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Tunisie
du ministère de l’Intérieur sont tenus secrets, alors que ce n’était pas le cas sous
Bourguiba.
4. Le budget de 2013 publié par le ministère des Finances indique pour la pre-
mière fois les effectifs des forces de sécurité intérieure (FSI) pour l’année 2012. Les
forces de sécurité intérieure sont évaluées à 72 684 agents.
5. Après la dispersion violente des sit-in à la Kasbah 1, 2 et 3 (entre janvier et
juillet 2011), plusieurs manifestations ont été réprimées, que ce soit à Tunis (notam-
ment la manifestation demandant la démission du gouvernement de Beji Caïd
Essebsi, le 6 mai 2011, la marche de l’UGTT le 25 février 2012, la manifestation
du 9 avril 2012, etc.), ou encore en région (à Sidi Bouzid en juillet 2012, à Siliana
novembre 2012, etc.).
6. Ces violences se sont soldées par des assassinats politiques de deux figures de
la gauche radicale en 2013, trois attentats en 2015 au musée du Bardo, à Tunis et à
Sousse, une attaque armée contre la ville frontalière de Ben Guerdane (mars 2016)
et plusieurs affrontements entre les forces de sécurité (armée, police et Garde natio-
nale) et groupes salafistes armés faisant plus de 180 morts dans les rangs des forces de
l’ordre.
7. La réputation des renseignements tunisiens était surtout liée à l’efficacité de
« la police politique ».
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« Tunisifier » la matraque :
un enjeu au cœur de l’autonomie interne
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L’ordre et la discorde
La question du maintien de l’ordre a été au cœur des rivalités qui domi-
nèrent le mouvement de libération. Les accords d’autonomie interne ne
prévoient qu’un transfert progressif et limité des pouvoirs de police aux
Tunisiens. L’article 10 du protocole d’accord sur l’autonomie interne, les
protocoles additionnels 2 et 4 ainsi que les annexes fixent les modalités
d’une cogestion des services de sécurité entre les gouvernements tunisien
et français. Le calendrier relatif au transfert des services de sécurité est
supposé s’étaler sur plusieurs années. Un délai de deux ans est fixé pour
que le maintien de l’ordre soit affecté au gouvernement tunisien, excep-
tion faite de Bizerte, Ferryville et des frontières avec l’Algérie et la Libye
qui demeurent sous contrôle français, sans limites de temps. Dès l’entrée
en vigueur des accords, le directeur de la Sûreté, de nationalité française,
doit transmettre au chef du gouvernement tunisien les rapports élaborés
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tunisien. Les prérogatives du tout puissant contrôleur civil sur cette admi-
nistration lui sont transférées (décret beylical du 6 octobre 1955). Un
directeur destourien, Ismail Zouiten, est nommé à la tête de l’adminis-
tration régionale. Le nouveau ministre n’a pourtant pas les mains libres.
Tout changement dans le corps caïdal doit recevoir l’assentiment du Bey
qui doit y apposer son sceau.
Avec l’autonomie interne, l’enjeu est double pour le ministre de l’In-
térieur : il s’agit tout d’abord d’écarter les agents proches des Français,
et aussi de s’assurer la loyauté de l’administration caïdale aux décisions
du bureau politique du parti. C’est ce que confirme le secrétaire général
de la fédération de Gabès, qui affirme avoir fait le tour des caïdats dans
tout le pays, à la demande de Mongi Slim, pour évaluer des caïds15 sur la
base de deux critères : la nature de leur collaboration avec les Français et
leur positionnement par rapport à Salah Ben Youssef. Le 10 novembre
1955, une dizaine de kahias et de caïds sont démis de leurs fonctions,
quelques jours avant le Congrès du parti à Sfax. À cette occasion, le kahia
et maire adjoint de Sfax, Sadok Ammar, est limogé, laissant la main libre
aux destouriens du bureau politique (pro-Bourguiba) pour contrôler la
sécurité du Congrès. Depuis, aucun mouvement caïdal n’est publié dans
le Journal officiel, et ce jusqu’au 13 janvier 1956, soit une semaine après
la convocation d’une assemblée nationale constituante. Dans un premier
temps, le Bey, soutien de Ben Youssef, refuse d’entériner ce mouvement
de grande ampleur16. Le souverain, sous pression, n’accepte d’apposer
son sceau que sur une version légèrement modifiée où 13 fonctionnaires
régionaux ne sont pas révoqués, mais placés provisoirement en disponibi-
lité17.
