Vous êtes sur la page 1sur 1450

DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Édition
Séverine Cuzin

assistée de
Nora Schott

Correction
Service de lecture-correction Larousse

Conception graphique de l’ouvrage


Henri-François Serres Cousine

Fabrication
Nicolas Perrier

Composition et photogravure
Maury

Iconographie
Nathalie Lasserre

© Larousse 1986 pour la première édition

© Larousse/VUEF 2001 pour la présente édition

ISBN : 2-03-505 031-1

Dépôt légal : octobre 2001

Les droits de reproduction des illustrations sont réservés en notre comptabilité pour
les auteurs ou ayants droit dont nous n’avons pas trouvé les coordonnées malgré
nos recherches et dans les cas éventuels où des mentions n’auraient pas été spéci-
fiées.

« Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le


consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite »
(article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle). Cette représentation ou
reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon
sanctionnée par l’article L.335-2 du Code de la propriété intellectuelle. Le Code de la
propriété intellectuelle n’autorise, aux termes de l’article L.122-5, que les copies ou
les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées
à une utilisation collective d’une part, et, d’autre part, que les analyses et les courtes
citations dans un but d’exemple ou d’illustration.
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Rédacteurs
Ont contribué à la nouvelle édition

sous la direction de
Jean-Loup PASSEK

Michel BAPTISTE (technique)

Luciano BARISONE (cinéma portugais)

Mehmet BASUTÇU (cinéma turc)

Nicole BRENEZ (cinéma expérimental)

Matthieu DARRAS (cinéma chinois et d’Asie du sud est)

Michel DEMOPOULOS (cinéma grec)

Jean A. GILI (cinéma italien)

Raphaël MILLET (cinéma africain, arabe, iranien, israélien)

Paulo Antonio PARANAGUA (cinéma espagnol et sud-américain)

Jean-Loup PASSEK (cinéma russe et d’Europe de l’Est)

Daniel SAUVAGET (économie, cinéma français, belge, allemand et scandinave)

Christelle TAILLIBERT (documentaire)

Max TESSIER(cinéma japonais)

Pascal VIMENET (cinéma d’animation)

Christian VIVIANI (cinéma anglo-saxon)

Ont contribué à la première édition Lorenzo CODELLI Dominique NOGUEZ

Peter COWIE Costa OLIVEIRA


Sous la direction de
Michel DEMOPOULOS Paulo Antonio PARANAGUA
Jean-Loup PASSEK
Attila DORSAY Jean-Loup PASSEK
assisté de
Olivier EYQUEM Philippe PILARD
Michel CIMENT
Abbas FAHDEL Marie-Claire QUIQUEMELLE
Claude Michel CLUNY
Don FAINARU Dominique RABOURDIN
Jean-Pierre FROUARD
Jacques FRAENKEL Jean RADVANYI
Secrétariat de rédaction
Jacqueline BRISBOIS Jean-Pierre FROUARD Claude ROCLE
Jack GAJOS Lucien ROHMAN
Rédacteurs
Gérard ALAUX Alain GARSAULT Jean-Charles SABRIA
Barthélémy AMENGUAL Jean A. GILI Daniel SAUVAGET
Michel BAPTISTE Bertrand GIUJUZZA Franz SCHMITT
Olivier BARROT Jean-Marie GUINOT Michel SINEUX
Raphaël BASSAN Philippe HAUDIQUET
Agostin SOTTO
Mehmet BASUTÇU Michael HENRY
Georges STROUVÉ
Robert BENAYOUN Jean-Pierre JEANCOLAS
André TALMA
Régis BERGERON Martine JOUANDO
Max TESSIER
Jean-Pierre BERTHOMÉ Khemais KHAYATI
Claudine THORIDNET
Claude BEYLIE Petr KRAL
Christian VIVIANI
Anne-Marie BIDAUD Éric KRISTY
Eva ZAORALOVA
Michel BOUJUT Fabien LABOUREUR
Hachemi ZERTAL
Jean-Loup BOURGET Francis LACASSIN
Nous tenons également à remercier Piet Hein Honig et
Patrick BRION René LALOUX Hanns-Georg Rodek qui ont très aimablement prêté leur
concours à l’élaboration de ce dictionnaire ainsi que Mes-
Freddy BUACHE Raymond LEFÈVRE
dames Catherine Arnaud, Malika Bérak, Nelly Grangé-
Anne-Marie CATTAN Gérard LEGRAND Cabane, Nicole Karoubi, Colette Kouchner, Nathalie

Jacques LEVY Kristy, Axelle Leenhardt, Emmanuelle Lépine, Catherine


Paul CHEVILLARD
Ruelle, Michèle Sarrazin, Janine Sartres, Hélène Tersac,
Michel CHION André MARTIN Messieurs Costas Assimacopoulos, Gilles Ciment, Valde-
Raymond CHIRAT Marcel MARTIN mar Dos Santos Marques, Olivier Garcia, Michel Grapin,
Sylvain Laboureur, Christian Leclère, Jérôme Leenhardt,
Michel CIMENT Alain MASSON
Vittoho Martinelli, Rafg as-Sbban, Marc Silvera, Claude
Claude Michel CLUNY Henri MICCIOLO Soulé, Stéphane Watelet, JoséXavier.
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Préface

SPECTATEUR, CE VOYAGEUR IMMOBILE, qu’il soit cinéphile ou téléphile, a de nos jours, plus que jamais, besoin
d’une boussole et d’un carnet de route. Le territoire est devenu trop vaste et trop divers. Il est néces-

LE saire non seulement


petits chemins
travailler
d’explorer les voies royales de l’aventure
vicinaux qui cachent des trésors plus secrets. Les nouveaux
en équipe, sans jamais oublier qu’ils doivent l’essentiel
cinématographique
historiens doivent
de leur savoir aux défricheurs
mais aussi tous les
donc désormais
solitaires, aux
Georges Sadoul et aux Jean Mitry qui leur ont transmis cette soif de connaissances et ce besoin d’analyse sans
lesquels l’écrivain de cinéma n’est qu’un échotier superficiel et peu fiable. Un dictionnaire du cinéma ne sau-
rait par conséquent ressembler à un répertoire, qui, de toute façon, ne pourrait prétendre à l’exhaustivité, ni à
une accumulation de jugements péremptoires, qui ne renverraient qu’à l’imaginaire partisan de leurs auteurs.
L’idéal serait bien que chacun des collaborateurs d’un tel ouvrage mette son point d’honneur à communiquer
aux lecteurs son propre savoir sans pour autant surévaluer l’importance du domaine où s’exerce ce savoir. Le
cinéma, n’étant pas un art figé, ne peut éternellement suivre certaines « échelles de valeur » qui lui ont été
appliquées par les pionniers de la critique. Cet art du mouvement est aussi un art « en mouvement », influencé
par l’air du temps, les climats politiques, sociaux, économiques, psychologiques, voire oniriques, et nullement
insensible aux modes esthétiques et aux codes de la morale. Par ailleurs, les grands films sont loin d’être tou-
jours ceux qui n’ont pas rencontré leur public, et l’aval des spectateurs n’est pas non plus un critère de qualité,
loin s’en faut. La rigueur la plus efficace n’empêchera jamais les erreurs de s’infiltrer, car le recul n’est que relatif
et la sensibilité de celui qui écrit partiale de nature. Nous revendiquons donc le droit à l’erreur comme faisant
partie des règles du jeu. Mais nous souhaitons également éviter tout jugement qui ne tienne compte des cor-
rections apportées par le temps et l’évolution des moeurs et des formes.

Comme Henri Langlois, nous pensons qu’il faut « sauver » tous les films, y compris ceux qui nous apparaissent
aujourd’hui comme médiocres, afin de préserver une éventuelle remise en question dans l’avenir. Les films
dépourvus de valeur artistique sont en effet parfois précieux pour le sociologue, qui peut ainsi prendre le pouls
d’une époque dans la représentation la moins sophistiquée qu’elle donne d’elle-même. Mais les limites mêmes
d’un dictionnaire obligent au choix, à la sélection. L’historien dans ce domaine doit apprendre la modestie tout en
s’imposant comme règle essentielle de faire partager sa propre passion. Un dictionnaire de cinéma n’est rien s’il
n’aiguise pas la curiosité de ceux qui le consultent. Il n’est rien non plus s’il ne parvient pas à rendre contagieux
cet esprit d’enthousiasme, cette ouverture sur le monde et aussi cette lucidité à l’égard des pouvoirs de l’image.
Il devrait en conséquence tempérer les effets nocifs du sectarisme et de cette publicité dévoyée que l’on appelle
le « matraquage ».

Un dictionnaire dont l’ambition serait d’être la mémoire vivante du cinéma se doit donc de privilégier le ren-
seignement. Il doit aussi se livrer plutôt qu’à la polémique à l’analyse – même subjective – des courants et des
oeuvres.

Parmi tous ceux qui ont aimé le cinéma, parmi tous ceux qui ont cherché à propager autour d’eux cette passion,
une place privilégiée doit être réservée aux « éveilleurs ». Avouons notre dette particulière à trois d’entre eux. Les
deux premiers, André Bazin et Jean-Louis Bory, critiques, essayistes, quoique fort différents l’un de l’autre, ont su
poser des questions au cinéma, faire en sorte que le lecteur s’interroge à son tour et devienne ainsi un amateur
à la fois éclairé, exigeant et fondamentalement curieux lui aussi. Le troisième – auquel personnellement je dois
beaucoup – est un combattant de l’ombre. Jean-Louis Cheray pendant de nombreuses années a animé avec une
sympathie chaleureuse les « mardis » du Studio Parnasse à Paris. Il a formé toute une génération de cinéastes et de
critiques. Mais son plus beau mérite aura été sans doute d’avoir formé toute une génération de spectateurs. C’est à
ces « éveilleurs », ces hommes de passion communicative, ces hommes DEBOUT que nous dédions ce dictionnaire.

JEAN-LOUP
PASSEK
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Avant-propos

dictionnaire général du cinéma se doit On remarquera donc l’étendue d’un souci d’informa-
de répondre aujourd’hui à un besoin de tion portant bien au-delà des limites acceptées par les

Un
universités,
plient,
plus en plus manifeste,
où les chaires
aussi bien que par le public
de cinéma
exprimé par les
se multi-
des amateurs.
ouvrages
les meilleurs
qu’il est loisible
dictionnaires
de consulter,
anglo-américains.
font d’ailleurs l’impasse, à peu d’exceptions
y compris par
Lesquels
près, sur ce
qui ne relève ni de la production des pays occidentaux
La « civilisation de l’image » qui s’est imposée au
ni de la période classique russe et soviétique (la seule
monde moderne a reconnu l’art du film comme un art « ouverture » récente de ces dictionnaires concerne
majeur, d’abord nourri de ceux qui l’avaient précédé le Japon). Or, une volonté, plus que jamais logique,
depuis des siècles, puis les enrichissant à son tour et de satisfaire à une connaissance comparée du cinéma
même, parfois, assurant le relais de quelque tradition considéré comme un art, de ses origines à nos jours, ne
– animation, opéra chinois... –, ou, hélas, contribuant pouvait que prévaloir pour la conception, l’organisa-
à leur effacement, comme en témoigne la disparition tion et la rédaction du présent ouvrage.
progressive du théâtre rural en Inde... La conception
Il importait de rompre avec une habitude de mépris,
du présent ouvrage ne pouvait être en conséquence
ou d’ignorance (mais, en matière de connaissance, n’y
qu’internationale, au sens le plus large, et encyclopé-
a-t-il pas réversibilité, à l’évidence, de ces facteurs ?),
dique dans ses entrées, afin de satisfaire à des interro-
qui pèse sur des productions parfois aussi anciennes
gations complémentaires et d’offrir à la recherche les
que l’art même du film ou qui ne se sont au contraire
indispensables orientations historiques, techniques,
développées qu’après l’accès à l’indépendance des im-
économiques ou esthétiques sur l’art et l’industrie du
menses territoires coloniaux. La reconnaissance de ces
film dans le monde, des origines de la prise de vues à
nombreuses cinématographies – d’Australie, du Brésil,
l’année même de sa publication.
de l’Egypte, de l’Inde, du Maroc ou de la Thaïlande... –,
Aussi les entrées concernent-elles les hommes qui saisies à travers l’histoire, les données économiques,
font le cinéma – cinéastes, opérateurs, inventeurs, esthétiques ou sociologiques, se devait d’exclure l’à-
musiciens, scénaristes, décorateurs... ; les studios et peu-près, de récuser la surenchère ou la dépréciation
les firmes de production ; les acteurs (en mettant en artificielles. Aussi un nombre important d’artistes,
valeur l’impact qu’ils ont pu avoir sur la sensibilité ou la d’hommes de cinéma, qui ont participé au développe-
mythologie sociale de leur temps) ; les réglementations ment du 7e art dans le monde, qu’ils soient chinois ou

qui gèrent ou étranglent ou protègent... ; les « genres » ivoiriens, argentins ou portugais, grecs ou cinghalais,

dont le succès s’est imposé dans la durée, et dont l’évo- polonais ou finlandais, ont-ils ici leur place, à leur rang.

lution, éthique ou technique, se doit d’être analysée : Le refus de ce qui est différent a commencé de céder

western, musical, thriller, catastrophe, péplum, science- sous la poussée des festivals, des manifestations, des

fiction, dessin animé... Il appartenait également à un programmes d’art et essai, éveillant l’intérêt du public.

ouvrage de cette nature et de cette ambition de faire le Il nous est apparu primordial d’aider à une telle évolu-

point, historique et technique, sur les aspects multiples tion, donc à l’accueil des cinémas à venir, par l’informa-

de la « mécanique » et de l’exploitation cinématogra- tion comparée, commentée, situant sans préjugé et les

phiques, sur les appareils, les procédés (procédés op- hommes et les oeuvres.

tiques, sonores, couleur, trucages, procédés de copie Le film, en effet, est comme toute création le produit
et de conservation, acoustique et formats...). Ce sont d’une culture et d’un moment. Combien de cinéastes
les jalons de l’histoire technique du film, les progrès qui sont nés dans une entité depuis longtemps disparue,
ont permis son extraordinaire évolution esthétique et l’Autriche-Hongrie, et combien peu de cinéastes polo-
sociologique. Une attention particulière a été donnée à nais, par exemple, ont eu la chance de naître et de vivre
cette part essentielle du livre, rédigée dans un langage dans une Pologne libre ? À partir de 1932, la plupart des
que nous espérons clair, accessible au non-initié, et créateurs ont dû fuir devant le nazisme. Cet apport des
néanmoins d’une constante précision. cultures d’Europe centrale à la créativité, à la richesse
du cinéma américain est considérable. Au contraire, on et l’argumentation de chacun des rédacteurs d’un ou-
le verra dans ces pages, l’influence « hollywoodienne » vrage qui n’a pas été conçu comme un palmarès, mais
sur les pays d’Amérique latine a le plus souvent été comme un livre de référence s’ouvrant aussi largement
négative. En Chine, les guerres, puis le terrorisme idéo- que possible à une curiosité « plurielle », qu’il s’agisse
logique ont mutilé la carrière de tous les grands ac- du cinéma des pionniers d’hier ou du cinéma en train
teurs, de tous les cinéastes importants. Si peu de temps de se faire, ici même et dans le monde entier, sous les
qu’il ait duré, le néoréalisme, ce « mouvement » qui aspects les plus divers. On s’est efforcé d’en définir les

n’en était pas un, au sens d’école théorisante, a joué, limites comme les originalités, de faire connaître et

longtemps encore après sa disparition, un rôle réno- comprendre les différences sans les ériger pour autant

vateur (ou d’incitation) dans les pays les plus éloignés. en valeurs absolues.

De curieuses interactions ont eu lieu, d’autres se font L’ampleur du panorama ainsi dessiné fait, par voie
jour encore. Des formes de récit cinématographiques de conséquence, que les rapports et les perspectives
se recopient ; d’autres, en Asie ou dans les ateliers de peuvent paraître nouveaux. Si les cinémas d’Europe
l’underground, sont soudain capables de nous étonner. occidentale, et le cinéma américain, demeurent large-
Cette diversité, ces rapports ont été pris en compte. ment dominants, le lecteur verra qu’ils ne sont pas iso-
L’économie générale du livre propose donc un équi- lés au coeur d’un monde « indéchiffrable » jusqu’alors
libre nouveau des valeurs sans, nous l’avons souhaité et ignoré, qu’il s’agisse de l’Amérique latine ou de l’Orient
nous y avons veillé, discrimination ni démagogie. Sans, C’est dans le respect de ces réalités que nous avons
non plus, nous le croyons, trop d’insuffisances. travaillé.

Pourtant, la connaissance du cinéma, art nouveau, Une entreprise de cette nature ne peut citer ses
industrie récente, demeure entachée d’incertitudes, sources : on trouvera donc une orientation bibliogra-
sinon d’erreurs. Que d’oeuvres perdues et détruites, et phique en fin d’ouvrage, classée en fonction des en-
que de films plus que difficilement accessibles ! Plus trées. Écrire cependant que l’histoire du film ou que les
on ouvre le champ de l’intérêt, plus les zones d’ombre travaux les plus connus sont des modèles de fiabilité
s’étendent. Priorité des brevets, exactitude des géné- scientifique équivaudrait, rappelons-le, à une politesse
riques, intégrité des copies, état civil des personnes, il de pure forme. Témoignages et sources se contredisent
n’est rien qui ne fasse problème. Nous sommes bien à l’envi et charrient inlassablement les mêmes erreurs.
éloignés du terrain balisé de la littérature. L’archivage Le présent dictionnaire n’en est sans doute pas exempt,
est, comme la conservation des films, presque par- et nous sommes par avance reconnaissants au lecteur
tout aléatoire. Bien peu d’oeuvres ont été sauvées des qui prendrait la peine de nous les signaler.
productions indiennes et de celles du Japon pour les
Une remarque encore, qui a trait à la finalité même de
années antérieures à la Seconde Guerre mondiale... On
cet ouvrage.
comprendra que nous ayons partout préféré la pru-
Si, à son stade primitif, le cinéma eut la chance d’être
dence là où les documents font défaut.
adopté et popularisé par les forains, et par ailleurs, lit-
Afin d’assurer (dans ces conditions d’inconfort « histo- téralement colporté à mesure qu’il enregistrait l’événe-
rique ») un maximum d’entrées biofilmographiques, on ment – l’actualité – grâce à ses propres opérateurs, il ne
s’est efforcé de restreindre raisonnablement l’ampleur parvint pas aisément à se faire admettre au rang des
des articles consacrés aux sujets pour lesquels le lec- arts. « Art de saltimbanque » : il resta ainsi longtemps
teur, même non spécialiste, dispose déjà de travaux, marqué, pour les meilleurs esprits, en dépit de la cau-
de vulgarisation ou de référence. Le plus « connu » tion ou de la collaboration (heureuse ou malheureuse)
n’est donc pas privilégié. Qui, d’ailleurs, feindrait de de personnalités parfois prestigieuses. Dans plusieurs
croire que le succès du jour gage le futur ? Mais aussi, pays, il passa pour une émanation des pouvoirs infer-
qui n’est porté à voir un rapport direct de la longueur naux ou plus simplement pour le repaire de gens de
d’un article à l’importance de l’oeuvre ? Le principe n’est mauvaises moeurs. Il reste un objet de suspicion pour
ni tout à fait faux, ni tout à fait vrai. Des inconnus du tout pouvoir politique autoritaire. Nous ne sommes
grand public ont souvent joué un rôle de premier plan ; pas certains que toutes les réticences, que toutes les
d’autre part, bien des oeuvres ne répondent plus à leur incompréhensions soient tombées aujourd’hui encore.
niveau de réputation. Il convenait donc de pondérer Mais la réprimande fameuse : « perdre son temps à
lignage et opinions, tout en respectant la sensibilité lire ! » n’aurait-elle pas disparu des comportements –

DICTIONNAIRE DU CINÉMA
si elle en a disparu effectivement – que parce qu’on de la vision de Faure, de celle d’André Malraux, de Bela
croit que les enfants ne lisent plus ? Ils voient des films Balázs ou d’Eisenstein. Car ils furent parmi les premiers
– et la télévision. Nous aimerions qu’ils apprennent à
à concevoir et à situer le cinéma, dans son apparte-
voir le cinéma avec l’émerveillement des lecteurs de
nance à une culture, à une réalité sociale, économique
Jules Verne autrefois, ou avec celui d’un Élie Faure face
et politique, en tant qu’oeuvre à part entière se devant
à la naissance d’un art nouveau, le film, le seul des arts
inventés depuis quelque deux mille ans et qui vient de fonder, techniquement et esthétiquement, ses lois

de fêter son premier siècle. S’il est une dette de l’esprit propres.

qu’on doive avouer, qu’on doive revendiquer ensemble


en signant cet ouvrage, c’est bien à l’égard de la leçon, LECOMITÉDE RÉDACTION

DICTIONNAIRE DU CINÉMA
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

À l’attention du lecteur

ENTRÉES BIOGRAPHIQUES est en régression, mais on n’a pas cru devoir modifier
l’usage. On s’est cependant efforcé de limiter à des indi-
Les biographies sont classées naturellement au pa-
cations essentielles (voyelles longues , , ) les signes
tronyme usuel. Le ou les prénoms et le patronyme
dont le lecteur n’a pas l’habitude ; les voyelles sont à
d’origine sont indiqués entre parenthèses ainsi que
peu près équivalentes en prononciation aux voyelles
les dates et lieux de naissance et éventuellement de
anglaises, langue qui donne d’ailleurs des noms arabes
décès. On remarquera entre crochets les réserves qu’il
une transposition plus fidèle à l’oreille pour ce qui n’est
convient de signaler [?] quant à l’exactitude des rensei-
pas le Maghreb (Muhammad au lieu de Mohamed).
gnements obtenus. Les modifications apportées par
l’histoire récente à la toponymie et aux nationalités ont JAPON. Les noms japonais obéissaient à un usage qui

été mises en évidence. Il n’est pas indifférent, et il est voulait que le patronyme précédât le prénom (Mizo-

même parfois essentiel, de pouvoir situer les hommes guchi Kenji ou Kurosawa Akira par exemple). Cet usage

dans leur contexte historique, linguistique ou poli- se perd au profit du mode de présentation occiden-

tique. Pour la Grande-Bretagne, on a précisé l’appar- tal, que nous avons adopté. Dans les notices biogra-

tenance à l’Écosse, à l’Irlande (ou à l’Ulster), au pays de phiques, le prénom figure donc entre parenthèses à la

Galles ; les États sont indiqués pour l’Australie et l’Inde, suite du patronyme. La translittération choisie est celle

les provinces pour le Canada et la Chine ; l’abréviation qui est en usage universellement. Les voyelles longues
sont repérables grâce à un tiret (, , ). Il convient de
des États selon la liste ci-après suit toujours le nom des
savoir que le u doit être lu ou et que le g est toujours
localités sises aux États-Unis ; d’une manière géné-
dur.
rale, on s’est efforcé d’éviter les sources de confusion,
quitte à noter, si nécessaire, les États du Brésil ou les HONGRIE. Les noms hongrois obéissent, en ce qui
préfectures du Japon. Enfin, on s’est attaché à souligner concerne la place du patronyme et du prénom, à la
l’appartenance aux différentes nationalités soviétiques même règle que les noms japonais.
(Azerbaïdjan, Géorgie, Ukraine, Estonie, Ouzbékistan,
etc.) ou aux groupes linguistiques et culturels d’Asie et TITRES DE FILMS
d’Afrique (hindi, malayalam, wolof...). Les titres des films étrangers, qu’ils apparaissent dans le
corps des articles ou dans les filmographies, sont traités
TRANSLITTÉRATION DES NOMS ET à partir des règles suivantes :
TITRES DE FILMS
– le titre français en usage (c’est-à-dire adopté lors de
La translittération des noms a tenu compte du souci
la sortie « commerciale » du film) est toujours employé
du lecteur de retrouver aisément ceux que l’usage a
prioritairement ; il est suivi, dans le texte (s’il n’y a pas
imposés, mais que des systèmes récents transforment de filmographie ou s’il n’y est pas repris), du titre origi-
parfois radicalement. nal entre parenthèses et de l’année de sortie du film ;

URSS. Les noms russes sont classés selon l’ancienne – si le titre de la version française n’a pas prévalu ou se
graphie, la translittération nouvelle figurant cependant révèle inutile, le titre original est seul utilisé (ex. : Sta-
entre crochets. En revanche, le système recommandé zione Termini ; La dolce vita) ;
par l’Organisation internationale de normalisation a été
– si, faute d’exploitation, un titre français n’a jamais été
adopté pour les titres des films.
reconnu, on a conservé le titre original pour les lan-
CHINE. Les noms et les titres chinois sont transcrits gues suivantes, considérées comme les plus usuelles :
selon la méthode pinyin, mais le particularisme pré- anglais, allemand, espagnol, italien et portugais ;
senté par Hongkong crée quelques distorsions à cette
– pour les autres langues, une traduction littérale est
règle.
proposée et signalée par des guillemets anglais [“ ”] (qui
PAYS ARABES. Les noms et les titres arabes présentent évitent de prendre le titre pour une « citation » ou de le
souvent de notables différences selon les ouvrages considérer comme usuel). Le lecteur ne doit cependant
consultés. La francisation traditionnelle au Maghreb attribuer à ces guillemets qu’une valeur indicative : ils
signalent moins une affirmation qu’une réserve. Il nous En cas de production étrangère ou de coproduction,
a semblé important, en effet, de ne pas créer de confu- les noms des pays concernés sont indiqués au moyen

sion entre une équivalence littérale et un titre passé de lettres-code.

dans l’usage. Il arrive cependant que la fréquence avec Les téléfilms n’apparaissent dans un article que
laquelle un film apparaît dans les histoires du cinéma lorsqu’ils ont eu une importance particulière dans la
et les ouvrages de référence, ou avec laquelle il est carrière du cinéaste ou de l’acteur cité. Les filmogra-
projeté dans les festivals et les rétrospectives, confère phies complètes excluent donc (sauf exceptions) les
au titre français, à défaut de la reconnaissance d’une films conçus pour une diffusion à la télévision et qui
exploitation commerciale, une valeur définitive, auquel n’auraient pas connu ultérieurement d’exploitation en

cas les guillemets anglais sont abandonnés. salle de cinéma.

FILMOGRAPHIES DATATION DES FILMS

Lorsqu’une filmographie est complète au dernier film Il est souvent très délicat de dater un film. Il faut choisir
entre la date du début ou de la fin de tournage, celle du
cité, le signe apparaît en fin d’article, lorsque tous
copyright, celle des premières projections privées, des
les films sont inclus dans le texte. Lorsque le signe
présentations corporatives ou de gala, enfin celle de la
n’apparaît pas, la filmographie est sélective.
première projection publique en salle. Nous avons opté
Dans les articles consacrés aux cinéastes, tout film cité pour cette dernière. Il peut arriver cependant que la
l’est sous son titre français, suivi, entre parenthèses, de sortie d’un film soit retardée pour des raisons diverses
son titre original et de sa date de sortie dans son pays (décès, censure, événements historiques ou politiques
d’origine. Dans les autres articles biographiques, seul ou tout simplement faute de distribution immédiate).

le titre français apparaît (s’il existe ou si l’équivalence Dans le cas où l’écart entre la finition et l’exploitation

littérale s’impose), suivi entre parenthèses du nom du commerciale du film dépasse deux années, les deux

réalisateur et de la date de sortie du film dans son pays dates sont signalées (la date de fin de tournage est indi-

d’origine. Pour connaître le titre original d’un film, il suf- quée par l’abréviation RÉ).

fit donc de se reporter à l’article consacré au cinéaste Rappelons l’incertitude et la fragmentation des don-
cité. Nous avons voulu éviter l’un des inconvénients nées d’archives de l’histoire du cinéma. Si, pour cer-
majeurs que l’on rencontre dans de nombreux diction- tains pays, des renseignements fiables peuvent être
naires anglo-américains, qui, d’une part, n’indiquent aujourd’hui obtenus, pour d’autres, l’absence de docu-

pas toujours le titre original des films cités et, d’autre ments précis nous a conduits à suivre les sources exis-

part, omettent le nom des cinéastes dans les filmogra- tantes à défaut de pouvoir toujours les vérifier.

phies d’acteurs ou de techniciens. Articles sur l’histoire des cinématographies nationales

Une barre oblique (/) séparant les titres de films signifie L’astérisque (*) indique une entrée dans le dictionnaire
que le film cité a été connu sous deux titres différents, à l’ordre alphabétique.
soit deux titres dans la langue du pays producteur
d’origine, soit deux titres dans deux langues différentes PALMARÈS
s’il s’agit d’une coproduction internationale ou encore Les palmarès des principaux prix et festivals sont re-
de deux marchés différents. groupés page.
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Abréviations

Abréviations usuelles
ADAPT Adaptation INT Interprète, acteur

ANIM Film d’animation LM Long métrage

ASS Assistant MM Moyen métrage

CHOR Chorégraphe chorégraphie MONT Montage

CM Court métrage
MUS Musique, musicien

CO En collaboration/
PH Directeur de la photo,
coréalisation/coscénario/
chef opérateur, photographie
cophotographie...
PR Production, producteur
COMM Commentaire
RÉ Réalisation, réalisateur
COUL Couleur

SC Scénario, scénariste
DA Dessin animé

DEC Décor, décorateur TH Théâtre

DIAL ou D Dialogue, dialoguiste ASS/RÉ Assistant réalisateur

DOC Documentaire VF Version française

D’AP D’après, adapté de VO Version originale

Abréviations des états et district des États-Unis


(Ala.) Alabama (Ga.) Géorgie

(Alaska) Alaska (Haw.) Hawaii

(Ariz.) Arizona (Idaho) Idaho

(Ark.) Arkansas (Ill.) Illinois

(Ca.) Californie (Ind.) Indiana

(N.C.) Caroline du Nord (Iowa) Iowa

(S.C.) Caroline du Sud (Kans.) Kansas

(Colo.) Colorado (Ky.) Kentucky

(Conn.) Connecticut (La.) Louisiane

(N.D.) Dakota du Nord (Maine) Maine

(S.D.) Dakota du Sud (Md.) Maryland

(Del.) Delaware (Mass.) Massachusetts

(D.C.) Distr. de Columbia (Mich.) Michigan

(Fla.) Floride (Minn.) Minnesota


(Miss.) Mississippi (Pa.) Pennsylvanie

(Mo.) Missouri (R.I.) Rhode Island

(Mont.) Montana (Tenn.) Tennessee

(Nebr.) Nebraska
(Tex.) Texas
(Nev.) Nevada
(Utah) Utah
(N.H.) New Hampshire
(Vt.) Vermont
(N.J.) New Jersey
(Va.) Virginie
(N.Y.) New York
(W.Va.) Virginie-Occid.
(N.Mex.) Nouveau-Mexique

(Ohio) Ohio (Wash.) Washington

(Okla.) Oklahoma (Wis.) Wisconsin

(Oreg.) Oregon (Wyo.) Wyoming

Abréviations des noms de pays


AFRS Afrique du Sud ESP Espagne

ALB Albanie US États-Unis

ALG Algérie ETH Éthiopie

ALL Allemagne FIN Finlande

ARG Argentine FR France

AUSTR Australie GB Grande-Bretagne

AUT Autriche GR Grèce

BEL Belgique HK Hongkong

BOL Bolivie HONG Hongrie

BR Brésil INDE Inde

BULG Bulgarie INDON Indonésie

CAM Cameroun IRL Irlande

CAN Canada ISR Israël

CHIL Chili IT Italie

CHINE Chine JAM Jamaïque

CR Costa Rica JAP Japon

CDI Côte-d’Ivoire KOW Koweït

DAN Danemark LIB Liban

EG Égypte MAD Madagascar

EQU Équateur MAL Malaisie

DICTIONNAIRE DU CINÉMA
MALI Mali RFA Rép. féd. d’All.

MAR Maroc ROUM Roumanie

MAUR Mauritanie SEN Sénégal

MEX Mexique SRL Sri Lanka

NIC Nicaragua SUE Suède

NOR Norvège SUI Suisse

NZ Nouvelle-Zélande SYR Syrie

PAK Pakistan TCH Tchécoslovaquie

PAN Panamá THAI Thaïlande

PAR Paraguay TUN Tunisie

PB Pays-Bas TUR Turquie

PER Pérou URSS Union soviétique

PH Philippines URUG Uruguay

POL Pologne VEN Venezuela

POR Portugal VIET Viêt-nam

RDA Rép. démocr. all. YOUG/YU Yougoslavie

DICTIONNAIRE DU CINÉMA
AAES (Erik), décorateur danois (Nordby Gabriele
a Salvatores (Marrakech Express, Topaze en 1933. Malgré l’accueil chaleu-
1899 - Charlottenlund 1966). 1989 ; Strada blues, 1990 ; Mediterraneo, reux du public et de la critique, d’Arrast se
Assistant décorateur à la Nordisk Film 1991 ; Puerto Escondido, 1992 ; Nirvana, voit éloigné de Hollywood par des produc-
Kompagni et au Folkteatret à Copen- 1997) et Giovanni Veronesi (Per amore teurs avec qui il entrait souvent en conflit.
hague, il collabore avec Sven Gade à Ber- solo per amore, 1994 ; Il barbiere di Il tourne The Three Cornered Hat (1934)
lin de 1920 à 1922, puis vient en France, Rio, 1996). Désormais associé au suc- en Espagne d’après Alarcón. Après la
où il se lie avec les meilleurs réalisateurs cès de nombreux films (Nel continente guerre, il s’installe sur la Côte d’Azur, où il
de l’époque : Alberto Cavalcanti (Yvette, nero, M. Risi, 1993 ; E’ arrivata la bufera, meurt vingt ans plus tard, oublié de tous.
1927 ; En rade, id. ; la P’tite Lili, 1928) et D. Luchetti, id. ; Il toro, C. Mazzacurati,
Jean Renoir (la Petite Marchande d’allu- id. ; Camere da letto, S. Izzo, 1997 ; Matri- ABBAS (Khwaja Ahmad), cinéaste in-
mettes, 1928), pour lesquels il invente moni, C. Comencini, 1998 ; Il testimone dien (Panipat, Pendjab [auj. Haryana],
un univers décoratif baigné d’une poésie dello sposo, P. Avati, id. ; Concorrenza 1914 - Bombay 1987).
sans afféterie. De retour dans son pays, il sleale, E. Scola, 2001), il réussit à impo- D’abord journaliste de cinéma au Bom-
travaille avec Carl Dreyer (Dies irae/ Jour ser une personnalité généreuse d’homme bay Chronicle, il fonde l’Association théâ-
de colère, 1943 ; Ordet, 1955), retrouve extraverti à la façon méridionale. Parallè- trale du peuple indien (IPTA), qui monte
Cavalcanti à Vienne en 1956 pour son lement, il s’implique dans l’écriture, parti- des pièces et produit des films à préoc-
adaptation de Brecht (Maître Puntila et cipant aux scénarios de In barca a vela cupations sociales. Marqué par l’agita-
son valet Matti, 1956), puis épaule les contromano (S. Reali, 1997) et Figli di tion de masse de son temps, influencé
deux chefs de file du nouveau cinéma par Upton Sinclair et John Steinbeck, il se
Annibale (D. Ferrario, 1998).
danois : Palle Kjaerulff-Schmidt (Week- veut socialiste sans parti. Tous ses films,
End, 1962) et, surtout, Henning Carlsen ABBADIE D’ARRAST (Harry d’), cinéaste sans cesser d’être des mélodrames,
(la Faim, 1966), qui lui offre l’occasion américain (Buenos Aires, Argentine, 1897 - abordent des thèmes sociaux ou poli-
d’achever sa carrière sur une superbe Monte-Carlo 1968). tiques (la famine, l’enfance abandonnée,
recréation d’atmosphère (Christiania, la D’origine française basque, élève au l’irrigation, les luttes de libération natio-
capitale de la Norvège en 1890). lycée Janson-de-Sailly à Paris, Harry nale), mais aucun n’a obtenu le succès
d’Abbadie d’Arrast, l’un des plus brillants de ceux qu’il a écrits pour Raj Kapoor :
AATON CAMÉRA
auteurs de comédies cinématogra- ‘ le Vagabond ’ (1951), ‘ Monsieur 420 ’
phiques à Hollywood dans les années 20, (1955), ‘ Dans l’ombre de la nuit ’ (1957)
ABATANTUONO (Diego), acteur italien
a connu une carrière météorique. Il arrive ou Bobby (1978). Langue : hindi.
(Milan 1955).
à Los Angeles en 1922, travaille avec Films ‘ les Enfants de la terre ’ (Dharti
Très célèbre en Italie où il fait figure de
Chaplin sur l’Opinion publique (1923), Ke Lal, 1946) ; ‘ l’Enfant perdu ’ (Munna,
star, Abatantuono provient du cabaret où
il a exercé ses talents dans le groupe des puis devient son assistant pour la Ruée 1954) ; ‘ l’Étranger ’ (Pardesi, 1957 ; co-
« Chats de la ruelle des miracles ». À par- vers l’or (1925). Il suit Adolphe Menjou prod. avec Mosfilm [URSS]) ; ‘ le Rêve et
tir de 1976, il tourne dans une vingtaine à la Paramount et signe en 1927 un la Cité ’ (Gyarah Hazaar Ladkiyan, 1962) ;
de comédies populaires qui lui valent un contrat de quatre films pour cette com- ‘ Bombay en pleine nuit ’ (Bombai Raat Ki
succès considérable malgré la médiocrité pagnie. Ce sont des comédies de moeurs Bahon Mein, 1968) ; ‘ Sept Indiens ’ (Saat
des films. Pressentant ses qualités de élégantes, brillantes, au rythme nerveux Hindustani, 1969) ; ‘ Deux Gouttes d’eau ’
comédien, Pupi Avati lui donne sa vraie et à la photographie chatoyante. On y (Do Boond Pani, 1971) ; The Naxalites
chance en 1986 avec Regalo de Natale, sent l’influence de Lubitsch et du Cha- (1980).
suivi en 1987, d’Ultimo minuto aux côtés plin de l’Opinion publique. Après ce carré
d’Ugo Tognazzi. Repéré également par d’as (Service for Ladies, A Gentleman of ABBOTT (George), cinéaste américain
Luigi Comencini (Un garçon de Calabre Paris, Serenade, 1927 ; The Magnificent (Forestville, N. Y., 1887 - Miami Beach, Fla.,
[Un ragazzo di Calabria], 1987), il devient Flirt, 1928), il tourne encore Dry Martini 1995).
un acteur fétiche pour Giuseppe Berto- (1928), Raffles (non crédité et terminé par Son activité d’auteur et de metteur en
lucci (Strana la vita, 1988 ; I cammelli, id.) George Fitzmaurice), Laughter en 1930, scène à Broadway est très novatrice : On
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Your Toes (1936) élargit le rôle du ballet, ‘ABD AS-SALAM (Shadi), cinéaste égyp- ABEL (Alfred), acteur allemand (Leipzig
Pal Joey (1940) invente un ton effronté, tien (Alexandrie 1930 - Le Caire 1986). 1879 - Berlin 1937).
On the Town (1944) modernise l’image Diplômé en architecture (Beaux-Arts du Après divers métiers, il se consacre au
de la ville. Ces trois comédies musicales Caire), il s’oriente vers le cinéma : as- théâtre et, dès 1913, au cinéma sous
inspireront Hollywood. Le film de Paul sistant décorateur (Cléopâtre, de Man- l’impulsion d’Asta Nielsen. Parmi les
Fejos, Broadway (1929), doit son pathos kiewicz) ; directeur artistique (Pharaon, nombreux films qu’il a tournés, on ne peut
de Kawalerowicz ; Lutte pour la survie, guère retenir que ses collaborations avec
au livret dont Abbott est le coauteur. Il
de Rossellini, film de la RAI). Réalise la Fritz Lang (Docteur Mabuse, Metropo-
réalise lui-même Why Bring That Up ?
Momie (al-Mumiya‘, 1969), dont la sobre lis) et avec Murnau (la Terre qui flambe,
(1929) et l’adaptation de trois pièces qu’il
beauté et le regard porté sur l’Égypte Phantom, les Finances du grand-duc). Il
a montées : Too Many Girls (1940) et, en
étonnent. Primé plusieurs fois, le film y a imposé un personnage élégant et dis-
collaboration avec Stanley Donen, Pique-
attend dix ans une sortie bâclée au Caire. tingué, toujours plein de dignité et d’hu-
Nique en pyjama (The Pajama Game,
Directeur du Centre expérimental du film manité et souvent condamné à être la vic-
1957) et Damn Yankees (1958). dès sa création (1968), il y enseigne et time des méchants. On l’a vu aussi dans
pratique une conception exigeante du l’Argent de L’Herbier et dans le pamphlet
ABBOTT (William, dit Bud), [Asbury Park, cinéma : le Paysan éloquent (al-Fallah antimilitariste la Mort invisible de Mikhaïl
N. J., 1895 - Los Angeles, Ca., 1974] et COS- al-fa i, 1970, CM), les Armées du soleil Doubson. Il a réalisé lui-même trois films :
TELLO (Louis Francis Cristillo, dit Lou), [Pa- (Juyush ash-Shams, 1975), la Chaise Narkose (1929), Glückliche Reise (1933)
terson, N. J., 1906 - Beverly Hills, Ca., 1959], (Kursi Tut’Amnakh Amun adh-dhahabi, et Alles um eine Frau (1935), où l’on dé-
acteurs américains. 1982). cèle l’influence des grands maîtres avec
Abbott, le faire-valoir, est maigre et
lesquels il a travaillé, Murnau et Lang.
intraitable ; Costello, le bouffon, gros et ABDRACHITOV (Vadim) [Vadim Jusupovi
niais. Rodé au théâtre et à la radio, leur Abdrašitov], cinéaste soviétique (Kharkov, ABERRATION.
comique se fonde sur des situations ab- Ukraine, 1945). Défaut susceptible d’affecter l’image
Diplômé en 1967 de l’Institut technique
surdes et une folle mécanique verbale. fournie par un objectif : aberration chro-
de chimie de Moscou, il travaille d’abord
Buck Privates (A. Lubin, 1941) et Pardon matique, aberration de sphéricité, etc.
dans une usine d’électronique puis
My Sarong (E. C. Kenton, 1942) sont ( OBJECTIFS.)
aborde le cinéma au début des années
de grands succès du box-office. Deux
1970. Élève de Mikhail Romm et Lev ABOULADZÉ (Tenguiz) [Tengiz Evgen’evi
Nigauds contre Frankenstein (Abbott and
Koulidjanov, il réalise en 1974 son film Abuladze], cinéaste soviétique (Koutaisi,
Costello Meet Frankenstein de Charles de diplôme ‘ Arrêtez Potapov ’ (Ostanovite Géorgie, 1924 - Tbilissi 1994).
Barton, 1948) leur ouvre une voie nou- Potapova). On remarque dans ses films Avec son ami Revaz Tchkheidze, dont
velle, celle de la parodie ; une longue suivants, dont les scénarios sont écrits en la carrière se confondra avec la sienne
série s’ensuivra. collaboration avec Aleksandr Mindadze, jusqu’en 1956, il étudie à l’Institut théâ-
un non-conformisme évident et une pro-
tral de Tbilissi, puis au VGIK de Moscou
‘ABD AL-WAHHAB (Fatin), cinéaste égyp- pension à décrire la réalité sociale sans
(sous la houlette de Mikhail Romm et de
tien (1913-1972). masques ni mensonges : La Parole est
Sergueï Youtkevitch). Leur diplôme de
Assistant dès 1934 aux récents studios à la défense (Slovo dlja zašity, 1976),
fin d’études est un documentaire sur un
Mir du Caire, il y réalise en 1948 son pre- le Tournant (Povorot, 1978), ‘ la Chasse
grand compositeur géorgien : Dimitri Ara-
mier film, Nadiya. Le succès de ‘ la Maison aux renards’ (Ohota na lis, 1980), le Train
kichvili (Dimitrij Arakišvili, 1952). Quatre
hantée ’ (Bayt al-’achbah, 1951) incite les s’est arrêté (Ostanovilsja poezd, 1982), le
ans plus tard, ils cosignent un moyen
producteurs à exploiter l’acteur comique Défilé des planètes (Parad planet, 1984),
métrage, l’Âne de Magdana (Lurdža Mag-
Isma’il Yasin. Une fois dégagé de ces Plioumboum (Pljumbum ili opasnaja igra,
dany), dont les qualités de fraîcheur et de
films en série, ‘Abd Al-Wahhab s’oriente 1986), le Valet/le Domestique (Sluga,
sensibilité sont les signes avant-coureurs
1989), Armavir (id., 1991), Pièce pour un
vers une comédie de moeurs souvent d’une renaissance du cinéma géorgien,
passager (Pjesa dlja passažira, 1995),
heureuse, même si elle doit sacrifier aux dont ils seront effectivement, l’un comme
le Temps du danseur (Vremja tancora,
conventions, chant, danse et star system. l’autre, les principaux artisans. Abouladze
1997).
S’il rappelle Niyazi Muafa, il a plus d’iro- poursuit sa carrière en tournant désor-
nie et d’élégance. Ses satires narquoises mais seul ‘ les Enfants d’une autre’ (užie
ABE (Yutaka), cinéaste japonais (préf. de
d’une société satisfaite et crédule (‘ Ma deti, 1958) puis ‘ Moi, grand-mère, Iliko
Miyagi 1895 - Tokyo 1977).
femme est PDG ’ [Imra’ati mudir’am], Durant un long séjour (de 1912 à 1925) et Illarion ’ (Ja, babuška, Iliko i Illarion,

1965) ou ses comédies légères à la René à Hollywood, il suit des cours d’acteur, 1963). En 1968, il réalise un film poétique

travaille avec Sessue Hayakawa et tient et symbolique, l’Incantation ou la Prière


Clair (‘ le Fantôme de ma femme ’ [‘ Ifritu
de petits rôles, sous le nom de Jack (Mol’ba), qui se réfère à l’oeuvre du poète
mra’ati], 1968) lui confèrent une place
Abe, dans des films de Thomas Ince, national Važa Pšavela. Après le docu-
particulière dans les cinémas arabes. Il
Cecil B. De Mille et d’autres. De retour mentaire ‘ Un musée sous le ciel ’ (Muzej
a signé plusieurs sketches et 53 longs
au Japon, il tourne de très nombreuses pod otkrytym nebom, 1972), il tourne
métrages, dont ‘ Mademoiselle Hanafi ’
comédies à la Lubitsch, parmi lesquelles ’Un collier pour ma bien-aimée’ (Ožerel
(al-Anisa anafi, 1954), ‘ la Treizième
son plus grand succès, maintes fois re- dlja moej ljubimoj, 1973) puis l’Arbre du
Épouse ’ (az-Zawja ath-thalitha’achar,
pris, ‘ la Femme qui toucha les jambes ’ désir (Drevo želanija, 1976), une para-
1961), ‘ les Trois Cavaliers ’ (al-Fursan
(Ashi ni Sawatta Onna, 1926). Il réalise bole philosophique qui dépeint avec brio
ath-thalatha, id.), ‘ Renvoyé du paradis ’
environ cinq films par an pendant les et sympathie l’âme populaire géorgienne.
(aridu al-Firdaws, 1964), ‘ Terre de men-
années suivantes, dont plusieurs de En 1987, il obtient le Prix spécial du jury
songe ’ (Aru an-nifaq, 1968), ‘ Sept Jours à Cannes pour Repentir (Pokajanie, 1986
tendance nationaliste comme ‘ le Ciel en
au paradis ’ (Sab’atu ayyam fi aj-Janna, flammes ’ (Moyuru Ozora, 1940) ou ‘ le [RÉ 1984]), violente satire contre la dic-
1969), ‘ les Mensonges d’Ève ’ (Akadhibu Bouquet des mers du Sud ’ (Nankai no tature en général et celles de Staline et
Hawwa, 1970), ‘ le Fiancé de ma mère ’ Hanataba, 1942). Malgré les purges de Beria en particulier, dont le retentisse-
(Kha ib mama, 1971) et ‘ les Lumières de l’après-guerre, il poursuivra sa carrière ment fut considérable en URSS et qui
la ville ’ (Awa al-madina, 1972). jusqu’en 1961. apparut ensuite dans tous les pays du

2
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

monde comme l’un des films marquants représentatif, non objectif) va passer dès sont les premières oeuvres du Suédois
de la perestroïka de Gorbatchev. les années 20 pour la quintessence du Viking Eggeling et des Allemands Hans
cinéma, pour le cinéma le plus pur. Richter, Walter Ruttmann et Oskar Fis-
ABRAHAM (Fahrid Murray, dit F. Murray), C’est qu’il fait, dans son dépouillement, chinger. Dans ses Opus, Ruttmann —
acteur américain (Pittsburgh, Pa., 1939). ressortir deux caractères plus spécifiques qui fut sans doute le premier des quatre
Quand F.M. Abraham obtint l’oscar pour à montrer une oeuvre terminée, en 1921
encore du cinéma : l’un d’être un art du
sa création magistrale du tragique Salieri, — utilise peinture sur verre, dessins et
rythme visuel, l’autre d’être un art de la
rongé de jalousie et de remords, dans découpages, tandis que Eggeling filme
lumière. Autre paradoxe : cette probléma-
Amadeus (M. Forman, 1984), beaucoup des formes d’abord dessinées sur rou-
tique du cinéma pur, qui prétend libérer
se sont demandé d’où il sortait. Il avait ce- leaux (Diagonale Symphonie, sans doute
le cinéma de ce qui n’est pas essentiel-
pendant une carrière cinématographique finie en 1924). Les deux autres vont élar-
lement lui et donc de la tutelle des autres
et théâtrale conséquente : il avait débuté gir techniques et perspectives : tandis
arts (et qui consiste en fait à l’écarter du
en 1971 et avait déjà joué les seconds que Richter (Rythmus 21, 23 et 25, après
roman ou de la peinture figurative pour le
couteaux dans Scarface (B. De Palma, 1924) fait, dans Filmstudie (1926), de
rapprocher de la musique), est d’abord
1983). Depuis, dans le Nom de la rose (J.- l’abstraction avec des objets concrets —
une problématique de peintres et ne peut
J. Annaud, 1986) ou dans le Bûcher des comme parfois Gance dans la Roue
se dissocier du grand mouvement qui,
vanités (B. De Palma, 1990), il a continué
entre 1908 et 1914, fait sortir de l’ère de la (1921-1923) —, Fischinger, retrouvant
d’afficher la même discrétion et le même
représentation la peinture d’un Kandinsky, le souci des Castel, Scriabine, Baranoff-
talent. Au milieu de prestations toujours Rossiné et autres créateurs de pianos
d’un Mondrian, d’un Delaunay... ou d’un
inventives, même si le rôle relève du cli- optiques, s’intéresse aux rapports des
Arnaldo Ginna. Car le coréalisateur en
ché (sombre traître, très souvent, comme
1910, avec Bruno Corra son frère, du pre- formes abstraites avec la musique (Stu-
dans Last Action Hero, John McTiernan,
mier film abstrait a peint dès 1908 deux dien, 1929-1934). Après la montée du
1993), retenons le mystérieux professeur
toiles non figuratives. Cherchant à créer nazisme, tous deux émigrent aux États-
d’escrime de Par l’épée (By the sword,
des thèmes chromatiques qui soient au Unis, y fécondant un cinéma expérimen-
J. P. Kagan, 1993), figure d’abord sombre tal où les films abstraits existent déjà
tableau abstrait ce qu’un thème musical
puis émouvante, et toujours discrète,
est à un simple accord, les frères Corra- (H20, de Ralph Steiner, 1929 ; Rhythm in
comme F. Murray Abraham lui-même.
dini fabriquent d’abord un piano chroma- Light, de Mary Ellen Bute, 1936 ; Fantas-
tique (dont les 28 touches correspondent magoria I, de Douglas Crockwell, 1938).
ABRIL (Victoria Merida Rojas, dite Victoria),
à 28 ampoules colorées). L’insuccès de À ce moment-là, les oeuvres abstraites ou
actrice espagnole (Madrid 1959).
cette tentative les conduit au cinémato- semi-abstraites sont surtout faites, on l’a
Depuis son apparition mémorable en
graphe, et ils réalisent entre 1910 et 1912 vu, en Allemagne (où, en outre, Moholy
baigneuse nue dans la Fille à la culotte
des sortes de ballets de formes colorées Nagy filme en 1930 son modulateur lu-
d’or (V. Aranda, 1979), elle n’a cessé d’in-
directement peints sur la pellicule (ce que minocinétique dans Jeu de lumière noir,
carner à l’écran les brunes brûlantes et
fait, semble-t-il, de son côté, en 1911, blanc, gris), en France (Man Ray, Léger,
désirables (la Hora Bruja, J. de Armiñan,
l’Allemand Hans Stoltenberg). Un autre Duchamp, Chomette), en Angleterre (Len
1985 ; Attache-moi, P. Almodovar, 1990).
peintre, Léopold Survage, avec un point Lye, Blakeston et Bruguière, McLaren),
Mais, outre sa sensualité naturelle, qu’elle
de départ musicaliste du même genre, en Italie (Corrado d’Errico, Veronesi)
sait bien mettre en valeur, elle possède
peint entre 1912 et 1914 une centaine et en Pologne (Szczuka, Franciszka et
l’étoffe d’une comédienne sensible, parti-
de cartons destinés à donner, filmés un Stefan Thermerson). La situation change
culièrement douée pour les rôles drama-
par un, des Rythmes colorés. La guerre après 1940 : excepté Hains, La Villeglé,
tiques (Mater amatisima, Josep A. Sal-
fait échouer son projet. En 1915, paral- Hy Hirsch, Mitry, Breer et les lettristes en
got, 1980). Grande vedette en Espagne
lèlement à la conception de Vita futurista France ou Kubelka en Autriche, la plu-
(Padre nuestro, Francisco Regueiro,
(réalisé par Ginna), qui comprend, entre part des cinéastes utilisant l’abstraction
1985 ; La noche más hermosa, M. Gu-
autres, un passage semi-abstrait de jeux travaillent au Canada (McLaren) ou aux
tiérrez Aragón, id. ; Amantes, V. Aranda,
de lumière et, croit-on, un passage peint États-Unis (Grant, Harry Smith, Belson,
1991 ; Talons aiguilles, P. Almodovar,
sur la pellicule, les futuristes publient le les frères Whitney, Tony Conrad, Paul
id. ; Kika, id., 1993 ; Nadie hablará de
manifeste la Cinématographie futuriste, Sharits), du moins avant le renouveau
nosotras cuando hayamos muerto, Agus-
dont plusieurs propositions — « sympho- expérimental européen des années 70-
tín Díaz Yanes, 1995 ; Libertarias, V.
nies de couleurs, de lignes », « drames 80. Les nouvelles problématiques
Aranda, 1996 ; Entre les jambes/Entre las
d’objets », « reconstructions irréelles du (cinéma structurel ou minimal, cinéma
piernas, Manuel Gómez Pereira, 1999),
corps humain », « équivalences linéaires, élargi), qui font porter en quelque sorte
elle tourne aussi régulièrement en France
plastiques, chromatiques (...) de senti- l’abstraction sur le processus filmique
(la Lune dans le caniveau, J.-J. Beineix,
1983 ; Une époque formidable, G. Jugnot, ments, de poids, d’odeurs », « drames lui-même, l’étendent à presque tous les
de lettres humanisées » , « drames géo- films expérimentaux et rendent alors
1991 ; Casque bleu, id., 1994 ; Gazon
métriques » — annoncent bon nombre plus difficile la distinction entre cinéma
maudit, J. Balasko, 1995 ; la Femme du
des créations futures du cinéma abstrait. abstrait et cinéma non abstrait, déjà dé-
cosmonaute, Jacques Monnet, 1998 ;
Mon père, ma mère, mes frères et mes D’autres sont également sur cette piste : passée dans les années 20 par la com-

soeurs, Charlotte de Turckheim, 1999). le Russe El Lissitzky, le Hongrois Vilmos plexité d’oeuvres mixtes : Ballet méca-
Huszar, l’Anglais Duncan Grant et l’Alle- nique de Léger (1924) ou Emak Bakia
ABSTRAIT (cinéma). mand Werner Graeff, ces deux derniers de Man Ray (1927). C’est qu’il est divers
Toute forme de cinéma qui délaisse peu travaillant sur des rouleaux. Mais aucun degrés dans la non-figurativité et divers
ou prou l’aptitude de l’image à représen- n’aboutit alors et, comme les films futu- moyens d’y atteindre : radicalement, en
ter (voire simplement à évoquer) des ristes ont disparu, les seuls fragments de filmant des cartons monochromes et en
êtres ou des objets reconnaissables. cinéma abstrait antérieurs aux années 20 obtenant des clignotements, ou même,
Paradoxalement — car c’est ce pouvoir qui subsistent aujourd’hui sont quelques sans caméra, en faisant alterner pellicule
mimétique, accru par le mouvement, qui plans filmés dans des miroirs déformants vierge et amorce noire, voire en utilisant
avait paru à ses premiers spectateurs la par Abel Gance en 1915 (la Folie du le seul faisceau du projecteur (Kubelka,
principale vertu du cinématographe —, Dr Tube). En fait, les plus anciens films Conrad, Iimura, McCall). Ou bien en fai-
le cinéma abstrait (ou non figuratif, non entièrement abstraits que nous ayons sant paraître des dessins abstraits filmés

3
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

image par image (Eggeling), obtenus par recours à un support littéraire est une de l’islam honnête et solide, il se verra
ordinateur (Whitney) ou directement tra- constante du film égyptien, et Abu Sayf y confier en Iraq une superproduction histo-
cés sur la pellicule (Lye). Mais on peut souscrit en travaillant à partir de romans rique, al-Qadisiyya (1981). Mais son clas-
aussi — comme Mondrian passant peu ou d’oeuvres théâtrales, de scénarios sicisme demeure ouvert, dans le cadre
à peu des arbres et de la mer de Dom- commandés à des écrivains, notamment de son public. Avec plus de complexité
burg à des oppositions de verticales et à Nagib Mafu. L’importance consentie et de conviction que Barakat, il a mis en
d’horizontales pures — partir du concret aux dialogues sous-tend une oeuvre par lumière le statut de la femme égyptienne ;
pour fixer ce que celui-ci porte d’abstrait ailleurs attentive aux pouvoirs expressifs il a su dégager l’érotisme des séquences
ou pour brouiller ses apparences. La pre- de l’image et aux ressources offertes par de danse qui l’isolaient et le déviaient,
mière voie va des cadrages appliqués à le son et le montage, sans pour autant en en suggérant la force et le rôle par le
ne garder que les formes géométriques rompre avec les habitudes du public regard, le recadrage, voire la musique.
d’un mur ou les taches de couleur régu- oriental. Il a véritablement imposé le réalisme,
lières d’une frondaison jusqu’au cinéma Mais, cinéaste de studio par goût, et les thèmes sociopolitiques sont nom-
pur, qui, dans la Roue de Gance, chez Abu Sayf exige des reconstitutions mi- breux dans son oeuvre, miroir humaniste
Chomette, dans les derniers Dulac et nutieuses (les halles du Caire pour le (mais non privé d’humour) de l’Égypte
les premiers Ivens, ne fait que mettre en Costaud), réalistes et parfois d’une réelle contemporaine. Esthétiquement, il s’est
rythme, par le montage, des objets ou des beauté plastique (Le porteur d’eau est nourri de Fritz Kramp, du meilleur Ahmad
êtres identifiables. La seconde voie ne mort). L’exactitude est chez lui le premier Badrakhan, du réalisme poétique fran-
nous fait pas moins entrer en coquetterie élan de l’imagination. Décors, gestes, çais (préfigurant au Caire le néoréalisme
avec le monde, puisque (chez Brakhage, encore à venir), réussissant un mariage
costumes, graffiti sont étudiés avec soin.
par exemple) ce sont des vues tout à fait Sa direction d’acteurs s’emploie à rendre souvent heureux du verbe et de l’image.
figuratives que perturbent, pour retrouver crédibles des vedettes dans des rôles Il a produit ou coproduit une grande part
la diaprure d’une vision préconceptuelle, et des caractères populaires, humbles, de ses films.
la sur- ou la sous-exposition, les filtres, le voire comiques. Fatin amama, Sana Films : ‘ Dans mon coeur à jamais ’
flou, l’accéléré, le filé, le zoom brusque, Gamil (la soeur sacrifiée dans le Com- (Da’ iman fi qalbi, 1946) ; ‘ le Vengeur ’ (al-
la surimpression, le négatif, le filmage mencement et la Fin), Su‘ad Husni, Farid Muntaqim, 1947) ; les Aventures d’Antar
image par image ou l’intervention directe Shawqi, entre autres, doivent beaucoup et Abla (Mughamarat ‘ Antar wa’Abla,
sur la pellicule. C’est peut-être que le à cette exigence d’authenticité souvent 1948) ; ‘ Rue du Polichinelle ’ (Shari‘ al-
cinéma est inévitablement lié au monde ignorée dans les studios cairotes. Dès Bahlawan, 1949) ; ‘ le Faucon ’ (as-Saqr,
visible. À condition d’admettre que le vi- lors s’affirmait un réalisme ouvert sur des 1950) ; ‘ L’amour est scandaleux ’ (al-
sible n’est qu’un équilibre de l’esprit entre mondes cachés : trafics des mandataires Hubb bahdhala, 1951) ; ‘ Ton jour vien-
la sensation brute qu’il élabore et l’intelli-
des halles ; trafics de protections autour dra ! ’ (Lak yum ya zalim, id.) ; ‘ le Contre-
gible auquel il aspire. Le cinéma abstrait,
d’un arriviste (Le Caire 30), aux expres- maître Hassan ’ (al’-ust‘a asan, 1952) ;
qui explore ces deux invisibilités, trouve
sions de la exualité féminine en butte ’Raya et Sekkina ’ (Raya‘ wa Sakina,
là sa réelle justification.
aux interdits (‘ Jeunesse d’une femme ’, 1953) ; le Monstre (al-Wahsh, 1954) ;
1956) ou aux bons plaisirs de l’homme ‘ Jeunesse d’une femme ’ (‘la Sangsue’)
ABU SAYF (ala), cinéaste égyptien (Le
(la Seconde Épouse, avec Su’ad Husni et [Shabab imra’a, 1956] ; le Costaud (al-Fu-
Caire 1915 - id. 1996).
Sana Gamil). tuwwa, 1957) ; ‘ l’Oreiller vide ’ (al-Wisada
Il poursuit tout d’abord des études com-
Ainsi le cinéma égyptien se trouve-t- al-Khaliyya, id.) ; ‘ Nuit sans sommeil ’ (La
merciales ; après un début aux usines
il porté, sur un terrain dramatique neuf anam, id.) ; ‘ Voleur en vacances ’ (Mujrim
textiles Mir, passionné par le cinéma,
et riche, à une critique violente ou pleine fi ijaza, 1958) ; ’l’Impasse‘ (at-Tariq al-
il réussit à se faire affecter aux studios
Mir créés par le même groupe bancaire d’humour (le Procès 68). C’était une des masdud, id.) ; ‘ C’est ça l’amour ’ (Hadha
conditions d’un renouveau que parut huwwa al-ubb, id.) ; Je suis libre (Ana
grâce à Niyazi Muafa. Au cours de son
apprentissage de monteur, il rencontre d’abord cautionner le régime nassérien, urra, id.) ; Entre ciel et terre (Bayna as-

Wafiqa Abu-Gabal, qu’il épouse ; elle et Abu Sayf va diriger l’Organisme géné- sama’ wa al-ar, 1959) ; ‘ Splendeur de
ral du cinéma de 1963 à 1965. Il y a, de l’amour ’ (Law’a al-hubb, 1960) ; ‘ les Filles
sera la monteuse de la plupart de ses
films. Après un voyage de formation en fait, dans le Commencement et la Fin de l’été ’ (al-Banat wa as-sayf, sketch,
Europe (1939), il devient assistant réa- (1960) une vision mélodramatique mais id.) ; le Commencement et la Fin ou Mort
lisateur de Kamal Salim sur la Volonté. sociologiquement précise, de la fragilité parmi les vivants (Bidaya wa nihaya,
Son premier film, en 1946, est un re- de cette petite bourgeoisie ambitieuse id.) ; ‘ N’éteins pas le soleil ’ (La tut’fi‘ ash-
make de Waterloo Bridge (M. LeRoy), et et sans ressources d’où sont issus, pour shams, 1961) ; ‘ Lettre d’une inconnue ’
une grande part, les « Officiers libres » (Risala min imra’a majhula, 1962) ; ‘ Pas
le succès lui vient assez vite avec une
oeuvre inspirée par les figures de Antar qui renversèrent la monarchie (1952). de temps pour l’amour ’ (La waqt lil-ubb,
et Abla, inusables héros de la produc- Mais l’ironie du Procès 68 (adapté d’une 1963) ; Le Caire 30 (al-Qahira thalathin,
tion égypto-libanaise. Mais, en adaptant pièce de Lutfi al-Khuli) fut mal reçue par 1966) ; la Seconde Épouse (az-Zawja
très librement Thérèse Raquin, de Zola, le pouvoir au lendemain de la défaite de ath-thaniyya, 1967) ; le Procès 68 (al-Qa-
sous le titre ‘ Ton jour viendra ’ (1951), et 1967. Jusqu’au Porteur d’eau est mort diyya 68, 1968) ; ‘ Trois Femmes ’ (Tha-
avec ‘ le Contremaître Hassan ’ (1952), (1978), élégie sur la mémoire au coeur lath nisa‘, sketch, 1969) ; ’Une certaine
il amorce l’orientation fondamentale même du vieux Caire, et dont la sensi- douleur‘ (Shay’un min al-’adhab, id.) ;
à laquelle il sera fidèle : le réalisme. Si bilité et la tonalité sont uniques dans les l’Aube de l’islam (Fajr al-Islam, 1970) ;
ses précurseurs sont bien Kamal Salim cinémas arabes, l’oeuvre marque, sinon les Bains de Malatili ou Une tragédie
ou Muammad Karim, on peut discerner un temps d’arrêt, du moins une chute égyptienne (Hammam al-Malatiti, 1973) ;
dans ses origines modestes (il est né de qualité thématique et stylistique (les ’le Menteur‘ (al Kadhdhab, 1975) ; ’Pre-
dans le quartier très populaire de Bulaq), Bains de Malatili ; le Menteur), liée sans mière Année d’amour‘ (Sana ula ubb,
comme dans la découverte du réalisme doute au revirement du pouvoir dans ses sketch, 1976) ; ’Dans un océan de miel‘
poétique français de Carné et de Renoir, rapports avec le cinéma ( Égypte). (Wa saqa’at fi bar min al-’asal, id.) ; Le
les vraies sources de son esthétique et Sa carrière, qui est une leçon de pro- porteur d’eau est mort (as-Saqqa’ mat,
de ses intentions. Habilement, il impose fessionnalisme, lui vaut aujourd’hui la ré- 1977) ; al-Qadisiyya (1981) ; l’Empire de
une mutation, non pas une rupture. Le putation d’un maître. Auteur d’une Aube Satan (al-Bidaya, 1988).

