesté et de votre louange faites que, dé-
;

taché de moi-même et des créatures, je puisse courir


sans obstacle dans cette voie de la sainteté, où votre
Fils, comme un géant, nous précède afin que par lui et
;

avec lui, je parvienne à la félicité que vous nous avez


promise * » !

Les saints vivaient de ces vérités pourquoi ils


; c'est
sont parvenus au sommet où nous contemplons
les
aujourd'hui. La différence qui existe entre eux et nous
ne naît pas de la plus grande somme de diffcultés que
nous avons à vaincre, mais de l'ardeur de leur foi dans
la parole de Jésus-Christ et dans la vertu de sa grâce
comme aussi de leur plus ardente générosité. Nous pou-
vons, si nous le voulons, recommencer l'expérience le :

Christ demeure toujours le même, aussi puissant, aussi


magnifique dans la distribution de sa grâce ce n'est ;

qu'en nous-mêmes qu'il trouve des obstacles à l'effusion


de ses dons.
Ames de peu de foi, pourquoi doutons-nous de Dieu,
de notre Dieu ?

i. Omnipotens
et misericors Deus, de cujus munere renit ut tibi
a Hdelibus digne et laudabliter serviatur, tribue quaesumus
tuis
nobis ut ad promissiones tuas sine offensione curramu\. Oraison
:

de la messe du XIT P dimanche après la Pentecôte.


LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 185

Quelles conclusions pratiques tirerons-nous de ces


bienfaisantes vérités de notre foi ?
D'abord nous devons célébrer de tout notre cœur les
solennités des saints. —
Honorer les saints, c'est pro-
clamer qu'ils sont la réalisation d'une pensée divine,
des chefs-d'œuvre de la grâce de Jésus. Dieu met en
eux ses complaisances, parce qu'ils sont les membres
déjà glorieux de son Fils bien-aimé ils font déjà par- ;

tie de ce royaume resplendissant conquis par Jésus


pour la gloire de son Père Et fecisti nos Deo nostro
:

regnum \
Nous devons ensuite les invoquer. Sans doute, le
Christ Jésus est notre unique médiateur « Un Dieu, :

3
un médiateur de Dieu et des hommes », dit S. Paul ;

nous n'avons d'accès au Père que par lui. Le Christ


pourtant, non pour diminuer sa médiation mais pour
l'étendre, veut que les princes de la cour céleste lui
offrent nos vœux, que lui-même présentera à son Père.
De plus, les saints ont le plus vif désir de notre bien.
Au ciel, ils contemplent Dieu, leur volonté est ineffa-
blement unie à celle de Dieu c'est pourquoi ils veulent.
;

comme lui, notre sanctification. Puis, ils forment—


avec nous un seul corps mystique à ce titre ils sont, ;

selon l'expression de S. Paul, « les membres de nos


membres 8 » ils ont, à notre égard, une immense charité
;

qu'ils puisent dans leur union à Jésus, chef unique de


cette société dont ils sont l'élite, et dans laquelle Dieu
a marqué notre place.

A ces relations d'hommages et de prières qui nous


unissent aux saints, nous devons ajouter nos efforts
pour leur ressembler. Notre cœur doit être animé non

I. Apoc. V, 10. — 2. T Timoth. II, 5. —3. I Cor. XII, 12 »q.


Ephes. IV, 25 ; V, 30.
486 LE CHRIST DANS SES MYSTERES

de ces velléités molles qui n'aboutissent jamais, mais


d'un désir ferme et sincère de la perfection, d'une vo-
lonté efficace de répondre pleinement aux desseins mi-
séricordieux de notre prédestination divine en Jésus :

Secundum mensuram donationis Christi \


Et que faut-il pour cela ? Quels moyens employer
pour parfaire une œuvre si considérable, si glorieuse
pour le Christ et si féconde pour nous ?
Demeurer unis à Jésus-Christ. Il l'a dit lui-même :

Vous voulez porter de nombreux fruits ? arriver à une


grande sainteté ? Demeurez en moi comme les branches
demeurent unies à la vigne Et comment lui demeurer
~.

unis ? D'abord par la grâce sanctifiante qui nous rend


membres vivants de son corps mystique puis par cette ;

intention droite, fréquemment renouvelée, qui nous fait


« rechercher en toutes choses », dans la vocation où la
Providence nous a placés, « le bon plaisir de notre
Père des cieux » cette intention oriente toute notre ac-
;

tivité vers la gloire de Dieu, en union avec les pensées,


les sentiments, les vouloirs du cœur de Jésus notre mo-
dèle et notre chef. Quae placita sunt ei facio semper * ;

« J'accomplis toujours ce qui lui est agréable » cette ;

formule, en laquelle Jésus résumait toutes ses relations


avec son Père, traduit excellemment toute l'œuvre de la
sainteté humaine.
Et nos misères, me direz-vous ? Elles ne doivent —
nullement nous décourager. Nos misères, elles sont très
réelles nos faiblesses, nos servitudes, nous les con-
;

naissons assez mais Dieu les connaît mieux encore


;

que nous. Et le sentiment reconnu, avoué, de notre fai-


blesse honore Dieu. Et pourquoi ? Parce qu'il y a en
Dieu une perfection en laquelle il veut être glorifié éter-
nellement, une perfection qui est peut-être la clef de
tout ce qui nous arrive ici-bas c'est la miséricorde. La
:

miséricorde est l'amour en face de la misère s'il n';. ;

i. Ephes. IV, -. — 2. Jean. XV, 5. — 3. Ibid. VI M. i-j


LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 'i NT

avait pas de misère, il n'y aurait point de miséricorde.


Les anges proclament la sainteté de Dieu mais nous, ;

nous serons au ciel les vivants témoignages de la misé-


ricorde divine en couronnant nos œuvres, c'est le don
;

de sa miséricorde que Dieu couronne Qui coronat te :

1
in misericordia et miserationibus , et c'est elle que nous
exalterons durant toute l'éternité au sein de notre béa-
titude Quoniam in aeternum misericordia ejus \
:

Ne nous laissons pas non plus abattre par les épreu-


ves, les contradictions. Elles seront d'autant plus gran-
des et plus profondes que Dieu nous appelle plus haut.
Pourquoi cette loi ?
Parce que c'est le chemin par où a passé Jésus et ;

que plus nous voulons lui demeurer unis, plus nous de-
vons lui ressembler dans le plus profond et le plus in-
time de ses mystères. S. Paul, vous le savez, ramène
toute la vie intérieure à « la connaissance pratique de
Jésus, et de Jésus crucifié" ». Et Notre-Seigneur lui-
même nous dit que le « Père, qui est le vigneron divin,
émonde la branche pour lui faire porter plus de fruits »:
Purgabit eiun ut fructum plus afferat \ Dieu a la main
puissante et ses opérations purificatrices atteignent des
profondeurs que seuls les saints connaissent par les ;

tentations qu'il permet, par les adversités qu'il envoie,


par les abandons et les solitudes affreuses qu'il produit
parfois dans l'âme, il éprouve celle-ci pour la détacher
du créé il la creuse pour la vider d'elle-même il « la
; ;

poursuit », il « la persécute pour la posséder'' » il pé- ;

nètre jusqu'aux moelles, il « brise les os », comme dit


quelque part Bossuet, « afin de régner seul ».
Heureuse l'âme qui s'abandonne entre les mains de
l'éternel ouvrier! Par son Esprit, tout de feu et d'amour,
6
qui est « le doigt de Dieu », l'artiste divin burinera en

i. Ps. Cil, 4. - 2. Ibid. CXXXV, 1 sq. — 3. I Cor. II, 2. —


4. Joan. XV, 2. — 5. Mots de D. Pie de Hemptinne. Voir Une
âme bénédictine, 4 e éttît. , p. 05. — 6. Hymne Veni Creator.
488 LE CHRIST DANS SKS MYSTÈRES

elle les traitsdu Christ, afin de la faire ressembler au


Fils de sa dilection selon le dessein ineffable de sa sa-
gesse et de sa miséricorde.
Car Dieu met sa gloire à nous béatifier. Toutes les
souffrances qu'il permet ou envoie sont autant de titres
de gloire et de félicité célestes. S. Paul se déclare im-
puissant à décrire l'éclat de la gloire et la profondeur
de la félicité qui couronnent la moindre de nos dou-
leurs supportées avec la grâce divine \
C'est pourquoi il encourageait tant ses chers fidèles.
Voyez, leur disait-il, ceux qui prennent part aux jeux et
aux courses du stade, de combien de précautions ils
s'entourent que de privations ils s'imposent que d'ef-
! !

forts ils accomplissent Et tout cela, pourquoi ? Pour


!

recueillir des applaudissements d'une heure, pour jouir


d'une gloire éphémère et toujours disputée, pour rem-
porter une couronne corruptible. Tandis que nous, si

nous pour une couronne incorruptible, une


luttons, c'est
gloire qui n'a point de fin, une joie inamissible \
Sans doute, dans ces moments qui sont riches de
grâces, l'âme est plongée dans la douleur et la souf-
france, dans l'aridité et la sécheresse. Mais qu'elle de-
meure ferme sous les coups du Pontife suprême Car !

Dieu met l'onction de sa grâce dans l'amertume même


de la croix. Voyez S. Paul. Nul plus que lui n'a vécu
de l'union intime avec Dieu dans le Christ qui donc :

3
pouvait le séparer de Jésus ? Et voici que, par la per-
mission divine, Satan l'insulte et accable de ses traits
l'âme et le corps de l'Apôtre. Jusqu'à trois fois, S. Paul
clame son angoisse à Jésus. Et que lui répond le Christ?
« Ma grâce te suffit, car sa puissance n'apparaît jamais
avec autant d'éclat que dans les difficultés dont elle
doit triompher. » Sufficit tibi gratta mca, nam virtus in
in fir mitât e perficitur \

i. Rom. VIII, 1-8; II Cor. IV, 17. — 2. 1 Cor. IX, 2^. —


.}. Rorn. VIII, 35-— 4. TI Cor. XIT, 9.
LE CHRIST COURONNE DE TOUS LES SAINTS 489

VI

Nous touchons ici, — et je ne puis mieux terminer


cet entretien, —à
raison profonde de cette étonnante
la
disposition de la Providence qui veut que l'œuvre de
notre sainteté s'élabore dans la faiblesse et les épreu-
ves.
« C'est par la grâceque vous êtes sauvés, disait
S. Paul, et non par vos propres œuvres,
1
afin que nul —
ne se glorifie en lui-même ».
Qui donc mérite toute louange ? A qui donc revient
la gloire de notre sainteté ? Au Christ Jésus.
Quand l'Apôtre expose à ses chers fidèles d'Éphèse
le plan divin, il leur en indique en ces mots la fin su-
prême Dieu a ainsi préordonné toutes choses « afin
:

que soit exaltée la munificence de sa grâce » In lau- :

dem gloriae gratiae suae a .

C'est « afin de manifester aux yeux de tous les abon-


dantes richesses de sa grâce » que Dieu nous a prédes-
tinés à devenir les cohéritiers de son Fils Ut ostenderet :

abundantes divitias gratiae suae in bonitate super nos


s
in Christo Jesu .

Ici-bas, nous devons tout à Jésus il nous a mérité ;

par ses mystères toutes les grâces de justification, de


pardon, de sanctification dont nous avons besoin le :

Christ est le principe même de notre perfection. Comme


la vigne qui répand la sève nourricière dans les bran-
ches pour leur faire porter des fruits, ainsi le Christ
Jésus répand sans cesse sa grâce en tous ceux qui lui
restent unis. C'est cette grâce qui anime les apôtres et
illumine les docteurs, qui soutient les martyrs, rend
stables les confesseurs, et orne les vierges de leur in-
comparable pureté.
Là-haut aussi toute la gloire des saints dérive de
cette même grâce ; tout l'éclat de leur triomphe s'ali-

i. Ephes. TJ. 8. — 2. Ibid. T. b. - x. lbid. II, 7.


i90 LE CHRIST DANS SKS MYSTÈRES

mente à cette source unique c'est parce qu'elles sont


;

teintes du sang de l'Agneau que les robes des élus sont


si resplendissantes et le degré de leur sainteté se me-
;

sure au degré de leur ressemblance avec le divin mo-


dèle.
C'est pourquoi, au début de cette magnifique solen-
nité de la Toussaint, dans laquelle elle réunit en une
même louange tous les élus, l'Église nous invite à ado-
rer celui qui étant leur Seigneur, « est en même temps
lui-même leur couronne » IPSE est corona sanctorum
:

omnium \
Au ciel, nous comprendrons que toutes les miséri-
cordes de Dieu ont leur point de départ au Calvaire ;

que le sang de Jésus est le prix du bonheur infini dont


nous jouirons alors pour jamais. Ne l'oublions pas :

dans la Jérusalem céleste, nous serons enivrés d'une


félicité divine mais la plénitude de cette félicité sera
;

payée à chaque instant par les mérites du sang du


Christ Jésus. « Le flot de béatitude qui inondera éter-
2
nellement cette cité de Dieu », aura sa source dans le
sacrifice de notre divin Pontife. Ce sera pour nous une
joie immense de le reconnaître, et de le chante»- à Jésus :

Oh ! c'est à vous que nous devons tout : que vous


soient rendus tout honneur, toute louange, toute action
de grâces ! »
Comme tous les élus, nous jetterons nos couronnes
à ses pieds" pour proclamer que nous les tenons
de lui.

C'est à cette fin dernière que seramène tout le mys-


tère du Christ, Verbe incarné. Dieu veut que son Fils
Jésus soit exalté à jamais, parce qu'il est son propre
Fils unique, objet de ses complaisances parce que ce ;

Fils, tout Dieu qu'il était, s'est anéanti pour sanctifier

i. Invitatoire des Matines. — 2. Cf. P5 . XLV, 5. — 3. Cf. Apoc,


IV, 10.
LE CHRIST COURONNE DE TOCS LES SAINTS 491

son corps mystique : Propter quod et Deus exaltavit


illum \
Entrons donc avec une foi profonde dans ces pensées
divines. Lorsque nous célébrons les saints, nous magni-
fions la puissance de la grâce qui les a élevés à ces som-
mets rien n'est plus agréable à Dieu, parce que, par
;

cette louange, nous nous unissons au plus intime de ses


desseins qui est de glorifier son Fils Clarificavi et :

iterum clarificabo \ —
Cherchons nous-mêmes à réa-
liser, avec le secours de cette même grâce, la pensée de
Dieu sur chacun de nous encore une fois, c'est à cette
:

conformité parfaite que se ramène toute la sainteté.

J'ai tâché dans tous ces entretiens de vous montrer


jusqu'à quel point le Père nous unissait à son Fils Jé-
sus j'ai cherché à placer sous vos yeux notre divin mo-
;

dèle, à la fois si incomparable et si accessible vous ;

avez vu que le Christ a vécu chacun de ses mystères


pour nous, qu'il nous y unit de la façon la plus étroite
afin que peu à peu nous reproduisions en nous, sous
l'action de son Esprit, ses traits ineffables, et que nous
lui devenions semblables, selon le décret de notre pré-
destination.
Ne cessons de contemplerce modèle le Christ Jésus, :

c'est Dieu apparu et vivant parmi nous pour nous mon-


trer la voie et nous conduire à la vie. Car il l'a dit lui-
même, la vie éternelle consiste à proclamer de nos lèvres
comme par nos œuvres que son Père est le vrai Dieu,
qu'il est Dieu avec lui, mais venu en ce monde dans
notre chair, pour ramener l'humanité à Dieu.
Si durant notre existence, nous avons fidèlement suivi
Jésus si chaque année, avec foi et amour, nous l'avons
;

contemplé dans le cycle de ses mystères, en cherchant à


l'imiter et à lui demeurer unis soyons assurés que la
;

prière incessante qu'il adresse pour nous à son Père

i. Philipp. II, 9. —2. Joan. XII, 28.


192 LE CHRIST DANS SES MYSTÈRES

en qualité de médiateur unique sera exaucée par son ;

Esprit, il imprimera sa vivante image dans nos âmes ;

le Père nous reconnaîtra au dernier jour comme les


membres du Fils de sa dilection et nous rendra ses co-
héritiers.
Nous entrerons dans cette société que le Christ, notre
chef divin, a voulu se constituer toute pure et resplen-
dissante au jour du triomphe final, il doit, selon la
;

parole même de S. Paul \ présenter ce royaume à son


Père comme le merveilleux trophée de sa grâce toute-
puissante. Puissions-nous nous y rencontrer tous, pour
la plus grande joie de nos âmes et pour la gloire de
notre Père des cieux ! In laudem gloriae gratiae suae.
i. I Cor. XV, 24.