Mais quels sont les effectifs sous contrôle tunisien et à disposition du
ministère de l’Intérieur ? C’est dans la distribution des fonctionnaires
dans les années 1955-1956 que l’on peut trouver des informations à ce
sujet. Au 15 décembre 1955, le ministère comprend les troupes auxi-
liaires dans les territoires du Sud tunisien recrutées parmi la population
locale et formées par 515 agents du Makhzen du sud18 et 314 agents des
troupes du Makhzen mobile (troupes de réserve) et aussi 539 de spahis de
l’Oujak (cavalerie beylicale). Si l’on ajoute les fonctionnaires des adminis-
trations régionales et des villes, le ministère de l’Intérieur tunisien compte
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19. DOUGUI N., Mongi Slim : L’homme des missions difficiles 1908-1969, Tunis,
Institut supérieur d’histoire de la Tunisie contemporaine, 2017, p. 91-92.
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20. DHIFALLAH M., Salah Ben Youssef : discours et documents divers (en arabe),
Tunis, Institut supérieur d’histoire de la Tunisie contemporaine, 2015, p. 209
et 223.
21. Al-Amal, 22 novembre 1955.
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22. Fonds Alain Savary, SV14 Dr 3 sdr b, Annexe n° 1, Lettre de M. Roger Sey-
doux… à M. Massigli, Secrétariat général du ministère des Affaires étrangères, datée
du 11 décembre 1955 (02 pages dactylographiées).
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23. Ibidem.
24. SHAT, carton 2H133, compte-rendu des contacts de Roger Seydoux.
25. CHAIBI L., Le mouvement national et la question ouvrière syndicaliste : ensemble
pour arracher l’Indépendance, t. II (en arabe), Tunis, Centre de publication universi-
taire, 2016, p. 410-425.
26. OUALDI M., L’orage des indépendances : Salah Ben Youssef et les youssé-
fistes, en Tunisie en 1955-1956., Mémoire d’histoire, Paris I (non publié), 1998,
p. 102-103.
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d’anciens fellagas, tels que Hassan Ayadi, Lazhar Chraïti, Mahjoub Ben
Ali et Sassi Lassoued s’alignent sur les positions du bureau politique et
contribuent activement à la chasse de leurs anciens frères d’armes en
bénéficiant de la couverture du ministère de l’Intérieur. Ils participent
aux activités des milices destouriennes ou « comités de vigilance » qui
sévissent. Ils créent des centres de détention et d’interrogation clan-
destins, tels que Sabbat Edhlam à Tunis, où kidnapping et torture sont
pratiqués contre les yousséfistes. Ces groupes sont même légalisés par
décret le 31 mars avant d’être dissous par arrêté du Premier ministre le
6 juillet 1956. Le fellaga Hassan Ayadi a écrit dans ses mémoires qu’il
n’a fermé Sabbat Edhlam qu’après « tunisification » de la Sûreté géné-
rale. Il affirme avoir « remis tout ce qu’il y avait à la direction de la sûreté
nationale27 ».
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29. À titre d’exemple, la répression par l’usage de la chevrotine contre les mani-
festations hostiles au gouvernement à Siliana, qui, fin novembre 2012, s’est soldée de
plus de 250 blessés, a sensiblement écorné l’image de la Troïka et a valu au ministère
de l’Intérieur l’ouverture d’une enquête judiciaire.
30. Observations de l’auteure mouvement social à Kasserine, Kairouan, régions
périphériques de Tunis, janvier 2016.
31. INTERNATIONAL CRISIS GROUP, « Réforme et stratégie sécuritaire en Tunisie »,
n° 161, 2015, p. 12-15.
32. Art. 19 : « La sûreté nationale est républicaine ; ses forces sont chargées de main-
tenir la sécurité et l’ordre public, de protéger les individus, les institutions et les biens, et
d’exécuter la loi dans le respect des libertés et de la neutralité totale. »
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