4
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

ACADEMY AWARD OSCAR ACHTERNBUSCH (Herbert), écrivain et 25 mètres environ. Si le son se propa-
cinéaste allemand (Munich 1938). geait dans la salle comme il se propage
ACADEMY OF MOTION PICTURE ARTS D’abord peintre, il a écrit depuis 1969 une en plein air, où l’intensité sonore reçue
AND SCIENCES. dizaine de livres (romans et nouvelles) et varie en sens inverse du carré de la dis-
Association américaine fondée en des pièces de théâtre. À partir de 1974 tance à la source ( SON), le spectateur
1927 et comptant en 1980 plus de (le Sentiment d’Andechs [Der Andech- du dernier rang, 5 fois plus éloigné du
3 000 membres, admis sur invitation (réa- ser Gefühl, produit par Schlöndorff]), il haut-parleur, recevrait une intensité so-
lisateurs, producteurs, acteurs, directeurs écrit, produit, réalise, interprète et dis- nore 25 fois (5 x 5) inférieure à celle reçue
de la photographie, décorateurs, mon- tribue au moins un film par an, généra- par le spectateur du premier rang. C’est
lement dans des conditions matérielles évidemment inacceptable.
teurs, compositeurs, scénaristes, etc.).
dérisoires. C’est une oeuvre parfaitement Heureusement, le son se propage dif-
Surtout connue par le fait qu’elle décerne
originale, centrée sur l’artiste dans ses féremment selon que l’on se trouve en
annuellement les Oscars, cette associa-
relations avec la société, sur ses rap- plein air ou à l’intérieur d’un local. Dans le
tion contribue également à la définition
ports à la Bavière, aussi, et sur une sorte second cas, compte tenu des réflexions
des standards techniques du cinéma. En
de désir de fin du monde. Le tragique sur les parois, il peut parvenir à l’audi-
particulier, la courbe Academy, déter-
est souvent travesti en bouffonnerie, et teur selon plusieurs trajets différents
minée au début des années 40 à partir l’humour — toujours présent — peut être
(figure 1).
d’une statistique portant sur un certain placé dans la lignée du grand cabarettiste
On distingue :
nombre de salles américaines, sert de munichois Karl Valentin, seule influence
référence quasi universelle pour la pro- — le son direct,
explicitée. Achternbusch excelle dans la
jection des films à piste sonore optique : provocation, notamment contre la réfé- — les sons réfléchis, qui parviennent

la bande sonore de ces films est élaborée rence bavaroise (la Guerre de la bière à l’auditeur après une ou plusieurs ré-

[Bierkampf, 1976] ou le Nègre Erwin flexions sur les parois.


— notamment aux niveaux du mixage et
de l’établissement du négatif son — en [Der Neger Erwin, 1980]), dans la para- En plein air, l’auditeur ne recevrait évi-

faisant l’hypothèse que la courbe de ré- bole visionnaire (son évocation d’une demment que le seul son direct. Dans
Bavière prise dans les glaces de Salut la le local, les sons réfléchis ajoutent leur
ponse des salles ( BANDE PASSANTE) sera
Bavière [Servus Bayern, 1977]), le pam- intensité sonore à celle du son direct, et
conforme à la courbe Academy. Cette
phlet antireligieux (le Jeune Moine [Der on conçoit qu’il est ainsi possible d’homo-
conformité est assurée dans la salle
junge Mönch, 1978]) – ce qui lui valut généiser les intensités sonores reçues
appartenant à l’Academy elle-même,
quelques problèmes avec la censure en par les différents spectateurs. Jouer sur
en sorte qu’on peut aussi bien définir la
1983 avec Das Gespenst. En 1982, il pré- les réflexions pose cependant un certain
courbe Academy comme la courbe de
sente le Dernier Trou (Das letzte Loch), nombre de problèmes, parfois ardus, qui
réponse de cette salle de référence.
qui exprime l’obsession de l’exécution de constituent toute la difficulté de l’acous-
six millions de juifs tout en prolongeant tique des locaux.
ACCÉLÉRÉ.
ses semi-confessions sur ses rapports La réverbération. Le son direct et les
Truquage rendant les mouvements plus
avec les femmes. Ses variations provo- sons réfléchis ne parviennent pas à l’au-
rapides sur l’écran qu’ils ne le sont à la
catrices sur la période nazie et les crimes diteur au même instant ni avec la même
prise de vues. ( EFFETS SPÉCIAUX, TI- de guerre sont au centre des principaux intensité. Le son direct parvient le pre-
RAGE.) films qu’il réalise ensuite, de la Médaillée mier, puisqu’il suit le trajet le plus court.
olympique (Die Olympia Siegerin, 1983) Les sons réfléchis parviennent avec d’au-
ACCESSOIRISTE. à Hades (1994). Un individualisme for- tant plus de retard que leur trajet est plus
Technicien chargé de fournir et de pré- cené dans la volonté d’expression et la long. Et, plus ils parviennent tard, plus
parer les accessoires de décors, et éven- modestie de ses budgets le conduisent à
leur intensité est faible, puisque plus tard
tuellement de les entreposer. faire des films quelque peu désordonnés, signifie trajet plus long et réflexions mul-
théâtraux et narcissiques, parfois très
tiples sur des parois qui sont toujours plus
ACHARD (Marcel), écrivain et scénariste inventifs, généralement peu structurés. ou moins absorbantes.
français (Sainte-Foy-lès-Lyon 1899 - Paris On lui doit aussi le scénario du film de
Plaçons-nous alors dans la salle, pen-
1974). Herzog, Coeur de verre (1976).
dant l’émission d’un son. Si les parois
Auteur dramatique, il collabore entre 1935 Autres films : la Traversée de l’Atlan-
étaient totalement absorbantes, l’auditeur
et 1950 à de nombreux films, qui gardent tique à la nage (Die Atlantikschwimmer,
ne percevrait que le son direct. En réalité,
un charme après avoir obtenu du suc- 1975) ; le Comanche (Der Komantsche,
les sons réfléchis ajoutent leur intensité
cès : Mayerling (A. Litvak, 1936), l’Alibi 1979) ; Der Depp (1982) ; le Fantôme
(figure 2). L’idéal est, bien entendu, que
(P. Chenal, 1937), Gribouille et Orage (Das Gespenst, id.) ; Rita Ritter (id.) ;
l’intensité globale soit la même en tous
(M. Allégret, 1938), l’Étrange Monsieur Der Wanderkrebs (1984) ; Blaue Blumen
les points de la salle.
Victor (J. Grémillon, id.), Félicie Nanteuil (1985) ; Die Föhnforscher (id.) ; Heilt Hit-
Faisons maintenant cesser brutale-
ler ! (1986) ; Punch Drunk (id.) ; Wohin ?
(M. Allégret [RÉ, 1942], 1945), Madame
ment l’émission du son. Avec des parois
(1988) ; Mix Wix (1989) ; Hick’s Last Stand
de (Max Ophuls, 1953). Il avait travaillé totalement absorbantes, l’intensité so-
(1990) ; Niemandsland (1991) ; I Know
avec Lubitsch (la Veuve joyeuse, 1934)
the Way to the Hofbraühaus (1992) ; Ich nore reçue par l’auditeur cesserait tout
et avec Del Ruth pour la version fran- aussi brutalement. En réalité, l’auditeur
bin da ich bin da (1993) ; En route pour
çaise de Folies-Bergère (1935). Après va continuer à entendre, pendant un
le Tibet ! (Ab nach Tibet ! id.) ; Hades
Jean Choux (1931), il porte lui-même sa certain temps, les sons réfléchis qui lui
(1994) ; Picasso in München (1996) ;
pièce Jean de la Lune à l’écran (1949). Neue Freiheit - keine Jobs (1997). parviennent plus tard que le son direct.
On lui doit aussi, en tant que réalisateur, C’est le phénomène de la réverbération.
la Valse de Paris (1950). ACOUSTIQUE. (Comme l’intensité des sons réfléchis est
Dans un cinéma de taille moyenne, le d’autant plus faible qu’ils parviennent plus
ACHROMATIQUE. spectateur du premier rang se trouve tard, la courbe de décroissance de l’inten-
Se dit d’un objectif corrigé de l’aberration typiquement à 5 mètres environ du sité sonore reçue a toujours l’allure de la
chromatique. ( OBJECTIFS.) haut-parleur, et celui du dernier rang à courbe de la figure 2.)

5
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Pour caractériser le certain temps évo- Les critères sont par conséquent moins sion produites par les deux sons. On voit
qué ci-dessus, les acousticiens mesurent sévères pour les grandes salles que pour aisément (figure 3) que le résultat est
le temps de réverbération du local, défini les petites.) Dans les salles récentes cor- extrêmement variable selon les cas et
par convention comme la durée néces- rectement conçues et réalisées, cet idéal que les intensités sonores sont suscep-
saire pour que l’intensité sonore ne soit est respecté. tibles aussi bien de s’additionner (sons
plus que le millionième de l’intensité (Dans les édifices religieux, le temps en phase) que de se retrancher (sons en
initiale. En fait, cette convention n’est de réverbération est souvent très long. opposition de phase).
pas très réaliste, car les sons réfléchis Cela résulte de la conception même de Cela peut donner lieu à deux phéno-
cessent d’être audibles bien avant que ces édifices. La parole d’une seule per- mènes distincts.
leur intensité soit tombée aussi bas : le sonne doit pouvoir être entendue par un Lorsqu’une paroi, que nous quali-
temps de réverbération perçu est nette- auditoire important. La seule méthode fierons d’« émettrice », réfléchit un son
ment inférieur au temps de réverbération consiste à utiliser au maximum la ré- vers la paroi opposée, qui le réfléchit à
conventionnel. (Pour mesurer le temps flexion des sons, d’où l’emploi de la pierre son tour vers la paroi émettrice, il peut
de réverbération, on fait émettre par le lisse ou du marbre et le recours fréquent se faire que le son revenant sur la paroi
haut-parleur un son continu que l’on inter- à des surfaces concaves, puisque les lois émettrice soit en phase avec le son émis
rompt brutalement. Un micro placé dans de la réflexion des sons sont les mêmes par celle-ci (figure 4). Ce phénomène
le local est relié à un enregistreur rapide que celles de la lumière. Le temps de peut se produire, a priori, pour toutes les
de niveau sonore, qui fournit la courbe de réverbération élevé oblige l’orateur à une fréquences telles que la distance entre
la figure 2.) certaine lenteur d’élocution pour que les parois soit un multiple entier de la lon-
Le temps de réverbération est un élé- syllabes ne se chevauchent pas, et il ex- gueur d’onde. (Pour la notion de longueur
ment capital de l’acoustique d’un local. plique par ailleurs le caractère particulier d’onde, PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.) Pour
Tout message sonore (parole, musique, de la musique liturgique.) ces fréquences propres (sous-entendu :
etc.) est en effet une suite de sons. Si l’un Le temps de réverbération caractérise propres au local, car elles dépendent des
de ces sons parvient à notre oreille alors la durée nécessaire pour que les diverses dimensions de ce dernier), il y a renfor-
que les sons réfléchis du son précédent absorptions étouffent le son. Or, l’absorp- cement, puisque les sons sont en phase,
sont encore audibles, le message perçu tion des parois, ou des revêtements de de l’intensité sonore reçue. En pratique,
sera confus, voire inintelligible. paroi, varie avec la fréquence ( SON). dans les salles de cinéma, le phénomène
Une écoute satisfaisante demande Le temps de réverbération varie donc lui- se manifeste surtout pour les plus basses
donc que le temps de réverbération ne même avec la fréquence. des diverses fréquences possibles. Et
soit pas trop long. Les valeurs indiquées ci-dessus cor- l’expérience montre que ces fréquences
Il ne doit pas non plus être trop court. respondent aux fréquences moyennes, sont généralement suffisamment basses
Un temps de réverbération très court celles où l’on trouve l’essentiel du son (typiquement : vers 30 à 40 Hz) pour que
signifie en effet qu’il n’y a pratiquement utile. Aux fréquences basses, on trouve le phénomène ne soit pas gênant, car il
pas de sons réfléchis. Or, c’est grâce aux généralement des valeurs plus élevées. est noyé dans les autres imperfections de
sons réfléchis que l’on peut homogénéi- L’écho. On confond parfois réverbéra- la restitution de ces fréquences.
ser les intensités sonores perçues par les tion et écho. En réalité, il y a écho lorsqu’il En certains points de la salle, le hasard
différents auditeurs. En outre, sinon sur- s’écoule au moins un dixième de seconde peut faire que, pour certaines fréquences
tout, l’absence de sons réfléchis donne entre l’arrivée du son direct et l’arrivée du (variables d’ailleurs d’un point à l’autre),
l’impression d’un son sourd. Quiconque son réfléchi : l’auditeur perçoit alors deux un nombre particulièrement élevé des
assiste à l’exécution en plein air (véri- sons distincts, phénomène fréquent en différents sons qui parviennent au spec-
tablement en plein air, c’est-à-dire sans montagne. Compte tenu de la vitesse du tateur lui parviennent en phase — ou, au
qu’un mur de fond de scène ne réflé- son (plus de 330 m/s), cela implique une contraire, en opposition de phase. En ces
chisse les sons) d’une oeuvre musicale différence de longueur des trajets d’au points, il y a alors renforcement notable
conçue pour l’exécution en salle sent bien moins 33 mètres. L’écho ne peut donc (ou, au contraire, affaiblissement notable)
qu’« il manque quelque chose ». éventuellement se rencontrer que dans des fréquences considérées. Lorsqu’on
Tout cela suggère la notion d’un temps les grandes salles. (Si c’est le cas, il est se déplace dans la salle, l’intensité so-
de réverbération idéal. En réalité, ce évidemment impératif de recouvrir de nore perçue peut ainsi varier, pour cer-
temps idéal dépend de la nature du mes- matériaux fortement absorbants la paroi taines fréquences, dans un rapport allant
sage sonore, ce qui complique d’ailleurs qui donne lieu à écho.) parfois jusqu’à 1 à 10. Ce phénomène, à
singulièrement la conception des salles Les résonances. Tout son peut être peu près inévitable (on peut seulement
polyvalentes. La parole demande un considéré ( SON) comme une superpo- s’efforcer de le limiter), est d’autant plus
temps de réverbération (conventionnel) sition de sons simples dont chacun pro- gênant qu’il se manifeste surtout dans les
inférieur à la seconde, valeur au-delà de voque (figure 3a) une variation périodique fréquences moyennes, les plus significa-
laquelle le discours devient vite confus, de la pression de l’air de part et d’autre de tives pour la compréhension du message
sauf à parler lentement et distinctement. la valeur moyenne de cette pression. sonore.
Jazz et musique de chambre s’accom- Lorsque l’un de ces sons simples On qualifie de résonance, même si
modent bien d’un temps un peu plus long parvient à l’auditeur par deux trajets dif- c’est souvent abus de langage, les phé-
(de 1 à 1,5 s) ; orchestre, opéra, choeurs, férents (compte tenu des réflexions sur nomènes qui renforcent, pour certaines
admettent un temps encore plus long les parois), l’auditeur reçoit en fait deux fréquences, l’intensité sonore perçue. Il
(de 1,5 à 2,5 s). S’agissant des salles sons, décalés dans le temps l’un par s’agit généralement des phénomènes
de cinéma, où il faut restituer correcte- rapport à l’autre en fonction de la diffé- décrits aux paragraphes précédents. Il
ment la parole, le temps de réverbéra- rence des temps de parcours. Selon peut s’agir d’un temps de réverbération
tion idéal se situe entre 0,8 seconde pour cette différence, ces deux sons peuvent particulièrement élevé pour telle ou telle
les petites salles et 1 seconde pour les être en phase (figure 3b) ou bien dépha- fréquence. Il peut s’agir d’une résonance
grandes salles. (Toutes choses égales sés (figure 3c), un cas particulier de au sens strict, comme cela se rencontre
par ailleurs, le temps de réverbération déphasage étant (figure 3d) l’opposition assez couramment dans les apparte-
croît avec les dimensions de la salle, de phase. (Sur ces notions, PHÉNOMÈNES ments, où les vitrages « entrent en réso-
puisque le trajet et, donc, le temps de par- PÉRIODIQUES.) L’auditeur perçoit évidemment nance » pour certaines fréquences, par
cours des sons réfléchis sont allongés. la combinaison des variations de pres- exemple au passage d’un camion.

6
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

L’acoustique des cinémas. Dans tout local se caractérise par son temps de « ACTION ! ».
une salle de cinéma, deux types de sons réverbération. Équivalent anglais de « partez ! ».
peuvent être émis : Le son porté par le film contient déjà
une certaine réverbération : celle du local ACTORS STUDIO.
— le son d’écran, émis par le ou les
où il a été enregistré. Cette réverbération, École d’art dramatique fondée à New
haut-parleurs situés derrière l’écran ;
s’ajoutant à celle de la salle de projection, York en 1947 par Elia Kazan, Robert
— le son d’ambiance (CinémaScope,
doit être aussi faible que possible sous Lewis et Cheryl Crawford. Son influence
70 mm, Dolby Stéréo), émis par des haut-
peine de conduire à une réverbération considérable allait marquer le théâtre et
parleurs implantés sur les murs latéraux
globale excessive. Les parois des studios le cinéma américains de l’après-guerre.
et en fond de salle.
de prise de vues ou de prise de son sont Elle prolonge le travail accompli pen-
La diffusion du son d’ambiance est
donc toujours traitées de façon à réduire dant les années 30 par le Group Theatre
beaucoup moins critique que celle du son
le temps de réverbération. (Si le son doit (dirigé par Lee Strasberg et Harold Clur-
d’écran. S’agissant de ce dernier, il faut
sembler provenir d’un local réverbérant, man), lui-même héritier des leçons de
homogénéiser autant que possible le ni-
ou bien l’on modifie l’acoustique du studio Stanislavski et du Théâtre d’Art de Mos-
veau sonore dans toute la zone d’implan-
grâce à des panneaux réfléchissants, ou cou. À partir de 1951, Lee Strasberg en
tation des sièges, en maintenant le temps
bien l’on utilise un artifice électronique.) assure la direction et s’identifie à l’école,
de réverbération en dessous de la se-
en particulier après 1960, lorsque Kazan
conde. Ces deux exigences sont quelque Lorsque l’on tourne en son direct dans
prend du champ. L’Actors Studio forme
peu contradictoires : la première implique des décors réels, et notamment dans
les comédiens à partir de la fameuse
des parois réfléchissantes, la seconde des appartements réels, on récupère par
Méthode, entraînement intensif basé
des parois relativement absorbantes. contre la réverbération — souvent impor-
sur la recherche de l’acte pour exprimer
tante — de ce décor. Pour cette raison,
En raison de l’absorption par la mo-
l’émotion, sur la solitude publique, sur la
l’ingénieur du son, responsable de l’intel-
quette, par le rembourrage des sièges mémoire affective et sur l’utilisation des
ligibilité de ce qu’entendent les specta-
et surtout par le public, le sol est peu objets pour retrouver des sentiments
teurs, est souvent réticent vis-à-vis de
réfléchissant. (L’absorption par le public enfouis. La Méthode permet d’atteindre
ce mode de tournage. D’autant plus réti-
varie... avec l’affluence. La moquette per- des moments de réalisme intense et
cent que, s’il est aujourd’hui relativement
met d’avoir dans tous les cas un sol peu excelle dans la peinture de la confusion
facile d’éclairer un appartement, il est
réfléchissant.) Pour renvoyer le son vers des sentiments. L’Actors Studio s’est
difficile d’en modifier l’acoustique. (Nous
les spectateurs, on se sert presque tou- trouvé lié aux meilleurs dramaturges
n’avons mentionné que la réverbération.
jours de la partie avant du plafond, qui américains (Tennessee Williams, Arthur
Il faut aussi penser, par exemple, aux
doit donc rester réfléchissante. La partie Miller, William Inge, Edward Albee). Des
fréquences propres, sensiblement plus
arrière du plafond et les parois latérales
metteurs en scène y ont collaboré régu-
élevées dans un petit appartement que
sont, par contre, rendues absorbantes, lièrement (Arthur Penn, Martin Ritt, Mike
dans une salle de cinéma. Il faut enfin
de façon à maîtriser le temps de réverbé- Nichols). Elia Kazan, par son prestige, y
penser aux bruits divers : rue, apparte-
ration. Quant à la paroi de fond de salle,
ments voisins, survol des avions, etc.) a attiré toute une génération d’appren-
elle est toujours l’objet d’un traitement tis comédiens, qu’il a à son tour fait tra-
En fait, tout dépend de la nature du film.
acoustique soigné, tant pour éviter une
Si l’authenticité de la scène est primor- vailler dans ses films. Marlon Brando en
réflexion vers l’avant des sons d’écran
diale, on conservera (ou on s’efforcera reste l’élève le plus célèbre aux côtés
que pour assurer un bon isolement de la
de James Dean, Montgomery Clift, Paul
de conserver) le son direct. Sinon, il sera
cabine.
parfois préférable, voire indispensable, Newman, Rod Steiger, Elli Wallach,
On ne procède pas nécessairement Joanne Woodward, Lee Remick, Ben
de reconstituer le son en studio.
à des calculs acoustiques préliminaires Gazzara, Steve McQueen, mais l’impact
poussés. On s’inspire des règles ci-des- de l’Actors Studio se fait sentir encore
ACRES (Birt), inventeur et cinéaste bri-
sus, et on se contente généralement, de nos jours puisque les jeunes stars du
tannique (Richmond, Va., 1854 - Londres
pour traiter les parois (au moins les parois nouveau cinéma américain (Robert De
1918).
latérales), de les recouvrir de tissu ou de Niro, Dustin Hoffman, Al Pacino, Harvey
Il est considéré comme le pionnier du film
moquette, ce qui signifie ( SON) qu’on se Keitel) sont passés par ses rangs. Ce la-
documentaire. D’abord fabricant d’ins-
préoccupe assez peu de l’absorption des boratoire, toujours actif, a essaimé dans
truments d’optique et photographiques,
fréquences basses, même si les faux pla- le monde : on enseigne la Méthode aussi
il s’associe avec Robert W. Paul, en
fonds, d’usage courant, absorbent plus bien en Californie qu’en Europe.
février 1895. En mars, il filme la Course
ou moins ces fréquences. Dans les salles de bateaux Oxford-Cambridge (Oxford-
petites ou moyennes et sans balcons, ACTUALITÉS (ou presse filmée).
Cambridge Boat Race) et, trois mois plus
qui sont aujourd’hui la règle, cette pra- tard, le Derby d’Epsom (The Derby). Le Court métrage d’information et de docu-
tique conduit facilement, compte tenu de mentation relatant les faits et événements
25 mai 1895, Acres et Paul déposent le
l’expérience acquise par les architectes récents dans les domaines les plus di-
brevet d’un appareil de prise de vues, le
spécialisés dans l’aménagement des vers : politique, économique, culturel...
Theatrograph : caméra à manivelle, plus
cinémas, à un résultat satisfaisant. (Par légère que le Kinétoscope d’Edison. Ils Comparables dans leur conception et
contre, si l’on fait l’économie d’un traite- leur finalité à la presse écrite, les actua-
fabriquent aussi un projecteur. Ce ma-
ment des parois, le résultat peut ne pas lités cinématographiques étaient éditées
tériel est présenté à la Société royale
être satisfaisant du tout.) Dans les salles à intervalles réguliers et courts (hebdo-
de photographie de Londres, le 14 jan-
de grandes dimensions ou présentant madaires ou bihebdomadaires), et pro-
vier 1896.
une architecture complexe (balcons, par jetées en salle avant le grand film. S’ins-
exemple), il convient d’étudier préalable- ACTINISME. crivant dans le processus de déclin du
ment l’acoustique par le calcul ou par des Capacité d’une lumière à impressionner court métrage, ayant perdu de leur crédit
simulations sur maquette. la pellicule : les pellicules n’étant pas éga- auprès des spectateurs et des exploitants
L’acoustique des locaux. Ce qui a été lement sensibles à toutes les radiations, de salle, fortement concurrencées par
exposé au long des paragraphes anté- certaines lumières sont plus actiniques la télévision, les actualités cinématogra-
rieurs se transpose sans difficulté au cas que d’autres. ( RAPIDITÉ, TEMPÉRATURE phiques françaises devinrent magazine
de n’importe quel local. En particulier, DE COULEUR, ÉCLAIRAGE.) avant de disparaître en 1980.

7
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Les actualités sont nées avec le cinéma ADAM (Jean-François), cinéaste français souvent en elle que l’intelligent faire-va-
(la Sortie des usines Lumière, 1894). Les (Paris 1938 - id. 1980). loir de Chaplin dans Un roi à New York
premiers reporters, Promio, Doublier, Assistant (Truffaut, Melville, Varda), ac- (1957) : c’est oublier que la plupart des
Mesguisch, parcourent le monde alors teur et metteur en scène de théâtre, il réa- films où elle est apparue étaient intéres-
que Georges Méliès tourne en studio des lise en 1970 M comme Mathieu. Le Jeu sants, ou valaient au moins par sa pré-
du solitaire (1976) et Retour à la bien-ai- sence (la Treizième Heure [H. French,
actualités reconstituées. Mais c’est en
mée (1979) révèlent sous une trame poli- 1952], Secrets d’alcôve [le sketch de
1908 que paraît le premier hebdomadaire
cière la même quête d’un souvenir fuyant, G. Franciolini, 1954], l’Île du bout du
d’actualités filmées, le Pathé-Journal, qui,
la même fascination pour la pathologie monde [E. T. Gréville, 1959], les Deux
sous l’emblème du coq chantant, sera
du sentiment amoureux. Acteur dans son Visages du Dr Jekyll [T. Fischer, 1960],
distribué dans de nombreux pays. Moins
dernier film, il joue également dans Passe le Diabolique Dr Mabuse [Fritz Lang, id.],
de deux ans après, Gaumont-Actualités,
ton bac d’abord (M. Pialat, 1979). Il se les Menteurs [E. T. Gréville, 1961], l’Édu-
Éclair-Journal et Éclipse-Journal verront
suicide à 42 ans. cation sentimentale [A. Astruc, 1962]).
le jour. Essentiellement foraines dans les
Après 1965, fixée à Londres, elle se
premiers temps, les projections cinéma- ADAM (Ken), décorateur britannique (Ber- consacre au théâtre et ne reparaît guère
tographiques s’installeront progressive- lin, Allemagne, 1921). au cinéma que comme « guest star »
ment dans des salles spécialisées. Il émigre en Grande-Bretagne à l’âge de (Zeta One, Michael Cort, 1971).
C’est une bande d’actualités Pathé de treize ans et fait des études d’architec-
ture à la London University. Après avoir ADDINSELL (Richard), musicien britan-
1909 présentant une quadruple exécution
été pilote dans la RAF pendant la guerre, nique (Londres 1904 - id. 1977).
capitale qui sera à l’origine de la censure
il entre dans le cinéma, d’abord comme Son oeuvre prolifique s’est partagée entre
cinématographique. Mais, avec l’instau-
dessinateur, puis il devient directeur artis- le théâtre, le cinéma et la télévision. Il en
ration du système de projection pour avis
tique et enfin chef décorateur (à partir de est à ses débuts lorsque Korda lui com-
aux représentants du ministère de tutelle,
1959). Fortement marqué par l’expres- mande l’illustration musicale de l’Invin-
la presse filmée souffrira plus de l’auto-
sionnisme de sa jeunesse (en particulier cible Armada (1937). Il s’impose avec
censure que du contrôle gouvernemental. par le Cabinet du Dr Caligari, R. Wiene, Goodbye Mr. Chips (S. Wood, 1939),
Après la guerre de 1914, au cours de 1919), travaillant à partir de dessins très Gaslight (T. Dickinson, 1940) et connaît
laquelle sera créé le Service cinémato- stylisés, il privilégie l’imagination et le la célébrité pour son Concerto de Varso-
graphique de l’armée (avec les opéra- théâtral. On peut le considérer comme vie, entendu dans Dangerous Moonlight
teurs mobilisés), comme après la Se- le véritable auteur de la série des James (Brian Desmond Hurst, 1940). Ses parti-
conde Guerre mondiale, les éditeurs de Bond, dont il conçoit décors et machines. tions remarquées sont ensuite celles de
presse filmée tenteront de résoudre leurs Kubrick remarque James Bond 007 contre L’esprit s’amuse (N. Coward et D. Lean,
graves difficultés par de nombreuses Dr No (1962) et l’engage sur Docteur Fo-
1945), les Amants du Capricorne
lamour (1963), pour lequel il imagine
mais brèves fusions. Leur indépendance (A. Hitchcock, 1949), le Beau Brummel
et construit la fameuse salle de guerre.
retrouvée, et jusqu’en 1969, cinq jour- (C. Bernhardt, 1954), le Prince et la Dan-
On lui doit aussi l’étonnant labyrinthe du
naux seront édités : les Actualités fran- seuse (L. Olivier, 1957), l’Homme qui
Limier (1972) de Joseph L. Mankiewicz.
çaises (dont 51 p. 100 sont propriété de aimait la guerre (Ph. Leacock, 1962).
Considéré comme l’un des grands déco-
l’État), Fox-Movietone, Éclair-Journal,
rateurs contemporains, il a collaboré avec ADDISON (John), compositeur britan-
Pathé-Journal et Gaumont-Actualités. Jacques Tourneur (Rendez-vous avec la nique (West Chobham 1920 - Bennington,
Maisons d’édition de presse écrite et peur, 1957), John Ford (Inspecteur de Vt, États-Unis, 1998).
filmée se ressemblent fort : les docu- service, 1959), Robert Aldrich (Trahison
Compositeur pour le cinéma depuis 1950.
ments recueillis dans le monde entier par à Athènes, id.), Lewis Gilbert (Moonraker,
Sa musique néo-classique, sombre ou al-
les correspondants ou envoyés spéciaux 1979), Bruce Beresford (Crimes du coeur,
lègre, semble réfractaire à toute influence
sont montés sous la responsabilité d’un 1986), Nicholas Meyer (The Deceivers,
contemporaine : il n’est pas étonnant
directeur en chef. Les actualités sont 1988), John Frankenheimer (Dead Bang,
qu’il ait aussi bien réussi son pastiche du
1989), Andrew Bergman (The Freshman,
suivies de magazines et de sujets com- XVIIIe siècle pour Tom Jones (T. Richard-
1990) et excelle dans la reconstitution
pensés ou publicitaires. Enfin, de nom- son, 1963) qui lui vaut un Oscar. Il reste
historique. Oscar en 1975 pour Barry
breuses copies sont tirées et louées à un lié à l’explosion du cinéma des jeunes
Lyndon de Stanley Kubrick.
tarif établi selon le nombre d’entrées et gens en colère et plus spécialement à
l’ancienneté des actualités. Tony Richardson pour qui il sut être à loi-
ADAPTATEUR.
Malgré l’aide financière de l’État et des sir sobre et émouvant (la Solitude du cou-
Auteur d’une adaptation.
accords de coopération, le déclin engen- reur de fond, 1962) ou épique et ironique
ADAPTATION. (la Charge de la brigade légère, 1968).
dré par l’avènement de la télévision sera
Transposition pour un film d’une oeuvre On retiendra également sa participation
irréversible. Après avoir racheté leurs
conçue dans un but différent. atypique mais intéressante à l’Homme à
concurrents, les deux derniers journaux,
la tête fêlée (I. Kerschner, 1966) et celle,
Gaumont et Pathé, n’éditeront plus que
ADDAMS (Dawn), actrice britannique (Fe- vive et brillante, à Guêpier pour trois
des magazines avant de disparaître en
lixtowe 1930 - Londres 1985). abeilles (J.L. Mankiewicz, id.).
1980, laissant aux historiens 80 années Très jeune, elle se partage entre la
d’archives cinématographiques, à la fois ADDITIF.
Grande-Bretagne, l’Inde et Hollywood,
source d’études (socio-historiques) et de où elle débute comme figurante MGM Synthèse additive, méthode de restitu-
films de montage d’un intérêt souvent (1950). Remarquée dans la Tunique tion des couleurs consistant à superposer
remarquable. (H. Koster, 1953), elle est lancée comme sur l’écran plusieurs images colorées.
vedette sexy par Preminger (La lune était ( COULEUR, PROCÉDÉS DE CINÉMA EN
ACUTANCE. bleue, 1953) et poursuit dès lors une COULEURS.) Tireuse additive, tireuse où
Capacité d’une pellicule à fournir une carrière internationale. Sa sensualité pi- la lumière employée pour le tirage de la
image localement contrastée des détails, quante se nuance aisément de distinction copie est obtenue par recombinaison de
donc une image avec des détails lisibles. et, le cas échéant, d’émotion. On ne voit trois faisceaux colorés distincts obtenus

8
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

par division du faisceau blanc fourni par Quartet (J. Ivory, id.) ; Tout feu, tout Élancé, athlétique, séduisant, il sait se
la lampe. ( ÉTALONNAGE.) flamme (J.-P. Rappeneau, 1982) ; Anto- montrer exigeant sur ses interprétations
nieta (C. Saura, 1983) ; l’Été meurtrier et ne semble jamais être prisonnier
ADDY (Wesley), acteur américain (Omaha, (Jean Becker, id.) ; Subway (Luc Besson, d’un stéréotype. Il incarne successive-
Nebr., 1913 - Danbury, Conn., 1996). 1985) ; Ishtar (Elaine May, 1987) ; Toxic ment le héros d’origine modeste dans
Venu au cinéma en 1951 après plusieurs Affair (Philomène Esposito, 1993) ; Dia- ‘ Sergueï Lazo ’ (Sergej Lazo, Aleksandr
années de théâtre (Hamlet, Roméo et bolique (Jeremiah Chechik, 1996 – re- Gordon, 1968), un jeune veuf qui sait
Juliette, Antigone, Candida), sa forma- make du film de Clouzot). faire taire sa douleur dans ‘ Sentiments ’
tion classique confère un relief particulier (Almantas Grikiavicius, 1970), Edmond
aux personnages, le plus souvent haïs- ADLER (E. Maurice, dit Buddy), producteur le fils illégitime du Roi Lear (G. Kozint-
sables et insidieusement menaçants, qu’il américain (New York, N. Y., 1906 - Los An- sev, 1971), le révolutionnaire convaincu
interprète. Robert Aldrich, en particulier, geles, Ca., 1960). de Ce doux mot : liberté (Jalakiavicius,
exploite habilement son port rigide, sa Sous contrat à la Columbia (1947-1954), 1973). Il devait se montrer à son avan-
mine sévère, son élocution précise et gla- il connaît un succès retentissant avec tage dans ‘ les Ennemis ’ (Vragi, Rodion
cée dans En quatrième vitesse (1955), Tant qu’il y aura des hommes (F. Zinne- Nakhapetov, 1977), ‘ Sans abri ’ (Ztraceny
Tout près de Satan (1959), Quatre du mann, 1953). En 1956, il succède à Darryl domov, Grikiavicius, id.) et surtout dans
Texas (1963) et Pas d’orchidées pour F. Zanuck à la tête de la production de la Fiancée (G. Reisch et Gunther Rüc-
Miss Blandish (1971). Durant dix ans, il la 20th Century Fox. Ses adaptations de ker, RDA, 1980), De la vie des estivants
travaille exclusivement pour ce metteur pièces ou romans à succès (Arrêt d’auto- (N. Goubenko, id.), où il incarne un va-
en scène, puis avec John Frankenheimer bus [J. Logan, 1956], South Pacific [id., cancier insolite au charme très tchékho-
(l’Opération diabolique, 1966), Richard 1958], l’Auberge du sixième bonheur vien, ‘ la Joie de Matveï ’ (Matveeva ra-
Fleischer (Tora ! Tora ! Tora !, 1970), [M. Robson, id.], etc.) lui ont valu le Irving dost‘, Irina Poplavskaia, 1986) et Un Dieu
Sidney Lumet (Network, 1976 ; le Verdict, Thalberg Award (1956) et le Cecil B. De rebelle (P. Fleischmann, 1990).
1982), et enfin James Ivory qui lui confie, Mille Award (1957).
en 1979, le rôle du patriarche puritain des ADORÉE (Jeanne de La Fonte, dite Renée),
Européens. ADLON (Percy), cinéaste allemand (Mu- actrice française (Lille 1898 - Tujunga, Ca.,
nich 1935). États-Unis, 1933).
ADJANI (Isabelle), actrice française (Gen- D’abord acteur de théâtre puis réalisa- Artiste de cirque, danseuse aux Folies-
nevilliers 1955). teur de télévision, il débute au cinéma Bergère, une tournée la conduit aux
Née d’un père algérien d’origine turque avec une adaptation réussie des souve- États-Unis en 1920. Elle s’oriente vers
et d’une mère allemande, elle figure pour nirs de la gouvernante de Marcel Proust le cinéma, où sa très grande beauté et
la première fois dans un film à l’âge de Céleste (1981). Les Cinq Derniers Jours sa grâce délicate en font vite une jeune
quatorze ans. En 1972, elle entre à la (Fünf letzte Tage, 1982) est un émouvant première demandée. Après son succès
Comédie-Française, et tient son premier hommage à Sophie Scholl, membre du dans la Grande Parade (K. Vidor, 1925),
grand rôle à l’écran dans une comédie groupe de résistants antinazis « la Rose la MGM lui donne souvent comme par-
de Claude Pinoteau, la Gifle (1974). Elle blanche ». L’étonnante actrice Marianne tenaires Lon Chaney (l’Oiseau noir,
incarne Adèle Hugo dans le film de Fran- Sägebrecht est pour une bonne part à T. Browning, 1926), John Gilbert (The
çois Truffaut, Histoire d’Adèle H. (1975), l’origine du succès international de Bag- Show, id., 1927) ou Ramon Novarro
où, dans un registre hyperexpressif, elle dad Café (Out of Rosenheim, 1987). Le (Chanson païenne, W. S. Van Dyke,
compose un personnage de femme dé- réalisateur l’avait déjà choisie pour le 1929). Après le Chanteur de Séville
chirée, poursuivant jusqu’au désespoir et rôle principal de Sugarbaby (Zuckerbaby, (Ch. Brabin, 1930), sa santé précaire
la folie un amant indifférent. Sa beauté, la confine dans un sanatorium, où elle
1984) et lui restera fidèle pour Rosalie
son interprétation passionnée l’imposent fait ses courses (Rosalie Goes Shopping, s’éteint discrètement, minée par la tuber-
très vite comme une des comédiennes 1989). Le succès de Bagdad Café permet culose.
les plus douées de sa génération. Évo- à son auteur de se fixer en Californie, où
luant entre cinéma d’auteur et cinéma il travaille en indépendant, souvent pour ADORF (Mario), acteur allemand (Zurich,
grand public, elle alterne des rôles dra- des télévisions allemandes. Il réalise suc- Suisse, 1930).
matiques et des personnages plus légers. Il étudie en Allemagne et joue sur scène
cessivement Salmonberries (id., 1991),
Mais qu’elle incarne des jeunes filles dé- où, face à Leonard Steckel, il se révèle
filmé dans le cadre très particulier du
lurées, des héroïnes romantiques ou pos- dans Maître Puntila et son valet Matti de
Grand Nord (en Alaska), puis Younger
sédées, des femmes énigmatiques, elle Brecht. Il trouve ses premiers rôles im-
and Younger (1993), Eat your Heart out
s’engage totalement et intensément dans portants devant la caméra dans les trois
(1997), In der Glanzvollen Weit des Hotel
l’acte de jouer. Téchiné dans Barocco 08-15 (P. May, 1954-55). Puis il tourne
Adlon (1997), Hawaiian Gardens (2001).
(1976), Claude Miller dans Mortelle Ran- régulièrement dans son pays et en Italie.
Réalisateur de documentaires, il a notam-
donnée (1983), Bruno Nuytten dans Ca- Films : Les SS frappent la nuit
ment consacré un film à son oncle, Louis
mille Claudel (1988) où elle campe avec (R. Siodmak, 1957) ; la Fille Rosemarie
Adlon, acteur et latin lover hollywoodien.
énergie et inspiration le rôle-titre, Patrice (R. Thiele, 1958) ; À cheval sur le tigre
Chéreau dans la Reine Margot (1994) ont ADMINISTRATEUR. (L. Comencini, 1961) ; Lulu (R. Thiele,
su mieux que d’autres sans doute mettre Administrateur général, technicien chargé 1962) ; La visita (A. Pietrangeli, 1964) ;
en valeur ses dons d’actrice et contribuer des problèmes administratifs du tournage Major Dundee (S. Peckinpah, 1965) ;
à son statut de star – une star devenue d’un film. ( GÉNÉRIQUE.) Opération San Gennaro (D. Risi, 1966) ;
attentive à son image et au style de ses l’Affaire Matteotti (F. Vancini, 1973) ; la
apparitions à l’écran. ADOMAÏTIS (Regimantas) [Regimantas Faille (P. Fleischmann, 1975) ; l’Honneur
Autres films : Faustine ou le Bel Été Vajtekovi Adomajtis], acteur soviétique perdu de Katharina Blum (V. Schlön-
(N. Companeez, 1972) ; le Locataire d’origine lituanienne (Chiaoulaï 1937). dorff, id.) ; Fedora (B. Wilder, 1978) ;
(R. Polanski, 1976) ; Violette et François Acteur de théâtre (il joua notamment le Tambour (Schlöndorff, 1979) ; Lola,
(J. Rouffio, 1977) ; Driver (W. Hill, 1978) ; le rôle de Franz dans les Séquestrés une femme allemande (R. W. Fassbin-
Nosferatu, fantôme de la nuit (W. He- d’Altona de Sartre), il se fait remarquer der, 1981) ; la Côte d’amour (Charlotte
rzog, id.) ; les Soeurs Brontë (A. Téchiné, à l’écran dès 1965 dans Personne ne Dubreuil, 1982) ; Amerika, rapports de
1979) ; Possession (A. Zulawski, 1981) ; voulait mourir de Vitautas Jalakiavicius. classe (J. M. Straub et D. Huillet, 1984) ;

9
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Vado a riprendermi il gatto (Giuliano Bia- les dialectes régionaux et les langages AGENCE POUR LE DÉVELOPPEMENT
getti, 1987) ; Der Teufels Paradies (Vadim hybrides des mass media. La Grande RÉGIONAL DU CINÉMA (ADRC)
Glowna, id.) ; Une nuit italienne (Una notte Guerre (Monicelli, 1959) et la Grande EXPLOITATION/AIDESÉLECTIVE
italiana, Carlo Mazzacurati, id.) ; Gioco di Pagaille (L. Comencini, 1960) traitent des
societa (N. Loy, 1989) ; les Enfants de AGFACOLOR.
deux catastrophes nationales d’un point
Bronstein (J. Kawalerowicz, 1990) ; Café Nom de marque de deux procédés suc-
de vue démystificateur ; les Camarades
Europa (Franz X. Bogner, id.) ; Abissinia cessifs de cinéma en couleurs proposés
(Monicelli, 1963) aborde avec humour les
(Francesco Martinotti, 1993) ; Amigo mio par la firme allemande Agfa : un procédé
débuts du syndicalisme ; l’Armée Bran- additif sur film gaufré ; un procédé sous-
(J. Meerapfel et Alcides Chiesa, id.) ; Ros-
caléone (Monicelli, 1966) se moque du tractif, inversible (1936), puis négatif-po-
sini (Helmut Dietl, 1997) ; Smilla (B. Au-
gust, id.). Moyen Âge. Pour Dino Risi, ils écrivent sitif (1939), qui fut le précurseur des pro-
de féroces comédies politiques et de cédés professionnels actuels ( PROCÉDÉS

ADRIAN (Adrian Adolph Greenberg, dit moeurs : les Monstres (1963), Fais-moi DE CINÉMA EN COULEURS).

Gilbert A.), costumier américain (Nauga- très mal, mais couvre-moi de baisers !
tuck, Conn., 1903 - New York, N. Y., 1959). AGIT-PROP.
(1968), Moi, la femme (1971), Au nom
Après avoir travaillé pour le music-hall, Abréviation russe de « agitation et pro-
du peuple italien (id.), le Fou de guerre
il est engagé en 1926 par Cecil B. De pagande », forgée aux premiers jours
(1985). Pour Ettore Scola, ils composent
Mille. En 1928, il entre à la MGM, où il va de la révolution soviétique pour désigner
un diptyque historique et social sur les dé-
s’affirmer comme l’un des artistes les plus toute activité artistique militante (théâtre,
ceptions de leur génération : Nous nous cinéma, musique, peinture) destinée à
originaux de sa spécialité. Il est bientôt le
sommes tant aimés (1974), la Terrasse provoquer une action psychologique et
couturier de prédilection de nombreuses
grandes vedettes, et notamment de (1980), où Age est également acteur. intellectuelle immédiate sur le public.
Greta Garbo, qui lui inspire ses créations Au cinéma, les agitki sont des films, le
les plus audacieuses (la Reine Christine, AGEE (James Rufus Agee, dit James), plus souvent de court métrage, conçus
Anna Karenine, le Roman de Marguerite scénariste américain (Knoxville, Tenn., pour appuyer directement une campagne
Gautier), mais il « habille » également 1909 - New York, N. Y., 1955). d’incitation politique, militaire, sociale,
Joan Crawford, Norma Shearer, Carole Poète, romancier, coauteur, avec le pho- sanitaire. On les compare à des tracts, à
Lombard, Jean Harlow et Janet Gaynor, tographe Walker Evans, d’un célèbre des fables mimées, aux affiches-bandes
qui deviendra son épouse. Sa renommée dessinées que Maïakovski composait
ouvrage sur les petits paysans du Sud :
était telle qu’une robe qu’il avait créée chaque jour pour les vitrines de la ROSTA
Louons maintenant les grands hommes
pour Joan Crawford dans Captive de (Agence télégraphique russe). Les films-
(Let Us Now Praise Famous Men), il tient
Clarence Brown en 1932 s’est vendue à slogans sont bâtis sur le modèle de
durant les années 40 la rubrique cinéma
500 000 exemplaires... En 1943, il entre l’exposé et de la causerie ; ils font grand
de Time et de Nation. Il y dénonce les
dans une semi-retraite et fonde sa propre usage d’intertitres parfois très longs. Les
conventions et l’irréalisme de la pro- films à sujet sont bâtis sur le modèle des
maison de couture.
duction hollywoodienne, réclamant des oeuvres dramatiques ; ils empruntent aux
AÉRIEN. films qui fassent appel à la liberté et genres traditionnels : mélodrame, aven-
Image aérienne, image réelle mais non l’imagination du spectateur. Il en trouve ture, merveilleux, burlesque. La portée
matérialisée sur un écran. ( OPTIQUE l’exemple le plus achevé dans l’oeuvre de politique de leur affabulation est faible et
GÉOMÉTRIQUE, EFFETS SPÉCIAUX.) John Huston, à laquelle il consacre une reste très dépendante du texte des car-
tons. Entre 1918 et 1921, une soixantaine
importante étude. Après avoir rédigé le
AFOCAL. d’agitki sont reproduits. Conçus par des
commentaire et les dialogues du Petit
Système optique afocal, système optique scénaristes d’occasion (parfois même
Noir tranquille (S. Meyers, 1949), il col-
n’ayant pas de foyers. ( OPTIQUE GÉO- hostiles au régime), tournés en hâte par
labore avec Huston au scénario final de
MÉTRIQUE.) des artisans, ils n’ont, à de très rares ex-
The African Queen (1952), classique de ceptions près, dues à des cinéastes pro-
AGE (Agenore Incrocci, dit), scénariste ita- l’anti-épopée, où son sens de la déri- fessionnels, aucune valeur artistique et
lien (Brescia 1919). sion, son non-conformisme, son respect guère de valeur politique. Les agitki sont
Auteur de sketches comiques pour la des valeurs fondamentales et son goût essentiellement diffusés par les trains et
radio avant et après la guerre, chan- bateaux de propagande : les trains Lé-
notoire pour les boissons fortes trouvent
teur occasionnel, il rencontre en 1947 nine (1918), Révolution d’Octobre (1919),
leur expression naturelle dans le per-
l’écrivain Furio Scarpelli dans le fertile Cosaque rouge (1920), le bateau Étoile
sonnage de Charlie Allnutt (Humphrey
milieu des journaux satiriques romains rouge (1919). Alexandre Medvedkine a
Bogart), ivrogne pusillanime régénéré
(d’où jaillissent de nombreux tandems ressuscité l’agit-prop entre 1930 et 1934.
par l’amour d’une vieille fille. En 1952,
de scénaristes : Vittorio Metz et Mar-
cello Marchesi, Ruggero Maccari et il écrit The Bride Comes to Yellow Sky,
AGOSTINI (Philippe), chef opérateur et
Ettore Scola, etc.). Depuis Totò cerca un des deux épisodes du film Face to cinéaste français (Paris 1910).
casa (Steno et M. Monicelli, 1949), ils Face (B. Windust et J. Brahm). Peu avant Assistant à partir de 1933, il devient chef
écrivent ensemble et avec d’autres de sa mort, il adapte la Nuit du chasseur, opérateur en 1941 et signe ses plus belles
nombreuses comédies populaires soit unique réalisation de Charles Laugh- images pour Autant-Lara (Douce, 1943 ;
pour Totò, soit pour des vedettes de ton, fable initiatique sur l’innocence et le Sylvie et le Fantôme, 1946), Bresson
variétés : Renato Rascel (L’eroe sono io péché qui contient certaines des images (les Anges du péché, 1943 ; les Dames
de C. L. Bragaglia, 1951), Aldo Fabrizi du bois de Boulogne, 1945), Carné
les plus intenses et les plus poétiques
(Rome-Paris-Rome [Signori in carrozza] (les Portes de la nuit, 1946), Grémillon
jamais consacrées à l’enfance.
de L. Zampa, id.), Alberto Sordi (Bravis- (Pattes blanches, 1949), Ophuls (le Plai-
Son roman A Death in the Family,
simo, de L. F. D’Amico, 1955). Le suc- sir [le Modèle], 1952) ou Dassin (Du rififi
cès international du Pigeon (M. Monicelli, porté à la scène en 1960, a fait l’objet chez les hommes, 1955). Il réalise aussi
1958) leur permet de créer des scénarios d’une adaptation cinématographique de nombreux films à caractère religieux
plus audacieux, souvent inspirés de leurs sous le titre All the Way Home (Alex et, pour la TV, les scénarios de sa femme
expériences, de leurs recherches sur Segal, 1963). Odette Joyeux. Autres réalisations : le

10
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Naïf aux 40 enfants (1957), le Dialogue 1935), il a prouvé dès The Great Gar- La légitimité de ces aides publiques
des carmélites (CO R. P. Bruckberger, rick (J. Whale, 1937) qu’il excellait dans repose sur des principes de développe-
1960), Rencontres (1962), la Soupe aux la comédie : Madame et son clochard ment culturel, le soutien à la recherche
poulets (1963). (N. Z. McLeod, 1938), et dans la compo- et à l’innovation (indispensables à toute
sition : Juarez (W. Dieterle, 1939). C’est industrie culturelle) à la défense d’une ex-
AGRESTI (Alejandro), cinéaste argentin dans ce registre qu’Hitchcock le dirige pression nationale, à la coopération entre
(Buenos Aires, 1961). le cinéma et d’autres secteurs (éducatifs,
dans sa meilleure prestation, le juge de
Formé de manière éclectique, aussi bien sociaux).
la Loi du silence (1953). Il se consacre au
à la télévision qu’au Super 8, il tisse des
théâtre depuis les années 60. Auteur d’un
liens avec des producteurs hollandais dès AÏMANOV (Chaken) [Šaken Kenžetaevi
livre de souvenirs : A Proper Job (1969).
son premier long métrage expérimental, Ajmanov], cinéaste soviétique (Baïan-
El hombre que ganó la razón (1983). El AIDES AU CINÉMA. Aoul, Kazakhstan, 1914 - Moscou 1970).
amor es una mujer gorda (1987) révèle à Si les États se sont impliqués dans les af- Neveu du chanteur Kali Beïjanov, il entre
la fois une personnalité et un talent mul- d’abord à l’Institut pédagogique de Semi-
faires du cinéma à des dates variables, ils
tiformes, avec un goût prononcé pour les palatinsk puis se consacre au théâtre, où
sont tous intervenus dans l’application de
virtuosités de la caméra, qu’il manie lui- il s’impose bientôt comme un des grands
règles de sécurité, ainsi que pour des rai-
même. Installé aux Pays-Bas, il réunit les acteurs de son temps (il est spécialisé
sons de protection des moeurs (contrôle
inquiétudes d’une génération argentine notamment dans le répertoire shakes-
et censure) et bien entendu pour des rai-
grandie sous la dictature militaire et les pearien). Il se tourne vers le cinéma au
sons fiscales. L’histoire révèle que des
recherches des jeunes cinéastes euro- début des années 50. Il est l’interprète du
gouvernements sont allés plus loin, met-
péens en quête d’une écriture filmique en célèbre barde populaire Djamboul dans le
tant en place de véritables politiques de
phase avec leurs contemporains. Boda film homonyme (E. Dzigan, 1953). Puis,
soutien à la création ou au développe-
secreta (1988) confirme cette double passant à la réalisation, il devient l’un
ment de l’industrie cinématographique.
inspiration. Avec des hauts et des bas, des chefs de file du cinéma kazakh : le
Certains régimes ont considéré le
il tourne plusieurs films à l’ancrage plus Poème d’amour (Poema o ljubvi, 1954 ;
cinéma comme un puissant instrument
nettement européen : Luba (1990), Eve- CO : K. Gakkel), Notre cher docteur (Naš
de développement, voire de propagande.
ryone Wants to Help Ernst (1991), Mo- milyj doktor, 1958), l’Appel de la chan-
Les pays totalitaires n’ont pas manqué son (Pesn’zovet, 1961), le Trompeur
dern Crimes (1992), A Lonely Race (id.),
avant de revenir à ses origines, avec El de soutenir une production nationale, imberbe (Bezborodyj obmanik, 1965),
acto en cuestión (1993) et Buenos Aires pour des raisons de politique intérieure la Terre des ancêtres (Zemlija otcov,
et, éventuellement, pour diffuser à l’étran- 1966), l’Ange en calotte (Angel v tjube-
viceversa (1996) et La cruz (1997). Le
vent en emporte autant (El viento se lle- ger une image positive. L’URSS et l’Ita- tejke, 1968), la Fin de l’ataman (Konec
véo que, 1998) triomphe aussi bien à San lie mussolinienne, suivies plus tard par atamana, 1970).
Sebastián qu’à Chicago, Une nuit avec l’Allemagne nazie et, après la Seconde
Sabrina Love (Una noche con Sabrina Guerre mondiale, par les pays du bloc AIMÉE (Nicole Françoise Dreyfus, dite
Love, 1999) bénéficie de la présence de socialiste ont mis en place des systèmes Anouk), actrice française (Paris 1932).
Cecilia Roth* en tête d’affiche : les films étatiques plus ou moins purs selon les Fille de comédiens, elle étudie le théâtre
d’Agresti obtiennent enfin une meilleure époques. et la danse en France et en Angleterre.
distribution et un succès d’estime. À l’époque contemporaine, plusieurs Son premier grand rôle est une occasion
manquée : la Fleur de l’âge (M. Carné,
pays européens, dont la France en pre-
AGUETTAND (Lucien Aguettand-Blanc, 1947), qui ne sera jamais achevé, mais
mier lieu, ont développé progressivement
dit Lucien), décorateur français (Paris Jacques Prévert lui offre une nouvelle
un soutien public à l’industrie cinémato-
1901 - Nogent-sur-Marne 1989). première chance avec les Amants de
graphique dans ses différentes branches.
Il travaille pour Copeau et Jouvet avant Vérone (A. Cayatte, 1949), qui fait d’elle
Il s’agissait à l’origine de réinjecter dans
de venir au cinéma en 1927. Chez Pa- une vedette. Le Rideau cramoisi (A. As-
l’économie du cinéma des sommes pro-
thé-Natan de 1930 à 1935, il dirige le truc, 1953), les Mauvaises Rencontres
venant de prélèvements parafiscaux
service décoration de Pathé-Cinéma de (id., 1955), Montparnasse 19 (J. Becker,
spécifiques (taxe sur les billets d’entrée,
1941 à 1948. Sa carrière se prolonge 1958), la Tête contre les murs (G. Franju,
par exemple). Ces aides à l’industrie,
jusqu’au milieu des années 60, jalonnée 1959) ou les Dragueurs (J. P. Mocky, id.)
purement économiques à l’origine, se
de quelques belles réussites : Poil de imposent d’elle une image quasi imma-
sont accrues et diversifiées, faisant naître
carotte (J. Duvivier, 1932), les Deux Or- térielle, celle d’un amour idéal, fragile et
des aides essentiellement qualitatives
phelines (M. Tourneur, 1933), le Dernier obstiné. La dolce vita (F. Fellini, 1960) et
et culturelles. Les critères de subven-
Milliardaire (R. Clair, 1934), l’Équipage Lola (J. Demy, 1961) révèlent une Anouk
tion s’étendent ainsi du reversement
(A. Litvak, 1935), Koenigsmark (M. Tour- Aimée différente, en qui s’incarnent aussi
aux entreprises calculé proportionnelle-
neur, id.), le Joueur d’échecs (J. Dréville, bien la sensualité blasée que la confiance
ment aux apports antérieurs effectués au
1938), Derrière la façade (G. Lacombe aveugle dans le Destin. Les années qui
fonds provenant des prélèvements sur
et Y. Mirande, 1939), Nous les gosses suivent la trouvent en Italie, où elle inter-
les recettes, jusqu’à des subventions à prète l’épouse névrosée dans Huit et
(L. Daquin, 1941), Germinal (Y. Allégret,
fonds perdu attribuées sur des critères demi (Fellini, 1963). Après son immense
1963).
de qualité ou d’innovation – c’est le cas succès dans Un homme et une femme
AHERNE (Brian), acteur britannique en France où l’intervention va de l’avance (C. Lelouch, 1966) et un rôle énigmatique
(King’s Norton, 1902 - Venice, Fla., États- sur recettes destinée à de nouvelles pro- dans Un soir un train (A. Delvaux, 1968),
Unis, 1986). ductions jusqu’aux primes versées aux sa carrière chaotique se transporte aux
Après une carrière théâtrale précoce, il salles dites d’art et essai. Dans la quasi- États-Unis, où elle interprète le Rendez-
débute au cinéma en Angleterre, puis totalité des pays d’Europe occidentale ont vous (S. Lumet, 1969), Justine (G. Cukor,
s’établit aux États-Unis en 1933. Jeune été adoptées des mesures de soutien aux id.) et Model Shop (J. Demy, id.), retrou-
premier dans Cantique d’amour / le cinématographies nationales, à l’inverse vant dans ce dernier film son personnage
Cantique des cantiques (R. Mamoulian, des États-Unis où les fonds publics ne de Lola, vieilli et désabusé. Après une
1933), Fontaine (The Fountain [J. Crom- sont pas sollicités, sauf indirectement absence des écrans de sept ans, elle
well], 1934) ou Sylvia Scarlett (G. Cukor, (technique de l’abri fiscal). change à nouveau d’image de marque,

