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Hassane EL ARAFI
Professeur des Universités
2021
Précis de la Fiscalité Internationale 2021
SOMMAIRE
CHAPITRE 1 :
CADRAGE DU DROIT FISCAL INTERNATIONAL
Le droit fiscal international (DFI) a pour objet de fixer les modalités et les conditions de
taxation des transactions et opérations internationales, à savoir celles réalisées par un
contribuable résident d’un État sur le territoire d’un autre État et/ou avec un contribuable
résident d’un autre État. Autrement-dit, il vise à prévoir les modes opératoires de taxation des
revenus des biens ou du capital détenus par un contribuable, mais susceptibles d’être soumis
à deux souverainetés fiscales distinctes et concurrentes.
Cette branche de droit fiscal ne cessait de susciter des questionnements, qui alternent avec
des observations aussi bien pour les spécialistes de droit fiscal (académiciens, chercheurs,
experts…) que pour les professionnels (entreprises multinationales, opérateurs du commerce
international, …).
Jusqu’à̀ la seconde moitié du 19ème siècle, les prélèvements fiscaux opérés par les États ne
soulevaient guère de problèmes internationaux. Toutefois des phénomènes de double
imposition internationale commençaient à prendre une ascension exponentielle, avec
l’évolution des techniques fiscales, l’institution d’impôts directs prenant en compte la capacité
contributive globale des assujettis, et le développement des échanges internationaux.
En effet, Depuis 1950, les échanges commerciaux ont été multipliés par deux cent (200) et le
commerce mondial augmente plus vite que la production (6 % par an en moyenne), et ce pour
plusieurs raisons : la mise en place des zones de libre-échange, grâce à des organisations
internationales comme le GATT (créé en 1947) puis l'OMC (à partir de 1995) ; la révolution des
transports, qui permettent de transporter toujours plus de marchandises, plus rapidement ;
la prolifération des multinationales (ou FMN, firmes multinationales). Selon la Banque
mondiale, en 2019, le volume mondial total d'exportations de biens et de services était de $24
795 milliards de dollars et le volume mondial total d'importations de biens et de services était
de $24 312 milliards de dollars 1.
1
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NE.EXP.GNFS.ZS
Les impôts directs (impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés) sont le champ d’application
privilégié de la fiscalité internationale. A vrais dire, pour les impôts indirects (TVA), les règles
du droit interne sont une source majeure.
Le DFI permet d’assurer, mieux que par le droit interne, l’élimination de la double imposition
entre État de la résidence et État de la source. Ce faisant, les États décident de conclure des
conventions fiscales internationales (CFI) permettant de partager entre eux la matière
imposable, certains éléments du revenu n’étant taxables que dans l’un des deux États, d’une
part et d’adopter, pour les éléments qui peuvent être imposés dans les deux États, une
méthode de prévention de la double imposition, d’autre part. Le contribuable sera ainsi
protégé contre les variations ou l’asymétrie des législations internes.
Le DFI permet l’édiction des définitions communes, de certaines notions clés véhiculées par
les transactions internationales selon des statuts fiscaux différents, telles que la résidence ou
la source de certains revenus, pour éviter les deux occasions de double imposition évoquées
ci-dessus : la double résidence ; la localisation de la source d’un revenu dans deux États.
Le DFI vise à prohiber toute discrimination fiscale fondée sur la nationalité d'une personne
physique ou morale et prévoit que, sous condition de réciprocité, les nationaux d'un État ne
peuvent pas, à situation égale, être traités moins favorablement dans l'autre État que les
propres nationaux de ce dernier État.
L’État qui a instauré un système d’impôts sur les revenus est confronté à un double problème
fiscal naissant des relations internationales des contribuables. Il doit définir l’étendue de sa
juridiction fiscale.
1. Imposera-t-il les personnes domiciliées sur son territoire et les entreprises qui y ont
leur siège sur leur revenu mondial, de source nationale et étrangère, ou se bornera-t-
il à les imposer sur les revenus trouvant leur source dans le pays, laissant l’imposition
des revenus étrangers aux pays où ces revenus sont nés ?
2. Imposera-t-il les personnes et les entreprises non résidentes sur les revenus qui
trouvent leur source dans le pays ?
Dans les deux cas, il faudra définir :
- la résidence des contribuables ;
- la source des revenus.
Très normalement, un État imposera ses résidents sur leur revenu mondial et les non-
résidents sur le revenu qui trouve sa source dans le pays.
Cette imposition, pratiquée par plusieurs États, peut engendrer une double imposition
juridique internationale : la même personne sera imposée sur le même revenu dans l’État de
sa résidence et dans l’État de la source du revenu.
Il y aura encore double imposition :
- si deux États définissent différemment le critère d’assujettissement global à l’impôt,
résidence ou nationalité : une même personne sera, par exemple, considérée comme
résidente par deux États ;
- si deux États définissent différemment le critère d’assujettissement réel à l’impôt, à
savoir la source du revenu.
I.3.2. - Principe de non-discrimination fiscale à l’égard des nationaux étrangers et des non-
résidents
La réciprocité est un principe essentiel matière de DFI, quoique reste textuellement implicite
dans la pratique conventionnelle. Les dispositions de la quasi-totalité des conventions fiscales
bilatérales sont réciproques. Par exemple, si l’article 10 (dividendes) prévoit un taux maximum
d’imposition des dividendes versés par une société résidente de l’État de la source à des
actionnaires résidant dans l’autre État contractant, ce taux s’appliquera également aux deux
États contractants. Cette obligation réciproque s’applique aux deux États, quel que soit
l’importance des flux de dividendes entre ces États; en d’autres termes, l’article 10 (et les
autres dispositions distributives du traité) s’applique de la même manière aux deux États,
même lorsque la convention est conclue entre un pays développé et un pays en
développement et que les sociétés résidant dans le pays en développement payent beaucoup
plus de dividendes aux actionnaires résidant dans le pays développé que l’inverse. De même,
les dispositions administratives des conventions fiscales (celles qui concernent, par exemple,
l’échange de renseignements et l’assistance en matière de recouvrement des impôts), sont-
elles aussi censées être d’application réciproque.
Le principe de pleine concurrence établit simplement que les conditions des transactions
entre entreprises associées ne doivent pas être faussées par la relation particulière qui unit
les parties. Dans cet ordre de logique, le principe de pleine concurrence est neutre.
Or, les rapports entre concurrence et DFI, en tant que technique de mise en œuvre du
prélèvement fiscal, sont multiples et complexes. Il apparaît sans peine que la concurrence est
affectée par le droit fiscal, dans la mesure où tant les avantages fiscaux que les normes fiscales
peuvent dénaturer le rapport concurrentiel.
Le DFI est régi, d’une part par le droit interne et d’autre part les conventions internationales :
▪ Constitution
compris les conventions fiscales, en réponse d’une part aux opportunités de l'ouverture de
l'économie nationale et l'internationalisation des échanges commerciaux et d’autre part à
l’impérative de lutter contre d'éventuels risques susceptibles de poser cette ouverture. On
peut citer, à titre d'illustration, deux catégories de conventions et traités internationaux, qui
influencent directement la matière fiscale : d'une part les conventions fiscales internationales
qui visent notamment d'éviter le problème de la double imposition entre le Maroc et le pays
cotraitant, d'autre part les conventions de libre-échange instituant des systèmes
d'abattement fiscaux sur les importations, voire des franchises douanières, en vue
d'encourager les flux commerciaux entre le Maroc et le reste du monde.
En revanche, il n’en demeure pas moins que les conséquences de la mise en œuvre de de ces
instruments conventionnels peuvent être sérieuses, aussi bien sur la souveraineté financière
et fiscale du pays que sur le sort de la structure et volume des finances publiques. C'est la
raison pour laquelle la Constitution (Art. 55) a mis un garde-fou institutionnel en stipulant que
les "traités engageant les finances de l'État ne peuvent être ratifiés (par le Roi) sans avoir été
préalablement approuvés par la loi".
▪ Législation fiscale
Le Code général des impôts prévoit certaines dispositions ayant lien avec le DFI :
Territorialité de l’impôt
Le Code général des impôts met en avant le principe de la territorialité de l’impôt, notamment
ses articles 5 et 23 du CGI qui prévoit que sont assujetties à l’impôt sur le revenu :
1°- les personnes physiques qui ont au Maroc leur domicile fiscal, à raison de l’ensemble de
leurs revenus et profits, de source marocaine et étrangère ;
2°- les personnes physiques qui n'ont pas au Maroc leur domicile fiscal, à raison de l’ensemble
de leurs revenus et profits de source marocaine ;
3°-les personnes, ayant ou non leur domicile fiscal au Maroc, qui réalisent des bénéfices ou
perçoivent des revenus dont le droit d’imposition est attribué au Maroc en vertu des
conventions tendant à éviter la double imposition en matière d’impôts sur le revenu.
II. Au sens du présent code, une personne physique a son domicile fiscal au Maroc lorsqu'elle
a au Maroc son foyer d'habitation permanent, le centre de ses intérêts économiques ou
lorsque la durée continue ou discontinue de ses séjours au Maroc dépasse 183 jours pour
toute période de 365 jours.
Sont considérés comme ayant leur domicile fiscal au Maroc les agents de l'État qui exercent
leurs fonctions ou sont chargés de mission à l'étranger lorsqu'ils sont exonérés de l'impôt
personnel sur le revenu dans le pays étranger où ils résident.
