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Anita Blake - T03 - Le Cirque Des Damnes
Anita Blake - T03 - Le Cirque Des Damnes
Laurell K. Hamilton
Le Cirque des Damnés
Anita Blake - 3
Milady
Milady est un label des éditions Bragelonne
Titre original : Circus of the Damned Copy right © Laurell K.
Hamilton, 1995.
© Bragelonne 2009 pour la présente traduction
Illustration de couverture :
Photographie : Claire Arnaud — Montage : Anne-Claire Pay et
ISBN : 978-2-8112-0094-7
Bragelonne — Milady
35, rue de la Bienfaisance - 75008 Paris
Chapitre premier
L e rêve commença.
J’étais assise sur un énorme lit à baldaquin. Les rideaux
de velours avaient la couleur d’un ciel nocturne, et
l’édredon était doux sous mes mains.
Je portais une longue chemise de nuit blanche avec
de la dentelle au col et aux manches. Je n’ai jamais rien
mis de tel. Personne n’a jamais rien porté de tel depuis au
moins un siècle !
Le papier peint était bleu et doré. Dans l’âtre, un
énorme feu projetait des ombres dansantes sur les murs.
Jean-Claude attendait dans un coin de la pièce, vêtu
de la même chemise transparente que lors de notre
dernière rencontre. Il approcha de moi, la lueur orangée
des flammes se reflétant sur ses cheveux et dans ses
yeux.
— Pourquoi ne m’habillez-vous jamais normalement
dans ces rêves ?
— La chemise de nuit ne te plaît pas, Anita ?
Je n’aimais pas du tout la façon dont il prononça mon
nom.
— Que faites-vous ?
Debout près du lit, il déboutonnait sa chemise, sortit
les pans de son pantalon et la laissa glisser sur le sol. Sa
poitrine nue était à peine moins blanche que ma chemise
de nuit, ses mamelons pâles et durcis. Je ne pouvais
détacher mon regard de la ligne de poils qui partait de son
nombril et disparaissait sous sa ceinture.
Il monta sur le lit. Je reculai en serrant la chemise de
nuit contre moi comme une héroïne de roman victorien.
— Vous ne me séduirez pas si facilement.
— Je sens ton désir sur ma langue, Anita. Tu veux
savourer le contact de ma peau contre ton corps nu.
Je sautai du lit.
— Fichez-moi la paix ! Je ne plaisante pas.
— C’est un rêve. Ne peux-tu t’abandonner à tes
désirs pendant ton sommeil ?
— Ce n’est jamais seulement un rêve, avec vous.
Soudain, il fut debout devant moi. Je ne l’avais pas
vu bouger.
Ses bras m’enlacèrent, et nous nous retrouvâmes
allongés devant la cheminée. À la lueur des flammes, sa
peau était fragile, lisse et immaculée, si douce que j’avais
envie de la caresser jusqu’à la fin des temps. Il me
plaquait contre le sol, et je sentais les contours de son
corps contre le mien.
— Un seul baiser, et je te lâcherai.
Je fixai ses yeux bleus, à quelques centimètres des
miens. Incapable de parler. Je détournai la tête pour ne
plus avoir à contempler la perfection de son visage.
— Un seul baiser ?
— Tu as ma parole, chuchota-t-il.
— Votre parole ne vaut rien.
— Allons, Anita... Un seul baiser.
Ses lèvres m’effleurèrent la joue et descendirent
vers mon cou. Ses cheveux me caressaient le visage. Fins
et soyeux comme ceux d’un bébé.
— Un seul baiser, répéta-t-il contre ma gorge, sa
langue se posant sur ma veine palpitante.
— Arrêtez ça.
— Tu en as envie.
— Arrêtez tout de suite.
Il me saisit par les cheveux et me tira la tête en
arrière. Ses lèvres se retroussèrent, exposant ses crocs.
Le blanc avait disparu de ses yeux, entièrement bleu-
noir.
— Non !
— Il le faut, ma petite. Pour te sauver la vie.
Il baissa la tête.
Je me réveillai en sursaut.
Au-dessus de moi, des draperies noires et blanches
étaient pendues au plafond. J’étais allongée sur des draps
de satin noir, au milieu d’une multitude d’oreillers noirs et
blancs. Je portais une longue nuisette de soie noire avec
des bretelles qui me moulait parfaitement.
Une épaisse moquette couvrait le sol. Une coiffeuse
noire et une commode se faisaient face dans deux des
coins de la pièce. Je m’assis de manière à voir mon reflet
dans le miroir. Mon cou était intact. Pas de trace de
morsure. Avec mon teint pâle et mes cheveux noirs,
j’étais assortie au décor.
J’éclatai de rire. Juste un rêve ! Mais il portait la
marque de Jean-Claude.
J’étais sur le point de succomber au poison de Raju.
Comment étais-je arrivée ici ? Étais-je dans le sous-sol du
Cirque des Damnés, ou dans un endroit complètement
différent ?
Mon poignet droit me faisait mal. Il était bandé.
Pourtant, je ne me souvenais pas de m’être blessée dans
la grotte.
Une porte s’ouvrit derrière un rideau blanc, laissant
apercevoir un mur de pierre.
Jean-Claude ne portait qu’un bas de pyjama. Il
s’approcha de moi, pieds nus. Sa poitrine était comme
dans mon rêve, la cicatrice en plus. Elle souillait sa
perfection de marbre, lui donnant l’air plus réel.