11
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

en particulier dans le Saut dans le vide Naissance d’une nation de Griffith, tourné (Ana, 1967) n’est pas sans rappeler
(M. Bellochio, 1979), où elle incarne les dans son studio Reliance-Majestic, puis Gorki, et Fleur céleste (Göce çiçek
frustrations d’une vieille fille toute vouée dans le très coûteux Intolérance, film pour 1972) recherche les racines d’une culture
à son frère, et dans la Tragédie d’un lequel il crée une nouvelle société au sein populaire préislamique. Sa trilogie, la
homme ridicule de Bertolucci (1981), où de la Triangle, la Wark Production. À la Bru (Gelin, 1973), les Noces (Dü ggün,
elle est mariée à d’Ugo Tognazzi. En suite de ce grave échec financier, Harry 1974) et la Dette (Diyet, 1975), qui traite
1983, elle interprète le Général de l’ar- Aitken quitte la Triangle, qui elle-même du choc vécu par la paysannerie émigrée
mée morte (L. Tovoli) puis, de Claude sera liquidée en 1918. Le studio d’Aitken à la grande ville, est d’une importance
Lelouch Viva la vie (1984) et Un homme deviendra par la suite une annexe de la capitale. Néanmoins, son insuccès a
et une femme : vingt ans déjà (1986). Columbia. condamné Akad à l’inactivité profession-
On la retrouve ensuite fugitivement dans nelle depuis 1976.
Ruptures (Christine Citti, 1993), les Mar- AÏTMATOV (Tchinguiz) [ingiz Ajtmatov],
mottes (Elie Chouraqui, 1993) et Prêt- écrivain soviétique d’origine kirghize AKAN (Tark), acteur turc (Istanbul 1948).
à-porter (R. Altman, 1994). Elle a été (Cheker 1928). Il fait ses premiers pas au cinéma en
notamment l’épouse de Nico Papatakis, D’abord vétérinaire puis traducteur en 1971, après avoir gagné un concours or-
Pierre Barouh et Albert Finney. kirghiz de romans russes, il fait partie ganisé par un magazine populaire. On lui
depuis 1957 de l’Union des écrivains confie alors, durant de longues années,
AIMOS (Raymond Caudurier, dit), acteur d’URSS et publie des nouvelles et des ro- des rôles de jeune premier traditionnel
français (La Fère 1889 - Paris 1944). mans que la jeune génération du cinéma dans de nombreux films sans importance.
Jusqu’à sa mort, mal expliquée, sur les kirghiz adaptera avec empressement Au moment où son étoile commençait à
barricades de la Libération, il a voué son et vénération. Il est notamment l’auteur pâlir, il choisit de s’investir dans des com-
existence au cinéma. Le muet l’utilise de Djamilia (publié dans la revue Novy positions plus ambitieuses, sous la direc-
abondamment, le parlant consacre son Mir en 1958 et porté à l’écran par Irina tion des meilleurs cinéastes du pays. L’un
accent faubourien et son allure dégin- Poplavskaia onze ans plus tard), le Pre- des acteurs les plus accomplis de sa gé-
gandée : Justin de Marseille (M. Tour- mier Maître (1961 ; film de A. Mikhalkov- nération, il est l’interprète des principaux
neur, 1935), la Bandera (J. Duvivier, Kontchalovski en 1965), le Champ de la films turcs qui ont été sélectionnés par
id.), la Belle Équipe (id., 1936), Quai des mère (1963 ; film de Gennadi Bazarov en les festivals internationaux, distribués en
brumes (M. Carné, 1938), Ils étaient neuf 1967), Adieu Goulsary ! (1966 ; film de salle ou diffusés par les télévisions, dans
célibataires (S. Guitry, 1939), le Déser- Sergueï Ouroussevski intitulé le Pas de les pays étrangers : le Troupeau (Sürü,
teur (L. Moguy, id.), Monsieur La Sou- l’amble en 1968), le Bateau blanc (1970 ; Y. Güney et Z. Ökten, 1978), le Sacrifice
ris (G. Lacombe, 1942), Lumière d’été film de Bolot Chamchiev en 1975), Chien (Adak, A. Ylmaz, 1979), Yol (Y. Güney
(J. Grémillon, 1943). Son emploi de titi tacheté courant au bord de la mer (1977). et Gören, 1981), les Nuits de couvre-
lui apporta une incontestable popularité. Parmi les autres adaptations cinémato- feu (Karartma Geceleri, Yusuf Kurçenli,
graphiques de ses romans, il faut citer 1990), le Voyageur (Yolcu, B. Sabuncu,
AITKEN (Harry E.), producteur et dis- Chaleur torride (L. Chepitko, 1963, 1993), la Lettre (Mektup, A. Özgentürk,
tributeur américain (Waukesha, Wis., d’après l’OEil du chameau), la Pomme 1997), la Tempête d’automne (Eylül
1870 - Chicago, Ill., 1956). rouge (T. Okeev, 1975), les Cigognes Frtnas, A. Ylmaz, 1999).
Cet industriel joue un rôle de premier plan précoces (Chamchiev, 1979).
à l’époque des Nickelodeons et de la lutte AKERMAN (Chantal), cinéaste belge
contre le « trust » Edison. Il crée avec AKAD (Lütfi Ömer), cinéaste turc (Istanbul (Bruxelles 1950).
John Freuler une société de distribution 1916). Chantal Ackerman (à l’état civil) fréquente
dès 1906, puis en 1911 une société de Comptable, puis chef de production chez l’INSAS en 1967-68, puis tourne dès
production à New York, Majestic Pictures, Erman Film, la MGM turque, il parvient à 1968 son premier court métrage, Saute
qui s’étendra grâce à de nouveaux stu- réaliser son premier film en 1948 : Frap- ma ville, dont elle interprète l’unique
dios ouverts à Hollywood ; le premier film pez la putain (Vurun Kahpeye). Avec un rôle. On sent poindre, dans ce film lou-
de la Majestic bénéficie de la participation sens du récit cinématographique tout foque, son penchant pour l’autobiogra-
de Mary Pickford, puis, en 1913, après un nouveau dans le cinéma turc, il devient phie et le narcissisme. Aux États-Unis,
regroupement avec la Reliance de Bau- vite le chef de file de la génération des en 1971, elle découvre les travaux des
mann et Kessel, D.W. Griffith est recruté cinéastes qui remplacent les vieux rou- cinéastes expérimentaux qui influencent
comme directeur. En 1912 Aitken préside tiers issus du théâtre. Il aborde tous les son premier long métrage, Hôtel Monte-
la Mutual Film Corporation, créée sur une genres – le film policier avec un brin de rey (1972). Je, tu, il, elle (1974) se fait
grande échelle pour distribuer les films « réalisme poétique » : Au nom de la remarquer par son langage épuré dans
des sociétés indépendantes parmi les- loi (Kanun Namna, 1952), la Ville qui lequel le temps réel, brut, non découpé,
quelles Gaumont, Solax, Eclair et Majes- tue (Öldüren Sehir, 1953), le Tricycle se substitue aux codes habituels de la
tic, et qui aura Chaplin sous contrat en (3 Tekerlekli Bisiklet, 1962) ; le film de dramaturgie. Avec Jeanne Dielman,
1916. Aitken, Baumann et Kessel quittent constat social : le Mouchoir blanc (Beyaz 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles
la Mutual et réorganisent leurs sociétés Mendil, 1955) ; le film d’essai de mise en (1975), Akerman filme trois jours de la
au sein de la Triangle Film Corporation, scène originale : Zümrüt (1958), le Quai vie d’une ménagère, prostituée d’occa-
constituée en 1915 avec l’aide du groupe des solitaires (Yalnzlar Rhtm, 1959) ; sion, de manière quasi documentaire.
Rockefeller. La Triangle, dont le slogan le film d’époque : Au feu ! (Yangn Var, News From Home (1977), monté avec
est « The Greatest Pictures by the Grea- 1960) ; le documentaire : la Forêt, don de des plans tournés jadis aux États-Unis,
test Moviemakers », réunit la Fine Arts, Dieu (Tanrnn Bagss Orman, 1963) ; rompt avec certaines conceptions de
appartenant à Aitken et dirigée par Grif- même la comédie et le musical. La Loi ses débuts. Dans sa première véritable
fith, la Kaybee, appartenant à Baumann et des frontières (Hudutlarin Kanunu, 1966) fiction, les Rendez-Vous d’Anna (1978),
dirigée par Thomas Ince, et la Keystone, et le Fleuve (Irmak, 1972) sont d’âpres elle approfondit sa réflexion sur l’enraci-
appartenant à Kessel et dirigée par Mack dénonciations de problèmes sociaux. nement culturel. Quatre ans de silence
Sennett. Aitken et la Fine Arts ont notam- La Légende du mouton noir (Kzlrmak- forcé, après l’échec de divers projets, la
ment sous contrat Lilian Gish, Douglas Karakoyun, 1967) est la mise en scène conduisent à concevoir un film différent
Fairbanks, Allan Dwan, Owen Moore, su- très réussie d’un conte populaire réécrit des précédents, symphonique, éclaté :
pervisés par Griffith. Aitken investit dans par le poète Nazim Hikmet. La Mère Toute une nuit (1982), où l’émotion tient

12
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

lieu de personnage principal. Après les ALAOUIE ou ‘ALAWIYA (Burhan), cinéaste populaire socialiste décrète la nationali-
Années 80 (1983), elle participe au film libanais (Arnun 1941). sation des salles et la création de l’Entre-
à sketches Paris vu par... vingt ans après Après des études cinématographiques à prise cinématographique d’État ; en 1952
(1984) puis tourne The Golden Eighties l’INSAS de Bruxelles de 1968 à 1973, il re- sont inaugurés les studios de Tirana
avec Delphine Seyrig (1986), Histoires constitue dans son premier long métrage, Albanie nouvelle (Shqiperia e Re). Les
d’Amérique (1988), Nuit et jour (1991), avec une rigueur documentariste et une premières années sont réalisés docu-
Contre l’oubli (CM, 1992), le Déména- réelle intensité dramatique, le massacre mentaires et actualités. La production
gement (MM, 1992), D’Est (1993) où d’un village arabe par les Israéliens, en de longs métrages débute en 1953 avec
elle filme l’Europe de l’Est, la Russie, la 1956 : Kafr Kassem (Kafr Qasim, 1974). la coproduction soviéto-albanaise réali-
Pologne et l’Ukraine de façon très per- Il réalise en collaboration Il ne suffit pas sée par Serge Youtkevitch*, Skanderbeg
sonnelle, Portrait d’une jeune fille des que Dieu soit avec les pauvres (1976), (primé à Cannes en 1954 pour la réalisa-
années 60 à Bruxelles (1994), Un divan documentaire consacré, sous l’égide de tion), évocation à grand spectacle de la
à New York (1996). Cette même année l’UNESCO, à l’architecte Hasan Fati. lutte menée par le héros national Georges
1996, son inclination à l’autobiographie La Rencontre (Bayrut al-liga’, 1982) té- Castriota (dit Skanderbeg) contre l’enva-
se concrétise une nouvelle fois dans un moigne, d’une manière distanciée mais hisseur ottoman au XVe siècle ; une autre
auto-portrait qu’elle intitule Chantal Aker- émouvante, du drame du Liban. Ce qui coproduction avec l’URSS est réalisée en
man par Chantal Akerman. En 1999, Sud lui fait découvrir un nouveau style épisto- 1959 par Kristaq Dhamo et Youri Oze-
se penche sur les circonstances du lyn- laire pour traiter des questions libanaises rov : la Tempête (Futuna), épopée de la

chage d’un Noir par trois jeunes Blancs dans Lettres d’un temps de guerre I et II guerre de Libération.

dans le sud des États-Unis. Elle signe (Rasaïl min zaman Al-Harb, 1986 et Min Le premier long métrage spécifique-
encore la Captive en 2000, une adap- zaman Al-Harb, 1988). ment albanais est Tana, de Kristaq
tation très personnelle d’un chapitre de Dhamo (1957), sur la collectivisation des
ALASSANE (Mustapha), cinéaste nigérien campagnes, suivi de Debatik, de Hysen
la fresque de Proust, À la recherche du
(N’Dongou 1942). Hakani (1961), sur la résistance des
temps perdu.
Autodidacte, il apprend un peu de tech- enfants pendant l’Occupation. La pro-
nique à Niamey avec Jean Rouch, puis duction, limitée à un film annuel environ
AKINS (Claude), acteur américain (Nelson,
s’initie, au Canada, à l’animation auprès jusqu’en 1965, s’accroît peu à peu (six
Ga., 1918 - Altadena, Los Angeles, Ca.,
de Norman McLaren. Le Piroguier (1962) en 1974 et dix en 1975) et atteint une
1994).
et la Pileuse de mil (1962) sont les pre- moyenne de cinq longs métrages par an ;
Il débute au théâtre et fait sa première
miers dessins animés d’Afrique noire. une production de dessins animés a éga-
apparition à Broadway en 1951, dans The
Ils sont suivis de la Bague du roi Koda lement débuté au milieu des années 70 ;
Rose Tattoo. Sa carrure massive, son
(1963), la Mort de Gandji (1965) et Bon la télévision produit de son côté des films
physique typé lui valent d’être engagé
voyage Sim (1966). Alassane tourne et des feuilletons.
pour un rôle de « dur » dans Tant qu’il y
des courts métrages documentaires,
aura des hommes (F. Zinnemann, 1953). Le nombre des salles, qui était de
des fables (al-Barka le conteur / Deela,
Il poursuit assidûment dans cette voie, 17 en 1944, s’élevait à 76 en 1964 ; en
adapté de la tradition orale des griots
créant de mémorables silhouettes de 1975, on recensait environ 450 unités de
[1971]) et des parodies à intention sati-
brutes naïves, loquaces et avinées dans projection, y compris les salles fixes et
rique. F. V. V. A. — initiales de femmes,
Collines brûlantes (S. Heisler, 1956), les unités mobiles ; le nombre de spec-
villa, voiture, argent — est son premier
Rio Bravo (H. Hawks, 1959), Comanche tateurs, qui ne dépassait pas 150 000
long métrage (1972). Toula ou le Génie
Station (B. Boetticher, 1960), etc. Passé avant la Libération, s’est élevé en 1975 à
des eaux (id.) veut, à travers une lé-
du troisième couteau au second plan, vingt millions pour une population d’envi-
gende, « attirer l’attention sur le problème
il change de registre et tient des rôles ron deux millions et demi d’habitants, soit
angoissant de la sécheresse ». Avec
colorés mais attachants dans Les ma- une fréquentation moyenne relativement
Samba le grand (1978), il aborde la tech-
raudeurs attaquent (S. Fuller, 1962), À forte (8).
nique de la marionnette animée. Kokoa
bout portant (D. Siegel, 1964), l’Indien Le cinéma albanais est fondé sur les
(1985) s’inspire d’un conte traditionnel.
(C. Reed, 1970), Alerte à la bombe principes idéologiques et esthétiques du
(J. Guillermin, 1972), avant de devenir réalisme socialiste : il est « socialiste et
ALAZRAKI (Benito), cinéaste mexicain
la vedette de la série L’aventure est au révolutionnaire par son contenu, national
(Mexico 1923).
bout du chemin (Movin’On), où il incarne par sa forme ». La production repose sur
Racines (Raíces, 1953), son premier
un « routier sympa ». Parmi ses autres le travail collectif, à la fois dans la concep-
film — quatre épisodes sur l’univers
films, on peut également citer Ouragan tion (il est tenu compte des demandes du
misérable des Indiens, dont le réalisme
sur le Caine (E. Dmytryk, 1954), Porgy public quant aux thèmes à traiter) et dans
tranche avec l’idéalisation jusqu’alors
and Bess (O. Preminger, 1959), Procès mise en scène par Fernandez et Figueroa la réalisation (les films sont présentés aux
de singe (S. Kramer, 1960), Les marau- — s’avère le précurseur peu conscient collectifs de création et à des échantillons
deurs attaquent (S. Fuller, 1962). d’un cinéma indépendant au Mexique. de public avant leur sortie). Les traits
fondamentaux des films sont : « l’esprit
Sa carrière ultérieure, tout à fait commer-
AKUTAGAWA (Hiroshi), acteur japonais prolétarien », « la position de classe »,
ciale et conformiste (mélodrames, films
(Tokyo 1920 - id. 1981). « le rôle du héros positif », « le reflet
d’horreur destinés au marché national),
Fils du célèbre écrivain Akutagawa Ryû- de l’optimisme et du pathos révolution-
démontre que le mérite de Racines était
nosuke (Rashômon). Avant tout acteur de naire des masses ». Les thèmes traités
surtout dû à Manuel Barbachano Ponce,
théâtre très connu au Japon, il interprète le producteur, et à Carlos Velo, le coscé- concernent avant tout « la lutte de Libéra-
quelques rôles marquants au cinéma nariste. Parmi ses autres films, on peut tion nationale » et « l’édification socialiste
après 1950, notamment dans : ‘ Eaux citer Café Colón (1958), El toro negro du pays ». La formation des jeunes tra-
troubles ’ (T. Imai, 1953), ‘ Là d’où l’on voit vailleurs du cinéma est assurée par des
(1959), Balún Canán (1976).
les cheminées ’ (H. Gosho, id.), ‘ les Oies leçons théoriques et pratiques données
sauvages ’ (S. Toyoda, id.), ‘ le Pousse- ALBANIE. à l’Institut supérieur des arts et dans les
Pousse ’ (H. Inagaki, 1958), ‘ Nuit et La production albanaise semble avoir été studios.
Brouillard du Japon ’ (N. Oshima, 1960), inexistante avant la Libération (1944). En Les réalisateurs les plus importants
et ‘ Dodes’kaden ’ (A. Kurosawa, 1970). 1947, le gouvernement de la République semblent être Kristaq Dhamo : Tana

13
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

(1957), les Premières Années (1965), le Banco di Roma (organisme lié au Vati- du ciel (J. Huston, 1958) ; et toujours
Matins de guerre (Mengjeze lufte, 1971), can), devient rapidement une des plus dans la comédie : la Petite Maison de thé
les Sillons (Brazdat, 1973) ; Dimiter Ana- grosses entreprises italiennes de produc- (Daniel Mann, 1956), les Arpents verts
gnosti : le Commissaire de la lumière tion de films. Homme à tout faire, Alberini (Green Acres, feuilleton télévisé, Richard
(CO V. Gjika, Kamisari i oritës, 1966), les met en scène certains des films produits L. Bare, 1965-1969). Il mène aussi une
Plaies anciennes (Plage te vjetra, 1969), par la société, notamment en 1905 La carrière de chanteur. Son fils a joué un
les Vertes Montagnes (Malet me blerim presa di Roma, premier film à sujet de la moment sous le nom d’Eddie Albert Jr.
mbuluar, 1971), la Fille des montagnes cinématographie italienne, une oeuvre en
(Cuca e maleve, 1974), Dans notre mai- costumes, longue déjà de 250 mètres et ALBERTAZZI (Giorgio), acteur et cinéaste
son (1979) ; Viktor Gjika : les Chemins évoquant l’assaut des Piémontais à Porta italien (Fiesole 1925).
blancs (Rrugete bardha, id.), l’Affronte- Pia et la prise de Rome en 1870. Le film Interprète de théâtre, il apparaît au ci-
ment (Perballimi, 1976), En toute saison inaugure le filon historique et nationaliste néma dans Lorenzaccio (Raffaello Pacini,
(1980). Une fable de jadis (1988) montre si prolifique dans la cinématographie ita- 1952) et à la télévision (acteur, réalisa-
que Dimiter Anagnosti est une valeur lienne muette. Après 1910, Alberini est teur). Il est connu surtout pour le rôle qu’il
sûre. À signaler, Avril brisé de Cujtim progressivement écarté du rôle essen- tient dans l’Année dernière à Marienbad
Cashku (1986) d’après le roman d’Ismaïl tiel qui avait d’abord été le sien dans la (A. Resnais, 1961). Il a signé, mis en
Kadaré et l’adaptation d’un autre roman société primitive et il n’assume plus que scène et interprété une adaptation de la
du même auteur, le Général de l’armée la fonction de directeur technique de la Gradiva de Jensen en 1970. Depuis, il
morte. Cines. se consacre principalement au théâtre.
Dans les années 90, on le retrouve en-
ALBATROS. ALBERS (Hans), acteur allemand (Ham- core au générique de Tutti gli anni una
Société de production française créée en bourg 1891 - Munich 1960). volta l’anno (G. Lazotti, 1994), Crimine
1922 et dirigée par Alexandre Kamenka D’abord actif dans le cirque, le music-hall contro crimine (A. Florio, 1998), Briganti
(1888-1969). Cette firme prit en fait la et l’opérette, il vient au cinéma en 1924, (P. Squitieri, 1999) et Tutta la conos-
suite de la Société Ermolieff, fondée en parallèlement à sa carrière théâtrale (il cenza del mondo (E. Puglielli, 2001).
1920 par Ermolieff et Kamenka, et qui fait partie du Deutsches Theater de Max
s’était établie dans des studios à Mon- Reinhardt en 1926-1928), avec un per- ALBICOCCO (Jean Gabriel), cinéaste fran-
treuil (Seine-Saint-Denis), avec l’aide sonnage de jeune premier dynamique et çais (Cannes 1936 – Rio de Janeiro, Brésil,
de Pathé. Privilégiant au départ les enjoué, aventureux et gaillard, une sorte 2001).
films tournés ou joués par des émigrés de Douglas Fairbanks local. On le voit Fils du chef opérateur Quinto Albicocco,
russes (Volkoff, Tourjansky, Protazanov, dans de nombreux films muets (la Danse dont il partage le goût pour une image
Mosjoukine, Nathalie Lissenko, Nicolas de mort [U. Gad, 1912], Ein Sommer empreinte d’afféterie, il est assistant de
Rimsky), Kamenka n’en produisit pas Nachtstraum [Hans Neumann, 1925], Dassin pour Celui qui doit mourir (1956),
moins certains films des grands metteurs Eine Dubarry von Heute [A. Korda, 1926], puis réalise quelques discutables adap-
en scène français de l’époque comme Prinzessin Olala [Robert Land, 1928]). tations littéraires : la Fille aux yeux d’or
Marcel L’Herbier (Feu Mathias Pascal, Remarqué dans Asphalt (J. May, 1929) (1961), Un rat d’Amérique (1962), le
1925), René Clair (Un chapeau de paille et l’Ange bleu (Sternberg, 1930), il tourne Grand Meaulnes (1967), le Coeur fou
d’Italie, 1928) ou Jacques Feyder (les dans les années 30 et 40 sous la direc- (1969), le Petit Matin (1971).
Nouveaux Messieurs, 1929). tion de Carl Froelich (la Nuit est à nous,
1929), Richard Eichberg (Der Greifer, ALCORIZA (Luis), cinéaste et scénariste
ALBERINI (Filoteo), producteur et cinéaste 1930), Kurt Gerron (Der weisse Dämon, mexicain (Badajoz, Espagne, 1921 - Cuer-
italien (Orte 1865 - Rome 1937). 1932), Robert Siodmak (Quick, id.), Gus- navaca, Mexique, 1992).
Pionnier du cinéma italien, Alberini in- tav Ucicky (Au bout du monde, 1933), Fils d’un couple de comédiens espagnols,
vente en 1894 le Kinetografo, appareil Karl Hartl (l’Or, 1934), Fritz Wendhausen il s’installe au Mexique au lendemain de
pour la prise de vues, le tirage et la pro- (Peer Gynt, id.), Herbert Selpin (Sergent la guerre civile. Il débute lui aussi comme
jection des images animées. Cet appa- Berry, 1938 ; Carl Peters, 1942), Helmut acteur de théâtre et de cinéma : une quin-
reil, breveté en 1895, voit son champ Käutner (la Paloma, 1944), mais c’est zaine de rôles, de La torre de los suplicios
d’application réduit à néant par l’appari- avec le rôle-titre des Aventures fantas- (R. J. Sevilla, 1940) au Grand Noceur
tion en Italie du Cinématographe Lumière tiques du baron de Münchhausen (J. von (L. Buñuel, 1949). Il apprend le métier de
(printemps 1896). Alberini poursuit ses Baky, 1943) qu’il obtient son plus grand scénariste auprès de l’Américain Norman
recherches et met au point diverses in- succès. Ayant su garder ses distances Foster et participe à l’écriture de plus de
ventions, notamment, en 1914, un sys- vis-à-vis du nazisme, et toujours très po- cinquante films entre 1946 et 1960. Il est
tème de prise de vues panoramique, que pulaire, il poursuivra sa carrière après la notamment le collaborateur de dix films
Guazzoni utilise en 1919 pour le tournage guerre dans une vingtaine de films, dont mexicains de Buñuel, dont Los olvidados
de Clemente VII e il sacco di Roma. Actif deux réalisés par lui-même. (1950), El (1953) et l’Ange exterminateur
également dans le domaine commercial, (1962). Lassé de voir ses projets édul-
Alberini ouvre une salle de projection ALBERT (Edward Albert Heimberger, dit corés par les tâcherons d’une industrie
à Florence en 1901, puis, à Rome, en Eddie), acteur américain (Rock Island, Ill., déjà complètement sclérosée, il passe
1904, le Moderno (il s’agit vraisembla- 1908). à la mise en scène avec Los jóvenes
blement de la première salle construite Du théâtre, il passe au cinéma en 1938, (1961). À contre-courant de la débâcle
en dur spécialement pour le cinéma). En avec l’adaptation d’une pièce qu’il avait du cinéma mexicain, il s’impose avec
décembre 1904 (ou en août 1905), il se jouée à Broadway : Brother Rat (William Tlayucan (1962), Pêcheurs de requins
lance dans la production en fondant avec Keighley). Son physique ordinaire et (Tiburoneros, 1963) et Toujours plus
Sante Santoni le premier établissement la mobilité de ses traits le désignent loin (Tarahumara, 1965) comme un réa-
italien de manufacture cinématogra- pour des emplois secondaires, dans lisateur original et incisif. Il procède dans
phique, Alberini et Santoni. Cette société de petites comédies, à la Warner. Un ces trois films à une véritable redécou-
devient, en 1906, la S. A. Cines, dont les amour désespéré (W. Wyler, 1952) le verte de la réalité nationale, celle de la
studios, porte San Giovanni à Rome, se- fait remarquer dans un rôle dramatique. province, puis des pêcheurs, et enfin des
ront actifs jusqu‘à la fin des années 30. La Il brille ensuite dans le même registre : Indiens, sans les artifices traditionnels ou
Cines, société par actions soutenue par Attaque (R. Aldrich, 1956), les Racines l’idéalisation des Fernandez et Figueroa.

14
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Plutôt qu’une influence de Buñuel, il y de nulle part (P. Chenal, 1937), Un carnet ALDO (Aldo Graziati, dit G. R.), chef opé-
révèle une identité de vues, une même de bal (J. Duvivier, id.), Drôle de drame rateur italien (Scorze 1905 - Albara di Pia-
volonté de subversion, le goût de l’insolite (M. Carné, id.), le Château des quatre niga, Padoue, 1953).
et du sarcasme, le recours à l’érotisme obèses (Ivan Noé, 1939), le Colonel Cha- Venu très jeune en France, Aldo a
libérateur. À la différence de son aîné, il bert (René Le Hénaff, 1943). d’abord travaillé comme photographe de
se montre davantage intégré à son pays plateau : ses photos de films français des
d’adoption, plus attentif à l’insertion des ALCY (Charlotte Faës, dite Jehanne d’), ac- années 30 comptent parmi les meilleures
personnages dans le paysage et dans un trice française (Vaujours 1865 - Versailles du genre. Après la guerre, ayant suivi
contexte social précis. Il dévoile l’envers 1956). en Italie le tournage de la Chartreuse
du décor de prospérité d’Acapulco et de Venue à Paris vers 1888 pour tenter de Parme (Christian-Jaque), il se fixe à
Mexico et révèle sans complaisance les Rome en 1948 et devient rapidement un
sa chance, elle rencontre le directeur
laissés-pour-compte du système, dans des chefs opérateurs les plus recherchés.
du théâtre Robert-Houdin, qui s’appelle
Paraíso (1970) et Mecánica nacional Son exceptionnel sens plastique, son
Georges Méliès. Lorsque celui-ci se
(1972). Il s’oriente ensuite vers la fable, goût des cadrages précis, sa maîtrise des
passionne pour le cinéma naissant, elle
avec Presagio (1975), écrit en collabo- éclairages contrastés sont mis au service
participe aussitôt aux courtes bandes où
ration avec Gabriel García Márquez, et de cinéastes comme Visconti (La terre
fleurissent les trucages (le Voyage dans
Las fuerzas vivas (1975), dont l’action se tremble, 1948), De Sica (Miracle à Milan,
la Lune, 1902) et s’épanouit la poésie.
situe à l’époque de la révolution mexi- 1951 ; Umberto D, 1952 ; Stazione Ter-
Plus tard, lorsque le magicien est oublié,
caine. Il a réalisé également Amor y sexo mini, 1953), Genina (la Fille des marais,
elle l’épouse (1925) et l’aide à vendre
(1964), El gángster (1965), Divertimento 1949 ; Histoires interdites, 1952), Soldati
des jouets gare Montparnasse. On les
(1967), La puerta (1968), El oficio más (la Provinciale / la Marchande d’amour,
antiguo del mundo (1970), El muro del retrouve, on leur rend hommage. Seule
1953). Il collabore avec Brizzi à la pho-
silencio (1974), A paso de cojo (1978), Lo survivante de cette époque fabuleuse, la
tographie d’Othello de Welles (1952). En
que importa es vivir (1985), Dia de difun- première vedette du cinéma français se
1953, il retrouve Visconti pour Senso.
tos (1987), des sketches de Antología del consacre jusqu’à sa mort au culte de son
D’emblée, il se révèle un maître dans l’uti-
miedo (1968) et Fe, esperanza y caridad mari.
lisation de la couleur : un accident d’auto-
(1974).
mobile interrompt brutalement sa carrière
ALDA (Alan), acteur américain (New York,
(Senso sera terminé par Robert Krasker
ALCOTT (John), chef opérateur britan- N. Y., 1936).
et Giuseppe Rotunno).
nique (Londres 1931 - Cannes, France, Fils de l’acteur Robert Alda (New york,
1986). N. Y., 1914 - Los Angeles, Ca., 1986), ALDRICH (Robert), cinéaste américain
Son nom reste associé à celui de Stanley Alan Alda est lui-même acteur de théâtre, (Evanston, R. I., 1918 - Los Angeles, Ca.,
Kubrick : après son travail sur la photo- de cinéma, de télévision, auteur, pro- 1983).
graphie additionnelle de 2001, l’Odys- ducteur et metteur en scène. Il fait ses Venu à Hollywood en 1941, il est engagé
sée de l’espace (1968), le cinéaste lui débuts sur scène à l’âge de seize ans par la RKO comme simple employé à la
fit constamment confiance. C’est donc à à Barnesville en Pennsylvanie, accom- production, et gravit de façon tradition-
lui que l’on pense en évoquant la lumière
pagne son père en Europe, où il fait des nelle les échelons de la profession, deve-
glacée et terrifiante d’Orange mécanique
apparitions sur les scènes romaines et à nant employé sur les scripts, puis admi-
(1971) ou de Shining (1980) ou encore les
la télévision. Sa célébrité exceptionnelle nistrateur délégué et enfin assistant (de
légendaires clairs-obscurs dus à la bougie
aux États-Unis vient surtout de la reprise Milestone, Renoir, Wellmann, Chaplin et
de Barry Lyndon (1975). Le prestige de
pour la télévision de M*A*S*H*, dont surtout Polonsky et Losey). Scénariste
cette collaboration le fit solliciter par les
il met en scène un épisode. Il apparaît et producteur d’une série télévisée, c’est
États-Unis. Il faut cependant reconnaître
au cinéma, notamment dans : la Guerre le succès de celle-ci qui lui permet de
que, pour être toujours aussi compétent,
des bootleggers (R. Quine, 1970), Satan réaliser (après un galop d’essai inédit en
son travail y était plus anonyme, comme
mon amour (P. Wendkos, 1971), Même France) son premier film personnel : la
dans le Policeman (D. Petrie, 1980) ou
heure, l’année prochaine (R. Mulligan, vedette en est d’ailleurs Dan Duryea, déjà
Sens unique (R. Donaldson, 1987), son
1978), California Hotel (H. Ross, id.), la vedette de la série en question. Aldrich
dernier film, que le réalisateur dédie à sa
essaie d’y rompre la grisaille TV au profit
mémoire. Mais on peut avoir une bonne Vie privée d’un sénateur (J. Schatzberg,
de recherches d’angle et de chocs spec-
idée de sa facilité d’adaptation en com- 1979). Il est également scénariste de ce
taculaires. En outre, World for Ransom,
parant l’aspect quasi documentaire de film, ainsi que de Four Seasons (1981) et
film d’aventures à médiocre budget (dont
Under Fire (R. Spottiswoode, 1983) à de Sweet Liberty (1986), dont il a assuré
le titre sonne comme un défi), indique le
l’enluminure chatoyante de Greystoke la mise en scène. Les récents développe-
type d’action où Aldrich sera toujours à
(H. Hudson, 1984). ments de sa carrière (Betsy’s Wedding,
l’aise (d’où les échecs répétés dans la
1990, où il se dirige lui-même derrière
ALCOVER (Pedro Antonio Alcover, dit comédie de cet homme plein d’humour) :
l’oeil de la caméra) font d’Alan Alda un
Pierre), acteur espagnol (Châtellerault, le récit picaresque, voire éclaté, plutôt
artiste boulimique, soucieux d’accéder
France, 1893 - Paris 1957). que l’intrigue bien ficelée. S’il aborde le
au statut d’auteur complet de ses pro-
Il ne semble pas avoir jamais sollicité thriller, c’est toujours en éliminant les
ductions. Sous la direction de Woody
sa naturalisation. Sorti du Conservatoire éléments de compréhension analytique
Allen, il s’impose définitivement comme
pour entrer à la Comédie-Française, que le genre avait hérités malgré tout du
un acteur brillant et subtil dans Crimes et policier : le spectacle l’intéresse plus que
c’est un colosse à la figure énergique qui
délits (1989), Meurtre mystérieux à Man- le suspense. Pendant trois ou quatre ans,
devient vite un des « poids lourds » du
hattan (1993) et surtout Tout le monde dit Aldrich va s’affirmer par des films d’aven-
cinéma français : Champi-Tortu (J. de
Baroncelli, 1921), Feu Mathias Pas- “I Love You” (1996). Il rappelle, sans l’imi- tures dont l’outrance délibérée va de pair
cal (M. L’Herbier, 1925), puis l’Argent ter, Cary Grant dont il retrouve par instant avec une ambition cosmique qui culmi-
(id., 1929) le sacrent grand premier la vivacité et la causticité. On le voit éga- nera dans En quatrième vitesse, où un
rôle. Pourtant, le parlant le tient un peu lement dans Flirter avec les embrouilles récit médiocre se transforme en allégorie
à l’écart : la Petite Lise (J. Grémillon, (David O. Russell, id.) et dans Mad City de la condition humaine à l’ère atomique.
1930), Liliom (F. Lang, 1934), l’Homme (Costa-Gavras, 1997). L’influence formelle d’Orson Welles est

15
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

flagrante dans ces films. Plus coté que Films : The Big Leaguer (1953) ; Alerte Austerlitz (A. Gance, 1960), la Princesse
le précédent aux yeux de certains cri- à Singapour (World for Ransom, 1954) ; de Clèves (J. Delannoy, 1961) et dans
tiques, le Grand Couteau (qui dénonce Bronco Apache (Apache, id.) ; Vera les grandes productions internationales
la corruption d’Hollywood) pèche par un Cruz (id.) ; En quatrième vitesse (Kiss comme Topkapi (J. Dassin, 1964), Lady L
excès de lourdeur dans la dramaturgie, Me Deadly, 1955) ; le Grand Couteau (P. Ustinov, 1965), Mayerling (T. Young,
en contraste avec l’extrême liberté de ton (The Big Knife, id.) ; Feuilles d’automne 1968) ou Soleil rouge (id., 1971), aussi
de Vera Cruz (où Aldrich n’est nullement (Autumn Leaves, 1956) ; Attaque (At- bien que dans des oeuvres plus originales
pris au dépourvu par le Scope-couleur). tack !, id.) ; Racket dans la couture (The comme Deux Hommes en fuite de Losey
Cette lourdeur théâtrale formera plus Garment Jungle, 1957 : film terminé et (1970), la Truite (id., 1982), l’État des
tard chez Aldrich un mélange instable et signé par Vincent Sherman) ; Trahison choses (W. Wenders, id., photo en noir
insoluble avec son goût pour les effets à Athènes (The Angry Hills, 1959) ; Tout et blanc), Wundkanal (Thomas Harlan,
de montage et surtout les plans assenés près de Satan (Ten Seconds to Hell, 1984), A Strange Love Affair (Eric Kuy-
comme autant de provocations aux ins- id.) ; El perdido (The Last Sunset, 1961) ; per et Paul Verstraeten, 1985), Esther (A.
tants de tension extrême. Sodome et Gomorrhe (Sodom and Go- Gitai, id.), les Ailes du désir (Wenders,

Dès 1955, les ennuis commencent morrah / Sodoma e Gomorra, 1962 ; CO l987), Berlin-Jérusalem (Gitai, l989). Il a

pour Aldrich. Éliminé du tournage de Rac- Sergio Leone) ; Qu’est-il arrivé à Baby photographié plus de cent films et réalisé

ket dans la couture, il essaie à la fois de la Jane ? (What Ever Happened to Baby lui-même un documentaire d’art, l’Enfer

réalisation itinérante en Europe, avec des Jane ?, id.) ; Quatre du Texas (Four of de Rodin (1958). Il a mis au point (avec

résultats plutôt décevants, et de l’auto- Texas, 1963) ; Chut, chut, chère Charlotte Georges Gérard) le procédé Transflex,
(Hush... Hush Sweet Charlotte, 1965) ; le système analogue à la transparence mais
production : El perdido est malheureuse-
Vol du Phénix (The Flight of the Phoenix, utilisant la projection frontale sur un écran
ment un film inégal, une sorte de western
1966) ; les Douze Salopards (The Dirty spécial en billes de verre. Perfection-
inversé (au profit d’une rêverie roman-
Dozen, 1967) ; le Démon des femmes niste de l’éclairage (il parlait toujours de
tique) sur un scénario de Dalton Trumbo.
(The Legend of Lylah Clare, 1968) ; Faut- « lumière juste »), il a écrit un très beau
Ce n’est qu’en 1963 qu’Aldrich se relance
il tuer Sister George ? (The Killing of Sis- livre sur son métier Des lumières et des
commercialement, avec Qu’est-il arrivé à
ter George, id.) ; Trop tard pour les héros ombres (1984).
Baby Jane ?, récital de monstres sacrés
où une sorte d’attendrissement tempère (Too Late the Hero, 1970) ; Pas d’orchi-
dées pour Miss Blandish (The Grissom ALEKAN-GÉRARD (PROCÉDÉ) EFFETS
une horreur grand-guignolesque. La
Gang, 1971) ; Fureur apache (Ulzana’s SPÉCIAUX
même frénésie dérape vers l’absurde
dans Douze Salopards, film voulu antibel- Raid, 1972) ; l’Empereur du Nord (Em-
ALEKSANDROV (Grigori Mormonenko, dit
liciste par son auteur mais où la violence peror of the North Pole, 1973) ; Plein la
Grigori) [Grigorij Vasil’evi Aleksandrov],
gueule (The Mean Machine / The Longest
quasi gratuite entretient une ambiguïté cinéaste soviétique (Iekaterinbourg [auj.
difficilement supportable. L’incontestable Yard, 1974) ; la Cité des dangers (Hustle,
Sverdlovsk] 1903 - Moscou 1983).
1975) ; l’Ultimatum des trois mercenaires
succès des deux films permettra à Aldrich Il débute comme décorateur et costu-
d’être, pendant quelques années, le seul (Twilight’s Last Gleaming, 1977) ; Bande
mier au théâtre local et, en 1921, devient
producteur-réalisateur américain à pos- de flics (The Choirboys, id.) ; Un rabbin
acteur au premier théâtre ouvrier du Pro-
au Far West (The Frisco Kid, 1979) ; Deux
séder ses propres studios. letkult à Moscou. Il rencontre Eisenstein,
Filles au tapis (All the Marbles, 1981).
Pendant toute cette période, Aldrich n’a dont il sera le collaborateur pendant une
pas dissimulé ses options libérales (anti- dizaine d’années. Dans la Grève (Staka,
ALEA GUTIÉRREZALEA (TOMÁS)
racistes, notamment) et sa haine d’une 1925) et le Cuirassé Potemkine (Brone-
certaine hypocrisie qui affecte aussi bien ALEKAN (Henri), chef opérateur français nosec Potemkin, id.), il est assistant réa-
l’Amérique que Hollywood même. À partir (Paris 1909-Boulogne-sur-Seine 2001). lisateur (et acteur) ; pour Octobre (Okt-
de 1968, le metteur en scène exaspère Après des études aux Arts et Métiers jabr’, 1927) et la Ligne générale (Staroe i
(sur des matériaux d’un intérêt variable) et à l’Institut d’optique, il devient assis- Novoe, 1929), il devient coréalisateur. En
les contradictions de son style, en même tant opérateur ou cameraman (de 1928 1930, en route pour les États-Unis avec
temps qu’il souligne son goût, d’une à 1940) de divers directeurs de la pho- Eisenstein et Tissé, il participe à Paris
part, pour les brutes viriles (l’Empereur tographie (Périnal, Toporkoff, Kelber, avec eux à la réalisation d’un court mé-
du Nord), d’autre part, pour les vieilles Shüfftan), puis chef opérateur (1941). Il trage impressionniste, Romance senti-
actrices, éventuellement homosexuelles acquiert une immédiate célébrité dès la mentale, dont la responsabilité lui revient
(Faut-il tuer Sister George ?). Il pra- Libération en signant la photographie de plus qu’à Eisenstein. Puis il est coauteur
tique les collages les plus audacieux (la quelques-uns des plus grands films de de ¡ Que viva México ! (1931-32), célèbre
séquence finale du Démon des femmes l’époque : la Bataille du rail (R. Clément, fresque historique restée inachevée.
est à cet égard exemplaire), et sa ten- 1946), la Belle et la Bête (R. Clément et Sa carrière personnelle débute en
dance au grotesque (au sens hugolien du J. Cocteau, id.), les Maudits (R. Clément, 1934 avec les Joyeux Garçons (Veselye
terme) se déploie dans des films pleins 1947), les Amants de Vérone (A. Cayatte, rebjata), comédie musicale (sur une par-
de bruit et de fureur, toujours plus sacca- 1949). La précision et la sensibilité de ses tition fameuse de Dounaïevski) et bur-
dés même dans les plans longs, comme images sont remarquables tout autant lesque qui fait figure d’archétype (avec le
s’ils n’étaient plus composés que de mor- dans le style documentaire (la Bataille du Bonheur, de Medvedkine, alors occulté)
ceaux choisis (auxquels ne manquent rail) que dans le raffinement poétique (la d’une tradition nationale de comédie lé-
même pas de rares et précieux instants Belle et la Bête), mais il ne s’est jamais gère d’où l’influence américaine n’est pas
de tendresse : la Cité des dangers). Évo- livré à des recherches esthétisantes. La absente. Dans la même veine, il réalise
cation de plus en plus directe du déclin de qualité de son travail éclate non seule- ensuite le Cirque (Cirk, 1936) puis Volga
la société américaine (Aldrich est issu de ment dans les films de Clément mais Volga (1938) et la Voie lumineuse (Svetlyj
la grande bourgeoisie) mais aussi du cré- aussi dans ceux de Carné (la Marie du put’, 1940) : la vedette de ces quatre films
puscule de ce cinéma dont le cinéaste, port, 1950 ; Juliette ou la Clé des songes, est Lioubov Orlova, sa femme, une co-
formé au croisement de la routine et de 1951) et d’Yves Allégret (Une si jolie pe- médienne pleine de dynamisme et d’hu-
la modernité, aura été l’un des derniers tite plage, 1949 ; la Meilleure Part, 1956). mour ; ces films ne sont pas seulement
grands témoins. En 1977, il a été réélu Il se révèle un maître de la couleur, des divertissements mais aussi des sa-
président de la Directors Guild. comme il l’avait été du noir et blanc, dans tires de la bureaucratie, voire du racisme

16
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

(le Cirque). Après la guerre il renoue, ALEXANDROV (Grigori) ALEKSANDROV ALGÉRIE (Barr al-Djaza’ir).
mais avec un moindre succès, avec cette En 1962, il n’existe aucune infrastruc-
inspiration drolatique et farfelue dans le ALEXEIEFF (Alexandre), cinéaste et des- ture de production, sinon les studios de
Printemps (Vesna, 1947). La période de sinateur français d’origine russe (Kazan télévision de la capitale. Avant l’indé-
la guerre froide est marquée dans son 1901 - Paris 1982). pendance, le parc de salles se limitait
oeuvre par un film politique, Rencontre Fixé en France en 1921, il travaille comme à quelque 350 salles pour la diffusion
sur l’Elbe (Vstrea na El’be, 1949), vision décorateur et costumier pour Gaston des films européens et américains, dont
engagée des relations soviéto-améri- Baty, Louis Jouvet, Georges Pitoëff et certains évoquaient l’exotisme du bled,
caines. Puis il revient au genre musical les Ballets russes, et comme illustrateur des oasis, sans effleurer les réalités. Si
avec une biographie, Glinka (Kompozitor de livres. Bon graveur et admirateur de le fameux opérateur des frères Lumière,
Glinka, 1952) et deux films « expérimen- l’Idée, de Bartosch, il se tourne vers le Félix Mesguich*, natif d’Alger, filme un
taux » , D’homme à homme (elovek cinéma en 1930 avec une invention ori- programme de scènes vues en 1899, si
ginale et féconde, l’écran d’épingles, qu’il
eloveku, 1958) et Souvenir russe (Russ- Camille de Morlhon tourne dès 1911 les
met en oeuvre avec sa collaboratrice et
kij suvenir, 1960). En 1966, il tourne premières fictions dans le Sud algérien
épouse Claire Parker. Il s’agit d’un pan- (En mission, la Belle Princesse et le mar-
Lénine en Suisse, un documentaire. En
neau (1,30 m × 1 m) percé de quelque chand, l’Otage, Pour voir les mouquères),
1979, il signe une version de ¡ Que viva
500 000 trous dans lesquels sont enga- Feyder*, lui, doit rompre avec Gaumont
Mexico ! à partir du matériel original resti-
gées autant d’épingles mobiles, qui,
tué par les Américains. pour tourner, dans le Hoggar, une partie
éclairées en lumière oblique, donnent sui- de l’Atlantide (1921). L’Algérie n’est qu’un
ALERME (André), acteur français (Dieppe vant leur émergence toutes les nuances décor, ou un sujet de documentaires réali-
1877 - Montrichard 1960). du noir au blanc, le tout étant filmé image sés pour le Gouvernement général. C’est,
par image selon le principe de l’anima-
Dans Amour et Carburateur (Pierre Co- à partir de 1957, à un autre documenta-
lombier, 1925), il apparaît pour la pre- tion. De 1932 à 1934, il réalise avec ce risme (celui du combat) que sont formés,
mière fois à l’écran en petit-bourgeois procédé Une nuit sur le mont Chauve,
avec le concours du cinéaste français
coléreux et vaniteux. Il évite rarement illustration visuelle de Moussorgski, un
René Vautier*, les premiers opérateurs
chef-d’oeuvre d’imagination et d’atmos-
cet emploi (Nord Atlantique [M. Cloche, et cinéastes algériens du Front de libéra-
phère fantastiques. Suivant le même pro-
1939]), mais Feyder sait gonfler sa sil- tion nationale (FLN) autour de Tébessa,
cédé, il réalise encore, au Canada, En
houette (Pension Mimosas, 1935 ; la puis à Tunis, Belgrade, Prague... Après
passant (1943), d’après une chanson po-
Kermesse héroïque, id.). Des comédies la guerre, Ahmed Rachedi* et Mohamed
pulaire, puis, en France, le Nez, d’après
de Guitry (le Blanc et le Noir, 1931) aux Lakhdar Hamina* vont réaliser avec peu
Gogol (1963), Tableaux d’une exposition
fantaisies prévertiennes (l’Arche de Noé de moyens les premiers films algériens,
(1972) et Trois Thèmes (1980), d’après
[Henry Jacques, 1947]), il a fait preuve marqués par le souci de témoigner :
Moussorgski, ainsi que le prologue du
d’une constante autorité : la Dame de l’Aube des damnés, de Rachedi (1965),
film d’Orson Welles, le Procès (1962), et
chez Maxim’s (A. Korda, 1933), Paradis ou d’exalter la lutte populaire pour la libé-
des illustrations pour une édition du Doc-
perdu (A. Gance, 1940), la Comédie du ration : le Vent des Aurès, de Lakhdar
teur Jivago. Il s’est aussi consacré, dès
bonheur (M. L’Herbier, 1942), Lettres Hamina (1966), parfois sous forme de
les années 30, au cinéma publicitaire, où
d’amour (C. Autant-Lara, id.), le Baron fresque assez romanesque : la Nuit a
il a réalisé des chefs-d’oeuvre grâce à un
fantôme (S. de Poligny, 1943), Pour une peur du soleil, de Mustafa Badie (1965),
autre procédé de son invention, la totali-
nuit d’amour (E. T. Gréville, 1947). coproduit par la télévision (RTA) et le
sation (principe du « pendule composé »,
Centre national du cinéma (CNC). Ce
repris par Étienne Raïk), permettant des
ALESSANDRINI (Goffredo), cinéaste ita- dernier est absorbé en 1967 par l’Office
trucages raffinés et inventifs, ainsi qu’une
lien (Le Caire, Égypte, 1904 - Rome 1978). national pour le commerce et l’industrie
grande poésie visuelle (Fumées, Pure
Assistant de Blasetti (1929-30) pour Sole cinématographiques (ONCIC), auquel est
Beauté, Sève de la terre). Son écran
et Terra madre, il travaille ensuite à Hol- dévolu le monopole de production et de
d’épingles a notamment été utilisé et
lywood au doublage des films MGM. Re- distribution. Mais l’Office des actualités
adapté à la couleur par Jacques Drouin
venu en Italie, il dirige la version italienne algériennes (1965-1974), notamment, bé-
et Bretislav Pojar dans l’Heure des anges
d’un film de Wilhelm Thiele : La segretaria néficie de nombreuses dérogations avant
(1986). Un écran d’épingles est conservé
privata (1931). Il passera de la comédie d’être, lui aussi, absorbé par l’ONCIC.
aux Archives du film à Bois-d’Arcy.
brillante (Seconda B, 1934) à la biogra- Pourtant, depuis 1978, la production est
phie picaresque (Caravaggio / Il pittore dominée par la RTA. La volonté de cen-
ALFA (Joséphine Alfreda Bassignot, dite
maledetto, 1941), mais aussi au film de Michèle), actrice française (Gujan-Mestras tralisation et de coordination s’applique
propagande fasciste (Giarabub, 1942 ; difficilement. La fonctionnarisation n’as-
1911 - Le Vésinet 1987).
Noi vivi, id. ; Addio, Kira !, id.). Cinéaste La scène lui apporte plus de satisfactions sure pas un dynamisme nécessaire. Le
quasi officiel du régime depuis Luciano que l’écran, mais, pendant l’Occupa- taux d’importation, âprement disputé, a
Serra, pilota (1938), auquel avait colla- tion, elle est l’une des vedettes les plus pu être ramené à un niveau assez bas
boré Vittorio Mussolini, il fait sa rentrée employées. Auparavant, elle n’avait fait (de 450 films en 1962 à 110 en 1979)
en 1947 avec Furia, que suit en 1948 le que de la figuration : on l’entrevoit dans sans pour autant donner un coup de fouet
Juif errant (L’Ebreo errante), fable antira- des films tournés à Berlin ; toutefois, le à la production nationale. Les studios et
ciste d’une grande dignité et d’une cer- Corsaire (M. Allégret, 1939), dont elle doit moyens mis en place à Alger et Oran as-
taine qualité artistique, primée à Venise la être l’héroïne et que la guerre interrompt, surent, sauf pour les traitements du film
même année. En 1951, il entreprend les lui permet de jouer le premier rôle de et le sous-titrage, une relative autonomie
Chemises rouges (Camicie rosse), film nombreux films entre 1940 et 1944 : le à une production encore peu nombreuse
qui sera terminé par le jeune Francesco Dernier des six (G. Lacombe, 1941), Le (5 LM pour l’ONCIC en 1979). Les an-
Rosi (1952). Après s’être occupé de pavillon brûle (J. de Baroncelli, id.), le Lit nées de guerre et de l’immédiat après-
production, Alessandrini n’est revenu au à colonnes (R. Tual, 1942), le Comte de guerre privilégient le court métrage, film
cinéma que dans les années 60, comme Monte-Cristo (R. Vernay, 1943), le Secret militant, documentaire, de montage ; puis
acteur de second plan pour quelques de Mme Clapain (A. Berthomieu, id.). Puis la fiction relaie le témoignage dans des
films (La Celestina, Lizzani, 1965). Il avait le silence, ou peu s’en faut (Premières films à sketches (l’Enfer à dix ans, 1969)
été marié brièvement à Anna Magnani. Armes [R. Wheeler, 1950]). ou des productions lourdes, en couleurs :

17
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

l’Opium et le Bâton (Thala [Rachedi, scénario est trop souvent la part faible ALLÉGRET (Catherine), actrice française
1970]). Ce cinéma ne satisfait pas abso- des films, les techniciens ont de grandes (Paris 1946).
lument un désir de participation critique qualités, notamment des chefs opéra- Fille d’Yves Allégret et de Simone Signo-
à l’élaboration d’une société algérienne teurs comme Rachid Merabtine, Youssef ret, elle suit brièvement le cours René
nouvelle. Les héros quasi anonymes de Saharaoui, Noureddine Adel. Un curieux Simon avant de débuter au théâtre de
la guerre (le Vent des Aurès) sont deve- particularisme a valu à la production de l’Atelier sous la direction d’André Bar-
nus les jeunes gens de l’Obstacle (CM sacq. Elle vient au cinéma avec Com-
la télévision d’accéder à un rang égal en
de Mohamed Bouamari*, 1966) en butte partiment tueurs (Costa-Gavras, 1965).
qualité (et en audience à l’étranger avec
aux interdits de la tradition, frères aînés Parmi ses rôles, les plus marquants sont
un film comme Noua) à celle de la pro-
du titi algérois de Omar Gatlato (Merzaq ceux qu’elle tient dans Smic, smac, smoc
duction lourde. On décèle d’autre part
Allouache*, 1976), ou des marginaux : (C. Lelouch, 1971), le Dernier Tango à
une extrême prudence quant au choix
le Charbonnier (al-Fahham, 1972), de Paris (B. Bertolucci, 1972) et Vincent,
des sujets abordés, ce qui n’est pas
Bouamari ; les Nomades (ar-Ruhhal), de François, Paul et les autres (C. Sautet,
sans freiner un cinéma peu porté à faire
Sid Ali Mazif* (1975). Aussi le cinéma 1974). Elle s’est fait remarquer par sa
des films neutres ou à vocation simple-
algérien développe-t-il concurremment spontanéité pleine de désinvolture et par
ment mercantile, alors que les structures
deux courants complémentaires. À l’ana- sa vivacité d’esprit. Elle se produit aussi
lyse du passé, dont Abdellaziz Tolbi paraissent privées, depuis 1979, d’un
(parfois également comme auteur) au
réussit un sobre poème épique, Noua moteur capable de relancer les projets
café-théâtre, au music-hall et à la télé-
(1972), Lakhdar Hamina une fresque de l’ONCIC, ce qui est doublement dom-
vision.
flamboyante, Chronique des années de mageable à l’Algérie, bien placée parmi
braise (Palme d’Or à Cannes en 1975), les jeunes nations. Scindée en deux ALLÉGRET (Marc), cinéaste français (Bâle,
ou Lamine Merbah une belle reconstitu- structures de production et de distribution Suisse, 1900 - Paris 1973).
tion fondée sur l’arrivée des réfugiés d’Al- (ENAPROC et ENADEC), l’activité ciné- Fils du pasteur Élie Allégret, il passe
sace-Lorraine après la défaite de 1870 et matographique s’en est trouvée affaiblie. longtemps, à tort, pour le neveu d’André
leur mainmise sur l’Ouarsenis (les Déra- Le retour à une structure unique (CAAIC) Gide. C’est en accompagnant l’écrivain
cinés [Beni-Hendel], 1976), répondent n’a cependant guère permis à la produc- dans son périple africain qu’il tourne son
des oeuvres en prise sur le quotidien : tion de s’épanouir, d’autant plus que la premier film, le Voyage au Congo. Plus
l’évolution des campagnes (le Peuplier situation politique en Algérie à partir des tard, il lui consacrera encore un long por-
[Min quib as-Saf-saf ], de Moussa Had-
années 90 n’est évidemment pas favo- trait : Avec André Gide. Il travaille d’abord
dad, 1972) ; la résurgence des féodalités
rable au développement d’une industrie avec Robert Florey, puis sa longue car-
ou des privilèges (les Bonnes Familles,
comme celle du 7e Art. Les cinéastes rière de réalisateur habile et commercial,
de Djaffar Damardji [1973], produit par
algériens continuent, pour certains à tour- commencée avec Mam’zelle Nitouche
le parti [FLN], ou l’Héritage, de Bouamari
ner. Cela n’est parfois pas sans difficulté. et la Petite Chocolatière, se place sous
[1974]). Les deux films consacrés par
Certains y arrivent et construisent une le double signe du dosage et de la dé-
Mohamed Ifticène à la jeunesse, Gorine
oeuvre cohérente, tel Mohamed Chouikh couverte. Dosage des genres, maîtrise
(1971) et Jalti (1980), produits par la RTA,
avec la Citadelle (1989), Youcef (1993) et d’un ton qui le fait évoluer sur cette ligne
révèlent les failles d’une société qui n’a
étroite et périlleuse qui sépare le drame
pas encore équilibré modernisme et tra- l’Arche du désert (1997). D’autres émer-
réaliste de la comédie volontiers funam-
dition. La délinquance juvénile y est inter- gent, à l’instar de Nadir Moknèche, avec
bulesque. Lac aux dames en 1934, En-
prétée par des garçons pris dans la rue, le Harem de Madame Osmane (1999).
trée des artistes en 1938 (évocation du
sans espoir et sans attaches. Le cinéma Lorsque le réalisateur souhaite plus par-
monde des étudiants au Conservatoire de
algérien n’a pas oublié ses origines et ticulièrement librement aborder la situa-
Paris, avec Louis Jouvet dans le rôle d’un
manifeste la volonté de témoigner, aussi tion politique et sociale de l’Algérie des
maître qu’on dit proche de ce qu’il était
près que possible, du quotidien, du vécu : années 90, et notamment la thématique
dans la vie) illustrent cette finesse qui fit
Haddad, Merbah, Tolbi, ont eux aussi de l’asile politique, il tourne alors essen-
la réputation du cinéaste. Découverte,
recours à des interprètes non profes- tiellement à l’étranger, comme Abdelkrim
celle de nombreuses Futures Vedettes
sionnels (peut-être parce que les auteurs Bahloul (la Nuit du destin, 1997) ou Karim
(titre d’un film qu’il réalise en 1955), qui
algériens sont, d’abord, issus du théâtre :
Traïdia (les Diseurs de vérité, 2000). font, sous sa direction attentive, les pre-
Keltoum, Rouiched, Hassan al-Hassani).
miers pas d’une carrière souvent brillante.
Mohamed Chouikh* et Mohamed Zinet* ALLASIO (Marisa), actrice italienne (Turin
Ainsi, dans les années 30, fait-il débuter
sont aussi, quant à eux, occasionnelle- 1936).
Simone Simon, merveilleuse Puck de Lac
ment des cinéastes. D’autre part, des Ayant débuté comme figurante à quinze
aux dames ; avant Vadim (qui est son
noms nouveaux apparaissent, dont celui
ans, elle devient vedette dès 1955 avec
d’une romancière, Assia Djebar, venue assistant de 1947 à 1956), il consacre
des films comme la Chasse aux maris
à la caméra (la Nouba des femmes du Brigitte Bardot dans En effeuillant la mar-
(Ragazze d’oggi de L. Zampa) et l’excel-
mont Chenoua, 1977 ; la Zerda et les guerite (1956). Dans ses derniers films, il
lent Pauvres mais beaux (D. Risi, 1956).
Chants de l’oubli, 1982), de Mehdi Charef met le pied à l’étrier à des débutants, tels
Elle incarne la jeune fille sans préjugés, Alain Delon (dans Sois belle et tais-toi,
(le Thé au harem d’Archimède, 1985), de
éprise d’indépendance et faussement 1958) ou Jean-Paul Belmondo (dans Un
Mohamed Chouikh* (la Citadelle, 1988 ;
rouée, avec un charme physique éclatant drôle de dimanche, id.).
Youcef, 1993) ou de Mohamed Rachid
et une réelle sensibilité d’actrice. Sauf
Benhadj (la Rose des sables [Louss], La personnalité de Marc Allégret a
1989 ; Touchia, 1993). pour une incursion dans le péplum (Sous marqué les meilleures de ses comé-
le signe de la croix, G. Brignone, 1956), dies. En revanche, elle s’efface dans les
Il est remarquable que le cinéma égyp-
tien n’a eu aucune influence sur le déve- elle ne s’évadera pas de ce personnage, nombreuses adaptations romanesques
loppement d’un art souvent assez proche dont le succès culmine dans Marisa la qui jalonnent son oeuvre jusqu’au Bal du
du réalisme de l’âge d’or soviétique mais civetta (M. Bolognini, 1957), Carmela e comte d’Orgel (1970), son dernier film : il
dont le lyrisme, le ludisme, l’invention una bambola (Gianni Puccini, 1958) et n’est plus là qu’un technicien froid, certes
(chez Allouache*, Zinet*, Lallem) sont surtout Venise, la lune et toi (D. Risi, id.). consciencieux, mais dépourvu d’origina-
souvent imprévisibles et singuliers. Si le Peu après, elle abandonne l’écran. lité.