Retenue à la source sur les produits perçus par des personnes non résidentes
Selon les dispositions de l’article 15 du CGI les produits bruts soumis à la retenue à la source
prévue à l’article 4 du CGI sont ceux versés, mis à la disposition ou inscrits en compte des
personnes physiques ou morales non résidentes au titre :
I. de redevances pour l'usage ou le droit à usage de droits d'auteur sur des œuvres
littéraires, artistiques ou scientifiques y compris les films cinématographiques et de
télévision ;
II. de redevances pour la concession de licence d'exploitation de brevets, dessins et
modèles, plans, formules et procédés secrets, de marques de fabrique ou de commerce
;
III. de rémunérations pour la fourniture d'informations scientifiques, techniques ou autres
et pour des travaux d'études effectués au Maroc ou à l'étranger;
IV. de rémunérations pour l'assistance technique ou pour la prestation de personnel mis à
la disposition d'entreprises domiciliées ou exerçant leur activité au Maroc ;
V. de rémunérations pour l’exploitation, l'organisation ou l’exercice d’activités artistiques
ou sportives et autres rémunérations analogues ;
VI. de droits de location et des rémunérations analogues versées pour l'usage ou le droit à
usage d'équipements de toute nature ;
VII. d’intérêts de prêts et autres placements à revenu fixe à l’exclusion de ceux énumérés à
l’article 6 (I- C- 3°) et à l’article 45 du CGI ;
VIII. de rémunérations pour le transport routier de personnes ou de marchandises effectué
du Maroc vers l'étranger, pour la partie du prix correspondant au trajet parcouru au
Maroc ;
IX. de commissions et d'honoraires ;
Selon les dispositions de l’article 25 du CGI, sous réserve des conventions fiscales et des
dispositions de l'article 77 du CGI, les revenus et profits de source étrangère sont compris dans
le revenu global imposable pour leur montant brut. à l’exclusion des revenus et profits de
capitaux mobiliers de source étrangère soumis aux taux spécifiques libératoires prévus à
l’article 73-(II-F-5°et G-6°) du CGI, dans les conditions prévues à l’article 173 du CGI4.
Exonération en matière d’IS des dividendes de source étrangère
Selon les dispositions de l’article 6-C-I du CGI, ils bénéficient du taux prévu à l’article 19-II-C
du CGI pendant les cinq (5) premiers exercices consécutifs suivant la date du début de leur
exploitation les entreprises, autres que les établissements stables des sociétés n'ayant pas
leur siège au Maroc attributaires de marchés de travaux, de fournitures ou de service, les
établissements de crédit et organismes assimilés, Bank Al-Maghrib, la Caisse de dépôt et de
gestion, les sociétés d'assurances et de réassurances, les agences immobilières et les
promoteurs immobiliers 5 à raison des activités exercées dans l'une des préfectures ou
provinces qui sont fixées par décret compte tenu des deux critères suivants :le niveau de
développement économique et social ; la capacité d'absorption des capitaux et des
investissements dans la région, la province ou la préfecture.
Exonération en matière d’IS de certains organismes internationaux
En vertu des dispositions de l’article 6-I-A du CGI, certains organismes bénéficient totalement
de l’exonération de l’IS, notamment :
- les associations et les organismes (internationaux) légalement assimilés à but non
lucratif, pour les seules opérations conformes à l'objet défini dans leurs statuts.
- les sociétés non résidentes au titre des plus-values réalisées sur les cessions de valeurs
mobilières cotées à la bourse des valeurs du Maroc, à l’exclusion de celles résultant de
2
Article 7 de la loi de finances n° 40-08 pour l’année budgétaire 2009
3
ibid.
4
Article 8 de la loi de finances n° 38-07 pour l’année budgétaire 2008
5
ibid.
la cession des titres des sociétés à prépondérance immobilière telles que définies à
l’article 61- II du CGI ;
- la Banque Islamique de Développement (B.I.D.);
- la Banque Africaine de Développement (B.A.D.);
Traitement en matière d’IS des plus-values sur cession des valeurs mobilière réalisées par des
personnes non résidentes
Conformément aux dispositions de l’article 20 du CGI, les sociétés non résidentes imposées
forfaitairement, en application des dispositions de l'article 16 du CGI, doivent produire, avant
le 1 er avril de chaque année, une déclaration de leur chiffre d'affaires.
Par ailleurs, les sociétés non résidentes, n’ayant pas d’établissement au Maroc, sont tenues
de déposer une déclaration du résultat fiscal au titre des plus-values résultant des cessions
des valeurs mobilières réalisées au Maroc, établie sur ou d’après un imprimé-modèle de
l’administration.
Imposition forfaitaire des sociétés non résidentes titulaires de marchés
En vertu des dispositions de l’article 16 du CGI les sociétés non résidentes adjudicataires de
marchés de travaux, de construction ou de montage peuvent opter, lors du dépôt de la
déclaration prévue à l'article 148-III du CGI6 ou après la conclusion de chaque marché, pour
l'imposition forfaitaire sur le montant total du marché, au taux prévu à l'article 19-III-A du CGI.
Réduction de l’IR au titre des retraites de source étrangère
Conformément aux dispositions de l’article 76 du CGI, les contribuables ayant au Maroc leur
domicile fiscal au sens de l'article 23 ci-dessus et titulaires de pensions de retraite ou d'ayants
cause de source étrangère, bénéficient dans les conditions prévues à l’article 82III du CGI,
d'une réduction égale à 80% du montant de l'impôt dû au titre de leur pension et
correspondant aux sommes transférées à titre définitif en dirhams non convertibles.
Imputation de l’impôt étranger (art 77).
Selon les aux dispositions de l’article 77 du CGI, lorsque les revenus prévus à l'article 25 (3
ème alinéa) du CGI ont été soumis à un impôt sur le revenu dans le pays de la source avec
lequel le Maroc a conclu une convention tendant à éviter la double imposition en matière
d’impôts sur le revenu, c’est le montant ainsi imposé qui est retenu pour le calcul de l’impôt
dont il est redevable au Maroc.
Dans ce cas, l’impôt étranger, dont le paiement est justifié par le contribuable, est déductible
de l'impôt sur le revenu, dans la limite de la fraction de cet impôt correspondant aux revenus
étrangers.
Si ces revenus ont bénéficié d'une exonération dans le pays de la source avec lequel le Maroc
a conclu une convention tendant à éviter la double imposition prévoyant d’accorder un crédit
d’impôt au titre de l’impôt qui aurait été dû en l’absence d’exonération, celle-ci vaut
paiement.
6
ibid.
▪ Réglementation subsidiaire
En vue d’expliciter davantage les dispositions législatives la Direction générale des Impôt (DGI)
émet certaines circulaires, telles que :
- Circulaire relative aux accords préalables en matière des prix de transfert (A.P.P.) ;
- Accord préalable en matière de prix de transfert ;
- Exemple de lettre de demande d'APP (unilatérale, bilatérale ou multilatérale) ;
- Processus de traitement de la demande d’accord préalable en matière des prix de
transfert.
En général, les traités sont des accords conclus entre nations souveraines. L’article 2 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités 7 , qui s’applique à tous les traités, dispose:
l’expression “traité” s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par
le droit international. En matière fiscale, les traités sont souvent appelés «accords» ou
«conventions», mais la dénomination utilisée importe peu (art. 2 de la Convention).
Les conventions fiscales bilatérales confèrent des droits et imposent des obligations aux deux
États contractants, mais pas aux tiers, y compris les contribuables. Cela étant, elles sont de
toute évidence destinées à bénéficier aux contribuables des États contractants. Qu’il en soit
ainsi ou non dépend du droit interne de chaque État: dans certains États, les conventions sont
d’application directe, ce qui signifie que les résidents peuvent s’en prévaloir dès qu’elles sont
conclues; dans d’autres, un certain nombre de formalités doivent tout d’abord être
accomplies (par exemple, la transposition des dispositions en droit interne) avant que les
résidents puissent en bénéficier.
L’article 26 de la Convention de Vienne dispose que les traités lient les parties et doivent être
exécutés par elles de bonne foi. C’est le principe pacta sunt servanda. Si un pays ne respecte
pas ses conventions fiscales, les autres pays risquent de n’avoir aucun intérêt à en conclure
avec lui
La plupart des conventions fiscales sont bilatérales. Les conventions fiscales multilatérales
sont très peu nombreuses (on citera à cet égard la Convention multilatérale concernant
l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale), mais l’élaboration d’un tel instrument
est préconisée par des spécialistes depuis de nombreuses années et figure au nombre des
actions prévues par le projet de l’OCDE relatif à l’érosion de la base d’imposition et le transfert
de bénéfices4 , quoique la portée exacte d’un tel instrument reste encore à définir.
7
Convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969.
La Convention est le premier traité multilatéral en son genre, permettant aux juridictions d'intégrer les
résultats du Projet BEPS OCDE/G20 dans leurs réseaux existants de conventions fiscales. Le Projet BEPS
OCDE/G20 fournit des solutions aux gouvernements pour combler les failles des règles internationales
existantes qui permettent aux sociétés de faire « disparaître » leurs bénéfices ou de transférer
artificiellement dans des environnements à fiscalité faible ou nulle tandis que ces entreprises y ont peu –
voire aucune – activité économique. Le chalandage fiscal, en particulier, est considéré réduire le taux effectif
de retenues fiscales de plus de 5 points de pourcentage, de presque 8% à 3%, générant de grandes pertes
de recettes publiques pour les pays développés comme pour ceux en voie de développement. La Convention
a pris effet le 1er janvier 2019 et s'applique maintenant à 51 conventions fiscales conclues parmi les 28
juridictions qui ont déjà déposé leur instrument d'acceptation, d'approbation ou de ratification.
La Convention, négociée par plus de 100 pays et juridictions sous le mandat confié par les Ministres des
Finances et les Gouverneurs des Banques centrales du G20, est l'un des résultats les plus remarquables du
Projet BEPS OCDE/G20. C'est l'instrument phare dans le monde pour mettre à jour les conventions fiscales
bilatérales et réduire les opportunités d'évitement fiscal par les entreprises multinationales. Les mesures
incluses dans la Convention couvrent l'utilisation abusive des conventions fiscales, les stratégies pour éviter
la création d'un «établissement stable » ainsi que les arrangements exploitant les différences de traitement
fiscal entre pays. La Convention renforce aussi le mécanisme de règlement des différends, en particulier par
l'ajout d'une disposition facultative d'arbitrage exécutoire obligatoire, pour laquelle 28 juridictions ont opté.
Les modèles de convention fiscale ont une longue histoire, qui remonte à 1921, lorsque la
Société des Nations, consciente des problèmes posés par la double imposition internationale,
avait suscité des travaux destinés à y remédier. Ces travaux, poursuivis après 1929 par un
Comité fiscal permanent, aboutirent à la rédaction de modèles de conventions fiscales
bilatérales (modèles de Mexico, arrêtés en 1943, revus à Londres en 1946).
Aujourd’hui , les CFI ne sont pas librement négociées. Elles sont conclues sur la base d’un
modèle. On peut en distinguer deux catégories : modèles dominants et modèles spécifiques
nationaux.
Il existe deux grands modèles de convention fiscale: celui de l’ONU et celui de l’OCDE. Le
modèle de convention fiscale de l’ONU s’inspire fortement de celui de l’OCDE.