VERBUM MANENS APUD PATREM, VERITAS ET VITA;


INDUENS SE CARNEM, FACTUS EST VIA.
S. AUGUSTIN. Tract, in Joan. XXXIV 9.
DISTRIBUTION DES CONFÉRENCES
d'après le cycle liturgique

A vent (quatre semaines).


Les mystères du Christ sont nos mystères. 3-21
Notre contact avec les mystères de Jésus. 22-35
In sinu Patris 39-64
Les préparations divines 111-133

Noël (et octave).


O admirabile commercium 134-158
... « Et le Verbe s'est fait chair ». . . . 65-83
Circoncision et fête du saint Nom de Jésus.
Sauveur et Pontife 84-107
Epiphanie 159-180
Dimanche dans l'octave de l'Epiphanie.
Jésus perdu et retrouvé au Temple. . . . 195-200
Temps après l'Epiphanie.
La Vierge Marie, les mystères de l'enfance
et de la vie cachée 181-189 ; 200-208
Purification (2 février) 189-195
Carême
Le baptême et la tentation de Jésus. . . . 209-237
Quelques aspects de la vie publique. . . 238-27H
II e Dimanche du Carême.
Au sommet du Thabor 277-298
Dimanche de la Passion.
« Le Christ a aimé l'Église et s'est livré
pour elle » 299-320
Semaine Sainte.
Sur les pas de Jésus, du Prétoire au Cal-
vaire 321-342
191 DISTRIBUTION 1)K,S CONFÉRENCES-

Pâques (et octave j.


Si consurrexistis cum Christo 343-363
Ascension (et octave).
< Et maintenant, ô Père, glorifiez votre
Fils > 364-389
Pentecôte (et octave).
La mission du Saint-Esprit 390-412
Fête-Dieu (et octave).
In mei memoriam 413-436
Solennité du Sacré-Cœur.
Le Cœur du Christ 437-464
La période qui s'étend de la Pentecôte jusqu'à
la Toussaint symbolise particulièrement le pèleri-
nage de l'Église en cette vie. Pendant cette période
on pourra entreprendre la lecture du Christ vie de
l'âme.

Toussaint (et octave).


Couronne de tous les Saints 465-492
TABLE DES MATIÈRES

CONFERENCES PRELIMINAIRES

I. — Les mystères du Christ sont nos mystères . 3-21

Toute la doctrine de S. Paul se résume dans la connais-


sance du mystère du Christ, 3-4.
I. —
La mission de l'Apôtre se ramène à prêcher le Christ.
et le Christ crucifié, 4-5; son désir est de faire comprendre
à tous les fidèles que « dans le Christ nous trouvons tout »
6-7.
IL — Le Christ nous apprend lui-même que la vie éter-
nelle consiste à le connaître, lui, et le Père qu'il est venu
nous révéler, 7 tous nos regards doivent se concentrer sur
;

le Christ, c'est là ce que le Père éternel demande de nous. 8;

comment nous devons le contempler in omnl sapientia et in-


tellectu spiritali, 9.
III. — Cette connaissance du mystère du Christ est le fon-
dement de notre rend notre vie spirituelle solide,
piété, elle
9-10 joie qu'éprouve l'âme fidèle h contempler le Christ, a
;

pénétrer dans ses mystères, 10-11.


IV. —
Les mystères de Jésus sont les nôtres autant que les
siens, 12 il les a vécus pour nous, 12-13; comment le Christ,
;

modèle de toute perfection, se montre notre exemplaire dans


chacun de ses mystères, 14-15 nous ne faisons qu'un avec
;

le Christ dans la pensée divine, 15-17 Jésus ne nous sépare


;

pas de lui dans ses mystères, 18 il nous fait part de


; tous
ses mérites, de toutes ses richesses, 18-19.
V. —
La vertu des mystères du Christ s'étend à tous les
hommes, elle se continue toujours, 19 Jésus se tient devant
;

la face de son Père, comme notre Pontife, 20 toujours vi-


;

vant, il intercède sans cesse pour nous, et nous communique


496 rABLB DES MAT1ÈBES

le fruit de ses mystères : confiance que doit faire naître en


nous cette vérité, 21-22.

II. — Comment nous nous assimilons le fpuit


des mystères de Jésus 22-36

Four participer à la vertu des mystères du Christ il faut


les connaître et se mettre en contact avec eux, 22-23.
I. —
Cette connaissance et ce contact s'établissent d'abord
par la lecture de l'Évangile, 23 ensuite par l'union à
;

l'Église dans sa liturgie l'Église est comme une prolonga-


;

tion, à travers les siècles, de l'Incarnation, 24 ; s'unir à


elle, dans la liturgie, est une voie infaillible pour comprendre
les mystères de Jésus et s'en assimiler les fruits, 24-25.
II. —
Chacun des mystères représentés par la liturgie pos-
sède une grâce qui lui est propre, 26 rôle et utilité des ;

éléments extérieurs de la liturgie, 26-27 la grâce des mys- ;

tères est surtout intérieure, 27 comment dans tous ses mys-


;

tères le Christ produit en nous la grâce qu'il a méritée en les


vivant, 28-29 importance pour les fidèles de participer à ces
;

mystères, 29-30 notre imitation du Christ n'est pourtant pas


;

un travail purement humain, 30 seul l'Esprit-Saint peut


;

reproduire en nous surnaturellement l'image du Fils de Dieu ;

il le fait efficacement pendant que nous contemplons les

mystères de Jésus, 30-31.


III. —
Dispositions requises pour que notre participation
aux mystères du Christ soit féconde la foi, 31-33 la révé-
: ;

rence, 33-34 l'amour, 34


; heureuse l'âme qui boit à ces
;

sources d'eau vive, 34-35.

I — LA PERSONNE DU CHRIST.
III. - In sinu Patris 39-64

Le Christ a passé par divers états, toujours il demeure in


sinu Patris ; sa divinité, premier objet de notre contempla-
tion, 39-40.
I. — Dieu est fécond de toute éternité, il engendre son
;

Verbe, 42 ;
par l'unité de nature le Fils de Dieu est égal à
son Père, il est un avec lui, 43 procession du Saint-Esprit,
;
tablb; des matières 497

43 ; le Christ Jésus nous a révélé la trinité des personnes


dans l'unité de nature, 44.
II. — Le Fils se distingue du Père par sa propriété d'être
Fils, il est Fils tout entier, c'est ce qui constitue sa person-
nalité, la première « fonction » du Verbe est de recon-
45 ;

naître Père pour son principe, 45 sans cesse, dans l'É-


le ;

vangile, Notre-Seigneur proclame qu'il tient tout de son


Père, 45-47 seconde « fonction » du Verbe il est l'image
; :

vivante, adéquate, du Père, Qui videt me videt et Patrcm,


47-49 le Verbe se rapporte à son Père par amour, c'est là
;

sa troisième « fonction >, 49 amour ineffable du Verbe in-


;

carné pour son Père, 49-50.


III. — Nous devons imiter le Verbe dans ses « états »,
d'abord en reconnaissant, avec Jésus et comme lui, que tout
lui vient du Père, 50-51; en proclamant notre absolue dépen-
dance de Dieu, comme créatures, 51-52 comme ses enfants, ;

52 en un sens très réel, nous sommes engendrés divinement


;

par la grâce, il s'ensuit que toute notre activité doit en quel-


que sorte venir de Dieu, 52-54 nous devons encore imiter ;

le Verbe en étant, comme lui, l'image du Père, surtout par la


grâce sanctifiante, élément fondamental de similitude di-
vine, et par nos vertus, 54-55 enfin, comme le Verbe, nous
;

devons nous rapporter tout entiers à notre Père céleste par


amour, 55.
IV. — Du seul fait de notre création, nous sommes le
fruit d'une pensée éternelle contenue dans le Verbe, 56-57 ;

combien notre adoption divine rend cette relation avec le


Verbe plus profonde nous ne devenons enfants de Dieu
;

qu'en Jésus-Christ, Elegit nos in ipso, 57 réalisation de ce ;

décret divin par l'incarnation du Verbe, 57-58.


V. —Conséquence pratique de cette doctrine il nous faut :

demeurer unis au Fils, il est l'unique voie qui conduit au


Père, 59 moyens de demeurer uni au Verbe incarné la
; :

foi ; croire au Fils de Dieu, c'est lui être uni et partager sa


filiation divine cette foi doit être complète, 59-60
; l'accom- ;

plissement des préceptes du Christ, 61 la réception de l'Eu- ;

charistie, sacrement d'union, 61 Christ Jésus, apprenez-nous


;

à être, comme vous et en vous, l'enfant de Dieu, 61-62.


VI. —Ces vérités constituent le fond même du Christia-
nisme toute notre sainteté se ramène à être par la grâce ce
;

Le Christ dans ses mystères. q2


V V»S TABLE DES MATIÈRES

que Jésus est par nature Fils de Dieu, 62 cet idéal, bien
: ;

que sublime, n'est pas un rêve, Dieu nous a donné son Fils,
et, par lui, nous serons menés dans le sein du Père, 63-64.

IV. - i Et le Verbe s'est fait chair ». . . . 65-88

Nécessité de contempler le mystère de l'Incarnation pour

comprendre tous mystères du Christ de cette union de


les ;

l'humanité à la divinité résultent la valeur infinie des actes


de Jésus, la splendeur et la vertu de ses mystères, 65-66.
I. —
Le Christ est Dieu parfait, possédant la vie, les per-
fections divines dans toute leur plénitude, 66-67 il est aussi ;

homme parfait, semblable à nous en toutes choses, excepté


le péché, 67-68 cette union ineffable du divin et de l'humain
;

en Jésus se manifeste à chaque page de l'Évangile, 68-70.


II. —Mode de l'union des deux natures dans le Christ :

elles sont unies dans une seule personne, c'est le Verbe qui
donne à la nature humaine son existence personnelle, 70-71 ;

les deux natures gardent chacune leur activité propre, 71 ;


l'activité humaine de Jésus a son principe ultime dans la
divinité, 71 conséquence de cette doctrine
; toutes les ac- :

tions du Verbe incarné ont une valeur infinie, 71-72 raisons ;

pour lesquelles la vie du Christ est si agréable à son Père :

il est le propre Fils de Dieu, 72 son âme possède la pléni-


;

tude de la grâce, grâce d'union et grâce sanctifiante, 72-73 ;

sa sainte humanité est ornée de toutes les vertus et de tous


les dons du Saint-Esprit, 73-74.
III. —
Attitudes d'âme que nous devons avoir envers le
Verbe incarné la première, celle que le Père éternel réclame
:

de nous, c'est la foi en la divinité du Christ, 74-76 cette foî ;

est la source de notre adoration, 76 dans cet acte d'adora- ;

tion, l'âme doit, comme le faisait la sainte humanité de Jésus,


se livrer tout entière au Verbe, vivre dans une absolue dé-
pendance de la divinité, 76-77.
IV. —Il ne suffit cependant pas de proclamer la divinité

du Christ, notre piété et nos hommages doivent s'étendre à


son humanité, 77 comment sainte Thérèse parle du dom-
;

mage qu'il y a pour une âme à vouloir se passer de la sainte


humanité de Jésus, 78-79 Dieu a voulu réaliser notre salut
;

et notre sainteté par l'humanité de son Fils, 79 cette huma- ;


TABLÉ DES MATIÈRES 499

nité a droit à notre adoration et à une confiance sans limites,


79-80 durant sa vie terrestre, le Christ donnait la grâce et
;

•faisait des miracles par le contact de son humanité, 80 ;

maintenant encore, elle est l'instrument de la grâce pour nos


âmes, 80 elle est la voie qui nous mène au Père l'huma-
; ;

nité nous livre au Verbe, le Verbe à son Père, 81-82 ;

paroles de S. Augustin sur le mystère de l'Incarnation For- :

titudo Christi te creavit ; infirmitas Christi te recreavit, 82-83.

V. — Sauveur et Pontife 84-107

Nécessité de contempler l'œuvre et la mission du Verbe


fait chair pour mieux comprendre sa personne les noms du ;

Verbe incarné déclarent sa mission et caractérisent son


œuvre, 84-85 il s'appelle « le Christ », il a été oint, sacré,
;

parce qu'il est roi, 85-86 prophète, 86-87 pontife par son
; ; ;

sacrifice, il sauve l'humanité entière, c'est pourquoi il faut


unir au nom de « Christ » celui de Jésus, 87-88.
I. — Ce qu'est le prêtre, 88-89 dans le Christ, le carac-
;

tère sacerdotal est transcendant, 89 c'est dès le moment de


;

son incarnation que Jésus devient Pontife, 89-91 de plus, ;

son sacerdoce est une conséquence nécessaire et immédiate


de son incarnation, 91-92 révélation de sainte Catherine de
;

Sienne le Christ a jeté un pont pour relier la terre au ciel,


:

92.
II. —
Comment, dès son entrée en ce monde, le Christ
inaugure son sacrifice premier acte de Jésus
; Ecce venio, :

92-94 toute la vie de Notre-Seigneur est ordonnée vers son


;

sacrifice sur le Calvaire, et marquée du sceau de la croix,


94-95 le Christ avait soif de donner à son Père la gloire
;

que son sacrifice devait lui procurer, 95.


HI. —
L'offrande que le Christ a faite de lui-même com-
prend différents actes l'adoration, 96
: l'action de grâces,;

96-97 l'expiation, 97-98


; l'impétration prière sacerdotale
;
;

de Jésus, 98-99.
IV. —
Le sacrifice du Christ, source pour nous, de toute
grâce, 99-100 à présent encore, le Christ Jésus remplit, dans
;

le ciel, son rôle de médiateur par son sacerdoce éternel,


101-102 sans doute, il ne mérite plus, mais il offre sans
;

cesse au Père ses satisfactions « toujours vivant, il inter-


:
500 TABLE DES MATIERES

cède pour nous », 102 combien grande doit être notre foi
;

en Jésus-Christ, pontife suprême, 103 il n'y a aucune grâce


;

que nous ne puissions espérer en nous réclamant de son


nom Per Dominum nostrum Jesum Christum, 103-104.
:

V. —
Ici-bas également le Christ perpétue son sacrifice ,

ia sainte messe renouvelle l'immolation du Calvaire l'unique ;

médiation du Christ se prolonge par le ministère des prêtres,


104-105 l'Église ne célèbre aucun des mystères de Jésus
;

sans offrir le saint sacrifice de la messe, 105-106 dans la ;

sainte communion, Notre-Seigneur nous donne les grâces


spéciales du mystère que nous célébrons, 106-107.

II. - LES MYSTÈRES DU CHRIST.


VI. — Les préparations divines 1 11-133

Dessein éternel de Dieu envoyer son Fils en ce monde


:

pour racheter la race humaine, 111-112 durant des milliers


;

d'années, Dieu prépare l'humanité à la venue de son Fils


parmi nous, 112 pourquoi une si longue période? Afin que
;

les hommes reconnaissent leur besoin d'un Rédempteur,


112-113 la grandeur du mystère de l'Incarnation et la ma-
;

jesté du Sauveur réclament aussi cette préparation, 113.


I. —Comment la Sagesse éternelle prépare les âmes des
justes de l'Ancien Testament à la venue du Christ sur la
terre au lendemain de la chute de nos premiers parents,
:

Dieu promet un Rédempteur, 114 il précise sa promesse aux


;

patriarches, 115 il suscite les prophètes


; David, Isaïe mar-;

quent à l'avance les divers traits du Messie, Homme-Dieu,


115-117 la foi dans le Rédempteur promis et le désir de sa
;

venue sont ainsi constamment maintenus dans les cœurs des


Juifs fidèles, 117-119.
II. — Dieu prépare encore la venue du Messie en dirigeant
les destinées des nations païennes, 119 enfin, il achève ses
;

préparations par l'envoi de S. Jean-Baptiste, 120 dignité ;

et sainteté du Précurseur, grandeur de sa mission, 120-122.