18
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Films : Voyage au Congo (DOC, gèreté qu’il était « le plus sartrien des réa- diant de Prague introduisit à l’écran un
1927) ; le Blanc et le Noir (CO R. Florey, lisateurs français » , parce qu’il a adapté thème qui allait devenir une obsession
1931) ; les Amants de minuit (CO : A. Ge- dans les Orgueilleux (1953, avec Gérard du cinéma allemand, écrit Siegfried Kra-
nina, id.) ; Mam’zelle Nitouche (id.) ; la Philipe et Michèle Morgan) un scénario cauer* dans son De Caligari à Hitler :
Petite Chocolatière (1932) ; Fanny (id.) ; du philosophe existentialiste, et parce un intérêt profond et effrayant pour les
Lac aux dames (1934) ; l’Hôtel du Libre qu’on a cru retrouver dans ses meilleurs fondements mêmes de l’être. » Et Lotte
Échange (id.) ; Zouzou (id.) ; Sans famille films un écho de ce pessimisme désa- H. Eisner souligne, dans l’Écran démo-
(id.) ; les Beaux Jours (1935) ; Sous les busé auquel une imagerie simplificatrice niaque, que « l’histoire, empreinte de
yeux d’Occident (1936) ; les Amants réduisait la pensée de Sartre dans les mysticisme, est celle du redoutable
terribles (id.) ; Aventure à Paris (id.) ; années 50. En fait, sa vision du monde double qui hantait déjà le romantisme
Gribouille (1937) ; la Dame de Malacca est plus celle de Pierre Mac Orlan ou de allemand ».
(id.) ; Orage (1938) ; Entrée des artistes Julien Duvivier que celle illustrée par la De son côté, Max Reinhardt tourne à
(id.) ; le Corsaire (1939) ; Parade en sept Nausée ou les Chemins de la liberté. Corfou avec sa troupe l’Île des bienheu-
nuits (1941) ; l’Arlésienne (1942) ; la Belle Après 1953, la carrière d’Yves Allé- reux (Die Insel der Seeligen, 1913), fête
Aventure ([RÉ : 1942] ; 1945) ; Félicie gret oscille entre une générosité militante galante et pantomime érotique où gam-
Nanteuil ([RÉ : 1942] ; 1945) ; les Petites qui lui sied mal (la Meilleure Part, 1956 ; badent nymphes et dieux, plus en quête
du quai aux Fleurs (1944) ; Lunegarde Germinal, 1963) et l’écho de ses anciens de luxure que de spiritualité. L’Autre
(1946) ; Petrus (id.) ; Jusqu’à ce que mort succès (Oasis, 1954, première produc- (Der Andere, 1913), de Max Mack, sur
s’ensuive (Blanche Fury ; GB, 1947) ; tion française en CinémaScope ; la Fille le thème du double, le Golem (1914),
Maria Chapdelaine (1950) ; Blackmailed de Hambourg, 1958). de Paul Wegener et Henrik Galeen*, et
(GB, 1951) ; Avec André Gide (DOC, Films Tobie est un ange (1941) ; les Homunculus (id., 1916), de Otto Rippert*,
1952) ; la Demoiselle et son revenant Deux Timides ([RÉ 1941], 1943) ; la marquent pour longtemps l’ancrage de la
(id.) ; Julietta (1953) ; Eterna femmina production dans la manière expression-
Boîte aux rêves ([RÉ 1943], 1945) ; les
[I Cavalieri dell ‘illusione] et L’amante niste.
Démons de l’aube (1946) ; Dédée d’An-
di Paride (IT, 1955) ; Futures Vedettes vers (1948) ; Une si jolie petite plage « C’est avec ce film que j’ai pénétré
(id.) ; l’Amant de lady Chatterley (id.) ; En (1949) ; Manèges (1950) ; Les miracles plus profondément dans le domaine du
effeuillant la marguerite (1956) ; L’amour n’ont lieu qu’une fois (1951) ; Nez de cinéma pur, déclare Paul Wegener à pro-
est en jeu (1957) ; Sois belle et tais-toi cuir (1952) ; les Sept Péchés capitaux pos du Golem. Tout y dépend de l’image,
(1958) ; Un drôle de dimanche (id.) ; les [la Luxure] (id.) ; la Jeune Folle (id.) ; les d’un certain flou où le monde fantastique
Affreux (1959) ; les Démons de minuit Orgueilleux (1953) ; Mam’zelle Nitouche du passé rejoint le monde du présent. Je
(CO Charles Gérard, 1961) ; les Pari- (1954) ; Oasis (1955) ; la Meilleure Part me rendis compte que la technique de la
siennes (1962) ; l’Abominable Homme (1956) ; Méfiez-vous fillettes (1957) ; photographie allait déterminer la destinée
des douanes (1963) ; le Bal du comte Quand la femme s’en mêle (id.) ; la du cinéma. La lumière, l’obscurité jouent
d’Orgel (1970). Fille de Hambourg (1958) ; l’Ambitieuse au cinéma le rôle que jouent le rythme et
(1959) ; Chien de pique (1961) ; Terreur la cadence en musique. »
ALLÉGRET (Yves), cinéaste français (As- sur la savane [Konga Yo] (DOC, 1962) ; Jusqu’à la fin de la guerre, la produc-
nières-sur-Seine 1905 - Jouarre Pontchar- Germinal (1963) ; Johnny Banco (FR-IT- tion allemande reste dominée par la com-
train 1987). pagnie danoise Nordisk. C’est pour lutter
ALL, 1967) ; l’Invasion (1970) ; Orzowei
Le frère de Marc Allégret est un marginal contre la concurrence étrangère que le
(1975) ; Mords pas on t’aime (1976).
du groupe surréaliste, lié aux trotskistes. gouvernement encourage le regroupe-
Membre du groupe Octobre, avec lequel ALLEMAGNE. ment de l’industrie cinématographique
il effectue la tournée de 1933 à Lenin- La première manifestation du cinéma al- nationale. Cette volonté donnera nais-
grad et à Moscou, longtemps assistant lemand se situe en 1895 au Jardin d’hiver sance à la création, fin 1917, de l’Univer-
(d’Alberto Cavalcanti, de Jean Renoir, de de Berlin, avec le Bioscope des frères sum Film Aktiengesellschaft, autrement
son frère Marc), il dirige des courts mé- Skladanowsky, quelques mois avant la dit : l’UFA*, qui jouera un rôle capital dans
trages et des films publicitaires pendant projection publique des frères Lumière l’histoire de cinéma allemand sous la di-
les années 30. Son premier long métrage à Paris. Jusqu’en 1910, pourtant, l’Alle- rection du producteur Erich Pommer*.
(Tobie est un ange, 1941) est détruit dans magne n’aura pas d’industrie cinéma- Longtemps membre de la troupe de
un incendie. Sa véritable carrière d’auteur tographique. Cinémas ambulants et Max Reinhardt, le Berlinois Ernst Lu-
commence à la Libération. théâtres affichent des films italiens, fran- bitsch* est pourtant moins sensible que
Entre 1945 et 1949, il réalise plusieurs çais et américains auxquels on peut ajou- les autres cinéastes allemands à son
longs métrages (interprétés par Simone ter les premières tentatives nationales influence, humour juif oblige. Madame du
Signoret, qui est alors son épouse et dont de Franz Porten, Kurt Stark ou Oskar Barry (1919), avec Pola Negri*, comme
il a une fille, elle-même actrice sous le Messter*. Parallèlement, des metteurs Anne Boleyn (1920) feront de lui le spé-
nom de Catherine Allégret) qui sont le en scène de théâtre avant-gardiste, tel cialiste de l’Histoire chatoyante et roman-
meilleur de son oeuvre. Il y retrouve le que Max Reinhardt*, manifestent intérêt cée en costumes d’époque. Le premier
réalisme noir de l’avant-guerre, la déses- et curiosité pour le nouvel art balbutiant. connaîtra un triomphe à New York, for-
pérance des ports et des cafés enfumés, À la tête de la firme Projektion-AG Union, çant le blocus établi par les pays vain-
l’implacable pouvoir de l’argent, l’hypocri- Paul Davidson fait appel à l’actrice da- queurs à l’encontre de la production alle-
sie d’une société qui piétine la jeunesse noise Asta Nielsen*, qui deviendra la pre- mande. À la suite de Lubitsch, d’autres
et la beauté. Solidement charpentés par mière star des productions germaniques. réalisateurs se lancent à leur tour dans
le scénariste Jacques Sigurd, ses films Notamment dans Engelein (1913), qu’elle le grand spectacle. C’est le cas tout spé-
sont alors rigoureux, précis dans les tourne sous la direction de son mari, da- cialement de Dimitri Buchowetzki*, dont
détails du décor ou la mise en place des nois lui aussi, Urban Gad*. le Danton (1921), inspiré du drame de
personnages secondaires. Les prémices du cinéma expres- Georg Büchner, manifeste une dramatur-
Ce sont ces qualités mêmes, figées sionniste. Venu du théâtre, l’acteur Paul gie en crescendo jusqu’aux plans ultimes
en poncifs, qui oblitèrent la suite de sa Wegener* réalise en 1913 l’Étudiant de de la montée à l’échafaud. Le cas aussi
production, inégale et généralement dé- Prague, en collaboration avec le metteur de Richard Oswald* dans Lucrèce Borgia
cevante. On a dit de lui avec quelque lé- en scène danois Stellan Rye*. « L’Étu- (1922), d’Arthur von Gerlach* (Vanina,

19
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

id.), ou d’Arzen von Cserépy* (Fridericus nier des hommes (1924) développeront expression de son art : par l’équilibre
Rex, id.). la symbolique de ce visionnaire qui mul- plastique entre décor et tragédie. Metro-
Wiene et Murnau. Mais c’est le Ca- tipliait les angles de prise de vues pour polis (1927), fable apocalyptique dans la
binet du Dr Caligari (1919), de Robert mieux saisir « la réalité submergée par le ville-usine du futur, systématise encore
Wiene*, d’après l’histoire de Carl Meyer rêve ». Après l’accueil triomphal du Der- un peu plus la stylisation géométrique.
et Hans Janowitz, qui va symboliser à nier des hommes aux États-Unis, Murnau Suivront les Espions (1927-28), M le Mau-
lui seul la naissance d’un cinéma allant sera invité par la Fox et partira pour Hol- dit (1931), son premier film parlant, avec
au-delà de la fausse réalité. Film-mani- lywood en 1927. Il y réalisera notamment Peter Lorre*, et le Testament du Dr Ma-
feste de l’expressionnisme, Caligari en l’Aurore (1927), grand chant fluide dans buse (1933). Peu après, Lang choisira
marque aussi les limites : décors styli- lequel il oppose mélodiquement la ville à l’exil (plutôt que d’accepter la direction du
sés, maquillages outranciers des acteurs la campagne, et Tabou (1931), tourné à cinéma allemand que lui offre Goebbels)
(Werner Krauss* dans le rôle du Dr Cali- Tahiti en collaboration avec Robert Fla- et commencera sa carrière américaine.
gari et Conrad Veidt* dans celui du som- herty*, où il invente la fiction documen- Autrichien, comme Fritz Lang, Georg
nambule). taire, mêlant étroitement fantastique et Wilhelm Pabst* a toujours soigné lui aussi
« Ici, écrit Jean Mitry, les décors ne réalisme. ses effets de lumière et de clair-obscur.
stylisent plus. Ils créent un univers discor- Fritz Lang et G. W. Pabst. Marquées Dans la Rue sans joie (1925), tableau
dant qui accuse le déséquilibre mental du par les séquelles de la guerre, les an- de la vie à Vienne pendant l’inflation, il
héros : les rues contrefaites, les maisons nées 20 voient se multiplier déchirements donne ses lettres de noblesse au mélo-
de travers, les ombres et les lumières, sociaux et difficultés économiques. Le drame social et au réalisme de tendance
qui s’opposent en de violentes taches climat d’insécurité et d’inquiétude qui en libertaire. Le film s’attirera les foudres
blanches et noires peintes à même le découle influencera, comme il se doit, de maintes censures de par le monde
décor, participent de la ligne brisée... On l’inspiration des cinéastes. Et Fritz Lang*, et sera largement mutilé. Greta Garbo*
voit quels sont les buts de l’expression- fils d’un architecte viennois, plus que tout devait y trouver son premier grand suc-
nisme : traduire symboliquement, par les autre. Il va en effet mêler son attirance cès à l’écran. De même, dans les Mys-
lignes, les formes ou les volumes, la men- pour le fait divers réaliste et sa concep- tères d’une âme (1926), Loulou (1929)
talité des personnages, leur état d’âme, tion du monde, selon laquelle l’homme ou Journal d’une fille perdue (id.), Pabst
leur intentionnalité aussi, de telle façon n’échappe jamais à son destin. Déjà, témoigne de son intérêt pour la psycha-
que le décor apparaisse comme la tra- en 1919, avec les Araignées, abracada- nalyse et le rêve. Une lourde sensualité,
duction plastique de leur drame. » brante suite d’aventures, se profilait le une inquiétante poésie contribuent à don-
Caligari, au demeurant, restera sans thème du surhomme. Tandis que dans ner à Loulou son intensité dramatique
vraie postérité. Wiene lui-même tentera les Trois Lumières (1921), écrit en colla- incomparable. Inspiré de deux pièces
de prolonger le caligarisme dans ses boration avec son épouse Thea von Har- de l’écrivain Frank Wedekind, le film se
films suivants : Genuine (1920), Raskol- bou*, Lang inscrivait sur l’écran le combat confond désormais avec son interprète,
nikov (1923) et les Mains d’Orlac (1924). allégorique et délirant de l’ombre et de la Louise Brooks*. Le cinéaste retrouve une
Seul, Paul Leni* dans le Cabinet des lumière. tonalité voisine dans l’Opéra de quat’sous
figures de cire (1924), sur un scénario de Avec le Docteur Mabuse (1921-22), (1931), d’après Brecht et Weil, parabole
Henrik Galeen, reprendra la leçon à son Lang met en scène un être maléfique qui provocante sur un air de bastringue qui
compte. Dans Torgus (1920), de Hans règne sur la masse par l’hypnose et la tourne à la fête noire et prophétique.
Kobe, et dans De l’aube à minuit (Von terreur. Écoutons-le : « La toile de fond Dans Quatre de l’infanterie (1930),
Morgens bis Mitternachts, id.) de Karl de ce film était le présent d’alors, les an- son premier film sonore, et dans la Tra-
Heinz Martin, l’expressionnisme devient nées qui suivirent immédiatement la Pre- gédie de la mine (1931), c’est la préoc-
synonyme d’atmosphères oppressantes mière Guerre mondiale. Les hommes de cupation réaliste qui domine une fois
et de stylisations déformantes. Dans le cette époque devaient, pour la première encore, ainsi que le message social et
second Golem (1920), Wegener ressus- fois, affronter une situation qui leur était le pacifisme. « La Tragédie de la mine,
cite le robot d’argile des légendes rab- inconnue : l’inflation. Ce fut une période déclare cependant Pabst, a des ten-
biniques dans les décors de l’architecte d’incertitude, d’hystérie et de corruption dances plus politiques que sociales ; il
Hans Pölzig. Particulièrement féconde, effrénée. Je m’inspirai, consciemment, exalte le rapprochement du peuple fran-
l’année 1921 verra apparaître des d’épisodes réellement survenus en Alle- çais et du peuple allemand ; il démontre
oeuvres aussi essentielles que Nosferatu magne et ailleurs... Au début du film, l’inanité des frontières. Chacun y parle
le Vampire de Friedrich Wilhelm Murnau*, je montrai en des images rapides des sa propre langue et il n’y a qu’une seule
chef-d’oeuvre du réalisme fantastique, et combats de rues et de barricades sem- version pour les deux pays. » Cela mérite
le Rail, de Lupu Pick*, sur un scénario de blables à celles qui se dressèrent dans d’être souligné, car dans la production
Carl Meyer, où tout est dit par l’image et une Allemagne qui avait perdu la guerre... de l’époque dominent les films revan-
l’image seule. Sur cet arrière-plan, j’ai voulu placer le chards exaltant les grandeurs et servi-
C’est Nosferatu (tourné en décors natu- supercriminel, l’homme qui prépare ses tudes du patriotisme, et donc préparant
rels) qui apportera à Murnau la consécra- méfaits quasi scientifiquement avant de le terrain au cinéma national-socialiste.
tion internationale. Beaucoup plus qu’un les exécuter en personne ou de les faire C’est notamment le cas de la Dernière
simple film de terreur, le chef-d’oeuvre exécuter par d’autres avec une précision Compagnie (1930), de Kurt Bernhardt,
du cinéma vampirique, que brandira en mathématique. Il contrôle les membres consacré à un épisode de la campagne
son temps le surréalisme naissant, est de son organisation par la terreur. Le de Prusse de Napoléon, de Montagnes
une épure admirablement mise en scène. Dr Mabuse, qui dit lui-même : « Je suis en flammes (1931) et du Rebelle (1932),
La forme hideuse du comte Orlok, alias la loi », est le criminel parfait, le grand tous les deux de Luis Trenker* (spécia-
Nosferatu (l’acteur Max Schreck), avance montreur de marionnettes. Il est en lutte liste des aventures en haute montagne),
lentement de la profondeur d’un plan ouverte avec les institutions sociales avec la collaboration, pour le premier film,
jusqu’à nous. Le Maître approche et son existantes, il est le grand joueur qui joue de Karl Hartl et, pour le second, de Kurt
souffle glacé annonce une autre peste en Bourse avec l’argent, avec l’amour et Bernhardt. L’action du Rebelle se situe
sur le monde. Par la suite, d’autres films avec le destin des hommes. » au Tyrol, en 1809, alors que d’ardents
de Murnau tels que la Terre qui flambe Dans les Nibelungen (1924), film en patriotes tentent de résister aux troupes
(1922), le Fantôme (id.) et surtout le Der- deux parties, Lang atteint à la plus haute de Napoléon et souhaitent réaliser l’unité

20
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

de l’Allemagne. Par son sujet comme vers de petits artisans tourmentés par les reportage cinématographique une forme
par son style, le film de Trenker (qui sera soucis d’argent, à travers des tragédies artistique et une construction adéquate,
très apprécié du Führer) ouvrira la voie burlesques, dont les plus marquantes se énonce-t-elle dans un texte théorique :
à la future production du cinéma nazi, nomment : les Mystères d’un salon de l’architecture du film, le rythme du mon-
mélange de « sentimentalisme alpestre, coiffure (Mysterien eines Frisiersalons, tage, une utilisation particulière du son et
de nationalisme exacerbé et d’héroïsme 1922), Der Sönderling (1929), Donner, la qualité de la prise de vues. »
légendaire » (Courtade et Cadars). À ce Blitz und Sonnenschein (1936). Plus tard, Leni Riefenstahl tentera de
genre appartient de plein droit la Lumière Cinéma et idéologie nazie. L’année se justifier. « Mon film, dira-t-elle évo-
bleue (1932), de Leni Riefenstahl*, primé 1933 marque l’arrivée de Hitler au pou- quant le Triomphe de la volonté, n’est
à Venise, qui vaudra à l’auteur-interprète voir. Dès lors, la mainmise du parti natio- qu’un document. J’ai montré ce dont tout
de devenir la cinéaste attitrée du nouveau nal-socialiste sur le cinéma va s’exercer le monde alors était témoin ou entendait
régime. tant sur le plan administratif qu’écono- parler. Et tout le monde en était impres-
La révolution du parlant. À partir des mique. Le ministère du Reich à l’Infor- sionné. Je suis celle qui a fixé cette im-
années 30, le cinéma allemand connaît mation et à la Propagande est confié à pression, qui l’a enregistrée sur pellicule.
un net fléchissement qualitatif. Le par- Joseph Goebbels, dont la première tâche Et c’est sans doute à cause de cela qu’on
lant règne désormais sans partage dans sera d’encourager les films « aux ten- m’en veut : pour l’avoir saisie, mise en
les studios berlinois. La vogue des films dances raciales pures ». Le Jeune Hit- boîte... Ce film ne contient aucune scène
musicaux et des opérettes façon UFA se lérien Quex (1933), du Bavarois Hans reconstituée. Tout y est vrai. C’est de
développe : le Chemin du paradis (1930), Steinhoff*, constitue la première oeuvre l’histoire. Un pur film historique... »
de Wilhelm Thiele*, la Guerre des valses de combat du nouveau régime. Au-delà Karl Ritter*, lui, va se faire le spé-
(1933), de Ludwig Berger*... Quelques de son idéologie, le film applique à la fois cialiste des histoires édifiantes de sol-
oeuvres d’exception vont néanmoins af- les leçons du cinéma réaliste allemand dats : Permission sur parole (Urlaub auf
firmer la révolution du parlant. Outre M et du cinéma de propagande soviétique. Ehrenwort, 1937), Pour le mérite (1938),
le Maudit ou l’Opéra de quat’sous déjà Le véritable but du film (selon Courtade Kadetten (1941), ou de la propagande
cités : l’Ange bleu (1930), avec Marlène et Cadars) : « Fanatiser une jeunesse anticommuniste : Guépéou (GPU, 1942).
Dietrich* et Emil Jannings*, d’après le à laquelle on propose un idéal, une vie Cinéaste officiel s’il en fut, Veit Harlan*
roman de Heinrich Mann, permettra à meilleure et, surtout, une responsabilité se fait connaître avec Crépuscule (1937).
Josef von Sternberg*, de retour d’Hol- politique. Combien de jeunes Allemands Mais son oeuvre la plus célèbre reste le
lywood, de développer sa symbolique ont-ils dû prendre comme exemple ce Juif Süss (1940), avec Werner Krauss,
troublante et cruelle à travers les per- Quex qui leur ressemblait tant, et mourir prototype du film antisémite qui connut
sonnages de Lola-Lola et du professeur à leur tour, dix ans plus tard, au nom de un triomphe. « Particulièrement recom-
Unrath. De la même époque, en 1931, il l’Allemagne éternelle ! Pour la première mandé », par la propagande officielle,
convient de citer encore quelques adap- fois dans l’histoire du cinéma, un grand « pour sa valeur politique et artistique »,
tations d’oeuvres littéraires ou théâtrales : film de propagande s’adressait ainsi di- le film eut une première mondiale à Ve-
Sur le pavé de Berlin de Phil Jutzi*, autre rectement à des moins de vingt ans. Par nise en septembre 1940, en présence du
drame des bas-fonds, adapté du livre l’entremise de Baldur von Schirach, le réalisateur et de ses interprètes. Par la
d’Alfred Döblin, Jeunes Filles en uniforme chef des Jeunesses hitlériennes, c’était suite, Veit Harlan, comme Leni Riefen-
de Carl Frölich* et Leontine Sagan*, Au- tout l’appareil du parti et du gouverne- stahl, tentera de se justifier en amoin-
tour d’une enquête, de Robert Siodmak*, ment qui patronnait l’entreprise... » drissant la signification de son film. Avec
et Émile et les détectives, de Gerhardt Steinhoff sera un des plus fidèles le Grand Roi (1942), Harlan entame la
Lamprecht*. Ventres glacés (1932), de propagandistes du IIIe Reich, en même veine d’exaltation du passé germanique
Slatan Dudow*, sur un scénario de Ber- temps qu’un cinéaste authentique, ainsi à travers le portrait de Frédéric II, « grand
tolt Brecht*, modèle quasi unique du qu’en témoigneront les films suivants, précurseur de l’unité allemande, qui, seul
cinéma prolétarien allemand, est une consacrés à la foi inébranlable des grands et sûr de lui, trouve la force de vaincre ».
oeuvre d’agit-prop mise en musique par hommes : la Lutte héroïque (1939) et le Au même genre appartiennent Bis-
Hans Eisler*. « Pour la première fois dans Président Krüger (1941), interprétés tous marck (1940), de Wolfgang Liebenei-
l’histoire du film allemand, note Dudow, les deux par Emil Jannings. La première ner*, Friedrich Schiller (id.), de Herbert
on montrait des ouvriers sur la toile et production UFA projetée sur les écrans de Maisch*, ou Der Höhere Befehl (1935),
on exposait leurs besoins, leurs soucis, l’Allemagne nazie, en présence du nou- de Gerhard Lamprecht.
mais aussi leur combat pour une vie meil- veau chancelier, sera l’Aube (Morgenrot, Drames paysans (Friesennot, 1935,
leure. » 1933), de Gustav Ucicky*, épopée d’un de Peter Hagen), opérettes (Premiere,
Quelques années auparavant, une sous-marin pendant la Première Guerre 1937, de Geza von Bolvary*, avec Zarah
poignée de films expérimentaux ont été mondiale. Le même réalisera par la suite Leander*) et films d’évasion exotique
réalisés en marge de la production cou- le Maître de poste (1940), qui marqua le (Kautschuk, 1938, de Eduard von Bor-
rante de l’UFA et de la Tobis. En parti- début du déferlement des bobines alle- sody*) sont mis eux aussi au service de
culier les oeuvres de Walter Ruttmann* : mandes sur les écrans français. Égérie la propagande. Pabst lui-même, de retour
Berlin, symphonie d’une grande ville du régime, actrice et réalisatrice, Leni dans son pays, tourne deux oeuvres de
(1927), dont le montage met en valeur Riefenstahl va mettre son talent au ser- circonstance : les Comédiens (1941) et
la « musique optique », et la Mélodie vice des grandes célébrations du Reich. Paracelse (1943). Production de pres-
du monde (1929). Mais également les Entre les spectacles qu’elle nous montre tige en Agfacolor réalisée pour le vingt-
ombres chinoises des Aventures du du congrès de Nuremberg (le Triomphe cinquième anniversaire de l’UFA, les
prince Ahmed (1924-1926), de Lotte Rei- de la volonté, 1935) ou des jeux Olym- Aventures fantastiques du baron de Mün-
niger*, voire les recherches picturales de piques de Berlin (les Dieux du stade, chhausen (1943), de Josef von Baky*,
Hans Richter* et de Viking Eggeling* : 1938), et l’idéologie qui les inspire, restera une apothéose sans lendemain.
Rythm 21 (1921-22). Il faut aussi réserver l’adéquation est parfaite. Ici, la mise en L’après-guerre. En 1945, le cinéma
une place à part à Karl Valentin*, qui, de scène sublime le réel en un vaste mou- allemand entre dans le néant. La plupart
1913 à 1941, poursuivit une oeuvre grin- vement symphonique. « Le metteur en des studios et de nombreuses infras-
çante et sarcastique. Metteur en scène, scène a essentiellement quatre choses tructures ont été détruites, les structures
scénariste et interprète, il recrée un uni- à sa disposition pour donner à un simple économiques anéanties. La production

21
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

redémarre en zone d’occupation sovié- a besoin de nouvelles libertés. Liberté à de la chasse aux sorcières. L’Allemagne
tique dès 1946, les autorités militaires l’égard des conventions habituelles de la en automne (Deutschland im Herbst,
ayant favorisé la création de la DEFA profession. Liberté à l’égard de l’influence 1978), film collectif de Kluge, Schlöndorff,
dans les studios de l’ancienne UFA à de l’associé commercial. Libération de la Fassbinder et d’autres, est un témoi-
Postdam-Babelsberg. C’est ainsi que tutelle exercée par les groupes d’intérêts. gnage à chaud sur le climat politique en
Staudte* peut tourner Les assassins sont Nous avons des idées concrètes intellec- RFA en octobre 1977, entre les obsèques
parmi nous, sorti en salles dès novembre tuelles, formelles et économiques en ce de Hans Martin Schleyer et celles de
1946. Staudte, Erich Engel, Gerhard qui concerne la production du nouveau Baader et de ses compagnons. Parmi le
Lamprecht, Slatan Dudow, Kurt Maetzig*, cinéma allemand. Nous sommes prêts à grand nombre d’oeuvres de qualité des
relancent ainsi le cinéma à l’Est, tandis en supporter les risques économiques. années 70, il faut citer d’abord celles de
que les Alliés occidentaux favorisent la Le vieux cinéma est mort. Nous croyons Werner Herzog, cinéaste visionnaire, qui
relance à l’Ouest, notamment avec Erich au nouveau. » traque, de film en film, l’indicible et ses
Pommer*, revenu en Allemagne tout Le déclin économique et artistique de démons nocturnes, à travers des per-
d’abord sous l’uniforme américain. l’industrie cinématographique allemande sonnages en proie au désarroi métaphy-
ne facilitera pourtant pas le renouvelle- sique : Aguirre, la colère de Dieu (1972),
— ALLEMAGNE DE L’OUEST. ment de la profession. Le boom ciné- l’Énigme de Kaspar Hauser (1974), Coeur
Après la constitution de la RFA (Répu- matographique des années 50 a trop de verre (1976), la Ballade de Bruno
blique fédérale allemande), en 1949, longtemps exclu la jeune génération. La (1977), Nosferatu fantôme de la nuit
l’industrie cinématographique redémarre faillite est totale. Il faudra attendre 1965 et (1979) et Woyzeck (id.). « Je me sens
lentement à l’Ouest. Erich Pommer, de la création du Comité du jeune cinéma al- près de Büchner et de Hölderlin, dit-il.
retour en Allemagne, organise l’Inter- lemand pour que les débutants aient une D’une certaine manière, je pense renouer
national Film AG et les studios Bavaria chance de réaliser leur premier long mé- avec la grande culture allemande, rom-
à Munich. D’autres studios sont édifiés trage. La télévision sera pour beaucoup pue par le cataclysme de la guerre... Mes
à Hambourg et Tempelhof. Quelques dans l’émergence d’un cinéma autre. Les personnages appartiennent à la même
oeuvres ici et là échappent à l’insigni- chaînes régionales se mettent à prospec- famille. Ce sont des rebelles désespérés,
fiance. Elles appartiennent à la lignée ter et bientôt à subventionner les talents solitaires. Ils savent leur révolte vouée
des Trümmerfilme (films des ruines) : nouveaux. Gouvernement fédéral puis à l’échec ; pourtant ils continuent sans
le Dernier Pont (1954), et le Général du Länder apportent une maigre contribution, relâche, blessés, de plus en plus seuls,
diable (1955), tous les deux de Helmut relayés par un Office d’encouragement jusqu’à la folie. » Rainer Werner Fass-
Käutner* ; Un homme perdu (1951), de au cinéma. Premiers bénéficiaires : les binder, qui a commencé, lui, à exprimer
Peter Lorre* ; l’Amiral Canaris (1954), frères Schamoni* (Es [Ulrich Schamoni], son exhibitionnisme homosexuel dans
d’Alfred Weidenmann* ; Les SS frappent 1965, et La chasse au renard est fermée des mélodrames kitsch, établit de plus en
la nuit (1957), de Robert Siodmak ; Rose- [Schonzeit für Fuchse, Peter Schamoni], plus avec l’Histoire une relation charnelle
marie (1958), de Rolf Thiele ; les Demi- 1966) ; Volker Schlöndorff* (les Désarrois et sexuelle. Sa fascination-répulsion pour
Sel (1956) et Tötenschiff (1959), de de l’élève Törless, id.) ; Alexander Kluge* le nazisme le mène à une représentation
Georg Tressler, ou encore le Pont (1959), (Anita G., id.) ; Jean-Marie Straub (Chro- allégorique et féminine de l’histoire du
de Bernhard Wicki*... Dans les studios de nique d’Anna-Magdalena Bach, 1967) ; IIIe Reich. « Dans son autoreprésentation,
Munich, Fritz Lang tourne un remake du Peter Fleischmann* (Scènes de chasse dit-il, ce régime a beaucoup de choses à
Tigre du Bengale et du Tombeau hindou en Bavière, 1969) ; Rudolph Thome* (So- voir avec la mise en scène. » Parmi ses
(1958-59). Il achève son cycle mabusien leil rouge, id.) ; Werner Schroeter* (la Mort principaux films : Tous les autres s’ap-
avec le Diabolique Dr Mabuse (1960). de Maria Malibran, 1971) ; Rainer Werner pellent Ali (1973), Effi Briest (1974), le
Retour sans lendemain, au demeurant. Fassbinder* (les Larmes amères de Petra Droit du plus fort (1975), le Rôti de Satan
Le nouveau cinéma allemand. von Kant, 1972) ; Werner Herzog* (Les (1976), Roulette chinoise (id.), Despair
C’est en 1962, lors du festival annuel nains aussi ont commencé petits, 1970) ; (1978), le Mariage de Maria Braun (1979),
d’Oberhausen, que 26 jeunes cinéastes Wim Wenders* (l’Angoisse du gardien de la Troisième Génération (id.), Lili Marleen
publient un manifeste qui peut être but avant le penalty, 1971). Ignorés dans (1980). Wim Wenders, cinéaste des dé-
considéré comme l’acte de naissance leur propre pays et souvent en butte à rives et de l’errance, est sans doute plus
du nouveau cinéma allemand. Il mérite l’incompréhension de leurs compatriotes, que tout autre la conscience d’une géné-
d’être cité : « L’effondrement du cinéma le combat pour l’existence d’un cinéma ration en quête de son identité. Impré-
traditionnel allemand retire enfin sa base national a créé entre eux des liens qui gnés de mythologie américaine, ses per-
économique à une tournure d’esprit que ne gomment nullement leurs différences. sonnages sont en perpétuel déplacement
nous refusons. De ce fait, le nouveau Dans le vide laissé par leurs aînés, ils ont dans une Allemagne où tout rappelle le
cinéma allemand a une chance de vivre. peu à peu forgé les instruments de leur drame du nazisme. « Une Allemagne,
Les courts métrages de jeunes auteurs, survie, créant souvent leurs propres mai- dit-il, où des âmes mortes errent dans
réalisateurs et producteurs ont remporté sons de production. La liberté à l’égard un supermarché. » Il a lui-même produit
au cours de ces dernières années un des pratiques traditionnelles du cinéma et distribué (via la Filmverlag, fondée en
grand nombre de prix dans les festivals commercial, garantie par les subventions 1970) ses premiers films, et notamment
internationaux et ils ont été reconnus par publiques, a rendu possible une multipli- sa fameuse trilogie : Alice dans les villes
la critique internationale. Ces oeuvres cité de sujets et de styles. (1973), Faux Mouvement (1975) et Au fil
et leur succès montrent que l’avenir du Diversité du cinéma allemand des du temps (id.).
cinéma allemand est entre les mains de années 70 et 80. L’Honneur perdu de Palme d’or à Cannes en 1979, le Tam-
ceux qui ont prouvé qu’ils parlaient un Katharina Blum (1975), de Schlöndorff, bour, de Volker Schlöndorff, d’après le
nouveau langage cinématographique. d’après le roman homonyme de Hein- livre de Günther Grass, est à ce jour le
De même que dans d’autres pays, en rich Böll, va prendre figure de symbole. seul film allemand contemporain à avoir
Allemagne aussi le court métrage est Pareillement, le Second Éveil (1977), de dépassé les trois millions de spectateurs
devenu l’école et le champ d’expérimen- Margarethe von Trotta*, Vera Romeyke dans son propre pays. De leur côté, Wer-
tation du long métrage. Nous proclamons n’est plus ici (1976), de Max Willutzki*, ou ner Schroeter et Hans Jürgen Syberberg*
notre volonté de créer le nouveau long le Couteau dans la tête (1978), de Rein- poursuivent une thématique très person-
métrage allemand. Ce nouveau cinéma hard Hauff*... ont montré le mécanisme nelle. Le premier dans des allégories

22
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

sociales et mystiques telles que le Règne (Herbstmilch, 1988), Christian Wagner vra dans la même voie avec deux autres
de Naples (1978) et Palerme ou Wolfs- avec le Dernier chemin de Waller (Wal- réussites : Rotation (1949), critique de
bourg (1980), le second dans des ora- lers letzter Gang, 1988), Uwe Janson l’attentisme de beaucoup d’Allemands
torios historico-métaphysiques : Louis II, avec les Chemins de la survie (Verfolgte sous Hitler, et Pour le roi de Prusse/ le
requiem pour un roi vierge (1972), Karl Wege, 1989). Parallèlement l’école do- Sujet (1951), brillante satire de l’esprit
May (1974) et Hitler, un film d’Allemagne cumentaire allemande s’enrichit chaque prussien d’obéissance passive. Caracté-
(1977). Dans ce dernier film, s’adressant année de travaux remarquables, diffusés ristiques aussi sont Mariage dans l’ombre
à la marionnette Hitler, il s’exprime ainsi : pour l’essentiel à la télévision. (1947), de Kurt Maetzig* et l’Affaire Blum
« Tu as anéanti Berlin et Vienne... Tu La crise du cinéma en Allemagne fé- (1948), d’Erich Engel*, qui s’inspirent
nous a pris les couchers de soleil de Cas- dérale. À la fin des années 80, le cinéma tous deux de faits authentiques pour
par David Friedrich... Tout le reste, tu l’as d’Allemagne fédérale traverse une crise dénoncer l’antisémitisme. Mais la figure
occupé et contaminé. Tout : l’honneur, la qui plonge ses racines dans les rapports la plus importante de cette période est
fidélité, la vie rustique, l’ardeur au travail, avec le public. Les plus gros budgets vont celle de Slatan Dudow*, qui témoigne
le cinéma, la dignité, la patrie... Mes féli- à quelques rares films visant le marché avec force et talent sur l’Allemagne en
citations !... » international (comme ceux de Wolfgang ruines (Notre pain quotidien, 1949) et sur
Bientôt, une deuxième vague de Petersen) et à des oeuvres de compromis la condition de la femme dans la nouvelle
jeunes cinéastes est à l’oeuvre, déve- entre cinéma et téléfilm. Les principaux société (Destins de femmes, 1952).
loppant une inspiration souvent dirigée auteurs n’occupent plus les mêmes posi- Ces quatre pionniers d’une nouvelle
contre l’establishment, ne faisant en cela tions qu’à la fin des années 70. Kluge et cinématographie sont des vétérans du
que suivre l’exemple de leurs prédé- Kotulla tournent rarement et ont été tentés théâtre ou du cinéma. La République
cesseurs immédiats. Parmi les plus ori- par la télévision ; Wenders, un des porte- démocratique allemande est créée en
ginaux : Hans Noever* (la Femme d’en drapeaux de la modernité internationale, octobre 1949, mais la circulation restera
face, 1978), Helma Sanders-Brahms* (Al- tourne plus souvent à l’étranger qu’en libre entre les deux Allemagnes jusqu’en
lemagne, mère blafarde, 1979), Herbert Allemagne, de même que Herzog dont 1961 : des cinéastes de l’Ouest (Gerhard
Achternbusch* (Servus Bayern, 1977 ; le les rapports avec la tradition allemande Lamprecht*, Paul Verhoeven*, Arthur
Jeune Moine, 1978), Robert Van Acke- deviennent schématiques ; d’autres Maria Rabenalt*) viennent tourner à la
ren* (la Pureté du coeur, 1980), Marga- croient trouver le salut dans l’émigration DEFA ; mais d’autres, comme Staudte et
rethe von Trotta (les Soeurs, 1981), Percy ou des projets européens en devenir. Les Engel s’établissent définitivement en Ré-
Adlon* (Céleste, 1984). plus marginaux (Achternbusch, Rosa von publique fédérale. En septembre 1952,
Trop jeunes les uns et les autres pour Praunheim, Ulrike Ottinger) ont des diffi- au plus fort de la guerre froide, une confé-
avoir vécu le nazisme, ils sont cependant cultés croissantes à faire connaître leurs rence des cinéastes convoquée par le
trop vieux pour n’en avoir pas subi le travaux et ne peuvent retrouver l’itinéraire parti communiste (SED) met l’accent sur
traumatisme et pour ne pas traîner der- d’un Schroeter ou d’un van Ackeren. la nécessité d’un engagement politique
rière eux cette espèce de faute originelle C’est aussi le cas des cinéastes militants plus poussé, d’une plus précise attention
qui semble les habiter. D’où une série des années 70. à la forme et aux problèmes du mouve-
de films inaugurée en 1976 par Kotulla ment ouvrier. De ces recommandations
avec La mort est mon métier, et qui trai- — RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE ALLE- naît une vague de films historiques
tera des rapports avec les générations MANDE (Deutsche Demokratische Repu- consacrés aux grands leaders proléta-
précédentes : Mon père (Mein Vater, blik). riens du passé, d’August Bebel et Karl
1982) de Fritz Poppenberg, le Pays des C’est dans la zone soviétique d’occupa- Liebknecht à Ernst Thälmann, ainsi qu’à
pères, le pays des fils (Land der Väter, tion qu’ont été tournés les premiers films la résistance populaire au nazisme (Plus
Land der Söhne, 1989) de Nico Hoff- allemands de l’après-guerre, d’abord fort que la nuit [1954] de Dudow). L’obli-
mann ; de la culpabilité des nazis et des sous la forme d’un journal d’actualités, gation faite aux cinéastes de se confor-
sympathisants : Martha Jellneck (1989) Der Augenzeuge (le Témoin), dès février mer aux principes du réalisme socialiste
de Kai Wessel, À bas les Allemands (Nie- 1946, sous la direction de Kurt Maetzig, conduit à un académisme qui contraste
der mit den Deutschen, 1985) de Dietrich auteur également de deux documentaires avec la vivacité et la diversité de style
Schubert, le Dernier trou (1981) d’Herbert de circonstance : Berlin en reconstruction des films des débuts. Cette évolution est
Achternbusch ; du sort des juifs : David et Unité parti socialiste-parti communiste. parallèle à celle qui se produit alors en
(1979) de Peter Lilienthal, Malou (1981), Cette activité débutante trouve bientôt sa URSS : le nombre des films diminue de
Au pays de mes parents (Im Land meiner forme juridique définitive avec la création, 12 en 1949 à 6 en 1952 et 1953 (avant de
Eltern, 1982) de Jeanine Meerapfel et de le 17 mai 1946, sous le contrôle des auto- remonter à la trentaine dans les années
nombreux autres titres parmi lesquels il rités soviétiques, de la DEFA (Deutsche 60). Les grands sujets idéologiques sont
faut retenir une série de remarquables Film Aktien Gesellschaft), dont les privilégiés.
films destinés aux enfants, dont les En- membres fondateurs allemands, parmi La mort de Staline (1953) va rapide-
fants du n° 67 (Die Kinder aus N° 67, lesquels Maetzig, sont des vétérans de ment nuancer la ligne ainsi établie : un
1979-80) d’Usch Barthelmess-Weller et la production. dégel idéologique et artistique (d’ailleurs
Werner Meyer. Cinéma et propagande. Dès le début, assez bref) est visible aussi bien dans la
Beaucoup de jeunes réalisateurs se on met l’accent sur l’urgence de la déna- thématique que dans l’esthétique. C’est
détournent des voies tracées par les zification des esprits et de la participation ainsi que Gerhard Klein, un nouveau
grands noms du cinéma d’auteur pour à un nouvel ordre social. Ce qu’illustre venu très doué qui mourra prématuré-
se consacrer à la comédie (Doris Dör- fort bien le premier film de fiction produit ment en 1970, réalise deux films qui font
rie, Pia Frankenberg, Christian Rateuke) par la DEFA, Les assassins sont parmi sensation par leur ton néoréaliste sur des
ou aux genres favorisés par la demande nous, de Wolfgang Staudte* (1946), dé- thèmes empruntés à la vie quotidienne :
des chaînes de télévision (policiers par nonciation des complices masqués du Romance berlinoise (Eine Berliner Ro-
exemple). Néanmoins la réussite de Hei- génocide nazi. Ce film remarquable a le manze, 1956) et Carrefour Schönhauser
mat de Reitz a encouragé certains de mérite d’assurer la continuité du cinéma (Berlin - Ecke Schönhauser, 1957) ; Hei-
leurs collègues désireux d’oeuvrer dans allemand en renouant avec une tradition ner Carow, autre débutant prometteur,
le réalisme historique et social : Joseph démocratique, tout en héritant de l’esthé- montre la même liberté de ton et d’allure
Vilsmaier avec le Lait de l’automne tique expressionniste. Staudte poursui- dans Ils l’appelaient Amigo (Sie nannten

23
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

ihn Amigo, 1959) ; c’est aussi l’époque où films résolument neufs, par le thème et régime de la RDA a permis de connaître
sont réalisées quatre coproductions avec le style, comme le Troisième (E. Günther, avec plus de vingt ans de retard une série
la France : les Aventures de Till l’Espiègle 1971) et la Légende de Paul et Paula de films interdits en décembre 1965, et
de Gérard Philipe*, les Sorcières de (Die Legende von Paul und Paula, de réalisés par Frank Beyer*, Kurt Maetzig*,
Salem de Raymond Rouleau*, les Misé- Heiner Carow, 1972) ; c’est à ce moment Jürgen Böttcher, Egon Günther*, Gerhard
rables de Le Chanois* et la Rabouilleuse que se situe la petite révolution suscitée Klein, Hermann Zschoche et quelques
de Daquin*. par la vision critique de Konrad Wolf sur autres, qui étaient en train d’élaborer une
Mais la principale révélation de ces les rapports entre l’art et le pouvoir dans nouvelle forme de réalisme, contempo-
années, c’est Konrad Wolf* avec Lissy son Homme nu sur le stade, et c’est Wolf raine et critique, comme dans certains
(1957), et surtout Étoiles (1959), qui aura encore (et encore d’après un scéna- pays voisins. Les nouvelles conditions
un grand retentissement international : rio de Kohlhaase) qui donnera le film le ont permis en 1990 et 1991 à plusieurs
Wolf va désormais dominer la produc- plus controversé, mais le plus populaire, cinéastes de mener à bien des projets
tion de la RDA de toute la stature d’une de ces dernières années, Solo Sunny irréalisables auparavant. C’est le cas, par
thématique profondément engagée dans (1979), peinture lucide et chaleureuse de exemple, de Herwig Kippig (né en 1948)
la contemporanéité, par exemple avec le la jeune génération à travers le person- avec le Pays derrière l’arc-en-ciel (Das
Ciel partagé (1964), sur les drames indi- nage d’une chanteuse pop. Land hinter dem Regenbogen), un film
viduels engendrés par la construction du Malgré bon nombre de réussites baroque et métaphorique sur la RDA, de
mur de Berlin, et l’Homme nu sur le stade (notamment : la Fiancée de Günter Frank Beyer, avec le Soupçon (Der Ver-
(1974), sur la nécessaire liberté de la Reisch* et Gunther Rücker, 1980 ; Der dacht), d’Egon Günther (passé à l’Ouest
création artistique : avec une conscience Aufenthalt de Frank Beyer, 1982) et en 1978), qui revient à Babelsberg tour-
critique toujours en éveil, ce cinéaste certaines oeuvres de réalisateurs talen- ner Stein, sur l’émigration intérieure en
apparaît comme le père spirituel des tueux comme Roland Gräf, Horst See- 1968, ou de Helmut Dziuba, qui traite
auteurs les plus responsables de la RDA. man, Lothar Warnecke, Joachim Kunert, dans ses films pour enfants des sujets
Cependant, dès 1958, une autre confé- Siegfried Kühn, Rolf Kirsten, Hermann auparavant tabous. Dans les derniers
rence des cinéastes avait marqué la fin Zschoche, Rainer Simon (dont le film la mois d’existence de la RDA, Coming out
du nouveau cours institué timidement Femme et l’Étranger [Die Frau und der (Heiner Carow, 1989), sur l’homosexua-
après la mort de Staline : pendant toutes lité, et le Joueur de piano (Der Tangos-
Fremde] remporte — ex aequo avec
les années 60, la production de fiction Wetherby du britannique David Hare — le pieler, Roland Gräf, 1990) annonçaient
va stagner quelque peu, malgré les dé- Grand Prix du festival de Berlin en 1985), peut-être cette libération.
buts d’autres cinéastes de talent (Frank la production de l’Allemagne de l’Est n’est Les difficultés du cinéma d’auteur.
Beyer*, Egon Günther*) et de deux scé- pas encore parvenue à percer de manière Dans le régime d’économie libérale, et
naristes inspirés (Wolfgang Kohlhaase et significative sur la scène internationale. avec la privatisation de la DEFA, les
Ulrich Plenzdorf), tandis que le documen- Une certaine lourdeur bureaucratique et cinéastes de l’Est qui ont obtenu leur
taire connaît un épanouissement spec- une indiscutable pesanteur idéologique liberté d’auteur sont logés à la même
taculaire grâce à des auteurs qui renou- peuvent expliquer cette trop lente matu- enseigne que leurs collègues de l’Ouest.
vellent le genre en l’ouvrant, avec une ration que ne parviennent pas à accélérer La contrainte économique pèse sur les
grande lucidité dans la problématique, d’estimables réussites comme la Maison projets malgré le maintien des divers
sur la vie quotidienne filmée dans un style au bord du fleuve (Das Haus am Fluss, systèmes (souvent régionaux) de l’aide
proche du cinéma vérité (Karl Gass, Jür- Roland Gräf, 1985) ou le Rendez-vous publique. Certains font des films (et des
gen Böttcher, Gitta Nickel). La rigueur du de Travers (Treffen in Travers, 1989) du téléfilms) selon ces règles nouvelles
contrôle idéologique se traduit par l’inter- débutant Michael Gwisdek. pour eux (Gräf, Beyer, Helke Misselwitz,
diction de plusieurs films, dont les Cher- Siegfried Kuhn, par exemple, ou l’acteur
cheurs de soleil (1958) de Konrad Wolf. — ALLEMAGNE UNIFIÉE. Michael Gwisdek, passé à la réalisation),
Quelques années plus tard, alors même La chute du Mur de Berlin, à la fin de d’autres ne peuvent mener à bien leurs
que prenait forme un cinéma narratif en l’année 1989, c’est-à-dire la fin de la projets. Quant aux cinéastes de l’Ouest,
prise avec les réalités de la société et un RDA et la première étape de l’unifica- ils tentent, depuis le relatif déclin des an-
réalisme proche de ce qu’on pouvait ob- tion, ont eu immédiatement des effets nées 1980, de donner un second souffle
server dans certains pays amis, un diktat sur le cinéma. Ces événements histo- au cinéma d’auteur et n’ont que peu de
politique de décembre 1965 interdit une riques et leurs conséquences (sociales, prise sur le marché (si l’on excepte les
série de films qui venaient d’être tournés culturelles, psychologiques) ont donné auteurs de comédies comme Doris Dör-
ou qui étaient au montage — ou même lieu à une série de remarquables docu- rie et quelques cas particuliers comme
déjà dans les salles comme Traces de mentaires. Leurs auteurs sont d’abord Joseph Vilsmaier*).
pierres de Frank Beyer*. C’est le blocage des cinéastes de l’Est. Andreas Voigt, Une nouvelle génération de jeunes,
d’un courant cinématographique lucide et qui avait filmé auparavant les manifes- nés aux environs de 1960, tend à s’impo-
contemporain, et un coup d’arrêt, parfois tations de l’automne à Leipzig, signe la ser dans les années 1990 : le non-confor-
momentané, à la carrière de plusieurs Dernière Année du Titanic (Letztes Jahr miste Christoph Schlingensief, le rusé et
cinéastes : Frank Beyer, Kurt Maetzig*, Titanic), Petra Tschörner Berlin/Prenz- distant Detlev Buck, Dani Levy et Sönke
Egon Günther*, Gerhard Klein, Jürgen lauer Berg, Jürgen Böttcher* le Mur (Die Wortman dont les premiers films sont
Böttcher*, Hermann Zschoche, Frank Mauer), sur la mort et le démontage du d’originales comédies, Christian Wagner,
Vogel, Günther Stahnke, tous âgés de mur édifié en 1961. On peut citer encore Niko Brücher, Jan Schütte, Mathias Al-
moins de trente-cinq ans (sauf Maetzig). Sybille Schönemann, une collaboratrice lary, Nico Hoffman, Romuald Karmakar
La timide ouverture du cinéma est- de la DEFA emprisonnée en 1984, qui (Der Totmacher, 1995), Peter Lichtefeld
allemand. Il faudra attendre 1971 et le réalise un film-enquête sur les lieux de (Zugvögel, 1998), Didi Danquart (Viehjud
8e congrès du SED pour voir disparaître son procès et de sa détention, le Temps Levi, 1999), Angela Schanelec (Mein
certains interdits : « Il n’y a aucun tabou verrouillé (Verriegelte Zeit, 1990). Des langsames Leben, 2000). Il faut ajouter à
pour les artistes qui se tiennent ferme- cinéastes de l’Ouest participent à ce ce renouvellement constant quelques ci-
ment sur le terrain du socialisme », pro- mouvement : Peter Fleischmann*, Ulrike néastes issus de l’immigration turque, de
clame Erich Honecker, secrétaire du Ottinger*, et d’autres, tous attentifs aux Tewfik Baser à Thomas Arslan. Comme
parti. Dès lors, on voit se multiplier les ratés de l’unification allemande. La fin du c’est le cas en France, les nouveaux ci-

24
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

néastes réalisent un ou deux films à petits ALLEN (Irwin), cinéaste et producteur de Quoi de neuf, Pussycat ? et l’emmène
budgets sans toujours avoir la possibi- américain (New York, N. Y., 1916 - Malibu, en Europe, lui confiant même un petit rôle
lité de s’affirmer dans d’autres films. La Ca., 1991). auprès de Peter Sellers. Il joue ensuite
situation de leurs aînés, à l’exception de Après avoir travaillé dans le journalisme, à le neveu de James Bond dans Casino
réalisateurs comme Schlöndorff ou Wen- la radio et dirigé une agence de publicité, Royale, qu’il remanie aussi. Mais ce doc-
ders, et de ceux qui sont partis travailler il se spécialise au début des années 50 teur pour scénarios a d’autres ambitions :
aux États-Unis (Wolfgang Petersen, Ro- dans des films semi-documentaires sur il écrit une pièce de théâtre, Don’t Drink
land Emmerich, Carl Schenkel, Uli Edel, le monde naturel qu’il dirige et produit : the Water, qui triomphera à Broadway, un
voire Percy Adlon), ne présente aucun Cette mer qui nous entoure (The Sea scénario original et il commence à colla-
caractère d’amélioration depuis les an- Around Us, 1953), l’Histoire de l’humanité borer au New Yorker.
nées 1984-85. Probablement grâce aux (The Story of Mankind, 1957). Dans les Il se fraye un chemin dans le cinéma
aides régionales et à un service public de années 60, il s’oriente vers le film d’aven- par une opération de détournement : il
la télévision très décentralisé, la tradition tures et la science-fiction : le Sous-Marin remonte et commente très librement, en
du documentaire reste très vivante en Al- de l’Apocalypse (Voyage to the Bottom of une sorte de collage, un film chinois en
lemagne, et en constant renouvellement : the Sea, 1961), Cinq Semaines en bal- provenance de Hongkong, s’appropriant
Rolf Schübel*, Harun Farocki*, Hartmuth lon (Five Weeks in a Balloon, 1962). Au le matériau brut et le réinventant : c’est

Bitomsky, Helga Reidemeister, Pepe début des années 70, il produit des films- Lily la Tigresse (What’s Up, Tiger Lily ?,

Danquart et Didi Danquart, Andres Veiel, catastrophes spectaculaires, aux effets 1966), dont il n’a tourné que quelques

Harald Rumpf, Viola Stephan, et les spé- spéciaux très soignés, qui remportent un plans, mais qui déjà participe de son
immense succès populaire : l’Aventure imaginaire. Puis il entreprend de conqué-
cialistes issus de l’ex-RDA comme Volker
du Poséidon (R. Neame, 1972) et la Tour rir la scène avec sa deuxième pièce de
Koepp*, Barbara et Winfried Junge.
infernale (J. Guillermin, 1974). théâtre, Play It Again, Sam, 1969 (histoire
ALLEN (Corey), acteur et cinéaste améri- d’un amoureux timide qui demande des
ALLEN (Lewis), cinéaste américain d’ori- tuyaux au fantôme d’Humphrey Bogart)
cain (Cleveland, Ohio, 1934).
gine britannique (Wellington, Shropshire, et l’écran avec sa première mise en
Après avoir incarné le persécuteur de
1905 - Manchester, 2000). scène, Prends l’oseille et tire-toi (Take
James Dean dans la Fureur de vivre
Acteur de théâtre à Londres, puis à New the Money and Run, id.), commentaire
(N. Ray, 1955), il joue d’autres petites
York, il arrive à Hollywood en 1941 pour burlesque de la délinquance. L’univers de
gouapes au sourire angélique dans Tra-
étudier la technique à la Paramount. Le Woody Allen est déjà défini pratiquement,
quenard (id., 1958), Propriété privée
succès de son premier film, la Falaise il ne lui reste qu’à s’épanouir et à s’appro-
(L. Stevens, 1960), Doux Oiseau de jeu-
mystérieuse (The Uninvited, 1943), le fondir. Il apprend son métier et progresse
nesse (R. Brooks, 1962) et les Liaisons
prédispose aux ambiances tourmen- techniquement de Bananas (1971) à Tout
coupables (G. Cukor, id.), où il séduit
tées, qu’il recrée sans originalité, mais ce que vous avez toujours voulu savoir
Claire Bloom pour le bénéfice de ses
avec compétence et efficacité : l’Invisible sur le sexe sans jamais oser le deman-
amis. Il passe alors à la réalisation : les
Meurtrier (The Unseen, 1945, sur un sujet der (Everything You Always Wanted to
Exploits érotiques de Pinocchio (Pinoc-
de Raymond Chandler), Une âme perdue Know About Sex but Were Afraid to Ask,
chio, 1971), Un cocktail explosif (Thun-
(So Evil My Love, 1948). Il s’oriente en- 1972) et Woody et les Robots (Sleeper,
der and Lightning, 1977), Avalanche (id.,
suite vers les films de gangsters : Un pru- 1973), passant du pamphlet politique au
1978).
neau pour Joe (A Bullet for Joey, 1955), fantasme sexuel outrancier jusqu’à la
pour enfin, depuis 1960, se consacrer à science-fiction parodique. Il évolue aussi
ALLEN (Dorothea Carothers Allen, dite
la TV. de la direction bâclée et de l’image incer-
Dede), monteuse américaine (Cleveland,
taine jusqu’à une plastique dominée, une
Ohio, 1923).
ALLEN (Allen Stewart Konigsberg, dit meilleure direction d’acteurs, un niveau
Elle commence comme grouillot à la Co- Woody), comédien, auteur et cinéaste supérieur du scénario. Lorsqu’il vient à
lumbia puis travaille sur le montage-son
américain (New York, N. Y., 1935). Paris tourner Guerre et Amour (Love and
avant de devenir assistante monteuse. C’est le comique majeur des vingt der- Death, 1975), qui reste l’un de ses films
C’est Robert Wise qui lui donne son pre- nières années. Ayant dépassé le statut préférés, il est déjà devenu maître de son
mier emploi de chef monteuse sur le Coup d’amuseur numéro un, il accédera petit langage et de ses ambitions. Love and
de l’escalier (1959). Considérée comme à petit au panthéon des auteurs philo- Death, comédie sur la peur de la mort,
l’une des monteuses les plus créatrices sophes les plus originaux de son époque. révèle des soucis métaphysiques et intel-
du cinéma américain, elle travaille surtout lectuels qui anticipent sur ce qui sera sa
Cet autodidacte de quartier devient
avec des cinéastes résidant à New York trilogie autobiographique.
vite un intellectuel néophyte et apprend
et joue un rôle important en collaborant à monnayer ses gags (50 par semaine Annie Hall (1977) ouvre la chronique
à des oeuvres au montage très élaboré. pour 100 dollars), qui lui permettent de d’un écrivain de Manhattan et le carnet
La forme finale des films d’Arthur Penn, s’inscrire à l’université, puis au collège intime de Woody, récapitulant sa liaison
qui tourne une grande quantité de pel- de New York, dont il se fait exclure très adulte, cathartique, avec Diane Keaton
licule, lui doit en particulier beaucoup promptement. À dix-neuf ans, il vend ses (qui partagea sa vie au sortir de son di-
depuis Bonnie and Clyde (1967). Elle a gags à NBC, se marie et entre en ana- vorce amical avec sa seconde épouse,
aussi monté des films de Rossen (l’Arna- lyse. Son don inné pour la rédaction des Louise Lasser). Woody s’exprime ici sur
queur, 1961), Kazan (America America, one-liners (plaisanteries en une seule tous les sujets, et assume enfin pleine-
1963), Paul Newman (Rachel, Rachel, ligne) lui fait gagner jusqu’à 1 500 dollars ment cette personnalité d’homme équi-
1968 ; l’Affrontement, 1984), Roy Hill par semaine ; il écrit des sketches pour libré, capable de plaire aux femmes et
(Abattoir 5, 1972), Lumet (Serpico, 1973 ; le Show of Shows de Sid Caesar, que de conduire une morale libératrice, non
Un après-midi de chien, 1975), Warren rédigent aussi Mel Brooks, Neil Simon machiste, face aux ambiguïtés de son
Beatty (Reds, CO Craig McKay, 1981), et Carl Reiner. Devenu soliste de caba- métier, le show-business, intégrant har-
James Bridges (Mike’s Murder, CO Jeff ret, il se produit dans les universités, à la monieusement son passé à son avenir.
Gourson, 1984), Robert Redford (Mila- télévision et en tournée. En 1964, le pro- Après une expérience transitoire, celle
gro, CO Jim Miller, 1988), Juste Cause ducteur Charles Feldman le voit au Blue d’Intérieurs (Interiors, 1978), film entiè-
(Arne Glimcher, 1995). Angel, lui demande de récrire le scénario rement tragique où Allen, cédant à son

25
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

admiration pour Ingmar Bergman, renon- délits (Crimes and Misdemeanors), en (id., 1971) ; Tout ce que vous avez tou-
çait momentanément à toute comédie, il 1990 Alice où Mia Farrow tient (pour la jours voulu savoir sur le sexe sans ja-
prolonge son auto-examen dans Manhat- troisième fois sous sa direction) un rôle mais oser le demander (Everything You
tan (1979), hommage qu’il rend à sa ville majeur et en 1991 Ombres et brouillard Always Wanted to Know About Sex but
favorite, hors de laquelle il ne peut vivre. (Shadows and Fog). Ces trois derniers Were Afraid to Ask, 1972) ; Woody et les

Stardust Memories (1980) est un nou- films témoignent d’une inspiration qui ne robots (Sleeper, 1973) ; Guerre et amour
cesse de se renouveler et de s’élargir. (Love and Death, 1975) ; Annie Hall (id.,
vel acte d’indépendance de Woody, pro-
Crimes et délits, sans doute l’expérience 1977) ; Intérieurs (Interiors, 1978) ; Man-
pos fortement individualisé d’un humo-
la plus aboutie, assombrit la légèreté de hattan (id., 1979) ; Stardust Memories
riste qui découvre les limites de l’humour
dans une vie moyennement engagée. Allen dans une intrigue aux fils multiples (id., 1980) ; Comédie érotique d’une nuit