Si le modèle de l’OCDE est bien adapté aux pays industriels, il convenait moins bien, à certains
égards, aux rapports entre pays développés et pays en développement. L’État de la source
renonçait fréquemment à son droit d’imposition ou le limitait à une faible retenue. Or, les
transferts de revenus entre pays en développement et États industriels ne sont généralement
pas équilibrés par la réciprocité qu’entraînent des activités économiques comparables. Ils sont
unilatéraux, allant des pays en développement vers les pays exportateurs de capitaux.
Pour pallier à ce tracas, et encourager la conclusion de conventions fiscales entre pays en
développement et pays développés, le Conseil économique et social de l’Organisation des
Nations unies a adopté en 1974, adopté avec son huitième rapport de ses travaux, commencés
8
L’OCDE compte actuellement 34 membres, dont un grand nombre des pays les plus industrialisés.
déjà en 1968, un modèle de convention des Nations unies concernant les doubles impositions
entre pays développés et pays en développement.
Ce modèle de convention a été révisé en 2001 puis à nouveau en 2011. En 2004, en application
de la résolution 2004/69 du Conseil économique et social, le Groupe d’experts a changé de
nom pour devenir le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale. Le
Comité est chargé de la mise à jour des commentaires détaillés relatifs au Modèle de
Convention des Nations Unies ainsi que de la publication de plusieurs manuels utiles sur les
questions fiscales intéressant les pays en développement (prix de transfert, négociation des
conventions fiscales entre pays développés et pays en développement). Il se compose de
représentants des administrations fiscales désignés par leurs gouvernements et nommés par
le Secrétaire général de l’ONU mais siégeant à titre personnel. Une petite majorité des
membres du Comité proviennent des pays en développement et des pays à économie de
transition. Le modèle de convention de l’ONU, qui reprend la structure du modèle de l’OCDE,
comporte de nombreuses dispositions identiques ou analogues. Il est par conséquent logique
de considérer le modèle de l’ONU non comme un texte complètement distinct mais comme
une version ayant subi des modifications importantes, mais limitées, du modèle de l’OCDE.
Les principales distinctions entre les deux modèles peuvent être résumés comme suit :
- Le modèle de l’ONU impose moins de restrictions sur les droits d’imposition de l’État
de la source. Autrement dit, les pays de la source disposent de davantage de droits
d’imposition que dans le cadre du modèle de l’OCDE. Ainsi, contrairement à l’article
12 (Redevances) du modèle de convention de l’OCDE, l’article 12 du modèle de l’ONU
n’empêche pas le pays de la source d’imposer les redevances payées par un résident
du pays de la source à un résident d’un autre pays.
- À la différence du modèle de l’OCDE, le modèle de convention de l’ONU prévoit
également des droits d’imposition plus larges du pays de la source sur les revenus
d’entreprise de non-résidents. Ainsi, la durée nécessaire pour qu’un projet de
construction représente un établissement stable n’est que de six mois dans le modèle
de l’ONU alors qu’il est de 12 mois dans le modèle de l’OCDE.
- Selon le modèle de l’ONU, une entreprise dispose d’un établissement permanent si
elle fournit des services pendant une période d’au moins 183 jours, tandis que, d’après
le modèle de l’OCDE, une entreprise possède un établissement permanent
uniquement si elle fournit des services par l’intermédiaire d’une installation fixe
d’affaires qui, selon le commentaire des dispositions correspondantes, doit
normalement exister depuis plus de six mois.
Au demeurant, malgré ces nuances, il n’en reste pas moins que le succès rencontré par les
modèles de convention fiscale de l’ONU et de l’OCDE est remarquable. La quasi-totalité des
conventions fiscales existantes s’en inspirent. Leur large acceptation et l’uniformisation de
nombreuses règles d’imposition internationales qui en découle ont beaucoup favorisé la
réduction de la double imposition.
On trouve également des modèles nationaux de convention fiscale, qui, souvent, ne sont pas
publiés mais sont utilisés lors des négociations bilatérales.
Le département du Trésor des États-Unis a publié un modèle révisé de convention fiscale
bilatérale (le « modèle de convention de 2016 »), qui constitue une mise à jour importante du
modèle de 2006. Les États-Unis utilisent un modèle de convention fiscale comme texte de
base pour négocier les conventions fiscales.
Le modèle de convention de 2016 contient de nombreuses modifications, dont plusieurs ne
sont pas des modifications de fond, mais reflètent plutôt les améliorations techniques
apportées dans le cadre de négociations de conventions bilatérales. Les versions révisées des
dispositions préliminaires diffusées par le Trésor pour commentaires en mai 2015 font partie
des changements et ajouts importants contenus dans le modèle de convention de 2016. Ces
dispositions portent sur les éléments, notamment : les régimes fiscaux spéciaux ; les entités
expatriées ; les règle de limitation des avantages ; la règle de l’établissement stable
triangulaire ; l’arbitrage exécutoire obligatoire.
Le préambule du modèle de convention de 2016 note que le nouveau modèle intègre un
certain nombre de recommandations du projet BEPS OCDE/G20, dont un préambule révisé
qui dit clairement que l’objet d’une convention fiscale est d’éliminer la double imposition sans
créer d’occasions de non-imposition ou d’imposition réduite par le biais de l’évitement fiscal.
Le préambule mentionne toutefois aussi que le modèle de convention de 2016 ne suit pas les
recommandations du projet BEPS concernant les seuils d’établissement stable, notamment
les règles révisées relatives aux mandataires dépendants et indépendants et l’exemption en
cas d’activités de nature préparatoire ou auxiliaire, évoquant des préoccupations quant à
l’application uniforme de ces dispositions par les pays signataires.
Les dispositions du modèle de convention de 2016 ne s’appliquent pas directement aux
conventions fiscales déjà signées par les États-Unis, mais elles signalent aux contribuables la
trajectoire qu’empruntera dorénavant la politique américaine sur les conventions fiscales. Le
modèle de convention de 2016 a ceci de notable qu’il réaffirme clairement la position des
États-Unis selon laquelle des règles objectives (comme la règle de limitation des avantages ou
les exigences relatives aux régimes fiscaux spéciaux) sont une solution plus efficace aux enjeux
abordés par le projet BEPS que des mesures subjectives (comme le critère ouvert des objectifs
principaux). Il reste à voir si cette position influencera la politique sur les conventions des
autres pays de l’OCDE.
La négociation d’une CFI est initiée généralement par une première prise de contact entre les
pays. Avant d’ouvrir des négociations, les pays prennent en considération tout un ensemble
de facteurs, dont le plus important est le volume du commerce et des investissements avec
tel ou tel pays.
Une fois que les négociations s’ouvrent, les pays échangent leurs propres modèles (ou, s’ils
n’en ont pas, leur dernière convention fiscale) et organisent une première réunion de
négociation. En règle générale, il y aura deux rondes de négociation, une dans chaque pays.
Pr. H. EL ARAFI – UM5 Rabat – FSJESA 18
Précis de la Fiscalité Internationale 2021
Au cours de la première ronde, les équipes de négociation se mettent d’accord sur un texte,
habituellement la convention modèle des Nations Unies ou de l’OCDE, comme point de départ
de leurs négociations. Une fois que les deux parties ont présenté leur régime fiscal, le texte
est négocié article par article. Les parties du texte sur lesquelles les parties n’arrivent pas à
s’accorder sont généralement placées entre crochets, pour être examinées à un stade
ultérieur.
Une fois que la formulation de la convention est arrêtée, les parties y apposent leurs initiales.
Des dispositions sont alors prises pour que le traité soit signé par un représentant habilité
(souvent un ambassadeur ou autre représentant de l’État). Après la signature, chaque État
ratifie le traité en conformité avec ses propres procédures. En règle générale, le traité est
conclu lorsque les pays échangent leurs instruments de ratification et il entre en vigueur
conformément aux règles prévues par le traité (art. 29 (entrée en vigueur) du Modèle de
Convention des Nations Unies).
La négociation d’une convention fiscale se fait donc en plusieurs étapes: signature,
ratification, conclusion et entrée en vigueur, qui ont chacune une signification particulière et
emportent des conséquences bien précises9.
Une fois un traité adopté, il peut être modifié, même sur des points majeurs, pour autant que
les États contractants y consentent. Il arrive souvent qu’une convention fiscale soit amendée
par voie d’un avenant. En droit international, un avenant est tout simplement un type de traité
et doit donc, comme décrit plus haut, être ratifié en conformité avec les règles applicables aux
traités avant d’entrer en vigueur.
Le droit fiscal des États doit faire l’objet de fréquentes modifications et interprétations pour
s’adapter à l’évolution des circonstances. Il en va de même des conventions fiscales. La théorie
veut que la façon appropriée de modifier une disposition conventionnelle caduque soit de
procéder par voie d’amendement négocié entre les parties, mais, dans la pratique, la
négociation d’un amendement est souvent extrêmement lente et difficile, et il n’est pas rare
que la négociation d’un avenant prenne autant de temps que celle d’un traité. Il arrive souvent
que lorsqu’un aspect d’un traité est renégocié, d’autres doivent l’être également.
Inspirée des modèles de convention de l’ONU et de l’OCDE, la structure souvent adoptée pour
formuler une CFI est comme suit :
- Chapitre I réservé à l’article 1, qui précise les personnes visées par la convention, soit
en général les résidents des deux États contractants, et à l’article 2, qui décrit les
impôts visés par la convention, soit généralement les impôts sur le revenu et sur la
fortune prélevés par les États contractants et leurs subdivisions politiques.
9
On trouvera des informations plus détaillées dans le document Papers on Selected Topics in Negotiation of Tax
Treaties for Developing Countries, disponible à l’adresse www.un.org/esa/ffd/documents/Papers_TTN.pdf.
Les conventions contiennent souvent, après le texte même de l’accord, un protocole annexé,
qui fait partie intégrante de la convention et présente donc la même valeur juridique.
C’est le Département gouvernemental chargé des affaires étrangères qui signe les CFI (ou bien
il délègue ses pleins pouvoirs à un autre Ministre, Ambassadeurs,) dans l’une ou l’autre des
capitales des pays concernés.
A l’instar des lois les CFI passent par les étapes suivantes:
Délibération au Conseil du Gouvernement
- Adoption par le Conseil des Ministres
- Vote par Parlement (Chambre des Représentants et Chambre des Conseillers)
- Promulgation par SM le Roi
- Publication au Bulletin Officiel
L’échange des instruments de ratification des CFI entre les États contractants est opéré par le
Département gouvernemental chargé des affaires étrangères.