III. —
Chaque année, l'Église, guidée par l'Esprit-Saint,
nous rappelle le souvenir des préparations divines et cherche
à faire revivre en nos âmes les dispositions des anciens jus-
tes qui attendaient la venue du Messie, 122 raisons de cette ;
TABLE DES MATIÈRES 501

économie surnaturelle Dieu veut nous faire admirer ses


:

œuvres, 122-123 ces préparations sont une confirmation de


;

notre foi, 123-124 le Christ n'est pas venu seulement pour


;

ses contemporains mais pour tous les hommes chaque fête ;

de Noël nous donne dans la mesure de nos dispositions les


grâces que le Verbe incarné nous a méritées par sa venue
parmi nous, 124-126.
IV. — Ces dispositions peuvent se ramener à quatre la :

pureté le sein de Dieu, demeure naturelle du Verbe par sa


; ;

virginale pureté, Marie offrait au Verbe incarné un taber-


nacle qui en était comme le reflet, 126-127 l'humilité c'est ; ;

elle qui remplace en nous la pureté immaculée de la Vierge,


Dieu accueille le pécheur qui s'humilie, 127-128 la con- ;

fiance celui qui vient à nous est un Dieu, il possède en plé-


;

nitude, pour nous les octroyer, toutes les grâces que nous
pouvons espérer, 128-130 les désirs ardents le Christ se ; ;

donnera à nous selon la mesure de nos désirs, 130-131 la ;

pensée de la Vierge Marie remplit la liturgie de l'Avent, 131 ;

sentiments qui animaient la Vierge avant la naissance de


Jésus demandons-lui de nous faire entrer dans ses dispo-
;

sitions, 132-133.

VII — admipabile commepcium 134-158

Comment l'Église commémore la venue du Christ sur la


terre, 134-135 grâce spéciale du mystère de la Nativité
;
:

Dieu, en prenant notre nature humaine, nous donne une par-


ticipation à sa nature divine c'est un échange humano-divin, ;

136-138.
I. — Premier acte de échange Dieu nous emprunte
1' « .» :

notre nature pour se dans une union personnelle;


l'unir
l'enfant couché dans la crèche est le propre Fils de Dieu,
138-139 triple avènement du Christ célébré par les trois
;

messes de Noël, 139-141 union ineffable des deux natures;

dans le Christ chacune garde cependant son activité propre,


;

141-142.
II. —
Deuxième acte de V « échange » le Verbe fait chair :

donne à l'humanité une participation à sa nature divine, il


nous rend enfants de Dieu, 142-143 dès lors, il y a en nous ;

deux vies la vie naturelle et la vie surnaturelle, 144 cette


: ;
502 TABLE DKS MATIÈRES

vie divine de la grâce doit régir toute notre activité natu-


relle, 144-145.
III. —
Cet « échange » nous apparaît plus admirable en-
core par la manière dont il s'opère l'Incarnation rend Dieu
;

visible, 145 Jésus nous révèle l'amour et toutes les perfec-


;

tions de Dieu, 145-146 Dieu a voulu se rendre visible


;

pour nous instruire et devenir notre modèle, 147-148.


IV. —
L'Incarnation rend Dieu passible l'humanité di ;

Verbe, par ses souffrances et son immolation, expiera nos


péchés et rachètera le monde, 148-149 dès sa naissance. ;

Jésus inaugure sa mission de salut, 149 par son humilité, ;

son obéissance et sa pauvreté, le Christ vient nous guérir


de notre orgueil, de notre refus d'obéir, de nos cupidités,
150-151
V. —
Combien admirable cet « échange » nous apparaît,
152-153 il est pour nous source de joie, 153
; disposition ;

nécessaire pour que cet « échange » produise en nous ses


fruits la foi, 154
: modes divers de connaissance du Verbe
;

incarné, 155-156 la foi nous permet de contempler le mys-


;

tère comme Dieu le voit, 156-157 comment la sainte com-


;

munion assure l'échange divin, 157-158.

VIII. — L'Epiphanie 159-180

Dieu est lumière cette lumière divine, vie de nos âmes,


;

est pour nous inaccessible, 159-160 la raison et la contem- ;

plation des œuvres de Dieu peuvent, jusqu'à un certain point,


nous révéler la lumière infinie, 160-161 l'Incarnation est la ;

grande manifestation de Dieu le voile de l'humanité tem-


;

père l'éclat de la divinité, 161 la fête des « Théophanies »,


:

161-162.
I. —
L'appel des mages au berceau du Christ signifie la
vocation des nations païennes à la foi, 162 c'est aux Juifs ;

que le Verbe incarné se manifeste d'abord, 162-163 les ;

gentils sont ensuite appelés à la lumière de l'Évangile, 164-


165 pour chacun de nous l'étoile a brillé, 165-166 insigné
; ;

bienfait qu'est pour nous l'appel à la foi, 167 nous devons ;

en remercier Dieu et lui demander de l'étendre à toutes tes


âmes Pater, clarifica Filium tuum, 167-168.
:

II. —
Enseignement du mystère de l'Epiphanie il nous :
TABLE DES MATIERES 503

iaut imiter la fidélité, la générosité des mages, 168 tous ;

nous sommes appelés à la sainteté le Père éternel fait luire


;

Tétoile qui nous conduira à Jésus suivons avec promptitude


:

l'appel divin, 169-172.


III. — Que faire si l'étoile disparaît ? 172 ; à l'exemple des
mages, demander lumière et direction aux représentants de
Dieu, 172-173.
IV. —
Combien est profonde la foi des mages à Bethléem,
173-174 associons-nous à leur adoration, 174-175 symbo-
; ;

lisme des dons offerts par eux à l'Enfant-Dieu, 175-176 ;

quels présents nous pouvons apporter au Christ, 176 nous ;

pouvons nous appoprier les trésors du Verbe fait chair, 177-


178 offrons à Dieu son propre Fils Jésus, 178 comment le
; ;

mystère de l'Epiphanie se renouvelle et se prolonge. 178-


180.

IX. — La Vierge Marie ; les mystères de l'enfance


et de la vie cachée 181-208

Dieu a voulu emprunter à notre race l'humanité qu'il avait


résolu d'unir personnellement à son Verbe, 181-183 la ;

Vierge Marie a donné cette nature humaine au Verbe, 183 ;

comment elle est inséparable de Jésus dans tous ses mys-


tères, 184-185.
I. —
L'échange entre la divinité et l'humanité se conclut
lorsque Vierge répond son Fiat au message de l'ange en
la ;

ce moment solennel, le Verbe se fait chair, 184-185 Marie ;

chante son Magnificat, 186 elle met au monde son divin


;

Fils sa foi, son adoration, son incommensurable amour


;

pour celui qui est à la fois son Dieu et son Fils, 187-188 ;

Jésus se complaît en l'amour que lui porte sa mère ineffable ;

union de leurs âmes, 188-189.


II. —
Marie fait circoncire Jésus, 184 elle le présente au ;

Temple après quarante jours pourquoi elle a voulu accom-


;

plir en tous points cette cérémonie légale, 189-191 le Sau- ;

veur pénètre dans son Temple en « Dieu caché », 191-192 ;

oblation du Christ à son Père, prémices de son sacrifice. 192;


la Vierge s'unit à cette offrande de son Fils, 193-194 dès ;

ce jour, elle devient corédemptrïce prophétie du vieillard


;

Siméon, 194-195.
504 TABLE DES MVilhRhs

III. —
a l'âge de douze ans, Jésus vient avec Marie et Jo-
seph célébrer la Pâque à Jérusalem, 195-196 après la fête, ;

il demeure dans la ville profonde douleur de sa mère de


;

l'avoir perdu, 196-197 comment Marie et Joseph, après trois


;

jours de recherche, retrouvent l'enfant Jésus, 197-198 pre- ;

mière parole du Verbe incarné recueillie par l'Évangile,


199-200.
IV. —
La vie cachée à Nazareth le Sauveur du monde
;

passe trente ans dans une vie obscure, vie de travail, de si-
lence, d'obéissance, 200-201 enseignements que nous donne
;

ce mystère de la vie cachée chacun des actes de Jésus, si


:

humbles en apparence, donnait une gloire infinie au Père


éternel, à cause de ia filiation divine nos actes n'ont de
;

valeur que si la grâce les anime, 201-203 la vie intérieure


;

donne la fécondité à l'activité extérieure, 203-205.


V. —
Ce qu'ont été pour la Vierge ces trente années pas-
sées dans une union si intime avec Jésus, 205 ardeur de la ;

foi de Marie, elle est Virgo fidelis, 206-207 cette foi est ;

source de joie, 207-208.

X. Le baptême et la tentation de Jésus . . 209-237

Dans les différents mystères du Christ, nous voyons tou-


jours les humiliations du Verbe incarné relevées d'une révé-
lation de sa divinité, 209-210.
I. —
En se présentant à Jean pour recevoir le baptême de
la pénitence, Jésus accomplit un acte de profonde humilité,
raison pour laquelle le Christ se mêle à la foule des pé-
cheurs et se fait baptiser :chef de l'humanité déchue, il
s'est rendu solidaire de nos péchés, 211-212 en recevant le
;

baptême, il veut « accomplir toute justice », 213 le bap- ;

tême du Précurseur annonçait celui du Christ, 213-214.


II. —Jésus est glorifié par son Père au sortir du Jour-
dain, 215 comment le témoignage du Père constitue à la
;

fois et le point de départ de toute la vie publique de Jésus et


le fondement de notre foi, 215-218 le baptême, sacrement
;

de l'initiation chrétienne, contient en germe toute l'œuvre de


notre sanctification, 218-219.
III. — Aussitôt après son baptême, Jésus est poussé par
l'Esprit au désert pour y être tenté par le démon, 219 les ;
TABLE DES MATIÈRES 505

perfections divines exigent que la créature raisonnable et


soumise à l'épreuve avant d'être admise à jouir de
libre soit
la béatitude, 220-221 l'épreuve des anges, 221-222
; pour ;

nous la tentation s'échelonne sur toute notre existence ici-


bas, 222 Adam soumis à l'épreuve a failli, 222 il fallait
; ;

que le second Adam, chef des prédestinés, fût placé en face


de la tentation et en demeurât victorieux, 222-223 il con- ;

venait aussi que le Christ, devant nous délivrer de l'escla-


vage de Satan, entrât en lice avec le démon et le vainquît,
223.
IV. —
Triple tentation de Jésus comment il triomphe ;

chaque fois des assauts de l'ennemi, 223-227 le démon se ;

retire usque ad tempus, 227 les anges s'approchent pour


;

servir le Christ, 228 puisque Notre-Seigneur a voulu subir


;

la tentation, nous ne devons pas nous étonner de passer par


la même voie, 228-229 Jésus a vaincu le diable comme chef
;

de l'Église en lui et par lui, nous triomphons des sugges-


;

tions de l'esprit rebelle, 279.


V. —Le Christ en subissant la tentation nous a mérité la
force de sortir victorieux de la lutte, 229 Jésus était inacces- ;

sible au péché, à l'imperfection raison fondamentale de son


;

impeccabilité il est le Fils de Dieu, la sainteté infinie, 230


: ;

la sainte âme du Christ est établie dans l'impeccabilité es-


sentielle et absolue par la vision béatifique, 230 les bien- ;

heureux qui voient Dieu sont impeccables, 231 ici-bas, la ;

foi remplace pour nous la vision nous devenons invulnéra-


;

bles à la tentation dans la mesure de notre foi et de notre


union au Christ, 232-233 pourquoi l'Église nous fait lire,
;

durant le Carême, le psaume XC e promesses d'invulnérabi-;

lité spirituelle qui y sont exposées, 233-234.


VI. — C'est la foi qui nous rend invincibles dans la tenta-
tion, 235 efficacité des paroles de l'Écriture sainte pour
;

repousser le démon, 235-236 le Christ nous aide dans le


;

combat par sa grâce et sa prière, 237.

XI. Quelques aspects de la vie publique de


Jésus 238-276

La vie publique de Notre-Seigneur est un sujet inépui-


sable ; nous en contemplerons trois aspects spéciaux, 238-
239.
ô(lt> TABLE DBS MATIERES

I. — Comment le Christ manifeste sa divinité par ses pa-


roles et par ses actes, 230-240 il témoigne qu'il est le
; Fil>
de Dieu en remettant les péchés, 240 en opérant des mi-
: ;

racles de sa propre autorité, 241 il proclame sa divinité ;

devant ses apôtres, 241 devant Caïphe, 242 dans l'Évan-


; ;

gile de S. Jean surtout, nous entendons Jésus nous dire qu'il


est un avec son Père, 242-244.
II. —
Le Christ atteste sa divinité pour fonder notre foi,
244-246 cette foi en la divinité de Jésus-Christ est, en effet,
;

la base de notre vie spirituelle, la racine de notre justifica-


tion, 246-247.
III. — Deuxième aspect de la vie publique du Sauveur : le

Verbe incarné nous manifeste, par les gestes humains, les


perfections divines, 247-248 ; de toutes les perfections di-
vines l'amour est celle que Notre-Seigneur se plaît à nous
révéler, 248-249 bonté pleine de tendresse et de compas-
;

sion, humble condescendance que Jésus manifeste en toutes


circonstances, divers traits de sa vie publique, 249-252.
IV. —Amour miséricordieux du Christ pour les pécheurs.
252-253 parabole de l'enfant prodigue, 253-254
;
entretien ;

de Jésus avec la Samaritaine, 254-258 Marie-Madeleine. ;

258-259 ; la femme adultère, 260-261.


V. —Cette miséricorde du Sauveur nous invite à la con-
fiance, 261 le Christ est venu chercher les pécheurs, 261
; il ;

choisit Pierre comme fondement de son Église, 261-262 il ;

accepte la présence de Madeleine au pied de la croix, à côté


de sa mère, 262 notre confiance s'affermit par la pénitence,
;

263-265 dernier trait qui achève de nous montrer la ten-


;

dresse du cœur humain de Jésus son amitié pour la famille


:

de Béthanie, 265-266.
VI. — Troisième aspect : sévérité de Notre-Seigneur à
l'égard des pharisiens, 266 ; leur orgueil et leur hypocrisie,
267-270 comment le Christ les dénonce, 270-272 le phari-
; ;

saïsme excite son indignation, 272-273 il est un des pièges ;

dont le démon se sert pour amener les âmes à une fausse


piété, 274 Jésus termine ses malédictions contre les phari-
;

siens par un appel plein de tendresse à son peuple, 275-276.


TABLE DES MATIERES 507

XII. — Au sommet du Thabor 277-298

Toute la vie du Christ est une source de lumières et de


grâces la Transfiguration en est un des épisodes les plu*
;

importants, parce que la splendeur de la divinité de Jésus y


rayonne davantage, 277-279.
!. — Récit évangélique de la Transfiguration, 279-281.
II. — Chacun des actes de Jésus est plein de signification,
chacun de ses mystères renferme une grâce, 281-283 signi- ;

fication du mystère de la Transfiguration pour les apôtres qui


en furent témoins le Christ veut, par la manifestation de la
:

divinité, les prémunir contre le « scandale » de sa passion,


283-285 la voix du Père éternel, proclamant que Jésus est
;

son Fils, achève de consolider la foi des apôtres, 285-286.


III.— Après la Résurrection de Jésus, les apôtres décou-
vrirent, par la voix de Pierre, les splendeurs qu'ils avaient
contemplées, 286-287 c'est pour nous aussi que la Transfi-
;

guration s'est opérée triple grâce que contient ce mystère


; ;

elle est marquée dans l'oraison de la fête, 286 la Transfi-


;

guration confirme notre foi le témoignage du Père nous


;

disant que Jésus est son Fils doit nous être toujours pré-
sent, 287-289 « notre adoption d'enfants de Dieu y est si-
;

gnifiée d'une façon admirable », 289-290 ce mystère nous


;

4 révèle notre future grandeur a» la gloire qui environne


:

Jésus deviendra le partage de ses membres, 291-292 la ;

splendeur qui illumine le Christ sur le Thabor n'est pas une


lumière d'emprunt, c'est un écoulement de la divinité, 292 ;

de même notre sainteté ne vient pas du dehors, elle est un


écoulement de la vie divine dans nos âmes, 292-293.
IV. — Moyen de parvenir à l'état glorieux qui nous at-
tend et que la Transfiguration nous fait entrevoir « Écouter :

Jésus » le Père céleste s'en remet à son Fils pour nous


;

faire parvenir à lui Ipsum audite, 293-294


: comment le
;

Christ nous parle, 294 pour le bien entendre il faut le si-


;

lence, l'oraison, 294-295 il faut surtout l'écouter par une foi


;

pratique qui se traduit en œuvres, 295 demeurons fidèles


;

à Jésus, suivons-le dans la joie et dans l'épreuve, jusqu'au


jour où nous partagerons sa gloire. 297-298.
508 I \BLE DBS MATIÈRES

XIII. < Le Christ a aimé l'Église et s'est livré


pour elle afin de la sanctifier » 299-320 . . .

