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Jean-Pierre Lémonon
S.E.R. | « Études »
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Paul
et l’expérience du Christ
P
1. Aujourd’hui, on dis- AUL est une figure fascinante de l’Eglise apostolique ;
tingue volontiers entre les
Lettres authentiques de son parcours exceptionnel surprend : le persécuteur de
Paul (Romains, les deux la communauté chrétienne est devenu persécuté pour
Lettres aux Corinthiens,
Galates, Philippiens, Philé- annoncer la foi au « Fils de Dieu qui [l’] a aimé et s’est livré
mon, 1 Thessaloniciens) et
les Lettres qui proviennent pour [lui] » (Ga 2, 20b). Aucun membre de la première com-
de ses disciples (Colossiens, munauté chrétienne n’est aussi bien connu que Paul. Sept
Ephésiens) ou de chrétiens
de la troisième génération lettres émanant de lui nous sont parvenues. En outre, des dis-
qui se sont placés sous son
ciples plus ou moins directs de l’apôtre se sont placés sous son
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Études - 14, rue d’Assas - 75006 Paris - Mai 2004 - N° 4005 637
vers des formules denses et quelque peu obscures au premier l’auteur du 3ème évangile,
dénommé ordinairement
abord. Déjà l’auteur de la 2 e Lettre de Pierre notait, non sans Luc. Tout en se faisant par-
humour : « Dans les lettres de Paul, il se trouve des passages fois l’écho fort juste de la
pensée de Paul, dans les
difficiles dont les gens ignares et sans formation tordent le discours qu’il attribue à
Paul, cet auteur développe
sens » (2P 3,16). Dans ces réflexions consacrées à l’expérience d’abord sa propre pensée.
que Paul eut du Christ et à l’essence de la vie chrétienne Aussi, pour parler de la
théologie de Paul, il est
selon l’apôtre, nous essaierons notamment de comprendre plus prudent de s’en tenir
aux seules Lettres de Paul.
quelques-unes de ces formules qui parfois font difficulté au
lecteur des Lettres de Paul.
Dans un premier temps, nous nous remettrons en
mémoire l’itinéraire de Paul ; en effet, son histoire l’a influencé
dans sa compréhension du mystère du Christ. La prédication
de la croix, dont l’apôtre a perçu le vrai sens à Damas, sera
au cœur de notre deuxième partie. Nous serons alors à même
de percevoir comment Paul exprime les fruits de la mort
du Christ pour les hommes. Nous nous arrêterons, enfin,
sur quelques textes où Paul célèbre la vie du croyant qui,
sous l’impulsion de l’Esprit, se laisse imprégner pleinement
par le Christ : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ
qui vit en moi » (Ga 2, 20a) — formule oratoire ou cœur
de l’existence chrétienne ?
Une expérience
Un changement radical s’est produit dans la vie de Paul, tous
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Dieu lui a manifesté sa bienveillance et a « révélé [en lui] son
Fils, afin qu’il [l’] annonce parmi les nations » (Ga 1, 15-16).
Son changement n’est compréhensible qu’à la lumière de
l’action gracieuse que le Dieu d’Israël exerça à son égard.
L’homme qui faisait « des progrès dans le judaïsme » et débor-
dait de zèle « pour les traditions de ses pères » (Ga 1, 14) com-
prend son erreur. Dieu lui révéla son Fils, c’est-à-dire lui
dévoila le vrai sens du crucifié. Car, en vertu même de la tra-
dition d’Israël, qui affirmait la malédiction de celui qui est
pendu au bois (Dt 21, 23, cité en Ga 3,13), la croix apparaissait
à Paul comme le signe même de la réprobation de Jésus par
Dieu. Or, contrairement aux convictions de Paul, tandis qu’il
était encore attaché aux traditions de ses pères, le Christ pendu
6. Nous avons développé le au bois n’est pas maudit ; au contraire, il est source de béné-
sens que Paul donne à
l’expérience de Damas diction pour toutes les nations 6. Par le crucifié s’accomplit la
dans « Paul et l’expérience
spirituelle comme lieu de promesse faite à Abraham : « L’Ecriture, prévoyant que Dieu
l’élaboration de la théolo- justifierait les païens par la foi, a annoncé d’avance à Abraham
gie », dans L’Expérience spi-
rituelle, lieu philosophique cette bonne nouvelle : toutes les nations seront bénies en toi »
et théologique, Travaux et
conférences du Centre (Ga 3, 8 citant Gn 12, 3). Ceux qui entrent dans la démarche
Sèvres 24 (35 bis, rue de même d’Abraham, caractérisée par la foi, « sont bénis avec
Sèvres - 75006 Paris), 1992,
p. 77-96. Abraham, le croyant » (Ga 3, 9).