— En enfer, soupirai-je.
— Je te demande pardon, ma petite ?
— Je me demandais où j’étais. Puisque vous voilà, ce
doit être en enfer.
Il sourit. Il avait l’air presque repu, comme un
serpent qui vient de se nourrir.
— Comment suis-je arrivée ici ?
— C’est Richard qui t’a amenée.
— Donc, j’ai bien été empoisonnée. Ça ne faisait pas
partie du rêve.
Il s’assit sur le bord du lit, aussi loin de moi que
possible. Il n’y avait aucune chaise dans la chambre.
— Je crains que non.
— Je ne voudrais pas passer pour une ingrate, mais
comment se fait-il que je ne sois pas morte ?
Il ramena ses genoux contre sa poitrine, un geste
étrangement vulnérable.
— Je t’ai sauvée.
— Expliquez-vous.
Ma voix s’était durcie.
— Est-ce vraiment nécessaire ?
— Je veux l’entendre.
— Je t’ai fait la troisième marque.
— Je n’ai pas de trace de morsure.
Du menton, il désigna mon poignet.
— Salaud !
— Je t’ai sauvé la vie.
— Vous avez bu mon sang pendant que j’étais
inconsciente.
— Oui.
— Fils de pute !
La porte s’ouvrit de nouveau et Richard entra.
— Comment as-tu pu me livrer à lui ?
— Elle ne semble pas très reconnaissante, tu ne
trouves pas, Richard ?
— Tu as dit que tu préférerais mourir que de te
transformer en lycanthrope.
— Ou en vampire.
— Il ne t’a pas mordue. Tu ne vas pas devenir
comme lui.
— Mais je serai son esclave pour l’éternité !
— Ce n’est que la troisième marque, Anita. Tu n’es
pas encore sa servante.
— La question n’est pas là. (Je le foudroyai du
regard.)Ne comprends-tu pas ? J’aurais préféré que tu
me laisses mourir.
— Ce n’est pas si affreux que ça, tu sais, dit Jean-
Claude.
— Tu saignais par le nez et par les yeux. Tu étais en
train de te vider dans mes bras. Je ne pouvais pas te
laisser mourir.
Richard fit quelques pas vers le lit et me tendit les
mains.
Je me levai et les toisai tous les deux.
— Richard me connaît à peine. Jean-Claude, vous
n’avez aucune excuse. Vous n’avez pas accordé
d’importance à ma volonté.
— Peut-être que je ne pouvais pas te regarder
mourir non plus, ma petite. Y as-tu pensé ?
Je secouai la tête.
— Que signifie la troisième marque ? Quel pouvoir
supplémentaire vous confère-t-elle sur moi ?
— Désormais, je peux chuchoter dans ton esprit hors
de tes rêves. Toi, tu seras très difficile à tuer. Le poison ne
t’affectera plus.
— Je ne veux pas le savoir. Je ne vous pardonnerai
jamais !
— C’est bien ce que je craignais, dit-il tristement.
— J’ai besoin de fringues et de quelqu’un pour me
raccompagner chez moi. Je dois aller bosser ce soir.
— Anita, tu as failli mourir deux fois aujourd’hui.
Comment peux-tu... ?
— La ferme, Richard ! Je dois aller travailler. Il me
faut un truc qui soit à moi, pas à lui.
— Trouve-lui des vêtements et ramène-la chez elle.
Il lui faudra un peu de temps pour s’habituer à ce
nouveau changement.
Je regardai Jean-Claude, toujours pelotonné au bord
du lit. Si adorable.
Si j’avais eu un flingue, je l’aurais abattu sur-le-
champ. La peur formait une boule dure et froide dans
mon ventre. Que je le veuille ou non, il avait décidé que je
serais sa servante humaine. J’aurais beau hurler et
protester, rien n’y ferait.
— Approchez-vous encore de moi pour quelque
raison que ce soit, et je vous tuerai !
— Trois marques nous lient à présent. Tu te ferais
aussi mal qu’à moi.
J’éclatai d’un rire sans joie.
— Vous croyez vraiment que je m’en soucie ?
Il me dévisagea sans broncher.
— Non.
Puis il nous tourna le dos à tous les deux et ordonna :
— Ramène-la chez elle, Richard. C’est une corvée
que je ne t’envie pas. La colère la rend très éloquente.
J’avais envie de lui cracher dessus, mais ça n’aurait
pas suffi. Je ne pouvais pas le tuer. Pas pour le moment.
Donc, je laissai tomber. Une maîtrise totale, même sous la
pression.
Je suivis Richard et sortis de la chambre sans un
regard en arrière. Je ne voulais pas voir le profil parfait de
Jean-Claude dans le miroir de la coiffeuse.
Les vampires ne sont pas censés avoir de reflet. Ni
d’âme. Jean-Claude avait l’un. Et l’autre ? Cela avait-il la
moindre importance ? Non, décidai-je. Ça n’en avait
aucune. J’allais le livrer à Oliver. Et Saint Louis avec.
Une marque de plus, et je lui appartiendrais pour
toujours. Pas question. Plutôt le faire assassiner, même si
je devais mourir avec lui. Personne ne me forcera jamais à
accepter ce que je ne veux pas. Y compris l’éternité.
Chapitre 43
Fin du tome 3
[1] Cf. Plaisirs coupables, Milady , 2009.