La Passion est le point culminant de l'œuvre du Christ


ici-bas ;
le moment de son immolation « son
Jésus appelle
heure », 299-300 texte de S. Paul résumant tout le mystère
;

de la Passion, 301.
I. —
C'est par amour que le Christ a voulu subir la mort
de la croix, par amour pour son Père, 301-303 par amour ;

pour nous, 303 liberté avec laquelle le Christ s'est offert,


;

303-304.
II. — Jésus
s'offre lui-même Semetipsum tradidit, il livre :

son âme son corps à la douleur, 304-305 son agonie au


et ;

jardin des Oliviers, 305-306 récit de la Passion, 306-308 ; ;

adorons le divin crucifié en union avec l'Église, 308-309.


III. —
Comment le Christ, par son oblation, a sanctifié
l'Église par son sacrifice, il a détruit le péché, et nous a
:

rendu la grâce, 309-310 ; il. a mérité toutes les grâces dont


nous avons besoin la vertu des sacrements se puise dans la
;

croix, 310-311 en Jésus, nous avons tout ses mérites infinis


; ;

sont nôtres, 311-312 « élevé de la terre, j'attirerai tout à


;

moi », 312 notre confiance dans le Christ Jésus doit être ab-
;

solue, 312-313.
IV. —
Nécessité pour nous de participer à la Passion du
Christ, 313 cette participation se fait de plusieurs façons
; :

par la contemplation des souffrances de Jésus, 313 par l'as- ;

sistance au saint sacrifice de la messe, 313-315 par l'accep- ;

tation des souffrances en union avec le Christ et par amour


pour lui Jésus a voulu porter sa croix, acceptons de sa
;

main notre croix, il nous a mérité la force de la porter, 315-


316 comment le Christ a voulu laisser à son corps mystique
;

une part de souffrance, 317.


V. —
La Passion ne termine pas le cycle des mystères de
Jésus par ses souffrances Jésus entre dans la gloire, 318
; ;

c'est pourquoi quand l'Église commémore les souffrances de


son Époux, elle mêle à ses sentiments de compassion des
accents de triomphe, 318-319 nous aussi, après avoir parti- ;

cipé aux souffrances du Christ, nous communierons à sa


gloire, 319-320.
TABLE DES MATIÈRES 509

XIV. Sur les pas de Jésus, du prétoire au


Calvaire. 321-343

La Passion Saint des saints » des mystères de


est le «
Jésus ; la messe en renouvelle chaque jour
le souvenir et la

réalité à cet acte central de la liturgie, se rattache la dé-


;

votion du « chemin de la croix », 321 parcourir la voie ;

douloureuse, chargé de sa croix, a été la préparation immé-


diate du Sauveur à son sacrifice du Calvaire ; comment la
dévotion du « chemin de la croix > prit naissance, 321-322.
I. — 322 motifs de cette effi-
Efficacité de cette dévotion, ;

cacité :passion de Jésus est son œuvre par excellence,


a) la
aucun détail n'y est négligeable, 322-323 le Christ dans ses ;

douleurs et ses humiliations, est l'objet des complaisances de


son Père, 323-324 b) Jésus manifeste particulièrement ses
;

vertus au cours de sa Passion, 324 c) toujours vivant, le


;

Christ donne à l'âme qui le contemple, la grâce de pratiquer


les vertus dont il nous a donné l'exemple aux heures de ses
souffrances et de son immolation, 324-325 ce triple carac- ;

tère se retrouve dans tous les mystères du Christ, mais avec


combien plus de plénitude dans sa passion, 325 ce qui est ;

requis pour recueillir les fruits du « chemin de croix », 326.


II. —Méditation des diverses « stations » en particulier,
326-342.

XV. — € Si eonsurrexistis cum Christo >• 343-363

Le mystère de la Passion nous a montré le Christ dans des


abîmes d'humiliations et de souffrances, celui de la Résur-
rection nous le fait voir vivant d'une vie glorieuse et parfaite,
343-344 pourquoi la Résurrection, de préférence à tout autre
;

mystère de Jésus, est appelée t sainte » par l'Église, 344-345;


quel est le double élément constitutif de la sainteté, 345.
I. —Comment est réalisé dans le Christ ressuscité, le pre-
mier élément de la sainteté son humanité est désormais
;

exempte de toute infirmité séparation complète d'avec tout


;

ce qui est terrestre, créature ou faiblesse, 345-348.


II. —
Le second élément de la sainteté se retrouve aussi
dans le Christ triomphant il vit uniquement pour son Père.
:

vivit Deo, 348-349.


51 (J TABLE DES MATIÈRES

III. —
Cette vie du Christ ressuscité est le modèle de la
nôtre, 349 dès le baptême nous participons à la grâce de
;

la résurrection, mais nous devons, pour qu'elle puisse s'é-


panouir en nous, c mourir » sans cesse au péché, nou>
affranchir de tout ce qui est terrestre, créé : c'est le premier
élément de notre sainteté doctrine de S. Paul à ce sujet.
;

350-353.
IV. —
Le second élément se réalisera en nous par une vie
de pleine appartenance à Dieu Viventes Deo, 353-354 cette : ;

« vie pour Dieu » nous est communiquée par le Christ, 354-


355 le Christ vit en nous dans le degré où il règne dan^
;

notre âme, 355-356 « si vous êtes ressuscites avec le Christ


;

recherchez les choses d'en haut », 356-357.


V. —
Moyens d'affermir en nous la grâce pascale la con- :

templation du mystère faite avec foi, 357-358 la commu- ;

nion eucharistique Jésus vient à nous pour nous faire vivre


:

de sa vie de ressuscité tout orientée vers son Père, 358-360.


VI. —
Le mystère de la Résurrection du Christ s'étend
aussi à nos corps dogme de la résurrection des morts, com-
:

ment S. Paul en parle, 360-361.


Ici-bas notre vie est cachée, elle est aussi un labeur mat ;

après avoir partagé les souffrances du Christ, un jour « nous


apparaîtrons avec lui dans la gloire », 361-362 cette espé- ;

rance est source de joie VAlleluia, sans cesse répété durant


;

le temps pascal, est l'expression de la joie que fait naître en

nos âmes le mystère de la résurrection, 362-363.

XVI. < Et maintenant, ô Père, glorifiez votre


Fils. » 364-389

Parmi toutes les fêtes de Notre-Seigneur, l'Ascension est,


en un certain sens, la plus grande : elle est la glorification
suprême du Christ Jésus, 364-366.
I. — Dans le mystère de l'Ascension, nous voyons la
sainte humanité de Jésus monter visiblement vers les deux,
366 cette Ascension est aussi le symbole d'une autre plus
;

admirable encore Notre-Seigneur « parcourt tous les


:

cieux »; pénètre dans le sanctuaire de la divinité, « s'assied à


la droite de Dieu », 366-367 depuis l'heure de son triomphe,
;

le Christ Jésus demeure la seule source de grâce et de vie ;


TABLE DES MATIÈRES 511

« tout genou fléchit devant lui au ciel, sur la terre et dans


les enfers », 367-368.
II. — Deux raisons capitales de cette merveilleuse exalta-
tion de Jésus : il est le propre Fils de Dieu ; son humanité,
étant unie à la personne du Verbe, a droit à la gloire divine,
368-369 il s'est abaissé dans les ignominies de la passion,
;

c'est pourquoi le Père céleste lui donne comme récompense


de ses humiliations cette suprême glorification, 369-370 ;

Pater, clarifica Filium tuum ! 371 ; harmonie qui se rencon-


tre dans les œuvres divines le mont des Oliviers, qui avait
:

été le témoin de l'agonie de Jésus, est le témoin de son triom-


phe, 371-372.
III. —
Grâce du mystère de l'Ascension au Christ seul :

appartient le droit de pénétrer dans les cieux, 372-373 ; mais


ceux qui sont devenus ses membres par le baptême sont pla-
cés avec Jésus dans la gloire et la béatitude, 373-376 déjà ;

nous devons par la pensée et le désir habiter dans le ciel :

Trahe nos post te ! 376-377.


IV. —
L'Ascension de Jésus fait naître en nous de multi-
ples sentiments, 377 le premier est la joie, 378
; comment ;

l'Église nous dans sa liturgie, à célébrer avec allé-


invite,
gresse cette exaltation de son Époux, 378-379 réjouissons- ;

nous de ce triomphe et de cette glorification du Christ qui


sont aussi les nôtres, 379-381.
V. —
A cette joie doit se joindre une confiance inébran-
lable le Christ Jésus pénètre dans les cieux comme notre
:

Pontife et notre médiateur, 381 comment, d'après l'ensei-;

gnement de S. Paul, les rites de l'ancienne alliance étaient


des symboles des réalités futures, et l'entrée du grand-prêtre
dans le Saint des saints la figure du Christ montant au ciel,
le jour de son Ascension, et nous y introduisant avec lui,

381-385 durant toute l'éternité, les élus reconnaîtront que


;

leur béatitude est le prix des mérites de Jésus, 385 dans le ;

ciel notre Pontife suprême, « toujours vivant », intercède


pour nous, 385-386 confiance que nous devons avoir en sa
;

médiation, 386.
VI. —
Si nous nous unissons à Notre-Seigneur, surtout
dans la sainte communion, il nous mène avec lui à son Père ;
paroles du Christ à sainte Gertrude, 387 ; nous appuyant sur
Jésus, nous pouvons toujours être avec lui in sinu Patris,
5d 2 TABLE DBS MATIBBB8

388 ; nous serons par lui <r gardés du mal » au milieu des
tristesses et des épreuves de la vie présente, 388-389.

XVII. — La mission du Saint Esprit 390-412

Comment l'Ascension de Jésus non seulement nous réjouit,


mais encore nous est utile, 390-391 « Si je ne m'en vais pas,
;

le Consolateur ne viendra pas à vous », 392 la mission ;

visible du Saint-Esprit aux apôtres appartient à Jésus, dans


sa nature divine, et rentre dans le cycle de ses mystères Jé- ;

sus a prié pour cette mission, il nous l'a promise et méritée,


elle achèvera l'établissement de son Église, 392-393.
I. — Les processions divines ce que le Saint-Esprit est
;

dans la Trinité, 393-396.


II. — Pourquoi la descente du Saint-Esprit n'a eu lieu
qu'après l'Ascension du Sauveur ce don de l'Esprit-Saint
:

nous a été mérité par les souffrances de la sainte humanité de


Jésus, il convenait qu'il ne nous fût envoyé que lorsque cette
humanité serait glorifiée, 396-397 seconde raison donnée ;

par les Pères de l'Église la foi en Jésus était nécessaire pour


:

recevoir le Saint-Esprit, cette foi dans les apôtres était im-


parfaite tant que Jésus vivait avec eux, 398.
III. —
Opérations divines du Saint-Esprit dans l'âme des
apôtres utilité, pour les bien comprendre, de se r appeler la
;

doctrine de c l'appropriation » les œuvres de sanctification,


;

d'achèvement sont particulièrement attribuées à l'Esprit-


Saint, 398-400 il remplit les apôtres de vérité, 400-401
; ;

d'amour, 401-402 de force, 402-403


; de consolation, 403- ;

404.
IV. —
L'assemblée du Cénacle représentait toute l'Église ;

le Saint-Esprit vient « demeurer avec elle », son action y est


merveilleuse, 404-405 ; cette action est également incessante,
la grâce de la Pentecôte demeure; c'est pourquoi l'Église met
sur nos lèvres d'ardentes aspirations pour demander la
venue du Saint-Esprit, 406-408 « parce que nous sommes
;

ses enfants, Dieu nous donne l'Esprit de son Fils », 408.


V. —
Comment le Saint-Esprit opère dans nos âmes,
408-409 gardons-nous d' <s éteindre l'Esprit » par le péché,
;

de le « contrister » par nos infidélités, 409-410 il nous fait ;

connaître le Père, 410 nous manifeste Jésus, 410 dispo-


; ;
TABLE DBS MATIÈRES 513

-sitions pour recevoir les dons de l'Esprit-Saint la prière : et

3a conviction de notre pauvreté intérieure, 411-412.

XVin. — « In mei memopiam * 413436

La foi est nécessaire pour contempler tous les mystères de


Jésus, cependant nous y voyons souvent se manifester la di-
vinité du Christ dans l'Eucharistie, la divinité et l'humanité
;

disparaissent toutes deux à nos sens c'est par excellence le ;

mysterium ftdei, 413-416.


I. —
L'Eucharistie a un caractère de mémorial, d'abord
comme sacrifice la sainte messe représente et reproduit
:

l'immolation du Calvaire, 416-417 bien que l'Eucharistie ;

rappelle en tout premier lieu la Passion de Jésus, elle n'exclut


pas le souvenir des autres mystères et les contient tous,
418-419.
II. — L'Eucharistie considérée comme sacrement com- ;

ment admirablement figurée par


elle était manne, 419-423. la

III. — Une des plus remarquables propriétés de manne la

était de «s'accommoder aux désirs de celui qui la prenait »,


de même dans l'Eucharistie nous trouvons le goût de tous les
mystères du Christ comment elle est ainsi source de grâces:
;

par la communion, c'est toute la vie du Christ qui passe en


nos âmes, avec la vertu spéciale de chacun de ses états, 423-
425 sous les espèces eucharistiques ne se trouve que la sub-
;

stance du corps glorieux de Jésus, mais Celui qui est présent


est le Christ qui a vécu tous les mystères de son enfance, de
sa vie publique, de sa passion nous pouvons donc, dans ;

l'Eucharistie, trouver Jésus dans n'importe lequel de ses


mystères, 425-427.
IV. —
Moyens de participer à cet ineffable sacrement :

l'assistance au saint sacrifice de la messe pendant la sainte ;

messe nous sommes unis au Christ et portés avec lui dans le


sanctuaire de la divinité, 428-429 la sainte communion la ; ;

disposition principale pour en retirer tous les fruits est une


profonde révérence le Christ est Dieu plus il s'est anéanti,
:
;

plus il se voile, plus aussi nous devons l'adorer, 429-432 la ;

visite au Saint-Sacrement, 432-433.


V. — Cette révérence envers divin sacrement est un
le

hommage de foi, et c'est par que s'opère notre union


la foi
au Christ dans la réception de l'Eucharistie. 433-435 la ;

Le Christ dansées mystères.


514 TABLE DES MATIÈRES

sainte communion ne nous unit pas seulement au Christ, par


lui elle nous unit aussi au Père et à l'Esprit-Saint, 435-436.

XIX. — Le cœur du Christ 437 464

L'amour explique tous les mystères de Jésus, 437-438 ;

notre foi en cet amour du Christ doit être vivace et con-


stante elle est une source de fidélité, exemple de S. Paul,
;

438-440 l'Église nous propose cet amour comme objet de


;

culte dans la fête du sacré Cœur, 440.


|. — Ce qu'il », 441-442
faut entendre par « dévotion ;

par la dévotion au sacré Cœur nous honorons le Verbe in-


carné nous manifestant son amour et nous montrant son
cœur comme symbole de cet amour, 442 justification de ;

cette dévotion, 442-444 elle plonge ses racines dans le


;

dogme chrétien, 444-445.


II. —
Éléments de cette dévotion l'objet propre et direct :

en est le cœur physique du Christ pourquoi il mérite notre ;

adoration, 445-446 le cœur est le symbole tout d'abord de


;

l'amour créé de Jésus profondeur et tendresse de cet amour


;

humain du Sauveur, 446-447 la sainte humanité de Jésus ;

étant unie personnellement au Verbe, son amour créé pui-


sait sa source dans l'amour incréé il en est la révélation, ;

447-448.
III. — La source de notre dévotion pratique au sacré
Cœur contemplation des bienfaits de Jésus à notre
est la
égard ces bienfaits, nous les devons à son amour humain
;

autant qu'à son amour incréé, 448-450 à cet amour nous ne ;

pouvons répondre que par l'amour, 450 notre amour doit ;

porter un double caractère 450-452 et effectif,


: être affectif, ;

452-453 Notre-Seigneur est en ceci notre modèle, 453-454


; ;

comment nous montrerons notre amour au Christ, 454-455 ;

fécondité qu'apporte l'amour à toute notre vie, 455-456.


IV. —
Pourquoi la dévotion au Cœur sacré de Jésus doit
nous être chère, 456-457 elle nous fait prendre peu à peu
;

i'attitude vraie qui doit caractériser nos rapports avec Dieu ;


notre vie spirituelle dépend, en grande partie, de l'idée que
nous nous faisons habituellement de Dieu, 457-458 diversité ;

des aspects sous lesquels nous pouvons considérer Dieu :

comme un maître, 459 un bienfaiteur, 459-460. ;

V. —
Le Christ seul nous révèle La véritable attitude de
TABLE DES MATIÈRES 515

l'âme en face de Dieu : celle d'un enfant pour son Père, 460-
463 ; cette attitude est particulièrement favorisée par la dé-
votion au cœur de Jésus, 463-465.