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Sur le chemin de Damas, Paul a expérimenté la bien-
veillance de Dieu qui, gracieusement, lui a révélé son Fils et
le sens de la croix. Dès lors, sa compréhension de la réalité
humaine est changée ; en Ph 3, il exprime de manière remar-
quable sa nouvelle attitude d’esprit : « A cause de lui [le Christ]
j’ai tout perdu et je considère tout cela comme ordures afin
de gagner Christ, et d’être trouvé en lui, non plus avec une
justice à moi, qui vient de la Loi, mais avec celle qui vient
par la foi du Christ » (Ph 3, 8-9). Paul ne renie en rien
son appartenance à Israël, mais, illuminé par l’expérience
de Damas, il considère que rien ne compte en comparaison
de Christ. De manière pathétique, Paul exprime sa souf-
france lorsqu’il constate que ses frères n’ont pas accueilli
comme lui la parole libératrice du Christ : « Oui, je souhaite-
rais être anathème, être moi-même séparé du Christ pour
mes frères, ceux de ma race selon la chair » (Rm 9, 3). Le
refus d’une partie d’Israël, incompréhensible à vue humaine
et source de douleur, Paul l’interprète à la lumière de la misé-
ricorde et de la fidélité de Dieu manifestées à travers toute
l’histoire d’Israël : « Si, en effet, leur mise à l’écart [de ses
frères selon la chair] a été la réconciliation du monde, que
sera leur réintégration, sinon le passage de la mort à la
vie ? » (Rm 11, 15).
L’apôtre rattache avec soin à l’expérience de Damas sa
perception de l’universalité du message de la foi. Il est très pos-
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tout comme par ses lettres renforçant et explicitant celle-ci,
Paul s’efforce de faire partager sa conviction du salut offert
à tous à travers la mort et la résurrection de Jésus Christ.
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Désormais, la fidélité au Christ est placée sous le signe d’une
tension, d’une attente, car tout a déjà été donné, et pourtant
tout est encore à accomplir 13. 13. Cette tension s’exprime
à travers le vocabulaire de
Paul n’a pas fondé la communauté des chrétiens de Paul (justification, sanctifi-
Rome ; il a pourtant le devoir de s’adresser aux « saints par cation, salut). Sur celui-ci,
voir p. 76-78.
appel » qui sont à Rome, car il a reçu « la grâce d’être apôtre
pour conduire à l’obéissance de la foi... les nations » dont
font partie les Romains (Rm 1, 5-6). Pour être entendu des
Romains, Paul ouvre la Lettre en mettant en avant une confes-
sion de foi qu’il a lui-même reçue de ceux qui l’ont précédé :
« Cet Evangile, qu’il [Dieu] avait déjà promis par ses prophètes
dans les Ecritures saintes, concerne son Fils, issu selon la
chair de la lignée de David, établi selon l’Esprit Saint, Fils de
Dieu avec puissance par sa Résurrection d’entre les morts,
Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 1, 2-4). Afin de souligner
l’unité du dessein de Dieu, Paul choisit une confession de foi
qui inscrit avec force le Christ dans la continuité de l’histoire
d’Israël. L’Evangile de Dieu concerne son Fils ; il a été promis
par les prophètes. Quelle que soit leur origine, les chrétiens
doivent se considérer comme héritiers de l’histoire d’Israël.
Cette confession met en valeur la double filiation de Jésus, fils
de David, fils de Dieu. Pour qualifier cette dernière, Paul a
recours à une expression qui peut prêter à malentendu. En
effet, l’apôtre ne signifie pas que Jésus aurait été établi fils de
Dieu lors de sa résurrection d’entre les morts, ce serait
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Néanmoins, que les destinataires de l’Evangile soient
Juifs ou Grecs, la véritable difficulté, lors de l’annonce de
l’Evangile, provient de la proclamation du crucifié. La croix
avait dressé Paul contre les disciples de Jésus ; or, sa proclama-
tion comme Bonne Nouvelle comporte toujours un caractère
provocant. A Corinthe et ailleurs, des membres de la commu-
nauté chrétienne jettent quelque voile sur la croix, craignant
14. Les confessions de foi de rebuter ceux auxquels ils s’adressent 14. Malgré les obstacles
les plus courantes de
l’Eglise primitive évoquent que rencontre la proclamation de la croix du Christ, Paul
la mort du Christ sans la place au centre de sa prédication — il le rappelle avec force
mentionner la croix ; sur
cette difficulté inhérente aux Corinthiens. Pour celui qui ne reçoit pas l’Evangile,
à certains groupes chré-
tiens dès les origines, voir la croix est synonyme de folie, elle est scandale ; pour le
Michel Gourgues, Le Cru- croyant, elle exprime la sagesse de Dieu : « Nous, nous prê-
cifié, Bellarmin-Desclée,
Montréal-Tournai, 1989, chons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les
p. 11-25.
nations, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs,
il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1Co 1,
23-24). Dt 21, 23 explique bien comment la croix ne peut être
que scandale pour les Juifs. Aux yeux des nations, outre
l’horreur qui découle de la vue de l’homme agonisant, la croix
est un supplice indigne d’un homme libre ; elle est bonne
pour l’esclave en fuite ou révolté que l’on méprise et qui
cependant inspire la peur.