Woody Allen change définitivement l’ap- dont l’un, fait nouveau, est criminel. Alice d’été (Midsummer Night’s Sex Comedy,

préciation qu’on avait avant lui de l’acteur a recours au merveilleux (une exquise 1982) ; Zelig (id., 1983) ; Broadway Danny
séquence de lévitation) et à la conscience Rose (id., 1984) ; la Rose pourpre du
comique présumé innocent, sexuelle-
humanitaire (le visage obsédant d’une fil- Caire (The Purple Rose of Cairo, 1985) ;
ment inadéquat, tout comme il prétend
lette indienne, aveugle et souriante, clôt Hannah et ses soeurs (Hannah and Her
percer à jour les raisons profondes du
le film). Ombres et brouillard évite moins Sisters, 1986) ; Radio Days (id., 1987) ;
comique, ses limites morales, sa fonction
bien la référence culturelle malgré une September (id., id.) ; Une autre femme
thérapeutique et son niveau libérateur.
recréation plastique saisissante de l’uni- (Another Woman, 1988) ; New York Sto-
En 1982, dans un divertissement berg-
vers noir et blanc de l’expressionnisme. ries (épisode : OEdipus Wrecks, 1989) ;
mano-shakespearien, Comédie érotique
Maris et femmes (Husbands and Wides, Crimes et délits (Crimes and Misdemea-
d’une nuit d’été (Midsummer Night’s Sex
1992) revient à une intrigue conjugale et nors, id.) ; Alice (id., 1990) ; Ombres et
Comedy), il replace son univers dans les
new-yorkaise, dans un style faussement brouillard (Shadows and Fog, 1991) ;
vents coulis de ces étés luxuriants où la
brouillon qui emprunte à la défunte nou- Maris et femmes (Husbands and Wives,
magie hante de nuit les frondaisons, ridi-
velle vague. Mais l’intérêt du film dépasse 1992) ; Meurtre mystérieux à Manhat-
culisant les humains au travers de leurs
largement ce sympathique pastiche : il tan (Manhattan Murder Mystery, 1993) ;
vertiges. En professeur pédant, José Fer-
s’agit d’une des réussites les plus mor- Coups de feu sur Broadway (Bullets
rer joue le rôle de ces raseurs tournebou-
dantes, peut-être les plus douloureuses, Over Broadway, 1994) ; Don’t Drink the
lés qu’incarnait chez Bergman un Gunnar
d’Allen dans le terrain de l’introspection. Water (TV 1995) ; Maudite Aphrodite
Bjornstrand, et Woody celui d’un Merlin
Le cinéaste, au sommet de ses moyens, (Mighty Aphrodite, id.) ; Tout le monde
bricoleur mâtiné de savant excentrique,
s’y affirme comme un directeur d’acteurs dit “I Love You” (Everyone Says “I Love
dont les gadgets capricieux jouent parfois
de haute volée : Sydney Pollack et Judy You”, 1996) ; Harry dans tous ses états
avec la voyance. Zelig (1983), qui reçoit
Davis y campent un inoubliable, drôle et (Deconstructing Harry, 1997) ; Celebrity
un accueil triomphal, est une réflexion sur
touchant, couple quadragénaire à la dé- (1998) ; Accords et désaccords (Sweet
le cinéma, un conte borgésien où Woody
rive. Ce film, que certains ont reçu comme and loowdown, 1999) ; Escrocs mais pas
Allen invente de toutes pièces un person-
un psychodrame, voit également la fin trop (Small Time Crooks, 2000) ; Curse of
nage historique imaginaire et s’amuse à
de la collaboration, tant artistique que the Jade Scorpion (2001).
parodier les médias de l’avant-guerre,
sur un canevas digne d’un canular piran- conjugale, avec Mia Farrow. C’est Diane
ALLGEIER (Sepp), chef opérateur alle-
dellien, mêlant l’ubiquité à la psychana- Keaton qui la remplace dans Meurtre
mand (Fribourg-en-Brisgau 1895 - Ebnet
lyse et à l’amour triomphant. Broadway mystérieux à Manhattan (Manhattan Mur-
1968).
Danny Rose (1984) marque un retour à der Mystery 1993) : Allen semble vouloir
Tôt spécialisé (son nom apparaît au gé-
l’esprit comique de ses premiers films. retrouver alors ses qualités d’« entertai-
nérique d’un film sur le ski dès 1913), il
Allen y campe un personnage d’impre- ner » et signe une comédie policière qui
travaille sous la direction d’Arnold Fanck
sario miteux impliqué dans le monde des est sans doute sa plus grande réussite
à partir de 1920 (Das Wunder des Sch-
gangsters. purement comique depuis longtemps.
neeschuhs). Il fait partie de la fameuse
La comédie est également mordante et
D’une activité intense, il signe en 1985 école Fanck, avec notamment Angst,
dévastatrice dans l’éblouissant Coups de
la Rose pourpre du Caire (The Purple Benitz et Schneeberger, et collabore à
feu sur Broadway (Bullets over Broadway
Rose of Cairo) où en décrivant la passion onze films du pionnier du film de mon-
1994) : ce mélange inattendu de film de
amoureuse d’une serveuse de bar pour tagne, dont la Montagne sacrée (1926),
gangsters et de pochade broadwayenne
un personnage de l’écran (et l’acteur qui Tempête sur le Mont-Blanc (1930) et Un
se charge en plus d’une réflexion grave
interprète le rôle) il mélange avec habi- Robinson (1940). Il travaille également
et souvent amère sur la créativité et l’in-
leté l’onirique et le réel. Dans la lignée avec Luis Trenker dans les années 30.
tégrité artistique. Woody Allen apparaît
d’Intérieurs, on retrouve une parenté Sous les nazis, il est fréquemment solli-
maintenant comme un cinéaste majeur
bergmanienne, voire tchékhovienne dans cité pour des films de guerre se déroulant
Hannah et ses soeurs (Hannah and her qui allie une pensée profonde et origi-
dans un cadre montagneux, et il participe
Sisters, 1986) une chaleureuse saga nale à une forme d’une rare élégance.
à plusieurs oeuvres de propagande. Il est
familiale, September (id., 1987) un huis- Certains lui ont cependant reproché de
célèbre pour sa collaboration au Triomphe
revenir à un comique plus superficiel et
clos à six personnages à la recherche de la volonté (L. Riefenstahl, 1935), où il
traditionnel avec Escrocs mais pas trop
d’eux-mêmes et des autres, Une autre dirige dix-huit opérateurs et vingt assis-
(Small Time Crooks, 2000) qui lui a per-
femme (Another Woman, 1988) une tants. Après la guerre, il se consacre au
satire douce- amère de la psychanalyse. mis de renouer avec la faveur du public
documentaire et à la télévision, ne colla-
Entre deux oeuvres d’une souriante gra- américain.
borant qu’à un film de fiction : Grenzsta-
vité, Woody Allen tourne des films plus Woody Allen a joué également comme tion 58 (Harry Hasso, 1951).
légers comme Radio Days (id., 1987) où acteur dans Tombe les filles et tais-toi
il accumule une suite de saynètes em- (H. Ross, 1972), tiré de sa propre pièce ALLGOOD (Sara), actrice britannique
buées de nostalgie « rétro » ou comme Play It Again, Sam, le Prête-Nom (M. Ritt, (Dublin, Irlande, 1883 - Los Angeles, Ca.,
OEdipus Wrecks l’un des épisodes de New 1976) et Scènes de ménage dans un 1950).
York Stories (id., 1989, les deux autres centre commercial (P. Mazursky, 1990). À la scène, Sara Allgood créa le très
épisodes étant réalisés par Scorsese et Films Prends l’oseille et tire-toi (Take grand rôle de Junon et le paon de Sean
Coppola). En 1989, il réalise Crimes et the Money and Run, 1969) ; Bananas O’Casey, entourée de la troupe du pres-

26
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

tigieux Abbey Theatre irlandais qu’elle et les acteurs principaux de la chronique, notamment dans Du burlesque à l’opéra
avait intégré en 1904. Elle reprit son rôle par souci d’authenticité et pour briser les (H. Koster, 1946) et Vive l’amour
dans la version cinématographique, Juno codes du spectacle. Malheureusement, (Ch. Walters, 1947). La MGM, qui dé-
and the Peacock, curieusement confiée à le traitement cinématographique n’est termine sa carrière, fait d’elle l’une des
Hitchcock (1930). C’est sous la direction pas toujours au niveau des ambitions vedettes les plus populaires aux États-
de celui-ci qu’elle avait débuté à l’écran affichées ; les films d’Allio souffrent d’une Unis dans les années 50. L’allègre ingé-
l’année précédente, dans le rôle de la sécheresse qui trahit la difficulté du pas- nue se change en fille sage (les Quatre
mère de l’héroïne criminelle de Chantage sage de l’interrogation sur le langage à un Filles du docteur March, M. LeRoy, 1949)
(un film australien dans lequel elle joua langage différent. ou en femme honnête mais charmante
en 1918, Just Peggy, reste très obscur). Après 1976, René Allio prend l’initia- (les Trois Mousquetaires, G. Sidney,
Elle gagna les États-Unis au début de la 1948), voire piquante (Drôle de meurtre,
tive de décentraliser son activité dans la
Seconde Guerre mondiale et s’y affirma région marseillaise, où il fonde un atelier D. Weis, 1953). Dans le drame, inébran-
une admirable actrice de composition. de production. Le film Retour à Marseille lable compagne d’un homme éprouvé (le
Son grand rôle fut celui de la mère inépui- (1980) illustre ce repli sur la province qui Cirque infernal, R. Brooks, 1953 ; la Tour
sable et courageuse de Qu’elle était verte des ambitieux, R. Wise, 1954), elle sou-
est aussi redécouverte d’un cinéma po-
ma vallée (1941, J. Ford). Mais on ne tient le courage de James Stewart dans
pulaire, simplement narratif et fondé sur
saurait oublier la gardienne de prison peu Un homme change son destin (S. Wood,
le métier de comédiens professionnels.
commode du très drôle Roxie Hart (1942, 1949) et deux films d’Anthony Mann,
Films : la Meule (CM, 1963) ; la Vieille
W. Wellman), la logeuse bienveillante Romance inachevée (1954) et Strategic
Dame indigne (1965) ; l’Une et l’Autre
mais soupçonneuse de Jack l’éventreur Air Command (1955). Du film de J. Ne-
(1967) ; Pierre et Paul (1969) ; les Cami-
(1944, J. Brahm), la gouvernante ami- gulesco, Les femmes mènent le monde
sards (1972) ; Rude Journée pour la reine
donnée de la Folle Ingénue (1946, E. Lu- (1954) aux Amants de Salzbourg (D. Sirk,
(1973) ; Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé
bitsch) et de nombreuses figures de do- 1957), son exemplaire abnégation ne se
ma mère, ma soeur et mon frère... (1976) ;
mestique stylée mais maternelle qu’elle dément pas. Après Stranger in My Arms
Retour à Marseille (1980) ; l’Heure ex-
a estampillées de sa silhouette rebondie (H. Käutner, 1959), elle ne fera guère
quise (MM, 1981) ; le Matelot 512 (1985) ;
qui est devenue si familière. qu’un bref retour à l’écran (They Only Kill
Portrait de Jean Vilar (TV, 1987) ; Un
Their Masters, James Goldstone, 1972 ;
ALLIBERT (Jean-Louis), acteur français médecin des lumières (TV, 1988) ; Transit
New York ne répond plus [New York
(Paris 1897 - id. 1980). (1991) ; Marseille, ou la vieille ville indigne
Blackout], Eddy Matalon, CAN-FR-GB,
Dès 1922, il joue à l’Atelier. L’année sui- (1994). 1978). Sa vivacité dans la comédie, son
vante, il apparaît sur les écrans : Paris aisance, la spontanéité de son sourire et
ALLOUACHE (Merzaq), cinéaste algérien
(R. Hervil, 1924), le Juif errant (Luitz- la gentillesse de sa voix lui permettent
Morat, 1926). Il silhouette avec esprit le (Alger [auj. al-Djaza’ir] 1944).
de composer une figure résolue et ver-
Diplômé de l’IDHEC en 1967, stagiaire à
copain envieux du Million (R. Clair, 1931) tueuse, mais malicieuse et sympathique.
et devient l’Aramis des Trois Mousque- l’ORTF, chargé ensuite d’une campagne

taires (H. Diamant-Berger, 1932). Guitry de ciné-bus au moment de la révolution ALMEIDA (Acácio de), chef opérateur por-
l’emploie à diverses reprises, ainsi que agraire (1971-72). Il tourne Omar Gat- tugais (Souto [Beira Alta] 1938).
lato (id., 1976), scènes quotidiennes d’un
Lacombe dans Jeunesse (1934), et Re- Il est en 1964 l’assistant de Jean Rabier
noir l’enrôle dans la Marseillaise (1938). jeune Algérien comme les autres, puis les sur les Îles enchantées de Carlos Vilar-
Comédien d’une finesse extrême et d’une Aventures d’un héros (id., 1978), sur un debó puis travaille avec João Moreira,
grande discrétion, il poursuit sa carrière mode ludique. Mais l’Homme qui regar- Elso Roque, Augusto Cabrita. Il signe
jusqu’en 1977, où on l’aperçoit dans le dait les fenêtres (al-Rajul al-ladhi yanzuru sa première prestation comme directeur
Passé simple de Michel Drach. ila al-nafidha, 1982) est le portrait presque de la photographie en 1967 (Sete Balas
strindbergien d’un bibliothécaire devenu para Selma d’Antonio de Maredo) et
ALLIO (René), cinéaste français (Marseille fou. En 1988, il réalise Un amour à Paris devient au cours des années 70 et 80 le
1924 - Paris 1995). et, après les émeutes qui ont lieu en Algé- plus grand magicien (avec Elso Roque)
Peintre de formation, puis décorateur rie cette même année, tourne en vidéo de la lumière portugais. Il a travaillé no-
de théâtre, il est associé comme scé- un film au titre évocateur, l’Après-octobre tamment avec António Da Cunha Telles
nographe au travail de Roger Planchon (1989). En 1994, il signe Bab el Oued City (O Cerco, 1969 ; Pandora, 1993), João
au Théâtre de la Cité à Villeurbanne à qui évoque avec brio la situation troublée Cesar Monteiro (Qui court après les sou-
partir de 1957. Il aborde le cinéma en de l’Algérie au début des années 90 et liers d’un mort meurt nu-pieds, 1970 ;
1959 avec un film d’animation qu’il des- en 1996 Salut cousin. En 1998, il tourne Chemins de traverse, 1977 ; Silvestre,
sine pour la représentation scénique des Alger-Beyrouth, pour mémoire, histoire 1981 ; A Flor do Mar, 1986), Manoel de
Âmes mortes de Gogol, puis réalise un d’une Française qui, de retour à Beyrouth Oliveira (le Passé et le Présent, 1971),
court métrage en 1963. qu’elle avait quittée en 1975 au début de Alberto Seixas Santos (Brandos Cos-
La pratique d’Allio est fondée sur un la guerre civile, rencontre Rachid, un jour- tumes, 1974 ; Mal, 1999), Antonio Reis
rare respect du cinéma, qui l’amène naliste algérien. Merzaq Allouache est et Margarida Cordeiro (Tras-os-Montes,
à sans cesse théoriser sa propre dé- aussi réalisateur de documentaires dont : 1975 ; Ana, 1982 CO E. Roque ; Désert
marche. Ses trois premiers films pro- l’Après Octobre (Doc, 1988) ; la Voix du rose, 1988), Rui Simões (Deus, Pátria,
cèdent d’une réflexion sur le réalisme à ramadan (Doc, 1991) ; Jours tranquilles Autoridado, 1975), António Campos
partir des thèses de Bertolt Brecht (dont en Kabylie (1994). (Histoires sauvages, 1978 ; Terra Fria,
il adapte la nouvelle la Vieille Dame 1992), Paulo Rocha (l’Île des amours,
indigne). Après 1968, il tente d’intégrer ALLYSON (Ella Geisman, dite June), actrice CO E. Roque et K. Okasaki, 1982), João
l’histoire à une approche de plus en plus américaine (Bronx, N. Y., 1917). Botelho (Conversa ácabada, 1981 ; Un
politique du réel, au nom de la reconquête Modeste comédienne à Broadway, elle adieu portugais, 1985), Raul Ruiz (le
de la mémoire populaire et d’un retour à est engagée par Arthur Freed avec plu- Territoire, id. ; la Ville des pirates, 1983 ;
la région opposé au centralisme de l’État. sieurs acteurs de Best Foot Forward, l’Île au trésor, 1985 ; Combat d’amour en
Moi, Pierre Rivière..., en 1976, participe pour le film qu’en tirera Edward Buz- songe, 2000), Alain Tanner (Dans la ville
encore de cette démarche et y ajoute la zell (1943). Débutant dans Girl Crazy blanche, 1982 ; Une flamme dans mon
volonté de recruter sur place les figurants (N. Taurog, 1943), elle chante et danse coeur, 1987), Christine Laurent (Vertiges,

27
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

1984), Jacques Rozier (Maine-Océan, escucha, CO Jorge Ulla, 1988). À titre ALONZO (John A.), chef opérateur améri-
id.), Jose Fonseca e Costa (Ballade de la posthume paraît un recueil d’écrits, Cine- cain (Dallas, Tex., 1934).
plage des chiens, 1986), Jorge Silva Melo mania (1992), préfacé par Scorsese. C’est l’un des chefs opérateurs les plus
(Agosto, id.), Fiorella Infascelli (La Mas- représentatifs des années 70 et 80. On a
chera, 1988), Marion Hänsel (Maestro, ALMIRANTE MANZINI (Italia), actrice ita- beaucoup vanté et imité la manière dont
1989), Nadine Trintignant (Fugueuses, lienne (Tarente 1890 - São Paulo, Brésil, il a recréé le style photographique des
1995), Teresa Villaverde (Os mutantes, 1941). années 40 à l’aide de couleurs raffinées
1998), Valeria Sarmiento (l’Inconnu de Après des débuts au théâtre, elle appa- dans Chinatown (R. Polanski, 1974) et
Strasbourg, 1998), Mario Camus (La ciu- raît à l’écran en 1911 dans Gerusa- dans Adieu ma jolie (D. Richards, 1975).
dad de los prodigios, 1999). lemme liberata, de Guazzoni. La noto- Mais en fait son style est très varié et
riété lui vient dès 1914 grâce au rôle de
s’adapte facilement à celui du film ou du
ALMENDROS (Nestor), chef opérateur Sophonisbe dans Cabiria, de Pastrone. réalisateur. Avec Martin Ritt, il a créé un
français d’origine espagnole (Barcelone, Actrice aux allures nobles et au port de ton élégiaque et sans ostentation, faisant
Catalogne, 1930 - New-York, 1992). tête majestueux, elle est le prototype de
grand usage des extérieurs (Sounder,
Il découvre le cinéma au ciné-club de Bar- l’héroïne dannunzienne, de la femme
1972 ; Conrack, 1974 ; Norma Rae, 1979 ;
celone et rejoint en 1948 son père exilé à partagée entre la tentation et le renon-
Cross Creek, 1983). Mais on lui doit aussi
La Havane. Il y étudie les lettres et la phi- cement sublime, entre l’artifice des ap-
des pastels délicats (Harold et Maude,
losophie et réalise quelques films d’ama- parences et la violence souterraine des
H. Ashby, 1971), des éclats baroques
teur, dont Una confusión cotidiana (1949) passions. Il poeta e la donna, Sul limite
aux couleurs saturées (Scarface, B. De
avec Thomas Gutiérrez Alea. Il suit les della follia, Amazzone macabra, La figlia
Palma, 1984) ou un hyperréalisme tran-
cours de Hans Richter à New York, puis della tempesta, Voluttà di morte (tous de
chant (Point limite zéro, R. Sarafian,
ceux du Centro Sperimentale, à Rome en 1916), Maternità (1917), Ironia della vita
1971). Ensuite, son style est devenu plus
1956. De retour à New York, il y réalise (id.) sont autant de films qui expriment
anonyme (Potins de femmes, H. Ross,
58-59 (1959), avant de regagner Cuba le goût décadent et mélodramatique de
1989), même s’il reste de temps à autre
après la chute de Batista pour y réali- l’époque. En 1918, elle interprète son film
capable d’un projet original (la froideur de
ser ou éclairer une vingtaine de courts le plus célèbre, Femina, de Genina, dans
Affaires privées, Mike Figgis, 1990).
métrages documentaires. Il s’exile à nou- lequel elle incarne une femme fatale qui
veau en 1961 et s’installe en France, où détruit l’inspiration d’un jeune sculpteur.
ALOV (Aleksandr) [Aleksandr
son film Gente en la playa (1961), interdit En 1919, elle fonde sa propre maison
Aleksandrovi Alov], cinéaste soviétique
par la bureaucratie cubaine, lui permet de production, la Manzini Film, mais les
(Kharkov, Ukraine, 1923 - Riga 1983).
de se lier avec les réalisateurs de la Nou- oeuvres réalisées n’atteignent pas le suc-
Élève de l’Institut national de cinéma
velle Vague. Il va s’imposer comme l’un cès des films précédents. Après quelques
de Moscou (VGIK) dans la classe d’Igor
des chefs opérateurs les plus doués de titres de moindre intérêt comme Hedda
Savtchenko, il est assistant de ce réalisa-
sa génération par les succès de la Col- Gabler (1919) de Pastrone, L’orizzon-
teur pour Tarass Chevtchenko (1951) et,
lectionneuse (É. Rohmer, 1967) et More tale (id.) de Righelli, La statua di carne
après la mort de celui-ci (1950), termine
(B. Schröder, 1969). Sa carrière se par- (1921) et L’arzigogolo (1924) de Mario
le film en compagnie de son camarade
tage depuis entre la France, où il dirige Almirante, elle abandonne le cinéma en
d’études Vladimir Naoumov, avec lequel
la photographie des films de Rohmer, 1926. Émigrée au Brésil, elle connaît
il fera constamment équipe par la suite.
Schröder ou Truffaut (l’Enfant sauvage, jusqu’à sa mort un certain succès sur les
Leur première réalisation commune,
1970), et les États-Unis, où il a obtenu scènes brésiliennes.
aux studios de Kiev, Jeunesse inquiète
de grands succès avec les Moissons du
(’Trevožnaja molodost ‘, 1954), est une
ciel (T. Malick, 1978), film pour lequel il ALMODÓVAR (Pedro), cinéaste espagnol
oeuvre typique du dégel consécutif à la
a reçu l’Oscar, ou Kramer contre Kramer (Calzada de Calatrava, Mancha, 1949).
mort de Staline, dans la mesure où elle
(R. Benton, 1979). C’est par excellence Il pratique divers métiers tout en écrivant
des récits qu’il tourne lui-même en Super- remet en question les clichés optimistes
l’homme des tournages en extérieurs
8. L’un de ses premiers longs métrages, du réalisme socialiste. Pavel Kortcha-
réels : il sait tirer le meilleur parti des
le Labyrinthe des passions (Laberinto de guine (Pavel Koragin, 1956), d’après le
éclairages naturels, et son exigence plas-
tique ne sacrifie jamais l’authenticité de la pasiones 1982), donne la clé de ses films roman de Nicolas Ostrovski Et l’acier fut

lumière. Son travail en studio pour Perce- à venir, mélodrames insolites et convul- trempé, déjà adapté par Donskoï, est une

val le Gallois (Rohmer, 1979) est moins sifs où il met la provocation et l’humour puissante fresque épique sur la guerre

convaincant, et l’on peut préférer les noir au service de la pathologie des sen- civile où l’on peut déceler l’influence

superbes images inspirées des peintres timents : Dans les ténèbres (Entre tinie- de Savtchenko. Après ces brillantes

du XVIIIe siècle dans la Marquise d’O blas, 1983), Qu’est-ce que j’ai fait pour démonstrations de dynamisme juvénile,
(id., 1976) ou les glauques profondeurs mériter ça ! (¿ Que he hecho yo para on note dans le Vent (Veter, 1959) une

de la Chambre verte (F. Truffaut, 1978). merecer esto ?, 1984), Matador (1986), sensible évolution vers une recherche

Très actif, il signe ensuite les prises de son chef-d’oeuvre, la Loi du désir (La ley plastique, où le combat difficile des pre-
vues des films suivants : le Dernier métro del deseo, id.). Après un détour par la miers komsomols se trouve transfiguré
(Truffaut, 1980), le Choix de Sophie (A. comédie sophistiquée : Femmes au bord en poème visuel par le raffinement des
Pakula, 1982), Pauline à la plage (Roh- de la crise de nerfs (Mujeres al borde de images. Cette tendance au formalisme de
mer, id.), Vivement dimanche (Truffaut, un ataque de nervios, 1988), il est revenu la nouvelle vague soviétique (qui va écla-
1983), les Saisons du coeur (Benton, à son inspiration première dans Attache- ter au grand jour dans le premier film de
1984), la Brûlure (M. Nichols, 1985), Billy moi ! (Atame !, 1989), Talons aiguilles Tarkovski, l’Enfance d’Ivan), met simulta-
Bathgate (Benton, 1991). Il a publié avec (Tacones lejanos, 1991), Kika (1993), nément en oeuvre les ressources de l’im-
Un homme à la caméra (1980) un pas- la Fleur de mon secret (La flor de mi pressionnisme et de l’expressionnisme ;
sionnant document sur son métier. Il a secreto, 1995), En chair et en os (Carne elle est sensible aussi dans Paix à celui
également réalisé deux documentaires tremula, 1997), Tout sur ma mère (Todo qui vient au monde (Mir vhodjašemu,
critiques sur Cuba : Mauvaise conduite sobre mi madre, 1999). Il est également 1961), qui évoque le dernier jour de la
(Improper Conduct/Conducta impro- le producteur de Acción mutante (Alex de guerre parmi les soldats russes en Alle-
pria, CO Orlando Jiménez Leal, 1984) la Iglesia, 1992), de El espinazo del dia- magne et obtient le prix spécial du jury
et Personne ne voulait entendre (Nadie blo (Guillermo del Toro, 2001). à la Mostra de Venise. En 1962, Alov et

28
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Naoumov réalisent un téléfilm d’après Après avoir essuyé le refus d’une s’élabore une réflexion sur les images
l’écrivain progressiste américain Albert douzaine de réalisateurs, sa chance produites par la culture américaine qu’Alt-
Maltz, la Pièce de monnaie (Moneta). fut d’accepter le scénario de M*A*S*H* man regarde d’un oeil critique en débus-
Leur film suivant, Une anecdote stupide (1970), que lui propose le producteur quant mythes et stéréotypes.
(Skvernyj anekdot, 1966, d’après Dos- Ingo Preminger. Palme d’or au festival Libéral mais résolument antiroman-
toïevski), n’ayant pas reçu l’agrément des de Cannes (1970), le film connaît un tique, Altman peint des personnages qui
autorités, vraisemblablement à cause de triomphe public qui permet à Altman de défendent leur intégrité face à un milieu
sa satire de la bureaucratie, n’est pas capitaliser sur son succès et de tourner hostile, que ce soit John McCabe ou
distribué avant 1987. Dans la Fuite (Beg, quinze films en dix ans avec une audace Popeye arrivant dans une ville qui rejette
1971), ils adaptent de manière assez et une invention constantes. Il incarne les étrangers, ou les amants traqués de
académique le roman de Boulgakov, la mieux que personne le renouvellement Nous sommes tous des voleurs pendant
Garde blanche, sur les heurs et malheurs des sujets et des styles que connaît la Dépression, ou le héros de Quintet
des émigrés ; puis ils montrent plus de Hollywood à la fin des années 60, mais poursuivant son errance solitaire après
verve dans la Légende de Till l’Espiègle lorsque le vent du conservatisme recom- avoir échappé à une société rigide gou-
(Legenda o Tile, 1976) d’après Charles mence à souffler, Altman persiste dans la vernée par le jeu, ou encore les Trois
De Coster. Enfin, on leur doit une super- voie qu’il s’est tracée, refuse de céder au Femmes prisonnières du cauchemar
production historique, Téhéran 43 (1980), conformisme ambiant et, après Nashville climatisé de la Californie. Bien que les
et l’adaptation d’un roman de Iouri Bon- (1975), sommet de sa réputation, se voit films d’Altman adoptent les tons les plus
darev, le Rivage (Bereg, 1983). de plus en plus contesté par la critique et divers (héroï-comique, lyrique, satirique,
abandonné par le public. Sa carrière n’en réaliste), on peut néanmoins reconnaître
ALTERNATIF. est pas moins, à ce jour, l’une des plus deux veines majeures dans son oeuvre.
Tireuse alternative, tireuse dans laquelle singulières et des plus riches du cinéma La première, qui va de M*A*S*H* à Dr T
les films sont entraînés par un méca- américain contemporain. Il a réussi à per- et les femmes en passant par Nashville
nisme d’avance intermittente. ( TIRAGE sévérer, malgré les obstacles, en formant et Un mariage, privilégie la satire sociale,
LABORATOIRE.) une équipe unie, s’entourant d’acteurs le grouillement des personnages et se
fidèles et de collaborateurs qui, au gré caractérise par une certaine sécheresse
ALTMAN (Robert), cinéaste américain des tournages, remplissent les fonctions que l’on a pu reprocher au cinéaste. La
(Kansas City, Mo., 1925). les plus diverses. Il y a donc une troupe seconde (That Cold Day in the Park,
Sa très forte personnalité a marqué le Altman, et la souplesse de ses produc- Images, Trois Femmes, Quintet, Coo-
cinéma américain des années 70. Mais tions lui a permis de réduire les coûts de kie’s Fortune) accorde à l’imaginaire, au
les vicissitudes de sa carrière ne lui ont fabrication, donc les risques d’échec. Au mythe, une place prépondérante. Mais
permis de s’épanouir pleinement qu’à début des années 80, désabusé tempo- la richesse des films interdit toute sépa-
l’âge de 45 ans. Si son nom a pu être rairement par l’industrie hollywoodienne, ration tranchée, et la force d’Altman est
associé à ceux de Scorsese ou Coppola, il se tourne vers la mise en scène d’opéra précisément de mener de front l’explo-
il n’appartient pas en fait à la même géné- et de théâtre. Il réalise un film d’après ration du psychisme et la peinture d’une
ration, et il a mené sa carrière en solitaire. une de ses productions (Reviens, Jimmy société. Ainsi Popeye est à la fois un
Fils aîné d’un courtier d’assurances, il est Dean, reviens), où il dynamise l’espace, commentaire sur un mythe populaire, une
élève chez les jésuites (sa mère est une survolte ses comédiennes, atteint à une fable sur l’Amérique et un conte oedipien
catholique convertie). Après avoir obtenu fluidité de style faisant ainsi oublier l’ori- sur la recherche du père.
son diplôme d’ingénieur mathématicien à gine scénique de l’oeuvre. Streamers Si les premiers films du réalisateur ne
l’université du Missouri, il entre à la Wen- opère le même travail de concentration font montre d’aucune originalité particu-
tworth Military Academy et est mobilisé spatiale en enfermant six personnages lière, comme si Altman avait voulu, plus
à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans une chambrée à l’époque de la tard, se servir d’eux comme exemples à
dans l’US Air Force, où il pilote des bom- guerre du Viêt-nam. Secret Honor va plus ne pas suivre, en revanche son cinéma se
bardiers. Rendu à la vie civile, il écrit des loin encore dans l’ascétisme scénique : signale, à partir de That Cold Day in the
scénarios, des articles de journaux, des un seul personnage dans un décor Park et M*A*S*H*, mais surtout Brewster
pièces radiophoniques, mène une vie de unique. Un Nixon à la fois bouffon et pa- McCloud, par une très grande invention
bohème à New York et s’occupe même thétique se fait l’avocat de lui-même. On formelle. Chaque film est marqué par l’ex-
de tatouage de chiens. De retour à Kan- retrouve le Altman sarcastique, fustigeur ploration d’un décor : les villages en bois
sas City, il réalise entre 1947 et 1956 de son époque, tout comme dans The de John McCabe et de Popeye, les salles
une vingtaine de films industriels, puis Utterly Monstrous Mind-roasting Summer de jeu de California Split, l’astrodrome de
part pour Hollywood, ce qui lui permet of O. C. and Stiggs, une variation sur des Houston (Brewster McCloud), Nashville,
de tourner, en 1957, son premier film, personnages proches de la bande dessi- la ville glacée de Quintet, le camp de
The Delinquents, suivi de The James née. En 1985, le cinéaste vient travailler Buffalo Bill et les Indiens, Los Angeles et
Dean Story. Leur insuccès le conduit en France où il adapte pour l’écran une les studios de cinéma dans The Players,
à travailler pour la télévision, où Alfred pièce The Laundromat, histoire de deux les bas-fonds de Kansas City dans le film
Hitchcock l’engage ; il tourne deux épi- femmes qui passent la nuit dans une la- du même titre ou Dallas, ville/gynécée
sodes d’Alfred Hitchcock presents : The verie automatique. dans Dr T. et les femmes. L’utilisation fré-
Young One (1957) et Together (1958). Il Les films d’Altman sont référentiels. quente de la Panavision, combinée avec
réalise ensuite de nombreux autres feuil- Le cinéaste est conscient de travailler les effets de zoom et de téléobjectif, à la
letons jusqu’en 1963, date à laquelle il à l’intérieur d’une tradition culturelle, et fois élargit et aplatit l’espace, brisant les
constitue à Westwood (Los Angeles) sa ses oeuvres sont autant de commentaires effets de réalité et produisant un senti-
propre compagnie, Lions Gate Films, qui et de variations sur les genres tradition- ment d’instabilité. Le recours à de nom-
restera active pendant toute la décennie nels : film de guerre (M*A*S*H*), western breuses pistes sonores crée volontaire-
suivante. Deux films, Countdown (1968) (John McCabe, Buffalo Bill et les Indiens), ment une confusion, un « chaos fertile »,
et That Cold Day in the Park (1969) sont à film de gangsters (Nous sommes tous selon l’expression de Robert Benayoun,
nouveau des échecs commerciaux, bien des voleurs, Kansas City), policier (le relayé par une direction d’acteurs où
que le second annonce par son thème et Privé), science-fiction (Quintet), musical l’improvisation semble se donner libre
sa forme ses oeuvres majeures. (Nashville, Un couple parfait), etc. Ainsi cours. La multiplication des personnages

29
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

secondaires tout comme la présence d’un ser que celle-ci est toujours contrebalan- obscurs et les compositions oppressives
commentaire (conférencier de Brewster cée par un humanisme presque renoirien de l’expressionnisme. Le film noir lui doit
McCloud, émission de radio de Nous qui aime à trouver à chacun ses raisons. ainsi quelques-uns de ses joyaux : Il
sommes tous des voleurs, haut-parleur Sans étiquette littéraire, Prêt-à-porter, marchait dans la nuit (A. Werker, 1948),
de M*A*S*H*, chansons de Leonard qu’Altman portait en lui depuis longtemps, Marché de brutes (A. Mann, id.), Incident
Cohen dans John McCabe, thème musi- montre bien que le malentendu n’est pas de frontière (id., 1949), Association crimi-
cal joué par plusieurs instruments dans le dissipé : la critique (américaine particuliè- nelle (Joseph H. Lewis, 1955). À la MGM,
Privé) achèvent de créer un sentiment de rement) est dure envers cette magnifique sa collaboration avec Minnelli (du Père de
distanciation. Obsédé par la fragmenta- symphonie loufoque sur le sujet de la futi- la mariée à la Femme modèle) est cou-
tion comme par les phénomènes de dé- lité. Plus encore qu’un film sur le monde ronnée par un Oscar en 1951 (pour le bal-
doublement ou de schizophrénie, Altman de la couture, Prêt-à-porter est une ré- let final d’Un Américain à Paris), mais on
n’en est pas moins également préoccupé flexion sur la vanité des choses : logique, mesure mieux son apport dans les der-
par la recherche d’une explication globale Altman y prend ses aises envers un scé- niers films d’Alan Dwan (Quatre Étranges
du monde (voir Quintet) comme struc- nario prétexte et valorise une riche gale- Cavaliers, 1954 ; le Bagarreur du Ten-
ture ludique. Après les succès mitigés rie de personnages à laquelle des acteurs nessee, 1955 ; Deux Rouquines dans la
de Quintet, Un couple parfait et Health littéralement inspirés et arrachés à leur bagarre, 1956), où ses raffinements de
(dont la distribution restera confiden- routine donnent une humanité contrastée miniaturiste et sa palette élégiaque trans-
tielle), Popeye, production ambitieuse et et chatoyante. Désormais revenu dans cendent les contraintes de budgets très
originale financée par Disney, se révèle le giron hollywoodien, Altman n’en garde modestes. Il a également signé la pho-
incapable de redorer le blason d’Altman pas moins son insolence de franc-tireur : tographie de plusieurs films de Brooks,
auprès des financiers. Il s’oriente alors il alterne un élégant produit commercial dont Elmer Gantry le Charlatan (1960). Il
vers le théâtre et filme à peu de frais cer- (Gingerbread Man, remonté contre sa est l’auteur de deux ouvrages techniques
taines de ses mises en scène (Reviens, volonté), la chronique intimiste (le savou- réputés, Painting With Light et Photogra-
Jimmy Dean, reviens). Il s’installe en Eu- reux Cookie’s Fortune) et la fresque sati- phy and Lighting in General.
rope et sa retraite n’est qu’apparente ; en rique (Dr T. et les femmes). Le parcours
obstiné et rigoureux d’Altman nous ren- ALTON (Robert Alton Hart, dit Robert),
fait, il n’arrête pas de travailler : théâtre,
voie finalement à notre propre versatilité chorégraphe et cinéaste américain (Ben-
opéra, télévision, vidéo, cinéma... À partir
et à notre inconstance. nington, Vt., 1906 - Los Angeles, Ca., 1957).
de situations volontiers minimalistes —
Films : The Delinquents (1957) ; D’abord danseur et chorégraphe de
par exemple dans les séquences mon-
The James Dean Story (CORE George théâtre, il règle au cinéma des danses
trant le président Nixon seul dans son
W. George, id.) ; Countdown (1968) ; That d’ensemble brillantes et des numéros indi-
bureau (Secret Honor) ou une ménagère
Cold Day in the Park (1969) ; M*A*S*H*, viduels raffinés (L’amour vient en dansant
dans une laverie automatique (The Laun-
(id., 1970) ; Brewster McCloud (id., id.) ; [You’ll Never Get Rich, Sidney Lanfield,
dromat) —, il continue à expérimenter
John McCabe (McCabe and Mrs. Miller, 1941], Ziegfeld Follies [V. Minnelli, 1946]
avec l’espace et les acteurs : ainsi Base-
1971) ; Images (id., 1972) ; le Privé (The ou Parade de printemps [Ch. Walters,
ments, téléfilm prestigieux et austère à
Long Goodbye, 1973) ; Nous sommes 1948]). La variété de son talent éclate
partir de deux courtes pièces d’Harold
tous des voleurs (Thieves Like Us, 1974) ; dans le Pirate (V. Minnelli, 1948), Show
Pinter, peut se prévaloir d’une distribution
California Split (id., id.) ; Nashville (id., Boat (G. Sidney, 1951), mais surtout la
brillante (John Travolta, Linda Hunt). De
1975) ; Buffalo Bill et les Indiens (Buf- Belle de New York (Ch. Walters, 1952) et
temps à autre, un film de cinéma éclot,
falo Bill and the Indians or Sitting Bull’s Appelez-moi Madame (W. Lang, 1953).
obstinément fidèle au style du réalisa-
History Lesson, 1976) ; Trois Femmes Il réalise Chanson païenne (Pagan Love
teur, et passe dans une indifférence polie
(Three Women, 1977) ; Un mariage (A Song, 1950), sans grand brio.
(Beyond Therapy, Fool for Love).
Wedding, 1978) ; Quintet (id., 1979) ; Un
Tout à coup, sans qu’Altman ait remis ÁLVAREZ (Santiago), cinéaste cubain (La
couple parfait (A Perfect Couple, id.) ;
en question sa démarche rigoureuse, The Havane 1919 - id. 1998).
Health (id.) ; Popeye (id., 1980) ; Reviens,
Player le remet en selle. Formellement Après des études de philosophie, lettres
Jimmy Dean, reviens (Come Back to
éblouissante (le film s’ouvre sur un plan et histoire à Cuba et aux États-Unis, il
the Five and Dime, Jimmy Dean, Jimmy
acrobatique d’une longueur interminable adhère au parti communiste en 1942. Il
Dean, 1982) ; Streamers (1983) ; Secret
alors que la bande-son ironise sur les entre à l’Institut cubain de l’art et de
Honor (1984) ; Fool for Love (1985) ; The
grands plans-séquences de l’histoire l’industrie cinématographiques dès sa
Laundromat (id.) ; O. C. and Stiggs (id.) ;
du cinéma), cette satire mordante du création (1959). Il y est responsable des
Beyond Therapy (id., 1987) ; Aria (un des
cinéma, à laquelle la profession participe Actualités latino-américaines hebdoma-
six épisodes, id.) ; Basements (The Dumb
en masse, doit son succès à ces céré- daires depuis 1960. Responsable du
Waiter, MM et The Room, MM, id.) ; Vin-
monies d’auto-flagellation que Hollywood cent et Theo (Vincent and Theo, TV, département de court métrage (1961-
aime à accomplir de temps à autre. The 1990) ; Black and Blue (vidéo, 1991) ; The 1967), puis vice-président de l’ICAIC, et
Player lui permet de s’atteler très vite Player (1992) ; Short Cuts (1993) ; Prêt- enfin haut fonctionnaire du ministère de
à Short Cuts qui, bien que malmenant la Culture (1976), il est élu député de l’As-
à-porter (id., 1994) ; Kansas City (1996) ;
sérieusement les nouvelles de Ray- Jazz 34 (id.) ; Gingerbread Man (The Gin- semblée nationale du pouvoir populaire.
mond Carver, est bien accueilli à cause gerbread Man, 1998) ; Wild Card (id.) ; Il est le maître du documentaire cubain,
de l’engouement dont bénéficie l’écri- Cookie’s Fortune (id. 1999) ; Dr. T. et les l’école de la réalité par laquelle passent
vain. Cette vaste fresque, qui prend ses femmes (Dr. T. and the Women, 2000). systématiquement tous les cinéastes du
distances par rapport à l’anecdote pour pays, ce qui est censé contribuer à leur
s’attacher aux personnages, est une des ALTON (Jack Aldan, dit John), chef opé- connaissance de la société et à leur for-
grandes oeuvres chorales du cinéaste : rateur américain (Sopron, Hongrie 1901 - mation politique. Álvarez est aussi un de
il y confirme un talent unique pour épin- Santa Monica, Ca., 1996). ceux qui ont su transformer les carences
gler un comportement quasi caricatural Débutant comme caméraman à la Para- matérielles et techniques en point de dé-
en le faisant basculer en une fraction de mount en 1928, il travaille en Europe, puis part pour la recherche de solutions esthé-
seconde dans une compassion sincère. en Argentine jusqu’en 1937. Il est révélé tiques originales, notamment grâce au
On attend d’Altman une forte dose de par la Brigade du suicide (A. Mann, 1948), montage, qu’il assure personnellement,
méchanceté, voire de cruauté, sans réali- où il recrée en extérieurs réels les clairs- avec minutie. Le caractère militant ou di-

30
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

dactique de son cinéma exclut cependant sursis (C. Reed, 1947), Première Désil- AMBROSIO (Arturo), producteur italien
l’emphase. Le commentaire en voix off lusion (C. Reed, 1948), la Salamandre (Turin 1869 - Rome 1960).
est réduit au minimum, voire supprimé. d’or (R. Neame, 1950), la Boîte magique Après des études de comptable, Ambro-
Lui est substitué le contrepoint ou la com- (J. Boulting, 1951), Mandy (A. Mac- sio abandonne son emploi pour ouvrir,
plémentarité de l’image et d’une musique kendrick, 1952), Trois Dames et un As en 1902, un petit commerce de matériel
choisie avec pertinence. Ainsi, les six (R. Neame, id.), l’Homme au million (id., photographique. Le succès est rapide ;
minutes de Now (1965), contre le racisme 1953), l’Épopée dans l’ombre (Shake en 1904, Ambrosio possède plusieurs
aux États-Unis, s’appuient sur une chan- Hands With the Devil, M. Anderson, magasins à Turin et à Milan ; parmi ses
son interprétée par Lena Horne. Hanoi, 1959), la Lame nue (id., 1961), le Deu- employés figure l’opérateur Giovanni
Mardi 13 (1967) utilise des textes de José xième Homme (C. Reed, 1963). Vitrotti et parmi ses clients Roberto Ome-
Martí, héros de l’indépendance cubaine, gna. À l’incitation de ce dernier, Ambro-
datant de 1889. Le réalisateur se sert AMADORI (Luis Cesar), cinéaste argentin sio s’intéresse au cinéma et commence
également d’intertitres succincts ou de (Pescara, Italie, 1903 - Buenos Aires 1977). à produire les films documentaires que
phrases en surimpression, au graphisme Grâce à son expérience de la scène et Omegna tourne un peu partout en Italie.
soigné. Il fait appel à un matériel de base des revues musicales, il devient un des En 1905, Vitrotti, Omegna et Ambrosio
fort hétérogène : photos de presse, re- principaux artisans de l’époque dorée réalisent divers films d’actualités et même
portages télévisuels, stock-shots, carica- de l’industrie argentine. Il s’exile en Es- quelques films comiques. Devant les exi-
tures. Le collage est un des procédés ap- pagne, après la chute de Perón (1955). gences techniques, Ambrosio transforme
pliqués avec intention et liberté. Le choc une partie de sa villa de Turin en studios
Parmi ses films : Maestro Levita (1938),
des images n’empêche pas le lyrisme, de tournage : plateaux dans les jardins,
El canillita y la dama (id.), Madreselva
l’ironie, la pudeur ; l’émotion ne neutra- laboratoires dans les caves. Ces instal-
(id.), Soñar no cuesta nada (1941), Car-
lise pas la réflexion. Alvarez réconcilie la lations constituent les premiers studios
men (1943), Madame Sans-Gêne (1945),
pédagogie intrinsèque au film militant et italiens. À la fin de 1905 ou au début de
Albéniz (1947), Dios se lo pague (1948),
au documentaire avec intelligence et sen- 1906 (la date est incertaine) est fondée la
Me casé con una estrella (1951), Una
sibilité artistiques. Il alterne animation et société Arturo Ambrosio &Cie. Sont
muchachita de Valladolid (1958), La Vio-
prises de vues documentaires dans Los engagés des comédiens et des techni-
letera (id.), ¿ Donde vas, Alfonso XII ?
dragones de Ha Long (1976). El sueño ciens ; parmi eux se trouve Luigi Maggi,
(id.), La casta Susana (1962).
del pongo (1970) constitue une incursion un typographe qui dirigeait la compa-
isolée dans la fiction, à partir d’un récit gnie théâtrale amateur de la Bourse du
AMATO (Giuseppe Vasaturo, dit Giu-
de l’écrivain péruvien José María Argue- travail. Les films réalisés en 1906 sont
seppe), producteur et cinéaste italien
das. Lorsque l’ICAIC en a les moyens, bien accueillis par le public ; la société
(Naples 1899 - Rome 1964).
Álvarez a recours à la couleur, au format se développe et de nouveaux studios
Acteur (films tournés à Naples), il devient
panoramique, à l’utilisation simultanée sont construits. En avril 1907, l’Ambrosio
bientôt l’assistant de Rex Ingram (Mare
de plusieurs caméras ; mais ses films &Cie se transforme en société par ac-
Nostrum, 1926). De 1932 à la guerre,
deviennent alors plus conventionnels et tions avec l’appui financier de la Banque
il produit trente mélodrames ou films
plus longs (De America soy hijo y a ella commerciale de Turin. Grâce à cette
comiques, dirigés notamment par Mario
me debo, 1972, sur le voyage de Castro consolidation, Ambrosio se lance dans
Bonnard (Cinque a zero, 1932), Camerini
au Chili, dure 195 min). une politique conquérante, qui donne ses
(Il cappello a tre punte, 1935 ; Grands Ma-
Films : Escambray (1961) ; Muerte al fruits à partir de 1908. Des studios en-
gasins, 1939), Blasetti (la Farce tragique,
invasor (id., CORE : T. Gutiérrez Alea) ; core plus grands sont édifiés. Ambrosio
1941 ; Quatre Pas dans les nuages, id.).
Ciclón (1963) ; Now (1965) ; Cerro Pelado se spécialise dans les documentaires, les
Il fait débuter à la mise en scène son ac-
(1966) ; Hanoi, Martes 13 (1967) ; Hasta drames, les reconstitutions historiques ;
teur favori, Vittorio De Sica, avec Roses
la victoria siempre (id.) ; L. B. J. (1968) ; par contre, il ne s’intéresse pas aux films
écarlates (1940) qu’il codirige. Il produit
79 Primaveras (1969) ; El sueño del comiques. Le développement se poursuit
plus de vingt films après la guerre, de dans les années 10 ; l’Ambrosio constitua
pongo (1970) ; ¿ Como, por qué y para
grands succès, comme le Petit Monde
qué se asesina a un general ? (1971) ; De alors avec l’Itala, également à Turin, et la
de Don Camillo (J. Duvivier, 1952) ou Cines à Rome, une des structures por-
America soy hijo y a ella me debo (1972,
des oeuvres moins commerciales comme tantes de l’industrie cinématographique
LM) ; El tigre saltó y mató, pero morirá...
Onze Fioretti de François d’Assise italienne. Ambrosio fait figure de précur-
morirá (1973) ; Abril de Viet-nam en el
(R. Rossellini, 1950), Umberto D (V. De seur en demandant aux divers collabora-
Año del Gato (1975) ; Luanda ya no es
de San Pablo (1976) ; Maputo : meridiano Sica, 1952) et également sept films qu’il teurs d’un film une meilleure préparation
novo (id.) ; Morir por la patria es vivir (id.) ; dirige lui-même, parmi lesquels Malia artistique et culturelle. En 1908, il confie
Los dragones de Ha Long (id.) ; Mi her- (1946), Yvonne la nuit (1949), Morte di un à Luigi Maggi le soin de porter à l’écran
mano Fidel (1977) ; El octubre de todos bandito (1961). les Derniers Jours de Pompéi ; le succès
(id.) ; La guerra necesaria (1980) ; Biogra- du film incite le producteur à poursuivre
fia de un carnaval (1983) ; Los antipodas AMBIANCE (1). dans la voie des oeuvres ambitieuses.
de la victoria (1986) ; Brascuba (1987) ; Lumière d’ambiance, lumière destinée à Sont ainsi réalisés : Nerone (1909), La
Historia de una plaza (1989). combler l’ombre créée par les lumières regina di Ninive (1910), Il granatiere
de base. ( ÉCLAIRAGE.) Roland (1911), Nozze d’oro (id.), tous
ALWYN (William), musicien britannique de Luigi Maggi ; Lo schiavo di Cartagine
(Northampton 1905 - South Wold 1985). AMBIANCE (2). (1910) de Roberto Omegna, La figlia di
Ancien étudiant de l’Académie royale Sons d’ambiance, bruits durables dans Jorio (1911) de Edoardo Bencivenga. En
de musique, il débute en 1936 avec les lesquels baigne une scène : vent, pluie, 1910, la société Ambrosio obtient la col-
nombreux courts métrages de l’école ressac des vagues, etc. ( BRUITAGE.) laboration du poète Guido Gozzano et en
documentariste anglaise et de la pro- Voie d’ambiance, voie sonore qui porte, 1911 celle de Gabriele D’Annunzio, dont
duction de guerre. D’une filmographie dans les procédés de stéréophonie, les sept livres sont portés à l’écran. Ambrosio
impressionnante (45 CM et MM, 81 LM), sons « d’ambiance » destinés aux haut- fait débuter au cinéma de grands acteurs
on retient surtout : l’Honorable M. Sans- parleurs implantés en fond de salle. de théâtre comme Ermete Novelli, Ar-
Gêne (S. Gilliat, 1945), Huit Heures de ( STÉRÉOPHONIE.) mando Falconi et surtout Eleonora Duse

31
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

(Cenere, Febo Mari, 1916). En 1912, il ouvertes (Porte aperte, 1990), les Enfants AMES (Preston), décorateur américain
fait construire des studios plus vastes volés (Il ladro di bambini, 1991), Lamerica (1905 - Los Angeles, Ca., 1983).
encore que les précédents ; on y tourne (1993), confirment la rigueur de son ap- Le meilleur de la carrière de Preston
une nouvelle version des Derniers jours proche du langage cinématographique. Ames s’est déroulé entre 1945 et 1965
de Pompéi (M. Caserini, 1913). L’âge Fasciné par la science et les sujets de à la MGM. Son goût pour les formes
d’or se termine : à partir de 1919, les société, Amelio inscrit sa réflexion dans la arrondies, les couleurs chatoyantes et
difficultés surgissent, et, malgré la pro- continuité du cinéma politique italien. En l’exotisme s’est particulièrement épanoui
duction de quelques oeuvres importantes 1998, il réalise Mon frère (Così ridevano), dans la comédie musicale et tout spé-
(Theodora, Leopoldo Carlucci, 1919 ; La l’histoire de deux frères siciliens émigrés cialement auprès de Vincente Minnelli.
nave, Gabriellino D’Annunzio, 1920), Cette collaboration lui valut deux Oscars :
à Turin et en 2000 l’Honneur des armes
la société Ambrosio est emportée, en Un Américain à Paris (1951), avec son
(L’onore delle arme).
1923, par la faillite de l’Union cinémato- délicieux Paris de carte postale, et Gigi
graphique italienne. Le producteur cesse AMERICAN [American Film Manufactu- (1958), où il s’inspirait, cette fois, des
alors presque toute activité et, après un ring Co.], caricatures de Sem. Mais il faut mention-
passage à la Scalera Film de 1939 à ner aussi la lande écossaise de studio
société de production américaine fondée
1943 comme directeur de production, il de Brigadoon (1954), verte et trouée de
par John R. Freuler et Harry Aitken en
se retire définitivement. Arturo Ambrosio kilts chamarrés, l’Arabie de pacotille de
1910 avec, à l’origine, deux points d’an-
est une des figures les plus marquantes Kismet (1955), avec ses minarets dorés
crage à Chicago et le troisième à Niles
de la cinématographie italienne muette ; ou rose bonbon, ou encore, dans un re-
en Californie. Un studio fut construit en
il représente le producteur qui, à l’instar gistre plus dramatique, le fauteuil-trône
1912 à Santa Barbara (Ca.). En 1915,
d’un Pathé, d’un Gaumont, d’un Zukor, rouge sang de Robert Mitchum dans
l’American était constituée par diverses
d’un Goldwyn, a fait passer le cinéma du Celui par qui le scandale arrive (1960).
unités de production et par des socié-
stade artisanal au stade de grande indus- Pour Charles Walters, il recréa un cirque
tés associées, chacune d’entre elles se
trie du spectacle. mythique (la Plus belle fille du monde,
spécialisant dans un certain type de films
1962) et un Far West aux coloris écla-
AMECHE (Dominic Felix Amici, dit (Beauty, Flying A, American Star Feature,
tants (la Reine du Colorado, 1964). Parmi
Don), acteur américain (Kenosha, Wis., Clipper Star Feature, Signal, Mustang).
ses derniers travaux, témoignant d’une
1908 - Scottsdale, Ariz., 1993). En 1921, l’American cessa ses activités.
volonté remarquable de renouvellement,
D’origine italienne, imposé avec Ramona on retiendra surtout l’astrodôme de Hous-
(H. King, 1936), il incarne durant une AMERICAN FILM INSTITUTE,
ton transformé en microcosme grouillant
dizaine d’années les jeunes premiers organisme américain fondé à Washing-
pour Brewster McCloud (1970) de Robert
sérieux et discrets, pimentés souvent ton, D. C., en 1967 et dirigé depuis cette
Altman.
d’une touche de fantaisie. Citons l’Amour date par George Stevens Jr. Son objectif
en première page (T. Garnett, 1937), est essentiellement de préserver l’héri- AMFITHEATROF (Daniele), compositeur
l’Incendie de Chicago (H. King, 1938), tage cinématographique des États-Unis américain d’origine russe (Saint-Péters-
la Folle Parade (id., id.), la Baronne de et d’assurer la promotion de l’art filmique bourg 1901 - Rome, Italie, 1983).
minuit (M. Leisen, 1939) et surtout les dans ce pays. Parmi les principales acti- Il fait ses études musicales à Rome et
rôles d’Alexander Bell dans Et la parole vités de l’AFI, on notera la conservation y signe la musique de La signora di tutti
fut (The Story of Alexander Graham Bell, des copies, la publication d’importants (Max Ophuls, 1934). Émigré aux États-
I. Cummings, id.), de d’Artagnan dans ouvrages référentiels et d’une revue Unis en 1937, il y compose notamment
les Trois Louf’quetaires (A. Dwan, id.) et mensuelle American Film, ainsi que la les musiques de : la Fidèle Lassie (Fred
du pécheur en sursis dans Le ciel peut répartition de subventions accordées M. Wilcox, 1943), Days of Glory (J. Tour-
attendre (E. Lubitsch, 1943). Il poursuit aux jeunes cinéastes. De l’AFI dépend neur, 1944), Lettre d’une inconnue
ensuite une carrière discrète et retrouve également le Center for Advanced Film (Max Ophuls, 1948), la Porte du diable
une certaine notoriété au début des Studies, une école de formation située à (A. Mann, 1950), Salomé (W. Dieterle,
années 80 : Un fauteuil pour deux (Tra- 1953), Désirs humains (F. Lang, 1954),
Greystone (Ca.).
ding Places, John Landis, 1983), Cocoon le Procès (M. Robson, 1955), la Dernière
(Ron Howard, 1985), Parrain d’un jour (D. AMERICAN SOCIETY OF CINEMATOGRA- Chasse (R. Brooks, 1956), la Diablesse
Mamet, 1988), Cocoon, le retour (Daniel PHERS (ASC), en collant rose (G. Cukor, 1960) et Major
Petrie, id.), Old Ball Hall (Jackson Hun- association américaine de directeurs de Dundee (S. Peckinpah, 1965).
sicker, 1990), Oscar (J. Landis, 1991), la photographie, fondée en 1919. (Cine-
Corrina, Corrina (Jessie Nelson, 1994). AMIDEI (Sergio), scénariste italien (Trieste,
matographer est le synonyme, en moins
Autriche-Hongrie, 1904 - Rome 1981).
officiel, de Director of photography.) Son
AMELIO (Gianni), cinéaste italien (Catan- Figurant et assistant à Turin sur la série
esprit est celui d’un club : on y entre par
zaro 1945). Maciste (G. Brignone, 1925-26), il arrive
cooptation, et les membres font suivre
D’abord collaborateur de revues de ci- en 1936 à Rome où il écrit plusieurs films
leur nom, au générique, de la mention
néma et animateur de ciné-clubs, il de- historiques et de cape et d’épée, comme
« A. S. C. ». Y compris les membres as-
vient l’assistant de De Seta et de Liliana Pietro Micca (A. Vergano, 1938), La fan-
sociés, choisis dans les professions en
Cavani. Après quelques courts métrages, ciulla di Portici (M. Bonnard, 1940), Don
rapport direct avec la prise de vues, l’ASC
il réalise son premier long métrage, la Fin César de Bazan (R. Freda, 1942), et trois
compte environ 300 membres, pour la
du jeu (La fine del gioco) en 1971. La Cité films de F. M. Poggioli, dont les mélo-
du soleil (La città del sole, 1973), inspiré plupart américains. (Depuis sa fondation, drames Jalousie (1942) et Il cappello da
du livre de Tommaso Campanella, révèle elle a admis en son sein cinq directeurs prete (1944). Après la guerre, il écrit avec
un cinéaste original à l’écriture très élabo- de la photographie — dont G. Cloquet Fellini deux des grands films néoréa-
rée. Ses autres films, Bertolucci secondo et N. Almendros — du cinéma français.) listes de Rossellini : Rome ville ouverte
il cinema (reportage sur le tournage de L’ASC édite un mensuel, American Cine- (1945) et Paisà (1946) ; avec Zavattini,
1900, 1975), La morte al lavoro (1978), Il matographer (P. O. Box 2230, Hollywood, entre autres, il brosse la chronique de
piccolo Archimede (1979), Droit au coeur California 90028). Il existe un équivalent l’Italie libérée dans Sciuscià (De Sica,
(Colpire al cuore, 1982), I velieri (1983), I britannique : la British Society of Cinema- 1946) ; avec Brancati, il fait la satire de la
ragazzi di via Panisperna (1988), Portes tographers (BSC). corruption fasciste dans les Années dif-

32
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

ficiles (L. Zampa, 1948). En 1950, avec ANALOGIQUE. la Vitagraph et, en 1905, collabore avec
Dimanche d’août (L. Emmer), il crée la Se dit d’un système d’enregistrement, Porter à la réalisation de Raffles, the
comédie à sketches enchaînés, que lui et de traitement, de transmission ou de dif- Amateur Cracksman. En 1907, il fonde
d’autres exploiteront souvent. Auteur de fusion où les informations (son, image avec George K. Spoor la Essanay (S and
films sur le fascisme et la résistance pour vidéo) sont traduites par des variations A), pour laquelle il écrit, produit, réalise et
Lizzani (Chronique des pauvres amants, continues et proportionnelles aux gran- interprète près de 400 westerns. Il crée,
d’après Pratolini, 1954), Rossellini (le deurs physiques, par opposition où ces en 1908, le personnage auquel il reste

Général Della Rovere, 1959), il invente informations sont traduites par des gran- identifié : Broncho Billy, héros naïf dont
deurs numériques. ( NUMÉRIQUE.) la maladresse (Anderson est lui-même
plusieurs personnages comiques et
piètre cavalier) et le physique disgra-
amers pour Alberto Sordi : Fumo di Lon-
ANAMORPHOSE. cieux sont rachetés par la sincérité et la
dra (A. Sordi, 1966), Detenuto in attesa di
Procédé qui consiste à comprimer les bonté d’âme. Devenu la première star du
giudizio (N. Loy, 1971), Un bourgeois tout
images dans le sens horizontal. Anamor- genre, Anderson continue d’exploiter ce
petit petit (M. Monicelli, 1977), le Témoin
phoseur, anamorphique ou anamorpho- héros avec succès durant sept années,
(J.-P. Mocky, 1978). En 1981, il adapte
tique, se dit d’un dispositif optique réali- dans des films comme : Broncho Billy’s
plusieurs récits de Charles Bukowski pour
sant aussi bien l’anamorphose à la prise Redemption, Broncho Billy’s Heart, The
Marco Ferreri (Conte de la folie ordinaire) de vues (compression horizontale selon Reward of Broncho Billy, etc. En 1911,
et meurt la même année, avant de voir la un coefficient donné) que la « désana- il crée la série des « Snakeville Come-
fin du tournage de son ultime scénario (la morphose » à la projection (expansion dies », avec Ben Turpin et, en 1912, pour-
Nuit de Varennes, d’Ettore Scola). horizontale) égale à la compression lors suivant dans la veine burlesque, dirige
de la prise de vues. Ce procédé est em- Augustus Carney dans la série « Alkali
AMO (Antonio del Amo Algara, dit Anto- ployé au cinéma pour les films en « Ciné- Ike ». En 1918, il tourne son dernier film :
nio del), cinéaste espagnol (Valdelaguna maScope » (coefficient d’anamorphose Shootin’Mad, et, après avoir revendu ses
1911 - Madrid 1991). optique de 2) et en vidéo 16/9 (coefficient parts dans la Essanay, achète un théâtre
Critique, il collabore aux revues Popu- d’anamorphose de 1,33 ou 4/3). à New York. L’insuccès de son entre-
lar Films et Nuestro cinema. Pendant la prise le ramène à Hollywood, où William
guerre civile, il tourne des documentaires ANCONINA (Richard), acteur français S. Hart l’a depuis peu supplanté. Il aban-
pour les républicains, et notamment pour (Paris 1953). donne le cinéma en 1920.
le parti communiste. Après quelques an- D’abord électricien, il décide, après une
nées d’ostracisme, il n’arrive à faire car- période de chômage, de chercher seul de ANDERSON (Frances Margaret Anderson,
rière qu’au prix de l’adaptation au confor- petits rôles au théâtre et au cinéma. Son dite Judith), actrice américaine d’origine
misme et à l’obscurantisme de rigueur physique de jeune loubard le destinera australienne (Adélaïde, Australie-Méridle,
durant les années d’apogée du national- naturellement à camper des personnages 1898 - Santa Barbara, Ca., 1992).

catholicisme. Auteur notamment de Cua- louches ou marginaux dans des films po- Après une brève carrière de jeune pre-
liciers. Après le Bar du téléphone (Claude mière, elle s’illustre à Broadway dans
tro mujeres (1947), Día tras día (1951)
Barrois, 1980) et Inspecteur la Bavure le répertoire tragique (Shakespeare,
et Sierra maldita (1954), il unit ensuite
(C. Zidi, 1981), c’est dans le Choix des O’Neill) et se révèle au cinéma sous les
sa carrière à celle de Joselito, enfant-
armes (A. Corneau, id.) qu’il impose son traits de la gouvernante de Rebecca
chanteur typique de cette époque (de El
caractère fragile et imprévisible, à la vio- (A. Hitchcock, 1940). Ce personnage
pequeño ruiseñor, 1956, à El secreto de
lence sous-jacente. Sa prestation dans hanté et morbide inaugure une longue
Tommy, 1963). Il enseigne et écrit sur le
Tchao Pantin (C. Berri, 1983) lui vaut la succession de femmes tourmentées
cinéma.
consécration auprès d’un large public évoluant au bord du crime et de la folie :
ainsi que deux Césars. Suivent, entre la tante et rivale de Gene Tierney dans
AMORCE (1).
autres, Paroles et musique (Elie Chou- Laura (O. Preminger, 1944), la mère cou-
Longueur de film sans images, en début
raqui, 1984) et Police (M. Pialat, 1985). pable de la Vallée de la peur (R. Walsh,
et fin de chaque bobine comportant des
Après les échecs critiques et publics de 1947) et des Furies (A. Mann, 1950),
indications d’identification du film et de la
Zone rouge (R. Enrico, 1986) et du Môme l’Hérodiade de Salomé (W. Dieterlé,
bobine. En début, permet le chargement
(A. Corneau, id.), il tourne Lévy et Goliath 1953). À compter des années 50, elle es-
correct du film dans le projecteur, en fin,
(G. Oury, 1987), son premier rôle résolu- pace ses apparitions : les Dix Comman-
sert de protection à la bobine. ment comique puis partage avec Jean- dements (C. B. De Mille, 1956), la Chatte
Paul Belmondo la tête d’affiche d’Itiné- sur un toit brûlant (R. Brooks, 1958), Un
AMORCE (2).
raire d’un enfant gâté (C. Lelouch, 1988) homme nommé Cheval (E. Silverstein,
En amorce, se dit d’un personnage ou
et retrouve Elie Chouraqui dans Miss 1970), et tourne tardivement son premier
d’un objet cadré en bord de champ, au
Missouri (1990). En 1997, il remporte un film australien, Inn of the Damned (Terry
tout premier plan, de telle sorte que sa grand succès dans la comédie de Tho- Bourke) en 1974. Elle a été nommée en
partie vue soit clairement interprétée mas Gilou : la Vérité si je mens ! suivie en 1960 « Dame Commander of the British
comme « amorçant » sa partie non vue. 2001 de La Vérité si je mens ! 2. Empire ».
( SYNTAXE.)