XX. — Le Christ, couronne de tous les saints. 465-492

Tous les mystères du Christ aboutissent à la sanctification


de l'Église le Christ est inséparable de son corps mystique,
;

465-466 pourquoi la liturgie, arrivée à la fin de son cycle,


;

célèbre la fête de la Toussaint, 466-467.


I. —
Motifs que nous avons de tendre à la sainteté la :

volonté de Dieu, il trouve sa gloire dans notre sainteté, 467-


468 le prix infini dont Jésus a payé notre perfection, 468-
;

470.
II. — Caractère fondamental de notre sainteté : elle est la
réalisation surnaturelle du plan divin sur nous, 470-473 ;

notre prédestination est d'être conformes au Verbe incarné,


d'être par la grâce ce qu'il est par nature Fils de Dieu, 473- :

474.
III. — Le Christ Jésus est donc pour nous la source de
toute sainteté, comment il est pour nous la Voie, 475-477 la ;

Vérité, 477-478 la Vie, 478-479.


— Cette
;

IV. doctrine fait naître en nous deux sentiments


qui doivent nous animer dans notre recherche de la sainteté ;

une profonde humilité, 480-481 une confiance absolue, 481-


;

482 aucun obstacle ne peut nous empêcher d'arriver à la


;

sainteté, si notre foi dans le Christ est sans bornes, 482-484.


V. —
Conclusion pratique de ces vérités honorer et invo- :

quer les saints, 485 leur charité à notre égard, 485 cher-
; ;

cher aussi à leur ressembler en demeurant unis au Christ


Jésus, 485-486; ne nous laissons abattre ni par nos misères,
486-487 ni par les épreuves, 487-488.
;

VI. —
La divine Providence veut en effet que l'œuvre de
notre sainteté s'élabore dans la faiblesse et les épreuves afin
que la gloire en revienne au Christ, 489 il est la source de ;

toute grâce ici-bas, comme de toute gloire et de toute béa-


titude dans le ciel, 489-490 célébrer les saints, c'est glorifier
;

le Fils de Dieu, 491 comment en contemplant le Christ dans


;

ses mystères, en cherchant à l'imiter et à lui demeurer unis,


nous arriverons à faire partie de son royaume, 491-492.
INDEX ANALYTIQUE
Abandon, rien ne manque à agir en enfants de Dieu, 458:
une âme livrée à Dieu, 77 ;
— aimer Dieu d'un amour
— véritable sacrifice, 338. filialrempli de révérence, 461-
Actions de grâces que le 462 ;

par la grâce nous
Christ rendait à son Père, sommes les enfants adoptifs
96-97. de Dieu, 473-474. Voir —
Adam, soumis à l'épreuve, 222; Grâce.
— par le premier Adam la Adoration, doit s'adresser à la
mort est venue; par le se- sainte humanité de Jésus, 76.
cond, la résurrection, 361-362. 79-80 ; —
rendue par le Christ
Adoption divine. Dieu nous à son Père, 96; de l'en-—
prédestine à être conformes fant de la crèche, 157 de ;

à son Fils, 16; il nous — la croix, le Vendredi saint,
adopte pour ses enfants et 308-309.
multiplie pour nous les fa- Agonie de Jésus, 302, 305-306.
veurs célestes, 52 sq. ;
— Alléluia, exprime la joie du
nous ne devenons enfants de temps pascal, 362-363.
Dieu qu'en Jésus-Christ et Ambroise (S.). Le sein de Dieu
par lui, 56 sq. constitue — et la virginité de Marie, de-
la grandeur du chrétien, la
;

meure du Verbe, 127 ;



sublimité de notre religion, comme mages, offrons nos
les
59-60 ;

nous permet de présents à Dieu, 176.
nous approprier les richesses Ame, image de Dieu, surtout
du Christ, 177-178; nous — par la grâce sanctifiante, 54-
est conférée par le baptême, 55,
218-219 ;
— comment elle est Amitié du Christ pour la fa-
marquée dans le mystère de mille de Béthanie, 265-266.
la Transfiguration, 289-290; Amour. Contempler les mystè-
— atteindra sa perfection res du Christ avec amour, 34 ;

dans le ciel, 291-293 nous ;


— — nos œuvres rendues agré-
donne le droit de partager la ables à Dieu par l'amour, 55:
gloire du Christ, 373-375; — — la perfection divine
est
l'Esprit-Saint nous enseigne que Christ se plait davan-
le
l'attitude à avoir à l'égard de tage à nous révéler, 248 sq. :

notre Fère des cieux. 410; — — du Christ pour son Père.


INDEX ANALYTIQUE 517

302-303; —
pour nous, 303- Appropriation, sa nature, son
304, 339; —
comment l'Es- rôle, 456-457.
prit remplit d'amour l'âme Ascension, est, en un sens, la
des apôtres, 401-402 croire ;
— plus grande des fêtes de No-
à l'amour du Christ pour tre-Seigneur, 365 nous est
;

nous est source de fidélité, représentée d'une façon con-
438 sq. ; —
explique tous les forme à notre nature. 366; —
mystères de Jésus, 438 ; — le Christ assis à la droite de
amour créé du Christ, 446- Dieu, 367; —
raisons de cette
447 ;

nous révèle son
- exaltation, 368 sq. com- ;

amour incréé, incompréhen- ment le Père glorifie son Fils,
sible pour nous, 447-448, 462- 370-371 ;

pourquoi le Christ
463 ; —
éclate dans tous ses a choisi le mont des Oliviers
bienfaits, 449 l'amour — pour s'élever aux cieux, 372;

;

seul répond à l'amour, 450; seul, il a le droit de péné-


— doit être affectif et ef-
il trer au ciel, 372-373 com- ;

fectif, 450-452 ; se ramène — ment il nous donne part a
à l'état de grâce sanctifiante, son ascension, 373-376 ;

454 ;

donne la fécondité à sentiments que produit en
notre vie, 455 vertu la;
— nous la contemplation de ce
plus parfaite, 456 quali- ;
— mystère, 377 sq. ; —
le Christ
tés que doit avoir notre monte au ciel pour nous y
amour pour Dieu, 461 sq.; — préparer une place, 380 ;

l'amour fait surmonter les il y entre comme notre Pon-

difficultés, 464. Voir Cha- — tife, 381-384; —


il nous fait

rité. pénétrer à sa suite dans le


Amour maternel. Dieu a mis ciel, 385; —
nous introduit
dans cœur des mères une
le avec lui dans le sanctuaire
étincelle de son amour pour de la divinité, 387-388 vi- : —
nous, 187. vre au ciel par la pensée et le
Ancien Testament, toute sa re- désir,389; —
pourquoi il était
ligion remplie de l'idée du nécessaire que Jésus quittât
Rédempteur promis, 113 ;
— cette terre, 391-392.
n'est qu'une longue attente Ascèse qui ne se rèirle pas sur
du Messie, 118, 129 ; — les lespréceptes de l'Évangile est
prophéties sont une confir- suspecte, 274-275. Voir —
mation de notre 123-124; foi, Vie spirituelle.
— tout était figure des réa- Augustin (S.). Le « Christ to-
lités à venir, 381-382 l'es- ;
— tal », 16; — la célébration
prit de servitude et de des mystères du Christ en
crainte, 458-459. renouvelle la grâce. 29; —
Anges ont été soumis à l'é- nous approchons du Sauveur
preuve, 221-222. par les élans de notre foi, 33 ;

Apparition du Christ à ses apô- — leVerbe incarné se mon-


tres au Cénacle. 346-347. tre Dieu et homme. 69. n. 1 ;
518 INDEX ANALYTIQUE

— Jésus au puits de Jacob, Béatitudes, les huit béatitudes,


82-83 ;
— les membres du charte évangélique des pau-
Christ doivent souffrir comme vres et des humbles, 270-271.
leur chef, 317; la Résur- — Bernard (S.). Dans le Christ,
rection marque l'aurore de la l'humain se trouve uni au di-
glorification de Jésus, 365; — vin, 70, n.
la blessure du côté du Sau- Béthanie, la maison de Lazare
veur, 450; — le Christ, voie était le home de Jésus, 265-
et terme, 477; — sans Jésus 266.
nous ne pouvons rien faire, Bienheureux, leur état dans le
480; —
s'animer à l'exemple ciel, 231.
des saints. 481-482. Blosius. La vie de Jésus-Christ
Avent, pourquoi ces semaines objet de notre contemplation,
de préparation, 122 sq. ; — 10, n.a; —
nous pouvons nous
nos dispositions durant l'A- approprier les mérites du
vent, nos désirs, notre con- Christ. 18-19.
fiance, 126 sq.; demeurer — BossuET.Les mystères du Chris-
unis à la Vierge en ce saint tianisme se présentent d'a-
temps, 131 sq. bord aux sens pour nous me-
ner aux réalités invisibles, 26-
Baptême de Jésus, pourquoi le 27 ;
— comment il faut con-
Sauveur a voulu se faire templer Père dans le Fils et
le
baptiser, 211 sq. ; contient — le Fils dans le Père, 44 n. 1;
le résumé de sa mission ici- — à la messe nous formons
bas, 217-218. une même oblation avec le
Baptême, sacrement purifie et ;
Christ, 428-429; — efficacité
transforme les âmes en re- ; de l'amour. 464. n. 1.

nouveler souvent les promes-


ses, 214; —
est le sacrement Carême, pourquoi l'Église nous
de l'adoption divine et de y rappelle la tentation du
l'initiation chrétienne, 218- Sauveur, 233; —
et met sur
219; —par le baptême nous nos lèvres le psaume 90e ,

avons été ensevelis avec le 234.


Christ pour mourir au péché, Catherine de Sienne (S ) No- te
.

342, 350-351 —
pourquoi
;
tre-Seigneur lui montre com-
dans la primitive Église, on ment il s'est fait semblable à
l'administrait la nuit pascale nous, 15; —
par l'union des
et à la Pentecôte,
350; — deux natures, le Christ a jeté
nous fait participer à la ré- un pont entre le ciel et la
surrection de Jésus, 350 sq. ; terre, 91, 92.
— nous donne le droit d'en- Chautard (Dom J.-B.). «L'âme
trer au ciel, 373-375. de tout apostolat », 204, n. 2.
Béatitude éternelle, prix des Charité théologale, ajoute une
mérites du Christ Jésus. 385. efficacité nouvelle aux actes
489-490. —
Voir Ciel. des autres vertus, 455-456 ;
INDEX ANALYTIQUE 519

— la plus parfaite des vertus, ment la dévotion au sacré


460; — Voir Amour. Coeur nous rappelle les bien-

Chemin de la croix, dévotion faits du Christ, 448-449 ;^

chère aux fidèles, 321-322; — sentiments du cœur de Jésus


son efficacité souveraine, 322 pour son Père et pour nous,
sq. ; —
nous y puisons les 453-451 ;

pourquoi cette dé-
mêmes grâces que si nous votion doit nous être chère,
avions suivi Jésus du prétoire 456; —
son efficacité, 457 sq.,
au Calvaire, 325 s'unir — 4G4. —
Voir Amour.

;

aux dispositions du Christ en Communion. Voir Eucha-


parcourant la voie doulou- ristie.
reuse, 326 stations du
; — CONCILE DE TRENTE, Uti-
chemin de la croix, 327 sq. lité des rites extérieurs de la
Christianisme, sublimité de la liturgie, 27, n. 2; notre sa- —
vie chrétienne,62-63 — c'est ; lut un don de la miséri-
est
l'amour de Dieu se manifes- corde divine et une récom-
tant au monde, 463. — Voir pense de nos mérites, 220, n.
Adoption divine. 1 ;

le sacrifice de la messe,
y exerce son
Ciel, le Christ sa- le même que celui du cal-
cerdoce éternel, 101 sq., 385- vaire, 417, n. 3.
386 ;

notre adoption attein- Condescendance de Jésus en-
dra sa perfection dans le ciel, vers les pécheurs, 252 sq. ;

290; —
gloire qui nous y at- 272.
tend, 291 —
Jésus-Christ a
; Confiance dans la vertu tou-
le droit d'y entrer, 373 il ;
— jours agissante de la divinité
nous y fait pénétrer à sa de Jésus, 21 ;

en sa sainte
suite/ 373-376, 385 dès ;
— humanité, 80 sq. en la ; —
cette vie, habiter le ciel par médiation du Christ notre
la pensée et les désirs, 376- pontife, 100 sq., 381 sq.; —
377, 389 —
le Christ nous y
; confiance qui doit remplir nos
prépare une place, 380; — âmes pendant l'Avent, 128-
notre bonheur dans le ciel, 130 ;

avec laquelle nous de-
prix des mérites du Christ. vons nous approcher de l'en-
385, 560-561. fant de la crèche, 146-147; —
Cœur du Christ, pourquoi l'É- confiance que font naître en
glise clôt le cycle des mystè- nous les promesses contenues
res du Christ par la fête du dans le psaume 90 e 234; ,

sacré Coeur, 440 cette dé- ;
— que nous devons avoir dans le
votion plonge ses racines dans Christ aux heures de combat,
le dosrme chrétien, 443-445; 237; —
sa source première
— objet de cette dévotion. est dans la miséricorde di-
442, 445-448 ; amour hu- — vine. 261 sq.; —
trouve un
main du cœur de Jésus, 446- accroissement dans la péni-
447 ;
—nous révèle l'amour tence, 263 sq.; —
le regard
-du Verbe. 447-448 com- : — sur Jésus en croix, motif de

520 INDEX ANALYTIQUE

confiance, S12. Voir Foi — Détachement des créatures^


dans les mérites du Christ. fruit de la grâce pascale, 356-
Consolations sensibles, ne pas 357.
les rechercher pour elles-mê- Dévotion, ce qu'elle est, 441;
mes attacher, 296;
ni s'y — à Jésus-Christ, 441-442; au —
Dieu permet parfois qu'on en sacré Cœur. Voir Cœur du
soit privé après la commu- Christ; —
aimer les dévo-
nion, 422. tions approuvées par l'Église.
Coopération, voir Fidélité, Vie 444.
Spirituelle. Dévotion sensible, 296.
Création, est le fruit d'une pen- Dieu, l'humanité de Jésus nous
sée éternelle, 56-57. révèle ses perfections, 88
Croix, adoration de la croix, le 248 —
plan divin de notre
;

Vendredi saint, 308-309; — prédestination, 16, 471 sq. ;

par la croix, le Christ a dé- — crée toutes choses par son


truit le péché et mérité toute V'-rbe, 56; de toute éter- —
grâce, 310 sq. ; —
notre croix nité, nous voit en son Verbe r
est une part de celle de Jé- 56-57 —
se révèle et nous at-
;

sus, 315, 329, 333-334; le — tire à lui dans l'enfant de


Christ a accepté la croix pour Bethléem, 146 sq. est ;

lui et pour ses membres. 329: lumière, 159-160 nous ;

— pourquoi il a voulu se faire pouvons le contempler sous
aider à porter sa croix, 333. !e l'humanité du
voile de
— Voir Chemin de la croix. Christ, veut sauver
161 ;

Sacrifice du Christ. Souf- tous les hommes, 165 nous ;

frances. appelle et nous conduit à son
Fils, 169-170; — est porté à
David. Comment il dépeint à se communiquer. 182 ;
— se
l'avance tous les traits du communique au Christ et, par
Messie, 115-116. le Christ, à nous. 182-183; —
Découragement, vue de no-
la économie divine Dieu nous :

tre infirmité ne doit pas nous renvoie à son Fils, 293-294.


décourager, 128-129, 480-481. 543 ; —
considéré par certai-
487. nes âmes comme un maître.
Démon, ne pouvait savoir si le 458-459 ;

un bienfaiteur.
Christ était le Fils de Dieu. 460 ; —
veut surtout être re-
225 ; —
connaît la nature hu- gardé comme un Père, 461
maine, 226 —
a poursuivi
; sq. ;

son amour est incom-
Xotre-Seieneur sans relâche. préhensible, Jésus nous le
227; —
nous tente, 228; — fait comprendre. 462-463; —
un de ses pièges les plus dan- veut notre sainteté. 467 sq.;
gereux, 274. voit en son Verbe les modes
Dépendance, comme créature-. divers dont les créatures peu-
52; —
à l'éggfd de Dieu. 53- vent refléter ses perfections
54. 76-77. 471.
INDEX ANALYTIQUE 521