15. L’interprétation est un moyen d’actualiser, dans une certaine mesure, les CFI sans passer
par une procédure d’amendement formel.
Il s’agit d’un exercice imputable aux contribuables, à l’Administration fiscale et au juge fiscal.
L’enjeu de cet exercice réside dans le fait que ces conventions peuvent être interprétées
largement pour donner effet aux objectifs qu’on leur prête ou étroitement en s’en tenant à
leur formulation littérale.
Ceci est particulièrement vrai si l’on sait que le sens des vocables, expressions et termes, ainsi
que le contexte dans lequel ils sont utilisés et l’objet des dispositions sont généralement
importants pour interpréter aussi bien les conventions que les législations fiscales nationales.
l’Administration fiscale et au juge fiscal peuvent avoir tendance à interpréter les CFI de la
même manière qu’ils interprètent les législations fiscales nationales, mais il existe entre ces
instruments plusieurs différences importantes, notamment les suivantes:
a) toute CFI faisant intervenir deux États contractants, les questions d’interprétation
devraient être réglées compte tenu des intentions et des attentes mutuelles des deux
parties;
b) Les CFI s’adressent à un plus vaste auditoire que les législations nationales, à savoir
aussi bien aux gouvernements qu’aux contribuables de chaque pays;
c) Les termes utilisés dans les CFI diffèrent fréquemment de ceux utilisés dans les
législations nationales. Ainsi, le Modèle de convention des Nations Unies utilise le
terme «entreprise», qui n’est pas utilisé dans la législation nationale de nombreux
pays;
d) Les conventions fiscales ont principalement pour vocation d’assurer un dégrèvement,
comme il est indiqué plus haut; elles n’imposent pas d’impôt;
e) Les modèles de convention des Nations Unies et de l’OCDE et leurs commentaires
n’ont pas d’équivalents dans le contexte des législations fiscales nationales.
Compte tenu de ces différences, la question se pose de savoir s’il ne faudrait pas adopter une
autre approche interprétative dans le cas des conventions fiscales.
Au demeurant, les conventions fiscales étant des traités, leur interprétation est régie par la
Convention de Vienne sur le droit des traités 6 (Convention de Vienne), qui s’applique à tous
les traités et non pas seulement aux conventions fiscales. De nombreux pays ont signé cette
convention et sont liés par ses dispositions. Toutefois, même ceux qui ne l’ont pas fait peuvent
être liés par ces dispositions parce que celles-ci représentent une codification du droit
international coutumier, qui est contraignant pour tous les pays.
La règle générale d’interprétation énoncée au paragraphe 1 de l’article 31 de la Convention
de Vienne est la suivante: Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire
à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
Une fois un traité adopté, il peut être modifié, même sur des points majeurs, pour autant que
les États contractants y consentent. Il arrive souvent qu’une convention fiscale soit amendée
par voie d’un avenant. En droit international, un avenant est tout simplement un type de traité
et doit donc, comme décrit plus haut, être ratifié en conformité avec les règles applicables aux
traités avant d’entrer en vigueur.
Le droit fiscal des États doit faire l’objet de fréquentes modifications et interprétations pour
s’adapter à l’évolution des circonstances. Il en va de même des conventions fiscales. La théorie
veut que la façon appropriée de modifier une disposition conventionnelle caduque soit de
procéder par voie d’amendement négocié entre les parties, mais, dans la pratique, la
négociation d’un amendement est souvent extrêmement lente et difficile, et il n’est pas rare
que la négociation d’un avenant prenne autant de temps que celle d’un traité. Il arrive souvent
que lorsqu’un aspect d’un traité est renégocié, d’autres doivent l’être également.
CHAPITRE 2 :
PRINCIPAUX PHENOMENES DU DROIT FISCAL INTERNATIONAL
L’État de la résidence n’impose pas certains revenus de source étrangère, voire même renonce
à imposer tous les revenus de source étrangère : il applique, dans ce dernier cas, la taxation
selon le principe de la source ou de la territorialité des revenus.
Dans le cas d’un contribuable résident du Maroc réalise des revenus dans un autre État et que
conformément aux dispositions d'une convention conclue par le Maroc avec cet autre État
(État de la source), ces revenus étrangers sont exonérés au Maroc par application de la
méthode de l'imputation, le Maroc accorde sur l'impôt marocain grevant tant les revenus
indigènes que les revenus étrangers, une déduction d'un montant égal à l'impôt payé dans
l`État de la source.
Toutefois, cette déduction ne peut excéder la fraction de l'impôt, calculé avant déduction,
correspondant à ces revenus réalisés dans l'État de la source.
La différence fondamentale entre la méthode de l'exemption et la méthode de l'imputation
consiste dans le fait que la méthode de l'exemption tient compte du revenu étranger, alors
que la méthode de l'imputation tient compte de l'impôt étranger.
Au travers du tableau suivant, un rapide tour d’horizon de ces deux méthodes également
appelées « méthode de l’imputation » et « méthode de l’exemption ».
L’État où est établie la résidence fiscale du L’État de résidence fiscale n’assujettit pas les
contribuable impose la totalité des revenus revenus provenant de l’étranger mais les prend en
de celui-ci (nationaux et internationaux).Il est compte pour la détermination du taux d’imposition
cependant prévu : des revenus de source locale.
Une imputation intégrale : l’intégralité de Règle du « taux effectif » ou du « taux moyen
Principes
l’impôt payé dans l’autre État est déduite de d’imposition »Cette méthode consiste à calculer
l’impôt acquitté localement OU l’impôt applicable aux seuls revenus imposables en
France en utilisant le taux moyen de l’impôt exigible
Une imputation ordinaire : est déduit l’impôt
à raison de l’ensemble des revenus qui auraient été
acquitté dans l’autre état dans la limite de
imposés en France sans les dispositions d’une
l’impôt acquitté localement sur ces mêmes
convention fiscale (c’est-à-dire, les revenus
revenus
mondiaux).
- un chantier nécessitant des travaux importants, continus, de longue durée ainsi que la
prise de décisions techniques par des responsables se trouvant sur ce chantier.
L’installation doit présenter une certaine autonomie à l’égard du siège ; c’est d’ailleurs cette
autonomie qui la rend apte à poursuivre les buts économiques qui lui sont assignés. Une
exploitation qui serait pleinement dépendante du siège et qui ne pourrait fonctionner seule
ne pourrait pas être individualisée fiscalement.
Pour être fiscalement « indépendant », il faut que l’établissement le soit d’abord
économiquement. Autrement dit, l’exploitation située à l’étranger, tout en n’étant qu’un
simple démembrement du siège, fonctionne comme si elle était en réalité une entreprise à
part entière. Elle dispose, pour ce faire, d’un personnel distinct, de services commerciaux,
financiers, techniques propres et parfois d’une comptabilité séparée de celle de la société.
▪ Cadrage juridique
Cas général
La condition d’exercice habituel d’une activité est notamment remplie lorsque l’entreprise
exploite un « établissement » qui se caractérise, en principe, par l’existence:
- d’un organisme professionnel ;
- dont l’installation présente un certain caractère de permanence ;
- et qui possède une autonomie
Il y a lieu de considérer comme tel toute unité de production ou d’échange formant un
ensemble cohérent, apte à poursuivre certains buts économiques déterminés et siège
d’opérations normalement génératrices de profits. Cet organisme est généralement
concrétisé par une installation matérielle possédant une certaine permanence.
Enfin, l’établissement doit constituer une unité propre ayant une certaine autonomie au sein
de l’entité juridique constituée par l’entreprise. L’autonomie de l’établissement peut être
caractérisée, notamment, par l’existence des éléments suivants ou de certains d’entre eux :
- d’un personnel distinct ou d’un préposé spécialement délégué ;
- de services commerciaux, financiers ou techniques propres ;
- d’une comptabilité séparée de celle du siège ;
- d’un centre de décision.
Il est parfois procédé au fractionnement des activités sur le territoire : on évite ainsi
l’apparition de l’établissement stable, entité dotée d’un certain nombre de moyens.
En droit marocain, il n’est pas nécessaire, pour qu’une opération soit imposable, qu’elle se
situe dans le cadre d’une activité exercée de manière habituelle. L’opération occasionnelle est
soumise à l’IS, dès lors qu’en raison de sa nature, elle revêt un caractère lucratif.
Cas particulier de «représentants».
L’exercice habituel d’une activité peut également s’exercer l’intermédiaire de
«représentants». Mais il convient de distinguer à cet égard selon que les « représentants »
soient réalisées par l’intermédiaire du Seul le respect de ces trois conditions cumulatives
permet en conséquence de retenir l’existence d’un établissement stable en matière de e-
commerce et donc de déroger au principe de taxation dans l’État de résidence de l’entreprise ».
Bien évidemment, dans le cadre de l’économie numérique, il est aisé de localiser
l’infrastructure technique et physique dans un état à fiscalité privilégiée ; on peut ainsi éviter
une imposition jugée trop lourde.
Cela est d’autant plus simple que :
- Les contrats sont généralement conclus à distance via l’Internet ou par téléphone.
- Les paiements s’effectuent exclusivement par carte de crédit ou par d’autres moyens
de paiement électroniques, en utilisant des formulaires en ligne ou des plateformes
liées ou intégrées aux sites Internet
- Les sites Internet constituent l’unique vecteur utilisé pour entrer en relation avec
l’entreprise; aucun magasin ou aucune agence physique n’intervient pour exercer les
activités fondamentales, à l’exception des bureaux situés dans les pays où la société
mère ou la société exploitante est implantée.
- L’utilisation effective du bien numérique ou la fourniture du service numérique ne
nécessite pas une présence physique ou la participation d’un produit matériel autre
que l’utilisation d’un ordinateur
Cet état de fait a amené l’OCDE à proposer d’établir une imposition en cas de « présence
numérique significative ». Pour une entreprise engagée dans une activité entièrement
dématérialisée, une présence numérique significative serait réputée exister dans un pays
lorsque, par exemple :
Un nombre significatif de contrats prévoyant la vente de produits ou la fourniture de services
entièrement dématérialisés sont signés à distance entre l’entreprise et un client résident dans
le pays à des fins commerciales.