ANDERSON (Max Aronson, dit ANDERSON (Lindsay), cinéaste bri-


AMPEX. G[ilbert] M.), « Broncho Billy », acteur et tannique (Bangalore, Mysore, Inde,
Nom de marque du premier magnétos- cinéaste américain (Pine Bluff, Ark., 1882 - 1923 - Saint-Saud-Lacoussière, France,
cope apparu sur le marché. Ampexer, Pasadena, Ca., 1971). 1994).
terme vieilli pour enregistrer sur magné- Acteur de music-hall et modèle, il débute Fils d’un officier de l’armée des Indes, il
toscope. ( MAGNÉTOSCOPE.) à l’écran en 1902 (The Messenger Boy’s suit des études à Oxford, puis est mobilisé
Mistake) avant d’incarner un des trois aux Indes à la fin de la Seconde Guerre
ANAGLYPHES. hors-la-loi du premier (?) western de mondiale. De retour à Oxford, il prend une
Méthode de photographie et de cinéma l’histoire du cinéma : l’Attaque du Grand part importante à la naissance de la revue
en relief utilisant deux images en cou- Rapide (Edwin S. Porter, 1903), dont il Sequence (1946). Les autres rédacteurs
leurs complémentaires, généralement écrit aussi l’argument. Il poursuit sa car- en sont Gavin Lambert, Penelope Hous-
rouge et vert. ( RELIEF.) rière de comédien chez Edison, puis à ton et Peter Ericson. Jusqu’en 1952

33
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

(dernier numéro dirigé par Anderson et 70, ne saurait cependant être réduite à Orca (1977), La boutique de l’orfèvre
Karel Reisz), la revue défendra les thèses ses longs métrages. (The Jeweller’s Shop, 1989), Pinocchio
d’un cinéma engagé, proche des réalités et Gepetto (The New Adventure of Pinoc-
sociales, mais aussi art à part entière. ANDERSON (Maxwell), scénariste et dra- chio, 2000).
Anderson y exprime son admiration pour maturge américain ( Atlantic City, N. J.,
des cinéastes comme Jean Vigo, John 1888 - Stamford, Conn., 1959). ANDERSON (Paul Thomas), cinéaste amé-
Ford, Humphrey Jennings. Il poursuit sa Auteur d’une trentaine de pièces à suc- ricain (Studio City, Ca. 1970).
carrière journalistique par des critiques cès et lauréat du Prix Pulitzer, la Grande Né dans le milieu du spectacle, Paul Tho-
dans The Times et The Observer et des Guerre lui fournit, en 1924, le thème de mas Anderson est entré tôt dans la car-
articles de fond dans Sight and Sound. What Price Glory ? Cette comédie drama- rière de cinéaste. Après un court métrage
En 1956, il y publie un article intitulé : tique, célèbre pour la crudité de ses dia- remarqué dans le film collectif Cigarettes
« Stand up ! Stand up ! » dans lequel il logues, connaît une vogue considérable and Coffee (id., 1993), c’est en 1996 qu’il
attaque le cinéma conformiste de l’Esta- et inspire jusqu’à la fin des années 30 réalise son premier long métrage, Syd-
blishment et plaide pour un cinéma libre une abondante série de films mettant en ney, qui sortira l’année suivante sous le
(free cinema), personnel et critique. À la scène des couples d’amis aux tempéra- titre Hard Eight. Mais ce sont surtout deux
même époque, il programme au Natio- ments antagonistes et querelleurs (cf. films extrêmement ambitieux et originaux,
nal Film Theatre (la Cinémathèque de Une fille dans chaque port [H. Hawks, qu’il a écrits et produits, qui ont attiré l’at-

Londres) des séances de jeunes réali- 1928], et les tandems Victor McLaglen- tention sur lui. Boogie Nights (id., 1997)

sateurs originaux, britanniques ou étran- Edmund Lowe, Clark Gable-Spencer décrivait l’industrie du cinéma porno-
gers, sous le titre Free Cinema. Tracy et James Cagney-Pat O’Brien). graphique des années 70 avec une ten-
Maxwell Anderson s’est fréquemment in- dresse surprenante, à travers une multi-
Depuis 1948, il réalise lui-même des
téressé aux destins et tourments de cer- plicité de personnages et d’intrigues sur
courts métrages ; d’abord en amateur
taines grandes figures féminines de l’His- une durée de presque trois heures. Cette
(Meeting the Pioneers, 1948), puis pour
toire, comme Marie Stuart, Élisabeth Ire, structure kaléidoscopique est également
des petites productions indépendantes,
Anne Boleyn et Jeanne d’Arc. Scénariste celle de Magnolia (id., 1999), bouillonnant
notamment : Wakefield Express (1953),
ou coscénariste de À l’Ouest rien de et virtuose, mais également d’une sen-
O Dreamland (id.), Thursday’s Children
nouveau (L. Milestone, 1930), Pluie (id., sibilité frémissante, qui reçut l’Ours d’or
(1954, CO Guy Brenton), Foot and Mouth
1932), Death Takes a Holiday (M. Lei- à Berlin.
(1955), Green and Pleasant Land (id.),
sen, 1934), Jeanne d’Arc (V. Fleming,
Every Day Except Christmas (1957).
1948) et le Faux Coupable (A. Hitchcock, ANDERSSON (Roy), cinéaste suédois (Gö-
Il signe également des réalisations à la
1957), une douzaine de ses pièces ont teborg 1943).
télévision (en particulier des épisodes de
été portées à l’écran, dont : What Price Chef opérateur, puis assistant réalisateur
la série Robin des Bois en 1957) et met
Glory ? par Raoul Walsh (1926) et John (notamment de Bo Widerberg), il dirige
en scène au théâtre les pièces de l’avant-
Ford (1952) ; Saturday’s Children, par son premier long métrage en 1970, sur
garde anglaise, dont John Osborne.
Gregory La Cava (1929), William Mc le thème des amours d’adolescents Une
En 1963, il tourne son premier long histoire d’amour suédoise (En kärlekshis-
Gann (Maybe It’s Love, 1935) et Vincent
métrage le Prix d’un homme (This Spor- toria). Contrairement à ce premier essai,
Sherman (1940) ; Mary of Scotland, par
ting Life), dans lequel Richard Harris in- Giliap (1975) est un échec commercial,
John Ford (Marie Stuart, 1936) ; la Vie pri-
carne un mineur amoureux d’une femme et l’auteur (scénariste, chef opérateur,
vée d’Élisabeth d’Angleterre, par Michael
(Rachel Roberts) et qui connaît une gloire monteur en même temps que réalisateur)
Curtiz (1939) ; The Eve of St. Mark, par
éphémère en devenant champion de – après avoir été contraint par la censure
John M. Stahl (1944) ; Key Largo, par
rugby. Après The White Bus (MM, 1967) de laisser inachevé son film Quelque
John Huston (1948) ; Mauvaise Graine,
et Raz Dwa Trzy (The Singing Lesson, chose est arrivé (Någonting her hänt) qui
par Mervyn LeRoy (1956) et Anne of
id.), son film If... (1968), violente critique traitait du mystère de l’apparition du virus
the Thousand Days, par Charles Jarrott
des « high schools » , remporte la palme HIV, renonce au cinéma jusqu’en 1991,
(1969).
d’or au festival de Cannes en 1969 et année où il tourne Härling är jorden. Neuf
fait scandale en Angleterre ; l’Establish- ANDERSON (Michael), cinéaste britan- ans plus tard, il est primé au Festival de
ment, que Lindsay Anderson a déjà pas- nique (Londres 1920). Cannes avec son quatrième long mé-
sablement égratigné dans ses articles, Engagé aux studios d’Elstree en 1935 trage, un film d’auteur original Chansons
supporte mal de se voir bafoué par une comme simple employé, il est succes- du deuxième étage (Sångar från andra
révolte estudiantine. Il devra attendre sivement acteur, assistant (notamment våningen, 2000).
cinq ans avant de tourner le Meilleur des d’Anthony Asquith et de Peter Ustinov),
mondes possibles (O Lucky Man, 1973), directeur de production (Ceux qui servent ANDERSSON (Birgitta, dite Bibi), actrice
chronique voltairienne de l’ascension et en mer, de Noël Coward et David Lean, suédoise (Stockholm 1935).
de la chute d’un ambitieux dans le monde 1942), puis coréalisateur avec Ustinov Elle n’était encore qu’une adolescente
des affaires. Suivent, en 1975, In Cele- de Private Angelo (1949). Il s’impose lorsqu’elle apparut pour la première fois à
bration (avec Alan Bates), parlant à nou- ensuite, aussi bien en Grande-Bretagne l’écran dans un film publicitaire tourné par
veau des mineurs, en 1982, Britannia qu’aux États-Unis, comme un cinéaste au Ingmar Bergman pendant une grève de
Hospital, satire au vitriol de l’establish- style soigné et impersonnel. Son impo- studios en 1951. Son intention était alors
ment et, en 1987, les Baleines du mois sante filmographie révèle qu’il a abordé de se consacrer en priorité au théâtre.
d’août (The Whales of August), adap- les genres les plus divers : les Briseurs Effectivement, elle fera une grande car-
tation d’une pièce de théâtre de David de barrages (The Dam Busters, 1954), le rière sur les planches, notamment sous la
Berry dont l’intérêt principal réside dans Tour du monde en 80 jours (Around the direction d’Ingmar Bergman. Elle jouera
un casting surprenant (Bette Davis, Lilian World in 80 Days, 1956), 1984 (d’après Schehadé, Strindberg, Hjalmar Bergman,
Gish, Vincent Price, Ann Sothern). Ses G. Orwell, 1957), la Lame nue (The Tchekhov, Shakespeare, Genet, Anouilh,
films illustrent bien les engagements poli- Naked Edge, 1961), le Secret du rap- Albee, Arthur Miller, Tennessee Williams,
tiques et esthétiques de Lindsay Ander- port Quiller (The Quiller Memorandum, Molière, Marcel Aymé, avec un succès
son. L’action de ce polémiste, l’un des 1966), les Souliers de saint Pierre (The constant. Sa blondeur et sa délicatesse
hommes les plus prestigieux du monde Shoes of the Fisherman, 1968), Jeanne, ingénue l’imposent pareillement à l’écran.
du spectacle britannique des années 60- papesse du Diable (Pope Joan, 1972), Bergman lui demande d’interpréter la

34
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

compagne fidèle du baladin dans le Sep- / Un’ estate in quattro / L’isola (F. Van- (id.), Karin la schizophrène d’À travers le
tième Sceau (1957), puis un double rôle cini, id.) ; la Lettre du Kremlin (J. Huston, miroir (1961). Les années 60 lui donnent
dans les Fraises sauvages (id.) : l’amour 1970) ; le Lien (I. Bergman, 1971) ; ’Un quelques occasions de se mettre en va-
de jeunesse du professeur Isak Borg homme de l’autre monde‘ (elovek s dru- leur, principalement dans les Amoureux
(Victor Sjöström) et l’autostoppeuse qui goj storony, Youri Egorov, id.) ; Scènes (1964) de Mai Zetterling et dans les films
prend le vieil homme en pitié pendant son de la vie conjugale (I. Bergman, 1973) ; de son époux d’alors, Jorn Donner (Un
voyage à Lund. On la retrouve dans Au la Rivale (Sergio Gobbi, 1974) ; After dimanche de septembre, 1963 ; Aimer,
seuil de la vie (1958), le Visage (id.), l’OEil the Fall (B. Cates, id.) ; Il pleut sur San- 1964 ; Ici commence l’aventure, 1965 ;
du Diable (1960) et surtout dans Persona tiago (H. Soto, 1975) ; Blondy (S. Gobbi, Anna, 1969). Elle accepte certaines pro-
(1966), où, face à Liv Ullmann, elle est 1976) ; ’Jamais je ne t’ai promis un jar- positions à l’étranger, tourne avec Sidney
une étonnante Anna, l’infirmière qui a la din de roses‘ (I Never Promised You a Lumet, revient au théâtre et se voit offrir à
garde de l’actrice malade. En tournant Rose Garden, Anthony Page, 1977) ; An nouveau par Bergman un rôle marquant :
avec Vilgot Sjöman (la Maîtresse, 1962), Enemy of the People (George Schaefer, celui d’Agnès, l’agonisante de Cris et
en tentant de faire une carrière internatio- 1978) ; l’Amour en question (A. Cayatte, Chuchotements (1972). Harriet An-
nale (la Bataille de la vallée du Diable de id.) ; Quintet (R. Altman, 1979) ; Airport dersson est passée du registre des ado-
Ralph Nelson en 1966, la Lettre du Krem- 80-Concorde Airport 79-the Concorde, lescentes délurées à celui des femmes
lin de John Huston en 1970, Jamais je ne D. Lowell Rich, id.) ; Twee Wrouwen inquiètes, écartelées entre leur désir et
t’ai promis un jardin de roses d’Anthony (George Sluizer, id., PB) ; ‘ Interdit aux leur devoir social. Elle a représenté pour
Page en 1977), on sent qu’elle cherche à enfants ’ (Barnförbjudet, Marie-Louise de les spectateurs une certaine modernité à
échapper à l’univers bergmanien. Peine Geer Bergenstråhle, id.) ; la Révolution la suédoise sans pour autant rester pri-
perdue. On se souvient plus d’elle dans des confitures (E. Josephson, 1980) ; ‘ Je sonnière de son image de marque (Fanny
Une passion (1969), le Lien (1971) ou rougis ’ (V. Sjöman, 1981) ; ’Une colline et Alexandre, Bergman, 1982).
Scènes de la vie conjugale (1973) que sur la face sombre de la Lune‘ (Berget
Films : ‘ Quand la ville dort ’ (Medan
dans le Viol ou Blondy. Le cinéma n’a på månens baksida, Lennart Hjulström,
staden sover, Lars-Erik Kjellgren, 1950) ;
jamais effacé en elle la passion théâtrale 1983) ; les Corbeaux (Svarte fugler, Lasse ‘ Deux escaliers sur la cour ’ (Två trappor
(elle fut en 1975 une remarquable Viola Glomm, NOR, id.) ; Exposed (id., James
över gården, G. Werner, id.) ; ‘ le Char-
dans la Nuit des rois de Shakespeare au Taback, id.) ; ‘ le Dernier Été ’ (Sista
lot de Mme Andersson ’ (Anderssonskans
leken, Jon Lindström, 1984) ; ‘ Demain ’
Théâtre royal de Stockholm, dans une Kalle, Rolf Husberg, id.) ;’les Cavaliers
(Husmenna, Julia Rosma, FIN, 1986) ; le
mise en scène de... Bergman). de la route‘ (Motorkavaljerer, Elof Ahrle,
Festin de Babette (G. Axel, 1987) ; Los
Films : Dum-Bom (N. Poppe, 1953) ; 1951) ; ’le Boeuf et la Banane‘ (Biffen och
duenos del silencio (Carlos Lemos, ARG,
’Une nuit au château de Glimminge‘ (En bananen, R. Husberg, id.) ;’Mon nom est
id.) ; Fordringsägare (Stefan Bohm, Keve
natt på Glimmingehus, T. Wickman, Puck‘ (Puck heter jag, Schamyl Bauman,
Hjelm, John O. Olsson, 1988) ; Il sogno
1954) ; le Trésor d’Arne (G. Molander, id.) ;’la Maison de la folie‘ (Dårskapens
della farfalla (M. Bellocchio, 1994) ; ‘ le
id.) ; ’Une fille sous la pluie‘ (A. Kjel- hus, H. Ekman, id.) ;’Divorce‘ (G. Molan-
Songe ’ (Drømspel, Unni Straume, id.) ;
lin, 1955) ; Sourires d’une nuit d’été der, id.) ;’le Sous-Marin 39‘ (Ubåt 39, H.
‘ I rollerna tre ’ (Christina Olofson, 1996) ;
(I. Bergman, id.) ; ‘ Entrée privée ’ (Egen Faustman, 1952) ; ’l’Esprit de contra-
‘ Shit Happens ’ (Det blit aldrig som tänkt
ingång, H. Ekman, 1956) ; le Dernier diction‘ (Molander, id.) ; Sabotage (Eric
sig, Måns Herngren, Hannes Holm,
Couple qui court (A. Sjöberg, id.) ; le Jonsson, id.) ; Monika (I. Bergman,
2000). .
Septième Sceau (I. Bergman, 1957) ; 1953) ; la Nuit des forains (id., id.) ; Une
‘ On demande villa pour l’été ’ (Sommar- leçon d’amour (id., 1954) ; ’Hop ! là ! ‘
ANDERSSON (Harriet), actrice suédoise
nöje sökes, H. Ekman, id.) ; les Fraises (Hoppsan !, Stig Olin, 1955) ; Rêves de
(Stockholm 1932).
sauvages (I. Bergman, id.) ; ‘ Tu es mon femmes (I. Bergman, id.) ; Sourires d’une
Elle avait fait du cabaret à Stockholm et
aventure ’ (Du är mitt äventyr, Stig Olin, nuit d’été (id., id.) ; ’les Enfants de la nuit‘
joué quelques rôles modestes à l’écran
1958) ; Au seuil de la vie (I. Bergman, (Nattbarn, Gunnar Hellström, 1956) ; ’le
— notamment dans l’Esprit de contra-
id.) ; le Visage (I. Bergman, id.) ; ‘ le Jeu Dernier Couple qui court ’ (A. Sjöberg,
diction de Gustav Molander en 1952
de l’amour ’ (Den kära leken, Kenne Fant, — quand Ingmar Bergman lui proposa id.) ; ‘ la Petite Fée de Solbakken ’ (Syn-
1959) ; ‘ Jour de noces ’ (Bröllopsdagen, d’incarner l’héroïne de Monika (1953). növe Solbakken, G. Hellström, 1957) ;
K. Fant, 1960) ; l’OEil du Diable (I. Berg- Elle y campe une jeune prolétaire à l’éro- ‘ le Commandant de la flotte ’ (Flottans
man, id.) ; ‘ Carnaval ’ (Karneval, Lenart tisme agressif qui va conduire au déses- överman, S. Olin, 1958) ; ‘ la Femme à la
Olsson, 1961) ; ‘ la Nuit des otages ’ poir un amoureux trop naïf. La femme peau de léopard ’ (Kvinna i leopard, Jan
(Nasilje na trgu, Leonardo Bercovici ; fatale auréolée de glamour se métamor- Molander, id.) ; ‘ Crime au paradis ’ (Brott i
YU, id.) ; ‘ le Jardin des plaisirs ’ (A. Kjel- phose ici en garce des faubourgs pour paradiset, L. E. Kjellgren, 1959) ; ‘ Nuit de
lin, id.) ; ‘ Pan ’ / ‘ L’été est court ’/l’Amour un résultat identique. Harriet Andersson noces ’ (Hääyö / En bröllopsnatt, E. Blom-
sous le soleil de minuit (B. Henning Jen- fait sensation dans cette interprétation berg, id.) ; ‘ Barbara et les hommes ’ (Bar-
sen, 1962) ; ‘ la Maîtresse ’ (V. Sjöman, fortement naturaliste. Elle devient ainsi bara, F. Wisbar, 1961) ; Á travers le miroir
id.) ; Toutes ses femmes (I. Bergman, l’une des toutes premières actrices berg- (I. Bergman, id.) ; Siska (A. Kjellin, 1962) ;
1964) ; ‘ Nuit de juin ’ (Juninatt, Lars Eric maniennes. Quelques prestations à la ‘ Rêve de bonheur ’ (Lyckodrömmen,
Liedholm, 1965) ; l’Île (A. Sjöberg, 1966) ; scène (le Canard sauvage d’Ibsen sous Hans Abramson, 1963) ; Un dimanche de
Ma soeur, mon amour (Sjöman, id.) ; Per- la direction du même Bergman en 1954, septembre (J. Donner, id.) ; Toutes ses
sona (I. Bergman, id.) ; la Bataille de la le Journal d’Anne Frank de Goodrich et femmes (I. Bergman, 1964) ; les Amou-
vallée du Diable (R. Nelson, id.) ; Scusi, Hackett sous celle d’un autre réalisateur reux (M. Zetterling, id.) ; Aimer (J. Don-
lei e favorevole, o contrario ? (A. Sordi, de cinéma, Molander, en 1955), mais ner, id.) ; ’le Pont de lianes‘ (S. Nykvist,
id.) ; le Viol (J. Doniol-Valcroze, 1967) ; surtout une suite de rôles dans des films 1965) ; Ici commence l’aventure (J. Don-
les Filles (M. Zetterling, 1968) ; ‘ les Pal- bergmaniens. Elle est successivement ner, id.) ; ’Que ne ferait-on pas pour ses
miers noirs ’ (L. M. Lindgren, id.) ; ‘ His- l’écuyère de la Nuit des forains (1953), amis ? ‘ (För vänskaps skull, H. Abram-
toire d’une femme ’ (Storia di una donna, la jeune fille frigide tentée par Lesbos son, id.) ; le Serpent (Ormen, id., 1966) ;
L. Bercovici ; IT, 1969) ; ’Pense à un d’Une leçon d’amour (1954), le modèle Stimulantia (épisode Elle et lui, J. Don-
nombre‘ (P. Kjaerulff-Schmidt, id.) ; Une de Rêves de femmes (1955), Petra la ner ; PR, 1965-1967) ; M 15 demande
passion (I. Bergman, id.) ; Violenza al sole soubrette de Sourires d’une nuit d’été protection (S. Lumet, id.) ; Chassé-Croisé

35
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

(J. Donner, id.) ; Sophie de 6 à 9 (H. Carl- Lady, P. Rosen, 1930), avant d’abandon- sketch entièrement construit sur la faculté
sen, id.) ; les Filles (M. Zetterling, 1968) ; ner définitivement le cinéma. de suggestion des mots et des images.
’J’aime, tu aimes‘ (Jag älskar, du älskar, Dans O Homem do Pau-Brasil (1981),
Stig Björkman, id.) ; ’l’Amour sans uni- ANDRADE (Joaquim Pedro de), cinéaste Joaquim Pedro de Andrade revient aux
forme‘ (Oberman, Hans Embach, id.) ; brésilien (Rio de Janeiro 1932 - id. 1988). modernistes avec Oswald de Andrade
Pour la conquête de Rome (R. Siodmak, Après des études de physique, il suit (1890-1954) [précisons qu’aucun des
id.) ; Anna (J. Donner, 1970) ; ’Dans le des stages de cinéma en France, en Andrade cités n’appartient à la même
ruban de la mer‘ (I havsbandet, Bengt La- Grande-Bretagne, aux États-Unis (au- famille]. Il s’agit d’une biographie très par-
gerkvist, 1971) ; Cris et Chuchotements près des frères David et Albert Maysles). ticulière du père spirituel du tropicalisme,
(I. Bergman, 1972) ; le Jour où le clown Il s’intéresse d’abord au documentaire et l’auteur du Manifeste anthropophagique
pleura (J. Lewis, id., inachevé) ; ’le Nou- consacre ses premiers courts métrages étant interprété simultanément par deux
veau-né‘ (Bebek, Barbro et Gunes Kara- au sociologue Gilberto Freyre (O Mestre acteurs, dont une femme... Andrade est,
buda, 1973) ; ’Monnismanie 1995‘ (Mon- de Apipucos, 1959) et au poète Manuel au Brésil, un cas extrême d’exigence et
nismanien 1995, Kenne Fant, 1975) ; Bandeira (O Poeta do Castelo, id.). Il d’originalité.
’Deux Femmes‘ (Två kvinnor ; épisode aborde la fiction, marqué par le constat
le Mur blanc, S. Björkman, id.) ; Hempas social, comme l’ensemble du Cinema ANDRÉ (Marcel), acteur français (Paris
bar (Lars G. Thelesman, 1977) ; Linus Novo naissant : Couro de Gato (1960) 1885 - id.1974).
(V. Sjöman, 1979) ; La Sabina (José Luis est le portrait des gosses d’un bidonville Il sait nuancer ses rôles à l’écran tout
Borau, id.) ; Fanny et Alexandre (I. Berg- de Rio, qui chassent les chats pour faire en les maintenant dans une sobriété
man, 1982) ; ’Un Casanova suédois‘ des tambourins avec leur peau. Mais le convaincante. Berlin et Hollywood l’at-
(Raskenstam, Gunnar Hellström, 1983) ; contraste est saisissant entre ce petit film tirent : le Procès de Mary Dugan (M. de
’Nuits d’été‘ (Sommarkväller på jorden, d’une poésie sobre et les autres sketches Sano, 1929), Tumultes (R. Siodmak,
G. Lindblom, 1987) ; ‘ l’Arme étincelante ’ de Cinco Vezes Favela (1962), schéma- 1932). Son rôle ambigu dans Baccara (Y.
(Blankt Vapen, Carl-Gustav Nykvist, tiques et caricaturaux, auxquels il fut ulté- Mirande, 1936) donne la mesure de son
1990 ; ‘ Au-delà du ciel ’ (Høyere enn him- rieurement intégré. Garrincha, Alegria do talent. Cocteau l’emploie sur scène et au
melen, Berit Nesheim, 1994) ; il sogno Povo (1963), sur un footballeur, participe studio : la Belle et la Bête (1946), les Pa-
della farfalla (M. Bellocchio, id.) ; ’Happy de cette découverte d’une nouvelle géo- rents terribles (1949). Il a l’art d’imprimer
end ’ (Christina Olofson, 1999) ; Gossip graphie humaine chère au Cinema Novo : son cachet à de brèves apparitions : la
(Colin Nutley, 2000). le stade révèle les émotions et violences Vérité sur Bébé Donge (H. Decoin, 1952),

réfrénées, tandis que les politiciens capi- Thérèse Raquin (M. Carné, 1953).
ANDONOV (Métodi), cinéaste bulgare talisent la victoire brésilienne à la Coupe
(Kališe 1932 - Sofia 1974). ANDREANI (Gustave Sarrus, dit Henri),
du monde. O Padre e a Moça (1966) sou-
Après des études à l’Académie d’Art cinéaste français (La Garde-Freinet
ligne l’originalité de l’auteur et les liens
Dramatique de Sofia, il tourne son pre- 1872 - Paris 1936).
privilégiés qu’il entretient désormais avec
mier film la Chambre blanche (Bjalata Secrétaire de Charles Pathé, il est ensuite
la littérature brésilienne, ici de Carlos
staja) en 1968 qui rompt avec les sujets acteur dans les scènes à trucages de
Drummond de Andrade. La passion d’un
conventionnels approuvés par le régime Gaston Velle, dont il devient assistant ; il
jeune curé et d’une fille dans un village
politique puis Il n’y a rien de plus beau collabore ensuite avec Zecca (Messaline,
est traitée avec pudeur et lyrisme.
que le mauvais temps (Njama ništo po- 1910). Devenu producteur, il réalise des
Premier film du Cinema Novo à rem-
hubavo ot lošoto vreme, 1971). Mais c’est films d’inspiration biblique (Moïse sauvé
porter un succès public appréciable
la Corne de chèvre (Kozijat rog, 1972) des eaux, 1911 ; Absalon, 1912 ; la Fille
(c’est, il est vrai, une de ses rares comé-
qui lui assure une solide réputation parta- de Jephté et la Reine de Saba, 1913).
dies), Macunaíma (1969) n’hésite pas à
gée avec celle de l’écrivain et scénariste Son Siège de Calais (1911) est apprécié
intégrer le comique des chanchadas si
Nikolai Haitov. Il meurt prématurément en pour le décor et les mouvements de figu-
méprisées des spectateurs cultivés. Ve-
1974 après avoir réalisé le Grand ennui ration. Plus tard viennent adaptations de
dette du genre, l’acteur noir Grande Otelo
(Goljamata skuka, 1973) privant son pays romans (l’Autre Aile [1924], inspirée de
y est un des interprètes du rôle-titre du
d’un cinéaste original et peu conformiste. Canudo) et drames d’espionnage. Il parti-
roman parodique du moderniste Mario cipe au tournage de Napoléon (A. Gance,
ANDRA (Fern Edna Andrews, dite Fern), de Andrade (1893-1945). Aventures 1927).
actrice américaine (Watseka, Ill., 1893 - du héros sans caractère d’un Brésil qui
Aiken, S.C., 1974). veut se civiliser, caustique et mythique, ANDREEV (Boris) [Boris Fëdorovi
Après avoir interprété quelques rôles Macunaíma rompt avec le réalisme en Andreev], acteur soviétique (Saratov
dans son pays natal, elle part à Vienne faveur du tropicalisme, vague de fond qui 1915 - Moscou 1982).
suivre les cours de Max Reinhardt. Elle ébranla la culture brésilienne de la fin des Grand, massif, il est utilisé tout d’abord
est active de 1917 à 1927 dans le cinéma années 60, aussi bien au cinéma qu’en comme l’archétype du héros soviétique
allemand, à la fois comme actrice, pro- musique ou au théâtre. Os Inconfidentes populaire : à la fois simple, optimiste,
ductrice et même, parfois, réalisatrice. (1972) s’inspire d’une conspiration contre foncièrement patriote et inébranlable
Elle est notamment remarquable dans le pouvoir colonial au Minas Gerais au dans ses convictions. Il joue le rôle d’un
Genuine (1920) et Die Nacht der Königin XVIIIe siècle. Ce n’est pas l’imagerie conducteur d’engins dans la comédie
Isabeau (id.), deux films de Robert Wiene, patriotique de l’Inconfidência Mineira qui kolkhozienne d’Ivan Pyriev les Trac-
et dans le Cauchemar de Za-la-vie (Der intéresse l’auteur, mais la réflexion sur toristes (1939), d’un mineur dans Une
Traum der Za-la-vie, E. Ghione, 1924), les rapports des intellectuels et du pou- grande vie (id.) de Leonid Loukov, du co-
suite expressionniste des aventures voir, une recherche aussi de la vérité saque Dovbnia dans Bogdan Khmelnitski
feuilletonesques de la série Za-la-mort). (coproducteur, la RAI le diffusa sous (1941) d’Igor Savtchenko. On le retrouve
Parmi ses autres films, citons encore le titre La congiura). Guerra Conjugal matelot dans Moi, marin de la mer Noire
Die Liebe ist der Frauen Macht (Georg (1974) adapte des contes ironiques de (Ja, ernomorec, 1944) d’Aleksandr
Bluen, 1924) et Funkzauber (R. Oswald, Dalton Trevisan. Nettement plus réussi Matcheret, ordonnance dans Rencontre
1927). De retour aux États-Unis à la fin est l’épisode réalisé pour Contos Eróti- sur l’Elbe (1949) de Grigori Aleksandrov.
des années 20, elle ne fera plus que de cos (tourné en 1977) : le héros de Vereda Dans la Chute de Berlin (M. Tchiaoureli,
brèves apparitions à l’écran (The Lotus Tropical fait l’amour avec des pastèques, 1950), le soldat qui hisse le drapeau

36
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

rouge sur le Reichstag, c’est lui. Après puscule des aigles, de John Guillermin Night of the Demon / Curse of the Demon
Une grande famille (I. Kheifits, 1954), il (1966) avec James Mason et George (J. Tourneur, 1957) ; The Fearmakers
est choisi par Dovjenko pour le Poème Peppard. Depuis, sa carrière n’a cessé (id., 1958) ; l’Île enchantée (A. Dwan, id.) ;
de la mer, que réalisera en 1958 la veuve de péricliter. Elle ne tourne plus que des Première Victoire (Preminger, 1965) ; le
du cinéaste disparu. Youlia Solntseva lui films de second plan : Soleil rouge (T. Dernier Nabab (E. Kazan, 1976).
demandera deux fois encore (les Années Young, 1971), le Choc des Titans (D.
de feu, 1961 ; la Desna enchantée, 1964) Davis, 1980). ANDREWS (Harry), acteur britannique
d’être l’interprète des ultimes scénarios (Tonbridge 1911 - Salehurst, Sussex 1989).
de Dovjenko. Ses rôles deviennent plus ANDREWS (Dana), acteur américain (Col- Après une belle carrière théâtrale, il vient
nuancés, plus riches. Il tourne notam- lins, Miss., 1909 - Los Alamitos, Ca., 1992). tardivement au cinéma dans les Bérets
ment dans ‘ Cruauté ’ (Žestokost‘, 1959) Sans avoir été véritablement une star, il rouges (T. Young, 1953). Il se confirme
de Vladimir Skouibine, Thomas Gordeiev a l’une des filmographies les plus impres- comme l’un des meilleurs seconds rôles
(id.) de Mark Donskoï, ’la Route du port‘ sionnantes de tous les comédiens de sa anglais dans des films comme Moby
(1962) de Gueorgui Danelia, la Tragédie génération. Entre 1940 et 1958, il a tourné Dick (J. Huston, 1956), Sainte Jeanne
optimiste (1963) de Samson Samso- dans quelques-uns des films les plus (O. Preminger, 1957), Barabbas (R.
nov, ’les Enfants de Vaniouchine‘ (1973) importants d’Otto Preminger, Jacques Fleischer, 1962), Cléopâtre (J. L. Man-
d’Evgueni Tachkov, ’les Aventures d’un Tourneur, Fritz Lang, Allan Dwan, William kiewicz, 1963), Tout ou Rien (C. Donner,
retraité‘ (1980) de Salomon Chouster. Wellman, Lewis Milestone, William Wyler 1964), la Colline des hommes perdus (S.
et John Ford. Jean Renoir et Elia Kazan Lumet, 1965), Modesty Blaise (J. Losey,
ANDREJEW ou ANDREIEV (André), déco- ont fait également appel à lui. Sa pré- 1966), la Charge de la brigade légère (T.
rateur français d’origine russe (Saint-Pé- sence, sa gravité, l’intensité et la sobriété Richardson, 1968), le Piège (J. Huston,
tersbourg 1887 - Loudun 1966). de son jeu, plus qu’un physique excep- 1973) ou Mort sur le Nil (J. Guillermin,
Décorateur de théâtre pour Stanislavski à tionnel, avaient de quoi retenir l’attention 1978).
Moscou et Max Reinhardt à Berlin, il vient de ces cinéastes.
au cinéma avec Raskolnikov (R. Wiene, ANDREWS (Julia Elizabeth Wells, dite
Preminger le mit au centre de quatre de
1923). Toujours en Allemagne, il crée Julie), actrice américaine (Walton-on-
ses meilleurs films : Laura et Mark Dixon
les décors de Thérèse Raquin (J. Fey- Thames, Grande-Bretagne, 1935).
détective, avec Gene Tierney ; Crime pas-
der, 1928), Loulou (G. W. Pabst, 1929) Née dans le monde du spectacle, elle
sionnel et Femme ou Maîtresse. Dans les
et l’Opéra de Quat’sous (id., 1931) avant débute sur scène à douze ans, et, en
deux premiers, il est policier, mais c’est
de suivre Pabst en France, où ils font 1954, conquiert Broadway avec une pro-
un emploi auquel il donne toujours beau-
ensemble Don Quichotte (1933). La puis- duction britannique importée, The Boy
coup d’ambiguïté. Jacques Tourneur,
sance de ses décors, partagés entre réa- Friend. Chanteuse mieux qu’agréable,
dont il était l’ami personnel, l’utilise dans
lisme et expressionnisme, a fait de lui un actrice d’une remarquable justesse, elle
un western (le Passage du canyon), dans
des grands décorateurs internationaux. doit laisser à Audrey Hepburn le rôle prin-
un film fantastique (Night of the Demon,
Parmi ses autres films, il convient de cipal de My Fair Lady (G. Cukor, 1964),
une de ses rares incursions dans le
citer : Nuits moscovites (A. Granowsky, qui avait été pour elle un triomphe à la
genre) et dans un film d’espionnage (The
1934) ; Mayerling (A. Litvak, 1936) ; le scène. Elle débute à l’écran dans Mary
Fearmakers). Fritz Lang en fait un jour-
Golem (J. Duvivier, id.) ; la Citadelle du Poppins (R. Stevenson, 1964), dans un
naliste dans la Cinquième Victime et un
silence (M. L’Herbier, 1937) ; Tarakanowa rôle plaisant et par moments émouvant
romancier dans l’Invraisemblable Vérité,
(F. Ozep, 1938) ; L’assassin habite au 21 qui lui apporte d’emblée une célébrité
ses deux derniers films américains. Dwan
(H.-G. Clouzot, 1942) ; le Corbeau (id., mondiale. La même année, elle interprète
lui donna le rôle du marin de son avant-
1943) ; Anna Karénine (J. Duvivier, GB, une comédie satirique d’Arthur Hiller : les
dernier film, Enchanted Island, d’après
1948) ; Alexandre le Grand (R. Rossen, Jeux de l’amour et de la guerre. Elle se
Melville. Sa filmographie est aussi riche
1956, US). partage quelques années encore entre
en westerns (l’Étrange Incident, de Well-
les comédies musicales à succès plus ou
man) et, surtout, en films de guerre (le
ANDRESS (Ursula), actrice allemande moins justifié : la Mélodie du bonheur (R.
Commando de la mort, de Milestone).
(Berne, Suisse, 1936). Wise, 1965), Millie (G. Roy Hill, 1967),
Après 1958, sa carrière décline lente- Star ! (Wise, 1968) et des rôles plus dra-
Elle fait ses débuts dès 1953 dans les stu-
ment. On ne le voit plus que dans des
dios romains, mais, malgré quelques figu- matiques (Hawaii de G. Roy Hill, 1966)
rations, elle attire plus l’attention par son rôles secondaires et à la télévision. On dont elle s’acquitte parfois fort bien (le
mariage avec le comédien et réalisateur eut cependant la surprise de le retrouver Rideau déchiré, d’A. Hitchcock, id). Sa
John Derek (en 1957) que par ses pre- égal à lui-même dans le Dernier Nabab vraie nature lui sera et nous sera révélée
de Kazan, dont il avait déjà interprété par son second mari, Blake Edwards, qui
mières interprétations. La révélation —
éclatante — lui vient près de dix années Boomerang, près de trente ans aupara- en 1970 fait d’elle la vedette de Darling
vant. Lili : fausse candeur et féminité sou-
après ses débuts avec le premier des
James Bond, James Bond 007 contre Dr Films : le Cavalier du désert (W. dain agressive sous les apparences du
No (1962), sous la direction de Terence Wyler, 1940) ; la Route du tabac (J. Ford, charme bourgeois n’altèrent en rien les
Young et aux côtés de Sean Connery. 1941) ; l’Étang tragique (J. Renoir, id.) ; qualités de la chanteuse et de la comé-
Son maillot de bain extrêmement réduit et Boule de feu (H. Hawks, 1942) ; l’Étrange dienne. Mais elle n’est guère reparue
son fusil-harpon lui valent alors quelques Incident (W. Wellman, 1943) ; Laura (O. ensuite que dans trois films d’Edwards,
rôles plus ou moins déshabillés. Adroi- Preminger, 1944) ; Crime passionnel (id., le parodique Top Secret (1974), Elle
tement utilisée par Robert Aldrich avec 1945) ; State Fair (W. Lang, id.) ; le Com- (1979), S.O.B. (1981) et dans Little Miss
Anita Ekberg, Frank Sinatra et Dean Mar- mando de la mort (L. Milestone, 1946) ; Marker (1980) de Walter Bernstein, avant
tin dans Quatre du Texas (1963), on se le Passage du canyon (J. Tourneur, d’étonner son public dans un double rôle
souvient surtout d’elle en déesse du feu id.) ; les Plus Belles Années de notre vie charmant et ambigu : celui de Victor,
dans She (1965) de Robert Day, de ses (W. Wyler, id.) ; Boomerang (E. Kazan, Victoria dans le film homonyme de Blake
scènes d’amour avec Belmondo dans 1947) ; Femme ou Maîtresse (Preminger, Edwards (1982). Il lui donne un rôle en
les Tribulations d’un Chinois en Chine de id.) ; Mark Dixon détective (id., 1950) ; retrait dans l’Homme à femmes (1983) :
Philippe de Broca (1965), et de la per- la Cinquième Victime (F. Lang, 1956) ; elle est la psychiatre qui écoute la confes-
sonnalité qu’elle affirmait dans le Cré- l’Invraisemblable Vérité (F. Lang, id.) ; sion de Burt Reynolds. Mais, dans l’auto-

37
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

biographique That’s Life (1986), elle se essais, la Pierre qui flotte (CM, 1971) et le Attention les yeux (G. Pirès, 1976), Un
trouve investie du rôle pivot : une femme Rouge, le rouge et le rouge (CM, 1972). éléphant ça trompe énormément (Y.
mûre, peut-être atteinte d’un cancer, qui Il aborde le long métrage en 1975 avec le Robert, id.), Je vais craquer (F. Leter-
cache son angoisse pour faire face aux Fils d’Amr est mort. Après le Grand Pay- rier, 1980), Viens chez moi, j’habite chez
névroses infantiles d’un mari qui refuse sage d’Alexis Droeven (1981), il signe une copine (P. Leconte, 1981), Le Père
de vieillir. Épanouie, émouvante, d’une Mémoires (DOC, MM, 1985) et Australia Noël est une ordure (J.-M. Poiré, 1982),
dignité blessée qui ne lui fait jamais igno- (1989). le Mariage du siècle (Philippe Galland,
rer l’humour, Julie Andrews donne là, 1985), le Grand Chemin (Jean-Loup Hu-
peut-être, son interprétation la plus belle. ANDRIOT (Camille, dite Josette), actrice bert, 1987), les Baisers de secours (Ph.
Si elle se tire remarquablement bien d’un française (1886-1942). Garrel, 1989), Maman (R. Goupil, 1990),
mélodrame dangereux qui reprend le Elle est la seule actrice d’action du cinéma Après après-demain (Gérard Frot-Cou-
thème de la maladie (Duo pour une so- français muet. Jusqu’à son retrait (1919), taz, id.), le Petit Prince a dit (Ch. Pascal,
liste, A. Mikhalkov-Kontchalovski, 1986), elle interprète une soixantaine de films 1992), Aux petits bonheurs (M. Deville,
on est en droit de regretter le manque exclusivement pour Éclair. Remarquée 1993), Pas très catholique (Tonie Mars-
d’inspiration de Tchin-Tchin (G. Saks, pour ses qualités sportives (équitation, hall, 1994), Enfants de salaud (id., 1996),
1990), morne adaptation de François Bil- natation, cyclisme, acrobatie) par Victorin les Bidochon (Serge Korber, 1996), la
letdoux qui ne vaut que par le charme de Jasset, elle avait débuté dans ses séries Cible (Pierre Courrege, 1996), l’Homme
l’actrice et sa complicité avec Marcello de films d’aventures : les Nick Carter de ma vie (Stephane Kurc, 1999).
Mastroianni. (1908-1909), les Zigomar (1911-1913).
Sous la direction de ce cinéaste et ANGELETTI (Pio), producteur italien
ANDREX (André Jaubert, dit), acteur fran- de ses successeurs, elle devient la très (Rome 1929).
çais (Marseille 1907 - id. 1989). populaire interprète de Protéa dans une Assistant de Carlo Ponti, directeur de pro-
C’est l’un des plus fidèles compagnons série de cinq films : Protéa (1913), l’Auto duction pour Clemente Fracassi, organi-
de Fernandel, qu’il accompagne du Coq infernale (1914), la Course à la mort sateur général à la Fair Film de Cecchi
du régiment (Maurice Cammage, 1933) (1915), les Mystères du château de Mal- Gori, il fonde en 1969 avec Adriano De
à la Bourse et la Vie (J.-P. Mocky, 1965). mort (6 épisodes, 1917), Protéa intervient Micheli (Galatina, Lecce, 1934) la Dean
Sa voix fait merveille dans les opérettes, (1919). Film. Premiers succès : Une poule, un
et il sait habilement camper des voyous train... et quelques monstres (D. Risi,
à l’accent chantant. Angèle (M. Pagnol, ANDRIOT (Lucien), chef opérateur français 1969), Drame de la jalousie (E. Scola,
1934), Un carnet de bal (J. Duvivier, (Paris 1897-Los Angeles, Ca., 1979). 1970). Tous deux se spécialisent dans la
1937), l’Etrange Monsieur Victor (J. Gré- Toute sa carrière s’est déroulée aux comédie satirique avec vedettes : Gass-
millon, 1938), l’Entraîneuse (A. Valentin, États-Unis. Pendant la guerre, il se joint man, Tognazzi, Giannini, Ornella Muti.
id.), Circonstances atténuantes (J. Boyer, aux Français qui y travaillent et photo- Leurs auteurs maison, comme Dino Risi
1939). Renoir, qui l’avait employé dès graphie les films d’Albert Capellani (The (Parfum de femme, 1974) et Ettore Scola,
Toni (1935), lui donne un rôle sympa- Feast of Life, 1916) et de Léonce Perret obtiennent des réussites internationales.
thique dans la Marseillaise (1938). Il (Lafayette We Come !, 1919). Il ne revient Ils signent également des coproductions
figure aussi dans Manon (H.-G. Clouzot, pas en France et collabore à Hollywood avec le Canada : Cher Papa (Risi, 1979)
1949). avec des réalisateurs notoires : Tod ou la France : la Terrasse (Scola, 1980).
Browning, Walsh (The Loves of Carmen, En 2000, il produit encore Quello che le
ANDREYOR (Yvette Roye, dite Yvette), 1927 ; la Piste des géants, 1930), Garnett ragazze non dicono de Carlo Vanzina.
actrice française (Paris 1891 - id. 1962). (Prestige, 1932), Van Dyke, Vidor, Ma-
Ses débuts au théâtre après le Conser- moulian, Renoir (l’Homme du Sud, 1945 ; ANGELI (Anna-Maria Pierangeli, dite Pier),
vatoire se situent en Belgique, puis elle le Journal d’une femme de chambre, actrice italienne (Cagliari, Sardaigne,
entre chez Gaumont, y rencontre Louis 1946) et René Clair (Dix Petits Indiens, 1932 - Los Angeles, Ca., 1971).
Feuillade, qui, dès 1911, la fait paraître 1945). Un film didactique consacré à l’éveil des
dans d’innombrables films aux titres sentiments chez les adolescents, De-
doucement romanesques. Elle figure en ANÉMONE (Anne Bourguignon, dite), ac- main, il sera trop tard de Léonide Moguy
bonne place dans Juve contre Fantômas trice française (Paris 1950). (1949), et surtout Teresa de Fred Zinne-
(1913) et dessine surtout une ingénue Très jeune, elle joue dans un des pre- mann (1951), où elle interprète la petite
contrastant avec Musidora dans Judex miers films de Philippe Garrel, Anémone épouse de guerre d’un G. I., révèlent Pier
(1917), suivi de la Nouvelle Mission de (1968), puis se forme au théâtre dans Angeli : un fin et doux visage, une per-
Judex (1918). Elle tient ensuite des rôles la troupe de Robert Hossein. En 1975, sonnalité vulnérable et émouvante. Elle
importants dans des films de Fescourt : elle fonde un café-théâtre, La Veuve se fixe alors à Hollywood et épouse le
Mathias Sandorf (1920) et la Nuit du 13 Pichard et rejoint la troupe du Splendid comédien Vic Damone. Au cours d’une
(1921) ; de Germaine Dulac : Âme d’ar- en 1979. Sa gouaille, son répertoire de brève carrière, peu de films (sur les 31
tiste (1925), et de Robert Péguy. Mariée grande nunuche ou de naïve catastro- qu’elle tourne) savent mettre en évidence
à l’acteur Jean Toulout, elle continue sa phique lui offrent des compositions un sa sensibilité inquiète. Outre ceux de
carrière théâtrale. Un de ses derniers peu trop sur mesure. Avec Péril en la Moguy et de Zinnemann, on peut citer :
rôles muets lui fut proposé par René Clair demeure (M. Deville, 1985), elle aborde Miracle à Tunis (R. Brooks, 1951), Le
(les Deux Timides, 1929). Sans l’igno- enfin un autre registre, rassurant ceux qui diable fait le troisième (The Devil Makes
rer tout à fait, le parlant ne lui accorde voyaient en elle une nouvelle Arletty. À Three [A. Marton], 1952), Marqué par la
plus que des apparitions insignifiantes la suite de son personnage relativement haine (R. Wise, 1956) et Sodome et Go-
jusqu’en 1946. complexe de Pas très catholique (Tonie morrhe (R. Aldrich, 1962). Elle se suicide
Marshall, 1994), son image évolue avec à l’âge de 39 ans.
ANDRIEN (Jean Jacques), cinéaste belge des films tels que Marquise (Vera Bel-
(Verviers 1944). mont, 1997, second rôle), Lautrec (Roger ANGELO (Jean Barthélemy, dit Jean), ac-
Il étudie le cinéma à l’INSAS de Bruxelles Planchon, 1998) ou le Cri de la soie (Yvon teur français (Paris 1888 - id. 1933).
en compagnie d’André Delvaux, réa- Marciano, 1996). Il entre en 1903 chez Sarah Bernhardt et,
lise un premier court métrage en 1970 Autres films : la Maison (G. Brach, à ce titre, joue dans le film la Reine Eli-
(L’babou) qui sera suivi de deux autres 1970), l’Incorrigible (Ph. de Broca, 1975), zabeth (L. Mercanton, 1912), qui obtient

38
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

un triomphe aux États-Unis. Ses débuts sait brasser dans un même mouvement c’est là chose rare ». Cet encouragement
devant la caméra remontent à 1908 (dans de caméra diverses composantes du et la censure qu’il affronte aux États-Unis
l’Assassinat du duc deGuise). Son phy- récit. Cette ambition pourrait conduire à la (son film The Love That Whirls est détruit
sique, son jeu net le favorisent. Sa créa- confusion ou à l’intellectualisme abscons en 1949 par Kodak pour cause de nudité)
tion dans l’Atlantide est restée célèbre si elle n’était portée par une intelligence l’amènent à se fixer à Paris. Il y tourne
tant pour la version muette (J. Feyder, lucide et par une constante exigence for- la Lune des lapins (1950), qui ne sera
1921) que pour le film parlant (G. W. melle.
achevé qu’en 1972. Des deux projets
Pabst, 1932). Jean Epstein (les Aven- On retrouve cette liturgie très person-
entrepris avec les danseurs de Roland
tures de Robert Macaire, 1925), Jean nelle qui n’est pas sans évoquer cer-
Petit, le Jeune Homme et la Mort, d’après
Renoir (Nana, 1926), Henri Fescourt taines règles de tragédie grecque dans
Cocteau, et les Chants de Maldoror, il ne
(Monte-Cristo, 1929) savent l’apprécier Alexandre le Grand (Omegalexandros,
réalise que le premier en 1951. Les jar-
et, dans Surcouf (Luitz-Morat, 1925), il 1981), fable moraliste et amère sur un
dins de la Villa d’Este à Tivoli lui inspirent
montre beaucoup de brio. bandit justicier, figure quasi légendaire
un petit divertimento bleu-vert, Eaux
vénérée par le peuple, qui devient, par
ANGELOPOULOS (Theodoros, dit Theo), intransigeance et radicalisation, tyran d’artifice (1953). En 1954, rentré à Los
cinéaste grec (Athènes 1935). mégalomane, et dans le Voyage à Cy- Angeles, il entame Inauguration of the
Après des études de droit puis un bref thère (Taxidi sta Kythira, 1984) où, à Pleasure Dome (version finale : 1966),
passage à Paris, il suit en 1962 les cours travers l’histoire d’un vieux combattant rituel érotico-mythologique à la manière
de l’IDHEC. De 1964 à 1967, il est cri- communiste de la guerre civile exilé en de ceux qu’organisait au début du siècle
tique cinématographique au quotidien URSS et qui à son retour dans la mère Aleister Crowley dans son abbaye sici-
Allagi. Un long métrage entrepris en 1965 patrie s’aperçoit qu’il n’y a plus de place lienne (à laquelle Anger, passionné de
avec le groupe de musiciens pop For- ni pour lui ni pour ses idéaux, le cinéaste magie, consacre un documentaire en
mix Story ne pourra jamais être achevé. s’interroge sur les rapports du temps, de 1955). Il salue le début de l’« ère du Ver-
Quand Angelopoulos parvient en 1970 à l’histoire et de la mémoire. Il réalise en
seau », avec Scorpio Rising (1962-1964),
persuader un jeune producteur (George 1986 l’Apiculteur (O melissokomos) avec
tourné à Brooklyn dans un milieu de mo-
Papalios) de financer son premier film, Marcello Mastroianni, d’un style plus réa-
tards, entre documentaire et fiction. C’est,
il n’a encore réalisé qu’un seul court liste et plus intimiste, en 1988 Paysage
par son montage et la pop music qui le
métrage : l’Émission (I ekpombi, 1968). dans le brouillard (Topio stin omichli), ad-
scande, une sorte d’hymne à la violence.
La Reconstitution (Anaparastassi) provo- mirable voyage initiatique et poétique de
deux enfants en quête d’un lien paternel Le 26 octobre 1967, il publie dans The
quera une certaine surprise en rempor-
tant en 1970 le grand prix de Salonique. et affectif, en 1991 le Pas suspendu de la Village Voice un faire-part annonçant sa

À travers l’intrigue pseudo-policière du cigogne (To meteoro vima tou pelargou mort. On lui vole en Californie une par-

récit — un émigré, à son retour d’Alle- avec Mastroianni, à nouveau, et Jeanne tie du Lucifer Rising qu’il est en train de
magne, est assassiné dans un village Moreau) et, en 1995, le Regard d’Ulysse tourner. Il monte à Londres ce qu’il en
retiré de l’Épire par sa femme et l’amant (To vlemma tou Odyssea), splendide dé- reste, sur une musique de Mick Jagger,
de celle-ci —, on remarque un style et rive à travers les Balkans d’un cinéaste sous le titre Invocation of My Demon
une démarche idéologique dont l’origina- d’origine grecque qui tente de retrouver le Brother (1969). Tout en réunissant ses
lité tranche sur le conformisme du cinéma premier film mythique tourné à l’aube du principales oeuvres dans un « Cycle de la
grec de l’époque. Le fait divers retient siècle par les frères Manakias. Angelo- lanterne magique », il y achève aussi, en
moins l’attention du metteur en scène que poulos confronte mythes antiques et réa-
1974, la 1re partie d’un nouveau Lucifer
l’enquête qu’il déclenche, ainsi que ses lité contemporaine, une réalité saisie dans
Rising.
implications sociologiques individuelles sa complexité et sa souffrance, brode de
et collectives. subtiles variations sur l’exil tant extérieur
ANGLE.
qu’intérieur et « donne à voir » par de
Ses trois oeuvres successives : Jours Grand angle, abrév. fam. de objectif à
longs plans, à la fois amples et lents, la
de 36 (Imerestou 36, 1972), le Voyage grand angle de champ. ( OBJECTIFS.)
complexité de cet enchevêtrement de
des comédiens (O thiassos, 1975) et les
populations balkaniques qui conduit le
Chasseurs (I kynighi, 1977) apparaissent ANGST (Richard), chef opérateur suisse
personnage central, nommé A (et incarné
comme une vaste trilogie sur l’histoire de (Zurich 1905 - Berlin, RFA, 1984).
par Harvey Keitel), jusqu’à la ville martyre
la Grèce contemporaine. S’appuyant sur Il débute en 1927 comme collaborateur
de Sarajevo. En 1998 il reçoit la Palme
une forme de pensée à la fois dialectique des films d’Arnold Fanck (en compagnie
d’or à Cannes pour l’Éternité et un jour
et didactique héritée de Brecht, Angelo- de Sepp Allgeier et Hans Schneeber-
(Mia eoniotita ke mia mera).
poulos fouille la mémoire collective de ger) et a paru longtemps se cantonner
ses compatriotes afin d’en extraire une
ANGÉNIEUX OBJECTIFS dans le documentaire (de montagne et/
leçon politique et sociale. Il nie les procé-
ou exotique). Ce n’est qu’en 1954 qu’il
dés courants du récit filmique, se refuse ANGER (Kenneth), cinéaste expérimental renonce à ses activités de globe-trotter
à ce que le spectateur s’identifie à un américain (Santa Monica, Ca., 1932).
pour diriger la photo de films de fiction si-
quelconque héros ou épouse incondition- Il est sans doute, avec Andy Warhol, le
gnés Harald Braun ou Kurt Hoffmann. En
nellement une thèse préalablement éta- plus célèbre des cinéastes underground.
1958, il est engagé (à la suite du décès
blie. Il privilégie le choix d’un petit groupe Petit-fils d’une habilleuse de cinéma, il
social représentatif par rapport à la notion de F. A. Wagner) pour le Tigre du Ben-
est très tôt fasciné par Hollywood, dont
de masse et utilise avec virtuosité les gale et le Tombeau hindou, de Fritz Lang.
il célébrera les turpitudes dans son récit
richesses et les possibilités techniques Il s’acquitte de cette tâche avec une belle
Hollywood Babylone (Pauvert, 1959).
du plan séquence, parce que sa lon- Son premier film important et public est sensibilité à la couleur, qu’on retrouve
gueur permet de subtiles variations sur Fireworks (1947). Interprétée par lui- dans le Divin Marquis (Cy Enfield, 1969),
le rapport espace-temps, autorise même même, cette histoire semi-onirique est en collaboration avec Heinz Pehlke.
parfois le télescopage de deux moments sans doute la première transcription
historiques distincts, en éclairant de ma- directe, au cinéma, de fantasmes homo- ANGULAIRE.
nière imprévue ou évidente, le passage sexuels sadomasochistes. Cocteau dira Grand angulaire, syn. fam. de grand
du mythe à la réalité... En bref, le cinéaste du film qu’« il touche le vif de l’âme et que angle.