Direction spirituelle, 172-173. proclame les noces de l'É-


Dons du Saint-Esprit. Voir — glise avec l'Époux, 166; —
Esprit-Saint, Pentecôte. généreuse fidélité de la foi
des mages; comment l'imi-
Écriture Sainte, efficacité de la ter, 169 sq. ; symbolisme —
parole divine pour repousser des présents apportés par les
les assauts du démon, 235-236. mages, 175 sq. ce que ;

— Voir Évangile. nous pouvons offrir à Dieu..
Église, corps mystique du 176-177; —
l'Epiphanie se re-
Christ, 16 ;

prolongation de nouvelle pour nous, 178-179.
l'Incarnation, est pour nous Épreuves. —
Voir Souffrances.
la voie, la vérité, la vie, 25 ; Esprit-Saint, par ses touches
— Dieu veut que nous recou- divines, reproduit en nous les
rions à elle pour avoir lumière traits du Christ, 30; c'est —
et 172 ;
direction, le — par son action que le Christ
Christ a choisi Pierre pour est consacré pontife, 91 ;

fondement de son Église, 261- que le prêtre est consacré,
262; —
le Christ a aimé l'É- 104 ;

la mission de l'Es-
glise et s'est livré pour elle. prit-Saint achève l'établisse-
299 sq. —
il l'a sanctifié par
; ment de l'Église, 393 ;

son sacrifice, 310-313 ;
— pourquoi cette mission rentre
comment, dans sa liturgie, dans le cycle des mystères de
elle mêle des accents de Jésus, 392-393; ce qu'est —
triomphe à sa compassion en le Saint-Esprit dans la Trini-
célébrant les douleurs de son té, 394-395 ;

il est envoyé

Époux, 318-319 —
se réjouit
; par le Père et
le Fils, 396;
à l'Ascension de Jésus, 378 — Christ devait être glori-
le

sq. ; —
l'envoi de PEsprit- fié pour que le Saint-Esprit
Saint achève de l'établir, fût envoyé, 397; quelles —
393, 404-405; —
avec quelle sont les œuvres attribuées au
insistance l'Église appelle la Saint-Esprit, 399; ses opé- —
venue de l'Esprit-Saint à la rations divines dans les apô-
Pentecôte, 406-407; orga- — tres, 400-404 abondance ;

nisme vivant qui se déve- de ses dons dans la primitive
loppe, 443-444 ;

combien Église. 405 son action
;

elle est unie au Christ, 466. permanente dans l'Église,
Enfant prodigue, le père le re- 406-407 ;
— comment sa ve-
çoit dans son sein, 127-128; — nin- son opération se re-
et
raison de cette parabole. 253- nouvellent en nous, 407-408
254. — hôte de nos âmes, 409; — ;

Epiphanie, importance de cette ne pas P « éteindre » ni le


fête, 161-162; ce que si- — « contrister », 409-410 ;

gnifie l'appel des mages à la nous enseigne l'esprit d'adop-
crèche. 162 sq. ;
— avec tion. 410: —
nous fait con-
quelle allégresse la liturgie naître le Fils, ttO-411: — la
INDEX ANALYTIQUE

prière et l'humilité l'attirent ment, 430 sq. —


la foi, né-

;

en nous, 411. Voir Pente- cessaire pour nous unir au


côte. Christ, 434435 ; — la sainte
Eucharistie, par la sainte com- communion nous unit au
munion, nous recevons le Fils Christ et, par lui, au Père et
de Dieu, 61; —
nous commu- au Saint-Esprit, 435-436. —
nique le fruit de chacun des Voir Messe.
mystères que nous célébrons, Évangile, nous y apprenons à
105-106;— nous donne celui connaître Jésus, 23.
qui était l'enfant de Beth- Expiation du Christ, a une va-
léem, 157; — Christ ressus-
le leur infinie, 97; par son —
cité, avec toutes ses grâces, Incarnation, Jésus a expié
358 ;

dans la sainte commu- nos péchés, 148-149. Voir —
nion, Jésus nous incorpore à Sacrifice.
lui et nous mène avec lui in
sinu Patris, 387-388; — l'Eu- Faiblesses, quand nous nous
charistie, m\ stère de foi, 414- sentons faibles, crions vers
415; — perpétue la mémoire Dieu. 330; —
sans la grâce
de Jésus, 416 sq. le ;
— nous ne pouvons rien, 480. —
Christ y est présent avec sa Voir Misères.
triple vie terrestre, glorieuse Femme adultère, 260 sq.
«t divine, 418-419; souve- — Filiation divine, à la filiation
nir de la passion du Sauveur. éternelle de son Fils, Dieu
417, 431-432 —
et des autres
; ajoute une filiation de grâce,
mystères du Christ. 418-419: 52-53 ;
— la foi nous fait par-
— figuré par la manne, 420- tager la divine du
filiation
423; —
l'Eucharistie est le Verbe incarné, 59-60 ; le —
a pain vivant ». 421; le — Christ est l'auteur de notre
festin de l'âme, 421-422; — génération divine, 143 no- ; —
ce qui est requis pour la re- tre vie surnaturelle et divine.
cevoir, 422-423 —
le prix des
; 144 ;

la filiation du Christ
souffrances et de la mort du lui imposait des devoirs au-
Christ, 423; —
la preuve de dessus des devoirs humains,
son amour, 423 nous y;
— 199 ; —
rendait tous ses actes
trouvons Jésus dans chacun agréables à Dieu, 202-203 ;

de ses états et de ses mystè- par elle il est un avec son
res, 424 sq. —
nous transforme
; Père, 243. —
Voir Adoption
dans le Christ, 425, 479; — divine, Union hypostatique.
par la sainte communion toute Fidélité à la grâce, 168 sq. :

la vie de Jésus passe en nous, 275; 443; 501-502; malgré —


425-426; —
nous fait parti les épreuves, 297 à parti- ;

ciper parfaitement au sacri- ciper aux mystères du Christ,
fice du Christ, 429-430; — 362 ;
—aux inspirations du
profonde révérence que nous Saint-Esprit, 409-410.
devons avoir envers ce sacre- Foi. sn nécessité [>our compren-
INDEX ANALYTIQUE 523

dre lesmystères du Christ ,31, 287 ; — avoir toujours présente


413 ;

nous met en contact aux yeux de l'âme la convic-
vital avec le Christ dans ses tion que Jésus est Dieu, 288
mystères, 32, 357 croire ; — — faiblesse de la foi des apô-
;

que Jésus est asorti de Dieu», tres avant la Pentecôte, 289;


50-51 ;

la foi nous fait re- — la foi est une lampe au rai-
cevoir le Fils de Dieu et ac- lieu des ténèbres, 295 ; — d'a-
cepter ce qu'il nous dit, 59 près la mesure de notre foi,
sq. ; 74-75; —
la foi en sa di- le Christ nous donne une par-
vinité, première attitude de ticipation à ses vertus, 325;
l'âme en face du mystère du — nécessaire pour recevoir le
Verbe 74 sq. ;
incarné, — S. Esprit, 398 combien elle
;

comment le Père éternel la est nécessaire pour recevoir
réclame de nous, 75-76, 288; l'Eucharistie, 413-414; foi —
— elle est source d'adoration, dans les mérites du Christ,
76; —
confirmée par les pro- malgré nos misères, 481 sq.
phéties,123-124 nécessaire
; — Force des apôtres après la des-
pour voir Dieu dans le Verbe cente du Saint-Esprit, 402-
incarné, 154 sq., 174-175; — 403.
nous fait participer à la con- François d'Assise (S.). Son
naissance que les divines per- amour pour Dieu, 451.
sonnes ont l'une de l'autre, François de Sales (S.). Com-
156 ; —
grand bienfait de l'ap- ment chacune de nos facultés
pel à la foi, 167; comment — doit être soumise au Christ.
les mystères du Christ aident 76 n. 7.
et exercent tout ensemble no-
tre foi, 209-210, 413-414; — Gay (Mgr). Efficacité du re-
elle est une lumière, source de gard sur Jésus et ses mys-
notre vie surnaturelle, 216 ; — tères pour notre sanctifica-
notre foi dans le Christ, fon- tion, 36 n. 2.
dée sur le témoi<rnage du Pè- Gertrude (S**) . Ce que Jésus
re éternel, 216-217 ; dans la — lui dit en la fête de l'Ascen-
mesure de notre foi nous de- sion, 387.
venons invulnérables à la ten- Gloire éternelle. — Voir Ciel.
tation, 235-236; est l'arme — Grâce sanctifiante,élément fon-
par excellence dans la tenta- damental de similitude di-
tion, 236 ;

comment le vine, 54-55, 474 ;
— la grâce
Christ atteste sa divinité pour dans le Christ, 72-73; — la
fonder notre foi, 244-245; — sainte humanité, source de
est « l'œuvre » que Dieu nous toute grâce. 80-81 la grâ- ;

demande, 246 nous rend
;
— ce sanctifiante divinise notre
enfants de Dieu, est source de activité, 203 le pardon ; —
toute grâce, 246-247; nous — des péchés est le triomphe
donne de connaître le Christ de la grâce, 263 se gar- ;

comme son Père le connaît. der des infidélités à la grâce.
524 INDEX ANALYTIQUE

275-271) : — par la grâce, nous — chef-d'œuvre de la sagesse


sommes le temple de Dieu. etde l'amour, 79,112 c'est ;

419; —
les enfants de Dieu, par elle que Jésus possède
473-474 ;
— comment Dieu son sacerdoce, 89 sq. ;

préordonne toutes choses in pourquoi Dieu a voulu une si
laudem gloriae gratiae suae, longue préparation à ce mys-
489 sq. —
Voir Adoption di- tère, 112 sq. promise ; —
vine. après la chute de nos pre-
Gratia unionis dans le Christ, miers parents, 114; se ra- —
73. —Voir Union hyposta- mène à un échange entre la
tique. divinité et l'humanité, 136
Grand Prêtre, son entrée dans sq. ; 181 sq. ; —
rend Dieu vi-
Je Saint des saints figurait sible et passible, 146 sq. ;

celle du Christ dans le ciel. détruit le péché et rachète le
382 sq. monde, 148-149; dès l'In- —
Grégoire de Nazianze (S.). Il carnation le Christ inaugure
faut avoir l'intelligence des son sacrifice, 149-150; est —
mystères que nous célébrons. une révélation de la lumière
26. divine, 161 ;

s'accomplit au
Grégoire le Grand (S.). La moment du Fiat de la Vierge,
divinité revêt notre chair 185. — Voir Union hyposta-
mortelle, 152 suivre le:
— tique.
Christ au ciel par le cœur, Infirmités. — Voir Faiblesses.
j?7; —
être hostie avec le Misères.
Christ. 429: les œuvres, — Isaïe. En quels termes il parle
preuve de l'amour, 452. du Messie à venir, 116-117.

Humilité, doit nous faire dépo- Jean-Baptiste, (S.). Sa sainteté


ser notre activité aux pieds et la grandeur de sa mission.
de Dieu, 53-54 ;
— attire en 120-121 —
sa prédication et
:

nous le Christ,
126; l'hu- — son baptême, 210 sq.
milité du Christ nous guérit Jésus-Christ, la connaissance
de notre orgueil, 150, 330; — de son mystère, source de
le Christ s'est humilié en se toute notre vie spirituelle, 7
faisant baptiser. 211 ;
— sq. ; —
nous révèle Dieu et
nous humilier de nos fautes, ses perfectibÉts, 8-9, 14. 47-
330; — Jésus a, touché le fond 49, 71, 248; — en lui nous
de l'humiliation, 343; at- — avons et pouvons tout. 7, 10.
tire en nos âmes l'Esprit- 129-130; 311-312, 481 sq.; —
Saint, 411; naît en nous— nous devons le contempler, 8
de la vue de notre impuis- sq.; —
son amour pour son
sance. 480. Père,12-13, 302; c'est pour —
nous que Christ a vécu
le
Incarnation, comment par elle tous ses mystères, 12-13 ;

se réalise le plan divin, 58; il est notre exemplaire. 14-

INDEX ANALYTIQUE 525

15, 148; — il est la vigne, — unis à lui dans l'épreuve,


nous sommes les branches,18 ; nous le serons dans la gloire,
— de sa plénitude nous rece- 64; —
Pcrfectvs Deux, per-
vons toute grâce, 18-19; — fectus homo, 66-69, 141 ; —
toutes ses richesses sont nô- dans toute la vie du Christ on
tres, 19; —
le fruit de ses voit se manifester et sa di-
mystères et de ses mérites vinité et son humanité, 69-70.
se continue toujours, 19 sq. ;
413-414: —
ses deux natures
— mérité pour hommes
a les gardent chacune leurs opéra-
de tous temps, 19, 124
les ; tions spécifiques, 71 ; com- —
— comment exerce son sa- il ment son activité humaine a
cerdoce éternel dans le ciel, son soutien dans la divinité,
20-21, 101 sq., 381-384; — la 71 ;

toutes ses actions ont
lecture de l'Évangile nous une valeur divine,72; pour- —
apprend à le connaître, 23 quoi le Père éternel trouve

;

ses mystères revivent pour dans le Christ ses complai-


nous par la liturgie, 24-25 ; sances, 72-73 ; grâce dans —
— en chacun d'eux le Christ le Christ, 73-74 nous le ;

produit en nous la grâce qu'il recevons par la foi, 74-75; •

a méritée en les vivant, 26-30. Jésus proclamé Fils de Dieu,


281-282 ; —
reproduire en nous par la voix du Père; nous de-
l'image du Christ est un tra- vons accepter ce témoignage,
vail surnaturel, 30 ; — ses 75 sq., 215; —
combien il se-
mystères doivent être con- rait dangereux de vouloir se
templés avec foi, révérence et passer de la sainte humanité,
amour, 31 sq. nous de-
; — 78 sq. —
nous lui devons ado-
;

vons l'adorer dans ses abais- ration et confiance, 80 sq. ; —


sements comme dans sa Je Christ accomplissait ses mi-
gloire, 33-34, 431 l'amour ;
— racles par le contact de son
est au fond de tous ses mys- humanité, 80-81; comment —
tères et les explique tous, 34, l'humanité nous mène au
438; —
Jésus révèle sa di- Verbe, 81-82 la force di-
; —
vinité à l'âme qui le contem- vine du Christ nous a créés, la
ple dans son humanité, 34-35 ; faiblesse de son humanité
— il est le Fils de Dieu in- nous a rachetés, 83 les ;

carné, 40 sq. —
ne cesse de
; noms de Jésus et de Christ
proclamer qu'il tient tout de déclarent sa mission. 85, sq. ;

son Père, 45-46 par ;


— — il est roi, 85-86; pro- —
amour pour son Père, il se phète, 86-87 pontife et ; —
livre à son bon plaisir, 49-50, sauveur, 87-88 devient ; —
370 ;

c'est par le Christ pontife par son incarnat ion ,89
que se réalise notre adoption sq. —
consacré par Ponction

;

divine, 472-473;
56-57, du Saint-Esprit. 91 inau- ;

comment il ramène à son gure son sacrifice dès son
Père l'humanité déchue, 58: incarnation .93-94. 149-150: —
526 INDEX ANALYTIQUE

comment l'ombre de la croix dans son temple en Dieu ca-


planait sur toute sa vie, 94; ché, 191-192 ; —gloire infinie
— avait soif de consommer qu'il y donne à Dieu, 192; —
son sacrifice,94-95, 300 ; di- — perdu à Jérusalem, 195 sq. ;
vers actes de son sacrifice, 96- — sa vie cachée à Nazareth,
99; —
devenu « péché » pour 200-203 ;

pourquoi le Christ
nous, 97, 211-212, 335; — se fait baptiser par le Pré-
fruits de son sacrifice,99-100 curseur, 211 sq. ; —
sa mis-
— son immolation renouvelée
;

sion revêt un double aspect,


par le saint sacrifice de la 215-216; —comment le Père
messe,] 04 sq.; —
pourquoi sa présente son Fils au monde,
venue ici-bas a été préparée 216-218 ; —
raisons du mystère
par une longue attente, 112 de la tentation du Christ, 220-
sq. ; — Messie promis aussitôt 223; — ne peut connaître le
après la chute de nos pre- péché, 224 ; —
son impeccabi-
miers parents, 114; —
annon- lité, 229 sq.; —le Christ
cé par Daniel, Isnïe et tous n'abandonne pas ses disciples
les prophètes, 115-117; — dans Ja lutte, 2o7; —
se ma-
combien le Christ aimait les nifeste par ses actes et ses
pécheurs, 128, 252 sq., 262- paroles comme le propre Fils
263; —
à Bethléem, 138; — de Dieu, 240 sq. ;

comment
en lui il y a deux natures et il proclame sa divinité, 241-
deux vies, 138-142; vient — 244; — témoigne qu'il est un
nous communiquer sa vie,142- avec son 1ère, 243-:; 44; at-—
143 ;

l'Incarnation le rend teste sa divinité pour fonder
visible, — passible,
146-148; notre foi, 244; —
sa mission
148-150; — comment expie il est de manifester sa divinité
le péché et nous rend la vie au monde, 245; —
de toutes
divine, 150 — réalise, dès sa
; les perfections divines, c'est
naissance, sa mission de ré- l'amour qu'il se piaît davan-
dempteur,150-152 — son hu-; tage à nous révéler, 248-249;
manité nous révèle et tem- — premier miracle à Cana,
père pour nous la lumière di- 249; — se révèle plein de
vine, 161, 477; —
pourquoi il bonté pour tous, 251 sq. ;

se manifeste d'abord aux ses larmes, versées à la mort
juifs, puis aux gentils, 163 de Lazare, nous dévoilent
sq. ;

comment nous sommes l'amour de Dieu,251 ; s'en- —
attirés à Jésus par le Père, tretient avec ia samaritaine,
169-170, 217; — est lui-mê- 255 sq. ; —
pardonne à Marie-
me notre suppléance, 177-178; Madeleine, 258 sq. à la
;