Pourtant, certaines entreprises se réfugient derrière l’exception de l’article 5 de la convention
OCDE, en argumentant sur le caractère accessoire de certaines activités numériques : … on
considère qu’il n’y a pas « établissement stable » si : e) une installation fixe d’affaires est
utilisée aux seules fins d’exercer, pour l’entreprise, toute autre activité de caractère
préparatoire ou auxiliaire ;
▪ Principe général
▪ Liquidation
Pour déterminer les résultats positifs ou négatifs de l’activité réputée nationale, du point de
vue fiscal, d’une entreprise qui exerce son activité tant dans le territoire qu’à l’étranger, il
convient d’effectuer la ventilation des résultats globaux de l’entreprise d’après sa
comptabilité.
Compte tenu de la nature des opérations effectuées et des conditions particulières
d’exploitation, cette ventilation peut porter :
▪ Justification comptable
Les documents comptables et fiscaux que les entreprises sont tenues de produire doivent être
de nature à justifier l’exactitude des résultats indiqués dans la déclaration à laquelle ils doivent
être joints.
S’agissant de personnes morales passibles de l’IS, ces résultats imposables s’entendent
uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées dans le territoire ainsi que
ceux dont l’imposition lui est attribuée par une convention internationale relative aux doubles
impositions.
Les sociétés et personnes morales assimilées exerçant partiellement leur activité à l’étranger
sont tenues de produire deux séries de tableaux normalisés à l’appui de leur déclaration de
résultat :
- la première, regroupant les éléments comptables concernant l’ensemble des activités
exercées quelle que soit leur localisation ;
- la seconde, mentionnant les éléments afférents aux seules opérations dont le résultat
est imposable.
I.4.1. - Notions
▪ Définition
La question des prix de transfert, a attiré l’attention de plusieurs fiscalistes du monde et elle
intéresse plusieurs organismes mondiaux à vocation économique et sociale, dont les
principaux sont l’OCDE et l’ONU.
Il est entendu par les prix de transfert, selon l’OCDE, "les prix auxquels une entreprise
transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises
associées". Autrement-dit, sont les prix des transactions entre entreprises d'un même groupe
(multinationale) et situées dans pays différents, telles que : ventes de biens et de
marchandises ; prestations de services intragroupes ; partage de certains frais communs entre
plusieurs entreprises du groupe (frais d'administration générale ou de siège) ; mise à
disposition de personnes ou de biens ; redevances de concession de brevets ou de marques,
relations financières ; services rendus par une entreprise du groupe aux autres entreprises….
En fait, il s’agit donc des prix de toutes les transactions qui sont conclues entre l’ensemble des
filiales d’une même entreprise multinationale.
Ces prix de transfert peuvent être utilisés comme un levier permettant d’affecter à telle ou
telle société du groupe une part plus ou moins grande du résultat fiscal d’ensemble et par
conséquent de soumettre ces résultats à des taux d’imposition différents.
Encadré 2 : Illustrations des cas des prix de transfert
Illustration 1 : au sein d'un groupe, une filiale A établie en Grande-Bretagne vend des
vaccins vaccin AstraZeneca contre le Covid-19 à une autre filiale B établie en Inde, le
prix de vente des vaccins est un prix de transfert.
Illustration 2 : Une multinationale même « Coca-Cola » située aux États-Unis facture
des frais de siège à ses filiales, situées à l'étranger, le service facturé relève des prix de
transfert.
Illustration 3 : une Multinationale « Audi» fabrique en Allemagne des pièces-auto
qu'elle vend à une filiale étrangère « B » qui les commercialise, le prix de vente est un
prix de transfert.
Illustration 4 : une transaction transfrontalière entre des entreprises non associées à un
même groupe ne constitue pas un prix de transfert.
▪ Critères de qualification
Pour qu’ils soient qualifiés comme tels, les prix de transfert requiert des transactions
intragroupes et le passage d'une frontière. Il s'agit finalement d'une opération d'import-
export au sein d'un même groupe, ce qui exclut toute transaction à l'international avec des
sociétés indépendantes ainsi que toute transaction intragroupe sans passage de frontière.
La notion de groupe suppose, d’ores et déjà, l'existence de liens de dépendance entre les
différentes entreprises qui le composent. Le lien de dépendance peut être juridique (de droit)
ou de fait.
Dépendance de droit
Une entreprise marocaine est placée sous la dépendance d'une entreprise étrangère lorsque
cette dernière possède directement ou indirectement une part prépondérante dans son
capital ou la majorité absolue des droits de vote dans les assemblées d'actionnaires ou
d'associés. En pratique, la détention de la majorité du capital (plus de 50%) suffit à caractériser
la dépendance.
Cette dépendance de droit peut être :
- Une dépendance juridique indirecte lorsqu’une entreprise A à l’étranger détient 51%
du capital de l’entreprise B située au Maroc ;
- Une dépendance juridique indirecte, par exemple lorsqu’une entreprise étrangère A
vend des marchandises à l'entreprise marocaine C, dont elle détient indirectement
51% du capital ou lorsque l'entreprise étrangère C vend des marchandises à
l'entreprise marocaine B, et ces deux entreprises sont détenues à 51% par l'entreprise
A.
Dépendance de fait
Il y a dépendance de fait si l'entreprise étrangère exerce dans l'entreprise marocaine
directement ou indirectement un véritable pouvoir de décision (ou inversement).
Elle existe, par exemple, dans les cas suivants:
- une entreprise marocaine qui est liée par un contrat avec une entreprise étrangère qui
lui impose le prix de produits vendus ;
- deux entreprises marocaine et étrangère qui ont le même nom et qui utilisent le
concours des mêmes représentants et se partagent les commandes recueillies par ces
représentants ;
- une entreprise qui fabrique au Maroc des biens sous une marque détenue par un
résident étranger sans contrat de licence alors que l'entreprise étrangère achète la
totalité de la production de l'entreprise marocaine et intervient dans la gestion et dans
la commercialisation au Maroc des produits vendus à des clients indépendants.
La dépendance de fait se caractérise donc par la capacité d'une entreprise à imposer des
conditions économiques à une autre entreprise.
Les règles régissant les prix de transfert ont connu une évolution depuis 2009 jusqu’à l’heure
actuelle :
Le fondement juridique des prix de transfert dans le droit interne est établi par les dispositions
de l’article 213 II du CGI, qui prévoit ainsi que lorsqu’une entreprise a directement ou
indirectement des liens de dépendance avec des entreprises situées au Maroc ou hors du
Maroc, les bénéfices indirectement transférés, soit par voie de majoration ou de diminution
des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont rapportés au résultat fiscal et/ou
au chiffre d’affaires déclarés.
En vue de cette rectification, les bénéfices indirectement transférés sont déterminés par
comparaison avec ceux des entreprises similaires ou par voie d’appréciation directe sur la base
d’informations dont dispose l’Administration.
Le dispositif « prix de transfert » au Maroc présente donc des particularités en comparaison
d’autres législations ou réglementations comparables, en ce sens qu’il vise tout autant les
transactions réalisées entre entreprises marocaines dépendantes que les transactions
réalisées entre entreprises étrangères et marocaines dépendantes.
De même, les dispositions de l’article 214 III du CGI prévoient, à juste titre, que
l’Administration peut demander à l’entreprise imposable au Maroc communication des
informations et documents relatifs :
- à la nature des relations liant l’entreprise imposable au Maroc à celle située hors du
Maroc ;
- à la nature des services rendus ou des produits commercialisés ;
- à la méthode de détermination des prix des opérations réalisées entre lesdites
entreprises et les éléments qui la justifient ;
- aux régimes et aux taux d’imposition des entreprises situées hors du Maroc.
D’une manière plus explicite, la Note Circulaire n°717 publiée le 24 mai 2011 par la Direction
Générale des Impôts précise que les transferts indirects de bénéfices entre sociétés
dépendantes peuvent résulter de pratiques variées, telles que :
- la majoration des prix d'achat de biens et services importés ou acquis localement ;
- la minoration des prix de vente des biens et services exportés ou vendus localement ;
- la pratique de taux d'intérêts réduits ou majorés ;
- la pratique des prix excessifs pour les redevances et autres rémunérations ;
- la prise en charge des frais de gestion excessifs ou fictifs.
La notion de prix de transfert a à nouveau fait l’objet d’une adaptation législative par Loi de
finances 2015 (art.6), qui a prévu la possibilité pour le contribuable d’engager avec
l’administration des impôts une « Procédure d’accord préalable sur les prix de transfert ».
Autrement-dit, il est désormais possible de solliciter de manière officielle un rescrit sur cette
question de la part des autorités fiscales marocaines.
L'accord préalable (APP) peut être défini comme un accord conclu entre le contribuable et la
ou les autorité(s) fiscale(s) compétente(s), permettant à une entreprise multinationale, par la
détermination concertée d'une méthode de prix de transfert, de s'assurer que les prix
pratiqués dans ses relations industrielles, commerciales et financières intragroupe sont
conformes au principe de pleine concurrence.
Aux termes de l’article 6 de la LF le texte de loi dispose que : « les entreprises ayant
directement ou indirectement des liens de dépendance avec des entreprises situées hors du
Maroc, peuvent demander à l’administration fiscale de conclure un accord préalable sur la
méthode de détermination des prix des opérations mentionnées à l’article 214–III ci-dessus
pour une durée ne dépassant pas quatre exercices». Il s’agit donc là d’une procédure
Pr. H. EL ARAFI – UM5 Rabat – FSJESA 35
Précis de la Fiscalité Internationale 2021
unilatérale, par opposition aux procédures bilatérales, qui impliquent l’accord des autorités
fiscales de l'État où est établie l'entreprise située hors du Maroc.
Certes, l’APP semble constituer une opportunité pour les opérateurs, en approuvant, par
l’Administration fiscale, la politique de prix de transfert appliquée par les filiales marocaines
des grands groupes multinationaux et sans remise en cause la méthode de détermination des
prix des opérations mentionnées à l’article 214–III du CGI ayant fait l’objet d’un accord
préalable avec une entreprise conformément aux dispositions de l’article 234 bis du CGI.
En revanche, la signature d’un APP avec l’administration des impôts ne saurait être vue
comme une garantie absolue contre tout redressement fiscal. En effet, une remise en cause a
posteriori peut être opérée en cas de non-respect des termes du contrat. En foi de quoi,
l’accord est considéré comme nul et de nul effet depuis sa date d’entrée en vigueur dans les
cas suivants : «présentation erronée des faits, dissimulation d’informations, erreurs ou
omissions imputables à l’entreprise, non-respect de la méthode convenue et des obligations
contenues dans l’accord par l’entreprise ou usage de manœuvres frauduleuses.»