Le paradoxe de la croix du Christ ne prend sens que
pour celui qui a accepté de s’y conformer ; elle relève d’une
expérience, celle même du salut, la remise de soi à un autre. Il
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tout ? Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu justifie ! » (Rm 8,
31-33). L’allusion à la ligature d’Isaac par la mention du
« propre fils » (Rm 8, 32) est d’autant plus précieuse qu’au
I er siècle, si l’on en croit le témoignage du Targum 15, le com- 15. Le Targum, traduction,
est un terme qui désigne
mentaire de Gn 22 fait à la synagogue ne met pas au premier un corpus littéraire qui a
plan la figure d’Abraham, mais bien plutôt celle d’Isaac, perçu pris corps à partir des tra-
ductions en araméen, sou-
comme celui qui entre librement dans son sacrifice. Isaac a le vent paraphrasées, faites
dans le cadre de la liturgie
souci que le sacrifice qu’il fait de sa vie soit parfait ; rien ne de la synagogue. Le Tar-
lui est imposé. Pour Paul, amour et liberté sont au cœur de gum du Pentateuque est
particulièrement ancien.
la mort du Christ : « Ma vie présente dans la chair, je la vis Le récit de la ligature est
une interprétation fort ori-
dans la foi du Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour ginale du texte de Gn 22.
moi » (Ga 2, 20b). Voir Targum du Penta-
teuque. I. Genèse, tr. Roger
Venus des nations, les chrétiens de Galatie 16 ont Le Déaut, Sources chré-
tiennes 245, Le Cerf, 1978,
accueilli avec joie le message de la croix, inséparable de la p. 214-222.
résurrection ; ils ont pleinement accepté la prédication de Paul, 16. Il s’agit du pays galate,
qui fait de la foi du Christ la source de la justification. Or, peu plutôt que de la province
romaine de Galatie. La
après le passage de l’apôtre, sous la pression de judaïsants 17 se région est à situer au nord
de l’Asie mineure, à proxi-
réclamant sans doute de Jacques de Jérusalem, les Galates sont mité du Pont et de la
tentés de donner aux œuvres de la Loi 18 une valeur salutaire ; Bithynie.
ils sont prêts à faire un retour en arrière, à renoncer à la liberté 17. On désigne sous ce
nom des chrétiens, en
chrétienne, comme jadis Pierre le fit à Antioche (Ga 2, 11-14). général d’origine juive, exi-
geant des Grecs la pra-
Ce revirement provoque la colère de Paul. S’ils agissaient ainsi, tique intégrale de la Loi
les Galates rendraient vaine la croix du Christ (Ga 2, 21), mosaïque ; les judaïsants
estimaient que l’observa-
car seul le Christ justifie. tion de celle-ci était indis-
pensable au salut.
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croyants] à la colère qui vient » (1Th 1, 10), il est convaincu
qu’il fera partie du groupe de ceux qui seront encore en vie au
moment de la venue du Christ (1Th 4, 15). Au fur et à mesure
que les années passent, Paul réalise de mieux en mieux que le
temps de la persévérance sera plus long qu’il n’escomptait.
Tout en étant bien conscient que la mort et la résurrection du
Christ ont ouvert une ère décisive dans l’histoire du salut,
l’apôtre souligne la tension qui s’instaure entre ce qui est déjà
réalisé et ce qui est attendu : « Si nous avons été totalement
unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa
Résurrection » (Rm 6, 5). Pour Paul, l’introduction dans la
mort du Christ est une affaire du passé ; le croyant est désor-
mais vivant pour Dieu en Jésus Christ. Le don de la vie est une
réalité actuelle, et pourtant une plénitude est à attendre que
seule la foi fait espérer : « Nous croyons que nous vivrons aussi
avec lui » (Rm 6, 8). Conscient de ce que Dieu a déjà accompli
en Christ pour l’humanité, Paul, plein de confiance, exprime
une telle tension avec sérénité : « Si, en effet, quand nous étions
ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la
mort de son Fils, à plus forte raison, réconciliés, serons-nous
sauvés par sa vie » (Rm 5, 10).