— comment Dieu se commu- femme adultère, 260; la —
nique au Christ et par le révélation de ses miséricordes
Christ à nous, 183 ; joies — est pour nous une source de
de Jésus de se sentir aimé confiance, 261 sq. ; —
choisit
par la Vierge, 18*: vient — Pierre pour fondement de ^on
INDEX ANALYTIQUE 527

Eglise, 261-262; son ami-— — produit en nous les vertus


tié pour Lazare et ses sœurs, que nous contemplons en lui,
265-266 ; —
sa sévérité envers 324-325 ;

du prétoire au cal-
les Pharisiens, 267 sq. ; — vaire, 326 sq. ;
— est le saint
pleure sur Jérusalem ,275-276; par excellence, 344 son ; —
— le dogme de la divinité de humanité soumise à nos infir-
Jésus, fondement de notre vie mités, sauf le péché, 346; —
spirituelle, 278; toute sa — premier élément de la sain-
vie pleine de signification, teté représenté dans le Christ
281-282; —
est le grand sa- ressuscité, par l'éloignement
crement de la loi nouvelle, de tout ce qui est mort et fai-
281 ; —
sa divinité était voi- blesse, 346-348; —
le second,
lée, 283-285 ; —
sur le Thabor, par l'adhésion à Dieu ; vit
il laisse rayonner sa divinité, pour son Père, 348-349 la ;

285; —
l'écouter, c'est écou- vie du Christ ressuscité, mo-
ter le Père, 293-294 ; com- — dèle de la nôtre, 349 sq. ;

ment il nous parle, 294-295; ne vit que là où il règne, 355-
— c'est lui seul que nous de- 356 — « prémices de ceux
vons écouter et suivre, 295-
;

qui dorment », 360-361 ; —


296; — sa passion, point cul- assis à la droite de Dieu, 367-
minant de son œuvre, 360 368; —désormais il demeure

;

le Christ a aimé l'Église, seule source de salut et de


301 sq. ; — il a voulu subir vie, 367-368; —
raisons de son
lamort de la croix par amour exaltation, 368-372; —a seul
pour son Père et pour nous, le droit de pénétrer dans le
302-303; —
liberté avec la- ciel, 373; —
ce n'est que par
quelle il s'est offert, 303-304 lui que nous pouvons y en-
— s'est livré tout lui-même
;

trer, 373-374; —
nous y pré-
aux douleurs de sa passion. pare une place, 380; pé- —
305 sq. ; —
ses humiliations nètre dans les cieux comme
et ses souffrances, 306 sq. notre Pontife, 381 sq. ;


;

par son oblation il a sanc- nous y introduit à sa suite,


tifié l'Église, 309 sq.; a — 385 ;

nous mène avec lui in
mérité pour elle toutes les rôtit Patris, 387-388; — nous
grâces, 310-311; —
c élevé soutient dans nos épreuves,
de terre j'attirerai tout à 388-389 : — pourquoi la mis-
moi », 312-313; —
le Christ sion du Saint-Esprit lui ap-
a souffert comme chef de l'É- partient, 392-393 pourquoi;

glise et nous a laissé une part il fallait que le Christ fût
de ses souffrances, 317 ; — glorifié avant de nous envoyer
objet des complaisances de le Saint-Esprit, 397-398; le —
son Père durant sa passion Saint-Esprit nous apprend à
comme dans sa gloire, 323- connaître Jésus, 410, 411 ;

324 ;
— fait éclater ses vertus comment le Christ a donné à
au cours de sa passion, 324: la sainte Eucharistie le carac-
528 INDEX ANALYTIQUE

tère de mémorial, 416 sq. ;


— veut glorifier le Christ par
y est présent avec sa triple notre sainteté, 489-492.
vie terrestre, glorieuse et di- Joie, connaître le Christ est
vine, 418-419; ce —
pain vi- source de joie, 11 ; —
découle
vant descendu du ciel », 421 ; de contemplation de ses
la
— l'Eucharistie prix des souf- mystères, 35 —
de la fête de
;

frances du Christ et de son Noël, 153-154; —


écouter et
immolation, 423: nous — accomplir la parole de Dieu
-donne dans l'Eucharistie la procure la joie, 207-208; —
:rrâce et la vertu de chacun Pâme qui se ferme aux bruits
de ses mystères. 424427; — de la terre trouve la joie en
à la sainte messe, le Christ Dieu, 296; —
pourquoi l'as-
nous introduit avec lui dans cension du Sauveur nous ré-
le sanctuaire de la divinité. jouit, 378-379 est un
;

429; —
plus il se voile dans des effets de l'Eucharistie.
FEucharistie, plus nom* de- 422.
vons l'adorer, 431-432 par ;
— Juifs, pourquoi le Christ s'est
la sainte communion nous d'abord manifesté à eux, 162-
unit au Père et au Saint-Es- 163.
prit, 435-436; son cœur, — Justice. Jésus écrasé sous le
symbole de son amour pour poids de la justice divine,335,
nous, 442, 445-448 ;
— son 337 ; —
exigences de cette jus-
amour créé, 446-447 ;
— son tice manifestées dans les souf-
amour incréé, 447-448; 462- frances du Christ, 336.
463 ;
— amour affectif et ef-
fectif dans le Christ. 453-4") i ; Léon (S.). Union des fidèles au
— Christ nous apprend la
le Christ dans ses mystères, 17.
véritable attitude en face de n. 4; —
îe Christ, vrai Dieu
Dieu, 460 sq. forme a ver
;

— et vrai homme, 70; la foi —
l'Église le « Christ total ». doit accepter et la divinité et
466; —
la vue de l'inutilité l'humanité du Sauveur,76; —
de son sang pour tant d'âmes dignité du chrétien, 154; —
est une des sources de ses sens de la Transfiguration.
souffrances. 468-469; com- — 282 n. 1 283 n. 1;
; les dis- —
bien il désire amener les âmes ciples, témoins de la transfi-
à son Père, 469 interprète ; — guration représentaient l'É-
d'une façon universelle les glise, 286 n. 4; —
comment
perfections au Verbe. 472- les membres du Christ par-
473; —
voie, vérité, vie. 475- ticipent à sa gloire, 291 n. 2:
479; —
lumière qui nous gui- — souffrir ici-bas pour arriver
de, 177-478; —
est notre sain- à la fé'icité éternelle, ne pas
teté. 479 ;

nous transforme craindre les épreuves, 296 n.
en lui par la communion, 479: 1 ;
—nous pénétrons dans le
— nous devons demeurer
lui ciel avec le Christ. 375 n. 1;
unis, 486: — comment Dieu — la foi des disciples «lier-
INDEX ANALYTIQUE 529

che le Christ près du Père, 358; — son amour pour Dieu,


397. 451.
Léon XIII, le culte du sacré Marie d'Oignies (S te ). Com-
Cœur, 448, 457. ment Xotre-Seigneur se
Liberté avec laquelle le Christ montrait à elle aux différen-
s'est offert,303-304 ;
— liberté tes fêtes, 106.
spirituelle dans laquelle le Mechtilde (S te ). Ce que nous
mystère pascal doit nous fai- devons offrir à Dieu au jour
re vivre, 351-353, 357, 361. de l'Epiphanie, 177 le ;

Liturgie, nous fait connaître le Christ unit nos souffrances
Christ en faisant revivre ses aux siennes, 333.
mystères, 24-25; utilité des — Mercier (Card.). Par le Christ
rites extérieurs, 27; com- — nous allons droit à Dieu, 7
ment nous prépare pen-
elle n. 2.
dant l'Avent à la venue du Messe, rappelle et reproduit
Christ, 125-126, 130-131. — l'immolation du Calvaire, 104,
Voir Alléluia; Ascension, 314, 417; —
comment le prê-
Avent, Baptême, Carême, tre s'y identifie avec le Christ,
Église, Epiphanie, Eucharis- 105; —
pourquoi l'Église ne
tie, Messe, Nativité, Pente- célèbre aucun des mystères
côte, Postcommunion, Pré- de Jésus sans offrir le saint
sentation, Sacré-Cœur, Se- sacrifice, 105 sq. offrons
;

maine-Sainte, Toussaint, le Christ à son Père, 178,195 :

Transfiguration. — nous y recevons les mê-


Louis de Biois. Voir Blo- — mes grâces que si nous avions
S1US. été au pied de la Croix, 314

;

nous unir au Christ immo-


Mages. —
Voir Epiphanie. lé, 428-429; —
l'autel de la
Malédictions prononcées par le terre mis en relation avec
Christ contre les Pharisiens, celui du ciel, 428-429.
271-272. Miracles de Jésus, il les opère
Manne, figure du sacrement de sa propre autorité, 240-
eucharistique, 420-423. 241 ; —
l'eau changée en vin
Marie, Mère de Dieu. — Voir à Cana, 249.
Vierge Marie. Misères, la vue de nos misères
Marie-Madeleine (S te ) . Chez ne doit pas nous décourager.
Simon le Pharisien, 170, 258- 128-129;— comment le Christ
259, 264 ;
— pourquoi Jésus nous accueille avec bonté,
lui a montré tant de con- quelles que soient nos misè-
descendance, 263 ;
— com- res, 170, 252-253 ;
— le Christ
ment il intervient en sa fa- supplée à notre misère, 177-
veur, 266. 178; —
l'aveu de notre mi-
Marie-Madeleine de Pazzi sère attire la miséricorde de
(S te ) . Comment elle voit le Dieu, 330 ;

ne nous empê-
Christ, un jour de Pâques, chent pas d'approcher de

Le Christ dans ses Mystères


530 INDEX ANALYTIQUE

Dieu, 387-388; — les recon- des mystères de foi, cepen-


naître est une excellente dis- dant la lumière de la divinité
position pour recevoir l'Es- y brille, 209-210, 413-414; —
prit-Saint, 411-412. Voir — comment tous les mystères du
Confiance, Faiblesses. Christ sont contenus dans
Miséricorde divine, source pre- l'Eucharistie,418-419,424-427 ;

mière de notre confiance, 261- leur contemplation produit


263; —
est l'amour en face en nous la ressemblance avec
de la misère, 486-487 com- ;
— Jésus, 424.
ment Dieu veut être glorifié
par l'exercice de sa miséri- Nativité du Christ, avec quelle
corde, 486-487. splendeur l'Église célèbre
Mission du Saint-Esprit. — cette fête, 135 ce admira- ;

Voir Pentecôte. ble échange » entre la divi-
Mort, à l'heure de la mort, le nité et l'humanité, 136 sq.,
Christ nous aidera, si nous 152-153 ;

grâce intime du
sommes restés avec lui dans mystère, 136-137; l'enfant —
ses épreuves, 317-320 ;
— l'ac- de la crèche possède deux
cepter en expiation de nos vies, 138 sq. comment les
;

péchés, 328. trois messes de Noël rappel-
Mortification. Voir Pénitence. lent la triple naissance du
Mystères du Christ, sont les Christ, 139 — regard du Pè-
;

nôtres autant que les siens, 12 re éternel sur Verbe incar- le


sq. ;
— comment nous som- né, 139, 156 — Christ ; le
mes un avec Christ dans
le vient nous communiquer sa
ses mystères, 16 sq. leur
;
— vie divine, nous rendre en-
vertu demeure toujours, 19 fants de Dieu, 143 la ;

sq.; —
représentés par la li- contemplation de ce mystère
turgie, 24-25 ;

comment ils doit nous amener à laisser la
sont pour nous sources de vie divine s'épanouir en nous,
grâce et produisent en nous 144-146; —
dès sa naissance,
la srrâce propre à chacun Jésus commence à réaliser sa
d'eux,26-31, 281-282, 424-425; mission de rédempteur, 149-
quelles dispositions nous de- 150 ;

son humilité, son
vons apporter pour en re- obéissance, sa pauvreté, 150-
cueillir les fruits, 31 sq. ;
— 151 ;

diverses façons de
leur contemplation, ce source connaître le Verbe incarné,
d'eau vive », 34-35 ne ;
— 155-156; ce —
l'échange » se
sont jamais célébrés sans l'of- continue encore, 157-158.
frande du sacrifice de la Nazareth, le Sauveur y passe
messe, 105-106 ;

c'est en trente ans, 204.
participant au sacrifice que Nom du Christ, les noms don-
nous recueillons les grâces nés au Verbe incarné décla-
des mystères avec le plus d'a- rent sa mission et caractéri-
bondance. 106-107; ce sont— sent son œuvre, 85 sq. ;

INDEX ANALYTIQUE 531

l'Église adresse toujours ses 318 sq. —


pourquoi la con-
;

prières à Dieu au nom de templation des douleurs du


Jésus-Christ, 103-104. Christ est si féconde pour nos
âmes, 322-326 tous les dé-
; —
Obéissance du Christ à Marie tails en ont été prédits, 322-
et à Joseph, 200-201; il — 323; — dans ses souffrances
obéit jusqu'à la mort de la et ses abaissements, Jésus
croix, 327-328 nous unit à
;
— demeure l'objet des complai-
lui dans son obéissance, 328. sances de son Père, 323-324;
Oliviers (mont des) ,témoin des — vertus de Jésus durant sa
abaissements et de la gloire passion, 324-325; demander —
de Jésus, 372. à la Vierge de nous associer
Obstacles à la perfection, se ré- à sa compassion, 332; com- —
sument tous dans le péché,389. ment la passion nous est rap-
Oraison, pendant l'oraison, pelée dans la sainte Eucharis-
adorer et écouter Jésus, 295. tie,418, 431-432 Voir Che- ;

min de la croix.
Pâques, voir Résurrection. Paul (S.) , comment il prêche le
Parabole de l'enfant prodigue, Christ et met en relief les ri-
253-254; —
du pharisien et chesses de son mystère, 4-7 ;
du publicain, 268-269; des — — parle de notre union au
mines, 459. Christ, 16-17; de son sa- —
Passion du Christ, sur Tha- le cerdoce, 88, 91, 99-100, 101-
bor Jésus s'entretient de sa 102 ; — nous révèle le premier
passion, 299-300 ;
— elle est le mouvement de l'âme de Jé-
point culminant de l'œuvre sus, 93 ;
— sur le chemin de
de Jésus, 300 ;
— comment le Damas, 170-171, 173 sa ;

Christ accepte la mort par doctrine sur le baptême et la
amour pour son Père, 302; grâce pascale, 350-353 ;

— par amour pour nous, 303- nous montre le Christ péné-
304, 432 ;

liberté avec la- trant dans les cieux comme
quelle le Christ s'est livré, notre pontife, 381-382 ta- ;

303-304 ; il —
s'est offert bleau qu'il fait de ses souf-
tout entier aux douleurs de frances, 438-440 la convic- ;

sa passion, 305-306 exposé ;
— tion de l'amour de Jésus pour
des humiliations et des souf- lui, clef de toute son œuvre,
frances du Sauveur, 306- 439-440.
308; —
moyens de participer Pauvreté de Jésus dans la crè-
à la passion de Jésus la con- : che, 151.
templation de ses souffrances, Péché, détruit par le sacrifice
313 ;

l'assistance à la sainte du Christ, 310 nos péchés, ;

messe, 314; —
prendre notre cause des souffrances de Jé-
part de sa croix. 315-317 ;
— sus, 334-335 par le bap-
;

la passion ne termine pas le tême nous sommes morts au
cycle des mvstères du Christ, péché, 342 ;
— comment nous