Les modalités de conclusion dudit accord seront fixées par voie réglementaire. Il est toutefois
possible d’anticiper la forme que prendra la procédure en observant ce qui se fait dans
d’autres pays. En pratique, le processus comporte généralement plusieurs étapes :
1. les demandes d’APP sont introduites à l’initiative du contribuable auprès de l’autorité
fiscale compétente, quelques mois avant l'ouverture de l'exercice au titre duquel ces APP
ont vocation à s'appliquer pour la première fois ;
2. une réunion préliminaire peut se tenir pour s’accorder sur l'opportunité de la demande et
les conditions dans lesquelles l'accord peut être demandé et instruit (« discussion paper
»);
3. l’Administration prend ensuite position sur la méthode de détermination des prix de
transfert par le contribuable, et l’en informe par écrit ;
4. une fois l’APP conclu, il est de rigueur que le contribuable se voit demander de produire
un rapport annuel afin de vérifier la conformité des méthodes pratiquées aux termes de
l'accord.
Les règles sur les prix de transfert ont connu un nouvel infléchissement au Maroc suite à en
vertu des dispositions de LF 2021. Une mutation de conditions qui s'inscrit dans le continuum
des efforts déployés par le Maroc visant l’amélioration de son cadre fiscal, mais aussi dans
l’objectif de se conformer aux règles de l’Union européenne en matière de fiscalité.
A titre de rappel le Maroc adhère aux lois «antiBEPS» de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) visant à faire face à l’érosion de la base d’imposition et
de transfert de bénéfices (voir encadré n°1 ci-dessus). Cette pratique consiste en la minoration
du chiffre d’affaires de la filiale d’une multinationale ou la majoration des charges facturées à
sa maison-mère ou ses autres filiales qui traitent avec elle. Il peut s’agir de services ou de la
vente de biens.
Ainsi, pour ne pas retomber dans une infraction fiscale, la fixation des prix de transfert est
devenue obligatoire à partir de janvier 2020 pour les filiales étrangères. Les entreprises visées
à l’article 210 sont tenues de communiquer à l’administration fiscale, par procédé
Pr. H. EL ARAFI – UM5 Rabat – FSJESA 36
Précis de la Fiscalité Internationale 2021
Les prix de transfert peuvent être déterminés selon plusieurs méthodes traditionnelles
indiquées par l’OCDE ou d’autres plus récentes, mais toujours sous réserve du principe de
pleine concurrence et selon l'analyse fonctionnelle réalisée par l'entreprise, qui doit choisir la
méthode la plus appropriée pour rémunérer l'activité.
Pour ne pas courir de risque fiscal, l'entreprise doit s'assurer que ce prix est conforme au prix
de pleine concurrence. Elle doit donc le comparer à celui qui serait conclu pour une
transaction identique réalisée entre des entreprises indépendantes (les comparables).
L'entreprise doit enfin être en mesure de retracer la démarche de fixation de ses prix de
transfert qu'elle mettra à la disposition de l'administration fiscale en cas de contrôle (analyse
fonctionnelle, choix de la méthode, tarification, justification de la normalité de la
rémunération par l'analyse de comparabilité).
Pour ce faire, les méthodes les plus fréquemment utilisées s'inspirent des cinq méthodes
préconisées par OCDE selon le type de fonction exercée et qui sont détaillées ci-après :
- trois méthodes dites traditionnelles, fondées sur les transactions : le prix comparable
sur le marché libre, le prix de revente moins, et le prix de revient majoré ;
- deux méthodes dites transactionnelles, fondées sur les bénéfices : la méthode du
partage des bénéfices et la méthode transactionnelle de la marge nette.
Quelle que soit la méthode adoptée par l'entreprise, elle peut être considérée comme
recevable à condition qu'elle soit justifiée, cohérente avec les fonctions exercées et les risques
assumés, et que la rémunération soit conforme au principe de pleine concurrence.
autres charges d'exploitation et de réaliser un bénéfice convenable compte tenu de ses conditions
d'exploitation.
Pour cela, elle peut utiliser des comparables internes (l'entreprise ou une autre entreprise du groupe
fabrique les mêmes produits ou des produits comparables qu'elle vend à des distributeurs
indépendants ou à des donneurs d'ordre indépendants), des comparables externes (un fabriquant
indépendant réalise une transaction identique avec une autre entreprise indépendante). Dans
l'hypothèse où, d'après les comparables, la marge du producteur est de 10 %, le prix de pleine
concurrence entre le producteur et le distributeur est de 165 € (150 € x 110 %).
Remarque : plus les fonctions exercées, les risques assumés, les actifs et moyens utilisés
sont complexes, plus il est difficile de trouver des données comparables. Par
conséquent, les méthodes du prix de revente et du prix de revient majoré sont
généralement celles qui permettent d'obtenir les résultats les plus fiables lorsque les
fonctions exercées respectivement par le distributeur et par le producteur sont simples
et qu'aucune des entreprises concernées par la transaction ne met en œuvre des actifs
incorporels de grande valeur ou uniques (brevet, savoir-faire).
Les méthodes traditionnelles fondées sur une comparaison avec des transactions de pleine
concurrence (prix comparable sur le marché libre, prix de revente et prix de revient majoré)
sont les plus directes et les plus fiables pour s'assurer que les rémunérations entre les
entreprises liées sont de pleine concurrence. Néanmoins, lorsque les données ne sont pas
disponibles ou d'une qualité insuffisante, des méthodes transactionnelles de bénéfices
peuvent être appliquées. Elles consistent à comparer les bénéfices de transactions entre
entreprises associées avec ceux réalisés pour des transactions comparables entre des
entreprises indépendantes.
Il existe deux méthodes transactionnelles : la méthode du partage des bénéfices et la méthode
transactionnelle de la marge nette.
Méthode du partage des bénéfices
Cette méthode est particulièrement adaptée lorsque les projets ou les activités au sein du
groupe sont tellement communs et imbriqués qu'il n'est pas possible de déterminer et/ou de
justifier une valorisation pour chaque opération (ex : construction et assemblage par plusieurs
entreprises liées d'un même produit, vendu ensuite à un client indépendant). Le recours à
cette méthode est également possible lorsque les méthodes traditionnelles ne peuvent pas
être utilisées en l'absence de comparables indépendants pertinents, ou lorsque les deux
entreprises liées mettent en œuvre des actifs incorporels significatifs qui rendent difficile
l'application des méthodes traditionnelles décrites ci-avant.
La méthode consiste à déterminer le résultat consolidé pour le groupe sur l'ensemble des
opérations, impliquant différentes entreprises liées, pour le partager ensuite entre ces mêmes
entreprises, en fonction de critères pertinents, afin d'obtenir une allocation des bénéfices
comparable à celle qui aurait été obtenue dans une situation de pleine concurrence, compte
tenu du contexte considéré, des fonctions exercées, des actifs et des moyens utilisés, des
risques supportés…
Illustration :
1ère étape. Détermination du résultat consolidé pour le groupe qui est lié à la production et à la vente
de la chaussure.
Le bénéfice consolidé pour le groupe pour la fabrication et la vente de la chaussure est de 60 € (100-
10-30).
2e étape. Répartition du résultat consolidé entre les deux entreprises de production et de distribution
liées, selon une clé de répartition appropriée prenant en compte, par exemple, les charges
d'exploitation (charges d'exploitation de chaque entreprise liée / charges d'exploitation de toutes les
entreprises liées) :
– contribution du producteur aux charges d'exploitation : 10 / 40 = 25 %,
– contribution du distributeur aux charges d'exploitation : 30 / 40 = 75 %.
Avec cette clé de répartition, le résultat revenant à chaque entreprise est le suivant :
– producteur : 60 € x 25 % = 15 €
– distributeur : 60 € x 75 % = 45 €.
Remarque : en pratique, la méthode du partage des bénéfices suppose d'appliquer
préalablement les méthodes traditionnelles pour rémunérer les fonctions élémentaires
ou "de routine" de chacune des entreprises (dans l'exemple précédent, les fonctions de
production et de distribution) et ensuite de répartir le bénéfice résiduel selon une clé de
répartition appropriée.
Cette méthode ne doit être utilisée qu'en dernier recours, ce qui suppose d'avoir démontré
que les autres méthodes ne sont pas pertinentes. Très intuitive, elle est toutefois utile pour
valider a posteriori la cohérence des résultats obtenus à l'aide de la méthode principale
utilisée pour fixer les prix de transfert.
Méthode transactionnelle de la marge nette
Cette méthode consiste à déterminer à partir de données appropriées (exemple : les charges,
le chiffre d'affaires, la valeur des actifs…), la marge bénéficiaire nette que réalise une
entreprise dans le cadre d'une transaction intragroupe, et à la comparer à celle qu'une
entreprise indépendante réaliserait pour une transaction comparable. Elle suppose de
raisonner en ratio de marge nette (par exemple, des ratios de bénéfice d'exploitation par
rapport au chiffre d'affaires, de rendement des actifs, ou d'autres indicateurs de bénéfice net)
et non pas en prix.
Dans l'hypothèse où l'entreprise réalise un ratio de marge nette semblable à celui des
entreprises qui réalisent une transaction comparable, ses prix de transfert sont des prix de
pleine concurrence.
Illustration
Si une entreprise de distribution de confiserie comparable réalise une marge d'exploitation de 10%
(bénéfice d'exploitation/chiffre d'affaires), le prix de pleine concurrence du paquet de pâtes de fruit vendu
par le producteur espagnol à son distributeur français peut être déterminé comme suit :
Prix de vente (prix de pleine concurrence car pratiqué avec un tiers) : 20 €.
Marge d'exploitation du distributeur issue de l'analyse de comparabilité: 20 x 10% = 2 €.
L'attribution au distributeur d'une marge d'exploitation de 2 € suppose que le total de ses charges
d'exploitation (y compris le prix d'achat des pâtes de fruit) soit de: 20-2 = 18 €.
Si le total des charges d'exploitation (hors prix d'achat des pâtes de fruit) est de 8 € le prix de transfert devra
être de: 18-8 = 10 €.