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pardon, l’expiation ; Paul fait ainsi appel à des traditions scrip-
turaires variées pour dire l’inimaginable. La justification
insiste sur la gratuité et la communication qui s’établit entre
Dieu et les hommes. Le terme comporte un caractère juri-
dique, tout comme la réconciliation qui exprime l’harmonie
retrouvée. La délivrance (Rm 3, 24) implique l’existence d’un
lien personnel entre celui qui libère et ceux qui sont délivrés,
ainsi que le caractère onéreux de l’acte ; elle évoque l’histoire
même d’Israël : sortie d’Egypte, retour en Judée après l’exil à
Babylone. La libération du péché suppose le pardon ; le
pécheur pardonné connaît alors un nouveau rapport avec
Dieu et avec ses frères. En lien avec le rite du grand Pardon
qui en apparaissait comme une figure, l’expiation en Christ
exprime le caractère sacrificiel et liturgique (Rm 3, 25).
Le Christ ouvre un temps nouveau dans les rapports entre
Dieu et les croyants ; désormais, ces derniers, devenus fils
adoptifs, sont libres et capables d’interpeller Dieu en criant :
Abba (Rm 8, 15).
Pour ceux qui ont été justifiés, libérés, il s’agit encore
d’être arrachés à la colère qui vient ; ils seront alors sauvés.
Cette colère est celle qui, lors du jugement, se manifeste
à l’égard des pécheurs. La mort du Christ a introduit une
rupture définitive dans l’histoire des rapports que l’huma-
nité entretient avec Dieu ; les fils adoptifs doivent cependant
encore attendre le salut, car ils ne sont pas libérés définiti-
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justification au salut n’est pas reçue une fois pour toutes ;
aussi l’apôtre adresse-t-il de multiples appels aux membres
des communautés qu’il a fondées, afin qu’ils se montrent
dignes de l’appel reçu.
En rythmant par des temps différents l’histoire des
hommes, Paul ne veut pas suggérer, bien entendu, que l’action
du Christ ne présenterait pas un effet décisif, il met en
valeur le dynamisme de la vie chrétienne et la responsabi-
lité du croyant qui peut se laisser conduire par l’Esprit ou
refuser cette inspiration.
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conduite par l’Esprit, car les croyants ont reçu « un Esprit qui
fait d’[eux] des fils adoptifs et par lequel [ils crient] : Abba,
Père » (Rm 8, 15). L’Esprit fait vivre dès maintenant dans
l’intimité de Dieu, car l’œuvre de Dieu, c’est de faire des
croyants des fils adoptifs (Ga 4, 7).
Paul exprime avec force l’opposition radicale entre la
chair et l’Esprit à l’aide du parallèle antithétique qu’il trace en
19
19. Dans l’anthropologie
paulinienne, la chair est
Ga 5, 19-23. Les œuvres de la chair conduisent à la séparation non seulement la caracté-
de l’homme d’avec Dieu, d’avec les autres, et à la division en ristique de la faiblesse
humaine, mais elle désigne
lui-même ; l’agapè (la charité), fruit unique de l’Esprit, ouvre, aussi l’homme comme
capable de se laisser saisir
au contraire, à la communion et à l’unité. Le croyant, fils par le péché, et donc
adoptif de Dieu, rejoint alors, en fait, dans sa vie quotidienne l’esclavage.
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La communauté chrétienne, fondée dans l’œuvre du
dernier Adam (1Co 15, 45 ; Rm 5, 12-21), est ouverte à tous les
hommes ; elle rassemble en son sein des personnes de condi-
tions diverses. En elle, déjà, l’humanité apparaît comme récon-
ciliée ; faut-il encore que cette communion soit vécue en
vérité ! Dans la Lettre aux Galates, Paul exprime avec force
cette utopie communautaire : « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ;
il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus l’homme
et la femme ; car tous vous n’êtes qu’un en Jésus Christ »
(Ga 3, 28). La communauté est le lieu par excellence où l’on
peut voir se dessiner la figure de l’humanité réconciliée par la
mort et la résurrection du Christ.
En proposant la parole de la Croix, Paul invite les
croyants à faire une expérience analogue à la sienne. L’écoute
de la foi fait surgir une communauté guidée par l’Esprit. La
proclamation de l’Evangile est source de réconciliation pour
une humanité divisée et pourtant en attente d’unité. « Car, ce
qui importe, ce n’est ni la circoncision, ni l’incirconcision,
mais la nouvelle création » (Ga 6, 15). Quelle que soit son ori-
gine culturelle, l’homme est fait par la foi du Christ « création
nouvelle » ; il est introduit dans un monde nouveau où l’Esprit
est son guide. Là est le principe même de la liberté chrétienne
à laquelle Paul fut tant attaché et pour laquelle il souffrit :
« Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous,
pour en gagner le plus grand nombre. J’ai été avec les Juifs
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JEAN-PIERRE LÉMONON
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