532 INDEX ANALYTIQUE

devons le faire « mourir » son péché, 264 transformé


;

chaque jour, 351, 357. par la vertu du Saint-Esprit,
Pécheurs, combien le Christ 402-403.
leur a montré d'amour, 252 Piété. — Voir Vie spirituelle.
sq.; —
il est venu chercher Postcommunions du missel, se
non les justes mais les pé- diversifient dans leur objet
cheurs, 261-262 raison de;
— suivant les mvstères, 106-107.
sa condescendance à leur 426-427.
égard, 272. Présentation de Jésus au tem-
Pénitence, condition requise ple, pourquoi la Vierge a ac-
pour recevoir et sauvegarder compli cette cérémonie, 289
en nous le pardon divin, 263- sq. ;

le Christ vient dans le
264; 316. —
Voir Souffran- temple en Dieu caché, 191-
ces. 192; —
gloire qu'il donne à
Pentecôte, pourquoi cette solen- Dieu par l'oblation qu'il y
nité rentre dans le cycle des faitde lui-même,192 com- ;

mystères de Jésus, 392-393 ; ment la Vierge s'unit à cette
raisons pour lesquelles la des- oblation, 193-195; — la pro-
cente du Saint-Esprit n'a eu phétie du vieillard Siméon,
lieu qu'après l'Ascension, 397- 194.
398 —
les apôtres sont rem- Prière du Christ, sa prière sa-

;

plis de vérité, 400-401 ; cerdotale, 98-99 comment ;



d'amour,401-402 de force, ;
— il intercède pour nous dans le

402-403; — de consolation, ciel, 102-103; il —


prie son
403-404 — la grâce de la Pen-
; Père de nous garder du mal,
tecôte demeure, 406-408. 389.
Perfection. — Voir Sainteté, Psaume XC, nous excite à la
Vie spirituelle. confiance, 234, 237.
Pharisaïsme, ce qu'il est, 267
sq. ;
— comment
Xotre-Sei- Raison, elle est pour l'homme
gneur le démasque, 271 sq. ;
une lumière, 160.
— diverses formes du phari- Recouvrement de Jésus au
saïsme, 273. temple, 195 sq. but que le;

Pie X. La participation aux Christ se proposait en inter-
saints mystères et à la prière rogeant les docteurs, 198; —
de l'Église, source de l'esprit pourquoi Jésus « est tout aux
chrétien, 30 n. 1 (caté- ;
— affaires de son Père », 199.
chisme publié par son ordre) Résurrection du Christ, pour-
importance des fêtes de l'É- quoi elle est appelée «sainte».
glise pour la vie intérieure 344-345 ;

Jésus ressuscité
des chrétiens, 35 n. 1. ne connaît plus ni la mort ni
Pierre (S.). Confesse la divinité aucune faiblesse, 346-348; —
du Christ, 241 choisi par
;
— il vit tout entier pour son
Jésus pour fondement de son Père. 348-349; —
grâce pascale
Église, 261-262 pleure ; — inaugurée en nous par le
INDEX ANALYTIQUE 533

baptême, 361 signification


;
— 98; — l'impétration, 98-99; —
de l'épître du jour de Pâ- est sourcede toute grâce, 100,
ques, 351-353 grâce pro- ;
— 310-312 — comment ; se per- il

pre du mystère, 351-357; — pétue au ciel par le sacerdoce


dogme de la résurrection des éternel de Jésus, 101-103,
corps, 380-361 Valléluia ;
— 386; —
se reproduit ici-bas
pascal, 362-363. par le saint sacrifice de la
Révélation, dépôt de la révéla- messe, 104 sq.
tion scellé à la mort du der- Saint des saints, Dieu y fai-
nier apôtre, 443 ;
— l'Église sait sa demeure spéciale, 282

;

la développe, la précise, 443- le Grand-Prêtre y entrait


444. une fois l'an, 382-383.
Révérence avec nous laquelle Sainteté, n'est autre chose que
devons contempler les mystè- notre ressemblance avec le
res du Christ, 33-34; que — Christ Jésus, 15. 292-293, 474;
nous devons avoir envers le -— notre sainteté individuelle
sacrement de l'Eucharistie, consiste à réaliser la pensée
430-433 ;
— doit s'allier à no-' de Dieu sur nous, 57 à ;

tre amour filial pour Dieu. recevoir le Christ par la foi à .

460-462. l'imiter et l'écouter, à lui de-


meurer uni, 59-60; est l'é- —
Sacerdoce du Christ est une panouissement de la grâce
conséquence de son incarna- d'adoption, 62-63; chaque —
tion, 88 sq. comment il
;
— âme est appelée à la sainteté.
l'exerce dans le ciel, 101 sq. 169 sq. ;

la sainteté est un

;

386-387 se continue ici-


; écoulement de la vie divine
bas, 104 sq. le Christ en
;
— en nous, 292-293 Jésus- ;

donne une participation aux Christ, le saint par excellence,
prêtres, 104-105. Voir Sa- — 344 ;

double élément de la
crifice du Christ. sainteté, 3< r9 ; — Dieu
Sacré Cœur. — Voir Cœur du veut notre sainteté, il y trouve
Christ. sa gloire, 467; pourquoi —
Sacrements, canaux par lesquels nous devons désirer la sain-
la grâce et la vie divine nous teté, 468-469 ; nous — plus
arrivent, 311. sommes nous exal-
saints, plus
Sacrifice du Christ, comment tons le prix du sang de Jésus,
Jésus l'inaugure dès son in- 469-470 —
est la réalisation
;

carnation, 93-94; 149-150; — surnaturelle du plan divin de


toute sa vie ordonnée vers notre prédestination en Jésus-
son sacrifice, 94-95 ;
— Christ, 470 sq. sentiments ;

l'heure de son sacrifice dési- qui doivent nous animer dans
rée par lui, 95; divers ac- — la recherche de la sainteté,
tes de ce sacrifice l'adora- : 480 sq. ;

pourquoi elle n'est
tion, 96; —
l'action de grâ- inaccessible à personne, 481-
ces, 96-G7; —
l'expiation, 97- 484 ;

Dieu veut que la
534 INDEX ANALYTIQUE

gloire de notre sainteté re- gloire, 318-319pourquoi


;

vienne au Christ Jésus, 489- Dieu permet, 487-488;
les —
492. —Voir Vie spirituelle. elles nous acquièrent une joie
Saints, leur cantique dans le éternelle, 488; —
Voir Croix.
ciel, 469-470, 490; chaque — Surnaturel, caractère surnaturel
saint est comme une interpré- de notre sainteté. 31, 471 sq.
tation spéciale du Verbe, 472-
473 ;

comment leur exem- Temple, ce que signifie le voile
ple doit nous entraîner, 481- du temple se déchirant à la
482 ;
—ils ont eu comme nous mort du Christ, 585.
des difficultés, 482; —
les ho- Tentation, pourquoi Dieu veut
norer, les invoquer, 485-486 que la créature soit soumise à

;

chercher à les imiter, 485- la tentation, 220 sq. ;


— les
486; —
ils doivent tout à la anges soumis premiers à
les
grâce du Christ, 490. l'épreuve, 221 —
s'échelonne
;

Salut, tous les hommes sont ap- à travers toute notre vie, 222
— est une occasion de mon-
;

pelés au salut, 165-166.


Samaritaine, son entretien avec trer à Dieu notre fidélité,222 :

le Sauveur, 255-258. — raisons du mystère de la


Sanctification, nous vient du tentation du Christ, 223; —
sacrifice du Christ, 310-312 récit évangélique de la tenta-
— Voir Sainteté.
;

tion de Jésus, 224 sq.


Sécheresse après la sainte com- Térèse (S te ) .Danger qu'il y au-
munion, n'empêche pas le rait à vouloir se passer de la
Christ d'agir en nous, 422. sainte humanité du Christ ,78,
Semaine sainte, comment l'£- 81 ; — ledémon ne peut trom-
glise fait revivre, pendant ces per une âme ferme dans la
jours, toutes les phases de la foi, 236; — se rappeler l'a-
passion de Jésus, 393 elle ;
— mour du Christ pour nous,
mêle à sa compassion des ac- 440 ;
— amour affectif chez
cents de triomphe, 318-319. cette sainte, 452 ;
— l'amour
Silence, nécessaire pour écouter rend tout facile, 464.
la voix de Jésus, 294-295. Thomas d'Aquin (S.). La grâ-
Souffrances, Dieu les envoie ce, similitude participée de la
aux âmes pour rendre di-
les nature divine, 54.
gnes d'une plus grande union Toussaint, pourquoi l'Église cé-
avec lui, 197; —
c'est par les lèbre cette fête à la fin du
souffrances que le Christ nous cycle liturgique, 466; — Voir
mène à la vie éternelle, 297 Saints.

;

361-362 les accepter en


; Transfiguration du Christ, les
union avec Jésus et par splendeurs de la divinité de
amour pour lui, 315-316; 329. Jésus y brillent particulière-
333-334 ;

elles n'ont pas le ment, 278; —
pourquoi l'É-
dernier mot dans la vie chré- glise nous en fait lire deux
tienne, elles aboutissent à la fois le récit chaque année,278
INDEX ANALYTIQUE 535

n. 1 — récit évangélique de vine, 369, 372-373. — Voir



;

la transfiguration, 279-280; Incarnation.


quelle est la signification de Union (notre) au Christ, dans
ce mystère pour les apôtres, la pensée divine, dans ses
283 sq. ; —
pour nous,287 sq. mystères, 16 sq. dans la ;


;

comment il confirme notre souffrance, 315-317, 333-334 ;

foi,287-288; —
l'éclat qui res- — comment nous sommes un
plendit sur le Christ n'est pas avec dans sa résurrection,
lui
une lumière d'emprunt, 292 350, 357 — dans ; commu- la
— Ipsum audite, 293 sq. ;

;

nion, 428-429; — demeurer lui


le Christ s'entretient de sa unis,486. — Voir Eucharistie.
passion prochaine, 297.
Trente. —
Voir CONCILE DE Vie intérieure, donne la fécon-
TRENTE. dité à l'activité extérieure,
Trinité, fécondité éternelle de 204-205 ;

cachée aux yeux
Dieu, 42 sq. le Fils de ;
— des hommes, s'épanouit dans
Dieu est en tout semblable à la gloire, 361-362.
son Père, 42-43 la révéla- Vie spirituelle, se ramène à la
tion nous apprend que l'Être connaissance pratique du mys-
divin est un en trois person- tère de Jésus, 6-7, 10 ;

nes, 44 ; — rapporte
le Fils se doit être fondée sur la foi,
par amour à son Père, 49 ;
— 10; —
fruits qu'elle retire de
le Père vit d'engendrer son la contemplation et de la par-
Fils, 287 —
procession et dis-
; ticipation des mystères du
tinction des personnes, 394 ; Christ, 28-30, 34-35 ;
— vivre
— le Christ nous a révélé ce dans une absolue dépendance
mystère, 395 loi de l'ap- ;
— à l'égard de Dieu, 50-52, 53-
propriation, 399-400. 54, 76-77; — travailler à réali-
ser en nos âmes la pensée de
Union hypostatique, donne à Dieu sur nous, 56-57 ;

tous les actes de Jésus une orienter notre activité vers
valeur infinie, 71-72; les — notre Père des cieux, 61-62 ;

rend infiniment agréables à — le travail de


perfection la
son Père, 72 fait en sorte
;
— se ramène à devenir de plus
que la sainte humanité n'a pas en plus l'enfant de Dieu, 62-
de personnalité propre, 77 ;
— 63 ;

combien il nous est
sauvegarde la distinction des avantageux de considérer la
natures, 141 donne à l'ex-
;
— sainte humanité du Christ et
piation du Christ une valeur de lui demeurer uni, 73 sq. ;

infinie, 149 fait du Christ — nos efforts doivent tendre à



;

le vrai Fils de Dieu, 183; laisser la vie de la grâce do-


relations qui en résultent en- miner notre activité natu-
tre Jésus et son Père, 243- relle, 144-145 il y a des
;

244 ;

donne au Christ le moments décisifs dans notre
droit de partager la gloire di- vie surnaturelle. 170-171 ;

536 INDEX ANALYTIQUE

chercher lumière et direc- spirituelle; y être fidèle, 409-


tion de ceux qui re-
près 410; — c'est par la sainte
présentent Dieu auprès de communion que s'opère notre
nous, 172-173 ;

la vie du transformation dans le Christ,
juste, voie lumineuse, 179; 424-425; — la conviction de
— rôle de la souffrance dans l'amour du Christ pour nous
la vie spirituelle, 197, 487-488 ; est un stimulant dans notre
— place qu'y occupe la tenta- vie spirituelle, 438 sq. fé- ; —
tion, 220, 222; —
la foi en condité que lui donne l'a-
Jésus-Christ, base de toute la mour, 455-456 —
notre vie
;

vie spirituelle, 246-247; —


se spirituelle dépend beaucoup
méfier d'une fausse piété. 274- de l'idée que nous avons ha-
275 ;

comment le dogme bituellement de Dieu,457 sq. ;

de la divinité du Christ est le — le tout de notre vie spiri-


fondement et le centre de tuelle le Christ il est pour

: ;

notre vie spirituelle, 278; nous voie, vérité, vie, 475-476



;

importance de l'avoir toujours il est important d'avoir le

présent aux yeux de l'âme, sentiment de sa faiblesse,


288 ;

ne pas s'attacher aux 480 ;
— et une confiance ab-
consolations sensibles, ni se solue dans les mérites et la
troubler des sécheresses, 296-, grâce du Christ, 481-484; —
422 :

porter la croix avec demeurer uni au Christ pour
le Christ, 315-316, 329, 333- porter beaucoup de fruits.
334; —
avantages que nous 486. —
Voir adoption divine,
retirons pour notre vie spi- confiance, fidélité, foi, grâce,
rituelle de la contemplation misères, sainteté.
des souffrances de Jésus, 322- Vierge Marie, sa pureté virgi-
325 ;

mourir à tout ce qui nale et son immaculée con-
est péché, imperfection, créa- ception font d'elle une de-
ture, pour vivre à Dieu, 350- meure digne du Verbe incar-
353, 357 ; —
soumettre au né, 126-127; —
sentiments de
Christ toute notre activité, le son âme pendant qu'elle por-
laisser régner en nous, 355- tait le Christ en son sein.
356; —
comment nous devons 131-132 : —
à la crèche, regar-
vivre dans le ciel par la pen- dant Jésus, 155-156 c'est
;

sée et les désirs, 376-377,389; à elle que le Verbe a deman-
— dans nos épreuves et nos dé une nature humaine, 183 :

cherchons la force
difficultés, — nécessité de connaître et
auprès du Christ, 388-389 :
— d'aimer la Vierge pour com-
tous les obstacles à perfec- la prendre les mystères du
tion se résument dans le pé- Christ, 184: —
son consente-
ché, nous pouvons les sur- ment a été nécessaire pour
monter, en nous appuyant sur que l'Incarnation pût s'ac-
le Christ, 389: action du — complir, 184-185; —
a pleine
Saint-Esprit dans notre vie de grâce ». 185, 188; son —
INDEX ANALYTIQUE 537

Magmficat, 186; —
sa foi,187, 200 —elle gardait toutes ses

;

206-207; — son amour pour paroles en son cœur, 200;


Jésus, 187-188, 341 son
;
— ce qu'ont été pour elle les an-
union a\ec lui, 188-189, 205; nées passées à Nazareth avec
— approchons d'elle avec Jésus, 205 sq. ;

sa foi était
confiance, 189 ; —
pourquoi source de joie, 207 —
rencon-
;

elle a voulu accomplir les cé- tre Jésus portant sa croix,


rémonies légales, 190-191 ; — 331-332 ; —reçoit le corps de
oblation qu'elle fait de son son Fils descendu de la croix,
Fils au temple ; elle s'associe 341.
dès lors à l'œuvre de notre Vision béatifique, confirme l'â-
rédemption, 191, 193-194; — me en grâce, 230-231. Voir —
prophétie du vieillard Siméon, Ciel.
194;— sa douleur d'avoir per- Visite au Saint Sacrement,
du Jésus à Jérusalem, 197 sq. ;
432-433.
— comment elle ne comprit Vocation, écouter l'appel divin
pas alors la réponse de Jésus, avec fidélité. 169-170.

Pour que Dieu soit glorifié en toutes choses.

S. Benoît, Règle.

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