Remarque : ce type de méthode, fondée sur une comparaison des marges nettes,
s'applique à tous les biens corporels, incorporels ainsi qu'aux prestations de services.
Elle nécessite pour estimer avec fiabilité un résultat de pleine concurrence, un niveau
de comparabilité similaire à celui qui est requis pour les méthodes du prix de revient
majoré et du prix de revente, avec une étude approfondie des différences fonctionnelles
et éventuellement l'application d'ajustements appropriés.
Ce qui est le plus important au niveau des prix de transfert des prix, concerne la définition du
risque fiscal à partir des motifs du risque, et son évaluation par les indices d’évaluation des
risques, afin de pouvoir prendre la décision de contrôler l’entreprise en question ou non.
En effet, l’ampleur des possibilités de fraude et d’évasion fiscales qui lui sont attachées, et
donc l’une des questions les plus difficiles qui se posent concerne la fixation des justes prix de
transfert. Dans ce contexte, le Maroc ne pouvait pas rester insensible aux problèmes posés
par les prix de transfert. D’où, l’Administration fiscale marocaine redresse ces prix en cas
d’existence d’un transfert de bénéfice vers une région à fiscalité privilégiée, de manière
traditionnelle en appliquant presque les mêmes étapes que celles du contrôle fiscal.
Pour des buts fiscaux, il y a risque que les entreprises multinationales manipulent illégalement
les prix de transfert, en versant une partie des bénéfices réalisés dans les pays à forte pression
fiscale vers les pays à fiscalité privilégiée. On ne parle plus ici des prix de transfert comme outil
de gestion qui permet de faire augmenter la productivité des différentes filiales de
l’entreprise, et de créer l’esprit concurrentiel intra groupe afin de motiver le corps
gestionnaire de l’entreprise, mais plutôt d’un outil d’optimisation de la charge fiscale, visant
à alléger l’impôt payé par la société. Afin de réaliser cet objectif, les entreprises concernées
recourent à une liste de technique qui facilite la fraude et l’évasion fiscale en matière des prix
de transfert. En fixant leurs prix de transferts, les groupes opèrent des choix qui affectent de
façon immédiate et directe l’assiette fiscale des États concernés par les transactions. Par
conséquent, les États vérifient que les entreprises implantées sur leur territoire, et qui
commencent avec d’autres entreprises liées et implantées à l’étranger, sont correctement
rémunérées pour les opérations réalisées, et qu’elles déclarent la juste part du résultat à
l’égard des activités déployées.
La fixation des prix de transfert, constitue donc une source d’insécurité juridique et fiscale
pour les entreprises, surtout qu’une fausse définition de ces prix peut être liée à d’autres
facteurs autres que les motifs fiscaux, à savoir à titre d’exemple, le cadre réglementaire de
l’entreprise, la réglementation douanière, le contrôle des échanges commerciaux
internationaux, les règles de change appliquées au pays, ainsi que plusieurs autres facteurs
liés à la gestion financière de l’entreprise. Chacun de ces motifs nécessite une analyse
particulière.
II.1.1. - E-commerce
Selon l’OCDE , le e-commerce pourrait être « Toute activité d’échanges générant de la valeur
pour l’entreprise, ses fournisseurs ou ses clients, effectués sur des réseaux ». cette définition
large ne satisfait pas tout le monde, car elle se heurte à la question de savoir si le e-commerce
est fondé sur l’acte d’achat, sur l’acte de paiement ou sur les deux réunis et nécessairement
effectués en ligne. Pour les uns, le e-commerce correspond à tout type de relations effectuées
à des fins électroniques et au moyen des instruments utilisant des données numériques.
Aujourd’hui, tous les indicateurs confirment la croissance soutenue du e-commerce au
Maroc. Selon le classement international 2018 de la Conférence des Nations Unies sur le
Commerce et le Développement (CNUCED) basé sur l’indice du e-commerce d’entreprise à
consommateur (B2C), le Maroc se hisse au 5e rang derrière d’autres pays comme le Nigéria et
l’Afrique du Sud en matière de taille de marché de l’e-commerce. Le Royaume est ainsi passé
de la 85e à la 81e place sur 151 pays évalués. Rendu public dans le cadre de la Semaine
africaine du e-commerce qui s’est tenue à Nairobi, au Kenya en décembre 2018, le rapport de
la CNUCED se fonde sur le nombre d’acheteurs en ligne, le niveau de sécurité des serveurs et
la facilité de paiement et de livraison. Dans ce domaine, le Maroc se positionne au-dessus de
la moyenne africaine (26 %) et même mondiale (54 %), puisque 62 % des Marocains utilisent
internet alors que les trois quarts de la population du continent n’en ont pas encore l’accès.
▪ Ascension de Bitcoin
Cette monnaie virtuelle fonctionne avec des logiciels et un protocole qui permet aux participants
d’émettre des bitcoins et de gérer les transactions de façon collective et automatique. En tant
que protocole libre (code source ouvert), il permet également une interopérabilité des logiciels
10
Satoshi Nakamoto (聡中本 où 中本 ) est le pseudonyme de la personne ou du groupe de personnes qui, de 2009
à 2010, ont conçu et créé Bitcoin, et le logiciel Bitcoin-Qt (aujourd’hui Bitcoin Core). C’est aussi le fondateur de
bitcoin.org et du forum bitcointalk.
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Précis de la Fiscalité Internationale 2021
et services qui l’utilisent. En tant que monnaie le bitcoin est à la fois un intermédiaire de
paiement et une réserve de valeur11.
Pour avoir des bitcoins sur un compte, il faut soit qu’un détenteur de bitcoins vous en ait donnés,
par exemple en échange d’un bien ou d’un service, soit passer par une plateforme de change
qui convertit des devises classiques en bitcoins, soit les avoir gagnés en participant aux
opérations de contrôle de la monnaie.
Avantages de Bitcoin :
- Anonymat : votre nom, prénom et adresse mail n’apparaitront pas dans les échanges.
- Indépendance : pas de cadre juridique défini ni d’organisme de régulation
- Pas de frais
Risques potentiels de Bitcoin :
- Aucune institution ne pourra garantir votre portefeuille Bitcoin,
- Concentration des acteurs : pour miner il faut du matériel très performant et couteux.
- Financement d’activités illégales
Avec l’ascension et l’engouement que suscite le Bitcoin des questions fiscales qui ne se
posaient pas hier deviennent d'une actualité brûlante. Les échanges, encore limités, mais
susceptibles d’échappe à l'administration fiscale.
Certains pays, comme la France se sont penchés sur la question de la régulation des
cryptomonnaies et du bitcoin. Dès 2014, un rapport de Tracfin (Traitement du renseignement
et action contre les circuits financiers clandestins), la cellule antiblanchiment de Bercy,
préconisait de les encadrer pour éviter les fraudes et protéger les épargnants.
Le risque fiscal est que le bitcoin n'est pas considéré comme une valeur mobilière au même
titre qu'une action. Il ne peut donc pas bénéficier de la « flat tax » applicable sur les plus-
values depuis le début de l'année. Pour un particulier, la taxation des plus-values sur le bitcoin
va dépendre du caractère habituel ou non des opérations.
Certaines questions fiscales s’imposent à cet égard :
Statut fiscal de Bitcoin
Au niveau fiscal, le flou est manifeste. A vrai dire, le bitcoin et les cryptomonnaies ne rentrent
dans aucune catégorie définie. L'administration fiscal va-t-elle le considérer comme une
« immobilisation », c'est-à-dire un objet indéfini sans catégorie particulière, de la même façon
qu'un bureau, mais incorporel ?
Ce qui paraît évident, c'est que le bitcoin n'est pas une monnaie mais un moyen de paiement.
11
Les codes sources de Bitcoin ont été publiés sous une licence open source MIT qui permet d’utiliser, copier,
modifier, fusionner, publier, distribuer, sous-licencier et/ou vendre des copies du logiciel, sous réserve d’insérer
une notice de copyright dans toutes les copies.
Pr. H. EL ARAFI – UM5 Rabat – FSJESA 45
Précis de la Fiscalité Internationale 2021
Considérés, en vertu des conventions fiscales, comme des États dans lesquels est située la
source des revenus, ils ne peuvent prétendre à aucun droit à les imposer à défaut d'une
présence physique sur leur territoire (établissement stable, représentant ou intermédiaire).
En matière d'impôts indirects, la non-application de fait de la TVA à certaines opérations,
entraîne des distorsions de concurrence et porte préjudice au budget des États.
En ce qui concerne le régime fiscal applicable aux échanges électroniques, l'identification des
parties et des transactions soulève des difficultés, ainsi que la question de la qualification des
revenus et des opérations.
12
Nightingale, K., « Taxation: Theory and Practice », Pitman Publishing, Londres, Royaume-Uni, 1997.
13
Magazine : Problèmes économiques n°2622 du 23 juin 1999 Groupe spécial d’experts de la coopération
internationale en matière fiscale Dixième session Genève, 10-14 septembre 2001Le e-commerce : aspects de la
fiscalisation internationale
Pr. H. EL ARAFI – UM5 Rabat – FSJESA 47
Précis de la Fiscalité Internationale 2021
▪ En termes de territorialité
L’administration fiscale est censé de renforcer les règles fiscales examinées ci-dessus, la
capacité d’obtenir de l’information et de protéger l’assiette fiscale des entreprises qui
s’établissent dans des paradis fiscaux et de collecter l’impôt est essentielle.
Elle devrait examiner les pistes de vérification afin de calculer le revenu et le bénéfice
approprié d’une entreprise. Avec le passage à une économie axée sur le savoir dans le
contexte de la nouvelle économie et l’expansion des transactions commerciales par voie
électronique posent des problèmes pour le choix de pistes de vérification, à savoir :
- La capacité de localiser et d’accéder à des documents conservés sous format
électronique;
- La capacité d’encoder électroniquement des documents avec un système de
chiffrement;
- Le manque d’authenticité, d’intégrité et de fiabilité d’un document électronique ;
Pr. H. EL ARAFI – UM5 Rabat – FSJESA 49
Précis de la Fiscalité Internationale 2021
- La possibilité de faire des paiements en ligne grâce à l’argent électronique, qui élimine
l’intermédiaire traditionnel, c’est-à-dire les institutions financières.