39
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

ANHALT (Edward), scénariste américain 1893), les disques et le fusil chronopho- Drawing puis en 1906 Humorous Phases
(New York, N. Y., 1914 – Pacific Palisades, tographique d’Étienne-Jules Marey (de of Funny Faces, où une main dessine
Ca., 2000). 1882 à 1893). En 1888, Émile Reynaud des graffiti qui aussitôt prennent vie sur
Venu au cinéma après s’être occupé de fait breveter une nouvelle invention : le l’écran. Il signe l’année suivante le mer-
la naissante TV en couleurs, il a eu une Théâtre optique. Celui-ci, utilisé publique- veilleux The Haunted Hotel, film live inté-
activité de producteur associé (notam- ment de 1892 à 1900 au musée Grévin, grant des objets animés, modèle de ce
ment avec Stanley Kramer) assez consi- permet pour la première fois de projeter qu’on appelait alors le mouvement amé-
dérable. Il a cosigné notamment le scé- sur un écran des spectacles animés en ricain. En Europe, l’Espagnol Segundo
nario de Panique dans la rue (E. Kazan, couleurs de plus de cinq minutes. Ce sont de Chomon, célébré par la suite pour
1950), qui lui vaut un Oscar, l’Homme les Pantomimes lumineuses qu’Émile sa virtuosité technique, réalise en 1902
à l’affût (E. Dmytryk, 1952), le Bal des Reynaud dessine et peint lui-même. un premier film d’animation en volume,
maudits (id., 1958), Becket (P. Glenville, Un Bon Bock (1888) ou Pauvre Pierrot Choque de trenes. Il récidive avec El
1964 : autre Oscar), l’Étrangleur de Bos- (1891) sont relayés par ses photoscé- Hotel Electrico (1905), qui préfigurerait
ton (R. Fleischer, 1968), Jeremiah John- nographies d’acteurs : les clowns Footit The Haunted Hotel de Blackton. En 1908,
son (S. Pollack, 1972). et Chocolat enregistrés en 1896. Louis il explore la technique de la plastiline
Lumière, qui, en mettant au point le Ciné- avec le Sculpteur moderne. On lui doit
ANIMATION. matographe, clôt la préhistoire du cinéma plus d’une centaine de films, tous genres
Au cours du XXe siècle, plusieurs défi- et inaugure son histoire, a repris à Rey- confondus.
nitions sont proposées. La plus aboutie naud son idée d’utiliser des bandes perfo- Presque au même moment et simul-
semble due à André Martin : « Le terme rées et souples assurant une projection à tanément aux découvertes abstraites de
d’animation définit toute composition de mouvement continu sans flou ni sautille- Wassily Kandinsky, Arnaldo Ginna, l’un
mouvement visuel procédant d’une suc- ment, mais il la perfectionne en inventant des protagonistes italiens du mouve-
cession de phases calculées, réalisées un système de griffes qui en contrôlent ment futuriste naissant, réalise plusieurs
et enregistrées image par image [...], l’entraînement mécanique. Cependant, le oeuvres animées et abstraites peintes
quel que soit le système de représenta- principe existant en germe dans les Pan- directement sur pellicule (Accordo di
tion choisi [...], quel que soit le moyen de tomimes lumineuses est celui, fondateur, colore, Canto di primavera, les Fleurs...,
reproduction employé [...], quel que soit du principe du cinéma d’animation : ces en 1908-1910 environ). Il fait écho à
enfin le procédé de restitution du mouve- images ne sont pas des représentations la conviction de Baudelaire que « les
ment. » Ce procédé, dit « de l’image par du réel, elles n’ont rien — contrairement parfums, les couleurs et les sons se
image », fondé sur le passage à l’enre- aux premiers films des frères Lumière — répondent ». À partir de 1908 aussi, le
gistrement d’un maximum de 24 images de naturaliste. Au lieu d’enregistrer un cinéma d’animation connaît une évolution
différentes par seconde de projection, est mouvement du réel, ce cinéma crée de décisive sous l’impulsion du caricaturiste
à la base même du principe cinématogra- toute pièce une représentation. français Émile Cohl. Après avoir vu, en
phique. Reposant, dans son processus Cette préhistoire permet d’identifier la 1907, The Haunted Hotel de Blackton, il
de conception, sur un aller-retour entre présence de deux origines continentales présente au Théâtre du Gymnase à Paris
fixité et cinétisme, le cinéma d’animation (Europe et États-Unis). Elle dévoile les son premier dessin animé, Fantasmago-
pourrait bien être la machine manquante, trois affluents fondateurs des esthétiques rie (août 1908). Très bien accueilli par le
entre Marey et Lumière — désignée indi- internationales du cinéma d’animation : public, il inaugure pour la première fois,
rectement par Jean-Luc Godard : la ma- 1. Les recherches techniques elles- avec le personnage du Fantoche, une
chine qui se situerait entre mouvement mêmes ; 2. Le spectacle de tradition po- série. Celle-ci, par son insurpassable
figé (préhistoire) et mouvement réglé pulaire ; 3. L’histoire des arts plastiques. qualité, fait de l’animation un art majeur.
(cinéma). Sur un plan esthétique, sa Elle démontre que, dès le départ, le Inventeur également du flip-book, Émile
souche serait celle de la fantasmagorie champ esthétique n’est nullement réduit Cohl explore en deux ans les multiples
(préhistoire) et ses réalisations renouve- à la seule source graphique. possibilités du cinéma d’animation :
lées rejoueraient toujours cette « scène D’origine controversée selon les pa- marionnettes, papier découpé, volumes
primitive ». Les débuts de son histoire ramètres retenus (principe de base ou animés, images colorisées. Son succès
coïncideraient avec la fin de la préhistoire support de la pellicule ou déclinaison l’entraîne aux États-Unis dès 1912 où il
du cinéma (Hervé-Joubert Laurencin). durable), le cinéma d’animation naît avec travaille au développement du person-
La préhistoire du cinéma réunit toutes le cinéma si l’on prend pour étalon le sup- nage de Snookums (Zozor en France).
les expressions de l’analyse du mouve- port de la pellicule. L’Anglais Arthur Mel- Ses films l’ont précédé sur le territoire
ment : la plaque animée du Néerlandais bourne Cooper (1874 -1961), en réalisant américain dès 1909. L’Américain Winsor
Christiaan Huygens (1659) et ses décli- le premier film d’animation sur pellicule, McCay, qui vient de prendre connais-
naisons ultérieures à transformation, les Matches Appeal (1899), ouvrirait donc sance des films de Blackton, découvre
fantasmagories et spectacles de projec- son histoire (Giannalberto Bendazzi). cette année-là ceux de Cohl. On mesure
tions lumineuses de Philidor puis de Ro- Cette histoire pionnière commence à la fois l’extraordinaire et rapide « pas-
bertson (fin XVIIIe), le Thaumatrope des simultanément en Europe et aux États- sage de témoins » dans ces années
docteurs anglais Fitton et Paris (1825), Unis et se déploie essentiellement dans décisives et le rôle majeur que jouent
le Phénakistiscope du Belge Joseph Pla- deux directions : graphique et plastique. les caricaturistes dans cette naissance
teau avec disques sur verre (1828-1832), Dès la première décennie du XXe siècle, du cinéma d’animation : Blackton vient
les lanternes de salon des fabricants la plupart des techniques que dévelop- du New York World, Cohl du Charivari,
Lapierre avec plaques en chromolitho- pera ultérieurement le cinéma d’anima- McCay du New York Herald . Déjà célèbre
graphies passées en boucle (de 1848 au tion existent. Les successeurs de Cooper pour sa fantastique bande dessinée Little
début du XXe), les vues stéréoscopiques sont James Stuart Blackton, Segundo de Nemo — l’une des premières à paraître
de Cook et Bonelli (1867), le Praxinos- Chomon, Émile Cohl et Winsor McCay, en couleurs —, Winsor McCay décide de
cope du Français Émile Reynaud avec mais aussi les peintres Arnaldo Ginna et l’adapter à l’écran. Premier dessin animé
ses douze miroirs où se reflètent des Leopold Survage. Le caricaturiste Stuart de celui-ci et première adaptation d’une
bandes de dessins (1876), les instanta- Blackton (1875-1941), d’origine anglaise, bande dessinée dans l’histoire du cinéma
nés et séries photographiques de l’An- naturalisé américain très jeune, réalise d’animation, Little Nemo est montré à
glais Eadweard Muybridge (de 1877 à dès 1900 l’historique The Enchanted partir d’avril 1911. Sa partie animée est

40
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

colorisée manuellement. Grand moment se groupe avec le studio de Charley à partir de 1920, Walter Elias Disney qui
de l’extravagance et de l’imaginaire fou, Bowers (du Chicago Tribune) pour tour- commence, contrairement à ses prédé-
le film préfigure les grandes féeries musi- ner les aventures de Mutt et Jeff, deux cesseurs caricaturistes, dans la réclame
cales américaines des années 40. Empê- héros de bandes dessinées. Bowers de- publicitaire (Kansas City Film and Com-
ché par son éditeur de réutiliser le per- viendra à partir des années 20 l’un des pany). Il fonde à Kansas City, en 1922,
sonnage de Little Nemo, Winsor McCay grands artisans du burlesque américain, avec son frère Roy, Laugh-o-Gram-Films,
n’en continue pas moins dans la voie mêlant savamment prise de vues réelles studio qui produira, avant de faire faillite
tracée (Comment opère un moustique, et tournages en volumes animés (Pour l’année suivante, un court métrage de
1912). En 1914, à New York, Winsor épater les poules, 1925). John Randolph série prototype, mêlant la prise de vues
McCay crée avec Gertie le Dinosaure les Bray, quant à lui, crée les studios d’ani- réelles et le dessin animé, Alice in Won-
prémices du spectacle interactif : l’anima- mation de la Paramount, avec le person- derland.
teur, sur scène, s’adresse à Gertie qui, nage du fermier Al Falfa de Paul Terry. Il L’entre-deux-guerres à l’échelle
sur l’écran, exécute ses ordres. Le Nau- est surtout l’employeur puis le producteur mondiale. Parallèlement au foudroyant
frage du Lusitania (1918), reconstitution de Max et Dave Fleischer. Ceux-ci, après développement américain s’affirme, à la
documentaire animée de l’incident qui fit avoir inventé en 1915 le Rotoscope (bre- même époque, une expérience euro-
entrer en guerre les États-Unis, préfigure veté en 1917), créent une première série péenne et asiatique plus artisanale,
les actuelles reconstitutions télévisuelles de films (Out of the Inkwell) à partir de conditionnée par des contextes culturels
animées de catastrophes. L’oeuvre 1919 qui inaugurent le règne d’une des et politico-économiques nationaux diver-
constitue l’apogée du travail de Winsor premières grandes stars de l’animation : gents. Seuls les États-Unis et l’URSS,
McCay – qui prend place parmi les fonda- Koko le Clown, directement sorti de son pour des raisons économiques diamétra-
teurs du cartoon. encrier pour envahir les tables d’anima- lement opposées, vont prendre en
Seconde génération. Les années de tion, dans un mélange débridé d’image compte le cinéma d’animation dans les
guerre et la destruction massive du tissu par image et de prises de vues directes. industries nationales du cinéma. Si aux
industriel européen pénalise l’Europe La même année 1919, le dessinateur États-Unis le cinéma d’animation semble
au profit des États-Unis : au sortir de la Otto Messmer met au monde, avec la être voué au genre du dessin animé, en
Première Guerre mondiale, la suprématie collaboration du producteur Pat Sulli- Europe et en Asie le cinéma d’animation
américaine dans le cinéma d’animation van, l’autre star de l’animation : Félix le se tourne vers la diversification plastique
s’esquisse puis s’affirme progressive- Chat. Son style, d’une rare élégance, est et l’expérimentation. Les années 20 et
ment. Les premiers studios organisés d’une invention prolixe et audacieuse. La 30 sont celles, en Allemagne, en France,
sont ceux de Raoul Barré (fin 1913) puis série existera jusqu’à la mort de Sullivan en Grande-Bretagne et en URSS, d’un
de John Randolph Bray (1914). Le Raoul en 1932. Koko le Clown et Félix le Chat, bouillonnement culturel auquel le cinéma
Barré Studio naît de la Biograph Com- dans des genres différents, symbolisent d’animation est sensible. Sous l’influence
pany appartenant à Edison et réunit, un à eux seuls l’orientation suivie dès ce des mouvements expressionnistes et for-
court laps de temps, quelques-uns des moment par le cinéma d’animation amé- malistes dans le théâtre et le cinéma, et
futurs pionniers du cartoon (Gregory La ricain : focalisée par la caractérisation des mouvements abstraits dans les arts
Cava, Frank Moser, Pat Sullivan). Sur- du personnage héroïsé, elle est celle du plastiques (Kandinsky, Klee, Malevitch,
tout, il invente la perforation standard des star-system. Son esthétique est définie Mondrian), le cinéma d’animation cherche
feuilles de dessin, qui évite les « sauts » par un jeu véloce de contrastes du noir sa voie. L’esthétique européenne du noir
dans la succession des images. Puis et blanc où la densité de masses oppo- et blanc dans l’animation est liée à ces
John Randolph Bray (venue de Life, Puck sées et fluides domine. Le star-system a influences, notamment expressionnistes.
et du Brooklyn Eagle), initialement stimulé une logique dévorante. Il crée le besoin En Allemagne, ce phénomène, qui prend
par les créations de Winsor McCay, est et son absorption : les années 20 sont, corps autour de pionniers abstraits liés au
remarqué pour The Artist’s Dream (1913) aux États-Unis, celles d’une course folle mouvement du Bauhaus (Julius
par le producteur français Charles Pathé, pour parvenir à imposer au spectateur Pinschewer, Vikking Eggeling, Hans
alors dominant aux États-Unis. Sa com- le personnage le plus séducteur. Dès Richter, Walter Ruttmann, Oskar Fischin-
mande de six films à John Randolph Bray 1921, les frères Fleischer créent le Max ger), est manifeste. Il tend à définir une
permet à ce dernier de créer les Bray Stu- Fleischer Studio. Il va devenir le studio nouvelle esthétique, totalité expressive
dio (1914). Bray axe ses efforts sur l’inno- américain dominant jusqu’à la veille de de sons et d’images en mouvement, en
vation technique pour rationaliser et ac- la Seconde Guerre mondiale, se posant, relation avec les nouvelles sociétés in-
célérer la production des dessins animés. stylistiquement, en héritier de la carica- dustrialisées. Ce courant produit ses pre-
Son alliance avec l’animateur Earl Hurd ture et donnant naissance, dans un pre- miers films d’animation abstraits à partir
le rend codétenteur du brevet de celui-ci : mier temps à la mythologique Betty Boop, de 1921 (Richter, Rythmus 21 ; Ruttmann,
invention capitale, le cellulo, ou cell, va au chien Bimbo puis plus tard au Popeye Lichtspiel opus I) et exerce une influence
peu à peu permettre la transformation du d’Isidore Sparber, Seymour Kneitel et durable sur les recherches formelles du
dessin animé en industrie. Une première Dave Tendlar, d’après Elzie Segar. Il XXe siècle. Bien que rigoriste et exigeant
application du procédé est utilisée dans est bien difficile de suivre à partir de là dans sa poursuite de la ligne pure, il en-
Bobby Bump (1915). Il permet d’effectuer et à la trace tous les embranchements tretient un rapport d’échange avec le ci-
un traçage à la gouache sur des feuilles de la filiation américaine de l’image par néma : Walter Ruttmann réalise un tru-
translucides. Le décor, qui jusque-là de- image. Paul Terry, séparé des Fleischer, quage dans les Niebelungen de Fritz
vait être redessiné à chaque dessin, dé- se lance dans les Fables d’Ésope (1921) Lang, Jean Renoir fait appel à la figure
sormais indépendant, s’en trouvera bien- puis dans les Terrytoons (où débuta Tex féminine de cette avant-garde, Lotte Rei-
tôt révolutionné. Les innovations de Bray Avery), qui furent dès lors développés par niger, pour introduire dans la Marseillaise
se poursuivront jusqu’en 1920, date de la Mannie Davis et George Gordon (1930). une séquence de silhouettes animées.
création d’un premier système industriel Du syndicat de presse William Hearst et Lotte Reiniger, directement issue de l’ex-
de mise en couleurs de l’image animée de la King Features naissent les aven- périence expressionniste de Max Rein-
(Brewster Color), malheureusement peu tures de Krazy Kat (par Frank Moser et hardt, réalise le troisième long métrage
fiable. En quatre ans, les studios amé- Bill Nolan), qui connurent des rebondis- de l’histoire (compte tenu des exception-
ricains se multiplient. Ils sont, en 1918, sements jusque dans les années 30... nels la Guerre et le rêve de l’enfant, de
près d’une dizaine. En 1915, Raoul Barré Dans ce contexte d’émulation apparaît, l’Espagnol Segundo de Chomon, 1916 et

41
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

El Apostol — le Dictateur —, de l’Argentin sais, il réalise le Messager de la lumière enfants du poète Samuel Marchak. Le
Quirino Cristiani, 1917) : les Aventures du (1938), film publicitaire qu’admire Renoir, film tente de réunir le principe d’Eisens-
prince Achmed (1926). Oskar Fischinger, les Passagers de la Grande Ourse (1939- tein (construction narrative) et la moder-
dont le travail sur les rythmes de couleur 42), inspiré du poème de Victor Hugo nité picturale et cinématographique (les
le rapproche de certaines théories de Plein ciel, puis le Marchand de notes avant-gardes plasticiennes). Le travail
Kandinsky (Komposition in Blau, 1934), (1943). En Grande-Bretagne, le cinéma formel est mis sur un pied d’égalité avec
exportera cette expérience aux États- d’animation se développe plutôt alors de celui de la narration. Le film joue d’une
Unis après son départ de l’Allemagne manière insulaire. La personnalité la plus approche très élaborée de la typographie
nazie, dont l’avènement porte un coup marquante est l’ancien peintre de vitraux qui l’apparente à certaines expériences
mortel à l’animation abstraite. Cette expé- d’église, reconverti producteur dans les lettristes. L’avènement de la doctrine du
rience de l’avant-garde allemande trouve années 30, Anson Dyer, qui contribue réalisme socialiste, à partir de 1932,
des échos et des prolongements dans notamment à la série Philips Philm écarte brutalement l’expérience abstraite
plusieurs pays. En France d’abord, où les Phables. Le cinéma d’animation anglais et internationaliste au profit d’une logique
courants surréalistes et abstraits ré- est aussi attiré par le film de silhouettes. nationaliste et beaucoup plus convention-
pondent par les oeuvres cinématogra- Mais la Grande-Bretagne se distingue nelle. Elle établit paradoxalement une
phiées de Man Ray, Marcel Duchamp surtout par une expérience de mécénat parenté esthétique entre le cinéma d’ani-
(Anemic Cinema, 1926) et Fernand Léger d’État alors unique au monde, qui entre mation soviétique et le cartoon américain.
(le Ballet mécanique, 1924). En France en résonance indirecte, sur un plan es- Redéfini pour s’adresser principalement
encore, qui accueille l’un des proches de thétique, avec celle de l’avant-garde alle- aux enfants et adoptant, comme aux
Lotte Reiniger et ami de Bertolt Brecht, mande : la General Post Office Film Unit, États-Unis, des formes graphiques arron-
Berthold Bartosch, qui y réalise, d’après créée par le producteur John Grierson dies, il n’en produit pas moins, sous la
les gravures de Frans Masereel, l’Idée (1933). GPO Film Unit devient assez na- houlette du nouveau directeur du studio
(1931), une oeuvre noir et blanc unique, turellement jusqu’à la guerre un carrefour d’État Soyouzdetmultfilm (1936),
lyrique et poétique, d’une grande finesse où se croisent plusieurs réalisateurs Alexandre Ptusko, plusieurs chef-
esthétique. Le film est interdit à la diffu- d’animation européens (dont Lotte Reini- d’oeuvres. Après avoir signé le Nouveau
sion. La France accueille aussi un ci- ger). Parmi ceux-ci, Len Lye (origine : Gulliver (1935), premier long métrage
néaste russe et un immigré soviétique : Nouvelle-Zélande) et Norman McLaren noir et blanc d’animation soviétique en
Ladislas Starevitch puis Alexandre (origine : Écosse). Tous deux font leurs prise de vues réelles, marionnettes et
Alexeiff. Ladislas Starevitch, documenta- premières armes en territoire anglais. Len plastiline, intéressante relecture politique
riste pionnier en Russie, donne au ci- Lye, après avoir réalisé Tusalava (1929), de Swift, Ptusko récidive avec la Petite
néma d’animation français son premier film d’animation « primitif », développe à Clef d’or (1939), d’après Tolstoï réécri-
long métrage noir et blanc avec son partir de 1935 un procédé d’animation vant Pinocchio. Sur le continent asia-
adaptation du Roman de Renart en ma- picturale directe sur pellicule (A Colour tique, au Japon et en Chine, l’expérience
rionnettes animées (1930, sortie 1941). Box). Norman McLaren, ébloui par Fis- américaine déteint. Les premiers dessins
Alexandre Alexeieff, arrivé en France en chinger, travaille aussi sans caméra animés vus par les futurs pionniers japo-
1921, très admiratif de l’Idée, imagine lorsqu’il réalise Love on The Wing (1938), nais sont ceux de l’Américain John Ran-
d’animer des eaux-fortes et y parvient dessiné directement sur pellicule - qui dolph Bray. Cependant, à l’instar de tout
après avoir inventé un nouvel outil de réa- rend au passage hommage au trait épuré le cinéma nippon, le cinéma d’animation,
lisation, l’écran d’épingles, dont il tire Une d’Émile Cohl. La révolution formaliste se qui fait son apparition en 1915, divise sa
nuit sur le mont Chauve (1933), qui fait manifeste aussi en URSS où l’avant- production entre sujets modernes (gen-
l’admiration d’André Malraux. La France garde soviétique répond contradictoire- kaï-geki) et sujets anciens (jidaï-geki),
connaît, parallèlement à ces apports ex- ment à l’avant-garde allemande. Après inspirés des pièces classiques du théâtre
térieurs, plusieurs expériences indivi- l’interruption provoquée par la révolution kabuki et du chambara (film de sabre).
duelles ou artisanales : Lortac fonde un de 1917, le cinéma d’animation connaît Seitaro Kitayama, le premier, réalise plu-
studio à Montreuil (1919) et collabore une renaissance puis un développement sieurs films à l’encre de Chine sur papier
avec Émile Cohl à des films humoris- dans le sillage de la grande poussée (la Boîte aux lettres espiègles, 1918). En
tiques. Benjamin Rabier, O’Gallop (créa- créatrice qui touche les arts. De 1924 à 1921, il fonde le premier studio. Le peintre
teur de Bibendum), Albert Mourlan (au- 1929 on dénombre une moyenne de dix Junichi Terauchi introduit un nuancier de
teur d’un long métrage détruit dans un courts métrages par an. Deux tendances gris mettant en scène des contes popu-
incendie), font des incursions remar- prédominent. L’une, héritage de la carica- laires liés au chambara (la Nouvelle Épée
quées dans le cinéma d’animation. André ture, se reconvertit dans la vignette sati- de Hanahekonai, 1917). Très vite aussi,
Rigal et Jean Image s’illustrent dans des rique et politique : le dessinateur la culture du chiyo-gami (papier japonais
films de bons sentiments. Alain Saint- Alexandre Buskin charge capitalisme et traditionnel transparent) s’immisce dans
Ogan collabore avec Jean Delaurier dans clergé (les Jouets soviétiques, 1924). le cinéma d’animation, sous formes dé-
les années 30. Anthony Gross et Hector L’autre, proche des artistes expérimen- coupées, et Noburo Ofuji, admirateur de
Hoppin, d’origine anglaise, réalisent à taux, joue de la sobriété des matériaux Lotte Reiniger, réalise la Baleine (1927)
Paris la Joie de vivre (1934), allégorie in- disponibles (N. Kodotaev, Z. Komissa- puis la Station de contrôle (1930), sono-
dustrielle. Jean Painlevé produit avec la renko, Y. Merkulov, Chine en flammes et risé. Wagaro Arai, héritier de cette tech-
complicité du sculpteur René Bertrand un 1905-1925, 1925). Plusieurs animateurs nique, poursuit ce travail avec l’Hameçon
remarquable Barbe-Bleue en plastiline utilisent les rapports du noir et blanc de d’or (1939) et Une fantaisie de Mme But-
(1938). Mais une personnalité au style manière dynamique, inventive et mo- terfly (1940). Yasuji Murata adopte le cel-
profondément personnel domine cette derne. Ainsi Youri Zeliabouski réalise-t-il lulo américain et réalise plus de trente
période : Paul Grimault. Fondateur avec la Patinoire (1927), très expressif, ou Da- films caricaturaux de 1927 à 1935, parmi
André Sarrut du premier studio français niel Tserkès, scénographe de Meyerhold, lesquels l’Os de poulpe (1927). Dès le
internationalement reconnu, Les Gé- Senka l’Africain (1927). Mais le film pré- début des années 30 cependant, l’in-
meaux (1936), il y conçoit, avec le pre- dominant de la période, chef-d’oeuvre de fluence des conflits politiques est pré-
mier groupe d’animateurs réguliers fran- dextérité et d’invention, demeure Poste sente dans les sujets retenus par les réa-
çais, de purs joyaux d’une animation (1929), du peintre Michael Zechanowsky, lisateurs japonais. À Pero le ramoneur
précise et délicate. Après quelques es- en papier découpé, adapté d’un récit pour (1930), réalisé par Yoshitsuga Tanaka

42
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

pour la propagande du mouvement ou- domine Willis O’Brien qui, après avoir Stephen Bosustow qui fonde l’UPA
vrier, s’opposent, à partir de 1933, des réalisé quelques films en volume animé (United Productions of America) dont le
films aux thèmes nationalistes et milita- dans les années 10, est unanimement travail novateur se développera après
ristes. Kenzo Masaoka, connu pour être reconnu avec ses truquages animés de guerre. Parallèlement, les frères Fleis-
le premier réalisateur d’un film d’anima- The Lost World (1925) et surtout de King- cher poursuivent leur ascension : en
tion parlant (Force, Femmes et les Che- Kong (1933). Côté dessin animé, entre 1923, leur studio compte 16 personnes et
mins du monde, 1932), se voit ainsi 1922 et 1927, Walt Disney s’affirme. Il demeure familial. En 1924, ils réalisent
contraint avec sa petite société de satis- crée le personnage d’Oswald, The Lucky les premiers films sonorisés et synchroni-
faire la propagande de guerre. Et Mitsuyo Rabbit puis s’en fait voler le copyright par sés avec le système Phonofilm (Oh
Seo, son assistant, réalise les Troupes Charles Mintz. De retour à Kansas City, il Mabel). Mais des dissensions familiales
d’assaut du singe Sankichi (1935), inspiré imagine en 1928 le personnage d’une entraînent, à la fin des années 20, une
du conflit nippo-chinois, puis Momotaro, souris, Mortimer, que dessine Ub Iwerks. modification de statut de leur studio, dont
le marin divin (1944), premier long mé- Très vite devenue Mickey Mouse, elle va l’effet sera primordial dans leur future
trage d’animation nippon qui exalte la connaître le succès que l’on sait. Plane faillite : en 1927, Paramount devient dis-
force guerrière japonaise. Bien que le ci- Crazy, Gallopin’Gaucho et surtout Steam- tributeur et financeur de leurs films et les
néma des frères Lumière soit connu en boat Willie (novembre 1928), premier dessaisit de tous droits sur ceux-ci. Ré-
Chine (Shanghai) dès 1896, le cinéma dessin animé sonore, synchrone et musi- pondant à la révolution du parlant, Betty
d’animation n’y pénètre que vers cal, vont consacrer la gloire de Mickey. Boop (1930) puis Popeye (1933), provo-
1915. Les premiers films vus par les En 1928, le studio compte 6 personnes. cateurs et grinçants à souhait et dans la
quatre frères pionniers du cinéma d’ani- Mickey devient une mascotte populaire. note des meilleures comédies musicales
mation chinois — Wan Laiming, Wan Dès 1930, paraissent les premières de l’époque, obtiennent les faveurs du
Guchan, Wan Jichuan et Wan Chao- bandes dessinées consacrées à Mickey. public, malgré les tentatives de la cen-
chen — sont surtout les premiers films Cette même année, le merchandising, sure puritaine, et les gardent jusqu’en
des frères Fleischer. À eux quatre, tout en apparu précédemment à petite échelle 1941. À partir de 1936, les films des Fleis-
devenant décorateurs pour le cinéma de avec le personnage de Félix le Chat, se cher passent à la couleur. Les réalisa-
prise de vues réelles, ils réinventent le développe dans la stratégie de ventes teurs s’installent par la suite à Miami, en
principe du cinéma d’animation et réa- des dessins animés. De 1928 à la fin de Floride, et se lancent dans le long mé-
lisent leur première oeuvre, inspirée de la carrière de Mickey à l’écran (1953), trage avec les Voyages de Gulliver (1939)
Koko le Clown, Tumulte dans l’atelier 121 courts métrages voient le jour. puis Douce et Criquet s’aimaient d’amour
(1926), suivi par la Révolte des sil- L’émergence et le triomphe du sonore tendre (1941), qui scelle la faillite de leur
houettes en papier (1930). Dans les an- poussent Walt Disney dans plusieurs di- studio. De leur côté, les studios fondés à
nées 30, leur cinéma, toujours sous in- rections. Sous l’impulsion du compositeur la Universal par Walter Lantz (1927) —
fluence du cartoon américain, et et chef d’orchestre Carl Stalling, les stu- futur père du provocant et insolent pivert
notamment des premiers Mickey, oscille dios produisent dès l’année suivante la Woody Woodpecker (1940) — mettent au
entre des contes animaliers (la Cigale et série des Sillies Symphonies. Puis, après point Oswald le Lapin, de Bill Nolan.
la Fourmi, 1932) et des films d’inspiration avoir acquis une exclusivité sur le droit Hugh Harman et Rudolph Ising, fonda-
patriotique (Compatriote, réveille-toi, d’exploitation du procédé technicolor, le teurs des Looney Tunes et des Merrie
1932) dirigés contre l’agression nippone studio produit le premier court métrage Melodies, sont eux à l’origine du studio de
de Shanghai. Ils réalisent leur premier animé en couleurs, Flowers and Trees la Warner (1934), où le producteur Leon
dessin animé sonore (la Danse du cha- (1932). Deux ans plus tard, le studio Schlesinger réunit une équipe exception-
meau, 1935) tout en réfléchissant aux compte 187 employés. Walt Disney nelle, dont Chuck Jones, Tex Avery, Friz
apports respectifs des cinémas d’anima- risque tous les bénéfices du studio dans Freleng, Robert Clampett, Robert Can-
tion américain, soviétique et allemand, la réalisation du premier long métrage de non, Frank Tashlin. Ils créent une galerie
essayant de définir la spécificité chinoise. dessin animé en couleurs, Blanche-Neige animalière suractive : Bugs Bunny, Daffy
Shanghai occupée par les Japonais (1937). Après avoir frôlé la faillite, il l’em- Duck, Sylvestre et Speedy Gonzales, le
(1937), ils se réfugient à Wuhan, où ils porte : l’empire Disney est né. En 1940, duo sadomasochiste du coyote des
réalisent plusieurs films de résistance alors que le studio récidive en éditant sables et de l’oiseau Mimi, etc. Aux stu-
(Affiches de la guerre de résistance). coup sur coup, dans les nouveaux stu- dios MGM, qui lancent les Happy Harmo-
Wuhan occupée à son tour, Wan Laiming dios de Burbank, les longs métrages Pi- nies de Harman et Ising en 1934, s’ouvre,
et Wan Guchan se retranchent dans la nocchio puis Fantasia (dont l’argument sous Fred Quimby, une unité brillante, où
concession française où ils parviennent de départ est dessiné par Oskar Fischin- travaillent William Hanna, Friz Freleng et
avec une nouvelle équipe de 70 per- ger, qui se brouille ensuite avec Disney), Milt Gross. Dans les années 40, ils déve-

sonnes, en 22 mois, à réaliser le premier 1600 employés sont désormais au travail. loppent la série des Tom et Jerry, dirigée
long métrage noir et blanc de dessin Cette année-là, les enquêtes d’opinion par Bill Hanna et Joe Barbera, et ac-
animé chinois, la Princesse à l’éventail de commencent à basculer en faveur de cueillent un temps le météorique Tex
fer (1941). Inspiré du Voyage en Occi- Walt Disney contre les frères Fleischer. Avery, maître incontesté du dessin animé

dent, dont l’influence est notoire dans En une décennie, le dessin animé s’est paroxystique.

toute l’histoire des arts de la scène totalement industrialisé, standardisant À la veille de la Seconde Guerre mon-
chinois, et malgré certaines imperfections toutes les spécialités. Mais 1941 va être diale, le cinéma d’animation présente
techniques, le film, d’une grande origina- aussi l’année de la crise centrale de l’em- un profil mature : progression des struc-
lité graphique, cultive adroitement l’allu- pire en construction. Les cadres du pre- tures de production, évolution vers le son
sion distancée au conflit en cours en mier noyau se révoltent, à la fois contre et la couleur, innovation technologique
s’appuyant sur la mythologie chinoise, et les conditions de travail et contre les croissante, développement de longs
annonce l’éclosion d’un style chinois. contraintes graphiques. Ces dissidents métrages, diversification des genres et
Durant cette période, le cinéma d’anima- sont Art Babbitt, Wladimir Williams, Tytla, des esthétiques, affirmation d’écoles et
tion aux États-Unis s’emballe : dévelop- John Hubley, Stephen Bosustow, Dave de styles nationaux, essaimage interna-
pement des truquages et création de mul- Hilberman et Walt Kelly. Une grève de tional.
tiples personnages aujourd’hui associés grande ampleur touche le studio. Une L’après-guerre confirme ce diagnos-
à l’âge d’or hollywoodien. Côté truquage, sécession s’ensuit, sous l’impulsion de tic et se déroule dans le contexte de par-

43
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

tition entre les deux grands blocs Est et riques de célèbres films (Carmen Jones, Grande-Bretagne. La porosité entre
Ouest : l’avènement de plusieurs démo- d’Otto Preminger ; Vertigo, d’Alfred Hitch- le continent américain et l’Europe est
craties populaires en Europe de l’Est cock, etc.). UPA symbolise par ailleurs de plus en plus patente. L’accélération
provoque une prise en compte étatique une économie de réalisation que la télé- des échanges est précisément symbo-
du cinéma d’animation. Plusieurs réalisa- vision impose simultanément et souvent lisée par l’arrivée de George Dunning à
teurs prennent désormais figures - toute pour le pire. Mais UPA, au-delà de ce Londres, en 1956, où il crée une filiale
chronologie historique mise à part — de rapport de subordination au tube catho- d’UPA. Lors de son arrivée, le paysage
« pères fondateurs » (Walt Disney aux dique, exerce une influence dans tout le de l’animation anglaise est dominé par le
États-Unis, Norman McLaren au Canada, bloc anglo-saxon et y produit un effet gra- couple John Halas et Joy Batchelor. D’ori-
John Halas en Grande-Bretagne, Paul phique. D’autres affluents suivent leurs gine hongroise, John Halas, qui fonde
Grimault en France, Jiri Trnka en Tché- cours, un peu à l’écart de ce tohu-bohu. le premier grand studio anglais (1940),
coslovaquie, les frères Wan en Chine) ou Lou Bunin, d’origine russe et empreint de se réclame du Bauhaus. Réalisateur du
deviennent des figures emblématiques culture européenne, après avoir collaboré premier long métrage de dessin animé
internationales (Alexandre Alexeieff, Len avec Vincente Minnelli (Ziegfeld Follies, en couleurs anglais, l’excellent Animal
Lye, Norman McLaren). D’une certaine 1945), entreprend de 1948 à 1951 un Farm (1954), d’après le roman de George
façon, le territoire nord-américain devient Alice au pays des merveilles en prise Orwell, John Halas est aussi à l’origine
le réceptacle de la totalité de ces expé- de vues réelles et poupées animées, des premières séries télévisuelles ani-
riences, à la fois patrie du cartoon et lieu que Walt Disney tente d’empêcher. Ray mées anglaises ainsi que parmi les
d’élection de multiples recherches plas- Harryhausen, ancien assistant de Willis premiers promoteurs de l’animation par
tiques qui expliquent l’éclosion ultérieure O’Brien, s’illustre magistralement dans ordinateur. Son studio a été le ferment
du cinéma « underground ». Au sortir de des effets spéciaux en volume animé de nombreux talents (Derek Lamb, Peter
la guerre, le « paysage de l’animation » (Jason et les Argonautes, 1963). Et plu- Földes, Alison de Vere, Geoff Dunbar).
confirme la suprématie américaine, et sieurs expérimentaux ouvrent des voies Quant à George Dunning, avec son film
néanmoins apparaît en pleine évolution. insoupçonnées : Mary Ellen Bute, proche peint sur verre, l’Homme volant (1962),
Aux États-Unis, si Walt Disney, malgré de Fischinger, prolonge ses approches il bouleverse plusieurs règles, leçon qu’il
l’accident de 1941, amplifie sa conquête abstraites ; Robert Breer, après avoir reprend en partie dans son oeuvre la plus
économique, imposant, avec ses cé- travaillé en France, poursuit ses expé- célèbre, le long-métrage le Sous-marin
lèbres longs métrages (de Bambi, 1942 à riences aux États-Unis (Blazes, 1961), jaune (1968). Peter Földes est l’autre
Robin des bois, 1973), ses documentaires et Stan VanDerBeek devient le chantre figure majeure de l’époque dont les pre-
pseudo-véristes et ses parcs d’attraction, du cinéma « underground » dont il popu- mières réalisations, inspirées par Bacon
une esthétique toujours plus mièvre, Tex larise le terme. Norman McLaren, après et Sutherland (Animated Genesis, 1951 ;
Avery, UPA et différents auteurs tentent un bref passage à New York (1939-1941) A Short Vision, 1954), jouent sur des sug-
d’explorer d’autres voies. Tex Avery, avec au cours duquel il amplifie son approche gestions graphiques élégantes et méta-
ses films à la vélocité échevelée, non- directe de la pellicule, repart pour le Ca- morphiques. En 1956, il sera le premier
sensiques et mimodramatiques, introduit nada. à explorer le champ des recherches sur
dans le monde bien-pensant du cartoon Canada. En 1941, John Grierson fait ordinateur.
un sarcasme hilarant (Red Hot Riding en effet appel à lui pour fonder la section France. Le Petit Soldat (1947), de Paul
Hot, 1943 ; Swing Shift Cindarella, 1945 ; animation du tout nouvel Office national Grimault, d’un charme funambulesque
King Size Canary, 1947). UPA travaille du film (ONF). Cet acte de naissance, et d’une irrévérence digne de son ami
à une rupture graphique qui délaisse le voulu par un État, est en rupture absolue et scénariste Jacques Prévert, introduit
style arrondi au profit de l’énergie et de avec l’empirisme qui a présidé jusque- dans le cinéma d’animation français le
la liberté des esquisses préparatoires, là à la naissance du cinéma d’anima- réalisme poétique et installe son réalisa-
rejette le fini chromatique et s’interroge tion. Par sa personnalité et sa richesse teur au rang international. Toujours avec
sur l’usure du splastick dans le cartoon. créative, Norman McLaren devient ainsi Jacques Prévert, qui subvertit le conte
Une série symbolise cette tentative : Mis- le père fondateur du cinéma d’animation d’Andersen, Paul Grimault se lance à
ter Magoo, de Pete Burness (1949). Puis canadien. Parfait symbole du work in partir de 1947 dans l’aventure du premier
Gerald McBoing Boing (1951) de Bobe progress dans le cinéma, il est issu des long-métrage de dessin animé en cou-
Cannon, Oscar cette même année, et sources de celui-ci et d’une modernité qui leurs français, la Bergère et le Ramoneur.
Rooty Toot Toot (1952) de John Hubley l’apparente à Klee et à Tanguy. Son mini- Le film est présenté en 1953 dans une
amplifient la rupture. Ce dernier incarne malisme, parfois sans caméra ni appareil version tronquée par son ancien associé
au mieux la naissance d’un cinéma d’au- d’enregistrement, en fait un architecte du André Sarrut. Paul Grimault la récuse et
teur américain, essentiellement attentif langage cinématographique. Ses oeuvres ne parvient à en donner la version défi-
aux intentions plastiques. Réhabilitant le incontournables — la Poulette grise nitive, le Roi et l’Oiseau, qu’en 1980. Le
seul trait, jouant des couleurs en à-plat (1947), Begone Dull Care (1949), Voisins film devient, peu de temps après, un film-
ou pour leur débordement des formes, (1952), Around is Around (1952), Blinkity culte, toujours rediffusé depuis. Durant
faisant du son le matériau déclencheur Blank (1955) — introduisent tour à tour ces trente-cinq années de pérégrinations,
de sa création, John Hubley avec Moon- de nouvelles approches du pastel animé, Paul Grimault fonde un nouveau studio
bird (1960) ou The Hole (1963), où l’on de la peinture sur pellicule, du stop-mo- (1951) qui révèle une nouvelle généra-
entend ses amis Dizzie Gillespie et tion amélioré (pixillation), de la stéréosco- tion de réalisateurs : Jacques Colombat,
George Mathews dialoguer autour de la pie et de la gravure directe sur pellicule. Jean-François Laguionie et Ihab Sha-
bombe atomique, en donne la mesure. Réalisateur tout autant que passeur, il ker (cinéaste égyptien). Parallèlement à
De même l’adaptation du Coeur révéla- favorise au sein de l’ONF la transmission l’activité de Paul Grimault se développent
teur d’Edgar Poe, produit par Bosustow de sa passion et fait venir par exemple dans les années 50 et 60 d’autres ini-
et réalisé par Ted Parmelee, situe l’enjeu Alexandre Alexeieff qui « enseigne » son tiatives. André Martin et Michel Boschet
du déplacement narratif : du comique, écran d’épingles. À ses côtés se forme fondent un nouveau studio (1959), qui
le cinéma d’animation passe au registre une école canadienne moderne regrou- produit notamment la Joconde, d’Henri
d’épouvante. Une parenté existe entre pant notamment Evelyne Lambart, René Gruel (1958). Le peintre Robert Lapou-
ces inventions et le travail graphique ré- Jodoin, Jean-Paul Ladouceur, Grant jade, admiré de Jean-Paul Sartre, aborde
volutionnaire de Saul Bass pour les géné- Munro et George Dunning. de manière originale l’animation à partir

44
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

de 1960 (le Sourire vertical, 1972), ainsi Victor Kubal va jouer un rôle analogue à Image, Étienne Raïk. Gyula Macskássy,
que René Laloux, qui collabore peu de celui de Jií Trnka. qui suivit comme Halas l’enseignement
temps après avec le dessinateur Roland URSS. L’animation soviétique, très du peintre Sandor Bortnyik, adepte du
Topor. L’animation française, qui vit influencée par le Disney le plus acadé- Bauhaus, est le principal représentant du
l’éclosion de petites unités de production mique, ne sort guère des fables édifiantes pays dans l’après-guerre avec le Diamant
artisanales et connaît un épanouissement de style l’Antilope d’or ou la Reine des et le Petit Coq (1951), le Crayon et la
stylistique, est riche aussi de plusieurs neiges, qui tiennent du livret de ballet offi- Gomme (1959).
apports étrangers : Alexandre Alexeieff ciel. Le Petit Cheval bossu (1947) — au Bulgarie. Alexander Denkov, peintre
poursuit ses réalisations (le Nez, 1963), texte totalement versifié —, d’Ivan Iva- et illustrateur d’origine pragoise, est le
et les Polonais Walerian Borowczyk, Jan nov-Vano, devenu responsable du studio principal artisan du renouveau du cinéma
Lenica et Piotr Kamler ainsi que l’Amé- Soyouzdetmultfilm, rencontre un certain d’animation bulgare après-guerre avec
ricain Jules Engel entament une activité succès public. deux courts métrages de caricature (Un
remarquée sur le territoire. Yougoslavie. La Yougoslavie, terre malade, le Petit Voleur, 1946). Après des

Italie. Hormis les oeuvres, en grande de passage où existait une tradition de la débuts difficiles au sein de la nouvelle

partie détruites par la guerre, du réalisa- caricature et dont le cinéma d’animation industrie cinématographique d’État, l’ani-

teur abstrait, ami d’Henri Langlois, Luigi avait connu une première expression liée mation bulgare trouve une expression
à l’école soviétique (années 20), doit la originale, faite de tradition nationale et
Veronesi, dont subsistent les Films no 4
renaissance du genre à Fadil Hadzi. Di- populaire, avec deux réalisateurs : Todor
et no 6 (1941), le cinéma d’animation ita-
recteur d’un périodique satirique, il réalise Dinov (Marko le héros, 1955) et Donio
lien connaît des tentatives timides avec
la Grande Rencontre (1949), moquerie Donev (Duo, 1961).
le premier long métrage de dessin animé
en couleurs, I Fratelli Dinamite, de Nino politique, puis fonde, avec un appui gou- Roumanie. Le seul nom de Ion
Pagot (1947) et auquel participe le futur vernemental, le studio de la Duga Film. Popescu-Gopo s’impose. Auteur du pre-
créateur de la Linea, Osvaldo Cavandoli. Après des débuts tâtonnants, la Duga mier film d’État, l’Abeille et le Pigeon
Film cède la place à partir de 1956 à (1951), ses films oscillent entre la fonction
Un second long métrage est réalisé par
Zagreb Film qui, pour des raisons écono- moralisatrice qu’ils devaient implicitement
Anton Gino Domeneghi, la Rosa di Bag-
miques, encourage un principe d’anima- jouer et une maestria épigrammatique
dad (1949). Tous deux tentent de s’éloi-
tion limitée. Proches du style d’UPA, les et humoristique (Courte histoire, 1956 ;
gner des canons américains. Cependant
premiers films du studio touchent un pu- Homo sapiens, 1960 ; Hallo, Hallo, 1962).
une initiative de la télévision (la RAI), en
blic international. Dušan Vukoti en réa- Chine. La révolution de 1949 boule-
inaugurant sa rubrique Carosello, va per-
lise le premier, Un robot turbulent. Puis verse le cinéma d’animation naissant.
mettre l’émergence d’une génération de
le journaliste et écrivain Vatroslav Mimica Sous la direction du caricaturiste et
réalisateurs actifs.
obtient le Prix du Festival de Venise avec peintre Te Wei et du jeune intellectuel
Tchécoslovaquie. Jií Trnka, le père
l’Homme seul (1958). Enfin Vlado Kristl, Jin Xi, un groupe de 22 personnes forme
fondateur du cinéma d’animation tchèque,
exilé, rentre au pays et se joint à l’équipe un premier studio à Changchun avant
est à lui seul une symbolisation de l’évolu-
avec qui il réalise notamment Peau de d’intégrer, l’année suivante, Shanghai. Le
tion du cinéma d’animation après-guerre. chagrin (1960). L’équipe réunie à Zagreb plus jeune des frères Wan, Wan Chao-
Son itinéraire le prédestine à prendre sa Film de 1957 à 1964 est connue sous le chen rejoint cette équipe. Le nouveau
place dans cet inventif concert. Peintre et
nom de « première école de Zagreb ». régime décide d’apporter une attention
décorateur, ayant étudié l’art des marion- Son cinéma minimaliste annonce le tra- spéciale au cinéma d’animation, qu’il ima-
nettes, il fonde un studio d’animation dès gique et l’incommunicabilité de la fin du gine utiliser à l’intention de la jeunesse.
1945 et y réalise ses premiers dessins siècle dans les Balkans. Dès 1953, le studio de Shanghai est en
animés dont plusieurs précèdent le style
Pologne. Comme son histoire, le ci- mesure de réaliser, sous la direction de
épuré et moderne d’UPA. Mais, plus inté- néma d’animation polonais est tourmenté Jin Xi, son premier film en couleurs (les
ressé par les marionnettes, Jií Trnka en
depuis ses origines, qui sont toujours Petits Héros). Graphisme, chromatisme
définit en quelques années une scénogra- négligées : dès 1917, Féliks Kueskowski et fluidité du mouvement sont de grande
phie très personnelle, référencée à l’héri- réalise le Flirt des chaises. Après-guerre, qualité et impressionnent les critiques du
tage des peintures votives de Bohême du son principal protagoniste est le poète et Festival de Cannes lors de la projection
Sud. Ses récits lyriques et dramatiques, réalisateur Zenon Wasilewski, qui fonde de Pourquoi le corbeau est noir, de Qian
pantomimiques, où dominent les com- un studio et réalise le film de marion- Jianjun et Li Keruo (1955). Entre 1954 et
positions originales de Václav Trojan, nettes À l’époque du roi Krakus (1947). 1956, Wan Laiming puis Wan Guchan
sont inspirés de contes populaires et de Deux groupes émergent ensuite : le stu- rejoignent leur cadet. Le studio compte
légendes classiques et font de ses mises dio de Bielsko-Biala, spécialisé dans le dès cette époque plus de 200 employés.
en scène des chefs-d’oeuvre de mouve- dessin animé et le studio de odz, spécia- Wan Guchan, avec Zhu Bajie mange la
ments sculptés. Il réalise le premier long lisé dans la marionnette. Dans ce dernier, pastèque (1958), introduit une technique
métrage de marionnettes animées en Wlodimierz Haupe et Halina Bielinska de figures découpées, inspirées de la
couleurs, l’Année tchèque (1947), avant réalisent le premier long métrage polo- culture traditionnelle. Plusieurs réalisa-
d’être promu, par la nouvelle Démocratie nais d’animation, Janosik (1954). La Po- tions du début des années 60, politique-
populaire, directeur du studio nationalisé logne a surtout donné naissance à deux ment marquées, n’en sont pas moins
(jusqu’en 1965). Internationalement re- auteurs, Walerian Borowczyk et Jan Le- d’une grande qualité esthétique. C’est le
connu, Trnka impose un style et permet nica, que leur amour pour le surréalisme cas du Pont de l’Armée rouge (1964), de
la réunion de multiples talents qui vont a réunis pour Il était une fois (1957) et la Qian Yunda. D’autres genres font éga-
constituer l’« école tchèque » : Hermina Maison (1958), deux hommages à Miró et lement leur apparition, plus tournés vers
Tyrlová, Jirí Brdecka, Zdenek Miler, Kámil Max Ernst respectivement. la seule préoccupation esthétique, tel les
Lhotak, Eduard Hofman... Ses disciples Hongrie. En Hongrie aussi, l’histoire Têtards à la recherche de leur maman
les plus connus sont Bretislav Pojar, qui du cinéma d’animation est ancienne. (1960), de Te Wei et Kian Jajun, qui met
perpétue la tradition de la marionnette Elle commence avec István Kato (1914). en scène le lavis chinois. Quant au Dra-
animée, et Karel Zeman, dont l’invention Avant-guerre, plusieurs talents impor- gon sculpté (1958), de Wan Chaochen, il
est proche des premiers truquistes. En tants quittent le pays et s’installent à est réalisé en marionnettes. Le deuxième
Slovaquie, le dessinateur et réalisateur l’étranger : George Pal, John Halas, Jean long-métrage de dessin animé en cou-

45
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

leurs, le Roi des singes bouleverse le la Corée du Sud — apparaît comme un Giulio Gianini (la Pie voleuse, 1964), son
palais céleste (1961-1964), de Wan Lai- espace de sous-traitance exploité par les cinéma d’animation s’est enrichi des ta-
ming, confirme les grandes qualités de grands studios américains et européens lents d’Osvaldo Cavandoli, célèbre pour
l’animation chinoise. Mais la Révolution depuis les années 70. Quant à l’Afrique, les jeux métamorphiques de sa Linea
culturelle entraîne une longue fermeture qu’elle soit du Nord ou continentale, le (1969), ou encore de Guido Manuli, le
du studio de Shanghai. cinéma d’animation y apparaît disséminé, Tex Avery italien (Incubus, 1985). C’est
Ce développement des cinémas natio- à la recherche d’une image, peut-être aussi le cas de l’Allemagne où le cinéma
naux et d’une production internationale depuis les années 80, et ne laissant en- d’animation, après avoir longtemps fait
est légitimé par la création, en 1960, du trevoir ici ou là que les promesses d’une figure d’absent, se manifeste avec plus
premier Festival international de cinéma expression identitaire future, notamment de vigueur depuis les années 80 avec
d’animation à Annecy. en Égypte (Ihab Shaker), en Tunisie, au des oeuvres de jeunes auteurs, souvent

La fin du XXe siècle est paradoxale. Maroc, en Algérie, au Niger (Moustapha à mi-chemin du minimalisme et de l’allé-

Tandis que le tiers et le quart monde ac- Alassane), au Liberia, en Zambie et en gorie : Raimund Krumme (Équilibristes,

cèdent artisanalement au cinéma d’ani- Afrique du Sud (où le travail de William 1986). Jochen Kuhn, par son expérience
mation et en rejoue ses temps héroïques, Kentridge se révèle seul à bénéficier plastique contemporaine audacieuse et
un précipité d’esthétiques exprime le d’une aura internationale méritée). irrévérencieuse (la Confession, 1990),
bouleversement planétaire, une crise du Un précipité d’esthétiques, souvent prend langue avec le cinéma expérimen-
modèle graphique unique s’esquisse et contradictoires, met en exergue une in- tal. Le Portugal, malgré quelques tenta-
les technologies déplacent les modes tense activité internationale et fait écho tives anciennes, fait figure de nouveau
de captation et de réalisation, remet- aux bouleversements du monde, notam- venu dans une Europe où les frontières
tant en cause les supports de visionne- ment à l’abolition du bloc Est-Ouest. Le tendent à s’estomper. Depuis les années
ment. Dans un contexte de concurrence cinéma d’animation semble procéder 90, oeuvre une génération de jeunes réa-
accrue, trois grands blocs économiques à un vaste « recyclage » de formes où lisateurs aux talents prometteurs : Abi
émergent : l’Amérique du Nord, le Japon cohabitent modernisme, maniérisme, ba- Feijo se fait connaître par les Brigands
et l’Europe, où se multiplie l’apparition roque, art brut et tradition classique — dé- (1993, Cartoon d’or 1995), qui prend
de festivals spécialisés. En Amérique finition de la postmodernité. La France y pour sujet un épisode de la répression
du Nord, l’émergence de compagnies est sensible. Si la tradition et le travail des salazariste et le traite par un graphisme
concurrentes à la Disney (Dreamworks) auteurs semblent y perdurer (René La- suggestif proche des univers de la gra-
annonce à la fois la fin d’un monopole loux, Jean-François Laguionie, Jacques vure. Il est aussi l’auteur de Clandestin
économique et souligne le véritable dé- Colombat, Michel Ocelot, André Lindon (2001), réalisé avec la collaboration de
placement de nature opéré vers 1984 : pour son magnifique et isolé long mé- l’ONF Canada. La Nuit (1999), de Regina
The Walt Disney Company est désormais trage l’Enfant invisible, Manuel Otero...) Pessoa, inaugure une technique de gra-
une industrie du loisir international qui pi- et entraîner l’apparition de talents nou- vure sur plâtre, et l’Histoire du chat et de
lote « une cité des automates » (Umberto veaux (Patrick Bokanowski, Florence la Lune, de Pedro Serrazina (1995), s’ins-
Eco). Dans ce contexte général, l’acte Miailhe avec son remarquable Shehera- pire des dessins d’Hugo Pratt. Les Pays-
créateur pur apparaît de plus en plus fra- zade, chorégraphie de pastel sec...) ainsi Bas, plus à l’écart, semblent compter les
gile et menacé. que de studios actifs et créateurs (La Fa- points mais n’en connaissent pas moins
Si plusieurs pays d’Amérique latine brique, Folimage), la production nationale un essor vigoureux depuis les années 70-
possèdent des histoires qui, individuel- est cependant dominée par l’absence 80. Son cinéma d’animation rassemble
lement, ont pu s’exprimer dès les an- d’une figure de proue et l’hégémonie du notamment le polémiste Gerrit Van Dijk
nées 20 ou 30 (Argentine, Brésil, Cuba, tout-télévisuel. Mais elle demeure terre (CubeMENCube, 1975), le plasticien
Mexique), la majorité d’entre eux accè- d’accueil de cinéastes étrangers qui s’ins- satirique Evert de Beijer (les Caractères,
dent timidement au cinéma d’animation crivent, souvent avec force, dans sa pro- 1986) ou la féministe d’origine française
dans les années 70-80 (Colombie, Nica- duction : l’Italien Luigi Toccafondo (le Cri- Monique Renault (Pas à deux, en coréali-
ragua, Venezuela, Uruguay, Pérou, Chili, minel, 1982 ; Pinocchio, 1999), le Russe sation avec Gerrit Van Dijk, 1989 ; Donna
etc.). Influencé esthétiquement et tech- Iouri Tcherenkov (la Grande Migration, é mobile, 1994). La figure emblématique
niquement soit par le cartoon américain, 1995) ou encore le Hollandais Michaël demeure Paul Driessen, ancien collabo-
soit par les films cubains, il est majoritai- Dudok de Wit (le Moine et le Poisson, rateur de George Dunning, maintes fois
rement caractérisé par un travail de cari- 1998). Les pays voisins font générale- primé pour ses films malicieux et actifs.
cature aux résonances parfois politiques. ment écho à cette tendance. La Belgique En remontant plus au nord, l’URSS de-
En Orient, la situation est plus contrastée, — dont la figure principale demeure venue Russie symbolise la mutation en
certains pays accédant de manière auto- Raoul Servais — est très active, révèle de cours. Aux côtés des réalisateurs incon-
nome au cinéma d’animation, d’autres jeunes talents telle Florence Henrard (Lili tournables qui ont fait toute la richesse
dépendant de la division internationale et le Loup, 1996) et inaugure, au début du cinéma d’animation soviétique des
du travail. Par exemple, le cinéma iranien des années 80, un dynamique festival à années 70-80, tel Fedor Khitrouk, dont le
(auquel sont liés les noms de son fonda- Bruxelles. La Suisse s’inscrit également premier film était d’inspiration néoréaliste
teur Jefa Tejaratchi, et d’un de ses suc- dans ce rapport, consacrant l’oeuvre in- (Histoire d’un crime, 1961), tel le grand
cesseurs, Nooredin Zarrinkelk), le cinéma contournable d’Ernest et Gisèle Ansorge, poète visionnaire Iouri Norstein (le Conte
israélien (dont Ytzhak Yoresh a été le qui introduisent une technique délicate de des contes, 1984) ou tel encore son
principal représentant), ceux de Turquie, sable animé (Alunissons, 1970). Elle ras- camarade Andrei Khrjanovski, il faudrait
d’Inde, de Thaïlande (très peu dévelop- semble, depuis les années 70, plusieurs pouvoir évoquer la profusion d’inventions
pés), ou d’Hong Kong ont pris leur essor réalisateurs originaux, dont Claude Luyet esthétiques dont ont fait preuve alors
à partir des années 70 sur la base de (Question d’optique, 1986) et Georges de nombreux réalisateurs d’Ukraine, de
traditions culturelles nationales. D’autres Schwizgebel (78 Tours, 1985). Et l’Italie Géorgie, d’Estonie (Rein Raamat, Priit
pays, tels le Vietnam ou la Corée du tente de s’affirmer, bon an mal an, dans Pärn, Avo Paistik) et d’autres Répu-
Nord, construisent un cinéma d’animation le domaine. Après avoir eue ses heures bliques. La nouvelle Russie inaugure une
dans les années 50-60, sous l’influence de gloire avec l’humoriste grinçant Bruno ère où, aux gloires des deux décennies
de l’URSS. Un troisième bloc de pays — Bozzetto ou les films stylisés, presque passées, viennent s’ajouter le cinéma
parmi lesquels Taiwan, les Philippines, héraldiques, d’Emmanuel Luzzatti et tragi-comique de Garri Bardine (le Loup