Au demeurant, l’adaptation par le Maroc de son dispositif fiscal, en préparation d’une
intégration prochaine de la pratique du e-commerce, passe par :
- Un effort de réflexion sur les modifications législatives et réglementaires requises en
matière de fiscalité directe et indirecte ;
- Un effort de communication auprès des contribuables, personnes physiques ou
morales, lesquelles doivent opérer sur le Net en connaissance des conséquences
fiscales y relatives ;
- Un effort de renforcement de l’intervention de l’administration fiscale en matière de
contrôle de transactions totalement dématérialisées.
Ces actions combinées ont pour finalité commune la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale
et la mise en place d’un cadre fiscal approprié au développement de cette nouvelle forme de
commerce.
En revanche, les actions de l’État dans le domaine de la fiscalité de la E-transaction doivent
être menées de pair avec la mise en place d’un cadre juridique approprié, conférant avant
tout une sécurité juridique aux échanges électroniques.
Il est entendu par un paradis fiscal un ensemble de critères qui démontrent que ce pays ou
territoire a délibérément adopté des législations ou mesures fiscales permettant aux
contribuables potentiels de réduire au maximum leurs impôts dans les pays où ils sont
réellement actifs, en leur offrant :
- des avantages fiscaux à des particuliers ou à des entreprises, sans exiger une réelle
activité sur place.
- Un taux d’imposition très faible, voire nul.
- Confidentialité :non échange automatique d’informations, notamment dans le cadre
de procédures fiscales avec d’autres États. Des dispositions légales, administratives ou
judiciaires qui assurent le secret sur l’identité des détenteurs réels des entreprises,
trust, etc. ou sur celle des propriétaires d’actifs ou de droits.
Ce phénomène fiscal est pourvu de risques potentiels à l’échelon international, notamment
en participant au creusement des inégalités entre la population mondiale. En effet, 7
personnes sur 10 vivent dans un pays dans lequel les inégalités ont augmenté ces trente
dernières années. En 2019, les 1 % les plus riches du monde possédaient plus du double de la
richesse de 6,9 milliards de personnes. Et la pandémie de Covid-19 est en train de creuser
encore davantage l’écart entre les plus riches et les plus pauvres, comme le révèle notre
rapport de janvier 2020 « Le virus des inégalités »14.
14
https://www.oxfam.org/fr/publications/le-virus-des-inegalites
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Précis de la Fiscalité Internationale 2021
Les paradis fiscaux sont susceptibles d’exacerber les inégalités en favorisant l’évasion fiscale
grandes entreprises et aux grandes fortunes. Lorsque ces derniers ne payent pas leur juste
part d’impôt cela prive les États de ressources essentielles pour financer les services publics
indispensables pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, comme les soins de santé et
l’éducation. Le coût humain touche l’ensemble des individus et il est particulièrement
important pour les plus vulnérables pour qui les services publics ont un rôle décisif.
Lorsque l’imposition des grandes entreprises et des grandes fortunes est réduite, deux
solutions s’offrent aux États pour combler le manque à gagner, qui vont à contre-sens de la
lutte contre la pauvreté et les inégalités :
- Réduire les dépenses publiques, pourtant indispensables pour lutter contre les
inégalités et la pauvreté.
- Augmenter d’autres impôts, touchant des tranches moins aisées de la société, tels que
la TVA, qui représente l’un des impôts les plus injustes car très lourdement payé par
les ménages les plus pauvres.
Dans son édition d’octobre 2020), la liste noire européenne compte seulement 12 pays :
Anguilla, la Barbade, les Fidji, Guam, les Palaos, le Panama, les Seychelles, le Samoa, les Samoa
américaines, Trinidad et Tobago, les îles Vierges américaines et le Vanuatu. Les îles Caimans,
les Bahamas, les Bermudes, Hong Kong ou encore Singapour sont absents de la liste, tout
comme les paradis fiscaux européens : Chypre, l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-
Bas. En effet, l’Union européenne se refuse à examiner la situation de ses États membres.
De sa part, Oxfam a élaboré sa propre liste en utilisant toutes les informations crédibles
disponibles pour identifier un territoire en tant que paradis fiscal : au total une liste de 58 pays
qui couvre des critères établis par les organisations de la société civile et les institutions
internationales de référence comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque des
règlements internationaux, la Commission européenne, l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE).
En 2017, au lancement du fichage par l’UE, le Maroc avait échappé de justesse à la liste noire
des juridictions aux pratiques fiscales « opaques ». Le Maroc s’était alors retrouvé sur une liste
grise d’une quarantaine de juridictions ayant pris des engagements forts pour changer leurs
législations.
Certes, le Maroc a déployé plusieurs efforts pour se conformer e cadre législatif régissant les
zones franches aux normes de l’OCDE ainsi que celui du code de conduite de l’UE, en adoptant
des dispositions fiscales régissant le secteur exportateur et les Zones d’accélération
industrielle (ZAI), conformes aux normes requises. D’ailleurs,
Pourtant, le Maroc est maintenu dans la liste grise selon l’OCDE en raison du régime fiscal de
«Casablanca Finance City». Le statut CFC, créé en 2010 pour faire de Casablanca un hub
financier régional, a donné droit à des incitations fiscales jugées anticoncurrentielles par l’UE.
Pour rappel, le royaume a été placé en 2017 par l’UE dans la liste grise des paradis fiscaux. Il
avait deux ans pour réaliser de nouvelles réformes en vue de se mettre en conformité avec
l’UE. Une autre mise à jour de cette liste est prévue en octobre 2020.
La question ayant été retirée de l’ordre du jour de la réunion informelle des ministres
européens des Finances (Ecofin) qui se tenait mardi 16 février 2021 à Bruxelles. L’absence
d’unanimité chez les Vingt-sept devrait conduire à un nouveau report.
Le Maroc, c’est presqu’une certitude ne figurera donc pas sur la fameuse liste noire, créée en
décembre 2017 et révisée tous les six mois (février et octobre). Le Maroc depuis 2018, le
Maroc introduit annuellement dans les projets de lois de Finances de nouvelles mesures sur
le cadre fiscal en vigueur dans le pays. Les changements ont notamment porté sur les zones
franches, CFC ainsi que les échanges des données bancaires. Ces efforts sont considérés par
Bruxelles comme louables. Aussi, le Royaume s’attend plutôt à un retrait définitif de la liste
grise.
Les antagonistes des paradis fiscaux avants certaines recommandations pour lutter contre ce
phénomène fiscal international :
1) Diffusion d’une liste noire mondiale des paradis fiscaux dans chaque pays avec des
sanctions. Cette liste doit être fondée sur des critères objectifs et crédibles, et les pays
qui y figurent doivent être sanctionnés. Les gouvernements, européens notamment,
doivent faire preuve de courage politique en agissant avec fermeté contre les paradis
fiscaux situés à l’intérieur de l’Union européenne (le Luxembourg, l’Irlande, les Pays-
Bas, Malte et Chypre).
2) Mise en place au niveau international un taux d’imposition mondial sur les sociétés :
cet impôt ne doit pas être trop faible et doit être appliqué pays par pays sans
exception. Cela permettrait de taxer les entreprises là où elles ont une activité
économique réelle, sans qu’elles puissent délocaliser artificiellement leurs bénéfices
dans des paradis fiscaux.
3) Mise à fin au secret fiscal des entreprises en veillant à ce que toutes les multinationales
publient des rapports financiers publics pour chaque pays où elles exercent leurs
activités.
4) Renégociation des droits d’imposition, en particulier pour les pays en développement.
De nombreuses conventions fiscales ont pour conséquence de permettre à des
multinationales de ne pas payer d’impôts, et ce dans aucun pays où elles ont une
activité.
5) Création d’un organisme fiscal international où chaque pays pourrait participer et
contribuer sur un pied d’égalité pour faire en sorte d’établir un régime fiscal efficace
pour tous.
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
Ouvrages
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- CASTAGNEDE Bernard, « Précis de fiscalité internationale », 5 èmeédition, PUF, 2015
- Gouthière, Bruno : Les Impôts dans les Affaires Internationales 12ème édition, 2018, Editions
Francis Lefebvre.
- HUET Frédérique, « La fiscalité du commerce électronique », Litec, Paris, 2000
- KERLAN P. « L’élaboration doctrinale du droit fiscal international – les modèles de conventions
», DPCI, 1985
- LAMBERT Thierry (dir.), « La fin des paradis fiscaux ? », Montchrestien, 2011
- LAMBERT Thierry, « Réflexions sur la concurrence fiscale », recueil Dalloz, n° 27, 2010
- LINANT DE BELLEFONDS Xavier, « Droit du commerce électronique », PUF, Paris, 2005
- Lamorlette T., Rassat P. (1995), Stratégie fiscale internationale, Edition Maxima.
- MALHERBE Philippe, « Eléments de droit fiscal international », Bruylant, Bruxelles, 2015
- MANARA Cédric, « Droit du commerce électronique », LGDJ, Paris, 2013
- PELLAS Jean-Raphaêl et DOUAT Etienne, « La fiscalité des non -résidents, miroir d’un paradis
fiscal ? », mélanges en l’honneur de Pierre BELTRAME, Presses Universitaires d’Aix-Marseille,
2010
- RASSAT Patrick, LAMORLETTE Thierry, CAMELLI Thibault, « Stratégies fiscales internationales
», Maxima, Paris, 2010
- Ayadi H. (2001), Droit fiscal international, Edition Centre de PU Tunis.
- Douvier P-J, Gelin B., Gelin S., Gibert B., Le Boulanger A. (2008), Prix de transfert, Edition
Francis Lefebvre.
Travaux de recherche
- Ait Ouakrim J. (2010), "Etude et appréciation critique du système d’imposition des affaires
internationales au Maroc", Thèse de Doctorat National ès Sciences économique, Université
Hassan II Casablanca.
- Belkheiri M. (2006), "la fiscalisation des sociétés étrangère : le cas des établissements stables
au Maroc", Thèse de Doctorat d’Etat ès Sciences économique, Université Hassan II Casablanca.
Liens utiles
- https://portail.tax.gov.ma/wps/portal/DGI/Documentation-fiscale/Conventions-
internationales
- https://www.oecd.org/fr/ctp/conventions/articles-modele-de-convention-fiscale-2017.pdf
- https://www.etudes-fiscales-internationales.com
- https://www.taxcompact.net/sites/default/files/resources/2015-04-ITC-UN-Handbook-DTT-
FR.pdf
- https://www.un.org/esa/ffd/wp-content/uploads/2015/02/UN_Model2011_UpdateFr.pdf