46
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

gris et le Petit Chaperon rouge, 1990), pour Tango (1980), travail novateur basé années 70 dans la voie d’une plastiline
désopilante allégorie de plastiline du sur un principe de répétition obsédant et criarde, cocasse et revendicatrice (Baby-
conte de Perrault, et le cinéma tragique sur un jeu avec les photogrammes. Son lon, 1985). Au début des années 90, Nick
d’Alexandre Petrov (le Vieil Homme et succès international l’incite à s’installer Park devient célèbre avec ses person-
la Mer, 1999), d’une éblouissante dex- aux États-Unis dans les années 80. Piotr nages de Wallace et Gromit. Paul Berry
térité picturale, malgré son académisme. Dumala et ses univers noirs et cruels puis Barry Purves entament successive-
Faisant écho à cette explosion d’expé- (le Petit Chaperon noir, 1983 ainsi que ment une collaboration avec Tim Burton
riences, la Hongrie, la Bulgarie et la You- son remarquable Franz Kafka, 1991). aux États-Unis.
goslavie ont connu aussi une production La Tchécoslovaquie, également cas à États-Unis. Les années 70-80 sont
diversifiée. La Hongrie s’illustre avec les part, joue un rôle international essentiel celles à la fois du triomphe économique
oeuvres, un temps maniéristes et de por- dans les tentatives de redéfinition esthé- des majors et d’une panne d’inspiration
tée tragique, de Sandor Reisenbüchler tique de la fin du siècle. Après la dispari- du cinéma produit par celles-ci. Alors
(le Temps des barbares, 1970 ; Panique, tion de Trnka, les années 70 sont celles que s’estompe la figure contestataire de
1978), ainsi que celles d’Ottó Foky, d’une crise au sein du studio d’État. C’est Ralph Bakshi (Fritz The Cat, 1972 ; le
György Kovásznai, Jószef Nepp, Béla alors qu’apparaît le très singulier Jan Seigneur des anneaux, 1978), les expé-
Vajda (Mouvement perpétuel, 1980) ou Švankmajer, lié au seul courant surréa- riences notables se situent surtout du
de Csaba Varga (le Vent, 1985). En Bul- liste encore actif et dont le travail dans côté des « indépendants » : Bob Mitchell,
garie, deux réalisateurs aux visions notoi- le cinéma d’animation ne représente Dale Case (Further Adventures of Uncle
rement pessimistes retiennent l’attention qu’une fraction de l’oeuvre. Admirateur Sam, 1971), Frank Mouris (Frank Film,
dans les années 70-80 : l’excellent des- de Poe, de Carroll ou de Goethe, son 1973), Jane Aaron (Remains to be seen,
sinateur Henri Kulev, dont le trait hanté apport tranche radicalement avec l’héri- 1983) ou encore Michael Sporn (Docteur
ensorcelle le spectateur (Hypothèse, tage tchèque. Reconnu d’abord pour les De Soto, 1984). Mais la figure la plus re-
1976 ; Labyrinthe, 1984) et le Premier Possibilités du dialogue (1982) puis pour connue de cette mouvance, à mi-chemin
Grand prix bulgare au festival d’Annecy, son long-métrage Alice (1988), tous deux entre majors et indépendants, est Will
Boyko Kanev (Un monde pourri, 1986), Grands Prix du festival d’Annecy, maître Vinton, maître de la plastiline colorée,
dont le propos allégorique et distancié est du ready made cinématographique, il récompensé par un Oscar pour Closed
basé sur une technique de silhouettes de apparaît désormais comme la figure dis- Monday (1974) et réalisateur du premier
papier froissé aux couleurs tendres. crète par qui est advenu un renouveau long métrage de plastiline, les Aventures
Dans la deuxième école de Zagreb en stylistique en Grande-Bretagne (les de Mark Twain (1984), d’après le célèbre
Yougoslavie s’affirment le caricaturiste frères Quay) puis aux États-Unis (Henry écrivain américain. Cependant, dans les
Nedeljko Dragi pour son hallucinant Sellick, Tim Burton). Ce nouveau style années 90, un double mouvement se
Dompteur de chevaux sauvages (1966), emprunte à la fois aux sources de ce sur- produit : des indépendants farouches et
Boris Kolar, au graphisme facétieux réalisme sarcastique et de l’expression- caustiques, tel le féroce caricaturiste Bill
(Boomerang, 1962), et le décorateur nisme allemand. Parallèlement, plusieurs Plympton, se révèlent (l’Impitoyable lune
Zlatko Bourek, spécialiste des sabbats réalisateurs poursuivent des itinéraires de miel, 1998). Et, surtout, Henri Seylick,
médiévaux à la Bosch (De brouillard et solitaires, héritiers de l’ancienne tradi- sous la direction de Tim Burton, réalise
de boue, 1964 ), également illustrateur tion : Jii Barta (le Joueur de flûte, 1985) l’Étrange Noël de Monsieur Jack (1993),
des chants folkloriques de Slavonie (la ou le caricaturiste Pavel Koutsky. avec la collaboration de l’Anglais Paul
Ronde des prétendants, 1966). Il inspire Grande-Bretagne. Dès le début des Berry — rupture thématique et esthétique
visiblement l’exquis Temps des vampires années 60, le pays réunit une école dans l’histoire américaine, à l’opposé
(1970) de Nikola Majdak. Pendant la brouillonne et irrévérencieuse (Bob des trois dogmes disneyens : anthropo-
même période, au studio Néoplanta Film Godfrey, Alison de Vere, Jimmy Mura- morphisme, rondeur, bidimensionnalité,
de Novi Sad, Borislav Sajtinac, dessina- kami — célèbre pour son long métrage et pourtant produit sous les auspices du
teur humoristique collaborateur pendant anti-nucléaire, Wend The Wind Blows, groupe Disney. « Renouant avec l’es-
deux ans à Hara-Kiri, exerce son ironie 1987 —, Richard Williams). Les années prit artisanal de la vieille Europe », Tim
et son goût pour l’absurde avec Tout ce 70-80 sont celles de sa maturation puis Burton s’y réessaiera en invitant Barry
qui vole n’est pas oiseau (1969), la Jeune de sa révélation internationale. Outre Purves pour les effets spéciaux de Mars
Mariée (1971) et Don Quichotte (1972). le cartoon féministe et acide de Joanna Attacks (1996). Les majors tentent d’inté-
La Pologne fait figure de cas à part dans Quinn (Girls Night Out, 1987) ou moderne grer à leurs productions les esthétiques
le bloc socialiste. Le réalisme socialiste, (Mark Baker, The Hill Farms, 1988), le nouvelles créées par les indépendants.
après les événements de 1956, n’y est nouveau style anglais, vif, ironique, direct, Canada. Après la disparition de Nor-
pas imposé. Ce qui permet de com- inquiet, rénove l’esthétique. Les frères man McLaren à la fin des années 80,
prendre l’influence exercée par les films Quay, admirateurs de Jan Švankmajer, le cinéma d’animation, relativement à
de Jan Lenica et de Walerian Borowczyk. cultivent un néo-surréalisme empreint l’écart du bouleversement international,
Ainsi l’« école polonaise » regroupe-t-elle d’une culture Mitteleuropa, parfois proche apparaît partagé entre un courant ico-
des auteurs radicaux aux propositions sti- du volume de l’art brut. Colin Batty et Paul noclaste et un courant iconique. Le pre-
mulantes : Miroslaw Kijowicz (les Cages, Berry se font connaître pour l’Homme au mier, représenté par les oeuvres nova-
1966) développe une réflexion sur l’op- sable, d’après Hoffmann (1991), dont les trices de la native américaine Caroline
pression. Daniel Szczechura (le Fauteuil, marionnettes de bois renouent avec les Leaf (le Mariage du hibou, 1974, sable
1963) livre une satire du carriérisme. expressions anguleuses et les perspec- animé ; Entre deux soeurs, 1991, peinture
Jerzy Kucia, cinéaste de l’intériorité (l’As- tives démesurées de l’expressionnisme animée), de Co Hoedeman (l’Ours reni-
censeur, 1974 ; la Parade, 1987) est dit allemand. Barry Purves, baroque et pré- fleur, 1992, éléments découpés et 3D),
le « Bresson du cinéma d’animation ». cieux, s’illustre dans des chefs-d’oeuvre de Paul Driessen, cité pour son oeuvre
D’autres réalisateurs aux univers très incisifs de marionnettes animées, pro- hollandaise, ou de Pierre Hébert, qui se
personnels retiennent l’attention dans les vocateurs, tels Next (1989), hommage réclame notamment de Len Lye (la Plante
dernières décennies : Witold Gierz et ses à l’oeuvre de Shakespeare, Screen Play humaine, 1996), interroge le statut de
films peints à l’huile (le Rouge et le Noir, (1992) inspiré du théâtre Nô, ou Achilles l’image. Le second, représenté par les
1963 ; le Cheval, 1967) ; Zbigniew Rybc- (1995), délibérément homosexuel. Peter oeuvres du natif indien Ishu Patel (Para-
zynski, Grand Prix du festival d’Annecy Lord et Nick Park s’engagent dès les dise, 1985) ou par celles du cartoonist Ri-

47
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

chard Condie (The Big Snit, 1985) ou de désormais sur des palettes graphiques, des mouvements apparents en autorisant
Marv Newland (Hooray ! For Sanbdbox tel le Français Michaël Gaumnitz (Éluard un enchaînement de séries d’images
Land, 1984) tend à sacraliser l’image ou 101 poèmes, 1995 ; Claude Monet, fixes de plus en plus longues.
à renouer avec une vieille imagerie. Dans peintre, 1997), articulant au rythme des Le Thomatrope du docteur John
ce contexte partidaire, l’oeuvre de Fré- algorithmes, métamorphose des formes, Ayton Paris (1825-26) ne permet que
déric Back, plus consensuelle quoique des couleurs et des sons. Tel encore le de confondre deux images complémen-
écologiste, parvient à se détacher de son Français Benoît Razzi, auteur d’effets taires, tracées sur les deux faces d’un
héritage européen et de celui d’UPA, tout d’animation 3 D, collaborateur de Raoul disque tournant autour d’un fil. Exploitant
en conservant une source impression- Servais sur Papillons de nuit (1998, les apports de la stroboscopie, Joseph
niste et naturaliste et à innover par un Grand prix du Festival d’Annecy) ou tel le Plateau et Simon Stampfer (1832) tirent
remarquable traitement des crayons de Japonais Yoichiro Kawaguchi, se récla- un mouvement de 16 à 24 images à tra-
couleurs sur acétate (l’Homme qui plan- mant du computer art, avec son extraor- vers les créneaux du disque du Phéna-
tait des arbres, 1987). dinaire oeuvre morphogénétique, Océan kistiscope reflété dans un miroir. En dis-
Il est probable que la Chine, dont le ci- (1987). À cette donne nouvelle, distincte posant les images successives sur une
néma de prise de vues réelles s’est forte- du cinéma et du cinéma d’animation bande et en les plaçant dans un tambour
ment manifesté fin XXe début XXIe siècle, dans ses principes de conception, vient crénelé, le zootrope de William George
fera preuve du même dynamisme dans répondre la prolifération de tous les nou- Horner portera jusqu’à 50 images.
le cinéma d’animation. Certains signes veaux supports qui, débordant la limite Pour éviter la brutalité optique des
avant-coureurs ont pu le laisser supposer des écrans traditionnels de cinéma et de procédés stroboscopiques, Émile Rey-
dans les années 80, où une utilisation déli- télévision — des écrans géants à ceux naud va compenser optiquement le
cate de la technique traditionnelle du lavis des ordinateurs jusqu’aux applications passage d’une image à l’autre avec un
ou de l’encre de Chine a été renouvelée miniaturisées des jeux vidéo —, sont prisme rotatif pour donner un mouve-
dans les films de Hu Jinqing (l’Huître et désormais les nouveaux espaces des ment enchaîné aux délicates figurines du
la Bécasse, 1985 ; l’Épouvantail, 1987), technologies du numérique. Praxinoscope (1828) ou du Praxinoscope
de Te Wei (Feeling from Mountain and théâtre (1882), qui, grâce à des person-
Water, 1988) ou de Ah Da (les Trois ANIMATION (techniques de l’). nages tracés sur fond noir, les situe en
Bonzes, 1980 ; Trente-six caractères Au XIXe siècle apparaissent des tech- surimpression sur un décor reflété par un
chinois, 1986). Il est certain qu’en ce niques d’images animées qui ne sont plus miroir.
début de XXIe siècle, le Japon fait figure obtenues par des procédés mécaniques Le film comme support d’images.
de talentueux et original challenger. Le mais à partir de la production d’une sé- Reynaud échappe enfin au piège des
remarquable et sardonique Yoji Kuri, aux quence d’images statiques disposées disques et des tambours et aux cycles
gags féroces et post-surréalistes, sou- en fonction du temps. La mise au point répétés de mouvements en fixant sur
vent proches de l’esprit concis des haïkaï de ces techniques achève la préhistoire une bande souple et perforée progressi-
(le Zoo humain, 1960 ; Au fou, 1966), a des spectacles optiques : trois mille ans vement déroulée un nombre indéfini de
fait beaucoup pour initier un cinéma indé- d’images aériennes, d’ombres féeriques, poses successives (jusqu’à 700), tracées
pendant. Celui-ci, dans les années 80, de miroirs magiques ou de projections et colorées à la main. C’est le Théâtre op-
s’est peu à peu imposé mondialement, mécanisées. Lorsque les images ani- tique : Un bon bock (1889), Clown et ses
dans son credo dramatique avec le bou- mées se dotent de moyens mécanisés chiens (1890) sont ainsi les premiers films
leversant Tombeau des lucioles (1988) (verres à tirettes, chromatoscope à rota- d’animation de l’histoire de l’art ; le dispo-
ou épique et fantastique avec les lyriques tion, etc.), commence un art instrumental sitif du Théâtre optique résout à la fois
Mon voisin Totoro (1989) ou Porco Rosso inédit : le cinéma d’animation. Que les sé- le problème de la projection, du film, de
(1994) du créateur du studio indépendant ries de phases distinctes, statiques soient la fixation d’un nombre indéfini d’images
Ghibli, Hayao Miyazaki. composées grâce à des moyens photo- successives, en bref, celui du spectacle

Dans ce contexte mouvant et proli- cinématographiques, vidéoélectriques de projection d’images animées.

férant, où l’animation est devenue une ou informatiques, cet art de l’image par La chronophotographie. La photogra-
expression artistique à part entière et fait image marque l’apparition d’une relation phie, en se généralisant, va supplanter la
parfois office de laboratoire du septième de l’individu à son environnement et des production graphique des séries de posi-
art, est apparue l’image de synthèse. Elle capacités d’analyse et de synthèse des tions des personnages. Mais, la saisie
vient remettre en cause ou brouiller les phénomènes dynamiques. Ainsi va se photographique instantanée n’étant pas
frontières d’un territoire déjà complexe, confirmer un mariage des sciences et encore réalisée, c’est à partir de poses
proposant aux systèmes de représenta- des arts que Riccotto Canudo n’appellera successives que cette synthèse va être
tion analogiques que sont peinture, pho- de ses voeux que bien plus tard, et qui, tentée (bioscope de Antoine Jean Fran-
tographie et cinéma la substitution d’un dans notre civilisation « mécanisée », ne çois Claudet (1852), Kinematoscope de
autre, reposant sur une simulation désor- va plus cesser de provoquer l’intérêt des Coleman Sellers (1863).
mais numérique de lois physiques, ma- générations d’ingénieurs, de créateurs et Avec le Kineograph de Thomas Linnett
thématiques et biologiques. Les majors de dramaturges visuels. apparaît une forme de livre que Guten-
américains tentent d’absorber les fruits Découverte de l’image par image. berg n’avait pas prévue. Populaires vers
de cette expérience déjà vieille de plus Rejoignant une observation de John 1897 sous le nom de flip book ou de
de vingt ans, en misant, par exemple, sur Locke sur le cercle de feu produit lorsque feuilletoscope, les photos successives
le travail de l’Américain John Lasseter. Le l’on fait tourner un charbon ardent (1739), regroupées en carnet glissent sous les
succès de ses premiers courts métrages Peter Mark Roget a présenté à la Royal doigts comme un paquet de cartes à
(Luxo Jr, 1987, nominé aux Oscars), Academy, en 1824, un mémoire consacré jouer en reproduisant le mouvement.
empreints de l’héritage comique du car- aux effets de la persistance rétinienne sur La mise au point de la photographie
toon, l’ont encouragé à réaliser sous la perception des objets mouvants. L’ère instantanée va étendre les capacités
l’égide de LucasFilm, dans cette même de la synthèse du mouvement visuel va de saisie, d’analyse et de synthèse des
technique, les longs métrages Toy Story s’ouvrir sur une floraison de jouets op- images en mouvement. Une nouvelle
(1995), 1001 Pattes (1998) et Toy Story tiques à lecture directe qui exploreront étape de l’évolution des arts visuels
2 (1999). Europe et Japon s’investissent les caractéristiques de la persistance des s’engage avec l’apparition des méthodes
aussi. Peintres vidéographes travaillent images rétiniennes et de la perception chronophotographiques, qui, à partir de

48
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

1882, vont proposer une nouvelle famille tif des 4 ou 5 images assurant la transi- cundo de Chomón réalise, avec El hotel
de documents irréfutables qui traduisent tion de la disparition ou de la métamor- eléctrico (1905), le premier film d’objets
l’idée de temps en termes d’espaces. phose : les substitutions sont renforcées et de personnages vivants (cheveux, vê-
Leurs positions condensées ou enchevê- par une transition dans le mouvement tements, meubles, etc.), immédiatement
trées ne participent plus à l’unité, du point ou par le maintien calculé de quelques repris par James Stuart Blackton dans
de vue instauré par la Renaissance : mouvements flous (le Tonnerre de Jupi- Hôtel hanté (1907) ainsi que par l’Ameri-
Jules Janssen, Étienne-Jules Marey, ter, Méliès, 1903) pour arriver à de véri- can Mutoscope and Biograph dans Mister
Eadweard James Muybridge ou Thomas tables animations par prise continue de Hurry Up of New York (1907) et The Tired
Eakins exploiteront différents dispositifs 4 ou 6 images successives : Jack and Tailor’s Dream (id.). De la réalisation de
(plaque mobile, plaque fixe pour saisie the Beanstalk (Edison, 1902) ; Check ces premiers films vont progressivement
stroboscopée, batterie d’appareils à dé- to Order (American Mutoscope and se dégager différentes techniques éco-
clenchements successifs et finalement Biograph, 1903) — en tirant des mou- nomiques et expéditives, autorisant une
film) qui fragmentent en positions succes- vements inexplicables ; le Locataire dia- production solitaire, et des applications
sives les mouvements d’êtres vivants ou bolique (Méliès, 1909), qui annonce les plus ou moins plastiques ou sculpturales,
mécaniques. animations en « stop motion » de Norman que l’on retrouvera à chaque nouveau
Le cinématographe. En 1888, Marey McLaren. Lorsque le cinéma devient un départ de style national ou de créateurs
met au point son chronophotographe à art industriel (de 1906 à 1911), les réa- indépendants, qu’il s’agisse de la nais-
plaque mobile. George Eastman propose lisateurs exploitent toutes les capacités sance de l’Office du film au Canada en
des bobines de papier négatif qui vont gé- de rupture et d’accélération (les Effets 1940, ou des styles européens vers la fin
néraliser les observations et les commu- d’une valse lente, G. Velle, 1903) à un des années 50.
nications visuelles fondées sur des séries haut niveau de virtuosité instrumentale, Animation d’objets et de person-
indéfinies des photogrammes. Dès ces parcourant dans le même film toutes les nages en volume. Stop motion, ou pixi-
premières réussites se confirme l’impor- cadences de tournage de 18 images par lation. À partir de ces quelques oeuvres,
tance des capacités d’analyse et de syn- seconde à 1 image pour 3 secondes de il se développera une forme de création
thèse des images animées, par opposi- réalité, tels Onésime horloger et Onésime scénographique et de dramatisation, pre-
tion à la simple reproduction des images et le Nourrisson (1912) réalisé par Jean mière forme de cinéma image par image
d’enregistrement que va bientôt imposer Durand pour Gaumont. en trois dimensions posant tous les pro-
le Cinématographe des frères Lumière Le cinéma image par image. Toute blèmes de l’animation par mouvement ar-
et qui domineront, pendant presque un extraction discontinue d’images ins- rêté. Le mouvement arrêté consiste à dis-
siècle, la conception et la production tantanées prises à temps régulier d’un poser objets ou personnages dans une
réaliste des imageries dynamiques du phénomène lent accélère ce dernier à position donnée, à prendre l’image, à les
cinéma et de la télévision. la projection. Dès 1864, Louis Ducos du replacer ou à les déformer pour reprendre
Partisans d’un visionnement individuel Hauron proposait d’appliquer ce principe une autre image.
du spectacle cinématographique, Tho- à des instantanés successifs séparés Afin, d’abord, de réaliser ce que McLa-
mas Alva Edison réalise un Mutoscope par des délais réguliers afin de mettre ren appellera plus tard la « pixilation »,
(1895) qui, en bloquant successivement en évidence la croissance des plantes mais que pratique déjà Émile Cohl (les
les plaquettes cartonnées portant des ou la construction des édifices. En 1897, Chaussures matrimoniales, 1909) avec
images photographiques et fixées sur William Kennedy Laurie Dickson réalise un plan de chaussures qui marchent
une couronne tournante, restitue le mou- une accélération de la reconstruction toutes seules, les meubles de Mobilier
vement photographié. du Star Theatre de Broadway en pre- fidèle (Cohl, 1910), ou les ciseaux, fils et
Reynaud met au point un Photo-scéno- nant une image toutes les demi-heures tissus dans les Quatre Petits Tailleurs (id.,
graphe (1895) animant par projection des et Robert William Paul brutalise, par un id.), et cela jusqu’à Renaissance (1963)
séries de photos coloriées à la main et tournage réduit presque à l’image par de Walerian Borowczyk. Ce procédé ne
qui, tournées à 16 images par seconde, image, le trajet de On a Run Away Motor cessera de réapparaître dans des pas-
doivent être réduites à 4 par seconde, Car Through Picadilly Circus (1898). Dès sages truqués des films de Mack Sen-
étant donné le système de déroulement 1902, Lucien Buhl construit un disposi- nett ou de Hal Roach, voire de fonder les
manuel. tif filmant image par image le dévelop- petits films fantastiques de Willy O’Brien
Ici commence une exploitation de la pement d’une colonne de botrylles. Ces (The Lost World, 1925), ou d’être exploité
structure chronophotographique du film. méthodes de l’accéléré deviendront une dans quelques oeuvres de McLaren : Two
Elle va encourager des formes de trai- approche indispensable du cinéma de Bagatelles (1952), les Voisins (id.), Il était
tement arbitraire et irréaliste de la prise recherche dans les années 20 et 30 (Ber- une chaise (1957), dans lesquels des ani-
de vues cinématographique, formes que nard Lyot, MacMath, Jean Commandon). mateurs s’immobilisent eux-mêmes dans
pratiqueront les écoles française, amé- Procédé d’observation, le tournage de des positions successives, changent de
ricaine et britannique de films à trucs à non-reproduction des phénomènes, en position et d’équilibre pour chaque image,
partir de 1898. tendant vers l’image par image, va deve- aboutissant à la projection d’un mouve-
Alors que le spectacle cinémato- nir un moyen dynamique de composition ment continu image après image.
graphique naît avec Georges Méliès, scénographique, graphique et plastique. Films de marionnettes. Ce qui est
aux effets proprement photochimiques En 1895, Edison, qui n’était pas encore réalisé en décor réel avec des person-
de la magie noire (surimpression, mul- capable de tourner image par image nages vivants provisoirement immobilisés
tiples expositions, cache/contre-cache, à 1 image près, parvient à animer par dans une position donnée peut être plus
cadres composites) va s’ajouter toute blocs de plusieurs images successives facilement réglé, dans un décor miniature
une gamme de trucs fondés sur la suc- certains passages de The Execution of soigneusement éclairé, avec des marion-
cession des images. Le procédé de l’arrêt Mary Queen of Scots. Léon Gaumont fait nettes dont les articulations métalliques
sur image (stopper le déroulement du breveter en 1900 un procédé de tournage sont suffisamment souples pour pouvoir
film et reprendre le tournage en assu- image par image de cartes et de schémas être disposées dans des attitudes suc-
rant une immobilité parfaite de la caméra animés. Cette méthode assure la prise cessives exigées par l’animation image
permet de provoquer des apparitions ou d’une image pour un tour de manivelle, par image et suffisamment rigide pour
des disparitions) sera progressivement « one tour, one picture » ; on l’appellera conserver la position pendant toute la
perfectionné par un contrôle plus atten- longtemps le mouvement américain. Se- durée de prise de vues d’une phase de

49
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

mouvement (inutile de dire que le pied Modification par additions succes- style de construction fournira aux créa-
fixé d’un personnage doit être solidement sives. Le dessin qui se fait (en procédant teurs individuels des années 40 et 50 un
vissé au sol, pour éviter à la marionnette par addition successive pour chaque moyen d’échapper aux lourdes tech-
des écarts de position non contrôlés, et image prise) a été une des attractions pri- niques dépersonnalisantes du dessin
l’immobilité du décor rigoureusement mitives du cinéma d’animation graphique animé sur cellulo en réalisant et en déco-
maintenue, pour éviter des effets de trem- (Cohl, Blackton, etc.). Carmen d’Avino a rant tous les moindres éléments de leurs
blement de terre involontaires). poussé cette technique jusqu’à métamor- films, participant ainsi à tous les débuts
Segundo de Chomón donne des mou- phoser son modèle par additions succes- des nouvelles tendances techniques et
vements acrobatiques à ses Vêtements sives (The Big O, 1958) pour finalement expressives. Aussi bien à l’ONF du Ca-
cascadeurs (1908) et, dans la Liquéfac- recouvrir une pièce entière, puis tout un nada avec René Jodoin (Square Dance,
tion des corps durs (1909), déforme pro- paysage de rochers image par image : 1944), Grant Munro (The Man on the
gressivement à coups de poing des man- Room (1960) ; A Trip (1961) ; Stone So- Flying Trapèze, 1950), George Dunning
nequins soutenus par des carcasses de nata (1962). et Colin Low (Cadet Rousselle, 1946) ou
fil de fer. Émile Cohl dans les Locataires Modification par changement global. Norman McLaren (Rythmetic, 1956 ; le
d’à côté (1909) et Soyons sportifs (id.) L’écran d’épingles. Illustrateur et gra- Merle, 1958), qu’en France, avec Henri
anime des marionnettes schématiques veur, Alexandre Alexeieff, impressionné Gruel (Martin et Gaston, 1953 ; Gitanos
de bois pour donner le mouvement à de par la matière massive ou brumeuse et Papillons, 1954 ; Monsieur Tête, CO
vraies poupées dans le Tout Petit Faust définie par Berthold Bartosch dans l’Idée J. Lenica,1959), Walerian Borowczyck et
(1910) et le Petit Chantecler (id.). (1932), met au point avec Claire Parker Jan Lenica (Il était une fois, 1957 ; la Mai-

En 1909, le Polonais Ladisav Stare- un procédé original d’animation : l’écran son, 1958), Giulio et Emanuele Luzzati
d’épingles. Dans un cadre, un million de (Histoire des paladins de France, 1960 ;
vitch, commençant par animer des in-
pointes d’épingles situées chacune dans la Pie voleuse [la Gazza ladra], 1964) et
sectes morts, perfectionne dans L’amour
une alvéole accrochent des lumières laté- Jean François Laguionie (la Demoiselle
se venge (1912) la mécanique des ma-
rales comme autant de pointes de cadran et le Violoncelliste, 1965 ; l’Arche de Noé,
rionnettes afin d’obtenir une animation
solaire. Comme elles coulissent, on peut 1967), on assiste au renouveau plastique
excellente ; le Roman de Renard (1932)
égale en cela, par les foules fastueuses les enfoncer ou au contraire les amener de l’animation des années 60.

du Russe Aleksandr Ptouchko, le Nou- à sortir de l’écran. Plus elles dépassent, La même technique permet l’anima-
veau Gulliver (1934). La méthode semble plus les traits d’ombre croisés sont fon- tion d’objets minces ou de minuscules
au point avec les Funny Face Comedies cés pour arriver à un noir profond. Au allumettes (les Beaux Arts mystérieux,
contraire, si on les enfonce totalement, Cohl, 1910). Dans le cas de films à per-
de Red Seal (Cracked One, 1924), qui
combinent le changement de position et l’absence d’ombre laisse apparaître le sonnages, l’animation de silhouettes
d’attitude avec un remplacement image fond de l’écran blanc. plates et articulées simplifie le contrôle
par image de phases successives pour Ainsi s’anime la gravure, point par de la permanence des protagonistes
les touches ou des parties de visage, point, selon une technique qui, en ce qui découpés, permet de soigner la qualité
technique composite que George Pal concerne le façonnage du velours métal- anthropomorphique des mouvements :
amènera à un sommet de virtuosité cari- lique, tient du modelage de l’écran et de Omelette fantastique (1909) ; les Douze
caturale et spectaculaire dans Pirate du la gravure quant au fonctionnement des Travaux d’Hercule (id.) ; les Peintres néo-
ciel (1934) et En parade (1936). La per- ombres : Une nuit sur le mont Chauve impressionnistes (1910) de Cohl.
fection de ses maquettes et de ses anima- (1934) ; En passant (1943) ; le Nez (1963). Variante de cette forme : les silhouettes
tions le conduira à devenir l’un des pion- Déplacements d’éléments décou- animées britanniques de Paul Armstrong
niers des trucages, des effets spéciaux et pés. Le déplacement imperceptible de (1910), qui consistent à donner le mou-
de la production des films fantastiques et morceaux de matériaux plats (bristols, vement image par image à des décou-
d’anticipation, tel Destination Lune (I. Pi- feuille de métal léger, bouts de verres, pages articulés placés sur un fond trans-
chel, 1950), et à diriger le Monde merveil- galets, etc.) permet de composer des parent éclairé par-dessous et, surtout, les
leux des frères Grimm pour le Cinérama tableaux que l’on forme en déplaçant des ombres chinoises de Lotte Reiniger (le
(1962). Citons enfin l’école tchèque avec éléments constitutifs pour chacune des Cercueil volant, 1921 ; les Aventures du
Karel Zeman (la série des M. Prokouk), prises de vues successives. Ce procédé prince Ahmed, LM, 1926) en collabora-
Bretislav Pojar (Un verre de trop, 1954, plonge encore dans la préhistoire de l’ani- tion avec Berthold Bartosch.
le Petit Parapluie, 1957, et le Lion et la mation puisque, dès 1903, de Chomón Il faut également retenir plusieurs
Chanson, 1959), Jirí Trnka avec ses donne le mouvement à des lettres décou- variations d’éléments plats ou de sil-
courts et longs métrages. pées en fixant les états successifs par houettes articulées : le papier découpé
Emploi de la pâte à modeler, ou groupes de 5 ou 6 images, la prise de « en phases », où le personnage est des-
claymation. Par rapport à la raideur du vues d’une image pour un tour de mani- siné et colorié sur du papier, phase après
pantin articulé appelé « marionnette », qui velle n’étant pas encore mise au point. phase, puis découpé et fixé sur cellulo,
véhicule inévitablement une impression Edison (The Whole Dam Family and the méthode qui permet d’approcher l’élasti-
de manipulation, de « jeu à la poupée » Dam Dog, 1905) et l’American Mutos- cité dans le mouvement du dessin animé,
et qui, dans son souci de faire vrai reste cope and Biograph (Wanted a Nurse, tout en préservant une certaine liberté
1906) suivent de peu cette innovation.
limité au point de vue plastique, la tech- graphique (la Planète sauvage, de René
nique de la pâte à modeler retrouve une Dans Jones Meets Skinflint, des pro- Laloux, 1973), les « marionnettes plates »
souplesse et une apparente spontanéité, ductions Edison (1905), apparaît une de Bretislav Pojar (Histoire du petit chat,
ainsi que des possibilités de transforma- main découpée, déplacée image par 1960 ; l’Orateur Billards, 1962) et Iouri
tion et d’invention qui font le charme du image au milieu des lettres ; un coeur et Norstein (le Conte des contes, 1978), qui,
dessin animé (The Great Cognito, 1982). des microbes s’agitent dans The Love en gardant les avantages du relief ou des
Microbe de l’AM B (1907). matières animées, bénéficient des facili-
Animation par changement d’états.
Si l’animation consiste à modifier la dispo- Cohl se lance dans l’animation des élé- tés de stabilité et de déplacement d’une
sition d’éléments distincts dans le champ ments découpés dans Affaires de coeur animation sur plan horizontal.
de l’image saisie par la caméra, elle peut (1909) et le Binettoscope (1910). Fondus enchaînés et pastels ani-
également être obtenue en modifiant les Technique économique aux débuts més. En 1945, McLaren entreprend deux
états plastiques successifs d’un tableau. des films d’animation caricaturaux, ce films : C’est l’aviron et Là-haut sur ces

50
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

montagnes, réalisés dans une manière sept phases d’expression de la lune. En personnage entre une partie fixe (parfois
sombre, les motifs se détachant en clair 1900, dans The Enchanted Drawing, pendant plusieurs secondes) inscrite
sur des fonds nocturnes. Dans le premier, Blackton insère par arrêt sur l’image des sur un calque stationnaire et une partie
composé d’un effet de zoom continu, il séries de 2 à 4 phases d’expression de mobile (bras, jambe, tête) tracée sur un
enchaîne toutes les positions succes- personnages pour aboutir dès 1906 aux calque et bientôt un cellulo convenable-
sives par des fondus de 5 à 8 images. enchaînements, substitutions et dépla- ment repéré mécaniquement et changé
Dans le second, influencé par la peinture cements encore pétrifiés de Humourous pour chaque image. Cherchant toujours
en mouvement des films d’Alexeieff, il en- Phases of Funny Phases, suivi de Light- à mieux dissocier les éléments consti-
chaîne des états graphiques successifs ning Sketches (1907) et The Magic Foun- tutifs de l’image (personnages, décors,
faisant courir des lumières sur le dos des tain Pen (1909). effets), Barré, dans la série des Grouch
collines et laissant apparaître des détails Mais c’est l’animateur français Cohl qui, Chaser, utilise des matériaux transpa-
du paysage, renforçant toujours plus avec le Cauchemar du Fantoche (1908) rents. D’abord, des plaques de verre
l’animation d’effets graphiques, flammes, et Fantasmogorie (id.), démontre du pre- pour tracer des effets spéciaux, image
émergence d’objets architecturaux dans mier coup la puissance expressive et la par image, sous la caméra : fumée de
A Little Phantasy On a 19th Century Pain- vitalité dynamique du dessin animé, en cigare ou jets de liquide, éléments du
ting (1946) et la Poulette grise (1947). donnant à ce genre ses premiers chefs- premier plan permettant au personnage
Les effets de halo sont tracés et effacés d’oeuvre. L’oeuvre de Cohl appartient de passer derrière un arbre sans que sa
verticalement afin que la poussière tombe encore à l’univers graphique des dessins disparition doive être dessinée image par
naturellement, en prenant une image pour rire « fin de siècle ». Travaillant seul, image. C’est aux studios Barré que Bill
après chaque modification. il utilise toutes les techniques expéditives Nolan utilisera dès 1915 des décors en
Animation de matières brutes. de synthèse du mouvement graphique bande qui défilent sous la présentation
Quelques animateurs tracent d’un cou- image par image (dessin complété trait image par image d’un cycle de phases de
teau précis des formes et même des figu- par trait, animation d’éléments découpés, personnages marchant (horizontalement
rines dans un baquet de matières brutes : animation d’objets et phases graphiques ou verticalement) ; brevetée par Bray et
peinture, taches liquides ou amas pou- successives). Earl Hurd en 1915, la technique du cel-
dreux (sol, couleur, sable). La création d’un cinéma dessiné dont lulo, en se généralisant, va permettre une
Robert Lapoujade tire de ces matières toutes les phases graphiques sont des- organisation industrielle du dessin animé
des formes de stylisation inédites (Prison, sinées revient à Winsor McCay. Il a fallu américain (Studio Bray, Paul Terry). Elle
1962 ; Vélodrame, 1963 ; Trois Portraits pour cela donner une première solution va faciliter la répartition, sur un plus grand
d’un oiseau qui n’existe pas, id.), et Piotr au repérage et à la superposition parfaite nombre de collaborateurs, du poids de
Kamler, des dentelles de personnages des phases successives à l’étape du la création de toutes les phases succes-
et de décor... Eliott Noyes façonne des dessin puis du tournage. L’utilisation de sives de mouvement. Une telle organisa-
figures d’un tracé expéditif (Sandman, feuilles coupées à angle droit et bloquées tion, rigoureuse, du travail va encourager
1973) et Caroline Leaf des scènes sim- par des équerres résout le problème la création des grands ateliers des an-
plifiées dramatiquement situées dans des (Little Nemo, 1911 ; Story of a Mosquito, nées 30, la mise au point de personnages
décors détaillés (The Street, 1977). 1912), mais oblige à tout animer : per- centraux, véritables vedettes internatio-
sonnages et décors (Gertie the Dinosaur, nales d’un très grand nombre de courts
Le dessin animé. Toute l’histoire du
1914). John Randolph Bray choisit un métrages, soutenir la mise au point d’un
film d’animation alterne entre l’exploita-
tion des méthodes expéditives et indi- système de croix de repérage emprunté à style plastique et caricatural qui dominera
la technique de l’imprimerie en couleurs. le dessin animé et le cinéma d’animation
viduelles d’animation par déplacement,
Vers 1914, Raoul Barré, puis Bray vont pendant un demi-siècle.
modification, remodelage image par
image des motifs (premières origines résoudre ce problème fondamental en Pendant quelque temps, cependant,
au début du siècle, multiplication des soumettant tous les éléments dessinés Barré, Pat Sullivan et Otto Mesmer (pour
créateurs individuels et des écoles natio- à une perforation mécanique correspon- Felix the Cat) resteront fidèles à l’ani-
nales dans les années 40 et 50) et les dant à des règles à ergots qui assurent mation sur papier, sauvegardant ainsi
techniques du dessin animé, qui, elles, une mise en place identique de tous les les qualités de contraste et de simplifi-
en exigeant une organisation concertée éléments de l’animation (décors, phases cation graphique qu’imposait ce disposi-
du travail, une spécialisation des tâches, de mouvement, détail de premier plan) à tif, et qu’accentuait encore un tournage
autorisent des niveaux de productivité qui toutes les étapes de préparation, de réa- sur pellicule positive. Ainsi s’est établi un
permettent une fabrication régulière et lisation des phases ou du tournage sur style particulier de dessin animé noir et
suffisamment importante pour tenir une table de prise de vues. blanc propre à l’école de New York des
place industrielle et commerciale dans le Les premiers dessins animés sont années 20, qui, de Barré à Mesmer et
flot des communications visuelles (séries tracés sur papier et tournés sur table aux frères Fleischer de Out of the Inkwell,
de courts métrages des années 20 et transparente éclairée par-dessous. Le exploreront un style de cinéma dessiné
30), Blanche-Neige et les sept nains décor et les personnages ne doivent pas propre à un univers graphique et typo-
(W. Disney, 1937), longs métrages d’ani- s’enchevêtrer ; il faut donc animer les per- graphique dans lequel l’encrier, la plume,
mation des années 40 ou 70, séries télé- sonnages dans les espaces que le décor l’encre noire et la main du dessinateur se
visées des années 60. laisse libre. Ainsi s’explique la mise en disputent les premiers rôles.

Il fallait que, dans son histoire, le page aérée du dessin animé noir et blanc La composition et la réalisation de
puissant moyen d’inscription visuelle en des années 20. Parfois un élément de films d’animation destinés à être distri-
mouvement qu’est le cinéma d’animation décor doit être retracé sur chaque phase bués entre un grand nombre de collabo-
rencontre le dessin et surtout le dessin d’animation (ligne d’horizon, plancher ou rateurs artistiques exigent des méthodes
humoristique. En 1895, Edison convoque porte qui s’ouvre)... de préconception et de planification pré-
Blackton, le fameux caricaturiste du New Très vite, l’immensité de la tâche re- cises (surtout si l’on s’attaque à un long
York Evening World, pour lui faire exé- quise par la création d’un cinéma dessiné métrage de dessin animé ou à des séries
cuter un « dessin express » en prise de conduit les réalisateurs à trouver des de programmes destinés à la télévision).
vues accélérée. En 1901, Love by the moyens de réduire la quantité de tra- D’abord, une planification spatiale,
Light of the Moon (AM B) introduit, par vail. Barré met au point le « Slash Sys- qui définit les caractéristiques des per-
une glissière dans un décor nocturne, tem », qui divise la représentation d’un sonnages et des décors, décrit l’action

51
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

scénique graphique et plastique à travers Nouvelles méthodes électroniques chaîne de production photomécanique et
des croquis successifs de plus en plus et informatiques. Pendant plus de des modes de réalisation encore artisa-
soignés et détaillés (« scénarimage », 80 ans, l’aspect de l’animation était guidé naux.
ou story board), puis précise les échelles par le développement de techniques Traitement et synthèse informa-
de plan, les champs d’action, les entrées manuelles ou mécaniques de production tique des images animées. Le cou-
et les sorties des personnages sur les d’images en mouvement et des procé- plage, à partir des années 50, du tube
décors. dures de synthèse chronographique qui cathodique et de l’ordinateur provoque
Ensuite, une planification temporelle n’ont pas varié depuis Reynaud. Mais, en l’apparition d’un nouveau système de
qui transforme le synopsis en scénario entrant dans un âge informatique de la création visuelle : l’image numérique. La
minuté puis en partition géométrique indi- commande mécanisée, du traitement, de saisie de toutes les valeurs visuelles et
quant sur des bandes horizontales super- la synthèse et de l’animation automati- leur transcription en train de pulsion élec-
posées et découpées en secondes le sée, la position technologique et l’horizon tronique binaire aboutissent à une struc-
détail des actions, des pantomimes, des expressif du cinéma image par image se turation des données sous forme de ma-
dialogues, des effets sonores et musi- trouvent considérablement déplacés. trice numérique. Ainsi, toutes les images
caux en mettant en évidence les nuances Automatisation des dispositifs pho- saisies aboutissent à des tableaux de
de mouvement en fonction du temps. tomécaniques. Dès les années 40 ap- chiffres qui définissent l’image à un point
paraît une classe nouvelle de technique près. Tout tableau de chiffres donne une
De ces tables de minutage seront
tirées, lors de la réalisation de l’anima- image par image recourant à des auto- image. D’autre part, ces tableaux stoc-
tion, les feuilles d’exposition qui porteront mates, qui, lorsque les paramètres de kés dans une mémoire numérique sont
sur des feuillets verticaux les détails de mouvement ont été précisés, engagent, infiniment remodelables par inclusion,
poursuivent et achèvent dynamiquement
superposition des cellulos, de mise en suppression ou calcul ; ils ouvrent la voie
le tracé d’une figure correspondant à leur
place sur le plateau de la table de prise à une création d’images et d’oeuvres
domaine d’évolution.
de vues, de passage dans la caméra ou continuellement variables (voir déjà les
de mouvement de tournage, en accor- Avec son Cam System, John Withney jeux vidéo). Bientôt, un cinéma interac-
dant une ligne pour chaque image du film. contrôle, avec un ordinateur analogue, tif (1984) va s’opposer à un audiovisuel
les trajets successifs d’éléments généra- classique d’oeuvres fixées et définitives et
Vient alors le moment de produire
teurs élémentaires (points, traits, cercles,
l’animation proprement dite sur des docu- d’exploitation par présentations ou diffu-
courbes) pour produire des traînées lu-
ments : fonds, calques d’animation, cellu- sions répétitives.
mineuses, des enchevêtrements et des
los portant tous les mêmes perforations Avec l’apparition des traitements ana-
semis de formes, des animations de
de repérage afin de conserver une posi- logiques graphiques et plastiques de la
flous et d’incandescences (Film Exercise,
tion définitive aux éléments à toutes les vidéo des années 60 et 70 (art vidéo, vi-
1943-44 ; Catalog, 1961) : origines de
phases de la préparation, de la réalisation déoclips musicaux) et de l’image informa-
toute une esthétique abstraite, luministe
graphique, et du tournage. tique (militaire dans les années 60, indus-
et hypnotique qui a caractérisé les ima-
Aux premiers croquis libres du réalisa- trielle et architecturale des années 70,
geries de science-fiction et publicitaires
teur et des chefs animateurs qui donnent généralisée, scénographique et ludique
des années 70. En enregistrant image
des silhouettes intenses et expressives des années 80), le cinéma d’animation
par image les parcours de pendules com-
du personnage succèdent des tracés plus perd son ancien privilège de création syn-
posés dont ils modifiaient les rapports de
précis, qui constitueront des extrêmes thétique d’image et de mouvement, qui
jambage pour chaque image, Alexeieff et
d’animation. Des assistants d’animation l’opposait traditionnellement au courant
Claire Parker ont donné le mouvement à
fourniront les phases intermédiaires né- imitatif et documentaire de la prise de
des formes périodiques (Fumée, 1952 ;
cessaires à une recomposition graphique vues directe cinématographique ou de la
Sève de la terre, 1955).
du mouvement (les « intervalles ») à rai- transmission vidéo en direct. À partir de
La précision et la répétabilité infaillible
son de 16 images par seconde pour le 1965 se développe un champ de créa-
des contrôles informatiques permettent
cinéma muet et de 24 ou 25 images par tion d’images animées artificielles qui
de régler les trajectoires de tournages
seconde pour le cinéma sonore et la télé- ne répond plus seulement aux principes
de maquettes. La même banque de
vision. de discontinuité image par image qui
données assure le déplacement d’un
Ensuite, chacun des dessins est traçage au trait sur un écran cathodique définissaient jusqu’à présent le cinéma
tracé sur cellulo avec des encres ou des et le déplacement électromécanique d’animation. Maintenant, le contrôle de
gouaches de couleur (traçage) puis les d’une maquette suivant les mêmes lignes l’image est réalisé à un point d’image
différentes plages cernées par le dessin d’évolution, une superposition du véhi- près ; si la définition technique du cinéma
sont remplies de couleurs sur la face cule, des effets de flammes, d’explosion, d’animation demeure toujours un art de
inverse du cellulo (gouachage) afin de l’animation d’un ciel constellé d’étoiles. composition visuelle dynamique fondé
s’imposer dynamiquement sur les décors Le contrôle informatique des animations, sur le contrôle d’une succession d’élé-
(fonds) grâce à leur opacité. des superpositions de combinaisons, ments distincts, l’animation doit ajouter
Avec l’apparition du cinéma sonore d’inclusions cache-contre-cache a renou- à l’unité du cadre (système de construc-
(Western Electric, 1920-1922), les stu- velé le style et le réalisme des trucages tion image par image) celle du point
dios Walt Disney décident de produire des films épiques, ou de science-fiction d’image (comme dans l’écran d’épingles
des courts métrages accompagnés par (2001 : l’Odyssée de l’espace de Stan- d’Alexeieff), de nouvelles possibilités de
une bande son, avec Steamboat Willie ley Kubrick, 1968, et des films de la série contrôle fonctionnel sur des ensembles
(1928) et la série Silly Symphony à partir Star Wars, 1977, ou Star Trek, 1979) en de points ou d’images successives, ra-
de 1929. Cette série va d’ailleurs accroître redonnant une importance accrue aux fales de déplacements sur banc de prise
la complexité de la planification tempo- superproductions spectaculaires. de vues automatisé ; elle peut surtout ma-
relle en imposant des structures lyriques Les progrès du transfert de l’image nipuler des ensembles d’unités distinctes,
et métriques à une animation visuelle vidéo sur films, le recours à la production instrumentalement, en temps réel, sans
désormais renforcée par des bruitages, d’effets sur des systèmes de télévision à passer par un enregistrement image par
des effets sonores, un accompagnement haute définition et les progrès constants image différé (simulation, contrôle ges-
musical et des séquences de danse ou de l’image informatique vont obliger le tuel de l’animation, recours à des fonc-
d’exécution instrumentale. cinéma d’animation à abandonner la tions câblées, etc.).

52
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

Par rapport à la création naturelle plus complexes telles que l’animation des ANKJERSTJERNE (Johan), chef opéra-
d’images manuelles, la réalisation décors, celle des personnages à partir teur danois (Randers 1886 - Copenhague
d’images animées informatiques exige des « model sheets » créés par l’auteur. 1959).
la maîtrise de méthodes complexes de Puis il est devenu théoriquement pos- Il est l’une des figures majeures de l’âge
description et de manipulation des objets d’or du cinéma danois. Son sens de
sible d’exécuter la totalité des opérations
visuels, puisqu’il faut décrire les images l’éclairage et des contrastes lui confère
conduisant à la réalisation intégrale d’un
mathématiquement et organiser les don- une place de choix parmi les grands pion-
dessin animé au moyen de l’ordinateur,
nées, les mots et les instructions suivant niers de l’image. Il travailla notamment
c’est l’option « zéro papier » utilisant des
les règles des langages informatiques avec August Blom (Atlantis, 1913) et Ben-
logiciels spécifiques et performants tels
pour communiquer avec l’image mise sur jamin Christensen qui lui doit beaucoup
que Tic Tac Toon. Mais cette option ren-
machine : mais les progrès du codage pour la renommée de la Sorcellerie à tra-
qui permettent d’archiver les images, contre des réticences, les créateurs et
vers les âges (1921).
la transparence croissante des pro- les animateurs ne sont pas encore très
grammes, le recours de commandes inte- à l’aise pour dessiner sur une tablette à ANNABELLA (Suzanne Charpentier, dite),
ractives directes (manche à balai, boule digitaliser. actrice française (Paris 1907 - Neuilly-sur-
roulante, etc.) laissent prévoir un accès Seine 1996).
Animation 3D. On qualifie d’animation
beaucoup plus aisé à ces procédés de La future interprète du film de René Clair
« 2D » une animation traditionnelle des-
création. D’autre part, la réduction des ta- est effectivement née un 14 juillet et
sinée en deux dimensions. L’association
bleaux à des primitives visuelles (points, elle n’a que dix-huit ans lorsque Gance,
des images traditionnelles et des images
lignes, zones, formes élémentaires), la frappé par la photogénie de son visage
de synthèse (générées par ordinateur)
reconstitution des attributs visuels offrent lumineux, la choisit pour interpréter Vio-
ont donné naissance à l’infographie.
un renouvellement complet des pro- line, personnage nimbé de poésie, de
blèmes et activités de composition et de La puissance des ordinateurs a permis son Napoléon (1927). Après cet impor-
dynamique. de calculer et d’animer dans l’espace des tant tournage, Grémillon lui confie un rôle
Engagée sur des représentations de images en volume, ou trois dimensions intéressant dans Maldone (1928). Ce
cartographie militaire ou des schématisa- « 3D », à partir de dessins en 2D et des sont toutefois les débuts du parlant qui
tions mécaniques, ergonomiques, élec- techniques de l’infographie. L’associa- lui apportent la chance en lui offrant les
troniques, pédagogiques, la visualisation tion de ces techniques a rendu possible héroïnes gracieusement sentimentales
informatique sur console graphique va, la réalisation intégrale d’un programme du Million (1931) et de Quatorze Juillet
à partir des années 70, encourager les (1933), deux films de René Clair. Elle
d’animation 3D en images de synthèse.
applications artistiques, notamment avec acquiert vite une réputation européenne
En 1990, Fantôme réalise, en France,
les variations esthétiques sur des formes qui lui permet de transférer dans les stu-
une première série les Fables géomé-
mathématiques développées par Whitney dios berlinois son image de jeune fille au
triques, (50 épisodes de 2mn30) puis en
(Arabesque, 1975) puis par Larry Cuba, sourire tendre, aux gestes effarouchés,
1995 Toy Story (Walt Disney). De très
à partir de constructions périodiques à la voix timide : Autour d’une enquête
nombreux programmes sont réalisés en
dont on fait varier toutes les valeurs. Ce (R. Siodmak, H. Chomette, 1931), Pa-
style de création informatique commandé mélangeant les deux techniques, 2D pour ris-Méditerranée (Joe May, 1932). Elle
par les langages de programmation va les décors et 3D pour les personnages. tourne en Hongrie un de ses meilleurs
étendre le champ de composition abs- L’évolution très rapide de logiciels (3D films : Marie légende hongroise (P. Fejos,
traite en perfectionnant les possibilités studio Max, Maya, XSI, ...) offre une infi- 1932), et c’est un Italien, Carmine Gal-
de contrôle des points, grilles de points, nité de possibilités aux créateurs. Ils sont lone, qui lui fait retrouver le Paris des fau-
zones d’images et des totalités du champ également employés pour la création de bourgs (Un soir de rafle, 1931). Première
de visualisation : KC Knowlton des Bell jeux. Les réseaux haut débit peuvent per- incursion à Hollywood en 1934, mais Ca-
Telephone Laboratories Beflix (1964) ; ravane (E. Charell) n’est pas un succès.
mettre de travailler sur un même projet
Explor (1970), dont Lilleau Schwartz ti- Sa carrière en France jusqu’en 1937 va
depuis des sites différents, ce qui favorise
rera Pixilation, Gogoplex, Olympiad. passer du rire aux larmes, du drame à la
les coproductions internationales et réduit
Déjà les synthétiseurs numériques comédie : Un fils d’Amérique (C. Gallone,
les temps d’exécution.
permettent de créer à partir de fonctions 1932), Mademoiselle Josette ma femme
La capture du mouvement est une
câblées des dispositifs fonctionnant en (A. Berthomieu, 1933), les Nuits mos-
technique qui consiste à enregistrer les covites (A. Granowski, 1934). Elle force
temps réel. Bill et Louise Elra, Woddy et
Steina Vasulka, Dan Saudin, en produi- mouvements d’un comédien et à les re- un peu son talent en acceptant des com-
sant des traitements immédiats de l’image porter sur l’animation d’un personnage en positions dramatiques qui la confirment
devant un public (reprise de balayage, 3D. Il est possible d’animer des person- dans son vedettariat mais qui semblent la
manipulation de zones d’images, pas de nages de synthèse en temps réel à partir gêner et où elle paraît plus souvent figée
numérisation variable, tissage de lignes de l’enregistrement des mouvements de que touchante : l’Équipage (A. Litvak,
et de blocs de couleurs), retrouvent l’es- main d’un marionnettiste ou d’animer la 1935), Veille d’armes (M. L’Herbier, id.),
prit du cinéma abstrait des années 20 et bouche d’une marionnette à partir de la Anne-Marie (R. Bernard, 1936), la Cita-
30 (Fishinger, McLaren). delle du silence (L’Herbier, 1937). Dans
capture du mouvement des lèvres d’un
Techniques numériques. Jusqu’à la la Bandera (1935), Duvivier lui fait tenir
comédien. Des systèmes de capture
fin des années 80, l’informatique consis- un contre-emploi, mais le rôle est court.
utilisant plusieurs caméras, jusqu’à 16,
tait essentiellement en une assistance C’est alors le départ pour les États-Unis,
peuvent permettre de créer des dépla-
technique aux travaux d’animation (Des- où elle rencontre Tyrone Power (elle avait
cements de marionnettes de synthèse.
sins animés assistés par ordinateur). précédemment épousé Jean Murat). Elle
Ces techniques évoluent en permanence
L’ordinateur a, dans un premier temps, participe aux essais en couleurs de la
et s’adaptent aux besoins spécifiques
été utilisé pour l’organisation de la pré- Baie du Destin d’Harold Schuster (1937)
production, la conception des décors, la demandés par les réalisateurs, et cela et se fait diriger par Sjöström dans Sous
réalisation de travaux jusqu’alors exé- d’autant plus facilement que la puissance la robe rouge (id.). Entre une comédie : la
cutés manuellement (traçage, mise en des ordinateurs de type PC ou Mac per- Baronne et son valet (W. Lang, 1938), et
couleurs) puis pour réaliser des tâches met d’utiliser ces logiciels en réseau. un film de prestige : Suez (A. Dwan, id.),

53
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

elle revient à Paris le temps de paraître d’obtenir plusieurs Césars. Il réussit en l’actrice. Cependant, de temps à autre,
dans Hôtel du Nord (M. Carné, id.), mais 1986 la gageure d’adapter le Nom de la celle-ci sait se faire remarquer dans des
son interprétation est vivement critiquée. rose, roman policier théologique et mé- rôles intéressants (ainsi le Retour du
La guerre et l’Occupation la fixent aux diéval, érudit et labyrinthique d’Umberto soldat d’Alan Bridges, Lookin’to Get out
États-Unis ; elle y apparaît dans des films Eco. Coproduction germano-italienne, de Hal Ashby, I Ought to Be in Pictures
de propagande. En 1945, ayant rompu le film remporte le César du meilleur d’Herbert Ross en 1982, Paiement Cash
avec Tyrone Power, elle est victime film étranger en 1987. Il tourne ensuite de J. Frankenheimer en 1986 ou A Tiger’s
d’une cabale. Après 13, rue Madeleine l’Ours (1988), qui remporte un très grand Tale de Peter Douglas en 1987). Elle se-
(H. Hathaway, 1947), elle revient en succès international et adapte en 1991 conde Walter Matthau et Jack Lemmon
France où on l’a un peu oubliée et y joue l’Amant de Marguerite Duras. En 1995, il dans une série à succès (Grumpy Old
de temps en temps dans des films à ten- réalise les Ailes du courage sur l’épopée Men Club, 1993 et Grumpier Old Men,
dance mélodramatique comme Éternel à travers les Andes du pilote de l’Aéro- 1995) mais c’est surtout dans l’Enfer du
Conflit (G. Lampin, 1948). Elle s’éloigne postale, Guillaumet. Ce moyen métrage dimanche (O. Stone, 1999) qu’elle crée
encore une fois de son pays, s’installe en tourné avec une caméra IMAX 3 D fut une sensation : riche beauté fanée, por-
Espagne, où elle paraît dans quelques présenté à New York sur l’écran géant tée sur les petits chiens et l’alcool, elle
histoires qui ne laissent pas grand souve- (de 26 mètres sur 33) du Sony IMAX de tombe le masque face à Al Pacino dans
nir, puis elle se tait. Dans les années 30, Broadway. En 1997 il présente Sept ans une scène d’émotion sobre et mémo-
celle qui avait choisi son pseudonyme en au Tibet. rable.
lisant Edgar Poe a réussi à donner de la
jeune Française une image sentimentale ANNENKOV (Georges), créateur de cos- ANNONCE.
qui garde encore du charme. Servie par tumes français d’origine russe (Petropa- Annonce faite à voix haute, en début de
un visage émouvant, gênée par une voix vlovsk-[Kamtchatka] 1891 - Paris 1974). prise, des principales informations de la
grêle, elle a souffert d’être une midinette L’essentiel de sa carrière est consacré claquette. ( REPIQUAGE.)

égarée dans de lourdes productions. au théâtre, d’abord en URSS, puis en


France, où il s’exile au milieu des an- ANOUILH (Jean), auteur dramatique et
ANNAKIN (Ken), cinéaste britannique (Be- nées 20. Au cinéma, il aurait contribué dialoguiste français (Bordeaux 1910 - Lau-
verley 1914). au Faust de F. W. Murnau (1926), mais sanne, Suisse, 1987).
Après divers métiers, Ken Annakin vient c’est en France qu’il s’impose. Peintre Employé dans la célèbre agence Damour,
au cinéma durant la guerre, comme as- et portraitiste, il excelle à créer des cos- il travaille sur des films publicitaires avec
sistant opérateur puis comme réalisateur tumes dont la stylisation souligne l’accord Jean Aurenche, Jacques Prévert, Paul
avec Holiday Camp (1947). Il devient intime entre décor et sujet : Mademoiselle Grimault, mais c’est le théâtre qui le pas-
bientôt l’un des réalisateurs les plus sûrs Docteur (G. W. Pabst, 1937), Mayerling sionne. Sa première pièce est montée en
et les plus prolifiques de l’industrie ciné- (A. Litvak, id.), Nuits de feu (M. L’Her- 1932, et il devient secrétaire du théâtre
matographique anglo-américaine. Parmi bier, id.), Tarakanowa (F. Ozep, 1938), de Louis Jouvet. De 1936 à 1939, il écrit
plus de trente longs métrages, on peut le Drame de Shanghai (Pabst, id.), la des dialogues de films avec Aurenche, et,
citer : Miranda (1948) ; la Femme du Duchesse de Langeais (J. de Baron- en 1943, il met en scène une adaptation
planteur (The Planter’s Wife, 1952), avec celli, 1942), Pontcarral, colonel d’Em- de sa pièce le Voyageur sans bagages.
Claudette Colbert et Jack Hawkins ; Qui pire (J. Delannoy, id.), l’Éternel Retour Il signera huit ans plus tard sa deuxième
perd gagne (Loser Takes All, 1956), écrit (id., 1943), Patrie (L. Daquin, 1946), la mise en scène de cinéma : Deux Sous de
et produit par Graham Greene ; les Ro- Symphonie pastorale (Delannoy, id.), la violettes. Bien qu’il se consacre essen-
binsons des mers du Sud (Swiss Family Chartreuse de Parme (Christian-Jaque, tiellement au théâtre, il collaborera à sept
Robinson, 1960) ; V. I. P. (Very Important 1948). Pour Max Ophuls, sur qui il a films de 1947 à 1960, dont Monsieur Vin-
Person, 1961) ; Ces merveilleux fous publié en 1962 un passionnant livre de cent (M. Cloche, 1947), Pattes blanches
volants dans leurs drôles de machines souvenirs, il crée les habits de poupées (J. Grémillon, 1949), le Chevalier de la
(Those Magnificent Men in Their Flying de la Ronde (1950), les « filles de tous nuit (Robert Darène, 1954) et la Mort de
Machines, 1965) ; la Bataille des Ar- draps » du Plaisir (1952), les variations Belle (É. Molinaro, 1961).
dennes (Battle of The Bulge, id.) ; l’Appel en noir et blanc de Madame de... (1953)
de la forêt (Call of the Wild, 1972) ; Paper et la parade superbement colorée de Lola ANSCHÜTZ (Ottomar), photographe alle-
Tiger (1975). Montès (1955). Il a publié un autre livre mand (1846 - 1907).
de souvenirs : En habillant les vedettes Sans doute originaire de Lissa (Leszno)
ANNAUD (Jean-Jacques), cinéaste fran- (1951). en Posnanie. Précurseur du cinéma,
çais (Juvisy-sur-Orge 1943). dans la lignée des travaux de Muybridge
Après avoir fait l’école de Vaugirard ANN-MARGRET (Ann-Margret Olsson, et Marey, il s’intéresse à l’analyse et à
(1962) et l’IDHEC (1964), Jean-Jacques dite), actrice américaine d’origine sué- la synthèse du mouvement. Il est surtout
Annaud se lance dans la confection de doise (Valsjobyn, 1941). connu pour son Tachyscope (ou Tachys-
films publicitaires ; il en tourne 400 entre Elle débute comme ingénue romantique kop) électrique ou Électrotachyscope
1966 et 1976. Son premier long métrage, dans Milliardaire pour un jour de Frank (1889), amélioration d’un Tachyscope
la Victoire en chantant (FR-RFA-CDI, Capra en 1961. George Sidney ayant mis légèrement antérieur. Dans cet appareil,
1976), parabole très caustique sur le co- en valeur, dans Bye Bye Birdie (1963), présenté au public berlinois du 19 au
lonialisme, obtient l’Oscar du meilleur film ses talents de chanteuse et de danseuse, 21 mars 1887, 24 photographies sur verre
étranger à Hollywood en 1977 (et il est son dynamisme et son sens de l’humour, représentant les phases successives d’un
alors reprogrammé sous le titre : Noirs et et la Chatte au fouet (Kitten With a Whip, mouvement cyclique étaient montées à la
Blancs en couleur). Poursuivant dans la 1964), de Douglas Heyes, exhibé sa sen- périphérie d’une roue métallique de grand
voie de la satire politico-sociale, Annaud sualité, elle est vouée depuis lors à jouer diamètre : un contact électrique déclen-
brosse, dans Coup de tête (1979), une les vamps caricaturales (Tommy, K. Rus- chait une impulsion lumineuse au pas-
certaine mentalité provinciale encline sell, 1975), dans des comédies musicales sage de chaque vue derrière la fenêtre
aux pires injustices. La Guerre du feu ou non. Une sensibilité profonde apparaît d’observation, immobilisant ainsi cette
(1981), film sans dialogues d’après le dans ses rôles dramatiques (Ce plaisir vue pour l’oeil. En 1884, il avait réalisé
roman fameux de Rosny aîné, l’impose qu’on dit charnel, M. Nichols, 1971). Aux un projecteur Tachyscope à deux roues,
sur le marché international et lui permet États-Unis, la meneuse de revue éclipse portant respectivement les vues paires

54
DICTIONNAIRE DU CINÉMA

et impaires, un mécanisme de Croix de série des Frau Wirtin en 1969-1973 —, ment démocratique de Raúl Alfonsín, il
Malte faisant avancer une roue pendant même lorsqu’il atteint un budget plus assume la direction de l’Institut National
que l’autre était immobilisée. confortable : Treize Femmes pour Casa- du Cinéma (1983-1989) et impulse avec
nova (Casanova and Company, 1977). succès le renouvellement et la promotion
ANSCOLOR PROCÉDÉS DE CINÉMA EN En 1981, il réalise en Autriche Der Boc- du cinéma argentin. Ensuite, il crée l’Uni-
COULEURS kerer sur le nazisme et la guerre vus par versité du cinéma à Buenos Aires (1991),
un petit bourgeois de Vienne. Six années devenue le berceau des jeunes réalisa-
ANSTEY (Harold Macfarlane Anstey, dit plus tard, il renoue avec les thèmes tradi- teurs argentins, dont la vitalité surprend
Edgar), cinéaste, producteur et théori- tionnels, produisant et réalisant une bio- les festivaliers et la critique internationale.
cien britannique (Watford 1907 - Londres graphie de Johann Strauss : Der König
1987). ohne Krone. ANTIREFLETS.
Spécialisé dans le cinéma documentaire Couche antireflets, très fine couche
et le film industriel, il réalise, en 1933, ANTHONY (Joseph Deuster, dit Joseph), transparente déposée à la surface d’une
Unchartered Waters et, en 1934, Eskimo cinéaste américain (Milwaukee, Wis., lentille pour diminuer la lumière réfléchie
Village, puis il assure le montage sonore 1912 - Hyannis, Mass., 1993). par cette surface. ( OPTIQUE ONDULA-
de Granton Trawler (J. Grierson, 1934). Acteur de théâtre (1935-1954), il tient TOIRE.)
Il signe en tant que réalisateur (Housing aussi quelques rôles à l’écran, dans la
Problems, 1935 [CO A. Elton] ; Enough to Source de feu (Irving Pichel et Lansing ANTOINE (Léonard André), cinéaste fran-
Eat ?, 1936) ou producteur (Advance De- C. Holden, 1935), l’Ombre de l’introu- çais (Limoges 1858 - Le Pouliguen 1943).
mocracy, 1939) quelques documentaires